ROUGE-AFFINÉ, BEC-AFFILLÉ ET DÉCLIQUETOUT
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ROUGE-AFFINÉ,
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BEC-AFFILLÉ ET
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DÉCLIQUETOUT
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L’auteur de la moralité Mars et Justice émargeait à la Basoche de Paris, dont le répertoire théâtral était considérable. Ce basochien emprunta audit répertoire une sottie composée un an plus tôt par quelqu’un d’autre, et il la mit à la fin de son ennuyeuse moralité, pour finir sur un éclat de rire1. Voulant lier ces deux textes fort disparates, il introduisit maladroitement dans son œuvre les trois Sots de la sottie. Mais ayant écrit sa moralité en alexandrins, il eut le tort de commencer à retranscrire la sottie dans ce mètre qui ne convient absolument pas ; au bout de 25 vers, il se résolut à conserver les autres octosyllabes. Une même tentative, tout aussi désastreuse, défigure le début de la Ruse et meschanceté des femmes.
Alors que Mars et Justice est de 1564 ou 1565, la sottie doit dater de 1563. Les victimes des anecdotes scandaleuses qui la constituent ne sont plus identifiables.
Source : Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 24340. Je ne publie que la sottie finale, folios 15 rº à 21 vº. Jean-Claude Aubailly et Bruno Roy ont édité la pièce intégrale dans Deux Moralités de la fin du Moyen-âge <Droz, 1990> ; notre sottie occupe les pages 108-125 et les vers 485-810. Bien entendu, je numéroterai les vers à partir de 1.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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ROUGE-AFFINÉ 2
Or sus, Bec-affillé ! Or sus, Décliquetout3 !
Comptez-nous4 quelque cas ! Comptez-nous jusqu(es) au bout,
De ces patïonnéz en amour5, les secretz,
Les plainctes, les souspirs et langoureux regretz !
5 Vous en sçavez beaucoup : il y a jà deux ans
Que l’on [n’]a point monté sur l’eschaufault6 céans.
Comme[nt] mon compagnon, le cardinal Le Moyne7,
Se porte maintenant ?
BEC-AFFILLÉ
Il est (par sainct Anthoine !)
À Romme ce jourd’huy, et a bonne espérance
10 De retourner en paix au roiaulme de France.
ROUGE-AFFINÉ
Ne nous rescript-il point8 ?
DÉCLIQUETOUT
A mandé9, du Sainct-Siège,
Qu’il voulloit revenir s’esbattre à son collège
Où, pource qu’il n’y est, tousjours en ce Pallais10
Les théologïens preignent plaisir aux plaidz11.
ROUGE-AFFINÉ
15 Le[s] rioteulx12 procès et la théologie
Ont diverses humeurs. Laissons mélencolie !
Mon bon amy aussy, Enry[mé] de Bourgongne13,
Comment se porte[-t-il] ? Faict-il bien sa besongne ?
BEC-AFFILLÉ
C’est tousjours vostre amy14 !
ROUGE-AFFINÉ
Et le Prince des Sotz,
20 Le pauvre boullenger ?
DÉCLIQUETOUT
Ores est en repos15.
Sa femme, touteffois, la première à la dance
Fut, à la Sainct-Benoist.
ROUGE-AFFINÉ
N’avoit doncq souvenance
Du Prince, son mary ?
BEC-AFFILLÉ
Encor(es) s’en souvenoit ;
Mais en dansant, son dueil passer elle voulloit.
ROUGE-AFFINÉ
25 Mays que sont devenuz les veaulx16
De Beauvais17 ?
DÉCLIQUETOUT
Ceulx-cy sont nouveaulx.
Ilz sont en procès tellement
Qu’ilz se sont lorgnéz18 asprement.
BEC-AFFILLÉ
Ilz ont ung Principal nouveau.
ROUGE-AFFINÉ
30 Je croy que c’est19 quelque grand veau.
DÉCLIQUETOUT
Il est vray : car le proviseur,
Voullant estre le deffenseur
Du bien du collège loyal 20,
Se print à ce veau Principal
35 Comme à ung grand perturbateur.
ROUGE-AFFINÉ
L’intention du fondateur21
Est avoir ung homme sçavant,
Homme d’Église bien disant
Pour Principal, qui bien enseigne
40 Sans fère quelque chose indigne.
BEC-AFFILLÉ
Il y a bien aultres nouvelles.
ROUGE-AFFINÉ
Sont-elles pour gaudir22, et belles ?
BEC-AFFILLÉ
Ung beau advocat lyonnois
— Laissant ses livres et ses loix —,
45 Avec une belle espicière
Gentille, mignonne et gorrière23,
Aux faulxbourgs Sainct-Marcel alla,
Avec une nonain24 ; où là
Fut surprins.
ROUGE-AFFINÉ
La relligieuse,
50 L’estoit-elle25 ?
BEC-AFFILLÉ
[Ouy], plus heureuse26
Qu’elle n’eust esté au couvent ;
Mais comme advient le plus souvent,
De couverture leur servoict.
ROUGE-AFFINÉ
Comment cela ?
BEC-AFFILLÉ
Car on faisoit
55 La « besongne » dessoubz son voile27.
DÉCLIQUETOUT
Le mary descouvrit la toille28
Et vit le Lyonnois mignard
Avec[ques] sa femme à l’escart.
Le Lyonnois, du hault en bas
60 De la chambre29, ne faillit pas
À se jeter dans les ortyes
Pour éviter les [grans] furyes
Du mary, qui voulloit entrer.
ROUGE-AFFINÉ
Quoy ! le vouloit-il30 rencontrer ?
BEC-AFFILLÉ
65 Et quoy doncques31 ! Le Lyonnois
S’esgratigna visaige et doigs,
Et long temps fut au lict mallade.
Dont, trouvant la vïande fade,
Fut visité de l’espicière.
DESCLIQUETOUT
70 L’advocat, de mesme manière,
La visita estant au lict32.
[BEC-AFFILLÉ]
Et pour maintenir son délict33,
Orenges, grenades, cytrons
Luy envoioit34, et des marons,
75 Avec chausses à la gréguesque35,
Ou aultrement à la tudesque.
ROUGE-AFFINÉ
Pourquoy ?
DÉCLIQUETOUT
Et ! pour les mommeries36.
BEC-AFFILLÉ
Qu’il a fallu d’espiceries37,
De drogues et de confitures
80 Pour eschauffer ces créatures !
ROUGE-AFFINÉ
La femme est-elle lyonnoise ?
DESCLIQUETOUT
Elle est de Paris, et bourgeoise.
ROUGE-AFFINÉ
Sçais-tu point le menu devis38
De la grand rue Sainct-Denys ?
BEC-AFFILLÉ
85 Je sçais quelque cas d’ung fondeur
Logié39 par-delà Sainct-Saulveur,
Au-devant de la Trinité.
[Ayant au puys le fer jeté,]40
[Sa main laissa tomber]41 la corde
90 [Tenant le fer]42. Lors se recorde
D’ung cureux de puys43 ; mais voyant
Que cinq solz estoit demandant44,
Luy-mesme au puys voulut descendre.
ROUGE-AFFINÉ
Quelque avarice le vint prendre
95 De se faire descendre là.
BEC-AFFILLÉ
Mais sa femme au puys le laissa45,
Pour s’en aller « en quelque coing
Culleter au grenier au foing »46.
Le mary, de ce tour47, s’ennuye.
100 Tantost hault, tantost bas, s’escrie ;
Sa femme « putin » il appelle.
Laquelle, faisant sa querelle48,
Luy demande en telle manière :
« En la rue de la Plastrière,
105 Mon mary, avez-vous esté49 ?
Quoy ! n’avez-vous point bancquetté ?
En la rue Guérin-Boisseau50
Avez-vous trempé le « boiau51 » ?
Puis en la rue de Montmartre
110 Ne vous a-on point veu esbattre ?
Or, [avant]52 que je vous retire,
Promect[e]z de ne me riens dire53 ;
Promect[e]z de me pardonner
Et de plus ne m’abandonner. »
115 Ce qu’il promect. On le retire.
Mais en sa grand fureur et yre,
D’ung gros baston il la caresse.
Donc, usa de ceste finesse54
Qu’au lict la mallade elle fist.
120 Et le sergent sans barbe55 dict :
« Tant l’ay battue qu’elle enrage,
Et le lict garde daventaige
Que n’ay gardé. »
ROUGE-AFFINÉ
Doncq, [ce] fondeur
Fut mallade pour la frescheur56 ?
BEC-AFFILLÉ
125 Et57 quoy donc !
ROUGE-AFFINÉ
Ce58 qui plus affine,
C’est la finesse féminine.
DÉCLIQUETOUT
Ung clerc du greffe se complainct
D’ung pensïonnaire59, qu’i[l] craint.
ROUGE-AFFINÉ
Dy-moy la cause de la plaincte,
130 Et semblablement de la crainte.
DÉCLIQUETOUT
Ce clerc estant allé s’esbatre
Aux champs avec[ques] trois ou quatre,
Sa femme, sur le soir, renvoye60
— Et ce pensïonnaire en joye —
135 Pour aller coucher en la ville61.
La femme, d’ung esprit subtille,
Avecques ce pensïonnaire
Toute la nuict feist son affaire.
Ce clerc du greffe, estant aux champs,
140 Songea qu’ilz estoient combatans
Soubz la courtine de Vénus62 ;
Et en sursault ce clericus63
S’esveille, s’abille et, en peine64,
Devers la ville s’achemyne ;
145 Vint à sa maison. Oultre plus,
Et en son lict les trouva tous nudz ;
Et, la custode à soy tirant,
Dict son songe estre vray pour tant65.
C’est qui cause la doléance66.
ROUGE-AFFINÉ
150 De ce, n’en print-il point vengeance ?
DÉCLIQUETOUT
Nennyn.
ROUGE-AFFINÉ
Pourquoy ?
DESCLIQUETOUT
Car il a peur
Qu’il n’en reçoipve déshonneur.
Puis il craint le pensïonnaire,
Qui luy pourroit donner affaire.
ROUGE-AFFINÉ
155 Ung bon cueur ce ne souffrira ;
Mais plustost, il s’en vengera.
Bec-affillé, ne sçais-tu rien ?
BEC-AFFILLÉ
Ung compte je vous feray bien
D’ung procureur.
ROUGE-AFFINÉ
D’où ?
BEC-AFFILLÉ
De céans67.
160 Lequel, après morceaulx frians
Voulant jouer de la braïette68…
ROUGE-AFFINÉ
Poursuict[s] ! Vien çà, fille69 le reste !
De tout compter ne faille pas !
BEC-AFFILLÉ
Après avoir pris son repas
165 Au cabaret de Sainct-Martin,
Où il avoyt beu de bon vin,
Une sienne amye vint veoir
Malade au lict.
ROUGE-AFFINÉ
C’est le debvoir
D’ung vray amoureulx charitable.
BEC-AFFILLÉ
170 Et ce procureur vénérable,
Aiant tenu plusieurs propos,
Pour laisser la dame en repos
Luy dict doulcement le bonsoir.
La chambrière, ayant voulloir
175 De bien soullager sa maistresse,
Avec la clarté [le radresse]70 ;
Ce procureur, s’aprochant d’elle,
Souffle vistement la chandelle,
Et sur une trappe pourrye
180 Vint culleter, digne qu’on rye.
Si fort il « rembourroit le bas71 »
Qu’en tombant se rompit le bras.
On vient au secours, où on treuve
Monsieur, qui avoyt faict espreuve
185 De son courtault72 dessus la trappe.
ROUGE-AFFINÉ
C’est en ce point comme on attrape73
Ce[s] procureurs.
BEC-AFFILLÉ
Ce n’est pas tout :
Quant [on le relleva]74 debout,
On vit sa brayette soulliée,
190 Qui estoit encor(es) destachiée.
DESCLIQUETOUT
La dame mallade, en après,
Mourut. Et après son décèz,
Le mary, ainsy qu’il soulloyt75,
Pour partager venoit, alloit,
195 En la maison du procureur ;
Lequel s’en fascha : car l’honneur
Qu’au76 mary faisoict par avant,
C’estoit pour ce qu’estoit amant
De la dame, et non point du sire77,
200 Qui ne se peult tenir de dire :
« Monsieur, ores, ne m’ayme plus.
Ma femme morte, suis exclus
De son amytié. Vrayement,
Il a faulte d’entendement :
205 Il dict qu’il me78 veult trouver femme ;
Je m’en garde bien, par mon âme !
Le louage est [moins] dangereux79. »
ROUGE-AFFINÉ
Le vray amour n’est point en ceulx
Qui ayment pour la paillardise.
210 Mais chacun la vertu desguyse.
BEC-AFFILLÉ
Près Sainct-Germain-de-l’Auxerrois,
Il y a ung riche bourgeois
Qui deux chantre[s] pria ung jour
De soupper.
ROUGE-AFFINÉ
C’est quelque bon tour,
215 Puisque chantres80 y sont mesléz.
BEC-AFFILLÉ
Pour soupper estans assembléz,
Feirent ensemble bonne chère.
Après soupper, trouvent81 manière
De prendre récréation.
ROUGE-AFFINÉ
220 Y eust-il assignation82
De quelque branslement de fesses ?
BEC-AFFILLÉ
On feist là des jeus de souplesses83 :
Car les chantres furent d’advis
Qu’on joue à sur qui je m’assis84,
225 Ce que le bourgeois bien voulloit.
Et pour sçavoir qui cligneroyt85,
Ensemble au court festu86 tirèrent,
Où les chantres se récréèrent :
Car le plus court vint au bourgeois,
230 Qui fut bandé comme ung cagois87.
Ne voiant goutte, [il] se promène.
Sa88 femme prend place certaine ;
Et ung des chantres, dessus elle
Voulut « accorder sa vïelle » :
235 Il l’embrasse de bon courage89,
Et print plaisir à l’affûtaige90,
Faisant signe à son compagnon
Qu’après luy, le trouveroit bon91.
Le mary chercha çà et là92,
240 Et le cul du chantre trouva,
Lequel à plaisir cull[e]ctoit.
Car le [bon] mary luy aydoit :
S’assiant sur le cul du chantre,
L’affûtage plus avant entre.
245 [Et disoit]93 : « Vous ne gagnez rien ;
Par les chausses vous congnois bien.
Partant, [il] est raison qu(e) on alle94
Se promener parmy la salle
Ainsy caché95 comme j’estois :
250 Car vous estes prins, ceste fois ! »
Le chantre respondit à l’heure :
« Que je suis prins, c’est chose seure.
En me débattant, l’esguillette96
Est rompue de ma brayette.
255 Puisqu’ainsy est, je cligneray ;
Et si puis, guières n’y seray97. »
ROUGE-AFFINÉ
Voilà ung chantre bien apris !
Mais est-il vray ce que tu dis ?
BEC-AFFILLÉ
Je le sçays de son compagnon,
260 Qui n’y eut point sa portion
— Qui98 luy en a causé le mal.
DÉCLIQUETOUT
Près Sainct-Jacques-de-l’Hospital99,
Ung procureur aymant le jeu
D’amourettes100, près de son feu
265 Voiant tourner sa chambrière101,
Luy a dict en ceste manière :
« Jehanne, va-t’en chercher là-hault
Tout cela qu’à la table fault102 ! »
Et après, sa femme pria
270 Que pour elle le rost tourna103 ;
Ce qu’elle feit, car [Jehanne monte]104.
Et le mary, sans quelque honte,
S’en va après elle105, disant : « Tost106 !
Car ma femme to[u]rne le rost. »
275 Et ainsy comme ilz s’accolloient
Et leurs instrument[z] affûtoient107,
La femme le rost délaissa
Et tout ce beau jeu advisa.
ROUGE-AFFINÉ
Et que dist-elle108 ?
DESCLIQUETOUT
Courroucée,
280 A sa collère deschargée
De parolles sur son mary.
ROUGE-AFFINÉ
Il debvoit estre bien marry
De ne l’avoir point faict plus tost
Cependant qu’on tournoit le rost.
BEC-AFFILLÉ
285 Il advint que la femme (ung jour)
D’ung bon procureur de la Court
Fut trouvée en « dévotion109 »,
Remuant fort le cropion110
Sur ung lict vert qu’on oioit braire111,
290 L’esbranlant ung pensïonnaire.
Le clerc112, les trouvant à l’escart,
Dict qu’il voulloit avoir sa part.
ROUGE-AFFINÉ
C’est raison : car telle rencontre
Mérite que faveur on monstre.
295 Mais tu ne nous faictz point certain113
De la rue.
BEC-AFFILLÉ
Vers Sainct-Germain
De-l’Auxerrois ce procureur
Qui faict demourance, [il] est tout seur114.
DESCLIQUETOUT
Ung moyne gris115, dernièrement,
300 Avec la femme gayement
D’ung vendeur de vins s’ébattoit
Lorsque le mary tracassoit116
Avec(ques) les marchans dessus l’eau(e).
ROUGE-AFFINÉ
Trouvoit-il ce passe-temps beau ?
DÉCLIQUETOUT
305 Le mary, venant de l’estappe117,
Au marteau de la porte frappe.
Et le moyne, entendant le bruict,
Laisse de Vénus le desduict ;
Car voiant sa vie hazardée118,
310 Il monta en la chemynée119.
Le mary desjeuner voulut ;
Parquoy, achepter il fallust
Des saulcices que l’on feist cuyre120.
Le moyne, n’ozant ung mot dire,
315 Tout enfumé, se contenoit.
Mais le clou121 où il s’appuioit
Se deffit. Tombant, les saulcisses
Il renversa de ses deux cuisses.
Et le mary, tout estonné122,
320 Au basteau s’en est retourné.
ROUGE-AFFINÉ
Voilà ung gentil monachus123 !
C’est assez compter des abuz
Des amoureux passïonnéz.
Sus, après ! Trompettes, sonnez !
325 Allons disner, car il est temps
Que nous prenions noz passetemps.
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1 « La pièce est double ; la première moitié seule est une moralité (vers 1-480) ; le reste est une sottie. » (Louis Petit de Julleville, Répertoire du théâtre comique en France au Moyen Âge, 1886, p. 82.) L’auteur de Pour le cry de la Bazoche, qui appartient comme celui-ci à la Basoche de Paris, avait également raccroché une sottie pleine de médisances à une moralité sérieuse, pour finir en beauté. 2 Rouge = malin : « Les plus rouges y sont pris. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) Affiné = rusé : « C’est un badin afiné. » (Les Sobres Sotz.) Rouge-affiné tient le rôle d’un clown blanc : il n’est là que pour faire parler ses deux acolytes. 3 Un bec affilé est une langue de vipère : « Ces villotières [coureuses]/ Qui ont le bec si affilé. » (Villon.) Un déclique tout est quelqu’un qui parle mal de tout le monde : « As-tu tout dit, desclicque-tout ? » La Nourrisse et la Chambèrière. 4 Racontez-nous. Idem vers 158, 163 et 322. 5 On reparle des « amoureux passionnés » au vers 323. Pourtant, il n’est pas ici question d’amour mais de « paillardise » (vers 209) : la parodie du genre courtois est un des jeux favoris des Sots. 6 Sur l’échafaud, sur les tréteaux du théâtre. Ung Fol changant divers propos se réjouit qu’on ait imposé le même silence aux collégiens du Cardinal-Lemoine : « Ilz ont failly plusieurs années/ À jouer. » Aubailly et Roy précisent p. 77 : « Les Basochiens n’avaient pas joué depuis deux ans vraisemblablement à la suite d’une ordonnance de 1561 qui renouvela un décret de censure datant de 1538. » La présente sottie serait donc de 1563. 7 En matière de théâtre, le collège parisien du Cardinal-Lemoine faisait concurrence aux basochiens : voir la notice des Femmes qui se font passer maistresses. Ce collège servait de défouloir à tous ceux qui se mêlaient de théâtre, et notamment aux autres collégiens : voir la notice d’Ung Fol changant divers propos. 8 Ne nous répond-il plus par écrit ? 9 Il a fait savoir, depuis Rome. 10 Au Palais de justice de Paris, où les basochiens travaillent et font du théâtre. 11 Aux plaidoiries, aux procès. 12 Querelleurs. 13 Henri, du collège de Bourgogne, est une autre tête de Turc des basochiens, qui le surnomment Enrimé [enrhumé, ou en rimes]. « Au ladre Cardinal Le Moyne/ Et au Bourguygnon enfumé,/ Nostre ennemy maistre Enrymé. » (Pour le cry de la Bazoche.) « Ce faulx [sournois] maistre Enrimé,/ Infâme Bourguignon salé. » Ung Fol changant divers propos. 14 Comprendre : votre ennemi. L’ami du vers 17 et le compagnon du vers 7 dissimulent la même antiphrase. 15 Maintenant, il repose en paix : il est mort. Les basochiens prennent leurs désirs pour la réalité : Pierre Derue, ou de Rue, « maistre boulanger » et « prince des Folz de ceste ville de Paris », était encore bien vivant. 16 Les responsables du collège de Beauvais, à Paris. Là aussi, on faisait du théâtre : voir la notice du Mince de quaire. En particulier, on venait d’y reprendre la sottie des Veaux, créée en 1550 à Rouen : Jacques Grévin nous dit que sa comédie la Trésorière fut « mise en jeu à Paris, au collège de Beauvais, après la satyre qu’on appelle communéement les Veaux, le V de février M.D.LVIII [le 5 février 1559, nouveau style]. » 17 Le copiste n’a pas encore vu que l’auteur de Mars et Justice renonce à transformer les octosyllabes de la sottie en alexandrins : il a mis ces 2 mots à la fin du vers précédent. 18 Qu’ils se sont tapé dessus. « Et à grands coups de poing il lorgnoit dessus luy. » Bonaventure Des Périers. 19 Ms : soict 20 Ce jeu de mots sur loyal et royal vise peut-être les bonnes relations théâtrales qu’Henri II, mort en juillet 1559, avait entretenu avec le collège de Beauvais : c’est lui qui avait fait reprendre la sottie des Veaux — il avait assisté à sa création rouennaise —, et c’est lui qui avait commandé la Trésorière à Grévin. On comprend que ce favoritisme fort lucratif ait pu engendrer quelques jalousies, alors que la censure royale persécutait les basochiens. 21 Le cardinal Jean de Dormans, en 1370. 22 Pour rire. 23 Élégante. « Quant la mignonne, la gorrière. » Le Résolu. 24 Cette nonne sert d’alibi au couple adultère que constituent l’avocat et la femme d’un épicier. 25 Ms : Dou estoit elle (Était-elle vraiment religieuse ?) 26 Et elle était plus heureuse avec eux. 27 Les deux amants coïtaient sous le voile de la religion. 28 Le mari de l’épicière souleva symboliquement ce voile de la religion. 29 En sautant par la fenêtre. 30 Ms : vouloit de (Le mari voulait-il affronter l’amant de son épouse ? Rencontrer = attaquer : cf. les Maraux enchesnéz, vers 273.) 31 Ms : doncq car (Et comment donc ! « –Me congnoist-il bien ? –Et quoy doncques ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 32 Quand elle était au lit. 33 Son plaisir. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 230. 34 Elle lui envoyait. Les épiciers vendent des épices, des produits rares et des fruits exotiques. 35 À la grecque. « On s’est mis à en faire sans brayette, que les uns ont appelé chausses à la grégesque. » (Henri Estienne.) Les chausses à la tudesque [à l’allemande], pourvues de rabats, désignent les « grandes & amples chausses à la suisse ». Noël Du Fail. 36 Ms : mõnneries (Les momeries, spectacles au cours desquels on danse la morisque, requièrent des costumes bizarres.) « Joueurs de la Basoche, et autres sortes de badins et joueurs de badinages, farces, mommeries et sotteries [sotties]. » Brantôme. 37 D’épices aphrodisiaques, en particulier le clou de girofle et le gingembre. 38 Les potins. Pour le cry de la Bazoche évoque aussi la rue Saint-Denis, aux vers 425-432. 39 Ms : Lequel (« [Le fondeur] est logé en la ville. » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) Rue Saint-Denis, l’église Saint-Sauveur était voisine du cimetière de la Trinité. 40 Homme de bonne volunte (Le copiste a remplacé un vers manquant par une banalité hors sujet.) Les fondeurs plongent le fer rouge dans l’eau froide pour obtenir de l’acier trempé. 41 Ms : La main de fer tenant (La main du fondeur a lâché la corde qui tenait le fer chaud, lequel est tombé au fond du puits.) 42 Ms : Laissa tomber (Tous les mots sont là, mais dans le désordre.) 43 Alors le fondeur se souvient d’un cureur de puits. 44 Que ce dernier demandait 5 sous tournois. 45 L’abandonna dans le puits, au lieu de tourner la poulie pour le faire remonter. 46 Pour aller là où elle avait affaire. Aucune déduction scabreuse ne peut être tirée de ces deux vers, empruntés à une épitaphe parodique de Clément Marot : « Alix (…)/ Alloist tousjours en quelque coin/ Culleter au grenier au foin. » 47 Du mauvais tour que sa femme lui joue. 48 Le querellant. Elle n’était donc pas en train de « culeter ». 49 Ms : oste (Cette rue correspond peu ou prou à l’actuelle rue Serpente, dans le 6ème arrondissement. Elle abritait des prostituées : « En la rue de la Plâtrière,/ Là maint [demeure] une dame loudière. » Le Dit des rues de Paris.) 50 Elle existe toujours, mais très abîmée, dans le 2ème arrondissement. 51 Boyau = pénis. « Ne pouvant dresser [bander],/ Que ce boyau ridé te serve pour pisser ! » Remy Belleau. 52 Ajout d’Aubailly et Roy. Le copiste, ne parvenant pas à lire ce mot dans son manuscrit de base, a laissé un blanc dans le sien. Vu le nombre de petites fautes qu’il commet, son ms. de base devait être difficile à déchiffrer ; mais reconnaissons qu’il n’a pas fait vraiment mieux que son prédécesseur. 53 De ne rien me reprocher. 54 Elle fit usage de cette ruse. 55 Le mari n’est pas sergent mais fondeur. J’ignore à quelle anecdote locale cette expression se réfère, mais un homme sans barbe avait des problèmes de virilité : cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 180 et note. 56 À cause de la fraîcheur du puits dans lequel il a séjourné. 57 Ms : En (Et comment donc ! Même interjection qu’à 65.) 58 Ms : Car (Ce qui trompe le plus.) 59 Étudiant en droit, hébergé en pension chez un juriste auquel il sert de secrétaire. Un autre apparaîtra au vers 290. Nous ne quittons pas la Basoche. 60 Il renvoie à Paris. 61 Il envoie sa femme (et son secrétaire ravi) dormir à la maison. 62 Rêva que sa femme et son secrétaire se livraient aux combats de Vénus. La courtine est un rideau qui masque le lit à baldaquin, comme la custode du vers 147. 63 Ce clerc du greffe. 64 La rime pèine / achemine est parisienne, comme ensèigne / indigne aux vers 39-40. 65 Pour cela. Aubailly et Roy expliquent : « Et lorsqu’il tira le rideau du lit, il s’aperçut que son rêve était réalité. » 66 C’est ce qui cause sa plainte, en terme de droit. 67 De ce Palais de justice. Les basochiens sont souvent des clercs de procureurs, comme celui du vers 291. 68 Voulant jouer de la braguette après avoir bien mangé. Par extension (si j’ose dire), la brayette désigne également la verge : « Le procureur, qui avoit la brayette bendée. » (Des Périers.) Bec-affilé s’interrompt et regarde si le procureur n’est pas dans la salle, ce qui n’aurait rien d’impossible : les représentations de la Basoche avaient lieu au Palais. Voir la notice de Pour le cry de la Bazoche. 69 Filer = dévider son fuseau. 70 Ms : la dresse (Le raccompagne à la porte du rez-de-chaussée avec une chandelle. « Alumer pluseurs fallotz pour radreissier illec Jason et Argos. » ATILF.) 71 Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 72 De son pénis. « Quand mon courtault eust fait de vostre con estable. » Complainte d’ung gentilhomme à sa dame. 73 C’est comme cela qu’on berne. Les trappes sont des pièges pour capturer les grosses bêtes comme les ours, les loups, et donc les procureurs. 74 Ms : ou le relleue 75 Comme il en avait l’habitude. 76 Ms : Quaut 77 Du cocu. 78 Ms : ne (Qu’il veut me trouver une autre femme.) 79 La location d’une prostituée est moins dangereuse que le mariage. 80 Ces joyeux compagnons aiment la bonne chère et la bonne chair : cf. Troys Galans et un Badin, vers 159-166. 81 Ms : trouuans 82 Terme de procédure bien digne d’un basochien. « L’assignation de fesses que bailla la nonnette au moysne. » Les Joyeuses adventures. 83 Des acrobaties. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 201. 84 C’est un des jeux de Gargantua (chap. 22), qui joue « à je m’assis ». Dans cette variante du colin-maillard, les participants sont assis ; un joueur aux yeux bandés s’assoit sur le premier qu’il trouve et doit le reconnaître. Le joueur qui est reconnu remplace l’autre. 85 Ms : cliqueroyt (Qui fermerait les yeux. Forme correcte au vers 255.) 86 Dans le Jeu du capifol, on tire aussi à la courte paille un joueur qui aura les yeux bandés. 87 Comme un lépreux, qui couvre ses plaies de bandages. 88 Ms : La (L’épouse du bourgeois s’assied sur le lit.) 89 De bon cœur, notamment dans une situation érotique : « Pour acomplir de bon courage/ Le passetemps de mariage. » Le Nouveau marié. 90 Action de « limer », prise au sens libre. Idem vers 244. 91 Qu’il prendrait sa place. Mais il ne bénéficiera pas de l’aubaine : voir le vers 260. 92 L’époux aux yeux bandés erre dans la pièce, en quête d’un autre joueur sur lequel il pourra s’asseoir. Il se rapproche du lit où batifolent sa femme et l’un des chantres. 93 Ms : En disant (Le mari disait au chantre, croyant qu’il lui tournait le dos pour n’être pas reconnu.) 94 Aussi, il est juste que vous alliez tâtonner dans la salle avec les yeux bandés. Le chantre doit remplacer le joueur qui l’a reconnu. 95 En ayant les yeux cachés, bandés. 96 L’aiguillette est le lacet qui ferme une braguette. Double sens : la « petite aiguille de la braguette » désigne le pénis du chantre. 97 Si je peux, je ne resterai pas longtemps avant de trouver un successeur. 98 Ce qui. 99 Près de l’hôpital Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans l’actuel 5ème arrondissement. 100 Le coït. « Acomplir le jeu d’amourètes. » Le Poulier à sis personnages. 101 La servante tourne un rôti à la broche devant la cheminée, qui est au rez-de-chaussée. 102 Les couverts en argent sont conservés dans la chambre des maîtres, à l’étage. 103 Qu’elle tourne la broche à la place de sa servante, qui doit monter dans la chambre. 104 Ms : elle monta 105 Monte derrière elle. 106 Faisons vite ! 107 Et qu’ils aiguisaient leur sexe l’un contre l’autre. 108 Ms : dict elle (Le passé simple est préférable. « Quant tu fuz là, que te dist-elle ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. Cependant, l’auteur ne prête aucune attention à la concordance des temps, contrairement à l’auteur de Mars et Justice.) 109 À genoux, avec son amant qui la prenait en levrette. Cf. le Povre Jouhan, vers 330. 110 « Elles font bien leur devoir de remuer du croupion. » L’Escole des filles. 111 Qu’on entendait grincer. 112 Le clerc du procureur. 113 Tu ne nous informes pas. 114 C’est sûr. « Il est tout seur qu’elle a trèsbon babil. » Ch. de la Huèterie. 115 Ms : qui (Un moine gris est un Cordelier, donc un débauché. « Qu’as-tu, Catin ? T’a-il tatté ta tette [ta poitrine],/ Ce Cordelier, ce meschant, meschant moine gris ? » Chanson anonyme.) 116 Marchandait. Il veut vendre les tonneaux de vin qui sont sur le bateau avant de les décharger. 117 De l’entrepôt. « Et doit chacun courretier de vin comparoir à l’estappe chacun jour pour veoir s’aucuns vins y sont venus pour vendre. » Godefroy. 118 Voyant sa vie en danger. 119 Il se cacha dans le conduit de la cheminée éteinte. 120 On allume donc le feu, tandis que le moine se cramponne dans le conduit de la cheminée. 121 Le grand clou auquel on pend la viande pour la fumer. 122 Frappé par la foudre, terrifié. 123 Moine. « Le monachus crotté. » Pour le cry de la Bazoche.
LE PORTEUR DE PÉNITENCE
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LE PORTEUR
DE PÉNITENCE
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Le copiste du manuscrit La Vallière, qui est souvent mal informé, intitule cette œuvre : Moralité du Porteur de pacience. Or, ce titre ne veut rien dire. Le héros de la pièce est un pécheur qui porte sa pénitence, comme le stipulent les vers 1-2, 37-38, 117, et 248-249. Contrairement au porteur de patience, qui n’existe pas, le porteur de pénitence est bien attesté : « Ton faiz, qu’entens, n’est pas greveuz / Aus porteurs de pénitance. » (Guillaume Digulleville.)
Le prêtre qui confessait un pécheur ne pouvait l’absoudre sans lui prescrire une pénitence plus ou moins lourde et parfois un jeûne. Les Moralités, pièces allégoriques, prennent les symboles au premier degré ; par conséquent, le pécheur de cette pièce va réellement porter sur son dos des charges qui représentent les pénitences et les jeûnes auxquels le prêtre l’a condamné. Bien sûr, il va vouloir les mettre sur le dos de ceux qui ne pèchent jamais ou, plutôt, qui ont la prudence de ne pas confesser leurs péchés.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 25. Cette moralité normande, jouée par des personnages de farces, fut sans doute écrite dans les années 1530.
Structure : Rimes plates, rimes abab/bcbc, avec 8 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Moralité du
Porteur de pacience
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À cinq personnages, c’est assavoir :
LE MAISTRE
LA FEMME
LE BADIN [Rinche-hanaps]
LE PREMIER HERMITE
LE IIe HERMITE
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LE MAISTRE commence 1 SCÈNE I
Hélas ! tant je portes de jeusnes,
De charges et de pénitences !
Troys foys à la sepmaine jeusnes2,
Hélas, tant je portes de jeusnes !
5 Depuys Pasque3, plus ne desj[e]unes.
Touchant mai[n]s faictz et circonstances4,
Hélas, tant je portes de jeusnes,
De charges et de pénitences !
À mes requestes et instances,
10 Ma femme en portera sa part :
Car s’elle vient vers ceste part5,
Je luy mectray tout sur le dos.
En elle, n’y a nul propos6,
Et ne veult entendre à mon cas.
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LA FEMME 7 SCÈNE II
15 Rinche-hanaps8 !
LE BADIN
Y[l] n’y est pas.
LA FEMME
Toutefoys ay-je ouÿ la voix.
Viendras-tu pas ?
LE BADIN
Ouy, le grand pas9.
LA FEMME
Rinche-hanaps !
LE BADIN
Il n’y est pas.
LA FEMME
Plus ne parle que par compas10 !
LE BADIN
20 Je tiendray gravité11, ma foys.
LA FEMME
Rinche-hanaps !
LE BADIN
Il n’y est pas.
LA FEMME
Toutefoys ai-ge ouÿ la voix.
Sy tu ne viens…
LE BADIN
A ! je m’en voix12.
LA FEMME
Par Dieu, je te feray jeusner !
LE BADIN 13
25 Jusner ? Dea, jusner ? Saincte Croix !
Je veulx disner et desj[e]uner ;
De jeusne ay passé les destroys14.
Jeusner ? Dea, jeusner ? Saincte Croix !
LA FEMME
A ! garde-t’en15, se tu m’en croyx !
LE BADIN
30 Je veulx chopiner et charner16.
Jusner ? Dea, jusner ? Saincte Croys !
Je veulx disner et desjuner.
LA FEMME
Mais d’où viens-tu ?
LE BADIN
De besongner17.
Pour vous le donner à congnoistre,
35 Ma mêtresse, j’ay veu mon maistre
Qui me sembloyt fort empesché.
LA FEMME
À quoy ?
LE BADIN
À porter son péché,
Ses jeusnes et ses pénitences.
En luy, n’y a nules substances18 :
40 Croyez19 qu’il est palle et deffaict.
LA FEMME
Mon Saulveur ! qu’esse qu’il a faict ?
Pences qu’il a tué son père
Ou sa mère ? Tel vitupère20
Ne luy seroyt venu sans cause.
LE BADIN
45 Vous debvez sçavoir qui le cause21,
Et qui le rent sy mat et vain22 :
Car il23 a presté son « levain »,
Ou fringué24 vostre chambèrière.
Par ma foy ! mon maistre est un Frère25 :
50 Les génitoyres luy espoingnent26.
Il est tant aise quant y coignent27
Sus une chair nouvelle et tendre !
LA FEMME
Sy veulx-je savoir et entendre
Dont luy vient ceste honte infâme.
.
LE MAISTRE 28 SCÈNE III
55 Las ! je vous crye mercy29, ma femme !
LA FEMME
Il parle devant30 qu’on l’acuse.
LE BADIN
Je croys bien : y crainct d’avoir blasme.
LE MAISTRE
Las ! je vous crye mercy, ma femme !
LE BADIN
Ne luy faictes aulcun diffame !
LA FEMME
60 Tais-toy ! Je congnoys trop sa ruse.
LE MAISTRE
Las ! je vous cry mercy, ma femme !
LA FEMME
Il parle devant qu’on l’acuse.
LE BADIN
Encor[e] fault-il qu’i s’escuse
En quelque sorte31, honnestement.
LA FEMME
65 Je pers sens et entendement
De veoir un homme ainsy âgé
Estre subject et obligé
À souffrir sy grosse infamye.
LE MAISTRE
Hélas ! je n’ay rien faict, ma mye.
LE BADIN
70 Par sainct Jaque ! je le croys bien :
Mon maistre est [un] homme de bien,
Lequel ne ment poinct s’y ne parle,
Et ne paye poinct s’on ne le hale32.
Somme ! chascun le bénédict33.
LE MAISTRE
75 Voyre34, ou je soyes de Dieu mauldict !
LA FEMME
Il a esté en varouillage35
Pour corompre son mariage
Avec un tas de malureuses
Qui contrefont les amoureuses,
80 Quant il a escus à planté36.
LE BADIN
Y fault donc qu’il y ayt esté.
LE MAISTRE
G’y ay esté ? Beau sire Dieulx !
O ! qu’on me crève les deulx yeulx
Sy de luxure m’entremais !
LE BADIN
85 Par ma foy ! y n’y fust jamais.
LA FEMME
Jamais n’y fust, garson mauldict ?
Et ! tu sçays bien que tu m’as dict
Toy-mesmes qu’il s’est mesjeté37.
LE BADIN
Pardieu, vous y avez esté !
LE MAISTRE
90 G’y ay esté ? Tu as menty :
Onques ne changay mon party38
De ma femme, je te promais.
LE BADIN
Par ma foy ! y n’y fust jamais.
LA FEMME
Y n’y fust jamais ? Par mon Dieu !
95 S’il n’eust poinct hanté meschant lieu39,
On ne l’eust poinct sy mal traicté.
LE BADIN
Y fault donc qu’il y ayt esté.
LE MAISTRE
Gy ay esté ? Tu es bien fol !
Le deable me rompe le col
100 S’onques m’en voulus entremectre40 !
LE BADIN
Par mon serment ! je croys mon maistre.
LA FEMME
Tu le croys ? Y s’est mesporté41,
Et plusieurs foys a transporté
— Par folye et par déraison —
105 Ce qu’i faloyt à la maison42
À ces meschantes dissolues43
Qui sont fynnes et résolues
Entour un homme bien renté44.
LE BADIN
Ma foy ! vous y avez esté.
LE MAISTRE
110 G’y ay esté ? Vray Dieu des cieulx !
Sur mon âme ! j’aymeroys mieulx
Qu’on me décorast45 d’un chevaistre.
LE BADIN
En bonne foy, je croys mon maistre.
Sus ! pour en léesse nous mettre46,
115 Disons47 deulx mos à la plaisance.
LE MAISTRE
C’est bien dict. J’aray espoirance
D’en porter mieulx ma pénitence.
Ilz chantent.
.
Après la chanson, SCÈNE IV
LE PR[E]MIER HERMITE entre.48
Vous donnez-vous resjouissance
Alors qu’il est temps de plourer ?
LE DEUXIESME HERMITE
120 Av’ous49 de plaisir jouyssance,
Quant il fault du mal endurer ?
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Fault-il contre Dieu murmurer ?
Nennin ! Ô créature humaine,
Tu te doibtz pour Luy a[m]murer50
125 Et porter douloureuse payne.
LA FEMME
Qui sont ceulx-cy ? Qui les amaine ?
Regardez, hau ! je m’en éfrites51.
LE BADIN
À veoir leur vesture et [leur] layne,
Ce sont deulx convers52 ypochrites.
LE IIe HERMITE
130 Nous sommes deulx simples hermites
Qui nuict et jour portons la haire53.
LE BADIN
Et ! sainct sang bieu, quel[z] fripelipes54 !
Jésus ! voécy un maistre haire55.
LE MAISTRE
Sachez qu’i maynnent vie austère,
135 Et viennent pour nous advertir56.
LE P[REMIER] HERMITE
Sans faulte y se fault repentir,
Sy voulons avoir Paradis
Avec les anges bénédis,
En contemplant la Trinité.
LE MAISTRE
140 Frère, vous dictes vérité.
LE IIe H[ERMITE]
L’un de l’aultre convyent porter
Le gros faictz57, et le suporter58
Par amour et par charité.
LE MAISTRE
Frère, vous dictes vérité.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
145 Avoir convyent contriction59
— À tout le moins afliction60 —
De nos faultes et nos péchés,
Desquelz nous sommes empeschés61
Par folye et témérité.
LE MAISTRE
150 Frère, vous dictes vérité.
LE BADIN
Dictes : s(y) un mary a ployé62
Son mariage, ou desvoyé63,
La femme en doibt-ale64 souffrir ?
LE IIe H[ERMITE]
Ouy. Sy le mary vient65 offrir
155 Les charges et cas qu’il a fais,
La femme portera le fais
Du tout — ou du moins la moytié —
Bénignement, par amytié :
Tenue y est, et a[s]servye.
LE MAISTRE
160 Sainct Jehan ! Dieu vous doinct66 bonne vie !
De tous maulx m’avez alégé.
Afin que je soys soulagé
De ce fardeau et pesant fais,
Ma femme portera sa foys67.
LE BADIN
165 Non fera, par saincte Marye !
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Sy fera, d’un vouloir courtoys68.
LE MAISTRE
Ma femme portera sa foys.
LE IIe H[ERMITE]
Jésuchrist porta bien sa crois.
LE BADIN
C’estoyt bien aultre mercerye69 !
LE MAISTRE
170 Ma femme portera sa foys.
LE BADIN
Non fera, par saincte Marye !
LA FEMME
Porterai-ge la menterye,
Les juremens, la pail[l]ardise
De mon mary ? Quant je m’avise,
175 J’aymeroys myeulx…
LE P[REMIER] H[ERMITE]
A ! bonne femme :
Pour le grand salut de vostre âme,
Des péchés porterez la somme70
Qu’on a mise sur le bon homme
À tort et sans cause.
LA FEMME
Non a71 !
LE BADIN
180 Je sçays bien comment tout tourna72,
Il ne fault poinct tant de langage.
LA FEMME
Et ! y rompit son mariage
Le premier jour qu’il m’espousa.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Jamais femme ne refusa
185 À faire le commandement
De son bon mary.
LE IIe H[ERMITE]
Non, vraiment :
Ainsy le dict Saincte Escripture.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Toute dévote créature
Qui veult en gloire73 parvenir
190 Doibt à son mary suvenir74
Quant quelque empeschement il a.
LA FEMME
Par Dieu, je ne porteray jà !
LE BADIN
Non, non, n’en faictes rien, ma dame !
Qu’av’ous afaire d’avoir blasme
195 Des maulx qu’il a faict et fera ?
LA FEMME
Par Dieu, je ne porteray jà !
LE IIe H[ERMITE]
Sy ferez, pour le contenter
Et un petit le suporter75 :
Car son cœur s’en resjouyra.
LA FEMME
200 Par Dieu, je ne porteray jà !
LE MAISTRE
Sy ferez ! Escoustez, ma mye :
Et ! à joinctes mains je vous prie
Que me donnez ayde et secours.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Mais à qui doibt avoir recours
205 Un bon mary qu’à sa partye76,
Quant y luy faict juste partye77
De son corps et de tous78 ses biens ?
LE BADIN
Mon maistre n’en fist jamais riens !
LE IIe H[ERMITE]
Tu mens : je congnoys79 le contraire.
210 Or çà donques, pour nous atraire80
À une chose raysonnable,
Monstrez-vous vers luy pitoyable81,
Comme raison veult, et droicture.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
La femme de bonne nature
215 À porter82 sy est tousjours preste.
LA FEMME
Or çà, donc, que je m’y apreste,
Combien qu’il me faict83 un grand mal
De porter la paine et raval84
Du péché que n’ay pas commys.
