LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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Cette farce, tout comme celle des Drois de la Porte Bodés, traite un sujet aussi peu théâtral que possible : le concours de silence. Dans ces deux pièces, le mari est savetier.
L’œuvre n’est pas imputable à un écrivain mais, selon toute vraisemblance, à une troupe de comédiens picards. Ces joyeux drilles n’ont aucun sens de la versification (les rimes sont fausses, la diérèse n’est presque jamais prise en compte), mais leur efficacité visuelle est redoutable.
Source : Recueil du British Museum, nº 30. La farce fut publiée vers 1550 à Paris, chez Nicolas Chrétien, après avoir circulé pendant un demi-siècle. Dans ce recueil, deux autres farces de chaudronniers encadrent celle-ci : les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, et surtout Te rogamus audi nos, qui oppose également un chaudronnier à un savetier, et qui fait aussi l’éloge des tavernes.
Structure : Rimes abab/bcbc et rimes plates, envahies par des vers improvisés. 1 triolet incomplet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne et fort
joyeuse à troys personnages
d’un Chauldronnier
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C’est assavoir :
L’HOMME [Guillemin]
LA FEMME
et LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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L’HOMME commence [en chantant] 1 SCÈNE I
Il estoit un [bon] homme
Qui charioit fagotz.2
LA FEMME
Cestuy sa este[s-]vous3, par sainct Cosme !
Le plus sot [estes] des plus4 sotz.
L’HOMME
5 A ! ma femme, [qu’est-ce que j’os]5 ?
Vous me voulez suppéditer6 ?
LA FEMME
Et ! par mon âme, Jehan du Bos7 :
Denier8 n’avez, ne [mol lit clos]9 ;
Et se10, voulez tousjours chanter.
L’HOMME
10 Ne vault-il point mieulx d’enchanter11
Que d’engendrer mélencolye ?
LA FEMME
Il se vauldroit mieulx consoler
À rabob(e)liner12 voz soulliers
Que de penser à tel13 follye.
L’HOMME
15 Et ! vous voylà bien empeschye14.
LA FEMME
Et ! se suis mon15, sainct Coquilbault !
L’HOMME [en chantant]
[Quand sera mariée] no16 truye,
[Vous en aurez un neuf chappeau.]
LA FEMME
Maubecq17 !
L’HOMME
En18 ?
LA FEMME
Bren !
L’HOMME
À vo(z) menton19 !
20 Mais avez ouÿ l’orderon20,
Comment elle est bien gracieuse ?
LA FEMME
Mais avez[-vous] ouÿ l’oyson21,
Comment d’une [sotte] chanson
Nous fait la notte mélodieuse ?
L’HOMME
25 Ma foy, je cuide qu’elle est envyeuse
Quand elle m(e) oyt si bien chanter.
LA FEMME
[Envyeuse ?] Mais22 en[n]uyeuse
D(e) ouÿr vostre teste glorieuse,
Comme un asne [gris], ricanner23 !
30 Quand no(z) truye veult porceler24
Et qu’elle grongne en son estable,
Sa chanson est aussi notable
Que la vostre, ny peu, ny main25.
L’HOMME [en chantant]
A ! c’est bien dit, Hannin.26
LA FEMME [en frappant]
35 Et [tien27] ! C’est bien dit, Guillemin ?
L’HOMME
Quant28 frappez, ne vous faindez point.
LA FEMME
Nostre Dame, non !
L’HOMME
[En mon poing29]
Si j’empoigne un [bon gros] baston,
Je vous feray parler plus bas !
LA FEMME
40 Qui, toy, [pauvre petit] poupon30 ?
Je te crain bien, pauvre chappon31,
Ou chiabrena32 au pourpoint gras33 !
L’HOMME
Pourpoint gras ? Et vous, dame orda34,
On vous appelle giroffla35.
LA FEMME
45 Et vous, galiffre de Banda36.
L’HOMME
Vous fleurez37 tout le muglia.
LA FEMME
Et vous, la saulce moustarda38.
L’HOMME
Nice39 !
LA FEMME
Mignon40 !
L’HOMME
Notrée41 !
LA FEMME
Mouton42 ! En frappant.
L’HOMME
M’as-tu frappé, vieille [es]dantée43 ?
50 Tien ! [tien ! Happe] ceste testée44 !
LA FEMME
Happe ce baston !
L’HOMME
Et ce bourdon45 !
Me vouldroit-elle subvertir46 ?
Rendz-toy !
LA FEMME
Non f(e)ray, pour y mourir47 !
L’HOMME
Sainct Mort48, voicy dure passion !
55 Par sainct Copin49 ! je suis tanné.
LA FEMME
Victoire et domination !
Et bonnet50 aux femmes soit donné !
L’HOMME
[Et ! pour moy et pour toy51], quel blasme !
Encores est-il plus infâme,
60 Qui se joue[roit] à ton caquet52.
LA FEMME
Victoire aux femmes ! Et ! dehet53 !
[En toutes choses je vous passe.]54
L’HOMME
Non pas en tout.
LA FEMME
Et à quoy donc sera-ce ?
À caquetter, ou à mal dire55 ?
65 Par l’âme de moy, validire56 !
Je ne crain femme [à deviser]57,
À caqueter ny à playdier58.
L’HOMME
De cela, je ne m’y [re]myre59 :
Femme le gaigne60 à caqueter.
70 Vous verriez plustost Lucifer
Devenir ange salutaire
Qu(e) une femme eust un peu de repos,
Et soy taire ou tenir propos61.
LA FEMME
…………………………. 62
Voire, par bieu, teste d’osière63 !
L’HOMME
75 Quoy ! sans remouvoir la testière64 ?
LA FEMME
Ny [mesme] lèbvre ny paupière.
L’HOMME
Je gaige65 deux patars, [ de vray,
Que point vous ne vous pourrez taire. ]
Et moy-mesme ne66 deviseray.
LA FEMME
80 Sainct Mort ! [moy-mesme] non feray,
Car tousjours maistresse seray67.
L’HOMME
[Or] dictes donques68.
LA FEMME
En cest estre69
Vous demourrez [une heure] assis
Sans parler à clerc ny à prebstre
85 Non plus que faict ung crucifix.
Et moy, qui me tais bien envys70,
[Croyez bien que se je m’y metz,]71
Je tiendray mieulx [une heure] en paix
Qu(e) ung clistoire72.
L’HOMME
Vélà beaulx dictz73 !
90 Qui perdera74, dam[né]e cervelle,
Il paye[r]a [coupe à la]75 Payelle.
LA FEMME
[Mèshuy76, plus un] mot ! Sans ciller77 !
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LE CHAUDRONNIER 78 SCÈNE II
Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
Qui veult ses poyelles79 reffaire ?
95 Il est heure d’aler crier :
[Chaudronnier !] Chaudron ! Chaudronnier !
Seigneurs, je suis si bon ouvrier
Que, pour un trou, je sçay deulx faire80.
[ Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
100 Qui veult ses poyelles reffaire ? ]
Où esse81 que je me dois retraire ?
Qu’esse icy ? Voicy ung ouvrier82.
Hau là, hau !… N’y a-il nully83 ?
A ! si a, dea : [deux en voicy]84.
105 Dieu gard [la belle85] damoyselle !
N’avez[-vous] chaudron à reffaire86 ?…
[Vous fault-il point une cueillère ?…]87
M’entendez-vous ?… Hau, damoyselle,
Parlez à nous !… (Est-elle sourde,
110 [Ou bien muette88], ou s’elle e[s]t lourde,
Me regardant entre deux yeulx ?)
Hau, damoyselle !… (Semidieux89 !
Je cuide qu’el(le) soit incensée,
Et vous aussi, doulce pensée.90)
115 Maistre : n’avez[-vous nul] chaudron
À rabob(e)liner ?… Hau, patron !
Estes-vous sourt91, muet ou sot ?…
(Par la char bieu ! il ne dit mot ;
Et se, [m’esroulle ses]92 deux yeulx.
120 Mais je regnie mes oustieulx93
Se je [ne] luy ouvre la bouche !)
Hau, Jénin, conquétît[es-vous]94 mouche ?
Faictes-vous cy du président95 ?…
(Il ne remue lèbvre ne dent.
125 Ce semble, à [le] veoir, un ymage96.
Un sainct Nicolas de village97
Nous en ferons, ou un sainct Cosme.)
Ha, vous serez sainct Pere98 de Rome :
Vous aurez la barbe de fain99,
130 Et puis quelque chose(s) en vo(z) main.
Et si, voicy vo(z) deasdesme100.
Et pour une croce101 de mesme,
Ceste belle cueillère102 aurez.
Et en l’autre main, porterez,
135 Au lieu d’un livre, un103 pot pissoir.
Mon Dieu, qu’i le fera beau veoir !
Car c’est un trèsgracieulx sire.
Benoist sainct104, gardez-vous de rire :
Le Miracle105 seroit gasté.
140 Affin qu’i soit mieulx regardé,
Paindre luy veulx — de mes deux pattes
Qui sont si douillet[te]s et délicates —
Son doulx et précieulx museau106.
A ! mon [doulx] Dieu, qu’il sera beau !
145 « Sainct Coquibault, je vous adore107 ! »
(Mais que dyable ont-il en la gorge108 ?
Il ne se remuent109 point un grain.)
Hau ! damoyselle [au cueur haultain] 110,
Qui estes icy si propette111 :
150 Dieu vous y sache, ma brunette !
Et ! je vous prie, ma godinette112,
Qu(e) un petit [vous] parlez à my113 ;
Et si, m’appellez vostre amy
En souriant… Vous114 voicy fière !
155 (La chair bieu ! je vous feray faire115,
L’un ou l’autre, comme il me semble.
A ! par mon âme, elle ressemble
À Vénus, déesse d’Amour[s] :
Quel musequin116 ! Dieu, quel rebours117 !)
160 M’amye, [souffrez] que je vous flatte118 :
Vous avez la chair119 délicate ;
Et si, estes patiente et doulce.
(Elle souffre que je la touche
Plaisamment du [bout de]120 mon nez.)
165 Par bieu ! mon musequin, prenez121 :
Baiser vous vueil et acoller.
L’HOMME 122
Le dyable te puist emporter,
Truant paillart !
LE CHAUDRONNIER
À my123 ! Ma teste !
Il m’a tué.
