RESJOUY D’AMOURS
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RESJOUY
D’AMOURS
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À défaut d’une farce drôle, nous avons là une drôle de farce. Son personnage principal, Réjoui d’Amour, porte un nom allégorique, mais pas les deux autres. La versification relève de la poésie lyrique, rhétorique ou mythologique, mais pas du théâtre populaire. Bernard Faivre1 résume : « On a un peu le sentiment qu’un érudit, en tout cas un homme de culture, s’est distrait à écrire une farce sans se préoccuper de trop près des nécessités dramaturgiques concrètes : à la fin de la pièce, Gaultier doit brûler tous ses meubles, ce qui n’est pas une réalisation théâtrale très aisée ! » Et Faivre conclut : « Nous avons ici une pièce où personne ne triomphe ; chaque protagoniste sort de l’aventure plutôt amer et dépité. »
Cette farce normande, écrite dans la première décennie du XVIe siècle, campe un procureur et un avocat ; elle pourrait donc être l’œuvre de la Basoche de Rouen, qui fut instituée en 1499 (v. la notice du Raporteur). Toutefois, on voit mal comment l’incendie final, même s’il était plus ou moins symbolique, aurait pu être simulé dans une salle close où la fumée n’était pas bienvenue. Mais nous savons que dans les Mystères, les créateurs d’effets spéciaux et les accessoiristes faisaient preuve d’une imagination qui nous laisse encore pantois.
Source : Recueil de Florence, nº 18.
Structure : Rimes fratrisées, abab/bcbc, rimes plates, pentasyllabes en aabaab/bbcbbc, refrains libres.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse de
Resjouy d’Amours
qui révèle son secret à
Gaultier Guillomme, dont il
est mis ou sac aux lettres
de peur d’estre bruslay.
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À .III. personnages, c’est assavoir :
RESJOUY D’AMOURS
GAULTIER GUILLÔME
TENDRETTE
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RESJOUY D’AMOURS commence 2 SCÈNE I
Je suis bien en amour3 parfaicte
Parfaictement mis et assis,
Assis en doulceur trèsparfaicte.
Par4 faitz, par balades et ditz
5 Dictés de nobles contreditz,
[Contre dix, motz je maniroye]5.
Je m’en iroye moult envis6,
Se envieux venoient en voye.
GAULTIER GUILLAUME
Plaisir est bien bon, au premier7.
10 Premièrement quant j’euz ma femme,
Femme me sembloit ung rousier
Arousay de si noble fame8.
Affamé com ung vieulx limier9,
Lymant10 tousjours en basse game11,
15 [Game essaieray]12 jusqu’au dernier.
D’errénier13 va mal, sur mon âme !
RESJOUY
Fait-elle ung petit de la Dame14 ?
GAULTIER
Mais assez, de ce ne fais doubte.
RESJOUY
Fait-elle bien la15 passeroute ?
GAULTIER
20 Mais trop, de par le dyable, trop !
RESJOUY
Fait-elle bien le « sault », ung cop16 ?
GAULTIER
Aussi plaisant17 comme beau frische.
RESJOUY
Mais habille18 comme une bische ?
GAULTIER
Mais large com ung vieil houzeau19 !
RESJOUY
25 Sçait-el bien faire le beaubeau20 ?
GAULTIER
Tant [bien] que c’est chose incréable21 !
RESJOUY
Fait-elle bien de la notable ?
GAULTIER
C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée22 !
GAULTIER
El a la gorgecte frazée23,
30 Ung corps faictis24, comme de cire25.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
GAULTIER
À passer temps, toute saison,
[Je] ne vueil qu’estre en ma maison :
Ma vie sera là finée26.
35 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
Touteffois, j’ay ung peu affaire27 :
Contre elle, souvent, me fault taire ;
C’est la condicion [la] pire.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
[GAULTIER]
40 Ung corps traictifs28, long, assez plain,
Tétins rond[s], menuecte main,
Une chair blanche comme naige.
Pour belle femme je la plaige29.
[RESJOUY]
Femme d’hommes30 prou désirée ?
GAULTIER
45 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
C’est ung soulas31 !
RESJO[U]Y
Quelle plaisance !
GAULTIER
C’est ung souhait32 !
RESJOUY
Quelle substance !
GAULTIER
C’est ung désir !
RESJOUY
Quel vray recours !
GAULTIER
Ung trésor de bien !
RESJOUY
Quel secours !
.
TENDRECTE, femme de Gaultier, commence.33
50 Femme qui est en bon estat SCÈNE II
Et qui a mary gracieux,
Qui ayme bien le doulx « esbat »,
C’est ung trésor fort précieux34 :
Car il n’est point, dessoubz les cieulx,
55 De si grant doulceur, quoy qu’on die.
Jamais on ne doibt quérir mieulx.
RESJOUY 35
(Vélà feu36, sans nul mocquerie !)
TENDRECTE
Nul n’a rien, qui37 ne se marie.
RESJOUY
(Quel beau mirouër à gallans38 !
60 Et a les yeulx estincellans39
Comme la raye40 du soleil ;
Je n’en pourroyes oster mon œil.)
TENDRECTE
Ung plaisir assis en raison
[Est] une excellente doulceur.
65 Qui fait avoir riche maison ?
Ce fait amours [et] joyeux cueur.
Car, pour obvyer41 à douleur,
Femme doict estre gracieuse.
RESJOUY
(Vélà, par mon doulx Créateur,
70 Une chose moult précieuse !)
TENDRECTE
[Et] pour avoir femme à souhait,
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Quel joliet musequinet42 !)
TENDRECTE
Suis-je point pour gaigner le pris43 ?
75 Suis-je grossecte ? Suis-je gresle44 ?
Suis-je bien faicte ? Suis-je belle ?
Que dit-on en Court45, pour devis ?
Suis-je bien46 ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Je meurs !)
TENDRECTE
Et mon chapperonnet ?
80 Est-il fait47, dessoubz, le soufflet ?
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
En point comme ung cheval sellay !
Hélas ! que se j’avoyes meslay
Mes billectes48 en ses factras,
85 Aujourd’huy, noz49 deux, bras à bras :
Tout déduyt50 !)
TENDRECTE
Couleur de pommecte
Qui est ung bien peu vermeillecte,
Assise en [auc]une blancheur51.
RESJOUY
(Et ! par mon trèsdoulx Créateur !
90 Prenez52 que son fait ne me touche ;
Pourtant, l’eau m’en vient à la bouche53
Pour ung seul regard. Quel visaige !)
TENDRECTE
Suis-je bien gencte de corpsaige54 ?
RESJOUY
(Sy trèsgente qu’il n’y fault rien55.)
TENDRECTE
95 Mes habitz me si[é]ent-ilz bien ?
RESJO[U]Y
(Si trèsbien que c’est ung plaisir !)
TENDRECTE
Suis-je femme pour bien servir ?
RESJOUY
(Servir ? Que fusse vo56 servant !)
TENDRECTE
Suis-je bien, derrière et devant57 ?
RESJOUY
100 (Devant toutes suppellative58 !)
TENDRECTE
Et vive telle femme, vive !
RESJOUY
(Vive Dieu59 ! je meurs de douleur.
Iray-je, par mon Rétempteur60 ?
Il n’a rien, qui ne s’aventure61.
105 Hé ! sang bieu, quelle créature !
Je m’y en voys62, bon gré ma vie !
Jà couhard63 n’aura bel[le] amye.)64
.
Vén[u]s, la déesse d’Amours, SCÈNE III
Qui est des amoureux secours65,
110 Vueille garder la noble Dame !
TENDRECTE
Et vous, sire !
RESJOUY
Et ! sur mon âme,
Palas a mis tout son povoir
Pour66 de saigesse [vous] pourvoir,
Espoir de noble secourance !
TENDRECTE
115 Ha, quel raillard !
RESJOUY
Toute plaisance
Et richesse dame Juno67,
Sans arrester68 ne dire « ho ! »,
Vous vueille, en [tout] bien, maintenir !
TENDRECTE
Dieu vous vueille bien soustenir,
120 Et si, vous gard69 !
RESJOUY
Hélas, m’amye !
Alétho70, nourrice d’Envie,
Soit71 mise à mort ! [Et] com on dit,
Très supellatif72 appétit :
Tout honneur !
TENDRECTE
Voz motz sont haultains73.
RESJOUY
125 Ilz sont trèstous de plaisir taints ;
Mais par leur droit, ilz sont infâmes :
Je ne sçay saluer les Dames,
Excusez l’imperfection.
TENDRECTE
[Et] quel est vostre intention ?
RESJOUY
130 Seullement tout vostre gré faire.
TENDRECTE
De cela vous povez bien taire74 !
RESJOUY
J’ay tousjours sur vous mon regard.
TENDRECTE
Vous venez ung petit bien tard75.
RESJOUY
Je me tiens vostre serviteur.
TENDRECTE
135 Mectez en aultre76 vostre cueur !
RESJOUY
Auray-je point, de vous, secours ?
TENDRECTE
Faictes ailleurs aultres amours !
RESJOUY
Seray-je de vous escond[u]it ?
TENDRECTE
Encore n’estes-vous pas duyt77 ?
RESJOUY
140 Ayez pitié du compaignon !
TENDRECTE
Je ne veulx point d’amoureux, non !
RESJOUY
Vostre regard seul est ma joye.
TENDRECTE
Advisez bien tost aultre voye,
Becjaulne78 ! Où cuidez-vous estre ?
145 Advisez l’huis79 ou la fenestre,
« Transsi d’Amours », ligièrement80 !
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RESJOUY SCÈNE IV
Ha ! ventre bieu, quel parlement81 !
On m’a baillié d’ung plat reffus.
Je ne fus onc aussi camus82,
150 Ce cuyday-je, en mon vivant83.
Je m’en ira[y], tout de ce vent84,
Le dire à Gaultier Guillaume.85
.
C’est la plus belle du royaume. SCÈNE V
GAULTIER
Raige ?
RESJOUY
Raige.
GAULTIER
Plaisir ?
RESJOUY
Plaisir ?
155 Ung grant désir !
GAULTIER
Ung grant désir ?
RESJOUY
Triumphe[r] !
GAULTIER
Tu me dis merveilles.
Dy tout !
RESJOUY
Unes joues86 vermeilles,
C’est ung fait trèstout supernal87.
GAULTIER
Tant, dea ?
RESJOUY
Trésor espécial88.
160 Ung tronc de vertus89, sur mon âme !
GAULTIER
Qu’as-tu ?
RESJOUY
Quoy ? La plus belle femme
Qui fut oncques depuis Hélainne,
Une myne de beaulté plaine,
Source de parfaicte nature ;
165 C’est la plus belle créature.
Onc90 mon parler n’y ne peu[s]t souffire :
Escripvain ne pourroit escripre
Sa beaulté en quatre cens livres ;
Elle poise plus, trente livres91,
170 Que femme qui fut oncques veue.
GAULTIER
Comment l’as-tu si bien congneue ?
RESJOUY
Congneue d’ung seul regarder.
GAULTIER
Tu es fin92 hoste ! Sans tarder…
RESJOUY
Tarder ? Je ne sçay que je dis.
175 Elle vous a ung si doulx rids93,
Ung nez traictifs94, ung œil riant,
Les doys tous plains de beaulx rubis,
Le plus gentil museau friant.
Elle est femme pour avoir pris.
180 Je suis de son amour espris95
Si trèsfort qu’aller m’y convient.
GAULTIER
Mais dis-tu à bon escient96 ?
RESJOUY
Jamais ne puisse de vin boire
S’el[le] n’est toute en mon mémoire97
185 Au plus parfond98 de ma cervelle !
GAULTIER
Resjouy d’Amours, qui est-elle ?
RESJOUY
Que je le die ? Pour mourir99 !
Il m’y fault encore courir :
Son regard est[e]int tous mes maulx.
190 Mais vélà : certes, se je faulx100,
Je croy qu’il est fait de mon fait101.
.
Dieu gard ce trésor, tant parfait SCÈNE VI
Que nully ne le peut avoir102 !
TENDRECTE
Qui vous [r]amaine cy103 ?
RESJOUY
Vous veoir.
TENDRECTE
195 Esse la cause ?
RESJOUY
Pour certain.
TENDRECTE
Que quérez-vous ?
RESJOUY
Ung cueur humain.
TENDRECTE
Pour quoy faire ?
RESJO[U]Y
Pour me déduyre104.
TENDRECTE
Que servez-vous105 ?
RESJOUY
À vous106 conduyre.
TENDRECTE
Aultre chose ?
RESJOUY
Tant107 seullement.
TENDRECTE
200 Vuidez bien tost d’icy108 !
RESJOUY
Comment !
Sans avoir…
TENDRECTE
Quel « avoir » ?
RESJOUY
Déduyt109.
Vostre amour me suyt
De jour et de nuyt.
Consommez le cas !
TENDRECTE
205 Comment tel feu cuist !
Trop hault parler nuyst :
Pour Dieu, parlez bas !
RESJOUY
Et ! on dit tousjours
Des propos d’amours
210 Que femme est piteuse110.
TENDRECTE
Chacun a son cours.
Vos motz sont trop lours111,
A bouche venimeuse.
RESJOUY
[M’en] iray-je ainsi,
215 D’amours tout transsy,
Sans secours avoir ?
TENDRECTE
C’est peu de soucy.
RESJOUY
Je vous cry mercy !
TENDRETTE
C’est bon à sçavoir :
220 Vous faictes debvoir112.
Mais je ne sçay pas du salaire.
RESJOUY
Ha ! Fortune, tu m’es contraire113.
Seray-je tousjours langoureux114 ?
TENDRETTE
Hélas ! Entre vous, amoureux,
225 Vous estes si trèsbeaux parlans,
Monstrans chières115 et beaulx semblans ;
Et en derrière116, vous raillez.
RESJOUY
Ha ! quelz fins metz117 vous me baillez !
Railler, c’est à faire à raillars,
230 Railleurs remplis de raillerie.
[TENDRETTE]
Quelz « raillars » ? Sont-ce pas « paillars » ?
Ouy ! Et qui fait la raillerie ?
Jamais, quelque chose qu’on die118,
Bien n’en viendra, c’est fait notaire119.
[RESJOUY]
235 Secourez-moy, je vous en prie !
Maintenant, il est nécessaire.
TENDRETTE
Or çà, doncques ! Sans point distraire120,
Se mon cueur à vous s’adonnoit,
Certes, tout chascun le sçauroit,
240 Dont je seroyes trèspouvre lasse.
RESJOUY
Ha, m’amye ! Que je da[i]ngnasse121
En dire mot ? La mort, la mort
Vouldroyes avoir !
TENDRETTE
Aussi, grant tort
Aurez de [le] faire aultrement.
245 Et de cest heure proprement,
Ma seul[e] amour je vous octroye.
RESJOUY
Grant mercis, le trésort de joye !
De joye, tout le cueur me serre.
Serray suis en noble monltjoye122,
250 Monltjoye123 de trèsnoble pierre,
Pierre précieuse sans terre,
Terre que nul n’a peu requerre.
TENDRETTE
Au surplus, dictes, mon amy :
Mis ay en vous tout mon espoir ;
255 Mais pensez que se mon mary
Le sçavoit…
RESJOUY
Oustez ce « sçavoir » !
Jamais ung seul mot n’en sçaura.
Tout aussi tost qu’il demour[r]a,
Viendray124. Adieu, Turelupin125 !
260 Je hay, tant qu’est à moy, hutin126
[Plus] que ne penseriez jamais,
Croyez.
TENDRETTE
Aussi n’est-il que paix127.
RESJOUY
Mais de l’eure il [nous] fault pourvoir.
TENDRETTE
À quatre heures venez me128 veoir
265 — Entendez-vous ? — soit tort ou droit129.
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RESJOUY SCÈNE VII
Je m’en vois, comment que ce soit130,
À Gaultier Guillaume le dire.
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J’ay ! SCÈNE VIII
GAULTIER
Quoy ?
RESJOUY
Joye !
GAULTIER
Tu me fais rire.
RESJOUY
Nect, nect !
GAULTIER
Dieulx, que tu es joy[e]ux !
RESJOUY
270 Plaisamment !
GAULTIER
Mais qu’as-tu, dea ?
RESJOUY
Mieulx :
Elle m’a desjà baillé l’eure.
Il ne fault pas que je demeure,
Ce seroit pour gaster mon fait131.
GAULTIER
Beau sire, dy-moy, s’il te plaist,
275 Qui elle est.
RESJOUY
De cela, rien, [rien] !
C’est une très femme de bien132,
[Très]toute en beauté compassée133.
GAULTIER
Esse point…
RESJOUY
Qui ?
GAULTIER
J’ay en pensée
La chose.
RESJOUY
N’est pas la « chosecte134 » ?
280 On la nomme, par nom, Tendrette135.
Qu’il n’en soit mot136 ! Ou, sur mon âme…
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
RESJOUY
Sa maison est de bas estage137 ;
Et si138, est de trèsbel ouvraige,
285 Trèsplaisante, Gaultier Guillame139.
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
Vous y demour[r]ez140, seurement ?
RESJOUY
[Ouy], à quatre heures justement.
Si141, s’en va Resjouy d’Amours.
GAULTIER
290 (On vous baillera d’aultres tours…
Quel fin varlet142 !)
RESJOUY
Je m’y en vois.
.
GAULTIER SCÈNE IX
Vous aurez visayge de bois143,
Par sainct Jacques, maistre putier !
.
RESJOUY 144 SCÈNE X
Où est-il ?
TENDRETTE
Il fait son mestier.
295 Faisons grant chière145, je vous prie !
RESJOUY
Je vous requier, [ma] chière amye,
Ung baiser pour commencement.
TENDRETTE
Trois pour ung146 !
RESJOUY
De l’odorement147
Seullement, c’est feu, sur mon âme !
.
GAULTIER 148 SCÈNE XI
300 Ouvrez l’huys !!
TENDRETTE
Hélas, Nostre Dame !
RESJOUY
Qui esse ?
TENDRETTE
Hélas, Resjouy,
C’est mon mary.
GAULTIER
Sus, tost !!
RESJOUY
Est149 ?
TENDRETTE
Ouy.
Que ferez-vous ?
RESJOUY
Je suis perdu !
Mais pourquoy y suis-je venu ?
305 C’est ma fin ; aussi devoit estre.
GAULTIER
Qu’esse-cy ? Seray-je point maistre ?
Viendra-on point ?
TENDRETTE
Tant150 que je puis !
GAULTIER
Par le sang bieu, je rompray l’huis !
RESJOUY
[Hé]las, que je fusse en ung lac151 !
TENDRETTE 152
310 Tenez, mectez-vous en ce sac
Acoup : il ne vous verra point.
RESJOUY
Il me viendra trèsbien à point153 ;
Ostez les lettres !
TENDRETTE 154
Tout est hors.
RESJOUY 155
Mettre y fault [la] teste et [le] corps.
315 Adieu Resjouy : il est mort.
TENDRETTE
Taisez-vous !156
GAULTIER
Çà !
TENDRETTE
Vous avez tort !
Sçavez-vous ung petit attendre157 ?
GAULTIER
Je pry à Dieu qu’on me puist pendre
S’il n’y a ung gallant céans !
320 Je bouteray le feu dedens :
S’il y est, je le sçauray bien,
Mort bieu !
TENDRETTE
Certes il n’en est rien.
GAULTIER
Par le sang bieu ! je l’ay ouÿ.
RESJOUY
(Or, à Dieu command158 Resjouy.
325 Je suis bien cy tenu de plat.)
GAULTIER
Qu’esse que j’os159 ?
TENDRETTE
C’est nostre chat.
GAULTIER
J’ay bien fait, dessus vous, escout160.
TENDRETTE
Et ! laissez !
GAULTIER
Je brûleray tout :
Bancs, huches, coffre[s] et fenestres !
TENDRETTE
330 Pour Dieu, gardez161 le sac aux lettres !
GAULTIER
Me fera-on chausser les guestres
Jaques Bonhomme162 ?
TENDRETTE
Nostre Dame !
[Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?]163
Pour Dieu ! gardez le sac aux lettres,
335 Mon amy : c’est nostre chevance164.
GAULTIER
Et ! je feray [rendre sentence]165,
C’est tout certain : il n’y a tel166.
TENDRECTE
Jhésus !
GAULTIER
Ostez-le de l’hôtel167
Ou, certes, tout je brusleray !
TENDRECTE
340 Atendez, je l’e[n] osteray,
Mon amy. Et pensez à vous168 !
GAULTIER
Je cuidoye bien estre coux169 ;
Toutesfois, je n’y voy personne.
Le grant courroux que tu me donne
345 Me fait pis !
.
TENDRECTE 170 SCÈNE XII
Allez-vous-en tost !
RESJOUY
Je sents desjà ung peu le rost171.
Adieu, je n’y reviendray plus !
Et ! par mon âme, je concluds
[Qu’oncques follie ne feray-je]172
350 D’aller veoir femme[s] en mesnaige173.
[TENDRECTE]
Adieu, Resjouy, pour jamais !
.
GAULTIER SCÈNE XIII
Certes, je ne suis point en paix.
Je ne cuidoyes point, sur ma foy,
Qu’il n’y eust174 quelq’un avec toy,
355 Se le grant dyable ne t’emporte(s) !
TENDRECTE
J’aymeroyes plus cher175 estre morte,
Gaultier, qu’il176 me fust advenu !
GAULTIER
Onc177 homme ne fut mieulx tenu,
Tout seurement, qu’il eust estay.
TENDRECTE
360 (Le meschant, il s’est bien gastay178 :
Quant il a eu la belle dame,
Il l’a dit à Gaultier Guilla(u)me.
Tenez, quel noble serviteur !
Il ne sçauroit garder l’honneur
365 À une femme de fasçon179.)
.
RESJOUY SCÈNE XIV
À Dieu command le compaignon180 !
Je suis trèsbien à point party.
Sur ma foy ! j’estoye [jà rousty]181,
Se Tendrecte ne m’eust ostay ;
370 Et [si, j’]eusse estay bien frotay182 !
Aussi ay-je fait meschamment183 :
C’estoit la femme proprement
Ad cil à qui mon cas disoye184.
.
GAULTIER SCÈNE XV
Ce n’est pas ce que je cuidoye.
375 Sus avant, allons-m’en disgner185 !
Aussi, le grant dyable d’Enfer
M’a bien fait faire cest ouvrage186.
TENDRETTE
Vous avez brûlay le mesnaige :
N’esse pas grande mesch[é]ance187 ?
GAULTIER
380 Vélà : j[e n’]estoie en doubtance188
De faire maulvaise besongne.
.
Mais vélà, qui qu’en grongne,
Nous en allons sans plus d’eslongne189,
Mes seigneurs. Pour laquelle chose,
385 Nous vous prions [bien] tendrement
Que vostre vouloir se dispose
À nous pardonner plainement.
Jalousye, certainement,
Faict parfaire maincte follie.
TENDRETTE
390 J’ay joué190 assez finement.
Adieu toute la compaingnie !
.
EXPLICIT
*
1 Répertoire des farces françaises, 1993, pp. 377-9. 2 Cet avocat discute au Palais de justice avec son ami Gautier Guillaume, qui est procureur. Le début aligne péniblement des rimes fratrisées qui sacrifient le sens à la forme ; l’imprimeur n’y a rien compris, et les corrections que je propose valent ce qu’elles valent. 3 Ce mot est féminin, comme au vers 246. 4 F : Fais (Par mes actes. « Autant par dict comme par faict. » Le Trocheur de maris.) 5 F : Contredit ie men iroye (Contre dix adversaires, je manierais des arguments rhétoriques. C’est un avocat qui parle.) 6 Bien malgré moi. Cf. le Chauldronnier, vers 86. « I-rai-e » compte pour 3 syllabes. 7 Au premier abord. Cf. les Gens nouveaulx, vers 274. 8 F : femme (À la rime. « De vous, partout, court si très noble fame/ Qu’on ne vous puet, c’est bien chose informée,/ Assez louer, ma redoubtée dame. » Christine de Pizan.) Un rosier arrosé d’une si bonne réputation. 9 Affamé de sexe comme un grand chien. En général, le violeur est un loup : « –Nous aurons voz deulx brus par force !/ –Vous mentirez, loups affamés ! » Les Brus. 10 Exécuter un mouvement de va-et-vient. Ce verbe possède encore le même sens libre : cf. le Dictionnaire érotique de Pierre Guiraud, p. 418. 11 En bas étage. Désigne le bas-ventre d’une femme, tout comme les basses marches, la basse contrée, la basse cour, la basse cheminée, la basse bouche, etc. 12 F : Gamay seray (J’essaierai ma gamme jusqu’à la dernière note : je tirerai le maximum de mon « instrument ».) La « gamme », ou la « naturelle gamme », est en rapport avec le coït : « Une belle femme/ Qui appétoit le ‟bas mestier”/ En faisant recorder sa game. » Repues franches. 13 De me casser les reins, de devenir impuissant. « (Ce lévrier) couvrit toutes les chiennes du pays, [lui] qui auparavant estoit esréné et de frigidis et maleficiatis [impuissant]. » Gargantua, 42. 14 Ton épouse joue-t-elle un peu à la grande dame ? 15 F : le (L’insurpassable. « Car entre les hommes parfaictz,/ Cestuy-cy est la passeroute. » Godefroy.) 16 Un coup. Faire le saut = se faire sauter : « Il luy tarde/ Qu’el face le sault Michelet. » Guillaume Coquillart. 17 F : pesant (Aussi agréable à voir qu’une friche, qu’un terrain vague. « En ung beau frische descouvert. » ATILF.) 18 Est-elle habile. La biche est une fille légère : cf. le Faulconnier de ville, vers 305 et 331. 19 On compare les vagins trop larges à de vieilles bottes. Cf. les Cris de Paris, vers 111-3. 20 Des aboiements contre toi. « Le mastin du logis commence à abbayer, et avec son baubau appelle son maistre. » Godefroy. 21 Incroyable. 22 F : embrassee (Je corrige la même faute aux refrains 35 et 45.) Quel embrasement ! 23 La poitrine polie. « Mon tendron, ma gorge frazée ! » Raoullet Ployart. 24 Bien fait. « Vous avez le corps tant faictifz. » Les Coppieurs et Lardeurs. 25 Comme s’il était modelé dans de la cire. « Elle vous a ung corps tant gent,/ Et est faicte comme de cire. » Serre-porte. 26 S’achèvera là. « Vi-e » compte pour 2 syllabes. 27 J’ai un peu de tracas. 28 Bien tourné. Idem vers 176. « Ce corps traitif, ces rains toufus. » Les Mal contentes. 29 Je te la garantis. 30 F : comme (Fort désirée par les hommes.) 31 Un plaisir. 32 F : sorcier (C’est ce que nous souhaitons tous.) 33 Elle est chez elle et se contemple dans un miroir, devant sa fenêtre ouverte. Une « farce des amoureux » intitulée Tendrette est nommée au vers 266 des Vigilles Triboullet (~1458). 34 F : gracieux (À la rime.) 35 Il passe devant la fenêtre ouverte, et se fige en découvrant Tendrette. Sans être vu ni entendu, il commente ce beau spectacle. 36 Nous dirions : Elle jette des flammes ! Dans son édition* de cette farce qui s’achève en incendie, Jelle Koopmans a relevé un nombre étonnant d’allusions au feu : vers 28, 57, 205, 299, 320, auxquelles j’ajouterai le vers 180. *Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 273-283. 37 S’il. La formule courante est : Nul n’a bien. 38 Quel miroir aux alouettes pour attirer les jolis cœurs. 39 F : tiucellans 40 Les rayons. 41 F : obayer (Pour parer. « Pour obvier à la surprise. » Pour le Cry de la Bazoche.) 42 Petit museau, minois. Cf. le Faulconnier de ville, vers 278. 43 Le prix de beauté. Idem vers 179. 44 Suis-je trop grosse, ou trop maigre ? 45 F : cueur (À la Cour de justice, où le mari de Tendrette est procureur.) On retrouve cette question proverbiale dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre : « –Que dict-on en Court ? –Qu’on y dit ? » 46 F répète : en cueur pour deuis / Quen dit on 47 Gonflé. Le bourrelet du chaperon est creux. « Çà, mectez-moy mon chapperon !…/ Il va abatre le soufflet,/ Et il deust estre plain de vent. » Le Povre Jouhan : la coquette de cette farce a beaucoup de points communs avec la nôtre. 48 brmbrectes (Mes testicules. « Ces fillettes/ Qui ayment le jeu des billètes. » Sermon pour une nopce.) Les fatras sont les parties cachées des femmes : « S’elz ne monstrent tout le fratras. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. Guillaume Coquillart baptise une prostituée « Olive de Gatte-fatras ». 49 Nous (forme normande). Bras à bras = enlacés : cf. le Povre Jouhan, vers 147. 50 Que du plaisir ! 51 Trônant sur une joue blanche. 52 Admettons. 53 F : mouche (« La salive me vient en bouche :/ Baisez-moy ! » Le Povre Jouhan.) 54 De corps. « De beau corsaige. » Le Povre Jouhan. 55 Qu’il n’y manque rien. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 99. 56 F : vostre (Apocope normanno-picarde du pronom votre. « La main dans vo pouquette [dans votre poche]. » La Muse normande.) Que je sois votre servant ! 57 « –Assez belle estes par-devant,/ Mais le derrière gaste tout…./ –Suis-je bien ? » Le Povre Jouhan. 58 Supérieure à toutes les autres. 59 F : cueur (« Vive Dieu ! je feray cecy. » La Somme des péchéz.) 60 Mon Rédempteur = mon Dieu. 61 Celui qui ne prend pas de risques. Sur ce vers proverbial, voir la note 3 de la Mère de ville. 62 J’y vais. Idem vers 266 et 291. 63 Jamais un peureux. L’auteur s’inspire de la farce du Dorellot : « Jà homme couart/ N’acquerra jamais belle dame./ Iray-je ? Et ouy, sur mon âme :/ Il n’a rien, qui ne s’adventure. » Mais il se souvient également d’un proverbe dont le théâtre fit ses choux gras : « Jà couart n’ara belle amie,/ Car il ne la saroit garder. » Mystères de la procession de Lille. 64 Réjoui d’Amour entre chez Tendrette. 65 Qui est le secours des amoureux. 66 F : De vous (Pallas Athéna, déesse de la sagesse, est surtout invoquée par les fous : cf. les Sotz escornéz, vers 261.) 67 Junon, l’épouse de Jupiter. 68 F : marrester (Sans tarder. « Vien tost à moy sans arrester ! » Mahuet.) Sans dire « ho ! » : sans dire « stop ! » au cheval. 69 Et aussi, qu’il vous garde ! 70 Alecto est l’une des Érinyes. 71 F : Est 72 Superlatif, supérieur. Idem vers 100. 73 Trop hauts, trop nobles. 74 Vous feriez mieux de vous taire. « Il s’en peult bien taire ! » Pates-ouaintes. 75 Un peu trop tard, car je suis mariée. Ou bien : car j’ai fini de m’habiller. 76 Dans une autre femme. 77 Instruit de mes volontés. 78 Béjaune, blanc-bec. 79 Prenez la porte, fichez le camp ! « Avisez l’huys de la maison ! » Les Sobres Sotz. 80 F : liguerement (Rapidement.) Tendrette parodie le nom de son adorateur ; d’après le vers 301, elle connaît ce nom. Mais voir le vers 215. Réjoui d’Amour s’enfuit. 81 Quel discours. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 32. 82 Penaud. Cf. Gautier et Martin, vers 156. 83 Dans toute ma vie. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 23. 84 Les marins disaient aussi « tout d’un vent », ou « tout d’un mesme vent ». 85 Réjoui d’Amour retourne au Palais de justice. 86 Une paire de joues. « Unes joues rondes et vermeilles. » G. Coquillart. 87 Supernel, suprême. 88 Parfait. F ajoute dessous une réplique de Gaultier : Comment 89 Nous dirions : c’est un dragon de vertu. 90 F : Que (Jamais ma parole ne pourrait suffire à la dépeindre.) 91 Elle vaut 30 livres de plus. 92 F : ung (Tu es un malin. « Ma foy, que tu es ung fin hoste ! » Les Enfans de Borgneux.) 93 Ris : rire. 94 Bien dessiné. « Elle vous a uns yeulx petis,/ Ung nez mignot assez tratis. » (La Pippée.) « Les yeulx rians, le nez traitifz. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) 95 F : surpris (Enflammé. « Qui est si fort d’amour espris. » Poncette et l’Amoureux transy.) 96 Parles-tu sérieusement ? Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 542. 97 Ce mot était parfois masculin : cf. le Pourpoint rétréchy, vers 317 et note. 98 Profond. 99 Plutôt mourir ! Cf. le Chauldronnier, vers 53 et note. 100 F : fault (Si j’échoue. Cf. la Mère de ville, vers 27.) 101 C’en est fait de mes projets. Réjoui d’Amour quitte le Palais de justice et entre chez Tendrette. 102 F : scauoir (Que nul ne peut l’avoir.) 103 « Las ! mon amy, qui vous ramaine ? » Frère Guillebert. 104 Pour y prendre du plaisir. 105 F : scauez vous (Quel est votre métier ? Tendrette vérifie si son prétendant aura les moyens de l’entretenir : cf. le vers 221.) 106 F : nous (À vous conseiller dans votre intérêt. Les plaignantes de Jehan de Lagny embauchent un avocat : « Messire Jehan Virelinquin/ Est bien homme pour nous conduyre. ») 107 Cela. 108 Videz les lieux, allez-vous-en ! « Se ne vuidez d’icy bien tost. » Le Mince de quaire. 109 Du plaisir. 110 Que les femmes prennent en pitié les mots d’amour. 111 F : cours (« Pardonnez-moy si mes motz sont trop lourdz. » Clément Marot.) 112 Votre devoir d’amoureux. 113 « Fortune, tu m’es bien contraire. » Les Gens nouveaulx. 114 Atteint de langueur, malheureux. « Ne suis-je pas bien langoureux,/ D’avoir esté si amoureux/ D’une femme qui tousjours pette ? » Poncette et l’Amoureux transy. 115 Faisant bonne figure. 116 Derrière notre dos. 117 Peut-être faut-il lire motz : quels mots caustiques. 118 F : crie (Voir le vers 55.) Quoi qu’on en dise. « Ma foy, quelque chose qu’on dye. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 119 C’est un fait notoire. 120 Sans qu’on s’écarte du sujet. 121 Que j’ose. 122 Dans un bonheur suprême. 123 Un tas. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 197. 124 F : Venir (Dès que votre mari restera à son travail, je viendrai.) 125 Un turlupin est un religieux hypocrite : cf. la Pippée, vers 441. Ici, nous avons sans doute un refrain de chanson. 126 Quant à moi, je hais le grabuge. 127 Il n’y a que le silence qui importe. 128 F : pour 129 D’une manière ou d’une autre. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 784. 130 Je vais, quoi qu’il en soit. Réjoui d’Amour retourne au Palais. 131 Paraphrase de deux expressions convenues. 1) Les nourrices paresseuses disaient : Cela risquerait de gâter mon lait. 2) Les femmes enceintes disaient : Il ne faut pas gâter mon fruit. Cf. Sœur Fessue, vers 213. 132 « C’est une très-femme de bien. » Estienne Tabourot, Apophtegmes. 133 Façonnée harmonieusement. « Dame en qui compassée/ Sera beauté. » ATILF. 134 Ne penses-tu pas plutôt à la bagatelle, au coït ? Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 234 et note. 135 L’auteur oublie que Tendrette n’a pas dit son nom, à moins que des vers n’aient disparu. 136 N’en parle pas. 137 Est de plain-pied. 138 Et pourtant. 139 F : guillome (La rime normande est en -ame, comme à 362. Cf. le Ribault marié, vers 298 et note.) 140 Vous resterez dans sa maison, elle et toi ? 141 Aussi. 142 F : varler (Quel sournois ! « Tant il y a de fins varletz ! » Jeu du Prince des Sotz.) 143 « Visage de bois : la porte fermée. » (Antoine Oudin.) Dans un dialogue de l’Escole des femmes tout à fait similaire au nôtre, Molière dira : « La porte au nez ! » 144 Il entre chez Tendrette, et lui demande où est son mari. 145 Lorsqu’un amant va chez sa maîtresse, les réjouissances débutent par un banquet bien arrosé : « Car j’ey préparé le banquet :/ Récréon-nous, faison grand chère ! » (Lucas Sergent.) Mais « grand chère » désigne aussi les plaisirs de la… chair : « Chagrinas vous fait-il grant chère ? » (Chagrinas.) À l’origine, ce vers et le suivant étaient disposés ainsi : « –Je vous prië, faisons grant chière./ –Je vous requier, m’amyë chière… » J’en veux pour preuves les vers 43 et 45 de Frère Frappart, et les vers 86 et 87 du Testament Pathelin. 146 Je vous en rendrai trois quand vous m’en donnerez un. Le couple s’embrasse. 147 Le parfum de vos baisers. 148 Il cogne contre la porte, qui est fermée de l’intérieur. Bien entendu, cette porte est aussi symbolique que l’incendie final. 149 C’est lui ? 150 Aussi vite. 151 Si je pouvais être dans un lac plutôt qu’ici ! 152 Elle attrape un grand sac de toile. Les hommes de loi — et donc les procureurs — y fourrent leurs papiers : cf. le Testament Pathelin, vers 10, 28, 41, etc. Entre autres paperasses, lesdits sacs contiennent des lettres : « Vous ne chanteriez que de sacz/ Et de lettres. » Le Testament Pathelin. 153 Ce sac vient à point nommé. 154 Elle vide le sac. Les lettres de procuration jonchent le sol, et c’est elles que Gautier Guillaume, aveuglé par la jalousie, va flamber. 155 Il entre dans le sac. Voir la note 150 du Villain et son filz Jacob. 156 Elle ouvre la porte à son mari. 157 Ne pouvez-vous pas attendre un peu ? 158 F : comment (Je recommande à Dieu. Voir le vers 366.) 159 Que j’ois, que j’entends. Gautier a perçu les plaintes de Réjoui d’Amour. 160 Je vous ai bien écoutée, quand j’étais derrière la porte. « Je suys en escoust. » (Le Monde qu’on faict paistre.) Gautier prend une boîte d’allumettes ; son épouse tente de la lui arracher. 161 Prenez garde, épargnez. 162 Nom générique des paysans qui se laissent piller : « Je souhaite, dessus Jacques Bon-homme,/ Vivre de hait. » (Les Souhaitz du Monde.) Les paysans ne protégeaient pas toujours leurs sabots avec des guêtres ; il serait donc plus judicieux de lire « les guêtres d’un gentilhomme » : « Ne porte-il pas bien la guestre/ Pour estre ung vaillant gentilhomme ? » (Légier d’Argent.) Auquel cas, l’expression signifierait « être cocu », partant du principe que dans les farces, les nobles le sont bien souvent : cf. le Gentil homme et Naudet, le Poulier à sis personnages, etc. Mais il y eut peut-être une farce des Guestres Jaques Bonhomme, qui ferait pendant à celle des Botines Gaultier. 163 Vers manquant. J’emprunte le vers 142 des Queues troussées. 164 F : cheances (Notre gagne-pain. « Mon or, mon argent, ma chevance. » Ung jeune moyne.) 165 F : tout une dance (Je vous ferai condamner par un juge. Les Basochiens raffolent des sentences : « Vous rendre la sentence au poing. » Pour le Cry de la Bazoche.) 166 Il n’y a rien de tel. Cf. Jolyet, vers 20. 167 F : lothel (Ôtez le sac de la maison.) 168 Pendant qu’il fera attention à lui, le mari ne fera pas attention à ce que fait son épouse. 169 Cocu. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 769 et 838. 170 Elle traîne le sac dans la rue, l’ouvre, et en fait sortir son amant. 171 Je sens le rôti. 172 Vers manquant. « C’onques folie ne fis. » Roman des Sept Sages. 173 Mariées. 174 Qu’il n’y ait pas. Les deux négations s’annulent, comme aux vers 317-8 du Gallant quy a faict le coup. On doit donc comprendre : Je pensais qu’il y avait quelqu’un avec toi. 175 J’aimerais mieux. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 859. 176 Plutôt que ce déshonneur. 177 F : Que (Jamais. « Onc homme ne fut mieulx souillié. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 178 Réjoui d’Amour s’est bien compromis. 179 De qualité. « Vous estes femme de façon. » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 180 Je me recommande à Dieu. Voir le vers 324 181 F : a roussy (« Je suis jà demy rousty. » Pantagruel, 14.) 182 Et aussi, j’aurais été frotté par le bâton de Gautier. Cf. la Laitière, vers 200. 183 J’ai agi maladroitement. 184 À celui auquel je racontais mon affaire. 185 Allons dîner à la taverne. 186 Cet incendie. Ou cette farce. 187 Un grand malheur. 188 Je ne pensais pas. 189 Sans plus de tergiversations. Le congé s’adresse au public masculin de la Basoche. 190 F : iouye
LE SAVETIER AUDIN
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LE SAVETIER
AUDIN
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Cette courte farce généra quelques années plus tard une version longue (491 vers) rebaptisée Martin de Cambray <F 41>, dont le délayage nuit à la tension dramatique et à la nervosité du dialogue. Les deux pièces, de même que le Vilein, sa Femme et le Curé1, mettent en scène une imprécation : « Que le diable t’emporte ! » Et dans ces trois œuvres, c’est un curé qui se déguise en diable afin d’enlever l’épouse du mari jaloux. Dans Frère Frappart, une farce très proche de ces deux-là, un autre curé enlève également sa maîtresse par la ruse, et va ensuite consoler le cocu.
Le dernier folio du manuscrit de base a été perdu, comme celui du Vilein, sa Femme et le Curé. Les comédiens nous annoncent la scène où le curé travesti en diable reprend sa pieuse apparence, et va exhorter Audin à prier pour que Dieu lui rende son épouse. Mais le texte s’interrompt au milieu d’un vers. Je publie donc à la suite le dialogue concerné, tel que nous l’a transmis Martin de Cambray. Pour faire croire aux clients que la farce du Savetier Audin était complète, l’éditeur lui adjoignit un congé au public copié sur celui qui conclut D’un qui se fait examiner pour estre prebstre. Et pour faire croire qu’elle atteignait le nombre de pages réglementaire, il a disposé sur deux lignes un grand nombre de vers.
Sources : Recueil du British Museum, nº 32. Publié à Lyon, chez feu Barnabé Chaussard, vers le milieu du XVIe siècle. — Recueil de Florence, nº 41 : version longue intitulée Martin de Cambray. Je prends pour base British Museum (BM), que je corrige d’après Florence (F) ; tous les éléments qui proviennent de F sont en bleu clair.
Structure : Rimes anarchiques et vers inégaux. Nous avons affaire à un canevas, ou bien à une reconstitution de mémoire.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse trèsbonne
& récréative pour rire, du
Savetier.
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À troys personnages, c’est assavoir :
AUDIN, savetier
AUDETTE, sa femme
et LE CURÉ, [messire Jehan]
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AUDIN commence [en chantant] 2 SCÈNE I
On m’a mis en mesnage,
On m’a mis en tourment.
Ma foy ! c’est grant dommage,
Car j’estoye bel enfant.
LA FEMME
5 Mon mary va tousjours chantant,
Et n’a soucy de prendre peine3.
AUDIN, savetier.
Voulez-vous dire qu’en mesnage
Aulcun4 preigne plus de l’ouvrage5 ?
Et ! il faict ta fièbvre quartaine !
AUDETTE
10 Qui te puisse [aujourd’uy] saisir !
À toy, n’a soulas6 ne plaisir,
[Ne] nul esbatement quelconque.
S(i) a plus de sept sepmaines [qu’oncque]
[Une fois]7 ne fistes cela.
AUDIN
15 Et ! par la vertu bieu, sy a :
Je vous le feis [six ou] sept fois8
Sans desmonter9, [le dernier mois].
AUDETTE
Sainct Jehan ! ç’a donc esté du nez10.
AUDIN, [en chantant :]
Je me plains fort des boulengiers,
20 Qui font si petit pain 11.
AUDETTE, sa femme.
C’est pour [a]croistre leur butin
Et leur estat faire braguer,
Et pour leurs filles marier.
Mais vous qui estes savetier,
25 Pensez-vous point de la besongne12 ?
LE SAVETIER AUDIN
Çà, du chefgros13, que je besongne !
LA FEMME
Allez tost servir cest yvrongne !
LE SAVETIER
Par le corps bieu, vous me servirez !
[LA FEMME]
[Moy ?] Par sainct Jehan, vous mentirez14 !
[LE SAVETIER]
30 Ferez vous point ce que je vous commande !
LA FEMME
Nenny, par bieu ! Je suis trop grande15.
Mais me cuydez-vous fère pestre16 ?
LE SAVETIER
Par le corps bieu, je seray maistre !
LA FEMME
Par le corps bieu, et moy maistresse !
LE SAVETIER
35 Si seray je servy, sur [la messe]17 !
LA FEMME
Par sainct Jehan, [voyre], et moy aussi !
LE SAVETIER
Vien, hé ! vien [m’apporter icy
Du chefgros !]
LA FEMME
Par bieu, non feray !
LE SAVETIER
Or sus ! donc, je m’en passeray.
40 Je cuyde, moy, que tu te joues.
Bren18 pour toy !
LA FEMME
Et merde en tes joues19 !
LE SAVETIER
Mais ce vieulx ort cul cabas20 breneux !
LA FEMME
Et [ce] vieulx savetier pisseux21 !
LE SAVETIER
Ton père houssoit cheminées22.
LA FEMME
45 Et le tien curoit les priv[é]ez23 :
C’est ung mestier bien amoureux.
LE SAVETIER
Le tien s’appelloit « ramonneux
De cheminées », je te le dy.
LA FEMME
Le tien estoit tousjours breneux
50 Et s’appelloit « maistre Fy-fy24 ».
LE SAVETIER
Par Dieu ! nous sommes bien et beau,
[Car] ton grant-père estoit bourreau25.
[LA FEMME]
Et le tien tuoit les chiens [rageux26]
Et les escorchoit en la maison.
[LE SAVETIER]
55 Mort bieu, voicy bonne raison !
Mais quant je te prins, qu’av[o]ies-tu ?
LA FEMME
Et toy ? Tu estoys tout [fin] nud27 ;
Tu n(e) avoys pas ung [seul] niquet28.
LE SAVETIER AUDIN
Tu n’avoys vestu q’ung rocquet29 ;
60 Encor estoit-il à rebours30.
LA FEMME AUDETTE
Et toy, tu estoys tout plain de poulx
Qui te mengeoyent tout le cerveau.
LE SAVETIER AUDIN
Tu as menty par ton museau,
Rongneuse, rafleuse mausaingne31 !
LA FEMME AUDETTE
65 Tu mens, pourry tout plain de taigne !
On t’e[ust] mené au Sainct-Esprit32.
AUDIN LE SAVETIER
Tu [en] as menty, dyable, aspic33
Enragé et hors de la foy !
Je te mettray en bel34 arroy,
70 Foy que doys à sainct Pierre de Romme !
AUDETTE, sa femme.
Et ! par ma foy, tu n’ez pas homme35.
AUDIN
Cecy !
AUDETTE
Cela !
AUDIN
Tais-toy !
AUDETTE
Mais toy !
AUDIN
Madame la Femme !
AUDETTE
[Tout coy36,]
Monsieur l’Homme !
AUDIN
[Dea !] qu’esse-cy ?
75 Vrayement, je n’entends point cecy.
Regardez la, c’est elle !
AUDETTE
C’est luy37 !
AUDIN
Par le corps bieu ! vous vous tairez
Ou je regnye [Dieu] !
AUDETTE
Si hardy ?
La mercy Dieu ! si tu t’y metz…
AUDIN
80 Et ! belle dame, que j’aye paix !
C’est tousjours à recommencer,
[Car vous ne faictes que tancer.]38
AUDETTE
Mais vous-mesmes, qui ne cessez.
Je vous certifie qu’avez tort.
85 Et ! tousjours estes en discord.
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LE CURÉ 39 SCÈNE II
Las, trèsdoulce vierge Marie !
Par Dieu, je puis bien dire pie !40
[Las !] qu’esse que d’estre amoureux,
Pour [ung] prebstre ou religïeux !
90 Gens d’Église sont en grant peine,
Et vont et viennent en mains lieux
Par chascun jour de la sepmaine.
Je suis amoureux d’une dame ;41
Et si42, ne puis trouver le tour
95 Comment je peusse (par mon âme)
Parler à elle, n’à quel jour :
Son mary si est tant jaloux !
Mais, par bieu ! il en sera coux43
Ou, par ma foy, j’enrageray !
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AUDIN SCÈNE III
100 Audette, [icy] je vous diray :
Je m’en voys crier44 (oyez-vous ?)
Mes vieulx soulliers parmy la ville.
Gardez bien l’hostel, ou l’estrille
Aurez45. Je m’en raporte à vous.
AUDETTE
105 Garde–t’en bien ! Tout comment qu’il soit,
Par bieu, g’iray à mon affaire.
AUDIN
Gardez bien l’hostel : il me plaist46.
AUDETTE
Mais toy47, se tu en as affaire !
AUDIN
Mort bieu, voicy [ung] beau mystère !
110 Bon gré en ayt Dieu de ma vie !
AUDETTE
Que mauldit[e] soit la jalousie,48
Que tant vous en estes féru49 !
AUDIN
Ha ! j’ay bien veu ce que j’ay veu :
[Par] ma foy, il me touche fort50.
AUDETTE
115 J’aymeroys mieux que fussez mort,
Par celuy Dieu en qui je croys !
Je suis à ung [homme] à la foys ;
Je ne suis point femme à cela.
AUDIN
Audette, je croy bien en cela.
120 Mais pour en estre plus asseuré,
Cy-dedans vous enfermeray
À la clef, pour m’oster hors de peine.
AUDETTE
Tu feras ta fièbvre quartaine !
Me cuydes-tu [tenir ainsi]51 ?
AUDIN
125 Si vous deviez chier icy52,
Si y serez-vous enfermée !
AUDETTE
Avant qu’il soit demain vesprée53,
Par bieu, tu t’en repentiras !
AUDIN
Fais tout du pis que tu pourras.
AUDETTE
130 Feray, feray.
AUDIN
Voyre, hardiment !
