JEHAN DE LAGNY

Ms. La Vallière

Ms. La Vallière

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JEHAN  DE  LAGNY

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Cette farce rouennaise fut écrite en 1515. L’auteur a pioché le nom des trois femmes de sa pièce dans des chansons gaillardes, aujourd’hui perdues. Le nom du personnage principal vient d’une autre chanson : « Leus-tu jamais en Fierabras / La Chanson de Jean de Laigni ? » (L’Amoureux passetemps.) Cette chanson – également perdue – raillait le fait que Jean sans Peur, en 1416, cantonnait depuis longtemps à Lagny-sur-Marne, et qu’il n’arrivait pas à se décider sur la suite des opérations. Ses ajournements perpétuels lui valurent les quolibets des Parisiens, ce dont il se fâcha tout rouge. « Le duc Jehan de Bourgoingne (…) alla logier à Lagny-sur-Marne, où il fut grant temps. Et tant y fut, que ceulx de Paris (…) l’apeloient Jehan de Lagny. » <Mémoires de Pierre de Fénin.> À défaut de la chanson, nous avons conservé deux proverbes sur les atermoiements de Jean sans Peur : « Jehan de Lagny, qui n’a point de haste. » Et : « Il est des gens de Lagny, il n’a pas haste. »1

Le héros de notre farce est baptisé Jean de Lagny parce qu’il promet toujours le mariage à ses conquêtes, mais qu’il temporise indéfiniment : « J’ey promis et promais encore/ Vous espouser je ne say quant. » Dans la farce du Retraict, qui appartient au même manuscrit, on disait déjà d’un homme velléitaire : « Voylà un bon Jehan de Lagny ! »

Après le succès de la pièce, Jacquet de Berchem composa cette chanson, qui fut publiée en 1540 :

     Jehan de Lagny,

     Mon bel amy,

     Vous m’avez abusée.

     Se ce n’eust esté vostre amour,

     Je fusse mariée.

     Vous avez ouvert le « guichet »,

     La « mouche » y est entrée2.

     Se j’avois connu vos façons,

     Fille serois restée.

     On doist bien brider le « mulet »,

     S’il entre à l’escurie.

Dans la farce du Tesmoing, un prévenu refuse d’épouser une femme, qu’il a subornée en lui promettant le mariage. Or, le juge est un official, comme il se doit dans ce genre d’affaires. Ici, trois femmes séduites par un seul homme veulent l’épouser, et font appel à un juge laïc qui n’est pas compétent dans ce domaine. En outre, ce fantoche de juge rend la justice en pleine rue, et n’a aucun moyen de faire appliquer ses sentences, qui sont d’ailleurs illégales. On le traite de « fol » à l’avant-dernier vers, et tout laisse croire que ce suppôt des Conards de Rouen fut effectivement joué par un Sot.

Source : Manuscrit La Vallière, nº 31. Le texte est dans un état si décourageant que nul ne s’est risqué à en donner une édition critique.

Structure : Rimes plates, avec 4 triolets.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce  joyeuse

À sis personnages, c’est assavoir :

       JEHAN  DE  LAGNY,  Badin

       MESSIRE  JEHAN  [VIRELINQUIN]

       TRÉTAULDE 3

       OLIVE 4

       PÉRÈTE  VENEZ-TOST 5

       et  LE  JUGE

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           TRÉTAULDE 6  commence,

           tenant un baston à sa main.      SCÈNE  I

     Tant, pour chercher Jehan de Lagny,

     J’ey de douleur et de destresse !

     À Parys, à Troys7, à Magny,

     Tant, pour chercher Jehan de Laigny.

5    Pendu soyt-il comme Margny8

     En un gibet de grand haultesse,

     Tant, pour chercher Jehan de Laigny,

     J’ey de douleur et [de] détresse !

           PÉRÈTE  VENEZ-TOST

     Et moy, par semblable finesse9,

10   Jehan de Laigny [m’a engyné]10.

     Pensez qu’il sera démené,

     Se je le tiens bref en rudesse !

           OLIVE

     Il ne m’a pas tenu promesse,

     Jehan de Laigny, ce trompereau.

15   Je requiers Dieu que le boureau

     Le puisse atraper à son erse11 !

           PÉRÈTE

     Dictes-moy, s’y vous plaist, comme esse

     Qu’i vous trompa, et en quel rue.

     Ainsy que vous ay aperceue12,

20   Il vous a mys le corps en presse13 ?

           TRÉTAULDE

     Il me feist choir en la reverse14

     En me disant :

              « Grosse trongnaulde15 !

     Combien que vous soyez courtaulde16,

     J’éray la copie17 de ce corps ! »

25   Et vous, [qui estes-vous, pour lors] ?

           PÉRÈTE

     Pérète Venez-tost.

           TRÉTAULDE

                 « Pérète,

       Vous ma seurète »18,

     Dont on parle parmy19 ces rus ?

     Enda ! à peu20 que ne mourus

     D’entendre21, par un samedy,

30   Un grand Sot, garson estourdy,

     Estant22 aveques un supost,

     Chantant :

             « Pérète, venez tost !

     Gay là, gay23 ! la chose [est] preste. »

     Et l’ort vilain Sot désonneste

35   Prononsoyt en dict et propos

     Qu’i l’avoyt « aussy dur c’un os ».

     [S]y esse vous, doulce compa(i)gne ?

           PÉRÈTE

     Ouy, c’est moy.

           OLIVE

               Pour Dieu, qu’on n’espargne

     Jehan de Lagny, se on24 le treuve !

40   Et qu’i n’ayt relâche ne treuve25

     Jusqu(es) à ce que la mort s’ensuyve26 !

           TRÉTAULDE

     Et vostre nom ?

           OLIVE

                Moy, c’est Olive.