LE IIe H[ERMITE]
220 On doibt souffrir pour ses amys ;
Pour tant85, cecy vous porterez.
LA FEMME
An ! Jésus !
LE BADIN
Vous la grèverez86 :
Voyez qu’el est en grand détresse.
LE MAISTRE
Tout beau, hau ! Vous la blesserez87.
LA FEMME
225 An ! Jésus !
LE BADIN
Vous la grèverez.
LA FEMME
Je n’en feray plus88.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Sy ferez !
Marchez89, marchez, faulce deablesse !
LA FEMME
An ! Jésus !
LE BADIN
Vous la grèverez :
Voyez qu’el est en grand détresse.
230 Et ! ne portez plus, ma mêtresse,
Pourveu qu’il ne vienne à plaisir90.
LE MAISTRE
Pour vous oster de desplaisir,
Çà, çà, je vous suporteray91.
LA FEMME
An ! Nostre Dame, je cherray92 !
235 Me voélà toute plate à terre.
LE BADIN
Dea ! vous debvez sçavoir et croire93
Qu’el ne porte94 que sus le ventre ;
Encor[e] ce « fardeau » luy entre
Jusqu(es) aulx eschines.
LA FEMME
Ce faict mon95.
240 Donques, sans faire long sermon,
Plus n’en feray.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Sans vous grever,
Ma mye, il convient achever
Et prendre tout en pacience.
LA FEMME
Non feray, par ma consience !
245 Sur le dos ne porteray plus.
LE IIe H[ERMITE]
Sy ferez cy96.
LE BADIN
C’en est conclus :
S’el[le] ne veult, rien n’en fera.
LE MAISTRE
Mon varlet, donques, portera
Mes pénitences et mes jeusnes.
LE BADIN
250 Alez chercher qui ce sera !
LE MAISTRE
Mon varlet, donques, portera…
LE BADIN
Mauldict soyt-il qui le fera !
Or, atendez que je desj[e]unes.
LE MAISTRE
Mon varlet, donques, portera
255 Mes pénitences et mes jeusnes.
LE BADIN
Le deable m’emport97 sy je jeusnes !
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Tu porteras !
LE BADIN
Vous me fâchez !
Qu’ay-je affaire des grans péchés
Qu’il a faict et voulu commectre ?
LE IIe H[ERMITE]
260 Veulx-tu poinct ayder à ton maistre ?
LE BADIN
Nennin, par ma foy !
LE MAISTRE
Mon varlet,
Voécy la charge d’un mulet ;
Ayde-moy à la suporter.
LE BADIN
Le deable me puisse emporter
265 Sy j’en porte brin ne brinnet98 !
LE MAISTRE
Je te donray un beau bonnet99.
LE BADIN
Je n’en veulx poinct.
LE MAISTRE
Et ! mon amy,
Tu auras escu et demy,
Et la moytié de tout mon bien.
LE BADIN
270 En éfaict je n’en feray rien.
LE MAISTRE
Tu me voys, en nécessité,
Porter sy grosse austérité :
Et ! suporte-moy un petit100 !
LE BADIN
Et ! je n’en ay poinct d’apétit.
275 Somme, je ne séroys101 jeusner :
Tous les jours je veulx desj[e]uner
Dès quatre heures.
LA FEMME
Nostre mary,
Sans faire sy long charivary102,
Puysque les cas vous avez fais103,
280 Vous-mesmes porterez le fais :
Le prestre vous l’a enchargé104.
LE MAISTRE
Hélas ! serai-ge encor chargé
De telle payne et tel labeur ?
LE IIe H[ERMITE]
Ouy : vous porterez la douleur
285 De la plaisance105 qu’avez eue.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Ceste chose est toute congneue
Que tout pécheur luy-mesme porte
(Sans que personne le suporte)
La paine qui luy est enjoincte
290 À confesse.
LA FEMME
Ainsy Dieu l’apoincte106
Par sentence et divin arest.
LE BADIN
Chascun y pent par son jaret107.
LE MAISTRE 108
Aydez-moy donques, sainctes gens,
Et ne soyez pas négligens
295 À estre de mes bienfaicteurs !
LE IIe H[ERMITE]
A ! on ne sommes pas porteurs.
LE P[REMIER] H[ERMITE]
Non, sans faulte.
LE MAISTRE
Amys honorables :
Veuilez-moy estre secourables
Plus que ne sont mes serviteurs !
LE IIe H[ERMITE]
300 A ! nous ne sommes poinct porteurs.
LE MAISTRE
Au non de Dieu, souverain roy :
Amys, ayez pityé de moy
Ainsy que vrays Frères myneurs109 !
LE P[REMIER] H[ERMITE]
A ! on ne sommes poinct porteurs.
305 Et pour dire le cas, en somme,
Tout pécheur doibt porter la somme110
De tous les péchés qu’il a fais.
LA FEMME
Au moins, chascun porte son fais.
LE BADIN
Chascun y pent par son jaret.
LE MAISTRE
310 Touchant mes délis et mes fais,
Ainsy, chascun porte son fais ?
LE P[REMIER] H[ERMITE]
À ceulx-là qui se sont forfais111,
Aultruy n’y a nul intérest112.
LA FEMME
Ainsy, chascun porte son fais.
LE BADIN
315 Chascun y pent par son jaret.
LE MAISTRE
Chantons donques, sans plus de plaict113.
J’aray la honte et vitupère
De mes péchés, puysqu’il114 vous plaict.
Le filz ne soufre pour le père115.
320 En prenant congé de ce lieu,
Une chanson et puys adieu !116
.
FINIS
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1 Il sort de l’église et se traîne vers sa maison, le dos chargé d’énormes sacs. 2 Je dois jeûner 3 fois par semaine. En temps normal, on ne fait maigre que le vendredi. 3 À partir de Pâques. Le pécheur a donc reçu sa pénitence lors de la confession quasi obligatoire qui précède Pâques ; cf. les Chambèrières et Débat, vers 183 et note. 4 À cause du péché de luxure que j’ai commis. 5 De ce côté. 6 Aucune bonne disposition. 7 Dans la pièce principale de la maison, elle appelle son valet, qui s’empiffre dans la cuisine, située derrière le rideau de fond. Ces cuisines ont une porte qui donne sur l’arrière de la maison ; le valet va donc affirmer à sa patronne qu’il est sorti, puis qu’il va s’en aller. 8 Rincer les hanaps = vider les verres. Le valet Rince-hanap est un de ces Badins gourmands, buveurs et insolents, comme on en voit beaucoup dans les farces de Normandie. Rincher comporte une chuintante normande : « Je croy qu’avez rinché les pots [que vous avez bu] ! » Le Tesmoing. 9 Au grand galop. Mais il ne bouge pas pour autant. 10 Désormais, ne parle qu’avec sagesse. « Parlant par compas. » Sermon pour une nopce. 11 J’affecterai une attitude grave. « Tenant gravité honnorable. » Baudet, Blondète et Mal-enpoint. 12 Je m’en vais. 13 Prenant cette menace très au sérieux, il passe la tête par le rideau de fond, la bouche pleine. 14 J’ai franchi le passage pénible du jeûne : le Carême est en train de s’achever, puisque nous sommes la veille de Pâques. Rince-hanap entre dans la pièce principale. 15 Évite que je ne te fasse jeûner : obéis à mes ordres. 16 LV : churner (Charner = manger de la chair, ne pas faire maigre.) 17 De faire ma besogne. Double sens : de besogner une femme. 18 Aucun signe de subsistance, de vie. 19 LV : voyes (« Croyez qu’il est bien enserré. » L’Aveugle et Saudret.) L’épouse et son valet ne voient pas encore le mari, qui n’est pas revenu de l’église ; Rince-hanap l’a juste entrevu dehors. 20 La honte de porter publiquement son péché. Idem vers 317. 21 Ce qui cause sa pénitence. 22 Si abattu et si faible. « Plus n’avez vigueur ne demy,/ Tant est vostre cueur mat et vain. » Le Ribault marié. 23 LV : sil (« Levain : sperme…. Il fait lever le ventre. » Pierre Guiraud, Dictionnaire érotique.) 24 Culbuté. « Volontiers je vous fringasse,/ Madame, si j’osasse. » Chansons folastres. 25 Est aussi lubrique qu’un moine. Deux Cordeliers vicieux vont entrer au vers 118. 26 Les testicules lui démangent. 27 LV : goignent (Quand ses testicules cognent. Au vers 72 du Tournoy amoureux, les couilles des Frères tambourinent contre des culs.) 28 Il entre dans la maison, toujours chargé de ses péchés. 29 Pitié. 30 Avant. L’épouse affecte de continuer son dialogue avec Rince-hanap, qui se prête au jeu. 31 Qu’il s’excuse d’une manière ou d’une autre. 32 Et ne paie pas si on ne l’y contraint pas. Haler = tirer. 33 Bref, chacun le bénit, lui accorde sa bénédiction. Idem vers 138. 34 C’est vrai. 35 Il est allé courir le guilledou. « Qui va de nuict en varouillaige. » Le Gentil homme et Naudet. 36 En quantité. « Voylà des escus à planté. » (Les Brus.) Le mari ne se contente pas de la chambrière <v. 48> : il fréquente assidûment les prostituées. 37 Qu’il a dévié de la droite voie, comme une flèche déportée par le vent. Voir les vers 47-52. 38 Je n’ai jamais changé mon statut de mari fidèle vis-à-vis… 39 Fréquenté un mauvais lieu, un bordel. 40 Si jamais je voulus m’en mêler. Idem vers 84. 41 Détourné du bon chemin. Cf. Frère Guillebert, vers 454 et 498. 42 Ce qui était nécessaire à notre ménage : son argent et son sexe. 43 LV : disolutes (À la rime, je corrige resolutes.) À ces femmes dissolues. 44 Autour d’un homme riche. 45 LV : decolast (Qu’on me passe une bride au cou, comme à un âne. Par extension, le chevêtre désigne également la corde du pendu : « Mais ung gibet et ung chevestre/ À vous pendre ! » L’Aveugle et Saudret.) 46 LV : maistre (Pour nous mettre en liesse, en joie.) 47 Chantons. « Mais disons deulx mos de chanson/ Pour passer nostre marisson./ (Ilz chantent ensemble.) » La Réformeresse. 48 Les deux ermites pénètrent dans la maison, officiellement pour dire la bonne parole et pour mendier. En fait, c’est le mari qui les a payés pour venir le seconder ; voir la note 79. 49 Avez-vous. Même normandisme à 194. 50 Emmurer, cloîtrer dans un ermitage ou un monastère, comme la religieuse des Mal contentes aux vers 401 et 459. 51 Je m’en effraye. Cf. le Marchant de pommes, vers 20 et note. 52 Deux nouveaux moines ; cf. Frère Guillebert, vers 110. L’hypocrisie et la lubricité des ermites sont exposées dans Troys Brus et deulx Hermites, où nous avons aussi affaire à des Cordeliers. Cette farce normande contemporaine, également copiée dans le ms. La Vallière, pourrait avoir été jouée lors de la même session par les mêmes acteurs : en général, on enchaînait une sottie, une moralité, puis une farce. 53 Une chemise de crin que certains pénitents portent à même la peau. Nos ermites font semblant, comme tous les tartufes : « Serrez ma haire avec ma discipline [mon martinet] ! » Tartuffe. 54 Remueurs de lèvres, goinfres. « Humesouppiers, avalletrippes,/ Guettelardons, gros fripelippes. » Godefroy. 55 Un grand dissimulateur. « Hypocrites, bigotz (…),/ Haires, cagotz, caffars empantoufléz. » Gargantua, 54. 56 Pour nous rappeler que le Jugement dernier s’approche. L’Apocalypse imminente était le fonds de commerce des prêcheurs publics. 57 Chacun doit porter le fardeau de l’autre. Faix = fardeau. Idem vers 156, 163, 280, 308. Les ermites révèlent enfin pourquoi le mari les a fait venir. 58 Et l’aider. Idem vers 198, 233, 273, 288. 59 De la contrition, du repentir. 60 LV : afection (Des remords. « Tous ceulx c’ont affliction,/ De leurs péchiers contriction. » Mistère de la Passion de Semur.) 61 Chargés. « Des sept péchéz/ Mortelz dont tu es empesché. » La Confession Rifflart. 62 Dénaturé. « Rompre son mariage (…)/ Ou le ployer. » Le Pèlerinage de Mariage. 63 LV : remploye (Ou s’il l’a dévoyé.) 64 Doit-elle. Normandisme : « Baillais-li sen cul à fesser/ (Dit-ale) ! » La Muse normande. 65 LV : vienne 66 Vous donne. Dans Frère Phillebert, ce même vers salue également un faux ecclésiastique. 67 À son tour. « Vous viendrez doncq à son escolle/ Vostre foys. » Maistre Mimin estudiant. 68 Elle le fera, et avec bonne volonté. 69 C’était bien autre chose. 70 Le chargement digne d’une bête de somme : voir le vers 262. « Vertu bieu ! je porte les sommes. » Le Sourd, son Varlet et l’Yverongne. 71 On ne l’y a pas mise sans raisons. 72 LV : va (Comment tout s’est passé. « Tout tournera à nostre utilité. » Les Sotz escornéz.) 73 À la gloire éternelle. « Pensez en la gloire/ De Paradis. » Le Ribault marié. 74 Subvenir, porter secours. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 201 et 303. 75 Et l’aider un peu. 76 Sinon à sa moitié, à sa femme. Cf. Chagrinas, vers 204. 77 Répartition. 78 LV : tout 79 Je sais. Ce vers prouve que les ermites et le mari se connaissaient déjà. Voir la note 48. 80 Pour nous amener. 81 Montrez-vous clémente envers lui. 82 À porter des enfants : « Elle portera filz ou fille. » (Jénin filz de rien.) Mais le double sens érotique du vers 237 n’est pas loin. 83 Bien que cela me fasse. 84 LV : trauail (La dépréciation, l’humiliation. « Desprisé et mis au raval. » Frère Frappart.) 85 Pour cela. L’ermite enlève un des sacs qui pèsent sur les épaules du mari, et le laisse tomber sur celles de la femme. 86 Vous allez l’accabler. 87 LV : blesers (Le 1er ermite rajoute un sac. La femme tombe à genoux.) 88 Je ne prendrai plus rien d’autre. 89 Allons ! Fausse = perfide. L’ermite charge encore un sac sur les épaules de la femme, qui se retrouve à quatre pattes. 90 Si vous n’y prenez pas de plaisir. 91 Je vais vous encourager. Effectivement, « çà ! çà ! » est un encouragement qu’on prodigue aux chiens de chasse. 92 Je suis en train de choir. L’épouse tombe à plat ventre. 93 En Normandie « craire » rime avec « terre », comme aux vers 172-3 de la Veuve. 94 Qu’elle ne porte… des hommes. 95 C’est exact. Cf. Monsieur de Delà et monsieur de Deçà, vers 18. 96 Pourtant, vous porterez encore ceci. 97 LV : memporte (Cf. les Sobres Sotz, vers 112 et 456.) 98 Un brin ni une brindille. 99 C’est le plus beau cadeau qu’on puisse faire à un Badin. L’Amoureux du Badin qui se loue achète ainsi le silence du valet de son amante : « Et un bonnet te donneray. » Le Badin du Retraict réclame de même le prix de sa discrétion : « Donnez-moy un bonnet poinctu ! » 100 Aide-moi un peu. 101 En bref, je ne saurais [je ne peux pas] jeûner. C’est un normandisme : « Sans lard, je ne séroys rien faire. » L’Homme à mes pois. 102 Sans débattre plus longtemps. « Ne fais point long charivary ! » Guillerme qui mengea les figues. 103 Puisque vous avez commis ces péchés. Plus précisément, « faire le cas » = faire l’amour : « Quant venez pour faire le cas/ À la desrobée avec moy. » Le Badin qui se loue. 104 Infligé. « Quant on se confesse,/ On doit tout prendre en pacience/ La pénitance qu’on encharge. » Le Ribault marié. 105 Du plaisir sexuel. 106 LV : la apoincte (L’ordonne.) 107 « Chascune chièvre par son jarret pant. » Ce proverbe de bouchers signifie : chacun est traité selon son mérite. Il était bien connu en Normandie : « Tu sçais bien qu’un cacun y pend par sen garet. » (La Muse normande.) Rince-hanap, féru de proverbes comme tous les Badins, le répète aux vers 309 et 315. 108 Il tente de convaincre les ermites de porter son fardeau. 109 Les ermites font donc partie de ces Cordeliers à la paillardise proverbiale. « Vits de prescheurs,/ De Carmes, de Frères myneurs…./ Deux vitz de prescheurs,/ Et deux grans de Frères mineurs. » Le Tournoy amoureux. 110 Le fardeau ; voir la note 70. Le mot « somme » revient trois fois en trois vers, et chacun alourdit le précédent. 111 Qui ont fauté. 112 Les autres n’ont rien à rembourser. 113 De plaid, de bavardage. 114 LV : puys que (Puisque cela vous plaît. « Allons boire, puisqu’il vous plaist. » L’Aveugle et Saudret.) 115 François Ier avait livré ses deux fils aînés de 7 et 8 ans à Charles Quint pour être lui-même libéré des geôles madrilènes après la défaite bien méritée de Pavie. Les petites victimes de la bassesse royale recouvrèrent leur liberté quatre longues années plus tard, en juillet 1530. Le théâtre rendit compte du dégoût suscité par l’attitude du roi : voir par exemple la Satyre pour les habitans d’Auxerre. 116 Ce distique apocryphe est la signature habituelle du copiste de ce ms. La Vallière.
LE RAPORTEUR
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LE RAPORTEUR
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Le semeur de zizanie qui manipule les personnages de cette farce rouennaise n’a rien à gagner, à part des coups ; il œuvre pour l’amour de l’art, puisque la médisance poussée à un tel degré relève du grand art. Le Raporteur, écrit vers 1510, a de nombreux points communs avec les Chambèrières et Débat, mais il n’en a aucun avec la sottie des Rapporteurs.
En 1499, Louis XII avait institué par lettres patentes la Basoche de Rouen. Cette confrérie studieuse et néanmoins joyeuse, imitant son illustre aînée parisienne, s’adonnait au théâtre ; nous en avons un exemple avec le Ribault marié. En voici un nouvel exemple, si l’on en juge par ses nombreuses références au monde judiciaire. Dans cette farce, nos clercs de procureurs prennent pour tête de Turc un rapporteur, c’est-à-dire un officier de Justice qui rend compte des procès. Ils n’oublient pas non plus d’égratigner leurs rivaux, les Conards de Rouen, qu’ils traitent de cocus à quatre reprises.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 30. Beaucoup de vers ont été rayés, expurgés ou rénovés au début du XVIIe siècle, sans doute en vue d’une publication ; je m’en tiens à l’original chaque fois que le ratureur* ne l’a pas rendu illisible. Les éditeurs de 1837 n’ont pas pris tant de peine, et tous ceux qui, faute de mieux, ont lu les 509 vers de leur édition auront d’heureuses surprises s’ils les comparent aux 545 vers non censurés que voici. Mais ne soyons pas médisant. *C’est le même remanieur qui a sévi dans le Tesmoing et dans l’Arbalestre. En revanche, les vrais chefs-d’œuvre du manuscrit La Vallière n’ont pas eu l’heur d’intéresser les hommes du XVIIe siècle.
Structure : Rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce du
Raporteur
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À quatre personnages, c’est assavoir :
LE BADIN
LA FEMME [Catherine]
LE MARY
et LA VOYESINE [Janeton]
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LE BADIN commence 1 SCÈNE I
Trop me desplaist le séjourner2 :
Je ne fais cy que m’amuser3.
À perte ou gain, n’a que courage4.
Sy j’ey jamais femme, je gage,
5 Vous en vouérez tost de mar[r]is.
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LA FEMME 5 SCÈNE II
Comment ! est-il dict que maris
Seront maistres en la maison ?
Nennin, vrayment, pas n’est raison !
Trop l’ont tenu pour bien aquis.
10 Est-ce le temps et la saison
Que les femmes n’ont plus saison
D’estre mêtresses ? Quel devys !
Seront il mêtresses en la maison.
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LE MARY 6 SCÈNE III
Voécy ma femme. C’est raison,
15 Y fault bien que je la recorde7.
Je jouray par-dessus la corde8.
Cordin, cordel9. Quant me recorde10,
Concordant je concorderay11.
À la corde descorderay12 :
20 J’entens recorder13 ma voysine.
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LA FEMME SCÈNE IV
Cecy14 me poyse sur l’échyne :
L’honneur des femmes est mys au croq15.
Poulle[s] chantront16 devant le quoq
Avant qu’i soyt la fin de moy17.
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LE BADIN 18 SCÈNE V
25 Dea ! [ma] voy(e)sine, acolez-moy !
Je suys joyeulx de vostre vue.
LA FEMME
J’ey bien désiré ta venue,
Amy : tu soys le bien venu !
Est-il rien de bon survenu ?
30 Je te pry fort, conte-le-moy !
Tu m’ôteras de tout esmoy
De ce que j’ey.
LE BADIN
Je n’eusses pas pensé,
Ma commère, [qu’eussiez passé]19
Le diffame en ceste sorte.
LA FEMME
35 Et quoy, Jésus ?
LE BADIN
Dèrière la porte,
………………………….. 20
Le trouvys qui se démenoyt ;
Elle sy fort le tourmentoyt
[Qu’il me]21 sembloyt (m’estoyt advys)
Qu’il estoyent plus fors qu’ennemys22.
40 Y sembloyt — ou23 je suys trompé —
Qu’il estoyt quasy achopé24 :
Par ma foy ! y n’en pouvoyt plus.
Y l’ont faict quatre foys ou plus.
Mais devynez de la matière25.
LA FEMME
45 C’est mon mary et la chambèrière ?
Jésus ! je suys désonorée.
Il en mauldira la journée,
Et l’en punyray, de ma part !
Ma foy, je le feray conart26,
50 Ou je le batray bien mon soûl !
LE BADIN
Encor est-il beaucoup plus foul
De soy vanter parmy la rue
Que quatre foys vous a batue.
Je m’esbaÿs d’u[n tel] diffame.
55 Vous qui estes fille de Dame27,
Soufrir par un vilain testu
Que vostre honneur soyt abatu,
C’est assez pour vif arager28 !
Sy je ne m’en pou[voy]es venger,
60 Ma foy, je le feroys cocu29.
LA FEMME
Compère, me conseilles-tu
Que toult à mon aise le bate ?
LE BADIN
Escoustez-moy, par saincte Agate !
Ne pensez pas que je vous mente :
65 Poinct ne suys celuy qui se vante.
(Pour raporter, ce m’est assez30.)
Et ! dea, dea ! Vous me congnoyssez,
Vous savez très bien qui je suys.
LA FEMME
Las, Nostre Dame ! Je ne puys
70 Penser comme m’en vengeray.
Je ne say sy je le feray
Conart, ou sy je l’envoyeray paistre31.
LE BADIN
Avisez-y. Voécy le maistre32
Qui vous servira de sa part.
LA FEMME
75 Mais où avoie-ge le regart,
Quant je prins33 ceste sote beste ?
LE BADIN
S’yl est adverty de la feste34,
Ne dictes pas que l’aye dict,
Car je perdroyes mon crédict.
80 Ou aultrement, mandé seray35.
LA FEMME
Non feray, non, vous dictes vray.
LE B[A]DIN
Voy(e)re, mais tenez-moy segret36.
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LE MARY 37 SCÈNE VI
Voécy bon : j’arage de froid,
De fain, de soif, et suys malade.
85 Ma femme fect-elle la fade38,
De moy gecter a remotys39 ?
Par mon âme ! onques [je] ne vis
Femme sy mauvaise à servir.
Mais40, Messieurs, prenez-vous41 plaisir
90 Qu’elle ne me prise un festu42 ?
Encores croi-ge que coqu
Je suys. Et j’arage de fain :
En ma maison n’a poinct de pain,
Ne chose qui soyt pour menger.
95 N’esse pas bien pour arager,
[D’estre venu en ceste place ?]43
Je ne say pas plus que je face44,
Ne sy [je] doibtz rire ou plourer.
Rien ne me sert45 de demourer :
100 Je m’en voys droict à mon repère46.
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Holà, ma femme ! SCÈNE VII
LE BADIN
Et, mon compère !
LA FEMME
[Un compère ? Mais un yvrongne]47 !
Regardez qu’i faict rouge48 trongne !
Tant c’est un homme de bonne foy.
105 Venez hardiment, je vous voy49
Tout à ceste heure mectre la nape !
LE BADIN
Vous portez visage de pape50,
Mon compère. Comme te va ?
LE MARY
À ceste heure-cy, à ceste heure-là,
110 Léger d’argent51.
LE BADIN
Esse cela ?
Tu tiens icy bonne grimasse52 :
C’est toy, c’est toy qui en amasse
Tous les jours, dehors et dedens !
Alons un peu rincher nos dens53,
115 Et laissons ceste gravité54.
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LE MARY SCÈNE VIII
Ma55 femme t’en a bien compté,
Mais je ne l’ay pas entendue.
LE BADIN
Qui ? Ceste vielle refondue56 ?
Laisse-la pour telle qu’el est,
120 Car tu peulx bien penser que c’est57.
Je suys mar[r]y qu’el est ta femme.
Qu’au deable soyt tout son diffamme58,
Pour ton profict et grand honneur !
LE MARY
Comment, compère ?
LE BADIN
Pour le seur59,
125 J’en suys aussy mar[r]y que toy.
LE MARY
Et pourquoy, compère, pourquoy ?
LE BADIN
Pourquoy, compère ? El te difame,
Et de son corps se faict infâme.
Je te le dis cy à l’oreille.
130 Et j’entemps que, jour et nuict, veille
Pour entretenir toutes gens.
LE MARY
Je le say il y a long temps,
Vous ne dictes rien de nouveau.
Mais qui ?
LE BADIN
C’est messire Nicolle Biveau60,
135 Nostre curé, pour chose seure.
En ta maison vient à toute heure :
Tousjours, par elle, est [bien] receu.
LE MARY
Mon compère, as-tu61 aperceu
Le curé ?
LE BADIN
Voyre, le curé ;
140 Ce malheur-là t’a procuré.
Entens : je ne le diroys pas62.
LE MARY
Vielle loudière63 ! Viel cabas !
Je t’avoys bien donné congé
À tous, fors à nostre curé64.
145 [Or çà]65 ! t’es-tu habandonnée ?
Corps bieu ! tu en seras frotée66,
Ou pas ne seray le plus fort67 !
LE BADIN
Compère, mectez y vostre effort
À bien pourvoir à vostre cas.
150 Mais escoustez : ne dictes pas
Que l’ayes dict.
LE MARY
Non, sur ma vye !
Mais grandement vous remercye
De ce que m’avez adverty.
Bien congnoys qu’estes mon amy.
155 Adieu, compère, et grand mercys !
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LE BADIN 68 SCÈNE IX
Et la la la69 ! Il est bien pris.
On luy fera tantost sa saulce70.
Mais quel gentilhomme de Beaulce71 !
Que[l] yvrongne ! Quelle tuache72 !
160 Contemplez un peu sa grimasse,
Comme il s’en va batre sa femme
En l’apelant « villaine infemme » !
Mon Dieu, mon Dieu, quelle m[a]ygnye73 !
Et tant il est fol qu’i se fye
165 Aulx raporteurs plains de méfaict.
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LE MARY 74 SCÈNE X
A ! ma femme, me l’av’ous faict75 ?
Il vous sera bien cher vendu !
Vous m’avez prins au trébuchet76.
A ! ma femme, l’avez-vous faict ?
170 Vous l’avez bien faict et refaict,
Mais c’est à vous mal entendu77.
A ! ma femme, l’avez-vous faict ?
Il vous sera bien cher vendu !
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LA VOYSINE 78 SCÈNE XI
Tout le bon temps s’en va perdu ;
175 Plus n’est saison de bonne chère.
Ainsy comme j’ey entendu,
Tout le bon temps s’en va perdu.
Le mauvais temps est revenu.
Vous en sçavez bien la manyère.
180 Tout le bon temps s’en va perdu ;
Plus n’est saison de bonne chère.
LE BADIN
Voécy, pour Dieu79, bonne matière !
Dea ! voisine, amye très chère,
Dictes-moy un peu la manyère.
185 Ma voysine, je vous en prye :
D’où vient ceste mélencolye,
Dont j’ey ouÿ vostre complaincte ?
LA VOISINE
Du temps présent je me suys plaincte,
Qui n’a en luy doulceur ne grâce.
LE BADIN
190 (Mais escoustez ceste bécasse !)
Vous y dussiez mestre police80.
Sy vous monstrez vostre malice,
Vous ferez encor[e] plus fort.
LA VOISINE
Et quoy ?
LE BADIN
De bonne paix un grand éfort81.
195 (C’est la nature [de nos]82 femmes :
Plus sont haultaines que gens d’armes83
À leurs [amys, mais en tout bien]84.)
LA VOISINE
Que dictes-vous ?
LE BADIN
Je ne dis rien.
Tout vient85 de vous.
LA VOISINE
Quoy ? vous mentez !
200 Par sainct Crespin, vous en mour[r]ez !86
Esse ainsy [myeulx], sote personne ?
LE BADIN
Ne frapez plus, mot je ne sonne87 !
(Le cœur me crève de despit.)
LA VOISINE
Retire-toy, pour ton profit,
205 Et te contente de [ta part]88 !
LE BADIN
(Le gibet y ayt male89 part !
Je ne say plus que90 je veuil dire.)
J’ey veu le temps que souloys rire91,
Et faisoys du bon compaignon
210 Avec commère Janeton92.
Mais [quoy], le temps passé n’est plus ;
Tout s’en va, on n’en parle plus.
On ne tient compte des amys.
LA VOISINE
Mon amy93, il m’estoyt advys
215 Que94 je faisoys en bonne foy.
Et ! dea, voysin, acolez-moy,
Comment vous [me] dictes95.
LE BADIN
Comment ?
À vostre bon commandement,
Tout fin prest à payer de[mye] carte96
220 Devant que nostre jeu départe97,
S’il le vous plaist.
LA VOISINE
Dea, grand mersis !
Vrayment, depuys que ne vous vis,
Vous me semblez98 jolys et beau.
LE BADIN
Je say bien chose de nouveau99,
225 [Mais] à vostre grand déshonneur.
LA VOISINE
Voulez-vous dire ?
LE BADIN
Tout pour le seur,
Je vous ay cherché toute jour100
Pour le vous dire sans séjour101,
Dont je suys en un gros esmoy.
LA VOISINE
230 Voulez-vous dire [un peu de]102 quoy ?
Sachons le faict, je vous en prye !
LE BADIN
Escoustez, commère, ma mye,
L’orde vilain103 putain qu’el est.
S’el[l]e m’avoyt dict ou mesfest104
235 Encontre moy de tel façon…
Aler105 donner tel chaperon
À telle honneste femme de bien !
LA VOISINE
Perdue je suys, je le voy bien.
Je cuyde entendre le mistère :
240 C’est la gorière106 qui veult faire
De la privée107 par-dessus toulte.
LE BADIN
Voyre. Que la senglante goulte108
La puisse saisir de despit !
LA VOISINE
Sav’ous pas bien qu’el109 vous a dict ?
245 Je vous110 prye que je le sache !
LE BADIN
Sans vous en faire grand relâche111,
Que vous alez deçà, delà,
[Et retournez par-cy, par-là,]112
À la maison monsieur Benest113,
250 Et qu’el est plus belle qu’i n’est114.
Vostre mary vous faicte[s] conart ;
Et aussy, y faict le bragart
Cheulx vostre prochaine voisine115.
LA VOISINE
Le deable luy rompe l’eschine,
255 L’orde vilain putain qu’el est !
Esse bien dict ? Esse bien fest
De difamer femme de bien
Plus qu’elle n’est (je le say bien)116 ?
Je luy crèveray les deulx yeulx !
LE BADIN
260 Tousjours jasoit117 de myeulx en myeulx,
Dont j’avoys le cœur sy mar[r]y.
Sy ne fust esté son mary,
Je luy eusse rompu l’eschine.
LA VOISINE
A ! je luy tiendray bonne myne.
265 Sy la rencontre emmy118 la rue,
L’heure mauldira qu’el m’a veue !
LE BADIN
Y fauldra bien que vous jasez,
Et aussy que vous caquetez119,
Quant Catherine120 viendra icy.
LA VOISINE
270 Pas n’aray le cœur endurcy121,
Ne mon caquet, à sa venue !
Je jure Dieu (qui fist la nue) :
L’orde vilaine maquerelle
Comperra122 toute la querelle !
275 [Plus n’en veulx maintenant crier,]123
Ou je ne pouray pas parler
Jusques-là.
.
LE BADIN 124 SCÈNE XII
A ! ne vous desplaise,
Y fault — sans que s[o]ies à malaise125 —
Parler un peu de mon procès :
280 Car l’autre jour, je fis excès,
Dont adjourné je suys en126 Court.
.
LA VOISINE 127 SCÈNE XIII
Je feray sa saulce à la Court128
Et dens sa maison. Puys après,
M’en iray parler tout exprès
285 À elle, pour veoir qu’el veult dire129.
.
LE BADIN SCÈNE XIV
Voylà assez bon jeu pour rire.
Vous voérez tantost la bataille
De femmes par-dessus la paille130.
Mon Dieu, quel déduict ce sera !
290 Mauldict soyt-il qui se faindra131
De fraper, s’y puys ariver132.
Je les ay faictes couroucer :
Par mon serment ! j’en suys joyeulx.
Premièrement, encor je veulx
295 Aler cheulx la grand Catherine133
Pour contempler un peu leur myne
Et voèr que son mary a fect134,
S’il est en bon poinct ou défect135 ;
J’en veulx sçavoir toute la fin.
.
300 Holà, ma commère Catin ! SCÈNE XV
Dormez-vous ?
LA FEMME
Dieu gard le beau Père136 !…
Avez-vous veu vostre compère137 ?
Dictes, où l’avez-vous laissé ?
LE BADIN
Il semble estre tout couroucé ;
305 Il est bien mar[r]y, ce me semble.
LA FEMME
Il aura grand peur, [s’il ne tramble]138.
Quant viendra, il sera repu139.
LE BADIN
Et ! comment ? N’est-il pas venu
Dens sa maison ?
LA FEMME
Nennin, nennin.
LE BADIN
310 Nennin ?
LA FEMME
[Non, ce n’est qu’un jénin.]140
[Aussi,] je les despites tous,
Ces malureulx141 et [ces] jaloux.
Je ne suys putain ne paillarde.
LE BADIN
Sy estes, que le feu vous arde142 !
315 Sy dict ainsy vostre voisine.
Mais vous n’estes pas assez fine
Pour entendre ce que je dis.
LA FEMME
El143 l’a dict ?
LE BADIN
Voyre. Et je luy144 dis
Qu’il145 m’en desplaist bien grandement.
LA FEMME
320 Dictes-moy donc le vray. Comment !
Ne respondiez-vous146 rien au fect ?
LE BADIN
Quoy respondre ? Je dis de fect
Que jamais ne fistes de feste
Pour coucher avec aultre147 maistre
325 Comme elle [faict].
LA FEMME
Le viel cabas !
Veult-elle contre moy débas ?
Je luy feray bien maintenir !
LE BADIN
El doibt tantost icy venir ;
Voyons que luy sarons respondre148.
LA FEMME
330 Le gibet me puisse confondre
Sy ne luy abas149 son quaquet !
.
LE MARY 150 SCÈNE XVI
Où est ma femme ?
LA FEMME
Ouy dea, niquet151 !
Vous m’avez joué d’un bon tour.
LE MARY
Vous m’avez mys la paste au four152 ;
335 Jamais je ne l’usses pencé.
LE BADIN
Or sus, sus, c’est assez cabassé153 !
Laissons un peu tous ces devys ;
Soyez ensemble bons amys.
Dictes une chanson plaisante !
340 Et puys en après, qu’on régente154
Tous les débas de vostre cas155.
LE MARY
Guères ne me plaist tel fatras,
Mais [c’est] bien pour l’amour de vous156.
[Or,] dison un mot157 gay et doulx
345 Pour resjouir la compaignye.
Ilz chantent une chanson.158
.
LE MARY
Ma fem[m]e, quant je suys dehors,
Le curé159 vous ayme, faict pas ?
LA FEMME
Mon mary, vous estes amors160
D’aler monter dessus le corps
350 De la chamb(è)rière, n’êtes pas ?
LE MARY
Jamais je ne face repas161
S’el en fust jamais coustumyère162 !
LA FEMME
Ouy dea, ouy ! Esse la manyère163,
De dire que je vous faictz conard ?
355 Vous parlez164 là de bonne pard,
Mon mary, d’aler « besongner »
Alieurs, et aussy me laisser.
Par Dieu ! je veulx que vous sachez
Que mes membres165 sont myeulx dressés
360 Que ceulx de vostre chambèrière.
LE BADIN
Que sçavez-vous, amye très chère ?
Y peult estre qu’i n’est pas vray.
LA FEMME
Sy est, pour vray ! Car je le sçay
Que ce n’est c’un vilain putier.
LE BADIN
365 (Vous laissez-vous répudïer166,
Compère, ainsy à167 vostre femme ?)
LE MARY
Alez, putain puante infâme !
Méchante layde désonneste !
Par Dieu, je te rompray la teste !
LE BADIN
370 Tout beau, tout beau, mauvais garson !
Dea ! vostre père estoyt sy bon.
[Vous vous mordrez]168 un peu le poulse.
LA FEMME
Va, vilain puant, barbe rousse169 !
Mauldict soyt l’heure que170 te vis
375 Et que jamais tu aprochys
De moy, et que je t’ay congneue !
LE BADIN
Par Dieu ! vous fustes bien pourveue :
Sy ne fust luy, vous fussiez morte171.
Que le grand deable vous emporte !
380 (Dessus, dessus ! Poussez, commère172 !)
LE MARY
Qu’esse que vous dictes, compère ?
LE BADIN
O, je l[uy] ay dict qu’elle se taise,
Sy el est sage [et qu’il luy plaise]173.
LA FEMME 174
Va, vilain ! [Va, mauvais garson !]175
385 Va pisser176 dedens ta maison
Comme tu fais dedens l’église !
LE BADIN
Ce fust, par Dieu, dens sa chemise177
Qu’i[l] y pissa le jour [St Flour]178.
Et ! comment vous faictes le sourt !
390 (Poulsez, commère179, la querelle !)
.
LA VOISINE 180 SCÈNE XVII
Où est ceste vielle maquerelle
Qui va disant que suys paillarde ?
.
LE BADIN 181 SCÈNE XVIII
Commère, montrez-vous gaillarde :
Sainct Jehan ! voécy vostre voisine.
LA FEMME
395 Par Dieu, je luy rompray l’eschine182 !
Et ! qu’elle vienne hardyment !
.
LA VOISINE 183 SCÈNE XIX
[Tu en auras, par mon serment !]184
Vien çà, putain esservelée !
Rongneuse à la teste pelée !
Pÿon185, yvrongne et sac à vin !
400 Viel br[o]yon où meult186 le moulin !
[Viel] visage tout pertuisé187 !
Viel haillon tout avant pelé188 !
Vous avez dict am[m]y189 la rue
Que suys une putain congnue ?
405 Vous avez menty faulcement !
Ilz se batent ensemble.
LA FEMME
A ! cerveau hors d’entendement !
Vieulx refuge des hôpitaulx190 !
Escorcheresse de chevaulx !
Laide puante au nés crochu191 !
410 Par Dieu ! il te sera meschu192,
Reliquère193 de vieulx garsons,
Plaine et garnye de morpïons !
Maulvaise [rousse abominable]194 !
Proserpine, mère du deable !
415 C’est vous qui m’avez diffamée.
LE BADIN
C’est, par bieu, elle.
LA VOISINE
Hau ! maudînée195 !
Je ne [res]semble à ta cousine,
Qui est une vielle quoquine
Et premyer pill[i]er du bordeau196.
LE BADIN
420 (Et son père, qui est méseau197.
Poulsez, commère !)
LA FEMME
Que t(u) es nyce198 !
[LA VOISINE]
Jamais ne desroba[y] galice199
[En contrefaisant le dévot,]200
Com(me) ton mary.
LE MARY
Vous mentez trop,
425 Madame la putain ! Gardez
Mon honneur, et vous regardez201
Autant en yver qu’en esté.
Vray est que l’avoys emprunté,
Aveques tous les corporeaulx202.
LE BADIN
430 Et là ! mile maulx, mile maulx ! 203
(Compère, vous estes trop flac204.)
LA VOISINE
Que dictes-vous ?
LE BADIN
Rien. Mais que le sac
Se deslye, [nous saurons]205 tout.
(Quoy ! n’en voérez-vous pas le boult ?
435 Sus, sus, courage, deffendez-vous !)
LA FEMME
A ! vilaine !
LE BADIN
(Cryez : « Mais206 vous ! »
Courage, prenez bonne alaine !)
LA VOISINE
Retourne, retourne la layne
Que tu desrobas au Palais207 !
LA FEMME
440 Mais toy, retourne rendre le fays
[De sarments]208 prins aulx Jacopins !
LE BADIN
Et, la, la ! En ces bons lopins209,
Alez encontre pour « jouster210 »
Et vostre langue descliquer211.
445 Gardez-vous bien qu’el ne vous gaigne !
Vous la ferez vessir d’engaigne212.
Par devers elle vous fault aller.
(Je m’engresse de leur parler213.)
Sus, ma commère ! Alez la batre !
LA VOISINE
450 Bien le vouldroys, sans plus débatre ;
Mais elle est plus forte que moy.
LA FEMME
Dictes, dame, par vostre foy :
Qui esse qui vous a porté214
Et ce faict icy raporté,
455 Pour quoy [vous me nommez]215 « cabas » ?
LE BADIN
(Commère, ne l’escoustez pas !
Cryez, bréez216 comme une folle !)
LA VOISINE
Demandez-vous qui, teste folle ?
Un homme de parmy le monde.
LA FEMME
460 Mais qui ? Dictes !
LE BADIN
(Tout mal abonde
À elle : ne l’escouste[z] poinct !
Par bieu ! vous la gaignez d’un poinct.
À crier, vous estes mêtresse :
Cryez !)
LA FEMME
Et ! venez [çà, deablesse]217 !
465 Qui esse qui le vous a dict ?
LA VOISINE
Pensez-vous que n’ays pas crédict
Aussy bien que vous ? Sy ay, sy !
LE BADIN
(Commère, laissez tout cecy.
Poulsez, et je vous ayderay.)
LA FEMME
470 Venez [ç]à ! Dictes-moy le vray :
Qui vous a raporté cela ?
LA VOISINE
Nostre compère que voélà,
Lequel le maintiendra de hect218.
LE BADIN
Moy ? Jésus ! je ne say que c’est.
475 Sy je l’ay dict, je m’en desdis.
LA FEMME
C’est luy qui est plain de mesdis219 !
Le voélà, parlez à sa barbe220 !
LE MARY
A ! je vous jure saincte Barbe
Qu’autant il m’en a raporté,
480 Et vostre honneur a détracté221.
Compère, est-il pas vray ? Parlez !
LE BADIN
Y vault myeulx que vous en alez222.
Rien n’entens à vostre devise.
LA VOISINE
Trompés nous a de bonne guise.
485 Voyez-vous, il est bien meschant.
LA FEMME
Payé en sera tout comptant,
Le méchant, de ce qu’il a faict.
LE MARY
Contenté223 sera du méfaict.
Au malureulx224 ! Dessus ! Dessus !
LE BADIN
490 Que me demandez-vous ? Jésus !
Quant à moy, je ne vous demande rien.
LA FEMME
Et nous, on vous demandons bien :
Faictes-vous icy de la beste ?
LA VOISINE
De mon poing aurez sur la teste,
495 Puysque n’ay aultre fèrement225.
LA FEMME 226
Recepvez donc cest instrument,
Maistre227 raporteur de parolle !
LE MARY
Vous en arez228, par mon serment !
LA VOISINE
Recepvez donc cest instrument !
LA FEM[M]E
500 C’est pour vostre gouvernement
Et pour la peine de vostre rôle229.
LE MARY
Recepvez donc cest instrument,
[Maistre] raporteur de parolle !
LE BADIN
À la mort !
LA VOISINE
A ! teste trop folle,
505 Vous l’avez trèsbien mérité !
LE BADIN
Pardonnez-moy, en vérité !
À tous, je vous requiers pardon !
Et en ce jour, j’auray par don230
Que plus ne seray raporteur.
510 A ! raporteur[s] plain[s] de maleur :
Laissez raport231 et faulx parler.
On n’a que mal de raporter.
Jésus ! le costé, et la teste !
Par mon serment ! j’estoys bien beste
515 De me froter en tel ofice232.
Le métier ne m’est pas propice :
Je le quicte pour tout jamais.233
.
LE MARY SCÈNE XX
Fïer ne vous y fault jamais :
Car de raport, c’est chose folle.