L’HOMME
[ J’en ay grand feste.
170 Sainct Jehan, ]124 encore(s) en auras-tu !
LA FEMME
Tredame125 ! vous avez perdu,
[Car] je suis demourée maistresse.
L’HOMME
Et ! viens çà, viens [çà], larronnesse126 !
[Doit-il ton « chauldron » escurer ?]127
175 Pourquoy te laisses-tu baiser
D’un tel truant paillard [parjure128] ?
LA FEMME
Et ! [c’est] pour gaigner la gajeure.
Eussay-je, par impatience129,
Perdu la gajeure ? C’est bien dit, [quand j’y pense] !
L’HOMME
180 Il est vray. Allons boire !
LA FEMME
Allon(s) !
Mais j’ordonne, comme [est raison]130,
Que le chaudronnier y viendra.
L’HOMME
Par l’âme de moy ! non fera.
LA FEMME
Par l’âme de moy ! si fera,
185 Quelque jaloux que vous soyez !
L’HOMME
Puisqu’ainsi est, [o nous131] venez !
Mais du baiser vous astenez132 !
LE CHAUDRONNIER
J’ay tout eu mes os fouldroyéz.
Mes bonnes gens qui nous voyez133 :
190 Venez, de la gajeure, boire !
Et annoncez et retenez
Que les femmes que vous sçavez
Ont gaigné le pris.
LA FEMME
Dame, voire !
L’HOMME
Allons jouer de la mâchouère
195 Et à l’hostel134 croquer la pye.
Venez-y tous, je vous emprie !
Et [vous] partirez, sus et jus135,
De deux potz de vin, qui seront deuz136.
Et prenez en gré, sus et jus !
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FIN
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1 Les savetiers rythment leur travail en chantant, ce que leur épouse ne supporte pas : « Mon mary va tousjours chantant,/ Et n’a soucy de prendre peine. » Le Savetier Audin. 2 « Il estoit ung bon homme qui charioit fagot./ Il avoit une fille qu’on appelloit Margot. » Il ne faut pas confondre cette chanson de Petit Jan avec une autre, anonyme, qui dit : « Il estoit ung bon homme/ Qui venoit de Lion. » 3 Vous êtes celui-là ! L’épouse insinue que son mari porte sur sa tête un fagot, c.-à-d. une ramure de cornes. 4 En Picardie, « plus » se prononçait « pu ». (René Debrie, Dictionnaire du moyen picard, p. 327.) Les spectateurs entendaient donc : le puceau des puceaux. 5 BM : a ce que ie voy (Qu’est-ce que j’entends ? Cf. Lucas Sergent, vers 295.) 6 Fouler aux pieds. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 76. 7 Le mari se nomme Guillemin <v. 35>. Mais en picard, un « Jan » est un cocu, et le « bos » désigne les bois qu’un cerf porte sur sa tête. Ce vers, qui nuit au schéma abab/bcbc, est l’un des nombreux vers improvisés que j’évoque dans ma notice. 8 BM : Argent (« Vous n’avez denier ne maille. » Farce de Pathelin.) Commencer ce vers par un D permet de rétablir l’acrostiche CLAUDE, qui signe la farce. À propos de ces signatures en acrostiche au début des pièces, voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat. 9 BM : motz lauos (Le lit mou et bien fermé passe pour le summum du confort. « Couché en ung lit plain de feurre [paille]/ Aussi molet que le beau lin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) 10 Et pourtant. Idem vers 119. 11 BM : adechanter. (« Qui les hommes scet enchanter/ Par la douceur de son chanter. » G. de Machaut.) 12 À retaper. Idem vers 116. « Les dames, pour se bien porter, se font rabobliner le ventre. » La Fluste à Robin. 13 BM : leur (Cf. la Confession Rifflart, vers 46.) 14 Empêchée, embarrassée pour peu de chose. C’est la rime picarde par excellence. 15 Je le suis ; cf. le Maistre d’escolle, vers 87 et note. Saint Coquibaut, ou Couillebaud, est un saint priapique invoqué contre la stérilité. On le retrouve au vers 145. 16 BM : noz (Les pronoms picards « no » et « vo » remplacent « notre » et « votre ». L’éditeur parisien les affuble systématiquement d’un « z » que je mettrai entre parenthèses.) « Quand nostre truye sera mariée, vous aurez un chappeau neuf : raillerie pour dire que l’on donnera quelque sorte de récompense. » Antoine Oudin. 17 BM : May becq. (Maubec = mauvaise langue. Cf. la farce de Maubec, Mallegorge et Mallegueype.) 18 Hein ? « En ? Qu’as-tu veu ? » Le Temps-qui-court. 19 Dans votre bouche. Quand on dit « bran ! » [merde] à quelqu’un, il répond toujours « mange ! », d’une manière ou d’une autre : « –Bren pour toy ! –Et merde en tes joues ! » Le Savetier Audin. 20 La souillon. Orde = sale, comme au vers 43. Cf. l’Amoureux, vers 8. 21 Le petit de l’oie n’est pas réputé pour son chant mélodieux. En outre, un oison est un nigaud ; cf. les Sobres Sotz, vers 235. 22 Mais plutôt. 23 Braire. « Un asne, n’en estant de plus gris en Arcadie, pour bien ricquanner en portant le bléd au moulin. » (Godefroy.) On traite les Cordeliers d’ânes gris : « De corde est lié comme toy./ Tu es vestu de gris, en quoy/ La robe d’un asne tu portes. » Frère Fécisti. 24 Quand notre truie va mettre bas. C’est une réplique au vers 17. Le couple habite au village, puisqu’il a un porc. 25 Ni plus, ni moins. 26 Refrain de chanson : le vers ne fait que 6 syllabes, et le prénom masculin Hannin ne saurait désigner une femme, bien que cette dernière soit jouée par un homme. Ladite chanson paraît être ébauchée dans le Monde qu’on faict paistre : « C’est bien dict, Mymin à sonnètes ! » 27 Lacune. Tiens, reçois ce coup ! Voir le vers 50. 28 BM : Auant (Vous ne vous feignez pas : vous ne faites pas semblant de taper. Cf. le Nouveau marié, vers 182 et note.) 19 Lacune. « Lors prens mon baston en mon poing. » Le Faulconnier de ville. 30 Bambin. « Un pauvre petit poupon subjet à la nécessité. » François de Sales. 31 Coq châtré. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 154. 32 Locution doublement scatologique (chier + brenner) : cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 79 et 396. Ici, on en fait un synonyme de « merdeux ». 33 Signe de négligence ou de pauvreté : « Il doit avoir ung pourpoint gras, celuy qui s’appelle Mal-en-point. » Le Capitaine Mal-en-point. 34 Orde = sale. Inspirés par le « chiabrena » du vers précédent, nos auteurs picards truffent leurs rimes de désinences franco-provençales en « -a » pour parodier les farces en dialecte savoyard, qui avaient alors un certain succès ; la plus connue est lou Curia [le curé], où une sale pisseuse devient une « ourda pissouza ». 35 BM : girofflee (L’épouse s’enduit de giroflat, une pommade parfumée au clou de girofle, le plus célèbre aphrodisiaque de l’époque.) 36 On vous appelle calife de Bagdad, c.-à-d. barbare : « Quelz deux galiffres de Bandas !/ Je cuide qu’ilz ne prendront pas/ Le lièvre, qui est beste soupple [agile]. » Jehan Molinet. 37 BM : faictes (Vous puez le musc. « Je sens (…) des aux [de l’ail], ou du muglias./ Tu fleures tout le faguenas [la transpiration]. » Trote-menu et Mirre-loret.) 38 La moutarde désigne souvent les excréments : cf. les Rapporteurs, vers 280 et note. 39 BM : Nico. (Idiote. Cf. la Laitière, vers 85.) 40 Le « mignon de couchette » est un sodomite passif. 41 « NOTTRÉE : mot d’injure. » Debrie, Glossaire du moyen picard. 42 BM : Gros menton (Bélier châtré !) 43 Dépourvue de dents. « Vieille esdentée, va te pendre au gibet ! » (Jehan Le Happère.) L’adjectif « vieille » est employé lorsqu’on injurie une femme, y compris quand elle est jeune et belle, comme c’est le cas ici. 44 Prends ce coup sur la tête. « Tien ! happe, happe celle noix !/ (Ilz le batent.) » Cautelleux, Barat et le Villain. 45 Bâton ferré des pèlerins. 46 BM : suppedits (Renverser. Cf. Pates-ouaintes, vers 177.) 47 Quitte à en mourir. Cf. Pates-ouaintes, vers 147 et 520. 48 Par saint Maur ! Idem vers 80. Passion = torture, par référence à la Passion du Christ. 49 Peut-être faut-il lire « saint Crépin », patron des cordonniers ; le savetier de l’Arbalestre l’invoque au vers 422, quand il se dispute avec sa femme. Tanné = fatigué, exaspéré. « J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 50 Le bonnet rond des maîtres. Les Femmes qui se font passer maistresses dominent les hommes, et obtiennent donc « ung bonnet ront dessus la teste ». Mais on pourrait lire « bon het » : bon courage, à rapprocher du « de het » de 62. « Il le faisoit de très bon hayt ! » (La Confession Margot.) Voir André Tissier : Recueil de farces, t. III, 1988, p. 101. 51 Lacune. « Ce seroit grans blasmes pour elle, pour moy et pour tout nostre lignage. » Louis de Mâle. 52 Celui qui se mesurerait à ton bavardage. 53 Hardi ! Cf. Gautier et Martin, vers 3, 296, 326 et 351. 54 Vers manquant. Je vous surpasse dans tous les domaines. « Vous passez trèstous noz voisins. » Maistre Mimin estudiant. 55 À médire. 56 Un validire [va lui dire] est un rapporteur ou un entremetteur. « Menteurs, bourdeurs, rapporteurs, validires ! » ATILF. 57 BM : de la ville (Pour ce qui est de bavarder. Idem vers 79. « Deviser, gaudir, caqueter. » Le Résolu.) 58 Pour plaider, pour discuter. 59 Je ne m’émerveille pas. « Chascun se remire/ En maint livre et en maint beau dicté/ Que tu as fait. » ATILF. 60 BM : gaignera (Gagne toujours le 1er prix, comme au vers 193. « Tu le gaigneras au courir. » Les Trois amoureux de la croix.) 61 BM : maniere (Mesurer ses paroles. « Tenez tousjours vostre propos ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 62 Lacune de plusieurs vers. La femme dit à son époux que, contrairement à lui, elle pourrait demeurer silencieuse et immobile. 