           TRÉTAULDE

     [Quoy ! estes-vous « la belle fille » ?]27

     Y vous a serré la « quoquille »,

     Se disent enfans à leurs chans28.

45   Ceulx qui vont le pavé marchans

     Vous chantent29 aussy bien que nous.

           PÉRÈTE

     Je requier Dieu à deulx genoulx

     Qu’on cherchon30 tant qu’il soyt trouvé.

     S’y n’est de par moy esprouvé

50   Méchant31, que je soys difam[é]e !

           OLIVE

     Jehan de Laigny ?

           TRÉTAULDE

                 Sa renommée

     Sera perdue, ce coup icy.

     Non obstant, vous veulx dire un sy32

     Qui nous servyra bien.

           PÉRÈTE

                   Et quoy ?

           TRÉTAULDE

55   Que chascun se taise [tout coy]33,

     Et tenons icy un concille.

     Ayons un clerc de ceste ville,

     Ou un prestre qui soyt savant,

     Qui vienne avec nous poursuyvant

60   Jehan de Lagny, ce faulx nerquin34.

           OLIVE

     Messire Jehan Virelinquin35

     Est bien homme pour nous conduyre.

     Vous plaist-il que luy aille dyre

     Qu’i vienne à vous parler souldain ?

           PÉRÈTE

65   Alez souldain ou tost !

           TRÉTAULDE

                  Mais ne targez grain36.

           OLIVE

     Le voécy, c’est Dieu qui l’envoye !

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     Messire Jehan, Dieu vous doinct joye          SCÈNE  II

     De ce que vostre cœur désire !

     Vous est-il bien37 ?

           MESSIRE  JEHAN  [VIRELINQUIN]

                 Gras comme [une oye]38 !

           TRÉTAULDE

70   Messire Jehan, Dieu vous doinct joye !

           MESSIRE  JEHAN

     Tant [je voy cy]39 une mont-joye

     De bonnes commères pour rire !

           PÉRÈTE

     Messire Jehan, Dieu vous doinct joye

     De ce que vostre cœur désire !

           TRÉTAULDE

75   Escoutez un petit40 mon dyre

     Aussy vray comme le soleil41 :

     Aydez-nous de vostre conseil,

     En vous payant42 de vostre paine.

           MESSIRE  JEHAN

     Prononcez !

           PÉRÈTE

             C’est chose certaine

80   Que Jehan de Lagny on cherchon.

     Fust-il pendu à Alenson,

     Ou son corps brullé à Bréban43 !

           MESSIRE  JEHAN

     Faictes-lay adjourner à ban44,

     Citer45 à ouÿe de paroisse.

85   Y fauldra qu’i boyve l’engoysse46,

     Fust-il des gens de Hanequin47.

           OLIVE

     Et ! monsieur Jehan Virelinquin,

     Tant on sommes à vous tenu[e]s !

           MESSIRE  JEHAN

     S’il estoyt caché48 soublz les nu[e]s

90   On le trouveron, sy Dieu plaist.

           TRÉTAULDE 49

     Escrivez-nous [cy] nostre explet50,

     Et narez en vostre registre

     Que c’est moy-mesme qui le cite,

     Tout par despist de sa ribaulde.

           [MESSIRE  JEHAN] 51  escript.

95   Vostre non à vous ?

           TRÉTAULDE

                  C’est Trétaulde.

           MESSIRE  JEHAN

     Trétaulde52 ?! Dieu de Nazaret !

           TRÉTAULDE

     Qu’i ne s’en faille un tiret

     Qu’i ne compare53, le coquin !

           PÉRÈTE 54

     Messire Jehan Virelinquin,

100  Mectez que c’est moy qui le cherche.

    Sy tenir le puys à mon erse,

    Il éra la prison pour lot55.

    J’ey non56 Pérète Venez-tost,

    Afin que pas ne l’ombliez57.

105  Ne luy ne toulz ses alyés58

    Ne valent pas le[s] mestre au feu59.

           MESSIRE  JEHAN

    Mais ayez pacience un peu,

    Que j’[ay]es escript ce mot icy.

           OLIVE

    Virelinquin, mectez aussy,

110  Monsieur, que dire doys premyer60

    Qu’il est aussy sot c’un prunyer

    D’aler tant de filles tromper.

    Et sy on le puist atraper,

    Rien ne luy vauldra son moquer61.

           MESSIRE  JEHAN

115  Il ne [me séroyt]62 révoquer,

    Puysque j’ey procuration.

           TRÉTAULDE

    Faictes-luy assignation

    De comparer63 à ma requeste.

           PÉRÈTE

    Et moy aussy.

           MESSIRE  JEHAN

               A ! j’ey la teste

120  Assez ferme pour le bien faire.

           OLIVE

    Monsieur Virelinquin, mon Frère :

    [Que] n’omblyez pas à m’y mectre !

           MESSIRE 64  JEHAN

    Nennin. Mais signez ceste lestre,

    Et puys me laissez faire, moy.

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           LE  BADIN 65  entre en chantant :   SCÈNE  III

125  C’est à ce joly moys de may

    Que toutes herbes renouvelles.

    Et vous présenteray, les belles,

    Entièrement le cœur de moy.66

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           TRÉTAULDE 67             SCÈNE  IV

    Aussy vray qu’i n’est c’une Loy,

130  J’ey entendu Jehan de Laigny !

    Je vous suply qu’i soyt pugny,

    Messire Jehan, s’il est possible.

           MESSIRE  JEHAN

    Uson de finesse paisible68.

    Que l’une de vo[u]s troys l’amuse69,

135  En parlant doulcement, de ruse ;

    Et [moy], j’escousteray de loing.

    Je vous servyray de tesmoing

    Au besoing, plus que ne font sis70.

