LE PÈLERINAGE DE MARIAGE
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LE PÈLERINAGE
DE MARIAGE
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Nous avons là une des satires antimatrimoniales les plus élégantes. Émile Picot1 nous révèle qu’en octobre 1556, la troupe exclusivement masculine de Pierre le Pardonneur2 donna des représentations à Rouen, mais que le parlement de cette ville les interrompit. Une des causes de cette interdiction tient au fait que les acteurs jouaient « la farce du Retour de Mariage ». Picot identifie ce Retour de Mariage à notre pièce, et présume que la censure lui reprochait de parodier les litanies du samedi saint.
Trois demoiselles (interprétées donc par des hommes) vont en pèlerinage au pays merveilleux de Mariage. Elles croisent un vieux pèlerin qui en revient déçu, et qui pourrait dire comme celui du Pèlerin et la Pèlerine 3 : « Je vien d’un pays bien sauvage / Que l’on appelle Mariage. » Le vieillard se gausse des futures épouses, mais ne tente pas de les dissuader, sachant bien que les femmes gagnent toujours à se marier. En revanche, il voudrait sauver de la catastrophe un jeune pèlerin, qui ne lui en sait d’ailleurs aucun gré, et qui assimile l’expérience du vieil homme au gâtisme. On devine que lui-même, un jour, tiendra le rôle du vieux pèlerin.
Source : Manuscrit la Vallière, nº 19.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, strophes aabba.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce à cinq personnages.
C’est à savoir :
le Pèlerinage
de Mariage
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LE [VIEL] PÈLERIN
LES TROYS PÈLERINES
et LE JEUNE PÈLERIN
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[LA PREMIÈRE]4 PÈLERINE com[m]ence
Or allons à nostre voyage5 SCÈNE I
Que l’on apelle Mariage !
Jeunes filles en ont désir.
LA IIe PÈLERINE
D’y aller m’est un grand plaisir ;
5 Et pour tant6, partons de ce lieu !
LA IIIe PÈLERINE
Puysque c’est le plaisir de Dieu,
Je m’y veulx mectre par chem[i]n,
Gardant [nect nostre]7 parchemin,
Moyennant volonté7 divine.
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LE VIEL PÈLERIN 9 SCÈNE II
10 Tant plus en ce monde chemine
— Povre pèlerin douloureux
De Mariage, langoureux10 —,
Moins11 je ne puys trouver la fin.
Et sy, ne sçay12 homme sy fin
15 Qui à cheminer n’en fust las.
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LA IIe PÈLERINE SCÈNE III
Ma mye, donnons[-nous] soulas13 :
Voécy un pèlerin qui vient.
L[A] PREMIÈRE
Quant je le voy, y me souvyent14
D’un homme qui est fort lassé.
20 Il a en quelque lieu passé,
Tant est rompu en ses habis.
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Bon soyer15, mon amy ! SCÈNE IV
LE VIEL PÈLERIN
Et vobis 16 !
LA IIe PÈLERINE 17
Cela est latin.
LE VIEL PÈLERIN
J’en faictz rage.
LA PREMIÈRE
Or çà, de quel pèlerinage
25 Venez-vous ?
[LE VIEL PÈLERIN] 18
Je viens de sy loing
Qu’i n’est de le19 dire besoing.
LA IIIe 20 PÈLERINE
Dictes-le-nous !
LE VIEL PÈLERIN
Le grand voyage
Que l’on apelle Mariage.
LA PREMIÈRE
Nous y allons.
[LE VIEL PÈLERIN]
Dieu vous convoye21 !
LA IIe PÈLERINE
30 Je vous pry(e), monstrez-nous la voye
Par où y nous y fault aller.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Y fault-y aller sans parler ?
LE VIEL PÈLERIN
Nénin ; les femmes pas, au moins22.
LA IIIe PÈLERINE
Et les hommes ?
LE VIEL PÈLERIN
Ne plus, ne moins.
35 Je ne m’y voulus consentir,
Et sy23, est permys de mentir
En y alant.
LA PREMIÈRE
En Mariage,
Y parle-l’en mauvais langage ?
Est-il mal aisé24 à comprendre ?
LE VIEL PÈLERIN
40 Nénin, vous le pourez aprendre
Incontinent ; je l’ay ouÿ.
LA IIe PÈLERINE
Et qu’i fault-y dire ?
LE VIEL [PÈLERIN]
« Ouÿ. »
Y n’y a aultre chose à dire
Que ce mot-là.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Escoustez, syre :
45 Y peult-on aler à cheval ?
LE VIEL PÈLERIN
Les uns y vont à grand déval25,
Cuydant trouver leur cas à poste26.
Mais tel, souvent, y court la poste27
Qui à pié eust esté trop tost.
50 Mais le voyage est sy dévost
Qu’i tarde à chascun qu’i n’y soyt.
LA IIIe PÈLERINE
Puysque tel bien s’y apersoyt,
Allons-y !
LE VIEL PÈLERIN
Alez, de par Dieu !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Le lieu est-il beau ?
LE VIEL PÈLERIN
C’est le lieu
55 Où il y a plus de débat28…
Que di-ge ? Non, non : plus d’esbat,
Qui s’y sçayt bien contretenir29.
LA IIe PÈLERINE
Je ne me séroys30 plus tenir
D’aller31 !
LE VIEL PÈLERIN
Alez à la bonne heure !
60 Se je vis avant que je meure,
Je vous verray32 en bonne encontre.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous s’il [s’]en rencontre33
Qui nous fist le chemin faillir.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! ouy bien, qui vouldroict saillir34
65 Dehors des termes de Raison.
Car y fault, en toute saison,
Aler tousjours le chemin droict :
Car qui aultre chemin tiendroict,
Au lieu d’aller à Mariage,
70 On s’en yroit en Malerage35,
Ou bien cent lieues36 par-delà.
LA IIIe PÈLERINE
Dieu nous gard d’aler jusques-là !
Cela37 fail[l]yroit nos journ[é]es.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Trouverons-nous pas des jonchées38 ?
LE VIEL PÈLERIN
75 Ouy, ouy, d’assez bien adjencées39.
LA IIe PÈLERINE
Et de quoy ?
LE VIEL PÈLERIN
De menu[e]s penc[é]es
Que femmes c[u]euilent, [et jalousie]40.
Et [des poyres de jalousie]41,
Chia brena42, tati tata,
80 Je veulx cecy, je veulx cela,
Tant de parolles ennuyeuses.
LA IIIe PÈLERINE
Cela sont poyres trop fascheuses :
Y ne sentent point43 leur framboyse.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! mon Dieu, qu’i[l] y a de noyse(s),
85 Sans les noysilles44, les noysètes.
Non pas avec jeunes fillètes
Comme vous : poinct on n’y en menge45.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Est-il vérité ?
LE VIEL PÈLERIN
Poinct n’en men-ge46.
Oultre, il est ordonné de Dieu
90 Que pèlerin qui va au lieu
De Mariage et là s’encline47,
Y couche48 avec sa pèlerine.
Les ordonnances en sont telles.
LA IIe PÈLERINE
Or çà ! combien se vendent-elles49 ?
LE VIEL PÈLERIN
95 Combien ? Autant sotes qu’apertes50,
Quatre51 denyers.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Non plus ?
LE VIEL PÈLERIN
Non, certes,
Car ainsy est le traict merché52.
LA IIIe PÈLERINE
En bonne foy, c’est bon marché.
LE VIEL PÈLERIN
Selon les hommes le guerdon53 :
100 Aux uns « ouÿ », aux aultres « non ».
Selon54 qu’est la femme, je dis :
Les uns y treuvent paradis,
Les aultres enfer, par mon âme !
Et tel, souvent, y crye « à l’arme »
105 Qui l’aloyt assaillir d’emblée55.
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LE JEUNE PÈLERIN 56 SCÈNE V
Dieu gard ceste noble assemblée !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Et vous !
LE VIEL PÈLERIN
Et vous !
LA IIe PÈLERINE
Et vous !
[ LA IIIe PÈLERINE
Et vous ! ]
LE JEUNE PÈLERIN
Où allez-vous ?
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous
Où d’aller avez entreprins.
LE JEUNE PÈLERIN
110 J’ey, sans penser d’estre reprins57,
Entreprins le pèlerinage
D’aler tout droict en Mariage.
Voy(e)là où gist tout mon soulcy.
LA IIe PÈLERINE
Nous l’avons entreprins aussy,
115 Et du chemin nous enquérons,
Et au pèlerin requérons
— Qui en vient — qu’i nous die58 que c’est.
Mais je voys bien qu’i ne luy plaist
D’y avoir [entre]prins chemin59.
LE JEUNE PÈLERIN
120 C’est un brouilleur de parchemin60,
Un ras[s]oté qui n’en peult plus.
Alez prier Dieu ! Au surplus,
Nous passerons, doresnavant.
LE VIEL PÈLERIN
Hardy, mectez la plume [au vent]61 !
125 Jamais jour62 ne vous cessera.
Et maudict63 qui se lassera
Premier qu’i soyt troys ans passés !
LE JEUNE PÈLERIN
Ces vieulx sont rompus et cassés ;
On leur veoyt presque le cerveau saillir.
130 Non, non ! S’on me vient assaillir,
J’ey bon baston64 pour moy deffendre
Ferme et fort, pour piquer et fendre.
A ! je ne crains nul assaillant.
LE VIEL PÈLERIN
Il est roullant comme Vaillant65 !
135 Saincte Dame, qu’il est hardy !
Y sera tant acouardy66,
Mais que son « bourdon67 » soyt lassé.
Le mien est rompu et cassé,
Tout verdmoulu68 depuys long temps.
LE JEUNE PÈLERIN
140 Sy ces vieulx en sont mal contens,
Fault-il les jeunes desgouster ?
Non, non ! Y les fault débouster69
D’un coup !
LE VIEL PÈLERIN
Regardez que vous ferez70,
Gentil Hercules ! Demourez71,
145 Atendez jusques à demain.
LE JEUNE PÈLERIN
J’ey bon pié, bon œuil, bonne main
Pour bien sçavoir descroter cotes72 !
LE VIEL PÈLERIN
Olivier, baille-luy ses botes73 :
Y tura Karesme-prenant74.
LA IIIe PÈLERINE
150 A ! dea, nous avons maintenant
Qui nous asseure75.
LE JEUNE PÈLERIN
Ce viellart
Nous veult user de son viel art76 ;
Mais y luy fault monstrer les dens.
Que ne me fourrasse77 dedens ?
155 J’aymeroys myeulx avoir…
LE VIEL PÈLERIN
La taigne ?
Ô gentil78 Artus de Bretaigne,
Gentil Hector, miséricorde !
Gardez la noix79 de vostre corde :
Vous pouriez bien chermer le trect80.
160 S’y veult cheminer sy estroict81,
Y se lassera à82 complaire.
LE JEUNE PÈLERIN
Mariage à chascun doyt plaire ;
Car je dis que s’il eust despleu
À Dieu, y ne luy eust pas pleu
165 D’en faire le commendement83.
Aussy fist-il ce sacrement,
Au lieu84 de Paradis térestre.
Par quoy, je dis qu’il ne doibt estre
En cest estat vespérisé85.
LE VIEL PÈLERIN
170 Et ! s’il a esté sy prisé
De Dieu (ce que je ne crus onques),
Que ne se mariet-il donques ?
Ma foy, y n’estoyt pas sy nis[s]e86 !
LE JEUNE PÈLERIN
Tes-toy87, que Dieu ne te punisse !
175 C’est trop babillé et trop dict !
Que je soye de Dieu…
LE VIEL PÈLERIN
Mauldict ?
[Serez assez]88 de vostre femme.
LE JEUNE PÈLERIN
Garde-toy de sumer89 diffame,
Et n’en dis rien que bien apoinct90 !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
180 Un cœur qui d’amour est espoinct91
Et peult mariage choisir,
Je croy que de douleur n’a poinct,
Y chantent :
Puysqu’il est beau à mon plaisir.92
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Quant on a le loisir,
185 Mariage est mygnon et gent ;
On ne séroyt meilleur choisir,
Y chantent :
Mais qu(e) on ne baillast 93 poinct d’argent.
LE JEUNE PÈLERIN
D’argent ne fault estre sergent 94.
Quant telle joye95 est avenue,
190 On prent un plaisir réfulgent96,
Y chantent :
Quant la nuict est venue.97
LE VIEL PÈLERIN
La nuyct ? Bien souvent, par la rue,
[Le mary en]98 sent la froidure ;
[Sa] femme, [au lict]99, regibe et rue
Y chantent :
195 Tant comme la nuyct dure.100
LA IIIe PÈLERINE
La nuyct, nul mal on n’y endure :
C’est de plaisir une montjoye101.
On n’y séroyt trouver laidure,
Y chantent :
Quant on y prent soulas et joye.102
LE VIEL PÈLERIN
200 Soulas et joye ? Mais rabat-joye !
Menasse103 le plaisir affolle.
Pensez-vous que croi(e)re on vous doye ?
Y chantent :
Nénin, je ne suys pas sy folle.104
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Sy folle ? C’est simple parolle105.
205 Jà à vostre dict n’entendray ;
C’est vérité ou parabolle106.
Y chantent :
Ne me chault, mon plaisir prendray.107
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Je respondray :
Que noyse n’y vault rien sans débat108.
210 Autant vauldroict estre enfondré109,
Y chantent :
Sy j’estoys alé à l’esbat.110
LA IIIe PÈLERINE
À l’esbat on y va sans sabat111.
Mais un tas de mal gratieux
Veulent tous servir au rabat112,
Y chantent :
215 Dont y n’en séroyent valoir myeulx.113
LE VIEL PÈLERIN
Valloir myeulx ? Et ! compaignon vieulx114,
L’Ordre de ménage115 est souldaine.
Je tiens pour fol et glorieulx116
Y chantent :
Celuy qui la tient pour certainne.117
LA IIe PÈLERINE
220 Pour certaine ? Et ! au [sien] démainne118
Et au jardin, a bonne chose119 :
Florist ermerye120, marjolainne,
Y chantent :
Et aussy faict la passeroze.121
LE VIEL PÈLERIN
La passeroze ? Et ! je propoze
225 Qu’i122 soyt vray : le dirai-ge ? Ita !
Tant d’espines, dont chanter n’ose123,
Y chantent :
[Consumo la mia vita]124.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc bon cœur ne s’en despita,
Au moins s’y se veult faire veoir125.
230 Qui y entre, son délict a126
Y chantent :
Comme un amoureulx doibt avoir.127
LE VIEL PÈLERIN
Avoir mariag’ [il] faict beau veoir ;
Mais du ménaig’ n’a poinct d’envye.128
Tousjours donner sans recepvoir,
Y chantent :
235 Je croys que j’en perdray la vye.129
LA PREMIÈRE PÈLERINE
La vie en vient, on s’en desvye.
Mon cœur en a [joyeulx esté]130 :
Car quant l’Ordre est bien [des]servye131,
Y chantent :
Y raverdist en132 joyeuseté.
LE VIEL PÈLERIN
240 Joyeuseté ? Tout133 est frété :
Chagrin y est, je vous promays.
Sy j’en sors, yver ou esté,
Y chantent :
Jamais ne m’aviendra, jamais134 !
LE JEUNE PÈLERIN
Jamais ? C’est un gracieulx mès
245 Que de ris135, à n’en doubte[r] mye ;
Car g’y chanteray désormais :
Y chantent :
« Mais omblier ne la puys mye. »136
LE VIEL PÈLERIN
Mye ? Et sy ta femme te maistrye137,
Va-t’en : jà n’yra après toy.
250 Et n[’ay]es pas peur qu’elle te dye :
Y chantent :
« Mon bel amy, atendez-moy ! »138
LA IIe PÈLERINE
N’esse pas plaisir, par ta foy,
Que mariage ? On ne peult myeulx.
Telle léesse139 au monde je ne voy
Y chantent :
255 Pour en avoir son petit cœur joyeulx.140
LE VIEL PÈLERIN
Joyeulx ? Joyeulx ? Voy(e)re, jusques aulx cieulx !
« Hély, hély, [lama sabacthany]141 ? »
Pauvre, sans142 bien et thésor gracieulx
E[s]t mon las cœur143, de tout plaisir bany.
260 Et ! je vous pry(e), n’en parlez plus hüy144,
Vous, ny elle, [ou] elle, ne luy.
On n’y tient pas ce qu’on promect.
Car de grand folye s’entremect
Qui se chastye par aultruy145.
LE JEUNE PÈLERIN
265 Sans mariage, on ne feroyt
Jamais146. Tout bien se desferoyt ;
On n’auroyt amys ne parens.
Ce sont termes bien aparens ;
Qui diroyt que non, fol seroyt !
LE VIEL PÈLERIN
270 Les uns y vivent à souhaict :
C’est un mignotis, un jouect147.
Aultres y vont à la traverse148.
Contre Fortune la diverse149,
Un charestier rompt son fouet.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
275 Escoustez que dire je veulx150 :
Pourquoy fistes-vous donc des veulx151
Pour, en fin, vous en repentir ?
[Comme Absalon, sans vous mentir,]152
Tel fuict qui tient par les cheveulx.
LE VIEL PÈLERIN
280 [Aucun n’y]153 faict plus qu’i ne peult :
L’un y est aise154, l’aultre s’y deult ;
Grison155 y rue, doulx est Moreau.
Car entre cy et Sainct-Marceau156,
Chascun n’a pas argent qui veult.
TOUTES III ENSEMBLE
285 Alons, alons, laissons-lay157 dire !
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous en veulx pas desdire.
[LE JEUNE PÈLERIN] 158
Or ne m’en viens donc plus parler !
LE VIEL PÈLERIN
Et ! sy vous y voulez aller,
Alez-y donc, n’y alez pas,
290 Courez-y159, marchez petit pas,
Reculez, avancez-vous fort,
Fuyez, mectez-vous en effort,
Et aportez le « pot au laict160 ».
LA IIe PÈLERINE
Voécy un térible poullaict161 !
295 Nous yrons en pèlerinaige
Maintenant !
LE VIEL PÈLERIN
Vous ferez que saige162.
Mais regardez quelle promaisse
Vous ferez devant qu(e) ouïr messe,
À la grand porte de l’église.
LE JEUNE PÈLERIN
300 Et ! je promectray à la guise163
Des aultres.
LE VIEL PÈLERIN
Sans tendre gluotz164,
Y s’y prend beaucoup de dÿotz,
De coqus et de pauvres buses165.
Il y fault penser.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Tu t’abuses !
305 Pour mariage entretenir,
Ne pouroyt[-il] pas bien tenir
Foy et loyaulté ?
LE JEUNE PÈLERIN
À jamais,
Car je tiens ce que je promais
Sans rompre.
LE VIEL PÈLERIN
Luy, jà n’aura courage
310 D’aler rompre son mariage ;
Garde n’avez qu’i s’y efforce.
Mais de luy donner quelque estorse166,
Ou le ployer, je ne dis pas.
LA IIIe PÈLERINE
En toy, n’a reigle ne compas167.
315 Sa femme ne fault estranger168 :
Ne [soys] sy hardy d’en169 changer
Ne pour pire, ne pour meilleure.
LE VIEL PÈLERIN
Changer ? Vray Dieu, à la male heure !
S’on les changeoyt comme les mulles170,
320 Que de contras et que de bulles171 !
Les taverniers auroyent bon temps172.
LE JEUNE PÈLERIN
[Paix ! C’est]173 trop babillé, entens ?
[Et !] tu me faictz fol devenir.
LE VIEL PÈLERIN
Puys voécy Ménage174 venir,
325 Qui chantera de belles notes :
Avoir fault175 des robes, des cotes,
Habis de testes et gorgères176,
Chaînes qui ne sont pas légères,
Bordures, carquens177, pierreryes,
330 Et toute[s] belle[s] orfavre[r]yes.
Y n’y fault pas faillir à cela.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Va, va, viellard jamais tant ne parla178.
Fuy-t’en de nous sans plus atendre !
LE VIEL PÈLERIN
Puys y fault au[x] repas entendre179 :
335 Pain, vin, chèr, pouesson et cherbon180,
Boys, poys, fèbves et du lard bon,
Tables, scabelles et traicteaulx181,
Chandelles, torches [et] flambeaulx.
Entendez-vous bien ce que je dix ?
TOUS ENSEMBLE
340 Et ! va, va ! C’est un paradix182.
LE VIEL PÈLERIN
Ouy, sy Dieu y estoyt, et ses anges.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc ne vis choses sy estranges.
Tes-toy [donc] !
LE VIEL PÈLERIN
Rien je ne vous celle :
Y fault avoir de la vesselle,
345 Pouelles, pouellons, gates, chauldières183,
Cramill[èr]es et chandelièr[e]s184,
Escuelles, plas, pintes, ég[ui]ères,
Trencheur[s], garde-napes185, salières,
Et la mengeure des chevaulx.
LE JEUNE PÈLERIN
350 Jà je n’y auray telz travaulx186,
Ne m’en vien pas cy tracasser !
Jamais ne me séroyt lasser187,
J’en suys certain et asseuré.
LE VIEL PÈLERIN 188
Je l’avoys en ce poinct juré,
355 Mais…
TOUS ENSEMBLE
Quel mais ?
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous dis rien.