63 Les épouvantails avaient une tête en osier, qu’on dissimulait sous un chapeau de paille, ou sous un casque, comme dans le Franc-archier de Baignollet. 64 Sans remuer la tête. Cf. Légier d’Argent, vers 4. Non seulement les deux parieurs n’auront pas le droit de parler, mais en plus, ils ne pourront faire aucun geste. 65 BM : gaigne (Je gage, je parie. « Je gage deux escus, non pas un, que je frapperay vostre chappeau. » Romannet Du Cros.) Le patard est une monnaie flamande : cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 505. Le vers suivant est perdu. 66 BM : ie (Je ne parlerai pas.) 67 Je serai maîtresse de moi-même. Idem vers 172. 68 Dites comment nous allons procéder. 69 En ce lieu. Cf. le Mince de quaire, vers 67. 70 Bien malgré moi. « –Taisez-vous donc, et ne disons,/ Chascun, mot ; et je vous en pry./ –Que je me taise ? Je t’affy/ Que c’est bien envis ! » La Mauvaistié des femmes. 71 Vers manquant. Sachez que si j’en prends la peine. Cf. les Queues troussées, vers 200. 72 BM : chinotoire (« Si, par ung apoticaire,/ Luy estoit baillé ung clistoire. » Le Gouteux.) On ne peut garder le contenu d’un clystère dans son ventre pendant une heure, comme le prouve Argan à la 3e scène du Malade imaginaire. D’où l’expression : être pressé comme un lavement. 73 Voilà de belles paroles, dans la bouche d’une femme ! 74 Celui de nous deux qui perdra. Le « e » svarabhaktique est picard. 75 BM : la soupe (En Picardie, beaucoup de tavernes prirent comme enseigne une payelle [poêle à frire]. Ces enseignes ont donné leur nom aux rues et aux chemins de la Payelle qui existent encore dans l’agglomération lilloise et jusqu’en Belgique.) Le perdant offrira donc une coupe de vin dans une taverne : voir les vers 180, 190 et 195. 76 À partir de maintenant. « Que mèshuy plus ung mot je n’oye ! » Le Munyer. 77 BM : cillet (Ne remuons plus un cil !) Les cabotins qui ont écrit cette farce exclusivement visuelle se livrent maintenant à un long numéro de mime. 78 Chargé de son matériel, il s’approche de la devanture du savetier en débitant le « cri » de sa profession. 79 BM : poesles (« POYELLE : poële à frire. Voyez PAYELLE. » Corblet, Glossaire du patois picard ancien et moderne.) 80 « Tu faictz, pour ung trou, deux. » (Te rogamus audi nos.) Dessous, je rétablis les refrains ABaAabAB du triolet qui annonce traditionnellement l’arrivée d’un nouveau personnage. 81 Où puis-je m’installer ? Les Picards prononçaient « wesse ». 82 Un artisan. « Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes. Le chaudronnier regarde par la devanture du savetier. 83 Personne ; cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29. BM ajoute : ceans 84 BM : en voicy deux 85 Lacune. « Dieu gard les belles damoyselles ! » (Les Mal contentes.) Pour éviter la rime du même au même, on peut écrire : la damoyselle belle. 86 C’est le « cri » du chaudronnier dans Te rogamus audi nos : « Chaulderons à reffaire ! ». 87 Je supplée ce vers manquant d’après le vers 160 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Avez-vous besoin d’une cuillère à pot ? Il y en a une parmi les ustensiles que vend le chaudronnier : voir le vers 133. 88 Je comble cette lacune d’après le vers 117. Lourde = stupide ; cf. Frère Fécisti, vers 502. 89 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Savetier Audin, vers 169. 90 Probable refrain de chanson : plusieurs d’entre elles qualifient la bien-aimée de « douce pensée ». Appliquée à un homme par un autre homme, cette locution gagne en humour ce qu’elle perd en courtoisie. 91 « Hau ! mon amy, estes-vous sourt ? » Les Drois de la Porte Bodés (voir ma notice). 92 BM : mescoulle entre (« Entre deux yeulx » est une réminiscence du vers 111.) Et pourtant, il roule les yeux en me regardant. « Les ieulx (il) lui esroulla. » (ATILF.) Les Picards employaient plutôt érouiller : « Érouillé bien vo zieu ! » Corblet, Glossaire du patois picard. 93 Mes outils (mot picard). Euphémisme pour : je renie Dieu. 94 Conquîtes-vous. « Les pars occidentalles/ Vous conquestistes, et les orientalles. » (André de La Vigne.) Avez-vous réussi à gober une mouche que vous craignez de laisser fuir en ouvrant la bouche ? Un gobe-mouche est un naïf, de même qu’un jénin. 95 Les présidents, du Parlement ou d’ailleurs, affectaient une rigidité sentencieuse. 96 Une statue. « Un ymage de pierre dure. » ATILF. 97 Un coq de village, un hâbleur. On disait à un messager qui voulait revêtir une cotte d’armes « que c’estoit à faire à ung sainct Nicolas de village de la vestir…. ‟Je croy que vous voulez faire le sainct Nicolas de village.” » (Acte notarié de 1528.) La Satyre Ménippée n’est pas en reste : « [Vous] avez fort bonne mine, remplissez bien vostre place, & ne vous advient point mal à faire le roy…. Vous avez toute pareille façon — sauf l’honneur que je doy à l’Église — qu’ung saint Nicolas de village. » 98 Forme picarde de « saint Pierre », le premier pape ; cf. le Pourpoint rétréchy, vers 224. Grâce aux ustensiles de cuisine en métal qu’il a sur lui, le chaudronnier va transformer le savetier en statue de l’Apôtre. 99 De foin, de paille, qui sert à récurer les chaudrons. Le chaudronnier colle au menton du savetier une barbe de paille, ce qui n’est pas très compliqué puisqu’il s’agit d’un accessoire théâtral. « Faire barbe de paille : tromper, se mocquer. » Oudin. 100 Votre diadème, votre auréole. « Nous faisons dyadèmes aus sains. » (ATILF.) Le chaudronnier pose une casserole sur le crâne du savetier. 101 En guise de crosse. La houlette est l’un des attributs de saint Pierre, comme le livre du vers 135. 102 Cette cuillère à pot, cette louche. 103 BM : au (Un pot de chambre en métal.) 104 Vous qui êtes désormais un saint béni. Le Jeu de Robin et Marion <vers 441-480> nous fait assister au jeu de « saint Coisne », où le joueur qui tient le rôle de saint Côme ne doit surtout pas rire quand on lui offre un cadeau grotesque. Voir André Tissier, p. 108. Sur les rapports entre Côme et Coquibaut, voir Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, pp. 194-6. 105 Sorte de Mystère qui romance — ou invente — la vie d’un saint. 106 Il noircit la figure du savetier avec la suie qui tapisse le cul d’un de ses chaudrons. Même gag — et même origine de la suie — dans les Coppieurs et Lardeurs, vers 390-415. 107 D’après Gargantua <chap. 22>, ce jeu a pour nom : « Sainct Cosme, je te viens adorer. » Guillaume Bouchet précise qu’on noircissait la figure des perdants : « Cest homme noir (…) estoit quelqu’un qui avoit joué à ‟sainct Cosme je te viens adorer”. » Les Sérées, 29. 108 Qu’est-ce qu’ils ont dans la bouche, qui les empêche de parler ? 109 BM : remuoit (Ils ne bougent pas d’un pouce.) 110 BM : de haudin (Là encore, on pourrait faire un rapprochement avec plusieurs chansons. Claude Gervaise publiera en 1550 Celle qui a le cueur haultain.) 111 Si propre, si gracieuse. 112 Ma mignonne. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 20. 113 Que vous parliez un peu à moi. Même pronom picard à 168. 114 BM : Heu (Vous êtes bien dédaigneuse.) 115 BM : parler (Je vous ferai faire, à l’un ou à l’autre, ce que je veux.) 116 Petit museau, minois. Idem vers 165. Cf. le Povre Jouhan, vers 137. 117 BM : recour (Quel derrière ! Le Povre Jouhan est encore plus direct : « Saincte sang bieu, quel cropion ! ») 118 Permettez que je vous caresse. Je comble la lacune d’après le vers 163. 119 BM : chere 120 BM : tout a (Elle permet que je l’embrasse.) 121 BM : pauez (Le chaudronnier enlace la femme.) 122 Il frappe à coups de louche <v. 133> sur le chaudronnier. 123 À moi ! 124 BM : Sainct Jehan ien ay grand feste (Avoir grand fête = prendre beaucoup de plaisir.) 125 BM : Nostre dame (« TREDAME : juron, Notre-Dame. » Debrie, Glossaire du moyen picard.) 126 Voleuse, ou plus largement : femme de mauvaise vie. 127 Vers manquant. Le « chaudron » est la partie la plus chaude de l’anatomie féminine ; voir les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 128 Lacune. Parjure est une insulte indépendante de tout sens religieux. « Paillart infâme ! Ruffien ! Traistre ! Parjure ! » Laurent de Premierfait. 129 Si je m’étais impatientée à cause de ses caresses et de ses baisers. 130 BM : regent (Comme il se doit. « Obéissant aux dieux, comme est raison. » Hugues Salel.) 131 Lacune. La préposition picarde « o » signifie avec. « Venez boire o nous ! » (Lettre de rémission.) Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 340. 132 BM : attenez. (Abstenez-vous. « Astenez-vous de ce faire. » ATILF.) 133 La troupe invite les spectateurs à venir boire. 134 À l’hôtellerie, à la taverne. « En un hostel ou taverne. » (ATILF.) Voir la note 75. Ce vin d’honneur offert au public semble avoir été de tradition ; l’Antéchrist, une farce contemporaine jouée à Paris, se conclut sur : « Chacun soigne [veuille] à l’hostel se rendre ! » Croquer la pie = avaler du vin ; cf. Serre-porte, vers 6. 135 Et vous vous partagerez, en tous lieux. « Tous deux ensemble les bevront,/ Et partiront esgallement. » Le Pet. 136 BM : beuz (Qui seront dus, qui ne seront pas payés. « Cent escuz nous sont deubz. » Mallepaye et Bâillevant.)