           PÉRÈTE

    Aussy vous érez des mersis71,

140  Sy Dieu plaist, plus de quatre cens.

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           LE  BADIN 72              SCÈNE  V

    Sainct Jehan ! depuys les Innocens73

    Que je suys party de Rouen,

    Je fais [le] veu à sainct Ouen74

    Que je n’ay veu femme ne fille,

145  Quelle qu’el soyt, tant soyt habille

    Qu’il sont icy75 ! Très âprement,

    Voir je m’en voys bénignement76

    Trétaulde, Pérète et Olyve,

    Et faire le petit convyve77

150  Avec eulx78 gratieusement.

    Et puys pensez que l’instrument 79

    Y fauldra bien que l’on me preste.

           TRÉTAULDE,  en dèrière 80

    In Gen81 ! beau sire, sy je le preste,

    Que l’on me pende sans mercy !

           PÉRÈTE

155  Non pas moy.

           OLYVE

             [Et] ne moy aussy82.

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           LE  BADIN               SCÈNE  VI

    Dieu gard les belles sans soulcy !

           TRÉTAULDE,  en ruze.

    Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !

           LE  BADIN

    Vous est-il bien ?

           PÉRÈTE

                 Ouy, Dieu mercy !

           LE  BADIN

    Dieu gard les belles sans soulsy !

160  Tousjours seulètes ?

           OLYVE

                  Il est ainsy.

           LE  BADIN

    Joyeulx suys de vostre regard.

    Dieu gard les belles sans soulsy !

           LES  TROYS  ensemble

    Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !

           LE  BADIN

    Ma foy, je suys frapé du dard

165  D’Amours, tant de vous suys joyeulx.

           TRÉTAULDE

    En tout temps estes amoureulx ;

    Jamais ne vous en passerez ?

    (Mydieulx ! vous récompenserez

    Mon honneur, qui est difamé !)

           LE  BADIN

170  Ouy dea, je pence estre famé83

    Et renommé en tant de lieux.

    Sy vostre cœur est envyeux

    De chose qui soyt en ce monde,

    Je suys d’acord qu’on me confonde

175  Sy ne l’avez pour souhaiter84.

           TRÉTAULDE

    Y vous plaira me relater85

    La promesse que m’avez faict :

    Combien qu’il soyt gardé segret86,

    Avoir la veulx en ma mémoyre87.

           LE  BADIN

180  J’ey promys et promais encore

    Vous espouser je ne say quant.

           MESSIRE  JEHAN 88

    (Sainct Jehan ! vous vélà prins pour tant89 :

    Cétuy mot pas je n’omblyray.)

           PÉRÈTE

    Et quant esse que je seray

185  En honneur mise de par vous ?

           LE  BADIN

    Quant et90 Trétaulde.

           OLYVE

                 Et moy ?

           LE  BADIN

                        Et91 vous.

           TRÉTAULDE

    M’y deust-il couster trente soublz,

    Je vous éray ou vous m’érez !

           LE  BADIN

    Afin que le cas assurez92,

190  Alon, pour le temps advenir,

    Le fère93 un coup pour souvenir.

    Et puys la chère nous94 feron.

           MESSIRE  JEHAN 95

    Esse pas cy mon aulteron96,

    Dont j’ey sur luy lestre de prinse97 ?

195  Puysque j’ey sus vous la main myse,

    Parler vous viendrez à Monsieur98 !

           LE  BADIN

    Me prenez-vous pour transgresseur99 ?

    Estes-vous oficier100 du Roy ?

           MESSIRE  JEHAN

    Vous viendrez présent quant et moy101 !

200  Par Dieu j’en jure et jureray !

           LE  BADIN  loche 102 la teste

    Et ! par la vertu, non feray !

    J’ey comme toy une caboce103.

    Me pence-tu mener à force

    Aulx prisons ? Jen ! tu as beau nes104.

           MESSIRE  JEHAN

205  Pourtant y fault que vous venez

    Malgré vos dens et vostre cœur105.

           LE  BADIN

    Par la mort ! vous serez menteur106.

           MESSIRE  JEHAN

    Le deable m’enport ! non seray.

    Maintenant je te montreray

210  Que j’ey de te prendre licence107.

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           LE  JUGE 108              SCÈNE  VII

    J’ey entendu quelqu(e) un qui tence

    En blaphémant Dieu de sang meu109.

    Y fault sçavoir dont est esmeu

    Le débat de leur diférent110.

215  Car je n’ay amy ne parent,

    Pourveu que mon Dieu y blaphesme,

    Qu’en dure prison je n’enferme

    Long temps sans boyre que de l’eau !

           MESSIRE  JEHAN

    Monsieur, voyez cest estourneau

220  Qui pour le présent se rebelle.

    J’ey dessus luy plaincte formelle,

    Et ne vous veult pas obaïr.

           LE  BADIN

    Monsieur, y vous plaira ouÿr

    Comme c’est qu’il m’a voulu prendre

225  En lieu honneste sans m’entendre111.

    Je m’en croys aulx femmes de bien112.

           LE  JUGE

    En vos propos je n’entens rien.

    Dictes-moy que luy demandez.

           MESSIRE  JEHAN

    Monsieur, voulontiers. Atendez :

230  Examynez113 ces créatures,

    Puys vous voy(e)rez les escriptures114

    Que j’ey par procuration.

           LE  BADIN

    Je demande relation115

    De luy, qui se dict ma partye116.

           LE  JUGE

235  Ta harengue sera ouÿe

    Comme la sienne en cestuy lieu.

           MESSIRE  [JEHAN]  lict :

    « Françoys117, par la grâce de Dieu

    Roy de France, et cetera… »

           LE  BADIN

    On voi(e)ra bien que ce118 sera…

240  Monsieur, au moingtz, [qu’ayt les]119 despens.

    Et sy, qu’i demeure suspens120,

    S’y n’a du bien121 à sa maison.

           LE  JUGE

    On te fera toulte raison ;

    [Ay]es pacïence, mon amy.