LA IIe PÈLERINE
Rien ? C’est un [très] souverain bien
Que d’aller en pèlerinage
— À jeunes gens — en Mariage ;
Nous irons, il [en] est conclus189 !
LE VIEL PÈLERIN
360 Et je ne vous en parleray plus.
Et tout ce que vous en ay dict,
Ce n’a pas esté par médit190
Mais affin de vous advertir :
Sy vous y voullez convertir,
365 Il y a des empeschemens,
Bien souvent, aulx entendemens191.
Mais il se fault tourner vers Dieu
Et, premyer192 qu’entrer au sainct lieu
De Mariage, il fault crier
370 Et à haulte voix Dieu prier ;
Et pour prendre possession193,
Faire bonne194 procession
Sonnée à très belles sonnètes195.
Puys nous dirons noz chansonnètes.
Ilz chantent tous ensemble une chanson.
.
LE JEUNE PÈLERIN
375 La procession est sonnée.
Ceulx qui ont leur amour donnée
En mariage, entendez bien
Le profit, l’honneur et le bien
Qui en ce bel Ordre est requis.
380 Il a assez, qui l’a acquis196.
LE VIEL PÈLERIN. La procession commence.197
Entre nous tous, joyeulx yrons198.
Entre nous tous, tant las serons.
Puys après, nous le [maul]dirons.
Puys aprèz, nous en repentirons.
385 Sancta Bufecta,
TOUS ENSEMBLE, en tournant à la salle.
Reculez de nobis199 !
Sancta Sadinèta200, aprochez de nobis !
Sancta Quaquèta201, ne parlez de nobis !
Sancta Fâchosa202, ne faschez poinct nobis !
Sancta Grondina203, ne touchez [à] nobis !
390 Sancta Fumèta, ne mesprisez204 nobis !
Sancta Tempestata, ne tempestez pas nobis !
Sancta Gloriosa205, alez loing de nobis !
Sancta Mignardosa206, reculez de nobis !
Sancta Bouffecta207, aprochez de nobis !
395 Sancta Jalousia, reculez de nobis !
Sancta Chiabréna208, ne fâchez pas nobis !
Sancta Mérencolia209, n’aprochez de nobis !
OMNES, sancti[s] freneticis 210
Libéra nos, Dominé 211 !
De femme plaine de tempeste,
400 Qui a une mauvaise teste
Et le cerveau embéguiné212,
ENSEMBLE
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui vont, au matin,
Aulx tavernes parler latin,
405 Et ont soublz la table uriné,
Libéra noz, Dominé !
De femme qui [çà et là]213 court,
Et tient son mary de sy court
Comme un Sot enjobeliné214,
410 Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par jeulx215 meschans,
Vendent leurs robes aulx marchans
Pour estre au jeu trop obstiné,
Libéra nos, Dominé !
415 De « femme qui a les doys menus,
Courte[s] mamelles, et nés camus »216,
Le faict bien sans lict encourtiné217,
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par un mistère
420 Trop souldain, font leur femme tère
Et ont le cerveau obstiné,
Libéra nos, Dominé !
De femme[s] trenchant du gros bis218,
Qui despendent tant219 en abis
425 Que le mary est mal dîné220,
Libéra nos, Dominé !
D’un homme qui à droict[e] « chevauche »
Et sa femme « chevauche » à gauche
(C’est tout à rebours cheminé),
430 Libéra nos, Dominé !
D’aller sans chandelle aulx retrais221
Et s’assouèr sus un estron frais
(C’est pour estre bien embrené),
Libéra nos, Dominé !
Oresmus.222
435 Que nous ayons tous bon courage
Contre tourmens de mariage,
Entre nous qui y som[m]es enclos !
Te rogamus, audi nos 223 !
Quant la femme tempeste et tence,
440 Que le mary ayt pacience
Et quelque petit224 de repos !
Te rogamus, audy nos !
Que [ces bragueurs]225 esperlucas,
Coureurs, fringans, esperlucas226,
445 Qui font rage de caqueter,
Pour bien du tout les arester
De bref puissent estre des nos227 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nos femmes nous tenceront,
450 Qu’aux228 injures qu’ilz nous diront
Qu’il y ayt quelque peu de repos !
Te rogamus, audi nos !
Qu’aultres ne leur(s) batent les cus
Et facent leurs maris coqus
455 En faisant la beste à deulx dos229 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nous viendrons de quelque afaire230,
Que nos femmes se puissent taire
Et qu’ilz ayent toutes le bec clos !
460 Te rogamus, audi nos !
Deffens-nous de leur malle231 teste,
Mulerye232, tenson et [t]empeste,
De leur bec, grys233, ongle & ergos !
Te rogamus, audi nos !
465 Que les deulx nouveaulx espousés
Se trouvent sy bien disposés
Qu’ilz puissent, en leur mariage,
Produyre bon et beau lygnage
Et vivre ensemble longuement !
470 Puys, en la fin, ayent234 saulvement
Avec Dieu, en céleste enclos235 !
Te rogamus, audi nos !236
*
1 Nouveau recueil de farces françaises des XVe et XVIe siècles, Paris, 1880, pp. LXII-LXVI. — Recueil général des sotties, t. III, Paris, 1912, pp. 269-299. 2 Cf. le Bateleur, vers 184 et note. Michel Rousse a publié les documents qui touchent cette affaire : Archives et documents datés, Rennes, 1983, pp. 235-236. N’étant pas en France, je n’ai pas pu consulter mes antiques photocopies de la thèse non éditée de M. Rousse concernant le Pèlerinage de Mariage. 3 Cette pièce de Claude Mermet s’inspire occasionnellement de la nôtre, ou d’une source commune. 4 LV : le viele (Nous avons là trois jeunes filles, comme le stipulent les vers 3 et 86, et elles sont encore célibataires.) En costume de voyage, les pèlerines se mettent en route vers le pays de Mariage. 5 Notre pèlerinage. Cf. le Grant voiage et pèlerinage de Saincte-Caquette. 6 Pour cela. 7 LV : nostre nect (Gardant lisible le sauf-conduit que nous a donné le curé. Cf. Colin filz de Thévot, vers 267-304.) On peut aussi comprendre : Gardant intact notre pucelage. Le parchemin désigne le pubis des femmes : Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note. 8 LV : la verite (Voir le v. 6.) La volonté de l’Église était que les filles arrivent vierges au mariage. 9 Vêtu d’un habit de pèlerin très usé, il revient de Mariage. 10 Atteint de langueur, malheureux. 11 LV : dont (La négation explétive moins ne est admise : « [La plaie causée par la flèche de Cupidon] en est si profonde/ Que d’en trouver la fin ne peux,/ Et la guarir moins je ne veux. » Je n’avois onc senty le dard.) 12 Et même, je ne connais aucun. 13 Accordons-nous un divertissement. « Mi-e » compte pour 2 syllabes. 14 Il me rappelle. 15 Bonsoir ! 16 LV : a vobis (Et vous aussi ! Le Pèlerin, qui s’est marié à l’église, en a retenu la langue.) 17 À partir d’ici, LV abrège Pèlerin et Pèlerine en p. Je ne le suivrai pas. 18 LV : la vielle p (Je corrige la même bévue à la rubrique du v. 29.) 19 LV : la (Je corrige la même faute de lecture au 2e mot du vers suivant.) 20 LV : ii (Entre les vers 10 et 149, le copiste oublie qu’il y a une 3e Pèlerine, à laquelle je vais donc rendre la parole de temps en temps.) 21 Fidèle à ses lubies, le copiste du ms. La Vallière accroche un double « e » à la fin du mot. Je corrige tacitement cette idiotie aux vers 30, et 197-202. 22 Elles ne sont pas logées à la même enseigne que les pèlerines qui se rendent à Sainte-Caquette, lesquelles n’ont pas le droit de parler en chemin, « car c’est ung tel pèlerinage/ Qu’en le faisant, mot on ne sonne ». 23 Et pourtant. 24 LV : esse (Même bizarrerie à 281.) 25 LV : cheual (à la rime.) En dévalant au galop. 26 Au mieux. 27 S’y précipite à cheval. 28 De disputes. Mais le vieux Pèlerin se reprend. 29 Si on sait bien se défendre. 30 Saurais, pourrais. Même normandisme aux vers 186, 198, 215, 352. 31 LV : dy aller (Mais on peut comprendre : Je ne saurais me retenir plus longtemps d’aller uriner. C’est bel et bien ce qui arrive à la pèlerine de Saincte-Caquette, vers 179-186.) 32 LV : veoray (Je vous verrai dans une bonne situation.) 33 Si nous risquons de rencontrer un homme. « Il s’en rencontre mesme qui (…) vont jusqu’à proférer ces mots. » Louis Abelly. 34 Si on voulait sortir. 35 « La MALLERAGE : Château de France en Normandie, au pays de Caux. » (Dictionnaire de Trévoux.) La « male rage » et le « mariage » sont plaisamment confondus : « Jamais n’ouÿ, de mon bon eur,/ Sy bien parler de malle rage…/ Dy-je [je veux dire], Sathan, de mariage. » Éloy d’Amerval. 36 LV : lieux (« Lieu-es » compte pour 2 syllabes.) 37 LV : ca la (Cela fausserait nos journées de marche.) 38 LV : monnoys (Fleurs dont on jonchait le sol avant le passage de la mariée. « L’autre amassoit des fleurs et en faisoit jonchées. » La Curne.) 39 LV : adiensses (Agencées, apprêtées. « Chacun taschoit à s’adgencer. » Guillaume Coquillart.) 40 LV : un petivt (Cueillent, et des œillets. Sur le double sens floral de « jalousie », voir Saincte-Caquette, vers 317.) « Pensée » cache aussi un double sens : fleur, et idée triste. 41 LV : tant poyres de chiot (« –Que mangera, par fantasie ?/ –Poires, poires de jalousie. » Les Cris de Paris.) Une épouse sert également à son mari des poires d’angoisse : « Amy, garde bien d’y aller (te marier) !/ Car l’on t’y fera avaller/ Souvent mainte poire d’angoisse/ Toute succrée de tristesse. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 42 Dénomination doublement scatologique (chier + brenner) des embarras causés par les femmes ; voir le v. 396. « Le chiabrena des pucelles. » (Pantagruel, 7.) « Tati tata » exprime le bavardage féminin : cf. les Botines Gaultier, vers 25. 43 LV : pomc (Les fruits étaient bons s’ils avaient goût à framboise. « Y [mes pommes] sentent comme la framboyse. » Le Marchant de pommes.) 44 LV noys aussy (Noisille et noisette sont des diminutifs de noise. « Ces petites noisettes, ces riottes qui, par certain temps, sourdent entre les amans. » Rabelais, Tiers Livre, 12.) 45 Avec vous, on ne mange pas ce genre de « noisettes ». 46 Je ne mens pas. « Se ne dis vray, au moins ne men-ge mye. » Jehan Molinet. 47 S’incline dévotement. 48 Au-dessus de ce mot, qui n’est pas biffé, le copiste a écrit : achete 49 Les ordonnances, ou les pèlerines ? 50 Qu’elles soient sottes ou intelligentes. Les ordonnances, ou les pèlerines ? 51 LV : quatorz e 52 Le trait est marqué : le barème est fixé. 53 On récompense les gens selon leur mérite. 54 LV : synon (Suivant comment est l’épouse.) 55 Qui allait assaillir le pays de Mariage par surprise. 56 Il arrive derrière les femmes, vêtu d’un habit de pèlerin flambant neuf. 57 Repris, blâmé. 58 LV : dict (Voir le v. 250.) Qu’il nous dise ce que c’est. 59 « Trop est personne aventureuse,/ Qui tel chemin ose entreprendre. » ATILF. 60 Un faiseur d’embrouilles. « Messaiger sûr, dont congnoissance avez,/ Debvez plustost envoyer par chemin/ Que ung estrange brouilleur de parchemin. » Guillaume Crétin. 61 LV : auant (Allez au gré du vent. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 341 et 347.) 62 LV : jouee (Nul jour. « Et jamais jour ne cessera,/ Comme faict le las Sisiphus. » Roman de la Rose, éd. 1529.) Votre mariage ne cessera jamais. Le lien du mariage était indissoluble, et les divorces, vendus par l’Église, pouvaient coûter fort cher. 63 LV : mon dieu (Que soit maudit celui qui se lassera avant 3 ans passés.) 64 Les pèlerins portent un bâton ferré, le « bourdon ». Voir le v. 137. 65 Inversion ironique — et confirmée par la rime riche — du proverbe : Être vaillant comme Roland. Le neveu de Charlemagne est encore évoqué au vers 148. 66 LV : a couardy (Privé de coue, de queue. « –Va-t’en coucher emprès la belle !/ –Rien, rien ! –Es-tu acouardi ? » Le Mariage Robin Mouton.) 67 Son bâton de pèlerin. Au second degré : son pénis. « En la main de madame la nonnain (il) mist son bel et trèspuissant bourdon, qui gros et long estoit. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 68 Vermoulu, délabré. 69 Il faut débouter les vieux pèlerins, les repousser. 70 Prenez garde à ce que vous allez faire. 71 LV : desires (Restez ! « Demourez là jusques à demain ! » La Condamnacion de Bancquet.) 72 Les lavandières nettoient les cottes en les frappant avec un battoir. Ici, nous devons lire « vos côtes ». 73 Donne ses bottes de cavalier à notre nouveau Roland ! La Chanson de Roland fait d’Olivier le compagnon de Roland, mais pas son valet. 74 Le Carême-prenant est le Carnaval, qu’on tue symboliquement pour qu’il laisse la place au Carême. Émile Picot signale un Coq-à-l’âne attribué à Marot : « Quand l’espée au costé j’ay ceincte,/ Je turoy Caresme-prenant. » 75 Quelqu’un qui nous défend. 76 C’est une des rimes équivoquées les plus courantes. Elle se combine avec « viel lart » : vieux pénis. 77 LV : fourmasse (Que je n’aille pas me fourrer dans le mariage ? « Il n’eut autre loisir que de se aller fourrer dedans. » ATILF.) Double sens érotique : « (Le) bon bergier se fourre dedens…. Tout ce qu’il avoit (il) ensevelit jusques au manche. » Cent Nouvelles nouvelles, 82. 78 Noble, valeureux. Idem vers 144. Le roi Arthur est un parangon du guerrier, de même que le héros troyen Hector. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 555 et 605. 79 Surveillez la partie mobile de votre arbalète, qui tire la corde en arrière. Cf. l’Arbalestre, vers 466. 80 Dévier votre tir. « Pour ce, nous fault le trait charmer/ Et de traïson nous armer. » (ATILF.) Double sens : Boire d’un trait. « (J’)yroye droit à l’avantgarde chez le tavernier pour charmer le traict. » Pierre Fabri. 81 LV : estroiet (Si fort. « [Il] gela sy estroict que les résins estant jà meurz flestrirent. » Raymond d’Austry.) 82 LV : pour (Vers obscur et sans intérêt, à moins qu’il ne recèle un calembour grivois : « De perdre honneurs et biens pour vouloir à con plaire. » Jehan Molinet.) 83 LV : coḿencement 84 En son royaume. 85 LV : vesperisse (Bafoué.) 86 Si nice, si bête. 87 Tais-toi. Idem vers 343. Le jeune insolent commence à tutoyer son aîné, suivi par les femmes au vers 304. 88 LV : car cest ases (Vous serez assez maudit par votre femme. « Elle me maudict comme un chien. » L’Arbalestre.) 89 De semer. Cf. la Veuve, vers 22. 90 N’en parle que pour de bonnes raisons. 91 Piqué. 92 Extrait de la chanson On a mal dict de mon amy. Voir Howard Mayer BROWN : Music in the french secular theater, Harvard University Press, 1963. Nº 318. 93 Pourvu qu’on ne donne. Chanson inconnue. LV intervertit ce vers et le vers 191. 94 Serviteur. Même chanson au vers 19 du Savatier et Marguet. 95 LV : joẽe 96 Éclatant. 97 2e vers de la chanson Il fait bon fermer son huis. Brown nº 174. 98 LV : tout mary on (Le mari se gèle dans la rue quand il guette l’arrivée de l’amant de son épouse, ignorant que celui-ci est déjà dans la maison.) 99 LV : mule (Sa femme regimbe [rue] et fait des ruades avec son amant.) 100 Extrait d’une chanson d’Antoine de Févin, Il fait bon aimer l’oyselet, qui est chantée dans le Retraict. Brown nº 173. 101 LV : mont joyee (C’est un monceau de plaisir.) 102 Extrait de la chanson Réveillez-vous, réveillez. Brown nº 366. 103 La menace de voir le mari débarquer à l’improviste. 104 Refrain de la chanson Je voys, je viens, mon cueur s’en volle. Brown nº 228. 105 Ce sont des mots en l’air. 106 Ou mensonge. 107 Chanson inconnue. 108 Même proverbe dans Guillerme qui mengea les figues et dans Le Sourd, son Varlet et l’Yverongne. La sagesse du vieux pèlerin s’exprime sous forme de proverbes. 109 Être au fond de la rivière. 110 Extrait de la chanson Je le lesray puisqu’il m’y bat. Brown nº 206. 111 Sans bruit. 112 Au jeu de paume, servir au rabat c’est feinter l’adversaire en rabattant l’éteuf vers le sol. « Je le serviray au rabat. » L’Aveugle et Saudret. 113 Chanson inconnue. 114 Mon vieil ami. « Affin aussy que dire adieu je voyse [j’aille]/ À mes amys et mes compaignons vieulx. » (Clément Marot.) Cette incise est narquoise, venant d’un vieillard qui s’adresse à un jeune homme. 115 Le mariage est considéré comme un Ordre monastique. Idem vers 238 et 379. « Entre nous autres, pauvres gens,/ Qui estions si mignons et gents/ Devant qu’en l’Ordre fussions mis. » (Les Ténèbres de Mariage.) Soudaine = impulsive, changeante. 116 Présomptueux. 117 Chanson inconnue. 118 Dans son domaine. 119 Il y a de bonnes choses. 120 L’armerie [l’œillet] fleurit. 121 Extrait de la chanson L’Amour de moy si est enclose. Voir la note 97 du Savatier et Marguet. 122 En supposant que cela. Ita = oui ; le vieux pèlerin est féru de latin (vers 23). 123 LV : nosses (Dont je n’ose parler.) 124 LV : consommo lamiee victa (Chanson composée sur un poème italien par Johannes Prioris. Brown nº 64.) 125 LV : valloir (S’il veut se montrer sous son meilleur jour. « Un cœur généreux ne doit point desmentir ses pensées ; il se veut faire voir jusques au dedans. » Montaigne, II, 17.) 126 Celui qui y entre y a son plaisir. On faisait la liaison : « délita ». 127 4e vers de la chanson Franc cœur qu’as-tu à soupirer, chantée aux vers 22-25 du Gallant quy a faict le coup. Voir la note 101 de Marchebeau et Galop. 128 Ces deux vers aux élisions suspectes pourraient provenir d’une chanson en vers de 4 syllabes. 129 Chanson inconnue. 130 LV : joyeussete (À la rime de 239. Voir les rimes 47 et 49 de Marchebeau et Galop.) 131 Quand l’ordre de Mariage a de bons serviteurs. « Ordre » était souvent féminin, comme au vers 217. 132 LV : franc (Mon cœur reverdit en. « Il les voit reverdir en bonté. » Æmar Hennequin.) Chanson inconnue. 133 LV : tant (Fraité = accablé de frais. Un prêtre normand qui « requéroit plusieurs femmes mariées de leur déshonneur » les faisait citer à comparaître dans une autre juridiction « pour les plus fraitier et dommaiger ». Lettre de rémission, 1450.) 134 Ce dernier mot remplace abusivement ma mère. Brown nº 191. 135 Le riz est un gracieux mets, à n’en pas douter. Jeu de mots sur le « ris » : le rire. 136 Je ne puis l’oublier. Cet extrait de la chanson Les Regretz que j’ay de m’amye est chanté au vers 55 du Savatier et Marguet. Brown nº 266. 137 Te maîtrise, fait la loi. Cf. le Maistre d’escolle, vers 108. 138 Extrait de la chanson Vostre beaulté, belle cointe et jolie. Brown nº 405. 139 Une pareille liesse, joie. Nous avons maintenant 7 décasyllabes, sans doute pour cadrer avec la chanson du vers 255 et avec l’emprunt biblique de 257. 140 Chanson inconnue. 141 LV : lassama bethany (« Eloï, Eloï, lama sabactani ? » Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?) Rabelais fit de ce psaume 22 un usage beaucoup plus galant : une Parisienne, outrée que Pantagruel l’ait quittée sans lui dire adieu, lui envoie un anneau d’or. « Lors, le regardant, trouvèrent escript par-dedans, en hébrieu : LAMAH HAZABTHANI…. C’estoyent motz hébraïcques signifians : Pourquoy me as-tu laissé ? » Pantagruel, 24. 142 LV : grand (Thésor = trésor.) 143 Ce cliché traîne dans plusieurs chansons : « Plus chauld que feu ne que métal en fonte/ Est mon las cueur qu’Amours contrainct et dompte. » Plus chauld que feu. 144 Aujourd’hui. 145 Le Sot des Cris de Paris, refusant de se marier, objecte le même proverbe (vers 404-5). 146 On ne viendrait à bout de rien. Mais « faire » = faire l’amour, comme au vers 417. 147 C’est une mignardise, un jouet. 148 De travers. 149 L’inconstante. 150 Ce que je veux vous dire. 151 Pourquoi avez-vous prononcé les vœux lors de la cérémonie du mariage ? Voir les vers 297 et 300. 