CALBAIN
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CALBAIN
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Le savetier Calbain n’est pas assez intelligent pour lutter contre sa femme avec des arguments ; aussi, dès qu’elle lui réclame une robe, il chante pour la faire taire. Mais elle va bientôt lui rendre la pareille. Notons que Sandrin, le héros du Savetier qui ne respond que chansons (F 37), fait subir la même censure mélodieuse à son épouse. La farce de Calbain comporte 36 chansons, pour lesquelles je renvoie aux recherches de Howard Mayer Brown : Music in the french secular theater, Harvard University Press, 1963.
Source : Recueil du British Museum, nº 33. La farce, écrite en Normandie au XVe siècle, fut éditée à Lyon en 1548. Elle a donc longtemps circulé : beaucoup de vers sont apocryphes, trop longs, trop courts, et bien des rimes sont approximatives et d’une alternance irrégulière, sauf dans les rares passages où l’œuvre originale a été plus ou moins respectée.
Structure : Rimes abab/bcbc mêlées de rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle d’ung
Savetier nommé Calbain,
fort joyeuse,
lequel se maria à une savetière.
*
À troys personnages, c’est assavoir :
CALBAIN
LA FEMME [Collette]
et LE GALLAND [Thomelin]
.
CALBAIN
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LA FEMME 1 commence SCÈNE I
On doit tenir femme pour sotte
Qui mary prent sans le congnoistre,
Et qui de son servant s’assotte2
Pour en faire son privé maistre.
5 Quant3 je seroys femme d’ung prebstre,
Plus jolye seroys et apoinct4.
De chansons il me veult repaistre ;
N’esse pas ung dur contrepoint5 ?
Si je demande à avoir robe,
10 Il semble à veoir que je le desrobe.
Je n’ay pas ung povre corset6.
Nul ne congnoist quel discord [c’]est.
C’est son déduyct7 que de [c]hanter.
Hélas ! je n’oseroye hanter8
15 Vers mes voysines en quelque place.
Pour ses chansons qu’il me présente9,
Il semble d’une droicte farce10.
[Las !] je ne sçay plus que je face11.
Je suis tousjours la plus dolente.
20 Hélas ! je n’estoys pas contente12
D’ung tant bon et jolys ouvrier
Qui estoit de nostre mestier :
C’estoit le meilleur (je me vante)
Qu’on treuve à coudre13 bobelin.
25 Mais cestuy-cy sans cesser chante,
N’entent14 n’à Pernet n’à Colin.
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CALBAIN,15 en chantant : SCÈNE II
En revenant du moulin,
La turelure16,
En revenant du moulin l’autre matin,
30 J’atachay mon asne à l’huis,
Regarday par le pertuys17,
La turelurelure,
Je regarday par le pertuys l’aultre matin.
Je veulx aprendre le18 latin,
35 Affin de mauldire ma femme :
Car quant elle vient à sa game19,
Bien fault rabesser l’avertin20.
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LA FEMME 21 SCÈNE III
Calbain !
CALBAIN
Hau !
LA FEMME
Entens22, Calbain ! Hau !
CALBAIN 23
(Par bieu ! je ne sçay qu’il luy24 fault.
40 J’enrage tout vif que ne chante.) [En chantant :]
Adieu vous dis, les bourgeoises de Nantes ! 25
Voz chambrières sont bien, de vous, contentes.
Çà, des poys ! Çà, des fèbves ! 26
Çà, des poys ! Çà, des poys !
LA FEMME
45 Calbain, mon amy, parle27 à moy !
CALBAIN, en chantant :
Jolys moys de may, quant reviendras-tu ? 28
LA FEMME
Et ! Calbain, hau ! Parleras-tu ?
CALBAIN, [en chantant :]
Et la beaulté de vous, la gentil fillette.29
LA FEMME
[Hé]las ! c’est ta femme, Collette.
CALBAIN
50 Et, vray Dieu, que vous estes esmeue !
D’où venez-vous ?
LA FEMME
De ceste rue,
De veoir ma commère Jacquette,
Qui a la robbe la mieulx faicte ;
Et si, la porte à tous les jours30.
CALBAIN
55 A-elle les poignetz de velours,
De satin ou de taffetas ?
LA FEMME
Fourréz31, et œuvré[z] par le bas,
Qui est à la robbe propice.
CALBAIN
Et de quoy sont-ilz ?
LA FEMME
De létisse32 ;
60 Et la bordure33, de jennette.
CALBAIN, en chantant :
Allégez-moy, doulce plaisant brunette,
Allégez-moy ! 34
Allégez-moy de toutes mes douleurs !
Vostre beaulté me tient en amourettes ;
65 Allégez-moy !
LA FEMME
Et ! mon amy, parlez à moy,
Et laissez ceste chanterie.
CALBAIN
Metz35 la nappe, bon gré ma vie !
Par le sang bieu ! j’enrage de fain.
LA FEMME
70 Auray-je une robbe demain,
Fringante36, à la mode qui court ?
CALBAIN, en chantant :
Ilz sont à Sainct-Jehan-des-Choulx37,
Les gens, les gens, les gensdarmes.
Ilz sont à Sainct-Jehan-des-Choulx,
75 Les gensdarmes de Poytou.
LA FEMME
Je croy, moy, que cest homme est fou.
Donnez-moy robe, car c’est raison !
CALBAIN, en chantant :
[Endurez d’estre en no prison]38
[Et d’estre in gôle]39, Marion !
LA FEMME
80 Allon — et plus ne varion —
Pour aller ma40 robe achepter,
Mon amy. Et [je puis jurer
Que tousjours], pour vous, Dieu priray.
CALBAIN
Mon pourpoint est tout deschiré,
85 Et ma robbe. La fièvre te tienne !
LA FEMME
Mais regardez ung peu la mienne !
CALBAIN, en chantant :
Bergerotte savoysïenne41
Qui gardez les moutons aux boys :
Voulez-vous estre ma mignonne42 ?
90 Et je vous donray des soulliers,
Et je vous donray des soulliers
Et ung joly chaperon, etc.
LA FEMME
Mon amy, je ne veulx43 sinon
Q’une belle et cointe44 robette.
CALBAIN, en chantant :
95 M’amour et m’amyette45,
Souvent je ty46 regrette.
Hé, [hé] ! par la vertu sainct Gris47 !
LA FEMME
[Contente suis qu’el]48 soit de gris,
Mon amy, ou telle [comme il]49 vous plaira.
CALBAIN, [en chantant :]
100 Et tout toureloura50 !
La lire, lire51 !
LA FEMME
Hélas ! je n’ay pas fain de rire52 :
Je suis bien pouvre désolée.
CALBAIN, en chantant :
Et voilà le tour de la maumariée53.
105 Toutes les nuictz il m’y recorde54.
LA FEMME
Mon amy, par ma foy, je m’accorde
À faire tout ce que me commanderez55,
Par tel sy56 que me donnerez
Une robe grise ou blanche.
CALBAIN, en chantant :
110 Et vive France et son alliance ! 57
Vive France, et le roy aussi !
LA FEMME
Hélas !
CALBAIN, [en chantant :]
Pouac ! vous avez vessy58.
Vertu, qu’elle est puante !
LA FEMME
Par Nostre Dame ! je me vante
115 Que j’ay reffusé, de la ville,
Des compaignons des plus habille59
Qu’on ne trouveroit aux faulx-bours60.
CALBAIN
Par ma foy ! [c’est] tout au rebours
De ce que vous dictes, m’amye.
LA FEMME
120 Hélas ! vray Dieu, tant il m’ennuye61 !
CALBAIN
Bon gré ma vie ! [En chantant :]
Ma doulce amye,
De vous je n’ay aulcun confort 62.
LA FEMME
Et ! vray Dieu, que vous estes fort63
À avoir, par amour ou prière !
CALBAIN, [en chantant :]
125 Et tricque devant, et tricque derrière ! 64
Tricque devant, tricque derrière !
LA FEMME
Mon amy, parlez [à moy, voyre]65,
[Et] vous aurez tantost à boire.
CALBAIN
Paix, paix ! [En chantant :]
Je m’en vois66 à la foire
130 Achepter du cuyr, par mon âme, de vache67.
.
Ma femme tousjours, sans cesse[r], agache68 SCÈNE IV
[Sur] son pouvre mary Calbain.
Mais je n’en compte pas ung patin69 ;
Aussi ne fais je pas ung oygnon70.
.
LE GALLAND 71 SCÈNE V
135 Et puis que dit-on ? Et que faict-on ? 72
Chose qui vaille ?
Chose qui ne vault pas la maille73,
Non [pas], par mon âme, ung festu74.
[Si] on demande : « Et que fais-tu ? 75 »
140 On [nous] respond : « C’est vostre grâce ! 76 »
S’on demande bénédicton77,
Par ma foy, on va dire grâce78.
Je ne sçauroys dire qu’on face79.
Si le maistre mande80 ung baston,
145 Le serviteur aporte de la paille81.
.
Et que dit-on ? Et que faict-on ? SCÈNE VI
Chose qui vaille ?
LA FEMME
Non, par ma foy ! Des truandailles
A assez, mais non aultre chose.
150 Aprochez-vous82 !
LE GALLAND
Hélas ! je n’ose,
[Tant ay] de paour83 des mesdisans
Qui vont par [les ruës, disans]84
Des sages, et ne sont que bestes.
LA FEMME
Il est vray. Car [quoy85] : j’ay la teste
155 Toute rompue, et esservellée
De crier et mener tempeste
Pour avoir robe, et86 désolée
De mon mary, qui chante ainsi.
LE GALLAND, [en chantant :]
Vivray-je tousjours en soucy87
160 Pour vous, ma trèsloyalle amye ?
Non, dea, [car] je ne vivray mye.
Fy de soucy, pour abréger !
LA FEMME
Je vous pry de [bien y songer]88
Et m’y donner vostre conseil.
LE GALLAND
165 Je suis prest, pour [ung] cas pareil,
[À] faire ce que me direz89.
LA FEMME
[À ce que diray respondrez]90,
Et à vous me tiendray tenue91.
Premièrement, je suis toute nue92,
170 Vous le voyez. Et mon mary,
Qui est d’yvrongnerie pourry,
Me despense93 tout mon vaillant.