           LE  BADIN

245  Je ne seray pas endormy,

    Sy je vous rencontre à la chaulde122.

           MESSIRE  JEHAN  lict :

    « Tout premièrement, j’ey Trétaulde,

    – Honneste fille et [fort] poulsyve123 –,

    Pérète Venez-tost, et Olyve,

250  Qui font sus Jehan de Laigny plainctes

    Et veulent que toutes contrainctes

    Souent124 faictes de luy par les villes :

    Car c’est un violleur de filles,

    Un abuseur, un séducteur,

255  Un babillard, vanteur, menteur,

    Qui promect de les espouser ;

    Et puys il les va abuser

    Et se moque d’eulx tous les jours.

    Pour avoir plus d’aide et secours

260  À faire [l’]information125,

    On passon procuration

    À messire Jehan Vir(e)linquin,

    Trop plus congnoissant c’un Turquin

    En lard 126 et sçavoir de pratique. »

           LE  BADIN

265  Monsieur, [ce poinct dessus]127 me pique,

    Et en ce mot-là je m’areste :

    Comment ! il est sergent, et prestre,

    Et procureur, et advocat ?

    Alez chanter Magnyficat128

270  À l’église, et [cy] vous tésez !

           MESSIRE  JEHAN

    Il a les filles abusés,

    Monsieur, de quoy c’est grand pityé.

           TRÉTAULDE

    Par sa méchante mauvestyé129,

    Y m’a faict telle comme telle130.

           PÉRÈTE

275  Et moy aussy.

           LE  BADIN

             A ! j’en apelle131,

    S’on me faict tort, au Gras132 Conseil ;

    Et là, [en mon hault]133 apareil,

    [J’oposeray de ce]134 procès.

           LE  JUGE

    Femmes, vous a-il faict excès

280  De vous presser oultre mesure ?

           LES  FEMMES  ensemble

    Ouy ! Ouy ! Ouy !

           LE  BADIN

               A ! nénin.

           MESSIRE  JEHAN

                  Monsieur, je jure

    Que sy a135 : c’est chose certaine.

           LE  BADIN

    Et j’ey faict vos fièbvres cartainnes !

    Alez, procureur mengereau136 !

285  Sang bieu ! vous estes maquereau

    De trèstoustes, je le soutiens !

           TRÉTAULDE

    Monsieur le Juge, je retiens

    Jehan de Lagny pour mon espoulx.

           PÉRÈTE  VENEZ-TOST

    Je le veulx avoir devant137 vous !

           OLYVE

290  Et moy, je l’aray la premyère !

           LE  JUGE

    Je n’entens à ceste matyère

    Nul propos, par le Dieu vyvant138 !

           LE  BADIN

    Monsieur, estre veulx poursuyvant

    Contre luy comme faulx taquin139.

295  C’est que ledict Virelinquin

    A plus de bruict [p]a[r]my les rus140

    Que jamais à ma vye je n’us,

    Dont je demandes intérest141.

           LE  JUGE

    Par qui esse qu’on le sérest142 ?

300  Rien n’a en cause qu’i ne prouve143.

           MESSIRE  JEHAN

    Monsieur, voyez comme il controuve

    À parler dessus mon estat144.

           LE  BADIN

    Je soutiens qu’il est apostat,

    Tesmoingtz les femmes que voécy.

           MESSIRE  JEHAN

305  Monsieur, je vous déclare aussy

    Qu’i veult toutes femmes séduyre.

           LE  JUGE

    Sav’ous145 quoy ? Y vous fault produyre

    Vostre procès avant ma main146

    Aujourd’uy, pource que demain,

310  J’en feray expédition.

           MESSIRE  JEHAN  produict 147

    Voélà la procuration

    D(e) Olive et [aussy] de Trétaulde,

    Et de Pérète la pétaulde148.

    Je ne plède poinct à faulx fret149.

           LE  BADIN  produict.

315  Moy, je produyray mainct brevet

    De vostre vye, et la légende150,

    Afin que le monde l’entende151.

    Monsieur, faictes[-en] la lecture

    Sans nous faire de forfaicture ;

320  Et qui a bon droict, sy le garde !

           LE  JUGE  lict :

    « Primo, cestuy que je regarde,

    Messire Jehan Virelinquin,

    Plus paillard que n’est un bouquin152.

    Un jour qu’il n’avoyt que deulx lyars153,

325  On l’envoya teurdre des hars154

    En la forest de Rouverey155. »

           MESSIRE  JEHAN

    Je luy nye !

           LE  BADIN

             Je le prouveray.

           MESSIRE  JEHAN

    Le deable en emport qui en ment !

           LE  BADIN

    Je m’en croys du tout156 au serment

330  De Trétaulde, la plus sensible.

           LE  JUGE  faict faire serment à Trétaulde.

    Par l’Évangille de la Bible,

    Nous direz-vous pas vérité

    De ce mot que j’ey récité157 ?

    Est-il mensonge, ou [est-il] vray ?

           TRÉTAULDE

335  C’est bien force que je diray

    Vérité, sy je la congnoys.

    Il y a envyron deulx moys

    Que messire Jehan Vir(e)linquin

    Vint descouvrir son manequin158

340  Sans marabès159 ne sans teston.

    Mais il laissa le hoqueton160

    Et gaignyst chemin161 o plus tost.

           LE  JUGE 162

    Or çà, Pérète Venez-tost,

    Dictes-en ce que vous sçavez.

           MESSIRE  JEHAN

345  Et ! comment, Monsieur ? Vous rêvez !

    Qu’esse qu’el séroyt de moy dire ?

           LE  BADIN 163

    Monsieur, ne me veuillez desdire.

    Laissez-la, Vir(e)linquin, [parler] ;

    Y fault Pérète examyner,

350  Ou que dannée [el] soyt au deable !

           LE  JUGE

    Or me faictes serment valable164,

    Pérète, et vous despeschez !