152 Vers manquant. Dans sa fuite, Absalon accrocha malencontreusement sa longue chevelure à un arbre et fut tué. « Absalon se pendit par les cheveux. » Gargantua, 42. 153 LV : saucun y 154 LV : esse (Heureux.) Se douloir = souffrir. 155 LV : grisson (Grison est le nom habituel des chevaux gris : cf. le Badin qui se loue, vers 73 et note.) Moreau est le nom des chevaux noirs : cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 515. 156 S’agit-il d’un proverbe parisien ? 157 Laissons-le (pronom normand). 158 LV : la jeune p 159 LV : coures ny 160 C’est le « cri » des laitières ambulantes. Mais le pot au lait désigne les testicules : « Saulve, Tévot, le pot au laict (ce sont les couilles) ! » Tiers Livre, 8. 161 Billet doux. « De ce mesme papier où il vient d’escrire l’arrest de condemnation contre un adultère, le juge en desrobe un lopin pour en faire un poulet à la femme de son compaignon. » Montaigne, III, 9. 162 Vous ferez sagement. Cf. le Savetier Audin, vers 186. 163 À la manière. 164 Les gluaux sont des branchettes qu’on enduit de glu pour capturer les passereaux. Voir la Pippée. 165 LV : bestes (De pauvres imbéciles.) Les diots sont des étourneaux et des idiots : cf. l’Arbalestre, vers 67. Les cocus sont des coucous et des maris trompés : v. la note 38 des Mal contentes. 166 LV : escorse (Une torsion, une entorse. « Solérius a donné une estorse au texte de Dioscoride. » Godefroy.) 167 Ni prudence. « Sans tenir règle ny compas. » Folconduit. 168 Chasser. 169 LV : de la (N’aie pas l’audace. « Ne soyez/ Si hardy de le vouloir faire. » Les Femmes qui se font passer maistresses.) 170 « Je permétroys changer les femmes/ Comme les chevaulx et les mules. » Troys Galans et un Badin. 171 De certificats. 172 Ils vendraient beaucoup de vin pour ces nouvelles noces. 173 LV : tire (Voir le v. 175.) « Paix ! C’est trop babillé. » L’Homme à mes pois. 174 Ce personnage très négatif prélude toujours à l’énumération de tout ce que le pauvre fiancé va devoir acheter, partant du principe qu’il ne possédait jusque-là ni meubles, ni vaisselle, ni linge, et qu’il ne mangeait jamais. La liste que déroulent les Ténèbres de Mariage <Montaiglon, I, pp. 20-21> est très proche de la nôtre : « Mesnage nous vient assaillir…./ Il faut robbes et chapperons. » 175 LV : hault 176 LV : gorgeretes (Fichus dont les femmes couvrent leur poitrine, non pas pour la dissimuler mais pour la mettre en valeur. « Gorgières de Behaigne pour l’atour de la dite dame. » Godefroy.) 177 Bandeaux précieux, colliers. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 220. 178 LV : regna 179 Songer. 180 Viande, poisson, et charbon pour faire cuire tout cela. « Il faut du pain, du vin, des noix,/ Du lard, des fèbves et des poix,(…) / Des fagots, chandelles, du bois. » Ténèbres de Mariage. 181 Des tabourets, et des tréteaux pour soutenir les planches qui tiennent lieu de tables. 182 Le mariage est un vrai paradis. 183 Des poêles, des poêlons, des jattes, des chaudrons. 184 Crémaillères, et grands chandeliers. 185 Des tranchoirs [planches à couper la viande ou le pain], des dessous-de-plat. 186 Autant de peines. 187 Le mariage ne saurait me lasser. 188 LV note au-dessus : * tous ensemble * (Les signes qui bordent cette mention indiquent qu’elle doit être supprimée : elle concerne le vers 355.) 189 L’affaire est conclue. Cf. la Folie des Gorriers, vers 551. 190 Par médisance. 191 Aux ententes, aux accords financiers entre les deux familles. 192 Avant. Idem vers 127. 193 Pour prendre possession de sa femme, il faut. 194 LV : unne 195 Contrairement aux cloches, les sonnettes sont les attributs des fous : « Attache-moy une sonnette/ Sur le front d’un moyne crotté (…) :/ Voylà un Sot de la Bazoche. » (Marot.) Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 186 et note. 196 Celui qui l’a adopté. 197 Les 5 comédiens parodient une procession en défilant tout autour de la salle. La troupe du Pardonneur jouait « en la salle et maison où pend pour enseigne le Port de Salut » : il s’agit d’un cabaret, au nom prédestiné puisque l’auteur d’un discours à la gloire des tavernes de Rouen <Montaiglon, XI, 78>, exactement contemporain de la pièce, nous livre cette contrepèterie : « Changer fault le Port de Salut / Et le nommer Sort de Pallut. » Sortir du palud = sortir de l’enfer. 198 Nous irons joyeusement au pays de Mariage. Puis nous nous en lasserons. Puis nous le maudirons. Puis nous nous repentirons d’y être allés. Toute une vie conjugale est résumée en 4 vers ! 199 Sainte Buffette, éloignez-vous de nous ! Buffeter = harceler. La formule officielle des Litanies est : « Ora pro nobis » [prie pour nous] ! 200 Sadinette = gracieuse. Dans le Dorellot, c’est le nom d’une prostituée. 201 Patronne des femmes bavardes. Cf. le Pèlerinage de Saincte-Caquette. 202 Fâcheuse. 203 Grondeuse. 204 LV : mesprisses de (Se fumer = se mettre en colère.) 205 Glorieuse, orgueilleuse. 206 Qui mignarde devant les hommes. 207 La bouffette est un nœud de soie que les élégantes font bouffer dans leur coiffure. 208 Faiseuse d’embarras. Voir la note 42. 209 Mélancolie. 210 LV : frenastises (Tous ensemble, saisis d’une sainte frénésie, comme les sibylles qui prophétisent. On comprend qu’un tel délire orgiaque ait pu indisposer la censure.) Mes prédécesseurs font de cette didascalie un vers à part entière. 211 Libère-nous, Seigneur ! Les vers 112-119 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en quatrains aabB, et le même refrain. On détournait facilement ces Litanies ; voir par exemple la Letania minor de Jehan Molinet, ou la Létanie des bons compaignons <Montaiglon, VII, 66-69>. 212 LV : contamine (Enveloppé dans un béguin, i.e. un bonnet d’enfant, ou de Badin de farce : « Habillé en Badin (…) et enbéguyné d’ung béguin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) « De femme pleine de tempeste,/ Qui a une mauvaise teste/ Et le cerveau embéguiné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 213 LV : sa la et 214 Abruti par des flatteries. « De femme qui, par sotte guise,/ Veut faire chauffer sa chemise/ Par son sot enjobelliné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 215 LV : jeutz (Par la faute des jeux de cartes ou de dés.) 216 « Femme qui a les doigts menuz,/ Courtes mammelles, nez camus,/ Basse motte, petites mains,/ Joue volontiers du bas des reins. » Ms. fr. 22565. 217 Qui fait l’amour sans avoir besoin d’un lit : qui consomme dehors. 218 Faisant les importantes. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 247. « De femme tranchant du grobis,/ Qui dépend tant en ses habits/ Que son mary est mal disné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 219 LV : tout (Qui dépensent tant d’argent en habits.) 220 N’a rien à manger. 221 Aux toilettes. Cf. le Retraict. La farce de Guilliod est moins scatologique : « D’aller de nuict sans lanterne/ Et sans argent à la taverne,/ Et d’estre trop tost marié,/ Libera nos, Domine ! » 222 Prions ! L’orémus est la conclusion des Litanies ; cf. la Létanie des bons compaignons, p. 69. 223 [Seigneur,] nous t’implorons, écoute-nous ! Les quatrains 100-111 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en aabB et le même refrain. 224 Et un peu. 225 LV : ses braqueurs (« Bragueur : as bragard. » Cotgrave.) Ces frimeurs emperruqués. 226 Ces élégants, ces porteurs de perruque. Esperlucat est ici un substantif : cf. la Veuve, vers 95. C’est un adjectif au vers précédent : cf. le Trocheur de maris, vers 133. 227 Des nôtres. « Qu’elle soit des noz. » (Digeste Vieille.) Qu’ils puissent être cocus comme nous. 228 LV : tant aux (Ce couplet fait double emploi avec celui de 439-441. Dans ce genre d’accumulations, les ajouts d’acteurs sont fréquents.) 229 Ce sont les vers 110-111 de Te rogamus audi nos. Voir aussi la Létanie des bons compaignons : « Donnes-nous bon pain, bonne chair,/ Et la belle fille au coucher/ Pour faire la beste à deux doz !/ Te rogamus, audi nos ! » 230 Quand nous aurons participé à une affaire douteuse. 231 Mauvaise. Idem vers 70 et 318. 232 Bouderie faite par une tête de mule ; c’est un mot normand. Tançon = querelle ; voir le v. 449. 233 Forme normande de griffes. Cf. la Veuve, vers 6. 234 LV : est 235 Au paradis. 236 Fin de la pièce. Mais le scribe note ici : L’oraison de ceste farce est au costé de ce feuillet premyer qu’i fault tourner, et aussy y est le nombre des lignes qui sont en ladite farce. Or, le recto du folio 95 est entièrement blanc, et son verso comporte un poème sans titre de 24 vers à la gloire du fil à coudre. Ce poème non dramatique se clôt pourtant sur le nombre de lignes — et non de vers — que comporte la pièce (573, un chiffre qui ne tient pas compte du poème), et sur le congé personnel du copiste : En prenant congé de ce lieu, / Unne chanson pour dire adieu ! / FINIS
LE GALLANT QUY A FAICT LE COUP
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LE GALLANT QUY
A FAICT LE COUP
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Pour une fois, le dindon de la Farce est une dinde : c’est l’épouse qui se fait rouler par son mari infidèle, et non le contraire. Cette farce rouennaise naquit avant 1536. Le titre qu’on lui assigne est une expression proverbiale1 sans rapport avec la pièce ; il fut ajouté en marge de la table des matières par une main plus récente que celle du copiste.
Nous avons là l’histoire d’un homme qui, avec la complicité d’un médecin, prétend être « enceint » par la faute de sa femme. Boccace2, lui, avait ridiculisé un homme à qui l’on faisait croire qu’il était enceint : « Tu n’as autre maladie sinon que tu es enceint et engroissié d’enfant vif. » Calandrin, oyant ceste parole, commença doulentement crier, et dire : « Las moy ! Tisse, ma femme, tu m’as fait ceste groissesse car tu veulz tousjours estre au-dessus de nos besongnes et, afin que tu voyes plus loing, tu montes sur moy. Et ! je te disoie bien que cecy en advendroit. » Tisse, doncques, femme de Calandrin, qui honneste estoit, fut moult honteuse.
Heureusement pour Calandrin, son médecin, comme celui de la farce, accomplit des miracles : En trois jours, il l’avoit délivré de grossesse d’enfant.
Nicolas de Troyes semble avoir combiné la nouvelle de Boccace (dont il a d’ailleurs copié la traduction dans son propre recueil3) avec notre Gallant quy a faict le coup. Je ne peux que reprendre ici le commentaire rédigé pour les Trois amoureux de la croix, où se pose un problème similaire : Nicolas de Troyes vit-il une représentation de notre farce ? En lut-il une des copies qui circulaient ? Connut-il une autre source de la même histoire ? Toujours est-il qu’en 1536, le sellier champenois traita le même sujet dans son Grant parangon des nouvelles nouvelles, resté inédit jusqu’au XIXe siècle. Je publie sous la pièce la nouvelle concernée.
Sources : Manuscrit La Vallière, nº 39. — L’édition parisienne de 1610 <Bibliothèque nationale de France, Yf. 1701>, établie d’après ce manuscrit, n’apporte rien. Voir ce qu’en dit André Tissier : Recueil de farces, t. VI, 1990, pp. 312-313.
Structure : Rimes plates, avec 6 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
Farce joyeuse
À quatre personnages, c’est à sçavoir :
LE MÉDECIN
LE BADIN [Oudin]
CRESPINÈTE 4
LA CHAMBÈRIÈRE [Mal-aperte]
*
[LA CHAMBÈRIÈRE] commence en chantant.5
Il estoyt unne fillète SCÈNE I
Coincte et joliète
Qui vouloyt sçavoir le jeu d’amours.
Un jour qu’el estoyt seullète,
5 De Vénus en sa chambrète
Je luy en aprins deulx ou troys tours6.
Après avoir sentu [le goust] 7,
Elle m’a dict en se riant :
« Les premiers coups m’y sembloyent lours,
10 Mais la fin m’y sembloyt friant. »
Il m’enpongne, il m’enbrasse, il me baise8 fort.
LE BADIN
Me donras-tu poinct réconfort
De ce que j’ey nécessité ?
LA CHAMBÈRIÈRE
De quoy, mon maistre ?
LE BADIN
En la cisté
15 De Rouen ne de Houpeville9,
Il n’y a fille aussy habille10
Pour servir un maistre que toy.
Et sy, je te promais ma foy :
Quant je contemple ta personne,
20 Je n’ay membre qui ne frissonne.
Ton cœur vient le mien inspirer.
LA CHAMBÈRIÈRE chante 11
Franc cœur, qu’as-tu à soupirer ?
Es-tu poinct bien en ta plaisance ?
Prens en moy ton esjouyssance
25 [Comme un] 12 amoureulx doibt avoir.
LE BADIN
Tu me faictz le sang esmouvoir,
Foy que je doy à Nostre Dame !
Vien çà ! Preste-moy une drame13
De ton « service14 » corporel !
LA CHAMBÈRIÈRE
30 Ce n’est pas le droict naturel
À fille de s’abandonner.
LE BADIN
Il te fauldra bien gouverner :
De [ce, auras]15 nécessité.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Et, voy(e)re. Mais sy récité
35 Estoyt16, mon maistre, à ma mêtresse,
Vous congnoyssez17 qu’en ma viellesse
À jamais seroys diffamée.
LE BADIN
Tes-toy, tes-toy ! Ta renommée
Te sera gardée, par ma foy !
40 Touche là18 ! Je te faictz octroy19
De te donner ung chaperon.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Vous estes un bon aulteron20
Voy(e)re. Mais sy vostre « esperon »
Faisoyt tant que la pance dresse21,
45 Je veulx que me faciez promesse
Que me garderez mon honneur.
LE BADIN
Ne doubtes pas22 le déshonneur :
S’il advient que rien23 on congnoisse
Par subtilité ou finesse,
50 Ton honneur te sera gardé.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Or bien, donc ! Qu’i soyt regardé,
De moy, à vostre voulloir faire24.
Qu’on face tout ce qu’on doibt fère,
Et qu’i n’en soyt plus [de parole]25.
LE BADIN
55 Or me baise, et que je t’acolle.
Et puys tout sera acomply.
.
CRESPINÈTE entre 26, fem[m]e du Badin.
Mectre je ne puys en ombly27 SCÈNE II
Les bonnes gens de ma maison.
Il y a jà longue saison28
60 Que j’en partys, grâces à Dieu.
Mais je seray tantost au lieu.
S’y veoyt mon aparission29
(Vélà30 où j’ey aff[e]ction),
Chascun d’eulx se resjouira ;
65 Oudin en fera mention
En toute place où il yra.
Vraiment31 Mal-aperte rira,
S(e) une foys arrivée je suys :
Certainnement el le dira
70 À grans et petis, d’huys en huys.
G’iray jusques-là, sy je puys ;
Dieu m’y veuile conduyre à joye !
.
LA CHAMB[ÈRIÈRE] SCÈNE III
[Man]enda32 ! Bien folle j’estoye
De fère le33 vostre conseil ;
75 Vous estes homme nompareil,
On ne s’en pouroyt escombastre34.
LE BADIN
C’est une joye que de bastre
Les fessotes35 de ces fillètes,
Qui sont joinctes comme poullètes36
80 Qui n’urent jamais de poucins.
[Ces femmes qui ont si grans seins,]37
On ne peult dormir, auprès d’eulx38.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Et sy, par voz faictz vertueulx,
M’aviez faict un enfant au ventre ?
85 J’aroyes des couroulx plus de trente
Que ma maistresse sceust le faict.
*
LE BADIN 39
Par ma foy, ma mye, il est faict ;
N’en [ayez deuil, à l’advenir]40.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
O ! malureuse, qu’ai-ge faict ?
LE BADIN
90 Par ma foy, ma mye, il est faict.
LA CHAMBÈRIÈRE
Par vous j’ey commys le forfaict.
Las ! que puissai-ge devenir ?
LE BADIN
Par ma foy, ma mye, il est faict ;
N’en [ayez deuil, à l’]advenir.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
95 Mon Dieu, je puys bien soustenir
Que fille suys déshonorée.
Aler m’en fault sans revenir
Puysque, pour lors, suys defflorée.
[Fille je suys déshonorée.]
100 Vierge sur toutes descorée,
Veuile-toy de moy souvenir !
Fille je suys déshonorée.
Aler m’en fault sans revenir.
*
LE BADIN 41
Foy de mon corps ! voécy venir
105 Nostre sage et notable femme.
A ! la voécy, par Nostre Dame !
Le deable l’a bien ramenée !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant42 ma renommée !
Mon maistre, loin43 m’en fault aler.
LE BADIN
110 Tu n’es pas encor diffamée.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant ma renommée !
LE BADIN
Tu n’en seras que myeulx aymée.
Laisse-moy aler et parler.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
À Dieu commant ma renommée !
115 Mon maistre, [loin] m’en fault aler.
LE BADIN
Tout beau m’envoys, sans bavoler44,
Cheulx mon compère le surgien45,
Qui en sçavoir est diligent.
Et quant auprès de luy seray,
120 Veu le cas que luy conteray,
Nuly46 n’en sera abusé.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Tant vous estes fin et rusé !
Se n’eussiez poinct tant aiguisé47
Vostre ventre contre le myen,
125 Je pence qu’i n’y eust eu rien.
Et maintenant, je suys destruicte.
LE BADIN
Je m’y en voys [tout à la suycte]48.
Je te suply, ne pleure plus.
.
Voélà mon compère à son hus49. SCÈNE IV
130 Compter je luy voy50 mon affaire.
.
Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
Dictes, comme vous portez-vous ?
LE MÉDECIN entre
Il m’est bien, grâce(s) à Dieu le Père.
LE BADIN
Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
LE MÉDECIN
135 Entre51, pour lors, en ce repère.
Qui te meust de venir cheulx nous52 ?
LE BADIN
Honneur ! Dieu vous gard, mon compère !
Dictes, comme vous portez-vous ?
Sy secouru ne suys de vous,
140 Diffamé suys à tout jamais.
LE MÉDECIN
Dy-moy les causes.
LE BADIN
Voi(e)re, mais
Y fault tenir cela secret.
LE MÉDECIN
Ton héritage, par décret
Est-il passé53 ?
LE BADIN
Nénin, nennin.
LE MÉDECIN
145 As-tu sur le corps du venin
Qui cause à ton cœur douléance54 ?
LE BADIN
Non, non, [c’est bien aultre]55 alégeance
Que je [cherche à]56 avoir de toy.
LE MÉDECIN
Et qu’esse ? Subit dy-le-moy.
150 As-tu navré aucun57 à mort ?
LE BADIN
Par la mère Dieu de Monfort58 !
Je te diray la vérité :
Un jour fut que je fus tenté,
Sans viser à gaigne ne perte59.
155 Lors, je vins trouver Mal-aperte,
La chambèrière de ma femme.
En me jouant60, par Nostre Dame,
Je luy ay forgé un enfant.
LE MÉDECIN
Il est forgé ?
LE BADIN
Mon amy, il est tout grand :
160 Elle est panchue61 comme une vache.
Sy de par toy je n’ay relâche62,
Tous mes plaisirs sont desconfis.
LE MÉDECIN
Quel jour fusse que tu luy fis ?
Dis-lay63, que j’en soys plus asseur.
LE BADIN
165 Ce jour, j’estoys tout en sueur ;
Il estoyt dimenche, ou lundy64.
LE MÉDECIN
Un homme me semble estourdy,
D’aler briser son mariage.
LE BADIN
Ma femme est65 en pèlerinage :
170 Plus je n’en pouvoys66 endurer.
LE MÉDECIN
Cela est à considérer.
LE BADIN
Secourez-moy, de vostre grâce !
LE MÉDECIN
Mais67 qu’el reviengne, et qu’el t’embrasse
Ainsy comme une pèlerine,
175 Incontinent, la pouéterine
Tu criras68, et aussy le ventre,
Faignant qu’e[n] ton cœur douleur69 entre,
En te chaboulant70 comme un veau.
Lors, te fera faire ton eau71,
180 Qu’el m’aportera. Et, sans fable,
Je me monstreray tant fiable72
Que tu feras ce que vouldras.
LE BADIN
Nous buron73 gros comme le bras,
S(e) une foys j’en suys délivré.
LE MÉDECIN
185 Va-t’en, et ne soys par yvré74 :
Aultrement, seroys misérable.
LE BADIN
Je criray comme le [grand] deable.
Compère, adieu jusqu(es) au revoir !
.