LA FEMME
520 Il avoyt mal aprins son rolle.
Or çà, ma gentille commère,
Pardonnez-moy le vitupère
Que je vous ay dict à grand tort.
LA VOISINE
J’ey bien cryé plus hault et fort
525 Que vous n’avez, pardonnez-moy.
LE MARY
A ! nostre femme, j’aperçoy
Que vous vivez en loyaulté234.
Tout ce que j’ey dict a esté
Par faulx raport, pardonnez-moy.
LA FEMME
530 De bon cœur vous pardonne.
LA VOISINE
Et moy235.
LE MARY
Soyons bons amys, désormais !
ENSEMBLE
Sy serons-nous, je vous promais.
.
LE MARY
Sans excuser leur ignorance,
Tous raporteurs sont déchassés.236
535 À eulx, n’y a nule fiance,
[Sans excuser leur ignorance.]
Dont ne fault pas que nul s’avance
Pour raporter : seront cassés.
[Sans excuser leur ignorance]237,
540 [Tous raporteurs sont]238 déchassés.
Messieurs, vous avez veu assez
De quoy vous sert le faulx raport.
[Que] Dieu nous conduye au bon port
De Salut, et la compaignye239,
545 Avec sancté240 et bonne vye !
.
FINIS
*
1 Un Badin est une sorte d’autiste dont les idées excentriques peuvent provoquer des catastrophes. Celui-ci traîne dans la rue, désœuvré. Tous les habitants de ce quartier où il habite sont ses voisins et ses amis. 2 De rester ici sans rien faire. C’est l’oisiveté, mère de tous les vices, qui va pousser le Badin à monter les gens les uns contre les autres. 3 Que perdre mon temps. Le vers est très difficile à lire ; non seulement le remanieur rature, mais en plus, il ajoute des signes et des repères qui peuvent passer pour des lettres. Et parfois, il modifie le texte original en le surchargeant avec une encre plus foncée. 4 En admettant que ce vers soit juste, il n’est pas clair. Je comprends : Qu’on perde ou qu’on gagne, il faut avoir le courage de jouer. 5 Elle s’apprête à rentrer chez elle, dans la même rue. 6 LV : badin (Voyant son épouse entrer dans la maison, le mari préfère rester dehors.) 7 Que je me réconcilie avec elle. On trouve un jeu similaire sur le radical « corde » aux vers 27-33 de Deux hommes et leurs deux femmes. 8 C’est un des coups gagnants du jeu de paume. « Elle jouoit dessus la brune/ En passant par-dessus la corde. » Légier d’Argent. 9 Jeu de mots sur l’expression « C’est corbin et corbel » : c’est bonnet blanc et blanc bonnet. (Le corbin et le corbel sont les anciens noms du corbeau.) 10 Quand il m’en souvient. 11 Je ferai semblant d’être d’accord avec ma femme. 12 Je me déferai du lien du mariage. 13 LV : descorder (J’ai l’intention de « besogner » ma voisine. « Tousjours (elle) me venoit quérir pour la recorder, que je fus une foys contrainct de la recorder plus de huit foys pour un jour. » Nicolas de Troyes.) 14 LV : sesy (Cette situation me pèse.) 15 Est mis de côté. « Pendons soucy au crocq. » (Clément Marot.) Il s’agit tout particulièrement du crochet auquel les juges et les avocats pendent les sacs de procès : « Le procès pend au croc, ne se poursuit point. » Le Roux. 16 LV : chantant (Les versificateurs normands élident le « e » quand ça les arrange : « Je chantray ma première messe. » D’un qui se fait examiner.) « La poule ne doit point chanter avant le coq…. Proverbe qui signifie que la femme ne doit point parler avant son mari. » Le Roux. 17 Avant ma mort. Jeu de mots sur « la fin du mois ». 18 Il entre chez la femme. 19 LV : que eusies pense (Rime du même au même.) Que vous auriez laissé passer un tel déshonneur de cette manière. 20 Il manque 2 vers où le Badin affirme avoir surpris le mari de son interlocutrice avec leur chambrière. 21 LV : qui leur 22 Plus acharnés au « combat » que des ennemis. 23 LV : donc 24 Trébuché. 25 Mais vous devinez de quoi il s’agit. 26 Cornard, cocu. Idem vers 72, 251 et 354. Allusion fielleuse aux Conards de Rouen : voir ma notice. 27 D’une aristocrate. Pour expliquer la mésalliance de la fille, on suppose que le père était un valet. 28 Pour enrager tout vif. Idem vers 83, 92 et 95. 29 Sous-entendu : Vous seriez vengée si vous couchiez avec moi. 30 LV : ases (Rapporter des mensonges aux uns et aux autres, c’est suffisant.) Ce vers est dit en aparté. 31 Ou si je l’enverrai balader. Cf. le Retraict, vers 180. 32 Je suis celui. 33 Quand je pris en mariage. 34 De ce qui se trame contre lui. 35 Je serai convoqué au tribunal pour diffamation. Le Badin est un habitué du prétoire : voir les vers 279-281. 36 Secret, à l’écart. 37 Toujours dans la rue. 38 La folle. « Ha ! povres foulx ! Ha ! povres fades ! » Sermon joyeux à tous les foulx, BM 37. 39 LV : remolys (À l’écart. « Doy-je estre mys a remotis ? » Ung jeune moyne.) C’est une des expressions latines qui ponctuent les plaidoiries. 40 LV : mes (Le scribe s’arroge la même fantaisie à 436.) Le mari prend à témoin les basochiens de l’assistance, qui sont en train de s’esclaffer. Il les invoque une nouvelle fois au vers 541. 41 LV : prenes y (Est-ce que cela vous fait rire.) 42 Pas plus qu’un fétu de paille. 43 Vers manquant. « D’estre venu en ceste place./ Las ! je ne sçay plus que je face./ Mourir me conviendra de fain. » L’Aveugle et le Boiteux. 44 Je ne sais pas que faire de plus. 45 LV : profite 46 Je m’en vais dans ma maison. Le mari rentre chez lui, où sa femme discute avec le Badin. 47 LV : uostre compere monsieur lyurongne (Dites plutôt un ivrogne.) 48 LV : bonne (Anticipation du vers suivant.) Parmi plusieurs dizaines d’exemples de cette locution figée, en voici un de Ronsard : « Le nez et la rouge trongne/ D’un Silène ou d’un yvrongne. » Notons qu’au vers 399, c’est la sobriété de l’épouse accusatrice qui sera fortement remise en cause. 49 Je vais, pour vous. C’est ironique : la femme n’a plus l’intention de servir son mari. 50 Jeu de mots sur paper [manger] : « Je vais morir, je qui suy Pappes…./ Tu me veux tolir [enlever] le papper ? » (Godefroy.) Le censeur a barré cette référence au pape. 51 Je suis à sec. Cf. Légier d’Argent. 52 LV : grimase (Tu es hypocrite.) 53 Rincer nos dents (normandisme) : boire un verre. 54 Ce grave discours. Les deux hommes sortent, dans l’intention d’aller à la taverne. 55 LV : la (Correction du remanieur. Le texte qui transparaît sous la rature est douteux.) Ma femme t’a raconté des horreurs sur moi. 56 Cette vieille rajeunie, grimée. « Il refondoit les vieilles, les faisant ainsi rejeunir. » Rabelais, Vème Livre, 20. 57 Ce que c’est, ce qu’elle m’a dit. 58 Les actes honteux qu’elle commet. Idem vers 34 et 54. 59 Pour sûr. Idem v. 226. 60 Nicole était souvent un prénom masculin (cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 84.) Le censeur du ms. et les éditeurs de 1837 ont pudiquement remplacé le curé par un « jeune veau ». Sous la rature, on peut à la rigueur déchiffrer binyau, ou bivyau, ou bujyau. Si le « y » est mis pour un « e », comme c’est de tradition en Normandie (l’yau = l’eau), nous pouvons lire Biveau, qui rime avec « nouveau ». Ce nom était commun dans la région : voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat. 61 LV : jey 62 Je ne le dirais pas si cela n’était pas vrai. 63 Le mari traite son épouse absente de débauchée, puis de vieille prostituée au sexe trop large. On retrouve ce « vieux cabas » aux vers 325 et 455. 64 Je t’avais autorisé tous les hommes sauf le curé. 65 LV : vienca (Voir le v. 521.) Rappelons que l’épouse est restée à la maison. 66 Battue. 67 Ou bien tu seras plus forte que moi. La musculature de cette représentante du sexe faible est encore invoquée au vers 451 : « Mais elle est plus forte que moy. » 68 Il reste dans la rue, entre le domicile des époux et celui de leur voisine. Le mari s’éloigne en direction de sa propre maison. 69 « Et la la la, faictes-luy bonne chière. » Cette chanson de Ninot le Petit, publiée en 1502, revient au vers 442. Les Badins chantent beaucoup. 70 On va l’assaisonner (péjoratif). Idem v. 282. « La pute fausse/ Lui compte toute sa pensée,/ Disant que lui fera sa sausse. » ATILF. 71 Quel pauvre type. Voir la note 99 de Maistre Mymin qui va à la guerre, et la note 244 du Capitaine Mal-en-point. 72 Quel hâbleur (mot normand). « Maint homme, par son blason [sa forfanterie],/ Semble plus hardy que Jason,/ Qui n’est, pour vray, qu’une tuache. » (Guillaume Haudent.) Rime avec le normand « grimache ». 73 Quelle maisnie, quelle maison de fous. 74 Il se dirige vers sa porte. 75 Me l’avez-vous fait : m’avez-vous trompé. La contraction normande « av’ous » ne revient pas aux refrains 169 et 172 de ce triolet : cela est dû au fait que le ms. de base ne donnait que les premiers mots des refrains. 76 Vous m’avez pris au piège comme un oiseau (sans doute un coucou). 77 Vous avez eu tort. Cf. la Confession Rifflart, vers 38. 78 Elle sort de chez elle en chantant une complainte (vers 187). Beaucoup de farces mettent en valeur l’arrivée d’un nouveau personnage par un triolet chanté. 79 LV : rire 80 Vous devriez y mettre bon ordre. 81 Vous ferez (v. 193) un effort pour être en paix avec tout le monde. 82 LV : des bonnes 83 Elles sont plus cruelles à leurs amis que des soldats. 84 LV : anys mais du tout rien (Rime du même au même.) 85 LV : bien (Tous vos malheurs viennent de vous.) 86 La voisine frappe le Badin. 87 Je ne dis plus un mot. 88 LV : ton raport (Influence du titre de l’œuvre.) Contente-toi de la part de coups que tu viens de recevoir. Dans la Nourrisse et la Chambèrière, quand la nourrice « baille sa part » à Johannès, une didascalie précise : « Elle le bat. » 89 Mauvaise. Que vous soyez pendue ! 90 Ce que. Les coups sur le crâne perturbent la mémoire. 91 J’ai connu une époque où j’avais l’habitude de rire. 92 C’est apparemment le nom de la voisine. Pour la reconquérir, le Badin se plaint dans le même ton qu’elle. 93 LV : ame 94 LV : quant (Que je te frappais à juste titre.) 95 Comme vous me l’avez dit au vers 25. LV répète ensuite : coḿent 96 Une demi-quarte de vin. « Pour payer carte de bon vin. » La Veuve. 97 Avant que notre jeu (ou que notre farce) s’achève. Même vers dans le Mystère de la Passion d’Auvergne. 98 LV : combles 99 Une chose nouvelle. 100 Toute la journée. « Je vous ay toute jour cherché. » Frère Guillebert. 101 Sans délai. 102 LV : compere et (Voir le v. 184.) 103 LV : vilaine (Même vers que 255, où on lit « vilain ».) 104 Si elle avait médit ou mal fait. 105 LV : vale (Un chaperon est un coup sur la tête, ici au figuré. « Il bailla à sa femme dronos [un coup], & chaperon de mesme : He bangde, belammed, thumped, swadled her. » Cotgrave.) 106 La demi-mondaine dont je suis voisine. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 534. 107 La familière, l’amie intime. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 485. 108 Que la douloureuse goutte. Cf. Serre-porte, vers 221. 109 LV : quil (« Sav’ous » est une contraction normande ; voir le v. 166.) Ne savez-vous ce qu’elle vous a dit ? 110 LV : te (Voir le v. 231.) 111 Sans vous faire attendre, elle dit… 112 Vers manquant, suppléé par le remanieur. 113 La maison de monsieur saint Benoît peut être un couvent de Bénédictins. Mais le benêt, forme normande du benoît [bénit], désigne le pénis : « Après que elle auroit manié son benest (…), il coucheroit avecques elle. » Les Joyeuses adventures. 114 Qu’il n’en est : qu’aucune autre femme. 115 Votre mari fait le fringant chez votre plus proche voisine. 116 Une femme plus honnête qu’elle, je suis bien placée pour le savoir. 117 LV : jasent (Elle colportait des rumeurs.) 118 LV : parmy (Voir le v. 403.) 119 LV : naquetes (Que vous jacassiez. « On jaze, on caquète. » Sermon pour une nopce.) 120 LV : guillemete (Voir la note 133.) Les Normands prononçaient Catrine, ou Catline : « La grand Catline dit : “Vraiment,/ J’ay tant pleuré, depis un an.” » La Muse normande. 121 Je n’aurai pas le courage paralysé. 122 LV : comptera (Me le paiera. « Vous le comperrez ! » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) 123 Vers manquant. La voisine craint d’arriver aphone devant son ennemie : « De crier je me rons la voys. » (Le Retraict.) Ce ne sera pourtant pas le cas, d’après les vers 524-5. 124 La voisine s’éloigne. Cette tirade du Badin arrive comme un cheveu sur la soupe ; c’est un clin d’œil aux basochiens qui composent le public. 125 Sans que j’en sois préoccupé. « Que tu ne soies à malaise de la bataille. » Lancelot. 126 LV : tout (Je suis convoqué au tribunal. « Adjourné en Court de Parlement. » Josse de Damhouder.) On voit que le Badin n’en est pas à ses premières frasques. 127 Toujours dans la rue, un peu plus loin. 128 Je vais l’assaisonner par mes paroles devant l’Échiquier de Normandie, où siège la cour de Justice. 129 Ce qu’elle aura à dire pour sa défense. 130 Sur la paille qui jonche les rues : elles rouleront par terre. 131 Celui qui fera semblant. « Frappe fort, Gaultier : tu te fains. » La Laitière. 132 Si je peux y arriver. 133 LV : jaqueline (Au vers 300, « Catin » est le diminutif de Catherine : voir la note 37 de Colin qui loue et despite Dieu. Mais le vers 269, qui est d’ailleurs trop long, l’appelait Guillemette.) 134 Et voir ce que son mari a fait. 135 LV : dehect (Défait : abîmé par les taloches de sa femme.) 136 La femme croit à une visite de son amant le curé. En ouvrant la porte, elle déchante. 137 Mon mari. 138 LV : se me semble (à la rime. J’adopte la leçon du remanieur. « Il aura bien chault, s’il ne tremble. » Le Pourpoint rétréchy.) 139 Il sera rassasié de coups. 140 Lacune comblée par le remanieur. Un jénin est un cocu : « Que ma femme m’ayt faict jénin. » Ung mary jaloux. 141 Je les méprise, ces misérables. 142 Vous en êtes une, que le feu de l’Enfer vous brûle ! 143 LV : qui 144 LV : le (Le passé simple « dis » peut rimer contre le présent.) 145 LV : et 146 LV : respondres vous (Au fait qu’elle m’insultait. « Répondre au fait » se dit d’un avocat qui répond sur le fond à la partie adverse.) 147 LV : le (Avec un autre homme.) 148 Ce que nous saurons lui répondre. 149 LV : abaise (Leçon du remanieur. « A ! j’abatray bien ton caquet. » Le Savatier et Marguet.) 150 Il rentre chez lui. 151 Cocu. C’est un dérivé normand de « nice » (vers 421). « Où est » se prononce « wé » en une syllabe, comme à 391. 152 Vous m’avez fait du tort. « Il en portera la paste au four : Il en portera la peine ou le dommage. » Antoine Oudin. 153 LV : cabase (Vous avez assez mystifié les gens. Venant d’un mythomane, la remarque est savoureuse.) 154 Qu’on règle. 155 De votre cause, de votre procès. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 593-5. 156 Par amitié pour vous. « C’est pour l’amour de vous. » Le Ribault marié. 157 Chantons. « Je vous supply que vous et moy/ Nous disons ung mot de chanson. » Deux hommes et leurs deux femmes. 158 Cette chanson, sans doute trop démodée pour que notre copiste la conserve, commençait par un vers en -ie, et s’achevait sur un vers en -ors. 159 Le censeur et les éditeurs de 1837 ont encore escamoté le curé. 160 Enclin (verbe amordre). 161 Je veux bien me passer de manger. 162 Si elle en a pris l’habitude. Cette dénégation est presque un aveu. 163 Est-ce la nouvelle mode. Cf. Marchebeau et Galop, vers 205. 164 LV : par celle (De bonne part = de source sûre. « Vous parlez de très bonne part. » Arnoul Gréban.) 165 Mes membres inférieurs, qui sont en l’air quand vous êtes couché sur moi. La phrase est comique parce que ce rôle « féminin » est tenu par un homme, dont le membre pourrait être dressé. Toutefois, le membre désigne aussi le sexe des femmes : « [Ils] avoient efforcé et violé une jeune fille (…), et après, bruslé le poil de son membre honteux. » Journal d’un bourgeois de Paris sous François Ier. 166 Récuser. Encore un terme de procédure. 167 Par. Pour aiguillonner les protagonistes contre leurs adversaires, le Badin donne à certains d’entre eux des encouragements que les autres n’entendent pas. Je mets ces exhortations entre parenthèses. 168 LV : refroides (« Se mordre les poulces : Se repentir d’un affaire. » Oudin. Nous dirions : Vous vous en mordrez les doigts.) 169 Depuis Judas, les roux ont mauvaise réputation : voir le v. 413. Allusion possible aux frères Barberousse, pirates barbaresques qui, à la même époque, réduisaient en esclavage les Chrétiens. 170 LV : quonques (Leçon du remanieur.) « Mauldit soit l’heure/ Que jamais marié je fus ! » Les Cris de Paris. 171 S’il ne vous avait pas épousée, vous seriez morte de faim. 172 LV : encores 173 Lacune comblée par le remanieur. 174 À son mari. 175 Lacune. On a déjà traité le mari de « mauvais garçon » au vers 370. 176 LV : va paser (Inutile de dire que cette anecdote a été censurée.) Le Badin croit inventer les calomnies qu’il décoche aux uns et aux autres, mais on va s’apercevoir que la réalité est bien pire que ses affabulations. 177 La chemise, qui descend jusqu’aux genoux, rentre dans le haut-de-chausses ; elle est donc la première exposée en cas d’« accident ». « J’avoys chié en ma chemise. » Les Sotz nouveaulx farcéz. 178 LV : est lours (Le jour de la Saint-Flour, le 1er juin.) On respectait le calendrier liturgique plus que les dates chiffrées : « Le lendemain, qui fut le jour sainct Andrieu. » E. de Monstrelet. 179 LV : comences (Voir les vers 380 et 421.) 180 Elle vient vers la maison où se disputent les autres. 181 En regardant par la fenêtre, il voit débouler la voisine. 182 LV : la mine (Voir les vers 254 et 263.) 183 Elle enfonce la porte. 184 Vers manquant. J’adapte le vers 498. Tu en auras, des coups. 185 Alcoolique : cf. Grant Gosier, vers 76. « Allez, yvrongne, sac à vin ! » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies. 186 Où moud. L’auteur renouvelle l’image du mortier féminin dans lequel s’agite le pilon viril. Les injures qu’il élabore ici sont beaucoup plus originales que celles qu’on trouve dans ce genre de littérature. 187 Percé de trous par la petite vérole, ou par la grosse. 188 Vieille loque au pubis pelé. 189 Parmi, dans. « De la gecter emmy la rue. » Les Maraux enchesnéz. 190 Vieille pensionnaire des établissements qui accueillent les anciennes prostituées. 191 Comme les sorcières, ou comme les juives. 192 Arrivé malheur. 193 Étui dans lequel on met la relique, en l’occurrence le pénis : « Le frère prédicateur despouille ses bragues [ôte ses braies], & approche ses reliques de dame Agathe. » (A. de Saint-Denis.) Ce vers et le suivant ont, bien entendu, été censurés. 194 LV : rouse apomimable 195 Crève-la-faim, clocharde. « Maudisné : Qui a mal dîné. » La Curne. 196 Un pilier de bordel. 197 Lépreux. 198 Idiote. 199 Un calice. Naturellement, ce sacrilège a été censuré. 200 Vers manquant. « En contrefaisant la dévotte. » Farce de quattre femmes, F 46. 201 Regardez-vous. Nous dirions : Balayez devant votre porte. 202 Le corporal est un linge sur lequel on pose le calice contenant les hosties. « Ung grant ribaut saut avant, et tantost prent le calice et les corporaulx, et s’en va. » ATILF. 203 Ce vers doit provenir d’une chanson. Le Badin l’emploie à double sens : Elle a mis le mot = elle a trouvé le mot juste. 204 Flasque, mou : vous vous laissez faire. 205 LV : se sera (Si chacun vide son sac. Inexplicablement, ces 2 vers anodins ont déchaîné la hargne du censeur.) Le sac, qui renferme les pièces de la procédure, est l’emblème de la justice médiévale. « Est-il temps que le sac on lie. » Pour le Cry de la Bazoche. 206 LV : mes (Plutôt vous !) 207 Rapporte la laine que tu as dérobée au Palais du Neuf-Marché. Plusieurs commerçants de Rouen — parmi lesquels des drapiers — occupaient le rez-de-chaussée de ce nouveau Palais de justice. Nos basochiens visent peut-être un voleur particulier. 208 LV : du serment (Le fagot de sarments que tu as volé chez les Jacobins.) Les femmes des farces vont dans les monastères pour coucher avec des moines. Sur le couvent des Jacobins de Rouen, voir la note 248 de la Pippée. 209 Morceaux, de viande ou de sexe. « Grant bien leur fissent mains loppins,/ Aux povres filles, ennementes,/ Qui se perdent aux Jacoppins. » Villon. 210 Vous allez jouter contre eux. « Mais qu’elle sente et sache premier de quelles “lances” il vouldra jouster encontre son escu. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 211 Faire cliqueter. « Comment sa langue desclique ! » Les Sotz fourréz de malice. 212 Péter de dépit. 213 De leurs paroles, qui sont effectivement un peu « grasses ». 214 LV : aporte 215 LV : me noḿes vous (À cause duquel.) Notons que c’est la femme qui a traité sa voisine de « cabas » au vers 325. 216 LV : brees (Braillez, du verbe braire.) 217 LV : sa belle deesse (Au vers 414, la femme comparait déjà sa voisine à la déesse « Proserpine, mère du diable ». Cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 151.) 218 De hait : volontiers. 219 De médisances. 220 Réprimandez-le. 221 Et qu’il a été le détracteur de votre honneur. 222 LV : ales (Que vous vous en alliez. Or, c’est le Badin qui est chez ses voisins, et non le contraire.) 223 Remboursé. 224 Sautez sur ce misérable ! Même normandisme au vers 312. 225 Puisque je n’ai pas d’autre arme. Cf. le Moral de Tout-le-Monde, vers 12. 226 Elle brandit un balai. 227 LV : monsieur le (Je corrige au refrain de 503 la même faute, due à la ressemblance des abréviations de monsieur et de maître sur le ms. de base.) Le maître rapporteur fait partie du personnel judiciaire. Mais les rapporteurs de paroles sont des faux témoins : « Accuseurs, controuveurs et rapporteurs de parolles en derrière. » G. de Tignonville. 228 Vous en aurez, des coups. 229 Allusion au rôle de l’acteur, comme à 520. Mais le rôle est également le registre où sont inscrites les causes à plaider. 230 J’aurai obtenu du Ciel. 231 La médisance. Idem vers 519, 529 et 542. 232 De me mêler d’une telle besogne. 233 Le Badin s’enfuit. 234 Que vous m’êtes fidèle. Chacun s’empresse d’oublier les manquements des deux autres. 235 Et moi aussi. 236 Le copiste, qui n’a pas compris que nous avions là un 4e triolet, remonte ce refrain B au-dessus du vers précédent, et il loge ici un vers qui ne rime pas : flateurs menteurs et cabaseurs 237 LV : a eulx ny a nule asurance (Contamination du vers 535 ; mais le refrain A s’impose.) 238 LV : tout par tout seront 239 Ainsi que les basochiens présents. Les 2 derniers vers, un peu trop bachiques, ont été sacrifiés par le censeur et les éditeurs, ce qui a induit en erreur des médiévistes fort estimables. 240 Dans Deulx Gallans et Sancté (LV 12), ce personnage allégorique requinque les jouisseurs : « Puysque Sancté est avec nous,/ Y nous fault prendre esjouyssance…./ Vous nous servirez d’ôtelyère. » Le coït est inséparable de la « bonne vie » : « Et demora la fille à coucher avec luy ; et menèrent bonne vie emsemble ceste nuyt. » Nicolas de Troyes.
LE RETRAICT
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LE RETRAICT
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L’une des Cent Nouvelles nouvelles, que je publie en appendice, a inspiré cette farce normande. Toutefois, le dramaturge a eu le génie d’y ajouter un rôle de valet, et de le confier à l’un de ces « badins » bornés, goinfres, ivrognes et cupides qui tyrannisent leurs maîtres. Et de fait, le valet Guillot a de nombreux rapports avec les badins Janot ou Jéninot.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 54.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse
À quatre personnages, c’est asçavoir :
LE MARY
LA FEMME
GUILLOT, [varlet]
et L’AMOUREULX [monsieur Lacoque]
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LA FEMME 1 commence SCÈNE I
Sy le myen cœur est remply d’ire ?
Las ! à bon droict je le puys dire.
J’ey bien raison de me complaindre,
Et de mon mauvais [sort] me plaindre2 :
5 Car mon mary me tient soublz las3
De grand rigueur, dont n’ay soulas4.
En luy, n’a poinct de passetemps.
Dont bien souvent mauldictz le temps,
Le jour, et l’heure de ma naissance.
10 Pensez-vous que prenne plaisance
En luy ? Non, non, je vous promais !
Sy le servirai-ge d’un mais5,
Par Dieu, dont pas il ne se doubte.
Car j’ey mys mon amytié toute
15 En un beau filz6 : voylà, je l’ayme.
Je mouray plustost à la payne
Que je ne face son désir.
J’ey espoir avec luy gésir7,
Sy mon mary s’en va aulx champs.
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GUILLOT, varlet8, en chantant : SCÈNE II
20 Hau ! les gans, bergère ! Hau ! les gans, les gans ! 9
LA FEMME
Par Dieu, voylà de très doulx chans !
Vien ç[à], Guillot !
GUILLOT
Plaist-il, Mêtresse ?
LA FEMME
Tu mes10 mon cœur en grand détresse,
Car tu n’es poinct…
GUILLOT
Je ne suys poinct ?
LA FEMME
25 Je ne t’ose dire le poinct,
Tant tu es léger du cerveau.
GUILLOT
Je ne suys pas bon maquereau :
Esse pas ce que voulez dire ?
LA FEMME
(Par mon âme ! il me faict [bien] rire.)
30 Ce n’est pas cela, malautru11 !
GUILLOT, en chantant :
Turelututu, tutu, tutu,
Turelututu, chapeau poinctu ! 12
LA FEMME
Ne chante plus, escouste-moy !
GUILLOT, en chantant :
C’est de la rousée de moy13.
LA FEMME
35 Vien çà, Guillot ! Es-tu tigneulx14 ?
Comment ! tu n’es poinct gratieulx15,
Que ne mes16 la main au bonnet.
GUILLOT, [en chantant :]
Y faict bon aymer l’oyselet 17.
Parlez-vous du bonnet de nuict ?
40 Quant je le frotes, il me cuyct ;
Y tient bien fort à mon tygnon18.
LA FEMME
Tant tu es [un] bon compaignon !
Sy je te pensoys sage et discret,
Je te diroys tout mon segret19 ;
45 Mais, par Dieu, tu n’es c’un lourdault.
GUILLOT
D’un baston rond20 comme un fer chault
Soyez[-vous] batue toulte nue !
« Lourdault21 » ?
LA FEMME
Voyre : [des]soublz la nue,
N’a poinct de plus lourdault que toy.
GUILLOT
50 Ha, ha ! « Lourdault » ?
LA FEMME
Escouste-moy !
Sy parfaire veulx mon désir,
Je te feray tant de plaisir
Qu’en toy jamais n’aura défault22.
GUILLOT
Vous m’avez apelé lourdault ;
55 Mais, par Dieu, le mot vous cuyra23 !
[LA FEMME]24
Guillot, laissons ces propos là :
Plus ne t’en fault estre mar[r]y.
Vien çà ! Tu sçays que mon mary,
Aujourd’uy, est alé aulx champs,
60 Ouïr des oysillons les chans25 ;
Pas ne doibt, ce jour, revenir.
Et mon amy doibt cy venir
Pour coucher entre mes deulx bras.
Tu auras ce que tu vouldras
65 Sy tu veulx guéter à la porte.
GUILLOT
Guéter ? Le deable donc m’emporte !
Je guèteray en bas, en hault,
Et vous m’apèlerez gros lourdault ?
Taisez-vous, c’est tout un !
LA FEMME
Guillot,
70 Sy j’ey dict quelque mauvais mot,
Pardonne-moy. Je te promais
Par la main qu’en la tienne mais26 :
Ne t’apelleray jà27 lourdault.
GUILLOT
Par Dieu ! vous fistes un lourd sault28,
75 Quant vous me dictes telle injure.
« Lourdault » ?
LA FEMME
Guillot, par Dieu j’en jure :
Je le disoys en me riant.
GUILLOT
Apelez-moy plustost Friant29.
LA FEMME
Et ! bien je te prye, au surplus :
80 Laissons cela, n’en parlons plus.
Vray est que ce mot ay lasché.
GUILLOT
Sainct n’y a30 qui n’en fust fasché,
De leur dire sy vilain nom31.
Ne m’y apelez plus !
LA FEMME
Non, non,
85 J’aymerois plus cher32 estre morte.
Guillot, va garder à la porte.
Veulx-tu, Guillot ?
GUILLOT
Et pour quoy faire ?
LA FEMME
Jésus ! n’entens-tu poinct l’afaire ?
Tant tu es un friant bémy33 !
GUILLOT
90 A ! j’entens bien : c’est vostre amy
Qui doibt venir.
LA FEMME
Ouy. Tu sourys34 ?
GUILLOT
Y vous ostera bien les sourys,
Tantost, du cul.
LA FEMME
Parle tout doulx !
GUILLOT
Or çà ! que me donnerez-vous ?
LA FEMME
95 Dy-moy en un mot : que veulx-tu ?
GUILLOT
Donnez-moy un bonnet35 poinctu,
Puys je garderay à la porte.
LA FEMME
Tien ! en voylà un de la sorte.
Es-tu content ?
GUILLOT
Par sainct Jehan, ouy !
100 Jésus, que je seray joly(s) !
LA FEMME
Sy ton maistre estoyt36, d’avanture,
Venant, ne luy fais ouverture
Sans nous advertir.
GUILLOT
Bien, bien, bien.
Y n’y viendra ny chat37, ny chien.
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L’AMOUREULX entre 38 SCÈNE III
105 Fy d’avoir, qui n’a son plaisir39 !
Fy d’or, fy d’argent ! Fy de richesse !
Hors de mon cœur toult déplaisir !
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Toult passetemps je veulx choisir,
110 Chassant de moy deuil et tristesse.
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Fy d’or, d’argent ! Fy de richesse !
Y fault aler voir ma mêtresse.
Car c’est mon plaisir et soulas.
115 C’est celle qui, de moy, tracas40
Faict évader.
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LA FEMME SCÈNE IV
Viendra poinct, las,
Celuy en qui je me conforte ?
Guillot, voys-tu rien en la porte ?
Ne voys-tu nul icy venir41 ?
GUILLOT 42
120 Deffendez-vous, car assaillir
On vous vient par cruel effort !
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L’AMOUREULX 43 SCÈNE V
Holà ! hau44 !
GUILLOT
Qui est là ? Vous buquez45 bien fort !
Quoy ? Que demandez-vous ?
L’AMOUREULX
La Dame.
GUILLOT
Monsieur, soyez sûr, par mon âme,
125 Que la Dame n’est pas céans.
L’AMOUREULX
Où est le maistre ?
GUILLOT
Il est léans46,
Là où il prépare la cuysine
Avec une sienne voysine47.
LA FEMME
Ouvre, Guillot ! Et ! tu te moque :
130 C’est mon amy monsieur Lacoque48.
Faictz-l(ay)49 entrer !
GUILLOT
Ouy, mais que je sache
Qu’il ayt quelque cas en besache50,
Aussy le vin pour le varlet51.
LA FEMME
Va, méchant ! Va, vilain ! Va, let52 !
135 Entrez, Monsieur.
GUILLOT
Quoy ? Voycy rage !
Je servyray de maquelerage53,
Et sy54, ne seray poinct payé ?
Et « Monsieur » sera apuyé
Avec Madame sur un lict
140 Où trèsbien prendra son délict55 ?
Et moy, un povre maquereau,
Feray la grue56 ainsy c’un veau ?
Non, non, je ne suys pas sy beste57 !
L’AMOUREULX
Ouvre, ouvre !
GUILLOT
Vous me rompez la teste !
145 Pensez-vous que vous laisse entrer
Sans argent en main me planter58 ?
A ! non, jamais !
L’AMOUREULX
Tien un escu.
GUILLOT 59
Sainct Jehan, voylà très bien vescu60 !
Je ne demandoys aultre chose.
LA FEMME
150 Guillot, que la porte soyt close !
Faict[z] bien le guet !
GUILLOT
Laissez-moy faire.
Monsieur, faictes-la-moy61 bien tayre :
N’avez62 garde de la fâcher.
Aportez-vous poinct à mâcher63 ?
155 Que je me sente64 du festin !
L’AMOUREULX
Acolez-moy, mon musequin65 !
Quant je vous voys, je suys transy66.
GUILLOT
Et67 mon Maistre qui n’est icy !
Mort bieu, comme il riroyt des dens !
LA FEMME
160 A ! mon Dieu amy, entrez dedens
Hardiment68 : mon mary est dehors
S’en est alé. Ne craignez fors69
Que de faire le « passe-temps70 ».
Mon mary est alé aulx chans71 ;
165 Aujourd’uy pas ne reviendra.
Par quoy, amy, il vous plaira
Coucher ensemble entre deulx dras,
Tous nus, nous tenans par les bras.
Voulez-vous poinct ?
L’AMOUREULX
Ma doulce amye,
170 Vous obéir pas ne dénye72.
[GUILLOT]
Jamais n’us sy grand fain de boyre.
[L’AMOUREULX]
Baisez-moy !
LA FEMME
Acolez-moy !
GUILLOT
Et voyre !
« Fermy[n]73, sengles-moy le mulet ! »
L’AMOUREULX
Je suys maintenant à souhaict74 ;
175 Jamais ne fus sy à mon aise.
Venez, ma mye, que je vous baise !
Tousjours serez mon doulx tétin75.
GUILLOT
Tentost aura son picotin76.
Et ! ventre bieu, où est mon Maistre ?
180 Je croy qu’i vous envoyret pestre77.
Regardez bien s’y la mordra.
L’AMOUREULX
Nul, au78 monde, tel temps n’aura
Jamais, car j’ey tout à pouvoir79
Ce c’un amoureulx doibt avoir :
185 J’ey belle amye, j’ey or, monnoye,
J’ey jeunesse, sancté et joye.
GUILLOT
Il est bien vray ; mais j’ey grand peur
Qu’i n’y ayt tantost du malheur.
L’AMOUREULX
Menger nous fault ceste bécace80.
[LA FEMME]
190 Hélas ! que j’aporte [une casse81].
GUILLOT
Puysque je suys leur maquereau,
J’en mengeray quelque morceau,
Y n’est pas possible aultrement.
L’AMOUREULX
[Boyre du bon]82 pareillement.
195 Or sus, ma mye, faisons grand chère !
Chose je n’ay, tant fust-el chère,
Qu’elle ne soyt du toult83 à vous,
Il est ainsy, ma mye. Je boys84 à vous,
À Dieu, et à la Vierge Marye !
LA FEMME
200 Grand mercy, syre85 !
GUILLOT
El86 est mar[r]ye
D’estre vis-à-vis du galant.
[ L’AMOUREULX
Je boy à vous !
LA FEMME
Non pas d’aultant87 !
GUILLOT ]88
Or là couraige ! sus, ma Mêtresse !
Sang bieu, vous pétez bien de gresse89 !
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205 Monsieur, gardez-la un petit90 : SCÈNE VI
El a l’estomac fort petit,
[Trop] plus petit c’unne pucelle.
Moy, je vous plègeray pour elle91.
Or regardez : ay-je failly ?
210 Il est dedens, et non sailly
Au deable92. Laissez faire à moy.
L’AMOUREULX
Tu es bon garson, par ma foy !
LA FEMME
De boyre, jamais ne reboulle93.
GUILLOT
Monsieur, sy je faulx par la goulle94,
215 Ne vous fiez jamais en beste95.
Ne laissez poinct à96 faire feste,
Je voys en la porte.
LA FEMME
Or va !
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LE MARY commence 97 SCÈNE VII
Holà, hau ! Ouvrez l’uys !
GUILLOT
Qu(i) est là ?
LE MARY
Ouvrez ! Le deable vous emporte !
GUILLOT
220 Ce deable abastra [donc] la porte,
[Ou,] par la Mort, vous atendrez !
LE MARY
Ouvrez, de par le deable ! Ouvrez !
Ouvriras-tu, meschant folastre ?
GUILLOT
Atendez, je n’ay pas [grand] haste.
LE MARY
225 Par Nostre Dame d’Orléans !
Sy je [ne] puys entrer léans98,
Les os je te rompray de coulx99 !
GUILLOT
A ! Dieu gard(e) la lune100 des loups !
Mais pensez-vous qu’il est mauvais !
LE MARY
230 Ouvriras-tu, méchant punays101 ?
Par la Mort, je te tu[e]ray !
GUILLOT 102
Dis-moy ton nom103, puys j’ouvriray.
Pense-tu que je soy[e]s beste ?
LE MARY
Comment ! tu ne congnoys ton maistre ?
GUILLOT
235 Vrayment, vos blés sont bien saclés104 :
Mon Maistre, je voys quérir les clés.
.
Ma Mêtresse, voy(e)cy mon Maistre ! SCÈNE VIII
L’AMOUREULX
Vray Dieu ! Où me pourai-ge mestre ?
Je suys perdu, je suys péry,
240 Puysque voycy vostre mary.
Conseillez-moy que105 je doy faire.
Jamais ne fus en tel afaire.
Hélas ! ma mye, voycy ma fin.
GUILLOT
Tantost arez du ravelin106,
245 Quatre ou cinq grans coups toult d’un traict.
LA FEMME
Tost mectez-vous en ce retraict107,
Mon amy. Ne vous soulciez.
Sy d’avanture vous toussiez,
Boutez la teste [en ce]108 pertuys.
.
LE MARY SCÈNE IX
250 Et puys ? Hau ! Ouvriras-tu l’huys ?
.
L’AMOUREULX SCÈNE X
Voycy, pour moy, piteux délict109.
Sy me métoys debsoublz le lict,
Ce seroyt le meilleur, ma mye.
LA FEMME
Hélas ! ne vous y mectez mye :
255 Car sy dessoublz le lict visoyt110
Et là caché vous advisoyt,
Mourir nous feroyt langoureulx111.
GUILLOT
Sus ! au retraict ! Sus, amoureulx !
Car je [luy] voys ouvrir la porte.
260 Encor j’ey peur qu’i ne me frote112.
Mais devant113 que céans il entre,
Ce vin je métray à mon ventre.114
L’AMOUREULX
Las115, Guillot !
GUILLOT
Monsieur, qu’on se cache !
Mêtresse, ostez-moy la bécache116.
265 Sy esse117 que j’auray cecy.
.
LE MARY SCÈNE XI
An ! Nostre Dame, qu’esse-cy ?
De crier je me rons la voys118.
GUILLOT
Holà, mon Maistre, [à vous ge]119 voys.
Entrez ! Vous soyez bien venu !
270 Vous est-il nul mal avenu,
Depuys le temps [qu’estiez aux vignes]120 ?
LE MARY
Je vous romp[e]ray les échignes121 !
[Vous vous ferez]122 rompre la teste !
GUILLOT
Vous puissiez avoir male123 feste !
275 Rompu vous m’avez le serveau124.
LE MARY
Dictes-moy quelque cas nouveau :
Où est ma femme ?
LA FEMME
A ! mon mary,
Bien voys qu[e vous] estes mar[r]y :
Le marchant125 ne vous a payé ?
LE MARY
280 Non126.
LA FEMME
Ne s’est-il poinct essayé
De vous faire quelque raison127 ?
LE MARY
Raison ? Par ma foy, ma mye, non :
Car trouvé ne l’ay au logis.
Onques-puys que [je] le logys128,
285 [Je] ne l’ay veu.
LA FEMME
Vierge Marye !
Je ne fus jamais sy mar[r]ye.
À tous les deables soyent les meschans
Qui trompent ainsy les marchans,
Les gens d’honneur et gens de bien !
LE MARY
290 Et de nouveau y129 a-il rien ?
Que dict-on de bon ?
LA FEMME
Tout va bien.
GUILLOT
Tout va bien, puysque [on mect] la nappe130.
LA FEMME
Y fauldra [donc] que je te happe131 ?
GUILLOT
Mon Maistre, voicy la nape myse.
295 Il[z] ont bien levé la chemyse.
LE MARY
Qui, Guillot ?
GUILLOT
Qui ? Ma foy, personne.132
.
LA FEMME SCÈNE XII
Guillot, que [plus] mot on ne sonne133 !
GUILLOT
Qui, moy ? Sy feray, par mon âme !
Que me donnerez-vous, ma Dame ?
300 Et je n’en diray rien.
LA FEMME 134
Guillot,
Voylà pour toy. Ne sonne mot !
GUILLOT
Voicy ce que je demandoys.
Et ! que l’amoureulx est courtoys135,
D’estre sy long temps au retraict !
LA FEMME
305 Tays-toy ! Auras-tu tant de plet136 ?
.
Et puys, mon mary ? Comme[nt] esse SCÈNE XIII
Qu’il vous a joué de finesse,
Ce méchant, [ce] malureulx homme ?
GUILLOT
Y vouldroict bien [myeulx] estre à Romme,
310 Vostre amoureulx dont n’ose dire.
LA FEMME
J’ey le myen cœur tant remply d’ire
De ce sot qui ront137 nos propos !
Y s’en estoyt alé dehors,
Ce meschant ?
LE MARY
Ouy, [ne l’ay trouvé]138.
315 C’est un méchant laron prouvé139 !
Je suys fort las : j’ey tant troté !
GUILLOT
Hélas ! povre Amoureulx140 croté,
Tu es bien en [un] grand soulcy !
LE MARY
« [Povre] amoureulx » ? Dea ! qu’esse-cy ?
320 A-il un amoureulx céans ?
LA FEMME
A ! Nostre Dame d’Orléans !
Prenez-vous garde à ce qu’i dict ?
LE MARY
Je puisse estre de Dieu mauldict
Sy ne j’en sçay la vérité !
325 Vien ç[à ! Dy,] qui t’a incité
De parler d’un [povre] amoureulx ?
Je ne seray jamais joyeulx
Jusques à ce que le séray141.
GUILLOT
Que je l’ay dict, il n’est pas vray :
330 Jamais [je] n’en parlis, mon Maistre.
LE MARY
Vertu142 bieu ! Que peu[lt-]ce cy estre143 ?
Je l’ay ouÿ de mes horeilles144.
LA FEMME
Mon mary, [trop] je m’émerveilles
Que prenez garde à ce… lourdault.
LE MARY
335 Je l’ay ouÿ dire145 toult hault.
Vien çà, malhureulx ! Qu’as-tu dict ?
GUILLOT
Rien, ou je soys de Dieu mauldict !
LE MARY
Rien ? Et de quoy parlès-tu donques ?
GUILLOT
Escoustez que je [dis adonques]146 :
340 Je parloys de la haquenée147,
Qui a esté bien chevauchée
D’un aultre bien myeulx que de vous.
LE MARY
Je prye à Dieu que les maulx loups148
Te puisse[nt] le gosier ronger !
[LA FEMME]
345 Ce fol ne faict [cy] que songer ;
Laissez cela.
[LE MARY]
Avez-vous rien
À menger ? Je mengeroys bien :
Je n’ay mengé puys que partys.
GUILLOT
Quoy ! voulez-vous d’une perdris149 ?
350 Baillez-moy, sans plus enquérir,
De l’argent : je l’iray quérir.
LE MARY
Tient, voylà cinq soublz150.
.
GUILLOT 151 SCÈNE XIV
Voylà la beste.
A ! mort bieu, je leur en apreste152 !
Je prens argent à toutes mains153.