           PÉRÈTE

    Il est vray que ces jours passés,

    Aulx Troys Mores 165 (ou Morequin)

355  Vint messire Je[ha]n Vir(e)linquin

    Pour une fille desbaucher.

    Quant ce vint à se rechausser166,

    Y dict qu’il n’avoyt grand blanc nul167.

    Lors luy convint ouvrir le cul168

360  Au plus tost, et gaigner les boys169.

           LE  BADIN

    Ouvrir le cul170 ?! Vray Roy des roys !

    Vrayment, il le faisoyt beau voir !

           LE  JUGE

    Or çà, or çà ! Il fault sçavoir

    S’Olive en a rien retenu :

365  Çà, Olyve, le contenu

    Des sermens qu’avez ouÿ faire171 !

    Y ne fault poinct que l’on172 difère,

    Sur paine de dannation.

           OLIVE

    Un peu devant l’Ascention173,

370  Auprès des chambres Hamelin174

    Vint à moy monsieur Vir(e)linquin

    En me disant :

               « La belle fille,

    J’aperçoy que vostre quoquille

    A bien métier175 de resserrer. »

           LE  BADIN

375  Et vous voulez considérer

    Que s’elle tumboyt, d’avanture,

    Que ce seroyt double enfouture176 ;

    Par quoy vous le lessâtes faire.

           OLYVE

    Il est vray.

           LE  BADIN

            Or177, veu la matière,

380  Monsieur, ordonnez la sentence.

           LE  JUGE

    Quant au faict de vo[u]s deulx je pence,

    Jehan de Lagny et Vir(e)linquin,

    Tous deulx ne valez178 un coquin,

    [D’où qu’on]179 doyve de vous parler.

385  Jehan de Lagny s’en doibt aler

    Franc et quicte avec ses despens.

    Et Vir(e)linquin sera suspens180

    De ses faultes, deisjà prescrites181.

           OLIVE 182

    Veu les parolles que vous dictes,

390  Il doibt avoir pugnition ;

    Ou faire restitution183

    À Jehan de Lagny, sa partye.

           LE  JUGE

    Et bien, qu’il ayt une partye

    De sa génitoyre coupée.

           [MESSIRE  JEHAN] 184

395  [Las !] fault-il qu’el soyt départye185 ?

           LE  BADIN

    Ouy, Vir(e)linquin, unne partye.

           [PÉRÈTE]

    Voécy térible départye186,

    Qu’il l’ayt187 en ce poinct découpée188 !

           LE  BADIN

    Y fault qu’il ayt une partye

400  De sa génitore coupp[é]e.

           TRÉTAULDE

    Il payera de tous la soupée189

    Pour faire nostre apoinctement190.

.

    Seigneurs, regardez bien comment

    Jehan de Lagny a sy bien faict

405  Qu’il est exemp191 de son méfaict.

    L’autre, qui n’estoyt ocuppé192,

    A esté de vice achoppé193.

    Comme on pugnyst en tous cartiers

    De plusieurs gens entremetiers 194

410  De quoy on a la congnoissance,

    Aussy, je diroys volontiers

    Un mot ou deulx, voi(e)re le tiers195 :

    De fol juge, brèfve sentence196.

    Une chanson pour récompence !

.