CRESPINÈTE 75 SCÈNE V
Dieu mercy, tantost pouray veoir
190 Mon bon mari et ma méquine76.
Dieu veuille sçavoir quel cuisine
Il ont faict, à la bien-venue.
.
LA CHAMB[ÈRIÈRE] 77 SCÈNE VI
Hélas ! je suys fille perdue,
Mon maistre : voécy ma maistresse.
195 Diffamée suys sus ma viellesse.
Au monde, il n’y a mon pareil78.
LE BADIN
Je luy brasse un bel apareil79.
Tais-toy, ne pleure jamais jour80,
Car tu vouéras le plus fin tour
200 Jouer c’onques jamais vist femme.
.
CRESPINÈTE SCÈNE VII
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
Dieu vous envoye jouée et soulas81 !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
C’est ma mêtresse, par mon âme !
CRESPINÈTE
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
LE BADIN
205 Estes-vous arivée, ma femme ?
Vostre corps est-il poinct bien las ?
CRESPINÈTE
Dieu soyt céans, et Nostre Dame !
Dieu vous envoye jouée et soulas !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ma mêtresse, siéchez-vous82 bas,
210 Que vostre corps [soyt reposé]83.
CRESPINÈTE
Et vous, estes-vous disposé
De sancté, puys ma départye84 ?
LE BADIN
Et ! ma très loyalle partye85,
Bien soyez venue en ce lieu !
215 Or çà ! monstrez-moy, de par Dieu,
Que c’est que m’avez aporté86.
CRESPINÈTE
Je n’ay à vous rien transporté87.
Vo(e)ylà pour vous.
LE BADIN 88
Quoy ! des ymages ?
(Et ! que voécy de beaulx bagages !)
220 Et ! acolez-moy fermement !…
Mère de Dieu89 du firmament !!
[CRESPINÈTE]
Qu’esse-là qui vous vient de prendre ?
LA CHAMBÈRIÈRE
C’est la Mort qui le vient surprendre.
Souldain que [l’]on ayt du vinaigre90 !
CRESPINÈTE
225 Que ce couroult me sera aigre !
Mon amy, estes-vous passé91 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
C’est faict, voye-le là92 trespassé.
Il est aussy royde c’un ais93.
CRESPINÈTE
Hélas ! mon seigneur sainct Servais
230 Luy renvoye sa parole brefve94 !
LE BADIN
Ma dame saincte Genneviefve,
Sainct Blaise, sainct Roq, sainct Hubert,
Sainct Michel et sainct Testevert95
Me veuile ayder en ce passage !
CRESPINÈTE 96
235 Mon amy, vous n’estes pas sage :
Pensez que Dieu vous a formé
Et de son sang bien reformé,
Et faict en sa propre semblance97.
LE BADIN
Et ! vertu de moy ! Dieu ! la panche98 !
240 Et ! le ventre ! Dieu99, que ferai-ge ?
Ma femme et ma mye, mourai-ge
En ce lieu sans estre gary100 ?
CRESPINÈTE
Le cœur de moy est sy mary
Que je ne say que je doy fère.
245 Mal-esperte101, faictes-luy faire
[De] son eau dedens ceste fiolle ;
Et ainsy c’un oyseau qui volle102,
G’iray sçavoir qu’on103 me dira.
À ce poinct, on remédira
250 À ceste douleur sy expresse.
LE BADIN
Et ! que je seuffre de détresse !
Le ventre ! La panche ! Les rains !
Je cry mercy à mes parains,
[Et] à mon père, et à ma mère !
LA CHAMBÈ[RIÈRE]
255 Courage, courage ! Encor vous fault-il faire
Eau pour porter au médecin104.
CRESPINÈTE
Hélas ! quel merveilleux brassin105
Nuict et jour106 le pauvre homme endure !
LE BADIN
Pour Dieu ! portez, à l’adventure,
260 [De107] mon urine à mon compère ;
Dictes-luy que plus je n’espoyre
Que la mort, du Dieu de nature108.
CRESPINÈTE
O ! mon Seigneur : ta109 créasture,
Plus [je] ne la vouéray vivante.
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LE BADIN 110 SCÈNE VIII
265 Est-el partye ?
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ouy.
LE BADIN
A, je m’en vante
Qu’e[ncor] nous rirons plusieurs foys.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Vous estes des rusés le choys111,
Tant en finesse qu’en malice.
LE BADIN
Taisez-vous, taisez, vielle lisse112 !
270 De bref entendrez ma sentence113.
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CRESPINÈTE 114 SCÈNE IX
Compère, le Dieu [de] clémence
Vous veuile garder de fortune115 !
J’ey une douleur importune116
Qui me tourmente en mon esprit.
LE MÉDECIN
275 Je vous donray en bref escrit
Récépissé117, laissez-moy fayre.
Bail[l]ez-moy vostre eau118.
CRESPINÈTE
A, mon compère,
C’est l’eau d’Oudin, mon bon espoulx.
An ! Jésus, Jésus !
LE MÉDECIN
Taisez-vous :
280 Ce jour, le mectray hors de peine.
Par la benoiste Madaleine !
Ma commère, voécy grand chose.
CRESPINÈTE
Vray Dieu ! et qu’esse ?
LE MÉDECIN
Dire ne l’ose.
CRESPINÈTE
Et ! mon amy, dictes-le-moy.
LE MÉDECIN
285 Ma commère, par le vray Roy119,
Puysqu’il fault que je le vous dye,
Cestuy qui porte maladye
Est enchainct120 d’un enfant tout vif.
CRESPINÈTE
Nostre Dame !
LE MÉDECIN
Par le Dieu vif121 !
290 La chose est toute véritable.
CRESPINÈTE
Et ! non est. [C’est l’œuvre]122 du deable !
Qui luy a faict ?123
LE MÉDECIN
Voy(e)là bien dict. Ç’avez-vous124 faict :
Car quant vous fustes arivée
295 Du voyage où estiez alée,
Vous l’acolîtes125 ;
Et, à l’heure, le resjouîtes
Sy très avant
Qu’alors procéda un enfant.
CRESPINÈTE
300 Vray Dieu ! j’ey tort.
Et ! Nostre Dame de Monfort,
Sainct Cervais, pardonnez-le-moy !
LE MÉDECIN
Pacience ! Je vous diray
Comment vostre honneur garderez.
CRESPINÈTE
305 Hélas, comment ?
LE MÉDECIN
Vous luy direz
Qu’i tienne fasson et manière
Qu’i couche aveq la chambèrière126
De vostre hostel, s’il est possible.
CRESPINÈTE
Hélas, el n’en vouldra rien faire.
310 L’eng[r]oisse127 luy sera pas[s]ible128.
LE MÉDECIN
Promectez-luy tout le possible
Afin qu’elle se laisse faire.
CRESPINÈTE
À Dieu, compère !
LE MÉDECIN
Adieu, commère ! À Dieu, ma mye !
.
LE BADIN 129 SCÈNE X
315 Et ! le ventre, Vierge Marie !
Que feray-ge, doulx Jésuschrist ?
Je ne croys poinct que l’Enthéchrist
Ne soyt130 dens mon ventre bendé.
CRESPINÈTE
Ne vous est-il poinct amendé131 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
320 Il luy empire tous les jours.
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CRESPINÈTE 132 SCÈNE XI
Qu’en secret je parles à vous.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Ouy dea, de133 bon cœur, ma mêtresse.
CRESPINÈTE
Entens134 à moy : de135 ma richesse
Et des biens que Dieu m’a donnés,
325 À toy seront habandonnés
Se tu me veulx faire un service.
LA CHAMBÈRIÈRE
Il n’est plaisir que ne vous fisse,
Ma chère dame, par ma foy.
CRESPINÈTE
Que ton maistre couche avec toy
330 Deulx ou troys heures seulement.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Certes, de cela nulement !
Jamais je ne seroys d’acord !
CRESPINÈTE
Vrayment, je te faictz cest acord
Que sy tu me faictz ce service,
335 Ne doubte pas que tu périsse
En ton vivant136, je t’en asseure.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Comment ! Je feroys une injure
Entièrement à mes amys137.
CRESPINÈTE
Tu os138 ce que je t’ay promys.
340 Pren du bien à mon advys,
[Prens, présent]139, le bien qui te vient !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Mère de Jésus ! S’y convient140,
Ma mêtresse, que je soys grosse,
Au moins, vous en érez l’endosse141.
CRESPINÈTE
345 L’endosse ? A ! n’en faictz [nulle] doubte142.
S’il est humain qui te déboute,
Croy143 qu’on luy fera sembler bon.
Alon par acord veoir le bon
Oudinet144 et le secourir.
.
350 Et puys, vous lérez-vous145 mourir ? SCÈNE XII
Comment se porte le courage146 ?
LE BADIN
Je ne croy poinct que je n’arage147.
J’ey le ventre au deable148 fouré.
CRESPINÈTE
Vostre compère a labouré149
355 À ceste urine qu’aviez faicte.
LE BADIN
Av’ous150 faict lire la recepte ?
Qu’esse qu’il a naré dedens ?
CRESPINÈTE
Y vous fauldra coucher adens151
Dessus le ventre à Mal-aperte.
360 Aussy, la pouvre fille honneste
Aura, s’il luy plaist, pacience.
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Hélas ! fault-il que je commence
À faire ce qu’onques ne fis ?
LE BADIN
Ne doulte pas que tes profys
365 Ne te valent un gros argent.
CRESPINÈTE
De vous coucher soyez diligent.
Je m’en voys prier Dieu pour vous.
LE BADIN
Adieu, ma mye152 !
LA CHAMBÈRIÈRE
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
Ouy : le troysiesme n’y vault rien153.
LE BADIN
370 Ma mye, quant reviendrez-vous ?
Adieu, ma [mye] !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
Gardez le segret entre vous.
Fille, je vous feray du bien.
LE BADIN
À Dieu, ma [mye] !
LA CHAMB[ÈRIÈRE]
Nous lérez-vous ?
CRESPINÈTE
375 Ouy : le troisième n’y vault rien154.
.
LE BADIN SCÈNE XIII
Pour conclusion, je soutien
Qu’i n’est finesse qu’on ne face,
Mais qu’on ayt gracieulx155 maintien
Sans muer couleur en la face156.
380 Je suplys Jésus, de sa grâce,
Que nous décepvons l’Anemy157
Qui est sy remply de falace158.
.
Que nul ne pregne en luy ennuy159 !
En prenant congé de ce lieu,
385 Une chanson pour dire adieu ! 160
.
FINIS
*
.
D’UNE JEUNE FEMME À QUI ON FIT ENTENDANT QU’ELLE AVOIT ENGROISSÉ SON MARY, ET COMMENT IL REMIST SON ENGROISSURE À SA CHAMBERIÈRE, LAQUELLE IL ENGROISSA PAR LE CONSENTEMENT DE SA FEMME.161
.
Vous devez sçavoir que une foys advint, à Troys-en-Champaine162, que il y avoit ung honneste marchant, jeune, gallant et bien délibéré, lequel se maria à l’ayde de ses parens avec une trèsbelle jeune fille et honneste, et qui avoit bien de quoy ; et se entre-aymoient merveilleusement.
Or est-il ainsi que il[z] avoient une belle jeune fille de chambèrière qui les servoit. Advint ung jour que ledit marchant se jou[o]yt163 avec sa chanbèrière, et tant la persuada et prescha sy bien, que il coucha avec elle. Et par tant de foys y alla, que ung jour, ladicte chambèrière luy dist que elle estoit grosse, dont ledit jeune gallant fut bien estonné et marry.
Et ung jour entre les autres, alla veoir ung sien cousin germain, lequel estoit médecin. Et quant ledit médecin vit qu’i faisoit si mauvaise chère164, luy demanda qu’il165 avoit. Si luy respondit qu’il estoit merveilleusement marry. « –Et ! qu’i a-il (dist le médecin) ? –Aa ! mon cousin (dist le marchant), je suis plus marry que je fus jamais en ma vie, car je me suis joué avec ma chambèrière tellement que je l’ay engroissée. Et si ma femme s’en aperçoit aulcunement, jamais je n’aré bien ne joye avec elle ; car son père et sa mère m’en voudront mal, veu et regardé qu’elle m’ayme tant. –O ! cousin et amy (dist le médecin). Et ! n’y a-il autre chose ? Or ne vous souciez : vrayement, nous mettrons bien remède à tout cela. –Hélas ! mon cousin et amy (dist le marchant), je m’en recommende à vostre bonne grâce. Et que je paye tout cela qu’i vous plaira. –Or sçavez-vous (dist le médecin) qu’il y a ? Il n’est point question de payement. Mais j’ay advisé une grande abilité166 que vous ferez, moyennant que me voulez croire. Il fault que vous en retornez en vostre maison, et que faciez le malade ; et ne plaingniez riens167 que les rains et le ventre. Et me envoyez vostre orine168 par vostre femme. Et puis du demorant169 me lessez faire. Et je croy que tout se portera bien, Dieu aydant. » Alors print congé le marchant de luy, et s’en vint en sa maison sans faire semblant de rien.
Va commencer à faire le malade, et sa pouvre femme le réconfortoit bien doulcement, qui n’y pensoit en nul mal. Et luy disoit : « –Hélas, mon doulx amy ! Et que avez-vous ? Et qu’est-ce qui vous fait mal ? –A ! m’amye (dit-il), je pence que je suis mort, car j’ay une si grande douleur au ventre et aux rains que il m’est advis que les chiens me le[s] mangeussent. » Et la pauvre jeune femme luy dist : « –Mon amy, il fault que vous faciez de vostre eau, et je la porteré au médecin. –Aa ! m’amye (dit le jeune homme), il n’en est jà mestier170. » Si fit-elle tant, que il fit de son eaue ; et puis la porta tout en plorant à son cousin le médecin.
Puis, quant il la vit ainsi plorant, luy demanda incontinent qu’elle171 avoit. « –A ! mon cousin (dit-elle), je pence que vostre cousin, mon mary, se meu[r]t. –Jésus (dit le médecin) ! Et comment ? Il n’y a pas long temps que je l’ay veu. » Lors, elle ploroit si trèsfort qu’elle ne povoit ung seul mot dire, mais luy monstra son eau. Alors le médecin la va regarder ; et quant il [l’]eut bien visitée, il va dire : « –À qui c’onques soit ceste eau, il a une grande douleur de ventre et de rains. –Hélas (dit la jeune femme), mon amy, samon172 ; car il ne plaint que cela. –Comment (dit le médecin) ! Ceste eaue que vous m’avez cy aportée est d’une femme qui est ensaincte d’enfent. –A ! mon cousin (dit-elle), je vous prometz que c’est de mon mary, car j’en suis bien asseurée et luy ay veu faire. –Comment ! Est-il vray (dit le médecin) ? Le savez-vous bien, et en estes-vous bien asseure173 ? –Ouy (dit-elle), certainement. –Or, m’amye, sçavez-vous qu’il y a ? Vostre mary est gros d’enfent. –Comment (dit-elle) ! Est-il bien possible ? –Ouy (dit le médecin). –Or me dicte : mais comme est-il possible que cela se soit fait ? –Venez çà174, m’amye (dit le médecin). Aulcunefoys, quant il vous a fait cela, et que vous deulx jouant ensemble, ne montistes-vous jamais sur luy ? Ne mentez point, si vous voulez qu’i soyt guéry. –A ! mon cousin, je vous diré la vérité : je vous promez que il ne m’avint jamais qu’une fois. –A ! par ma foy (dit le médecin), c’est assez, je n’en demande plus. Il est gros d’enfent, sans point de faulte. » Et la pouvre jeune femme fut bien désolée, et luy demanda s’il y avoit point de remède. « –Ouy bien (dist le médecin). Mais sçavez-vous qu’il fauldroit faire ? Il fault que vous trouvez façon et manière de parler à quelque jeune fille pucelle, et que vostre mary couchast avec elle175 une nuyt ou deulx. Et la semence qu’il a en son corps, il la remettroit dedens le corps de la jeune fille ; car la semence que luy avez baillée, qui est sortie de vostre corps, n’est pas encore à convalessance de vertu176, car l’enfent qu’i doit procréer n’a point encore de vie. Et s’il habitoit177 une jeune fille, il luy remettroit tout dedens son corps ; et par ainsi, voillà qui le sauveroit. –A ! (ce dist la jeune femme), mon cousin, mon amy, je vous remercye. Nous viendrons bien à bout de cela, Dieu aydant. Car j’ay une jeune fille de chambèrière cheulx nous, et croy, moy, que elle est pucelle. Je luy bailleray plustost dix escus pour la contenter, et qu’elle couche avec mon mary affin qu’i soit guéry. –A ! par ma foy (dist le médecin), voillà qui viendroit bien à point. Et aussi, que le monde n’en fust point abreuvé178, il vaudroit mieulx que cela se fist cheux vous. À tout le moins, personne n’en sçara jà rien ; car si on le sçavoit, on diroit : “A ! voillà la femme qui a engroissé son mary pour avoir monté dessus.” Cela seroit villain. » Et ainsi fut l’apointement fait. Or, ce dist la jeune femme : « –Mon cousin, mon amy, je vous prie que le venez veoir pour le réconforter ung petit. –Ouy dea (dit le médecin), ma cousine : je m’en vois quant et vous179. »
Sy vindrent veoir le pouvre pacient, bien desconforté, Dieu le scet ! Sy luy compta le médecin, secrètement, comme il avoit exploité180 avec sa femme, et qu’il failloit qu’i couchast avec sa chambèrière, et que l’apointement estoit ainsi fait pour le guérir. Dont il fut bien joyeux. Et fit-on venir la chanbèrière pour luy refaire ung peu son lit, à laquelle le maistre compta tout l’affaire : comme sa maistresse devoit parler à elle de cela, et que elle fist ung peu de l’estrange du commencement181, mais qu’à la fin, elle se consentist. Le médecin, après la revisitacion faicte, print congé et s’en alla.
La dame apella sa chambèrière à part, et luy dist : « –Vien çà, Jehanne, ma mye ! Il fault que tu me face ung service182, et je t’en prie bien fort. –Ma dame (dit la fille), tout ce qu’il me sera possible de faire pour l’amour de vous, je le feré, mon honneur sauve183 et le vostre, car autrement ne le voudroye faire. » Sy dist la dame : « –Jehanne, m’amye, ne te soucie de rien. Je te veulx faire tout plain de service, plus la moytié184 que tu ne pence. Mais il n’y a remède185, et fault que tu couche une nuyt avec ton maistre186, pour quelque maladie secrète qu’il a. Et ne te soucie de rien : il ne te fera point de mal. –Comment (dit la fille), ma maistresse ? Et ! me voudriez-vous faire ce déshonneur ? Et ! sy ung autre le me conseilloit, vous m’en devriez destorner, à tout le moins si vous estiez femme de bien. A ! je vous prometz (dit-elle) que je aymeroys mieulx estre morte. Et ! si mon maistre me faisoit ung enfent, je seroye fille perdue à tout jamais. » Or, ce dist la maistresse : « Jehanne, m’amye, ne te soucye de rien. Je te bailleray dix beaux escus et une bonne robbe. Et si, te mariré, et que tu face cela. » Après plusieurs disputacions dictes et débattues entre elle[s] deulx, Jehanne se acorda à faire le vouloir de sa maistresse, avec la bonne dévocion qu’elle y avoit.
Sy s’en vint la dame parler à son mary, en la présence du médecin, lequel l’estoit revenu veoir pour sçavoir comme il luy estoit. Et elle luy va commencer à faire sa harengue : « –Or çà, mon amy (dit-elle), comment vous portez-vous ? –Semy dieulx187, m’amye (dit le pouvre mary), je croy que je me meurs. –A ! mon amy (dit-elle), ne dictes jamais cela, vous me rompez le cueur ! Mais on a avisé de vostre sancté, dont je loue Dieu et remercye. Voicy vostre cousin, qui dit que il fault que vous couchez une nuyt ou deulx avec nostre chambèrière. –Aa ! m’amye (dit le pouvre homme), jamais ne me parlez de cela ! Hélas, mon Dieu ! Et ! vous m’estes tant bonne et tant doulce. Et ! que je vous changeasse pour une autre ? J’aymeroye mieulx estre mort, ma doulce amye. » Et bref, à l’ouÿr parler, il estoit encore plus fort à ferrer que la chambèrière. Or, ce dist le médecin : « –Mon cousin, mon amy, il n’y a remède. Nostre Seigneur ne vous en sçara nul mal gré188, puisque c’est pour vostre sancté. –Hélas ! mon cousin (dit-il), cuidez-vous que je veuille rompre mon mariage ? Et ! j’ay une si bonne femme, et qui m’ayme tant, et me fait tant de service. Elle ne scet quel chère me faire, de l’amour qu’elle a en moy. Bref, j’ayme mieulx morir. –Or çà (dist le médecin) ! Si vous morez en cest estat, vous estes danpné189 à tous les diables : car vous serez cause de vostre mort, veu que sçavez le remède pour vous guérir à l’ayde de Dieu, et vous ne le voulez pas faire. Je ne scé, moy, à quoy vous pencez. –Hélas ! mon amy (dit le pacient), il m’est advis que je seroys danpné. –Et ! non serez, de par Dieu (dit le médecin) ! Vostre femme le veult bien190. –Je vous prometz que voire (dit-elle), mon amy. –Or, je vous diré donc ([dit-]il) : vous en prendrez le péché sur vous autres. –Et bien (dirent-il), nous le voulons bien. –Or sus (dit-il), donc que on l’amainne ! » Alors furent-ilz trèstous bien aises…. Et demora la fille à couche[r] avec luy ; et menèrent bonne vie emsemble ceste nuyt, et jouèrent bien des couteaulx191 eux deulx, sans eux copper ne courrecer192.