Par quoy, homme de cueur vaillant,
Vous veulx requérir d’une chose.
LE GALLAND
175 C’est vostre dit. Faictes là pose94,
Escoutez mes parolles, aussi :
J’entens [à] cest affaire-icy
Mieulx que [déclarer ne sçauriez]95.
Allons vers luy, et vous serez
180 (Se je puis) bien [tost] revestue.
LA FEMME
Je seray donc à vous tenue.
Vous sçavez bien pateliner96 ;
Mais pour mieulx l’enjobeliner97,
Dictes-luy ce qu’il ne fut onc98.
LE GALLAND
185 Je feray le cas tout au long.99
.
CALBAIN 100, [en chantant :] SCÈNE VII
Je viens du marché vendre mes poullettes,
Mes poullettes et mon cochet 101,
Nique, nyquettes !
LA FEMME
Mais parlez102 ! Estes-vous fol[et] ?
190 Cest homme de bien vous demande.
CALBAIN, [en chantant :]
Je suis allemande,
Friscande103, gallande,
Je suis allemande,
Fille d’ung Allemand.
LE GALLAND
195 Calbain, mon amy : [et !] comment ?104
Estes-vous fol ? Qu’esse qu’il vous fault ?
CALBAIN, [en chantant :]
La semelle de cuyr vault
Troys solz parisis et demy105.
LA FEMME
Parlez à luy, hau, mon amy !
200 Il fault reffaire ses houseaulx106.
CALBAIN, [en chantant :]
Voilà le meilleur cuyr de veaulx
Que jamais puissez-vous avoir107.
LA FEMME
Il est fol, il est bon à veoir108.
De luy, n’aurez aultre parolle.
CALBAIN, [en chantant :]
205 Troys solz, tout à une parolle109,
Vous cousteront, par mon serment !
LE GALLAND
Calbain, mon amy : [et !] comment ?
Ne cognoissez-vous110 plus personne ?
CALBAIN, [en chantant :]
Cr(oy)ez [que la pièce]111 sera bonne,
210 Je vous asseure, et bien cousue.
LE GALLAND
Quoy ! Vostre femme est toute nue,
[Pour le vous dire sans séjour :]112
Que ne luy donnez vous, par amour,
Une robbe ou113 quelque drap gros ?
CALBAIN, [en chantant :]
215 Collette, çà, [tost] du chief-gros114
Aporte vistement ! Tost, dépesche !
LE GALLAND
Calbain, sus, [que l’on me]115 dépesche !
Je suis vostre amy Thomelin.
CALBAIN, [en chantant :]
Où dyable est mon bobelin ?
220 Mon alaisne116 ? Ha ! la voicy.
LA FEMME
Ma foy ! se nous estions icy
Jusques à demain, nous n’aurions autre chose117.
LE GALLAND 118
Or escoustez ung peu ma prose.
Venez ung petit en secret119 :
225 Je voys bien qu’il n’est [trop] discret.
Sçavez-vous qu’il120 vous fauldra faire
Pour mieulx parachever vostre affaire ?
Vers luy vous vous retirerez,
Et de rechief bien luy prirez,
230 Comme devant121, pour avoir robbe.
CALBAIN
(Voilà comment je me desrobe :
Par chanterie122 la tiens en lesse.)
LE GALLAND
La nappe mettez pour123 qu’il ne cesse,
Et le priez de desjeuner.
235 Ne le laissez pas trop jeusner
Que tost ne luy donnez124 à boire ;
Et puis, [quant] luy [donrez son voirre]125,
De ceste pouldre126 y mett[r]ez.
Tandis127 qu’enyvrer le verrez
240 Et que de brief s’endormira,
Prenez sa bource et ce qu’il y aura
Dedans. Puis allez achepter
Une robbe sans plus quêter128.
C’est le conseil que je vous donne.
LA FEMME
245 Vostre parolle sera très bonne.
Je vous remercie humblement.129
.
CALBAIN, [en chantant :] SCÈNE VIII
Je ne sçay pas comment,
En mon entendement,
Plus fort je vous aymasse130.
.
LA FEMME SCÈNE IX
250 Si fault-il [bien], quoy que je face,
Faire le conseil qu’on m’a dit.
J’auray une robe mardy
Ou mercredy tout au plus tard131.
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Calbain, mon amy, Dieu vous gard ! SCÈNE X
255 Comment se porte la santé132 ?
CALBAIN
M’amye, je ne veulx plus chanter.
Mais donnez-moy doncques à boire.
LA FEMME
Je m’y en voys sans accessoire133 :
[Vin bon]134 aurez tout maintenant.
CALBAIN
260 J’en auray à boire, vray(e)ment135 ?!
LA FEMME
Or vous séez donc à la table.
[Buvez de ce vin délitable,]136
Et disnez137 gratïeusement.
CALBAIN
[Ce vin]138 est bon, par mon serment !
LA FEMME
265 Buvez, mengez, faictes grand chère.
CALBAIN
Donnez-moy donc encor(es) à boire.
[Verra minus]139 minatorès,
Alabastra dillatorès140 !
Je suis [fin] saoul de vin, m’amye.
[LA FEMME]
270 Je suis auprès de vous, [ma vye]141.
[CALBAIN]
Je vous pry, couvrez-moy le dos :
Car, par ma foy, je veulx dodos142.
[Mes culottes143] couvrez-moy bien.
LA FEMME 144
Ma foy, s’il y demeure rien
275 En145 bource, je veulx qu’on me pende !
Ha ! je vous tiens [enfin], galande.
J’en ay, j’en ay, des escus, des ducatz !
Or, allons achepter des draps
Maintenant, pour me faire une robe.
280 Et dea ! il fault que je vous desrobe,
Quant je vous ay de vin mouillé.
*
CALBAIN, en se resveillant.146 SCÈNE XI
Ha ! je suis tout enquenouillé147,
Et de mon bon sens fatrouillé.
Par bieu ! à peu que ne me course148 :
285 Et, Dieu ! où est [passée] ma bource ?
Et ! qui a ma bource robée149 ?
Et ! m’amye[tte], ma rosée :
Rendez ma bource, je vous prie !
LA FEMME
Il [est] entré en sa folye ;
290 Dieu sçait quel maintien il tiendra.
CALBAIN
Je t’en don(ne)ray une150 de drap,
Ouÿ, vray(e)ment, et une cotte.
[Tu as fouillé dans ma culotte :]151
Ç’a esté quant tu m’as couvert152.
LA FEMME, en chantant :
295 Ung ruban vert, tout vert, tout vert,153
Ung ruban vert qu’il my donna.
CALBAIN
(Mauldit soit Calbain, qui nia154
À sa femme une robe grise !
Car elle n’eust point sa main mise
300 Sus155 ma bource pour la rober.)
Mais, m’amye, pour abréger,
Rendez ma bource, m’amyette.
LA FEMME, en chantant :
En cueillant la violette156,
Mes aygneaulx y sont demeuréz157.
CALBAIN
305 Je croy que de moy vous158 raillez.
Laissez là vostre chanterie159 !
Rendez moy ma bource, je vous prie ;
Ou, par bieu, il y aura noyse !
LA FEMME, [en chantant :]
Où voulez-vous que je m’en voyse160 ?
310 Jamais je ne vous sceu complaire.
(Dieu sache qu’il y a affaire
À161 gouverner cest homme-icy !)
CALBAIN
Par bieu ! vous l’avez prinse icy.
Le diable y ayt162… Fault-il tout dire ?
LA FEMME, en chantant :
315 Vous my faictes tant rire, rire,163 etc.
CALBAIN
Par bieu ! je n’y treuve que rire164.
Me veulx-tu point rendre ma bourse ?
Sainct Jehan ! s’il fault que je me cource,
Je te la feray bien[tost] rendre !
LA FEMME
320 Vous ne pensez point d’aller vendre165
Voz vieulx soulliers parmy la ville ?
Vray(e)ment, si n’estoit que je fille166
Aulcune167 fois ung tantinet,
Vous mourriez de fain, marmouset168 !
CALBAIN
325 Ha, ha ! Et n’en auray-je aultre chose169 ?
[LA FEMME]
[Ha !] quant vous vous coursez, je n’ose
Aulcunesfois ung seul mot dire170.
[CALBAIN]
Par bieu, voicy qui n’est pas pire171 !
Viens çà ! Tandis que je dormoye,
330 M’as-tu pas osté ma monnoye ?
Dieu172, que tu fais tant la ruzée !
Regardez qu’elle est affaictée173 !
Respondras-tu, hau, becquerelle174 ?
LA FEMME, [en chantant :]
Av’ous point veu175 la Péronnelle,
335 Que les gensdarmes ont emmené ?
Ilz l’ont habillée comme ung page :
C’est pour passer le Daulphiné.
CALBAIN
Vray(e)ment, je suis bien arrivé176 !
Par bieu, je vous galleray177 bien !
LA FEMME, [en chantant :]
340 Mauldit soit le petit chien178
Qui aboye, aboye, aboye,
Qui aboye et ne veoit rien !
CALBAIN
Je voys bien qu’il me fault courser.
Par la chair bieu, vieille dampnée,
345 Je vous feray des coups chier !
Je sçay bien : tu me l’as ostée,
Ma bourse. J’en ay belle lettre179.
LA FEMME, [en chantant :]
Si [vous] my touchez, je vous feray mettre180
À la prison du Chasteau,
350 Nicque, nicque, nocque !
À la prison du Chasteau,
Nicque, nocqueau !
CALBAIN
Sainct Jehan ! me voylà bien et beau.
Tu sçais qu’il me fault achepter
355 Des souliers181 : fault-il tant prescher ?
Rendz-moy ma bourse, si tu veulx.
LA FEMME
Et ! que tant vous estes fascheux !
Cherchez vostre bourse aultre part.
CALBAIN
Le grant dyable y puisse avoir part !
360 Rendez vistement, dépeschez !
LA FEMME
Cest homme-icy faict des péchéz
Assez pour [en] confondre ung aultre182.
CALBAIN
Je te batray comme [l’es]peaultre183,
Si vistement ne me rendz ma bourse !
LA FEMME
365 Mercy Dieu ! s’il fault que me course…
Que [grant] dyable esse qu’il vous fault184 ?
CALBAIN
Vous en aurez tout de plain sault185 !