355 Voycy pour moy, c’est pour le moins ;
Je le métray dedens ma bource.154
.
Mon Maistre cher155, qu’on ne se course156 ! SCÈNE XV
Voicy la perdrys, que j’aporte.
LE MARY
Où l’as-tu prise ?
GUILLOT
Où157 ? En la porte.
LE MARY
360 La portoyt-il toute rôtye ?
GUILLOT
Ouy. Et avec [est] la rostye158,
Que vous voyez icy dessoublz.
LE MARY
Combien couste-elle ?
GUILLOT
Cinq soublz159.
LE MARY
Sus, sus, mengeons ! Qu’on s’esjouisse !
365 Comment ! qu’est devenu la cuisse ?
LA FEMME
Par Nostre Dame ! je ne sçay160.
LE MARY
Qu’en as-tu faict ?
GUILLOT
Je [la laissay]161
Tumber, puys le chat l’a mengée.
LE MARY
L’auroys-tu162 poinct bien vendengée ?
370 Tu as esté, par Dieu, le chat !
LA FEMME
C’est pour la paine de l’achat ;
Cela luy a faict un grand bien.
GUILLOT
Sy mengée l’ay, je n’en sçay rien ;
Plus ne m’en souvyent, par la mort !
LE MARY
375 Mengez, ma femme ! Tiens, Guillot :
Mors163 ! Puys après, nous verse à boyre !
GUILLOT
Buvez donc tout [fin] plain le voyr[r]e164,
Puys après, je vous plègeray165.
Atendez, je commenceray.
380 Je boys à vous, tous deulx ensemble166 !
Et puys, mon Maistre : que vous en semble167 ?
Ay-ge failly ?
LE MARY
A ! par Dieu, non !
LA FEMME
Guillot est un bon compaignon.
GUILLOT
À bien « sifler168 », ne faulx jamais.
.
L’AMOUREULX SCÈNE XVI
385 Je suys servy d’un piteulx mais169.
Hélas ! je ne séroys issir170.
.
LE MARY SCÈNE XVII
Qu[i] esse là que j’os171 toussir ?
GUILLOT
Que c’est ? C’est vostre bidouart172
Qui a la toux…
LE MARY
Dieu y ayt part173 !
.
LA FEMME 174 SCÈNE XVIII
390 Mon amy, vous nous gasterez175.
Je vous prye, quant vous toussirez,
Afin qu’on ne vous oye, [de faict]176,
Métez la teste [en ce]177 retraict.
.
L’AMOUREULX SCÈNE XIX
Voycy des mos fort rigoureulx.
395 Hélas ! fault-il c’un Amoureulx
Mète la teste en sy ort178 lieu ?
Et ! qu’esse-cy ? Hélas, vray Dieu !
Las ! je ne puys [r]avoir179 ma teste.
Voicy, pour moy, dure tempeste.
400 Et oultre plus, la puanteur,
Hélas, me faict faillir le cœur.
J’ey le visage plain d’ordure.
.
GUILLOT,180 [en chantant :] SCÈNE XX
Endure, povre Amoureulx, endure ! 181
Parlez plus bas, de par le deable !
L’AMOUREULX
405 Voicy un cas fort pitoyable.
Fault-il que je meures icy ?
GUILLOT
Par la chair bieu ! il a vessy182,
Au moins, ou183 ne sent guère bon.
Et vous faisiez du compaignon,
410 Naguères, avec ma Mêtresse.
.
LE MARY 184 SCÈNE XXI
Guillot !
GUILLOT 185
Qu’esse ?
LE MARY
Sy grand détresse
M’est venu[e] empongner sy fort
Au petit ventre186 ! Que nul confort
Trouver ne puys. Y fault d’un traict
415 M’aler esbatre à mon retraict,
Afin que mon mal s’amolice.
GUILLOT
Et moy, un peu fault que je pisse.
Et ! je vous tiendray compagnye.
LE MARY
Hélas, le ventre !
GUILLOT
Et ! la vessye !
LE MARY
420 Je croy que tu faictz de la beste.
L’AMOUREULX
Las ! y me chiront sur la teste.187
LE MARY 188
Et ! qu’esse-cy ? Las ! je suys mort !
L’AMOUREULX
Brou ! [Brou !] Ha ! Ha189 !
GUILLOT
Et ! fuyons fort !
Gardez bien qu’i ne vous emporte !
LA FEMME
425 A ! Nostre Dame, je suys morte !
L’AMOUREULX
Je vous porteray en Enfer
Avec le maistre Lucifer,
Lequel vous romp[e]ra la teste !
GUILLOT
Et ! aportez de l’eau bénoiste190 !
430 Asperges me, Domyne191 !
Mon Maistre, vous estes danné :
[L’afreux]192 deable vous vient quérir.
LE MARY
Et ! doulx Dieu !193
.
L’AMOUREULX SCÈNE XXII
Et ! de [tant] courir,
De la grand peur, y sont fuÿs.
.
LA FEMME SCÈNE XXIII
435 De courir, hors d’alaine suys.
GUILLOT
Et moy aussy.
LE MARY
A ! Nostre Dame,
En vostre garde ayez194 mon âme !
GUILLOT
Et moy la mienne ! Où est-il alé ?
Je croy qu’i soyt redévalé
440 Là-bas, au grand [puits] infernal195.
LA FEMME
Qu’i m’a faict de peur et de mal !
LE MARY
Hélas196 ! doulx Dieu, que pouroit-ce estre ?
GUILLOT
A ! je sçay bien que c’est197, mon Maistre.
LE MARY
Et quoy ?
GUILLOT
Au deable les jaloux198 !
445 Il199 vous eust e[n]traîné trè[s]toulx200
En Enfer, se n’eust esté moy201.
Escoustez la raison pourquoy :
C’est que tantost, par cas difame202,
Avez esté vers203 vostre femme
450 Jaloux, sans cause ny raison.
Et n’ust esté mon oraison204,
Le deable des jaloux porté205
Vous eust là-bas, et transporté.
Or, ne soyez jamais jaloux.
455 Métez-vous donc à deulx genoulx ;
Cryez mercy206 à vostre espouse.
LE MARY
La fièbvre cartaine m’espouse
Sy jamais je [ne seray]207 jaloux !
GUILLOT
Métez[-vous donc à deulx]208 genoulx.
LE MARY
460 Je pry Dieu que ravissans loups209
M’estranglent se plus je marmouse210 !
GUILLOT
Mectez-vous donc à deulx genoulx ;
Criez mercy à vostre espouse.
[LA FEMME] 211
Me voylà.
GUILLOT
Sus ! que l’on ne bouge212 !
465 Ne luy criez-vous pas mercy ?
LE MARY
Ouy, et me mes213 à [sa] mercy.
Du toult, à elle m’abandonne.
GUILLOT
Pardonnez-luy !
LA FEMME
Je luy pardonne.
GUILLOT
Voylà vescu honnestement.
470 Vous luy pardonnez ?
LA FEMME
Ouy, vraiment.
GUILLOT
Or sus ! Mon Maistre, levez-vous.
Vous ne serez jamais jalous,
Ores214 ?
LE MARY
Que je soys donq bany !
GUILLOT
(Voylà un bon Jehan de Lagny215,
475 [La] mort bieu ! Il en a bien d’une216.)
.
L’AMOUREULX SCÈNE XXIV
J’ey eschapé belle fortune217 !
Sans ma218 finesse, j’estoys mort.
Ce n’est pas tout que d’estre fort ;
Mais c’est le tout (pour abréger),
480 Quant l’on est en quelque danger,
[Que] trouver fault manyère et stille219
D’en eschaper, et estre abille220
En évytant la mort et blâme.
Messieurs, de peur qu’on ne nous blâme,
485 Disons, au partir de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu !
.
FINIS
*
.
..
D’UNG GENTIL HOMME DE PICARDIE 221
.
…Le douloureux222 mary, plus jaloux que nul homme vivant, fut contrainct d’abandonner le mesnaige & aller aux affaires, qui tant luy touchoient que, sans y estre en personne, il perdoit une grosse somme de deniers…. En laquelle gaignant, il conquist bien meilleur butin, comme d’estre nommé coux223, avec le nom de jaloux qu’il avoit auparavant. Car il ne fut pas si tost sailli de l’ostel224, que le gentil homme, qui ne glatissoit225 après aultre beste, vint pour se fourrer dedans ; & sans faire long séjour, incontinent exécuta ce pour quoy il venoit, et print de sa dame tout ce que ung serviteur en ose ou peut demander….
Ce dyable de mary (…) revint le soir, dont la belle compaignie — c’est assavoir de noz deux amoureux — fut bien esbahie….
Nostre povre gentil homme ne sceut aultre chose que faire, ne où se mussier226, sinon que de soy bouter dedens le retraict de la chambre…. Le povre gentil homme rendoit bien gaige227 du bon temps qu’il avoit eu ce jour, car il mouroit de fain, de froit et de paour. Et encores, pour plus engrégier228 son mal, une toux le va prendre, si grande et si horrible que merveille…. La dame, qui avoit l’œil et l’oreille tousjours à son ami, l’entre-ouÿt d’aventure, dont elle eut grant frayeur au cueur, doubtant229 que son mary ne l’ouÿst aussi. Si treuve manière, tantost après souper, de soy bouter seulette en ce retraict ; et dist à son amy, pour Dieu, qu’il se gardast ainsi de toussir….
Quant ce bon escuier se vit en ce point assailly de la toux, il ne sceut aultre remède, affin de non estre ouÿ, que de bouter sa teste au trou du retrait, où il fut bien ensensé (Dieu le sçait !) de la confiture de léans230…. La toux le laissa. Et se cuidoit tirer hors ; mais il n’estoit pas en sa puissance de se retirer, tant estoit avant et fort bouté léans…. Il se força tant, qu’il esracha l’ais percé231 du retrait, et le raporta à son col. Mais en sa puissance ne eust esté de l’en oster….
À tout l’ais232 du retraict à son col, l’espée nue en sa main, la face plus noire que charbon, commença à saillir233 de la chambre. Et de bonne encontre, le premier qu’il trouva, ce fut le dolent234 mary, qui eut de le veoir si grant paour — cuidant que ce fust le dyable — qu’il se laissa tumber du haut de luy235 à terre (que à peu qu’il ne se rompît le col), & fut longuement pasmé236. Sa femme, le voyant en ce point, saillit avant, monstrant plus de semblant d’effrey qu’elle ne sentoit beaucoup237…. Il dist, à voix casse238 et bien piteuse : « –Et ! n’avez-vous point veu ce deable que j’ay encontré ? –Certes, si ay (dist-elle). À peu que je n’en suis morte de la frayeur que j’ay eue de le veoir ! –Et dont peult-il venir céans (dist-il), ne qui le nous a envoyé ?…. »
Et depuis, continua arrière le dyable dessusdit, le mestier que chascun fait si volentiers, au desceu239 du mary et de tous aultres, fors de une chambèrière secrète.
*
1 Chez elle, seule. 2 LV : complaindre (à la rime.) 3 Sous ses lacs, sous son joug. 4 Plaisir. Idem vers 114. 5 Aussi, je le servirai d’un mets, d’un plat à ma façon. Idem vers 385. 6 Dans un beau garçon. 7 De coucher avec lui. 8 Il entre par le rideau de fond, et accomplit une quelconque tâche ménagère en chantant. 9 Chanson inconnue. Brown, nº 143. 10 Tu mets. Cette graphie du verbe mettre, qui revient aux vers 37 et 466, est propre au copiste. 11 Imbécile. Un Sot des Coppieurs et Lardeurs se nomme Malostru. 12 Les versions actuelles de cette comptine reflètent mal ce que devait être la version originale, certainement beaucoup moins innocente. Le très rabelaisien Philippe d’Alcripe s’en souviendra en 1579 : « Descharge, tu as vendu ! Turlututu, chappeau pointu ! » Le Mistère du Viel Testament en a tiré un personnage ridicule, monsieur Turelututu. 13 Cette chanson normande a pour titre : C’est de la rosée de mai. La « rosée de moi » qu’évoque Guillot s’apparente à la « douce rosée de Nature » que Béroalde de Verville fait couler du « manche de Priape ». 14 Es-tu atteint de la teigne, que tu gardes ton bonnet sur la tête ? 15 Poli. 16 De ne pas mettre. Il faut enlever son bonnet quand on parle à des gens qui nous sont supérieurs. Dans Messire Jehan, on prie un autre badin de s’adresser au curé en ayant toujours « la main au bonnet ». 17 Le petit oiseau. Chanson d’Antoine de Févin, mort en 1512. Le vers 195 du Pèlerinage de Mariage en est tiré. Brown, nº 173. 18 À mon chignon. Mais aussi : à mes plaques de teigne, ce qui répond au vers 35. 19 Mon secret, mon projet. 20 LV : ronge (« Mais si j’empoigne un baston rond,/ Bien te feray tirer tes guestres ! » Le Cousturier et Ésopet.) 21 Guillot s’indigne de ce mot bénin, alors que sa patronne l’a précédemment traité de cerveau léger, de malotru et de teigneux, et qu’elle va encore le traiter impunément de friand bémi [de glouton niais], de méchant, de vilain, de laid, de sot, de fou, et de… lourdaud (vers 334). Mais Guillot, qui est un grand amateur de chansons, a peut-être en mémoire celle qui s’intitule Lourdault, lourdault, lourdault : je l’ai publiée dans la notice de Régnault qui se marie. 22 Que tu ne manqueras jamais de rien. 23 Vous le regretterez. « Par Dieu, la chanson vous cuyra ! » Le Ribault marié. 24 LV : guillot 25 En fait, il est allé se faire payer les fournitures dont il a fait crédit à un autre marchand. 26 Je te promets sur ma main, que je mets dans la tienne en guise de gage. 27 LV : jamais 28 Un faux pas. 29 Appétissant. C’est bien ce que fera sa patronne au vers 89, mais elle donnera au mot « friand » son autre sens : goinfre. LV ajoute dessous : que lourdault 30 Il n’y a aucun saint, aussi saint soit-il. 31 LV : non 32 LV : chere (J’aimerais mieux. « J’aymeroye plus cher estre à Romme. » Raoullet Ployart, et l’Aveugle et Saudret.) 33 Un glouton niais. Cf. Lucas Sergent, vers 69. 34 LV : soublz rys 35 Les Badins sont coiffés d’un béguin [bonnet de nourrisson]. Rien ne leur fait plus plaisir que de pouvoir empiler un bonnet d’adulte par-dessus. « Et un bonnet te donneray. » C’est ce que promet au Badin qui se loue l’amant de sa patronne ; voir la note 87 de ladite farce. Notons que le bonnet pointu est l’apanage des juifs, des astrologues et des médecins, trois catégories qui prêtaient à rire. 36 LV : venoyt (Être venant = venir. « Bien soyez venant ! » ATILF.) 37 LV : chast (Sous ce vers, il manque un vers en -sir pour amorcer le triolet.) 38 Il est dans la rue, et s’approche de la maison. 39 Peu importe l’argent, si on n’a pas de plaisir. 40 LV : est metresse (à la rime.) C’est celle qui fait sortir de mon cœur les soucis. 41 On songe à la Barbe bleue, de Charles Perrault : « Ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » 42 Par la porte entrouverte, il voit venir l’amoureux. Il se dépêche de refermer. 43 Il toque à la porte, chargé d’une besace pleine de victuailles. 44 LV : hola (Voir le vers 218.) 45 Vous frappez à la porte. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 25. 46 Là-dedans. Idem vers 226. 47 LV : voyesine 48 La femme invente ce sobriquet pour ne pas compromettre le noble, qui doit avoir un nom à particule. Dans les Cent Nouvelles nouvelles, le patronyme du gentilhomme picard n’est pas davantage révélé. À tout hasard, on trouvait en Normandie des sieurs de La Cocquerie. 49 Fais-le. Ce pronom normand peut s’élider devant une voyelle : « Alons-nous-en, laisson–l(ay) en pais. » Troys Gallans et Phlipot. 50 À condition que je sache s’il a de la nourriture dans sa besace. 51 Du vin en guise de pourboire : ce mot vient de là. 52 Laid. « Soit bel ou let. » L’Aveugle et Saudret. 53 Prononcer « maclerage ». Cette forme métathétique de maquerellage est bien attestée : « Une de ses femmes, qui sçavoit parfaictement le mestier de macqueleraige. » (Anthoine Le Maçon.) La forme contractée est plus souvent macrelage : « De faire ung secret macrelaige/ Pour ung gueux bien anvitallié. » (Jehan Molinet.) 54 Et pourtant. 55 Son plaisir. Idem vers 251. « Coucher dedens quelque beau lit./ Et là prendrez vostre délit. » Régnault qui se marie. 56 Je ferai le pied de grue, je monterai la garde. Un veau est un imbécile. 57 Guillot vient de se métamorphoser lui-même en trois bêtes : un poisson, un oiseau, un ruminant. 58 Sans que vous me mettiez de force de l’argent dans la main. 59 Il laisse entrer l’amoureux, et il met l’écu dans sa bourse. 60 Voilà de bonnes manières. Idem vers 469. 61 LV : faictes le moy (Faites-lui l’amour. « Pour la bien faire taire,/ Il luy fault prendre ung bon “clystère”…./ S’el prent médecine par “bas”,/ Jamais tu n’auras nulz débas. » Deux hommes et leurs deux femmes.) Guillot, près de la porte, se livre à des commentaires qui prennent à témoins les spectateurs ; le couple est trop loin pour l’entendre. 62 LV : vous maues (Vous ne risquez pas.) 63 Quelque chose à manger. 64 Que je me ressente, que je profite. 65 Museau, minois : jolie fille. Cf. les Tyrans, vers 202. 66 LV : transye (Je suis transporté. Cf. Lucas Sergent, vers 282.) 67 LV : ou est (Et dire que mon maître n’est pas là !) 68 Pénétrez-moi, puisque mon mari en est sorti. 69 Ne vous souciez pas d’autre chose. 70 « L’amoureux passe-temps. » La Ruse et meschanceté des femmes. 71 Aux champs : dans un lointain village. C’est la litote qu’emploient les marchands qui ont rendez-vous avec un gros client : voir les vers 48-49 et la note 79 d’Ung Mary jaloux. 72 Je ne refuse pas de vous obéir. 73 Firmin. « Fermyn de Mésan. » (Débat de deux gentilz hommes espagnolz.) Sangler une femme, c’est la besogner : cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 88. « Mulet » joue sur le latin mulier [femme] : « Sanglée comme ung beau mulet. » Le Povre Jouhan. 74 J’ai tout ce que je souhaite. 75 Terme affectueux. Cf. Jolyet, vers 57. 76 Le mulet du vers 173 aura bientôt sa ration d’avoine. Mais la femme aura bientôt sa ration de sperme : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 15 et note. 77 Qu’il vous enverrait paître, avec le même sens qu’aujourd’hui. Cf. le Raporteur, vers 72. Les amants s’embrassent. 78 LV : en ce 79 LV : souhaict (J’ai à mon entière disposition.) 80 L’amoureux tire de sa besace un papier dans lequel est enveloppée une volaille rôtie, pour la collation qui précède traditionnellement le coït : « J’aporteray pour le repas/ Un gras chapon avec une oie. » (Le Poulier à sis personnages.) LV ajoute dessous : ma mye 81 Il faut que j’apporte une casserole. (Cf. le Munyer, vers 437 et note.) La femme en prend une et pose le gibier rôti dedans. LV reporte le mot casse au début du vers suivant. 82 LV : voyre du don (Il nous faut aussi boire du bon vin. « Que je perds les biens et la veue/ À force de boire du bon. » Olivier Basselin.) Le galant tire de sa besace une bouteille. 83 Totalement. Idem vers 467. 84 LV : vous (« Je bois à vous, à vostre santé. » Furetière.) 85 Tout comme dans les Cent Nouvelles nouvelles, l’amant est un gentilhomme : « –Je boys à vous ! –Grand mercy, sire ! » Le Poulier à sis personnages. 86 LV : quel 87 Pas autant que moi. « Maistre, je bois à vous d’autant ! » L’Aveugle et Saudret. 88 LV met ce fragment sous le vers 204. 89 Vous pétez de santé. L’enfant Gargantua <chap. 11> « pettoyt de gresse » et, comme au vers 228, « gardoyt la lune des loups ». Guillot abandonne la porte et rejoint les deux buveurs. 90 Épargnez-la un peu. 91 Je vous ferai raison à sa place, en vous portant des toasts. Idem vers 378. Guillot boit le verre de sa patronne. 92 Le vin n’est pas ressorti de mon estomac. 93 LV : reculle (Jamais il ne rechigne. « Et ce firent sans rebouler. » Godefroy.) 94 La gueule (normandisme). « Il nous fault eschauffer/ Par la goulle. » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) Faillir par la gueule, ou par le bec, c’est être à court d’arguments. Mais Guillot sous-entend : si ma bouche a une défaillance au moment de boire. 95 En aucune créature. Ou bien : En aucun idiot. 96 Ne cessez pas de. 97 Il tape à la porte, derrière laquelle se trouve Guillot. Le couple est trop loin pour entendre leur dialogue. 98 LV : dedens (Là-dedans.) 99 De coups. « Coux » signifie cocu, comme dans les Cent Nouvelles nouvelles. 100 LV : quenee (Que Dieu nous protège ! « Les enfans de Dieu peuvent bien dire à tous leurs ennemis ce qu’on dit en commun proverbe : Dieu gard la lune des loups ! » Pierre Viret.) 101 Puant. 102 LV : le mary guillot 103 LV : non (Feignant de n’avoir pas reconnu la voix de son patron, Guillot en profite pour le tutoyer.) 104 Sarclés. « Sacler blés. » (Godefroy.) Vos affaires vont bien. 105 Ce que. « Conseillez-moy que faire doy. » Jeu du Prince des Sotz. 106 Vous aurez du ravaut, du bâton. Voir la note d’André Tissier : Recueil de farces, t. I, 1986, pp. 179-242. 107 Dans les cabinets, qui sont fermés par une porte. 108 LV : dens le (Je corrige de même le vers 393.) 109 Un pitoyable plaisir. 110 S’il regardait sous le lit. 111 Bien malheureux. Cf. Poncette et l’Amoureux transy, vers 81. 112 Qu’il ne me frotte les reins avec un bâton. L’auteur normand amuït le « r » de « po(r)te », comme celui de « sa(r)clé » à 235 ; ce phénomène d’amuïssement explique les rimes des vers 30, 145, 223, 234, 313, 374. 113 Avant. 114 Guillot boit le verre de l’amoureux. 115 LV : helas 116 La bécasse (prononciation normande). 117 Il est certain. Guillot arrache une cuisse et la mange. La femme pose la casserole compromettante sur le bord extérieur de la fenêtre. 118 Je me casse la voix. 119 LV : gy (Je vais à vous. « À vous je vois. » L’Aveugle et Saudret.) Guillot ouvre la porte. 120 LV : que ne vous vimes (Les vignes représentent un village campagnard, comme les champs des vers 19, 59 et 164.) 121 L’échine. « Rom-pe-rai » compte pour 3 syllabes, grâce au « e » svarabhaktique normanno-picard, comme à 428. « Je te romperay le museau ! » Jéninot qui fist un roy de son chat, et les Chambèrières et Débat. 122 LV : me faictes vous (« Vous vous ferez bien batre ! » Le Mince de quaire.) Le maître tape sur la tête de son valet. 123 Une mauvaise. 124 Ce n’est pas une grosse perte : Guillot était déjà « léger du cerveau » (vers 26). 125 LV : mechant (Le mari, qui est grossiste, avait rendez-vous avec un commerçant qui devait lui payer des marchandises achetées à crédit ; mais ce dernier lui a posé un lapin.) 126 LV : nom 127 N’a-t-il pas essayé de vous faire réparation ? 128 Depuis que je l’ai logé ici. Sur la route des foires, les commerçants trouvaient plus économique — et moins risqué — de loger chez un confrère. 129 LV : et (Le copiste a confondu le « y » du manuscrit de base avec une esperluette « & ».) Y a-t-il quelque chose de nouveau ? 130 « On dit aussi qu’on met la nappe, quand on reçoit la compagnie chez soy, lorsque les autres apportent de quoy manger. » Furetière. 131 Que je t’attrape. Cf. le Pardonneur, vers 226. 132 Le mari va chercher ses bagages, qu’il a laissés devant la porte. 133 Ne dis plus rien. « O ! que plus mot on ne me sonne ! » L’Arbalestre. 134 Elle donne de l’argent au valet, qui le met dans sa bourse. 135 LV : je croys (Cette remarque est ironique : il était discourtois de monopoliser les toilettes.) 136 De plaids, de bavardages. Le mari revient. 137 Qui interrompt. 138 LV : pour vray (Au vers 283, le mari disait déjà : « Car trouvé ne l’ay au logis. ») 139 Un fieffé voleur. « Tu sembles bien larron prouvé ! » Le Brigant et le Vilain. 140 Extrait d’une chanson non identifiable que Guillot reprend au vers 403. 141 Jusqu’à ce que je le sache. Même forme normande à 386. 142 LV : vert tu (« Vertu bieu ! qu’esse à dire ? » Le Poulier à quatre personnages.) 143 Qu’est-ce donc ? « Que peult-ce estre ? » Frère Guillebert. 144 Quoi qu’on en dise, ce « h » initial est bien attesté : voir par exemple le v. 257 des Povres deables, le v. 93 de la Mère de ville, ou le v. 15 de l’Aveugle, son Varlet et une Tripière. 145 LV : y disoyt 146 LV : vous comptes (Ce que je dis maintenant.) 147 De votre jument. Mais aussi : De votre femme. Voir la ballade intitulée Une haquenée atout le doré frain, dont le refrain est : « Ainsi que dient ceulx qui l’ont chevauchée. » Poésie homosexuelle en jobelin, GKC, 2007, pp. 98-100. 148 Que les maudits lupus, que les ulcères. « Les loups luy mangent les jambes : il a les jambes mangées d’un mal que l’on appelle loups. » Antoine Oudin. 149 C’est encore une perdrix au vers 358, mais c’était une bécasse aux vers 189 et 264. Les versificateurs étaient soumis à la tyrannie de la rime… 150 5 sous. 151 Il sort, et prend sur la fenêtre la casserole où se trouve la volaille, amputée d’une cuisse. 152 LV : baille (Confusion avec « apprêter des bayes [des moqueries] ». « Et luy apprestois bien des bayes. » Frère Fécisti.) En apprêter à quelqu’un = lui préparer un mauvais tour. 153 De tous les côtés : cf. les Povres deables, vers 166. 154 Guillot met les 5 sous dans sa bourse, et porte la casserole dans la maison. 155 LV : grand chere 156 Ne vous courroucez pas. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 237. 157 LV : cy (Le rôtisseur ambulant passait devant notre porte.) 158 La tranche de pain grillé sur laquelle coule la graisse de la volaille. C’est encore la recette de la caille sur canapé. 159 Guillot va donc garder pour lui les 5 sous, en plus de l’écu qu’il a extorqué au galant comme droit d’entrée (vers 147), de l’argent grâce auquel l’épouse a acheté son silence (vers 301), du bonnet dont elle lui a fait cadeau pour le soudoyer (vers 96). Et je ne compte pas la nourriture et la boisson, ni le plaisir qu’il a dû prendre à se moquer de tous ces gens supérieurs qui le traitent de lourdaud. 160 LV : scays (Voir les vers 324, 373 et 443.) 161 LV : lay laissee (Cf. l’Avantureulx, vers 56.) 162 LV : laires tu (Vendanger = voler. Le Badin Guillerme, qui a gobé une des deux figues que le curé lui a confiées, lui montre la dernière, s’attirant cette remarque : « Il n’y en a qu’une ?/ Je croy que l’autre est vendangée. ») 163 LV : mort (Le mari donne à Guillot l’os de la seconde cuisse pour qu’il morde dedans.) 164 Ce verre bien plein. 165 Je vous ferai raison (note 91). 166 Guillot boit les verres de ses patrons. 167 « Et puis, m’amour, que vous en semble ? » Deux hommes et leurs deux femmes. 168 Boire. « Siffler le vin en abondance. » (Parnasse des Muses.) Nous disons toujours : Siffler un verre. 169 D’un pitoyable aliment. 170 Je ne saurais sortir. Le galant tousse. 171 Que j’ois, que j’entends tousser. 172 LV : haquenee (Un bidouard est un petit cheval : cf. le Gaudisseur, vers 86. Mais c’est également un des noms du pénis, qui tousse quand il est trop vieux.) 173 Que Dieu lui vienne en aide ! 174 Elle entre dans les toilettes. 175 Vous nous ferez découvrir par mon mari. 176 LV : en efaict (En pratique. « De faict,/ Y me fault aler au retraict. » Lucas Sergent.) 177 LV : dens le (Note 108.) La femme retourne à table. 178 Sale. L’amoureux plonge sa tête dans le trou. 179 Récupérer. Mahuet, aux vers 117 et 220, ne peut « ravoir » sa main, qu’il a coincée dans un bocal de crème. 180 Il entre dans les toilettes, en chantant pour couvrir les plaintes de l’Amoureux. 181 Voir la note 140. Nous ne possédons plus cette rengaine, qui a dû finir dans un retrait, mais des quantités d’autres serinent les mêmes clichés ; voir par exemple celle qui figure aux vers 28-35 du Povre Jouhan. 182 Il a vessé, pété. 183 LV : on 184 En se tenant le ventre, il essaie d’ouvrir la porte des toilettes, que Guillot a fermée de l’intérieur. 185 Sans ouvrir la porte. 186 Au bas-ventre. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 23. 187 L’amoureux se relève en arrachant la planche, qu’il porte autour de son cou comme un pilori. Sa figure est noire d’excréments. Pour ce genre de « maquillage », on utilisait du son mouillé, qui a la consistance et la couleur voulue ; voir la note 204 du Munyer. 188 Il parvient à ouvrir la porte, et tombe nez à nez avec un diable noir qui brandit son épée en hurlant. Voir l’illustration des Cent Nouvelles nouvelles. John Harington, le poète (car il en fallait bien un pour cela) qui inventa la chasse d’eau en 1596, publia une gravure où le diable fuit un homme assis sur un retrait. Nous devons cette trouvaille à Jody Enders, la traductrice américaine de notre farce : Holy Deadlock and further ribaldries. University of Pennsylvania Press, 2017, pp. 59-99. 189 Dans les Mystères, c’est le hurlement traditionnel des diables. « Brou ! Brou ! Ha ! Ha ! Puissans deables iniques ! » (Mystère de saint Martin.) Dans les Trois amoureux de la croix, un amoureux déguisé en diable profère ce cri au vers 429. 190 De l’eau bénite, pour l’exorciser. Les Normands prononçaient « bénète » : « Dame nonnète,/ Vous voulsissiez que l’eau bénoiste.» Les Mal contentes. 191 Tu m’aspergeras, Seigneur ! (Psaume 51.) Même vers dans les Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures pour avoir de l’eaue béniste. 192 LV : lamoureulx (La confusion tient au fait que c’est l’Amoureux qui fait le diable.) 193 Le mari, la femme et Guillot s’enfuient de la maison. Le mari a complètement oublié son besoin pressant ; il s’est peut-être conchié de peur, comme tant d’autres personnages de farces. 194 LV : prenes 195 « Puys infernal, dampné gouffrineux roc !/ Deable d’Enfer, que vault ton villain croc ? » (Mystère de saint Martin.) Là-bas = en bas, en enfer. Idem vers 453. 196 LV : et 197 Ce que c’est, de quoi il retourne. 198 Quand on voue les jaloux au diable, il les emporte en enfer. 199 LV : qui (Le diable.) 200 Tout entier. 201 Si je n’avais pas été là pour le faire fuir à coup de latin (vers 430). 202 Infâme. 203 Envers. 204 Ma conjuration latine. 205 LV : emporte (Voir le vers 426.) 206 « À jointes mains et à genoux,/ (Ton mari) te crira mercy. » Le Ribault marié ; ledit ribaud, du moins, implore à genoux le pardon de son épouse parce qu’il l’a trompée, et non pas parce qu’elle l’a trompé avec la complicité intéressée du confesseur. 207 LV : suys (Voir le vers 472.) Dans Martin de Cambray <F 41>, un amoureux déguisé en diable emporte la femme d’un jaloux, qui promet alors de ne plus l’être : « M’amye, je vous cri mercy !/ Jamais, nul jour, ne le seray ! » Le vers précédent, qui provient des Chambèrières et Débat, perturbe le triolet. 208 LV : metes vous a (Même refrain que 455 et 462.) 209 Des loups ravisseurs. « De ces loups ravissans remplis de cruauté. » La Chasse du loup. 210 Si je grogne encore. Cf. les Coquins, vers 297. 211 LV : le mary 212 La rime est anormalement faible, sauf si Guillot prononce « bouse », pour se moquer du peureux qui s’est chié dessus. 213 Et je me mets. 214 LV : or non (Désormais.) 215 Un homme velléitaire, qui n’a aucune suite dans les idées. Voir la notice de Jehan de Lagny. 216 On lui en a fait une bien bonne. « Tu m’en bailles bien d’une ! » D’un qui se fait examiner. 217 Je l’ai échappé belle. 218 LV : la (Sans ma présence d’esprit.) 219 Style. Qu’il faut trouver l’art et la manière. 220 Habile. 221 Voici des extraits de la 72e des Cent Nouvelles nouvelles, qui a fourni le sujet de la farce. 222 Le fâcheux. 223 Cocu. 224 Sorti de sa maison. 225 Qui ne chassait. 226 Se musser, se cacher. 227 Remboursait avec les intérêts. 228 Aggraver. 229 Redoutant. 230 Qui était là-dedans. 231 Qu’il arracha la planche percée sur laquelle on s’assied. Ladite planche, qu’on appelle aujourd’hui la lunette, se nommait l’anneau : voir la 11e nouvelle de l’Heptaméron, de Marguerite de Navarre. 232 Avec la planche. 233 À sortir. 234 Le fâcheux. 235 De toute sa hauteur. 236 Évanoui. 237 Affichant plus d’effroi qu’elle n’en éprouvait. 238 Faible (féminin de l’adjectif cas). « J’ay la voix, dit-il, ung peu casse. » ATILF. 239 À l’insu.
LE GALLANT QUY A FAICT LE COUP
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LE GALLANT QUY
A FAICT LE COUP
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Pour une fois, le dindon de la Farce est une dinde : c’est l’épouse qui se fait rouler par son mari infidèle, et non le contraire. Cette farce rouennaise naquit avant 1536. Le titre qu’on lui assigne est une expression proverbiale1 sans rapport avec la pièce ; il fut ajouté en marge de la table des matières par une main plus récente que celle du copiste.
Nous avons là l’histoire d’un homme qui, avec la complicité d’un médecin, prétend être « enceint » par la faute de sa femme. Boccace2, lui, avait ridiculisé un homme à qui l’on faisait croire qu’il était enceint : « Tu n’as autre maladie sinon que tu es enceint et engroissié d’enfant vif. » Calandrin, oyant ceste parole, commença doulentement crier, et dire : « Las moy ! Tisse, ma femme, tu m’as fait ceste groissesse car tu veulz tousjours estre au-dessus de nos besongnes et, afin que tu voyes plus loing, tu montes sur moy. Et ! je te disoie bien que cecy en advendroit. » Tisse, doncques, femme de Calandrin, qui honneste estoit, fut moult honteuse.
Heureusement pour Calandrin, son médecin, comme celui de la farce, accomplit des miracles : En trois jours, il l’avoit délivré de grossesse d’enfant.
Nicolas de Troyes semble avoir combiné la nouvelle de Boccace (dont il a d’ailleurs copié la traduction dans son propre recueil3) avec notre Gallant quy a faict le coup. Je ne peux que reprendre ici le commentaire rédigé pour les Trois amoureux de la croix, où se pose un problème similaire : Nicolas de Troyes vit-il une représentation de notre farce ? En lut-il une des copies qui circulaient ? Connut-il une autre source de la même histoire ? Toujours est-il qu’en 1536, le sellier champenois traita le même sujet dans son Grant parangon des nouvelles nouvelles, resté inédit jusqu’au XIXe siècle. Je publie sous la pièce la nouvelle concernée.
Sources : Manuscrit La Vallière, nº 39. — L’édition parisienne de 1610 <Bibliothèque nationale de France, Yf. 1701>, établie d’après ce manuscrit, n’apporte rien. Voir ce qu’en dit André Tissier : Recueil de farces, t. VI, 1990, pp. 312-313.
Structure : Rimes plates, avec 6 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse
À quatre personnages, c’est à sçavoir :
LE MÉDECIN
LE BADIN [Oudin]
CRESPINÈTE 4
LA CHAMBÈRIÈRE [Mal-aperte]
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[LA CHAMBÈRIÈRE] commence en chantant.5
Il estoyt unne fillète SCÈNE I
Coincte et joliète
Qui vouloyt sçavoir le jeu d’amours.
Un jour qu’el estoyt seullète,
5 De Vénus en sa chambrète
Je luy en aprins deulx ou troys tours6.
Après avoir sentu [le goust] 7,
Elle m’a dict en se riant :
« Les premiers coups m’y sembloyent lours,
10 Mais la fin m’y sembloyt friant. »
Il m’enpongne, il m’enbrasse, il me baise8 fort.
LE BADIN
Me donras-tu poinct réconfort
De ce que j’ey nécessité ?
LA CHAMBÈRIÈRE
De quoy, mon maistre ?
LE BADIN
En la cisté
15 De Rouen ne de Houpeville9,
Il n’y a fille aussy habille10
Pour servir un maistre que toy.
Et sy, je te promais ma foy :
Quant je contemple ta personne,
20 Je n’ay membre qui ne frissonne.
Ton cœur vient le mien inspirer.
LA CHAMBÈRIÈRE chante 11
Franc cœur, qu’as-tu à soupirer ?
Es-tu poinct bien en ta plaisance ?
Prens en moy ton esjouyssance
25 [Comme un] 12 amoureulx doibt avoir.
LE BADIN
Tu me faictz le sang esmouvoir,
Foy que je doy à Nostre Dame !
Vien çà ! Preste-moy une drame13
De ton « service14 » corporel !
LA CHAMBÈRIÈRE
30 Ce n’est pas le droict naturel
À fille de s’abandonner.
LE BADIN
Il te fauldra bien gouverner :
De [ce, auras]15 nécessité.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Et, voy(e)re. Mais sy récité
35 Estoyt16, mon maistre, à ma mêtresse,
Vous congnoyssez17 qu’en ma viellesse
À jamais seroys diffamée.
LE BADIN
Tes-toy, tes-toy ! Ta renommée
Te sera gardée, par ma foy !
40 Touche là18 ! Je te faictz octroy19
De te donner ung chaperon.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Vous estes un bon aulteron20
Voy(e)re. Mais sy vostre « esperon »
Faisoyt tant que la pance dresse21,
45 Je veulx que me faciez promesse
Que me garderez mon honneur.
LE BADIN
Ne doubtes pas22 le déshonneur :
S’il advient que rien23 on congnoisse
Par subtilité ou finesse,
50 Ton honneur te sera gardé.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Or bien, donc ! Qu’i soyt regardé,
De moy, à vostre voulloir faire24.
Qu’on face tout ce qu’on doibt fère,
Et qu’i n’en soyt plus [de parole]25.
LE BADIN
55 Or me baise, et que je t’acolle.
Et puys tout sera acomply.
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CRESPINÈTE entre 26, fem[m]e du Badin.
Mectre je ne puys en ombly27 SCÈNE II
Les bonnes gens de ma maison.
Il y a jà longue saison28
60 Que j’en partys, grâces à Dieu.
Mais je seray tantost au lieu.
S’y veoyt mon aparission29
(Vélà30 où j’ey aff[e]ction),
Chascun d’eulx se resjouira ;
65 Oudin en fera mention
En toute place où il yra.
Vraiment31 Mal-aperte rira,
S(e) une foys arrivée je suys :
Certainnement el le dira
70 À grans et petis, d’huys en huys.
G’iray jusques-là, sy je puys ;
Dieu m’y veuile conduyre à joye !
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LA CHAMB[ÈRIÈRE] SCÈNE III
[Man]enda32 ! Bien folle j’estoye
De fère le33 vostre conseil ;
75 Vous estes homme nompareil,
On ne s’en pouroyt escombastre34.
LE BADIN
C’est une joye que de bastre
Les fessotes35 de ces fillètes,
Qui sont joinctes comme poullètes36
80 Qui n’urent jamais de poucins.
[Ces femmes qui ont si grans seins,]37
On ne peult dormir, auprès d’eulx38.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Et sy, par voz faictz vertueulx,
M’aviez faict un enfant au ventre ?
85 J’aroyes des couroulx plus de trente
Que ma maistresse sceust le faict.
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LE BADIN 39
Par ma foy, ma mye, il est faict ;
N’en [ayez deuil, à l’advenir]40.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
O ! malureuse, qu’ai-ge faict ?
LE BADIN
90 Par ma foy, ma mye, il est faict.
LA CHAMBÈRIÈRE
Par vous j’ey commys le forfaict.
Las ! que puissai-ge devenir ?
LE BADIN
Par ma foy, ma mye, il est faict ;
N’en [ayez deuil, à l’]advenir.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
95 Mon Dieu, je puys bien soustenir
Que fille suys déshonorée.
Aler m’en fault sans revenir
Puysque, pour lors, suys defflorée.
[Fille je suys déshonorée.]
100 Vierge sur toutes descorée,
Veuile-toy de moy souvenir !
Fille je suys déshonorée.
Aler m’en fault sans revenir.
*
LE BADIN 41
Foy de mon corps ! voécy venir
105 Nostre sage et notable femme.
A ! la voécy, par Nostre Dame !
Le deable l’a bien ramenée !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant42 ma renommée !
Mon maistre, loin43 m’en fault aler.
LE BADIN
110 Tu n’es pas encor diffamée.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant ma renommée !
LE BADIN
Tu n’en seras que myeulx aymée.
Laisse-moy aler et parler.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant ma renommée !
115 Mon maistre, [loin] m’en fault aler.
LE BADIN
Tout beau m’envoys, sans bavoler44,
Cheulx mon compère le surgien45,
Qui en sçavoir est diligent.
Et quant auprès de luy seray,
120 Veu le cas que luy conteray,
Nuly46 n’en sera abusé.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Tant vous estes fin et rusé !
Se n’eussiez poinct tant aiguisé47
Vostre ventre contre le myen,
125 Je pence qu’i n’y eust eu rien.
Et maintenant, je suys destruicte.
LE BADIN
Je m’y en voys [tout à la suycte]48.
Je te suply, ne pleure plus.
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Voélà mon compère à son hus49. SCÈNE IV
130 Compter je luy voy50 mon affaire.
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Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
Dictes, comme vous portez-vous ?
LE MÉDECIN entre
Il m’est bien, grâce(s) à Dieu le Père.
LE BADIN
Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
LE MÉDECIN
135 Entre51, pour lors, en ce repère.
Qui te meust de venir cheulx nous52 ?
LE BADIN
Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
Dictes, comme vous portez-vous ?
Sy secouru ne suys de vous,
140 Diffamé suys à tout jamais.
LE MÉDECIN
Dy-moy les causes.
LE BADIN
Voi(e)re, mais
Y fault tenir cela secret.
LE MÉDECIN
Ton héritage, par décret
Est-il passé53 ?
LE BADIN
Nénin, nennin.
LE MÉDECIN
145 As-tu sur le corps du venin
Qui cause à ton cœur douléance54 ?
LE BADIN
Non, non, [c’est bien aultre]55 alégeance
Que je [cherche à]56 avoir de toy.
LE MÉDECIN
Et qu’esse ? Subit dy-le-moy.
150 As-tu navré aucun57 à mort ?
LE BADIN
Par la mère Dieu de Monfort58 !
Je te diray la vérité :
Un jour fut que je fus tenté,
Sans viser à gaigne ne perte59.
155 Lors, je vins trouver Mal-aperte,
La chambèrière de ma femme.
En me jouant60, par Nostre Dame,
Je luy ay forgé un enfant.
LE MÉDECIN
Il est forgé ?
LE BADIN
Mon amy, il est tout grand :
160 Elle est panchue61 comme une vache.
Sy de par toy je n’ay relâche62,
Tous mes plaisirs sont desconfis.
LE MÉDECIN
Quel jour fusse que tu luy fis ?
Dis-lay63, que j’en soys plus asseur.
LE BADIN
165 Ce jour, j’estoys tout en sueur ;
Il estoyt dimenche, ou lundy64.
LE MÉDECIN
Un homme me semble estourdy,
D’aler briser son mariage.
LE BADIN
Ma femme est65 en pèlerinage :
170 Plus je n’en pouvoys66 endurer.
LE MÉDECIN
Cela est à considérer.
LE BADIN
Secourez-moy, de vostre grâce !
LE MÉDECIN
Mais67 qu’el reviengne, et qu’el t’embrasse
Ainsy comme une pèlerine,
175 Incontinent, la pouéterine
Tu criras68, et aussy le ventre,
Faignant qu’e[n] ton cœur douleur69 entre,
En te chaboulant70 comme un veau.