Le lendemain matin, le médecin vint veoir le pacient, et trouva qu’il faisoit bonne chère193 ; et luy compta tout son affaire, et dist qu’il se trouvoit trèsbien, dont il furent tous joyeulx. Et au bout de catre ou de cinq jours, il dist que le ventre et les rains luy faisoient encore ung peu de mal. Sy dist le médecin que il failloit qu’i couchast encore une nuyt ou deux avec la fille pour l’achever de guérir. « Et bien donc (ce dist la paouvre jeune femme194), je suis contente : sy seré bien aise qu’i soit bien guéry. » Ô que c’estoit une bonne femme envers son mary ! Que pleust à Dieu de Paradis que j’eusse autent d’escus comme il s’en trouveroit par le monde qui ne vouldroient pas faire le tour195 ! Je ne vouldroys pas196 estre roy de France.
Le paouvre [mary] eut encore sa chanbèrière à couche[r] avec luy tant197 que il fut bien guéry, Dieu mercy au bon médecin ! Mais la chambèrière devint bien grosse. Mais sa maistresse y mist si bon remède que tout se trouva bien ; et la maria après qu’elle fut relevée de sa couche198, pour ce que elle estoit cause de l’affaire, ce luy sembloit.
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1 « Le galand qui avoit faict le coup. » (Henri Estienne.) Voir l’intéressante préface de la pièce dans l’édition d’André TISSIER : Recueil de farces, t. VI, 1990, pp. 312-366. 2 Le Décaméron, IX-3, traduit par Laurent de Premierfait en 1414. 3 Le Grant parangon, nouvelle 153 : D’un médecin qui fit acroire à ung paintre, par l’ennortement [à l’instigation] de ses compaignons, qu’il estoit gros d’un enfent. 4 LV : la femme (Toutes ses rubriques portent Crespinete.) 5 Elle fait le ménage en provocant son maître avec une chanson érotique. Cette célèbre chanson de Clément Janequin, connue dès les années 1530, fut publiée en 1540 par Pierre Attaingnant. H. M. Brown (nº 171) a tort de dire que la 1ère édition est celle de 1542. 6 LV : coups 7 LV : du cours (Janequin dit « senty » ; cf. la Farce du Pet, vers 19.) 8 LV : baissit (Nouvelle provocation de Malaperte vis-à-vis de son maître ; Janequin dit : « Je l’empoigne, je l’embrasse, je la fringue fort. ») 9 Si l’auteur élève au rang de « cité » ce village proche de Rouen, c’est peut-être qu’il en est originaire. 10 Habile. En tout cas, ce n’est pas dans son travail que la servante fait preuve d’habileté, puisque son nom, « Malaperte », est synonyme de maladroite. 11 Chanson franco-italienne d’Antoine de Vigne († 1498). Les deux premiers vers sont chantés aux vers 166-167 de Marchebeau et Galop. Voir Brown, nº 135. 12 LV : ainsy cun (Ce vers, tel que je le corrige, est chanté dans le Pèlerinage de Mariage.) 13 Une drachme, une petite quantité. 14 De ton trou (terme du jeu de paume). « Il sçait bien du premier coup/ Mettre droit dedans le trou/ Qui se nomme le service. » Voulez ouÿr le plaisir. 15 LV : se quauras (Tu devras faire de gros efforts si tu veux rester vierge.) 16 Si cela était raconté. 17 LV : congnoyses (Vous pouvez savoir.) La vieillesse arrivait de bonne heure, et une servante à la réputation sulfureuse risquait de ne pas trouver d’époux. Malaperte se préoccupe encore de ses vieux jours au vers 195. 18 Tope là ! Le mari met la paume de sa main devant sa braguette, selon une équivoque fréquente : « Marguet, je vous prye, touchez là ! » Le Savatier et Marguet. 19 La faveur. Offrir un chaperon suffit à convaincre les femmes qui font l’amour pour le plaisir et non pour l’argent. Voir le v. 107 de Grant Gosier, le v. 315 des Queues troussées, le v. 232 du Dorellot, le v. 271 des Enfans de Borgneux, etc. 20 En Normandie, un aoûteron est un journalier qui moissonne sur les terres des autres. « Esse pas cy mon aulteron ? » Jehan de Lagny. 21 Que mon ventre gonfle. « En danger que la panse dresse. » La Fille esgarée. 22 Ne redoute pas. 23 LV : sein — Éd. 1610 : cen (Que quelque chose. « Et s’il advient que riens deffaille. » Jehan Le Fèvre.) 24 Veillez à faire de moi selon votre volonté. 25 LV : rien tarde — Éd. : rien fardé (Et n’en parlons plus.) Le ms. et l’imprimé intervertissent ce vers et le précédent. 26 Elle entre en scène, mais elle est loin de chez elle puisqu’elle accomplit un pèlerinage. 27 Je ne puis oublier (normandisme). « Tu metras vertu en ombly. » Moral de Tout-le-Monde. 28 Longtemps. 29 S’il me voit apparaître à l’improviste. Mais une apparition est aussi la manifestation miraculeuse d’un ange ou d’un saint. 30 LV : de la (Voilà où est mon désir. « J’ay désir et affection/ De le veoir. » ATILF.) 31 LV : viuement (Malaperte sera bien joyeuse.) 32 Juron féminin. « L’andouille est belle…./ Que je la manie un petit./ Manenda ! j’y prens appétit. » Sermon de l’Endouille. 33 LV : de (De suivre votre conseil.) 34 Défendre. 35 De marteler les petites fesses. 36 Comme le croupion des poules. 37 Vers manquant. J’emprunte le vers 361 du Testament Pathelin : « Ces femmes qui ont si grans sains,/ On n’a que faire d’oreillier,/ Quant on est couché avec elles. » 38 D’elles (normandisme). 39 ACTE II, introduit par deux triolets enchaînés. Après plusieurs semaines de coucheries, Malaperte découvre qu’elle est enceinte. 40 LV : soyes a deulx aduenir (« N’en ayez dueil ne désolation. » Marguerite de Navarre.) Je corrige également le refrain de 94. 41 ACTE III. Pour faire des économies, on a probablement supprimé un petit rôle de messager. Dans la 1ère Moralité de Genève, la lettre annonçant le retour de Bon Temps est aussi portée par un messager. Oudin brandit une lettre de sa femme, qui annonce son prochain retour. Comme elle est analphabète (vers 356), elle a dû la dicter à un prêtre, ainsi que le faisaient beaucoup de pèlerins. 42 Je recommande. « À Dieu commant nostre souper ! » Le Poulier à sis personnages. 43 LV : y (Je corrige la même faute au refrain de 115, due au fait que le manuscrit de base n’indiquait que les premiers mots des refrains de triolets.) 44 Je vais vite, sans voleter à droite et à gauche. Cf. les Vigilles Triboullet, vers 58. 45 Chez le chirurgien, le médecin ; cf. le Nouveau marié, vers 67. Un compère est souvent un compagnon de taverne : voir le v. 183. 46 Nul : ni toi, ni moi. 47 LV : amusse 48 LV : toute la fuycte — Éd. : toute la suicte (Le « f » et le « ſ » long sont souvent confondus.) J’y vais tout de suite. 49 À son huis, devant sa porte. Le médecin est en train de scruter un flacon d’urine à la lumière du jour. 50 Je vais lui raconter. 51 LV : es tu (En ce repaire = chez moi. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 55.) 52 Qui t’a poussé à venir chez moi ? 53 Confisqué. « On nous veult passer par décret/ Nostre héritage. » Le Poulier à sis personnages. 54 De la douleur. Le venin désigne le poison, mais aussi les maladies infectieuses, notamment vénériennes : cf. Frère Guillebert, vers 29. 55 LV : jey bien daultre (C’est un autre type de soulagement.) 56 LV : cherches — Éd. : cherche 57 Blessé quelqu’un. 58 L’invocation à Notre-Dame de Montfort-sur-Risle, près de Rouen, qu’on retrouve au vers 301, est fréquente dans les pièces normandes. Voir André Tissier, p. 324. 59 Sans peser le pour et le contre. 60 En copulant. « Estant en appétit/ De se jouer avec Clérice,/ Il luy mit son “cas” sur sa cuisse. » François Maynard. 61 Pansue (normandisme). 62 Un soulagement. 63 Dis-le (normandisme). Plus assûr = informé plus sûrement. 64 Voilà une réponse bien digne d’un Badin, c’est-à-dire d’un personnage déconnecté des contingences temporelles. 65 LV : estoyt 66 LV : pouroys 67 Pour peu. 68 Tu te plaindras d’avoir mal à la poitrine. 69 LV : en pleur 70 Forme normande de sabouler : se remuer. Cf. Colinet et sa Tante, vers 52. 71 Ta femme te demandera d’uriner dans un flacon. 72 LV : afable (Si digne de foi, si convaincant.) 73 Nous boirons à la taverne, pour fêter ça. 74 Enivré. « Et enteste beaucoup ceulx qui en boivent par trop, jusques à les yvrer. » Godefroy. 75 Elle approche de sa maison, vêtue et chargée comme une pèlerine. 76 Ma meschine : ma servante. Cf. le Vendeur de livres, vers 155. 77 Par la fenêtre, elle voit venir sa patronne. 78 Il n’y a personne d’aussi malheureux que moi. 79 Je lui concocte un beau stratagème. « Je me repens/ D’avoir brassé cest appareil. » ATILF. 80 Nul jour de ta vie. 81 Joie et plaisir. Double sens involontaire : « jouée » = gifle ; cf. le Cuvier, vers 183. La bigote ne peut prononcer une phrase sans invoquer Dieu ou ses saints. 82 Asseyez-vous (normandisme). 83 LV : se reposse 84 Êtes-vous pleins de santé, depuis mon départ ? « Elle appelle le médecin, alors que mieux elle est disposée de santé. » André du Chesne. 85 Ma moitié, mon épouse. « Ma loyalle partie,/ Ma femme, ma trèsdoulce amye. » Mistère du Viel Testament. 86 Les pèlerins distribuaient à leur entourage des médailles et autres gadgets bénits. 87 Rapporté. Crépinette donne à la chambrière des images pieuses. 88 D’un air faussement admiratif. 89 À cet endroit, le scribe a recopié puis barré les vers 217-218. Oudin se frotte contre le ventre de sa femme ; il fait alors semblant de ressentir une vive douleur et tombe à terre. 90 LV : vin aigre (On applique du vinaigre sur les tempes de ceux qui ont un malaise. Cf. la 1ère Moralité de Genève, vers 16 et note.) 91 Trépassé. 92 Le voilà. 93 Aussi raide qu’une planche. 94 Lui rende la parole rapidement. La bigote invoque encore saint Servais à 302. 95 LV : tyteuert (Dans les manuscrits gothiques, le groupe « es » peut être confondu avec la lettre « y », qui est pleine de courbes et de ramifications.) Un fou des Sotz triumphans se nomme Teste Verte. Dans Tarabin Tarabas (F 13), la rime impose le féminin vert : « Ô mauldicte teste de fer !/ Teste testuë, teste vert ! » 96 Elle sermonne son époux, qui blasphème au lieu de songer à Dieu. 97 À son image. 98 Ma panse ! Même normandisme au vers 252. 99 LV : bieu (Confusion avec le juron « ventre bieu ». Le Munyer, pris de coliques, se plaint de même : « A ! Dieu, le ventre ! ») Voir les vers 252 et 315. 100 Guéri. 101 Peu experte. L’épouse est si troublée qu’elle en déforme le nom de sa servante, Malaperte. 102 Aussi rapide qu’une hirondelle. Or, la pèlerine est toujours chargée comme un bourricot. 103 Ce que le médecin. 104 Malaperte tient le flacon dans lequel urine son maître, tout comme la mère de Jénin filz de rien tient l’écuelle dans laquelle urine son rejeton <vers 334-351>. À propos des acteurs qui pissent devant le public, voir la note 50 de la Seconde Moralité de Genève. 105 LV : brasin (Quelle terrible épreuve.) 106 L’intensité se transforme en durée, comme au vers 320. 107 Ce partitif est presque obligatoire : « Portez de mon urine/ Au médecin ! » Seconde Moralité. 108 Je n’espère de Dieu que la mort. Mais si l’acteur escamote la virgule, on obtient : Je n’espère que la mort de Dieu. Et quelque chose me dit que l’interprète de ce mécréant escamotait la virgule. 109 LV : la (« Créasture » est une des nombreuses aberrations dues au copiste du ms. La Vallière ; cf. les Povres deables, vers 184.) 110 Il se relève d’un bond dès que sa femme est partie avec le flacon d’urine. 111 L’élite des hommes rusés. 112 Vieille lice : chienne. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 38. Ici, le mot est amical : vilaine médisante. D’après le vers 78, Malaperte est encore une « fillette ». 113 Bientôt vous entendrez mon diagnostic, le verdict de mon médecin. 114 Elle fonce vers le médecin, qui est toujours devant chez lui. 115 De mauvaise fortune, de malheur. 116 LV : oportune (Insupportable. « Grant peinne et doleur importune. » ATILF.) 117 Le charlatan commet un lapsus : il veut parler du récipé, qui est une formule pharmaceutique. Cf. Maistre Doribus, vers 12, 81, 85 et 128. 118 Le médecin prend le flacon d’urine, en faisant semblant de croire que c’est celle de Crépinette. 119 Par Dieu. 120 Enceint. « Tu n’as autre maladie sinon que tu es enceint et gros d’un enfant tout vif. » Nicolas de Troyes, nouvelle 153. 121 Vivant. 122 LV : a lheure (« C’est l’œuvre du diable, ennemy & envieux du bien. » Matthieu de Launoy.) 123 Entre 292 et 313, cinq vers qui se suffisent à eux-mêmes sont réduits à un seul hémistiche. On constate ce phénomène dans la Réformeresse, une pièce normande contemporaine de la nôtre, et qui pourrait être du même auteur calviniste. 124 LV : scaues vous — Éd. : Se aues vous (Cela, vous l’avez fait vous-même.) 125 Vous l’avez accolé (vers 220). Boccace et Nicolas de Troyes diagnostiquent, d’une manière beaucoup plus drôle, que l’épouse a répandu sa semence dans le corps du mari en le chevauchant. Mais le dramaturge ne pouvait pas montrer une pareille scène. 126 Afin que la semence passe du ventre d’Oudin à celui de Malaperte. La nouvelle que je publie sous la farce donne tous les détails de cette opération. 127 La grossesse. « Craignant que celle engroisse ne leur engendrast une vergongne perpétuelle. » Godefroy. 128 « Passible est ce qui est prest et disposé à souffrir. » ATILF. 129 Par la fenêtre, il voit revenir sa femme et il se recouche vite. 130 Je crois que l’Antéchrist est. Les deux négations s’annulent, comme au vers 352. 131 Votre état ne s’est-il pas amélioré ? 132 Elle entraîne sa servante à l’écart du mari. 133 LV : du 134 LV : quant est (Écoute-moi. « Entends à moy : veulx-tu servir ?…/ Entens à moy, dy, estourdy ! » Jéninot qui fist un roy de son chat.) 135 Une partie de. 136 Ne crains pas de mourir tant que tu seras vivante. 137 À mes parents. « Je vous rendray à voz amys. » Jolyet. 138 Tu ois, tu entends. 139 LV : pendant (Prends maintenant. « De vous, prenons présent congié. » Mistère du Viel Testament.) 140 S’il advient. 141 Vous en aurez la charge. « Affin que le clerc eust l’andosse/ D’espouser la mère et l’enfant. » Pour le Cry de la Bazoche. 142 « De ce, ne faites nulle doubte. » Les Trois amoureux de la croix. 143 LV : croyt (Si un homme refuse de t’épouser, crois bien qu’on lui fera trouver de l’intérêt à ce mariage.) Une bonne dot suffisait à rendre leur virginité aux filles ; c’est d’ailleurs ce qui nous voyons dans la nouvelle que je publie sous la farce. 144 Diminutif de Oudin. 145 Vous laisserez-vous. Idem vers 368. 146 Votre cœur, au sens physiologique et moral. 147 Je crois que je vais enrager. Voir la note 130. 148 Oudin renverse l’expression courante ; voir les vers 317-318. « Il sembloit bien qu’elle eust ung dyable ou ventre, tant luy disoit de villainnes parolles. » Cent Nouvelles nouvelles, 39 : Du chevalier qui, en attendant sa dame, besoingna troys fois avec la chambèrière. 149 A œuvré. 150 LV : a vous (Lui avez-vous fait lire l’ordonnance à haute voix ? Rappelons que Crépinette ne sait pas lire.) 151 À plat ventre. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 56. 152 LV : femme (Je corrige de même les refrains de ce triolet.) 153 Dans le Poulier à sis personnages, un gentilhomme va chez sa maîtresse sans valet, « car le troysiesme poinct n’y fault ». 154 Crépinette s’éclipse avec tact. 155 LV : grace et (Pour peu qu’on ait l’air honnête et avenant. « Honneste et gracieulx maintien. » Verconus.) 156 Sans rougir. 157 Que nous bernions l’Ennemi, le diable. 158 De ruse. 159 Que nul ne se tourmente. « Sans prendre ennuy ou desplaisance. » ATILF. 160 Ce distique apocryphe est la signature habituelle du copiste du ms. La Vallière. 161 Voici la 4ème nouvelle du Second volume du Grant parangon des nouvelles nouvelles, que Nicolas de Troyes composa en 1536. 162 Troyes-en-Champagne, où vivait Nicolas de Troyes, comme son nom l’indique. 163 Emprunt à la farce, vers 157. 164 Figure. 165 Ce qu’il. 166 Habileté, ruse. 167 Ne vous plaignez de rien d’autre. 168 Votre urine. 169 Pour le reste. 170 Ce n’est plus la peine. 171 Ce qu’elle. 172 C’est vrai. « Je pense que voire, ça mon, vrament. » Godefroy. 173 Sûre. 174 Approchez-vous de moi, pour que personne n’entende. 175 Emprunt à la farce : « Qu’i tienne fasson et manière/ Qu’i couche aveq la chambèrière. » 176 Dans sa pleine puissance. 177 S’il pénétrait. « D’aller habiter femme dont barbier le con panse. » Responce de la Dame au vérolé. 178 Pour que nul n’en soit informé. Le médecin, que les scrupules déontologiques n’étouffent pas, craint pour sa propre réputation. 179 Je m’en vais avec vous. 180 Agi. 181 Qu’elle fasse un peu la distante au début. 182 Emprunt à la farce, vers 326 et 334. 183 À condition que mon honneur soit sauf. « Vostre honneur soit sauve. » ATILF. 184 Et encore plus. 185 Il n’y a pas d’autre solution. 186 Emprunt à la farce : « Que ton maistre couche avec toy. » 187 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. la Veuve, vers 52 et 150. 188 Ne vous en saura nul mauvais gré, ne vous en voudra pas. 189 Damné. Se laisser mourir équivaut à un suicide, que l’Église condamnait, alors que ses martyrs ne sont rien d’autre que des suicidés. 190 Elle veut bien que vous couchiez avec la servante. 191 Ils s’escrimèrent bien. 192 Sans se couper, ni se courroucer l’un envers l’autre. 193 Bonne figure. 194 L’épouse du « malade ». 195 Plût à Dieu que j’aie autant d’écus qu’il y a de femmes qui ne voudraient pas faire ce qu’elle a fait ! 196 Je ne préférerais pas. 197 Jusqu’à ce. 198 Après l’accouchement.
LA CONFESSION RIFFLART
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LA CONFESSION
RIFFLART
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Les confessions parodiques pimentent un grand nombre de farces : la Confession Margot, la Confession du Brigant au Curé, le Testament Pathelin, le Munyer, le Ribault marié, Frère Guillebert, et j’en passe beaucoup. Les humoristes du Moyen Âge avaient déjà compris qu’on faisait rire en détournant des sujets sérieux, voire sacrés. La Confession Rifflart date environ de 1480 ; elle appartient au répertoire des Conards de Rouen1.
Source : Recueil Trepperel, nº 27. Le texte fourmille de petites fautes de lecture.
Structure : Rimes plates, souvent négligées, parfois même irrégulières.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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La Confession
Rifflart
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À quatre parsonnages, c’est assavoir :
MÉHAULT
RIFFLART
LE PRESTRE
ROGIER
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Rifflart
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[LE PRESTRE] 2 commence
Dieu qui [souffris grief]3 passïon
Pour la nostre rédemption,
Vueille garder la compaignie
De tout mal et de villennie !
5 Le curé de vostre4 paroisse
Vous dist que le saint temps apresse5,
Et que le jour de Pasque vient ;
Et que purger il se convient
Par très vraye confession6.
10 Je le dy pour ung compaignon
Qui se fait Rifflart appeller7 :
Oncques n’eut vouloir d’y aller ;
Ce luy semble desrision.
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RIFFLART 8 commence SCÈNE I
Or çà, Méhault, bel oyselon,
15 Ung gros cueur en petite pance9 :
Qui te donne10 malle meschance ?