                  FINIS

*

1 Par dérision, le duc de Parme, Alexandre Farnèse, sera lui-même surnommé Jean de Lagny après avoir conquis provisoirement cette ville en 1590. Ce qui nous valut un nouveau proverbe : « Jean prist Lagny, et Lagny Jean. » Satyre Ménippée.   2 « Tu m’as bien bourdonnée,/ Tu t’es rompu le fillet./ Tu m’as ouvert le guichet ;/ La mouche y est entrée. » B. Jeffery, Chanson verse of the early Renaissance, t. I, p. 118.   3 C’est le nom d’une vieille maquerelle dans une autre farce du ms. La Vallière, les Brus.   4 Dans l’Enqueste, de Guillaume Coquillart, une prostituée se nomme Olive de Gatte-fatras.   5 La chanson Perrette, venez tost est signalée par Noël Du Fail en 1547 (Propos rustiques, VI). Une autre farce du ms. La Vallière, Frère Phillebert, donne par erreur le nom de Perrette Venez-tost à Perrette Povre-garce, à qui il faut d’urgence un « chose qui se dresse ».   6 Les trois femmes ne se connaissent pas. Elles se rencontrent sur une place de Rouen, et découvrent qu’elles cherchent le même homme.   7 À Troyes. Plusieurs communes de l’actuel Calvados ont pour nom Magny.   8 Le Normand Enguerrand de Margny (ou Marigny) avait été pendu en 1315 après un procès à charge ; en Normandie, cette injustice avait marqué les esprits durablement.   9 LV : sans cesse  (Une finesse est une ruse, comme à 133.)   10 LV : de la guyne  (Enginer = tromper, séduire. « Yl la vouleyt à sa volenté avèr, ou par promesse ou par don engyner, ou par force ravyr. » Godefroy.)  Jeu de mots sur enguinner [engainer, pénétrer] : « Roydement (il) l’enguinna & accomplit son désir. » Les Joyeuses adventures.   11 Confusion entre la herse et l’esse, qui est un crochet de boucher. (Idem vers 101.) Dessous, LV fait répéter à Trétaude les vers 7 et 8.   12 D’après ce que je vois.   13 Il s’est couché sur vous. Mais aussi : Il vous a aplatie (allusion impertinente au fait que Trétaude est obèse). Pour la rime, on pourrait lire : il vous a mise en perce (comme une barrique).   14 À la renverse. Cf. Frère Phillebert, vers 76.   15 Trogne, figure bouffie.   16 LV : tretaulde  (Inconnu en tant que substantif.)  « De ceste courtaude fessue. » J.-A. de Baïf.   17 J’aurai la jouissance. « De l’ostesse avoir la coppie. » (G. Coquillart.) La copie est aussi l’abondance : « En grande copie ou habondance. » (ATILF.) Trétaude est visiblement très grosse.   18 Extrait de la chanson Perrette, venez tost (note 5). Ce refrain est donc chanté, comme les autres emprunts distillés par Trétaude, qui se venge du vers 20.   19 LV : amy  (Enmi = parmi, mais le vers est trop court. Je fais la même correction à 296.)  L’auteur, qui adore les chansons, connaissait forcément Quant je vous voy parmy les rues (1505).   20 LV : peur  (Il s’en fallut de peu que je ne meure. « À peu que n’en ay encouru/ La mort. » Le Poulier.)  Enda est un juron féminin. Cf. Frère Guillebert, vers 112 et 149.   21 LV : de fere   22 LV : chantant  (1er mot du vers suivant.)  Notre farce est associée au répertoire des Conards de Rouen, qui se présentaient comme les suppôts de leur abbé. « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » (Triomphes de l’Abbaye des Conards.) Certains jours de l’année, ils sortaient déguisés en Sots, et passaient en revue les scandales de Rouen. « On devisoit mainte sornette/ Plus estimée de noz Sotz/ Que d’ung advocat la cornette. » (Triomphes…)   23 Cette interjection revient dans beaucoup de chansons normandes : « Gay ! gay, ma mère !/ J’ay de l’argent pour bère. » La chose a une acception phallique : cf. le Prince et les deux Sotz, vers 102.   24 LV : nous   25 Ni trêve.   26 LV : en ensuyue   27 Vers manquant. « La belle fille » est un extrait de la chanson qui s’en prenait à Olive, dont on rajuste la « coquille* » en tapant dessus. Il en est encore question aux vers 372-378.  *« Une belle fille/ Fait souvent fourbir sa coquille. » Digeste Vieille.   28 LV : champs  (Dans leurs chansons.)  Les enfants qui « vont à la moutarde » s’attroupent aux carrefours et chantent des couplets qui dénoncent les nouveaux scandales de la ville.   29 Vous chansonnent.   30 Que nous le cherchions (normandisme). Voir le vers 80.   31 Si je ne prouve pas sa méchanceté.   32 Une condition, une remarque. Cf. Frère frappart, vers 67.   33 Rime manquante. « Mais j’y ay fait mes escolliers/ Taire tout coy. » Serre-porte.   34 Ce maudit gueux. « Narquin (…), qui signifie mandian, contrefaisant le soldat détroussé. » Laurens Bouchel.   35 Le nom de ce prêtre paillard fait penser au virebrequin [pénis] : « Le virebrequin de maistre Aliborum. » (Chansons folastres.) L’auteur a commis une maladresse en le prénommant Jehan, comme Lagny.   36 Ne tardez pas.   37 Vous portez-vous bien ? Idem vers 158.   38 LV : un oyee  (Le copiste du ms. La Vallière, qui ne brille pas par son intelligence, croit que la rime -oyee transcrit la prononciation normande -oé. Ailleurs, je corrige tacitement.)   39 LV : vous voesy  (Que je vois ici un grand nombre.)   40 Un peu.   41 Aussi réel que le soleil.   42 Nous vous paierons. Et plutôt « en chair qu’en argent », comme le procureur du Balet des Andouilles l’exige des dames.   43 Ces deux villes ne sont là que pour la rime.   44 Faites-le assigner en justice. Cf. les Povres deables, vers 42.   45 LV : ou siter  (Dénoncer publiquement. « Les préconizacions avoient esté faites à oÿe de parroesse solempnement. » ATILF.)   46 Qu’il mange la poire d’angoisse [instrument de torture qui écarte les mâchoires]. « Mengier d’angoisse mainte poire. » François Villon.   47 Même s’il faisait partie des chevaliers fantômes de la « maisnie Hannequin » (ou Hellequin). Voir le Roman de Fauvel.   