Lors, te fera faire ton eau71,
180 Qu’el m’aportera. Et, sans fable,
Je me monstreray tant fiable72
Que tu feras ce que vouldras.
LE BADIN
Nous buron73 gros comme le bras,
S(e) une foys j’en suys délivré.
LE MÉDECIN
185 Va-t’en, et ne soys par yvré74 :
Aultrement, seroys misérable.
LE BADIN
Je criray comme le [grand] deable.
Compère, adieu jusqu(es) au revoir !
.
CRESPINÈTE 75 SCÈNE V
Dieu mercy, tantost pouray veoir
190 Mon bon mari et ma méquine76.
Dieu veuille sçavoir quel cuisine
Il ont faict, à la bien-venue.
.
LA CHAMB[ÈRIÈRE] 77 SCÈNE VI
Hélas ! je suys fille perdue,
Mon maistre : voécy ma maistresse.
195 Diffamée suys sus ma viellesse.
Au monde, il n’y a mon pareil78.
LE BADIN
Je luy brasse un bel apareil79.
Tais-toy, ne pleure jamais jour80,
Car tu vouéras le plus fin tour
200 Jouer c’onques jamais vist femme.
.
CRESPINÈTE SCÈNE VII
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
Dieu vous envoye jouée et soulas81 !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
C’est ma mêtresse, par mon âme !
CRESPINÈTE
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
LE BADIN
205 Estes-vous arivée, ma femme ?
Vostre corps est-il poinct bien las ?
CRESPINÈTE
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
Dieu vous envoye jouée et soulas !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ma mêtresse, siéchez-vous82 bas,
210 Que vostre corps [soyt reposé]83.
CRESPINÈTE
Et vous, estes-vous disposé
De sancté, puys ma départye84 ?
LE BADIN
Et ! ma très loyalle partye85,
Bien soyez venue en ce lieu !
215 Or çà ! monstrez-moy, de par Dieu,
Que c’est que m’avez aporté86.
CRESPINÈTE
Je n’ay à vous rien transporté87.
Vo(e)ylà pour vous.
LE BADIN 88
Quoy ! des ymages ?
(Et ! que voécy de beaulx bagages !)
220 Et ! acolez-moy fermement !…
Mère de Dieu89 du firmament !!
[CRESPINÈTE]
Qu’esse-là qui vous vient de prendre ?
LA CHAMBÈRIÈRE
C’est la Mort qui le vient surprendre.
Souldain que [l’]on ayt du vinaigre90 !
CRESPINÈTE
225 Que ce couroult me sera aigre !
Mon amy, estes-vous passé91 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
C’est faict, voye-le là92 trespassé.
Il est aussy royde c’un ais93.
CRESPINÈTE
Hélas ! mon seigneur sainct Servais
230 Luy renvoye sa parole brefve94 !
LE BADIN
Ma dame saincte Genneviefve,
Sainct Blaise, sainct Roq, sainct Hubert,
Sainct Michel et sainct Testevert95
Me veuile ayder en ce passage !
CRESPINÈTE 96
235 Mon amy, vous n’estes pas sage :
Pensez que Dieu vous a formé
Et de son sang bien reformé,
Et faict en sa propre semblance97.
LE BADIN
Et ! vertu de moy ! Dieu ! la panche98 !
240 Et ! le ventre ! Dieu99, que ferai-ge ?
Ma femme et ma mye, mourai-ge
En ce lieu sans estre gary100 ?
CRESPINÈTE
Le cœur de moy est sy mary
Que je ne say que je doy fère.
245 Mal-esperte101, faictes-luy faire
[De] son eau dedens ceste fiolle ;
Et ainsy c’un oyseau qui volle102,
G’iray sçavoir qu’on103 me dira.
À ce poinct, on remédira
250 À ceste douleur sy expresse.
LE BADIN
Et ! que je seuffre de détresse !
Le ventre ! La panche ! Les rains !
Je cry mercy à mes parains,
[Et] à mon père, et à ma mère !
LA CHAMBÈ[RIÈRE]
255 Courage, courage ! Encor vous fault-il faire
Eau pour porter au médecin104.
CRESPINÈTE
Hélas ! quel merveilleux brassin105
Nuict et jour106 le pauvre homme endure !
LE BADIN
Pour Dieu ! portez, à l’adventure,
260 [De107] mon urine à mon compère ;
Dictes-luy que plus je n’espoyre
Que la mort, du Dieu de nature108.
CRESPINÈTE
O ! mon Seigneur : ta109 créasture,
Plus [je] ne la vouéray vivante.
.
LE BADIN 110 SCÈNE VIII
265 Est-el partye ?
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ouy.
LE BADIN
A, je m’en vante
Qu’e[ncor] nous rirons plusieurs foys.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Vous estes des rusés le choys111,
Tant en finesse qu’en malice.
LE BADIN
Taisez-vous, taisez, vielle lisse112 !
270 De bref entendrez ma sentence113.
.
CRESPINÈTE 114 SCÈNE IX
Compère, le Dieu [de] clémence
Vous veuile garder de fortune115 !
J’ey une douleur importune116
Qui me tourmente en mon esprit.
LE MÉDECIN
275 Je vous donray en bref escrit
Récépissé117, laissez-moy fayre.
Bail[l]ez-moy vostre eau118.
CRESPINÈTE
A, mon compère,
C’est l’eau d’Oudin, mon bon espoulx.
An ! Jésus, Jésus !
LE MÉDECIN
Taisez-vous :
280 Ce jour, le mectray hors de peine.
Par la benoiste Madaleine !
Ma commère, voécy grand chose.
CRESPINÈTE
Vray Dieu ! et qu’esse ?
LE MÉDECIN
Dire ne l’ose.
CRESPINÈTE
Et ! mon amy, dictes-le-moy.
LE MÉDECIN
285 Ma commère, par le vray Roy119,
Puysqu’il fault que je le vous dye,
Cestuy qui porte maladye
Est enchainct120 d’un enfant tout vif.
CRESPINÈTE
Nostre Dame !
LE MÉDECIN
Par le Dieu vif121 !
290 La chose est toute véritable.
CRESPINÈTE
Et ! non est. [C’est l’œuvre]122 du deable !
Qui luy a faict ?123
LE MÉDECIN
Voy(e)là bien dict. Ç’avez-vous124 faict :
Car quant vous fustes arivée
295 Du voyage où estiez alée,
Vous l’acolîtes125 ;
Et, à l’heure, le resjouîtes
Sy très avant
Qu’alors procéda un enfant.
CRESPINÈTE
300 Vray Dieu ! j’ey tort.
Et ! Nostre Dame de Monfort,
Sainct Cervais, pardonnez-le-moy !
LE MÉDECIN
Pacience ! Je vous diray
Comment vostre honneur garderez.
CRESPINÈTE
305 Hélas, comment ?
LE MÉDECIN
Vous luy direz
Qu’i tienne fasson et manière
Qu’i couche aveq la chambèrière126
De vostre hostel, s’il est possible.
CRESPINÈTE
Hélas, el n’en vouldra rien faire.
310 L’eng[r]oisse127 luy sera pas[s]ible128.
LE MÉDECIN
Promectez-luy tout le possible
Afin qu’elle se laisse faire.
CRESPINÈTE
À Dieu, compère !
LE MÉDECIN
Adieu, commère ! À Dieu, ma mye !
.
LE BADIN 129 SCÈNE X
315 Et ! le ventre, Vierge Marie !
Que feray-ge, doulx Jésuschrist ?
Je ne croys poinct que l’Enthéchrist
Ne soyt130 dens mon ventre bendé.
CRESPINÈTE
Ne vous est-il poinct amendé131 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
320 Il luy empire tous les jours.
.
CRESPINÈTE 132 SCÈNE XI
Qu’en secret je parles à vous.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ouy dea, de133 bon cœur, ma mêtresse.
CRESPINÈTE
Entens134 à moy : de135 ma richesse
Et des biens que Dieu m’a donnés,
325 À toy seront habandonnés
Se tu me veulx faire un service.
LA CHAMBÈRIÈRE
Il n’est plaisir que ne vous fisse,
Ma chère dame, par ma foy.
CRESPINÈTE
Que ton maistre couche avec toy
330 Deulx ou troys heures seulement.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Certes, de cela nulement !
Jamais je ne seroys d’acord !
CRESPINÈTE
Vrayment, je te faictz cest acord
Que sy tu me faictz ce service,
335 Ne doubte pas que tu périsse
En ton vivant136, je t’en asseure.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Comment ! Je feroys une injure
Entièrement à mes amys137.
CRESPINÈTE
Tu os138 ce que je t’ay promys.
340 Pren du bien à mon advys,
[Prens, présent]139, le bien qui te vient !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Mère de Jésus ! S’y convient140,
Ma mêtresse, que je soys grosse,
Au moins, vous en érez l’endosse141.
CRESPINÈTE
345 L’endosse ? A ! n’en faictz [nulle] doubte142.
S’il est humain qui te déboute,
Croy143 qu’on luy fera sembler bon.
Alon par acord veoir le bon
Oudinet144 et le secourir.
.
350 Et puys, vous lérez-vous145 mourir ? SCÈNE XII
Comment se porte le courage146 ?
LE BADIN
Je ne croy poinct que je n’arage147.
J’ey le ventre au deable148 fouré.
CRESPINÈTE
Vostre compère a labouré149
355 À ceste urine qu’aviez faicte.
LE BADIN
Av’ous150 faict lire la recepte ?
Qu’esse qu’il a naré dedens ?
CRESPINÈTE
Y vous fauldra coucher adens151
Dessus le ventre à Mal-aperte.
360 Aussy, la pouvre fille honneste
Aura, s’il luy plaist, pacience.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Hélas ! fault-il que je commence
À faire ce qu’onques ne fis ?
LE BADIN
Ne doulte pas que tes profys
365 Ne te valent un gros argent.
CRESPINÈTE
De vous coucher soyez diligent.
Je m’en voys prier Dieu pour vous.
LE BADIN
Adieu, ma mye152 !
LA CHAMBÈRIÈRE
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
Ouy : le troysiesme n’y vault rien153.
LE BADIN
370 Ma mye, quant reviendrez-vous ?
Adieu, ma [mye] !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
Gardez le segret entre vous.
Fille, je vous feray du bien.
LE BADIN
À Dieu, ma [mye] !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
375 Ouy : le troisième n’y vault rien154.
.
LE BADIN SCÈNE XIII
Pour conclusion, je soutien
Qu’i n’est finesse qu’on ne face,
Mais qu’on ayt gracieulx155 maintien
Sans muer couleur en la face156.
380 Je suplys Jésus, de sa grâce,
Que nous décepvons l’Anemy157
Qui est sy remply de falace158.
.
Que nul ne pregne en luy ennuy159 !
En prenant congé de ce lieu,
385 Une chanson pour dire adieu ! 160
.
FINIS
*
.
D’UNE JEUNE FEMME À QUI ON FIT ENTENDANT QU’ELLE AVOIT ENGROISSÉ SON MARY, ET COMMENT IL REMIST SON ENGROISSURE À SA CHAMBERIÈRE, LAQUELLE IL ENGROISSA PAR LE CONSENTEMENT DE SA FEMME.161
.
Vous devez sçavoir que une foys advint, à Troys-en-Champaine162, que il y avoit ung honneste marchant, jeune, gallant et bien délibéré, lequel se maria à l’ayde de ses parens avec une trèsbelle jeune fille et honneste, et qui avoit bien de quoy ; et se entre-aymoient merveilleusement.
Or est-il ainsi que il[z] avoient une belle jeune fille de chambèrière qui les servoit. Advint ung jour que ledit marchant se jou[o]yt163 avec sa chanbèrière, et tant la persuada et prescha sy bien, que il coucha avec elle. Et par tant de foys y alla, que ung jour, ladicte chambèrière luy dist que elle estoit grosse, dont ledit jeune gallant fut bien estonné et marry.
Et ung jour entre les autres, alla veoir ung sien cousin germain, lequel estoit médecin. Et quant ledit médecin vit qu’i faisoit si mauvaise chère164, luy demanda qu’il165 avoit. Si luy respondit qu’il estoit merveilleusement marry. « –Et ! qu’i a-il (dist le médecin) ? –Aa ! mon cousin (dist le marchant), je suis plus marry que je fus jamais en ma vie, car je me suis joué avec ma chambèrière tellement que je l’ay engroissée. Et si ma femme s’en aperçoit aulcunement, jamais je n’aré bien ne joye avec elle ; car son père et sa mère m’en voudront mal, veu et regardé qu’elle m’ayme tant. –O ! cousin et amy (dist le médecin). Et ! n’y a-il autre chose ? Or ne vous souciez : vrayement, nous mettrons bien remède à tout cela. –Hélas ! mon cousin et amy (dist le marchant), je m’en recommende à vostre bonne grâce. Et que je paye tout cela qu’i vous plaira. –Or sçavez-vous (dist le médecin) qu’il y a ? Il n’est point question de payement. Mais j’ay advisé une grande abilité166 que vous ferez, moyennant que me voulez croire. Il fault que vous en retornez en vostre maison, et que faciez le malade ; et ne plaingniez riens167 que les rains et le ventre. Et me envoyez vostre orine168 par vostre femme. Et puis du demorant169 me lessez faire. Et je croy que tout se portera bien, Dieu aydant. » Alors print congé le marchant de luy, et s’en vint en sa maison sans faire semblant de rien.
Va commencer à faire le malade, et sa pouvre femme le réconfortoit bien doulcement, qui n’y pensoit en nul mal. Et luy disoit : « –Hélas, mon doulx amy ! Et que avez-vous ? Et qu’est-ce qui vous fait mal ? –A ! m’amye (dit-il), je pence que je suis mort, car j’ay une si grande douleur au ventre et aux rains que il m’est advis que les chiens me le[s] mangeussent. » Et la pauvre jeune femme luy dist : « –Mon amy, il fault que vous faciez de vostre eau, et je la porteré au médecin. –Aa ! m’amye (dit le jeune homme), il n’en est jà mestier170. » Si fit-elle tant, que il fit de son eaue ; et puis la porta tout en plorant à son cousin le médecin.
Puis, quant il la vit ainsi plorant, luy demanda incontinent qu’elle171 avoit. « –A ! mon cousin (dit-elle), je pence que vostre cousin, mon mary, se meu[r]t. –Jésus (dit le médecin) ! Et comment ? Il n’y a pas long temps que je l’ay veu. » Lors, elle ploroit si trèsfort qu’elle ne povoit ung seul mot dire, mais luy monstra son eau. Alors le médecin la va regarder ; et quant il [l’]eut bien visitée, il va dire : « –À qui c’onques soit ceste eau, il a une grande douleur de ventre et de rains. –Hélas (dit la jeune femme), mon amy, samon172 ; car il ne plaint que cela. –Comment (dit le médecin) ! Ceste eaue que vous m’avez cy aportée est d’une femme qui est ensaincte d’enfent. –A ! mon cousin (dit-elle), je vous prometz que c’est de mon mary, car j’en suis bien asseurée et luy ay veu faire. –Comment ! Est-il vray (dit le médecin) ? Le savez-vous bien, et en estes-vous bien asseure173 ? –Ouy (dit-elle), certainement. –Or, m’amye, sçavez-vous qu’il y a ? Vostre mary est gros d’enfent. –Comment (dit-elle) ! Est-il bien possible ? –Ouy (dit le médecin). –Or me dicte : mais comme est-il possible que cela se soit fait ? –Venez çà174, m’amye (dit le médecin). Aulcunefoys, quant il vous a fait cela, et que vous deulx jouant ensemble, ne montistes-vous jamais sur luy ? Ne mentez point, si vous voulez qu’i soyt guéry. –A ! mon cousin, je vous diré la vérité : je vous promez que il ne m’avint jamais qu’une fois. –A ! par ma foy (dit le médecin), c’est assez, je n’en demande plus. Il est gros d’enfent, sans point de faulte. » Et la pouvre jeune femme fut bien désolée, et luy demanda s’il y avoit point de remède. « –Ouy bien (dist le médecin). Mais sçavez-vous qu’il fauldroit faire ? Il fault que vous trouvez façon et manière de parler à quelque jeune fille pucelle, et que vostre mary couchast avec elle175 une nuyt ou deulx. Et la semence qu’il a en son corps, il la remettroit dedens le corps de la jeune fille ; car la semence que luy avez baillée, qui est sortie de vostre corps, n’est pas encore à convalessance de vertu176, car l’enfent qu’i doit procréer n’a point encore de vie. Et s’il habitoit177 une jeune fille, il luy remettroit tout dedens son corps ; et par ainsi, voillà qui le sauveroit. –A ! (ce dist la jeune femme), mon cousin, mon amy, je vous remercye. Nous viendrons bien à bout de cela, Dieu aydant. Car j’ay une jeune fille de chambèrière cheulx nous, et croy, moy, que elle est pucelle. Je luy bailleray plustost dix escus pour la contenter, et qu’elle couche avec mon mary affin qu’i soit guéry. –A ! par ma foy (dist le médecin), voillà qui viendroit bien à point. Et aussi, que le monde n’en fust point abreuvé178, il vaudroit mieulx que cela se fist cheux vous. À tout le moins, personne n’en sçara jà rien ; car si on le sçavoit, on diroit : “A ! voillà la femme qui a engroissé son mary pour avoir monté dessus.” Cela seroit villain. » Et ainsi fut l’apointement fait. Or, ce dist la jeune femme : « –Mon cousin, mon amy, je vous prie que le venez veoir pour le réconforter ung petit. –Ouy dea (dit le médecin), ma cousine : je m’en vois quant et vous179. »
Sy vindrent veoir le pouvre pacient, bien desconforté, Dieu le scet ! Sy luy compta le médecin, secrètement, comme il avoit exploité180 avec sa femme, et qu’il failloit qu’i couchast avec sa chambèrière, et que l’apointement estoit ainsi fait pour le guérir. Dont il fut bien joyeux. Et fit-on venir la chanbèrière pour luy refaire ung peu son lit, à laquelle le maistre compta tout l’affaire : comme sa maistresse devoit parler à elle de cela, et que elle fist ung peu de l’estrange du commencement181, mais qu’à la fin, elle se consentist. Le médecin, après la revisitacion faicte, print congé et s’en alla.
La dame apella sa chambèrière à part, et luy dist : « –Vien çà, Jehanne, ma mye ! Il fault que tu me face ung service182, et je t’en prie bien fort. –Ma dame (dit la fille), tout ce qu’il me sera possible de faire pour l’amour de vous, je le feré, mon honneur sauve183 et le vostre, car autrement ne le voudroye faire. » Sy dist la dame : « –Jehanne, m’amye, ne te soucie de rien. Je te veulx faire tout plain de service, plus la moytié184 que tu ne pence. Mais il n’y a remède185, et fault que tu couche une nuyt avec ton maistre186, pour quelque maladie secrète qu’il a. Et ne te soucie de rien : il ne te fera point de mal. –Comment (dit la fille), ma maistresse ? Et ! me voudriez-vous faire ce déshonneur ? Et ! sy ung autre le me conseilloit, vous m’en devriez destorner, à tout le moins si vous estiez femme de bien. A ! je vous prometz (dit-elle) que je aymeroys mieulx estre morte. Et ! si mon maistre me faisoit ung enfent, je seroye fille perdue à tout jamais. » Or, ce dist la maistresse : « Jehanne, m’amye, ne te soucye de rien. Je te bailleray dix beaux escus et une bonne robbe. Et si, te mariré, et que tu face cela. » Après plusieurs disputacions dictes et débattues entre elle[s] deulx, Jehanne se acorda à faire le vouloir de sa maistresse, avec la bonne dévocion qu’elle y avoit.
Sy s’en vint la dame parler à son mary, en la présence du médecin, lequel l’estoit revenu veoir pour sçavoir comme il luy estoit. Et elle luy va commencer à faire sa harengue : « –Or çà, mon amy (dit-elle), comment vous portez-vous ? –Semy dieulx187, m’amye (dit le pouvre mary), je croy que je me meurs. –A ! mon amy (dit-elle), ne dictes jamais cela, vous me rompez le cueur ! Mais on a avisé de vostre sancté, dont je loue Dieu et remercye. Voicy vostre cousin, qui dit que il fault que vous couchez une nuyt ou deulx avec nostre chambèrière. –Aa ! m’amye (dit le pouvre homme), jamais ne me parlez de cela ! Hélas, mon Dieu ! Et ! vous m’estes tant bonne et tant doulce. Et ! que je vous changeasse pour une autre ? J’aymeroye mieulx estre mort, ma doulce amye. » Et bref, à l’ouÿr parler, il estoit encore plus fort à ferrer que la chambèrière. Or, ce dist le médecin : « –Mon cousin, mon amy, il n’y a remède. Nostre Seigneur ne vous en sçara nul mal gré188, puisque c’est pour vostre sancté. –Hélas ! mon cousin (dit-il), cuidez-vous que je veuille rompre mon mariage ? Et ! j’ay une si bonne femme, et qui m’ayme tant, et me fait tant de service. Elle ne scet quel chère me faire, de l’amour qu’elle a en moy. Bref, j’ayme mieulx morir. –Or çà (dist le médecin) ! Si vous morez en cest estat, vous estes danpné189 à tous les diables : car vous serez cause de vostre mort, veu que sçavez le remède pour vous guérir à l’ayde de Dieu, et vous ne le voulez pas faire. Je ne scé, moy, à quoy vous pencez. –Hélas ! mon amy (dit le pacient), il m’est advis que je seroys danpné. –Et ! non serez, de par Dieu (dit le médecin) ! Vostre femme le veult bien190. –Je vous prometz que voire (dit-elle), mon amy. –Or, je vous diré donc ([dit-]il) : vous en prendrez le péché sur vous autres. –Et bien (dirent-il), nous le voulons bien. –Or sus (dit-il), donc que on l’amainne ! » Alors furent-ilz trèstous bien aises…. Et demora la fille à couche[r] avec luy ; et menèrent bonne vie emsemble ceste nuyt, et jouèrent bien des couteaulx191 eux deulx, sans eux copper ne courrecer192.
Le lendemain matin, le médecin vint veoir le pacient, et trouva qu’il faisoit bonne chère193 ; et luy compta tout son affaire, et dist qu’il se trouvoit trèsbien, dont il furent tous joyeulx. Et au bout de catre ou de cinq jours, il dist que le ventre et les rains luy faisoient encore ung peu de mal. Sy dist le médecin que il failloit qu’i couchast encore une nuyt ou deux avec la fille pour l’achever de guérir. « Et bien donc (ce dist la paouvre jeune femme194), je suis contente : sy seré bien aise qu’i soit bien guéry. » Ô que c’estoit une bonne femme envers son mary ! Que pleust à Dieu de Paradis que j’eusse autent d’escus comme il s’en trouveroit par le monde qui ne vouldroient pas faire le tour195 ! Je ne vouldroys pas196 estre roy de France.
Le paouvre [mary] eut encore sa chanbèrière à couche[r] avec luy tant197 que il fut bien guéry, Dieu mercy au bon médecin ! Mais la chambèrière devint bien grosse. Mais sa maistresse y mist si bon remède que tout se trouva bien ; et la maria après qu’elle fut relevée de sa couche198, pour ce que elle estoit cause de l’affaire, ce luy sembloit.
*
1 « Le galand qui avoit faict le coup. » (Henri Estienne.) Voir l’intéressante préface de la pièce dans l’édition d’André TISSIER : Recueil de farces, t. VI, 1990, pp. 312-366. 2 Le Décaméron, IX-3, traduit par Laurent de Premierfait en 1414. 3 Le Grant parangon, nouvelle 153 : D’un médecin qui fit acroire à ung paintre, par l’ennortement [à l’instigation] de ses compaignons, qu’il estoit gros d’un enfent. 4 LV : la femme (Toutes ses rubriques portent Crespinete.) 5 Elle fait le ménage en provocant son maître avec une chanson érotique. Cette célèbre chanson de Clément Janequin, connue dès les années 1530, fut publiée en 1540 par Pierre Attaingnant. H. M. Brown (nº 171) a tort de dire que la 1ère édition est celle de 1542. 6 LV : coups 7 LV : du cours (Janequin dit « senty » ; cf. la Farce du Pet, vers 19.) 8 LV : baissit (Nouvelle provocation de Malaperte vis-à-vis de son maître ; Janequin dit : « Je l’empoigne, je l’embrasse, je la fringue fort. ») 9 Si l’auteur élève au rang de « cité » ce village proche de Rouen, c’est peut-être qu’il en est originaire. 10 Habile. En tout cas, ce n’est pas dans son travail que la servante fait preuve d’habileté, puisque son nom, « Malaperte », est synonyme de maladroite. 11 Chanson franco-italienne d’Antoine de Vigne († 1498). Les deux premiers vers sont chantés aux vers 166-167 de Marchebeau et Galop. Voir Brown, nº 135. 12 LV : ainsy cun (Ce vers, tel que je le corrige, est chanté dans le Pèlerinage de Mariage.) 13 Une drachme, une petite quantité. 14 De ton trou (terme du jeu de paume). « Il sçait bien du premier coup/ Mettre droit dedans le trou/ Qui se nomme le service. » Voulez ouÿr le plaisir. 15 LV : se quauras (Tu devras faire de gros efforts si tu veux rester vierge.) 16 Si cela était raconté. 17 LV : congnoyses (Vous pouvez savoir.) La vieillesse arrivait de bonne heure, et une servante à la réputation sulfureuse risquait de ne pas trouver d’époux. Malaperte se préoccupe encore de ses vieux jours au vers 195. 18 Tope là ! Le mari met la paume de sa main devant sa braguette, selon une équivoque fréquente : « Marguet, je vous prye, touchez là ! » Le Savatier et Marguet. 19 La faveur. Offrir un chaperon suffit à convaincre les femmes qui font l’amour pour le plaisir et non pour l’argent. Voir le v. 107 de Grant Gosier, le v. 315 des Queues troussées, le v. 232 du Dorellot, le v. 271 des Enfans de Borgneux, etc. 20 En Normandie, un aoûteron est un journalier qui moissonne sur les terres des autres. « Esse pas cy mon aulteron ? » Jehan de Lagny. 21 Que mon ventre gonfle. « En danger que la panse dresse. » La Fille esgarée. 22 Ne redoute pas. 23 LV : sein — Éd. 1610 : cen (Que quelque chose. « Et s’il advient que riens deffaille. » Jehan Le Fèvre.) 24 Veillez à faire de moi selon votre volonté. 25 LV : rien tarde — Éd. : rien fardé (Et n’en parlons plus.) Le ms. et l’imprimé intervertissent ce vers et le précédent. 26 Elle entre en scène, mais elle est loin de chez elle puisqu’elle accomplit un pèlerinage. 27 Je ne puis oublier (normandisme). « Tu metras vertu en ombly. » Moral de Tout-le-Monde. 28 Longtemps. 29 S’il me voit apparaître à l’improviste. Mais une apparition est aussi la manifestation miraculeuse d’un ange ou d’un saint. 30 LV : de la (Voilà où est mon désir. « J’ay désir et affection/ De le veoir. » ATILF.) 31 LV : viuement (Malaperte sera bien joyeuse.) 32 Juron féminin. « L’andouille est belle…./ Que je la manie un petit./ Manenda ! j’y prens appétit. » Sermon de l’Endouille. 33 LV : de (De suivre votre conseil.) 34 Défendre. 35 De marteler les petites fesses. 36 Comme le croupion des poules. 37 Vers manquant. J’emprunte le vers 361 du Testament Pathelin : « Ces femmes qui ont si grans sains,/ On n’a que faire d’oreillier,/ Quant on est couché avec elles. » 38 D’elles (normandisme). 39 ACTE II, introduit par deux triolets enchaînés. Après plusieurs semaines de coucheries, Malaperte découvre qu’elle est enceinte. 40 LV : soyes a deulx aduenir (« N’en ayez dueil ne désolation. » Marguerite de Navarre.) Je corrige également le refrain de 94. 41 ACTE III. Pour faire des économies, on a probablement supprimé un petit rôle de messager. Dans la 1ère Moralité de Genève, la lettre annonçant le retour de Bon Temps est aussi portée par un messager. Oudin brandit une lettre de sa femme, qui annonce son prochain retour. Comme elle est analphabète (vers 356), elle a dû la dicter à un prêtre, ainsi que le faisaient beaucoup de pèlerins. 42 Je recommande. « À Dieu commant nostre souper ! » Le Poulier à sis personnages. 43 LV : y (Je corrige la même faute au refrain de 115, due au fait que le manuscrit de base n’indiquait que les premiers mots des refrains de triolets.) 44 Je vais vite, sans voleter à droite et à gauche. Cf. les Vigilles Triboullet, vers 58. 45 Chez le chirurgien, le médecin ; cf. le Nouveau marié, vers 67. Un compère est souvent un compagnon de taverne : voir le v. 183. 46 Nul : ni toi, ni moi. 47 LV : amusse 48 LV : toute la fuycte — Éd. : toute la suicte (Le « f » et le « ſ » long sont souvent confondus.) J’y vais tout de suite. 49 À son huis, devant sa porte. Le médecin est en train de scruter un flacon d’urine à la lumière du jour. 50 Je vais lui raconter. 51 LV : es tu (En ce repaire = chez moi. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 55.) 52 Qui t’a poussé à venir chez moi ? 53 Confisqué. « On nous veult passer par décret/ Nostre héritage. » Le Poulier à sis personnages. 54 De la douleur. Le venin désigne le poison, mais aussi les maladies infectieuses, notamment vénériennes : cf. Frère Guillebert, vers 29. 55 LV : jey bien daultre (C’est un autre type de soulagement.) 56 LV : cherches — Éd. : cherche 57 Blessé quelqu’un. 58 L’invocation à Notre-Dame de Montfort-sur-Risle, près de Rouen, qu’on retrouve au vers 301, est fréquente dans les pièces normandes. Voir André Tissier, p. 324. 59 Sans peser le pour et le contre. 60 En copulant. « Estant en appétit/ De se jouer avec Clérice,/ Il luy mit son “cas” sur sa cuisse. » François Maynard. 61 Pansue (normandisme). 62 Un soulagement. 63 Dis-le (normandisme). Plus assûr = informé plus sûrement. 64 Voilà une réponse bien digne d’un Badin, c’est-à-dire d’un personnage déconnecté des contingences temporelles. 65 LV : estoyt 66 LV : pouroys 67 Pour peu. 68 Tu te plaindras d’avoir mal à la poitrine. 69 LV : en pleur 70 Forme normande de sabouler : se remuer. Cf. Colinet et sa Tante, vers 52. 71 Ta femme te demandera d’uriner dans un flacon. 72 LV : afable (Si digne de foi, si convaincant.) 73 Nous boirons à la taverne, pour fêter ça. 74 Enivré. « Et enteste beaucoup ceulx qui en boivent par trop, jusques à les yvrer. » Godefroy. 75 Elle approche de sa maison, vêtue et chargée comme une pèlerine. 76 Ma meschine : ma servante. Cf. le Vendeur de livres, vers 155. 77 Par la fenêtre, elle voit venir sa patronne. 78 Il n’y a personne d’aussi malheureux que moi. 79 Je lui concocte un beau stratagème. « Je me repens/ D’avoir brassé cest appareil. » ATILF. 80 Nul jour de ta vie. 81 Joie et plaisir. Double sens involontaire : « jouée » = gifle ; cf. le Cuvier, vers 183. La bigote ne peut prononcer une phrase sans invoquer Dieu ou ses saints. 82 Asseyez-vous (normandisme). 83 LV : se reposse 84 Êtes-vous pleins de santé, depuis mon départ ? « Elle appelle le médecin, alors que mieux elle est disposée de santé. » André du Chesne. 85 Ma moitié, mon épouse. « Ma loyalle partie,/ Ma femme, ma trèsdoulce amye. » Mistère du Viel Testament. 86 Les pèlerins distribuaient à leur entourage des médailles et autres gadgets bénits. 87 Rapporté. Crépinette donne à la chambrière des images pieuses. 88 D’un air faussement admiratif. 89 À cet endroit, le scribe a recopié puis barré les vers 217-218. Oudin se frotte contre le ventre de sa femme ; il fait alors semblant de ressentir une vive douleur et tombe à terre. 90 LV : vin aigre (On applique du vinaigre sur les tempes de ceux qui ont un malaise. Cf. la 1ère Moralité de Genève, vers 16 et note.) 91 Trépassé. 92 Le voilà. 93 Aussi raide qu’une planche. 94 Lui rende la parole rapidement. La bigote invoque encore saint Servais à 302. 95 LV : tyteuert (Dans les manuscrits gothiques, le groupe « es » peut être confondu avec la lettre « y », qui est pleine de courbes et de ramifications.) Un fou des Sotz triumphans se nomme Teste Verte. Dans Tarabin Tarabas (F 13), la rime impose le féminin vert : « Ô mauldicte teste de fer !/ Teste testuë, teste vert ! » 96 Elle sermonne son époux, qui blasphème au lieu de songer à Dieu. 97 À son image. 98 Ma panse ! Même normandisme au vers 252. 99 LV : bieu (Confusion avec le juron « ventre bieu ». Le Munyer, pris de coliques, se plaint de même : « A ! Dieu, le ventre ! ») Voir les vers 252 et 315. 100 Guéri. 101 Peu experte. L’épouse est si troublée qu’elle en déforme le nom de sa servante, Malaperte. 102 Aussi rapide qu’une hirondelle. Or, la pèlerine est toujours chargée comme un bourricot. 103 Ce que le médecin. 104 Malaperte tient le flacon dans lequel urine son maître, tout comme la mère de Jénin filz de rien tient l’écuelle dans laquelle urine son rejeton <vers 334-351>. À propos des acteurs qui pissent devant le public, voir la note 50 de la Seconde Moralité de Genève. 105 LV : brasin (Quelle terrible épreuve.) 106 L’intensité se transforme en durée, comme au vers 320. 107 Ce partitif est presque obligatoire : « Portez de mon urine/ Au médecin ! » Seconde Moralité. 108 Je n’espère de Dieu que la mort. Mais si l’acteur escamote la virgule, on obtient : Je n’espère que la mort de Dieu. Et quelque chose me dit que l’interprète de ce mécréant escamotait la virgule. 109 LV : la (« Créasture » est une des nombreuses aberrations dues au copiste du ms. La Vallière ; cf. les Povres deables, vers 184.) 110 Il se relève d’un bond dès que sa femme est partie avec le flacon d’urine. 111 L’élite des hommes rusés. 112 Vieille lice : chienne. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 38. Ici, le mot est amical : vilaine médisante. D’après le vers 78, Malaperte est encore une « fillette ». 113 Bientôt vous entendrez mon diagnostic, le verdict de mon médecin. 114 Elle fonce vers le médecin, qui est toujours devant chez lui. 115 De mauvaise fortune, de malheur. 116 LV : oportune (Insupportable. « Grant peinne et doleur importune. » ATILF.) 117 Le charlatan commet un lapsus : il veut parler du récipé, qui est une formule pharmaceutique. Cf. Maistre Doribus, vers 12, 81, 85 et 128. 118 Le médecin prend le flacon d’urine, en faisant semblant de croire que c’est celle de Crépinette. 119 Par Dieu. 120 Enceint. « Tu n’as autre maladie sinon que tu es enceint et gros d’un enfant tout vif. » Nicolas de Troyes, nouvelle 153. 121 Vivant. 122 LV : a lheure (« C’est l’œuvre du diable, ennemy & envieux du bien. » Matthieu de Launoy.) 123 Entre 292 et 313, cinq vers qui se suffisent à eux-mêmes sont réduits à un seul hémistiche. On constate ce phénomène dans la Réformeresse, une pièce normande contemporaine de la nôtre, et qui pourrait être du même auteur calviniste. 124 LV : scaues vous — Éd. : Se aues vous (Cela, vous l’avez fait vous-même.) 125 Vous l’avez accolé (vers 220). Boccace et Nicolas de Troyes diagnostiquent, d’une manière beaucoup plus drôle, que l’épouse a répandu sa semence dans le corps du mari en le chevauchant. Mais le dramaturge ne pouvait pas montrer une pareille scène. 126 Afin que la semence passe du ventre d’Oudin à celui de Malaperte. La nouvelle que je publie sous la farce donne tous les détails de cette opération. 127 La grossesse. « Craignant que celle engroisse ne leur engendrast une vergongne perpétuelle. » Godefroy. 128 « Passible est ce qui est prest et disposé à souffrir. » ATILF. 129 Par la fenêtre, il voit revenir sa femme et il se recouche vite. 130 Je crois que l’Antéchrist est. Les deux négations s’annulent, comme au vers 352. 131 Votre état ne s’est-il pas amélioré ? 132 Elle entraîne sa servante à l’écart du mari. 133 LV : du 134 LV : quant est (Écoute-moi. « Entends à moy : veulx-tu servir ?…/ Entens à moy, dy, estourdy ! » Jéninot qui fist un roy de son chat.) 135 Une partie de. 136 Ne crains pas de mourir tant que tu seras vivante. 137 À mes parents. « Je vous rendray à voz amys. » Jolyet. 138 Tu ois, tu entends. 139 LV : pendant (Prends maintenant. « De vous, prenons présent congié. » Mistère du Viel Testament.) 140 S’il advient. 141 Vous en aurez la charge. « Affin que le clerc eust l’andosse/ D’espouser la mère et l’enfant. » Pour le Cry de la Bazoche. 142 « De ce, ne faites nulle doubte. » Les Trois amoureux de la croix. 143 LV : croyt (Si un homme refuse de t’épouser, crois bien qu’on lui fera trouver de l’intérêt à ce mariage.) Une bonne dot suffisait à rendre leur virginité aux filles ; c’est d’ailleurs ce qui nous voyons dans la nouvelle que je publie sous la farce. 144 Diminutif de Oudin. 145 Vous laisserez-vous. Idem vers 368. 146 Votre cœur, au sens physiologique et moral. 147 Je crois que je vais enrager. Voir la note 130. 148 Oudin renverse l’expression courante ; voir les vers 317-318. « Il sembloit bien qu’elle eust ung dyable ou ventre, tant luy disoit de villainnes parolles. » Cent Nouvelles nouvelles, 39 : Du chevalier qui, en attendant sa dame, besoingna troys fois avec la chambèrière. 149 A œuvré. 150 LV : a vous (Lui avez-vous fait lire l’ordonnance à haute voix ? Rappelons que Crépinette ne sait pas lire.) 151 À plat ventre. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 56. 152 LV : femme (Je corrige de même les refrains de ce triolet.) 153 Dans le Poulier à sis personnages, un gentilhomme va chez sa maîtresse sans valet, « car le troysiesme poinct n’y fault ». 154 Crépinette s’éclipse avec tact. 155 LV : grace et (Pour peu qu’on ait l’air honnête et avenant. « Honneste et gracieulx maintien. » Verconus.) 156 Sans rougir. 157 Que nous bernions l’Ennemi, le diable. 158 De ruse. 159 Que nul ne se tourmente. « Sans prendre ennuy ou desplaisance. » ATILF. 160 Ce distique apocryphe est la signature habituelle du copiste du ms. La Vallière. 161 Voici la 4ème nouvelle du Second volume du Grant parangon des nouvelles nouvelles, que Nicolas de Troyes composa en 1536. 162 Troyes-en-Champagne, où vivait Nicolas de Troyes, comme son nom l’indique. 163 Emprunt à la farce, vers 157. 164 Figure. 165 Ce qu’il. 166 Habileté, ruse. 167 Ne vous plaignez de rien d’autre. 168 Votre urine. 169 Pour le reste. 170 Ce n’est plus la peine. 171 Ce qu’elle. 172 C’est vrai. « Je pense que voire, ça mon, vrament. » Godefroy. 173 Sûre. 174 Approchez-vous de moi, pour que personne n’entende. 175 Emprunt à la farce : « Qu’i tienne fasson et manière/ Qu’i couche aveq la chambèrière. » 176 Dans sa pleine puissance. 177 S’il pénétrait. « D’aller habiter femme dont barbier le con panse. » Responce de la Dame au vérolé. 178 Pour que nul n’en soit informé. Le médecin, que les scrupules déontologiques n’étouffent pas, craint pour sa propre réputation. 179 Je m’en vais avec vous. 180 Agi. 181 Qu’elle fasse un peu la distante au début. 182 Emprunt à la farce, vers 326 et 334. 183 À condition que mon honneur soit sauf. « Vostre honneur soit sauve. » ATILF. 184 Et encore plus. 185 Il n’y a pas d’autre solution. 186 Emprunt à la farce : « Que ton maistre couche avec toy. » 187 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. la Veuve, vers 52 et 150. 188 Ne vous en saura nul mauvais gré, ne vous en voudra pas. 189 Damné. Se laisser mourir équivaut à un suicide, que l’Église condamnait, alors que ses martyrs ne sont rien d’autre que des suicidés. 190 Elle veut bien que vous couchiez avec la servante. 191 Ils s’escrimèrent bien. 192 Sans se couper, ni se courroucer l’un envers l’autre. 193 Bonne figure. 194 L’épouse du « malade ». 195 Plût à Dieu que j’aie autant d’écus qu’il y a de femmes qui ne voudraient pas faire ce qu’elle a fait ! 196 Je ne préférerais pas. 197 Jusqu’à ce. 198 Après l’accouchement.
LE GENTIL HOMME ET NAUDET
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LE GENTIL HOMME
ET NAUDET
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Dans le Poulier à sis personnages, deux nobles veulent trousser l’épouse d’un meunier, lequel se venge en culbutant leur propre femme devant eux. Dans le Gentil homme et Naudet, une farce écrite elle aussi en Normandie au début du XVIe siècle, un paysan cocufié par un gentilhomme se venge en le cocufiant, en le lui faisant savoir, et – comble de l’insolence – en lui donnant même une petite leçon de noblesse.
Source : Recueil du British Museum, nº 15. Imprimé à Rouen par Jehan Le Prest, vers 1550. Le début du manuscrit de base était abîmé, ou perdu, comme c’est trop souvent le cas.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse
À quatre personaiges, c’est assavoir :
LE GENTIL HOMME
LISON (ALLISON)
NAUDET
LA DAMOYSELLE
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LISON 1 commence SCÈNE I
[Je n’en donne pas une pomme !]2
D’avoir espousé un tel homme,
Ne suis-je pas bien estorée3 ?
NAUDET
Quoy ! est ma chemise dorée4 ?
5 Da, da ! s’el [l’]est, j’en suys marry.
Sçavez-vous de quoy je me ry ?
De Monsieur de nostre villaige5,
Qui va de nuict en varouillaige6.
LISON
Et que sçavez-vous, meschant homme ?
NAUDET
10 Que je sçay7 ? Hau ! la voicy bonne.
Que je sçay, qui le sçauroit [veoir] ?
Je le vey8.
LISON
Et quand ? Quand ?
NAUDET
Hersoir9.
LISON
Et où ? Et où ?
NAUDET
Soubz le pingnon10,
Là, debout, de nostre maison,
15 Où il estoit et11 une fille.
LISON
Et sçais-tu bien que c’estoit ille12 ?
NAUDET
Oy13, oy : tous deux, je les congnoi(s).
LISON
Veulx-tu dire que c’estoit moy ?
NAUDET
Tout beau, tout beau ! Je n’en dictz mot.
LISON
20 Je te promectz ma foy, s’il t(e) ost14,
Qu’il te fera mettre en prison.
NAUDET
Et ! je n’en parle pas, Lison.
C’est tout ung, se vous estes s’amye.
Da ! pour tant15, ne luy dictes mye :
25 Il me feroit aussitost fuyre16.
LISON
Garde-toy donc de le plus dire,
Meschant ! Il nous faict tant de biens !
Toutes les foys qu’il vient cëans17,
Il te saulle de vin et rost18.
NAUDET
30 Et doncques, viendra-il bientost ?
S’il y en a plus, que g’y parte19 !
Faictes, faictes-luy de la tarte,
S’il vient, pour servir de dessert.
LISON
Va quérir du boys, Mau-m’y-sert20,
35 Que je mettes le feu au four.
NAUDET
Bien, [bien], je y voys21.
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LE GENTIL HOMME 22 SCÈNE II
Le grant amour
Que j’ay à la belle Allison
Tien[t lors] mon cœur en si forte prison
Que je n’en puis arrester en nul(le) place.
40 En faisant retour de la23 chasce,
Je voys sçavoir comme el(le) se porte.
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NAUDET 24 SCÈNE III
Hay ! voicy Monsieur à la porte.
Il est venu, venu25, venu.
LE GENTIL HOMME
Holà !
NAUDET
Haa, je vous ay bien congneu26,
45 Monsieur. Voulez-vous [pas] descendre27 ?
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LISON SCÈNE IV
Paix ! [il descend mieulx sans t’attendre.]
NAUDET
[Et !] voyrement, non faict, non faict.
LISON
Que ce fol yci a de plet28 !
LE GENTIL HOMME
Naudet ! Monte sus mon cheval,
50 Et t’en va au long de ce val
Bien doulcement le pourmener29.
NAUDET
Se voulez, je l’iray mener
Boyre avant30 moy en la bonne eau(e).