AUDETTE
Je prie à Dieu du firmament
Que rompre te puisse le col !
AUDIN, [en chantant :]
Autant en emporte le vent 54.
Qui y prent garde, il est bien fol ;
135 Il ne m’en chault point d’une noix55.
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LE CURÉ SCÈNE IV
Esse pas Audin que je voys
Sortir dehors de sa maison ?
Sy est. [J’iray :] à ceste fois,
J’auray de mon mal guarison56,
140 En despit de tous envieulx.
.
AUDIN 57 SCÈNE V
Je criray [i]cy. « Houseaulx vieulx !
Soulliers vieulx ! [Houseaulx !] Soulliers vieulx ! »
.
LE CURÉ 58 SCÈNE VI
Holà, hau !
AUDETTE 59
Qui esse là qui m[’a] appellé ?
LE CURÉ
[Messire Jehan, vostre curé]60.
AUDETTE 61
145 Maintenant ne [vous] puis ouvrir.
LE CURÉ
M’amye, venez-moy secourir !
AUDETTE
Vous voyez bien que je ne puis :
Audin m’a icy enfermée.
Oncques ne fus plus tourmentée.62
LE CURÉ
150 Le sang bieu, je bouteray l’huys63 dedans !
AUDETTE
A ! non ferez. Je vous diray :
Ung aultre point j’ay advisay64
Comme vous en pourrez chevir65.
LE CURÉ
Et comment ?
AUDETTE
Il vous fault tenir premièrement
155 Près de l’huys ; puis [il] vous fauldra
Guetter Audin66 quant il viendra.
Il vous fault avoir ung abit
De deable, il n’y a [nul] respit67.
Je le mauldiray ; il68 dira :
160 « Le dyable t’emporte ! » Sitost
Que vous orrez69 [dire] ce mot,
Incontinent vous me prendrez :
Sus vostre col70 m’emporterez
Comme diable tout enragé.
LE CURÉ
165 Par mon serment (c’est bien juré71),
Il72 sera faict tout à cest heure !
AUDETTE
Ne faictes pas longue demeure73.
.
AUDIN 74 SCÈNE VII
« Soulliers vieulx ! [Soulliers !] Houseaulx vieulx ! »
Chascun les porte, semidieux75,
170 À mon advis, plus [neufz que vieulx]76 :
Nostre mestier ne vault plus rien.
Ung chascun est praticïen77.
Je m’en revoys78.
.
Audette, comment te va ? SCÈNE VIII
AUDETTE
Je prie à Dieu (qui tout forma)
175 Que [du mal]79 sainct Lou, et sainct Quentin,
Du mal sainct Jehan, sainct Valentin80,
Et de toute aultre maladie,
De [la] bosse et d’épidimye81,
De pourpre82 et de tous [les] grans maulx,
180 Du mal dont meurent les chevaulx83
Puisses-tu estre à terre cheut84 !
AUDIN
Sainct Jehan ! voylà ung beau salut,
Et très gracïeusement parlé !
AUDETTE
Suis-je femme à tenir soubz clef ?
185 Je prie à Dieu que malle rage…
AUDIN
Taisez-vous, si ferez que sage85.
AUDETTE, en le frappant.
Tien, tien, villain parfaict dampnable86 !
AUDIN
Je prie à Dieu que le grant dyable
Te puisse emporter aujourd’uy !
.
LE CURÉ, habillé en dyable : SCÈNE IX
190 Brou87 ! Brou ! Brou ha ha ! Brou ha ha !
AUDIN
Qu[’e]sse-cy ?
Jésus ! Marie ! Nostre Dame !
Le grant dyable emporte ma femme.
Ha ! Nostre Dame, quel[le] rage !
.
LE CURÉ 88 SCÈNE X
A ! j’ay bien faict mon personnage89.
AUDETTE
195 Si bien que nul90 ne sçauroit mieulx.
LE CURÉ
Puisqu’il n’y a icy que nous deux,
De vous feray à mon plaisir.
AUDETTE
Je suis toute à vous, semidieux !
Faire povez tout à loysir.
LE CURÉ
200 M’amye, m’amour, ma godinette91,
Mon cueur meurt de joye parfaicte.
Or vous tiens-je icy à mon gré.
AUDETTE
Ce n’est pas, pour92 moy, tout [gagné] :
Mais sçavez-vous que j’ay advisé,
205 Pour mon honneur tousjours couvrir ?
LE CURÉ
Et quoy ?
LA FEMME
Il vous convient courir
Vers mon mary, sçavoir qu’il faict93,
Faignant que ne sçavez que c’est
En rien du monde94.
.
*
(MARTIN DE CAMBRAY) 95
295 En rien du monde.
LE CURÉ
Ho ! il suffit,
Par le corps bieu ! [Que] c’est bien dit !
G’y voys96.
GUILLEMETTE
Gardez d’en faire signe97 !
LE CURÉ
Nenny, je feré bonne myne,
Ne vous souciez98. Attendez-moy.99
.
300 Il m’est advis que je le voy ; SCÈNE XI
Ou[y], il est bien mar[r]i de100 cueur.
.
Dieu gart, Martin ! SCÈNE XII
MARTIN
Ha ! Monsïeur,
Vous soyez le trèsbien venu !
LE CURÉ
Comment [vous] va ?
MARTIN
Je suis perdu !
LE CURÉ
305 Vous me semblez descouraigé :
Qu’i a-il ?
MARTIN
Je suis enraigé.
LE CURÉ
En vostre fait point ne m’entens.
MARTIN
Par ma foy ! je suis hors du sens.
LE CURÉ
Hors du sens ? Dea, vous avez tort.
MARTIN
310 En effait, je suis homme mort.
LE CURÉ
Quoy ! est malade vostre femme ?
MARTIN
Il y a pis, bon gré saint Jame !
LE CURÉ
Comment ! est-elle trespassée ?
MARTIN
Le grant deable l’a emportée.
LE CURÉ
315 Ha ! Jésus ! Bénédicité !
Que dictes-vous ?
MARTIN
C’est vérité,
Par ma foy ! Il l’a prise là.
LE CURÉ
Comment ! Je ne croy pas cela.
Que j’entende le cas au vray.
MARTIN
320 Ha ! Monsïeur, il est tout vray
Qu’elle estoit bien peu esbatante101,
Piteuse et [fidèle, avenante]102.
Car j’avoye des doutes grans
Sus elle — dont je m’en repens.
325 Et pour vous dire le meschief103,
Je l’enfermoye à double104 clef
Quant je partoye de mon hostel.
Par mon serment ! le cas fut tel :
Quant je vins orains105, el(le) crioit ;
330 Et si, trèsfort me mauldis[s]oit
De plusieurs maulx inmunérable[s]106.
Alors, si dis : « Que le[s] grant[z] diable[s]
Vous puissent [bien tost] emporter ! »
LE CURÉ
C’est mal dit.
MARTIN
Il [la vint]107 charger
335 Aussitost que j’eu[s] dit le mot.
LE CURÉ
Et ! par Dieu, vous estes bien sot
De croire que soit l’Ennemi108.
Le croyez-vous ?
MARTIN
Saint Jehan, ouÿ !
LE CURÉ
Par Dieu ! vous estes bien déceu109.
MARTIN
340 Non suis, par Dieu, car je l’ay veu !
LE CURÉ
Ne croyez point cecy : c’est bourde110.
Quelque gabeur111 a fait la fourbe ;
Et pour l’avoir à son plaisir,
Par Dieu, si l’est venu quérir.
345 De tout cela, n’en croyez rien.
MARTIN
Dictes-vous ? Se feroit-il bien112 ?
LE CURÉ
Ouÿ, vrayment, elle est fesable113.
Ne croiez jamais que le diable
Soit cy venu : c’est moquerie.
MARTIN
350 Hélas ! mon seigneur, je vous prie
À joinctes mains, et vous requier114
Que vous le vueillez demander
En la paroesse115 çà et là.
Et excommuniez qui l’aura,
355 S’i ne l’apporte ou [la] ramaine.
LE CURÉ
Il ne tendra point à la peine116 :
Trèsvoulentiers je le feray.
MARTIN
Par Nostre Dame ! je payray
Le vin117, je le vous certiffie.
LE CURÉ
360 Or çà donc[ques] !118
J(e) excommunie
Ceulx qui ont prins, à ce matin,
La femme mon119 voisin Martin.
En centense120 [je] le mettray,
Qui121 l’aura, s(e) il ne dit : « Je l’ay. »
365 Dy-je pas bien ?
MARTIN
Par Dieu, ouy122, sire.
Et aussi — s’il vous plaist à dire —
Qu(e) on la rapporte tout à faict,
Au mains quant on en aura faict123.
Ou j’en feray gecter sentence124.
LE CURÉ
370 C’est bien dit. Or sus !125
Qu(e) on s’avence
De la rapporter, qui l’ara126 !
Ou aultrement, on les fera
Noirs, ceulx qui l’ont, comme ung dyablot127 !
MARTIN
Il n’y a âme qui die mot128 ?
375 Elle est perdue, pour129 toute rien.
LE CURÉ
Par Dieu ! on la trouvera bien,
Ce pancé-je. Mais [devant tous]130
Mectez-vous [i]cy à genous,
Et pryez Dieu de voulenté131.
380 Et je m’en voys d’aultre costé
Le prier aussi de bon cueur.
Adieu !
MARTIN
Adieu, mon [bon] seigneur !
Et, pour Dieu, qu’on [me] la rapporte !
LE CURÉ
Tantost l’aurez à vostre porte.132
*
(LE SAVETIER AUDIN)
LE CURÉ
Nous [vous prions]133, tant hault que bas,
Que134 prenez en gré noz esbatz,
Si vous135 avons aulcun [tort faict]136.
AUDIN
Si vous trouvez voz femmes en tel cas,137
Donnez-les au dyable comme j’ay faict.
.
FINIS
*
1 Publié par Graham A. Runnalls dans Romania, CVI, 1985, pp. 462-480. Depuis, les archives de Digne-les-Bains ont perdu ce précieux manuscrit. 2 Les nombreux savetiers des farces ont toujours une chanson à la bouche. Celle-ci n’est pas connue, quoi qu’en dise H. M. Brown (nº 352). 3 De travailler. C’est la rengaine de toutes les femmes de savetiers : voir les vers 24-25. 4 BM : Chascun (L’un des deux. Cf. l’Amoureux, vers 91.) 5 BM : peine (À la rime du vers 6.) Doive prendre une plus grande part de travail. 6 Avec toi, il n’y a aucun agrément. 7 BM : Que (Que jamais, une seule fois, vous ne m’avez fait cela [l’amour ; idem v. 118]. « De faire cela ? Ne luy chault,/ Car sa vigueur est amortie. » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) Dans Martin de Cambray <v. ma notice>, le curé dit à sa maîtresse : « Mais premier, fault que je vous face/ Cela…. Acollez-moy ! » 8 « Et puis luy faire aussi cela (…) tous les jours cinq ou six fois. » Le Cuvier. 9 Sans descendre de ma « monture », sans me retirer. « Je la surprens par trahison/ Et y bracque ma grosse “pièce”./ Mais, le “canon” estant planté,/ De malheur il fut desmonté. » Le Labyrinthe d’Amour. 10 Avec votre nez, qui est plus dur que votre pénis. 11 Lorsqu’un savetier veut éluder une remarque gênante de son épouse, il chante ; cf. le Savetier qui ne respond que chansons (F 37). Quantité de chansons, de libelles ou de pièces dénoncent les fraudes des boulangers. « Boulengers font le petit pain. » Troys Galans et un Badin. 12 La femme du savetier Michault incite également son mari au travail : « Vous aurez ung coup de quenouille,/ Aussi, se vous ne besongnez ! » (Les Queues troussées.) Au second degré, la besogne désigne le coït : cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 208. 13 Du gros fil de cordonnier, enduit de poix. « On poisse de poix un chégros pour coudre souliers. » (Godefroy.) Beaucoup de savetiers se font servir par leur épouse : « Collette, çà, tost, du chief-gros/ Aporte vistement ! » Calbain (cette farce suit la nôtre dans le recueil de Londres). 14 Vous n’aurez pas dit la vérité. 15 Je ne suis plus une enfant, pour qu’on me donne des ordres. 16 Faire marcher. « Mais me cuides-tu faire paistre ? » Les Coppieurs et Lardeurs. 17 BM+F : ma vie. (J’en jure sur la messe !) 18 Bran, merde. 19 Dans ta bouche. 20 Cette vieille et sale prostituée au sexe trop large. « Tu as menti, ort viel cabas ! » La Laitière. 21 BM+F : breneux. (À la rime.) Les savetiers, qui manipulent de la poix, sont poisseux : « Un poissard : un savetier. » (Antoine Oudin.) Cet adjectif peut induire un calembour dialectal sur « pisseux » : la poix se dit pissago en latin, et πίσσα en grec. 22 Les ramoneurs, noirs de suie, étaient mal considérés. 23 Vidangeait les latrines. Cf. la Pippée, vers 616. « Ceulz qui torchent les pos [les pots de chambre] ou qui curent lez privées. » ATILF. 24 « Fi ! fi ! » est l’interjection qu’on lâchait en voyant une crotte. Le « fifi » désigna donc ladite crotte : cf. les Chambèrières et Débat, vers 87. Et « maître Fifi » devint tout naturellement le surnom des vidangeurs de fosses septiques. « Un maistre Fy-fy : un cureur de retraits. » Oudin. 25 Le bourreau et sa famille étaient tenus à l’écart de la société. C’est l’époque où les boulangers posaient le pain du bourreau à l’envers pour qu’il ne soit pas mêlé aux autres. 26 « Quand on est mordu d’un chien, on congnoistra quand il sera rageux par les signes suivants. » (Godefroy.) Le grand-père d’Audin vendait la peau des chiens en tant que fourrure, ce qui était défendu. « Tuer chiens pour avoir la peau. » Maistre Hambrelin. 27 Totalement nu. « Tout fin nu, en belle [simple] chemise. » Guillaume Coquillart. 28 Pas un sou. « Qui me donnast un seul nicquet. » Le Pasté et la tarte. 29 Une blouse. « Vestu d’un roquet de toille. » ATILF. 30 Les vêtements tout d’une pièce peuvent être retournés quand l’extérieur est usé. « J’ay eu ta robbe…./ Mais est-elle point retournée ? » Le Pauvre et le Riche. 31 Galeuse pleine de croûtes et malsaine. 32 Si notre farce est parisienne, il s’agit de l’hôpital du Saint-Esprit-en-Grève, qui accueillait les enfants abandonnés. « Aux povres orphelins du Saint-Esperit-en-Grève. » Arch. nat. 33 Vipère. Depuis Adam et Ève, le serpent est toujours apparenté au diable ; André de La Vigne traite Lucifer de « puant aspic ». 34 BM : tel (Je te ferai marcher au pas. « En bel arroy se meirent. » ATILF.) 35 Tu es impuissant. Voir les vers 13-18. 36 Restez coi, silencieux ! « Tout quoy ! N’en parlons plus, holà ! » Ung mary jaloux. 37 BM : Regarde le cest il. 38 Vers manquant. « C’est tousjours à recommencer :/ La mienne ne fait que tancer. » Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris. 39 Sur la route, il s’approche de la maison du couple. 40 Vers manquant, que F ajoute sous le vers suivant. Dire « pie » : dire « j’ai gagné ». Mais on donne toujours à cette locution un sens négatif : cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 81 et note. 41 BM+F remontent ce vers au début de la tirade du curé. Il est chanté sur l’air de : « Je suys amoureulx d’une fille,/ Et sy, ne l’ose dire. » Cf. le Bateleur, vers 51 et note. 42 Et pourtant. 43 Cocu. Cf. les Esbahis, vers 128. 44 Je vais crier ma marchandise. Les vendeurs des rues avaient un « cri » pour attirer la clientèle. Nous entendrons celui-ci aux vers 141-142 et 168. Cf. les Cris de Paris, vers 113. 45 Sinon je vous étrillerai, je vous frapperai. L’hôtel désigne la maison, comme aux vers 107 et 327. 46 C’est mon bon plaisir, mon souhait. 47 Garde-le toi-même ! 48 Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 18 des Botines Gaultier. 49 Frappé. « (Il) n’estoit pas encores bien asseuré, tant estoit fort féru du maudit mal de jalousie. » Cent Nouvelles nouvelles, 37. 50 Cela me touche de près. Cf. le Ribault marié, vers 147. 51 BM+F : ainsi tenir. 52 Quand bien même vous devriez chier dedans. Au village, les toilettes se trouvaient dans la cour ou dans le jardin. Quand on ne pouvait pas sortir, on utilisait un pot de chambre. 53 Avant demain soir. 54 J’en ai vu d’autres. Même vers dans les Premiers gardonnéz. Ici, c’est un refrain de chanson ; voir Brown, nº 30. 55 Je n’en tiens pas plus de compte que d’une noix. Audin sort avec son grand sac de savates, et ferme la porte à clé. 56 Guérison, en couchant avec sa femme. BM répète dessous le vers 98, qui ne rime pas : Et par bieu il en sera coqu 57 Il pose son sac sur la place du village. 58 Il frappe à la porte d’Audette. 59 Derrière la porte fermée. 60 BM : Vostre cure messire Jehan. (Messire Jehan est un des prototypes du curé paillard et sans scrupule. Voir la notice de Messire Jehan.) 61 BM+F ajoutent dessous ce qui semble être un début de chanson : Aymee mauez 62 Vers manquant. J’emprunte le vers 434 de Martin de Cambray. 63 Je vais enfoncer la porte. 64 J’ai songé à un autre moyen. « J’ay advisé ung autre point. » Le Ribault marié. 65 Pour que vous puissiez en venir à bout. 66 F : Martin (BM compacte les vers 155-165 ; j’adopte le passage correspondant de F, où Audin s’appelle Martin.) 67 Il n’y a pas de temps à perdre. Dans le Vilein, sa Femme et le Curé (v. ma notice), c’est encore la maîtresse qui déguise en diable son amant : « Je vous dyray que vous ferez :/ Ung abit de dyable prendrez. » 68 BM : Puis il respondra et 69 Que vous l’entendrez. Futur du verbe « ouïr ». 70 Sur vos épaules. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 398-9 et didascalie. 71 F : iuge (Ce vers manque dans BM.) Nous avons là une vieille plaisanterie — indigne d’un curé — qui consiste à lâcher un juron, puis à faire semblant de s’en repentir. Cf. le Munyer, vers 286. « Par la mort bieu (c’est bien juré),/ Il sera fait ! » La Laitière. 72 Cela. 73 Ne tardez pas. Le curé retourne au presbytère, où il possède par le plus grand des hasards un déguisement de diable. Dans F, qui rallonge tout, il va chercher ledit costume chez un peintre. 74 Dessous, BM cite une bribe du vers 141, qui n’est plus nécessaire : Je veulx icy crier 75 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste. Idem v. 198. 76 BM+F : vieulx que neufz (Correction proposée par Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 564-577.) Les clients achètent des chaussures neuves aux cordonniers, et non plus de vieilles godasses aux savetiers. 77 Tous nos villageois sont de riches notables. 78 Je m’en retourne à la maison. Audin ouvre avec sa clé, puis il entre. Le curé, déguisé en diable et le visage noirci, va coller son oreille contre la porte. 79 BM+F : de (Le mal de St Loup désigne le lupus, l’ulcère. Le mal de St Quentin est l’hydropisie.) 80 Le mal de St Jean et le mal de St Valentin désignent l’épilepsie. 81 Le mal de bosse et le mal d’épidémie désignent la peste bubonique. 82 Ambroise Paré nomme ainsi trois maladies : le polype nasal, une variété d’ « éruptions et pustules », et une « espèce de peste ». 83 Du charbon, ou bien du farcin. 84 Chu, tombé. 85 Vous ferez sagement. « Taysé-vous et ferez que saige. » Le Vilein, sa Femme et le Curé (v. ma notice). 86 Vrai misérable digne d’être damné. 87 Le faux diable fait irruption en poussant des cris infernaux, comme l’amant du Retraict <vers 423 et note>. Messire Jean charge Audette sur ses épaules et sort de la maison. 88 Il cache Audette derrière un arbre — sur lequel il avait préalablement posé sa tenue de curé. Frère Frappart contient une scène tout à fait analogue. 89 J’ai bien joué mon rôle. 90 BM+F : on (Le curé rejoint sa maîtresse derrière l’arbre ; on les entend toujours, et on voit l’arbre trembler.) 91 Ma mignonne. 92 BM : par (Tout n’est pas gagné : il y a encore des choses à faire. Cf. les Tyrans, vers 164.) 93 Ce qu’il fait. Frère Frappart dit à sa maîtresse, après l’avoir enlevée : « Aller me fault, sans attendue,/ À vostre mary veoir qu’il fait. » 94 En feignant que vous n’êtes au courant de rien. Je publie sous la farce la scène perdue (v. ma notice) dans la version démesurément boursouflée qu’en donne Martin de Cambray. Le congé du Savetier Audin viendra juste après. 95 Les numéros des vers correspondent à l’édition de Jelle Koopmans. Désormais, Audette est renommée Guillemette, et Audin s’appelle Martin de Cambray. Cette falsification d’état civil est due au fait que la nouvelle farce joue sur l’expression « être Martin de Cambrai » : être une dupe. Voir la note 91 des Trois amoureux de la croix, une farce qui montre aussi un amant déguisé en diable. 96 J’y vais. 97 Prenez garde à ne pas vous trahir. 98 F : soucier 99 Messire Jean se rhabille en curé, nettoie sa figure noircie, puis se dirige vers la maison d’Audin, qui guette le retour de sa femme devant la porte. 100 F : en (Il a le cœur marri, chagriné. « (Ils) furent en grant perplexité et fort marrys de cœur. » Jehan Molinet.) 101 Peu désireuse de s’ébattre avec d’autres hommes. 102 F : fine a lauenante (Qu’elle était pieuse et fidèle, aimable : le mari trouve à sa mégère autant de qualités que si elle était morte.) 103 Le méchef, la faute que j’ai commise. 104 F : la (« Ayant enfermé ce Frère/ À double clef. » J. de La Fontaine.) 105 Tout à l’heure. 106 Innumérables, innombrables. La métathèse n’est pas une erreur de l’inculte savetier : elle est bien attestée, à mon avis sous l’influence du latin munerare. 107 F : a ving (Le diable vint la mettre sur ses épaules.) 108 Le diable. 109 Trompé, abusé. 110 C’est une blague. 111 F : cabeur (Moqueur. « Se taisent donc les mesdisans gabeurs ! » Godefroy.) Le prêtre, sachant à quel point son interlocuteur est borné, prend un malin plaisir à lui dire impunément la vérité. 112 Serait-ce possible ? 113 Cette mauvaise blague est faisable. 114 F : requiers (Je vous supplie.) Rime avec l’infinitif en -èr, à la manière normande ; l’Aveugle et Saudret fait rimer requièr avec varièr. 115 Dans la paroisse. Prononciation normande. « La parroesse de Saint-Nicolas de Caen. » Arch. du Calvados. 116 Il ne tiendra pas à ce que j’épargne ma peine. 117 Je vous paierai à boire. Ou bien : Je vous donnerai un pourboire. Cf. les Hommes qui font saller leurs femmes, vers 215. 118 Le prédicateur se tourne vers l’assistance. 119 De mon. Sur ce génitif archaïque, voir la note 1 du Clerc qui fut refusé. 120 En « sentence d’excommunication ». Idem v. 369. 121 F : Quil (Celui qui l’aura enlevée.) 122 F : ouyr 123 Au moins quand on en aura fini avec elle. Mais faire = faire l’amour. 124 Ou je ferai excommunier le ravisseur. « Assez tost après vint le cardinal à Tournay, et gecta sentence sur les Flamans. » (ATILF.) Un savetier n’a aucune autorité pour fulminer une excommunication, pas plus que le curé au vers 363. 125 Le prédicateur se tourne de nouveau vers l’assistance. 126 Que celui qui l’aura s’empresse de la rapporter. 127 F : dyable (Un diablotin. Cf. la Chanson des dyables, vers 23 et 110.) On les couvrira d’ecchymoses. « Qu’il me soyt de coups tout noircy ! » Le Poulier à quatre personnages. 128 Il n’y a personne qui parle ? 129 F : sur (Pour toute chose, en tout et pour tout. « Car je ne vouldroye, pour toute rien, que l’on me trouvast si povrement. » Lancelot du Lac.) 130 F : iay paour (Les mortifications, quand elles sont publiques, n’en ont que plus de valeur. « S’est prosterné à genoulx/ Et, d’un son doulx et piteux,/ S’est excusé devant tous. » Pernette du Guillet.) 131 Avec volonté, avec conviction. 132 Martin de Cambray comporte encore 106 vers. Je m’arrête là parce que son ultime scène met en présence le couple sans le curé ; or, le Savetier Audin s’achève — dans l’édition qui nous est parvenue — sur un congé aux spectateurs auquel participent les deux hommes, mais pas le personnage féminin. La farce, telle que je l’ai rétablie, obéit donc à une parfaite logique théâtrale. De plus, la dernière scène de Martin de Cambray n’est là que pour nous expliquer lourdement pourquoi son héros se nomme ainsi : voir la note 95. 133 BM : commencons (Ce congé apocryphe reproduit celui d’une autre farce, D’un qui se fait examiner : « Nous vous prions, tant hault que bas,/ Que prenez en gré noz esbatz,/ Si vous avons aucun tort fait. ») 134 BM : Si (Note 133.) 135 BM : nous (Note 133.) 136 BM : forfaict. (Note 133.) 137 Ces deux vers débraillés sont dits par un personnage qui n’est plus censé être là, comme les deux vers qui closent D’un qui se fait examiner : « Et qui se trouvera en tel cas,/ Qu’il ne face pis que j’ay fait. »
LE RETRAICT
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LE RETRAICT
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L’une des Cent Nouvelles nouvelles, que je publie en appendice, a inspiré cette farce normande. Toutefois, le dramaturge a eu le génie d’y ajouter un rôle de valet, et de le confier à l’un de ces « badins » bornés, goinfres, ivrognes et cupides qui tyrannisent leurs maîtres. Et de fait, le valet Guillot a de nombreux rapports avec les badins Janot ou Jéninot.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 54.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse
À quatre personnages, c’est asçavoir :
LE MARY
LA FEMME
GUILLOT, [varlet]
et L’AMOUREULX [monsieur Lacoque]
*
LA FEMME 1 commence SCÈNE I
Sy le myen cœur est remply d’ire ?
Las ! à bon droict je le puys dire.
J’ey bien raison de me complaindre,
Et de mon mauvais [sort] me plaindre2 :
5 Car mon mary me tient soublz las3
De grand rigueur, dont n’ay soulas4.
En luy, n’a poinct de passetemps.
Dont bien souvent mauldictz le temps,
Le jour, et l’heure de ma naissance.
10 Pensez-vous que prenne plaisance
En luy ? Non, non, je vous promais !
Sy le servirai-ge d’un mais5,
Par Dieu, dont pas il ne se doubte.
Car j’ey mys mon amytié toute
15 En un beau filz6 : voylà, je l’ayme.
Je mouray plustost à la payne
Que je ne face son désir.
J’ey espoir avec luy gésir7,
Sy mon mary s’en va aulx champs.
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GUILLOT, varlet8, en chantant : SCÈNE II
20 Hau ! les gans, bergère ! Hau ! les gans, les gans ! 9
LA FEMME
Par Dieu, voylà de très doulx chans !
Vien ç[à], Guillot !
GUILLOT
Plaist-il, Mêtresse ?
LA FEMME
Tu mes10 mon cœur en grand détresse,
Car tu n’es poinct…
GUILLOT
Je ne suys poinct ?
LA FEMME
25 Je ne t’ose dire le poinct,
Tant tu es léger du cerveau.
GUILLOT
Je ne suys pas bon maquereau :
Esse pas ce que voulez dire ?
LA FEMME
(Par mon âme ! il me faict [bien] rire.)
30 Ce n’est pas cela, malautru11 !
GUILLOT, en chantant :
Turelututu, tutu, tutu,
Turelututu, chapeau poinctu ! 12
LA FEMME
Ne chante plus, escouste-moy !
GUILLOT, en chantant :
C’est de la rousée de moy13.
LA FEMME
35 Vien çà, Guillot ! Es-tu tigneulx14 ?
Comment ! tu n’es poinct gratieulx15,
Que ne mes16 la main au bonnet.
GUILLOT, [en chantant :]
Y faict bon aymer l’oyselet 17.
Parlez-vous du bonnet de nuict ?
40 Quant je le frotes, il me cuyct ;
Y tient bien fort à mon tygnon18.
LA FEMME
Tant tu es [un] bon compaignon !
Sy je te pensoys sage et discret,
Je te diroys tout mon segret19 ;
45 Mais, par Dieu, tu n’es c’un lourdault.
GUILLOT
D’un baston rond20 comme un fer chault
Soyez[-vous] batue toulte nue !
« Lourdault21 » ?
LA FEMME
Voyre : [des]soublz la nue,
N’a poinct de plus lourdault que toy.
GUILLOT
50 Ha, ha ! « Lourdault » ?
LA FEMME
Escouste-moy !
Sy parfaire veulx mon désir,
Je te feray tant de plaisir
Qu’en toy jamais n’aura défault22.
GUILLOT
Vous m’avez apelé lourdault ;
55 Mais, par Dieu, le mot vous cuyra23 !
[LA FEMME]24
Guillot, laissons ces propos là :
Plus ne t’en fault estre mar[r]y.
Vien çà ! Tu sçays que mon mary,
Aujourd’uy, est alé aulx champs,
60 Ouïr des oysillons les chans25 ;
Pas ne doibt, ce jour, revenir.
Et mon amy doibt cy venir
Pour coucher entre mes deulx bras.
Tu auras ce que tu vouldras
65 Sy tu veulx guéter à la porte.
GUILLOT
Guéter ? Le deable donc m’emporte !
Je guèteray en bas, en hault,
Et vous m’apèlerez gros lourdault ?
Taisez-vous, c’est tout un !
LA FEMME
Guillot,
70 Sy j’ey dict quelque mauvais mot,
Pardonne-moy. Je te promais
Par la main qu’en la tienne mais26 :
Ne t’apelleray jà27 lourdault.
GUILLOT
Par Dieu ! vous fistes un lourd sault28,
75 Quant vous me dictes telle injure.
« Lourdault » ?
LA FEMME
Guillot, par Dieu j’en jure :
Je le disoys en me riant.
GUILLOT
Apelez-moy plustost Friant29.
LA FEMME
Et ! bien je te prye, au surplus :
80 Laissons cela, n’en parlons plus.
Vray est que ce mot ay lasché.
GUILLOT
Sainct n’y a30 qui n’en fust fasché,
De leur dire sy vilain nom31.
Ne m’y apelez plus !
LA FEMME
Non, non,
85 J’aymerois plus cher32 estre morte.
Guillot, va garder à la porte.
Veulx-tu, Guillot ?
GUILLOT
Et pour quoy faire ?
LA FEMME
Jésus ! n’entens-tu poinct l’afaire ?
Tant tu es un friant bémy33 !
GUILLOT
90 A ! j’entens bien : c’est vostre amy
Qui doibt venir.
LA FEMME
Ouy. Tu sourys34 ?
GUILLOT
Y vous ostera bien les sourys,
Tantost, du cul.
LA FEMME
Parle tout doulx !
GUILLOT
Or çà ! que me donnerez-vous ?
LA FEMME
95 Dy-moy en un mot : que veulx-tu ?
GUILLOT
Donnez-moy un bonnet35 poinctu,
Puys je garderay à la porte.
LA FEMME
Tien ! en voylà un de la sorte.
Es-tu content ?
GUILLOT
Par sainct Jehan, ouy !
100 Jésus, que je seray joly(s) !
LA FEMME
Sy ton maistre estoyt36, d’avanture,
Venant, ne luy fais ouverture
Sans nous advertir.
GUILLOT
Bien, bien, bien.
Y n’y viendra ny chat37, ny chien.
.
L’AMOUREULX entre 38 SCÈNE III
105 Fy d’avoir, qui n’a son plaisir39 !
Fy d’or, fy d’argent ! Fy de richesse !
Hors de mon cœur toult déplaisir !
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Toult passetemps je veulx choisir,
110 Chassant de moy deuil et tristesse.
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Fy d’or, d’argent ! Fy de richesse !
Y fault aler voir ma mêtresse.
Car c’est mon plaisir et soulas.
115 C’est celle qui, de moy, tracas40
Faict évader.
.
LA FEMME SCÈNE IV
Viendra poinct, las,
Celuy en qui je me conforte ?
Guillot, voys-tu rien en la porte ?
Ne voys-tu nul icy venir41 ?
GUILLOT 42
120 Deffendez-vous, car assaillir
On vous vient par cruel effort !
.
L’AMOUREULX 43 SCÈNE V
Holà ! hau44 !
GUILLOT
Qui est là ? Vous buquez45 bien fort !
Quoy ? Que demandez-vous ?
L’AMOUREULX
La Dame.
GUILLOT
Monsieur, soyez sûr, par mon âme,
125 Que la Dame n’est pas céans.
L’AMOUREULX
Où est le maistre ?
GUILLOT
Il est léans46,
Là où il prépare la cuysine
Avec une sienne voysine47.
LA FEMME
Ouvre, Guillot ! Et ! tu te moque :
130 C’est mon amy monsieur Lacoque48.
Faictz-l(ay)49 entrer !
GUILLOT
Ouy, mais que je sache
Qu’il ayt quelque cas en besache50,
Aussy le vin pour le varlet51.
LA FEMME
Va, méchant ! Va, vilain ! Va, let52 !
135 Entrez, Monsieur.
GUILLOT
Quoy ? Voycy rage !
Je servyray de maquelerage53,
Et sy54, ne seray poinct payé ?
Et « Monsieur » sera apuyé
Avec Madame sur un lict
140 Où trèsbien prendra son délict55 ?
Et moy, un povre maquereau,
Feray la grue56 ainsy c’un veau ?
Non, non, je ne suys pas sy beste57 !
L’AMOUREULX
Ouvre, ouvre !
GUILLOT
Vous me rompez la teste !
145 Pensez-vous que vous laisse entrer
Sans argent en main me planter58 ?
A ! non, jamais !
L’AMOUREULX
Tien un escu.
GUILLOT 59
Sainct Jehan, voylà très bien vescu60 !
Je ne demandoys aultre chose.
LA FEMME
150 Guillot, que la porte soyt close !
Faict[z] bien le guet !
GUILLOT
Laissez-moy faire.
Monsieur, faictes-la-moy61 bien tayre :
N’avez62 garde de la fâcher.
Aportez-vous poinct à mâcher63 ?
155 Que je me sente64 du festin !
L’AMOUREULX
Acolez-moy, mon musequin65 !
Quant je vous voys, je suys transy66.
GUILLOT
Et67 mon Maistre qui n’est icy !
Mort bieu, comme il riroyt des dens !
LA FEMME
160 A ! mon Dieu amy, entrez dedens
Hardiment68 : mon mary est dehors
S’en est alé. Ne craignez fors69
Que de faire le « passe-temps70 ».
Mon mary est alé aulx chans71 ;
165 Aujourd’uy pas ne reviendra.
Par quoy, amy, il vous plaira
Coucher ensemble entre deulx dras,
Tous nus, nous tenans par les bras.
Voulez-vous poinct ?
L’AMOUREULX
Ma doulce amye,
170 Vous obéir pas ne dénye72.
[GUILLOT]
Jamais n’us sy grand fain de boyre.
[L’AMOUREULX]
Baisez-moy !
LA FEMME
Acolez-moy !
GUILLOT
Et voyre !
« Fermy[n]73, sengles-moy le mulet ! »
L’AMOUREULX
Je suys maintenant à souhaict74 ;
175 Jamais ne fus sy à mon aise.
Venez, ma mye, que je vous baise !
Tousjours serez mon doulx tétin75.
GUILLOT
Tentost aura son picotin76.
Et ! ventre bieu, où est mon Maistre ?
180 Je croy qu’i vous envoyret pestre77.
Regardez bien s’y la mordra.
L’AMOUREULX
Nul, au78 monde, tel temps n’aura
Jamais, car j’ey tout à pouvoir79
Ce c’un amoureulx doibt avoir :
185 J’ey belle amye, j’ey or, monnoye,
J’ey jeunesse, sancté et joye.
GUILLOT
Il est bien vray ; mais j’ey grand peur
Qu’i n’y ayt tantost du malheur.
L’AMOUREULX
Menger nous fault ceste bécace80.
[LA FEMME]
190 Hélas ! que j’aporte [une casse81].
GUILLOT
Puysque je suys leur maquereau,
J’en mengeray quelque morceau,
Y n’est pas possible aultrement.
L’AMOUREULX
[Boyre du bon]82 pareillement.
195 Or sus, ma mye, faisons grand chère !
Chose je n’ay, tant fust-el chère,
Qu’elle ne soyt du toult83 à vous,
Il est ainsy, ma mye. Je boys84 à vous,
À Dieu, et à la Vierge Marye !
LA FEMME
200 Grand mercy, syre85 !
GUILLOT
El86 est mar[r]ye
D’estre vis-à-vis du galant.
[ L’AMOUREULX
Je boy à vous !
LA FEMME
Non pas d’aultant87 !
GUILLOT ]88
Or là couraige ! sus, ma Mêtresse !
Sang bieu, vous pétez bien de gresse89 !
.
205 Monsieur, gardez-la un petit90 : SCÈNE VI
El a l’estomac fort petit,
[Trop] plus petit c’unne pucelle.
Moy, je vous plègeray pour elle91.
Or regardez : ay-je failly ?
210 Il est dedens, et non sailly
Au deable92. Laissez faire à moy.
L’AMOUREULX
Tu es bon garson, par ma foy !
LA FEMME
De boyre, jamais ne reboulle93.
GUILLOT
Monsieur, sy je faulx par la goulle94,
215 Ne vous fiez jamais en beste95.
Ne laissez poinct à96 faire feste,
Je voys en la porte.
LA FEMME
Or va !
.
LE MARY commence 97 SCÈNE VII
Holà, hau ! Ouvrez l’uys !
GUILLOT
Qu(i) est là ?
LE MARY
Ouvrez ! Le deable vous emporte !
GUILLOT
220 Ce deable abastra [donc] la porte,
[Ou,] par la Mort, vous atendrez !
LE MARY
Ouvrez, de par le deable ! Ouvrez !
Ouvriras-tu, meschant folastre ?
GUILLOT
Atendez, je n’ay pas [grand] haste.
LE MARY
225 Par Nostre Dame d’Orléans !
Sy je [ne] puys entrer léans98,
Les os je te rompray de coulx99 !
GUILLOT
A ! Dieu gard(e) la lune100 des loups !
Mais pensez-vous qu’il est mauvais !
LE MARY
230 Ouvriras-tu, méchant punays101 ?
Par la Mort, je te tu[e]ray !
GUILLOT 102
Dis-moy ton nom103, puys j’ouvriray.
Pense-tu que je soy[e]s beste ?
LE MARY
Comment ! tu ne congnoys ton maistre ?
GUILLOT
235 Vrayment, vos blés sont bien saclés104 :
Mon Maistre, je voys quérir les clés.
.
Ma Mêtresse, voy(e)cy mon Maistre ! SCÈNE VIII
L’AMOUREULX
Vray Dieu ! Où me pourai-ge mestre ?
Je suys perdu, je suys péry,
240 Puysque voycy vostre mary.
Conseillez-moy que105 je doy faire.
Jamais ne fus en tel afaire.
Hélas ! ma mye, voycy ma fin.
GUILLOT
Tantost arez du ravelin106,
245 Quatre ou cinq grans coups toult d’un traict.
LA FEMME
Tost mectez-vous en ce retraict107,
Mon amy. Ne vous soulciez.
Sy d’avanture vous toussiez,
Boutez la teste [en ce]108 pertuys.
.
LE MARY SCÈNE IX
250 Et puys ? Hau ! Ouvriras-tu l’huys ?
.
L’AMOUREULX SCÈNE X
Voycy, pour moy, piteux délict109.
Sy me métoys debsoublz le lict,
Ce seroyt le meilleur, ma mye.
LA FEMME
Hélas ! ne vous y mectez mye :
255 Car sy dessoublz le lict visoyt110
Et là caché vous advisoyt,
Mourir nous feroyt langoureulx111.
GUILLOT
Sus ! au retraict ! Sus, amoureulx !
Car je [luy] voys ouvrir la porte.
260 Encor j’ey peur qu’i ne me frote112.
Mais devant113 que céans il entre,
Ce vin je métray à mon ventre.114
L’AMOUREULX
Las115, Guillot !
GUILLOT
Monsieur, qu’on se cache !
Mêtresse, ostez-moy la bécache116.
265 Sy esse117 que j’auray cecy.
.
LE MARY SCÈNE XI
An ! Nostre Dame, qu’esse-cy ?
De crier je me rons la voys118.
GUILLOT
Holà, mon Maistre, [à vous ge]119 voys.
Entrez ! Vous soyez bien venu !
270 Vous est-il nul mal avenu,
Depuys le temps [qu’estiez aux vignes]120 ?
LE MARY
Je vous romp[e]ray les échignes121 !
[Vous vous ferez]122 rompre la teste !
GUILLOT
Vous puissiez avoir male123 feste !
275 Rompu vous m’avez le serveau124.
LE MARY
Dictes-moy quelque cas nouveau :
Où est ma femme ?
LA FEMME
A ! mon mary,
Bien voys qu[e vous] estes mar[r]y :
Le marchant125 ne vous a payé ?
LE MARY
280 Non126.
LA FEMME
Ne s’est-il poinct essayé
De vous faire quelque raison127 ?
LE MARY
Raison ? Par ma foy, ma mye, non :
Car trouvé ne l’ay au logis.
Onques-puys que [je] le logys128,
285 [Je] ne l’ay veu.
LA FEMME
Vierge Marye !
Je ne fus jamais sy mar[r]ye.
À tous les deables soyent les meschans
Qui trompent ainsy les marchans,
Les gens d’honneur et gens de bien !
LE MARY
290 Et de nouveau y129 a-il rien ?
Que dict-on de bon ?
LA FEMME
Tout va bien.
GUILLOT
Tout va bien, puysque [on mect] la nappe130.
LA FEMME
Y fauldra [donc] que je te happe131 ?
GUILLOT
Mon Maistre, voicy la nape myse.
295 Il[z] ont bien levé la chemyse.
LE MARY
Qui, Guillot ?
GUILLOT
Qui ? Ma foy, personne.132
.
LA FEMME SCÈNE XII
Guillot, que [plus] mot on ne sonne133 !
GUILLOT
Qui, moy ? Sy feray, par mon âme !
Que me donnerez-vous, ma Dame ?
300 Et je n’en diray rien.
LA FEMME 134
Guillot,
Voylà pour toy. Ne sonne mot !
GUILLOT
Voicy ce que je demandoys.
Et ! que l’amoureulx est courtoys135,
D’estre sy long temps au retraict !
LA FEMME
305 Tays-toy ! Auras-tu tant de plet136 ?
.
Et puys, mon mary ? Comme[nt] esse SCÈNE XIII
Qu’il vous a joué de finesse,
Ce méchant, [ce] malureulx homme ?
GUILLOT
Y vouldroict bien [myeulx] estre à Romme,
310 Vostre amoureulx dont n’ose dire.
LA FEMME
J’ey le myen cœur tant remply d’ire
De ce sot qui ront137 nos propos !
Y s’en estoyt alé dehors,
Ce meschant ?
LE MARY
Ouy, [ne l’ay trouvé]138.
315 C’est un méchant laron prouvé139 !
Je suys fort las : j’ey tant troté !
GUILLOT
Hélas ! povre Amoureulx140 croté,
Tu es bien en [un] grand soulcy !
LE MARY
« [Povre] amoureulx » ? Dea ! qu’esse-cy ?
320 A-il un amoureulx céans ?
LA FEMME
A ! Nostre Dame d’Orléans !
Prenez-vous garde à ce qu’i dict ?
LE MARY
Je puisse estre de Dieu mauldict
Sy ne j’en sçay la vérité !
325 Vien ç[à ! Dy,] qui t’a incité
De parler d’un [povre] amoureulx ?
Je ne seray jamais joyeulx
Jusques à ce que le séray141.
GUILLOT
Que je l’ay dict, il n’est pas vray :
330 Jamais [je] n’en parlis, mon Maistre.
LE MARY
Vertu142 bieu ! Que peu[lt-]ce cy estre143 ?
Je l’ay ouÿ de mes horeilles144.
LA FEMME
Mon mary, [trop] je m’émerveilles
Que prenez garde à ce… lourdault.
LE MARY
335 Je l’ay ouÿ dire145 toult hault.
Vien çà, malhureulx ! Qu’as-tu dict ?
GUILLOT
Rien, ou je soys de Dieu mauldict !
LE MARY
Rien ? Et de quoy parlès-tu donques ?
GUILLOT
Escoustez que je [dis adonques]146 :
340 Je parloys de la haquenée147,
Qui a esté bien chevauchée
D’un aultre bien myeulx que de vous.
LE MARY
Je prye à Dieu que les maulx loups148
Te puisse[nt] le gosier ronger !
[LA FEMME]
345 Ce fol ne faict [cy] que songer ;
Laissez cela.
[LE MARY]
Avez-vous rien
À menger ? Je mengeroys bien :
Je n’ay mengé puys que partys.
GUILLOT
Quoy ! voulez-vous d’une perdris149 ?
350 Baillez-moy, sans plus enquérir,
De l’argent : je l’iray quérir.
LE MARY
Tient, voylà cinq soublz150.
.
GUILLOT 151 SCÈNE XIV
Voylà la beste.
A ! mort bieu, je leur en apreste152 !
Je prens argent à toutes mains153.
355 Voycy pour moy, c’est pour le moins ;
Je le métray dedens ma bource.154
.
Mon Maistre cher155, qu’on ne se course156 ! SCÈNE XV
Voicy la perdrys, que j’aporte.
LE MARY
Où l’as-tu prise ?
GUILLOT
Où157 ? En la porte.
LE MARY
360 La portoyt-il toute rôtye ?
GUILLOT
Ouy. Et avec [est] la rostye158,
Que vous voyez icy dessoublz.
LE MARY
Combien couste-elle ?
GUILLOT
Cinq soublz159.
LE MARY
Sus, sus, mengeons ! Qu’on s’esjouisse !
365 Comment ! qu’est devenu la cuisse ?
LA FEMME
Par Nostre Dame ! je ne sçay160.
LE MARY
Qu’en as-tu faict ?
GUILLOT
Je [la laissay]161
Tumber, puys le chat l’a mengée.
LE MARY
L’auroys-tu162 poinct bien vendengée ?
370 Tu as esté, par Dieu, le chat !
LA FEMME
C’est pour la paine de l’achat ;
Cela luy a faict un grand bien.
GUILLOT
Sy mengée l’ay, je n’en sçay rien ;
Plus ne m’en souvyent, par la mort !
LE MARY
375 Mengez, ma femme ! Tiens, Guillot :
Mors163 ! Puys après, nous verse à boyre !
GUILLOT
Buvez donc tout [fin] plain le voyr[r]e164,
Puys après, je vous plègeray165.
Atendez, je commenceray.
380 Je boys à vous, tous deulx ensemble166 !
Et puys, mon Maistre : que vous en semble167 ?
Ay-ge failly ?
LE MARY
A ! par Dieu, non !
LA FEMME
Guillot est un bon compaignon.
GUILLOT
À bien « sifler168 », ne faulx jamais.
.
L’AMOUREULX SCÈNE XVI
385 Je suys servy d’un piteulx mais169.
Hélas ! je ne séroys issir170.
.
LE MARY SCÈNE XVII
Qu[i] esse là que j’os171 toussir ?
GUILLOT
Que c’est ? C’est vostre bidouart172
Qui a la toux…
LE MARY
Dieu y ayt part173 !
.
LA FEMME 174 SCÈNE XVIII
390 Mon amy, vous nous gasterez175.
Je vous prye, quant vous toussirez,
Afin qu’on ne vous oye, [de faict]176,
Métez la teste [en ce]177 retraict.
.
L’AMOUREULX SCÈNE XIX
Voycy des mos fort rigoureulx.
395 Hélas ! fault-il c’un Amoureulx
Mète la teste en sy ort178 lieu ?
Et ! qu’esse-cy ? Hélas, vray Dieu !
Las ! je ne puys [r]avoir179 ma teste.
Voicy, pour moy, dure tempeste.
400 Et oultre plus, la puanteur,
Hélas, me faict faillir le cœur.
J’ey le visage plain d’ordure.
.
GUILLOT,180 [en chantant :] SCÈNE XX
Endure, povre Amoureulx, endure ! 181
Parlez plus bas, de par le deable !
L’AMOUREULX
405 Voicy un cas fort pitoyable.
Fault-il que je meures icy ?
GUILLOT
Par la chair bieu ! il a vessy182,
Au moins, ou183 ne sent guère bon.
Et vous faisiez du compaignon,
410 Naguères, avec ma Mêtresse.
.
LE MARY 184 SCÈNE XXI
Guillot !
GUILLOT 185
Qu’esse ?
LE MARY
Sy grand détresse
M’est venu[e] empongner sy fort
Au petit ventre186 ! Que nul confort
Trouver ne puys. Y fault d’un traict
415 M’aler esbatre à mon retraict,
Afin que mon mal s’amolice.
GUILLOT
Et moy, un peu fault que je pisse.
Et ! je vous tiendray compagnye.
LE MARY
Hélas, le ventre !
GUILLOT
Et ! la vessye !
LE MARY
420 Je croy que tu faictz de la beste.
L’AMOUREULX
Las ! y me chiront sur la teste.187
LE MARY 188
Et ! qu’esse-cy ? Las ! je suys mort !
L’AMOUREULX
Brou ! [Brou !] Ha ! Ha189 !
GUILLOT
Et ! fuyons fort !
Gardez bien qu’i ne vous emporte !
LA FEMME
425 A ! Nostre Dame, je suys morte !
L’AMOUREULX
Je vous porteray en Enfer
Avec le maistre Lucifer,
Lequel vous romp[e]ra la teste !
GUILLOT
Et ! aportez de l’eau bénoiste190 !