Çà, rendez ma bourse vistement !
LA FEMME
Au meurtre ! Tu m’as vilement186
370 Meurdrie187, vieil coqu, joquessu !
CALBAIN
Mais seray-je tousjours déceu188
De ceste vieille becquerelle ?
C’est la plus fascheuse189 femelle
Que je vis oncques de l’année.
375 Mais, par ma foy, vieille dampnée,
Je monstreray que je suis maistre !
Voluntiers [tu] me feroys paistre ?
Non feras190 !
LA FEMME
Par le jour qui luyt191,
Plus ne coucheray à ton lict !
380 Voire, jamais ne te feis tort :
Penses-tu que c’est beau rapport
Que tu m’appelles « larronnesse » ?
Je faictz à Dieu veu192 et promesse
Que je te renonce à jamais !
CALBAIN
385 Ha ! taisez-vous, m’amye ! Paix, paix !
Je cognois bien que c’est ma faulte.
Mais j’ay la teste ung peu trop haulte193 ;
Suportez mes contentions194.
Mais sans plus de dilations195,
390 Qui l’a, se196 vous ne l’avez pas ?
Mais quant je regarde à mon cas,
Où la pourray-je bien [l’]avoir mise ?197
.
—Elle l’a ! —Non a. —El(le) l’a prinse ! SCÈNE XII
—Au fort, elle l’eust [re]cogneu198.
395 Ce cas me sera incogneu.
Au grant dyable puist aller la bource !
—Mais pourquoy l’a el(le) prinse ? —Pource :
El(le) ne l’a pas prinse. —Sy a !
—Non a. —Sy a ! —Non a. —Sy a !
400 Mais que grant dyable pourray-je faire
(Je ne sçay) pour mon199 bien parfaire ?
Je puisse estre envers Dieu infâme
Se jamais je me fie à femme,
Car ce n’est qu’altercation.
405 Or, pour toute conclusion,
Tel trompe au loing qui est trompé.
Trompeurs sont de trompes200 trompéz.
Trompant201, trompetez au tromp[é] :
« [Par trop tromper,] l’homme est trompé202. »
410 Adieu, trompeurs ! Adieu, Messieurs !
Excusez [femmes et trompeurs]203.
.
FINIS
.
Cy finist la farce de Calbain
Nouvellement imprimée à Lyon
en la maison de feu Barnabé Chaussard
près Nostre-Dame-de-Confort
M.D.XLVIII.
*
1 Elle s’approche de sa maison. 2 Et qui s’entiche de celui qui devrait être son serviteur. « L’homme doit estre servant/ De sa femme. » Les Drois de la Porte Bodés. 3 Quand bien même. 4 Élégante. Les concubines des prêtres sont pourtant tenues à une discrétion de bon aloi. 5 Une dure repartie. Jeu de mots musical sur le « contrepoint ». La plupart des chansons de notre farce peuvent être chantées à plusieurs voix, si l’on en juge par les partitions qui nous restent. 6 Un seul corsage. « Se je requiers cote ou corset,/ Nul ne congnoist quel descord c’est. » Les Mal contentes. 7 Son plaisir. 8 BM : chanter (BM intervertit les deux rimes.) Hanter quelqu’un, c’est le fréquenter ; cf. les Maraux enchesnéz, vers 232. 9 BM : vient presenter (La rime correspondante est au vers 19.) 10 Cela ressemble à une vraie farce. L’auteur fait un clin d’œil au public de sa farce, comme au vers 209. 11 Je ne sais plus quoi faire. Tel que je le complète, c’est le vers 211 de l’Aveugle et le Boiteux. 12 Je ne me suis pas contentée. Colette a refusé d’épouser un autre savetier avant Calbain ; aux vers 114-7, elle regrette encore cette occasion perdue. 13 BM : faire (Pour coudre un carreau de cuir sur une chaussure trouée. Voir le vers 219.) 14 BM : Et ne respond (Ne s’intéresse ni à Pernet ni à Colin, c’est-à-dire à personne.) 15 Il travaille dans son atelier. Comme tous les artisans, il rythme une chanson avec ses coups de marteau. 16 Turlure, turelure et turlurette servent de refrains à d’innombrables chansons : « La Turelure / Y chanterons. » (Les Esveilleurs du chat qui dort.) Celle-ci est perdue. Brown nº 393 e. 17 Par l’œil-de-bœuf qui se trouve au-dessus de la porte. « –Je voy ung Fol par ce pertuys./ –Où, où ? –Au-dessus de cest huys. » Le Roy des Sotz. 18 BM : a parler (Les excommunications sont fulminées en latin.) 19 À son idée fixe. « S’elle monte à sa haulte game,/ Le dyable n’en chevira pas [n’en viendrait pas à bout]. » Les Tyrans. 20 Il faut rabaisser sa fureur. « C’est son advertin qui la tient. » Serre-porte. 21 Elle entre. 22 BM : Et (Écoute-moi. « Entens, Saudret ! » L’Aveugle et Saudret.) 23 BM ajoute : en chantant (La chanson ne commençant qu’au vers 41, j’ai descendu cette didascalie.) 24 BM : me (Ce qu’il lui faut, ce qu’elle va encore me réclamer.) 25 Cette chanson gaillarde servit de modèle à un Noël, comme beaucoup d’autres. Brown nº 4. 26 Nous passons à une autre chanson. « –Chà, des fèbves ! –Ilz sont mengées./ –Chà donc, des pois ! –Ilz sont en cosse. » (Le Pont aux asgnes, BM 25.) Brown nº 370. 27 BM : parlez (Colette tutoie presque toujours son mari : v. le vers 47.) Parler signifie « ne pas chanter », comme aux vers 47, 66, 127 et 189. 28 Brown nº 230. « Jolis mois de may, quant revenras-tu ?/ Nous estions trois dames couchées soubz un saulx [saule]./ Disions l’une à l’autre : ‟Compaigne, tu dors ?” » En 1478, Louis XI « appella aulcuns de sa garde, et avoecq eulx se print à chanter : ‟Jolly moys de may, quand revenras-tu ?” » (Jehan Nicolay.) Le thème de cette chanson polyphonique deviendra la seconde partie de ténor d’une autre chanson à 4 voix, Soubz les branches d’un beau may. 29 Chanson inconnue. Brown nº 113. 30 Et pourtant, c’est sa robe de tous les jours, qui est donc moins belle que celle des dimanches et fêtes. 31 BM : Ouy (Œuvrés = ouvragés de broderies.) 32 De fourrure d’hermine. « Trois douzaines de létices à fourrer les poignès de ladicte robe. » ATILF. 33 BM : fourrure (La bordure est en fourrure de genette, de fouine. « La bordeure de sa robe. » Jean Gerson.) 34 Ici et à 65, cette chanson de Josquin Des Préz dit plus audacieusement : « Sous la boudinette » [au bas du ventre]. Brown nº 9. 35 BM : Boutez (Mets la table. Voir le vers 233.) Ces deux vers sont-ils chantés ? 36 BM : Faicte (Fin de la chanson initiale du Gaudisseur : « Fringant à la mode qui court. ») Non répertorié par Brown. 37 BM : chaulx (Refrain correct à 74.) Pour des raisons agricoles, les Poitevins baptisaient Saint-Jean-d’Angély « Saint-Jean-des-Choux » ; une rue de cette ville se nommait d’ailleurs la rue Plante-Choux. Sous le pseudonyme de Maistre Mitou, Jehan Daniel s’adonna au théâtre : son Franc-archier de Cherré tient toujours la route. Il composa des Noëls poitevins à peine plus sérieux ; dans l’un d’eux, écrit sur l’air de la Belle tyrelire (!), il s’amuse à énumérer des localités du Poitou : « Oul y en vint de Sainct-Génoulx [St-Généroux],/ Et d’autres de Sainct-Jehan-des-Choulx,/ Et cinq ou six vilains tignoulx/ Qui estoient de Saint-Cyre. » Brown nº 180. 38 BM : Endure en destringue en noz maison (En Picardie, « no » = notre. « Jà vos avons-nos pris et mis en no prison. » Les quatre fils Aymon.) Je n’ai pas retrouvé la chanson picarde dont il s’agit, mais nombre de complaintes s’apitoyaient sur des prisonnières : voir ici même la note 53 et les vers 334-5. Brown pp. 163-4. 39 BM : En destringole (D’être dans une geôle. On reconnaît le « g » dur normanno-picard : « C’on me l’emprisonne à la gaule [geôle] ! » La Mère de ville.) Le pronom « en » est transcrit phonétiquement par l’hyperpicardisme « in » : Vindredi trinte jinvier. 40 BM : une 41 Josquin Des Préz composa cette chanson sur des heptasyllabes. La version « arrangée » par l’éditeur de la farce n’est donc plus chantable. Brown nº 36. 42 L’heptasyllabe original rime mieux : « Dy-moy se veulx estre mienne. » 43 BM : demande (Je ne veux pas autre chose que. « Je ne veulx sinon ce que me conseillerez. » Rabelais, Tiers Livre, 36.) 44 BM : petite (Élégante. « Elle veult avoir robe neufve,/ Et sçait si coincte robe faire. » Roman de la Rose, éd. 1529.) 45 Mon amour et mon amie. Le diminutif « amiette » réapparaît aux vers 287 et 302. Brown nº 287. 46 Te. L’éditeur lyonnais a cru restituer des archaïsmes en truffant les chansons de pronoms picards ; nous aurons le pronom « my » [me] aux vers 296, 315 et 348. De plus, il a opéré des coupures qui nuisent à l’interprétation des chansons : « M’amour et m’amiette,/ Ma gente godinette,/ Ma Dame par amours,/ Souvent je vous souhaitte/ En ma chambre secrette/ Pour mieulx jouir de vous. » 47 Par la puissance de saint François d’Assise. 48 BM : Je suis contente quelle (Je veux bien qu’elle soit en fourrure d’écureuil. « Contente suis de les avoir. » Les Trois amoureux de la croix.) 49 BM : quil (« Telle comme il vous est advis. » L’Antéchrist.) 50 Tourloura, toureloura et tourelourela sont aussi prisés dans les refrains que la variante turlure (note 16). Brown nº 393 d. 51 Encore un refrain surexploité. Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) fredonne devant sa quémandeuse d’épouse : « C’est la lire, lire, lire, lire. » Brown nº 50. 52 « Chascun n’a pas si fain de rire/ Comme vous. » C’est une première réminiscence de la farce de Pathelin, mais non la dernière. 53 Brown nº 128. Les chansons de mal mariées sont tellement nombreuses qu’elles constituent un genre à part entière. André Tissier* suggère de lire « la tour » ; il est vrai que beaucoup de jaloux ont enfermé dans une tour leur femme, qui leur avait joué un tour. *Recueil de farces, t. III, 1988, pp. 119-168. 