LE GENTIL HOMME
[Tiens-luy le nez loing du tonneau :]31
55 Il est trop chault pour abrever.
NAUDET, estant monté à cheval.
Houlà, ho ! Voicy pour desver32.
Qu’esse icy ? Hau ! comme il s’esmouche33 !
Je croy qu’il y a quelque mouche
Qui luy fatrouille34 soubz la fesse.
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LE GENTIL HOMME SCÈNE V
60 J’ay le cœur comblé de l[i]esse
Quant je te vois, Lison, m’amie.
Baise-moy !
LISON
Ne m’espargnez35 mie,
Monsieur : faictes vostre plaisir.
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NAUDET 36 SCÈNE VI
Je ne le sçaurois plus tenir ;
65 Le cheval m’a faict mettre à pied.
LE GENTIL HOMME
(Ce fol icy m’a espié37.)
E[t ! va,] va, metz-lay38 à l’estable.
NAUDET
Bien, bien. Lison, mettez la table,
Que Monsieur desjeune un petit39 !
70 Sus tost !
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LISON SCÈNE VII
Naudet a appétit.
LE GENTIL HOMME
À son folois40, il faict du fin.
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NAUDET 41 SCÈNE VIII
Je l’i ay mis. Yrai-ge au vin42 ?
Je voy bien que Monsieur a soif43.
Où est le meilleur ?
LE GENTIL HOMME
Je ne sçay ;
75 Va au Paon, ou à la Vignette44.
NAUDET
Bien, j(e) y voye.
LE GENTIL HOMME
A, ma plaisant(e) vignette45,
Pendant que Naudet n’y est point,
Je m’en vois mettre en beau pourpoint46,
Affin que mieulx nous esbatons.
LISON
80 Il fault donc que nous nous hastons,
Car Naudet est fort diligent.
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NAUDET 47 SCÈNE IX
Voirement, baudrez-vous48 argent,
Ou s(e) on dira que c’est pour vous49 ?
Hau, Monsieur !
LE GENTIL HOMME
[Tiens,] voylà deux soubz.
85 Mon amy doulx, despesche-toy,
Mais ne dict50 pas que c’est pour moy.
NAUDET
Bien, bien. (J’en bevray51 un bon traict.)
Esse du blanc, ou du clairet ?
LE GENTIL HOMME
Du celuy que t(u) aimes le mieulx.
LISON
90 Mèshui ne cessera52 ? Mi dieux !
Va tost, ne [reviens point]53 sans vin !
LE GENTIL HOMME
Va, mon amy, va !
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NAUDET 54 SCÈNE X
Qu’il est fin !
Tousjours il me trompe, en effect.
Au fort, fasché fort je suis [du] faict ;
95 Mais si je puis, je luy rendray55.
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LE GENTIL HOMME SCÈNE XI
Quand sera-ce que je tiendray
Ce beau gentil corps nud à nud ?
LISON
Mais que Naudet soit revenu,
Monsieur, il nous sera besoing
100 L’envoyer en ung56 lieu bien loing ;
Car aultrement, n’aurions laysir57
D’acomplir [tout] nostre désir :
Tousjours il va et vient sans cesse.
LE GENTIL HOMME
Je luy jouray donc de finesse ;
105 Tantost, je l’empescheray bien.
Ma femme ayme, sur toute rien58,
À le veoir : tousjours la faict rire.
Unes lettres luy voys escripre59,
Que vostre mary portera ;
110 Et ma femme l’am[usera :]
« Nenny, non, march[ez vers l’estable,]
[Revenez cy, mettez la table ! »]60
Cependant, prendrons nos esbatz.
LISON
Doncques, pour éviter débatz,
115 Deffendez-luy sur toutes riens
De dire que soyez cëans :
Ma Damoyselle en auroit deuil.
LE GENTIL HOMME
Il sera faict.
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NAUDET 61 SCÈNE XII
Je suis tout seul :
Je vois boire à mesme le pot…
120 Il est bon ! Mais j’eusse esté bien sot
Se je ne l’eusse essansonné62.
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Da ! je suis bien tost retou[r]né : SCÈNE XIII
Voicy du vin !
LISON
Est-il bon, doncques ?
NAUDET
C’est du meilleur que je beuz oncques.
LE GENTIL HOMME
125 Metz-lay dedens ung plain seau d’eau
Frêche.
NAUDET
[Da !] il se mocque, hau !
LISON
Non faict : faict[z bien] ce qu’il te dict.
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NAUDET 63 SCÈNE XIV
Et bien donc ! Mais je sois mauldict
Se je n’en boy premier ma part.
130 Et puis je mettray la64 leur part
Dedens le seau [d’eau] ; advisez
Se je n’ay bien faict. Hauld le nez65 !
Je mettray cy le demourant66.
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Le voylà [tout] frais, maintenant. SCÈNE XV
135 Quand de boire aurez appétit…
LE GENTIL HOMME
[Verse-m’en]67, beau sire, ung petit :
J’ay soif.
NAUDET
Or tendez donc(ques) voz voirres68.
LISON
Et ! que veulx-tu faire ? Tu erres !
Et ! verse[-nous] du vin, gros veau !
NAUDET
140 [Ne] le voicy pas dedens l’eau ?
Monsieur m’a dict que je luy mette(s).
LE GENTIL HOMME
Corbieu ! cela [n’est point]69 honneste ;
Tu le devois laisser au pot.
NAUDET
Vous [ne] m’en avez sonné mot ;
145 Se l’eussiez dict, je l’eusse faict.
LISON
Le vin est perdu, [en] effect.
Malle70 joye ayt-on du follastre !
LE GENTIL HOMME
Vien çà71 !
NAUDET
Ha ! vous me voulez battre.
LE GENTIL HOMME
Non feray, mais que tu sois sage.
150 Oy-tu ? Va-moy faire ung messaige.
NAUDET
Bien, g’y vois72.
LE GENTIL HOMME
[Et ! revien]73, beau sire :
Tu ne sçais pas que74 te veulx dire.
Porte ces lettres à ma femme.
Mais garde-toy bien, sus ton âme,
155 De dire que je suis cëans !
Tu luy diras que je reviens
De la chas[s]e, et suis à l’église.
Que la table soit biento[s]t mise,
Et qu’on te donne à déjuner.
160 Mais avec75 toy, te fault mener
Mon cheval pour mettre à l’estable.
NAUDET
Le76 feray-je seoir à la table ?
LISO[N]
À l’estable ! [Os-tu point]77 les gens ?
NAUDET
Oy, oy ! Tous [deux], je vous entens78…
165 [Je le v]ois mener par la main.
[À Dieu vous] dictz jusqu(e) à demain !79
[Je ne puis ce c]heval tenir.
.
[LE GENTIL HO]MME SCÈNE XVI
Çà, m’amie ! Allons parfournir80
Nostre entreprinse, je vous prie.
LISON
170 Allons ! Mais je serois marrie
Que d’aucuns fus[s]ions apper[c]euz.
Allons, si vous voulez, là-sus81,
Ou à la chambre de derrière82.
LE GENTIL HOMME
C’est trèsbien dict, m’amie chère.
175 Qu’on ne nous prenne à désarroy,
Allons derrière, vous et moy.
.
NAUDET SCÈNE XVII
Je croy que ce cheval est assez saige
Pour s’en aller tout seul, g’i gaige.
Va devant, je te suyviray !
Nota qu’il doibt laisser aller le cheval
tout seul, et retourner en sa maison.
180 Esse tout ce que je diray ?
Qu’esse-cy ? Ilz s’en sont volléz ?
Mot83, mot ! Paix ! [Par] là je les os84.
Hon ! ilz font la « beste à deux dos ».
Là, là, là, là ! Il joue beau jeu !
185 On les voit bien [cy] par ung treu85.
C’est Monsieur, oy, voicy sa robe ;
Mais de peur qu’on ne luy desrobe,
Sus mon dos je la vestiray86.
Aprèz son cheval m’en yray
190 Bien tost, pour faire son messaige87.
.
LA DAMOYSELLE commence. SCÈNE XVIII
Je crains qu’on n’ait faict quelque oultraige
À Monsieur, ou quelque grand deuil :
Car son cheval est venu seul.
Dieu mercy, je viens bien appoint :
195 [Voicy Monsieur qui vient, de loing.]88
Çà, Monsieur, que [tant] vous mettez !
NAUDET
« Monsieur ? » Hau, [hau] ! Vous me jettez
[Du] « Monsieur » ? Suis-je donc(ques) Monsieur ?
La robe me faict grand honneur.
200 Je suis Monsieur, ma Damoyselle ?
LA DAMOYSELLE
Par mon Créateur ! je l’ay belle89 :
C’est Naudet. Que Dieu nous doint joye !
NAUDET
Vélà que90 Monsieur vous envoye.
LA DAMOYSELLE
Qu’esse qu’il y a, Nostre Dame ?
205 Où est-il, or ? Dy !
NAUDET
Sus91 ma femme.
LA DAMOYSELLE
Dict-moy que92 c’est, que je le sache.
NAUDET
Il m’a dict qu’il vient de la chas[s]e,
Et si, qu’il s’en va à la messe,
Qu’on mette la table, et qu’on dresse
210 La souppe, et si, que je desj[e]une.
LA DAMOYSELLE
Comment ? Et ! tu perdrois ta jeusne93.
Et puis je suis toute seullète :
Céans n’ay94 qui la table mette ;
Tous mes serviteurs sont aux champs.
NAUDET
215 Je ne suis point de ces meschans
Qui veulent trop trencher du maistre95 ;
Je sçauray bien la table mettre.
Baillez-moy la clef du chélier
Et de l’aumoyre96 !
LA DAMOYSELLE
Quel galier97 !
220 Par ma foy, je n’en feray rien.
Mais dea, je te donneray bien
Une bonne pièce de tarte.
NAUDET
Çà doncques, devant que je parte98.
LA DAMOYSELLE
Dy-moy doncques, sans point mentir,
225 Pourquoy Monsieur t’a faict vestir
Sa robe. Tu l’as bien touillée99 !
NAUDET
Monsieur ne me l’a point baillée :
Je l’ay prinse sur nostre selle100.
Pource qu’elle me sembloit belle,
230 Je l’ay vestue en m’en venant.
LA DAMOYSELLE
Vien çà ! On m’a dict maintenant
Que Monsieur est en ta maison
Avecques ta femme Lison,
Et qu’on luy a veu dès-orains101.
NAUDET
235 Je ne vous l’ay pas dict, au moins !
Monsieur me l’a bien deffendu.
LA DAMOYSELLE
Aa, Naudet, tu es entendu102.
Sçait-il bien que tu as sa robe ?
NAUDET
Jens103 ! nennin, il ne le sçait point.
240 Mais de peur qu’on ne luy desrobe,
Je l’ay prise pour mettre appoint104.
LA DAMOYSELLE
Tu me semble, à tout105, bel et coint.
Et Lison, ne t’a-el(le) point veu ?
NAUDET
Jacques ! nennin, elle n’eust sceu :
245 Lison estoit bien empeschée,
Toute platte à l’envers106 couchée
En nostre chambre de derrière.
LA DAMOYSELLE
Ha ! je sçay bien que Monsieur, voyre,
Estoit couché à costé d’elle.
NAUDET
250 Jens ! non estoit, ma Damoyselle :
Il estoit tout fin plat dessus.
LA DAMOYSELLE
Et que luy faisoit-il, Jésus ?
Je te pry, dy-le-moy, beau sire.
NAUDET
Je n’ay garde de vous le dire :
255 Monsieur me ravesqueroit107 bien !
LA DAMOYSELLE
Dict-le-moy, je n’en diray rien.
NAUDET
Haa ! si feriez, je suys trop fin.
LA DAMOYSELLE
Tien, boit[z] une foys de ce vin108.
Et puis me le dict, je le veulx !
260 Il n’y a icy que noz deux109 ;
Pour rien [je] ne t’accuseray.
NAUDET
Ma foy ! point ne le vous diray,
Je gasterois tout le mistère.
J’ayme beaucoup mieulx vous le faire
265 Trois fois que vous en dire un mot.
LA DAMOYSELLE
Tu ne sçaurois, tu es trop sot.
NAUDET
Je ne sçaurois ? Hau, quel raison !
Et ! je le fais bien à Lison
[Très]tous les jours six ou sept foys110.
LA DAMOYSELLE
270 Tu as menti, point ne te crois !
Tu es trop sot pour telle ouvraige.
NAUDET
Le plus sot y est le plus saige111.
Pour veoir, mettez-moy en besongne :
Or dictes que je vous empoigne
275 Si comment112 Monsieur faict ma femme ;
Et je vous jure, sur mon âme,
Que point ne vous escondiray.
LA DAMOISELLE
Or m’empoigne donc : je voirray
Ta vaillance et tes beaulx combatz.
NAUDET
280 Il met met ainsi sa robbe bas113,
Et prent Lison en ceste sorte,
Et en l’autre chambre l’emporte
Sus la couchette, et ferme l’huis114.
.
LE GENTIL HOMME 115 SCÈNE XIX
Vostre mary ne revient plus ?
285 Je congnois maintenant sa ruse.
Bien petite chose116 l’amuse.
De nous, plus il ne [se] souvient.
Ma damoyselle l’entretient
À banqueter le mieulx qu’el(le) peult.
LISON
290 On faict de luy tout ce qu’on veult,
Moyennant et touchant la pience117 :
C’est le plus beau de sa science
Que de tousjours menger et boyre.
Et puis118, il pert sens et mémoire,
295 Et déclare tout son secret.
LE GENTIL HOMME
Faict[-il] ? Morbieu ! j’ay grand regret,
C’est de l’avoir là envoyé.
S’il est une foys avoyé119,
Il déclarera nostre cas.
300 G’i vois plus viste que le pas.
Çà ! ma robe légièrement120 !
LISON
Où l’av’ous121 mise, voyrement ?
Je ne la trouves point icy.
LE GENTIL HOMME
Vertu bieu ! la perdray-je ainsi ?
305 Me voicy bien mal accoustré.
Aa ! quelc’un a icy entré,
Qui n’a âme veu122, et l’a prinse.
Et vous estes bien mal apprinse
Que ne la met[t]iez [mieulx] à point.
LISON
310 Dea ! Monsieur, je n’y pensois point.
Et puis vous me hastiez [si] tant123 !
LE GENTIL HOMME
J’ay perdu ma robe contant,
Mais je crains d’en perdre124 encor une :
On voit souvent qu’une fortune125
315 Ne vient point seulle, se dict-on.
Ha ! je m’en voys. À Dieu, Lison !
LISON
À Dieu, Monsieur, jusqu(es) au revoir !
.
NAUDET SCÈNE XX
Or sus ! le vouliez[-vous bien] veoir,
Comme Monsieur faict à ma femme ?
320 Je vous l’ay montré.
LA DAMOYSELLE
Sus mon âme !
Naudet, je n’eusse pas cuydé.
Tu en besongnes comme un maistre !
NAUDET
Jen ! Lison dict qu’il le fault mettre
Tousjours au parmy du caudet126.
LA DAMOYSELLE
325 Pleust à Dieu que tu fusses Monsieur,
Et que Monsieur devînt Naudet !
NAUDET
Or si [en] est-il127, j’en suis seur.
LA DAMOYSELLE
Os-tu ? Garde bien mon honneur :
De neuf te feray racoustrer128.
330 Et si, quand tu verras entrer
Monsieur de nuict en ta maison,
Accourt icy tost me monstrer
Tout cela qu’il faict à Lison.
NAUDET
Aussi feray-je par raison,
335 Puisque j’auray robe nouvelle129.
Hay ! agar[d]ez130, ma Damoyselle :
Voycy Naudet-Monsieur qui vient.
.
LA DAMOYSELLE 131 SCÈNE XXI
Je ne sçay de quoy me souvient,
De vous veoir venir en pourpoint.
340 Et vostre robe, l’av’ous132 point,
Que ne l’avez chainte ou troussée133 ?
LE GENTIL HOMME
Je l’ay en quelque lieu laissée
Pour accourir plus vistement.
NAUDET
Ma Damoyselle, il ment, il ment !
345 La voicy : je l’ay apportée
De peur qu’el ne feust desrobée
Tandis qu’i litto[i]t à134 ma femme.
LE GENTIL HOMME
Tu as menty, villain infemme135 !
LA DAMOYSELLE
C’est bien l’estat d’un bon preudhom136 !
NAUDET
350 Qu’esse que vous luy faisiez donc ?
Je vous ay veu monté dessus.
LA DAMOYSELLE
N’av’ous137 point de honte, Jésus ?
C’est bien abaissé gentillesse138.
LE GENTIL HOMME
Mais le croyez-vous ? C’est simplesse !
355 C’est un sot plein de sot langaige.
LA DAMOYSELLE
J’aperçois bien à vostre ouvraige
Qu’avez autre tasche entreprinse.
LE GENTIL HOMME
Moy ? Morbieu ! je suys sans reprinse139 :
De tout cela je me sens net.
NAUDET, en riant 140.
360 Naudet ! Naudet ! Naudet ! Naudet !
LA DAMOYSELLE
Meschant, suis-je point assez belle
Pour vous ?
NAUDET
Ingens ! oy, ma Damoyselle,
Vous estes partout clère et blanche141.
LA DAMOYSELLE
Je ne sçay si hardy en France
365 Qui ne tînt de moy plus grand conte142.
Parquoy vous deussiez avoir honte
D’aller ailleurs, bien dire l’ose.
NAUDET
A ! ouy, ma foy : elle a ung « chose143 »
Qui ne bouge de la maison,
370 Ainsi que faict celuy Lison,
Ainsi fafelu144 et douillet.
LA DAMOYSELLE
Que fault-il à ce babillet145 ?
LE GENTIL HOMME
Parle hardiment, je le veulx !
NAUDET
Il a, tout ainsi, des « cheveulx ».
375 Joué m’y suis deux ou trois foys,
Mais je n’y treuve point de chois146 :
C’est tout ung, s’ilz sont pelle-mesle,
De Lison ou ma Damoyselle ;
Ilz sont d’ung goust147, d’une façon,
380 De148 ma Damoyselle et Lison.
Mais je veulx ne m’en chault149 laquelle,
De Lison ou ma Damoyselle :
Vous aurez le chois, c’est raison,
De ma Damoyselle ou Lison.
385 Prenez la plus doulce ou plus belle,
De Lison ou ma Damoyselle.
Ou toutes deux les espouson,
Et faison feste solemnelle
De ma Damoyselle et Lison.
LA DAMOYSELLE
390 Mais que ce fol a de blason150 !
LE GENTIL HOMME
Hon, hon, ma femme : estes-vous telle ?
Du chois, n’en don(ne)rois un oignon,
De Lison ou ma damoyselle.
De ma damoyselle et Lison,
395 N’en parlons plus et nous taison.
Cecy est [bien] neufve nouvelle151 !
Tenir me veulx152 à la maison,
Puisqu’on vient à ma damoyselle
Pendant que je suis à Lison.
NAUDET
400 Ma foy, Monsieur, sans trahison,
Je ne vous donnerois ung pet153
Pour estre Monsieur ou Naudet.
Mais il n’est pas bon d’estre, ensemble,
Naudet et Monsieur, ce me semble :
405 Ce nous seroit grand déshonneur.
Qu’on fist ung Naudet de Monsieur
Quand de Naudet tiendrez le lieu ?
Naudet seroit Monsieur, par Dieu !
Gardez donc vostre seigneurie,
410 Et Naudet sa naudet[t]erie154.
Se tenez Lison, ma fumelle155,
Naudet tiendra ma Damoyselle.
Ne venez plus naudétiser,
Je n’iray plus seigneuriser.
415 Chascun, à ce qu’il a, se tienne !
Et affin qu’il vous en souvienne,
Croyez-moy qu’il fault, mon amy,
À trompeur, trompeur et demy156.
Pour tant, que plus ne vous advienne !
.
FINIS
*
1 BM : La femme (L’épouse de Naudet se nomme Alison, abrégé en Lison dans toutes les rubriques.) Elle est en train de mettre le linge sale de son mari dans un cuvier. 2 Vers manquant (voir ma notice). Je lui supplée le vers 74 du Munyer. Je remets d’aplomb les deux vers suivants, que l’imprimeur a intervertis à cause de la perte de la première rime. 3 Bien nantie. André Tissier <Recueil de farces, t. I, Droz, 1986> rappelle que dans le Badin, la Femme et la Chambrière (BM 16), une farce dont le recueil du British Museum fait suivre la nôtre, la femme commence par les mêmes récriminations contre son Badin de mari : « Ne suis-je pas bien étorée/ De mon mary que vous voyez ? » 4 Tachée d’excréments. Les chemises, très longues, entraient dans le haut-de-chausses ou dans les braies. « Dorer braye ou chemise. » On parle de porter devise. 5 De notre hobereau local. 6 Courir le guilledou. « Il a esté en varouillage. » Le Porteur de pénitence. 7 Ce que j’en sais. 8 Je le vis. 9 Hier soir, normandisme. 10 Sous le pignon : dissimulé dans l’ombre du faîte. Cf. les Mal contentes, vers 34. 11 Avec. 12 Lui (pronom normand). « C’est ille ! » Frère Guillebert. 13 Oui. Idem vers 164 et 186. 14 S’il t’entend, verbe ouïr. 15 Pour autant. Idem vers 419. 16 Fuir. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 163. 17 « Cians » rime avec « bians », comme au vers 233 de la farce normande du Pardonneur. À 116, il rime avec « rians » ; à 155, il rime avec « revians ». 18 Il te soûle de vin et de viande. 19 S’il y a plus à boire et à manger, que j’y participe ! 20 Qui me sert mal ; c’est un surnom qu’on donne aux mauvais serviteurs. « Monsieur, vous voulez que j’aye/ Le surnom de Maumisert ;/ Vous diray-je à descouvert/ Le vostre ? C’est Maumypaye ! » (Estienne Tabourot.) Les Conards de Rouen exhibaient un « abbé de Maumisert ». 21 J’y vais. Idem vers 41, 76, 78, 108, 119, 151, 300, 316. Naudet sort. 22 Il rentre de la chasse, à cheval, et s’arrête devant la maison de ses fermiers. Il fredonne une chanson courtoise en décasyllabes, dont le 1er vers doit être : « L’amour que j’ay à la belle Allison. » 23 BM : ceste 24 Il revient d’aller chercher du bois. 25 BM : venir (C’est probablement un refrain de comptine.) 26 Reconnu, de loin. 27 Les subalternes doivent tenir l’étrier des cavaliers qui descendent du cheval, ou qui y montent. Mais Naudet est à contretemps : le gentilhomme, voulant montrer sa souplesse à Lison, qui arrive, a déjà sauté par terre. 28 De plaids, de paroles. 29 Le promener, pour qu’il cesse de suer après la chasse. 30 On attendrait « avec », mais Naudet n’aime pas boire d’eau. 31 Les paysans faisaient boire les animaux de trait dans un tonneau sans couvercle. L’expression que je rapporte s’entendait encore au pays d’Auge il y a quelques décennies, et on ne l’appliquait pas qu’à des animaux… Le relieur de ce recueil factice a coupé le dernier vers de cette première colonne. 32 Il y a de quoi devenir fou. Naudet ne sait pas se tenir à cheval. 33 Il rue pour chasser les mouches. 34 BM : fetrouille (Cf. la Confession Margot, vers 114 et note. On pourrait aussi lire fretouille, qui a le même double sens grivois que fatrouille.) Il y a un taon qui lui pique l’anus. Naudet et sa monture s’éloignent un peu. 35 BM : lespargnez (« On dit Ne m’espargnez pas, pour dire : employez-moy librement. » Dict. de l’Académie françoise.) 36 Il revient vers le gentilhomme en tenant son cheval par la bride. 37 M’a vu en train de lutiner sa femme. 38 « Lay » est un pronom normand qui signifie « le ». Idem vers 125. 39 Un peu. Idem vers 136. Naudet va enfermer le cheval dans l’écurie. 40 Dans sa sottise. 41 Il revient de l’écurie. 42 Irai-je acheter du vin ? C’est en effet la corvée qu’on inflige aux cocus pour se débarrasser d’eux. Voir par exemple Pernet qui va au vin : « Iray-je au vin ? » 43 La rime est correcte, puisque les Normands prononcent « sé » : voir la note 33 de Troys Galans et un Badin. 44 Au cep de vigne. Ces deux enseignes de tavernes vendent du vin à emporter. Pernet qui va au vin demande s’il doit aller se fournir « au Pillon, ou au Coffin,/ Au Sabot ou à la Lanterne :/ J’ay mis en oubli la taverne. » 45 Métonymie sexuelle. Comme le déplore la jeune épouse de Raoullet Ployart, « ma vigne se gaste/ Par deffaulte de labourage ». Voir la note d’André Tissier, p. 275. 46 Je vais ôter ma robe de chasse et me mettre en pourpoint. (Cf. Gautier et Martin, vers 58.) Il pose sa robe sur le banc. 47 Il revient, ayant fait exprès d’oublier l’argent pour acheter le vin. L’éternel retour du cocu gênant est un des gags les plus sûrs de la littérature farcesque. 48 Me baillerez-vous. 49 Ou est-ce qu’on le mettra sur votre note. Naudet assimile le gentilhomme à un pilier de taverne. 50 Dans cette œuvre, c’est la forme courante de l’impératif « dis ». Idem vers 206, 256, 259. 51 BM : beueray (J’en boirai.) 52 Il ne cessera pas, aujourd’hui ? M’(a)it Dieu = que Dieu m’assiste. 53 BM : reuient poit 54 Il sort en maugréant, chargé d’un pot vide. 55 Je lui rendrai la monnaie de sa pièce (en couchant avec son épouse). 56 BM : quelque 57 Loisir. Même prononciation normande dans l’exemple de la note 97. 58 Sur toute chose, par-dessus tout. Idem vers 115. 59 Je vais écrire une lettre à ma femme. Le gentilhomme s’attable et écrit. 60 Le relieur a saccagé le bas de cette colonne, comme la précédente et la suivante. Je propose une reconstitution qui s’appuie sur les vers 161 et 213. 61 Il est devant la porte, avec le pot de vin qu’il est allé faire emplir. 62 Goûté avant de le servir, comme un échanson. Naudet entre en s’essuyant la bouche. 63 Il retourne dans la cour avec le pot, et tire un seau d’eau du puits. 64 Quoi qu’on en dise, il s’agit bien de l’article « la », et non de l’adverbe « là ». « Ès biens et ès maulx que j’auray jamaiz, vous aurez tousjours la vostre part. » Jehan de Bueil. 65 Haut le nez = À la tienne ! Naudet boit une bonne rasade de vin. 66 Le demeurant. Naudet verse le reste du vin dans le seau d’eau, qu’il porte dans la maison. 67 BM : Vresment (Un petit = un peu.) 68 Vos verres. Naudet puise de l’eau dans le seau. 69 BM : et (« Sang bieu ! cela n’est point honneste. » Le Faulconnier de ville.) 70 Mauvaise. Un folâtre est un fou. 71 Viens ici ! BM intervertit cette injonction et la rubrique qui la précède. 72 J’y vais. Naudet s’apprête à sortir sans savoir où il doit aller. C’est là encore un gag très couru. 73 BM : En reuient 74 Ce que je. 75 BM : auant 76 BM : Et 77 BM : os t boint (N’entends-tu pas ce qu’on te dit ?) 78 Double sens : Je comprends où vous voulez en venir. 79 Naudet sort, et tire le cheval de l’écurie. Le relieur a encore abîmé ce bas de colonne ; je reconstitue ce vers sur le modèle de 317, mais c’est également le dernier vers de la Résurrection Jénin à Paulme. 80 Terminer. 81 Là-haut, dans la chambre de l’étage. 82 La chambre du rez-de-chaussée, qui se trouve juste derrière le rideau de fond. Le Poulier à sis personnages offre exactement la même configuration. 83 BM : Moy (Je ne leur dirai pas un mot.) 84 Je les entends. Par une déchirure du rideau de fond, Naudet lorgne le couple en action. 85 Par un trou dans le mur, ou dans la porte. Le record du voyeurisme est détenu par le Tesmoing qui, pour assister aux ébats de ses voisins, a « rompu le boult d’un ays ». 86 Naudet enfile la robe que le gentilhomme avait posée sur un banc. 87 Pour porter le message à sa femme. Naudet sort sans faire de bruit, et va au manoir, où le cheval l’a précédé. 88 Vers manquant. La châtelaine voit venir Naudet, et le prend pour son mari, dont il porte la robe. Elle s’étonne qu’il arrive si tard. 89 On me la baille belle. « Par Nostre Dame, je l’ay belle ! » Le Pauvre et le Riche. 90 Voilà ce que. Naudet donne la lettre à sa patronne. 91 Chez : cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 161 et note. Naturellement, il faut comprendre « sur ». 92 Ce que. « Dictes que c’est, que je le sache. » L’Homme à mes pois. 93 Ton jeûne de vendredi. « De la jeûne me vueil vengier/ Que j’ay hui fait. » (ATILF.) Cette moquerie vise la forte corpulence de Naudet. 94 Je n’ai personne ici. 95 Abuser de leur pouvoir. Cf. la Pippée, vers 419. 96 Du cellier, où se trouve le vin, et de l’armoire, qui sert de garde-manger. Naudet fait dans l’équivoque scabreuse : cellier = vulve. « Mon mal, (…)/ Je le prins en meschant cellier. » (Le Triumphe de haulte et puissante dame Vérolle.) L’armoire désigne le même endroit : « De quoy serviroient voz aumoyres,/ Si ne vouliez bouter dedens ? » Frère Guillebert. 97 Quel plaisantin. La Damoiselle embraye dans le même registre déluré : pour tout Normand, un galier est un pénis. « Y saquit sen galier par le trou de sa brais,/ Pis, tenant de sa main cheste afaire segrette,/ Il la mit douchement au trou de la pouquette,/ Et dedans y pissa tout à sen biau laisir. » La Muse normande. 98 Donnez-m’en avant que je parte. 99 Salie. 100 BM : table (Une selle est un banc ou un tabouret large qui meuble tous les intérieurs modestes. « Séez-vous dessus ceste selle. » Le Poulier à sis personnages.) 101 Qu’on l’y a vu tout à l’heure. 102 Tu es malin. 103 Par saint Jean ! Même juron normand aux vers 250, 323, 362. Ce vers est surnuméraire mais on ne peut pas le supprimer. 104 Pour la mettre à l’abri. Idem vers 309. 105 Avec (cette robe). Coint = élégant. 106 À la renverse, sur le dos. 107 Me rabrouerait, normandisme. 108 Les curieux qui veulent faire parler un simple d’esprit prêchent le faux pour savoir le vrai, et le font boire. C’est notamment le cas dans la scène de la confession de Messire Jehan. 109 Que nous deux, normandisme. 110 La femme de Naudet est mieux lotie que celle de Jacquinot, laquelle réclame en vain : « Mais tous les jours cinq ou six fois ! » Le Cuvier. 111 Dans son article le Fol bien mentulé, Thierry Martin rappelle que « les innocents, considérés comme les êtres les plus naturels, étaient prédestinés à l’acte le plus naturel ». Trois études sur la sexualité médiévale, GKC, 2001. 112 Tout comme. Ces vanteries masculines sont monnaie courante : « Je voudroys que l’on me coupât le membre si je ne vous le faisoys douze foys pour la nuit…. Mettez-moy en besongne, et vous verrez comment il en ira. » Nicolas de Troyes. 113 Naudet retire la robe du gentilhomme. Puis il jette sa patronne sur son épaule et l’emporte derrière le rideau de fond. 114 Les Normands prononçaient « lu » : cf. les Trois amoureux de la croix, vers 43. Ce mot rime aussi avec plus au vers 177 de Tout-ménage. 115 Lui et Lison sont revenus dans la pièce principale. 116 Peu de chose. 117 La boisson. « Et à tous ceulx qui ayment la pience (…),/ Quatre jambons et six flacons de vin. » Le Testament de Ragot. 118 Et après. 119 Mis sur la voie de la confession. 120 Donnez-moi ma robe rapidement. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 52. 121 BM : lauez vaus (Même contraction normande aux vers 340 et 352.) 122 Qui n’a vu personne. 123 Même tournure normande au vers 306 du Poulier à sis personnages. 124 BM : prendre (C’était le comble du déshonneur : « J’aymeroye mieux perdre ma robe/ Que nul désemparast le banc ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 125 Qu’une mauvaise fortune : qu’un malheur ne vient jamais seul. 126 Au milieu du « chaudet », du sexe de la femme. « –Ma mie, vous n’avez garde d’avoir froid, pour vous qui avez tousjours les mains à vostre chaudet…. –Comment peut-il appeller chaudet un lieu où l’eau sourd, où le vent souffle, & où jamais le soleil ne donne ? » A. Le Métel d’Ouville. 127 Il en est ainsi. 128 Habiller. 129 Puisque vous m’aurez donné une robe de gentilhomme (vers 329), j’agirai comme tel. 130 Regardez (normandisme). Cf. l’Arbalestre, vers 308. 131 À son époux, qui entre aussi discrètement que possible. 132 BM : lauez vous (Voir la note 121.) 133 BM : trouuee (Que vous ne la portiez ni ceinte ni retroussée.) 134 Qu’il luttait avec. « S’el a une foys lysté/ Avec le malle. » (Frère Phillebert.) Ce verbe rural s’emploie pour les saillies des boucs et des chèvres. 135 Paysan infâme. 136 BM : preudhõe (On prononce prudon : « Vaillans preudhoms,/ N’oubliez pas ces beaux pardons. » Saincte-Caquette.) 137 BM : Nouous (Note 121.) 138 Votre état de gentilhomme, votre noblesse. 139 BM : reproche (Sans reproche, sans blâme. « Car je vueil chanter sans reprinse. » Ung jeune moyne.) 140 Naudet se moque de son maître en le traitant de « naudet », qui n’est pas un titre flatteur : « Vous me semblez assez naudés. » (Les Sobres Sotz.) Il se peut que nous ayons là une de ces chansons niaises dont les Badins se repaissent. Le Savetier qui ne respond que chansons <F 37> appelle son valet en chantant : « Naudet, Naudet ! » 141 BM : belle (« Blanche » rime avec « Franche », à la manière normande ; voir la note 48 de la Folie des Gorriers.) La blancheur est un signe aristocratique : « Vostre bonté, vostre grant renommée,/ Vo doulz maintien, vo face blanche et clère. » Eustache Deschamps. 142 Compte. 143 Un sexe. Cf. Jolyet, vers 32. « Je ne verroye jamais homme en ma vie…. Et de quoy serviroit mon petit chose, que mon père a dict qu’il feroit un jour aussi bien que celuy de ma mère ? » Guillaume Des Autels. 144 Aussi dodu, grassouillet. Cf. le Pasté et la tarte, vers 164. 145 Ce babillard, ce bavard. Le Caquet des bonnes chambèrières fut, nous dit-on, « imprimé par le commandement de leur secrétaire, maistre Pierre Babillet ». 146 Je ne saurais choisir entre les deux. 147 D’une même forme. 148 BM : Celuy 149 Peu m’importe. 150 De bagou. 151 Nous dirions : C’est la meilleure ! 152 BM : veult (Je veux rester.) 153 Je ne donnerais pas la valeur d’un pet. Tissier comprend : « Peu importe que je sois… » 154 BM : naudet erie (Il manque une lettre.) 155 Ma femme, normandisme. 156 Cette devise pourrait servir dans toutes les farces où un simple Badin, à force de ruse naïve, l’emporte sur de plus intelligents ou de plus forts que lui. C’est par exemple le dernier vers qu’énonce le meunier du Musnier et du Gentil-homme, après avoir mouché un noble. Le héros du Poulier à sis personnages, ayant remis à leur place deux nobles qui asticotaient sa femme, en tire cette morale : « À trompeur, tromperye luy vient. »
MESSIRE JEHAN
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MESSIRE JEHAN
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Messire Jean est une des incarnations de l’ecclésiastique paillard et sans scrupule : on le rencontre dans Jénin filz de rien, dans Jehan de Lagny, dans le Testament Pathelin, dans le Savetier Audin, etc. Ici, tout comme dans l’Eugène d’Étienne Jodelle (1552), messire Jean est le chapelain d’un prêtre. Ce dernier, qui convoite la maîtresse du chapelain, n’est pas le personnage le moins pervers de la pièce : en virtuose de la confession, il extorque les détails les plus scabreux au jeune Jacquet (le fils bâtard de messire Jean et de sa maîtresse), un simple d’esprit qu’on fait parler ou qu’on fait taire en lui offrant du vin.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 29. Cette farce normande remonte aux années 1520 ; elle avait donc beaucoup circulé avant que le copiste idiot du ms. La Vallière ne la dégrade encore, un demi-siècle plus tard : bref, elle est dans un état déplorable.
Structure : Rimes plates, avec 1 triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
À quatre personnages, c’est assavoir :
MESSIRE JEHAN
LA MÈRE DE [JAQUET]
JAQUET, qui est Badin 1
LE CURÉ
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MESSIRE JEHAN 2 commence SCÈNE I
Dieu te gard, Jaquet, mon amy !
Je ne te voys pas à demy3,
Tant suys espris de ton amour.
LE BADIN [Jaquet]
Et mon Dieu, que vous estes flatour4 !
5 Savons bien pourquoy vous le dictes.
MESSIRE JEHAN
Pourquoy esse ? Dy-lay5 !
LE BADIN
Vresmyques6 !
Je ne vous en diray [plus] rien.
MESSIRE JEHAN
Tu ne feras donques pas bien :
Tu te peulx bien à moy fier.
LE BADIN
10 Et ! mon Dieu, que vous seriez fier7
Se vous le saviez, messir(e)8 Jehan !
MESSIRE JEHAN
Tu n’auras rien donc de cest an9.
LE BADIN
[Ne] me donr[i]ez-vous donc à boyre10,
Sy vous veniez onc11 veoir ma mère ?
15 [Aussy] de la chair ou du choisne12,
Dictes ?
MESSIRE JEHAN
Ouÿ, par sainct Anthoeine !
Je t’en donray, tu en auras.
LE BADIN
A ! je ne le vous diray pas :
Vous viendr[i]ez au logis en13 ville.
MESSIRE JEHAN
20 Escouste, parle à moy, anguille14 !
Tu es un très merveilleur15 corps !
LE BADIN
Sy vous savyez [qu’il fust]16 dehors
De l’ostel17, de messir(e) Jehan, mon père18,
Bien tost viendryez-vous19 voèr ma mère.
25 Mays je ne le [vous] diray mye.
MESSIRE JEHAN
Vien çà ! Dy-moy [donc], je te prye,
Quant viendra20 ? Dy-moy hardyment ;
Poinct ne t’acuseray, vrayment.
LE BADIN
Qui vous a dict qu’il est dehors ?
30 Le deable me [rompe le corps]21 !
Je croy que vous [m’oignez bien d’]22 huylle.
MESSIRE JEHAN
Or je te pry par raisons23 mille :
Dy-moy quant c’est qu’i reviendra.
LE BADIN
À retourner el24 l’atendra
35 (Mauldict soye-ge !) demain au soir.
C’est un homme de grant valoir.
Messir(e) Jehan, y vous fault pencer
Que me donnerez à souper,
Se venez coucher cheulx25 ma mère.
MESSIRE JEHAN
40 Je le veulx bien.
LE BADIN
Sans vous desplaire26.
MESSIRE JEHAN
(Tu es un garson odieulx.)
LE BADIN
Mon serment ! el vous ayme myeulx
Que mon père, je le say bien.
MESSIRE JEHAN
Taisez-vous27 !
LE BADIN
Je n’en diray rien
45 À mon père, ne vous en chaille,
Car mon père poinct ne me baille
Du vin à boyre comme vous.
MESSIRE JEHAN
Et ! qu’esse icy ? Vous térez-vous ?
LE BADIN
Et ! comment donc ? Qui esse qui m’ot28 ?
MESSIRE JEHAN 29
50 Tès-toy, ne parle mèsuy30 mot !
Entens[-y], je te prye, beau sire.
LE BADIN
En bonne foy, je le voys31 dire
À ma mère, alant le [grant] pas32.
MESSIRE JEHAN
Quoy ?
LE BADIN
Je luy diray que de beaulx draps
55 Blans elle mète à nostre lict,
Et qu(e) y coucherez ceste nuict,
Ainsy que vous avez amors33
Quant mon père est alé dehors.
MESSIRE JEHAN
Ne luy dist pas, el te batroict.
LE BADIN
60 Aussy bien elle y en métroyct ;
Et ! qu’av’ous34 perdu qu’on luy die ?
MESSIRE JEHAN
Non feras, que Dieu te mauldie !
LE BADIN
Bien35.
.
Je say bien que36 je feray. SCÈNE II
Par mon serment ! je mengeray
65 De bon pain blanc et de la cher37,
Car messir(e) Jehan s’en vient coucher
Ceste nuict avec[ques] ma mère.
Et sy, n’en séra38 rien mon père.
.
Escouste[z], hay ! Ma mère, hau ! SCÈNE III
LA MÈRE entre 39
70 Que veulx-tu ? C’a-il40 de nouveau ?
LE BADIN
Messir(e) Jen vient : boutez41 la table !
LA MÈRE
Et ! taisez-vous, de par le deable !
…………………………………….
« Enfant ayme qui beau luy dict.42 »
LE BADIN
In Jen43 ! je soys de Dieu mauldict !
75 Mon père le séra, alez.
LA MÈRE
Par ma foy ! sy vous en parlez,
Ma foy, je vous assommeray !
Et sy, vous n’érez44 rien de moy
Qui ne soyt après la Sainct-Jehan.
LE BADIN
80 Par mon serment ! messire Jehan
M’a promys qu’i me donnera…
Voyre dea : qu’il45 aportera
À boyre et de toult aultre bien.
Mais je ne vous en diray rien.
LA MÈRE
85 Par ma foy, tu es bien subtil !
LE BADIN
Par mon serment ! il est gentil ;
Y m’ayme bien, c’est un bon homme.
S’y n’avoyt à luy c’une pomme,
Sur ma foy, il me la bauldroict46.
LA MÈRE
90 Tu es fol naturel à droict47,
Par l’image du crucefis48 !
LE BADIN
A ! il m’ayme comme son fis.
Tout plain de gens disent, aussy,
Que suys son fis : est-il ainsy ?
95 Vous semble-il que je soys aintel49 ?
LA MÈRE
Et ! tais-toy ! Tu n’as que frestel50
[Et que babil.]
.
MESSIRE JEHAN 51 SCÈNE IV
Holà ! Holà !
.
LE BADIN SCÈNE V
Escouste, escouste, le voylà ! 52
Ma mère, vécy messir(e) Jehan.
LA MÈRE
100 Paix ! Que Dieu te mect[e] en mal an53 !
LE BADIN
Que je suys fier54, [par] Nostre Dame !
LA MÈRE
Se tèra ce garson infâme ?
LE BADIN 55
Entrez, entrez : mon père n’y est pas.
LA MÈRE
Ne parleras-tu poinct plus bas ?
105 Tu en auras56, par sainct Remy !
LE BADIN
Voécy [messir(e) Jehan, mon amy]57 ;
Ma mère, en estes-vous bien fière ?
LA MÈRE
Tu [en] éras sur ton dèrière,
Je le voys bien.
.
MESSIRE JEHAN 58 SCÈNE VI
Dieu gard, commère !
LA MÈRE
110 Et à vous aussy, mon compère !
MESSIRE JEHAN
Métez ce pot de vin à poinct59.
LA MÈRE
A ! vrayment, il n’en faloyt poinct.
MESSIRE JEHAN
Tiens60, Jaquet, voélà une pomme.
LE BADIN
Vrayment, vous estes un bon homme.
LA MÈRE
115 Remercye-lay, Dieu te mauldye !
LE BADIN
Vous n’avez garde que je dye
À mon père que venez seans61.
LA MÈRE
Je croy qu’i se moque des gens :
N’est-il pas moins62 sot qu’i ne semble ?
LE BADIN
120 Couchez-vous tous [les] deulx ensemble !
LA MÈRE
Mais regardez-moy quel danger !
MESSIRE JEHAN
Il ne fault poinct, pour abréger,
Que devant luy rien nous fasson.
Y nous fault trouver la fasson
125 De l’envoyer à la chandelle63.
LA MÈRE
Y le fault batre comme toylle64 !
Vien çà, Jaquet !
LE BADIN
Hau !
LA MÈRE
[Mais quel « hau » ?]65
Tu es encore bien nouveau66 ;
Ne says-tu67 dire : « Que vous plaist ? »
LE BADIN
130 Hau ! hau ! « Que vous plaist ! »
LA MÈRE
Bo, que de plaict68 !
Aler te fault aler au prébitaire69.
LE BADIN
Nostre Dame ! qu’iray-ge faire ?
Vous m’envoyez tousjours ainsy,
Quant messire Jehan est icy.
LA MÈRE
135 Et, dea ! fault-il [tant] c’on quaquète ?
LE BADIN
Que j’ayes70 donc de ceste bouète
Que messir(e) Jehan vous a baillée !