48 LV : chase  (Même s’il était caché sous les nuages ; ou sous les femmes nues…)   49 À l’oreille du prêtre, pour que les « ribaudes » n’entendent pas.   50 Notre exploit, notre acte d’assignation. Cf. Lucas Sergent, vers 241. Comme tous les clercs, le prêtre porte une écritoire pendue à sa ceinture. Voir Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire pour mettre en escript tous ceulx qu’il y tuera.   51 LV : monsieur   52 Visiblement, le prêtre connaît la chanson gaillarde qui met en scène Trétaude.   53 Qu’aucun oubli ne vienne empêcher qu’il ne comparaisse au tribunal.   54 À l’oreille du prêtre.   55 LV : ost  (Il aura la prison pour récompense.)   56 J’ai pour nom.   57 Que vous ne l’oubliiez pas.   58 Ni lui, ni tous ses alliés.   59 Ne valent pas le bois pour les brûler.   60 Que je dois dire au préalable.   61 Sa moquerie.   62 LV : se seroyt pas  (Il ne pourra pas me révoquer.)   63 De comparaître.   64 LV : monsieur   65 Jehan de Lagny est typiquement un rôle de Badin, de demi-sot. Voir la notice de Troys Galans et un Badin.   66 Chanson normande tirée du ms. de Bayeux : « C’est à ce jolly moys de may,/ Que toute chose renouvelle,/ Et que je vous présentay, belle,/ Entièrement le cueur de moy. » L’Église chante ce couplet au début d’une Moralité à troys personnages du ms. La Vallière (LV 23).   67 Les femmes et le prêtre sont de l’autre côté de l’estrade, et ne voient pas encore Lagny.   68 LV : posible  (L’encre est très effacée. En 1837, Le Roux de Lincy et F. Michel ont lu posible, mais ce mot est à la rime.)  Usons d’une ruse qui endormira sa méfiance.   69 Le trompe par ruse.   70 Mon témoignage en vaudra six. Le prêtre se cache à proximité.   71 Vous aurez des remerciements.   72 Il aperçoit les trois femmes.   73 Depuis la fête des Saints-Innocents, le 28 décembre. C’est aussi le jour de la Fête des Fous, où les Conards de Rouen se déchaînent.   74 Ce saint rime presque toujours avec Rouen, où il fut évêque. Cf. le Tesmoing, vers 207.   75 LV : ne sy  (Aussi habile au jeu de l’amour qu’elles le sont ici.)  Âprement = vivement. « Chevauchons asprement ! » ATILF.   76 Je m’en vais voir courtoisement.   77 Un banquet. « Ledit grant Turcq luy fist ung grand disner et convive. » Godefroy.   78 Avec elles. Les trois femmes sont jouées par des hommes, et l’auteur s’en amuse encore aux vers 55, 146 et 258.   79 Leur sexe. « L’official condamna la pauvre fille à prester son beau et joly instrument à son mary pour y besongner. » Bonaventure Des Périers.   80 En aparté.   81 Abréviation normande de « par saint Jean ! ». Elle est encore réduite à « Jen » au vers 204.   82 Perrette et Olive aimeraient bien prêter de nouveau leur « instrument » à Lagny.   83 Réputé.   84 Selon votre souhait.   85 Vous trouverez bon de me rappeler.   86 Bien qu’elle soit secrète.   87 Les Normands prononçaient mémore, comme ils prononçaient génitore au vers 400. Cf. le Bateleur, vers 159-160.   88 Toujours caché, il note l’aveu de Lagny.   89 Pour ce que vous venez de dire.   90 En même temps que. Nous avons là 3 rimes en -ous, dont les deux premières sont identiques.   91 LV : quant  (Vous aussi.)  Lagny compte donc épouser trois femmes le même jour et devant le même curé.   92 Afin de sceller nos fiançailles. Sur cette tradition populaire, voir la note 18 du Tesmoing.   93 Faire l’amour. « Ung jeune fils qui se fiança,/ À sa fiancée emprunta/ Ung coup sur le temps advenir. » Sermon joyeux d’un Fiancé.   94 LV : on  (Et puis nous banquetterons.)  « –Dînerons-nous, ma chère, ou si nous le ferons ?/ –Tout comme il vous plaira (dit-elle)./ Et puis après, nous dînerons. » Henri Pajon.   95 Voyant que ses trois clientes sont sur le point de céder, Virelinquin jaillit de sa cachette et empoigne Lagny.   96 En Normandie, un aoûteron est un journalier qui moissonne sur les terres des autres. « Vous estes un bon aulteron ! » Le Gallant quy a faict le coup.   97 Une lettre de prise de corps.   98 Au juge.   99 Pour un homme qui transgresse les lois.   100 Un sergent.   101 Avec moi.   102 Secoue négativement.   103 Une caboche, une tête de mule.   104 Tu as le nez rouge : tu as bu.   105 Malgré vous et à contrecœur.   106 Votre injonction ne sera pas vraie.   107 La permission.   108 Habillé en juge, il passe là par hasard (comme tous les autres intervenants), et se dirige vers les chicaneurs.   109 En ayant le sang ému par la colère. Naturellement, le blasphémateur n’est autre que le prêtre.   110 D’où est né leur différend.   111 LV : me prendre  (Sans écouter ma défense.)   112 Je m’en rapporte à ces trois femmes.   113 Interrogez. (Idem vers 349.) Le mot créature désigne souvent une prostituée.   114 Les documents.   115 Le rapport où mes faits délictueux sont relatés. Cf. le Tesmoing, vers 63.   116 Ma partie adverse. Idem vers 392.   117 En 1515, François Ier venait d’accéder au trône.   118 LV : se  (Ce que Virelinquin va dire.)  Sous-entendu politique : On verra bien ce que sera le règne de ce nouveau roi.   119 LV : que ies  (Que Virelinquin paye les frais de justice.)   120 Et même, qu’il soit suspendu de son ministère. On voit qu’il s’agit d’une pièce de Carnaval : un juge civil n’avait pas le droit de juger un clerc, qui relevait de la cour d’Église.   121 De l’argent pour payer les dépens.   122 Dans le feu de l’action, très bientôt.   123 Poussive : Trétaude est obèse (notes 13 et 17).   124 Soient.   125 L’instruction, l’enquête.   126 En l’art judiciaire. La gestuelle du comédien devait mettre en valeur la graphie « lard » du ms., laquelle ironise sur l’embonpoint du prêtre (vers 69), et sur les Turcs qui ne mangent pas de lard. Jadis, on disait à la Comédie française que le maquillage de Cyrano était un effet de l’art (un nez fait de lard).   127 LV : desus se poinct  (Le point ci-dessus me chiffonne.)   128 « L’Abbé (des Conards), estant en son pontificat,/ Après avoir chanté Magnificat,/ Fait à sçavoir à ses joyeux supposts,/ Autres aussi aimans vuider les pots. » Triomphes…   129 Mauvaiseté, déloyauté.   