Méhault, pourquoy ne chante-tu ?
As-tu doncques joye pardu ?
MÉHAULT
Rifflart, doulx amy débonnaire11 :
20 Mais qu’i ne vous vueil[l]e desplaire,
Je vous diray ma conscience12.
RIFFLART
Méhault, or dy ce que tu pense ;
[De ce,] jà ne me courceray13.
MÉHAULT
Rifflart, compains14, je vous diray :
25 Vécy jà la qua[t]r[i]esme année
Que m’avez prinse et espousée.
Mais je suis comme [in]fortunée
Pour[ce] que me suis advisée
Que puis, ne15 fustes à confesse.
30 Allez-y, il n’y a pas presse16.
Mon bel amy, je vous en prie !
RIFFLART
Par Dieu, Méhault, ma doulce amye !
Vous m’avez fait trèsgrant despit.
Avez-vous ores donc17 ce dit
35 Pour me faire abréger ma vie ?
Vous sçavez toute ma convie18 :
Seray-je donc prins, ou pendu19 ?
MÉHAULT
Rifflart, c’est trop mal entendu.
Saichez, de vray, se n’y allez,
40 Jà aux Pasques ne mengerez
Ne flans ne tarte, par ma foy20 !
RIFFLART
Or avant ! Méhault, quant à moy,
Puisque c’est vostre gré, g’iray.
Mais dictes-moy que21 je feray,
45 Car oncques, en jour de ma vie,
N’oÿ parler de tel folie.
Fault-il donc aller à confesse ?
MÉHAULT
Vous n’avez plus sens q’une asnesse22 !
Sçaichez qu’il n’est homme ne femme23
50 Qui ne doit jûner24 en Caresme,
Et aler à confession.
Ceulx qui sont en dévotion
Y vont bien trois fois, voire quatre.
RIFFLART
Méhault, point n’y [fault cy débatre]25.
55 Cuidez-vous qu’entre nous26, Conars,
Qui ne sommes point papelartz27,
Ayons de confesser mestier28,
Ne d’aler souvent au monstier29 ?
Nous avons le sanglant gibet !
60 Au fort, [pour finir]30 nostre plet,
[G’iray veoir nostre bon pater31.]
.
Je me doy bien desconforter, SCÈNE II
Qui32 suis si joly compaignon.
Je crie33 à l’ail et à l’oignon
65 Que bon conseil puisse34 trouver.
.
Rogier, je m’en vois confesser : SCÈNE III
Mahault par force m’i envoye.
Qu’on ne me pende ! je cuydoye
Que nulz homs35 ne se confessast
70 Tant qu’il peust boire, ne mengast36.
Mais j’estoye trèsbien d’acord
Qu’on se confessast à la mort37.
Encores est ma femme saige38.
ROGIER
Riflart, on doit garder l’usaige39.
75 Se tu veulx40, trop bien t’aprendray
La manière comment j’y41 voy.
Quant je vueil aller à confesse,
J’attens qu’il y ait bien grant presse ;
Et s’on ne veult à moy entendre42,
80 [Je m’en vois hors sans plus attendre.]
Ainsi, je me suis bien passé,
[Puis] quatre ans, d’estre43 confessé.
Et quant j’y44 suis, certainement,
Si fais-je bien subtillement.
85 Je ne suis45 pas co[r]nart ne lourt :
Pource que mon curé est sourd,
Je m’en vois à luy voulentiers ;
Je dy entre deulx motz le tiers46,
Bien bas. Et quant je suis au bout,
90 Il le me demande se c’est tout ;
Je dy : « Ouÿ. » Lors, il m’assault47.
Comment que ce soit, ne m’en chault,
S’on48 ne me puist traîner et pendre.
Il veult sçavoir que j’ay au ventre49,
95 Mais encore ne m’a-il mie,
Foy que je doy à saincte Marie !
Il ne me fina, au50 jour d’huy,
De dire : « As-tu rien de l’autruy51 ? »
Il sembloit que je fusse lerre52.
100 Alors, je m’en party bon erre53.
RIFFLART
Tu en as tant dit, par ma foy,
Que g’y vueil aller comme toy,
Et sça[u]ray qu’il [me] vouldra dire54.
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Mon povre cueur forment55 souspire SCÈNE IV
105 Quant je ne puis trouver séjour56
Pour alléger ma grief doulour57
Qui58 jour et nuyt si ne me fine.
Je suis bien mis à discipline59.
Sire, que Dieu vous doint sa joye !
110 Ma femme confesser m’envoye.
(En ma vie, plus n’y entray60.)
LE PRESTRE
Parle plus hault et je t’orray61 :
Il n’y a nul cy près de nous.
RIFFLART
Sire, [si suis-je]62 près de vous.
115 Nous sommes cy en povre lieu63.
LE PRESTRE
Or, dy, bel amy, de par Dieu,
Tout64 à loisir : t’as bonne espace65.
RIFFLART
Mercy66, sire, sa vostre grâce67 :
Car vous devez dire devant68 ;
120 À moy n’est pas appartenant69.
Point ne doy avoir tel maistr[i]e70.
Or tost, sire, je vous en prie,
Dictes devant, délivrez-vous71.
LE PRESTRE
Se m’aïst Dieux72, mon amy doulx !
125 Je ne diray point devant toy,
Beau filz, car je ne sçay de quoy
Tu te veulx confesser à moy.
Mon amy, vueilles abréger.
RIFFLART
Sire, on vous doit honneur porter
130 À cause que vous estes prestre ;
Encor(e) ne suis-je pas si beste,
Si fol ne si oultre-cuidé.
Je vous prie, ne soyez courcé.
Se vous voulez, je m’en iray ;
135 Car devant vous, point ne diray.
Si grant follie ne fis oncques !
LE PRESTRE
Puisqu’ainsy va, je diray doncques.
Tu dois dire premièrement
Tes meffais dont il te souvient.
RIFFLART
140 Sire, je suis bien souven[an]t
Que j’ay ouvré73 huyt jours ou tant
Sur deux clochers merveilles74 haux,
Et n’ay eu, pour tout75, que deux solz76 :
Je me repens, par saint Remy,
145 Que je n’en eus77 deux et demy,
Car ç’a78 esté par ma follie.
LE PRESTRE
Ne dy plus ainsi, je te prie !
Ce n’est pas ce que je disoye.
Tu feis79 péché ?
RIFFLART
Dieu80 me doint joye !
150 Mais c’est de la plante des piés81,
Car j’ay chaussé des soulléz vielz82,
Et tousjours quant voy en besongne83.
LE PRESTRE
Se m’es[t] Dieux84 ! je croy [que] c’est songne85,
Ou autrement, t(u) es fol ou yvre !
155 Je te pri que tu te délivre,
Car j’ay trèsgrant mal en ma teste.
RIFFLART
On me [pende s’à jour de feste
À personne je me bailloys]86 !
Au prévost je [le menderoys]87,
160 Car il est de telle nature
Qu’il n’espargnera créature,
Se je ne vous dy vérité.
LE PRESTRE
Bel amy, j’ay de toy pitié.
Or vien ung peu plus près de moy88.
165 Et tout premier, confesse-toy,
Je te prie, des sept péchéz
Mortelz dont tu es empesché89.
Et puis après, je te recorde90
Des œuvres de miséricorde,
170 S’acomply les as nullement91.
Et quant aux dix commandement[s],
Tu as mesprins92, comme je croy.
Et aux articles de la Foy93.
Et se tu as communiqué
175 Avec nul excommunié94.
Ainsi confesser tu te doys.
RIFFLART
Sire, par Jhésus le doulx roys,
J’acorde ce que dit m’avez.
Et se plus riens vous y sçavez,
180 Je vous prie, dictes-le-moy
Entre nous deux, cy à requoy95.
Faictes-le tost, hardi[e]ment.
Je me confesse largement
De tant que dire me pourez96.
LE PRESTRE
185 Beaux amys, de tous tes péchéz
Dont tu as fait confession,
Requiers-tu absolution97 ?
RIFFLART
Ouÿ, sire, certainement.
LE PRESTRE
Et je t’en absoubz vrayement.
190 Absoluction[em] et remission[em] 98.
Tu es absoubz présentement.
Mais, mon doulx amy débonnaire,
Il te fault pénitence faire.
RIFFLART
Voire, sire, quel pénitence ?
195 N’ay-je pas assez de meschance99 ?
LE PRESTRE
Beaulx amys, il te fault jusner100.
RIFFLART
Voulentiers, jusqu’à desj[u]ner101.
Quant toute jour jusné102 j’auroys,
Je ne sçay que je mengeroys103 !
LE PRESTRE
200 Donc104, il te fault aller en lange.
RIFFLART
Tousjours j’y105 suis jusqu’à la manche.
LE PRESTRE
Beau doulx amy, que veulx-tu faire ?
Veulx-tu doncques vestir la haire106,
Sans plus, tout au long de ton ventre ?
RIFFLART
205 Nenny, dea ! j’ay la chair trop tendre,
Je seroye trop maltraicté ;
Elle escorcheroit mon costé.
Par les sainctz ! vécy107 grant merveille :
Qui vous a ce mis en l’oreille108 ?
210 Mais que vous griefve109 ma chemise ?
LE PRESTRE
Or ne sçay plus110 en quelle guise
Te servir, par sainct Pol l’apostre !
Va-t’en, et dy troys patenostres111.
RIFFLART
S’on ne me pent parmy la gueulle,
215 Je n’en sçay q’une toute seulle.
LE PRESTRE
Bien, de par Dieu ! Dy-la trois fois112 !
Je croy que tu fais l’ententrais113 ;
Va-t’en d’icy, il m’en114 desplaist !
RIFFLART
Sire, se m’aïst Dieu, non fait !
220 Dolent et desplaisant seroye
[S’à les compter]115 je mesprenoye.
LE PRESTRE
Je te vueil doncques commander
– Sans plus me116 faire recorder –,
Au soir, quant tu te vas coucher,
225 Que tu dies sans plus prescher117,
Incessament, ta patenostre,
En despoullant chemise et cotte118.
Faire le pourras, ce me semble ?
RIFFLART
Je ne119 despoulle tout ensemble,
230 Toutes les nuytz, quant vois coucher :
Car je m’en sçay plustost lever
Au matin, quant je me resveille.
LE PRESTRE
Je n’ay jamais [veu] tel merveille !
Qu’est-ce à dire ? Esse mocquerie ?
235 Par la doulce Vierge Marie,
Mèshuy120 à toy ne parleray !
RIFFLART
Sire, par ma foy, je feray
Tout ce que me commanderez.
Jamais parler vous n’en orrez121.
240 Commandez ce qu’il vous plaira,
Et incontinent fait sera.
LE PRESTRE
Pour les péchéz que tu as faitz,
Sans en tenir longuement plaitz,
Fault que tu voises à Boulongne122
245 (Et ne le tiens point pour mensongne)
Ainçois123 qu’il soit deux jours passés.
RIFFLART
Sire, il me souffit, [c’est] assez.124
.
Or suis-je de tous mes péchéz SCÈNE V
– De quoy j’estoye moult chargéz –
250 A[b]soubz, et ay rémission
[De] par ce prestre, et vray pardon.
Si, vueil chanter à chière lye125,
Sans plus faire chière mar[r]ie,
Une [très] joyeuse chançon :
255 Pour l’amour de Marion…126
.
Rifflart retourne au prestre. SCÈNE VI
Sire, je suis cy revenu
Car il ne m’estoit souvenu
De vous demander de l’argent,
Car je n’en ay point. Vrayement,
260 Je ne soustiens denier ne maille127.
LE PRESTRE
Et cuides-tu que je t’en baille ?
Nennin, par Dieu, une poujoyse128 !
RIFFLART
Cuidez-vous doncques que je voise129,
Se vous ne payez mes despens ?
LE PRESTRE
265 Se Dieu m’aïst ! Je me repens
Quant au jourd’uy te confessay !
RIFFLART
Et ! par le sang bieu, je ne sçay
Quelle sottie130 m’y mena.
Ma femme si m’y envoya.131
.
270 Il n’est nul qui croye132 sa femme SCÈNE VII
Qu’il n’en ait133, en fin, honte ou blasme.
ROGIER
Dea, voysin, tu as creu ta femme ?
Se tu eusse[s] fait comme moy,
Courcé ne fusses pas, je croy.
275 Or va, et retourne à ta femme.134
.
Seigneurs, ne prenez en diffame SCÈNE VIII
Nostre petit esbatement.
Nous prirons Dieu du firmament
Qu’il vueille vous et135 nous garder,
280 Et mieulx que Rifflart confesser.
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FINIS
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1 Comme les Veaux, Jehan de Lagny, le Cousturier et le Badin, le Cousturier et son Varlet, etc. 2 T : Mehault (Ce prologue appelant les paroissiens à venir se confesser ne peut être dit que par le curé de la pièce, laquelle « commence » véritablement au vers 14.) 3 T : souffrir grif (Qui souffris de graves douleurs. Voir le vers 106.) « Dieu (…)/ Qui pour nostre rédempcion/ En croiz souffri grief passïon. » Miracle de saint Valentin. 4 T : vostre (Le curé prêche devant ses fidèles, autrement dit, devant le public.) Paroisse, en Normandie, se prononçait paraisse : « Critofle Malingreux, clerc de nostre paraisse. » (La Muse normande.) « Appren bien ta lichon [leçon], afin que tu pisse estre/ Un jour à ste paresse, ainsi que maistre Jean. » (Id.) 5 T : aproche (« Hélas, hélas ! l’heure s’apresse/ Qu’il fault son dernier sacrement. » Farce de Pathelin.) 6 Il fallait se confesser au moins une fois par an, avant Pâques. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 183 et note. 7 Qui s’appelle Rifflard. C’est également le nom d’un autre mari gouverné par son épouse dans la Mauvaistié des femmes. Mais ce pourrait être le surnom d’un goinfre qui aime bien « rifler », s’empiffrer : voir les vers 198-199. De toute manière, ce nom fait rire : « “–Comme as-tu nom ? –J’ay nom Rifflart.”/ Mais ilz rirent tant de ce nom !/ Comme fins folz faisoyent leurs ris. » Mistère de la Conception. 8 Il est chez lui, avec son épouse Méhaut, c’est-à-dire Mahaut, comme au vers 67. 9 Le proverbe dit : « En petit ventre, gros cueur. » 10 T : doint (Qui te donne ce mauvais chagrin ?) 11 Au vers 192, le curé emmiellera Rifflard dans la même circonvolution. 12 Ce que j’ai sur la conscience. 13 Jamais je ne me courroucerai de cela. Même acronyme aux vers 133 et 274. 14 Mon compagnon, mon ami. 15 T : que (Que depuis, vous ne vous êtes plus confessé.) 16 Tant qu’il n’y a pas foule à l’église. Dans les farces, quand une femme veut éloigner son époux, c’est qu’elle attend son amant : voir par exemple les Femmes qui font baster leurs maris aux corneilles (F 29). Or, il se trouve que le voisin Roger s’approche de la maison… 17 T : dont (Avez-vous donc dit cela.) Les gens superstitieux considéraient que la confession était réservée aux mourants, et que se confesser en bonne santé pouvait faire mourir. 18 Ma façon de vivre. 19 Y a-t-il là de quoi me condamner ? 20 Mahaut tient son goinfre de mari par la bouche. Le comportement infantile de Rifflard est propre à tous les rôles de Badins. 21 Ce que. Tous les personnages de farces qui se confessent ont un point commun : ils ignorent ce qu’ils doivent faire et dire devant le curé. 22 T : beste (Vous n’avez pas plus de bon sens qu’une ânesse. « S’y n’est trop plus sot c’une ânesse. » Troys Gallans et Phlipot.) 23 Dans les pièces normandes, « femme » rime parfois en -ème. « Pour endoctriner homme et femme,/ Aucuns vous preschent le Karesme. » Sermon joyeux des quatre vens. 24 Respecter le jeûne, dont Rifflard n’est visiblement pas un adepte. 25 T : prens si pres garde 26 Que nous autres (normandisme). Sur les Conards de Rouen, voir ma notice et la note 1. 27 Faux dévots. Leur « abbaye », gouvernée par un « abbé », parodie l’ordre clérical. Voir les Triomphes de l’Abbaye des Conards. 28 Besoin. 29 Au moutier, au monastère. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 116. 30 T : giray veoir (L’imprimeur a fusionné ce vers avec celui qui suivait.) Finir notre plaid = trouver une solution à notre querelle ; voir le vers 243. 31 Le Père, le curé. « Laditte religieuse cognut qu’elle s’estoit enamourée follement de leur pater, qui l’administration avoit de leurs âmes. Le bon pater (…) se absenta du lieu totalement. » (Jehan Molinet.) Pater rime avec déconfortèr. Rifflard sort de chez lui et se dirige vers l’église. 32 Moi qui. 33 T : prie (Les marchands des rues crient « À l’ail ! » et « À l’oignon ! ».) Je réclame à cor et à cri. 34 T : puissez (Rifflard tombe sur son voisin Roger, qui vient voir Mahaut.) 35 Que nul homme (archaïsme). « La plus belle figure/ Que nulz homs puist de ses yeux regarder. » Eustache Deschamps. 36 Mangeât : tant qu’il eût bon appétit (ce qui est le cas de Rifflard). 37 Au moment de mourir. 38 C’est un constat que les auteurs de farces mettent régulièrement dans la bouche des Badins. « (Je) ne sçay rien faire/ Qui plaise ne qui soyt utile/ À ma femme sage Sébile. » (L’Arbalestre.) Cf. Régnault qui se marie, vers 51. 39 Respecter la coutume. 40 T : veult 41 T : ie (J’y vais.) À l’instar de Mahaut, la femme de Roger se débarrasse de lui en l’envoyant se confesser. 42 Si le curé ne veut pas m’écouter tout de suite. Le vers suivant est perdu. 43 T : sans estre 44 T : ie 45 T : fais (Cornard = imbécile. « Pauvre cornart,/ J’ay eu ta robbe et ton argent ! » Le Pauvre et le Riche.) 46 Le troisième mot, celui qui pourrait me valoir une pénitence. Roger donne ici la définition de l’entend-trois, nommé au vers 217. 47 T : ma sault (Il m’absout.) 48 Du moment qu’on. 49 Ce que j’ai dans le ventre. 50 T : du (Il ne cessa pas, aujourd’hui, de me dire…) Roger fait croire qu’il vient de se confesser, pour que Rifflard aille en faire autant et lui laisse le champ libre. 51 T : loutruy (En me disant : n’as-tu rien qui appartienne à autrui ? « Avez-vous eu rien de l’autruy ? » Testament Pathelin.) 52 T : larre (Un larron, un voleur. « Malebouche le lerre. » ATILF.) 53 D’un bon pas. « Et venez après moy bonne erre. » (Frère Frappart.) La confession est vue comme un jeu d’échecs où chacun tente de tromper son adversaire. 54 Ce que le curé voudra me dire. Rifflard s’éloigne, et Roger entre chez Mahaut. En beuglant une chanson d’amour, Rifflard pénètre dans l’église. 55 Fortement. (Cf. les Rapporteurs, vers 26.) Ces cinq vers lyriques et archaïques proviennent d’une quelconque chanson du XIVe siècle. « De plus en plus ma grief dolour empire,/ Dont moult souvent mes cuers souspire et pleure. » Guillaume de Machaut. 56 De repos. 57 T : douleur (Modernisation due à l’éditeur.) « Alégier/ La grief dolour/ Qui tient mon cuer en tristesse et en plour. » G. de Machaut. 58 T : Que (Qui ne me laisse en paix ni jour ni nuit.) « Faites cesser ma grief dolour,/ Que j’endure pour vostre amour/ Nuit et jour. » Guillaume Dufay. 59 En tourment. Rifflard s’agenouille près du curé. 60 Je n’était plus entré dans une église (depuis mon mariage). Rifflard dit cela en aparté : le curé, qui est dur d’oreille, n’a pas compris. 61 Je t’entendrai. 62 T : ie suis si (Si, il y a moi !) 63 Votre église n’est pas terrible. Constatation doublement maladroite : les prêtres ne cessent de marteler que « Jésus Christ est nay en povre lieu » (Anthoine Fromment). 64 T : Tant (« Mais devisons tout à loysir. » Le Poulier à sis personnages.) 65 Tu as le temps. 66 T : Marie (Non, merci.) 67 Déformation populaire de « sauf votre grâce » : avec votre permission. Cf. la farce normande du Trocheur de maris : « Sa vostre grâce, deulx hermytes/ Le trouvèrent en un tesnyer. » 68 Parler avant moi. Idem vers 123, 125, 135. 69 Il ne m’appartient pas de parler le premier. 70 Cette dignité réservée à un maître. 71 Délivrez-vous de vos péchés. Idem vers 155. 72 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 153, 219, 265. 73 Œuvré, travaillé. Rifflard exerce la profession de couvreur. 74 T : merueilleurs (Hauts à merveille.) 75 T : iour (En tout.) 76 T : saulx (Que 2 sous. Les Normands prononçaient « so ».) 77 T : os 78 T : sa 79 T : fais 80 T : Jay bien fait se dieu (Que Dieu me donne joie : Dieu me pardonne !) 81 On devait se confesser pour plusieurs parties du corps, et en l’occurrence pour les pieds, comme dans la confession du Testament Pathelin : « Et venons à parler des piedz,/ Qui ès faulx lieux vous ont portéz. » 82 De vieux souliers. 83 Quand je vais au travail. Les couvreurs portaient de vieux godillots qui ne craignaient plus d’être lacérés par les ardoises. 84 Que Dieu m’assiste (note 72). « Ha ! point ne l’auras, se m’est Dieux ! » Le Pauvre et le Riche. 85 Un songe : je crois que je rêve ! 86 T : puis pendre a iour de feste / Sa personne ie me failloye (Qu’on me pende si je me louais à un employeur un jour férié ! « Je me bailleray à l’essay/ Deux ou trois jours. » Chambrière à louer.) L’Église interdit de travailler le dimanche et les jours de fêtes, où l’on doit chômer les saints : « Dieu n’a rien commandé plus estroitement que chommer le jour du repos. » Godefroy. 87 T : la menderoye (Je le ferais savoir au juge.) 88 Pour que je t’entende mieux. 89 Chargé. Rifflard succombe pour le moins au péché de paresse et au péché de gourmandise. 90 Je te fais souvenir. « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouÿ, certes, sans riens laisser/ Dont conscience vous recorde/ Des œuvres de miséricorde. » Testament Pathelin. 91 Si tu les as bien accomplies. 92 Tu as mépris, tu as fauté. 93 « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouy, certainement ; et penser/ Aux douze articles de la Foy. » Testament Pathelin. 94 Il ne fallait pas adresser la parole aux excommuniés. Cf. le Povre Jouhan, vers 373-374 et note. 95 À l’abri des oreilles indiscrètes. 96 De tous les péchés que vous pourrez me dire. 97 « Se j’ay péché,/ J’en requiers absolution. » La Confession Margot. 98 « Absolutionem et remissionem omnium peccatorum vestrorum. » Prononcé à la française, rémissionan rime avec présentement. 99 De malheur. 100 Jeûner. Cette forme est surtout normande : « Ma pénitenche n’est jusner si longuement. » (La Muse normande.) Cf. le Bateleur, vers 32. 101 Jusqu’à l’heure du déjeuner. 102 T : iusuer 103 T : mengeroye (Je serais capable d’avaler n’importe quoi.) 104 T : Dout (Tu dois donc revêtir une chemise de pénitence en laine grossière. « Aler en divers pèlerinages nus piés et en langes. » Godefroy.) 105 T : ie (Je suis vêtu de lange [de laine] jusqu’aux poignets.) 106 Une chemise de crin que les pénitents portent à même la peau. 107 T : dieu iay (« Vostre part ? Voicy grans merveilles ! » Jolyet.) 108 Qui vous a mis cela dans la tête ? Allusion au fait que le prêtre est dur d’oreille. 109 En quoi vous gêne. 110 T : ie (Je ne sais plus de quelle manière…) 111 Récite trois fois le Pater noster. 112 La rime est juste, car les Normands prononçaient et écrivaient « trais fais » : « Je me mis tant à baire [boire]/ Que je cudis trais fais tumber dans le canel. » La Muse normande. 113 Prononciation normande d’entend-trois : « Équivoques à deux ententes, que nos bons pères ont surnommé des Entend-trois. Dont nous avons encor ce proverbe ordinaire que quand quelqu’un feint de ne pas entendre ce que l’on luy propose, & respond d’autre, on dit qu’il fait de l’entend-trois. » Estienne Tabourot. 114 T : ten 115 T : Sa les comptes (Si, en comptant les patenôtres avec des grains de chapelet, je me trompais. Rifflard insinue qu’il ne sait même pas compter jusqu’à 1.) 116 T : le (Sans que tu me fasses répéter davantage.) 117 T : cesser (« Incontinant, sans plus prescher,/ Chargeay dessus à tour de bras. » Les Maraux enchesnéz.) 118 Puisque Rifflard est incapable de compter son Pater noster avec des grains de chapelet, il devra le réciter pendant qu’il enlève sa chemise et sa tunique : le temps qu’il y passera équivaut à la longueur d’une prière. Inversement, la durée d’une patenôtre servait à mesurer le temps lorsqu’on n’avait pas de sablier ; quand les personnages de la Condamnacion de Bancquet se battent, une didascalie précise : « Et pourra durer ce conflict le long de une patenostre ou deux. » 119 T : me (Je n’enlève pas tous mes vêtements.) 120 Désormais. 121 Jamais plus vous ne m’entendrez contester. Nouvelle allusion à la surdité du curé. 122 En pèlerinage à l’église Notre-Dame-de-Boulogne, à Boulogne-Billancourt. Cf. le Povre Jouhan, vers 338. 123 Avant. 124 Rifflard s’en va, tout guilleret. 125 Avec un visage épanoui. Cf. Maistre Doribus, vers 183. 126 Au logis de Cupidon est une de ces vieilles chansons que Gaultier-Garguille modernisera au XVIIe siècle (v. la note 1 de Jolyet). « Je brusle comme un tison/ Pour l’amour de Marion./ Et quand j’ay mangé mes navets,/ Je luy compose des sonnets. » La transition avec la scène qui suit est abrupte : manque-t-il des vers ? 127 Je n’ai pas un sou. Cf. la Confession du Brigant, vers 4. 128 Pas même un quart de denier. 129 Que j’y aille, en pèlerinage. 130 Quelle folie. 131 Rifflard retourne à sa maison. Il croise Roger, qui en sort. 132 Qui croie, qui obéisse à. 133 Sans en recevoir. 134 Rifflard rentre chez lui. 135 T : es
RÉGNAULT QUI SE MARIE À LA VOLLÉE
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RÉGNAULT QUI
SE MARIE À
LA VOLLÉE
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Les auteurs dépourvus d’imagination s’appuyaient sur des béquilles qu’on appelle aujourd’hui des contraintes littéraires. Nombre de farces sont nées d’une locution proverbiale prise au pied de la lettre (les Esveilleurs du chat qui dort, les Sotz qui corrigent le Magnificat), ou d’une chanson (le Bateleur, le Povre Jouhan). La présente farce met en scène l’expression « se marier à la volée », c’est-à-dire sans réfléchir. Elle est également construite sur une chanson, que voici. (Je surligne les passages que la pièce reprend.)