MESSIRE JEHAN
C’est raison qu’il ayt la lipée71 ;
Jaquet, à toy je m’en voy boyre.
LE BADIN
140 Je vous remercye, mon père72…
C’est « messir(e) Jehan » que je doys dire.
MESSIRE JEHAN
Comment, « ton père » ? Hélas, beau sire,
Tu ne says pas bien que73 tu dis !
LE BADIN
Par mon serment ! y m’est avis,
145 Quant parles à mon propre père,
Que c’est à vous.
MESSIRE JEHAN
Je croy que voire.
Boy vitement ! Sy, partiras.
LE BADIN
G’y voys74.
LA MÈRE
Qu’esse que tu dyras ?
Où t’en vas-tu ?
LE BADIN
Au prébitaire.
LA MÈRE
150 Et ! voire ; mais qu’i vas-tu faire ?
LE BADIN
Et ! vous ne m’avez poinct dict qué75.
LA MÈRE
Y pert que les py[e]s l’ayent76 cauqué.
Tristre77 vilain, mauldist soys-tu78 !
Tu luy diras, vilain testu,
155 Se c’est son plaisir, qu’i nous preste
Une chandelle. Et [sy], n’areste
(Entens-tu bien ?) ne brin ne gouste79 !
LE BADIN
Non ferai-ge, n’en ayez doubte80.
LA MÈRE
Vien çà ! Comme luy dyras-tu ?
LE BADIN
160 Je luy diray : « Vilain testu… »
LA MÈRE
Je pry Dieu que tu soys mauldict !
LE BADIN
Sur ma foy ! vous me l’avez dict.
LA MÈRE
Et ! ne séroys-tu myeulx parler ?
Ainsy te fauldra commencer :
165 « Monsieur le Curé, désbonsoir81 ! »
Ou « désbonnuyct », ce m’est tout un.
Saluer le convyent par run82.
Puys gentiment emprunteras
La83 chandelle. Et tousjours éras
170 La main au bonnet84.
LE BADIN
Et ! bien, bien.
LA MÈRE
Par ma foy ! tu ne congnoys rien ;
Tu es plus sot qu’agnyau qui belle85.
Va-t-en disant « une chandelle »,
Afin que tu ne l’omblye86 pas.
175 Et revyens87 plus tost que le pas !
.
LE BADIN 88 SCÈNE VII
[Je le veulx mettre en ma cervelle :]89
« Une chandelle. Une chandelle… »90
Que deable ! je ne say que c’est ;
À bien peu que je ne suys quest91.
180 Le deable y ayt part à la pierre !
Je ne say plus que je voys querre92,
Maintenant… Je seray mengé93.
.
Ma mère, je suys trébuché ; SCÈNE VIII
Par mon serment, un bien grant sault94 !
185 Je ne sçay plus ce qu’il me fault.
LA MÈRE
Une chandelle, dy, vilain !
LE BADIN
Et bien, bien.95
LA MÈRE
Garde-toy bien de dire rien
De messir(e) Jehan !
LE BADIN
Et ! je n’ay garde96.
.
LA MÈRE SCÈNE IX
Par ma foy ! quant je [le] regarde,
190 Ce garson est encor bien sot.
MESSIRE JEHAN
Ne me chault, mais qu’i ne dye mot
De moy : car je seroys infâme.
.
LE BADIN 97 SCÈNE X
Holà ! Hay ! A-il céans âme98 ?
LE CURÉ entre 99
Qui esse là ?
LE BADIN
Et ! c’est mé100.
LE CURÉ
Qui, « mé » ?
[ LE BADIN
195 Jaquet.
LE CURÉ ]
Que ne t’es-tu nommé ?
LE BADIN
Et ! c’est Jaquet.
LE CURÉ
Entre, beau sire,
Et c’on sache que101 tu veulx dire.
LE BADIN 102
Dieu gard ! Dieu soyt ceans ! Désbonsoir !
LE CURÉ
Entre, Jaquet, et viens te soir103.
LE BADIN
200 Ma mère se commande104 à vous
Plus de cent foys, entendez-vous ?
Elle m’a dict deulx ou troys coups
Qu’el[le] vous prira par amours
Que luy envoye[z]… je ne say quoy.
205 Je n’en says rien, quant est à moy105,
Car par ma foy, j’ey omblyé ;
Par quoy, j’en suys tant ennuyé.
À ma mère savoir je voys106.
.
Ma mère, qu’esse que je doys SCÈNE XI
210 À nostre curé emprunter ?
LA MÈRE
Le deable te puisse emporter !
Faloyt-il, pour ce107, revenir ?
Et ne séroys-tu retenir
« Une chandelle », dy, vilain ?
LE BADIN
215 Et bien, bien108.
.
MESSIRE JEHAN SCÈNE XII
Entendez vous : pour tout certain,
Y nous joura un mauvays jeu.
LA MÈRE
Ma foy, il est sot en toult lieu.
[MESSIRE JEHAN] 109
Ma foy, c’est un dangereulx sot,
Pour le vous dire [bref et]110 tost ;
220 Et en érons froyde nouvelle111.
.
LE BADIN 112 SCÈNE XIII
Mon seigneur113, c’est une damoyselle !
LE CURÉ
Tu en éras, Jaquet, vrayment !
Pourquoy as-tu sy longuement
Mys la main à ton bonnet ?
LE BADIN
Et ! voyre.
LE CURÉ
225 Pourquoy esse ? Dy-lay !
LE BADIN
Ma mère
M’a dict que je [l’y ayes]114 tousjours
Quant je vouldray parler à vous.
LE CUR[É]
[Ne le fault à tort, mais]115 à droyt.
LE BADIN
Ma foy ! ma mère me batroyt.
LE CURÉ
230 Vous l’ôterez116, vrayment, beau sire.
LE BADIN
Bien ; mais il ne le fault poinct dire
À ma mère, [m’]entendez-vous ?
LE CURÉ
Vien çà, Jaquet.
LE BADIN
Que voulez-vous ?
LE CURÉ
Et ! que tu parles sotement !
235 Parle un petit117 plus gentement.
LE BADIN 118
« Que vous fault-il ? » Je parle aussy gresle
Comme faict une Damoyselle119.
LE CURÉ
Tu parle[s] aussy droyt c’un mesle
Qui est en la cage120, beau sire.
LE BADIN
240 Me voulez-vous [pas] faire dire
Ce que ma mère a121 défendu ?
LE CURÉ
Ce n’est pas trop mal entendu.
LE BADIN
Aussy je ne le diray mye.
LE CURÉ
Or vien çà ! Dy-moy, je te prye,
245 Beau sire, qui est cheulx122 ta mère.
LE BADIN 123
Que voélà de beau rouge [à] boyre !
LE CURÉ
Vrayment, Jaquet, tu en buras ;
Mais av[ant], sy, tu me diras
Qui est cheulx ta mère, entens-tu ?
LE BADIN
250 Par ma foy ! je seroys batu.
LE CURÉ 124
Tien, tien, avale ce petit,
Et goûte de quel apétit
Il est, se tu n’es équeuré.
LE BADIN 125
Grand mercy, monsieur le Curé !
LE CURÉ
255 Il est bien meileur que cervoyse.
LE BADIN
Mon serment, vous estes bien èse126 !
En buvez-vous tousjours de tel ?
LE CURÉ
Dy-moy qui est à vostre hostel,
Tu buras encor de mon vin.
LE BADIN
260 Et ! mon Dieu, que vous estes fin !
Vous voulez tousjours [tout] sçavoir.
Mon serment ! je vouldroys avoir
Une aussy belle robe que vous.
LE CURÉ
Mais qu’en feroys-tu ? Dy-le-nous,
265 Afin que plus tu ne crételle127.
Messir(e) Jehan [n’a-il]128 poinct de telle ?
LE BADIN
[Nennin,] elle n’est poinct pelue129
– Au moins celle qu’il a vestue130 –
Par-dedens, comme la vostre est.
LE CURÉ
270 Jaquet, tu n’es pas encor prest
D’avoir chandelle, sûrement,
Se ne me dis premièrement
Se messir(e) Jehan est à l’ôtel.
LE BADIN
Qui vous a donné ce coustel131 ?
275 Il est bel. Où en est la gayne ?
LE CURÉ
Or me dis132 donc, sans plus de paine,
Se messir(e) Jehan est à vostre astre133.
LE BADIN
A ! vous me voulez faire batre
À ma mère, je le voys bien.
LE CURÉ
280 Vrayment, elle n’en séra rien.
LE BADIN
Par ma foy ! el(le) frape tousjours ;
Se messir(e) Jehan ne m’eust rescous134,
L’autre jour, el m’eust bien batu.
LE CURÉ
Messir(e) Jehan [couche tout vestu]135,
285 Ou y se despouile136, avec ta mère ?
LE BADIN
Il se despouile quant mon père
Ne doibt poinct au soir revenir.
LE CURÉ
Quant tu as137 deu icy venir,
Avec ta mère il y estoyt ?
LE BADIN
290 Et ! sur mon âme, non estoyt !
LE CURÉ
Vrayment, il y debvoyt souper ?
LE BADIN
Ma foy, poinct n’avez vostre pèr138 :
Au moins, tousjours tout vous savez.139
Monsieur le Curé, vous avez
295 Icy de belles gens, av’ous140 ?
LE CURÉ
Voyre, Jaquet.
LE BADIN
Que [n’estes-vous]141
Parmy ces belles damoyselles !
LE CURÉ
Veulx-tu poinct coucher avec elles ?
LE BADIN
Ouy, ouy, mais vous en seriez mar[r]y.
LE CURÉ
300 Veulx-tu poinct estre le142 mary
D’une d’icy ?
LE BADIN
[Moy ?] Et quoy donques143 !
[De plus belles je ne vys oncques.]144
Nous serions tant aise, nos deulx145 !
Demandez-vous sy je la veulx ?
305 Ouÿ ! Et sy, veulx estre prestre146.
LE CURÉ
Tu ne séroys, ce me semble, estre
Prestre et marié [tout] ensemble.
LE BADIN
Pourquoy ? [Cela n’est sans example]147 :
Ma mère, sans estre hariée148
310 (Entendez-vous ?) est mariée
À mon père ; et sy149, est prestresse.
LE CURÉ
Or je te pry : dy-moy qui esse,
Gentil Jaquet, qui te l’a dict.
LE BADIN
In Jen ! je soys de Dieu maudict
315 Sy vous n’êtes fort enquérant150 !
Qui mengeust vostre demourant151,
Monsieur le Curé ? Vostre basse152 ?
LE CURÉ
Voyre, Jaquet.
LE BADIN
Elle est bien grasse,
D’avoir de sy bonne mengaille153 !
LE CURÉ
320 Jaquet, y fault que je t’en baille.
LE BADIN
Et ! baillez çà !
LE CURÉ
Atens154 encor,
Car tu me diras, par sainct Mor,
Quant c’est que messir(e) Jehan y vient.
LE BADIN
Par ma foy ! oncques155 il n’y vient
325 Synon quant mon père est dehors ;
Maishuy156 survyent.
LE CURÉ
Mengust ung mors157,
Puys tu auras tantost à boyre.
LE BADIN
Vous me faictes bien bonne chère,
Monsieur le Curé, de ce choisne.
LE CURÉ
330 Je t’ayme mieulx, par sainct Anthoine,
Que s’estoys158 mon cousin germain !
LE BADIN
Ne mengez-vous oncques159 de pain ?
Meng’ous160 du choisne ou de la miche ?
LE CURÉ
Par ma foy ! je ne suys pas siche161.
LE BADIN
335 Mon Dieu, qu’estes-vous èse162, icy !
LE CURÉ
Par ma foy ! tu seras ainsy
(Le cas venu) y aparyé163,
Sy t(u) es une foys marié.
Vien çà ! laquelle veulx-tu avoir ?
LE BADIN
340 Et ! vous la v[i]endriez souvent voir,
Comme messir(e) Jehan faict ma mère !
LE CURÉ
Quant y vient-il ?
LE BADIN
C’est quant mon père…
A ! il n’y vient poinct, sur ma foy,
Car ouez vous a je me croy
345 Voir164 ma mère, par le grand Roy !
El me batroyt de vous le dire.
LE CURÉ
Je te pry, dy[-le-]moy, beau sire.
LE BADIN
Donnez-moy donc de vostre cher165,
[Car je n’ay plus rien à mascher.]
LE CURÉ
350 Tu en éras, vrayment, Jaquet ;
Or tien, emple bien ton saquet166.
Que cest os-là vous soyt curé167 !
LE BADIN
Gros mersy, monsieur le Curé !
LE CURÉ
(Y se168 faict gras comme un ouéson.)
LE BADIN
355 Voécy une belle maison,
Monsieur le Curé !
LE CURÉ
Ma foy, voire.
LE BADIN
Par mon serment, elle est bien clère !
Voilà de belles Nostres Dames169 !
Et ! je vous demande : ces femmes
360 Sont-elles trèstoutes vos basses170 ?
LE CURÉ
Nennin dea, Jaquet. Je me passes
À moins171 ; il ne m’en fault poinct tant.
LE BADIN 172
Je vous pry, baillez-moy contant173
Ma174 chandelle, je vous emprye.
LE CURÉ
365 Vien çà ! Quant ton père n’est mye
À l’ôtel, tu le vas quérir175
Et le fais promptement venir,
Ainsy comme un simple valet ?
LE BADIN 176
Mon serment ! je n’en ay que faire :
370 Il y vient bien tout seulet.
LE CURÉ
Mais voyre ?
……………………………………
LE BADIN
Y se couchent177 entre deulx draps
Et s’entre-acolent178 bras à bras
Dedens un lict, de boult en boult.
Par mon serment ! vous savez toult ?
375 Qui vous l’a dict ?
LE CURÉ
Et [sy], ton père
Faict à messir(e) Jehan bonne chère179 ;
Bien aise est de l’entretenir.
LE BADIN
A ! il n’a garde d’y venir,
À l’ostel, quant mon père y est.
LE CURÉ
380 Jaquet, voycy qui me desplaist !
Que tousjours messire Jehan casse
La fenestre par où il passe,
C’est une mauvaise besongne !
LE BADIN
Par mon serment, ce n’est que hongne180 !
385 N’a-il pas la181 clef de nostre us
De dèrière ? Y n’y passe plus182…
LE CURÉ
Quant y vient, les chiens disent-il rien ?
LE BADIN
Nennin, y le congnoissent bien.
LE CURÉ
Et qui [se] couche aveques eulx183 ?
LE BADIN
390 Y n’y couche âme que ces184 deulx.
LE CURÉ
Et toy, Jaquet, où couches-tu ?
LE BADIN
En un câlict185.
LE CURÉ 186
[Rien n’entens-tu]187,
Jaquet ? S’entr’ébatent-il poinct188 ?
LE BADIN
J’os bien messire Jehan qui gainct189,
395 Et ma mère luy va disant :
« Messir(e) Jehan, vous estes pesant ! »
LE CURÉ
Et que font-il, par ton serment ?
LE BADIN
Et ! mauldict soyt-il qui ament190 !
Ce191, vous le savez myeulx que moy.
400 Et sy agardez je vous en croy, ma foy,
Je seray assommé de coups,
Monsieur le Curé, et192 par vous.
[Çà !] donnez-moy une chandelle !
LE CURÉ
Tien, Jaquet, veulà une belle ;
405 Les troys [en] valent myeulx que sis.
LE BADIN
Adieu donc !
LE CURÉ
Adieu ! Grand[s] mersis !
LE BADIN
Y n’y a de quoy.
LE CURÉ
Sy a, sy193.
.
LE BADIN 194 SCÈNE XIV
Or tenez, ma mère, en voécy.
LA MÈRE
[Que] tu as beaucoup aresté195 !
LE BADIN
410 Le curé m’a bien demandé
Qui estoyt seans.
LA MÈRE
Et qu’as-tu dict ?
LE BADIN
Je n’ay poinct – ou je soys mauldict –
Rien parlé que de messir(e) Gen.
LA MÈRE
Luy as-tu dict, sot cahuen196 ?
LE BADIN 197
415 Ç’a esté luy qui me l’a dict.
MESSIRE JEHAN
Va, que de Dieu soys-tu mauldict !
Maintenant, nous sommes au boult198.
LE BADIN
Par mon serment ! y sçayt bien tout :
Y m’a bien dict que quant mon père
420 N’y est, que couchez avec ma mère.
LA MÈRE
Et ! je t’avoys tant dict, beau sire,
Que te gardasse de le dire !
Que de taigne soys-tu coifé !
LE BADIN
Je luy ay bien dict, sur ma fé199,
425 Que me l’avyez bien défendu.
MESSIRE JEHAN
Le deable y est, tout est perdu !
C’est un maleur que de telz sos.
Je disoys bien à tous propos
C’une foys nous la bauldroyt200 belle.
LE BADIN
430 Je201 n’usse poinct eu de chandelle :
Et alors202, vous m’ussiez mengé.
LA MÈRE
Le deable m’en a bien engé203 !
Tousjours nous ferez vitupère204.
A205 poinct demandé sy ton père
435 Sayt bien que messir(e) Jehan y vienne ?
LE BADIN
Qu’a-il dict, donc ?
LA MÈRE
Y fault qu’il t’en souvyenne206 !
Et qu’as-tu dict ? Que le feu t’arde207 !
LE BADIN
Et ! je luy ay dict qu’il208 n’a garde
De venir quant mon père y est.
[MESSIRE JEHAN] 209
440 Par Nostre Dame ! y nous meschest210.
[LA MÈRE]
Tousjours ferez ainsy ? Ferez ?
Par la croys bieu, vous en érez !
Je vouldroys que fussiez en byère211 !
Alons-nous-en icy dèrière212,
445 Les verges ne sont pas icy.
LE BADIN
Ma mère, je vous cry mercy !
LA MÈRE
Et ! par Dieu, le sang en sauldra213 !
Me donras-tu tant de soucy ?
LE BADIN
Ma mère, je vous cry mercy !
MESSIRE JEHAN
450 D’encreté j’ey le cœur noirsy214.
Et de ce cas, mal nous en prendra215.
LE BADIN
Ma mère, je vous cry mercy !
LA MÈRE
Et ! par Dieu, le sang en sauldra !
.
Mes bons seigneurs, y nous fauldra,
455 Pour mestre hors mérencolye,
Chanter216 hault – chascun l’entendra –
Une chanson qui soyt jolye.
MESSIRE JEHAN
Ne prenez poinct garde à folye ;
Aussy, sages gens n’en font compte :
460 Car la parole est abolye
D’un fol, fust-il roy, duc ou compte.
Et au départir de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu ! 217
.
FINIS
*
1 Sur ce type comique qui a fait les beaux jours de la farce médiévale, voir la note 1 de Jénin filz de rien. 2 Il rencontre Jacquet près de l’église. 3 Aussi souvent que je le voudrais. 4 Flatteur. Jacquet parle comme un petit paysan normand. 5 Dis-le. On retrouve ce pronom normand aux vers 115 et 225. 6 Euphémisme pour « vrai Dieu » ; c’est un croisement entre vraibique et vrémy. Jacquet va monnayer un secret que l’amant de sa mère aimerait connaître : son père est absent jusqu’au lendemain soir. 7 Content. Idem vers 101 et 107. Cf. le Clerc qui fut refusé, vers 154. 8 LV : mesire (Graphie personnelle du copiste.) On prononçait « messer Jean » ; voir la note 74 du Testament Pathelin. 9 Je ne te donnerai rien cette année, si tu ne parles pas. LV ajoute dessous : dis le moy 10 Les Normands transformaient le son « oi » en « è », ce qui explique cette rime et celles des vers 78, 126, 139, 146, 165, 224, 246, 255, 327, 356, 370. 11 LV : donc (Si jamais vous veniez voir ma mère.) 12 De la viande ou du pain de chanoine, qui est un pain blanc de qualité supérieure, alors que Jacquet se contente ordinairement de pain bis. On ne peut que songer au proverbe : « Faire comme les enfans du prestre, manger son pain blanc le premier. » Antoine Oudin. 13 LV : bien (Les Badins prennent facilement un petit village pour une grande ville. La maison de Jacquet, dont la porte de derrière donne sur une cour où veillent des chiens, est plutôt caractéristique d’un village. De même, la pierre contre laquelle il va buter rend mieux compte d’un chemin que d’une rue.) 14 LV : inutille (Une anguille est un homme insaisissable, qui nous glisse entre les mains : « Il est mouvant comme une anguille. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) 15 LV : merueilleurs (Un étonnant personnage. « Par leurs grans cris, plains et pleurs merveilleurs. » ATILF.) 16 LV : quay faict (Voir le vers 29.) 17 De notre maison. Idem vers 258, 273, 366, 379. 18 Ambiguïté de langage propre aux Badins. 1) Si vous saviez que mon père est hors de notre maison. 2) Messire Jean, mon père : voir le vers 140. 19 LV : viendryes o (Vous viendriez voir.) 20 Quand reviendra ton père. 21 LV : rompt le colrps 22 LV : lyes (Oindre d’huile = flatter, embobiner. Les ecclésiastiques emploient de l’huile pour les onctions.) 23 LV : auoir (« Comme il affiert par raisons mille. » Jardin de Plaisance.) 24 LV : il (Ma mère attend son retour.) 25 LV : auec (Si vous venez coucher chez ma mère. Voir le vers 245.) 26 Si cela ne vous déplaît pas. Les gens qui ont du savoir-vivre énoncent cette formule de politesse avant de demander une faveur, et non après l’avoir obtenue. 27 Rappelons que la scène se déroule près d’une église, et que les Badins parlent fort (vers 104). 28 Qui m’oit, qui m’entend. 29 À partir d’ici, LV abrège les rubriques en : mesire i 30 LV : messuy (Maishui = désormais.) 31 Vais. Idem vers 139, 148, 181, 208. 32 En marchant vite. « Aler le grant pas. » ATILF. 33 Accoutumé. Cf. l’Avantureulx, vers 265. 34 Qu’avez-vous (normandisme). Idem vers 295. 35 C’est le mot que prononce Jacquet chaque fois qu’il feint de se plier aux règles des adultes : voir les vers 170, 186, 215, 231. Il retourne chez lui. 36 Ce que. 37 Le choine et la chair promis au vers 15. Même graphie de chair à 348. 38 Saura (normandisme). Idem vers 75, 163, 213, 280, 306. 39 Cette didascalie marque le début d’un rôle, comme celui du Curé au vers 194. La mère est dans la maison, où Jacquet déboule avec son raffinement habituel. 40 Qu’y a-t-il. 41 LV : bouter (Mettez la table : installez la planche sur les tréteaux.) 42 Variante du proverbe : « Enfant aime moult qui beau l’appelle. » L’incongruité de ce proverbe à cet endroit et la réplique hors de propos du garçon montrent qu’il manque au moins 2 vers au-dessus. 43 Forme normande de « saint Jean », comme au vers 314, qui est d’ailleurs identique à celui-ci. Cf. le Bateleur, vers 217. 44 Vous n’aurez (normandisme). Idem vers 108, 169, 220, 222, 350, 442. 45 LV : et sy (Jacquet se reprend.) 46 Il me la baillerait. C’est d’ailleurs ce qui va se produire au vers 113. 47 Tu es vraiment un fou authentique. Cf. la Pippée, vers 65. 48 Du crucifix. 49 Tel. « Vous le faictes aintel qu’il est. » Les Bâtars de Caulx, LV 48. 50 Du bavardage. « Ung Sainct-Frestel,/ Filz de Babil. » Saincte Caquette. 51 Il frappe à la porte. 52 Jacquet ne tutoie pas sa mère ; il chante quelques notes graves de la Chasse, de Clément Janequin : « Escoute, escoute à cestuy-là ! » Dans cette chanson, qui était à coup sûr populaire avant d’être éditée en 1528, des chasseurs finissent par tomber sur une « beste noire » ; malheureusement, il s’agit d’un « gris caffart », d’un Cordelier, comme l’est peut-être notre chapelain. 53 En mauvaise année, en malheur. « Que Dieu si te mecte en mal an ! » Le Prince et les deux Sotz. 54 Content. Voir la note 7. 55 Il crie par la fenêtre. 56 Tu auras des coups de verges sur les fesses. Idem vers 108, 222, 350, 442. 57 LV : mon amy mesire iehan 58 Il entre. 59 Dans un endroit frais. Les amants qui vont chez leur maîtresse apportent toujours de quoi boire : « Que ceste bouteille boutée/ Me soyt en un lieu proprement ! » Le Poulier à sis personnages. 60 LV : tient 61 Céans. Les Normands prononçaient parfois sian en 1 syllabe. Idem vers 198 et 411. 62 LV : plus (C’est la question qu’on se pose toujours face à un Badin, qui joue de ses inaptitudes bien réelles pour parvenir à ses fins.) 63 De l’éloigner. Comme toujours dans les farces, cette expression va être prise au sens littéral. 64 Les lavandières battaient le linge au lavoir. Toile se prononce tèle. 65 La fin du vers manque. « Hau ! », pour répondre à un appel, est impoli : « –Sottinet ! –Hau ! –Quel “hau” ? » (Le Roy des Sotz.) Aux vers 9-22 de Jénin filz de rien, la mère du badin donne à son fils la même leçon de politesse. 66 Novice. « Voicy ung homme bien nouveau ! » Les Cris de Paris. 67 LV : seroys tu (« Dictes : “Que vous plaist ?” » Jénin filz de rien.) 68 Que de plaid, de discours. 69 Au presbytère, chez le curé. 70 LV : ges (La boite est la boisson, i.e. le pot de vin du vers 111. « Ilz vendangeoient leur cloz, auquel estoit leur boyte de tout l’an fondée. » Gargantua, 27.) 71 Une gorgée de vin. Le chapelain emplit deux gobelets, et trinque avec l’enfant. 72 « Ouy, cheux mon père messir(e) Jehan. » Jénin filz de rien. 73 Ce que. 74 J’y vais. Jacquet vide son verre et s’apprête à sortir. 75 Prononciation patoisante de « quoi ». « Que t’importe quay ny comment ? » La Muse normande. 76 LV : laict (Il appert que des pies l’ont engendré.) Cauquer = côcher, saillir un oiseau : « J’avon notte vieux coq, je le bouteron cuire ;/ Ossi bien, asteur-chy, y ne s’ret pu cauquer. » (Muse normande.) Les Sots naissent dans des œufs, et les imbéciles sont couvés par une pie : « Jamais la pye qui te couva/ Ne fut brullée de feu grégeoys. » Les Povres deables. 77 Traître. 78 LV : soyt tu 79 Et aussi, ne tarde aucunement. 80 Crainte. 81 Forme extrêmement vulgaire de : « Que Dieu vous doint une bonne soirée ! » (Cf. Jolyet, vers 189.) Avec un professeur de maintien aussi distingué, on comprend pourquoi l’élève a de si bonnes manières… Souèr rime avec commencèr. 82 Selon son rang. 83 LV : une 84 Là encore, le professeur s’exprime mal : Tu auras ton bonnet à la main. 85 Qu’un agneau bêlant. 86 L’oublies. Idem vers 206. 87 LV : reuyent 88 Il va vers le presbytère. 89 Vers manquant. « Je ne veux mettre en ma cervelle,/ Pour le présent, autre nouvelle. » Jean Godard. 90 Jacquet ferme les yeux pour se concentrer sur le mot « chandelle ». Il achoppe contre une pierre et manque de tomber. 91 Forme patoisante de « chu ». « Une autre quet le cul en bas. » Muse normande. 92 Ce que je vais demander. 93 Je vais me faire dévorer tout cru par ma mère. Idem vers 431. Cf. le Badin qui se loue, vers 7 et 181. Jacquet retourne à la maison, où le couple adultère est en chemise de nuit. 94 Jeu de mots involontaire sur « grand sot ». 95 LV a tenté de caser ici le vers 214 et le début du vers 215. 96 Je m’en garderai bien. Jacquet repart, en faisant un large détour pour éviter la pierre. 97 Il tambourine contre la porte du presbytère. 98 Y a-t-il quelqu’un là-dedans ? 99 Entre en scène ; voir la note 39. 100 Prononciation patoisante de « moi ». « Vous disputiez la fille, et ch’est may qui l’éray ! » Muse normande. 101 Ce que. 102 Il reste sur le seuil et fait des révérences au curé en alignant toutes les formules de politesse qu’il connaît. 103 T’asseoir. Jacquet entre, et se laisse choir dans le fauteuil du curé. 104 LV : recommande (« Je vous commande à Dieu ! » Le Cuvier.) 105 Quant à moi. 106 Je vais le demander. Jacquet retourne à la maison, laissant le curé abasourdi. Tout aussi confus sera le couple adultère, qui allait se mettre au lit. 107 LV : sen (Pour si peu.) 108 Jacquet repart, en contournant la pierre qu’il avait heurtée. 109 LV : le cure 110 LV : bien (« Pour la françoise terre/ Conquester bref et tost. » J’ay vu roy d’Angleterre.) 111 Nous en aurons une mauvaise expérience. 112 Il entre sans frapper dans le presbytère. Jusqu’au vers 231, il tient la main contre son bonnet, qui est toujours sur sa tête. 113 Scander « mon sieur » en 2 syllabes. (Cf. le Roy des Sotz, vers 165.) Au lieu de réclamer une chandelle, Jacquet demande une demoiselle : il est troublé par la vision d’élégantes jeunes filles qui sont peintes sur un grand tableau religieux. 114 LV : dyes 115 LV : y le fault a tort ou (Mais à bon escient.) 116 Votre bonnet. Mais Jacquet comprend : votre main. La scène du badin qui ne songe pas à ôter son bonnet devant un prêtre était déjà dans Jénin filz de rien, vers 114-119. 117 Un peu. 118 Il prononce la formule correcte en minaudant. 119 Les femmes de la Noblesse prenaient une voix haut perchée parce qu’elles croyaient que c’était plus distingué. Le compositeur Émile Martin nous racontait que dans les églises de son enfance, les femmes du peuple chantaient la partie d’alto, alors que les bourgeoises s’égosillaient dans les aigus. 120 On mettait des merles en cage pour leur apprendre à écorcher quelques mots. « Le merle (…) apprend aisément ce qu’on luy montre, comme parler & siffler. » Louis Liger. 121 LV : ma 122 Chez. Le curé se met au niveau du petit paysan pour mieux l’amadouer. 123 Parmi les reliefs du repas, il aperçoit sur la table une bouteille de vin rouge. 124 Il verse à l’enfant un plein gobelet de vin pour le soûler. 125 Il boit d’abord, et il remercie ensuite. 126 Aise, qui rime avec cervaise. 127 Tu ne caquettes. Cf. le Trocheur de maris, vers 85. 128 LV : en ile 129 Fourrée. 130 Celle qu’il porte aujourd’hui. 131 Ce couteau. Jacquet voudrait bien qu’on le lui offre en échange de ses confidences. Les Badins ne comprennent rien d’autre que leur intérêt, comme l’avoue celui de Jénin filz de rien, qui s’est fait offrir l’écritoire de messire Jean : « Je suis à qui le plus me donne. » 132 LV : dict 133 À votre âtre, votre foyer. 134 N’était venu à ma rescousse. 135 LV : coucha tout verstu 136 LV : despouila (Je corrige la même faute au vers suivant.) Il se dépouille, se déshabille. 137 LV : es (Quand tu as dû, quand on t’a obligé.) 138 Votre pair. « Oncques-mais je ne vy ton pèr. » Les Sergents. 139 Jacquet observe le tableau qui représente les jeunes saintes. 140 N’est-ce pas ? Voir la note 34. 141 LV : vous estes vrous 142 LV : la (S’il n’était pas question de mariage, on pourrait lire « l’amarri », le voisin de lit. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 79.) 143 Et comment donc ! Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 351. 144 Vers manquant. « C’est la plus belle qu’onques vy. » Le Poulier à quatre personnages. 145 Nous deux : elle et moi. 146 Beaucoup d’enfants stupides veulent accéder à cette sinécure qu’est la prêtrise : voir par exemple le Clerc qui fut refusé à estre prestre. Jacquet fait preuve d’une solide vocation : il veut boire du bon vin, manger de bonnes choses, porter de beaux habits, loger dans une maison confortable, avoir une servante, et lutiner des femmes mariées. 147 LV : celle est ases ample (Il y en a des exemples. « Pour monstrer que mon advis n’est sans exemple. » Michel de l’Hospital.) 148 Persécutée. 149 Et pourtant. La prêtresse est la concubine d’un prêtre : cf. Jénin filz de rien, vers 165. 150 Inquisiteur, poseur de questions. Jénin lorgne depuis un moment les restes du repas qui traînent sur la table. 151 Qui mange vos restes ? 152 LV : base (Graphie personnelle du copiste.) Votre servante. Idem vers 360. « Icelle baasse ou chambèrière dudit prestre. » Godefroy, à l’article Baiasse. 153 Mangeaille, nourriture. 154 LV : atemps (Attends avant d’en avoir.) 155 LV : poinct (Même erreur de lecture du copiste au vers 332.) 156 LV : mais il (À ce moment il survient. Voir le vers 50.) LV répète dessous le vers 58 : quant mon pere est ale dehors 157 Mange un morceau. Le curé lui donne du choine [du pain blanc]. 158 Que si tu étais. Le curé sert à l’enfant un autre gobelet de vin. 159 LV : poinct 160 Mangez-vous seulement. Voir la note 34. 161 Chiche, regardant à la dépense. Cf. la Réformeresse, vers 103. En fait, les curés se laissaient nourrir et vêtir par les bigotes de la paroisse : ils n’achetaient presque rien. 162 LV : esse (Aise, comme au vers 256.) 163 Sur un pied d’égalité avec moi ? Possible confusion avec « appareillé » : loti, fourni. 164 LV : de (Le grand Roi est le Roi des cieux : Dieu.) 165 Chair. Voir la note 37. Le vers suivant est perdu. 166 Emplis bien ta besace (ou ton ventre). « Or, enplez doncque mon saichot. » ATILF. 167 Récuré, car il y a encore de la viande autour. 168 LV : le (Jacquet devient gras comme une oie.) 169 Retour au tableau qui représente les jeunes saintes. 170 LV : bases (Vos servantes : note 152.) 171 Je me contente de moins. « Je me passasse bien à moins. » Le Capitaine Mal-en-point. 172 LV met cette rubrique après le vers 363. 173 Comptant, sans frais. 174 LV : une 175 Tu vas chercher messire Jean. 176 LV met cette rubrique après le vers 369. 177 LV : couchoyt (Jacquet ne répond jamais à des questions qu’on ne lui a pas posées ; il manque donc au moins 2 vers au-dessus.) 178 LV : sentre acolest 179 Bonne figure. 180 C’est une calomnie. Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, vers 177. 181 LV : une (L’huis de derrière est traditionnellement la porte par où se faufile l’amant d’une dame.) « Messire Jehan ne failloit point à entrer par un huys derrière, dont elle luy avoit baillé la clef, et se venoit mettre au lict en la place du mareschal. » Bonaventure Des Périers. 182 Ce petit « guichet » (c’est son nom officiel) ne permet plus au chapelain de passer, car il est devenu trop gros : vers 396. 183 Avec ta mère et messire Jean. 184 LV : leur (Personne d’autre que ces deux-là.) 185 Un châlit, une couchette. (Cf. la Veuve, vers 8.) Les familles modestes n’avaient qu’une chambre, dans laquelle on disposait plusieurs lits. 186 LV met cette rubrique après le vers 392. 187 LV : bien men tens tu 188 LV remplace le mot « poinct » par un nouveau vers : dy moy viensa les os tu poinct 189 Qui geint. 190 L’expression exacte est : qui en ment [celui qui ment]. « Ou mauldict soyt-il qui en ment ! » (La Veuve.) Jacquet commet un lapsus sur le mot amant. 191 LV : se (Cela.) 192 LV : cest (Et à cause de vous. « Et par vous, Sotte Occasion. » Jeu du Prince des Sotz.) 193 Grâce aux renseignements qu’il vient d’obtenir, le curé va pouvoir limoger son chapelain, et soumettre la mère de Jacquet. 194 Il rentre chez lui et donne la chandelle à sa mère. 195 Tardé. Idem vers 156. 196 Un chat-huant est un lourdaud. « À grand-peine sçauroit-on faire/ D’ung chahuan ung espervier. » Gilles Corrozet. 197 LV ajoute dessous : nennin nennin 198 Nous sommes acculés. 199 Prononciation patoisante de « foi ». « Ma mère,/ J’en jure sur ma fay ! Je crain trop les bâtons. » Muse normande. 200 LV : bailleroyt (Voir le vers 89.) Qu’un jour il nous la baillerait belle. 201 Si je ne lui avais pas tout raconté, je… 202 LV : puys 203 Pourvu, fait un cadeau empoisonné. « Le grant diable m’a bien engé/ De vostre corps ! » Frère Guillebert. 204 Honte. 205 LV : y (N’a-t-il point.) 206 Tâche de t’en souvenir ! 207 Te brûle. 208 Que messire Jean. 209 LV : la mere (Messire Jean ne parle qu’à sa maîtresse, et emploie le collectif « nous ».) 210 Il nous méchoit : nous jouons de malchance. 211 Dans un cercueil. « Elle vouldroit que fusse en bière. » Le Messager et le Villain. 212 Derrière le rideau de fond. 213 Jaillira de vos fesses. 214 Je me fais un sang d’encre. 215 Il nous adviendra du mal. LV attribue cet hémistiche à la Mère. 216 LV : chantes 217 Ce congé standard, dû au copiste du ms. La Vallière, clôt notamment le Vendeur de livres.
LE RIBAULT MARIÉ
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LE RIBAULT MARIÉ
OU MAUGRÉ JALOUSIE
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La confession parodique fut un genre théâtral à part entière : voir la notice de la Confession Rifflart. Notre farce offre quelques similitudes avec celle du Pourpoint rétréchy : on fait croire à un homme qu’il est à l’article de la mort afin qu’il se confesse à un faux prêtre ; lequel apprend alors des détails scabreux qui mettent en cause sa propre famille.
Un ribaud1 marié est un homme adultère, d’après le Thrésor de la langue françoyse : « Adultère, paillard, ribaud marié. » Le Parlement de Paris avait promulgué en 1336 et en 1388 deux ordonnances connues de tous les basochiens, les « arrêts des Ribauds mariés », qui interdisaient aux juges ecclésiastiques (les officiaux) de juger des laïcs coupables d’adultère. Le sujet de notre farce, dans laquelle un ribaud marié déflore une jeune fille, fut peut-être inspiré aux basochiens de Rouen par une affaire récente : un « arrêt du Parlement2 de Paris, du 28 juin 1534, déclara abusive la citation décernée par l’official d’Angers contre Jacques Grugelin, écuyer, in materiâ deflorationis…. Cet arrêt & autres semblables sont fondés sur un arrêt très-ancien que l’on appelle vulgairement L’ARRÊT DES RIBAUX MARIÉS. » Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts.
Source : Recueil de Florence, nº 2. L’éditeur parisien a édulcoré les particularismes normands.
Structure : Rimes plates, avec 5 quatrains à refrain, un vestige de triolet, et 5 tercets pentasyllabiques qui peuvent être chantés sur le même air que la chanson initiale.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
celuy qui se confesse
à sa voisine qui est
habillée en habit de prestre.
Qui est :
le Ribault marié
ou Maugré jalousie
.
À troys personnages, c’est assavoir :
LE MARY
LA FEMME
LA VOYSINE [Colette]
.
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LE MARY 3, en chantant SCÈNE I
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.4
LA FEMME
5 [Ferez ?] Par Dieu ! je vous feray,
Doncques, sembler [et] sot et lourt.
LE MARY
Sang bieu, que tu me respons court5 !
Tu me viens tousjours contredire.
Au moins, sy m’eusse laissé tout dire…
LA FEMME
10 Sainct Jehan ! je vous feray mauldire
La chanson [qu’ores vous]6 chantastes
Ains7 qu’il soit nuyt !
LE MARY
Se tu me hastes,
Par Dieu, je recommanceray !
LA FEMME
Bien, par Dieu ! [Mais] je vous rendray
15 Trèstout au long la courtoisie,
Se je puis.
LE MARY, [en chantant]
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.
LA FEMME, [en chantant]
20 Puisqu’avez amye,
Ung amy auray !
LE MARY
Par le sang bieu, je vous batray !
Venez-vous cy pour m’argüer8 ?
LA FEMME
À la mort ! Me veulx-tu tuer,
25 Paillard, truant, meurtrier de femme ?
Par Dieu ! je te feray infâme9,
Voy-tu ? Tu n’y gaigneras rien.
A ! dea, je me doubtoye bien
Que tu avoys fait une amye.
30 Mais croy…
LE MARY
T(u) as menty, par ma vie !
Se je chante en moy esbatant,
Doy-tu penser en mal pour tant10 ?
Entre-tu en tel frénaisie ?
Et n’oseray, pour jalousie,
35 Chanter ? Par Dieu ! je chanteray,
Et danseray, et m’esbatray !
Et hongne11 qui hongner vouldra !
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Et elle fera ung estron12 !
40 Il n’est pas gentil compaignon,
Qui souvent ne se desduira13.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Pour ton parler ne caqueter14,
Je ne lairray jà à chanter15
45 Quant mon cueur se resjouira.
LA FEMME
Par Dieu, la chan[son vous cuyra] !
LE MARY
Tais-toy, tu ne scez que16 tu dis !
Pour une, j’en chanteray dix,
Puis verray qui m’en gardera17.
LA FEMME
50 Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Se tu me vas guère(s) argüant
Et je me vois18 ung peu fumant,
L’ung de nous s’en repentira.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuira,
55 Je le dis encore une fois.
LE MARY
Par sainct Jehan ! vous serez de boys19
Chargée asprement et boullée20 !
LA FEMME
Nostre Dame, il m’a affollée21 !
LE MARY
Vostre cry a trèsméchant son.
LA FEMME
60 Dieu mette en mal an22 la chanson
Et [quiconque en ouÿt]23 le chant !
LE MARY
Je vois24 parler à ung marchant ;
Garde bien l’hostel25, hault et bas !
LA FEMME
Que mau feu vous arde26 les bras
65 Et les mains, tant les avez dures !
LE MARY
Qu’esse-là qu’e[ncor] tu murmures,
Et que vas ainsi flag[e]ollant27 ?
Ne me va guères grumellant28,
Que tu ne soyes dorelotée29
70 Au retour !30
.
LA FEMME SCÈNE II
J’ay très bien notée
La chanson, et bien retenue.
Combien qu[e j’]aye esté batue,
Par Dieu, j’en séray31 tous les tours ;
Il a fait dame par amours32,
75 Jà33 ne le croiré autrement.
Je m’en iray tout maintenant
Pour moy conseiller bonne alleure34
Cheuz35 une bonne créature,
La mienne commère Colette.36
.
80 Dieu vous gart ! Estes-vous seulète, SCÈNE III
Ma commère ? Que faictes-vous ?
LA VOISINE
Je filloye37. Que voulez-vous ?
Or çà, qu’i a-il de nouveau ?
LA FEMME
Par ma foy ! nostre damoiseau,
85 Mon beau mary, est amoureulx.
LA VOYSINE
[Luy ?] Non est !
LA FEMME
Si est, se m’aist D[i]eux38 !
Je vueil qu’on me crève ung œil s’il n’est vray !
LA VOYSINE
Comment le sçav’ous39 ?
LA FEMME
S’il vous plaist,
La manière vous veulx compter40 :
90 Aujourd’huy, ne fist que chanter
Ceste chanson, Dieu la mauldie ! [Elle la dict :] 41
Malgré jalousie,
Je vous serviray.
LA VOYSINE 42
Escoutez que je vous diray :
95 Pour tant qu’il43 est joyeux et gay
Et qu’il [la] chante tost ou tard,
Cuidez-vous qu’il ayme autre part ?
Espoir44, c’est pour [l’]amour de vous.
LA FEMME
C’est bien soufflé45 ! Où sommes-nous46 ?
100 Cuidez-vous que je n’y voye goutte ?
Par ma foy ! je n’en fais pas doubte :
S’il m’eust aymée ne tant ne quant47,
Il ne m’eust pas batue tant,
Mais m’eust montré signe d’amour.
LA VOYSINE
105 Veulx-tu apprendre ung [très]bon tour
Comme tu sçauras son courage48 ?
LA FEMME
Hélas ! ouÿ, car je n’enrage49
D’autre chose. Se je le sceusse,
De tous point[s] appaisée fusse.
110 Comme le pourra-l’on sçavoir ?
LA VOYSINE
Trèsbien. Où est-il ?
LA FEMME
Il va voir
Aval50 ceste ville ou ès champs
Pour trouver ne sçay quelz marchans
À qui il a à besongner.
LA VOYSINE
115 Il ne [te] fauldra point song[n]er
Ne rioter51, quant il viendra.
LA FEMME
Et quoy, doncques ?
LA VOYSINE
Il conviendra
Que tu luy donnes à entendre
Qu’il est malade ; et sans attendre,
120 Qu’il se confesse pour le mieulx.
Et luy dis qu’il pert à ses52 yeulx
Qu’il n’en vivra jamais deux heures.
Mais il fauldra [lors] que tu pleures
Et contreface la marrye.