130 Telle que je suis. Grosse et délurée ?   131 J’interjette un appel.   132 LV : grand  (Au « Gras Conseil des Conardz ». Triomphes…)  « Sçavoir faisons qu’avec le Gras Conseil/ Avons, ces jours, faict édict nompareil/ Pour abolir la longueur des procès. » (Ibid.) Cf. les Veaux, vers 32 et 48.   133 LV : un nouueau  (En tenue d’apparat. « Le grandissime, magnifiquissime et potentissime sieur Abbé, accoustré en son haut appareil. » Triomphes…)   134 LV : je imposeray de  (Je ferai opposition. « Pour plaidier ne pour opposer. » ATILF.)   135 Qu’il l’a fait.   136 Pillard.   137 Avant.   138 L’ennemi des blasphémateurs (vers 211-218) se met à jurer le nom de Dieu.   139 Parce qu’il est un sournois coquin. Cf. les Mal contentes, vers 108. « Et luy, avecques ce coquin (…)/ Et ne sçay quel aultre tacquin,/ Se promenoyent. » ATILF.   140 A plus de mauvaise réputation dans la rue. Voir la note 19.   141 Des dommages et intérêts.   142 Qu’on le saurait, qu’on pourrait le savoir.   143 Il n’y a rien dans la cause qu’il ne prouve.   144 Comme il invente des calomnies sur mon état de prêtrise.   145 Savez-vous (normandisme). Cf. le Poulier, vers 409 et 520.   146 Préalablement.   147 Il donne son papier au juge.   148 La péteuse. « Mouflarde [joufflue], pétaude fessue ! » Lacurne.   149 « On appelle faux frais toutes les menues despenses qu’on est obligé de faire. » Furetière.   150 Leur explication. Comme par hasard, Lagny a tous les papiers dans sa poche.   151 La comprenne.   152 Un vieux bouc.   153 2 liards, 2 piécettes : ce n’était pas suffisant pour payer la prostituée. « On n’excommuniera point, au prosne,/ Ceux qui “hocheront” sans argent,/ S’ils n’ont le vit plus long qu’une aulne. » La Grande et véritable pronostication des cons sauvages (…) nouvellement imprimée par l’autorité de l’Abbé des Conars.   154 Tresser des harts, des cordes. « On ne pourroit sèche hart tordre. » Proverbe.   155 La forêt du Rouvray, au sud de Rouen, était infestée de brigands qui ficelaient leurs victimes à des arbres, quand ils ne les y pendaient pas purement et simplement. Rue Eau-de-Robec, on peut encore voir l’ex-voto d’un drapier qui fut dépouillé par ces brigands, et qui dut la vie à son cheval, parti chercher du secours.   156 Je m’en remets totalement.   157 Au sujet du passage que je viens de lire.   158 LV : maroquin  (Vint découvrir son pénis à une de mes pensionnaires. « Que nous fissions, vous et moy, un transon de chère lie, jouans des manequins à basses marches. » Pantagruel, 21.)   159 Sans avoir un seul maravédis [monnaie espagnole]. Le teston est une petite pièce d’argent. Dans les Brus, la maquerelle Trétaulde refuse de louer ses pensionnaires aux hommes d’Église s’ils ne paient pas d’avance.   160 Son corset, en gage.   161 Prit la route, s’enfuit.   162 LV met sur la même ligne, plus loin : greffier   163 Il s’adresse d’abord au juge, puis à Virelinquin.   164 LV : saluable  (Le serment valable prend Dieu à témoin. « Si, par serment vallable, & sans y estre forcé, il leur promet cent escus. » Jacques Jacquet.)   165 Hôtel borgne sis rue Beauvoisine, à Rouen. Morequin aurait pu désigner le Petit More, un jeu de paume assez mal fréquenté.   166 LV : deschauser  (Quand il remit son haut-de-chausses, son pantalon.)   167 Aucune pièce de monnaie. Le grand blanc est le salaire des prostituées de bas étage. « Ung beau grand blanc –qui n’est pas trop grant somme–/ Fist le marché. » Les Sept marchans de Naples.   168 Faire la révérence. « S’il advient que quelqu’un entre (…),/ La révérence à cul ouvert/ Je fais. » (Chambrière à louer, à tout faire.) « Elle fit une révérence à cul ouvert à la compagnie. » (Charles Sorel.)   169 La forêt du Rouvray (vers 326).   170 Lagny feint de prendre cette expression au pied de la lettre.   171 Prononcez le serment que vos deux compagnes ont prononcé aux vers 331 et 351.   172 LV : nous  (Que vous fassiez un serment différent.)   173 LV : la sention  (C’est à des fautes de ce genre qu’on évalue le niveau d’un copiste…)   174 Auberge que les Triomphes de l’abbaye des Conards nomment le « trou Hamelin ». Les trous sont des lieux mal famés : les Rouennais fréquentaient aussi « le Grand Grédil, qu’on dit le trou ». (Montaiglon, XI, 75.) Paris avait « le trou de la Pomme-de-Pin ». (Villon.)   175 Besoin. Pour cette référence à une chanson qui se moquait d’Olive, v. la note 27.   176 Que vous seriez doublement foutue pour que votre coquille soit remise en place.   177 LV : on   178 LV : valent  (L’expression exacte est : ne pas valoir un sequin.)   179 LV : dont on  (D’où qu’on se place pour parler de vous.)   180 Aura un sursis.   181 LV : predites  (Prescrites : annulées parce qu’il y a prescription.)   182 LV : le greffier  (Voir la note 162.)  Il est inconcevable qu’on introduise un nouveau personnage – absent de la liste initiale – pour déclamer 4 vers. La très mauvaise édition de 1837 attribue les vers 396-398 à ce greffier inexistant. Tout ce passage est confus.   183 Il doit restituer les trois femmes.   184 LV : tretaulde  (Au vers 396, Lagny répond à Virelinquin.)  Les refrains de ce triolet ne sont même pas identiques !   185 Partagée en deux. On veut lui enlever un testicule ; dans beaucoup de fabliaux et de nouvelles, les moines paillards perdent les deux.   186 Division, amputation.   187 LV : est   188 LV : ocupe  (Découper : trancher chirurgicalement.)   189 Le souper.   190 Pour que nous fassions la paix avec lui.   191 Acquitté.   192 Qui n’était pas concerné par cette affaire.   193 Pris.   194 Qui se mêlent des affaires des autres.   195 Et même un troisième.   196 Sentence immédiate. « Sage est le juge qui escoute, & tard juge ; car de fol juge, brièfve sentence. » Anthoine Loisel.

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