430 Asperges me, Domyne191 !
Mon Maistre, vous estes danné :
[L’afreux]192 deable vous vient quérir.
LE MARY
Et ! doulx Dieu !193
.
L’AMOUREULX SCÈNE XXII
Et ! de [tant] courir,
De la grand peur, y sont fuÿs.
.
LA FEMME SCÈNE XXIII
435 De courir, hors d’alaine suys.
GUILLOT
Et moy aussy.
LE MARY
A ! Nostre Dame,
En vostre garde ayez194 mon âme !
GUILLOT
Et moy la mienne ! Où est-il alé ?
Je croy qu’i soyt redévalé
440 Là-bas, au grand [puits] infernal195.
LA FEMME
Qu’i m’a faict de peur et de mal !
LE MARY
Hélas196 ! doulx Dieu, que pouroit-ce estre ?
GUILLOT
A ! je sçay bien que c’est197, mon Maistre.
LE MARY
Et quoy ?
GUILLOT
Au deable les jaloux198 !
445 Il199 vous eust e[n]traîné trè[s]toulx200
En Enfer, se n’eust esté moy201.
Escoustez la raison pourquoy :
C’est que tantost, par cas difame202,
Avez esté vers203 vostre femme
450 Jaloux, sans cause ny raison.
Et n’ust esté mon oraison204,
Le deable des jaloux porté205
Vous eust là-bas, et transporté.
Or, ne soyez jamais jaloux.
455 Métez-vous donc à deulx genoulx ;
Cryez mercy206 à vostre espouse.
LE MARY
La fièbvre cartaine m’espouse
Sy jamais je [ne seray]207 jaloux !
GUILLOT
Métez[-vous donc à deulx]208 genoulx.
LE MARY
460 Je pry Dieu que ravissans loups209
M’estranglent se plus je marmouse210 !
GUILLOT
Mectez-vous donc à deulx genoulx ;
Criez mercy à vostre espouse.
[LA FEMME] 211
Me voylà.
GUILLOT
Sus ! que l’on ne bouge212 !
465 Ne luy criez-vous pas mercy ?
LE MARY
Ouy, et me mes213 à [sa] mercy.
Du toult, à elle m’abandonne.
GUILLOT
Pardonnez-luy !
LA FEMME
Je luy pardonne.
GUILLOT
Voylà vescu honnestement.
470 Vous luy pardonnez ?
LA FEMME
Ouy, vraiment.
GUILLOT
Or sus ! Mon Maistre, levez-vous.
Vous ne serez jamais jalous,
Ores214 ?
LE MARY
Que je soys donq bany !
GUILLOT
(Voylà un bon Jehan de Lagny215,
475 [La] mort bieu ! Il en a bien d’une216.)
.
L’AMOUREULX SCÈNE XXIV
J’ey eschapé belle fortune217 !
Sans ma218 finesse, j’estoys mort.
Ce n’est pas tout que d’estre fort ;
Mais c’est le tout (pour abréger),
480 Quant l’on est en quelque danger,
[Que] trouver fault manyère et stille219
D’en eschaper, et estre abille220
En évytant la mort et blâme.
Messieurs, de peur qu’on ne nous blâme,
485 Disons, au partir de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu !
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FINIS
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D’UNG GENTIL HOMME DE PICARDIE 221
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…Le douloureux222 mary, plus jaloux que nul homme vivant, fut contrainct d’abandonner le mesnaige & aller aux affaires, qui tant luy touchoient que, sans y estre en personne, il perdoit une grosse somme de deniers…. En laquelle gaignant, il conquist bien meilleur butin, comme d’estre nommé coux223, avec le nom de jaloux qu’il avoit auparavant. Car il ne fut pas si tost sailli de l’ostel224, que le gentil homme, qui ne glatissoit225 après aultre beste, vint pour se fourrer dedans ; & sans faire long séjour, incontinent exécuta ce pour quoy il venoit, et print de sa dame tout ce que ung serviteur en ose ou peut demander….
Ce dyable de mary (…) revint le soir, dont la belle compaignie — c’est assavoir de noz deux amoureux — fut bien esbahie….
Nostre povre gentil homme ne sceut aultre chose que faire, ne où se mussier226, sinon que de soy bouter dedens le retraict de la chambre…. Le povre gentil homme rendoit bien gaige227 du bon temps qu’il avoit eu ce jour, car il mouroit de fain, de froit et de paour. Et encores, pour plus engrégier228 son mal, une toux le va prendre, si grande et si horrible que merveille…. La dame, qui avoit l’œil et l’oreille tousjours à son ami, l’entre-ouÿt d’aventure, dont elle eut grant frayeur au cueur, doubtant229 que son mary ne l’ouÿst aussi. Si treuve manière, tantost après souper, de soy bouter seulette en ce retraict ; et dist à son amy, pour Dieu, qu’il se gardast ainsi de toussir….
Quant ce bon escuier se vit en ce point assailly de la toux, il ne sceut aultre remède, affin de non estre ouÿ, que de bouter sa teste au trou du retrait, où il fut bien ensensé (Dieu le sçait !) de la confiture de léans230…. La toux le laissa. Et se cuidoit tirer hors ; mais il n’estoit pas en sa puissance de se retirer, tant estoit avant et fort bouté léans…. Il se força tant, qu’il esracha l’ais percé231 du retrait, et le raporta à son col. Mais en sa puissance ne eust esté de l’en oster….
À tout l’ais232 du retraict à son col, l’espée nue en sa main, la face plus noire que charbon, commença à saillir233 de la chambre. Et de bonne encontre, le premier qu’il trouva, ce fut le dolent234 mary, qui eut de le veoir si grant paour — cuidant que ce fust le dyable — qu’il se laissa tumber du haut de luy235 à terre (que à peu qu’il ne se rompît le col), & fut longuement pasmé236. Sa femme, le voyant en ce point, saillit avant, monstrant plus de semblant d’effrey qu’elle ne sentoit beaucoup237…. Il dist, à voix casse238 et bien piteuse : « –Et ! n’avez-vous point veu ce deable que j’ay encontré ? –Certes, si ay (dist-elle). À peu que je n’en suis morte de la frayeur que j’ay eue de le veoir ! –Et dont peult-il venir céans (dist-il), ne qui le nous a envoyé ?…. »
Et depuis, continua arrière le dyable dessusdit, le mestier que chascun fait si volentiers, au desceu239 du mary et de tous aultres, fors de une chambèrière secrète.
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1 Chez elle, seule. 2 LV : complaindre (à la rime.) 3 Sous ses lacs, sous son joug. 4 Plaisir. Idem vers 114. 5 Aussi, je le servirai d’un mets, d’un plat à ma façon. Idem vers 385. 6 Dans un beau garçon. 7 De coucher avec lui. 8 Il entre par le rideau de fond, et accomplit une quelconque tâche ménagère en chantant. 9 Chanson inconnue. Brown, nº 143. 10 Tu mets. Cette graphie du verbe mettre, qui revient aux vers 37 et 466, est propre au copiste. 11 Imbécile. Un Sot des Coppieurs et Lardeurs se nomme Malostru. 12 Les versions actuelles de cette comptine reflètent mal ce que devait être la version originale, certainement beaucoup moins innocente. Le très rabelaisien Philippe d’Alcripe s’en souviendra en 1579 : « Descharge, tu as vendu ! Turlututu, chappeau pointu ! » Le Mistère du Viel Testament en a tiré un personnage ridicule, monsieur Turelututu. 13 Cette chanson normande a pour titre : C’est de la rosée de mai. La « rosée de moi » qu’évoque Guillot s’apparente à la « douce rosée de Nature » que Béroalde de Verville fait couler du « manche de Priape ». 14 Es-tu atteint de la teigne, que tu gardes ton bonnet sur la tête ? 15 Poli. 16 De ne pas mettre. Il faut enlever son bonnet quand on parle à des gens qui nous sont supérieurs. Dans Messire Jehan, on prie un autre badin de s’adresser au curé en ayant toujours « la main au bonnet ». 17 Le petit oiseau. Chanson d’Antoine de Févin, mort en 1512. Le vers 195 du Pèlerinage de Mariage en est tiré. Brown, nº 173. 18 À mon chignon. Mais aussi : à mes plaques de teigne, ce qui répond au vers 35. 19 Mon secret, mon projet. 20 LV : ronge (« Mais si j’empoigne un baston rond,/ Bien te feray tirer tes guestres ! » Le Cousturier et Ésopet.) 21 Guillot s’indigne de ce mot bénin, alors que sa patronne l’a précédemment traité de cerveau léger, de malotru et de teigneux, et qu’elle va encore le traiter impunément de friand bémi [de glouton niais], de méchant, de vilain, de laid, de sot, de fou, et de… lourdaud (vers 334). Mais Guillot, qui est un grand amateur de chansons, a peut-être en mémoire celle qui s’intitule Lourdault, lourdault, lourdault : je l’ai publiée dans la notice de Régnault qui se marie. 22 Que tu ne manqueras jamais de rien. 23 Vous le regretterez. « Par Dieu, la chanson vous cuyra ! » Le Ribault marié. 24 LV : guillot 25 En fait, il est allé se faire payer les fournitures dont il a fait crédit à un autre marchand. 26 Je te promets sur ma main, que je mets dans la tienne en guise de gage. 27 LV : jamais 28 Un faux pas. 29 Appétissant. C’est bien ce que fera sa patronne au vers 89, mais elle donnera au mot « friand » son autre sens : goinfre. LV ajoute dessous : que lourdault 30 Il n’y a aucun saint, aussi saint soit-il. 31 LV : non 32 LV : chere (J’aimerais mieux. « J’aymeroye plus cher estre à Romme. » Raoullet Ployart, et l’Aveugle et Saudret.) 33 Un glouton niais. Cf. Lucas Sergent, vers 69. 34 LV : soublz rys 35 Les Badins sont coiffés d’un béguin [bonnet de nourrisson]. Rien ne leur fait plus plaisir que de pouvoir empiler un bonnet d’adulte par-dessus. « Et un bonnet te donneray. » C’est ce que promet au Badin qui se loue l’amant de sa patronne ; voir la note 87 de ladite farce. Notons que le bonnet pointu est l’apanage des juifs, des astrologues et des médecins, trois catégories qui prêtaient à rire. 36 LV : venoyt (Être venant = venir. « Bien soyez venant ! » ATILF.) 37 LV : chast (Sous ce vers, il manque un vers en -sir pour amorcer le triolet.) 38 Il est dans la rue, et s’approche de la maison. 39 Peu importe l’argent, si on n’a pas de plaisir. 40 LV : est metresse (à la rime.) C’est celle qui fait sortir de mon cœur les soucis. 41 On songe à la Barbe bleue, de Charles Perrault : « Ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » 42 Par la porte entrouverte, il voit venir l’amoureux. Il se dépêche de refermer. 43 Il toque à la porte, chargé d’une besace pleine de victuailles. 44 LV : hola (Voir le vers 218.) 45 Vous frappez à la porte. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 25. 46 Là-dedans. Idem vers 226. 47 LV : voyesine 48 La femme invente ce sobriquet pour ne pas compromettre le noble, qui doit avoir un nom à particule. Dans les Cent Nouvelles nouvelles, le patronyme du gentilhomme picard n’est pas davantage révélé. À tout hasard, on trouvait en Normandie des sieurs de La Cocquerie. 49 Fais-le. Ce pronom normand peut s’élider devant une voyelle : « Alons-nous-en, laisson–l(ay) en pais. » Troys Gallans et Phlipot. 50 À condition que je sache s’il a de la nourriture dans sa besace. 51 Du vin en guise de pourboire : ce mot vient de là. 52 Laid. « Soit bel ou let. » L’Aveugle et Saudret. 53 Prononcer « maclerage ». Cette forme métathétique de maquerellage est bien attestée : « Une de ses femmes, qui sçavoit parfaictement le mestier de macqueleraige. » (Anthoine Le Maçon.) La forme contractée est plus souvent macrelage : « De faire ung secret macrelaige/ Pour ung gueux bien anvitallié. » (Jehan Molinet.) 54 Et pourtant. 55 Son plaisir. Idem vers 251. « Coucher dedens quelque beau lit./ Et là prendrez vostre délit. » Régnault qui se marie. 56 Je ferai le pied de grue, je monterai la garde. Un veau est un imbécile. 57 Guillot vient de se métamorphoser lui-même en trois bêtes : un poisson, un oiseau, un ruminant. 58 Sans que vous me mettiez de force de l’argent dans la main. 59 Il laisse entrer l’amoureux, et il met l’écu dans sa bourse. 60 Voilà de bonnes manières. Idem vers 469. 61 LV : faictes le moy (Faites-lui l’amour. « Pour la bien faire taire,/ Il luy fault prendre ung bon “clystère”…./ S’el prent médecine par “bas”,/ Jamais tu n’auras nulz débas. » Deux hommes et leurs deux femmes.) Guillot, près de la porte, se livre à des commentaires qui prennent à témoins les spectateurs ; le couple est trop loin pour l’entendre. 62 LV : vous maues (Vous ne risquez pas.) 63 Quelque chose à manger. 64 Que je me ressente, que je profite. 65 Museau, minois : jolie fille. Cf. les Tyrans, vers 202. 66 LV : transye (Je suis transporté. Cf. Lucas Sergent, vers 282.) 67 LV : ou est (Et dire que mon maître n’est pas là !) 68 Pénétrez-moi, puisque mon mari en est sorti. 69 Ne vous souciez pas d’autre chose. 70 « L’amoureux passe-temps. » La Ruse et meschanceté des femmes. 71 Aux champs : dans un lointain village. C’est la litote qu’emploient les marchands qui ont rendez-vous avec un gros client : voir les vers 48-49 et la note 79 d’Ung Mary jaloux. 72 Je ne refuse pas de vous obéir. 73 Firmin. « Fermyn de Mésan. » (Débat de deux gentilz hommes espagnolz.) Sangler une femme, c’est la besogner : cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 88. « Mulet » joue sur le latin mulier [femme] : « Sanglée comme ung beau mulet. » Le Povre Jouhan. 74 J’ai tout ce que je souhaite. 75 Terme affectueux. Cf. Jolyet, vers 57. 76 Le mulet du vers 173 aura bientôt sa ration d’avoine. Mais la femme aura bientôt sa ration de sperme : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 15 et note. 77 Qu’il vous enverrait paître, avec le même sens qu’aujourd’hui. Cf. le Raporteur, vers 72. Les amants s’embrassent. 78 LV : en ce 79 LV : souhaict (J’ai à mon entière disposition.) 80 L’amoureux tire de sa besace un papier dans lequel est enveloppée une volaille rôtie, pour la collation qui précède traditionnellement le coït : « J’aporteray pour le repas/ Un gras chapon avec une oie. » (Le Poulier à sis personnages.) LV ajoute dessous : ma mye 81 Il faut que j’apporte une casserole. (Cf. le Munyer, vers 437 et note.) La femme en prend une et pose le gibier rôti dedans. LV reporte le mot casse au début du vers suivant. 82 LV : voyre du don (Il nous faut aussi boire du bon vin. « Que je perds les biens et la veue/ À force de boire du bon. » Olivier Basselin.) Le galant tire de sa besace une bouteille. 83 Totalement. Idem vers 467. 84 LV : vous (« Je bois à vous, à vostre santé. » Furetière.) 85 Tout comme dans les Cent Nouvelles nouvelles, l’amant est un gentilhomme : « –Je boys à vous ! –Grand mercy, sire ! » Le Poulier à sis personnages. 86 LV : quel 87 Pas autant que moi. « Maistre, je bois à vous d’autant ! » L’Aveugle et Saudret. 88 LV met ce fragment sous le vers 204. 89 Vous pétez de santé. L’enfant Gargantua <chap. 11> « pettoyt de gresse » et, comme au vers 228, « gardoyt la lune des loups ». Guillot abandonne la porte et rejoint les deux buveurs. 90 Épargnez-la un peu. 91 Je vous ferai raison à sa place, en vous portant des toasts. Idem vers 378. Guillot boit le verre de sa patronne. 92 Le vin n’est pas ressorti de mon estomac. 93 LV : reculle (Jamais il ne rechigne. « Et ce firent sans rebouler. » Godefroy.) 94 La gueule (normandisme). « Il nous fault eschauffer/ Par la goulle. » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) Faillir par la gueule, ou par le bec, c’est être à court d’arguments. Mais Guillot sous-entend : si ma bouche a une défaillance au moment de boire. 95 En aucune créature. Ou bien : En aucun idiot. 96 Ne cessez pas de. 97 Il tape à la porte, derrière laquelle se trouve Guillot. Le couple est trop loin pour entendre leur dialogue. 98 LV : dedens (Là-dedans.) 99 De coups. « Coux » signifie cocu, comme dans les Cent Nouvelles nouvelles. 100 LV : quenee (Que Dieu nous protège ! « Les enfans de Dieu peuvent bien dire à tous leurs ennemis ce qu’on dit en commun proverbe : Dieu gard la lune des loups ! » Pierre Viret.) 101 Puant. 102 LV : le mary guillot 103 LV : non (Feignant de n’avoir pas reconnu la voix de son patron, Guillot en profite pour le tutoyer.) 104 Sarclés. « Sacler blés. » (Godefroy.) Vos affaires vont bien. 105 Ce que. « Conseillez-moy que faire doy. » Jeu du Prince des Sotz. 106 Vous aurez du ravaut, du bâton. Voir la note d’André Tissier : Recueil de farces, t. I, 1986, pp. 179-242. 107 Dans les cabinets, qui sont fermés par une porte. 108 LV : dens le (Je corrige de même le vers 393.) 109 Un pitoyable plaisir. 110 S’il regardait sous le lit. 111 Bien malheureux. Cf. Poncette et l’Amoureux transy, vers 81. 112 Qu’il ne me frotte les reins avec un bâton. L’auteur normand amuït le « r » de « po(r)te », comme celui de « sa(r)clé » à 235 ; ce phénomène d’amuïssement explique les rimes des vers 30, 145, 223, 234, 313, 374. 113 Avant. 114 Guillot boit le verre de l’amoureux. 115 LV : helas 116 La bécasse (prononciation normande). 117 Il est certain. Guillot arrache une cuisse et la mange. La femme pose la casserole compromettante sur le bord extérieur de la fenêtre. 118 Je me casse la voix. 119 LV : gy (Je vais à vous. « À vous je vois. » L’Aveugle et Saudret.) Guillot ouvre la porte. 120 LV : que ne vous vimes (Les vignes représentent un village campagnard, comme les champs des vers 19, 59 et 164.) 121 L’échine. « Rom-pe-rai » compte pour 3 syllabes, grâce au « e » svarabhaktique normanno-picard, comme à 428. « Je te romperay le museau ! » Jéninot qui fist un roy de son chat, et les Chambèrières et Débat. 122 LV : me faictes vous (« Vous vous ferez bien batre ! » Le Mince de quaire.) Le maître tape sur la tête de son valet. 123 Une mauvaise. 124 Ce n’est pas une grosse perte : Guillot était déjà « léger du cerveau » (vers 26). 125 LV : mechant (Le mari, qui est grossiste, avait rendez-vous avec un commerçant qui devait lui payer des marchandises achetées à crédit ; mais ce dernier lui a posé un lapin.) 126 LV : nom 127 N’a-t-il pas essayé de vous faire réparation ? 128 Depuis que je l’ai logé ici. Sur la route des foires, les commerçants trouvaient plus économique — et moins risqué — de loger chez un confrère. 129 LV : et (Le copiste a confondu le « y » du manuscrit de base avec une esperluette « & ».) Y a-t-il quelque chose de nouveau ? 130 « On dit aussi qu’on met la nappe, quand on reçoit la compagnie chez soy, lorsque les autres apportent de quoy manger. » Furetière. 131 Que je t’attrape. Cf. le Pardonneur, vers 226. 132 Le mari va chercher ses bagages, qu’il a laissés devant la porte. 133 Ne dis plus rien. « O ! que plus mot on ne me sonne ! » L’Arbalestre. 134 Elle donne de l’argent au valet, qui le met dans sa bourse. 135 LV : je croys (Cette remarque est ironique : il était discourtois de monopoliser les toilettes.) 136 De plaids, de bavardages. Le mari revient. 137 Qui interrompt. 138 LV : pour vray (Au vers 283, le mari disait déjà : « Car trouvé ne l’ay au logis. ») 139 Un fieffé voleur. « Tu sembles bien larron prouvé ! » Le Brigant et le Vilain. 140 Extrait d’une chanson non identifiable que Guillot reprend au vers 403. 141 Jusqu’à ce que je le sache. Même forme normande à 386. 142 LV : vert tu (« Vertu bieu ! qu’esse à dire ? » Le Poulier à quatre personnages.) 143 Qu’est-ce donc ? « Que peult-ce estre ? » Frère Guillebert. 144 Quoi qu’on en dise, ce « h » initial est bien attesté : voir par exemple le v. 257 des Povres deables, le v. 93 de la Mère de ville, ou le v. 15 de l’Aveugle, son Varlet et une Tripière. 145 LV : y disoyt 146 LV : vous comptes (Ce que je dis maintenant.) 147 De votre jument. Mais aussi : De votre femme. Voir la ballade intitulée Une haquenée atout le doré frain, dont le refrain est : « Ainsi que dient ceulx qui l’ont chevauchée. » Poésie homosexuelle en jobelin, GKC, 2007, pp. 98-100. 148 Que les maudits lupus, que les ulcères. « Les loups luy mangent les jambes : il a les jambes mangées d’un mal que l’on appelle loups. » Antoine Oudin. 149 C’est encore une perdrix au vers 358, mais c’était une bécasse aux vers 189 et 264. Les versificateurs étaient soumis à la tyrannie de la rime… 150 5 sous. 151 Il sort, et prend sur la fenêtre la casserole où se trouve la volaille, amputée d’une cuisse. 152 LV : baille (Confusion avec « apprêter des bayes [des moqueries] ». « Et luy apprestois bien des bayes. » Frère Fécisti.) En apprêter à quelqu’un = lui préparer un mauvais tour. 153 De tous les côtés : cf. les Povres deables, vers 166. 154 Guillot met les 5 sous dans sa bourse, et porte la casserole dans la maison. 155 LV : grand chere 156 Ne vous courroucez pas. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 237. 157 LV : cy (Le rôtisseur ambulant passait devant notre porte.) 158 La tranche de pain grillé sur laquelle coule la graisse de la volaille. C’est encore la recette de la caille sur canapé. 159 Guillot va donc garder pour lui les 5 sous, en plus de l’écu qu’il a extorqué au galant comme droit d’entrée (vers 147), de l’argent grâce auquel l’épouse a acheté son silence (vers 301), du bonnet dont elle lui a fait cadeau pour le soudoyer (vers 96). Et je ne compte pas la nourriture et la boisson, ni le plaisir qu’il a dû prendre à se moquer de tous ces gens supérieurs qui le traitent de lourdaud. 160 LV : scays (Voir les vers 324, 373 et 443.) 161 LV : lay laissee (Cf. l’Avantureulx, vers 56.) 162 LV : laires tu (Vendanger = voler. Le Badin Guillerme, qui a gobé une des deux figues que le curé lui a confiées, lui montre la dernière, s’attirant cette remarque : « Il n’y en a qu’une ?/ Je croy que l’autre est vendangée. ») 163 LV : mort (Le mari donne à Guillot l’os de la seconde cuisse pour qu’il morde dedans.) 164 Ce verre bien plein. 165 Je vous ferai raison (note 91). 166 Guillot boit les verres de ses patrons. 167 « Et puis, m’amour, que vous en semble ? » Deux hommes et leurs deux femmes. 168 Boire. « Siffler le vin en abondance. » (Parnasse des Muses.) Nous disons toujours : Siffler un verre. 169 D’un pitoyable aliment. 170 Je ne saurais sortir. Le galant tousse. 171 Que j’ois, que j’entends tousser. 172 LV : haquenee (Un bidouard est un petit cheval : cf. le Gaudisseur, vers 86. Mais c’est également un des noms du pénis, qui tousse quand il est trop vieux.) 173 Que Dieu lui vienne en aide ! 174 Elle entre dans les toilettes. 175 Vous nous ferez découvrir par mon mari. 176 LV : en efaict (En pratique. « De faict,/ Y me fault aler au retraict. » Lucas Sergent.) 177 LV : dens le (Note 108.) La femme retourne à table. 178 Sale. L’amoureux plonge sa tête dans le trou. 179 Récupérer. Mahuet, aux vers 117 et 220, ne peut « ravoir » sa main, qu’il a coincée dans un bocal de crème. 180 Il entre dans les toilettes, en chantant pour couvrir les plaintes de l’Amoureux. 181 Voir la note 140. Nous ne possédons plus cette rengaine, qui a dû finir dans un retrait, mais des quantités d’autres serinent les mêmes clichés ; voir par exemple celle qui figure aux vers 28-35 du Povre Jouhan. 182 Il a vessé, pété. 183 LV : on 184 En se tenant le ventre, il essaie d’ouvrir la porte des toilettes, que Guillot a fermée de l’intérieur. 185 Sans ouvrir la porte. 186 Au bas-ventre. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 23. 187 L’amoureux se relève en arrachant la planche, qu’il porte autour de son cou comme un pilori. Sa figure est noire d’excréments. Pour ce genre de « maquillage », on utilisait du son mouillé, qui a la consistance et la couleur voulue ; voir la note 204 du Munyer. 188 Il parvient à ouvrir la porte, et tombe nez à nez avec un diable noir qui brandit son épée en hurlant. Voir l’illustration des Cent Nouvelles nouvelles. John Harington, le poète (car il en fallait bien un pour cela) qui inventa la chasse d’eau en 1596, publia une gravure où le diable fuit un homme assis sur un retrait. Nous devons cette trouvaille à Jody Enders, la traductrice américaine de notre farce : Holy Deadlock and further ribaldries. University of Pennsylvania Press, 2017, pp. 59-99. 189 Dans les Mystères, c’est le hurlement traditionnel des diables. « Brou ! Brou ! Ha ! Ha ! Puissans deables iniques ! » (Mystère de saint Martin.) Dans les Trois amoureux de la croix, un amoureux déguisé en diable profère ce cri au vers 429. 190 De l’eau bénite, pour l’exorciser. Les Normands prononçaient « bénète » : « Dame nonnète,/ Vous voulsissiez que l’eau bénoiste.» Les Mal contentes. 191 Tu m’aspergeras, Seigneur ! (Psaume 51.) Même vers dans les Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures pour avoir de l’eaue béniste. 192 LV : lamoureulx (La confusion tient au fait que c’est l’Amoureux qui fait le diable.) 193 Le mari, la femme et Guillot s’enfuient de la maison. Le mari a complètement oublié son besoin pressant ; il s’est peut-être conchié de peur, comme tant d’autres personnages de farces. 194 LV : prenes 195 « Puys infernal, dampné gouffrineux roc !/ Deable d’Enfer, que vault ton villain croc ? » (Mystère de saint Martin.) Là-bas = en bas, en enfer. Idem vers 453. 196 LV : et 197 Ce que c’est, de quoi il retourne. 198 Quand on voue les jaloux au diable, il les emporte en enfer. 199 LV : qui (Le diable.) 200 Tout entier. 201 Si je n’avais pas été là pour le faire fuir à coup de latin (vers 430). 202 Infâme. 203 Envers. 204 Ma conjuration latine. 205 LV : emporte (Voir le vers 426.) 206 « À jointes mains et à genoux,/ (Ton mari) te crira mercy. » Le Ribault marié ; ledit ribaud, du moins, implore à genoux le pardon de son épouse parce qu’il l’a trompée, et non pas parce qu’elle l’a trompé avec la complicité intéressée du confesseur. 207 LV : suys (Voir le vers 472.) Dans Martin de Cambray <F 41>, un amoureux déguisé en diable emporte la femme d’un jaloux, qui promet alors de ne plus l’être : « M’amye, je vous cri mercy !/ Jamais, nul jour, ne le seray ! » Le vers précédent, qui provient des Chambèrières et Débat, perturbe le triolet. 208 LV : metes vous a (Même refrain que 455 et 462.) 209 Des loups ravisseurs. « De ces loups ravissans remplis de cruauté. » La Chasse du loup. 210 Si je grogne encore. Cf. les Coquins, vers 297. 211 LV : le mary 212 La rime est anormalement faible, sauf si Guillot prononce « bouse », pour se moquer du peureux qui s’est chié dessus. 213 Et je me mets. 214 LV : or non (Désormais.) 215 Un homme velléitaire, qui n’a aucune suite dans les idées. Voir la notice de Jehan de Lagny. 216 On lui en a fait une bien bonne. « Tu m’en bailles bien d’une ! » D’un qui se fait examiner. 217 Je l’ai échappé belle. 218 LV : la (Sans ma présence d’esprit.) 219 Style. Qu’il faut trouver l’art et la manière. 220 Habile. 221 Voici des extraits de la 72e des Cent Nouvelles nouvelles, qui a fourni le sujet de la farce. 222 Le fâcheux. 223 Cocu. 224 Sorti de sa maison. 225 Qui ne chassait. 226 Se musser, se cacher. 227 Remboursait avec les intérêts. 228 Aggraver. 229 Redoutant. 230 Qui était là-dedans. 231 Qu’il arracha la planche percée sur laquelle on s’assied. Ladite planche, qu’on appelle aujourd’hui la lunette, se nommait l’anneau : voir la 11e nouvelle de l’Heptaméron, de Marguerite de Navarre. 232 Avec la planche. 233 À sortir. 234 Le fâcheux. 235 De toute sa hauteur. 236 Évanoui. 237 Affichant plus d’effroi qu’elle n’en éprouvait. 238 Faible (féminin de l’adjectif cas). « J’ay la voix, dit-il, ung peu casse. » ATILF. 239 À l’insu.
LES BOTINES GAULTIER
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LES BOTINES
GAULTIER
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Les bottines de Gautier sont mentionnées vers 1470 par Simon Gréban, dans les Actes des Apostres, où une femme possédée par le diable s’écrie : « Lucifer me gette ung regard/ D’amour au travers de la fesse,/ Car il veult que je me confesse/ Dedans la botine Gaultier. » Au départ, ces bottines n’étaient pas autre chose que les cuissardes d’un gros moine normand prénommé Gautier. Le Rouennais Cacheleu s’en souvenait encore en 1533, lorsqu’il composa son
Chant royal faict du blason des bottines
Qu’usoit jadis le bon frère Gaultier….
Par ung matin, revenant des matines,
Pour m’en aller à la messe à Oyssel*, * Oissel, près de Rouen.
Me fut besoing d’emprunter les bottines
De mon voisin, le bon Gaultier Mansel….
« Par Dieu ! ce sont bottes toutes divines
(Ce dist Gaultier en passant au bastel*) : * Au bac qui traversait la Seine.
Je les portoys du tems des grandz ravines*, * Inondations.
Et me servoyent autant qu’ung devantel*…. * Tablier.
Mais pour aller à la messe au moustier,
Il ne fault pas laisser au verd boscage
Le grand blason des bottines Gaultier. »
Ces vastes bottines devinrent une métaphore pour décrire un vagin démesuré, au même titre que la botte : « Mon mignon, mon gentil varlet, / Gressez-mé bien ma vielle bote / Et secouez ma vielle cotte ! » <Ms. fr. 1719.> Avec la même élégance, on disait aussi le houseau, qui est une botte de cavalier : voir le vers 40 du Sermon pour une nopce. Tous les hommes — à part frère Gautier — trouvaient ces bottines trop larges, et se plaignaient d’avoir été floués. L’un des plaignants fit l’objet d’une ballade que je publie sous la farce.
L’auteur de cette pièce normande1, qui ne recule devant aucun sous-entendu, joue également sur une troisième expression : « bailler de la bottine à quelqu’un », c’est lui donner — mentalement — un coup de pied au derrière, c’est-à-dire l’humilier. En résumé, donner à un galant « la bottine de Gautier », cela revient à le berner en lui promettant le vagin trop large de la femme du dénommé Gautier. Comme on le voit, l’auteur est un virtuose du langage à plusieurs niveaux, et il va le démontrer brillamment.
Source : Recueil de Florence, nº 9.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec des quatrains à refrain et 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Amoureux qui ont
les botines Gaultier
*
À quatre personnages, c’est assavoir :
ROUSINE
GAULTIER
LE PREMIER GALLANT
LE .II. GALLANT
.
LES BOTINES GAULTIER
*
ROUSINE,2 femme de Gaultier, commence en chantant :
Je prometz en vérité : SCÈNE I
Se mon mary va dehors,
Je feray ma voulenté,
Je prometz en vérité.
GAULTIER
5 (Faictes-vous tel [des]loyaulté3 ?
Je [veulx] escoute[r] ses records4.)
ROUSINE, en chantant :
Je prometz en vérité :
Se mon mary va dehors,
Je lucteray5 corps à corps
10 Et m’esmouvray6 bien les vaines.
GAULTIER 7
Vous ferez voz fièvres quartaines !
ROUSINE
Las !
GAULTIER
Hahay ! Esse la façon
Des manches8 ?
ROUSINE
Pour une chanson
Qu(e) avez ouÿ chanter ou dire,
15 Me devez-vous ainsi mauldire9 ?
GAULTIER
Maulx sont maulx10.
ROUSINE
Chansons sont chansons.
Mais ce sont tousjours voz façons.
Mauldicte soit la jalousie !
Je doy bien mauldire ma vie
20 Et l’heure que te fuz donnée :
Je fis une froide11 journée,
Et povoyes bien, ce jour, vestir
Mes bons habitz12 ! Tousjours glatir !
Je ne pourroye ouïr cela.
GAULTIER
25 [À luy]13, à luy ! Ta ty, ta ta !
Pour ung mot, el en dira trente.
ROUSINE
J’ay raison !
GAULTIER
Paix, malpaciente !
Qu’esse, cecy ? Maistre ou varlet,
Je [t’]abaisseray ce caquet
30 Qui est si gros !
ROUSINE
C’est grant dommage
Que je n’endure ce langaige.
Ne me réputez puterelle14 :
Il n’en est point quelque nouvelle.
J’ay aussi bon nom sans diffame
35 Que la meilleure preudefemme
Qui soit point dedans ceste ville.
GAULTIER
Or bien, donc, j’ay failly, ma fille.
Mais se ne vous aimoye bien,
Je ne vous en diroye rien,
40 Vous le povez considérer.
ROUSINE
Aussi, povez-vous bien penser
Que je ne m’en courcerois pas15,
S’il estoit vray16. Voyez le « cas »,
Gaultier.
GAUL[TIER] 17
Je vous en croy, Rousine ;
45 Il fault que ceste cause fine18.
Mais puisqu’il fault du tout parler,
Dont venez-vous ?
ROUSINE
D’où ? Du tessier19,
Là où je l’ay enduré belle20.
J’ay trèsbien fait ourdir ma telle21.
GAULTIER
50 De vray, esse [bien] fine ouvrage ?
ROUSINE
Sur ma foy, Gaultier, il fait raige22 !
Il a si très à point bouté
Le fil23, qu’il ne luy est resté
Que les fondrilles24 seulement.
55 Il vous « ourdist » tant proprement
[Qu’]il n’y a point de fil perdu.
GAULTIER
Est-il ainsi bien entendu25 ?
Sont-ce doubliers26 ou serviètes ?
ROUSINE
Midieux ! c’est bien dit, vous y estes.
60 De toutes sortes j’en devise.
On parle d’euvre de Venise27 ;
Mais j’ouÿ dire à mes parrains
Qu’il n’est ouvrage que de Rains28.
Damas est euvre fort exquise ;
65 Si n’est-elle point tant requise29
Des premiers jusques aux derrain[s]30.
Il n’est ouvrage que de Rains.
Paris, qu’est ville bien assise,
Est fourny d’ouvriers31 (sans faintise)
70 Qui sont tous seurs et bien(s) certain[s]
De faire l’ouvraige de Rains.
GAULTIER
De cela, j’en oste mes mains :
Je ne m’y congnois point32, m’amye.
ROUSINE
Puisque ma « toille » est [bien] ourdie,
75 Le demourant se fera bien.
GAULTIER
Et du payement ?
ROUSINE
Vous sçavez bien
Qu’en devez avoir [des] chemises33 ;
C’est à vous à faire les mises,
Du bon [du cueur]34 la plus loyal[e].
GAULTIER
80 Tant me cousteroit à la Halle.
Or bien, bien, on s’en chevira35.
Sçav’ous36 que me desservira ?
ROUSINE
Nenny.
GAULTIER
De me seoir ung petit37,
Et me frotez38 à l’apétit
85 La teste.
ROUSINE
Or vous séez donc !
Hay avant, vous estes si long39 !
Mon amy, il fault qu’on vous serve40 ?
GAULTIER
Il fault bien que je le desserve41
En temps et en lieu, hault et bas.
ROUSINE
90 Gaultier, vous ne me gratez pas
Où me démengue42.
GAULTIER
Que de vent !
Maidieux ! vous voulez trop souvent
Estre couverte d’ung pourpoint43.
Je me suis assis bien à point
95 En ce lieu pour passer ennuy.
.
LE .I. GALLANT,44 en chantant : SCÈNE II
Madame, je vous supply,
Dictes-moy à ung point :
Seray[-je] vostre amy
Ou le seray-je point ?
100 Je croy que je viens bien à point
Pour trouver rencontre de sept45.
Sortira-il rien ? Qui le scet ?
J’espère à trouver quelque proye.
Si46 doit-il venir beste en haye :
105 Le vent y est trèsbon, par Dieu !
Et si, c’est entre chien et leu47.
Je suis, puis trois jours, amoureux.
Hélas ! tant je serois eureux
S’elle venoit, la désirée !
110 À peu que je ne l’ay nommée ;
Sur ma foy, hen ? closes oreilles48 !
Il n’est pas49 que, de tant de veilles
Qu’ay faictes ces nuytz à requoy50,
Quelq’un[e] vienne à bien.51
.
LE .II. GALLANT chante : SCÈNE III
Hauvoy52 !
115 Sur la mer, quant trèsfort y vente
Et qu’il y fait trop grant tourmente,
Il y fait dangereux aller.
Je t’ay entendu au parler
De bien loingnet53, par saint Cybart !
LE .I. GALLANT 54
120 Je diroye au moins : Dieu [te] gart !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
LE .I. GALLANT
Quel escailler55 !
LE .II. GALLANT
Quel escouflart56 !
LE .I. GALLANT
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !57
LE SECOND GALLANT
De vray, j’en auroye ma part58.
LE .I. GALLANT
125 Tu auroi[e]s ta malle estraine59 !
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
Certes, tu as nom Pert-sa-peine
Car, de vray, ton fait60 est perdu.
LE PREMIER GALLANT
130 Il me souffist d’estre repeu
D’ung regard, ou baiser l’annel61.
LE SECOND GALLANT
Ha ! mon filz, tant tu es nouvel62 !
T’apaises-tu de veoir leurs yeulx ?
LE PREMIER GALLANT
Tu en parles com envieux,
135 Foy que doy à saint Pol l’apostre !
LE SECOND GALLANT
Tu dois dire ta patenostre
Pour moy : se t’ay fait le chemin63.
LE PREMIER GALLANT
Est-il vray ?
LE SECOND GALLANT
Tant tu es jényn64 !
LE .I. GALLANT
Nous sommes deux chiens o65 ung os.
140 C’est pour venir à mon propos :
Croy que la vécy bien à point66.
LE .II. GALLANT
[Cr]oys-tu ? Ne te souvient-il point
Des enseignes desur le banc67 ?
LE PREMIER GALLANT
Et ! ouy, vrayement.
LE .II. GALLANT
Je parle franc ;
145 Mais mot68, car il se doit celer !
Et puisqu’il fault du tout parler,
Elle t’ayme pour le caquet.
LE .I. GALLANT
Tu scez qu’en ung petit sachet69
Les bonnes espices y sont ;
150 On scet bien qu’au grant ne seront.
Tu ne sers que de jambayer70.
LE .II. GALLANT
Quant on est sur cest astelier71,
Chascun y fait du mieulx qu’il peut.
Au moins, se d’aventure pleut,
155 Nous les metrons mieulx à couvert,
[Nous, qu’une]72 robe de bon vert
(Com ung aultre la bailleroye).
LE .I. GALLANT
Nous suivrons to[u]sjours ceste voye.
Et s’il vient vermeil73, d’aventure,
160 Il est nostre !
LE .II. GALLANT
Ha ! je t’asseure
Que74 nous aurons bref des nouvelles :
L’oreille m’espoint75.
LE .I. GALLANT
S’ilz76 sont belles,
Onc homme plus joyeux ne fut.
Qu’esse-cy ? Le nez me mengust77 :
165 On parle de moy.
LE .II. GALLANT
Tant mieulx vault.
S’il survient riens78, prens-le d’assault
Et le menons à l’ordinaire !
.
GAULTIER 79 SCÈNE IV
Dont vient cecy ? Le luminaire
Me commence à apetisser80.
ROUSINE
170 Aussi, je ne m’en sçaurois taire,
Car vous estes ung espicier81.
GAULTIER
On voit bien à ung vieil mercier
Avoir de belle marchandise82.
ROUSINE
Nul ne doit en83 officïer
175 S’il n’en scet l’usaige et [la] guise.
GAULTIER [chante :]
J’ay prins amour à ma devise84
Pour conquérir joyeuseté.
ROUSINE
Vous avez mal la table mise,
Ou ung souper mal apresté.
GAULTIER
180 Corps bieu ! je suis bien apointé85.
Hay avant ! partez86, çà, Rousine :
Il fault reporter ma botine
Au savetier, et que l’entrée
De87 la chose luy soit monstrée.
185 Regardez : j’ay ce pié enflé,
[Et] l’autre aussi.
ROUSINE
C’est bien ronflé88 !
Vous mocquez-vous ?
GAULTIER
Se je me mocque ?
Maulgré en ait la nicque-nocque89 !
Regardez en quel point j’en suis.
ROUSINE
190 Voulez-vous qu[e j’]atende à l’huis
Tant qu’il ait fait ? Que l’en m’informe :
Les feray-je bouter en forme90
Affin que puissent eslargir ?
GAULTIER
Ouy dea. Et qu’il garde le cuir91 :
195 C’est cordouen92, il est bien tendre.
ROUSINE
(Puisqu’il les me fauldra attendre,
Je hanteray93 tousjours l’ouvrier.)
GAULTIER
Allez, courez com un lévrier,
Hastez-vous !
ROUSINE
Ha ! je vous asseure
200 Qu’il en prendra bien la mesure94,
À ceste fois.
GAULTIER
Or allez avant !
ROUSINE
Et que ferez-vous, ce pendant ?
GAULTIER
Je ne sçay.
ROUSINE
Recousez vos chausses.
GAULTIER
Vray Dieu, qu’il est de femmes fauces95 !
205 Par le sacrement de l’autel !
Qui seroyt cent en ung ostel96,
El97 les embesongneront bien,
Seurement, sans vous celer rien.
En une esguillée de fil,
210 [Vous mectriez]98 un petit de mil !
ROUSINE 99
Tenez ! Et se vous avez fait100
Devant que l’ouvrier ait parfait101,
Rongnez102 voz ongles, mon amy !
GAULTIER
Qu’il n’y face pas à demy103,
215 Que ne104 soit à recommancer.
ROUSINE
Je luy feray bien affoncer105
La « forme » dedans, çà et là,
Tant que le « cuir » s’eslargira.
Il m’en pourra bien souvenir.
GAULTIER
220 Allez ! Faictes qu’au revenir,
J(e) y entre [bien] sans chaussepié106.
Se vous trouvez, lez107 ung treppié,
De ces mondains, de ces riveulx108,
Ne me caquetez point à eulx :
225 Vous n’en amenderiez [en] rien109.
ROUSINE
C’est tout fin vray, vous dictes bien.
GAULTIER
Allez, que santé Dieu vous doint110 !
.
LES DEUX GALLANS AMOUREULX, en chantant :
Point, point, point, point, point, point, SCÈNE V
Il n’y en a point :
230 De persil en no(z) jardrin(s)111 n’y a point.
.
GAULTIER 112 SCÈNE VI
Je ne sauroys serrer ce point :
Mon esguille113 ne veult entrer.
.
ROUSINE SCÈNE VII
Comment Gaultier est bien empoint114 !
.
[ GAULTIER SCÈNE VIII
Je ne sauroys serrer ce point. ]
.
LE PREMIER GALLANT 115 SCÈNE IX
235 Que dis-tu ?
LE SECOND GALLANT
Ce fust bien à point,
Qui peust qui que soit rencontrer116.
.
GAULTIER SCÈNE X
Je ne sçauroys serrer ce point :
Mon esguille ne veult entrer.
Cest ouvraige est à [re]serrer117.
240 Je ne le sauroys pas serrer118.
Trut avant119 ! Je prens sur mon âme :
L’esguille [re]semble à ma femme ;
Elle a mauvais cul, vrayement.
N’y est-elle point120 ? Quel tourment
245 S’elle eust ouÿ dire ces motz !
M’a-el121 pas baillé en propos
Qu’il me fault mes ongles rongner ?
Corps bieu ! j’ay bien122 à besongner ;
Je n’auray mais en pièce fait123.
.
LE .I. GALLANT, en sifflant 124 : SCÈNE XI
250 Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE .I. GALLANT 125
Ouy, laisse venir,
Parle bas, vécy nostre fait. En sifflant : 126
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea sire, beau sifflet !
.
ROUSINE,127 [en chantant :] SCÈNE XII
Hélas ! Mon bon amy parfait,
255 Le pourray-je jamais tenir ?
.
LE PREMIER GALLANT, en sifflant : SCÈNE XIII
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE PREMIER GALLANT
Ouy, laisse venir !
Chantons pour voir son maintenir128
Et sa façon, et sa manière.
Adonc ilz chantent tous deux ce qui 129 s’ensuyt :
260 Je ne130 seray jamais bergère ;
Quérez qui le sera pour moy131.
Ce sera pour m’oster d’esmoy,
Car je vueil estre mariée.
.
ROUSINE SCÈNE XIV
(Benoiste Royne couronnée132 !
265 Ces133 deux marchans m’ont apperceue.
Par ma foy, j’en suis bien déceue134.
Il me fault tirer autre train135.)
LE PREMIER GALLANT
Revenez [cy] !
LE SECOND GALLANT
Çà, ceste main136 !
ROUSINE
Je congnois trop vostre demeure,
270 Je ne vous quiers point137.
LE PREMIER GALLANT
Est-il heure
Que gens de bien soient par pays138 ?
ROUSINE
Nous ne sommes point gens haïs
De noz voisins, ne sus ne soubz139,
Mon mary ne moy, oyez-vous ?
275 Qui me gard140 nuyt et jour [d’]aller
Sans chandelle, sans en parler141,
Com une bonne preude femme ?
LE SECOND GALLANT
Personne que vous ne vous blasme.
Nous vous congnoissons bien, voisine :
280 Ne vous nommez-vous pas Rousine,
Femme de Gaultier Le L[a]isant142 ?
ROUSINE
Et en vaulx-je pis ? Dieux avant143 !
Qu’en dictes-vous ?
LE SECOND GALLANT
Le cas est tel :
Pour144 frapper souvent du « coustel »,
285 Vous tenez voulentiers franchise145.
LE PREMIER GALLANT
Je croy bien, s’elle ayme l’église,
C’est à cause de la frarie
En quel main est la librairie
Des Augustins146.
ROUSINE
Quelz gens de bien !
290 Je vous pry, ne me dictes rien !
Vous ne sçavez à qui parlez147.
LE SECOND GALLANT
À une femme.
ROUSINE
Or allez,
Et ne me dictes point d’injure,
Ou je voue à Dieu148, et [je] jure
295 Que je vous feray adjourner149 !
Quoy ? Me voulez-vous destourner
D’aller ?
LE PREMIER GALLANT
D’aller ? Allez aux loups150 !
ROUSINE
Ce n’est point vïande151 pour vous :
Je ne suis point vostre cheval152.
LE SECOND GALLANT
300 C’est trèsmal fait d’en dire mal,
Quant on n’y a point veu que153 bien.
J’entens le cas : qui ne dit « tien154 ! »,
Il n’est jamais bel appellay155.
LE PREMIER GALLANT
Fault-il que cecy soit celay ?
305 Vous souvient-il point du gallant
Dont vous eustes le dyament,
Et luy baillastes de la muse156 ?
ROUSINE
Qui, moy ?
LE SECOND GALLANT
Pour bailler d’une ruse,
Il n’en est point de tel ouvrière.
ROUSINE
310 Moy, mon amy ?
LE PREMIER GALLANT
[Vous] toute entière,
Sans aultre157.
ROUSINE
Ha, que c’est mal158 dit !
LE SECOND GALLANT
De Dieu soys-je treffort mauldit
Se ce n’estoit vous en personne159 !
ROUSINE
Il ne fault point qu’on m’en blasonne160
315 En ce point, car vous me prenez161
Pour une autre.
LE SECOND GALLANT
Tant que vouldrez.
Mais vous fistes162 le personnage.
ROUSINE
Et puis, se l’ay fait, quel dommage ?
Que vous chault ? Ce n’est rien du vostre163.
LE PREMIER GALLANT
320 Le confessez-vous ?
ROUSINE
Ouy, voir164.
LE PREMIER GALLANT
Nostre165 !
Qu’esse-cy, en vostre giron ?
ROUSINE
Que c’est ? Et ! c’est mon chapperon
Que [je] porte à la presseresse166.
LE PREMIER GALLANT
Escoutez ung mot, ma maistresse,
325 En l’oreille.
ROUSINE
Parlez tout hault.
LE SECOND GALLANT
Dictes privé(e)ment, ne vous chault :
Je ne vous escouteray167 pas.
LE PREMIER GALLANT
Arrière ung peu168 !
Vécy le cas :
Je sçay trèstout, et si, suis ferme169
330 De long temps. Mectez-moy ung terme170,
Je suis seur.
ROUSINE
Ha, tout seroit perdu !
LE PREMIER GALLANT
N’en parlez plus, dictes le lieu.
ROUSINE
Mais vous, car je n’y congnois aage171 ;
Oncques fillette(s) de village
335 Si ne fut aussi nouvellette.
LE PREMIER GALLANT
À l’Hostel 172.
ROUSINE
Je seray tost preste
À [huit heures]173. Mot !