Lourdault, lourdault, lourdault
Lourdault, lourdault, lo[u]rdault, garde1 que tu feras !
Car sy tu te maries, tu t’en repentiras2.
Lourdault, lourdault, lourdault, garde que tu feras !
Sy tu prens une vie[i]lle, el(le) te rechignera3.
5 Lourdault…
Si tu prens jeune femme, jalouz tu en seraz4.
Lourdault…
Elle yra à l’église : le prebstre la verra ;
Lourdault…
10 La merra5 en sa chambre et la « confècera ».
Lourdault…
Luy fera [un enffant]6, et rien tu n’en sçauras.
Lourdault…
Et quant el(le) sera grosse, y la te renvoira7.
15 Lourdault…
Et nourriras l’enffant qui riens ne te sera.
Lourdault…
Encor(e) seras bien aise qu’i[l] huchera8 : « Papa ! »
Lourdault, [lourdault, lourdault, garde que tu feras !]
Ms. fr. 12744 de la BnF. Voir l’illustration ci-dessus.
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Source : Recueil de Florence, nº 7.
Structure : Rimes aab/aab, abab/bcbc, abaab/bcbbc. La fin est anarchique.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
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À six personnages, c’est assavoir :
RÉGNAULT qui se marie à La Vollée
GODIN FALLOT
FRANC ARBITRE
LAVOLLÉE
MESSIRE JEHAN
et son CLERC [Clericé]
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RÉGNAULT 9 commence en chantant : SCÈNE I
Chascun m’y crye : « Marie-toy, marie ! »
Hélas, je n’ose, tant suis bon compaignom.10
GODIN FALOT
Mais veult-on plus joyeuse vie
Qu’avoir sa plaisance assouvie
5 Et rustrer avec les mignons11 ?
FRANC ARBITRE
Fy de dueil et de fantaisie12 !
S’aucun y a13 qui se soucye,
Ne suyve plus telz compaignons14 !
GODIN [FALOT]
Alègres,
FRANC ARBITRE
Preux,
[GODIN FALOT]
Droitz comme joncz,
FRANC ARBITRE
10 Prestz à gauldir et tard et tost15 !
GODIN [FALOT]
Voicy mignons hardis et promptz
Pour faire départir ung [r]ost16.
FRANC ARBITRE
Régnault, qu’as-tu ? Tu ne dis mot.
RÉGNAULT
Je songe, je pense.
GODIN [FALOT]
Ma foy !
15 Tousjours seray Godin Falot17 :
Hante18 qui vouldra avec moy !
RÉGNAULT
Une fois fault penser de soy19 ;
Je l’ay leu en aucun chapitre20.
GODIN [FALOT]
Et donques, à ce que je voy,
20 Tu veulx laisser ton Franc Arbitre21 ?
RÉGNAULT
Brief22 je me mectray au registre
Des mariéz, car il le fault.
GODIN FALOT et FRANC ARBITRE, en chantan[t] :
Tu t’en repentiras, Régnault, [Régnault, Régnault,] 23
Tu t’en repentiras.
FRANC ARBITRE
25 Sces-tu bien comment tu seras,
Se tu te metz en mariage ?
RÉGNAULT
Nenny, par ma foy !
GODIN [FALOT]
Tu n’yras
Plus avec nous en garouag[e]24.
RÉGNAULT
Sçavoir vueil que c’est de mesnaige25,
30 Car aucuns m’ont dit que c’est basme26.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Régnault, se tu prens femme,
Garde que tu feras !
RÉGNAULT
Je seray refait27, gros et gras,
Comme on m’a donné à congnoistre.
FRANC [ARBITRE]
35 Et ! voire ; mais tu dîneras
Souvent à la table ton maistre28.
GODIN [FALOT]
Avec Franc Arbitre veulx estre.
RÉGNAULT
Saint Jehan ! je veulx devenir chiche29.
FRANC [ARBITRE]
On fait bien gens mariéz paistre30 :
40 Pour pain blanc, mengüent31 de la miche.
RÉGNAULT
Je me mectré en ung lieu32 riche.
Ne vous chaille, j’entens ma game33.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Se tu prens jeune femme,
El(le) te reprochera.
45 Régnault, Régnault34, Régnault, tu t’en repentiras.
GODIN [FALOT]
Veulx-tu laisser jeulx et esbatz
Pour t’aller bouter en tutelle,
Et t’asubjecter35 à ung bas
Pour voulloir « chevaucher sans selle36 » ?
RÉGNAULT
50 C’est une plaisance immortelle,
Quant on a une femme saige.
FRANC [ARBITRE]
Tousjours est jallouse et rebelle,
Quant elle vient ung peu à l’aage37.
RÉGNAULT
Marier me vueil, voicy raige !
55 Car je n’y38 puis acquérir blasme.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Se tu prens vieille femme,
El(le) te rechinera39.
RÉGNAULT
Et bien ! on en demandera
Une jeune, joyeuse et frisque.
GODIN [FALOT]
60 Par ce point, on t’apellera
Jaloux. Tu seras fantastique40.
RÉGNAULT
J’auray une belle relique
Que je baiseray41 de jour et de nuyt.
Brief ! c’est une chose angélique
65 Qu’estre marié.
FRANC [ARBITRE]
Cela nuist.
RÉGNAULT
C’est soulas, c’est plaisir, c’est bruit42,
Quant on a jeune femme et belle ;
Car quant on s’esveille à minuyt,
On peult besongner sans chandelle.
GODIN [FALOT]
70 Jeune femme tient en tutelle
Son mary.
RÉGNAULT
Jeune femme auray !
FRANC [ARBITRE]
[Dy que] tu l’auras telle quelle43 !
RÉGNAULT
En effait je me marieray.
Avec elle, temps passeray,
75 Voire, sans faire tort à âme44.
LES AULTRES, en chantant :
Se tu prens jeune femme,
Cocu tu en seras.
[Régnault, Régnault, Régnault,] 45 tu t’en repentiras.
RÉGNAULT
A ! par le corps bieu, non seray46 !
80 Doulcement je la traicteray47,
Et useray de beau langaige.
GODIN [FALOT]
Jamais ne te conseilleray
Te marier.
FRANC ARBITRE
Tu es48 foul !
RÉGNAULT
Mais saige !
Je merray49 ma femme en voiage ;
85 Et puis, en l’ombre d’une haye,
Nous ferons nostre tripotaige50.
Brief ! il est bien temps que j’aye
Une femme qui soit de mise51.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] en chantant :
Quant ira à l’église,
90 Le prestre la verra.
RÉGNAULT
Et puis ? Il luy conseillera
Son salut. Çà52, tant broquarder !
Par Dieu ! pas ne la mengera :
Les yeulx sont faictz pour regarder.
GODIN [FALOT]
95 Quant Vénus veult53 dame happer,
Régnault, de cecy te remenbre54 :
De prestre ne peult eschapper
Nomplus que le festu à l’embre55.
Chantant :
La merra en sa chambre ;
100 Ung enfant luy fera.
Régnault, [Régnault, Régnault], tu t’en repentiras, Régnault.
RÉGNAULT
Godin Falot, tu en diras
Ce que vouldras ; mais je me vante
Que, comme moy56, tu ne seras
105 « Clos ne couvert, au feu la plante57 ».
En chantant :
Et [si] quiconques chante,
[Godin,] tu respondras.58
FRANC ARBITRE
Il fault que ta femme soit sainte59,
Vestue, préparée et coincte60,
110 Ou tu souffriras paine amère.
RÉGNAULT
Se ma femme est grosse et ensaincte,
Je feray mainte61 bonne chère
Et auré compère et commère62.
[GODIN FALOT et FRANC ARBITRE,] chantant :
Et qui qu’en soit le père,
115 Tu seras le papa63.
[Régnault, Régnault, Régnault, tu t’en repentiras]64.
GODIN [FALOT]
Soy marier, c’est grant folie.
RÉGNAULT
Comme quoy65 ?
FRANC ARBITRE
L’homme franc66 se lie
D’u[ng] lïen cruel et sauvaige.
RÉGNAULT
120 Mais est hors de mélencolie.
GODIN [FALOT]
Régnault, par Dieu, je le vous nye !
Point ne passeray ce passaige67.
FRANC [ARBITRE]
Se tu te boutes en mesnaige,
Tu ne fis onc tel mesprison68.
GODIN [FALOT]
125 Te sera-il pas bien sauvage69
Garder désormais la maison70 ?
RÉGNAULT
Nenny.
FRANC [ARBITRE]
Pourquoy ?
RÉGNAULT
Le beau blason71
De ma femme et le doulx caquet
Me feront, à peu d’achoison72,
130 De bien brief, faire mon pacquet73.
GODIN [FALOT]
S’elle va en quelque banquet
Où plusieurs sont escornifflées74,
Là où75 maint mignom perruquet
Frappe du billart76 au tiquet
135 Quant on a les torches soufflées ?
RÉGNAULT
Femmes qui sont bien renommées
N’aquièrent jamais mauvais bruit77
Et ne doyvent estre blasm[é]es.
FRANC [ARBITRE]
Raison ?
RÉGNAULT
Ilz ont leur saufconduit78.
GODIN [FALOT]
140 Tu ne viendras plus au déduit79.
RÉGNAULT
Ne m’en chault : j’auray mon pain cuit80 ;
Plus ne conteray81 mon escot.
FRANC [ARBITRE]
Pren congié de Godin Falot !
GODIN [FALOT]
Franc Arbitre tu laisseras.
FRANC [ARBITRE]
145 [Mais] de te marier si tost,
Par bieu, tu t’en repentiras !
GODIN [FALOT]
Or çà, Régnault, quant tu viendras
En ta maison, gay et joyeulx,
Tes petis enfans trouveras
150 Tous breneulx : tu les torcheras.
Ce n’est pas tout fait, si m’aist Dieulx82 !
FRANC [ARBITRE]
Tu te trouvois83 en plusieurs lieux
Où tu n’oseras plus aller.
RÉGNAULT
Marier me vueil pour le mieulx.
155 Vous perdez temps de m’en parler.
GODIN [FALOT]
Ainsi, tu n’iras plus galler
Avec Godin Falot, Régnault ?
Je t’ay veu si bien avaller
Ung beau petit pâté tout chault !
RÉGNAULT
160 Uneffois84 retirer se fault.
Gens mariés sont résolus85.
FRANC [ARBITRE]
Je sçay bien dont vient le deffault :
Tu n’as pas leu Mathéolus86.
GODIN [FALOT]
Jeulx de bateaux87, harpes et lucz88,
165 Dances, [tavernes et] esbatz89
As tant aimés !
RÉGNAULT
Je n’en veulx plus.
FRANC [ARBITRE]
Pourquoy ?
RÉGNAULT
Ce ne sont [rien] qu’abus90.
GODIN [FALOT]
Régnault, tu entens mal ton cas91.
FRANC [ARBITRE]
En mesnaige sont tous débatz :
170 Femmes ne sont point sans riotes92.
GODIN FALOT
Tousjours sourdent noises, et débatz.
Et est-on plus subget au bas93
Que Sotz ne sont à leurs marottes.
FRANC ARBITRE
Femmes demandent robes, cotes94,
175 Sainctures, tissus, demy-sainctz95,
Chaperons, passe-mariotes96.
Les aucunes font des97 bigotes,
Et si98, font plaisir aux humains.
Mariéz sont-ilz point contrains
180 De fournir à l’apointement99 ?
RÉGNAULT
Je me marie car je [ne] crains
Estre oingt de cest oignement100.
GODIN [FALOT]
Considères premièrement
Qu’il fault varletz et chambèrières,
185 Et qu’i feront secrètement,
À tes despens, de bonnes chères.
FRANC ARBITRE
Item, provisions sont chières.
Pense ung petit en ton oultrage101,
Et que testes sottes, légières,
190 Te veullent mettre en mariage.
GODIN [FALOT]
Se tu as mauvais voisinnage,
Et avec toy on hante ung peu102,
[N’eschapperas du cocuage]103
Non plus qu’on fait du mau saint Leu104.
FRANC ARBITRE
195 Il est certain.
GODIN [FALOT]
Vélà le neu105.
RÉGNAULT
Faire cecy on n’oseroit,
J’en bouteray mon doy106 au feu.
FRANC [ARBITRE]
Et ! par mon âme, il brûleroit !
GODIN [FALOT]
Qui les énormes maux diroit107,
200 Qu’on a trouvé en mariage,
Jamais on ne se mariroit.
RÉGNAULT
Esse une chose si sauvaige ?
FRANC [ARBITRE]
D’ung homme de laische couraige108
Exemple en avez maintenant,
205 Qui a baillé sa femme en gaige
Trois mois, pour trente frans contant109.
RÉGNAULT
Cil110 qui [l’]a fait est consentant
D’estre cocu, et ne luy chault
Lequel bout111 en voise devant.
GODIN FALOT
210 Garde d’estre en ce point, Régnault !
RÉGNAULT
J’auroye plus cher112 prendre ung fer chault
Aux dens113 que faire telle chose !
FRANC [ARBITRE]
Qui se veult marier, il ne fault
Que veoir le Rommant de la Rose114.
RÉGNAULT
215 Tousjours ung sot sotie115 expose,
Et esmeut discordz, débatz, noises.
GODIN [FALOT]
L’homme marié ne repose
Jamais, avecques les galoises116.
FRANC ARBITRE
Vray est que d’aucunes bourgoises117
220 De Saint-Fïacre revenoient118,
Qui estoient doulces et courtoises ;
Leurs prochains119 voisins les menoient120.
Touteffois, ainsi qu’elz estoient
En chemin, affin qu’on le notte,
225 Toutes assez bon cueur avoyent,
Si ce ne fût une bigotte
Qui print à délaisser sa rotte121,
Et fist si bien (pour faire fin122)
Qu’el(le) demoura à la Pissotte123
230 Seulette avec ung sien voisin.
GODIN [FALOT]
Régnault, retien cela, affin
De changer ung pou124 ton couraige ;
Car, certes, il n’y a si fin
Qui ne soit trompé, au mesnage.
RÉGNAULT
235 Ce que dittes n’est que bagaige125 :
Marié seray, quoy qu’on dye !
FRANC ARBITRE
Je suis marry de ton dommaige ;
Mais à te nuyre [t’]estudye126.
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LA VOLÉE 127 commence en chantant : SCÈNE II
C’est ung mauvais mal que de jalousie.
240 C’est ung mauvais mal à qui128 l’a.
GODIN FALOT
Qu’esse-cy ?
FRANC ARBITRE
Qui est cest[e]-là ?
GODIN FALOT
Comme elle entre [icy] en soursault129 !
LA VOLÉE
Bonjour ! Dieu vous gard ! Me vélà !
FRANC ARBITRE
Où vas-tu ?
GODIN FALOT
Qu’esse qu’il te fault ?
LA VOLLÉE
245 Je viens revisiter Régnault.
RÉGNAULT
Par Dieu, vous serez accollée130 !
FRANC ARBITRE
Qu’esse que tu feras, lourdault131 ?
RÉGNAULT
El(le) sera par moy consollée.
LA VOLÉE
A ! il ne m’a pas affolée132.
GODIN [FALOT]
250 Régnault, foy que doy Nostre Dame,
Se marier à La Vollée !?
RÉGNAULT
Se feray : ce133 sera ma femme.
FRANC ARBITRE
Te marier, bon gré mon âme,
À La Volée !?