54 Il m’en souvient. 55 « Je m’accorde à ce que tu veulx. » Junien Rabier. 56 À la condition. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 127. 57 Brown nº 400. Cette chanson est beaucoup plus ancienne et beaucoup moins politique qu’on ne le dit. Étienne Pasquier rappelle que son premier vers commençait par « Vive Enfance », et que les enfants la chantaient dans les rues lorsqu’ils reconduisaient le roi de leur école pendant le Carême, souhaitant « que l’enfance & son alliance prospérast avec son Roy ». Commentant ces deux vers, qui figurent dans la très normande Friquassée crotestyllonnée, Prosper Blanchemain précise : « Le même refrain se chantait à Rouen en l’honneur du roi des écoliers, qui était proclamé le jeudi gras, à la suite d’un combat de coqs. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps (1492) baptisent ce roi carnavalesque le « Général d’Enfance », et chantent : « Vive Enffance, garny de Sotz testus ! » Le royal Général répond : « Vive la France en unyon ! » Pierre Gringore s’en souviendra en 1512 dans son Jeu du Prince des Sotz, qui prône l’alliance autour du roi Louis XII, puisqu’il fera dire au Général d’Enfance : « Quoy ! voulez-vous voz esbatz faire/ Sans moy ? Je suis de l’Aliance !…./ Je seray de son Aliance ! » 58 Vessé, pété. Plusieurs farces évoquent cette chanson non retrouvée (et non répertoriée par Brown) ; voir la note 30 de Jéninot qui fist un roy de son chat. Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) dit devant son épouse et sa voisine, qui lui quémandent une robe : « Ces femmes vessent ! » Nous lisons dans Frère Guillebert : « On sent, par Dieu, cy le vessy :/ Vertu sainct Gens, quel puanteur ! » Et dans la Ruse et meschanceté des femmes : « Elle a du cul vessy./ Mais je vous dis puant. » 59 Des compagnons savetiers parmi les plus habiles. 60 Les artisans de la ville sont meilleurs que ceux qu’on a relégués dans ses faubourgs, comme Calbain. 61 Que je souffre ! Mais on peut comprendre : Que mon époux m’ennuie ! « Tant il m’ennuie » sert d’incipit à plusieurs chansons, de même que « Tout au rebours » deux vers plus haut. 62 Réconfort. Brown nº 37. Cette chanson n’est pas aussi inconnue qu’on l’affirme, et ne commence pas là où on le croit : « Ma doulce amye,/ Las ! donnez-moy aulcun confort/ Ou, de brief, mon cueur sera mort,/ N’en doubtez mye. » 63 Difficile. « Vous estes fors à esconduire. » Les Brus. 64 Brown nº 124 et p. 94. 65 BM : et vrayement: (Voir le vers 66.) 66 Vais. Influence de Pathelin : « Je m’en vueil aller à la foire. » Les foires permettent aux artisans d’acheter leurs fournitures au prix de gros. À Rouen, les principales foires étaient le Pardon et la Guibray. 67 Calbain commet, sinon un cuir, du moins un janotisme : « par mon âme de vache. » On songe à ce vers de Pathelin qui réjouissait Rabelais : « Huit blans, par mon serment de laine. » Calbain sort de la maison. 68 Crie comme une pie. Nous avons là une chuintante normanno-picarde. 69 BM : patain: (Je n’en donnerais pas une semelle de bois : cela m’est égal.) « Mais tout ne vault pas ung patin,/ Car tu ne dis chose qui vaille./ Je n’en donray pas une maille. » Guillerme qui mengea les figues. 70 Je n’en donne pas non plus un oignon. « Je n’en donroys pas ung oignon. » Le Ramonneur de cheminées. 71 Ce Galant n’est pas encore l’amant de Colette. Dans la rue, il se dirige vers l’échoppe du savetier. 72 Cette ritournelle revient aux vers 146-7. Au théâtre, l’entrée d’un nouveau personnage est souvent chantée. Après avoir subi les rengaines de son époux, Colette va subir celles de son galant. Brown nº 119. 73 Qui ne vaut pas un centime. « Le long procès n’y vault pas maille. » Ung jeune moyne. 74 Pas même un fétu de paille. Le Galant a les mêmes idées nihilistes que Calbain aux vers 133-4. 75 Question insolente qu’on pose aux gens dont on n’a pas l’intention de suivre l’avis. « Sans luy demander : ‟Que fais-tu ?” » Jeu du Prince des Sotz. 76 Avec votre permission. « C’est vostre grâce : Terme de civilité par lequel on s’excuse de ce que l’on contredit une autre personne. Il est bas, & se dit par corruption pour ‟sauf vostre grâce”. » Dict. de l’Académie françoise. 77 BM : benedicite (Benedictum est ici prononcé à la française.) Le bénédicton est le double tournois, une pièce de monnaie qui, depuis Louis XI, a pour légende Sit nomen Domini benedictum. 78 Au lieu de nous donner de l’argent, on va nous réciter la prière des grâces. « Ce sera pour les grâces dire. » Les Botines Gaultier. 79 Ce que nous devons faire. 80 BM : demande 81 Il craint d’être bastonné. Le Galant passe sa tête par la devanture du savetier. 82 Entrez ! 83 Tant j’ai peur. « Tant ay de paour que l’on me voye. » Saincte-Caquette. 84 BM : mesdisans (À la rime.) Dire de quelqu’un = en dire du mal. 85 Car enfin. « Car quoy ! nous sommes gros et gras. » Les Sotz ecclésiasticques. 86 BM : mais ie suis 87 Claudin de Sermisy mettra ce texte en musique au XVIe siècle. De deux choses l’une : ou ce vieux poème a inspiré des compositeurs de la génération précédente, ce qui serait loin d’être un cas unique, ou bien les éditions Chaussard ont troqué une vieille romance contre un air à la mode, comme elles l’ont souvent fait. Entre parenthèses, cela expliquerait pourquoi tant de chansons se raccordent si mal aux rimes de la pièce. Brown nº 403. 88 BM : venir heberger (De réfléchir à mon problème.) 89 BM : commanderez. (« Je suis prest à faire debvoir. » Le Povre Jouhan.) 90 BM : Respondez a ce que diray 91 Je serai tributaire de vous. Idem vers 181. Colette sous-entend qu’elle « récompensera » le Galant de ses services. 92 Je n’ai rien à me mettre. Idem vers 211. 93 BM : despend (Dépense tout mon bien. « [Il] a perdu tout son vaillant et cellui de sa femme. » ATILF.) 94 BM : prose (Faites une pause : taisez-vous. « G’iray sans faire poze. » Le Mariage Robin Mouton.) 95 BM : ne scauriez declarer 96 Adopter une attitude pateline. Nouvelle allusion à la farce de Pathelin. 97 L’embobiner avec des flatteries. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 409. 98 Faites de lui une peinture flatteuse. 99 Je ferai ce qu’il y a à faire d’un bout à l’autre. À la ligne, BM anticipe la prochaine rubrique : Calbain. 100 Il rentre dans son échoppe, sans prêter attention au Galant qui est toujours dehors, devant la fenêtre. 101 Mon jeune coq. Allusion au Galant qui convoite la « poule » de Calbain. Brown nº 225. 102 Ne chantez pas (note 27). Follet = fou : « Fol qui follie, il n’est follet. » Le Prince et les deux Sotz. 103 Frisque, gaie. La Réformeresse paraphrase cette chanson aux vers 88-91. Brown nº 219. 104 Même vers incomplet à 207. « Et ! comment ? Estoys-tu si beste ? » Colin filz de Thévot. 105 3,5 sous de Paris. À partir de maintenant, Calbain colle des mélodies à la mode sur un texte qu’il improvise, ce qui le fait passer pour fou. Brown répertorie cette chanson de circonstance (nº 247) mais pas les autres. 106 Ses bottes. 107 BM : veoir. (À la rime.) Le cuir de veau ne convient pas pour les chaussures, comme l’explique le savetier des Queues troussées aux vers 7-10 et 42. 108 C’est facile à voir. 109 C’est mon dernier mot. Calbain imite la prétendue folie de maître Pathelin, tout en adaptant le vocabulaire du drapier : « –Voulez-vous à ung mot ? –Ouÿ./ –Chascune aulne vous coustera/ Vingt-et-quattre solz. » 110 Ne reconnaissez-vous. 111 BM : quelle (On bouche les trous en y cousant des pièces de cuir, comme l’indique le savetier de la Laitière : « Ung rivet cy fault,/ Et une pièce par cy hault. ») Croyez se prononce crez : « Et crez, s’il a esté cornart. » La Cornerie des anges. 112 Vers manquant. J’emprunte le vers 228 du Raporteur. Sans séjour = sans délai. 113 BM : de (À une époque où le prêt-à-porter s’apparente à la friperie, les femmes achètent du tissu et cousent elles-mêmes leur robe ; ou bien elles apportent ce tissu au couturier, qui les habillera sur mesure. Voir les vers 278-9.) 114 Du chégros, du gros fil de cordonnier enduit de poix. Dans le recueil de Londres, notre farce est précédée par celle du Savetier Audin, qui lui aussi se fait servir par son épouse : « Çà, du chefgros, que je besongne ! » Un mastic a fait tomber « tost » au vers suivant. 115 BM : quon (Occupez-vous de moi. « Despeschez-moy ! » Le Cousturier et son Varlet.) 116 Ma pièce de cuir et mon alêne. 117 Si nous étions encore ici demain, nous n’obtiendrions rien de plus. 118 Il parle à l’oreille de Colette. 119 Venez à l’écart de votre mari. Colette sort rejoindre le Galant. 120 Ce qu’il. « Mais vécy qu’il nous fauldra faire. » Pathelin. 121 Comme précédemment. 122 Tous mes prédécesseurs lisent « chanter je ». Les vers 67 et 306 définissent la chanterie comme la manie de chanter. 123 BM : puis (Quand il aura la bouche pleine, il cessera de chanter.) 124 Sans que vite vous ne lui donniez. 