LE PREMIER GALLANT
Je suis saige.
Baillez-moy quelque simple gaige
Pour plus tost venir au lieu dit.
ROUSINE, en luy baillant une botine :
340 Tenez, mus[s]ez-lay174 !
LE PREMIER GALLANT
Il souffist.
Et se mon compagnon vous touche175
Que j’ayes dit, taisez176 vostre bouche,
Car je ne luy en diray rien.
ROUSINE
Ce sera fait d’homme de bien.
345 Je ne seray pas si baveuse177.
LE SECOND GALLANT
(Elle fait de la dangereuse178.)
Et puis, à quoy tient ce marché ?
Qui vouldra, j’en seray chargé179.
ROUSINE
Il me parloit de ma cousine
350 Qu’il congnoist.
LE .I.180 GALLANT
C’est bien dit, Rousine !
LE . II.181 GALLANT
Vous m’entendez bien ?182 Ha, finart !
Vous contrefaictes le regnart183 :
Vous en voulez aider184 tout seul.
Çà, ung mot !
LE .I. GALLANT 185
(Il luy fait grant deul
355 Qu’il ne le scet186. Que mal feu l’arde187 !
Mais non pour tant, il n’en a garde188 :
Il auroit plustost de la lune189 !
J’ay enseignes190, moy : c’est pour une191.)
LE .II. GALLANT
Or çà ! Or disons, belle dame
360 Qui faictes de la preude femme :
Vostre asseurance192 est esgarée.
On congnoit trop vostre derrée193.
Vous est-il point advis que j’aye
En mon beau mouchouèr monnoye194,
365 Ou de bon or quelque freluche195 ?
ROUSINE
Je ne regarde [ne] n’espluche196
Les gens de si près, vélà tout.
LE .II. GALLANT
Il fault commencer par ung bout.
Pour ce qu’ayme [trop] vostre honneur,
370 Ung mot vous diray de bon cueur :
Ne vous fiez pas en chacun.
ROUSINE
Comme quoy197 ?
LE .II. GALLANT
Nous sommes trop d’ung198 ;
C’est mon compaing(s), m’amye chière,
Qui a la langue trop légière.
375 Je [le] vous dy pour abrégier.
ROUSINE
Si n’y a-il point de dangier
En parolle que me dist huy199.
Mais nonobstant, c’est dit d’amy ;
Humblement je vous en mercie.
LE .II. GALLANT
380 Sçavez-vous de quoy je vous prie ?
C’est qu’au lieu duquel je vous vis
Yssir il y a des jours six200,
Vous trouverez dedans [ma main]201
[À] huit heures. Or çà, vostre main202 !
385 Le ferez-vous ?
ROUSINE
Par trop envis203
J’escondiroies ung si beau filz204.
Mais gardez qu’âme205 n’y survienne,
Affin que pis ne nous en vienne,
Car mon honneur seroit forfait.
LE SECOND GALLANT
390 [Qu’il] n’y ait faulte206 !
ROUSINE
Il sera fait,
Mais [en] secret.
LE SECOND GALLANT
Tant de fois dire !
ROUSINE 207
Tenez : mussez cecy, beau sire !
Affin de plus tost m’y trouver,
Pour gaige [en] aurez ce soulier.
395 Mais à vostre compaignon, mot !
LE SECOND GALLANT
Non, non, je ne suis pas si sot.
Partez tost sans plus de frestel208.
LE .I. GALLANT
Où retournez-vous ?
ROUSINE
À l’hostel209.
Dieu vous doint bon soir, mon mignon !
LE .I. GALLANT
400 Rousine !
ROUSINE
Adieu, compaignon !
Je m’en vois210 sans plus en parler.
LE .I. GALLANT
Mais en quel lieu ?
LE .II. GALLANT
Laisse-l(a) aller,
Et puis nous dirons du meilleur.
.
ROUSINE SCÈNE XV
Ha, mon Dieu ! Et, quelz gens d’honneur !
405 Je suis eschappée piedz joincts211.
De forte fièvre soient-ilz oingz212 !
Destourbée [ilz] m’ont213 ; ne m’en chault.
J’alloye — parlé-je point trop hault ? —
Où j’eusse gaigné une panne214,
410 En ung lieu… Mais j’en suis [bec-jaune]215.
[Et] que pourray-je à Gaultier dire
De ses botines ? C’est pour rire !
Il m’en fera bien grant brairie216.
Trouver fault quelque tromperie,
415 Puisque j’aprouche du logis.
.
GAULTIER 217 chante. SCÈNE XVI
Il est temps de fermer son huis.
Viendra-el point ? C’est à demain218 !
El me baille bien du plantain219.
Je me feray mes chausses tondre220.
420 Je requier Dieu qu’elle puist fondre !
Mais que ce soit ains qu’il soit nuyt221,
Je n’y voy goute ; qui y vist222 ?
Il fault que couse [sans lunettes]223.
Vécy des coustures bien faictes :
425 J’ay mis la pièce auprès du trou224 !
J’en suis tout tanné. [Brou, ha]225, brou !
J’ay autre chose à besongner :
Car il me fault mes ongles rongner.
Il m’y fault prendre par bon désir226.
430 Je cuyde que j’aye tout loisir :
C’est bien demouré227 ! Quel prouffit ?
J’attendray encor un petit228.
.
LE .I. GALLANT SCÈNE XVII
Dy-moy vérité et soyes ferme229 !
LE .II. GALLANT
Si feray-je bien, dea ! J’ay terme230.
LE .I. GALLANT
435 Tout cela, ce n’est que du moins231 ;
J’ay plus fort.
LE .II. GALLANT
Quoy ? Estraint les mains,
Ou marché sur le pié232 ?
LE .I. GALLANT
Nenny[n].
LE SECOND GALLANT
Ma foy, je te tiens pour jényn
Tout au long ! Tu n’y congnois aage.
440 J’ay bien dit.
LE .I. GALLANT
Ce n’est que langage ;
Mais moy, j’ay enseignes certaines.
LE SECOND GALLANT
Se c’estoient fièvres quartaines,
Mon filz, tu n’en tremblerois jà233.
T’y fies-tu ?
LE .I. GALLANT
Es-tu à cela
445 Toy-mesmes ? Es-tu bien fort beste !
Dea, dea, n’en baisse jà la teste :
Tu n’as garde du horion234.
LE .II. GALLANT
Tu en es bien !
LE PREMIER GALLANT
Quelle raison ?
As-tu enseignes ?
LE .II. GALLANT
Ouy, vrayement.
LE .I. GALLANT
450 Monstre235 !
LE SECOND GALLANT
Mais toy !
LE PREMIER GALLANT
Là premièrement236 !
LE .II. GALLANT
Non feray : tu en bouteras237.
LE .I. GALLANT
Ha ! de vray, tu te gasteras238
Bien tost, se tu es le premier.
LE .II. GALLANT
Bien. Se tu y vas le dernier,
455 Ce sera pour les grâces dire239.
Scez-tu quoy ? Tu me feras rire.
LE PREMIER GALLANT
De quoy ?
LE SECOND GALLANT
Tu es loing de ton compte.
.
ROUSINE 240 SCÈNE XVIII
Dieu gard !
GAULTIER
Et ! n’avez-vous pas honte,
Belle dame, de mettre tant ?
460 Je me vois icy desbatant241
Tout seul, sans voisins ne voisines.
Et puis, quoy ? Où sont mes botines ?
ROUSINE
Chez l’ouvrier. J’ay parlé à luy :
Avoir ne les pouvez, mèshuy242,
465 Jusques à demain au matin.
GAULTIER
Qu’avez-vous trouvé en chemin ?
Par Dieu ! c’est trèsmal labouré243.
ROUSINE
Pourquoy ay-je tant demouré ?
Il fust pour vous saison244 de boire.
GAULTIER
470 J’ay recousu mes chausses.
ROUSINE 245
Voire,
Je cuide qu’ilz soient presque bien…
GAULTIER
M’ai dieux246 ! je n’y congnois247 plus rien,
Sans lunettes. Mot n’en hongnez248 !
ROUSINE
Et puis ? Sont voz ongles rongnéz ?
GAULTIER
475 J’ay fait vostre commandement.
Soupperons-nous point ?
ROUSINE
Ouy, vrayement.
La table est [mise] en la cuisine,
Là-bas.
GAULTIER
C’est bien parlé, Rousine.
Mes botines ?
ROUSINE
C’est à demain.
GAULTIER
480 Devant249 !
ROUSINE
Je vois quérir le pain
Et veoir se la vïande est cuitte.250
.
GAULTIER SCÈNE XIX
Pleust à Dieu que [j’eusse visite]251,
Et [qu’]ung bon cordonnier252 fust nostre !
Je m’iray coucher en apostre253,
485 Aujourd’uy, piedz nudz ; c’est raison.
C’est celle de nostre maison254
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
De coucher il n’est pas saison255.
C’est celle de nostre maison
490 Qui m’apaise de son blason256.
Celle ne craint que j’aye froidure257.
C’est celle de nostre maison
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
.
ROUSINE 258 SCÈNE XX
[Sont-ilz]259 point party ? Trop m’y dure.
495 S’il260 le sçavoit, d’ung an entier,
Soyez certains, par saint Régnier,
Je n’auroyes bien261 ! Vélà le cas.
Ilz sont aussi262 froiz que verglatz.
Quelz gorgïas ! Quelz galeretz263 !
500 Ce sont varletz dimencheretz264,
Des « sept au blanc265 ». Quelz paladins !
Et puis ilz266 cuident estre fins ;
Mais je suis encore plus fine,
Car ilz en ont de la botine267
505 Tout du long. J’en cheviray bien268
À Gaultier ; cela, ce n’est rien,
Car je sçay bien où on les vent269.
Je luy en baille270 bien souvent,
Dont il ne n’en dit pas grant mercis.
510 Je croy que Gaultier est assis271 ;
Je m’en voys, car il luy ennuye272.
.
LES DEUX GALLANS, en chantant : SCÈNE XXI
Dieu doint très bon soir à m’amye ! 273
LE SECOND GALLANT
Or me dy (se Dieu te doint joye),
Par quelque point ou quelque voye,
515 Le lieu où elle t’a promis,
Veu que nous sommes tant amys
Et sçavons assez l’ung de l’autre.
LE PREMIER GALLANT
Sçauroys-tu en faire le274 peaultre ?
[LE SECOND GALLANT]
Me diras-tu point vérité ?
520 En me promectant ta loyaulté,
Comme ung [bon] compaignon doit faire,
Diras275 le lieu de son repaire
Où elle t’a dit.
LE PREMIER276 GALLANT
Seurement
Le te diray bien loyaulment,
525 Sur ma foy !277 Sces-tu le logis
Où nous mengeasmes les mauvys278 ?
LE SECOND GALLANT
De vray ? À peu que ne le croy !
LE PREMIER GALLANT
C’est léans279.
LE SECOND GALLANT
Je jure ma foy
Qu’au dit lieu el m’a baillé terme
530 À huit heures.
LE PREMIER GALLANT
Quoy ?
LE SECOND GALLANT
Qu’elle est ferme280 !
[LE PREMIER GALLANT]
À quelz enseignes ?
LE SECOND281 GALLANT
D’ung soulier
Que vécy.
LE PREMIER282 GALLANT
C’est pour affoller283 !
Et j’en [ay] eu une botine.
LE SECOND284 GALLANT
Montre çà !285 C’est tout ung.
LE PREMIER GALLANT
Rousine,
535 Ha ! vous jouez d’ung grant mestier286.
Ce sont les botines Gaultier.287
LE SECOND GALLANT
Seurement nous en avons d’une288 !
Se la rencontre sur la brune289…
El dira par chacun quartier
540 Que j’ay des botines Gaultier.
LE PREMIER GALLANT
Par le sang bieu, nous l’avons belle !
Elle est une faulce290 femelle.
Je cuidoys estre tout routier291,
Mais j’ay des botines Gaultier.
545 Je vous pry [que] n’en dictes mot.
LE SECOND GALLANT
[Par] sainct Jacques ! il y fait sot292,
[Qui l’andosse a]293 ung jour entier !
Sert-el des botines Gaultier ?
LE PREMIER GALLANT
Mot, bon gré saint Gris ! Qui sauroit
550 Nostre cas, chacun nous huroit294.
El nous a, comme ung bast[el]ier295,
Baillé les Botines Gaultier.
LE SECOND GALLANT
S’il est sceu par quelque sentier
Qu’i nous soit advenu cecy,
555 Comme des Gallans sans soucy296,
Des Gaudisseurs297, des Bas-perséz298
Ou Joyeulx-mondains299, c’est assez
Pour estre raillé une année.
LE PREMIER GALLANT
Ceste cause est assez menée ;
560 N’en parlons plus, allons-nous-en[t]300
Nous deulx, par derrière, coyement301.
Dy-je bien ?
LE SECOND GALLANT
Ouy. Sus, sus, à tout302 !
Il en fault saillir303 par ung bout.
Temps est de faire départie304.
565 À Dieu command305 la compaignie !
.
EXPLICIT
*
.
BALADE 306
.
En mon chemin, je rencontray,
Ainsi que chassoye marée307,
Une bourgoise qui, pour vray,
Cuidoit bien faire la serrée.
5 Je luy dis : « M’amye, quel desrée308
Portez-vous en vostre pennier309 ? »
Elle respond à la vollée :
« Ce sont les botines Gaultier. »
.
« –Dame, s’il vous plaist, j’assayeray310
10 S’ilz sont d’entrée assez serrée.
–Ha ! (dist-elle), je n’oseray,
Car à mon mary pas n’agrée.
Je seroye par luy dévourée.
S’il les vous convient assayer311,
15 Gardez-vous d’agrandir l’entrée :
Ce sont les botines Gaultier. »
.
Tout du premier coup y entray,
Tant estoit l’entrée cavée312 ;
À bien pou que n’y demouray313,
20 Tant y fis longue demourée.
Je n’y trouvay fons ne ryvée314
Mains qu’en ung housel315 tout entier.
Ce fut donc vérité prouvée :
Ce sont les botines Gaultier.
.
25 Prince, ma jambe y fust entrée
De plain bont et sans varier316 !
Je luy ditz, quant l’euz assayée :
« Ce sont les botines Gaulthier ! »
*
1 Ses deux éditeurs modernes l’ont crue parisienne ; je donnerai donc en note les éléments de preuves qui témoignent en faveur de son origine normande. 2 Elle entre dans la maison, où son mari est déjà, mais elle ne le voit pas encore. Sa chanson est inconnue. 3 « S’y me faisoyt desloyaulté. » (La Veuve.) L’éditeur a comprimé ces deux vers en croyant qu’ils faisaient partie de la chanson en heptasyllabes. Les deux vers dont il est question sont dits en aparté. 4 Ses paroles. 5 Lutter = coïter. Cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 240. 6 F : me restraindray (Je me réjouirai. « C’est un vent chault, en vérité,/ Plus que le soleil en esté :/ Y vous faict esmouvoir les vaines (…),/ Faict metre homme et femme ensemble. » Sermon joyeux des quatre vens.) 7 Il surgit devant Rosine et la frappe. 8 Cette vieille expression veut dire : Est-ce la nouvelle mode ? « Les gens sachans mascheront ces groseilles [avaleront ces couleuvres] :/ Soit tort ou droit, c’est la façon des manches. » Henri Baude. 9 Le Ribault marié chante aussi une chanson d’amour dans laquelle sa femme voit l’aveu de son infidélité. Il lui répond : « Se je chante en moy esbatant,/ Doy-tu penser en mal pour tant ?/ Et n’oseray, pour jalousie,/ Chanter ? » 10 Il y a là un jeu de… maux. 11 Une mauvaise. « Que Dieu t’envoit froide journée ! » Mystère de saint Vincent. 12 Mes habits de fêtes. Glatir = glapir, aboyer. 13 F : Autre (À l’attaque ! « À luy, à luy ! Rapporte fort ! » Le Roy des Sotz.) Les onomatopées qui suivent stigmatisent le bavardage féminin, comme au vers 79 du Pèlerinage de Mariage. « (Elles) vous ont les langues légières…./ “Ty ty, ta ta”, douze pour treize./ Ilz [Elles] ont plus de babil que seize. » La patience des femmes obstinées contre leurs maris. 14 F : point pour telle (« Allez vous chier, puterelle ! » Ung jeune moyne.) 15 F : point (Que je n’en serais pas courroucée.) 16 S’il était vrai que vous m’aimiez. Double sens inaudible pour ce balourd de Gautier : S’il était vrai que je sois une puterelle. De plus, le cas désigne le sexe de la femme : cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 5 et note. 17 À partir d’ici, F abrège souvent les rubriques ; je ne le suivrai pas. 18 Que ce procès finisse. 19 De chez le tisserand. 20 Où j’ai patienté longtemps. 21 Tisser ma toile, comme au vers 74. Le va-et-vient du métier à tisser se prête aux métaphores érotiques. À partir de maintenant, Rosine va se cantonner dans un langage parallèle à celui de son lourdaud de mari : tout ce qu’elle va dire est truffé d’allusions sexuelles qu’il ne soupçonnera pas. 22 C’est un bon amant. Cf. Raoullet Ployart, vers 31 et 147. 23 Mis son sperme, contenu dans ses pelotes [testicules]. « –J’ai là du fil/ Dont je vais vous coudre et recoudre/ Votre honneur…./ Oh ! parbleu, je n’ay plus de fil./ –Méchant menteur, tu n’en as plus ?/ Ces deux pelotons que j’ay vus,/ Qu’en as-tu donc fait ? » Piron. 24 Que le dépôt du fond. 25 Est-il si expert ? 26 A-t-il tissé des nappes ? 27 De broderie à la mode vénitienne. Les autres villes citées ont également leur manière de broder le linge. Mais Rosine parle évidemment de l’œuvre de nature, de l’œuvre de chair. 28 De Reims, mais aussi de reins. Comme l’a signalé Félix Lecoy, les vers 61-68 doivent beaucoup à une ballade écrite par Jean Régnier en 1445 : « Vous blasmez l’œuvre et l’ouvrage/ De Damas, de Troyes, de Venise/ Et de Paris* la bien assise ;/ Vous ont ce apris voz parrains ?/ La jeune dist : “Rien ne les prise [je n’en tiens aucun compte]./ Il n’est ouvrage que de Reins.” » *La mention de Paris n’est donc pas le fait de notre fatiste rouennais. 29 Pourtant, elle n’est pas si recherchée. 30 Jusqu’aux derniers. Voir le Glossaire du patois normand, de Louis Du Bois, le Dictionnaire du patois normand, d’Édélestand et Duméril, etc. 31 De coïteurs. Idem vers 197 et 212. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 379 et note. On scande ou-vrier en 2 syllabes. 32 Double sens involontaire : Je n’y connais rien en matière de coït. Non seulement Gautier reste imperméable aux sous-entendus grivois de Rosine, mais en plus, il accumule des équivoques érotiques sans même s’en apercevoir. 33 Rappel de l’expression « avoir la chemise de Bertrand » : se contenter des restes dont un autre ne veut plus. Si le mari des Amoureux qui ont les botines Gaultier se nomme Gautier, celui du Dorellot aux femmes qui en a la chemise Bertrand se nomme Bertrand. Dans les deux pièces, les prétendants éconduits par la dame héritent d’un accessoire vestimentaire appartenant à l’époux. Nos Amoureux concluent avec amertume : « J’ay les botines Gaultier. » Le Dorelot, lui, sort en méditant ce refrain désabusé : « J’ay donc la chemise Bertran. » 34 F : bout de (« Du bon du cueur vous baiseray. » Satyre pour les habitans d’Auxerre.) C’est à vous de faire, en toute sincérité, l’offre la plus loyale. Les prix n’étant pas fixes, l’acheteur marchandait, comme dans la scène du drapier de la farce de Pathelin. 35 Je me débrouillerai. 36 F : Scauez vous (Comme d’habitude, l’éditeur a parisianisé les formes normandes.) Savez-vous ce qui me serait utile ? 37 De m’asseoir un peu. 38 F : froter (Voir la note 147.) Et que vous me grattiez la tête pour mon plaisir. Les séances d’épouillage faisaient partie du quotidien. Toutefois, Gautier commet encore un double sens involontaire : Frotter la tête à quelqu’un, c’est le battre. Cf. Saincte-Caquette, vers 269. 39 Allons, vous êtes si lent ! 40 Vous me prenez pour votre servante ? Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 41. 41 Que je mérite que vous me grattiez la tête. Et pour le mériter, Gautier gratte le dos de Rosine. 42 Où cela me démange : ce n’est pas dans le dos… On reconnaît le « g » dur normanno-picard, comme au vers 264. 43 Par un homme. C’est ainsi que la mère de Jénin filz de rien conçut son enfant : « Une jacquette/ Estant sur moy, et ung pourpoint. » 44 Il est dehors, seul. Sa chanson est inconnue. 45 Coup favorable, aux dés. « L’autre coup, lui coucha de sept./ “Rencontre ! Voire, bien me plaît.” » Eustache Deschamps, le Dit du gieu des déz. 46 F : Sil (Aussi.) Le galant, tout comme le Faulconnier de ville, traque la bête féminine, et parle d’elle en termes cynégétiques. On tire souvent ce gibier dans une haie : « En l’ombre d’une haye,/ Nous ferons nostre tripotaige. » Régnault qui se marie. 47 Et aussi, nous sommes entre chien et loup, entre l’après-midi et le soir. Le chasseur est donc moins visible. 48 Vous n’avez rien entendu ! Ce vers s’adresse au public. 49 Il ne se peut pas. 50 En embuscade. 51 F met ici le début de la chanson du 2ème Galant : hauuoy / Sur la mer 52 Cette interjection n’est pas réservée aux marins ; on la trouve notamment dans une chanson de Serre-porte (vers 13). Nous avons ici la fin des Fillettes de Montfort, une chanson normande du manuscrit de Bayeux : « Hauvoy ! sus la mer, quant il vente,/ Il y faict dangereux aller. » Ces 2 mêmes vers seront repris dans une fricassée du Chansonnier de Dijon. Cela prouve que l’éditeur a amplifié cette vieille chanson qu’il ne connaissait pas pour égaliser la versification de la farce, où les paroles initiales étaient obligatoirement chantées, alors que les nouvelles ne sont plus chantables, si l’on en juge par les deux partitions. 53 Je t’ai reconnu de loin à ta voix. Le juron qui suit est entré dans la littérature polissonne sous la forme : « Par la dague S. Sibard ! » Noël Du Fail. 54 Il relève l’impolitesse de son camarade, qui ne l’a pas salué. 55 F : escaillet (Un écailler est un marchand d’huîtres. Cette profession ne devait pas être mieux considérée que celle de harengère.) 56 L’écoufle est un milan, un oiseau de proie. Ce mot étant déjà une insulte (Guillerme qui mengea les figues, v. 88), le suffixe péjoratif -ard n’arrange rien. Remarquons que l’injure vise un prétendu fauconnier. 57 F répète dessous : Quel escaillet 58 De ta « désirée ». Les deux rivaux chassent sur les terres l’un de l’autre, comme ils le feront pour Rosine. 59 Une mauvaise fortune. Cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 103. 60 Ton effort pour conquérir cette femme. 61 F : lamiel (Un amant courtois baise l’anneau que lui a donné sa dame, laquelle en fait autant avec l’anneau de son amant. Cette symbolique sexuelle perdure avec l’alliance des nouveaux mariés, dans laquelle on enfile un doigt.) « Ung anel qu’elle avoit en son doy…. Si le baisa doulcement pour l’amour de lui. Mais elle se print ung peu à hontoier, car il lui ala souvenir qu’elle n’estoit point pucelle, et que digne n’estoit de baiser l’anel. » Le Roman de Perceforest. 62 Jeune, niais. (Nous aurons la forme féminine à 335.) Le 2ème Galant est plus âgé que son comparse, qu’il nomme encore « mon fils » au vers 443. Ce dialogue sur les femmes entre un adulte condescendant et un jeune irrespectueux rappelle Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 63 Tu peux me remercier, je t’ai « ouvert la voie » en déflorant ta désirée. 64 Naïf. Même insulte à 438. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 254. 65 Avec. L’éditeur a omis de remplacer ce particularisme normand. Cf. les Esbahis, vers 215 et note. 66 La femme que je convoite est mûre pour être cueillie. 67 Des enseignes qu’elle t’a données quand vous étiez assis sur le banc. L’enseigne, qui est le moteur de notre farce, est un signe, visible ou audible, donné à une personne pour lui garantir qu’on va faire ce qu’on lui a promis. 68 N’en disons plus un mot ! Idem vers 337 et 395. 69 L’éditeur a parisianisé le normand saquet, qui était la rime riche de caquet. Cf. la farce rouennaise de Messire Jehan, vers 351. 70 Qu’à faire les cent pas sous la fenêtre de ta belle. 71 Sur ce chantier. L’atelier désigne également le sexe d’une femme : cf. Frère Guillebert, vers 27. 72 F : Pour une (En étant couchés sur elles, nous les protégerons mieux de la pluie.) Le vair est une fourrure d’écureuil. 73 Et si en plus la femme nous donne de l’or. Beaucoup d’hommes trouvaient normal de se faire entretenir ; voir par exemple les vers 213-6 de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 74 F : Car 75 Me pique : j’ai la puce à l’oreille. 76 Si ces nouvelles. Même normandisme à 471, et au vers 10 de la Ballade. 77 Me démange. On croyait à ces signes prémonitoires. Nous disons encore que l’oreille doit siffler à quelqu’un dont on parle en son absence. 78 S’il survient un sexe de femme. 79 Il tente, mais vainement, d’enfiler ses bottines. 80 « Quand quelqu’un a perdu la vue, soit par excès d’étude ou de débauche, on dit qu’il a usé son luminaire, qu’il a perdu son luminaire. » (Le Roux.) Voir les vers 422 et 472-3. 81 Un épi scié, un impuissant qui ne peut enfiler ma « bottine ». Cf. les Sotz nouveaulx, vers 230 et note. 82 Un bon pénis. « Puis ta marchandise/ Metz en son “cabas” !/ Lève sa chemise,/ Rembourre son bas ! » L’Amoureux passetemps. 83 F : estre (Nul ne doit user de sa marchandise.) « Ainsi n’est-il de ton bragmard [braquemart] : car par discontinuation de officier et par faulte de opérer, il est, par ma foy, plus rouillé que la claveure d’un vieil charnier. » Rabelais, Tiers Livre, 23. 84 Célèbre chanson. Voir la note 93 d’Ung jeune moyne. 85 Bien traité par vous. Double sens involontaire : Je suis bien érigé. 86 F : parlez (Voir le v. 397.) 87 F : Et (L’entrée de la bottine.) Double sens involontaire : la « chose » désigne la vulve. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 368 et note. 88 C’est bien dit (ironique). « C’est bien ronflé ! Vostre preschier n’y vault. » E. Deschamps. 89 Maudite soit la moquerie ! Double sens involontaire : Maudite soit la copulation. « –Avez-vous joué ce jeu-là/ Qu’on appelle la nicque-nocque ?/ –J’ay joué à planter la broque/ Au fin plus près de mon cu. » Farce de Quattre femmes, F 46. 90 Mettre sur la forme en bois qui les élargira. Rosine prête au mot « forme » une connotation phallique, comme au vers 217. 91 Qu’il y prenne garde, qu’il y fasse attention. Double sens involontaire : le cuir désigne le pubis féminin, comme au vers 218. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 25 et 55. 92 Du cuir de Cordoue. Double sens involontaire : le cordouan désigne le pubis féminin. « Car pour monstrer d’estre courtisiennes,/ Elles faisoient valloir leur cordouen. » Débat des dames de Paris et de Rouen. 93 Je fréquenterai sexuellement. Cf. la Veuve, vers 92. Ces deux vers sont dits en aparté. 94 La taille de mon vagin. « Mesure de Saint-Denis, plus grande que celle de Paris : grande nature de femme. » Antoine Oudin. 95 Fausses, perfides. Idem vers 542. 96 S’il y avait cent hommes dans une maison. 97 F : Et (Elles les obligeront à « besogner », avec un double sens involontaire sur ce dernier mot. Cf. le Dorellot, vers 229.) 98 F : Ou mectre (Vous réussiriez à faire passer un grain de millet par le chas d’une aiguille. « Un homme apris à jetter de la main un grain de mil avec telle industrie que, sans faillir, il le passoit tousjours dans le trou d’une esguille. » Montaigne.) 99 Elle passe très facilement le fil dans l’aiguille de son époux, et la lui tend. 100 Si vous avez fini de recoudre vos chausses. 101 Avant que l’ouvrier n’en ait terminé avec moi. 102 Coupez. Au second degré, « rogner ses ongles » signifie : se ronger les ongles d’impatience. Et Rosine a bien l’intention de faire patienter son mari. 103 Que le savetier ne fasse pas les choses à moitié ! 104 F : ce 105 Enfoncer. 106 Gautier ne se rend pas compte que cette expression appartient au registre érotique : cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 24-25. 107 F : la (Lez un = près d’un. « Lez ung brasier. » Villon.) En Normandie, le trépied n’est autre que le tire-pied, un accessoire de savetier. « Si tou chez chavetiais [si tous ces savetiers]/ Qu’ont estricqué d’engain [qui ont jeté par dépit] l’alesne et les trépiais. » La Muse normande. 108 En Normandie, les « riveux de bis » sont les riveurs de vulves. 109 Vous n’en tireriez aucun bénéfice. 110 Vous donne. Rosine met les bottines dans son tablier, qu’elle tient relevé, puis elle sort de la maison. 111 Dans notre jardin. Le semi-picardisme « en no jardrin » (au lieu de « en no gardrin ») revient plusieurs fois dans le Chansonnier ms. fr. 12744. Mais la chanson des Galants n’a été conservée ni là, ni ailleurs. 112 Il tente de recoudre ses chausses. 113 Double sens involontaire. « Son voisin Gilles,/ Qui sans cesse la frétille/ Du bout de sa grosse esguille. » Gautier-Garguille. 114 En forme. Sous-entendu très ironique : en érection. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 185 et note. Rosine se dirige sans le savoir vers les deux galants. 115 Les galants sont dans la rue. On admirera le goût du risque de l’auteur, qui entremêle un dialogue et deux monologues dans les 8 vers d’un triolet qui se déroule en deux endroits différents. 116 Cela tomberait bien à point, si nous pouvions rencontrer quelque femme que ce soit. Rencontrer = copuler : « Je suis mal fourny de grosse lance telle (…) qu’el désire d’estre rencontrée. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 117 À ranger dans une resserre. 118 Je n’arrive pas à serrer ce point de couture. Voir le v. 237. 119 Allons ! « Trut avant, trut ! C’est à demain ? » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 120 Gautier vérifie avec inquiétude si sa femme n’est pas revenue. 121 F : Mesle (Ne m’a-t-elle pas proposé, au vers 213.) 122 F : bieu eu 123 Je n’aurai rien fait avant longtemps. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 43. 124 À l’instar du Faulconnier de ville (v. note 46), le galant souffle dans un appeau qui attire le gibier féminin. 125 Il aperçoit Rosine, qui marche dans leur direction. 126 F met cette didascalie après les sifflements. 127 Elle s’approche peu à peu des galants, qui sont dissimulés. Sa chanson est inconnue. 128 La contenance qu’aura notre proie. 129 F : quil 130 F : ny (Aucune des chansons qui commencent de la sorte ne donne les autres vers à l’identique. Voir H. M. Brown, nº 215.) Pour rassurer Rosine, les deux hommes interprètent une chanson de femme, avec leur grossièreté habituelle. 131 Cherchez une femme qui sera bergère à ma place. 132 Sainte Vierge ! Ces 4 vers sont dits en aparté. 133 F : Les (Ces faiseurs d’embrouilles. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 401 et 1195.) Nos galants espèrent imposer à Rosine leur « marchandise » : voir la note 82. 134 Piégée. 135 Prendre un autre chemin. Elle tente de fuir, mais les galants lui barrent la route. 136 Donnez-moi votre main ! Le galant capture la main de Rosine. 137 Si je vous cherchais, je saurais où vous trouver. 138 Que des gens convenables soient dehors. 139 Ni dessus, ni dessous : en aucune façon. 140 Qui m’empêche. 141 Sans que vous en parliez. Il est vrai que les sorties nocturnes sans éclairage sont suspectes : « Tracasser [aller et venir] de nuyct sans chandelle. » Marchebeau et Galop. 142 Le paresseux : voir le Glossaire du patois normand, de Du Bois. « Pensez-vous que je soye laysant ?/ Et ! vous porterez tout le fais ? » (Le Nouveau Pathelin.) La famille Le Laisant était originaire de Valognes, dans l’actuel département de la Manche. 143 Forme populaire de « Dieu m’avant » : que Dieu m’assiste ! Cf. Frère Guillebert, vers 466 et 502. 144 F : Vous (Frapper du couteau = copuler. « [Il] se jette sur elle & luy fiche au bas du ventre son cousteau naturel. » Béroalde de Verville.) 145 Vous êtes très libérale. 146 C’est grâce à la confrérie des Augustins, aux mains desquels est confiée la bibliothèque. La bibliothèque du couvent des Augustins de Rouen était certes réputée, mais les femmes ne visitaient pas ces moines paillards pour lire des livres. Le vit des Augustins est vanté dans le Tournoy amoureux, vers 49 et 89. 147 F : vous parler (Rime avec aller. Cet imprimeur est coutumier de pareilles fantaisies, que j’ai corrigées tacitement.) 148 Forme populaire de « Je me voue à Dieu ». Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 32. 149 Assigner devant un tribunal. 150 Comme une louve [prostituée] qui fréquente les lupanars pour danser la « dance du loup, la queue entre les jambes ». (Noël Du Fail.) 151 « Ce n’est pas chair pour vous ! » (La Pippée.) La viande féminine est évoquée au vers 69 du Cousturier et Ésopet. 152 Vous n’avez pas à me mener par la bride. Mais aussi : vous n’avez pas à me chevaucher. 153 F : de (Correction suggérée par Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 153-171.) Nous n’y voyons que du bien. 154 Celui qui ne dit pas : Tiens ! « Bien n’est venu qui ne dict : “Tien !” » (Moral de Tout-le-Monde.) La vénalité de Rosine est encore dénoncée aux vers 306 et 363-5. 155 Appelé. C’est un normandisme : « Il y est installay. » (La Muse normande.) Idem à la rime, où il faut comprendre : celé [dissimulé]. 156 Et que vous avez ensuite mené en bateau. « Qui savoit, par belles promesses, donner la muse à ses ennemis. » Godefroy. 157 « C’estes vous, ou regny saint Pierre !/ Vous, sans aultre ! » Farce de Pathelin, v. 1530. 158 F : bien (« Ha ! que c’est mal dit ! » Pathelin, v. 512.) 159 « C’estes vous en propre personne ! » Pathelin, v. 1514. 160 Qu’on m’en blâme. 161 « Pour qui c’est que vous me prenez. » Pathelin, v. 1506. 162 Vous avez joué. Il se peut que l’acteur qui tient le rôle de Rosine ait tenu précédemment le rôle d’une croqueuse de diamants. 163 Ce n’est pas votre argent. « Je ne vueil rien du vostre. » Les Trois amoureux de la croix. 164 Vraiment. 165 Un point pour nous ! 166 À la repasseuse. En réalité, Rosine cache dans son tablier les bottines de Gautier. 167 F : encuseray 168 Il ordonne à son comparse de reculer pour ne pas entendre les propositions qu’il va faire à Rosine. 169 Fiable, sincère. Idem vers 433 et 530. 170 Fixez-moi un rendez-vous. 171 Je n’y connais rien. Idem vers 439. C’est du jargon de maquignons : « Quant ung cheval a deux ans, il a ses dens nouvelles…. De là en avant [au-delà de sa 7ème année], on n’y congnoist aage. » Le Mesnagier de Paris. 172 Au Vert Hostel, une auberge rouennaise. Les deux galants — et Rosine — y ont leurs habitudes. 173 F : lheure mais (Rosine donne rendez-vous aux deux soupirants dans la même auberge et à la même heure, 8 h du soir : vers 384 et 530.) On trouve ce gag dans une farce normande contemporaine, les Trois Amoureux de la croix, qui offre plusieurs points communs avec nos Amoureux qui ont les botines Gaultier : voir la note 206. 174 Cachez-le. Sur le pronom normand « lay », voir la note 12 du Vendeur de livres. 175 Vous en touche un mot, vous demande ce que je vous ai dit. 176 Fermez. « Taisez vostre bouche/ Tout franc ! » E. Deschamps. 177 Bavarde. Cf. le Dorellot, vers 75. 178 Elle joue la prude : voir le vers 360. « Aussi bien laides que belles/ Contreffont les dangereuses. » (Charles d’Orléans.) Le galant s’approche de Rosine ; son compagnon recule pour ne pas entendre leurs paroles, en cachant la bottine derrière son dos. 179 Si vous voulez, je me chargerai de le faire appliquer. 180 F : .ii. (Le 1er Galant s’est rapproché subrepticement du couple. L’éditeur n’a pas compris cette scène très visuelle.) 181 F : .i. 182 F ajoute en vedette : Le .ii. 183 Vous imitez les ruses du renard. 184 Vous voulez en profiter. 185 Il se recule à nouveau, et prononce des paroles que le couple n’entend pas. 186 Il est malheureux de ne pas savoir ce qu’elle m’a dit. 187 Que le feu de l’enfer le brûle ! Cf. les Rapporteurs, vers 189. 188 Mais cependant, il ne risque pas d’avoir Rosine. 189 Il obtiendrait plus facilement un morceau de la lune. 190 J’ai une garantie, la bottine. Voir la note 67. 191 C’est bon à prendre. 192 F : seur si (Vous avez perdu de votre assurance.) 193 F : quarree (Votre « marchandise ». Voir le vers 5 de la Ballade.) Ce mot désignait les parties sexuelles des femmes et des hommes. Cf. le Trocheur de maris, vers 164. 194 Des pièces dans mon mouchoir noué : cf. les Povres deables, vers 186. Le galant promet de payer Rosine, mais elle sait qu’il n’en a pas les moyens : vers 498-501. 195 F : recluche (Quelque filament. « Des survestes (…) rouges à freluches d’or filé. » Les voyages de Pietro della Valle.) 196 Ni n’examine. Sous-entendu : Je ne plume pas. « Celuy-là est plumé et espluché. » Michel Menot. 197 C’est-à-dire ? Cf. Troys Galans et un Badin, vers 42. 198 L’un de nous deux est de trop : lui ou moi. 199 Qu’il m’a dite aujourd’hui. 200 À l’auberge du Vert Hostel, d’où je vous vis sortir (avec un homme) il y a 6 jours. 201 F : demain (Vous vous trouviez à ma disposition.) 202 Pour sceller ce contrat verbal. 203 Bien malgré moi. 204 Ironique pour un homme d’âge mûr. Voir la note 62. 205 Que personne. 206 Ne me faites pas défaut. La femme mariée des Trois Amoureux de la croix (note 173), sous la contrainte, accorde à trois galants un rendez-vous le même soir et dans un même lieu, rendez-vous auquel elle n’ira pas. Elle dit à l’un d’eux : « Et puis attendre vous m’irez/ (Oyez-vous ?), mais qu’il n’y ait faulte. » 207 Elle donne la seconde bottine au galant, qui la cache derrière son dos. 208 De bavardage. C’est un mot normand : cf. Messire Jehan, vers 96. Le 1er Galant revient vers le couple, en cachant la bottine derrière son dos. 209 À ma maison. C’est un clin d’œil à chacun des deux hommes, qui lui ont donné rendez-vous à l’auberge du Vert Hostel. 210 Je m’en vais. Idem vers 480 et 511. 211 Sans avoir eu besoin d’écarter les cuisses. 212 Enduits : atteints. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 168. 213 Ils ont contrecarré mes plans. 214 F : penne (= plume, ou fourrure.) Une panne est une fourrure, cadeau très apprécié par les femmes. « Trèsbien fourrée de pane blanche. » Le Ribault marié. 215 F : bien iehanne (Béjaune, stupide. « Que je suis becjaune ! » Farce de Pathelin.) La rime -ane / -aune est admise : dans les Drois de la Porte Bodés, béjaune rime avec condamne. 216 Il va braire contre moi. 217 En train de recoudre ses chausses. La chanson est inconnue. 218 Ce sera pour une autre fois. Idem vers 479. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 57. 219 Calembour : elle m’a planté là. 220 Couper les peluches qui dépassent. « Tondre le drap de la robe. » ATILF. 221 Bien que nous soyons avant la tombée de la nuit. 222 Qui y verrait dans ces conditions ? 223 F : a lumettes (Alors que je n’ai pas de lunettes : voir le v. 473. Cet objet était encore rare et cher.) 224 J’ai cousu la pièce de tissu à côté du trou. Gautier ne se rend pas compte qu’il dit : J’ai enfoncé ma « pièce » dans le mauvais trou. Cette gauloiserie agrémentait le cri public des chaudronniers ambulants : voir la note 51 des Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. 225 F : la brou la (Dans les Mystères, « ha ! » et « brou ! » sont les interjections favorites des diables. « Brou ! brou ! ha ! ha ! » Mystère de saint Martin.) Tanné = fatigué, exaspéré. « Que saint Anthoine arde le trou !/ J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 226 Il faut que je fasse contre mauvaise fortune bon cœur. 227 Ma femme demeure longtemps absente. 228 Un peu. Idem vers 83 et 210. 229 Sois sincère. 230 J’ai un rendez-vous de Rosine. 231 C’est la moindre des choses. La rime exige la forme normande mains : voir le v. 22 de la Ballade. Dans la sottie caennaise de Pates-ouaintes, « ce sera du mains » rime aussi avec « les mains ». 232 Ce sont là des enseignes corporelles. Dans le Pasté et la tarte, le pâtissier dit à sa femme qu’un homme viendra chercher le pâté « à tel enseigne comme on doyt,/ Mais que vous preigne [qu’il vous prenne] par le doigt ». 233 Si tu avais autant de fièvre que tu prétends avoir d’enseignes, tu ne risquerais pas de frissonner. Autrement dit : tu n’as aucune enseigne. 234 Inutile que tu baisses la tête, tu ne risques pas de recevoir un coup. Autrement dit : ces choses-là ne te concernent pas. 235 Montre-les-moi. 236 Toi d’abord. 237 Tu en fourniras une. 238 Tu te ridiculiseras. 239 Pour réciter la prière de la fin du repas : tu arriveras trop tard. 240 Elle rentre chez elle. 241 F : combatant (Parlant seul.) 242 Pour l’instant. 243 Œuvré. Double sens involontaire sur « labourer une femme ». 244 C’était pour vous une occasion. 245 Elle inspecte les chausses, et montre au public que la déchirure est toujours là (vers 425). 246 M’ait Dieu = que Dieu m’aide ! Idem vers 59 et 92. 247 Je n’y vois. 248 Aussi, ne grommelez pas un seul mot. Cf. Pour porter les présens, vers 219. 249 Allons ! 250 Elle va dans la cuisine, derrière le rideau de fond. 251 F : ie fusse plus viste (Je corrige sous toutes réserves ces deux vers boiteux et dépourvus de sens.) 252 F : tresorier (Et qu’un cordonnier soit des nôtres pour dîner.) 253 Les apôtres allaient pieds nus : eux non plus n’avaient pas de bottines. 254 C’est ma femme. 255 Il n’est pas l’heure. 256 Avec ses beaux discours. Cf. Jénin filz de rien, vers 196. 257 Elle ne craint pas que j’aie froid aux pieds. 258 Elle sort de la cuisine au moment où son époux y entre. Elle regarde par la fenêtre et voit ses deux prétendants qui se chamaillent. 259 F : Estes vous 260 Si Gautier. 261 Je n’aurais pas de repos. 262 F : plus (« Chez ce cher hoste aussi froid que verglas. » Saint-Amant.) 263 Quels élégants ! Quels petits galants ! 264 Des valets endimanchés. « Un jeune galland mal habillé, & ressemblant à un varlet dimencheret. » Martial d’Auvergne. 265 On peut en avoir sept comme ceux-là pour la modique somme d’un blanc [= 5 deniers]. Nous dirions aujourd’hui : treize à la douzaine. Les paladins sont des courtisans. 266 F : silz 267 Ils ont été humiliés. Voir ma notice et la note 270. 268 Des bottines, j’en fournirai bien. 269 Le Grand blason des bottines Gaultier (v. ma notice) nous l’indique : « Mais on les vend, dist-il, au pont Sainct-Pierre. » Pont-Saint-Pierre est une commune proche de Rouen. 270 Je lui donne de la bottine : je l’humilie. Voir le v. 504. 271 Il est à table dans la cuisine : vers 477. 272 J’y vais, car il est impatient (de manger). 273 Brown (nº 77) recoupe cette chanson avec Dieu doint le bon jour à m’amye, dont la version de Clément Janequin est un peu plus tardive. Mais beaucoup de poèmes furent mis en musique plusieurs fois, par des compositeurs de générations différentes. 274 F : la (Ce vers est difficile. Je comprends : Voudrais-tu venir faire notre lit ? « De nuyt couchéz à nostre peautre. » Les Maraux enchesnéz.) 275 F : Dire 276 F : second (L’imprimeur tente de retomber sur ses pattes après avoir sauté une rubrique. C’est le 2ème Galant qui interroge le 1er.) 277 F ajoute en vedette : Le premier 278 Les grives. Un logis est une auberge : « Au logis de la Belle Estoille. » Mystère des Trois Doms. 279 C’est là. 280 Fiable. Voir note 169. 281 F : premier (Nouveau cafouillage de l’éditeur. C’est maintenant le 1er Galant qui interroge le 2ème.) Le galant montre la bottine qu’il tenait derrière son dos. 282 F : second 283 Il y a de quoi devenir fou. 284 F : premier 285 F ajoute en vedette : Le second (Les galants comparent leur bottine respective, et en concluent que « c’est pareil ».) 286 Vous piégez les gens. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 93 et note. 287 C’est le refrain de la Ballade, probablement chantée. 288 Nous sommes bernés. 289 Si je la rencontre un de ces soirs. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 241. 290 Perfide. Idem vers 204. 291 « Un vieux routier : un homme expérimenté. » Oudin. 292 Quel sot il fait, celui… « Qu’il y fait sot ! » Le Povre Jouhan. 293 F : Que ladosser (Une endosse est un mauvais coup, une situation lourde à supporter. Voir le vers 60 de Légier d’Argent et le vers 34 des Maraux enchesnéz.) 294 Nous couvrirait de huées. 295 Comme un bateleur, un faiseur de tours. Cette forme est normande : cf. la Fille bastelierre. Le chef de troupe rouennais du Bateleur est nommé 7 fois « le Batelier ». Les bateleurs étant des joueurs de farces, on peut considérer que le vers suivant contient le titre de celle qu’ils sont en train de jouer. 296 Ces trois vers contiennent des allusions théâtrales venues de la farce normande du Testament Pathelin : « Gaudisseurs,/ Bas percéz, Gallans sans soucy. » Nous avons une sottie de Faulte d’argent, Bon Temps et les troys Gallans sans soucy (F 47). 297 Des plaisantins. Nous avons une sottie du Gaudisseur. 298 À sec, comme un tonneau qui est bas percé pour qu’on puisse en tirer les dernières gouttes. On peut parier qu’il y eut une farce de Bas-percé, comme il y en a une de Légier d’Argent et une du Mince de quaire : ces personnages qui vivent d’expédients pullulent dans le théâtre de l’époque. 299 Il y eut sans doute une farce de Joyeux-mondain : « Qui a le vent ? Joyeulx mondains. » (Marchebeau et Galop.) L’imprimeur de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain commet un lapsus en nommant ce dernier personnage « Joyeulx mondain » au vers 187. 300 Je rétablis la rime normande : « Alons-nous-ent/ Bien tost ; partons légèrement. » Le Gentil homme et son Page. 301 Sans plus parler. 302 Allons ! Cf. le Vendeur de livres, vers 200. 303 Sortir : il faut bien trouver une issue. 304 De nous séparer. 305 Je recommande. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 451. 306 Deux versions de ce poème furent copiées au XVe siècle dans un manuscrit conservé à la BnF (ms. fr. 1719). Je reproduis la version normande, qui est inédite ; elle commence au bas du folio 165 verso. La version parisianisée, qui provient d’un ms. de base plus récent, commence au folio 13 recto ; Marcel Schwob l’a publiée. Il fut plagié par Jean-Marie Angot, que Jelle Koopmans a recopié sans état d’âme mais avec toutes ses fautes de transcription. 307 « De la marée fraische : une putain. » (Oudin.) Un chasse-marée est un amateur de prostituées. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 509. 308 Quelle denrée. Voir la note 193. « On sçaura qui fait la serrée,/ Et qui franche [libérale] est de sa derrée. » Saincte-Caquette. 309 Panier. Cette forme évoque opportunément l’adjectif pénillier [pubien]. 310 J’essaierai, en pénétrant à l’intérieur. 311 Si vous voulez les essayer. 312 Excavée, élargie. 313 Il s’en fallut de peu que je n’y reste. 314 « J’en ay une que j’aime ung peu…./ On n’y treuve ne fons, ne rive. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 315 « Moins qu’en ung houzeau », comme le transcrit la version parisianisée. 316 D’un bond et sans hésiter.
BEAUCOP-VEOIR ET JOYEULX-SOUDAIN
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BEAUCOP-VEOIR ET
JOYEULX-SOUDAIN
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Ce dialogue parisien1, écrit peu après 1480, confronte un vieux dragueur revenu de tout à un jeune galant qui ne doute de rien. Un Casanova usé, dont l’ultime plaisir est de se remémorer ses frasques amoureuses, tente de rebuter un jeune Don Juan qui s’apprête à commencer le catalogue de ses conquêtes. On assiste au même face à face dans le dialogue du Viel amoureulx et du Jeune amoureulx (LV 9). Le Trésor des sentences résume ces affrontements générationnels dans un proverbe : « Si jeunesse sçavoit / Et vieillesse pouvoit. »
Le dialogue tourne parfois au monologue : dès que le vieux radoteur a enfourché son dada, il fonce en ignorant les questions que lui pose son jeune interlocuteur, au demeurant peu sympathique.