LA FEMME
125 Et puis, quoy ?
LA VOYSINE
Par saincte Marie !
Voicy comment le ferons pestre53 :
Je me desguiseray en prestre.
Car j’ay l’abillement tout prest.54
LA FEMME
Et puis, que ferons-nous après ?
LA VOYSINE
130 Je luy diray par motz exprès
Qu’il est force [qu’il se]55 confesse.
Et pour riens qu’il dye, ne cesse56
Jusques à ce qu’il le consente.
Lors57, pour venir à mon entente,
135 Tu me viendras icy quérir.
Et de mort puissé-je mourir
Se nous ne savons bien, ma seur,
Trèstout ce qu’il a sur le cueur,
Et s’il a fait amye ou non.
LA FEMME
140 Ha ! que c’est bien dit ! Mais ou58 nom
De Dieu, faitz si bien la besongne
Qu’il [ne te connesse]59 à ta trongne,
À ta manière ou contenance.
LA VOYSINE
J(e) yray par si bonne ordonnance
145 Que tu ne vis oncques mieulx faire.
LA FEMME
Je voys [en]tendre à cest affaire60,
Car il me touche. Apreste-toy !
LA VOYSINE
Si feray-je.
.
LA FEMME 61 SCÈNE IV
Ho ! je le voy.
Il me fauldra mon semblant faindre62,
150 Tantost, et souspirer et plaindre,
Faignant d’avoir le cueur mar[r]y.
Pausa.
.
LE MARY SCÈNE V
Holà !
[LA FEMME]
Bien [viengnez, mon mary]63 !
LE MARY
Est le disner jà64 apresté ?
LA FEMME
[Hé, vray] Dieu ! Bénédicité !
155 Dont venez-vous, ainsi deffait65 ?
LE MARY
D’où je vien ?
LA FEMME
Voire.
LE MARY
Voir s’il me plaist
Je le te diray ; et ne t’en chaille.
LA FEMME
A ! Nostre Dame ! il fault que j(e) aille
Quérir bien tost le médecin.
LE MARY
160 À quoy faire ?
LA FEMME
Car vostre fin
S’aprouche : vous estes malade.
Oncques couleur ne fut plus fade66
Ne plus morte que vous l’avez.
LE MARY
Malade ?
LA FEMME
Voire. Et vous sçavez
165 Que chacun doit penser de l’âme :
Il serait bon, par Nostre Dame,
De vous confesser ung petit67.
LE MARY
Quel confesser ? J’ay appétit
De menger, non pas de cela !
LA FEMME
170 Menger ? Il ne vous tient pas là ;
Jamais vous ne mengerez plus.
LE MARY
Ne feray ?
LA FEMME
Il en est conclus68 :
Il pert bien69 à vostre visaige.
Las, doulente ! [quel dueil]70 feray-je !
175 Vous chantiez, ryez71, et estiez
Joyeulx ; et si, vous esbatiez.
Or est tournée en [bien] peu d’heure
La ch[é]anse72. Las ! se je pleure,
Je n’ay pas tort, povre doulente !
LE MARY
180 Il n’est [de] douleur73 que je sente :
De quoy te vas-tu débatant74 ?
LA FEMME
M’en iray-je quérir batant75
Nostre curé ou son vicaire ?
LE MARY
Le sang bieu ! je n’en ay que faire,
185 Je suis aussi sain que tu es.
LA FEMME
Et ! par mon serment, vous suez,
Tant [vous] estes mat76 et deffait.
LE MARY
Et ! je fais ton sanglant gibet77 !
Je sue ? Fay-le-moy acroire.
LA FEMME
190 Vous avez la face plus noire
Qu’oncques ne fut drap de brunette78.
LE MARY
Sces-tu quoy ? Je vueil que me mecte
La nappe : si, me souperay.
LA FEMME
Ha ! Nostre Dame ! je mour[r]ay
195 Avecques vous, mon doulx amy.
Plus n’avez vigueur ne demy79,
Tant est vostre cueur mat et vain.
LE MARY
Et ! je n’euz oncques plus grant fain.
Que me vas-tu cy flageollant ?
200 C’est doncques de la mort Rollant80
Que je mourroye, car je bevroye
Moult voulentiers, et mengeroye
Trèsbien. Mais je n’ay [cy] de quoy,
Dont [il] me desplaist.
LA FEMME
Par ma foy,
205 Mon trèsbeau mary, vous resvez81 !
Et pour la cause, vous devez
Estre confès et repentans82.
LE MARY
Par le sang bieu ! il n’est pas temps :
J’attendray bien jusqu(es) en Karesme83.
LA FEMME
210 Et ! je m’en raporte à vous-mesme(s) :
Ne sentez-vous pas grant douleur ?
LE MARY
Nenny, non.
LA FEMME
Hélas ! la couleur
De vostre visage le monstre84.
Hélas ! se vous passiez [tout] oultre85
215 Sans confesser ne ordonner86,
Dieu ne vous vouldroit pardonner
Voz faultes ne voz grans péchéz,
Dont vous estes si entachéz.
Et pour ce, se faicte que saige87,
220 Confessez-vous de bon courage
Tandis qu’avez sens et advis88.
LE MARY
Par bieu ! je le fais bien envys89,
Car je n’ay mal ne maladie
Ou90 corps que je n’y remédye
225 Trèsbien par boire ou par menger.
Et tu me fais cy enrager,
De parler de confession.
LA FEMME
En l’honneur de la Passion
De Dieu, mettez-vous en estat
230 De grâce, sans faire débat.
Couchez-vous, vostre lict est prest.
LE MARY
Ha ! dea[ble], je voy bien que c’est :
Il fault dire, plaise ou non plaise,
Que suis malade et à malaise.
235 Mais je ne sens rien, quant à moy.
LA FEMME
Ne tant ne quant ?
LE MARY
Non, par ma foy !
Tous mes membres, en chacun lieu,
Sont en bon point91…
LA FEMME
Non sont, par bieu,
On le voit à vostre parolle92 :
240 Car vous l’avez jà si trèsmolle
Et foible que c’est grant pitié.
LE MARY
Et ! je parle mieulx, la moitié,
Que tu ne fais. Vécy merveille(s) !
LA FEMME
Faulce Mort, tu faiz la dorveille93,
245 Maintenant, quant me veulx oster
Celuy qui me deust conforter
Et qui m’a tousjours fait du bien.
LE MARY
Et ! par sainct Jehan, nous sommes bien94 !
[Te fais-je bien quant je te frape ?]
250 Garde que la Mort ne te hape
La première, car je n’ay garde95.
LA FEMME
Par mon âme ! quant je regarde
Vostre viz ainsi méshaigné96,
Je n’ay ne perdu ne gaingné.
255 Ne vous confesserez-vous point ?
LE MARY
Et puisque je suis en bon point,
Pourquoy donc me confesseray-je ?
LA FEMME
Vous este(s) en bon point ? Vécy rage !
Et ! cuidez-vous que je le disse97 ?
LE MARY
260 A ! dea, se [onc] je [ne] sentisse
Autre98 mal, je fusse content !
LA FEMME
Il n’est pas saige, qui attent
Tant qu’il soit de la Mort surprins.
LE MARY
Et ! vien çà, vien ! Qui t’a aprins
265 Si bien à prescher ? C’est dommage
Que tu n’es prescheur de village :
On s’en passeroit99 au besoing.
LA FEMME
De mon prescher n’ayez jà soing100 ;
Mettez seullement en mémoire101
270 Ce que [je] vous ay dit.
LE MARY
Encore ?
Tu es trop mallement dévotte.
Je n’auray mèshuy autre notte,
Je le voy bien. Mais touteffois,
On dit qu’on doit aucuneffois102
275 Croire sa femme ; si feray-je.
Or donc[ques] me confesseray-je.
M’amye, va quérir le prestre !
LA FEMME
[G’y vois.]103
.
Au moins l’ay-je fait pestre, SCÈNE VI
Tant l’ay abusé par parolles.
280 À ce coup, ira par carolles104 !
Il passera ung mauvais pas !
.
Tost, tost, voisine ! N’es-tu pas SCÈNE VII
Encor(e) vestue en chappelain ?
LA VOYSINE
Et comment va [tout] ?105
LA FEMME
Pour certain,
285 Il le fault aller confesser.
Il luy a tant fallu prescher106,
Avant qu’i se soit consenty !
Touteffois, quant il a senty
Que de si près je le pressoye,
290 Il m’a creue107.
LA VOYSINE
Metz-toy en voye
Et nous en allons vistement.
Suis-je bien ?
LA FEMME 108
[Et !] par mon serment,
L’habit t’est fait comme de cire109 !
Mais comment te dev(e)ray-je dire
295 Ou appeler ? Messire Jehan110 ?
[C’est ung nom bien honneste et gent.]
LA VOISINE
Et ! nenny, de par Nostre Dame !
LA FEMME
Comment, donc(ques) ?
LA VOISINE
Messire Guillaume111,
Ainsi qu’a nom nostre curé.
LA FEMME
300 Par ma foy ! il m’a procuré
Mainte douleur, je vous affy112.
LA VOISINE
Qui ? le curé ? Deable !
LA FEMME
Nenny,
Mais [bien] nostre vaillant mary.
Il semble q’ung charivary113
305 Nous allions faire, entre nous deux114.
LA VOISINE
Doulx Dieu ! que je suis ung hydeux
Confesseur, quant je me regarde !
LA FEMME
Vien-t’en, vien-t’en, n’y prens point garde.
Mais surtout, il ne fault point rire.
LA VOISINE
310 Mais vrayment, comment doit-on dire,
Quant on confesse une personne ?
LA FEMME
« Bénédicité… »
LA VOISINE
Ho115 ! ne sonne
Plus mot : il m[’en] est souvenu.
Puisque prestre suis devenu,
315 Auray[-je] point de brévière ?
LA FEMME
Nenny ; mais muce-toy derière116,
Que mon mary ne t’aperçoive117.
LA VOYSINE
Affin que mieulx je le déçoive118,
Je me119 couvreray le visaige.
LA FEMME
320 Feras ?
LA VOISINE
Ouÿ, car c’est l’usage,
Pour estre plus couvertement120.
LA FEMME
M’amye, je te pry chèrement :
Sy, l(e) enqueste121 bien de son fait.
LA VOISINE
Va devant, va, il sera fait.
325 Laisse-m’en du tout convenir122.
.
LE MARY SCÈNE VIII
Elle met assez à venir,
Ma femme. Que Dieu y ait part,
Et au prestre !
.
LA FEMME 123 SCÈNE IX
Il [n’]est [pas trop] tart ?
J’ay beaucoup demouré, n’ay mye ?
LE MARY
330 Où est nostre curé, m’amye ?
LA FEMME
V(e)ez-le-cy124 ; il vient après moy.
LE MARY
Sainct Jehan ! je suis en grant esmoy
Comment je me doy confesser.
LA FEMME
Il vous sçaura bien adresser
335 Et monstrer ce que devrez125 dire.
LE MARY
Fera ?
LA FEMME
Ouÿ.
.
LA VOISINE 126 SCÈNE X
Dieu, [nostre Sire127],
Soit céans ! Que fait ce malade128 ?
LA FEMME
Petitement, car très maussade129.
Puis hyer, au lict, ne repousé130.
LE MARY
340 (De fièvre soit-elle espousé
Qui131 ment, car j’ay trèsbien dormy !)
LA VOISINE
Or çà ! comment va, mon amy ?
Ayez en Dieu contriction132 ;
Autrement, à perdition
345 Tout droit vostre âme s’en yroit.
LA FEMME
([Quelque dyable]133 la trouveroit,
Ou elle serait bien mucée !)
LA VOISINE
Ès saintz Cieulx sera exaulcée134
Avecques les anges, croyez de voir135,
350 Se vous faictes vostre devoir
De confesser tous voz péchéz.
LE MARY
Je vous requier, ne me preschez
Jusques à tant que j’ayes souppé(z).
LA VOISINE 136
Vous y pourriez estre trompé(z),
355 Mon trèsbel amy : car la Mort
Sy subitement point et mort137 !
Supposé que l’on138 ait désir
De bien faire, on n’a pas loysir ;
Pour ce, vueillez vous abréger139.
LE MARY
360 Et ! soupperay-je point premier140 ?
J’en auray meilleure mémoire141.
LA VOISINE
Mon amy, pensez en la gloire
De Paradis, amy courtoys.
LE MARY
Au moins, se [je] beusse une fois,
365 J’en eusse meilleur rétentive142.
LA VOISINE
C’est trèsmal fait, quant on estrive143
Et on refuse à confesser.
LE MARY
Hélas ! et fault-il commencer
Sans soupper ?
LA VOYSINE
Ouÿ, c’est le point144.
LE MARY
370 Par Dieu ! il me vient mal à point145 :
Et comment esse que je doy dire ?
Dictes-le-moy.
LA VOISINE
Et ! dea, [beau] sire,
N’y sçavez-vous quelconque146 chose ?
LE MARY
Non, vrayement. Mais je supose
375 Que vous me devez enseigner.
LA VOISINE
Or, avant, vueillez vous seigner147
Trèsbien d’ung cousté et d[e l’]autre.
LE MARY
De ceste main ?
LA VOISINE
Non, mais de l’autre.
Onc(ques) ne vy homme si maulduit148 !
380 Pour ce, estes mal introduit149.
Dicte(s) après moy, mon amy doulx :
« Sire, je me confesse à vous… »
LE MARY
Sire je me confesse à vous.
LA VOISINE
« …De tous les péchéz que j’ay faitz. »
LE MARY
385 De tous les péchéz que j’ay faitz.
LA VOISINE
Or, les nommez !
LE MARY
Or les nommez.
LA VOISINE
Mes vous-mesmes. 150
LE MARY
Mais vous-mesmes.
LA VOISINE
Me doy-je confesser à vous ?
LE MARY
Me doy-je confesser à vous.
LA VOISINE
390 Ouÿ, vrayment !
LE MARY
Ouÿ vrayment.
LA VOISINE
Où sommes-nous !
LE MARY
Où sommes-nous.
LA VOISINE
Vous estes foul et estourdy !
LE MARY
Vous estes foul et estourdy.
LA VOISINE
Ce n’est pas ce que je vous dy.
LE MARY
395 Ce n’est pas ce que je vous dy.
LA VOISINE
Confessez-vous, se vous devez !
LE MARY
Confessez-vous se vous devez.
LA VOYSINE
[Et quoy !] par sainct Jehan, vous resvez ?
LE MARY
[Et quoy] par sainct Jehan vous resvez.
LA VOYSINE
400 Hé dea !
LE MARY
Hée dea.
LA VOYSINE
Hé [dea] ! vray Dieu, quelle simplesse !
LE MARY
Hé [dea] vray Dieu quelle simplesse.
LA VOYSINE
[Or], dictes [donc] : « Je me confesse… »151
LE MARY
[Or] dictes [donc] je me confesse.
LA VOYSINE
405 « …À Dieu. »
LE MARY
Adieu152, sire Guillaume !
Donnez-luy à boire, ma femme,
Puisqu’il s’en veult partir d’icy.
LA VOYSINE
Dea ! je ne m’en vois pas ainsi,
Pourtant se153 « à Dieu » vous disoye.
LE MARY
410 Par le corps bieu ! je le cuidoye.
N’avez-vous pas presché assez ?
LA VOYSINE
Et ! vous n’estes pas confesséz ;
Ce n’est que le commancement.
Or, dictes154 !
LE MARY
Bon gré mon serment !
415 Maulgré jalousie…155
LA FEMME 156
Commère, l’avez-vous ouÿe ?
Vélà sa note157 de tousjours !
LA VOYSINE
Av’ous158 fait dame par amours ?
Dictes tout en confession.
LE MARY
420 Par ma foy, ouÿ… Nenny, non !
Où est nostre femme ? Je la voy
Icy, m’est advis, [près de moy]159 ;
Faictes-la reculler arrière.
LA VOYSINE
Recullez-vous, m’amye chère,
425 Car il ne vous appartient pas
Nous escouter.160
Or, parlons bas,
Et me dictes vostre courage161.
Avez-vous rompu mariage
[Entre les bras d’une paillarde ?]162
LE MARY
430 Il est vray que la plus gaillarde,
La plus gente, la plus abille163
Qui soit en toute ceste ville,
Si est ma dame par amours.
LA VOYSINE
Pour tout certain ?
LE MARY
N’a pas deux jours
435 Qu’avecques moy se rigoloit,
Et plus de cent fois m’acolloit,
En la tenant entre mes bras.
LA VOYSINE
Et sçavez-vous bien de quelz draps164
Elle va tous les jours vestue ?
440 Déclairez tout d’une venue165,
Puisque la matière est ouverte.
LE MARY
Elle porte une robe verte
Aux festons166 de couleur diverse.
LA VOYSINE
Et les bons jours167, [quoy] ?
LE MARY
Une perse168,
445 Trèsbien fourr[é]e de pane blanche.
LA VOYSINE
Et les grans jours169 ?
LE MARY
Comme au dymenche :
Hopelande170, belle saincture
De [cuir] rouge, je vous asseure,
Et beau chapperon de brunette.
LA VOYSINE
450 Et comment l’apelle-on ?
LE MARY
Jamette171.
LA VOYSINE
Jamette ?
LE MARY
Ouÿ, vrayement.
LA VOYSINE
Et congnoissez-vous bien son père ?
LE MARY
Sainct Jehan, ouÿ !
LA VOYSINE 172
Qui est sa mère ?
LE MARY
[Le] sang bieu ! c’est nostre voysine.
455 Je m’acointé de la meschine173
En allant en pèlerinage.
LA VOYSINE
Touteffois semble-elle bien saige,
[Et] chacun la tient pour pucelle.
LE MARY
Et ! que voullez-vous ? On la selle174.
460 Mais par ma foy, il est ainsi…
LA VOYSINE
Attendez-moy ung peu icy ;
Je reviendray, sans contredit.175
.
Ha ! que de Dieu soit-il mauldit ! SCÈNE XI
Voysine, tu ne scez comment
465 Ce faulx traistre, [ce] garnement176
M’a fait grant honte et grant diffame !
Comme cuide-tu177 estre femme
À ce faulx traistre desloyal ?
LA FEMME
Comment va il de nostre faict178 ?
LA VOYSINE
Trèsmal !
470 [Et !] que bon gré en ayt sainct Gille !
Il a despucellé ma fille !
LA FEMME
Ta fille ? Tu me dis merveilles179 !
LA VOYSINE
J’ay ouÿ de mes [deux] aureilles
Sa confession toute entière ;
475 Il m’a dit toute la manière
Et par quel moyen l’a déceue.
Et [je] ne m’en suis aperceue,
De quoy je suys plus esbahye.
LA FEMME
Je sçavoye bien, par bieu, m’amye,
480 [Que homme il n’estoit]180 véritable.
LA VOYSINE
C’est mon181, dame, de par le dyable !
Vous n’estes pas la mieulx aymée :
Il a ma fille diffamée.
M’amye, à peu182 que je n’enrage !
LA FEMME
485 Mais à moy, [ung] plus grant183 dommage
A fait qu’à toy, à parler vray.
LA VOYSINE
Et comment ?
LA FEMME
Je le te diray :
Tu sces que l’amoureux déduyt184
Qu’il me devoit et jour et nuyt
490 Monstrer, en signe d’amitié,
Je n’en ay pas eu la moytié :
I[l] l’a à ta fille donné.
LA VOYSINE
Par bieu ! je ne luy en sçay gré,
Et j’en enrage toute vive !
LA FEMME
495 Et ! par mon serment, tant qu’il vive,
Il ne luy en tiendra185, ce croy-je !
LA VOYSINE
Par ma foy, non ! Pour ce, disoy[s-j]e
Qu’on trouvast manière comment
Il fust pugny si asprement
500 Que jamais [plus] il n’en eust point.
LA VOYSINE
J’ay advisé ung autre point :
J(e) iray vers luy sans plus actendre,
Et si, [je] luy feray entendre
Qu’il fault qu’il face pénitance
505 S’il veult avoir sa pardonnance
Du grant péché qu’il a congneu.
LA FEMME
Et que sera-ce ?
LA VOYSINE
Que tout nu,
À jointes mains et à genoux,
Te crira mercy ; et puis nous
510 Deux aurons chacun[e] en noz mains
Ung bon baston, ou [tout] au moins
Unes verges trèsbien poignantes186.
Depuis la teste jusqu(es) aux plantes
Des piedz, sera trèsbien gallé187 !
LA FEMME
515 Par ma foy, tu as bien parlé :
Oncques femme ne parla mieulx.
Y vas-tu ?
LA VOYSINE
Ouÿ, ce m’aist Dieux !
Va quérir les verges, en tandis188.
LA FEMME
Le contraire je ne t’en dis ;
520 J’en trouveray ains189 que [je] cesse.
.
LA VOYSINE 190 SCÈNE XII
Mon amy, quant on se confesse
Pour descharger sa conscience,
On doit tout prendre en pacience
La pénitance qu’on vous encharge191.
LE MARY
525 Sainct Jehan, ce n’est pas [là] ma charge !
Pénitance ? Bon gré ma vie !
LA VOYSINE
Voire, vous l’avez bien déservie192
[Par ung péché qui est d’ung poids]
Bien terrible ! Mais touteffois,
530 Pour peu de chose ne vous chault193.
Vous avez faict ung grant deffault,
De rompre vostre mariage !
LE MARY
Où sont les pièces194 ?
LA VOYSINE
Et que sçay-je ?
Pour acquérir195 pardon à Dieu
535 Et eschever196 le puant lieu
D’Enfer dont (chacun doit [faire] ainsi),
Vous acomplirez, [pour mercy]197,
Voulentiers ce que vous diray.
Ne ferez mye ?
LE MARY
Je ne sç[aur]ay.
540 Se c’est chose que puisse faire
Sans moy grever198, pour [vous] complaire,
Je le feray.
LA VOYSINE
Or escoutez :
Il fault que vous [vous] desvestez
Tout nud pour acquérir199 mercy
545 À vostre femme, que v(e)ez-cy ;
Et Dieu aura miséricorde
De vous.
LE MARY
[Ainsi je vous l’acorde,]
Nonobstant que je m’en passasse
Très voulentiers.
LA VOYSINE
Il fault qu’il se200 face,
550 Pour avoir mercy et pardon.
.
LA FEMME SCÈNE XIII
Croyez qu’il aura son guerdon201
De ces verges au long du dos !
.
LE MARY 202 SCÈNE XIV
Qu’esse-là ?
LA VOYSINE
Rien, ce sont [des] motz
Qui ne s’adressent point à vous.
555 Or, vous avancez, amy doulx !
[Despouillez vostre vestement :]
Car on ne peult plus humblement
Venir à mercy qu’en ce point.
LE MARY
Touteffois, ne me trompez point,
560 Car g’y vois à la bonne foy203.
LA VOYSINE
Jamais !
.
Tost204, tost, avance-toy ! SCÈNE XV
Mais parlons bas, quoy qu’il avienne.
Deschargeons sus !
LA FEMME 205
Il206 vous souvienne
Du tour que vous m’avez joué !
565 Vous m’aviez promis et voué
La loyaulté de vostre corps.
LA VOYSINE
Aussi vous fault estre recors207
De ma fille, [qui a diffame]208 !
LE MARY
Vostre fille ? Bon gré sainct Estienne !
570 Qui estes-vous ?
LA VOYSINE
Par Nostre Dame !
Vous le sçaurez ains que je fine209.
LE MARY
Sang bieu ! vous estes ma voisine
Collette : qui parler vous entens.
LA VOISINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,210
575 Colette !
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LA VOYSINE
Je ne m’y fains211 point !
LE MARY
Bien m’en sens212 !
LA VOYSINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens !
LA FEMME
Si le retiens, se tu as sens213 !
[ LE MARY
……………………………. ine.
LA VOYSINE
580 Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,
Colette ! ]
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LE MARY
[…………………………… -ine214
…………], je suis tout cassé.
LA VOYSINE
Vous y avez trèsbien chassé,
Entour ma fille, hault et bas,
585 Et avez fait voz choux bien gras215
Avec(ques) elle, en meschanceté216.
LA FEMME
Il n’y a pas pour neant217 esté :
Au moins, il a esté froté,
Et son dos [en] est bien galléz.
LE MARY, [en chantant]
590 Mal suis fortunéz :
Vous m’avez, du nez,
Bien tiréz les vers218.
LA VOISINE
Les propos219 ouvers
Et motz descouvers
595 Souventeffois nuysent.
LA FEMME
Ceulx qui se devisent220
Et les motz n’avisent221
S’en treuvent déceuz.
LA VOISINE
Puis que née fus222,
600 Nouvelles je n’euz
Si trèsdesplaisantes.
LE MARY
Bien j’ay le câtu223,
Quant j’en suis batu
De verges poignantes.
LA FEMME
605 À quoy tient-il que tu ne chantes,
Maintenant, Maulgré jalousie ?
Tu l’avois, la belle jolye :
Or la v[oy]oiz tout à ton ayse.
LA VOISINE
Pour Dieu, voisine, qu’on s’en taise224 !
610 Je t’en requier, ma doulce seur.
.
LE MARY 225 SCÈNE XVI
Le dyable ayt part au « confesseur »,
Car il m’a excommunié
Et asprement discipliné226
De verges ; il ne m’en doit227 rien !
615 Sang bieu ! le cueur me disoit bien
Qu’en la fin, ainsi m’en prendroit.
Pour ce, vous tous, gardez-vous bien228
Quant parlerez, n’en quel endroit.
Mais qui jamais ne mesprendroit
620 Aurait de sens trop largement229.
Seigneurs, vueillez, pour orendroit230,
Prendre en gré nostre esbatement !
.
FINIS
*
1 Jelle Koopmans a l’air de considérer que Ribaud est le nom du personnage, puisqu’il intitule cette farce Ribaud Marié ou Malgré Jalousie. (Le Recueil de Florence. Paradigme, 2011, pp. 55-72.) 2 Son futur président, l’ancien basochien Gilles Le Maistre, évoquera cette affaire et soutiendra « l’Arrest des ribaux mariéz, dont beaucoup de gens parlent, qui ne le veirent oncques ». 3 Chez lui. Sa femme est dans la même pièce, au milieu de laquelle on voit un lit. 4 Ces quatre vers sont reconnaissables séparément dans diverses chansons, mais nous n’avons plus celle-ci, qui les réunit tous. 5 Abruptement. 6 F : et quonques la 7 Avant. Idem vers 520 et 571. 8 Pour me contredire. Idem vers 51. Le mari gifle sa femme. 9 Déshonoré, cocu. 10 Pour autant. 11 Grogne. 12 C’est le vers 126 du Povre Jouhan, dont la trame repose également sur une chanson. 13 Celui qui ne se réjouira souvent. 14 Ni pour ton caquet, ton bavardage. 15 Je ne cesserai pas de chanter. 16 Ce que. Idem vers 94 et 232. 17 Qui m’en empêchera. 18 Vais (idem vers 62, 146, 278, 408, 560). Et si je m’échauffe un peu. 19 De coups de bâton. 20 Cognée avec une boulaie, une massue. Le mari joint le geste à la parole. 21 Assommée. Cf. Mahuet, vers 235. 22 Que Dieu maudisse. Cf. Jolyet, vers 66. 23 F : quonques ien ouy 24 Je vais. Le mari est commerçant. 25 La maison. 26 Que le mal des ardents vous brûle. 27 Déblatérant. Idem vers 199. 28 Ne grommelle pas contre moi. 29 Caressée par un bâton. Cf. le Pasté et la tarte, vers 197. 30 Le mari s’en va. 31 F : feray (Correction suggérée par J. Koopmans.) Je saurai tous les tours qu’il m’a joués. Sérai est un normandisme : Troys Galans et un Badin, vers 54. 32 Il a pris une maîtresse. Idem vers 418 et 433. 33 F : Jamais 34 À toute allure. 35 Chez. Cette forme est commune à beaucoup de farces normandes. 36 La femme sort, et se rend chez sa voisine. 37 Je filais ma quenouille. 38 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 517. 39 F : scauez vous (Forme normande très employée : cf. le Bateleur, vers 123.) 40 Conter. 41 F : Que la dicte (Les éditeurs prennent souvent les didascalies pour du texte.) Elle la chante. « Il nous fault dire une chançzon. » La Pippée. 42 F ajoute dessous : Dictes mamye 43 F : sil (Pour la raison qu’il…) 44 Peut-être. « Mais, espoir, c’est pour ce que on ne les entend point. » Journal d’un Bourgeois de Paris. 45 C’est du vent ! Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 176. 46 Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Idem vers 391. Cf. le Dorellot, vers 77. 47 Si peu que ce soit. Idem vers 236. 48 Grâce auquel tu connaîtras le fond de son cœur. 49 Les deux éditeurs modernes ont transcrit et ponctué : j’en enrage. 50 Dans. « Je m’en voys ung peu sur les champs/ Parler à ne sçay quelz marchans. » Ung Mary jaloux. 51 Bouder ni chercher querelle. 52 F : ces (Qu’il est apparent, quand on voit ses yeux. Idem vers 173.) 53 Nous le tromperons. Idem vers 278. Cf. le Monde qu’on faict paistre. 54 Dans beaucoup de textes comiques, un prêtre doit s’enfuir en chemise de chez sa maîtresse, en abandonnant sa soutane. Mais n’ayons pas mauvais esprit, et admettons ce que dit la voisine dans Ung Mary jaloux : « N’a pas long temps qu’ay hérité/ D’ung mien oncle qui fut d’église./ Tous ses habis, faictz à sa guyse,/ Sont céans : vous en vestirez/ L’ung d’iceulx. » 55 F : qui ce (Qu’il est nécessaire qu’il se confesse, pour ne pas mourir sans confession.) 56 Quoi qu’il dise, ne cesse pas de le harceler. 57 F : Car (Alors, pour que je réalise mon plan. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 722.) 58 Au. Idem vers 224. 59 F : le confesse (Correction de Koopmans.) Qu’il ne reconnaisse pas ton visage. Prononciation et graphie normande : « L’y en avet queuqu’un d’eux qui me connesset bien. » La Muse normande. 60 M’occuper de cette affaire (ce mot était souvent masculin). « Le maistre (…) laisse l’ostel, et en la ville à ses afaires va entendre. » ATILF. 61 Elle rentre chez elle. Par la fenêtre, elle voit revenir son mari. 62 Faire semblant. 63 F : viengnes mon amy (Bienvenue !) Cet auteur aime les rimes riches, et en outre, la poésie antimatrimoniale plébiscite la rime marri / mari. 64 F : prest ou 65 Si détérioré. 66 F : palle (Correction proposée par Koopmans.) « Ilz semblent tous malades, tant ont lez visages fades et palles. » ATILF. 67 Un peu. 68 C’est certain. Cf. les Gens nouveaulx, vers 315. 69 Cela apparaît bien. 70 F : que et 71 F : yer (Au vers 339, hyer est monosyllabique.) 72 Ce qui nous échoit, la bonne ou la mauvaise fortune. « Sa dure chéance et malle adventure. » (ATILF.) Pour bien montrer que l’heure est grave, l’épouse sollicite un registre plus noble que celui de la farce. 73 Il n’y a aucune douleur. 74 F : debatent (De quoi te tracasses-tu ?) 75 Tambour battant, en vitesse. 76 Abattu. Idem vers 197. 77 Imprécation que lâche une personne excédée. Cf. la Confession Rifflart, vers 59. 78 Étoffe très foncée. Idem vers 449. La couleur fade [pâle] invoquée au vers 162 n’ayant pas suffi à ébranler le mari, sa femme passe à la couleur noire, qui est plus inquiétante. 79 Ni votre pleine vigueur, ni même la moitié. 80 Roland mourut de soif à Roncevaux. « Je mourroye de la mort Rolant…./ Que j’aye à pyer/ Ung coup de quelque bon vin vieulx. » Testament Pathelin. 81 Vous délirez. Idem vers 398. 82 F : repantens (Confessé et repentant de vos péchés.) 83 On se confessait au moins une fois par an, avant Pâques, c’est-à-dire pendant le Carême. « Le curé de Jambet attribuoit ce copieux engrossissement de femmes, non aux viandes de Quaresme, mais (…) aux petits confesseurs crottés, lesquels damnent, par cestuy temps de leur empire, les ribaulx mariéz. » Rabelais. 84 Certains Normands prononçaient moutre : « Le roi Modus moustre à ses escoliers la science de fauconnerie. » Henri de Ferrières. 85 Dans l’autre monde : si vous trépassiez. 86 Ni mettre votre conscience en ordre. 87 Si vous faites preuve de sagesse. Cf. l’Avantureulx, vers 351. 88 Tant que vous êtes en pleine possession de vos moyens intellectuels. 89 Malgré moi. Cf. la Pippée, vers 835. 90 Au (note 58). 91 Sous-entendu égrillard : en érection. « Le virolet en poinct et infatiguable, comme l’ont les satyres. » Rabelais. 92 À votre organe (vocal ou autre). 93 F : vueilles (Tu fais semblant de dormir. Voir la note 20 de Troys Galans et un Badin.) « On dit que cils fait la dorveille,/ Qui dort de l’ueil et du cuer veille. » ATILF. 94 Voilà autre chose ! Cf. le Dorellot, vers 43 et 52. Le vers suivant est perdu. 95 Je n’ai pas l’intention de mourir. 96 F : meshignez (Méhaigné, en mauvais état.) Vis = visage. Mais vit = pénis. 97 Que je dise que vous êtes mourant, si ce n’était pas vrai. 98 F : Aucun (Si je ne sentais jamais plus de mal qu’aujourd’hui.) 99 On s’en contenterait. Ce vers proverbial figure notamment dans le Capitaine Mal-en-point. 100 Ne vous occupez pas. 101 Les Normands prononçaient « mémore » ; voir la note 87 de Jehan de Lagny, et la note 85 du Bateleur. 102 Quelquefois. « Je ne dis pas que bien souvent ne soit bon et profitable, bien séant et honnorable de croire sa femme. » L’Ystoire des sept sages de Romme. 103 Je comble cette lacune d’après le vers 560. Le mari se couche sur le lit. La femme sort et se dirige vers la maison de sa voisine. 104 F : charolles (Une carole est une ronde.) Je vais le faire danser ! « Par ses dis et par sa parole,/ [Elle] les fait danser à sa karole. » ATILF. 105 Comment vont nos affaires ? « –Comment va tout, léans ?/ –Tout va trèsbien pour nous. » (Jean-Antoine de Baïf.) La voisine achève de se déguiser en prêtre. 106 Il a tant fallu le sermonner. 107 F : ereue (Correction Gustave Cohen.) Son mari ne l’a pas crue : il a cédé pour qu’elle lui fiche enfin la paix. 108 F : voisine 109 Comme sur mesure. Cf. Serre-porte, vers 112. 110 Dans les farces et ailleurs, le curé messire Jean traîne derrière lui une solide réputation de lubricité : voir la note 139 de Régnault qui se marie à La Vollée. Le vers suivant est perdu. 111 Les Normands prononçaient Guillame, comme au vers 405. (Cf. la farce normande de Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 32 et rime, ou celle de Resjouy d’Amours, vers 285 et 362.) « Ung sien chevalier occist le duc Guillame de Normendie. » Baudouin d’Avesne. 112 Je vous l’affirme. 113 Le charivari fait appel au déguisement, et vise des gens qui ne respectent pas la coutume en matière de sexualité. 114 Toutes les deux (normandisme). Cf. la farce caennaise de Saincte-Caquette, vers 74. 115 F : Hola 116 Dissimule-toi derrière son lit. 117 F : lapercoiue (Correction Félix Lecoy.) 118 Décevoir = tromper. Idem vers 476 et 598. 119 F : luy (Correction envisagée par Koopmans.) Les seuls malades qui se confessaient avec le visage couvert étaient les lépreux. La voisine dissimulera sa figure sous la capuche de son habit, comme le faux moine de Serre-porte (scène VII). 120 Discrètement, comme le moine qui couvre sa figure avec la capuche de son froc, au début de Frère Fécisti. 121 Interroge-le. 122 Laisse-moi m’occuper de tout. 123 Elle rentre chez elle, et s’informe si son mari est encore vivant. 124 Le voici. Litt. : Voyez-le ici. (Idem vers 545.) Mais la voisine, empêtrée dans son habit sacerdotal, n’est pas encore arrivée. 125 F : deuerois 126 Elle entre chez le couple, habillée en prêtre, avec sa capuche rabattue sur le visage. Elle se tient debout derrière le chevet du lit. L’acteur qui joue ce rôle abandonne sa voix de fausset* pour reprendre son timbre masculin : nous avons là un travesti travesti. *C’est ainsi qu’on imitait les femmes ; un Badin qui prend la voix d’une aristocrate dit : « Je parle gresle/ Comme faict une Damoyselle. » Messire Jehan. 127 Notre Seigneur. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 195. Il y a là une lacune ; la seconde partie de la farce est encore plus abîmée que la première. 128 L’auteur du Ribault marié connaît bien une autre farce normande, le Testament Pathelin, où le curé qui vient confesser Pathelin entre en disant : « Comme se porte ce malade ? » 129 F : malade (à la rime.) Maussade = désagréable. 130 Il n’a pu reposer, dormir. « De nuictée/ Ne reposay. » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) L’auteur picore aussi dans la Farce de Maistre Pathelin, dont la femme fait croire au drapier que son époux moribond « ne partit/ Du lit y a unze sepmaines », et lui affirme : « Je croy qu’il repose. » 131 Celle qui. Le mari se livre à un aparté. 132 De la contrition, du repentir. 133 F : Et quelqun (Les diables emportent l’âme des pécheurs : cf. le Munyer de qui le deable emporte l’âme en Enffer.) La femme tient ces propos en aparté. 134 Haussée, élevée. 135 De vrai, en vérité. 136 F : femme 137 Nous pique et nous mord. 138 F : on y 139 Expédier vos péchés. « Tu te veulx confesser à moy./ Mon amy, vueilles abréger. » La Confession Rifflart. 140 D’abord. 141 Le vin est censé augmenter la mémoire : « S’ung peu ne me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. Le Testament Pathelin met en scène la même lutte entre un moribond qui veut boire, et un prêtre qui veut le confesser. 142 F : retentine (La rétentive est la faculté de retenir.) 143 F : estime (Corr. Cohen.) Quand on résiste. 144 C’est la règle. 145 Les formules officielles ne me reviennent plus. 146 F : doncques autre (Aucune chose : rien.) 147 Vous signer. Cf. le Maistre d’escolle, vers 125. 148 Si mal éduqué. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 152. 149 Votre confession commence mal. 150 Ce gag des échos, fort apprécié du public, permettait aux acteurs de rallonger leur texte au-delà du raisonnable et en dépit de la versification. 151 Ce vers, tel que je le complète, est le vers 84 de la Confession du Brigant au Curé. 152 Le même quiproquo sous-tend les vers 85-86 de la Confession du Brigant. 153 Même si. 154 Ce verbe est synonyme de chanter (voir la note 41) : « Disant la chansonnette. » (ATILF.) C’est le sens que lui confère le mari, du haut de sa mauvaise foi. 155 F commence ce vers par : Dung 156 Elle parle à l’oreille du faux prêtre. 157 Sa rengaine. 158 Avez-vous (normandisme). 159 F : de ce coste (Il s’aperçoit que sa femme est derrière le chevet du lit, avec le « curé ».) 160 La femme s’éloigne, pour respecter le secret de la confession. 161 Ce que vous avez sur le cœur, sur la conscience. 162 J’emprunte ce vers manquant aux Blasphémateurs du nom de Dieu : « J’avoys faict coucher ung ribault/ Entre les bras d’une paillarde…./ Et el luy sembloit bien gaillarde. » 163 Habile. Le mari se vante de ses conquêtes devant un autre « homme ». 164 Avec quels habits. Cette question intrinsèquement féminine aurait dû éveiller la méfiance du mari. 165 En une fois. 166 F : festes (Avec des broderies.) 167 Les jours de fêtes. 168 Une robe bleue doublée de fourrure blanche. 169 Lors des fêtes solennelles. 170 La houppelande est une sorte de grande cape. 171 Prénom féminin assez courant. « (Il) trouva façon d’avoir encores la compaignée de ladite Jamette, et tellement qu’il l’engroissa. » ATILF. 172 F : femme 173 Je me suis accouplé avec leur fille. Les pèlerinages rassemblaient plusieurs voisins, et la promiscuité nocturne favorisait certains rapprochements. Cf. Régnault qui se marie, vers 219-230. 174 Trois niveaux de lecture : 1) On la selle [on la chevauche]. Jody Enders, qui a traduit énergiquement cette pièce dans The Farce of the Fart and other Ribaldries, n’hésite pas à écrire : « Menfolk already done rode that pony. » 2) On la scelle [on la tamponne]. « Je viens d’avecque la femelle :/ J’ay tant scellé que plus n’en puis. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 3) On la cèle [ses parents la cachent, la cloîtrent]. 175 Le faux curé rejoint la femme. 176 Ce débauché qui s’attaque aux femmes. Cf. la Fille bastelierre, vers 166. 177 Comment peux-tu. 178 Notre affaire. 179 Une chose incroyable. Idem vers 243. 180 F : Comme sil estoit (Qu’il n’était pas un homme loyal, sincère. « Il estoit homme véritable en ses propos, fidèle en ses promesses. » L. de Mayerne-Turquet.) 181 C’est vrai. Cf. Régnault qui se marie, vers 256. 182 Il s’en faut de peu. 183 F : grans 184 Le devoir conjugal. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 52. 185 Il ne lui tiendra plus de mots doux. 186 Des verges bien cinglantes. Idem vers 604. 187 Battu. Idem vers 589. « Mais bien vous galleray le dos ! » Godefroy. 188 Cependant. 189 F : auant (Ce vers est calqué sur le v. 571.) « J’en trouveray moyen ains que je cesse. » Mistère du Viel Testament. 190 Tandis que la femme passe derrière le rideau de fond pour aller chercher des verges, le prétendu curé revient vers le lit du mari. 191 Qu’on prend en charge, qu’on accepte. 192 Vous l’avez méritée. Cf. Marchebeau et Galop, vers 215. Le vers suivant est perdu. 193 Vous ne vous en faites pas pour si peu. 194 Les pièces du procès, les preuves. On songe au procès que l’official d’Angers n’avait pu intenter contre un ribaud marié : voir ma notice. 195 Requérir. Idem vers 544. 196 F : escheuez (Pour esquiver, éviter.) 197 F : mon amy (Cette rime est plus pauvre que les autres.) Pour obtenir le pardon. 198 Sans que cela me nuise. Le héros de la Confession Rifflart se livre à des marchandages encore plus cyniques avec le prêtre qui veut lui donner une pénitence. 199 Requérir (note 195). La femme revient avec une poignée de verges dans chaque main. 200 F : ce (Que cela se fasse.) 201 Sa récompense. 202 Il a entendu les menaces de sa femme. 203 J’y vais de bonne foi. Il se déshabille et se retrouve en chemise longue. Il se met à genoux. 204 Elle s’adresse à la femme, en aparté. 205 Elle et sa voisine fouettent le mari, qui est à quatre pattes. 206 Qu’il. 207 Souvenez-vous. Le comédien reprend sa voix de fausset, que le mari va reconnaître au vers 573. 208 F : quauez diffamee (Qui a du déshonneur.) « De luy, vous n’aurez que diffame. » Guillerme qui mengea les figues. 209 Avant que je termine. 210 Je remets en ordre le triolet 574-581, que F a complètement chamboulé. 211 Feins : je ne fais pas semblant de le frapper. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 6. 212 Je m’en ressens ! Cf. la Veuve, vers 229. 213 Retiens cette leçon, si tu as un peu de bon sens. F intervertit les deux hémistiches du vers. 214 Après le triolet, il y avait un vers de retombée en -ine. 215 Faire ses choux gras = prendre son plaisir : « Sotz qui ayment à fréquenter le “bas”,/ Sotz qui faictes aux dames les choux gras. » (Jeu du Prince des Sotz.) Mais choux = couilles : voir les vers 276-277 ainsi que la note 108 du Dorellot, et le vers 92 des Cris de Paris. 216 F : malle sante (Avec perversité.) 217 Pour rien. « Niant » compte pour 1 syllabe. 218 Vous m’avez fait avouer malgré moi. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 223. 219 F : propopos (Les paroles franches.) 220 Qui bavardent. 221 Et ne font pas attention aux mots qu’ils prononcent. 222 F : suis (Corr. Koopmans.) Depuis que je suis née. 223 F : senty (En Normandie, un câtu est un sujet de plainte. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 232 et note.) 224 N’ébruite pas le déshonneur de ma fille, sinon je ne pourrai pas la marier. 225 Il s’adresse au public. 226 Flagellé. La discipline est un martinet. 227 F : dist (Il m’a donné tous les coups qu’il me devait : il ne m’en doit plus un seul.) 228 Faites bien attention. La morale de la pièce n’est pas : « Soyez fidèles. » C’est : « Soyez discrets. » 229 Celui qui ne commettrait jamais d’erreur ferait preuve d’un grand bon sens. 230 Pour maintenant.