RÉGNAULT
[Et pourquoy non ?]
255 Que je te baise, belle dame !
GODIN [FALOT]
Il est fol naturel134.
FRANC ARBITRE
C’est mon135.
GODIN [FALOT]
Homme qui deust avoir regnon136,
Prendre une femme désollée137 !
LA VOLLÉE
Régnault, baise-moy le menton !
FRANC ARBITRE
260 Vélà Régnault qui Se marie[r] à La Volée !
.
CLERICÉ 138 SCÈNE III
Missir(e)139 Jehan, la messe est sonnée.
MESSIRE JEHAN
Clericé, chanterons-nous hault140 ?
CLERICÉ
Ouÿ, car à ceste journée,
L’offrende tousjours beaucoup vault141.
.
GODIN [FALOT] 142 SCÈNE IV
265 Messir(e) Jehan, marier vous fault
Ces gens icy à la sellée143.
MESSIRE JEHAN
Je le vueil bien, [………. -ault.]
…………………………… 144
FRANC ARBITRE 145
Tu laisseras ton Franc Arbitre,
Puisque tu prens ceste mignonne.
CLERICÉ
270 (Je le vois mettre en [ce] regist[r]e146,
Il est assez bonne personne147 !)
LA VOLÉE
Quoy ! il est force qu’il luy donne
[Son] congié148, voire, si trèstost !
MISSIRE JEHAN
Ouÿ. Et fault qu’il abandonne
275 Ce doux mignon, Godin Falot.
GODIN [FALOT]
Que vous en semble ?
MISSIRE [JEHAN]
C’est ung sot
Qui m’a sa voulenté selée149.
CLERICÉ
Il paye assez souvent l’escot,
Qui150 se marie à La Volée.
FRANC ARBITRE
280 Régnault, tu es bien insencé !
Respons : qu’as-tu fait ?
RÉGNAULT
Je ne sçay.
LA VOLÉE
Alon-m’en151 coucher vistement !
GODIN [FALOT]
Ung requiescant in pace152
Luy donnons, au département153,
285 Chantant requiescant in pace.
MISSIRE JEHAN
Puisque Régnault a varié154
Si trèsfort qu’il [s’]est marié,
Et qu’il est tant intéressé155,
Chantons requiescant in pace.
LA VOLÉE
290 Régnault, par la main me prenez,
Et honnestement me menez
Coucher dedens quelque beau lit ;
Et là, prendrez vostre délit156
En buvant ce qu’avez157 brassé,
295 Chantant requiescant in pace.
MESSIRE JEHAN
La substance soit récollée158
Que Régnault, ainsi q’ung vray sot,
S’est marié à La Volée,
Habandonnant Godin Falot.
CLERICÉ
300 De s’estre marié si tost,
Franc Arbitre a abandonné.
[MESSIRE JEHAN]
Chantant [requiescant in pace],
Or, prions tous de cueur dévot
À Dieu, qu’il luy soit pardonné,
305 Puisqu’ainsi, comme ung idÿot,
À La Volée s’est marié.
.
Exemple, mignons, y prenez !
Car de luy, comme d’ung trespassé,
Chantons requiescant in pace.
310 Derechief chantons ensement159 :
Requiescant in pace. Amen160 !
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1 Prends garde à ce. Idem aux vers 32 et 210 de la pièce. 2 Rabelais, dans ce chef-d’œuvre de la littérature antimatrimoniale qu’est le Tiers Livre (chap. 28), cite une autre chanson, légèrement différente : « Si tu te marie (…),/ Tu t’en repentiras, tiras, tiras :/ Coqu seras. » Cette dernière chanson n’est pas inconnue au théâtre, puisqu’une « fille folle » l’interprète dans le Mystère de saint Remi. 3 Elle te montrera les dents. Idem au vers 57 de la pièce. 4 Le ms. 12744 porte : james nen joyras — Mais le Chansonnier des Ducs de Lorraine donne ici : jalouz tu en seraz (qui colle mieux au vers 77 de la pièce.) 5 Il la mènera. Idem aux vers 84 et 99 de la pièce. Jeu de mots banal sur « con fesser » ; cf. Gratien Du Pont, vers 417-440. 6 Ms. : des enffans (Voir le v. 16 de la chanson, et le v. 100 de la pièce.) 7 Il te la renverra. 8 S’il t’appelle papa. 9 La scène se déroule chez lui. 10 Cette chanson misogyne a été recueillie dans le ms. NAF 1817 de la BnF. Les deux répliques suivantes n’en font aucunement partie, malgré ce que laisse entendre l’édition de Jelle Koopmans <Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 125-136>. La chanson initiale du Savatier et Marguet provient de cette même chanson, dont on reconnaît aussi un écho dans le Tiers Livre (chap. 27) : « Marie-toy, marie-toy, marie, marie !/ Si tu te marie, marie, marie,/ Très bien t’en trouveras. » 11 Faire le brave avec les galants. 12 Assez de deuil et de mélancolie ! 13 S’il y a quelqu’un. 14 F : compaignies (Qu’il ne suive plus de tels compagnons.) 15 À mener joyeuse vie à toute heure. 16 Pour se partager un rôti. « Encore n’est pas viande preste ;/ Lucifer, laisse-la roustir,/ Et puis nous l’irons despartir. » ATILF. 17 Un godin falot est un plaisant compagnon. 18 Hanter = fréquenter. Idem vers 192. 19 Un jour, il faut penser à son avenir. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 43. 20 Je l’ai lu dans un certain livre. 21 Ton libre arbitre, ta liberté. C’est un personnage allégorique aux vêtements bariolés : « Monsieur Franc-arbitre (…) estoit vestu comme un Suisse, de diverses couleurs, pour figurer en quelque sorte les diversitéz de sa liberté. » (La Messe trouvée dans l’Escriture.) « Franc Arbitre doit estre habillé en Rogier Bon-temps. » (Moralité de l’Omme pécheur.) Notons que Godin Falot est lui-même vêtu comme Roger Bontemps : « Que Bon Temps vient le grand galot,/ Accoutré en Godin Fallot. » (Les Moyens très utiles pour faire en brief revenir le Bon Temps.) 22 Rapidement. 23 Il faut 3 « Régnault », pour qu’ils puissent être chantés sur le même rythme que les 3 « lourdault » de la chanson. Dans les refrains, il était d’usage de ne pas noter ce genre de répétitions, comme en témoigne le manuscrit de la chanson à partir du vers 5. 24 Courir le guilledou. « Vous n’irez plus en garouage ! » L’Ordre de mariage et de prebstrise, F 31. 25 Je veux savoir ce que c’est que de se mettre en ménage. 26 F : blasme (Certains m’ont dit que c’est du baume, que c’est un plaisir. « El chante et devise ; c’est basme ! » Deux Hommes et leurs deux Femmes.) 27 Dodu. 28 « On dit d’un sot qui se laisse maîtriser par sa femme qu’il dîne à la table de son maître. » Antoine Oudin. 29 Je veux m’embourgeoiser. 30 On les fait paître, on les trompe. Cf. le Monde qu’on faict paistre. 31 Au lieu de pain blanc, ils mangent (prononcer manju) un petit pain sans valeur. D’une chose dénuée d’importance, on disait qu’on n’en donnerait pas deux miches. 32 Dans une famille. 33 Je connais la musique, je suis débrouillard. « Entendent-elles bien les games ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 34 F : Tu ten repentiras (Je remets d’aplomb le découpage des vers.) 35 T’assujettir. Le bas, et en l’occurrence le bât, désigne le sexe d’une femme : cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 36 Faire l’amour. Cf. Marchebeau et Galop, vers 16-17. 37 Quand elle prend de l’âge. 38 F : ne (Je ne risque pas d’en avoir de la réprobation.) 39 Note 3. 40 Mélancolique. Cf. les Sotz triumphans, vers 7. 41 Les pèlerins baisaient les reliques : « Baiser sans plus d’enqueste/ Les reliques. » (Saincte Caquette.) Mais ce verbe avait le même sens érotique qu’aujourd’hui : voir la note 57 de Serre-porte, la note 130 du Povre Jouhan, la note 29 du Trocheur de maris. 42 Réjouissance. 43 Comme elle sera. Cf. la Pippée, vers 271. 44 À personne. 45 F : Tu 46 Je ne serai pas cocu. On croirait entendre Panurge : « Si Dieu plaist, je ne seray poinct coqu. » Tiers Livre, 30. 47 « Les maris qui sont bien ruséz/ Traictent leurs femmes si trèsdoulx. » Les Cris de Paris. Cette pièce antimatrimoniale est un miroir de la nôtre : deux hommes, qui ont commis l’erreur de prendre femme, envient un heureux célibataire et l’incitent à convoler. Tous leurs arguments tombent à plat, et le célibataire est sauvé. 48 F : seras donc (« Ma-rier » compte ici pour 2 syllabes, comme au vers 213.) 49 Note 5. 50 Nos petites affaires : « Et avec Bietrix et Pasquette,/ Ilz font ung terrible tripotaige. » (Mistère de la Conception.) Il semble manquer au-dessous un vers en -aye. 51 Qui soit un bon investissement. 52 F : cecy (« Qu’est-ce à dire ? Tant brocquarder !/ Ne devez-vous pas regarder ? » Figue, Noéz et Chastègne.) 53 F : vieult (Je corrige une faute similaire à 166.) Vénus, déesse de la volupté, veut corrompre les femmes chastes. 54 Souviens-toi. 55 L’ambre jaune qu’on frotte produit de l’électricité statique et attire les fétus de paille : « L’ambre a aussi propriété espécial de attraire à soy les pailles. » (ATILF.) L’ascendant des prêtres sur leurs paroissiennes est un indémodable cliché. 56 Comme je le serai, moi, grâce à ma femme. 57 La plante des pieds se chauffant au bord de l’âtre. C’est le vers 150 (ou 158) du Laiz de François Villon. 58 Tu feras le contre-chant (péjoratif). Ce passage ne figure pas dans le texte de la chanson tel qu’il nous est parvenu ; mais H. M. Brown l’y renvoie sans hésiter (Music in the French Secular Theater, p. 216, nº 120). Il semble manquer 5 vers au-dessous. 59 Ceinte. La ceinture est un élément du luxe féminin : voir le vers 175. 60 Élégante. 61 F reporte ce mot à la fin du vers, ce qui perturbe le schéma des rimes. 62 Jusqu’à leurs relevailles, les accouchées réunissaient autour d’elles une foule de pique-assiette, aux frais du mari. Cf. les Caquets de l’accouchée. 63 Tu seras le cocu qui reconnaît l’enfant d’un autre. (Cf. Frère Guillebert, vers 43.) « Suis-je cocu ? C’est chose voire…./ Mais qui en soit le père,/ J’en seray le papa. » L’Amoureux. 64 F : Tu ten repentiras regnault / Tu ten &c (Etc. abrège un refrain.) 65 Pourquoi ? 66 Affranchi, libre. 67 Ce mauvais pas : je ne me marierai jamais. 68 Une telle méprise, une telle erreur. 69 Rude. Idem vers 119 et 202. 70 Pendant que ta femme ira en pèlerinage avec ses voisin(e)s. 71 Son babil. Cf. Marchebeau et Galop, vers 242. 72 En peu de temps. « De bien bref » a le même sens. 73 Mon balluchon, pour partir avec elle. 74 Ébréchées (au sens érotique). Les banquets ont mauvaise réputation : « Les femmes yront aux banquetz…./ Là, seront chargées de paquetz/ Qu’il conviendra porter neuf moys. » Pronostication nouvelle. 75 F : on (Un perruquet est un élégant.) 76 Avec son bâton, son pénis : « Mais mon billard est usé par le boult ;/ C’est de trop souvent fraper en la raye. » (Le Savatier et Marguet.) Tiquet = loquet ; par métonymie, ce mot désigne la porte, contre laquelle les visiteurs frappent avec leur canne pour qu’on leur ouvre. Le contexte érotique est évident. 77 Mauvaise réputation. 78 Elles ont leur vertu, qui les protège. 79 À nos parties de plaisir. Cf. Gautier et Martin, vers 132. 80 Je serai bien entretenu. Nouvel emprunt à Villon : « Vente, gresle, gelle, j’ay mon pain cuit. » Ballade de la Grosse Margot. 81 Je ne compterai plus, je ne paierai plus ma part chez le tavernier. 82 Que Dieu m’assiste ! 83 F : trouues (Ces lieux doivent être des lupanars, ou des étuves, ou certaines tavernes.) 84 Un jour. Idem vers 17. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 144. 85 Vers 1380, Jehan le Fèvre (celui de Ressons) traduisit du latin le Liber lamentationum, un brûlot antiféministe de Mathéolus le Bigame. Ces Lamentations de Mathéolus eurent un succès durable. Leur traducteur édulcora légèrement son propos en composant le Livre de liesse, que les éditeurs du XVIe siècle rebaptiseront le Rebours de Mathéolus pour qu’il se vende mieux. Régnaut se réfère à l’édition Vérard (~1505), qui intitule ce poème : le Résolu en mariage. 86 Franc Arbitre accuse Régnaut d’avoir lu le Résolu en mariage et pas les Lamentations de Mathéolus. 87 Tours de bateleurs. « La place Maubert, en laquelle il vit jouer par longtemps le jeu des bateaux que l’en y faisoit. » ATILF. 88 Luths. 89 « Sotz qui ayment jeux, tavernes, esbatz. » Jeu du Prince des Sotz. 90 Que des choses illusoires. 91 Tu juges mal de ta situation. 92 Querelles. 93 Soumis à leur sexe (vers 48). 94 Des cottes : des tuniques à manches. 95 Des ceintures étroites auxquelles les femmes accrochent leurs patenôtres et leurs clés. 96 Des passe-lacets ? Peut-être faut-il lire « pastenotes » : les femmes pendaient à leur ceinture un chapelet précieux, les patenôtres. (Cf. le Vendeur de livres, vers 89.) Le peuple ne prononçait quasiment plus le « r » de nostre : « Jehanneton du Buisson, condamnée en quinze fois quatre deniers parisis pour le port de deux pastenotes. » Comptes et ordinaires de la prévôté de Paris. 97 Contrefont les. 98 Et pourtant. 99 D’accomplir leur devoir conjugal. Cf. Ung jeune moyne et ung viel gendarme, vers 81. 100 D’être touché par ce désagrément. 101 Pense un peu à ton outrancière témérité. « Je te monstreray ta folie,/ Ton outrage et ta cornardie. » ATILF. 102 Si un voisin mal intentionné te fréquente (pour s’approcher de ta femme). Le danger que constituent les voisins entreprenants sera développé plus bas. 103 F : Conclusion non en eschappe (Ce vers et le suivant sont bâtis sur le modèle de 97-98.) Le dérivé cocuage est typiquement populaire, comme maquerellage ; s’il fut adopté tardivement par les intellectuels, on ignore, faute de traces écrites, depuis quand il traînait dans les ruisseaux des halles. « Que l’homme marié ne puisse passer ce monde sans tomber ès goulphres et dangiers de coqüage. » Tiers Livre, chap. 28 : Comment Frère Jan réconforte Panurge sus le doubte de coqüage. 104 Du mal de saint Loup : d’un lupus, d’un ulcère. « Il avoit ung leup en la jambe. » (ATILF.) Comme le rappelle Henri Estienne, « on a avisé que tel sainct guariroit de la maladie qui avoit un nom approchant du sien. » Apologie pour Hérodote, 38. 105 Le nœud, le cœur du problème. 106 J’en mettrais ma main. 107 Si on disait… « Est-ce bien esprouvé,/ Pour les maulx qu’on y a trouvé,/ Que mariage, quoi qu’on die,/ Surmonte [dépasse] toute maladie. » Lamentations de Mathéolus. 108 Ayant un cœur lâche. F intervertit ce vers et le suivant. 109 Qu’on lui a payés comptant. Les auteurs de théâtre dénonçaient des scandales réels. Il est impossible d’identifier ceux qui vont être dévoilés ici : nous ignorons où et quand cette farce fut écrite. (À Paris vers 1510 ?) 110 Celui. 111 L’éd. Koopmans donne bont, mais l’éd. Cohen donne bout. Voise = aille. L’expression signifie : sans se préoccuper des conséquences. « Je lesse tout courir à val le vent/ Sans regarder lequel bout devant aille. » (Charles d’Orléans.) Notre auteur fait un jeu de mots sur « le bout : le membre viril. » (Oudin.) 112 J’aimerais mieux. 113 Avec mes dents. 114 Dont la seconde partie, composée par Jean de Meun, est une longue diatribe misogyne. 115 Sa sottise. 116 Avec une épouse galante qui risque de le tromper. 117 Certaines bourgeoises faisaient un pèlerinage sans leur mari pour prendre du bon temps. Cf. le Povre Jouhan, vers 190-193 et 288-289. 118 F : reuiennent (Correction Koopmans.) Le monastère de Saint-Fiacre-en-Brie se trouve près de Meaux. « En revenant de Sainct-Fiacre-en-Brie,/ Je rencontray une trèsbelle fille…./ Je la gettay sur l’herbette jolie,/ Je luy levay son corset, en après sa chemise. » Chanson nouvelle. 119 Proches. 120 F : menant (Correction Koopmans.) 121 Qui s’écarta de sa route. 122 Pour finir. 123 Ruisseau à proximité de Meaux, non loin du « chemin Sainct-Fiacre » suivi par les pèlerins. 124 F : pon (Un peu. « Regardez ung pou sa fasson. » La Pippée.) Ton courage = ton cœur, ton intention. 125 Qu’une chose inutile. Cf. le Résolu, vers 125. 126 Tu t’appliques. Cf. le Clerc qui fut refusé, vers 157. 127 Elle entre chez Régnaut sans frapper. 128 F : eui (Les éditeurs vénitiens nous ont conservé toutes les notes de cette chanson polyphonique, mais pas les paroles.) Lavolée ne veut pas que son futur mari soit jaloux, et pour cause… 129 En sursaut, à l’improviste. 130 Régnaut embrasse Lavolée. 131 Ultime allusion à la chanson Lourdault, lourdault. 132 Il ne m’a pas assommée. Cf. Mahuet, vers 235. 133 F : mon se (Si ferai = c’est ce que je ferai.) 134 Fou au sens psychiatrique. Cf. la Pippée, vers 65. 135 C’est mon avis. Cf. l’Homme à mes pois, vers 198 et 362. 136 Du renom, de l’honneur. 137 Perdue, déshonorée. 138 Le clerc et le curé sont dans l’église. Le nominatif Clericus serait préférable à Clerice, qui est un vocatif, comme au vers 262 et dans Science et Asnerye : « Dieu gard, Clerice ! » Voir aussi la Résurrection de Jénin Landore, vers 194. 139 On prononçait Messer, en 2 syllabes. Voir la note 74 du Testament Pathelin. Ce curé paillard ne sévit pas que dans le Testament Pathelin : pour s’en tenir au théâtre, on le croise aussi dans Jehan de Lagny, dans Messire Jehan, dans Jénin filz de rien, et dans le Savetier Audin. Le clerc vient de sonner les cloches « à la volée » pour annoncer le mariage. 140 À pleine voix, sans nous économiser. 141 Un jour de noces, la quête rapporte davantage. 142 Le cortège nuptial entre discrètement dans l’église. 143 À la celée : secrètement. 144 Il manque 5 vers et demi : la scène du mariage a disparu. 145 Il s’adresse au nouveau marié. 146 Je vais inscrire Régnaut dans le registre des mariages (voir le vers 21). Ces deux vers sont dits en aparté. 147 C’est une bonne poire ! 148 Il faut que Régnaut donne congé à Libre Arbitre, et qu’il renonce de la sorte à sa liberté. 149 Qui m’a celé sa volonté : qui ne m’avait pas dit que sa promise était Lavolée. 150 Celui qui. 151 Allons-nous-en pour consommer notre mariage. Les Femmes qui font renbourer leur bas sont plus explicites : « Allons-m’en faire rembourrer ! » 152 Qu’ils « reposent » en paix. La messe de mariage s’achève en messe d’enterrement. Le singulier requiescat serait préférable ; on remarque la même impropriété au vers 542 du Testament Pathelin. Pace se prononce passé, à la française. 153 Au moment de nous séparer. 154 S’est dévoyé. « Je souffre tourment et orage/ À bon droit, car trop variay,/ Au jour où je me mariay. » Lamentations de Mathéolus. 155 Lésé, victime d’un dommage. C’était alors l’unique sens de ce verbe. « L’abeille (…) tire son miel des fleurs sans les intéresser, les laissant entières et fraisches comme elle les a trouvées. » Godefroy. 156 Votre plaisir. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 128. 157 F : queues (En récoltant ce que vous avez semé. « Ilz l’ont brassé, c’est raison qu’ilz le boivent ! » ATILF.) 158 Que le fait soit rappelé (litt. : relu à haute voix). 159 F : ensemble (Pareillement. « Dieu nous doint qu’encor en aions/ Grant joye, et le peuple ensement ! » ATILF.) 160 Amen se prononce à la française : il rime donc avec « ensement », comme il rime avec « clèrement » dans l’Arbalestre, ou avec « serment » et « voirement » dans D’un qui se fait examiner. « Pour quoy prions ce corps incessamment/ Que de ce mal il nous guérisse. Amen ! » (Le Testament d’un Amoureux.)