Source : Recueil Trepperel, nº 24. Publié avant 1510.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 1 triolet et des quatrains à refrain.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Dialogue fort joyeulx
à deux personnages, qui parle
de plusieurs matières pour rire.
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C’est assavoir :
BEAUCOP-VEOIR
JOYEULX-SOUDAIN
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BEAUCOP-VEOIR commence 2 SCÈNE I
Le deable y ait part à la feste,
Quant jamais je fuz amoureux !
JOIEULX-SOUDAIN
Suis-je en bruyt3 !
BEAUCOP-VEOIR
J(e) en gratte ma teste4.
Le deable y ait part à la feste !
JOYEULX[-SOUDAIN] 5
5 Pour faire quelque chose honneste,
Je suis plaisant et savoureux.
BEAUCOP-VEOIR
Le diable y ait part à la feste,
Quant jamais je fuz amoureux !
JOYEULX-SOUDAIN
Suis-je gay6 !
BEAUCOP-VEOIR
Que je fusse eureux
10 S(i) une fois puisse regauldir7 !
JOYEULX-SOUDAIN
Quant à moy, je me tiens de ceulx
Qui ne comptent que tout plaisir.
BEAUCOP-VEOIR
J’ay veu que j’avoye mon désir8.
En faitz d’amours, j’estoye huppé9.
15 Maintenant, il me fault gésir10
Incontinent que j’ay souppé…
JOYEULX-SOUDAIN
Suis-je plaisant et esveillé,
Maintenant !
BEAUCOP-VEOIR
Sur ma conscience !
Quant j’ay ung petit « fatrouillé11 »,
20 Je ne puis soustenir ma pence.
JOYEULX-SOUDAIN
Je ne quiers que toute plaisance :
Pour faire la nicque [à l’eunucque]12,
Me vécy !
BEAUCOP-VEOIR
Par Dieu ! quant j(e) y pense,
Je suis devenu trop caducque.
JOYEULX-SOUDAIN
25 Quant Margot y est et je bucque13,
Elle me vient bien tost ouvrir.
BEAUCOP-VEOIR
Quant de ce vin cléret je chucque14,
Tantost me fault aller dormir.
JOYEULX-SOUDAIN
Je ne me pourrois assouvir
30 De riz15, d’esbatemens, de jeuz.
BEAUCOP-VEOIR
Je me souloye resjouyr16 ;
Mais maintenant, je suis trop vieux.
JOYEULX-SOUDAIN
Je suis gent, plaisant et joyeulx.
Viengne qui veult, je ne [me] bouges17 !
BEAUCOP-VEOIR
35 J’ay piéçà les yeulx chacieulx18 ;
Et si, ay les paupières rouges19.
JOYEULX-SOUBDAIN
Je sçay le grant chemyn de Bourges20
Où nous, amoureux, prétendons.
BEAUCOP-VEOIR
Et je sçay bien, quant je me mouches,
40 [Gecter de gros guillevardons]21.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce bon vieillart en dit de bons ;
Je vueil [l’]entendre sans22 demaine.
BEAUCOP-VEOIR
Et, par le sang bieu ! Pour tous dons,
Encore ay-ge une belle vaine23.
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JOYEULX-SOUDAIN SCÈNE II
45 Dieu gard le gueux24 !
BEAUCOP-VEOIR
Bonne sepmaine
Vous envoye Dieu !
JOYEULX-SOUDAIN
Que25 fa[i]ctes-vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Que je fois26 ? La chose est certeine :
J’escaille noix27.
JOYEULX-SOUDAIN
Que dictes-vous ?
Vous me respondriez à tous coups28,
50 Maintenant.
BEAUCOP-VEOIR
Me dictes-vous veoir29 ?
JOYEULX-SOUDAIN
Ouÿ. Comment vous nommez-vous ?
Que je le sache !
BEAUCOP-VEOIR
Beaucop-veoir.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous avez le visage noir
Et estes jà vieulx.
BEAUCOP-VEOIR
Pour certain.
55 [Mais vous, qui]30 faictes bien devoir
D’estre propre ?
JOYEULX-SOUDAIN
Joyeulx-soubdain.
BEAUCOP-VEOIR
A ! par sainct Jehan, c’est à demain31 !
J’entens toute la fiction.
JOYEULX-SOUDAIN
Des faiz d’amours je suis tout plain ;
60 C’est toute ma condiction.
BEAUCOP-VEOIR 32
Hon, hon, hon, hon, hon, hon, hon, [hon] !
[Pour neant]33 n’estes-vous pas si gay.
Est-il proprelet et mignon
Pour bien cryer ung « hoppegay34 ! ».
JOYEULX-SOUBDAIN
65 Je suis gent comme ung papegay 35,
Chacun le voit à mon habit.
BEAUCOP-VEOIR
Par sainct [Jehan] ! le proverbe est vray :
« Tant gratte chièvre que mal gist.36 »
JOYEULX-SOUDAIN
Beau sire, en avez-vous despit,
70 Se je me tiens honnestement37 ?
BEAUCOP-VEOIR
A ! par le sang que bieu38 me fist,
Nenny, que bon gré mon serment !
Que quérez-vous ?
JOIEULX-SOUDAIN
Mon aysement39.
BEAUCOP-VEOIR
Le venez-vous icy quérir ?
JOYEULX-SOUDAIN
75 Je quiers vivre amoureusement ;
C’e[st] là où je veulx parvenir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOYEULX-SOUDAIN
Quelque mignonne ou plaisant(e) dame :
Je ne voy chose, sur mon âme,
80 [Qui trop]40 mieulx me viengne à plaisir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voullez-vous courir ?
JOYEUX-SOUDAIN
En chantz, en riz, en jeuz, en dance,
Je ne quiers que dame à plaisance
Où je me puisse resjouir.
BEAUCOP-VEOIR
85 Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOYEULX-SOUDAIN
Je suis gent, mignon et parfait.
Et pour mieulx acomplir mon faict,
Amoureux je veulx devenir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOIEULX-SOUDAIN
90 Pourquoy non ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est bien pour périr
Et pour avoir ung soubressault41.
Ces motz ay-je bien sceu suivir.
JOYEULX-SOUDAIN
Beaucop-veoir, dire le vous fault.
BEAUCOP-VEOIR
Tu luy baille belle, Michault42,
95 Si tu y vas sans beste vendre43 !
JOIEULX-SOUDAIN
Déclarez-le-moy cy tout hault,
Car la cause je vueil entendre.
BEAUCOP-VEOIR
Hée ! povre sot, où veulx-tu tendre44 ?
À amours, tu prens soing et cure45.
100 Scez-tu bien là où tu veulx [pré]tendre46 ?
JOYEULX-SOUDAIN
Dea, ne me dictes point d’injure !
BEAUCOP-VEOIR
Par le sang Dieu ! C’est la nature
De tous ces jeunes coquardeaux47.
Seulement pour une seinture48,
105 J’en descliqué bien vingt réaulx49.
JOYEULX-SOUDAIN
Y sert-on de si gros morceaulx ?
BEAUCOP-VEOIR
Quoy, de si gros ? Ventre saint Gris !
Je baillay dix salus50 bien beaulx
Pour une fourreure de gris51.
JOIEULX-SOUDAIN
110 C’est trop.
BEAUCOP-VEOIR
Je suis du jeu apris
Autant que personne fut oncques.
JOIEULX-SOUDAIN
De vray ?
BEAUCOP-VEOIR
Il m’a cousté bon pris.
JOIEULX-SOUDAIN
Je croy qu’i m’en coustera, doncques.
Mais qui vous meut52 premier à l’estre ?
BEAUCOP-VEOIR
115 Qui ? Ho ! Je fis ung tour de maistre
Pour le premier coup53. Mais aussi,
Oncques-puis ne fut54 (Dieu mercy !)
Que ne me trouvasse trompé.
JOYEULX-SOUDAIN
Fustes-vous bien assez huppé
120 Que de trouver cest adventaige ?
BEAUCOP-VEOIR
Hupé ? Nostre Dame ! Mais saige
Plus que dix autres ou que cent.
JOIEULX-SOUDAIN
Où fusse ?
BEAUCOP-VEOIR
Emprès Sainct-Innocent55,
Où je me sceuz bien employer ;
125 Car alors, j’estoye escollier,
Ung trotet ou coureux de ville56.
Et pensez que j’estoye habille57.
J’avoye argent, les beaulx signetz58,
Tous les jours mes cheveulx pignéz,
130 Fines chausses, belle saincture
Ferr[é]e59 d’argent, de l’estature60,
Duisans61 souliers de cordouen.
Mais je suis trop vieux, mésouen62.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ? Dictes c’en qui s’ensuit !
BEAUCOP-VEOIR
135 Ainsi comme j’alloye de nuyt,
Je me trouvé, ce m’est advis,
Droit à la rue Sainct-Denis :
J(e) y alloye pour moy resjouyr63.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ?
BEAUCOP-VEOIR
Tantost [vé]cy venir
140 Le guet.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous n’estiez pas trop à seur64.
BEAUCOP-VEOIR
Nostre Dame ! j’avoye grant peur,
Pensez, et bien grant chault [aux fesses65].
JOYEULX-SOUBDAIN
Après ? Qu’on sache [les finesses]66 !
BEAUCOP-VEOIR
[Quant j’ouÿ]67 le guet arriver,
145 Je me cuidoie aller musser68.
Je m’allé mettre69 par raison
Entre deux huys d’une maison.
Sitost que fuz entré dedans,
Voicy la dame de léans70
150 Qui s’en vint tout doulcètement,
Et me dist : « Entrez hardiment !
Vous soiez le trèsbien venu ! »
Je fuz, par Dieu, tant esperdu
Que ne sçavoye dont venoye71.
JOYEULX-SOUDAIN
155 A ! mort bieu, que je n’y estoye !
BEAUCOP-VEOIR
A ! dea, dea, ce n’est pas le bout ;
Vous n’avez pas ouÿ trèstout.
Quant je fuz dedans, de par Dieu,
Je ne dis mot. Lors, en ce lieu
160 — Puisque desclairer le vous fault —
Elle me dist : « Montez en hault72 ! »
Et se print à monter devant,
Et moy après.
JOIEULX-SOUDAIN
Avant73, avant !
Il y aura jeu de regnart74.
165 Avoit-elle bien beau regard ?
BEAUCOP-VEOIR
S’elle l’avoit ? Et, ouÿ dea !
Par [le] sainct sang que Dieu pissa75 !
C’est une belle godinette76.
Elle avoit une grosse tette77 ;
170 Je ne sçay, moy, qu’elle78 avoit fait,
Mais dedans y avoit du lait.
Lors, quant je fuz en hault monté,
J’estoye presque tout esbété79,
Nonobstant que je ne dis mot.
175 Car je cuydoie qu’on fist du sot80
De moy. Mais, par mon sacrement,
C’estoit tout à bon escient81.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce ne fut pas sans la toucher ?
BEAUCOP-VEOIR
Brief elle m’envoya coucher,
180 Et me dist que me despouillasse
Bien tost, et coucher m’en allasse.
Quant j’ouÿ ces parolles-là,
Point ne respondis à cela.
Et je vous oste mon pourpoint,
185 Mes chausses, et me mis en point82 ;
Et me vois mettre83 en ung grant lit.
Joyeulx-soudain84, il estoit nuyt ;
Et pour mieulx faire la cautelle85,
Il n’y avoit point de chandelle,
190 Car elle m’eust assez congnu86.
JOYEULX-SOUBDAIN
Quant tu fuz en ce lit tout nu ?
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut le plus beau de ses faitz :
Elle s’en vint coucher a[u]près87.
JOYEULX-SOUDAIN
Et, dea ! Se quelque grant ribault
195 Eust monté après toy en hault
Pour cuider avoir la coquarde88 ?
BEAUCOP-VEOIR
Pensez, j’eusse eu belle vésarde89 !
Il estoit jà de moy sué90.
JOIEULX-SOUDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
[Car] j’eusse esté tué :
200 On m’eust tantost bouté [à fin]91
Aussi tost q’ung petit poussin.
Mais vous me voyez (Dieu mercy !)
Présentement en ce lieu-cy.
JOYEUX-SOUDAIN
Retournons à nostre propos.
205 Quant emprès vous se vint coucher ?
BEAUCOP-VEOIR
Vous le povez assez penser :
Entre nous deux, selon droicture92,
Jouasmes des jeuz de nature.
JOYEULX-SOUDAIN
Ainsi, vous eustes ce tatin93 ?
BEAUCOP-VEOIR
210 Et puis le lendemain, au matin,
Quant j’euz usé de son amour,
Me fist lever au point du jour.
Et quant elle me renvoya,
Une bource me présenta,
215 À boutons d’argent soubz et suz94,
Où il y avoit vingt escus.
JOYEULX-SOUDAIN
Et vous de croquer ceste prune95 ?
BEAUCOP-VEOIR
Je m’en allay au clèr de lune,
À ce beau matin, tout joyeulx.
220 Ceste fois-là, je fuz heureux96.
Mais elle me print pour ung97 autre.
JOYEULX-SOUDAIN
Je vous eusse envoyé au peaultre98,
Par le sang bieu, vieillart meschant99 !
BEAUCOP-VEOIR
La croix bieu ! j’estoye plus gent
225 Que je ne [le] suis, par mon âme !
On m’eust tenu en une paulme,
Tant estois gent et proprelet.
JOIEULX-SOUDAIN
L’endemain, que fist le varlet100 ?
BEAUCOP-VEOIR
Je gambéoye101 la matinée ;
230 Et puis allay, à l’après-dînée,
Achapter du drap à l’hostel102
Où le cas avoit esté tel.
JOIEULX-SOUDAIN
Et la bourgoise, que disoit ?
BEAUCOP-VEOIR
Plus elle ne me congnoissoit.
235 Mais tantost qu’on m’eust dit le pris,
Je fuz par Dieu si bien apris103 :
« Ho (ce dis-ge), qu’on ne se cource104 ! »
Et je vous tiray ceste bource
De mon sain105, que donnée m’avoit,
240 Pour tirer argent.
JOYEULX-SOUDAIN
Quoy qu’i soit,
Ce fut très fainctement106 joué.
BEAUCOP-VEOIR
Et je fuz le mieulx advoué107
Du monde.
JOYEULX-SOUDAIN
Quant la bource eust108 veue ?
BEAUCOP-VEOIR
La façon fut toute congneue109.
245 Tantost110 elle la regardoit ;
D’autre part, elle me guignoit111.
JOYEULX-SOUDAIN
Or çà, çà ! Que dist la bourgoise ?
BEAUCOP-VEOIR
« Mon amy, il fault que l’en voise
Là-derrière sans faire effroy112.
250 Venez-vous-en avecque moy,
Car il y a des draps assez
Qui y sont plusfort entasséz. »
JOYEULX-SOUDAIN
Tendois-tu113 pas desjà les mains ?
BEAUCOP-VEOIR
Ouy, car je n’en pensois pas mains114.
JOYEULX-SOUDAIN
255 Quant tu fuz là, que [te] dist-elle ?
BEAUCOP-VEOIR
« Je vous pry qu’i n’en soit nouvelle115
De la bource ne de l’argent :
Je vous pry amoureusement
Que la mussez116. »
JOYEULX-SOUDAIN 117
Han, han, han, [han] !
BEAUCOP-VEOIR
260 Alors, de beau gris de Rouen118
Elle vous va couper dix aulnes,
Et m’en fist les mains toutes jaulnes119.
Je fis ung peu le gratieux120,
Mais je ne demandoye pas mieulx.
265 Elle me les fist emporter
Ainsi, et moy de m’en aller.
Je n’en vis, oncques-puis, l’oreille121.
JOYEULX-SOUBDAIN
Vous me racomptez cy merveille !
BEAUCOP-VEOIR
Je fus heureux, à ceste fois.
JOYEULX-SOUDAIN
270 C’est une joye nompareille
Que d’estre amoureux.
BEAUCOP-VEOIR
Ouy dea, troys122 !
J’en ay bien soufflé en mes doiz123
Plus de .XL. fois, depuis.
Et se vous y estiez, galloys124,
275 Vous seriez des plus esbahis.
JOYEULX-SOUDAIN
Se devoye tracasser pays125
Et bien cheminer çà et là,
Pas ne seroys de[s] plus haÿs
Des dames.
BEAUCOP-VEOIR
Ha ! trop bien, cela126 !
280 Mais quoy, vous asseurez-vous là127 ?
N’e[n] prenez jà vostre fiance128 :
Je fus heureux ceste fois-là,
Mais j’en ay eu mainte meschance129.
JOYEULX-SOUDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
On m’a bien tourné la chance
285 Et m’a-on fait ronger mon frain.
JOYEULX-SOUDAIN
Dictes-vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Sur ma conscience !
Je recommanceroye demain
— Veu que je suis si vieulx et vain130 —
Par bieu, pour ces deables de femmes !
290 De leurs fatras je suis si plain
Qu’estaindre je ne puis mes flames.
JOYEULX-SOUDAIN
Entendent-elles bien les games131 ?
BEAUCOP-VEOIR
S’elles l’entendent ? Ouÿ dea.
Par bieu ! Bien fin se trouvera
295 Et bien cauteleux132, sur mon âme,
[Celuy] qui les affinera133 !
JOYEULX-SOUDAIN
Mon cas134 trop bien se portera.
BEAUCOP-VEOIR
Comment ! Y voulez-vous prétendre ?
A ! se vous montez jusques-là,
300 Je croy qu’on vous fera descendre.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce cas-cy ne puis bien entendre ;
Vous avez esté si huppé !
BEAUCOP-VEOIR
Depuis, on le m’a bien fait rendre,
Car j’ay esté tousjours trompé.
JOYEULX-SOUBDAIN
305 Pourquoy ?
BEAUCOP-VEOIR
J(e) y ay esté gruppé
Au tresbuchet135, et bien fourby136.
Maintes fois m’y suis attrappé.
Hélas ! j’en suis tout desgarny137.
JOYEULX-SOUBDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
Pour ung jour et demy,
310 J’euz138 quatre paires de souliers
— Seullement pour estre joly,
Car les miens estoyent tous entiers.
JOYEULX-SOUDAIN
Je suyveray139 bien ces santiers.
BEAUCOP-VEOIR
Hélas ! j(e) y ay eu tant de maulx,
315 Trop plus que ces pallefreniers
Qui gardent tousjours les chevaux.
JOYEULX-SOUDAIN
Et ! vécy des cas bien nouveaux.
BEAUCOP-VEOIR
Touteffois, elle estoit finette :140
Elle eut, par moy, de bons morceaux141.
320 Que Dieu met en mal an142 Perrette !
JOYEULX-SOUDAIN
La paix n’est-elle pas reffaicte ?
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut ung jour de mercredi.
En chemise, sur la perchette143
Je fuz trois heures et demy.
JOYEULX-SOUDAIN
325 Trois heures ?
BEAUCOP-VEOIR
Nostre Dame, ouy !
Elle me joua de ce tour.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous me faictes bien esbahy.
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut pour avoir son amour
[Que fuz en si piteux séjour.]144
330 Quant son mary vint à l’hostel,
Elle me donna ce bonjour145.
Joyeulx-soudain, le cas fut tel.
JOYEULX-SOUDAIN
Par le sacrement de l’autel146 !
Vélà terrible fiction !
BEAUCOP-VEOIR
335 Je fuz bien sallé de gros sel147 ;
C’estoit toute mon unction148.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce n’est qu(e) ymagination :
Vous l’avez trouvé en voz manches149.
BEAUCOP-VEOIR
Je ne sçay quel chion-chion150,
340 Mais j’en tremblay les fièvres blanches151.
JOYEULX-SOUDAIN
Combien de fois ?
BEAUCOP-VEOIR
Par trois dimenches
Je m’y fourray à l’estourdy.
Je m’en alloye, riant aux anges152,
Quant j’avoye bien esté fourby153.
JOYEULX-SOUDAIN
345 Vous estiez dont si estourdy
Que l’en154 [n’]avoit cure de vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Par le sang que bieu respendit !
J(e) y ay receu de bien grans coups.
JOYEULX-SOUDAIN
Mais où ?
BEAUCOP-VEOIR
Une fois entre tous,
350 Le mary de Bellot155 me vit ;
Et je m’en vins fourrer dessoubz
Ung grant filz de putain de lict156.
JOYEULX-SOUDAIN
Tout dessoubz ?
BEAUCOP-VEOIR
Entre le challit
Et la couchette157 bien couché.
355 Et quant le paillart y saillit158,
Il crioit comme ung enraigé.
JOYEULX-SOUDAIN
Et la femme ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est bien songé :
Elle parloit comme une caille
[Pour que de fuir j’eusse congé.]159
360 Dieu scet qu’i fist belle bataille !
JOYEULX-SOUDAIN
De vray ?
BEAUCOP-VEOIR
Et ! le paillart s’éraille160
Et tire son espée ; après,
Il vous [la fourre]161 en ceste paille
Comme se c’estoit beurre fraiz.
JOYEULX-SOUDAIN
365 Où frappa-il ?
BEAUCOP-VEOIR 162
Icy emprès.
De ce coup-là, ce fust merveille :
De ma teste il alla si près
Qu’i m’alla larder une oreille163.
JOYEULX-SOUDAIN
Et ! vélà peine nompareille.
370 Qui s’y boute trop est bien sot.
BEAUCOP-VEOIR
De ce coup-là je m’esmerveille164,
Mais touteffois, je n’en diz mot.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ?
BEAUCOP-VEOIR
Il y eut beau trippot.
Le filz de putain regnioit165
375 Dieu et sa Mère de grant flot,
Par le sang bieu, qu’i me tueroit.
JOYEULX-SOUDAIN
Je cuide, moy, qui vous croyroit166,
Vous feriez tout le monde beste.
………………………………167
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Toute tempeste.
JOYEULX-SOUDAIN
380 Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Doulleur grevable168.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
On ront sa teste169.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Trop détestable.
JOYEULX-SOUBDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est le grant diable.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Morceau amer.
JOYEULX-SOUDAIN
385 Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Trop abhominable.
C’est ung droit abisme170 de mer.
JOYEULX-SOUDAIN
Pource que ne povez aymer,
Vous en dictes tous ces fatras.
.
BEAUCOP-VEOIR
Seigneurs, vueillez nous pardonner,
390 Et prenez en gré noz esbas !
.
EXPLICIT
*
1 On y évoque le cimetière des Saints-Innocents et la rue Saint-Denis. Toutefois, l’auteur est d’origine picarde. 2 Chacun des deux personnages monologue sans remarquer l’autre. Beaucoup-voir <BV> est un vieil homme qui en a « vu beaucoup ». Joyeux-soudain <JS> est un jeune blanc-bec qui cherche des renseignements et non des conseils. 3 En bonne réputation auprès des femmes. 4 « Gratter sa teste : Estre fasché ; se repentir. » Antoine Oudin. 5 Trepperel <T> abrège souvent les noms dans les rubriques ; je les compléterai. 6 « Sui-ge gay ! Sui-ge nètelet ! » Le Viel amoureulx et le Jeune amoureulx <v. ma notice>. 7 Si une fois je pouvais rebander. Du bas latin gaudire (jouir), qui a donné le gaudé-michi (le réjouis-moi : le godemiché) puis l’actuel verbe goder (bander). Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, vers 87. Notons que BV usera du véritable verbe réjouir aux vers 31 et 138. 8 J’ai vu le temps où je réalisais mes désirs sexuels. Mais désir = érection. « Mon désir est mol comme laine ;/ La paillardise est morte, en moy. » Cabinet satyrique. 9 Chanceux, bien vu par les femmes. Idem vers 119, 121, 302. 10 Je dois me coucher. 11 Quand j’ai un peu copulé. Cf. la Confession Margot, vers 114 et note. 12 T : ou la nucque (Faire la nique = narguer avec un geste obscène de la tête. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 421.) 13 Et que je frappe à sa porte (picardisme). Le prénom Margot était peu reluisant : cf. la Confession Margot, ou la Ballade de la Grosse Margot. 14 Je suce (picardisme). 15 De rires. Idem vers 82. 16 J’avais coutume de me réjouir. 17 J’attends les femmes de pied ferme. 18 J’ai depuis longtemps les yeux chassieux. 19 À cause du « vin clairet » du vers 27. « (Il) but, au disner, de vin chargé deux courges [gourdes] ;/ Lors, eust tué le prévost de Beaucaire,/ S’il n’eust eu les paupières si rouges. » Eustache Deschamps. 20 Il était emprunté par les femmes qui se rendaient en pèlerinage à Orléans, et par les étudiants. « Je y recongnu le grand chemin de Bourges. » Rabelais, Vème Livre, 25. 21 T : Gectes de gros guilleuardans (Des filets de morve.) JS entend ces dernières paroles. 22 T : le (Sans délai. « Vers vous venons sans nul demaine. » Les Enfans de Maintenant, BM 51.) JS se rapproche discrètement de BV. 23 Verge, du latin vena. « Pour aucun des fais de nature,/ J’ay encore une verte vaine. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme : cette farce qui oppose deux générations d’amoureux présente plus d’un point commun avec notre dialogue. 24 Formule de salutation entre voyous : « Dieu gard les gueux de fier plumaige ! » (Jehan Michel.) Les étudiants, amateurs d’argot, s’en étaient emparés. JS traite BV avec condescendance, pour ne pas dire avec mépris ; dès le vers 191, il va le tutoyer. 25 T : Et 26 Ce que je fais ? 27 Écaler [ouvrir] une noix = dépuceler une fille. « Archeprestre d’Escaille-noix,/ Archediacre de Trousse-quille,/ En l’esglise Saincte-Cheville. » Guillaume Coquillart. 28 Vous me feriez concurrence. Jeu de mots sur « coup » : coït. 29 Vrai. 30 T : Mes vous que (Mais comment vous nommez-vous, vous qui…) 31 Ce sera pour une autre fois. « À Paris ? Ouy, c’est à demain ! » Mahuet. 32 Il se force à rire. 33 T : Ponrneant (Vous n’êtes pas si gai pour rien.) Néant se prononce niant, en 1 syllabe : « Il n’y a pas pour neant esté. » Le Ribault marié. 34 Pour qu’on pousse un cri d’admiration en le voyant. « Mais pour ung gallant amoureux,/ Je suis devenu gracieux./ Si disoyent les gens : “Houppegay !” » Monologue Coquillart. 35 Je suis mignon (et coloré) comme un perroquet. On entend ce refrain dans la chanson qui ouvre le Gaudisseur. 36 Le mieux est l’ennemi du bien. Voir par exemple la Ballade des proverbes, de Villon. 37 Si je suis vêtu et coiffé proprement. 38 Euphémisme pour « Dieu ». Idem vers 347. Cf. le Cuvier, vers 22. 39 Mon plaisir. 40 T : Que (Qui me plaise mieux. « Le gentil clerc luy avoit monstré aultre fasson qui trop mieulx luy plaisoit. » Cent Nouvelles nouvelles.) 41 Pour finir pendu. Cf. Gautier et Martin, vers 190 et note. 42 BV fait-il un clin d’œil à une œuvre non identifiée ? De toute manière, on accolait le nom passe-partout de Michaud à plusieurs expressions : « Souffle, Michaud ! » « C’est dit, Michaud ! » « Viens-t’en, Michaud ! » Etc. 43 Sans subir quelque dommage. Cf. les Tyrans, vers 75. 44 Quel est ton but ? Mais aussi : Où veux-tu aller bander ? Cf. la Bergerie, vers 42 et note. 45 En matière d’amour, on a du souci. 46 Ce que tu veux. Idem vers 298. « Scez-tu où veulx prétendre ? » Les Queues troussées. 47 Crétins. Cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 338. 48 T : serrure (BV insiste sur sa « belle ceinture » au vers 130.) 49 J’ai chié facilement la somme de 20 royaux. 50 Le salut est une pièce d’or. 51 Pour m’acheter de la fourrure d’écureuil. Cf. le Tesmoing, vers 232. 52 Vous mut (verbe mouvoir) : Qui vous incita d’abord à être amoureux ? 53 Dans la bouche du Cid, cette formule érotique deviendra héroïque : « Et pour leurs coups d’essay veulent des coups de maistre. » 54 T : fuz (Il ne se trouva jamais que je sois trompé. Mais au vers 304, BV avouera qu’il a un peu embelli la vérité.) 55 Près du cimetière parisien des Saints-Innocents. 56 Ou un trotteur qui courait les rues. Allusion à un proverbe qui dit notamment : « Jeune escolier, trotier et amoureux. » Les femmes qui vont à un rendez-vous galant disent à leur mari qu’elles vont prier saint Trottet ; cf. le Povre Jouhan, vers 287 et note. 57 Habile. 58 Des bagues ornées d’un sceau. 59 Munie d’une boucle. 60 Une belle stature. 61 T : Dhuy sans (De parfaits souliers en cuir de Cordoue.) 62 Désormais. 63 Cette rue parisienne était déjà mal famée. Cf. Pour le Cry de la Bazoche, vers 425-6 et note. 64 Rassuré. Les sergents du guet, au cours de leurs rondes nocturnes, rançonnaient les passants. Cf. le Faulconnier de ville, vers 117. 65 Ces 2 mots manquent. Cf. la Mère de ville, vers 45. 66 T : la finesse (Les ruses que vous avez employées. « Les finesses Pathelin. » Dyalogue pour jeunes enfans.) 67 T : Je ouy (Voir le v. 182.) 68 Je songeai à me cacher. 69 Je m’introduisis. Le portail était percé d’une petite porte appelée « guichet » ; c’est par là que se faufilaient tous les amants de Madame. 70 De céans. Elle n’a plus de mari, mais elle agit avec discrétion pour ne pas réveiller ses domestiques. 71 Que je ne savais d’où je venais. 72 À l’étage, où se trouvent les appartements. Nous verrons que la dame utilise le rez-de-chaussée comme boutique. 73 Continuez ! 74 Sorte de jeu de dames où un pion, le renard, « doit attaquer & prendre douze pions qu’on appelle poules ». (Furetière.) C’est un des jeux de l’enfant Gargantua <chap. 22>. 75 T : pilla (On confondait facilement le « s » long avec le « l » : ſ et l.) Le juron normal se lit dans la Farce de Pathelin : « Par le sainct sang que Dieu rëa ! » Raya = répandit, que BV emploie d’ailleurs au vers 347. Eustache Deschamps condamnait ce juron : « Et “le saint sang que Dieu roya”/ Jurent hui maint, mais c’est folie. » La proximité graphique entre pilla et raya n’étant pas évidente, je préfère m’appuyer sur Étienne Tabourot, qui écrit à propos du vin — c’est-à-dire du sang du Christ : « Voilà du vin que Dieu pissa de sa quine [verge]. » 76 Mignonne. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 328. 77 Tétine, poitrine. 78 Ce qu’elle. La dame, sans doute veuve, avait pourtant été enceinte récemment. 79 T : esbute (Hébété, ahuri. « Que des amoureux esbétéz. » Claude de Trellon.) 80 Je croyais qu’on se moquait. 81 C’était sérieux. Cf. l’Avantureulx, vers 316. 82 En érection. « Le “billouart” se mettoit en point &, à ce conte, Jacques s’enfiloit avec sa femme. » Béroalde de Verville. 83 Et je vais me mettre. 84 T : mondain (Le lapsus tient au fait que ce Joyeux-mondain fut sans doute un personnage de farce ; voir la note 299 des Botines Gaultier.) 85 Ma mystification. 86 Car la femme aurait reconnu que je n’étais pas celui qu’elle attendait. 87 Près de moi. Voir le vers 205. 88 Pour remporter la cocarde, la récompense. Mais une coquarde est aussi une poularde et une femme légère. 89 Frayeur. « Morbieu, j’ay eu belle vésarde ! » Te rogamus audi nos. 90 C’en était fait de moi. « Il est de moy sué. » Le Dorellot. 91 T : affin (Il m’aurait mis à mort. Cf. Colin filz de Thévot, vers 4 et 38.) 92 Selon la coutume. Mais aussi : selon ma rigidité. Cf. la Mère de ville, vers 9. 93 Ce bon morceau. 94 T : faitz (Dessous et dessus.) Les bourses des femmes d’un certain rang valaient parfois plus que leur contenu. 95 La bourse pleine est comparée à un fruit juteux, comme au vers 130 des Trois amoureux de la croix. 96 Chanceux. Le même vers est configuré différemment à 269 et 282. 97 T : vue 98 Au diable. Cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 321. 99 Délabré. 100 Que fîtes-vous ? Un valet est un jeune garçon. 101 Forme picarde de jamboyer : faire les cent pas. 102 Dans la maison de ma maîtresse. Le rez-de-chaussée abrite un commerce de drap. 103 Bien inspiré. 104 Ne nous courrouçons pas. BV fait semblant de discuter le prix d’une étoffe avec la drapière, pour ne pas donner l’éveil aux vendeurs. 105 De mon sein : de sous ma robe. 106 Astucieusement, par feinte. 107 Reçu. 108 T : fust (Quand la drapière eut vu la bourse.) 109 Sa forme fut reconnue par la drapière. 110 T : Plustost 111 Elle me lorgnait du coin de l’œil. Cf. le Résolu, vers 32. 112 Il faut que nous allions dans l’arrière-boutique chercher l’étoffe que vous désirez, sans que vous fassiez du scandale. La drapière parle à voix haute pour les vendeurs et les clients. 113 T : Tendez tu (Ne tendais-tu pas les mains, pour tâter le drap ou la drapière ?) 114 Pas moins. 115 Que vous ne parliez à personne. Cf. la Confession du Brigant, vers 54. 116 Que vous la cachiez, de peur que mes employés ne la reconnaissent. 117 Il éclate de rire. 118 « C’est ung très bon drap de Rouen », d’après maître Pathelin, qui en vole 6 aunes pour sa femme et lui. 119 Elle me dora les mains : elle me graissa la patte (comme avec de l’or) pour acheter mon silence. Cf. la Mère de ville, vers 36. 120 Je fis semblant de refuser. 121 T : bouteille (Je n’en ai plus vu le bout de l’oreille : je ne l’ai pas revue.) 122 Locution désabusée qu’on pourrait traduire par : Causez toujours ! « –Le vous feray-je ? –Ouy dea, trois ! » Le Dorellot. 123 Pour les réchauffer pendant qu’il faisait le pied de grue sous la fenêtre d’une belle. « Il souffle souvent en ses doigts. » Le Gaudisseur. 124 Compagnon. 125 Si je devais aller et venir par le pays. Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 180. 126 Admirable ! Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 7. 127 Comptez-vous là-dessus ? 128 Ne vous y fiez pas. 129 Malchance, malheur. 130 Considéré que je suis vieux et faible. Cette tournure juridique est employée contre un amoureux décrépit dans le Procès d’ung jeune moyne et d’ung viel gendarme : « Or, veu que vous avez vescu (…),/ Vous estes faible. » 131 Sont-elles expertes ? Nous dirions : Elle connaissent la musique ! « Ne vous chaille, j’entens ma game. » Régnault qui se marie. 132 T : oultrageux (Bien malin. Voir le v. 188.) « Qui de parolle cuyderoit femme vaincre (…),/ Tant soit expert, cauteleux & bien fin. » Gratien Du Pont. 133 Qui les bernera. Voir ce Rondeau. 134 Mon affaire. Mais le cas désigne aussi le pénis ; cf. les Cris de Paris, vers 429 et note. 135 J’ai été pris au piège. Cf. Jénin filz de rien, vers 130. 136 T : iougny (Fourbé, victime d’une fourberie. Idem vers 344.) 137 Dégarni d’argent. 138 Je me suis acheté. 139 Je suivrai. Le « e » svarabhaktique est picard. 140 T distribue ce vers à Joyeux-soudain. Beaucoup-voir, maintenant qu’il est lancé, saute du coq à l’âne sans trop se préoccuper de savoir si on arrive à le suivre, tel le vieux bavard du Tesmoing. 141 On songe à cette épouse qui, voyant sans armure la braguette de son mari soldat, craignait de perdre « le bon morceau dont elle estoit friande ». Rabelais, Tiers Livre, 8. 142 Que Dieu mette en mauvaise année, en malheur. « Dieu met en mal an le folastre ! » (La Résurrection de Jénin Landore.) Perrette est une fille facile qu’on croise dans nombre de farces et de chansons ; voir la note 5 de Jehan de Lagny. 143 Sur le perchoir : sur le demi plafond à claire-voie qui sert de poulailler intérieur dans certaines maisons. C’est là que se perchent les amants du Poulier à quatre personnages et du Poulier à sis personnages lorsque le mari débarque à l’improviste. 144 Vers manquant. « Vé-me-cy en piteux séjour. » Colin qui loue et despite Dieu. 145 Ce mauvais tour. Cf. Frère Frappart, vers 145 et note. 146 T : lhostel (à la rime du v. 330.) Ainsi corrigé, c’est notamment le vers 173 de Jehan qui de tout se mesle. 147 Je fus bien assaisonné. Voir les Femmes sallent leurs maris. 148 Mon onction : ce fut ma seule consolation. 149 Vous tirez cette histoire de votre manche, comme les escamoteurs publics en tirent des œufs durs. 150 Locution inconnue, peut-être apparentée au très scatologique chia-brena, qui désigne les embarras causés par les femmes. « Le chiabrena des pucelles. » Pantagruel, 7. 151 Je tremblais de désir. « Affin d’avoir les poictrines plus blanches/ Et pour tenir les tétins plus serréz,/ Qui font à maints trembler les fièvres blanches. » L’Advocat des dames de Paris touchant les pardons Sainct-Trotet. 152 T : autres (Même rime négligée dans les Sotz qui corrigent le Magnificat : « Ces vrays amoureux des dimenches (…),/ Ilz s’en vond tous riant aux anges. ») 153 Victime d’une fourberie (note 136). 154 T : nen (Voir le v. 248.) Que l’on : que vos maîtresses. 155 Diminutif d’Isabelle. C’est encore un nom douteux ; par exemple, G. Coquillart le donne à la tenancière d’un bordel : « Bellot a ses deux filles grosses [enceintes],/ Qu’el descharge d’une massue/ Et d’ung ravault sur leurs endosses [d’un coup de bâton sur les reins]. » 156 Aujourd’hui, nous dirions simplement : sous un putain de lit. 157 T : couste tout (BV est étendu sur une couchette, sous le châlit du lit principal.) Les riches ont dans leur chambre un lit de camp où dort la chambrière. Le jour, on pousse cette couchette sous le lit des maîtres. « Une petite couchecte qui est dessoubz le lit. » ATILF. 158 Quand le mari fit irruption. 159 Vers manquant. L’épouse attire l’attention de son mari afin que Beaucoup-voir ait la possibilité de s’enfuir. « Il a eu congé de s’en aller. » ATILF. 160 T : se raille (Roule les yeux. « Cateline serre les dens, esraille les yeux. » ATILF.) BV qui, dans sa cachette, ne pouvait pas voir le jaloux, dramatise la situation à plaisir ; JS va le lui reprocher à 377. 161 T : fourroit (Il plante son épée dans la paille qui emplit le matelas du lit principal. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 123.) 162 Il montre son oreille. 163 Dans le Monologue Coquillart, la blessure de l’amant est accidentelle : « Le paillart paige fist merveille,/ Car il fist si parfonde enqueste [car il planta sa fourche si profond dans le foin où je me cachais]/ Qu’il me va larder une oreille. » 164 T : men resueille (Je suis surpris.) 165 Jurait sur. « Il regnya Nostre Seigneur qu’il tueroit ledit Blanchefort. » Parnasse satyrique du XVe siècle. 166 Je pense, moi, que si on vous croyait. 167 Il manque un vers en -oit et un vers en -este. 168 Cruelle. 169 « Femmes nous font bestes,/ Et rompre les testes/ Par cris et tempestes. » Le Viel amoureulx et le Jeune amoureulx <v. notice>. 170 C’est un vrai abîme, un gouffre.
LE RIBAULT MARIÉ
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LE RIBAULT MARIÉ
OU MAUGRÉ JALOUSIE
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La confession parodique fut un genre théâtral à part entière : voir la notice de la Confession Rifflart. Notre farce offre quelques similitudes avec celle du Pourpoint rétréchy : on fait croire à un homme qu’il est à l’article de la mort afin qu’il se confesse à un faux prêtre ; lequel apprend alors des détails scabreux qui mettent en cause sa propre famille.
Un ribaud1 marié est un homme adultère, d’après le Thrésor de la langue françoyse : « Adultère, paillard, ribaud marié. » Le Parlement de Paris avait promulgué en 1336 et en 1388 deux ordonnances connues de tous les basochiens, les « arrêts des Ribauds mariés », qui interdisaient aux juges ecclésiastiques (les officiaux) de juger des laïcs coupables d’adultère. Le sujet de notre farce, dans laquelle un ribaud marié déflore une jeune fille, fut peut-être inspiré aux basochiens de Rouen par une affaire récente : un « arrêt du Parlement2 de Paris, du 28 juin 1534, déclara abusive la citation décernée par l’official d’Angers contre Jacques Grugelin, écuyer, in materiâ deflorationis…. Cet arrêt & autres semblables sont fondés sur un arrêt très-ancien que l’on appelle vulgairement L’ARRÊT DES RIBAUX MARIÉS. » Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts.
Source : Recueil de Florence, nº 2. L’éditeur parisien a édulcoré les particularismes normands.
Structure : Rimes plates, avec 5 quatrains à refrain, un vestige de triolet, et 5 tercets pentasyllabiques qui peuvent être chantés sur le même air que la chanson initiale.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
celuy qui se confesse
à sa voisine qui est
habillée en habit de prestre.
Qui est :
le Ribault marié
ou Maugré jalousie
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À troys personnages, c’est assavoir :
LE MARY
LA FEMME
LA VOYSINE [Colette]
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LE MARY 3, en chantant SCÈNE I
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.4
LA FEMME
5 [Ferez ?] Par Dieu ! je vous feray,
Doncques, sembler [et] sot et lourt.
LE MARY
Sang bieu, que tu me respons court5 !
Tu me viens tousjours contredire.
Au moins, sy m’eusse laissé tout dire…
LA FEMME
10 Sainct Jehan ! je vous feray mauldire
La chanson [qu’ores vous]6 chantastes
Ains7 qu’il soit nuyt !
LE MARY
Se tu me hastes,
Par Dieu, je recommanceray !
LA FEMME
Bien, par Dieu ! [Mais] je vous rendray
15 Trèstout au long la courtoisie,
Se je puis.
LE MARY, [en chantant]
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.
LA FEMME, [en chantant]
20 Puisqu’avez amye,
Ung amy auray !
LE MARY
Par le sang bieu, je vous batray !
Venez-vous cy pour m’argüer8 ?
LA FEMME
À la mort ! Me veulx-tu tuer,
25 Paillard, truant, meurtrier de femme ?
Par Dieu ! je te feray infâme9,
Voy-tu ? Tu n’y gaigneras rien.
A ! dea, je me doubtoye bien
Que tu avoys fait une amye.
30 Mais croy…
LE MARY
T(u) as menty, par ma vie !
Se je chante en moy esbatant,
Doy-tu penser en mal pour tant10 ?
Entre-tu en tel frénaisie ?
Et n’oseray, pour jalousie,
35 Chanter ? Par Dieu ! je chanteray,
Et danseray, et m’esbatray !
Et hongne11 qui hongner vouldra !
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Et elle fera ung estron12 !
40 Il n’est pas gentil compaignon,
Qui souvent ne se desduira13.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Pour ton parler ne caqueter14,
Je ne lairray jà à chanter15
45 Quant mon cueur se resjouira.
LA FEMME
Par Dieu, la chan[son vous cuyra] !
LE MARY
Tais-toy, tu ne scez que16 tu dis !
Pour une, j’en chanteray dix,
Puis verray qui m’en gardera17.
LA FEMME
50 Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Se tu me vas guère(s) argüant
Et je me vois18 ung peu fumant,
L’ung de nous s’en repentira.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuira,
55 Je le dis encore une fois.
LE MARY
Par sainct Jehan ! vous serez de boys19
Chargée asprement et boullée20 !
LA FEMME
Nostre Dame, il m’a affollée21 !
LE MARY
Vostre cry a trèsméchant son.
LA FEMME
60 Dieu mette en mal an22 la chanson
Et [quiconque en ouÿt]23 le chant !
LE MARY
Je vois24 parler à ung marchant ;
Garde bien l’hostel25, hault et bas !
LA FEMME
Que mau feu vous arde26 les bras
65 Et les mains, tant les avez dures !
LE MARY
Qu’esse-là qu’e[ncor] tu murmures,
Et que vas ainsi flag[e]ollant27 ?
Ne me va guères grumellant28,
Que tu ne soyes dorelotée29
70 Au retour !30
.
LA FEMME SCÈNE II
J’ay très bien notée
La chanson, et bien retenue.
Combien qu[e j’]aye esté batue,
Par Dieu, j’en séray31 tous les tours ;
Il a fait dame par amours32,
75 Jà33 ne le croiré autrement.
Je m’en iray tout maintenant
Pour moy conseiller bonne alleure34
Cheuz35 une bonne créature,
La mienne commère Colette.36
.
80 Dieu vous gart ! Estes-vous seulète, SCÈNE III
Ma commère ? Que faictes-vous ?
LA VOISINE
Je filloye37. Que voulez-vous ?
Or çà, qu’i a-il de nouveau ?
LA FEMME
Par ma foy ! nostre damoiseau,
85 Mon beau mary, est amoureulx.
LA VOYSINE
[Luy ?] Non est !
LA FEMME
Si est, se m’aist D[i]eux38 !
Je vueil qu’on me crève ung œil s’il n’est vray !
LA VOYSINE
Comment le sçav’ous39 ?
LA FEMME
S’il vous plaist,
La manière vous veulx compter40 :
90 Aujourd’huy, ne fist que chanter
Ceste chanson, Dieu la mauldie ! [Elle la dict :] 41
Malgré jalousie,
Je vous serviray.
LA VOYSINE 42
Escoutez que je vous diray :
95 Pour tant qu’il43 est joyeux et gay
Et qu’il [la] chante tost ou tard,
Cuidez-vous qu’il ayme autre part ?
Espoir44, c’est pour [l’]amour de vous.
LA FEMME
C’est bien soufflé45 ! Où sommes-nous46 ?
100 Cuidez-vous que je n’y voye goutte ?
Par ma foy ! je n’en fais pas doubte :
S’il m’eust aymée ne tant ne quant47,
Il ne m’eust pas batue tant,
Mais m’eust montré signe d’amour.
LA VOYSINE
105 Veulx-tu apprendre ung [très]bon tour
Comme tu sçauras son courage48 ?
LA FEMME
Hélas ! ouÿ, car je n’enrage49
D’autre chose. Se je le sceusse,
De tous point[s] appaisée fusse.
110 Comme le pourra-l’on sçavoir ?
LA VOYSINE
Trèsbien. Où est-il ?
LA FEMME
Il va voir
Aval50 ceste ville ou ès champs
Pour trouver ne sçay quelz marchans
À qui il a à besongner.
LA VOYSINE
115 Il ne [te] fauldra point song[n]er
Ne rioter51, quant il viendra.
LA FEMME
Et quoy, doncques ?
LA VOYSINE
Il conviendra
Que tu luy donnes à entendre
Qu’il est malade ; et sans attendre,
120 Qu’il se confesse pour le mieulx.
Et luy dis qu’il pert à ses52 yeulx
Qu’il n’en vivra jamais deux heures.
Mais il fauldra [lors] que tu pleures
Et contreface la marrye.
LA FEMME
125 Et puis, quoy ?
LA VOYSINE
Par saincte Marie !
Voicy comment le ferons pestre53 :
Je me desguiseray en prestre.
Car j’ay l’abillement tout prest.54
LA FEMME
Et puis, que ferons-nous après ?
LA VOYSINE
130 Je luy diray par motz exprès
Qu’il est force [qu’il se]55 confesse.
Et pour riens qu’il dye, ne cesse56
Jusques à ce qu’il le consente.
Lors57, pour venir à mon entente,
135 Tu me viendras icy quérir.
Et de mort puissé-je mourir
Se nous ne savons bien, ma seur,
Trèstout ce qu’il a sur le cueur,
Et s’il a fait amye ou non.
LA FEMME
140 Ha ! que c’est bien dit ! Mais ou58 nom
De Dieu, faitz si bien la besongne
Qu’il [ne te connesse]59 à ta trongne,
À ta manière ou contenance.
LA VOYSINE
J(e) yray par si bonne ordonnance
145 Que tu ne vis oncques mieulx faire.
LA FEMME
Je voys [en]tendre à cest affaire60,
Car il me touche. Apreste-toy !
LA VOYSINE
Si feray-je.
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LA FEMME 61 SCÈNE IV
Ho ! je le voy.
Il me fauldra mon semblant faindre62,
150 Tantost, et souspirer et plaindre,
Faignant d’avoir le cueur mar[r]y.
Pausa.
.
LE MARY SCÈNE V
Holà !
[LA FEMME]
Bien [viengnez, mon mary]63 !
LE MARY
Est le disner jà64 apresté ?
LA FEMME
[Hé, vray] Dieu ! Bénédicité !
155 Dont venez-vous, ainsi deffait65 ?
LE MARY
D’où je vien ?
LA FEMME
Voire.
LE MARY
Voir s’il me plaist
Je le te diray ; et ne t’en chaille.
LA FEMME
A ! Nostre Dame ! il fault que j(e) aille
Quérir bien tost le médecin.
LE MARY
160 À quoy faire ?
LA FEMME
Car vostre fin
S’aprouche : vous estes malade.
Oncques couleur ne fut plus fade66
Ne plus morte que vous l’avez.
LE MARY
Malade ?
LA FEMME
Voire. Et vous sçavez
165 Que chacun doit penser de l’âme :
Il serait bon, par Nostre Dame,
De vous confesser ung petit67.
LE MARY
Quel confesser ? J’ay appétit
De menger, non pas de cela !
LA FEMME
170 Menger ? Il ne vous tient pas là ;
Jamais vous ne mengerez plus.
LE MARY
Ne feray ?
LA FEMME
Il en est conclus68 :
Il pert bien69 à vostre visaige.
Las, doulente ! [quel dueil]70 feray-je !
175 Vous chantiez, ryez71, et estiez
Joyeulx ; et si, vous esbatiez.
Or est tournée en [bien] peu d’heure
La ch[é]anse72. Las ! se je pleure,
Je n’ay pas tort, povre doulente !
LE MARY
180 Il n’est [de] douleur73 que je sente :
De quoy te vas-tu débatant74 ?
LA FEMME
M’en iray-je quérir batant75
Nostre curé ou son vicaire ?
LE MARY
Le sang bieu ! je n’en ay que faire,
185 Je suis aussi sain que tu es.
LA FEMME
Et ! par mon serment, vous suez,
Tant [vous] estes mat76 et deffait.
LE MARY
Et ! je fais ton sanglant gibet77 !
Je sue ? Fay-le-moy acroire.
LA FEMME
190 Vous avez la face plus noire
Qu’oncques ne fut drap de brunette78.
LE MARY
Sces-tu quoy ? Je vueil que me mecte
La nappe : si, me souperay.
LA FEMME
Ha ! Nostre Dame ! je mour[r]ay
195 Avecques vous, mon doulx amy.
Plus n’avez vigueur ne demy79,
Tant est vostre cueur mat et vain.
LE MARY
Et ! je n’euz oncques plus grant fain.
Que me vas-tu cy flageollant ?
200 C’est doncques de la mort Rollant80
Que je mourroye, car je bevroye
Moult voulentiers, et mengeroye
Trèsbien. Mais je n’ay [cy] de quoy,
Dont [il] me desplaist.
LA FEMME
Par ma foy,
205 Mon trèsbeau mary, vous resvez81 !
Et pour la cause, vous devez
Estre confès et repentans82.
LE MARY
Par le sang bieu ! il n’est pas temps :
J’attendray bien jusqu(es) en Karesme83.
LA FEMME
210 Et ! je m’en raporte à vous-mesme(s) :
Ne sentez-vous pas grant douleur ?
LE MARY
Nenny, non.
LA FEMME
Hélas ! la couleur
De vostre visage le monstre84.
Hélas ! se vous passiez [tout] oultre85
215 Sans confesser ne ordonner86,
Dieu ne vous vouldroit pardonner
Voz faultes ne voz grans péchéz,
Dont vous estes si entachéz.
Et pour ce, se faicte que saige87,
220 Confessez-vous de bon courage
Tandis qu’avez sens et advis88.
LE MARY
Par bieu ! je le fais bien envys89,
Car je n’ay mal ne maladie
Ou90 corps que je n’y remédye
225 Trèsbien par boire ou par menger.
Et tu me fais cy enrager,
De parler de confession.
LA FEMME
En l’honneur de la Passion
De Dieu, mettez-vous en estat
230 De grâce, sans faire débat.
Couchez-vous, vostre lict est prest.
LE MARY
Ha ! dea[ble], je voy bien que c’est :
Il fault dire, plaise ou non plaise,
Que suis malade et à malaise.
235 Mais je ne sens rien, quant à moy.
LA FEMME
Ne tant ne quant ?
LE MARY
Non, par ma foy !
Tous mes membres, en chacun lieu,
Sont en bon point91…
LA FEMME
Non sont, par bieu,
On le voit à vostre parolle92 :
240 Car vous l’avez jà si trèsmolle
Et foible que c’est grant pitié.
LE MARY
Et ! je parle mieulx, la moitié,
Que tu ne fais. Vécy merveille(s) !
LA FEMME
Faulce Mort, tu faiz la dorveille93,
245 Maintenant, quant me veulx oster
Celuy qui me deust conforter
Et qui m’a tousjours fait du bien.
LE MARY
Et ! par sainct Jehan, nous sommes bien94 !
[Te fais-je bien quant je te frape ?]
250 Garde que la Mort ne te hape
La première, car je n’ay garde95.
LA FEMME
Par mon âme ! quant je regarde
Vostre viz ainsi méshaigné96,
Je n’ay ne perdu ne gaingné.
255 Ne vous confesserez-vous point ?
LE MARY
Et puisque je suis en bon point,
Pourquoy donc me confesseray-je ?
LA FEMME
Vous este(s) en bon point ? Vécy rage !
Et ! cuidez-vous que je le disse97 ?
LE MARY
260 A ! dea, se [onc] je [ne] sentisse
Autre98 mal, je fusse content !
LA FEMME
Il n’est pas saige, qui attent
Tant qu’il soit de la Mort surprins.
LE MARY
Et ! vien çà, vien ! Qui t’a aprins
265 Si bien à prescher ? C’est dommage
Que tu n’es prescheur de village :
On s’en passeroit99 au besoing.
LA FEMME
De mon prescher n’ayez jà soing100 ;
Mettez seullement en mémoire101
270 Ce que [je] vous ay dit.
LE MARY
Encore ?
Tu es trop mallement dévotte.
Je n’auray mèshuy autre notte,
Je le voy bien. Mais touteffois,
On dit qu’on doit aucuneffois102
275 Croire sa femme ; si feray-je.
Or donc[ques] me confesseray-je.
M’amye, va quérir le prestre !
LA FEMME
[G’y vois.]103
.
Au moins l’ay-je fait pestre, SCÈNE VI
Tant l’ay abusé par parolles.
280 À ce coup, ira par carolles104 !
Il passera ung mauvais pas !
.
Tost, tost, voisine ! N’es-tu pas SCÈNE VII
Encor(e) vestue en chappelain ?
LA VOYSINE
Et comment va [tout] ?105
LA FEMME
Pour certain,
285 Il le fault aller confesser.
Il luy a tant fallu prescher106,
Avant qu’i se soit consenty !
Touteffois, quant il a senty
Que de si près je le pressoye,
290 Il m’a creue107.
LA VOYSINE
Metz-toy en voye
Et nous en allons vistement.
Suis-je bien ?
LA FEMME 108
[Et !] par mon serment,
L’habit t’est fait comme de cire109 !
Mais comment te dev(e)ray-je dire
295 Ou appeler ? Messire Jehan110 ?
[C’est ung nom bien honneste et gent.]
LA VOISINE
Et ! nenny, de par Nostre Dame !
LA FEMME
Comment, donc(ques) ?
LA VOISINE
Messire Guillaume111,
Ainsi qu’a nom nostre curé.
LA FEMME
300 Par ma foy ! il m’a procuré
Mainte douleur, je vous affy112.
LA VOISINE
Qui ? le curé ? Deable !
LA FEMME
Nenny,
Mais [bien] nostre vaillant mary.
Il semble q’ung charivary113
305 Nous allions faire, entre nous deux114.
LA VOISINE
Doulx Dieu ! que je suis ung hydeux
Confesseur, quant je me regarde !
LA FEMME
Vien-t’en, vien-t’en, n’y prens point garde.
Mais surtout, il ne fault point rire.
LA VOISINE
310 Mais vrayment, comment doit-on dire,
Quant on confesse une personne ?
LA FEMME
« Bénédicité… »
LA VOISINE
Ho115 ! ne sonne
Plus mot : il m[’en] est souvenu.
Puisque prestre suis devenu,
315 Auray[-je] point de brévière ?
LA FEMME
Nenny ; mais muce-toy derière116,
Que mon mary ne t’aperçoive117.
LA VOYSINE
Affin que mieulx je le déçoive118,
Je me119 couvreray le visaige.
LA FEMME
320 Feras ?
LA VOISINE
Ouÿ, car c’est l’usage,
Pour estre plus couvertement120.
LA FEMME
M’amye, je te pry chèrement :
Sy, l(e) enqueste121 bien de son fait.
LA VOISINE
Va devant, va, il sera fait.
325 Laisse-m’en du tout convenir122.
.
LE MARY SCÈNE VIII
Elle met assez à venir,
Ma femme. Que Dieu y ait part,
Et au prestre !
.
LA FEMME 123 SCÈNE IX
Il [n’]est [pas trop] tart ?
J’ay beaucoup demouré, n’ay mye ?
LE MARY
330 Où est nostre curé, m’amye ?
LA FEMME
V(e)ez-le-cy124 ; il vient après moy.
LE MARY
Sainct Jehan ! je suis en grant esmoy
Comment je me doy confesser.
LA FEMME
Il vous sçaura bien adresser
335 Et monstrer ce que devrez125 dire.
LE MARY
Fera ?
LA FEMME
Ouÿ.
.
LA VOISINE 126 SCÈNE X
Dieu, [nostre Sire127],
Soit céans ! Que fait ce malade128 ?
LA FEMME
Petitement, car très maussade129.
Puis hyer, au lict, ne repousé130.
LE MARY
340 (De fièvre soit-elle espousé
Qui131 ment, car j’ay trèsbien dormy !)
LA VOISINE
Or çà ! comment va, mon amy ?
Ayez en Dieu contriction132 ;
Autrement, à perdition
345 Tout droit vostre âme s’en yroit.
LA FEMME
([Quelque dyable]133 la trouveroit,
Ou elle serait bien mucée !)
LA VOISINE
Ès saintz Cieulx sera exaulcée134
Avecques les anges, croyez de voir135,
350 Se vous faictes vostre devoir
De confesser tous voz péchéz.
LE MARY
Je vous requier, ne me preschez
Jusques à tant que j’ayes souppé(z).
LA VOISINE 136
Vous y pourriez estre trompé(z),
355 Mon trèsbel amy : car la Mort
Sy subitement point et mort137 !
Supposé que l’on138 ait désir
De bien faire, on n’a pas loysir ;
Pour ce, vueillez vous abréger139.
LE MARY
360 Et ! soupperay-je point premier140 ?
J’en auray meilleure mémoire141.
LA VOISINE
Mon amy, pensez en la gloire
De Paradis, amy courtoys.
LE MARY
Au moins, se [je] beusse une fois,
365 J’en eusse meilleur rétentive142.
LA VOISINE
C’est trèsmal fait, quant on estrive143
Et on refuse à confesser.
LE MARY
Hélas ! et fault-il commencer
Sans soupper ?
LA VOYSINE
Ouÿ, c’est le point144.
LE MARY
370 Par Dieu ! il me vient mal à point145 :
Et comment esse que je doy dire ?
Dictes-le-moy.
LA VOISINE
Et ! dea, [beau] sire,
N’y sçavez-vous quelconque146 chose ?
LE MARY
Non, vrayement. Mais je supose
375 Que vous me devez enseigner.
LA VOISINE
Or, avant, vueillez vous seigner147
Trèsbien d’ung cousté et d[e l’]autre.
LE MARY
De ceste main ?
LA VOISINE
Non, mais de l’autre.
Onc(ques) ne vy homme si maulduit148 !
380 Pour ce, estes mal introduit149.
Dicte(s) après moy, mon amy doulx :
« Sire, je me confesse à vous… »
LE MARY
Sire je me confesse à vous.
LA VOISINE
« …De tous les péchéz que j’ay faitz. »
LE MARY
385 De tous les péchéz que j’ay faitz.
LA VOISINE
Or, les nommez !
LE MARY
Or les nommez.
LA VOISINE
Mes vous-mesmes. 150
LE MARY
Mais vous-mesmes.
LA VOISINE
Me doy-je confesser à vous ?
LE MARY
Me doy-je confesser à vous.
LA VOISINE
390 Ouÿ, vrayment !
LE MARY
Ouÿ vrayment.
LA VOISINE
Où sommes-nous !
LE MARY
Où sommes-nous.
LA VOISINE
Vous estes foul et estourdy !
LE MARY
Vous estes foul et estourdy.
LA VOISINE
Ce n’est pas ce que je vous dy.
LE MARY
395 Ce n’est pas ce que je vous dy.
LA VOISINE
Confessez-vous, se vous devez !
LE MARY
Confessez-vous se vous devez.
LA VOYSINE
[Et quoy !] par sainct Jehan, vous resvez ?
LE MARY
[Et quoy] par sainct Jehan vous resvez.
LA VOYSINE
400 Hé dea !
LE MARY
Hée dea.
LA VOYSINE
Hé [dea] ! vray Dieu, quelle simplesse !
LE MARY
Hé [dea] vray Dieu quelle simplesse.
LA VOYSINE
[Or], dictes [donc] : « Je me confesse… »151
LE MARY
[Or] dictes [donc] je me confesse.
LA VOYSINE
405 « …À Dieu. »
LE MARY
Adieu152, sire Guillaume !
Donnez-luy à boire, ma femme,
Puisqu’il s’en veult partir d’icy.
LA VOYSINE
Dea ! je ne m’en vois pas ainsi,
Pourtant se153 « à Dieu » vous disoye.
LE MARY
410 Par le corps bieu ! je le cuidoye.
N’avez-vous pas presché assez ?
LA VOYSINE
Et ! vous n’estes pas confesséz ;
Ce n’est que le commancement.
Or, dictes154 !
LE MARY
Bon gré mon serment !
415 Maulgré jalousie…155
LA FEMME 156
Commère, l’avez-vous ouÿe ?
Vélà sa note157 de tousjours !
LA VOYSINE
Av’ous158 fait dame par amours ?
Dictes tout en confession.
LE MARY
420 Par ma foy, ouÿ… Nenny, non !
Où est nostre femme ? Je la voy
Icy, m’est advis, [près de moy]159 ;
Faictes-la reculler arrière.
LA VOYSINE
Recullez-vous, m’amye chère,
425 Car il ne vous appartient pas
Nous escouter.160
Or, parlons bas,
Et me dictes vostre courage161.
Avez-vous rompu mariage
[Entre les bras d’une paillarde ?]162
LE MARY
430 Il est vray que la plus gaillarde,
La plus gente, la plus abille163
Qui soit en toute ceste ville,
Si est ma dame par amours.
LA VOYSINE
Pour tout certain ?
LE MARY
N’a pas deux jours
435 Qu’avecques moy se rigoloit,
Et plus de cent fois m’acolloit,
En la tenant entre mes bras.
LA VOYSINE
Et sçavez-vous bien de quelz draps164
Elle va tous les jours vestue ?
440 Déclairez tout d’une venue165,
Puisque la matière est ouverte.
LE MARY
Elle porte une robe verte
Aux festons166 de couleur diverse.
LA VOYSINE
Et les bons jours167, [quoy] ?
LE MARY
Une perse168,
445 Trèsbien fourr[é]e de pane blanche.
LA VOYSINE
Et les grans jours169 ?
LE MARY
Comme au dymenche :
Hopelande170, belle saincture
De [cuir] rouge, je vous asseure,
Et beau chapperon de brunette.
LA VOYSINE
450 Et comment l’apelle-on ?
LE MARY
Jamette171.
LA VOYSINE
Jamette ?
LE MARY
Ouÿ, vrayement.
LA VOYSINE
Et congnoissez-vous bien son père ?
LE MARY
Sainct Jehan, ouÿ !
LA VOYSINE 172
Qui est sa mère ?
LE MARY
[Le] sang bieu ! c’est nostre voysine.
455 Je m’acointé de la meschine173
En allant en pèlerinage.
LA VOYSINE
Touteffois semble-elle bien saige,
[Et] chacun la tient pour pucelle.
LE MARY
Et ! que voullez-vous ? On la selle174.
460 Mais par ma foy, il est ainsi…
LA VOYSINE
Attendez-moy ung peu icy ;
Je reviendray, sans contredit.175
.
Ha ! que de Dieu soit-il mauldit ! SCÈNE XI
Voysine, tu ne scez comment
465 Ce faulx traistre, [ce] garnement176
M’a fait grant honte et grant diffame !
Comme cuide-tu177 estre femme
À ce faulx traistre desloyal ?
LA FEMME
Comment va il de nostre faict178 ?
LA VOYSINE
Trèsmal !
470 [Et !] que bon gré en ayt sainct Gille !
Il a despucellé ma fille !
LA FEMME
Ta fille ? Tu me dis merveilles179 !
LA VOYSINE
J’ay ouÿ de mes [deux] aureilles
Sa confession toute entière ;
475 Il m’a dit toute la manière
Et par quel moyen l’a déceue.
Et [je] ne m’en suis aperceue,
De quoy je suys plus esbahye.
LA FEMME
Je sçavoye bien, par bieu, m’amye,
480 [Que homme il n’estoit]180 véritable.
LA VOYSINE
C’est mon181, dame, de par le dyable !
Vous n’estes pas la mieulx aymée :
Il a ma fille diffamée.
M’amye, à peu182 que je n’enrage !
LA FEMME
485 Mais à moy, [ung] plus grant183 dommage
A fait qu’à toy, à parler vray.
LA VOYSINE
Et comment ?
LA FEMME
Je le te diray :
Tu sces que l’amoureux déduyt184
Qu’il me devoit et jour et nuyt
490 Monstrer, en signe d’amitié,
Je n’en ay pas eu la moytié :
I[l] l’a à ta fille donné.
LA VOYSINE
Par bieu ! je ne luy en sçay gré,
Et j’en enrage toute vive !
LA FEMME
495 Et ! par mon serment, tant qu’il vive,
Il ne luy en tiendra185, ce croy-je !
LA VOYSINE
Par ma foy, non ! Pour ce, disoy[s-j]e
Qu’on trouvast manière comment
Il fust pugny si asprement
500 Que jamais [plus] il n’en eust point.
LA VOYSINE
J’ay advisé ung autre point :
J(e) iray vers luy sans plus actendre,
Et si, [je] luy feray entendre
Qu’il fault qu’il face pénitance
505 S’il veult avoir sa pardonnance
Du grant péché qu’il a congneu.
LA FEMME
Et que sera-ce ?
LA VOYSINE
Que tout nu,
À jointes mains et à genoux,
Te crira mercy ; et puis nous
510 Deux aurons chacun[e] en noz mains
Ung bon baston, ou [tout] au moins
Unes verges trèsbien poignantes186.
Depuis la teste jusqu(es) aux plantes
Des piedz, sera trèsbien gallé187 !
LA FEMME
515 Par ma foy, tu as bien parlé :
Oncques femme ne parla mieulx.
Y vas-tu ?
LA VOYSINE
Ouÿ, ce m’aist Dieux !
Va quérir les verges, en tandis188.
LA FEMME
Le contraire je ne t’en dis ;
520 J’en trouveray ains189 que [je] cesse.
.
LA VOYSINE 190 SCÈNE XII
Mon amy, quant on se confesse
Pour descharger sa conscience,
On doit tout prendre en pacience
La pénitance qu’on vous encharge191.
LE MARY
525 Sainct Jehan, ce n’est pas [là] ma charge !
Pénitance ? Bon gré ma vie !
LA VOYSINE
Voire, vous l’avez bien déservie192
[Par ung péché qui est d’ung poids]
Bien terrible ! Mais touteffois,
530 Pour peu de chose ne vous chault193.
Vous avez faict ung grant deffault,
De rompre vostre mariage !
LE MARY
Où sont les pièces194 ?
LA VOYSINE
Et que sçay-je ?
Pour acquérir195 pardon à Dieu
535 Et eschever196 le puant lieu
D’Enfer dont (chacun doit [faire] ainsi),
Vous acomplirez, [pour mercy]197,
Voulentiers ce que vous diray.
Ne ferez mye ?
LE MARY
Je ne sç[aur]ay.
540 Se c’est chose que puisse faire
Sans moy grever198, pour [vous] complaire,
Je le feray.
LA VOYSINE
Or escoutez :
Il fault que vous [vous] desvestez
Tout nud pour acquérir199 mercy
545 À vostre femme, que v(e)ez-cy ;
Et Dieu aura miséricorde
De vous.
LE MARY
[Ainsi je vous l’acorde,]
Nonobstant que je m’en passasse
Très voulentiers.
LA VOYSINE
Il fault qu’il se200 face,
550 Pour avoir mercy et pardon.
.
LA FEMME SCÈNE XIII
Croyez qu’il aura son guerdon201
De ces verges au long du dos !
.
LE MARY 202 SCÈNE XIV
Qu’esse-là ?
LA VOYSINE
Rien, ce sont [des] motz
Qui ne s’adressent point à vous.
555 Or, vous avancez, amy doulx !
[Despouillez vostre vestement :]
Car on ne peult plus humblement
Venir à mercy qu’en ce point.
LE MARY
Touteffois, ne me trompez point,
560 Car g’y vois à la bonne foy203.
LA VOYSINE
Jamais !
.
Tost204, tost, avance-toy ! SCÈNE XV
Mais parlons bas, quoy qu’il avienne.
Deschargeons sus !
LA FEMME 205
Il206 vous souvienne
Du tour que vous m’avez joué !
565 Vous m’aviez promis et voué
La loyaulté de vostre corps.
LA VOYSINE
Aussi vous fault estre recors207
De ma fille, [qui a diffame]208 !
LE MARY
Vostre fille ? Bon gré sainct Estienne !
570 Qui estes-vous ?
LA VOYSINE
Par Nostre Dame !
Vous le sçaurez ains que je fine209.
LE MARY
Sang bieu ! vous estes ma voisine
Collette : qui parler vous entens.
LA VOISINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,210
575 Colette !
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LA VOYSINE
Je ne m’y fains211 point !
LE MARY
Bien m’en sens212 !
LA VOYSINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens !
LA FEMME
Si le retiens, se tu as sens213 !
[ LE MARY
……………………………. ine.
LA VOYSINE
580 Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,
Colette ! ]
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LE MARY
[…………………………… -ine214
…………], je suis tout cassé.
LA VOYSINE
Vous y avez trèsbien chassé,
Entour ma fille, hault et bas,
585 Et avez fait voz choux bien gras215
Avec(ques) elle, en meschanceté216.
LA FEMME
Il n’y a pas pour neant217 esté :
Au moins, il a esté froté,
Et son dos [en] est bien galléz.
LE MARY, [en chantant]
590 Mal suis fortunéz :
Vous m’avez, du nez,
Bien tiréz les vers218.
LA VOISINE
Les propos219 ouvers
Et motz descouvers
595 Souventeffois nuysent.
LA FEMME
Ceulx qui se devisent220
Et les motz n’avisent221
S’en treuvent déceuz.
LA VOISINE
Puis que née fus222,
600 Nouvelles je n’euz
Si trèsdesplaisantes.
LE MARY
Bien j’ay le câtu223,
Quant j’en suis batu
De verges poignantes.
LA FEMME
605 À quoy tient-il que tu ne chantes,
Maintenant, Maulgré jalousie ?
Tu l’avois, la belle jolye :
Or la v[oy]oiz tout à ton ayse.
LA VOISINE
Pour Dieu, voisine, qu’on s’en taise224 !
610 Je t’en requier, ma doulce seur.
.
LE MARY 225 SCÈNE XVI
Le dyable ayt part au « confesseur »,
Car il m’a excommunié
Et asprement discipliné226
De verges ; il ne m’en doit227 rien !
615 Sang bieu ! le cueur me disoit bien
Qu’en la fin, ainsi m’en prendroit.
Pour ce, vous tous, gardez-vous bien228
Quant parlerez, n’en quel endroit.
Mais qui jamais ne mesprendroit
620 Aurait de sens trop largement229.
Seigneurs, vueillez, pour orendroit230,
Prendre en gré nostre esbatement !
.
FINIS
*
1 Jelle Koopmans a l’air de considérer que Ribaud est le nom du personnage, puisqu’il intitule cette farce Ribaud Marié ou Malgré Jalousie. (Le Recueil de Florence. Paradigme, 2011, pp. 55-72.) 2 Son futur président, l’ancien basochien Gilles Le Maistre, évoquera cette affaire et soutiendra « l’Arrest des ribaux mariéz, dont beaucoup de gens parlent, qui ne le veirent oncques ». 3 Chez lui. Sa femme est dans la même pièce, au milieu de laquelle on voit un lit. 4 Ces quatre vers sont reconnaissables séparément dans diverses chansons, mais nous n’avons plus celle-ci, qui les réunit tous. 5 Abruptement. 6 F : et quonques la 7 Avant. Idem vers 520 et 571. 8 Pour me contredire. Idem vers 51. Le mari gifle sa femme. 9 Déshonoré, cocu. 10 Pour autant. 11 Grogne. 12 C’est le vers 126 du Povre Jouhan, dont la trame repose également sur une chanson. 13 Celui qui ne se réjouira souvent. 14 Ni pour ton caquet, ton bavardage. 15 Je ne cesserai pas de chanter. 16 Ce que. Idem vers 94 et 232. 17 Qui m’en empêchera. 18 Vais (idem vers 62, 146, 278, 408, 560). Et si je m’échauffe un peu. 19 De coups de bâton. 20 Cognée avec une boulaie, une massue. Le mari joint le geste à la parole. 21 Assommée. Cf. Mahuet, vers 235. 22 Que Dieu maudisse. Cf. Jolyet, vers 66. 23 F : quonques ien ouy 24 Je vais. Le mari est commerçant. 25 La maison. 26 Que le mal des ardents vous brûle. 27 Déblatérant. Idem vers 199. 28 Ne grommelle pas contre moi. 29 Caressée par un bâton. Cf. le Pasté et la tarte, vers 197. 30 Le mari s’en va. 31 F : feray (Correction suggérée par J. Koopmans.) Je saurai tous les tours qu’il m’a joués. Sérai est un normandisme : Troys Galans et un Badin, vers 54. 32 Il a pris une maîtresse. Idem vers 418 et 433. 33 F : Jamais 34 À toute allure. 35 Chez. Cette forme est commune à beaucoup de farces normandes. 36 La femme sort, et se rend chez sa voisine. 37 Je filais ma quenouille. 38 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 517. 39 F : scauez vous (Forme normande très employée : cf. le Bateleur, vers 123.) 40 Conter. 41 F : Que la dicte (Les éditeurs prennent souvent les didascalies pour du texte.) Elle la chante. « Il nous fault dire une chançzon. » La Pippée. 42 F ajoute dessous : Dictes mamye 43 F : sil (Pour la raison qu’il…) 44 Peut-être. « Mais, espoir, c’est pour ce que on ne les entend point. » Journal d’un Bourgeois de Paris. 45 C’est du vent ! Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 176. 46 Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Idem vers 391. Cf. le Dorellot, vers 77. 47 Si peu que ce soit. Idem vers 236. 48 Grâce auquel tu connaîtras le fond de son cœur. 49 Les deux éditeurs modernes ont transcrit et ponctué : j’en enrage. 50 Dans. « Je m’en voys ung peu sur les champs/ Parler à ne sçay quelz marchans. » Ung Mary jaloux. 51 Bouder ni chercher querelle. 52 F : ces (Qu’il est apparent, quand on voit ses yeux. Idem vers 173.) 53 Nous le tromperons. Idem vers 278. Cf. le Monde qu’on faict paistre. 54 Dans beaucoup de textes comiques, un prêtre doit s’enfuir en chemise de chez sa maîtresse, en abandonnant sa soutane. Mais n’ayons pas mauvais esprit, et admettons ce que dit la voisine dans Ung Mary jaloux : « N’a pas long temps qu’ay hérité/ D’ung mien oncle qui fut d’église./ Tous ses habis, faictz à sa guyse,/ Sont céans : vous en vestirez/ L’ung d’iceulx. » 55 F : qui ce (Qu’il est nécessaire qu’il se confesse, pour ne pas mourir sans confession.) 56 Quoi qu’il dise, ne cesse pas de le harceler. 57 F : Car (Alors, pour que je réalise mon plan. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 722.) 58 Au. Idem vers 224. 59 F : le confesse (Correction de Koopmans.) Qu’il ne reconnaisse pas ton visage. Prononciation et graphie normande : « L’y en avet queuqu’un d’eux qui me connesset bien. » La Muse normande. 60 M’occuper de cette affaire (ce mot était souvent masculin). « Le maistre (…) laisse l’ostel, et en la ville à ses afaires va entendre. » ATILF. 61 Elle rentre chez elle. Par la fenêtre, elle voit revenir son mari. 62 Faire semblant. 63 F : viengnes mon amy (Bienvenue !) Cet auteur aime les rimes riches, et en outre, la poésie antimatrimoniale plébiscite la rime marri / mari. 64 F : prest ou 65 Si détérioré. 66 F : palle (Correction proposée par Koopmans.) « Ilz semblent tous malades, tant ont lez visages fades et palles. » ATILF. 67 Un peu. 68 C’est certain. Cf. les Gens nouveaulx, vers 315. 69 Cela apparaît bien. 70 F : que et 71 F : yer (Au vers 339, hyer est monosyllabique.) 72 Ce qui nous échoit, la bonne ou la mauvaise fortune. « Sa dure chéance et malle adventure. » (ATILF.) Pour bien montrer que l’heure est grave, l’épouse sollicite un registre plus noble que celui de la farce. 73 Il n’y a aucune douleur. 74 F : debatent (De quoi te tracasses-tu ?) 75 Tambour battant, en vitesse. 76 Abattu. Idem vers 197. 77 Imprécation que lâche une personne excédée. Cf. la Confession Rifflart, vers 59. 78 Étoffe très foncée. Idem vers 449. La couleur fade [pâle] invoquée au vers 162 n’ayant pas suffi à ébranler le mari, sa femme passe à la couleur noire, qui est plus inquiétante. 79 Ni votre pleine vigueur, ni même la moitié. 80 Roland mourut de soif à Roncevaux. « Je mourroye de la mort Rolant…./ Que j’aye à pyer/ Ung coup de quelque bon vin vieulx. » Testament Pathelin. 81 Vous délirez. Idem vers 398. 82 F : repantens (Confessé et repentant de vos péchés.) 83 On se confessait au moins une fois par an, avant Pâques, c’est-à-dire pendant le Carême. « Le curé de Jambet attribuoit ce copieux engrossissement de femmes, non aux viandes de Quaresme, mais (…) aux petits confesseurs crottés, lesquels damnent, par cestuy temps de leur empire, les ribaulx mariéz. » Rabelais. 84 Certains Normands prononçaient moutre : « Le roi Modus moustre à ses escoliers la science de fauconnerie. » Henri de Ferrières. 85 Dans l’autre monde : si vous trépassiez. 86 Ni mettre votre conscience en ordre. 87 Si vous faites preuve de sagesse. Cf. l’Avantureulx, vers 351. 88 Tant que vous êtes en pleine possession de vos moyens intellectuels. 89 Malgré moi. Cf. la Pippée, vers 835. 90 Au (note 58). 91 Sous-entendu égrillard : en érection. « Le virolet en poinct et infatiguable, comme l’ont les satyres. » Rabelais. 92 À votre organe (vocal ou autre). 93 F : vueilles (Tu fais semblant de dormir. Voir la note 20 de Troys Galans et un Badin.) « On dit que cils fait la dorveille,/ Qui dort de l’ueil et du cuer veille. » ATILF. 94 Voilà autre chose ! Cf. le Dorellot, vers 43 et 52. Le vers suivant est perdu. 95 Je n’ai pas l’intention de mourir. 96 F : meshignez (Méhaigné, en mauvais état.) Vis = visage. Mais vit = pénis. 97 Que je dise que vous êtes mourant, si ce n’était pas vrai. 98 F : Aucun (Si je ne sentais jamais plus de mal qu’aujourd’hui.) 99 On s’en contenterait. Ce vers proverbial figure notamment dans le Capitaine Mal-en-point. 100 Ne vous occupez pas. 101 Les Normands prononçaient « mémore » ; voir la note 87 de Jehan de Lagny, et la note 85 du Bateleur. 102 Quelquefois. « Je ne dis pas que bien souvent ne soit bon et profitable, bien séant et honnorable de croire sa femme. » L’Ystoire des sept sages de Romme. 103 Je comble cette lacune d’après le vers 560. Le mari se couche sur le lit. La femme sort et se dirige vers la maison de sa voisine. 104 F : charolles (Une carole est une ronde.) Je vais le faire danser ! « Par ses dis et par sa parole,/ [Elle] les fait danser à sa karole. » ATILF. 105 Comment vont nos affaires ? « –Comment va tout, léans ?/ –Tout va trèsbien pour nous. » (Jean-Antoine de Baïf.) La voisine achève de se déguiser en prêtre. 106 Il a tant fallu le sermonner. 107 F : ereue (Correction Gustave Cohen.) Son mari ne l’a pas crue : il a cédé pour qu’elle lui fiche enfin la paix. 108 F : voisine 109 Comme sur mesure. Cf. Serre-porte, vers 112. 110 Dans les farces et ailleurs, le curé messire Jean traîne derrière lui une solide réputation de lubricité : voir la note 139 de Régnault qui se marie à La Vollée. Le vers suivant est perdu. 111 Les Normands prononçaient Guillame, comme au vers 405. (Cf. la farce normande de Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 32 et rime, ou celle de Resjouy d’Amours, vers 285 et 362.) « Ung sien chevalier occist le duc Guillame de Normendie. » Baudouin d’Avesne. 112 Je vous l’affirme. 113 Le charivari fait appel au déguisement, et vise des gens qui ne respectent pas la coutume en matière de sexualité. 114 Toutes les deux (normandisme). Cf. la farce caennaise de Saincte-Caquette, vers 74. 115 F : Hola 116 Dissimule-toi derrière son lit. 117 F : lapercoiue (Correction Félix Lecoy.) 118 Décevoir = tromper. Idem vers 476 et 598. 119 F : luy (Correction envisagée par Koopmans.) Les seuls malades qui se confessaient avec le visage couvert étaient les lépreux. La voisine dissimulera sa figure sous la capuche de son habit, comme le faux moine de Serre-porte (scène VII). 120 Discrètement, comme le moine qui couvre sa figure avec la capuche de son froc, au début de Frère Fécisti. 121 Interroge-le. 122 Laisse-moi m’occuper de tout. 123 Elle rentre chez elle, et s’informe si son mari est encore vivant. 124 Le voici. Litt. : Voyez-le ici. (Idem vers 545.) Mais la voisine, empêtrée dans son habit sacerdotal, n’est pas encore arrivée. 125 F : deuerois 126 Elle entre chez le couple, habillée en prêtre, avec sa capuche rabattue sur le visage. Elle se tient debout derrière le chevet du lit. L’acteur qui joue ce rôle abandonne sa voix de fausset* pour reprendre son timbre masculin : nous avons là un travesti travesti. *C’est ainsi qu’on imitait les femmes ; un Badin qui prend la voix d’une aristocrate dit : « Je parle gresle/ Comme faict une Damoyselle. » Messire Jehan. 127 Notre Seigneur. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 195. Il y a là une lacune ; la seconde partie de la farce est encore plus abîmée que la première. 128 L’auteur du Ribault marié connaît bien une autre farce normande, le Testament Pathelin, où le curé qui vient confesser Pathelin entre en disant : « Comme se porte ce malade ? » 129 F : malade (à la rime.) Maussade = désagréable. 130 Il n’a pu reposer, dormir. « De nuictée/ Ne reposay. » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) L’auteur picore aussi dans la Farce de Maistre Pathelin, dont la femme fait croire au drapier que son époux moribond « ne partit/ Du lit y a unze sepmaines », et lui affirme : « Je croy qu’il repose. » 131 Celle qui. Le mari se livre à un aparté. 132 De la contrition, du repentir. 133 F : Et quelqun (Les diables emportent l’âme des pécheurs : cf. le Munyer de qui le deable emporte l’âme en Enffer.) La femme tient ces propos en aparté. 134 Haussée, élevée. 135 De vrai, en vérité. 136 F : femme 137 Nous pique et nous mord. 138 F : on y 139 Expédier vos péchés. « Tu te veulx confesser à moy./ Mon amy, vueilles abréger. » La Confession Rifflart. 140 D’abord. 141 Le vin est censé augmenter la mémoire : « S’ung peu ne me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. Le Testament Pathelin met en scène la même lutte entre un moribond qui veut boire, et un prêtre qui veut le confesser. 142 F : retentine (La rétentive est la faculté de retenir.) 143 F : estime (Corr. Cohen.) Quand on résiste. 144 C’est la règle. 145 Les formules officielles ne me reviennent plus. 146 F : doncques autre (Aucune chose : rien.) 147 Vous signer. Cf. le Maistre d’escolle, vers 125. 148 Si mal éduqué. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 152. 149 Votre confession commence mal. 150 Ce gag des échos, fort apprécié du public, permettait aux acteurs de rallonger leur texte au-delà du raisonnable et en dépit de la versification. 151 Ce vers, tel que je le complète, est le vers 84 de la Confession du Brigant au Curé. 152 Le même quiproquo sous-tend les vers 85-86 de la Confession du Brigant. 153 Même si. 154 Ce verbe est synonyme de chanter (voir la note 41) : « Disant la chansonnette. » (ATILF.) C’est le sens que lui confère le mari, du haut de sa mauvaise foi. 155 F commence ce vers par : Dung 156 Elle parle à l’oreille du faux prêtre. 157 Sa rengaine. 158 Avez-vous (normandisme). 159 F : de ce coste (Il s’aperçoit que sa femme est derrière le chevet du lit, avec le « curé ».) 160 La femme s’éloigne, pour respecter le secret de la confession. 161 Ce que vous avez sur le cœur, sur la conscience. 162 J’emprunte ce vers manquant aux Blasphémateurs du nom de Dieu : « J’avoys faict coucher ung ribault/ Entre les bras d’une paillarde…./ Et el luy sembloit bien gaillarde. » 163 Habile. Le mari se vante de ses conquêtes devant un autre « homme ». 164 Avec quels habits. Cette question intrinsèquement féminine aurait dû éveiller la méfiance du mari. 165 En une fois. 166 F : festes (Avec des broderies.) 167 Les jours de fêtes. 168 Une robe bleue doublée de fourrure blanche. 169 Lors des fêtes solennelles. 170 La houppelande est une sorte de grande cape. 171 Prénom féminin assez courant. « (Il) trouva façon d’avoir encores la compaignée de ladite Jamette, et tellement qu’il l’engroissa. » ATILF. 172 F : femme 173 Je me suis accouplé avec leur fille. Les pèlerinages rassemblaient plusieurs voisins, et la promiscuité nocturne favorisait certains rapprochements. Cf. Régnault qui se marie, vers 219-230. 174 Trois niveaux de lecture : 1) On la selle [on la chevauche]. Jody Enders, qui a traduit énergiquement cette pièce dans The Farce of the Fart and other Ribaldries, n’hésite pas à écrire : « Menfolk already done rode that pony. » 2) On la scelle [on la tamponne]. « Je viens d’avecque la femelle :/ J’ay tant scellé que plus n’en puis. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 3) On la cèle [ses parents la cachent, la cloîtrent]. 175 Le faux curé rejoint la femme. 176 Ce débauché qui s’attaque aux femmes. Cf. la Fille bastelierre, vers 166. 177 Comment peux-tu. 178 Notre affaire. 179 Une chose incroyable. Idem vers 243. 180 F : Comme sil estoit (Qu’il n’était pas un homme loyal, sincère. « Il estoit homme véritable en ses propos, fidèle en ses promesses. » L. de Mayerne-Turquet.) 181 C’est vrai. Cf. Régnault qui se marie, vers 256. 182 Il s’en faut de peu. 183 F : grans 184 Le devoir conjugal. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 52. 185 Il ne lui tiendra plus de mots doux. 186 Des verges bien cinglantes. Idem vers 604. 187 Battu. Idem vers 589. « Mais bien vous galleray le dos ! » Godefroy. 188 Cependant. 189 F : auant (Ce vers est calqué sur le v. 571.) « J’en trouveray moyen ains que je cesse. » Mistère du Viel Testament. 190 Tandis que la femme passe derrière le rideau de fond pour aller chercher des verges, le prétendu curé revient vers le lit du mari. 191 Qu’on prend en charge, qu’on accepte. 192 Vous l’avez méritée. Cf. Marchebeau et Galop, vers 215. Le vers suivant est perdu. 193 Vous ne vous en faites pas pour si peu. 194 Les pièces du procès, les preuves. On songe au procès que l’official d’Angers n’avait pu intenter contre un ribaud marié : voir ma notice. 195 Requérir. Idem vers 544. 196 F : escheuez (Pour esquiver, éviter.) 197 F : mon amy (Cette rime est plus pauvre que les autres.) Pour obtenir le pardon. 198 Sans que cela me nuise. Le héros de la Confession Rifflart se livre à des marchandages encore plus cyniques avec le prêtre qui veut lui donner une pénitence. 199 Requérir (note 195). La femme revient avec une poignée de verges dans chaque main. 200 F : ce (Que cela se fasse.) 201 Sa récompense. 202 Il a entendu les menaces de sa femme. 203 J’y vais de bonne foi. Il se déshabille et se retrouve en chemise longue. Il se met à genoux. 204 Elle s’adresse à la femme, en aparté. 205 Elle et sa voisine fouettent le mari, qui est à quatre pattes. 206 Qu’il. 207 Souvenez-vous. Le comédien reprend sa voix de fausset, que le mari va reconnaître au vers 573. 208 F : quauez diffamee (Qui a du déshonneur.) « De luy, vous n’aurez que diffame. » Guillerme qui mengea les figues. 209 Avant que je termine. 210 Je remets en ordre le triolet 574-581, que F a complètement chamboulé. 211 Feins : je ne fais pas semblant de le frapper. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 6. 212 Je m’en ressens ! Cf. la Veuve, vers 229. 213 Retiens cette leçon, si tu as un peu de bon sens. F intervertit les deux hémistiches du vers. 214 Après le triolet, il y avait un vers de retombée en -ine. 215 Faire ses choux gras = prendre son plaisir : « Sotz qui ayment à fréquenter le “bas”,/ Sotz qui faictes aux dames les choux gras. » (Jeu du Prince des Sotz.) Mais choux = couilles : voir les vers 276-277 ainsi que la note 108 du Dorellot, et le vers 92 des Cris de Paris. 216 F : malle sante (Avec perversité.) 217 Pour rien. « Niant » compte pour 1 syllabe. 218 Vous m’avez fait avouer malgré moi. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 223. 219 F : propopos (Les paroles franches.) 220 Qui bavardent. 221 Et ne font pas attention aux mots qu’ils prononcent. 222 F : suis (Corr. Koopmans.) Depuis que je suis née. 223 F : senty (En Normandie, un câtu est un sujet de plainte. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 232 et note.) 224 N’ébruite pas le déshonneur de ma fille, sinon je ne pourrai pas la marier. 225 Il s’adresse au public. 226 Flagellé. La discipline est un martinet. 227 F : dist (Il m’a donné tous les coups qu’il me devait : il ne m’en doit plus un seul.) 228 Faites bien attention. La morale de la pièce n’est pas : « Soyez fidèles. » C’est : « Soyez discrets. » 229 Celui qui ne commettrait jamais d’erreur ferait preuve d’un grand bon sens. 230 Pour maintenant.
LE POULIER à quatre personnages
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LE POULIER
à quatre personnages
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Le manuscrit La Vallière contient deux farces normandes du XVIe siècle qui se nomment le Poulier [le poulailler] : celle-ci, à quatre personnages, et une autre, fort différente, qui compte six personnages. Le Poulier à quatre personnage est un digne ancêtre du théâtre de Boulevard : dès que la femme infidèle crie « Ciel, mon mari ! » (ou en l’occurrence : « Voici mon mari ! »), son amant se cache dans un poulailler, faute de placard.
En 1616, Béroalde de Verville réutilisa la scène des « jamais » (vers 230-263) :
On hurta à la porte assez espouventablement. Lors elle, comme surprise : « Hélas, Monsieur, où vous mettrez-vous ? Je suis perdue ! » D’autre costé, on frappoit, disant : « Ouvrez-moy, Françoise, ouvrez vistement ! Je suis mort ! Je te prie, ouvre viste ! » Elle crioit : « Mon mary, je me lève en si grand haste que je ne sçay que je fay. » Cependant, elle aydoit au curé à monter sur un travers [une soupente] où les poules nichoyent. Cela fait, comme tout hors de soy, elle vint ouvrir la porte à son mary, & luy dit : « –Et où allez-vous si tard ? Il est belle heure de venir ! –Ha ! m’amie, excusez-moy. Je suis mort. Ne te fasche point. Tu ne me verras plus guère, je me meurs. Envoyez quérir monsieur le curé, que je me confesse. » Il se tenoit le ventre auprès du feu comme s’il eut eu la colique, & faisoit semblant parfois de s’esvanouyr. Il fait appeller des voisins à l’aide, qui s’assemblent à le réconforter, & le mettent sur un lict à terre. Mais il ne faisoit plus que souspirer, & dire : « –Jamais, jamais… –Hé ! compère, prenez courage. –Jamais… –Ce ne sera rien. Or sus, mon amy ! Là, aydez-vous. –Jamais… –Il faut avoir monsieur le curé. –Jamais… –Il vous dira quelque bonne parole. –Jamais… –Encor ne faut-il pas se laisser ainsi aller. –Jamais… –Il semble que vous ne nous cognoissiez point. –Jamais… –Voilà mon compère cetuy-cy, mon cousin cettuy-là, qui vous sont venus voir. –Jamais… » Quand presque toute la parroisse fut assemblée, & que l’on lui va dire : « Or çà, compère, debout ! Allons au lict, vous y serez mieux. Et bien, que vous faut-il ? » Adonc, jettant les yeux & dressant la main vers le curé, il va dire : « Jamais je ne vy un tel jau1 avec mes poules. » <Le Moyen de parvenir, chap. 69.>
Source : Manuscrit La Vallière, nº 45.
Structure : Rimes aabaab/bbcbbc, abab/bcbc, rimes plates, avec un triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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La farce du
Poulier
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À quatre personnages, c’est assavoir :
LE MARY 2
LA FEMME
et L’AMOUREULX
et LA VOYSINE
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L’AMOUREULX 3 commence et dict :
Est-il [donc] un plus grand plaisir SCÈNE I
Que de joÿr à son désir
D’une dame de bonne grâce,
Au lict aveq elle gésir,
5 Et l’acoler à son loysir
Pendant qu’on a lieu ou espasse4 ?
Je croys que non et, sans falasse5,
[Poinct ne vouldroys laisser ma place.]
Par une, mon cœur est ravy ;
10 De la baiser, poinct ne m’en lasse.
En la voyant, je me solasse6.
C’est la plus belle qu(e) onques vy.
Mais elle a un sot de mary :
De l’ostel n’eslongne7 d’un pas.
15 Sang bieu ! je le feray mar[r]y.
Sans luy, je feroys bien mon cas8.
Sy perdre debvoys9 mon repas,
Je feray encore un voyage
Par-devant son logis.
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LE MARY 10 SCÈNE II
Je gaige
20 Que c’est l’un de nos amoureulx ;
Je ne séroys dormir, pour eulx11 :
Il ne cessent toutes les nuictz.
L’un viendra heurter à mon huys,
Puys l’autre à mes fenestres rue12 ;
25 L’un sifle ou chante amy13 la rue.
C’est pityé, je n’ay nul repos.
Encore, sy j’en tiens propos
À ma femme, elle me veult batre.
« Quoy ! (faict-elle), laissez-les esbatre :
30 Ce sont jeunes gens. » Quel raison !
Mais [qu’ont à faire ma]14 maison,
Ma rue, ma fenestre ou ma porte,
Ma femme [ou] moy, qu’on leur aporte
Telz réveillemens, sur la nuyct ?
35 Par la mort ! cela trop me nuyt.
Mais s’il advient c’un je rencontre,
Je luy bailleray mal encontre15,
Me deust-il couster cent escus16 !
Le grand deable y ayt part, aulx cus !
40 Je dis : ceulx qui sont plains de noise17,
Comme celuy de ma bourgoise.
Mais sy j’en veulx avoir raison,
Tenir18 me fault en ma maison
Afin d’en garder le pissot19.
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LA FEMME 20 SCÈNE III
45 Femme qui a un mary sot
Est bien malheureuse, en ce monde.
J’en ay un (que Dieu le confonde !)
Sot, malaustru21 et tant jaloux !
Que menger le puissent les loups !
50 Je ne séroys22 avoir loysir
D’acomplir en rien mon plaisir.
Contemplez un peu sa manyère.23
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LE MARY SCÈNE IV
D’où venez-vous ?
LA FEMME
De là-derière,
D’aruner24 un peu mon ménage.
LE MARY
55 Par la mort bieu ! vous faictes rage
D’aler. Tenez-vous à l’ostel25 !
LA FEMME
Qui vist jamais un homme tel
Que vous ? Mais quant je vous escouste,
Il semble que soyez en doubte
60 De moy26.
LE MARY
A ! par ma foy, non suys !
Mais toutesfoys, sy je poursuys27,
Et28 qu’en poursuyvant…
LA FEMME
Quoy ?
LE MARY
Rien, rien,
Vous estes trop femme de bien ;
Mais le cul…
LA FEMME
Quoy ?
LE MARY
Il est honneste,
65 Je n’en dis mot.
LA FEMME
Estes-vous beste !
Je m’ébaÿs que n’avez honte.
LE MARY
Ma mye, sy j’ey la langue prompte
À dire quelque petit mot,
Il n’y a icy que vous qui m’ot29.
70 Mais sy j’en trouvès un…
LA FEMME
[Un quoy]30 ?
N’est poinct vostre esprit à requoy31 !
LE MARY
N’en parlons plus, et nous taison.
LA FEMME
Il me semble qu’il fust saison
De nous estorer32 de pourceaulx :
75 Y nous en fault deulx ou troys beaulx
Pour nostre estorment33.
LE MARY
In Jehan34, voyre !
LA FEMME
Irez-vous demain à la foyre35,
Mon amy, veoir s’on en aron36 ?
LE MARY
Ouy, ouy, nous y aviseron.
LA FEMME
80 Ou gardez icy37, et g’iray.
LE MARY
Non feray, tudieu38, non feray !
G’y veulx aler moy-mesmes. Mais…
LA FEMME
Et ! tousjours a son entremais39.
Dea ! n’arez-vous jamais repos ?40
LE MARY
85 Pourquoy leur tenez-vous propos ?
LA FEMME
À qui ?
LE MARY
Je n’en parle plus. Mais…
LA FEMME
Quel « mais » ?
LE MARY
Qu’i n’y viennent jamais !
Gardez-vous de les escouter.
LA FEMME
Vous vous voulez donques doubter41
90 De moy ?
LE MARY
Je ne daigneroys42 ! Mais…
LA FEMME
Quel « mais » ? Quel « mais » ?
LE MARY
Je vous promais
(Touchez là43 !), sy je les tenoys,
Sans espargner foyble ne fort,
Je ruroys tant que je pouroys
95 Dessus : « Tip ! Toup ! Tap ! Tu es mort ! »
LA FEMME
Sans confession44 ?
LE MARY
Droict ou tort45.
Et pour tant46, qu’il vous en souvyenne !
LA FEMME
Je garderay bien qu’il n’en vienne
Pièce47 céans.
LE MARY
Je vous en prye,
100 Se n’en voulez estre marrye :
Je les turoys tous sans pityé !
LA FEMME
Je ne vous cherches qu’amytié ;
Tout vostre bon plaisir feray.
LE MARY
Çà donc, de l’argent48 ! Et g’iray,
105 À la foyre, des pourceaulx quère.
LA FEMME
Or tenez ! Et alez grand erre49,
Afin que vous revenez d’heure50.
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L’AMOUREULX 51 SCÈNE V
Mon homme s’en va grand aleure52.
Je m’en voys53 visiter sa femme,
110 Puysqu’il est party.
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Bon jour, Dame ! SCÈNE VI
Et54 ce mary, il est en voye ?
LA FEMME
Pour l’amour de vous, je l’envoye
À la foyre, mon amy doulx ;
Car il est de moy tant jaloux
115 Qu’il ne s’oze alongner55 d’un pas.
L’AMOUREULX
Ma doulce amye, croyez d’un cas56
Que j’ey faict plus de mile tours57
Par cy-devant, depuys huict jours,
Désirant fort à vous parler ;
120 Mais tousjours le voyès aler
Ou venir à l’entour de vous.
LA FEMME
Il en faict autant tous les coups,
Tant est plain de sote folye.
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LE MARY SCÈNE VII
Au ! vertu goy58, voécy la pluye !
125 Bren ! Et le temps estoyt tant beau !
Je m’envoys quérir mon chapeau :
D’estre mouillé seroys marry.59
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LA FEMME SCÈNE VIII
Mon amy, voécy mon mary !
L’AMOUREULX
Et ! vertu bieu, que ferons-nous ?
LA FEMME
130 Métez-vous souldain à genous
Icy, soublz ceste couverture60.
L’AMOUREULX
Voécy pour moy male adventure.
Le deable en emport le vilain !
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LA FEMME 61 SCÈNE IX
Où retournez-vous sy souldain ?
135 Av’ous62 amené un pourceau ?
LE MARY
Je venoys quérir mon chapeau,
Car vous voyez, le temps se brouille ;
Et puys, vous savez, la pluye mouille.
Je le veulx porter, puysqu’i pleust.
LA FEMME
140 Et esse tout ce qui vous meust63 ?
Tenez, le voélà. Que d’ensongne64 !
LE MARY
Voécy une belle besongne :
Que faict cy ceste couverture ?
LA FEMME
Laissez-la, sote créature !
145 Alez où vous devez aler !
LE MARY
Non feray, tu as beau parler !
Je la65 veulx remectre en son lieu.
LA FEMME
Et ! non ferez, sire, par Dieu !
On en puisse avoir froide joye66 !
LE MARY
150 Et pourquoy ?
LA FEMME
Je ne veulx pas qu’on voye
En ce poinct mes67 nécessités.
LE MARY
Je congnoistray vos vérités,
À ce coup-cy !
LA FEMME
Estes-vous yvre ?
Je prye à Dieu qu’i m’en délivre !
155 Puysqu’il vous fault conter l’afaire,
Là-dessoublz sont tous mes menus68…
LE MARY
Quelz menus ? D’où sont-ilz venus,
Ces menus ? Hau ! et qu’esse à dire,
Ses menus ? Je n’en congnoys nus.
160 « Ses menus » ? Voécy [bien] pour rire !
LA FEMME
Mais vous le fault-il tant redire ?
Ce sont mes menus drapelés.
Quant ilz sont [sy] sales et lais,
Encores les fault-il blanchir69.
LE MARY
165 Bien, va, je te laisse ves[t]ir70.
Je voys parfaire mon voyage.
LA FEMME
Et alez !71
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Que la male rage SCÈNE X
M’en puisse bien tost despescher72 !
Sortez dehors, mon amy cher.
170 J’ey eu pour vous belle bésarde73.
L’AMOUREULX
Que le feu sainct Anthoine74 l’arde !
Je n’en seray d’une heure asseur75.
Je n’ay membre qui ne me tremble.
Que debvons-nous faire, ma seur76 ?
LA FEMME
175 Y nous fault banqueter ensemble77 ;
C’est le meilleur, comme il me semble.
Je voys aprester le dîner.
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LE MARY SCÈNE XI
Au ! voécy bon pour retourner :
Quant mes afaires je recordes78,
180 Je n’ay poinct aporté de cordes
Pour mes deulx pourceaulx amener.
Y fault à l’hostel retourner
En quérir.79
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LA FEMME SCÈNE XII
Jésus ! Mon amy,
Voécy revenir mon mary !
185 La Mort m’en puisse despescher !
L’AMOUREULX
Et où me pourai-ge cacher ?
Pleust à Dieu qu’i fust en la bière80 !
LA FEMME
Entrez souldain icy derière81,
Et montez à nostre poulier.
L’AMOUREULX
190 La fièbvre le puisse relier !
Y me donne bien de la paine.
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LA FEMME SCÈNE XIII
Mais qui esse qui vous ramaine ?
D’aler et venir ne cessez.
LE MARY
Et, [in] Jen ! g’ay82 du trouble assez.
195 Puysqu’il fault que je le recorde83,
J’avoys omblyé84 une corde
Pour [nos deulx pourceaulx]85 amener ;
C’est ce qui86 me faict retourner.
S’y s’enfuy[oy]ent, je les perdroye.
LA FEMME
200 On en puisse avoir male joye !
Et esse tout ce qu’il vous fault ?
J’en voys quérir une là-hault.
LE MARY
Va tost87 !
LA FEMME
Atendez-moy à l’uys.
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LE MARY 88 SCÈNE XIV
À l’uys ? Non feray, sy je puys.
205 À l’uys ? Vertu bieu, qu’esse à dire ?
À l’uys ? À l’uys ? Voécy pour rire !
À l’uys ? Et ! je feray89 le deable !
À l’uys ? Voécy pas bonne fable ?
À l’uys, vilaine ? À l’uys, infâme ?
210 « À l’uys ! », faict ma deable de femme.
« À l’uys ! » Il y a quelque chose90…
À l’uys91 fault entrer, mais je n’ose :
Se c’est un homme de courage,
Y m’enpongnera au visage.
215 À l’uys. Mot92 ! je [le vay]93, en traïson,
Atendre à l’uys de ma maison :
[S’il vient] à l’uys, par le grand Dieu,
Le feray mourir en ce lieu !
Voélà une trop grosse honte94…
220 A ! vertu bieu, voécy mon compte !
À l’uys95 ! Voélà un de mes gens96.
À l’uys ! Et ! venez-vous céans
Humer les œufz de nos guélines97 ?
Y me fault faire bonnes mynes,
225 Mais que98 des cordes el m’aporte.
.
LA FEMME SCÈNE XV
Tenez, en voélà une bien forte ;
C’est assez pour en lier deulx.
Hastez-vous bien tost, car je veulx
Nous estorer mieulx qu’onques-mais99.
LE MARY 100
230 Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA FEMME
Et pourquoy ? Voécy la saison
Qu’i fault estorer la maison
De blé, de lard, je vous promais.
LE MARY
Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA FEMME
235 Hélas ! et qu’esse qui vous poinct101 ?
Hau ! mon amy, parlez-vous poinct ?
Av’ous faily à vos amès102 ?
LE MARY
Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA FEMME 103
Hélas ! à l’ayde, bonnes gens !
240 Mon mary est troublé de sens !
Venez tost icy, je vous prye !
.
LA VOISINE 104 SCÈNE XVI
Et ! qu’esse ?
LA FEMME
Mon mary, ma mye :
Hélas ! je cuyde qu’il afolle105.
LA VOISINE
Alez, alez, vous estes folle,
245 Voisine ! Ne vous tuez mye.
LA FEMME
Hélas ! [ma] voisine, ma mye :
Voécy un piteulx entremais106.
LE MARY
Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA VOISINE
Hélas ! mon voisin, mon amy :
250 Seignez-vous107, c’est quelque ennemy
Qui ne vous veult laisser en pais.
LE MARY
Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA FEMME
Hélas ! mon amy, bon courage !
Pour vous je feray un voyage
255 À Sainct-Mary108, je vous promais.
LE MARY
Jamais, jamais, jamais, jamais…
LA VOISINE
Ma voisine, courez bien vite109 :
Alez quérir de l’eau bénite,
Car je croy qu’i voyt le Mauvais.
LE MARY
260 Jamais, jamais, jamais, jamais,
Jamais ne me fusse doubté
Qu’i se fust au poulier bouté
Pour faire pondre nos guélines.
LA VOISINE
Et ! qu’esse qu’il110 montre par signes ?
265 Nostre Dame ! Et ! esse cela ?
[LE MARY]
Sus, sus ! Sortez, galant, de là !
Maintenant serez chaponné111 !
LA FEMME
Hélas ! il est tout estonné,
Le povre homme : y n’y pence poinct112.
270 Mais je vous veulx dire le poinct
Pourquoy en ce poulier s’est mys.
Deulx gros ribaulx, ses ennemys,
Le cachoyent113 à grans coups d’espée ;
La teste luy eussent coupée,
275 S’y ne l’eust gaigné au courir114.
Et pour le povre secourir,
Je l’ay faict entrer en ce lieu.
Et m’a pryé, au nom de Dieu,
Que je ne l’encuse115 à personne.
280 Aussytost est venu un homme
Le chercher, son baston tout nu116,
Sy furé117 que s’y l’eust tenu,
Y l’eust tué et despesché.
LE MARY
A ! vertu bieu, c’est trop presché !
285 Vous ne m’en ferez plus mouler118.
Çà ! hastez-vous de dévaler119,
Que je ne vous face descendre !
L’AMOUREULX 120
Pour Dieu, veuilez-leur donc deffendre
[D’entrer : ce]121 sont mauvais garçons !
LA VOISINE
290 Encor fault-il que nous sachons
Le débat122.
L’AMOUREULX
Pour un coup d’espieu123…
LE MARY
Estes-vous monté de par Dieu ?
Or124, dessendez de par le deable
(Puysqu’il fault que tant je m’endiable125) !
295 Santo126 santorun, dessendez !
L’AMOUREULX
Pour l’honneur de Dieu, atendez
Qu’i soyent bien loing de la maison !
LE MARY
Et ! vertu bieu, que de blason127 !
Et ! alez faire vostre plaincte128 !
L’AMOUREULX
300 Non feray. Je n’ay poinct de craincte :
Mais que j’aye l’espée au poing,
Je ne les doubte près ne loing129.
Sang bieu, je leur rompray les dens !
LE MARY
A ! voécy mes bateurs de gens.
305 Je puisse estre de mort oultré
Se maintenant n’êtes chastré !
LA FEMME 130
Hé, mon mary !
LA VOISINE
Hé, mon voisin !
Hélas, et ! c’est vostre cousin,
Bien prochain de vostre lygnage131.
LE MARY
310 Et ! vertu bieu, quel cousinage !
C’est donc[ques] lignage de cul.
Cousin, me faictes-vous coqu ?
A ! je vous feray fauverète132.
Et ! vertu bieu, langue safrète133 !
315 Mais quoy, vous le venez deffendre ?
Et ! vous avez le cul134 trop tendre,
De par tous les grandz deables, commère135 !
LA VOISINE
Çà ! vous avez tort, mon compère.
Pour Dieu, cessez ceste querelle !
LE MARY
320 Et ! vous en estes maquerelle136,
De par tous les grands deables, voyre !
Vous servez pour avoir à boyre :
Vostre nés en est tout violet.
LA VOISINE
Maquerelle ? Ce mot est let137 !
LE MARY
325 Par sainct Jehan, sy le faictes paindre138 !
L’AMOUREULX
Vous avez tort, cousin.
LE MARY
Tant gaindre139,
Morbieu ! Et ! y revenez-vous ?
LA VOISINE
On nous debv(e)royt meurdrir140 de coups,
De nous laisser tant lédenger141.
330 Sus, voisine, sans calenger142,
Qu’i me soyt de coups tout noircy143 !
LE MARY 144
Mes amys, je vous crye mercy,
Au nom de Dieu et des apostres !
LA VOISINE
Que dis-tu ?
LE MARY
Tous mes biens sont vostres !
LA VOISINE
335 Suis-je telle comme tu dys145 ?
LE MARY
Sy j’ey rien dict146, je m’en desdis.
Pour Dieu, laisson tous ces débas !
LA FEMME
Je te mectray en Paradis147 !
LE MARY
Sy j’ey rien dict, je m’en desdis.
[L’AMOUREULX]
340 [Quoy ! tu m’injuries]148 ou mauldis,
Mon cousin, à cause du « bas149 » ?
[LE MARY]
Sy j’ey rien dict, je m’en desdis.
Pourdieu, laisson tous ces débas !
Tout est à vous, et hault et « bas » :
345 N’espargnez poinct nostre maison.
L’AMOUREULX
Grand mercy, cousin !
LE MARY
C’est raison.
Couvrez-vous150 ! (Il n’y a de quoy151,
Dont y me fault taire tout quoy152.)
.
Pour congnoistre et venir à fin,
350 Il n’y a homme, tant soyt fin,
Et tant [e]ust-il la teste fine153,
Que fine femme, en fin, n’afine154.
Et ! pour oster nostre mérenc[o]lye155,
Une chanson, je vous emprye !
.
FINIS
*
1 Les éditions donnent « Jan », et de fait, le curé adultère s’appelle messire Jan. Mais le « jau » est un coq, mieux à sa place dans un poulailler : « Ils n’auroient pas assez de demye douzaine de femmes, non plus qu’ung jau de poulles. » Nicolas de Troyes. 2 LV : maistre 3 Il est dans la rue. L’auteur va enchaîner trois monologues dans lesquels les personnages se présentent eux-mêmes. 4 Du temps. « Durant quelque espace. » Marchebeau et Galop. 5 Sans mentir. Le vers suivant est perdu. 6 Je prends du soulas, du plaisir. 7 LV : neslongneroyt (De la maison il ne s’éloigne jamais d’un pas. Voir le vers 115.) 8 Ma petite affaire. 9 Quitte à sauter. 10 Il est à sa fenêtre et aperçoit l’amoureux qui, l’ayant vu, passe devant lui sans ralentir. 11 Je ne saurais dormir, à cause d’eux. 12 Il jette des petits cailloux contre la vitre afin d’attirer l’attention de sa maîtresse. « Ledit Amoureux (…) vint ruer deux ou trois grosses pelottes de neige contre les fenestres de sadite Dame. » Martial d’Auvergne. 13 Enmi : parmi. 14 LV : qua afaire la 15 Une malchance, un malheur. 16 D’amende. 17 Aux culs qui sont pleins de bruit et de fureur. « Tu me remplis le cul de noyse. » Trote-menu et Mirre-loret. 18 Me tenir, rester. 19 L’appareil urinaire de ma femme. 20 Elle s’approche de sa maison. 21 Malotru. 22 Je ne saurais, je ne pourrais (normandisme). Idem vers 21. 23 Elle entre dans la maison. 24 De mettre en ordre. 25 Au logis. Idem vers 14 et 182. 26 Que vous doutiez de ma fidélité. 27 Si j’enquête sur vous. 28 LV et LV2 : en 29 Qui m’oit, qui m’entend. LV2 : lot 30 LV : et quoy un — LV2 : quoy 31 En repos. 32 De nous fournir, en prévision de l’hiver. (Idem vers 229 et 232.) Par association d’idées, l’épouse passe de ses amants aux cochons. 33 LV : estoyrerement — LV2 : estorement (Pour notre provision. « Quar qui a bon vin d’estorment,/ Il ne doit pas boire à la mare. » ATILF.) 34 Forme normande de « saint Jean », comme au vers 194. « In Gen ! c’est mon : c’est mon frérot. » Le Bateleur. 35 La foire du Pardon s’ouvrait à Rouen le 23 octobre ; c’est là que les Rouennais se fournissaient pour l’hiver. Cf. les Veaux, vers 72. 36 Si nous en aurons, des porcs. 37 Sinon, gardez la maison. 38 LV : vertu bieu — LV2 : tu dieu 39 Il a toujours une objection toute prête. 40 Le scribe, sans même s’en apercevoir, duplique ensuite les vers 57-84. J’ai tenu compte de sa seconde copie (LV2) lorsqu’elle est plus satisfaisante que la première. 41 Méfier. 42 Je n’oserais pas. 43 Topez là pour accepter ma promesse. « Touchez là, le marché est fait ! » L’Homme à mes pois. 44 Vous les laisseriez mourir sans confession ? 45 À bon droit ou à tort. 46 Pour cette raison. 47 Un seul. « Il n’y en a pièce : Il n’y a personne d’entr’eux. » Antoine Oudin. 48 Donnez-moi de l’argent. C’est souvent l’épouse qui gère la cagnotte du ménage : cf. le Ramonneur de cheminées, vers 108. 49 En toute hâte. 50 De bonne heure. 51 Il voit le mari s’en aller. Cet amoureux se comporte exactement comme le Résolu : « Est-il party, est-il vuydé ?/ Comme ung amoureux bien guydé,/ Derrièr’ la porte, d’une tire,/ Gaillardement je me retire. » 52 D’une bonne allure. 53 Vais. Idem vers 166, 177, 202. 54 LV : ou est 55 Éloigner. Voir le vers 14. 56 Croyez bien. « Si nourrices n’ont point de laict/ Ès mammelles, croyez d’un cas/ Qu’il leur faut quelque gros varlet/ Pour leur battre souvent leur “bas”. » La Médecine de maistre Grimache. 57 Dans le Badin qui se loue, l’Amoureux se plaint de même à la Femme : « Certes, m’amye, je vous asseure/ Que depuis environ huyt jours,/ J’ay fait plus de quarante tours/ Icy entour vostre logis./ Mais tousjours vostre grand longis/ De mary présent y estoit. » 58 Ho ! par la vertu de Dieu ! 59 Il revient sur ses pas, et frappe à sa porte. 60 Dans Frère Guillebert aussi, la femme expédie son époux au marché ; mais il revient à l’improviste parce qu’il a oublié son bissac. Elle cache alors sous du linge le postérieur de son amant agenouillé. 61 Elle ouvre, et son mari entre. 62 Avez-vous (normandisme). Idem vers 237. 63 Vous meut, vous motive. 64 Que de soins, de tracas ! 65 LV : le (Il veut remettre la couverture à sa place, mais son épouse l’empêche d’y toucher.) 66 Mauvaise joie, malheur. « Qu’il en ait froide joye ! » Serre-porte. 67 LV : vos (Mes affaires intimes.) 68 Son mari l’interrompt avant qu’elle ait eu le temps d’ajouter drapelets : chiffons qui tenaient lieu de serviettes hygiéniques. Voir le vers 162. 69 Nettoyer. Pour porter le linge au lavoir, on l’enveloppait dans un drap noué. 70 Mettre ton manteau pour aller au lavoir. 71 Elle referme la porte sur son mari. 72 Débarrasser. Idem vers 185 et 283. 73 Forme normande de vésarde : frayeur. « Ma foy, j’avoys belle bésarde ! » Les Sotz nouveaulx farcéz. 74 LV : anthoeine (Que le mal des ardents [l’ergotisme] le brûle !) 75 LV : aseur (Je n’en serai pas rassuré avant une heure.) 76 Ma sœur : terme affectueux. 77 Avant de passer à l’acte, les amants prennent toujours des forces. Cf. le Poulier à sis personnages. 78 Je récapitule. 79 Il revient sur ses pas, et frappe à sa porte. 80 Dans un cercueil. Mais le public normand a pu comprendre : noyé dans la bière. 81 Derrière le rideau de fond, une échelle permet de monter dans le poulailler, qui n’est autre qu’une mezzanine, un demi plafond à claire-voie : il suffit de lever la tête pour voir l’individu qui s’y cache. 82 Le « g » dur normand remplace le « j » : bourgoise (v. 41), guéline (v. 223), gaindre (v. 326). 83 Que je le raconte. 84 Oublié (normandisme). Cf. l’Homme à mes pois, vers 260, 278, etc. 85 LV : nostre pourceau (Voir le vers 181.) 86 LV : quil 87 Vas-y vite. Mais le public normand a pu comprendre que le mari traitait sa femme de chiasse : « N’apportez point de vin nouveau,/ Car il faict avoir la va-tost. » (Testament Pathelin.) C’est également une maladie vénérienne : « Les ungz font la beste à deux dos…./ Les autres gaignent le vatos/ Et la chaudepisse. » Jehan Molinet. 88 Il reste sur le seuil (à l’huis), pendant que sa femme passe derrière le rideau de fond. 89 J’attendrai. (Faire est subrogé au verbe du vers 203.) 90 De loin, il entrevoit quelque chose dans le poulailler. 91 Par la porte. 92 Ne disons pas un mot. 93 LV : laray 94 Honteux d’avoir exprimé une idée aussi lâche, le mari entre, lève la tête, et aperçoit l’amoureux. 95 À lui ! C’est-à-dire : À l’attaque ! Cf. le Roy des Sotz, vers 141 et 183. 96 Un de ces prétendants qui me font passer des nuits blanches. 97 Forme normande de « géline » : poule. « Au poulier à noz guélines. » (Le Poulier à sis personnages.) Pour « humer » un œuf : prenez un œuf cru du jour. Percez avec la pointe d’un couteau le sommet de sa coquille. Bouchez ce trou avec l’index. Retournez l’œuf et percez l’autre côté. Renversez la tête en arrière. Appliquez ce nouveau trou contre vos lèvres. Enlevez l’index qui bouche le trou du dessus. Aspirez lentement le contenu de l’œuf. 98 Je ne dois faire semblant de rien en attendant que… 99 Que jamais. 100 Les yeux au ciel, il arbore un air extatique. 101 Qu’est-ce qui vous prend ? 102 Êtes-vous à cours de (questions) pièges ? « Vous y estes sy très propice/ Et si soubtil en tous ametz. » ATILF. 103 Elle ouvre la porte et crie dans la rue. 104 Elle entre. 105 Qu’il devient fou. 106 Divertissement. C’est le vers 238 de Frère Frappart. 107 Signez-vous : faites le signe de la croix, car vous êtes possédé. L’Ennemi, ou le Mauvais du v. 259, c’est le diable, qu’on chasse avec l’eau bénite du v. 258. La voisine est très superstitieuse. 108 Au pèlerinage de Notre-Dame-des-Miracles, à Mauriac, où on adorait les reliques de saint Mary. Ce nom prête à un calembour facile : saint mari. 109 À l’église. 110 LV : y (La voisine lève la tête et voit l’amoureux.) 111 Châtré comme un coq. Le mari réitère sa menace au vers 306. 112 Il n’est pas venu là pour faire la bagatelle. 113 Le chassaient (prononciation normande). « Vive Bon Temps ! Cachons [chassons] mélancolie,/ Qui nous engendre une pure folie ! » La Muse normande. 114 S’il n’avait pas couru plus vite qu’eux. 115 Que je ne le dénonce. 116 Avec son arme dégainée. « Et les troiziesmes bastons estoient deux dagues. » ATILF. 117 Furieux (normandisme). « Il est entré tout furé au logis et, prenant un baston, s’est mis à nous charger. » Huguet. 118 « On dit qu’on en fera bien mouler à quelqu’un, pour dire qu’on lui en donnera bien de la peine. » Le Roux. 119 De descendre du poulailler. 120 Il juge plus prudent de rester perché, en prétextant la fiction inventée par sa maîtresse. 121 LV : quilz nentrent se 122 Quel contentieux vous avez avec eux. 123 L’amoureux commence à forger une histoire ; mais il s’arrête net quand il se souvient que l’épieu a un double sens phallique. 124 Maintenant. 125 LV : rable (« Judas (…) commença à s’endiabler. » Gabriel Chappuys.) 126 LV : santy (Sancto sanctorum ! Par le Saint des saints : au nom de Dieu !) 127 Que de discours. 128 Allez vous plaindre d’eux aux autorités. 129 Je ne les redoute ni de près, ni de loin. 130 Les deux femmes se désolent devant une perspective si regrettable. Dans une circonstance analogue, la maîtresse de Frère Guillebert se lamente aussi, au vers 237. 131 Dans le Munyer, on veut aussi faire admettre au cocu qu’il est le cousin de l’amant de sa femme : « –Dieu vous doinct bon jour, mon cousin !/ –Il suffit bien d’estre voisin/ Sans estre de si grant lignaige. » Même jeu dans Pernet qui va au vin : « C’est vostre grant cousin germain. » 132 Si vous faites de moi un coucou, je ferai de vous une fauvette : j’irai pondre dans votre nid. « Coqu ne pond qu’un œuf, qu’il met au nid de la Fauvette. » Pierre Belon, Histoire de la nature des oyseaux. 133 Frétillante. Le mari vitupère la voisine, qui a inventé ce cousinage pour sauver les attributs de l’amoureux. 134 En principe, on dit « le cœur ». Mais voir Deux Hommes et leurs deux femmes, dont l’une a malle teste, et l’autre est tendre du cul. 135 LV : voyre (Il n’y a aucune raison que ce vers, qui n’est pas un refrain, soit identique au vers 321.) 136 Vous êtes son entremetteuse. 137 Laid, injurieux. 138 Faites repeindre ce mot, pour qu’il soit moins laid ; ou votre nez, pour qu’il soit moins rouge. 139 Geindre. 140 On devrait nous tuer. Meurtrir = commettre un meurtre. 141 Injurier. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 700. 142 Sans contester. Forme normande du vieux verbe « challenger ». 143 LV : noiercy (Les deux femmes tapent sur le mari.) 144 LV : la mere (Le copiste a vainement gribouillé un « y » sur le « e » final.) 145 Suis-je toujours une maquerelle ? 146 Si j’ai dit quoi que ce soit. 147 Je vais te tuer. 148 LV : ou inimres 149 Du sexe de ta femme. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. Même jeu de mots à 344. 150 Remettez votre chapeau. Cf. le Povre Jouhan, vers 198-201. 151 Il n’y a pas la place : le plafond est trop près du poulailler pour que l’amoureux puisse mettre son chapeau. 152 Tout coi, sans parler. « Mais j’y ay fait des escolliers/ Taire tout coy. » Serre-porte. 153 L’esprit fin. 154 Ne trompe. Les mêmes jeux de langage alimentent ce Rondeau. 155 Ma mélancolie. « Et pour oster mérencolie. » Charles d’Orléans.
RÉGNAULT QUI SE MARIE À LA VOLLÉE
.
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RÉGNAULT QUI
SE MARIE À
LA VOLLÉE
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Les auteurs dépourvus d’imagination s’appuyaient sur des béquilles qu’on appelle aujourd’hui des contraintes littéraires. Nombre de farces sont nées d’une locution proverbiale prise au pied de la lettre (les Esveilleurs du chat qui dort, les Sotz qui corrigent le Magnificat), ou d’une chanson (le Bateleur, le Povre Jouhan). La présente farce met en scène l’expression « se marier à la volée », c’est-à-dire sans réfléchir. Elle est également construite sur une chanson, que voici. (Je surligne les passages que la pièce reprend.)
Lourdault, lourdault, lourdault
Lourdault, lourdault, lo[u]rdault, garde1 que tu feras !
Car sy tu te maries, tu t’en repentiras2.
Lourdault, lourdault, lourdault, garde que tu feras !
Sy tu prens une vie[i]lle, el(le) te rechignera3.
5 Lourdault…
Si tu prens jeune femme, jalouz tu en seraz4.
Lourdault…
Elle yra à l’église : le prebstre la verra ;
Lourdault…
10 La merra5 en sa chambre et la « confècera ».
Lourdault…
Luy fera [un enffant]6, et rien tu n’en sçauras.
Lourdault…
Et quant el(le) sera grosse, y la te renvoira7.
15 Lourdault…
Et nourriras l’enffant qui riens ne te sera.
Lourdault…
Encor(e) seras bien aise qu’i[l] huchera8 : « Papa ! »
Lourdault, [lourdault, lourdault, garde que tu feras !]
Ms. fr. 12744 de la BnF. Voir l’illustration ci-dessus.
.
Source : Recueil de Florence, nº 7.
Structure : Rimes aab/aab, abab/bcbc, abaab/bcbbc. La fin est anarchique.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce nouvelle
.
À six personnages, c’est assavoir :
RÉGNAULT qui se marie à La Vollée
GODIN FALLOT
FRANC ARBITRE
LAVOLLÉE
MESSIRE JEHAN
et son CLERC [Clericé]
.
*
RÉGNAULT 9 commence en chantant : SCÈNE I
Chascun m’y crye : « Marie-toy, marie ! »
Hélas, je n’ose, tant suis bon compaignom.10
GODIN FALOT
Mais veult-on plus joyeuse vie
Qu’avoir sa plaisance assouvie
5 Et rustrer avec les mignons11 ?
FRANC ARBITRE
Fy de dueil et de fantaisie12 !
S’aucun y a13 qui se soucye,
Ne suyve plus telz compaignons14 !
GODIN [FALOT]
Alègres,
FRANC ARBITRE
Preux,
[GODIN FALOT]
Droitz comme joncz,
FRANC ARBITRE
10 Prestz à gauldir et tard et tost15 !
GODIN [FALOT]
Voicy mignons hardis et promptz
Pour faire départir ung [r]ost16.
FRANC ARBITRE
Régnault, qu’as-tu ? Tu ne dis mot.
RÉGNAULT
Je songe, je pense.
GODIN [FALOT]
Ma foy !
15 Tousjours seray Godin Falot17 :
Hante18 qui vouldra avec moy !
RÉGNAULT
Une fois fault penser de soy19 ;
Je l’ay leu en aucun chapitre20.
GODIN [FALOT]
Et donques, à ce que je voy,
20 Tu veulx laisser ton Franc Arbitre21 ?
RÉGNAULT
Brief22 je me mectray au registre
Des mariéz, car il le fault.
GODIN FALOT et FRANC ARBITRE, en chantan[t] :
Tu t’en repentiras, Régnault, [Régnault, Régnault,] 23
Tu t’en repentiras.
FRANC ARBITRE
25 Sces-tu bien comment tu seras,
Se tu te metz en mariage ?
RÉGNAULT
Nenny, par ma foy !
GODIN [FALOT]
Tu n’yras
Plus avec nous en garouag[e]24.
RÉGNAULT
Sçavoir vueil que c’est de mesnaige25,
30 Car aucuns m’ont dit que c’est basme26.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Régnault, se tu prens femme,
Garde que tu feras !
RÉGNAULT
Je seray refait27, gros et gras,
Comme on m’a donné à congnoistre.
FRANC [ARBITRE]
35 Et ! voire ; mais tu dîneras
Souvent à la table ton maistre28.
GODIN [FALOT]
Avec Franc Arbitre veulx estre.
RÉGNAULT
Saint Jehan ! je veulx devenir chiche29.
FRANC [ARBITRE]
On fait bien gens mariéz paistre30 :
40 Pour pain blanc, mengüent31 de la miche.
RÉGNAULT
Je me mectré en ung lieu32 riche.
Ne vous chaille, j’entens ma game33.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Se tu prens jeune femme,
El(le) te reprochera.
45 Régnault, Régnault34, Régnault, tu t’en repentiras.
GODIN [FALOT]
Veulx-tu laisser jeulx et esbatz
Pour t’aller bouter en tutelle,
Et t’asubjecter35 à ung bas
Pour voulloir « chevaucher sans selle36 » ?
RÉGNAULT
50 C’est une plaisance immortelle,
Quant on a une femme saige.
FRANC [ARBITRE]
Tousjours est jallouse et rebelle,
Quant elle vient ung peu à l’aage37.
RÉGNAULT
Marier me vueil, voicy raige !
55 Car je n’y38 puis acquérir blasme.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Se tu prens vieille femme,
El(le) te rechinera39.
RÉGNAULT
Et bien ! on en demandera
Une jeune, joyeuse et frisque.
GODIN [FALOT]
60 Par ce point, on t’apellera
Jaloux. Tu seras fantastique40.
RÉGNAULT
J’auray une belle relique
Que je baiseray41 de jour et de nuyt.
Brief ! c’est une chose angélique
65 Qu’estre marié.
FRANC [ARBITRE]
Cela nuist.
RÉGNAULT
C’est soulas, c’est plaisir, c’est bruit42,
Quant on a jeune femme et belle ;
Car quant on s’esveille à minuyt,
On peult besongner sans chandelle.
GODIN [FALOT]
70 Jeune femme tient en tutelle
Son mary.
RÉGNAULT
Jeune femme auray !
FRANC [ARBITRE]
[Dy que] tu l’auras telle quelle43 !
RÉGNAULT
En effait je me marieray.
Avec elle, temps passeray,
75 Voire, sans faire tort à âme44.
LES AULTRES, en chantant :
Se tu prens jeune femme,
Cocu tu en seras.
[Régnault, Régnault, Régnault,] 45 tu t’en repentiras.
RÉGNAULT
A ! par le corps bieu, non seray46 !
80 Doulcement je la traicteray47,
Et useray de beau langaige.
GODIN [FALOT]
Jamais ne te conseilleray
Te marier.
FRANC ARBITRE
Tu es48 foul !
RÉGNAULT
Mais saige !
Je merray49 ma femme en voiage ;
85 Et puis, en l’ombre d’une haye,
Nous ferons nostre tripotaige50.
Brief ! il est bien temps que j’aye
Une femme qui soit de mise51.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] en chantant :
Quant ira à l’église,
90 Le prestre la verra.
RÉGNAULT
Et puis ? Il luy conseillera
Son salut. Çà52, tant broquarder !
Par Dieu ! pas ne la mengera :
Les yeulx sont faictz pour regarder.
GODIN [FALOT]
95 Quant Vénus veult53 dame happer,
Régnault, de cecy te remenbre54 :
De prestre ne peult eschapper
Nomplus que le festu à l’embre55.
Chantant :
La merra en sa chambre ;
100 Ung enfant luy fera.
Régnault, [Régnault, Régnault], tu t’en repentiras, Régnault.
RÉGNAULT
Godin Falot, tu en diras
Ce que vouldras ; mais je me vante
Que, comme moy56, tu ne seras
105 « Clos ne couvert, au feu la plante57 ».
En chantant :
Et [si] quiconques chante,
[Godin,] tu respondras.58
FRANC ARBITRE
Il fault que ta femme soit sainte59,
Vestue, préparée et coincte60,
110 Ou tu souffriras paine amère.
RÉGNAULT
Se ma femme est grosse et ensaincte,
Je feray mainte61 bonne chère
Et auré compère et commère62.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Et qui qu’en soit le père,
115 Tu seras le papa63.
[Régnault, Régnault, Régnault, tu t’en repentiras]64.
GODIN [FALOT]
Soy marier, c’est grant folie.
RÉGNAULT
Comme quoy65 ?
FRANC ARBITRE
L’homme franc66 se lie
D’u[ng] lïen cruel et sauvaige.
RÉGNAULT
120 Mais est hors de mélencolie.
GODIN [FALOT]
Régnault, par Dieu, je le vous nye !
Point ne passeray ce passaige67.
FRANC [ARBITRE]
Se tu te boutes en mesnaige,
Tu ne fis onc tel mesprison68.
GODIN [FALOT]
125 Te sera-il pas bien sauvage69
Garder désormais la maison70 ?
RÉGNAULT
Nenny.
FRANC [ARBITRE]
Pourquoy ?
RÉGNAULT
Le beau blason71
De ma femme et le doulx caquet
Me feront, à peu d’achoison72,
130 De bien brief, faire mon pacquet73.
GODIN [FALOT]
S’elle va en quelque banquet
Où plusieurs sont escornifflées74,
Là où75 maint mignom perruquet
Frappe du billart76 au tiquet
135 Quant on a les torches soufflées ?
RÉGNAULT
Femmes qui sont bien renommées
N’aquièrent jamais mauvais bruit77
Et ne doyvent estre blasm[é]es.
FRANC [ARBITRE]
Raison ?
RÉGNAULT
Ilz ont leur saufconduit78.
GODIN [FALOT]
140 Tu ne viendras plus au déduit79.
RÉGNAULT
Ne m’en chault : j’auray mon pain cuit80 ;
Plus ne conteray81 mon escot.
FRANC [ARBITRE]
Pren congié de Godin Falot !
GODIN [FALOT]
Franc Arbitre tu laisseras.
FRANC [ARBITRE]
145 [Mais] de te marier si tost,
Par bieu, tu t’en repentiras !
GODIN [FALOT]
Or çà, Régnault, quant tu viendras
En ta maison, gay et joyeulx,
Tes petis enfans trouveras
150 Tous breneulx : tu les torcheras.
Ce n’est pas tout fait, si m’aist Dieulx82 !
FRANC [ARBITRE]
Tu te trouvois83 en plusieurs lieux
Où tu n’oseras plus aller.
RÉGNAULT
Marier me vueil pour le mieulx.
155 Vous perdez temps de m’en parler.
GODIN [FALOT]
Ainsi, tu n’iras plus galler
Avec Godin Falot, Régnault ?
Je t’ay veu si bien avaller
Ung beau petit pâté tout chault !
RÉGNAULT
160 Uneffois84 retirer se fault.
Gens mariés sont résolus85.
FRANC [ARBITRE]
Je sçay bien dont vient le deffault :
Tu n’as pas leu Mathéolus86.
GODIN [FALOT]
Jeulx de bateaux87, harpes et lucz88,
165 Dances, [tavernes et] esbatz89
As tant aimés !
RÉGNAULT
Je n’en veulx plus.
FRANC [ARBITRE]
Pourquoy ?
RÉGNAULT
Ce ne sont [rien] qu’abus90.
GODIN [FALOT]
Régnault, tu entens mal ton cas91.
FRANC [ARBITRE]
En mesnaige sont tous débatz :
170 Femmes ne sont point sans riotes92.
GODIN FALOT
Tousjours sourdent noises, et débatz.
Et est-on plus subget au bas93
Que Sotz ne sont à leurs marottes.
FRANC ARBITRE
Femmes demandent robes, cotes94,
175 Sainctures, tissus, demy-sainctz95,
Chaperons, passe-mariotes96.
Les aucunes font des97 bigotes,
Et si98, font plaisir aux humains.
Mariéz sont-ilz point contrains
180 De fournir à l’apointement99 ?
RÉGNAULT
Je me marie car je [ne] crains
Estre oingt de cest oignement100.
GODIN [FALOT]
Considères premièrement
Qu’il fault varletz et chambèrières,
185 Et qu’i feront secrètement,
À tes despens, de bonnes chères.
FRANC ARBITRE
Item, provisions sont chières.
Pense ung petit en ton oultrage101,
Et que testes sottes, légières,
190 Te veullent mettre en mariage.
GODIN [FALOT]
Se tu as mauvais voisinnage,
Et avec toy on hante ung peu102,
[N’eschapperas du cocuage]103
Non plus qu’on fait du mau saint Leu104.
FRANC ARBITRE
195 Il est certain.
GODIN [FALOT]
Vélà le neu105.
RÉGNAULT
Faire cecy on n’oseroit,
J’en bouteray mon doy106 au feu.
FRANC [ARBITRE]
Et ! par mon âme, il brûleroit !
GODIN [FALOT]
Qui les énormes maux diroit107,
200 Qu’on a trouvé en mariage,
Jamais on ne se mariroit.
RÉGNAULT
Esse une chose si sauvaige ?
FRANC [ARBITRE]
D’ung homme de laische couraige108
Exemple en avez maintenant,
205 Qui a baillé sa femme en gaige
Trois mois, pour trente frans contant109.
RÉGNAULT
Cil110 qui [l’]a fait est consentant
D’estre cocu, et ne luy chault
Lequel bout111 en voise devant.
GODIN FALOT
210 Garde d’estre en ce point, Régnault !
RÉGNAULT
J’auroye plus cher112 prendre ung fer chault
Aux dens113 que faire telle chose !
FRANC [ARBITRE]
Qui se veult marier, il ne fault
Que veoir le Rommant de la Rose114.
RÉGNAULT
215 Tousjours ung sot sotie115 expose,
Et esmeut discordz, débatz, noises.
GODIN [FALOT]
L’homme marié ne repose
Jamais, avecques les galoises116.
FRANC ARBITRE
Vray est que d’aucunes bourgoises117
220 De Saint-Fïacre revenoient118,
Qui estoient doulces et courtoises ;
Leurs prochains119 voisins les menoient120.
Touteffois, ainsi qu’elz estoient
En chemin, affin qu’on le notte,
225 Toutes assez bon cueur avoyent,
Si ce ne fût une bigotte
Qui print à délaisser sa rotte121,
Et fist si bien (pour faire fin122)
Qu’el(le) demoura à la Pissotte123
230 Seulette avec ung sien voisin.
GODIN [FALOT]
Régnault, retien cela, affin
De changer ung pou124 ton couraige ;
Car, certes, il n’y a si fin
Qui ne soit trompé, au mesnage.
RÉGNAULT
235 Ce que dittes n’est que bagaige125 :
Marié seray, quoy qu’on dye !
FRANC ARBITRE
Je suis marry de ton dommaige ;
Mais à te nuyre [t’]estudye126.
.
LA VOLÉE 127 commence en chantant : SCÈNE II
C’est ung mauvais mal que de jalousie.
240 C’est ung mauvais mal à qui128 l’a.
GODIN FALOT
Qu’esse-cy ?
FRANC ARBITRE
Qui est cest[e]-là ?
GODIN FALOT
Comme elle entre [icy] en soursault129 !
LA VOLÉE
Bonjour ! Dieu vous gard ! Me vélà !
FRANC ARBITRE
Où vas-tu ?
GODIN FALOT
Qu’esse qu’il te fault ?
LA VOLLÉE
245 Je viens revisiter Régnault.
RÉGNAULT
Par Dieu, vous serez accollée130 !
FRANC ARBITRE
Qu’esse que tu feras, lourdault131 ?
RÉGNAULT
El(le) sera par moy consollée.
LA VOLÉE
A ! il ne m’a pas affolée132.
GODIN [FALOT]
250 Régnault, foy que doy Nostre Dame,
Se marier à La Vollée !?
RÉGNAULT
Se feray : ce133 sera ma femme.
FRANC ARBITRE
Te marier, bon gré mon âme,
À La Volée !?
RÉGNAULT
[Et pourquoy non ?]
255 Que je te baise, belle dame !
GODIN [FALOT]
Il est fol naturel134.
FRANC ARBITRE
C’est mon135.
GODIN [FALOT]
Homme qui deust avoir regnon136,
Prendre une femme désollée137 !
LA VOLLÉE
Régnault, baise-moy le menton !
FRANC ARBITRE
260 Vélà Régnault qui Se marie[r] à La Volée !
.
CLERICÉ 138 SCÈNE III
Missir(e)139 Jehan, la messe est sonnée.
MESSIRE JEHAN
Clericé, chanterons-nous hault140 ?
CLERICÉ
Ouÿ, car à ceste journée,
L’offrende tousjours beaucoup vault141.
.
GODIN [FALOT] 142 SCÈNE IV
265 Messir(e) Jehan, marier vous fault
Ces gens icy à la sellée143.
MESSIRE JEHAN
Je le vueil bien, [………. -ault.]
…………………………… 144
FRANC ARBITRE 145
Tu laisseras ton Franc Arbitre,
Puisque tu prens ceste mignonne.
CLERICÉ
270 (Je le vois mettre en [ce] regist[r]e146,
Il est assez bonne personne147 !)
LA VOLÉE
Quoy ! il est force qu’il luy donne
[Son] congié148, voire, si trèstost !
MISSIRE JEHAN
Ouÿ. Et fault qu’il abandonne
275 Ce doux mignon, Godin Falot.
GODIN [FALOT]
Que vous en semble ?
MISSIRE [JEHAN]
C’est ung sot
Qui m’a sa voulenté selée149.
CLERICÉ
Il paye assez souvent l’escot,
Qui150 se marie à La Volée.
FRANC ARBITRE
280 Régnault, tu es bien insencé !
Respons : qu’as-tu fait ?
RÉGNAULT
Je ne sçay.
LA VOLÉE
Alon-m’en151 coucher vistement !
GODIN [FALOT]
Ung requiescant in pace152
Luy donnons, au département153,
285 Chantant requiescant in pace.
MISSIRE JEHAN
Puisque Régnault a varié154
Si trèsfort qu’il [s’]est marié,
Et qu’il est tant intéressé155,
Chantons requiescant in pace.
LA VOLÉE
290 Régnault, par la main me prenez,
Et honnestement me menez
Coucher dedens quelque beau lit ;
Et là, prendrez vostre délit156
En buvant ce qu’avez157 brassé,
295 Chantant requiescant in pace.
MESSIRE JEHAN
La substance soit récollée158
Que Régnault, ainsi q’ung vray sot,
S’est marié à La Volée,
Habandonnant Godin Falot.
CLERICÉ
300 De s’estre marié si tost,
Franc Arbitre a abandonné.
[MESSIRE JEHAN]
Chantant [requiescant in pace],
Or, prions tous de cueur dévot
À Dieu, qu’il luy soit pardonné,
305 Puisqu’ainsi, comme ung idÿot,
À La Volée s’est marié.
.
Exemple, mignons, y prenez !
Car de luy, comme d’ung trespassé,
Chantons requiescant in pace.
310 Derechief chantons ensement159 :
Requiescant in pace. Amen160 !
*
1 Prends garde à ce. Idem aux vers 32 et 210 de la pièce. 2 Rabelais, dans ce chef-d’œuvre de la littérature antimatrimoniale qu’est le Tiers Livre (chap. 28), cite une autre chanson, légèrement différente : « Si tu te marie (…),/ Tu t’en repentiras, tiras, tiras :/ Coqu seras. » Cette dernière chanson n’est pas inconnue au théâtre, puisqu’une « fille folle » l’interprète dans le Mystère de saint Remi. 3 Elle te montrera les dents. Idem au vers 57 de la pièce. 4 Le ms. 12744 porte : james nen joyras — Mais le Chansonnier des Ducs de Lorraine donne ici : jalouz tu en seraz (qui colle mieux au vers 77 de la pièce.) 5 Il la mènera. Idem aux vers 84 et 99 de la pièce. Jeu de mots banal sur « con fesser » ; cf. Gratien Du Pont, vers 417-440. 6 Ms. : des enffans (Voir le v. 16 de la chanson, et le v. 100 de la pièce.) 7 Il te la renverra. 8 S’il t’appelle papa. 9 La scène se déroule chez lui. 10 Cette chanson misogyne a été recueillie dans le ms. NAF 1817 de la BnF. Les deux répliques suivantes n’en font aucunement partie, malgré ce que laisse entendre l’édition de Jelle Koopmans <Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 125-136>. La chanson initiale du Savatier et Marguet provient de cette même chanson, dont on reconnaît aussi un écho dans le Tiers Livre (chap. 27) : « Marie-toy, marie-toy, marie, marie !/ Si tu te marie, marie, marie,/ Très bien t’en trouveras. » 11 Faire le brave avec les galants. 12 Assez de deuil et de mélancolie ! 13 S’il y a quelqu’un. 14 F : compaignies (Qu’il ne suive plus de tels compagnons.) 15 À mener joyeuse vie à toute heure. 16 Pour se partager un rôti. « Encore n’est pas viande preste ;/ Lucifer, laisse-la roustir,/ Et puis nous l’irons despartir. » ATILF. 17 Un godin falot est un plaisant compagnon. 18 Hanter = fréquenter. Idem vers 192. 19 Un jour, il faut penser à son avenir. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 43. 20 Je l’ai lu dans un certain livre. 21 Ton libre arbitre, ta liberté. C’est un personnage allégorique aux vêtements bariolés : « Monsieur Franc-arbitre (…) estoit vestu comme un Suisse, de diverses couleurs, pour figurer en quelque sorte les diversitéz de sa liberté. » (La Messe trouvée dans l’Escriture.) « Franc Arbitre doit estre habillé en Rogier Bon-temps. » (Moralité de l’Omme pécheur.) Notons que Godin Falot est lui-même vêtu comme Roger Bontemps : « Que Bon Temps vient le grand galot,/ Accoutré en Godin Fallot. » (Les Moyens très utiles pour faire en brief revenir le Bon Temps.) 22 Rapidement. 23 Il faut 3 « Régnault », pour qu’ils puissent être chantés sur le même rythme que les 3 « lourdault » de la chanson. Dans les refrains, il était d’usage de ne pas noter ce genre de répétitions, comme en témoigne le manuscrit de la chanson à partir du vers 5. 24 Courir le guilledou. « Vous n’irez plus en garouage ! » L’Ordre de mariage et de prebstrise, F 31. 25 Je veux savoir ce que c’est que de se mettre en ménage. 26 F : blasme (Certains m’ont dit que c’est du baume, que c’est un plaisir. « El chante et devise ; c’est basme ! » Deux Hommes et leurs deux Femmes.) 27 Dodu. 28 « On dit d’un sot qui se laisse maîtriser par sa femme qu’il dîne à la table de son maître. » Antoine Oudin. 29 Je veux m’embourgeoiser. 30 On les fait paître, on les trompe. Cf. le Monde qu’on faict paistre. 31 Au lieu de pain blanc, ils mangent (prononcer manju) un petit pain sans valeur. D’une chose dénuée d’importance, on disait qu’on n’en donnerait pas deux miches. 32 Dans une famille. 33 Je connais la musique, je suis débrouillard. « Entendent-elles bien les games ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 34 F : Tu ten repentiras (Je remets d’aplomb le découpage des vers.) 35 T’assujettir. Le bas, et en l’occurrence le bât, désigne le sexe d’une femme : cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 36 Faire l’amour. Cf. Marchebeau et Galop, vers 16-17. 37 Quand elle prend de l’âge. 38 F : ne (Je ne risque pas d’en avoir de la réprobation.) 39 Note 3. 40 Mélancolique. Cf. les Sotz triumphans, vers 7. 41 Les pèlerins baisaient les reliques : « Baiser sans plus d’enqueste/ Les reliques. » (Saincte Caquette.) Mais ce verbe avait le même sens érotique qu’aujourd’hui : voir la note 57 de Serre-porte, la note 130 du Povre Jouhan, la note 29 du Trocheur de maris. 42 Réjouissance. 43 Comme elle sera. Cf. la Pippée, vers 271. 44 À personne. 45 F : Tu 46 Je ne serai pas cocu. On croirait entendre Panurge : « Si Dieu plaist, je ne seray poinct coqu. » Tiers Livre, 30. 47 « Les maris qui sont bien ruséz/ Traictent leurs femmes si trèsdoulx. » Les Cris de Paris. Cette pièce antimatrimoniale est un miroir de la nôtre : deux hommes, qui ont commis l’erreur de prendre femme, envient un heureux célibataire et l’incitent à convoler. Tous leurs arguments tombent à plat, et le célibataire est sauvé. 48 F : seras donc (« Ma-rier » compte ici pour 2 syllabes, comme au vers 213.) 49 Note 5. 50 Nos petites affaires : « Et avec Bietrix et Pasquette,/ Ilz font ung terrible tripotaige. » (Mistère de la Conception.) Il semble manquer au-dessous un vers en -aye. 51 Qui soit un bon investissement. 52 F : cecy (« Qu’est-ce à dire ? Tant brocquarder !/ Ne devez-vous pas regarder ? » Figue, Noéz et Chastègne.) 53 F : vieult (Je corrige une faute similaire à 166.) Vénus, déesse de la volupté, veut corrompre les femmes chastes. 54 Souviens-toi. 55 L’ambre jaune qu’on frotte produit de l’électricité statique et attire les fétus de paille : « L’ambre a aussi propriété espécial de attraire à soy les pailles. » (ATILF.) L’ascendant des prêtres sur leurs paroissiennes est un indémodable cliché. 56 Comme je le serai, moi, grâce à ma femme. 57 La plante des pieds se chauffant au bord de l’âtre. C’est le vers 150 (ou 158) du Laiz de François Villon. 58 Tu feras le contre-chant (péjoratif). Ce passage ne figure pas dans le texte de la chanson tel qu’il nous est parvenu ; mais H. M. Brown l’y renvoie sans hésiter (Music in the French Secular Theater, p. 216, nº 120). Il semble manquer 5 vers au-dessous. 59 Ceinte. La ceinture est un élément du luxe féminin : voir le vers 175. 60 Élégante. 61 F reporte ce mot à la fin du vers, ce qui perturbe le schéma des rimes. 62 Jusqu’à leurs relevailles, les accouchées réunissaient autour d’elles une foule de pique-assiette, aux frais du mari. Cf. les Caquets de l’accouchée. 63 Tu seras le cocu qui reconnaît l’enfant d’un autre. (Cf. Frère Guillebert, vers 43.) « Suis-je cocu ? C’est chose voire…./ Mais qui en soit le père,/ J’en seray le papa. » L’Amoureux. 64 F : Tu ten repentiras regnault / Tu ten &c (Etc. abrège un refrain.) 65 Pourquoi ? 66 Affranchi, libre. 67 Ce mauvais pas : je ne me marierai jamais. 68 Une telle méprise, une telle erreur. 69 Rude. Idem vers 119 et 202. 70 Pendant que ta femme ira en pèlerinage avec ses voisin(e)s. 71 Son babil. Cf. Marchebeau et Galop, vers 242. 72 En peu de temps. « De bien bref » a le même sens. 73 Mon balluchon, pour partir avec elle. 74 Ébréchées (au sens érotique). Les banquets ont mauvaise réputation : « Les femmes yront aux banquetz…./ Là, seront chargées de paquetz/ Qu’il conviendra porter neuf moys. » Pronostication nouvelle. 75 F : on (Un perruquet est un élégant.) 76 Avec son bâton, son pénis : « Mais mon billard est usé par le boult ;/ C’est de trop souvent fraper en la raye. » (Le Savatier et Marguet.) Tiquet = loquet ; par métonymie, ce mot désigne la porte, contre laquelle les visiteurs frappent avec leur canne pour qu’on leur ouvre. Le contexte érotique est évident. 77 Mauvaise réputation. 78 Elles ont leur vertu, qui les protège. 79 À nos parties de plaisir. Cf. Gautier et Martin, vers 132. 80 Je serai bien entretenu. Nouvel emprunt à Villon : « Vente, gresle, gelle, j’ay mon pain cuit. » Ballade de la Grosse Margot. 81 Je ne compterai plus, je ne paierai plus ma part chez le tavernier. 82 Que Dieu m’assiste ! 83 F : trouues (Ces lieux doivent être des lupanars, ou des étuves, ou certaines tavernes.) 84 Un jour. Idem vers 17. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 144. 85 Vers 1380, Jehan le Fèvre (celui de Ressons) traduisit du latin le Liber lamentationum, un brûlot antiféministe de Mathéolus le Bigame. Ces Lamentations de Mathéolus eurent un succès durable. Leur traducteur édulcora légèrement son propos en composant le Livre de liesse, que les éditeurs du XVIe siècle rebaptiseront le Rebours de Mathéolus pour qu’il se vende mieux. Régnaut se réfère à l’édition Vérard (~1505), qui intitule ce poème : le Résolu en mariage. 86 Franc Arbitre accuse Régnaut d’avoir lu le Résolu en mariage et pas les Lamentations de Mathéolus. 87 Tours de bateleurs. « La place Maubert, en laquelle il vit jouer par longtemps le jeu des bateaux que l’en y faisoit. » ATILF. 88 Luths. 89 « Sotz qui ayment jeux, tavernes, esbatz. » Jeu du Prince des Sotz. 90 Que des choses illusoires. 91 Tu juges mal de ta situation. 92 Querelles. 93 Soumis à leur sexe (vers 48). 94 Des cottes : des tuniques à manches. 95 Des ceintures étroites auxquelles les femmes accrochent leurs patenôtres et leurs clés. 96 Des passe-lacets ? Peut-être faut-il lire « pastenotes » : les femmes pendaient à leur ceinture un chapelet précieux, les patenôtres. (Cf. le Vendeur de livres, vers 89.) Le peuple ne prononçait quasiment plus le « r » de nostre : « Jehanneton du Buisson, condamnée en quinze fois quatre deniers parisis pour le port de deux pastenotes. » Comptes et ordinaires de la prévôté de Paris. 97 Contrefont les. 98 Et pourtant. 99 D’accomplir leur devoir conjugal. Cf. Ung jeune moyne et ung viel gendarme, vers 81. 100 D’être touché par ce désagrément. 101 Pense un peu à ton outrancière témérité. « Je te monstreray ta folie,/ Ton outrage et ta cornardie. » ATILF. 102 Si un voisin mal intentionné te fréquente (pour s’approcher de ta femme). Le danger que constituent les voisins entreprenants sera développé plus bas. 103 F : Conclusion non en eschappe (Ce vers et le suivant sont bâtis sur le modèle de 97-98.) Le dérivé cocuage est typiquement populaire, comme maquerellage ; s’il fut adopté tardivement par les intellectuels, on ignore, faute de traces écrites, depuis quand il traînait dans les ruisseaux des halles. « Que l’homme marié ne puisse passer ce monde sans tomber ès goulphres et dangiers de coqüage. » Tiers Livre, chap. 28 : Comment Frère Jan réconforte Panurge sus le doubte de coqüage. 104 Du mal de saint Loup : d’un lupus, d’un ulcère. « Il avoit ung leup en la jambe. » (ATILF.) Comme le rappelle Henri Estienne, « on a avisé que tel sainct guariroit de la maladie qui avoit un nom approchant du sien. » Apologie pour Hérodote, 38. 105 Le nœud, le cœur du problème. 106 J’en mettrais ma main. 107 Si on disait… « Est-ce bien esprouvé,/ Pour les maulx qu’on y a trouvé,/ Que mariage, quoi qu’on die,/ Surmonte [dépasse] toute maladie. » Lamentations de Mathéolus. 108 Ayant un cœur lâche. F intervertit ce vers et le suivant. 109 Qu’on lui a payés comptant. Les auteurs de théâtre dénonçaient des scandales réels. Il est impossible d’identifier ceux qui vont être dévoilés ici : nous ignorons où et quand cette farce fut écrite. (À Paris vers 1510 ?) 110 Celui. 111 L’éd. Koopmans donne bont, mais l’éd. Cohen donne bout. Voise = aille. L’expression signifie : sans se préoccuper des conséquences. « Je lesse tout courir à val le vent/ Sans regarder lequel bout devant aille. » (Charles d’Orléans.) Notre auteur fait un jeu de mots sur « le bout : le membre viril. » (Oudin.) 112 J’aimerais mieux. 113 Avec mes dents. 114 Dont la seconde partie, composée par Jean de Meun, est une longue diatribe misogyne. 115 Sa sottise. 116 Avec une épouse galante qui risque de le tromper. 117 Certaines bourgeoises faisaient un pèlerinage sans leur mari pour prendre du bon temps. Cf. le Povre Jouhan, vers 190-193 et 288-289. 118 F : reuiennent (Correction Koopmans.) Le monastère de Saint-Fiacre-en-Brie se trouve près de Meaux. « En revenant de Sainct-Fiacre-en-Brie,/ Je rencontray une trèsbelle fille…./ Je la gettay sur l’herbette jolie,/ Je luy levay son corset, en après sa chemise. » Chanson nouvelle. 119 Proches. 120 F : menant (Correction Koopmans.) 121 Qui s’écarta de sa route. 122 Pour finir. 123 Ruisseau à proximité de Meaux, non loin du « chemin Sainct-Fiacre » suivi par les pèlerins. 124 F : pon (Un peu. « Regardez ung pou sa fasson. » La Pippée.) Ton courage = ton cœur, ton intention. 125 Qu’une chose inutile. Cf. le Résolu, vers 125. 126 Tu t’appliques. Cf. le Clerc qui fut refusé, vers 157. 127 Elle entre chez Régnaut sans frapper. 128 F : eui (Les éditeurs vénitiens nous ont conservé toutes les notes de cette chanson polyphonique, mais pas les paroles.) Lavolée ne veut pas que son futur mari soit jaloux, et pour cause… 129 En sursaut, à l’improviste. 130 Régnaut embrasse Lavolée. 131 Ultime allusion à la chanson Lourdault, lourdault. 132 Il ne m’a pas assommée. Cf. Mahuet, vers 235. 133 F : mon se (Si ferai = c’est ce que je ferai.) 134 Fou au sens psychiatrique. Cf. la Pippée, vers 65. 135 C’est mon avis. Cf. l’Homme à mes pois, vers 198 et 362. 136 Du renom, de l’honneur. 137 Perdue, déshonorée. 138 Le clerc et le curé sont dans l’église. Le nominatif Clericus serait préférable à Clerice, qui est un vocatif, comme au vers 262 et dans Science et Asnerye : « Dieu gard, Clerice ! » Voir aussi la Résurrection de Jénin Landore, vers 194. 139 On prononçait Messer, en 2 syllabes. Voir la note 74 du Testament Pathelin. Ce curé paillard ne sévit pas que dans le Testament Pathelin : pour s’en tenir au théâtre, on le croise aussi dans Jehan de Lagny, dans Messire Jehan, dans Jénin filz de rien, et dans le Savetier Audin. Le clerc vient de sonner les cloches « à la volée » pour annoncer le mariage. 140 À pleine voix, sans nous économiser. 141 Un jour de noces, la quête rapporte davantage. 142 Le cortège nuptial entre discrètement dans l’église. 143 À la celée : secrètement. 144 Il manque 5 vers et demi : la scène du mariage a disparu. 145 Il s’adresse au nouveau marié. 146 Je vais inscrire Régnaut dans le registre des mariages (voir le vers 21). Ces deux vers sont dits en aparté. 147 C’est une bonne poire ! 148 Il faut que Régnaut donne congé à Libre Arbitre, et qu’il renonce de la sorte à sa liberté. 149 Qui m’a celé sa volonté : qui ne m’avait pas dit que sa promise était Lavolée. 150 Celui qui. 151 Allons-nous-en pour consommer notre mariage. Les Femmes qui font renbourer leur bas sont plus explicites : « Allons-m’en faire rembourrer ! » 152 Qu’ils « reposent » en paix. La messe de mariage s’achève en messe d’enterrement. Le singulier requiescat serait préférable ; on remarque la même impropriété au vers 542 du Testament Pathelin. Pace se prononce passé, à la française. 153 Au moment de nous séparer. 154 S’est dévoyé. « Je souffre tourment et orage/ À bon droit, car trop variay,/ Au jour où je me mariay. » Lamentations de Mathéolus. 155 Lésé, victime d’un dommage. C’était alors l’unique sens de ce verbe. « L’abeille (…) tire son miel des fleurs sans les intéresser, les laissant entières et fraisches comme elle les a trouvées. » Godefroy. 156 Votre plaisir. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 128. 157 F : queues (En récoltant ce que vous avez semé. « Ilz l’ont brassé, c’est raison qu’ilz le boivent ! » ATILF.) 158 Que le fait soit rappelé (litt. : relu à haute voix). 159 F : ensemble (Pareillement. « Dieu nous doint qu’encor en aions/ Grant joye, et le peuple ensement ! » ATILF.) 160 Amen se prononce à la française : il rime donc avec « ensement », comme il rime avec « clèrement » dans l’Arbalestre, ou avec « serment » et « voirement » dans D’un qui se fait examiner. « Pour quoy prions ce corps incessamment/ Que de ce mal il nous guérisse. Amen ! » (Le Testament d’un Amoureux.)
FRÈRE FRAPPART
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FRÈRE FRAPPART
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Cette pièce est peut-être du même auteur qu’une sottie de la fin du XVe siècle, les Esveilleurs du chat qui dort, et qu’une farce contemporaine, le Mariage Robin Mouton : l’on y reconnaît la même abondance de triolets, de didascalies, d’hiatus, et de saints à la rime, ainsi que plusieurs mots peu courants.
Ici, tous les personnages se prénomment Jean ou Jeannette, à l’exception du frère Frappart1. C’est ainsi qu’on baptisait les moines paillards, notamment les Cordeliers : « Ce Cordelier, qui estoit ung frère Frappart, embrasé de chaleur naturelle et du désir de luxure. » (Guillaume Tardif.) FRÈRE FRAPPART est le sous-titre de la pièce ; le titre original étant beaucoup trop long, j’ai donné à cette farce le nom de son « héros »2.
Source : Recueil de Florence, nº 23. Il suffit de voir avec quelle désinvolture on a imprimé les refrains, qui auraient dû être identiques entre eux, pour comprendre que le texte n’est pas en bon état.
Structure : Rimes abab/bcbc, abababab, rimes plates, avec 17 triolets (parfois enchaînés par 4 ou par 5) : cette versification n’est pas adaptée au théâtre et ralentit l’action. C’est d’autant plus curieux que les personnages ne cessent de vouloir agir au plus vite : sans demeure, nous haster, sans demourance, bien vistement, incontinent, sans que plus débatons, mettre diligence, tout batant, sans que plus n’arrestons, errant, sans faire plait, comme une aronde, tost, sans nul séjour, sans plus attendre, avoir le vent au cul, sans attendue, tout à ung trait, sans séjourner, sans arrest, sans démise, sans détrier, bien brièfvement, venir bonne erre…
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce de la femme qui fut
desrobée à son mari en sa hote,
et mise une pierre en son lieu.
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À quattre personnages, c’est assavoir :
LE LABOUREUR [Jehan des Prés]
LA FEMME [Jehannette]
FRÈRE FRAPPART
LE CLERC [frère Jehan]
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FRÈRE FRAPPART
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LE LABOUREUR JALOUX commence en disant :
[Or], ma femme et ma ménagière, SCÈNE I
Il est le temps et la saison
Qu’on doit labourer chènevière3.
Qui en veult avoir par raison
5 Grande planté4 et grant foison,
Cultiver le fault de bonne heure ;
Ou aultrement, sans achoison5
On perdroit temps, je vous as[s]eure.
Pour ce, allons-y sans demeure,
10 Je vous en prie, belle dame.
LA FEMME, faignant estre impotente
et ne povoir soustenir sur ses piedz.
Las ! mon amy, c’est chose seure
Qu’aler n’y pourrois, par mon âme !
LE LABOUREUR
Et pourquoy non, ma gente femme ?
Quel accident vous est venu ?
LA FEMME
15 Las ! Dieu vous gard(e) de tout diffame6,
Mais trèsgrant mal m’est advenu.
LE LABOUREUR
Vécy ung cas mal advenu !
[Pour qu’y mette mon estudie,]7
Or me dictes [par le]8 menu
Où vous tient vostre maladie.
LA FEMME
20 Puisqu’il convient que je le die,
Il me tient aux jambes et aux piedz.
LE LABOUREUR
Il faut bien qu’on y remédie
Par fine force de pier9.
LA FEMME
De tout cela suis estourdie :
25 Congnoissez10 que me coppiez !
LE LABOUREUR
Il fault aller chez le frippier
[Pour de bons chaussons]11 vous chausser,
Affin que soyez chauldement ;
Ung de ces jours, sans vous faulcer12,
30 G’iray pour en avoir, vrayment.
Pourtant, il nous convient haster
De labourer premièrement
Le chanvre ; [ore] il en fault penser,
Saison en est certainement.
[Sans demeure allons labourer :]13
35 Faire le fault sans demourance,
Ne ci faire plus grant libelle14.
De prendre ma houe m’avance15,
Tous mes oustilz et allumelle16.
Mettre ne vueil en oubliance,
40 Par saincte Marie la belle17,
Ma grant boutaille d’acointance18
Plaine de liqueur nompareille :
Avec elle, ferons grant19 chère
En labourant, je vous affie.
45 Partirons-nous, m’amye chière ?
LA FEMME
Par Celuy en qui je me fye !
Aller ne puis n’avant, n’arrière.
LE LABOUREUR
M’amye, je vous certiffie
Que compaignie, sans renchière20,
[Ou aultrement je vous deffie,]21
50 Vous me tendrez22 au labouraige.
[Tandis que je laboureray,]
J’en auray trop meilleur courage
De besongner, quant vous verray.
LA FEMME
C’est à propos ! Comment iray-je ?
LE LABOUREUR
Ha ! certes, je le vous diray.
55 (J’ay advisé en ce passaige23.)
Pour mieux faire, vous porteray,
Et vous mettray dedans ma hotte.
Ainsi, tout bien se portera.
LA FEMME
Posay que la façon24 est sotte,
60 Faictes tout ce qu’il vous plaira.
LE LABOUREUR
Que je vous ambrasse, ma sotte25 !
Pour veoir comment il en yra,
Estes-vous bien, ma dorelotte26 ?
LA FEMME
Chascun, de vous se mocquera,
65 De me porter aux champs ainsi.
LE LABOUREUR
Laissez-leur en faire le gal27.
LA FEMME
D’autre part, il y a ung si 28,
Que s’il me prenoit aulcun mal,
Vous en serez presque transi29,
70 Desprisay et mis au raval.
LE LABOUREUR, en chargant la hotte.
Non feray. Cherger fault cecy,
Et m’en iray par cy-aval30
Pour besongner bien vistement.
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FRÈRE FRAPPART, le questeur 31 cordelier,
advise 32 le laboureur portant sa femme.
Ha ! frère Jehan : le transporteur ! SCÈNE II
75 Vélà ung sot, par mon serment !
Ung villain jaloux [qu’est porteur]33
De sa femme tout seurement
En une hotte, j’en suis seur,
Pour la garder plus vivement
80 Et en estre trop plus asseur34.
C’est le laboureur de cy-près35 ;
Sa femme contrefaict la morte.
LE CLERC
Qui est-il ? Esse Jehan des Prés36 ?
FRÈRE FRAPPART
Et ouy. Que le dyable l’emporte !
85 Nous entresentons com(me) cyprès37.
Sa femme vers moy bien se porte38
(Je le vous prometz par expretz39)
Quant son mary passe la porte40.
C’est femme de bien, pour cela.
LE CLERC
90 Dictes-vous vray ?
FRÈRE FRAPPART
Ouy, sans nul(le) doubte.
Quant je huche41 : « Holà ! qui est là ? »,
Incontinent sus je me boute42 ;
Tout à deux coups43 c’est fait, vélà.
Aultre chose il ne me couste.
95 [Nul ne]44 chante ne sol, ne la45.
[Lorsque l’ung contre l’autre on joute,]46
G’y ai plaisance infinie.
LE CLERC
Y allez-vous souvent ?
FRÈRE FRAPPART
Nenny.
LE CLERC
Si faictes, si !
FRÈRE FRAPPART
Je le vous nye !
LE CLERC
Pourquoy ?
FRÈRE FRAPPART
De peur d’estre pugny,
100 Et trouve[r] malle47 compaignie.
LE CLERC
En avez-vous esté bany ?
Puis peu de temps ? Je croy que non.
FRÈRE FRAPPART
Non. Mais je crains d’avoir fornye48
Mon eschine (ou je regny49)
105 De trèsmauvais coups de baston[s] :
Ce jeu-là ne m’est point plaisant.
Or sus ! Sans que plus débatons,
Il fault affiner50 ce galant,
Frère Jehan. Il fault que mettons
110 Diligence, et tout batant51,
Sans ce que plus icy n’arrestons52,
D’avoir ceste femme errant53
Pour en jouyr à mon souhait.
LE CLERC
Par quel(le) façon pourra-il estre ?
FRAPPART
115 Nous ferons trèsbien nostre fait,
Se m’en croyez, par sainct Silvestre !
Je m’en iray, sans faire plait54,
Par ce chemin icy à dextre55,
Au-devant de luy tout attrait56,
120 Affin de mieux le faire paistre ;
Et après luy, yrez le pas57.
LE CLERC
Et puis, que [me] fauldra-il faire ?
FRÈRE FRAPPA[R]T
Il fault que vous n’oubliez [pas]
Une aultre chose.
LE CLERC
Sainct Hylaire !
125 Et quoy ?
FRÈRE FRAPPART
Une pierre en voz bras,
Trèsgrosse, il est nécessaire.
Et le suivez tout par compas58.
LE CLERC
Et puis ?
FRÈRE FRAPPART
[Alors,] à son viaire59
M’aparoistré trèsbien et beau,
130 Le blasonnant60 le mieux du monde.
LE CLERC
Et cependant ?
FRÈRE FRAPPART
Par sainct Marceau !
Sans sonner mot (ou qu’on vous tonde61 !),
Prendrez la femme [à ce]62 lourdeau,
Et [en] son lieu, parolle ronde63,
135 La pierre mettrez pour fardeau.
Puis la portez comme une aronde64.
Et en ce point, il sera prins.
LE CLERC
Seullement allez l’amuser ;
Pour le surplus, je suis aprins65.
FRÈRE FRAPPART
140 Se je ne le sçay abuser,
D’ygnorance seray surprins.
Je sçay assez de bien ruser :
Jamais, de ce, ne suis reprins.
On ne me doit point refuser
145 Pour ung bon bailleur de bons jours66.
LE CLERC
Or allez tost, sans nul[z] séjours67,
Affin d’avancer nostre cas 68…
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FRÈRE FRAPPART69 SCÈNE III
Je prie à Dieu que cent ducatz
Vous doint70, et trèsbonne sancté71 !
LE LABOUREUR
150 À vous aussi, par saint Lucas !
FRÈRE FRAPPART
[Je prie à Dieu que cent ducatz]
Vous vueil donner sans rebécas72 !
LE LABOUREUR
[Que] Dieu vous tienne en équité !
FRÈRE FRAPPART
Je prie à Dieu que cent ducatz
155 Vous doint Dieu, et [très]bonne sancté !
Or çà, sire, en cest esté,
Le temps s’est-il porté deuement73 ?
LE LABOUREUR
Il a terriblement venté.
FRÈRE FRAPPART
Or çà, sire, en cest esté,
160 A-il esté rien tempesté74 ?
LE LABOUREUR
Rien ne sçay véritablement.
FRÈRE FRAPPART
Or çà, sire, en cest esté,
Le temps s’est-il porté deuement ?
LE LABOUREUR
La mercy Dieu, passablement.
165 Besoing n’y a que de pécune.
FRÈRE FRAPPART
La reigle en est toute comune75.
Le remède, c’est pacience.
LE LABOUREUR
Il est vray ; ce n’est pas science
D’en murmurer, et tant en sçay-je76 !
FRÈRE FRAPPART
170 Présent allez au labouraige,
Ainsi que j’ay présupposé ?
LE LABOUREUR
Ouy, sire.
FRÈRE FRAPPART
C’est très bien advisé.
Fait-il bon cultiver la terre ?
LE LABOUREUR
Ouy dea, monsïeur.
FRÈRE FRAPPART
Par sainct Pierre 77 !
175 C’est donc trèsbien fait d’y entendre.
Aller m’en fault sans plus attendre,
Pour disner à nostre couvent.
LE LABOUREUR
Saige serez, à tout comprendre78.
FRÈRE FRAPPART
Aller m’en fault sans plus attendre,
180 Et vous79, laboureur, sans mesprendre,
Combien qu’ayez au cul le vent80.
Aller m’en fault sans plus attendre,
Pour disner à nostre couvent.
Adieu vous dy, pour le présent ;
185 Une aultre fois nous vous verrons.
LE LABOUREUR
Allez à Dieu, qui est décent81
Pour nous pourvoir quant nous mour[r]ons.82
.
FRÈRE FRAPPART83 SCÈNE IV
Or çà, m’amours, nous jouyrons
Maintenant d’amours à plaisir.
LA FEMME
190 Accolerons et baiserons.
[FRÈRE FRAPPART]
Or çà, m’amour, nous jouyrons.
L’ung contre l’autre jouxterons84.
LA FEMME
D’autre chose je n’ay désir.
FRÈRE FRAPPART
Or çà, m’amour, nous jouyrons
195 Maintenant d’amour à plaisir.85
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LE LABOUREUR86 SCÈNE V
Il me fault icy, par loysir,
Poser et mettre ma hottée :
De travail pourrois bien basir87 !
Il me fault icy, par loysir,
200 Descharger ; puis après, choisir
Lieu pour commencer ma journée.
Il me fault icy, par loysir,
Poser et mettre ma hottée…
Ha ! Jehannette, mon assotée,
205 M’amye, [où] estes-vous perdue88 ?
Vous a-l’en d’icy emportée ?
Ha ! Jehannette, mon assottée,
Vous a point quelq’ung transportée ?
Ou s’en pierre estes-vous89 rendue ?
210 Ha ! Jehannette, mon assotée,
M’amye, [où] estes-vous perdue ?
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FRÈRE FRAPPART90 SCÈNE VI
Aller me fault, sans attendue,
À vostre mary veoir qu’il fait91.
LA FEMME
Advis luy est que suis fondue92.
FRÈRE FRAPPART
215 Aller me fault, sans attendue,
Par-devers luy, la main tendue93,
Luy demandant s’il94 a forfait.
Aller me fault, sans attendue,
À vostre mary veoir qu’il fait.
LA FEMME
220 Allez-y donc tout à ung trait95,
Et le parachevez de paindre96.
FRÈRE FRAPPART
Je le feray (je vous promet)
Tantost plourer sans plus s’en faindre97.
LA FEMME
Ne vueillez plus icy remaindre98 :
225 Allez-vous-en sans séjourner.
FRÈRE FRAPPART
Je le [vays si au]99 vif attaindre
Qu’à vous obeir vouldra péner100.
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Mon voisin, Dieu vous vueil donner SCÈNE VII
Bonne sancté et bonne vie !
LE LABOUREUR
230 Las ! Monseigneur, je me desvie101,
Ou peu s’en fault, je vous prometz !
FRÈRE FRAPPART
Avez-vous sur quelq’ung envie102 ?
LE LABOUREUR
Las ! Monseigneur, je me desvie
Pour ma femme, je vous pleuvie103,
235 Que j’ay perdue pour tous metz104.
Las ! Monseigneur, je me desvie,
Ou peu s’en fault, je vous prometz !
FRÈRE FRAPPART
Voicy ung piteux entremetz105 !
[Elle] est perdue ? Mais à quel jeu106 ?
LE LABOUREUR
240 D’aulcun107 espoir je me desmetz.
FRÈRE FRAPPART
Voicy ung très piteux entremetz !
Tel chose, se, croy n’avint jamais.
LE LABOUREUR, monstrant sa hotte.
Je l’ay perdue en ce lieu.
FRÈRE FRAPPART
Voicy ung piteux entremetz !
245 [Elle] est perdue ? Mais à quel jeu ?
LE LABOUREUR
En celle hotte, par le sang bieu,
[Je] l’ay perdue, et non ailleurs.
FRÈRE FRAPPART
En celle hotte ? Par saint Mathieu !
LE LABOUREUR
En celle hotte, par le sang bieu,
250 Je la portoye. Mais j’advoue Dieu108 !
Celle pierre est pour ses valleurs109.
En celle hotte, par le sang bieu,
[Je] l’ay perdue, et non ailleurs.
FRÈRE FRAPPART
Ha ! mon amy, ce sont couleurs110
255 Que gramment avez offencé111.
LE LABOUREUR
Peult-estre que ce sont railleurs112 ?
FRÈRE FRAPPART
Ha ! mon amy, ce sont couleurs
Que vous avez, pour voz folleurs113,
Quelque péché fait ou pensay.
260 Ha ! mon amy, ce sont couleurs
Que gramment avez offensay.
LE LABOUREUR
Et ! par mon âme, je ne sçay
Se c’est point par ma jalousie.
FRÈRE FRAPPART
De ce, [vous seriez]114 incensay !
LE LABOUREUR
265 Et ! par mon âme, je ne sçay.
Trèstout pensay et pourpensay115,
J’en avoys116.
FRÈRE FRAPPART
Et quoy ? fantasie117 ?
LE LABOUREUR
Et ! par mon âme, je ne sçay
Se c’est118 point par ma jalousie.
FRÈRE FRAPPART
270 Or me dictes, par courtoisie,
Pour quel cause [vous] la portiez.
LE LABOUREUR
Je le diray par amitiéz119 :
Cheminer elle ne povoit
Sur les piedz (ainsi qu’el(le) disoit),
275 Par accident survenu brief120.
FRÈRE FRAPPART
Vélà dont vient tout le meschief121.
Et donc, vous dampn[er]ez vostre âme,
Mescroyant122 vostre preudefemme
D’estre paillarde [et] adultaire,
280 Qui ne l’est pas, mais débonnaire
Et loyalle à sa partie123.
Pour cela, Dieu l’a convertie124
Et [l’a] réduyte en celle pierre.
Par péché, trèssouvent on erre125,
285 Dequoy on a pugnition
En quelque temps. Sans fiction126,
C’est une reigle bien commune.
En Bible, avons histoire d’une
Et d’un quidem127 à qui Dieu dist
290 Que brief d’une cité sortist,
Et qu(e) après luy128 ne regardast,
Mais sans séjourner s’en allast.
Le commandement Dieu trespassa129 :
Mais plus avant el ne passa
295 Qu’en pierre Dieu la transmua ;
Et d’ainsi, long temps ne mua.
Maintenant m’en est souvenu130.
Ce malheur cy [n’]est advenu
[Que] par vostre énorme péché,
300 Dont avez esté entaché
En pensant mal131 où point n’y est.
LE LABOUREUR
Et quel remède ?
FRÈRE FRAPPART
Sans arrest132,
Il vous fault du tout disposer133,
Sans reffuser ne opposer,
305 À requérir grâce et mercy
À Dieu (lequel vous face ainsi !),
Et luy plaise vous pardonner,
Par ainsi que [vous adonner]134
Au grant jamais vous ne vouldrez
310 D’aultruy mesdire, ne touldrez135
À nul sa bonne renommée.
Et luy plaise que transmuée
Soit vostre femme, et [soit] remise
Au premier estat, sans démise136.
315 Or, priez Dieu, [ses] sainctz et sainctes.
Et je m’en vois sans nulles fainctes
À nostre couvent le prier.
Or vous verrez sans détrier137,
[Mais] bien brièfvement, vive et saine,
320 Vostre femme en chair humaine,
Bien formée et [bien] restablie.138
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LE LABOUREUR, à genoulx. SCÈNE VIII
Saincte Trinité anoblye,
Père et Filz et Sainct-Esperit :
Je te prie, pas ne m’oublye.
325 Deffends-moy contre l’Antrécrist
Qui doit venir, com dit l’escript.139
Je te pry que par ton édit140
Ma femme me soit retournée,
Tantost en son premier estat,
330 Qu’ainsi m’a esté destournée.
Il te plaise la m’adresser,
Et jamais ne sera journée
Que ne t’ayme sans varier141.
J’ay bien failly, en ceste année,
335 À te servir, dont mercy quier142
Et te supply : pardonne-moy !
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FRÈRE FRAPPART143 SCÈNE IX
Je l’ay bouté en grant esmoy
D’avoir péché, et en grant doubte.
LA FEMME
Et comment ?
FRÈRE FRAPPART
À genoulz se boutte,
340 Et prie Dieu dévotement
Qu’i vous retourne144 brièfvement,
Et jamais ne vous mescroira145.
LA FEMME
C’est bien besongné !
FRÈRE FRAPPART
Il fauldra
Que frère Jehan si vous retourne146
345 Et, sans tenir le pied à borne147,
S’en revienne, [ci pris ci]148 mis.
LE CLERC149
(Je ne suis fondu ne remis150
Que ne le [luy] face à deux coups151…)
FRÈRE FRAPPART
O ! frère Jehan, mon amy doulx :
350 Apportez-la ! Je voys152 devant
Pour la musser153, de ce me vant154 ;
Et venez après moy bonne erre155.
Et n’oubliez pas vostre pierre
À raporter, qu’il ne l’advise.
LE CLERC
355 Allez, j’entens bien la devise ;
Ne vous chaille, laissez-moy faire.
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FRÈRE FRAPPART156 SCÈNE X
Or çà, mon amy débonnaire,
Avez-vous bien Jésus prié ?
LE LABOUREUR
Oncques-puis157 ne cessay de braire.
FRÈRE FRAPPART
360 Or çà, mon amy débonnaire,
Une oraison vous fault refaire.
LE LABOUREUR
J’ay bien à Dieu mercy criay158.
FRÈRE FRAPPART
Or çà, mon amy débonnaire,
Avez-vous bien Jésus priay ?
LE LABOUREUR
365 Je l’ay priay et dépriay
Autant que m’a esté possible.
Mais aucune chose visible
Je n’ay veue de ma fumelle159,
Ne ouÿe aulcune nouvelle.
370 Je ne sçay, moy, que ce peult estre160.
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LA FEMME, retournée 161 SCÈNE XI
Dieu vous bénie (le Roy célestre),
Mon mary et la compaignie !
LE LABOUREUR
Trèsbien venez-vous en cest estre162 !
LA FEMME
Dieu vous bénie (le Roy célestre) !
375 Par ce qu’avez voulu promettre
À Dieu, il m’a à vous unie163.
Dieu vous bénie (le Roy célestre),
Mon mary et la compaignie !
LE LABOUREUR
Ha ! ma femme, Dieu vous bénye !
380 Mercys vous requier, et pardon !
Je vous ay fait grant villenie.
Ha ! ma femme, Dieu vous bénye !
Vous estes de bonté garnye :
Du vray Dieu en avez le don.
385 Ha ! ma femme, Dieu vous bénie !
Mercy vous requiers, et pardon !
LA FEMME164
En nostre amour nous concordon
Par nos ditz, vous tous le(s) voyez.
LE LABOUREUR
Mais que point ne nous discordon !
LA FEMME
390 En nostre amour, nous concordon.
LE LABOUREUR
Se aultrement nous accordon165,
Nous pourrons estre desvoyéz.
LA FEMME
En nostre amour nous concordon
Par nos ditz, tous vous le voyez.
FRÈRE FRAPPART
395 Bien faisant, soyez avoyéz166 !
Adieu vous dis, pour le présent :
Je ne vous puis pas convoyez167.
Bien faisant, soyez advoyéz !
Se d’honneur vous vous p[o]urvoyez,
400 Prouffit aurez bel et décent168.
Bien faisant, soyez advoyéz !
À Dieu vous dy, pour le présent.
.
EXPLICIT
*
1 Voir le vers 527 de Serre-porte, et le vers 137 de Ung jeune Moyne et ung viel gendarme. 2 Jelle Koopmans a fait de même dans son édition : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 341-351. 3 Champ où pousse du chanvre, dont on tirait le chènevis. On le labourait surtout en hiver, et plusieurs fois au printemps avant de semer. 4 Quantité. 5 Sans raison, bêtement. 6 Qu’on n’aille pas croire que vous m’avez battue. 7 Vers manquant. « En l’art de médecine/ Ay mis mon estudye…./ À mainte maladye/ Je say donner comfort. » ATILF. 8 F : le pas (Par le détail.) 9 Le verbe pier [boire du vin] remplace comiquement le verbe prier. Cf. Tout-ménage, vers 193. La rime -iez / -ier est irrégulière ; voir la note 167. 10 F : Congnoissance (Reconnaissez que vous vous moquez de moi : « Congnoissez que ce n’est point pour l’amour de vous. » Calvin.) Cf. les Coppieurs et Lardeurs qui sont copiéz et farcéz. 11 F : De bons chaussons pour (Pour vous chausser de bons chaussons.) 12 Sans vous mentir. 13 Je reconstitue ce vers manquant d’après le vers 9. 14 Et sans faire ici de plus longs discours. 15 Je m’apprête à prendre ma houe. C’est une pioche à une, deux ou trois dents (voir l’illustration). « Hou-e » compte pour 2 syllabes. 16 Mon couteau. 17 Ce vers revient trois fois dans la farce de Pathelin, que notre auteur a toujours en mémoire. 18 Ma cruche de compagnie (voir l’illustration), afin de pouvoir « pier », comme cela est préconisé au vers 23. 19 F : bonne (« Croyez-moy, nous ferons grant chère. » La Résurrection Jénin à Paulme.) 20 Sans faire de difficultés. « Et faisons icy, sans renchière,/ Ung tronsonnet de bonne chière. » L’Aveugle et Saudret. 21 Vers manquant. « Ou autrement je vous deffie de par lui. » Bérinus. 22 Que vous me tiendrez compagnie. 23 J’ai réfléchi à ce détail. 24 F : facan (Étant admis que cette façon de faire.) 25 Il prend sa femme par les hanches comme pour l’embrasser, et la met dans la hotte, qui est posée par terre. Les comédiens qui jouaient le laboureur et le clerc devaient être particulièrement musclés ; celui qui jouait la femme était plutôt fluet. 26 Ma mignonne. 27 Se galer, plaisanter. 28 Un inconvénient. « Mais encore y a-il ung si. » Les Chambèrières et Débat. 29 À demi mort. 30 Un peu plus bas. « Nous en allons par cy-aval. » Les Esveilleurs du chat qui dort. 31 F : chasseur (Les ordres mendiants faisaient la quête, comme le Cordelier des Chambèrières et Débat.) « Un questeur cordelier, prescheur de pardons. » Jean Sleidan. 32 F : aduisa (Le moine, accompagné de frère Jean, son clerc, observe le couple à distance.) 33 F : qui se portent 34 Plus assuré de sa fidélité. 35 Le laboureur est voisin du couvent des Cordeliers : vers 228. 36 Le nom colle à la fonction. (Dans le Ramonneur de cheminées, un housseur se nomme Jean du Houx.) Mais notre auteur se réfère là comme ailleurs à la farce de Pathelin, qui évoque un Jean du Chemin <vers 896>. 37 Nous ne pouvons pas nous sentir. (Tous les jardiniers savent que deux cyprès trop proches l’un de l’autre se font concurrence.) « Comme » est abrégé en « com » à 326. En dépit du schéma des rimes, F met ce vers après 88. 38 Se transporte vite vers moi. 39 Je vous le jure expressément. 40 Sort de la maison. 41 Quand je crie devant sa porte. 42 J’entre. Ou bien : je me mets sur elle. 43 Expression érotique qu’on retrouve à 348. Voir le v. 109 des Femmes qui font escurer leurs chaulderons, et le v. 259 de Raoullet Ployart. 44 F : Ne nul (Personne ne dit rien.) 45 F : fa (La rime est en la.) « Tu n’y congnois ne sol, ne la. » Éloy d’Amerval. 46 Je reconstitue ce vers manquant d’après 192. 47 Mauvaise ; ou bien : mâle. Bref, de peur de tomber sur le mari. C’est ce qui advient au Cordelier frère Guillebert, aussi lubrique et aussi lâche que Frappart. 48 Que mon échine ne soit fournie. 49 F : regnye (Ou je renie Dieu. Cf. Colin filz de Thévot, vers 158 et 244. Dans la bouche d’un moine, ce juron est savoureux.) 50 Tromper avec finesse. Cf. Serre-porte, vers 285. 51 Tambour battant. Cf. Serre-porte, vers 551. 52 F : escoutons (Sans que nous perdions davantage de temps. « Et plus à cecy n’arrestons. » Les Premiers gardonnéz.) 53 Sur le champ. 54 Sans discuter plus longtemps. 55 À droite. C’est un raccourci qui conduira le moine devant le laboureur. 56 À trait : directement. 57 Vous marcherez derrière lui. 58 Suivez le laboureur prudemment. 59 Devant son visage, devant lui. Cet archaïsme nous reporte au XVe siècle. 60 En le flattant. Réminiscence de Pathelin : « Vous l’avez happé/ Par blasonner, et attrappé/ En luy usant de beau langaige. » 61 On tondait les fous (le Roy des Sotz, note 82). Mais frère Jean, en tant que clerc, est déjà tondu ! 62 F : au 63 En un mot. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 8. 64 Emportez la femme, aussi vite qu’une hirondelle. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 36. 65 Appris, expert. 66 De bonjours. « Un donneur de bons jours : un courtisan, un flatteur. » (Antoine Oudin.) « Ung maistre bailleur de bons jours. » Le Mince de quaire. 67 Sans délai. 68 Notre pénis. Voir la note 117 des Cris de Paris. 69 Il arrive devant le laboureur, qui pose sa lourde hotte pour lui répondre. 70 Il vous donne. Ce salut n’est pas très catholique. 71 F : amitie (La rime correcte est au refrain de 155.) 72 Sans que vous ayez à commettre d’abus. Cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 133. « Faire rebecca : “anticiper sur le terrain voisin en labourant” (Normandie). » ATILF. 73 Dûment, favorablement. 74 Quelque chose a-t-il été détruit par une tempête ? 75 C’est pareil pour tout le monde. Idem vers 287. 76 Je suis bien placé pour le savoir. Sans être vu, le clerc fait sortir la femme de la hotte. 77 Le moine rappelle à son clerc qu’il ne doit pas oublier de placer une pierre dans la hotte. Le clerc obéit, puis il s’éclipse avec la femme. 78 À tout prendre. 79 Et vous aussi. Sans méprendre = sans faute ; cf. Lucas Sergent, vers 94. 80 Parce que vous êtes pressé. Double sens : votre hotte ne contient plus que du vent. 81 Qui est à même de. 82 Sans regarder, le laboureur charge sur son dos la hotte lestée d’une pierre. 83 Il rejoint la femme du laboureur dans un bosquet. Le clerc les laisse seuls. Le dialogue des deux amants influencera celui de Martin de Cambray (F 41) : dans cette farce comme dans la nôtre, un curé enlève sa maîtresse par ruse, copule avec elle, puis la rend au mari en prière, lequel jure alors qu’il ne sera plus jaloux. 84 Nous jouterons sexuellement. « Se tu as point joutté/ À elle. » Les Enfans de Borgneux. 85 Le couple s’allonge derrière des feuillages : on ne le voit plus. 86 Il arrive à sa chènevière. 87 Je pourrais bien mourir sous l’effort. Cf. le Testament Pathelin, vers 540. 88 « Où estes-vous, mon cher enfant Tobie ?…. Où estes-vous perdu ? » Amable Bonnefons. 89 F : vous estes (Ou bien êtes-vous changée en pierre ?) 90 Il se relève, ainsi que sa maîtresse. 91 Ce qu’il fait. 92 Que j’ai fondu comme neige au soleil. 93 Dans une posture christique. 94 F : quil (S’il a commis un péché, pour que Dieu le punisse de la sorte.) 95 D’une traite. 96 Donnez-lui le coup de grâce. Cf. le Dorellot, vers 251. 97 Sans se retenir. 98 Demeurer. 99 F : feray si (J’appuierai tant là où ça fait mal. « Il attaignit la jambe droicte de Lazanor si au vif, qu’il la luy coupa quasi en deux. » D’Herberay des Essarts.) 100 Il mettra toute sa peine. On scande « o-bèyr » en 2 syllabes, comme dans ces octosyllabes : « De vous obeir prent grant plaisance…. / De luy obeir c’est bien raison. » (Vie de ma dame saincte Barbe.) Frappart se rend dans la chènevière. 101 Je deviens fou. 102 Êtes-vous jaloux de quelqu’un ? 103 Je vous le garantis. Ce vieux mot fut rarement employé après le XVe siècle. 104 En tout et pour tout. « Per-du-e » compte pour 3 syllabes. 105 C’est le vers 247 du Poulier à quatre personnages. Cf. les Esveilleurs du chat qui dort, vers 111. 106 L’avez-vous jouée aux cartes ou aux dés ? (Voir la note 28 du Cousturier et le Badin.) Réminiscence de Pathelin : « Mais la manière de l’avoir/ Pour ung denier, et à quel jeu ? » 107 F : Daultre (Je renonce à tout espoir.) 108 Juron qu’on peut traduire par : je crois en Dieu. Cf. les Esveilleurs du chat qui dort, vers 41. 109 Cette pierre équivaut à ma femme, elle en tient lieu. 110 C’est le signe. 111 Que vous avez grandement offensé Dieu. 112 Des mauvais plaisants qui m’ont fait une blague. 113 Par votre folie. Cf. les Esveilleurs du chat qui dort, vers 127. 114 F : series (Vous seriez fou d’être jaloux d’une femme si fidèle.) 115 Tout bien considéré. 116 J’avais des cornes, j’étais cocu. (Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 257.) Là encore, on songe à un dialogue de Pathelin et de sa femme : « –En ay-je ? –De quoy ? » 117 Vous aviez des lubies ? 118 F : cestoit (Même refrain que 263.) 119 F : aduisz (« Si luy prie, par amytié,/ Qu’il en vueille avoir pitié. » ATILF.) 120 Récemment. 121 Voilà d’où vient ce malheur. 122 En soupçonnant votre honnête femme. 123 Envers son partenaire. Tous les propos du moine peuvent être entendus au second degré. 124 L’a transformée. 125 On commet des erreurs. 126 Sans mentir. 127 D’une femme et d’un quidam. Deux anges contraignirent Loth et son épouse à fuir Sodome sans regarder en arrière. La femme, désobéissante comme toutes les femmes de la Bible, ne put s’empêcher de se retourner : elle fut changée en statue de sel. 128 Que derrière lui. 129 Loth outrepassa le commandement de Dieu. Frappart falsifie l’épisode biblique pour rendre Loth –et donc le laboureur– responsable des malheurs de son épouse. 130 Frappart se souvient de la Bible, mais aussi de la farce de Pathelin, qui introduisait un apologue moralisateur de la même manière : « Il m’est souvenu de la fable/ Du corbeau. » 131 En voyant le mal. 132 Sans délai. 133 Vous devez vous apprêter. 134 F : habandonner (À la condition que vous ne voudrez plus vous adonner à médire d’autrui.) 135 Ni n’enlèverez. Ce verbe toldre est une forme depuis longtemps périmée de l’archaïque verbe tolir : notre farce date incontestablement du XVe siècle. 136 Sans que Dieu se démette de faire cela. Mot hors d’usage depuis longtemps. 137 Sans tarder. Ce verbe avait connu son heure de gloire du temps de Froissart. 138 Le moine retourne auprès de sa maîtresse. 139 L’Apocalypse, jadis attribuée à saint Jean. 140 Par ton ordre. 141 Sans y manquer. Quand il priait Dieu ou les saints, le peuple recourait au chantage et aux menaces. 142 Ce dont je te demande pardon. 143 Il rejoint sa maîtresse et son clerc, frère Jean. On devine qu’il s’est passé quelque chose entre ces deux-là. 144 Qu’il vous ramène. 145 Plus jamais il ne vous soupçonnera d’être infidèle. 146 Vous ramène à votre mari. Devenant l’égal du laboureur cocu, le Cordelier trompé se livre à des glissements érotiques dont il n’a pas conscience : son clerc ne demande pas mieux que de « retourner » la paysanne. 147 Sans rester sur place. Tenir pied à borne = ne pas franchir une limite. « Il n’y a Édict de plus grande force & auctorité que le comportement & exemple des supérieurs, rien qui fasse tenir meilleur pied à borne que de les veoir les premiers à faire ce qu’ils commandent. » Jean de Marnix. 148 F : si pris si (« Cy prins, cy mis : aussi tost faict que dict. » Proverbe.) Le Cordelier joue involontairement sur le double sens érotique du verbe mettre. « Elle est, par bieu, en garnison/ En la chambre de quelque prestre,/ Et on ne la sçauroit mieulx mectre. » Les Queues troussées. 149 Dans un coin, il lorgne les charmes de la paysanne. 150 Amaigri ni dépourvu de muscles. « Et je puis bien fondre et remetre :/ Je n’ay que frire. » Ung biau miracle. 151 Pour ne pas le lui faire une seconde fois. Voir le vers 93. 152 Je vais. 153 Pour la cacher : pour détourner l’attention du laboureur pendant que vous la remettrez dans la hotte. 154 Je me fais fort de cela. 155 Rapidement. 156 Il revient à la chènevière. 157 Depuis tout à l’heure. La prière est assimilée au braiment des ânes. 158 Crié grâce. Derrière le laboureur, le clerc enlève la pierre de la hotte, dans laquelle il dépose la femme. Puis il s’esquive en emportant la pierre. 159 F : femme (On trouve le normandisme « fumelle » au v. 313 de Saincte-Caquette, au v. 45 de Trote-menu, au v. 191 de la Mauvaistié des femmes, au v. 94 du Vendeur de livres, etc.) « Vu-e » compte pour 2 syllabes. 160 Je ne sais pas ce qui se passe. Même vers dans le Prince et les deux Sotz. 161 Revenue. 162 Vous arrivez à point nommé en ce lieu. 163 Réunie, rendue. Le laboureur a promis de ne plus être jaloux. 164 Elle fait semblant de répondre à son mari, mais ses paroles affectueuses s’adressent au moine et au clerc. 165 F : discordon (Cette rime est déjà prise à 389.) Si nous nous accouplons autrement. 166 Vous qui faites le bien, soyez mis sur la voie céleste. 167 F : conuuoyez (L’auteur avait le choix entre une conjugaison fautive <convoyez>, et une rime irrégulière <convoyer>. Il a sacrifié la conjugaison.) 168 Vous gagnerez le Paradis.