125 BM : donnez encoire (Encoire n’est pas normand, contrairement à voirre [verre] : cf. la note 38 des Frans-archiers qui vont à Naples.) En Normandie, boire se prononce baire : « Du meilleur vin y veulent baire. » (La Muse normande.) Ce mot rime donc ici avec verre, comme il rime avec chère au vers 266. « Ung pot à pisser pour eulx boyre,/ Ung vieil pot cassay et ung voirre. Le Mariage Robin Mouton. 126 Du pavot déshydraté. Le Galant doit être apothicaire ou médecin. 127 BM : Tant (Quand vous le verrez ivre.) 128 BM : quaqueter (Sans rien lui demander.) 129 Le Galant s’en va définitivement. Colette reste encore un peu à l’extérieur. 130 Je pourrais vous aimer davantage. Encore une chanson d’amour qui a fini en Noël. Brown nº 212. 131 À cette date, le couturier aura fini de tailler le tissu que je vais lui apporter. Colette rentre dans la maison. 132 C’est le vers 104 de Pathelin. 133 J’y vais sans ajouter de complications. C’est un terme de procédure. 134 BM : Vous en (« Ceste bouteille de vin bon. » L’Amoureux.) Colette verse dans un verre du vin et la poudre soporifique. 135 On comprend que Calbain soit surpris : les femmes des savetiers refusent toujours de leur donner du vin. Cf. Serre-porte, vers 155-6. 136 Vers manquant. Délitable = délectable. « Les vins délitables,/ Doulz et amiables,/ Rire et chanter font. » La Bonne vinée. 137 BM : desieunez (Dînez.) 138 BM : Il 138 BM : Il est bon Terraminus (Calbain ignore le latin, comme il l’avoue au vers 34. Mais si l’on admet que alabastra [vases d’albâtre] désigne les carafes, on peut lui prêter cette revendication en latin de cuisine : Des verres moins petits, des carafes plus grosses !) 140 BM : pillatores (Calbain s’affale en arrière contre le dossier de sa chaise.) 141 BM : mamye (À la rime.) Formule affectueuse : « Adieu, m’amour ! Adieu, ma vie ! » Mystère de la Passion d’Auvergne. 142 Je veux faire dodo. « Quant n’ont assez fait dodo/ Cez petiz enfanchonnés,/ Il portent soubz leurs bonnés/ Visages plains de bobo. » Charles d’Orléans. 143 Chausses courtes en grosse toile, dont les artisans protègent leur bas-ventre et leurs cuisses. « Une paire de cullottes de velours ras, gris et bas, à attacher. » Huguet. 144 Calbain s’est endormi. Pour la plus grande joie des spectateurs, Colette fouille méticuleusement dans la braguette de son mari pour trouver sa bourse. Sur la coutume qu’ont les hommes de cacher leur argent dans leur braguette, voir Saincte-Caquette, vers 424 et note. 145 BM : A la (Les épouses piochaient dans la bourse de leur mari : celle de Colin qui loue et despite Dieu « luy tire la bource du sain » pour s’offrir un chaperon.) 146 ACTE 2. Quelques heures plus tard. Colette a eu le temps d’acheter de l’étoffe, de la porter chez un couturier qui a pris ses mesures, et de rentrer les mains vides à la maison. 147 J’ai les idées emmêlées comme le fil d’une quenouille. 148 Peu s’en faut que je ne me courrouce. Idem vers 318, 326, 343 et 365. Calbain voit que sa braguette a été ouverte. 149 Dérobé. Idem vers 300. 150 Je te donnerai une robe. 151 Vers manquant. Tu as fouillé dans la braguette où j’avais caché ma bourse. 152 C’est quand tu t’es penchée sur moi pour me couvrir (v. 273) que tu m’as volé ma bourse. 153 Brown nº 397. 154 BM : ne donra: (Qui refusa. « Il me nye/ Et drap et argent plainement. » Pathelin.) 155 BM : Dessus 156 Tandis que je faisais l’amour sur l’herbe avec un berger. « [Je] descendis en mon jardin/ Pour cuillir la violette./ Je trouvai le mien amy,/ Qui me coucha sur l’herbette. » (La Povre garce.) Brown nº 93. 157 Mes agneaux ont été mangés par un loup. Cette mésaventure est un thème récurrent dans les chansons de bergères. On dit encore qu’une fille qui a déjà fait l’amour a « vu le loup ». 158 BM : sont (« Ma mère, de moy vous raillez ! » Le Mariage Robin Mouton.) 159 Au vers 67, c’est Colette qui disait à Calbain : « Laissez ceste chanterie ! » 160 Que je m’en aille. Non répertorié par Brown. 161 Ce qu’il y a à faire pour. 162 Calbain s’interrompt avant de prononcer la malédiction complète : Le diable y ait part ! (Au vers 359, il ne se gênera plus.) Il se souvient d’un autre savetier, Audin, qui souhaite que le diable emporte sa femme, et qui est exaucé malgré lui. 163 Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) est plus disert : « Vous my faictes tant rire, tant rire,/ Madame Margot,/ Vous my faictes tant rire/ Quant j’ay ung gigot. » Brown nº 407. 164 Je n’y trouve pas de quoi rire. 165 BM : rendre (À la rime.) Les savetiers vendent leurs « souliers vieux » dans les rues : « Je m’en vays crier, oyez-vous,/ Mes vieulx soulliers parmy la ville. » Le Savetier Audin. 166 Si ce n’était que je file et que je vends mon ouvrage. 167 BM : A chascune (Quelquefois un peu.) 168 Singe. 169 « Comment ! n’en auray-je aultre chose ? » Pathelin. 170 « Ha ! mon seigneur : vous estes,/ Ce croy-je, courcé d’aultre chose./ Par saint Leu ! mon maistre, je n’ose/ Riens dire, quant je vous regarde. » Pathelin. 171 C’est de mieux en mieux ! 172 BM : Puis (BM intervertit ce vers et le précédent.) 173 Pleine d’affectation, hypocrite. « Affettées, pipeuses, tricherresses. » Roger de Collerye. 174 Fausse bigote. Même mot normand à 372. 175 N’avez-vous pas vu. Cette célèbre chanson normande est nommée au vers 31 du Vendeur de livres. On la chante dans le Savetier qui ne respond que chansons (F 37). Le théâtre lui rendra un dernier hommage en 1640, dans la Comédie de chansons. Brown nº 34. 176 Je suis bien tombé, avec vous ! Même vers dans Frère Fécisti. 177 Battrai. « –Il chante quant je luy en parle./ –Allons à luy, et qu’on le gale ! » Le Savetier qui ne respond que chansons, F 37. 178 On peut entendre la Chanson du petit chien dans le Vendeur de livres et dans le Savatier et Marguet. Brown (nº 207) l’intitule Je m’en allé veoir m’amye. 179 Une grande contrariété. Cf. Raoullet Ployart, vers 142 et note. 180 « Las ! ‟frappez” tout beau, car je suis tendrette./ Si vous my blessez, je vous feray mettre/ En la prison du Chasteau,/ Nic, nic, nic et nique,/ Nic, nic, nic et nau. » Cette chanson grivoise de Pierre Moulu est postérieure à notre farce (v. la note 85). Comme beaucoup d’autres gaillardises, elle fut transformée en Noël. Brown nº 111. 181 De vieux souliers, pour les raccommoder puis les revendre. 182 Il commet assez de péchés pour deux. Confondre = faire descendre en enfer ; cf. Gratien Du Pont, vers 343 et 350. 183 On bat l’épeautre avec un fléau pour en extraire le grain. Possible confusion avec l’expression courante « battre comme plâtre ». 184 Voir le vers 400. « Que grand dyable vous falloit-il ? » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 185 Tout de suite. Calbain gifle sa femme. 186 BM : vilainement (D’une manière vile.) 187 Assassinée. En Normandie, un joque-sus est un niais ; cf. Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 109 et 169. 188 Déçu, trompé. 189 BM : dangereuse (C’est la réponse du savetier à la savetière, qui le trouvait « fâcheux » au vers 357.) 190 BM : ferez pas. (Tu ne me feras pas paître.) 191 Je le jure sur le soleil. Mais Colette, qui ne veut pas renoncer aux plaisirs nocturnes, dit en réalité : Tant qu’il fera jour. 192 Vœu. 193 BM : chaulde (Je me monte la tête facilement. « Antonius incontinent leva la teste haulte, et devint redoutable à tous. » Jacques Amyot.) Avant d’être appliquée aux hommes impétueux, cette expression concernait les cerfs en rut. 194 BM : conditions (Mes querelles. « Contencions et débas. » ATILF.) 195 BM : temptations: (Sans délai.) 196 BM : prinse (Qui a ma bourse, si…) 197 Pendant que Colette fait semblant de remplir son balluchon, Calbain va fouiller dans ses propres affaires en quête de la bourse. Il dialogue avec lui-même, tout comme le drapier dont Pathelin a pris les 6 aunes de drap : « –Il les a eues, vrayement !/ –Non a, dea…. –Il les a eues !/ –Par la mort bieu, non a, ce tiens-je./ –Non a ? Mais à quoy donc en vien-ge ?/ Si a ! » 198 Si elle l’avait prise, elle l’aurait reconnu. 199 BM : le (Pour reconstituer mon bien.) 200 Les Sotz triumphans qui trompent Chacun symbolisent la tromperie en soufflant dans une trompe. 201 BM : Tronpãt (Trompeur.) Trompeter = annoncer avec tambours et trompettes. 202 « Par trop tromper, je suis trompé. » Les Sotz triumphans qui trompent Chacun. 203 BM : le trompeur et sa femme.
LE PÈLERINAGE DE MARIAGE
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LE PÈLERINAGE
DE MARIAGE
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Nous avons là une des satires antimatrimoniales les plus élégantes. Émile Picot1 nous révèle qu’en octobre 1556, la troupe exclusivement masculine de Pierre le Pardonneur2 donna des représentations à Rouen, mais que le parlement de cette ville les interrompit. Une des causes de cette interdiction tient au fait que les acteurs jouaient « la farce du Retour de Mariage ». Picot identifie ce Retour de Mariage à notre pièce, et présume que la censure lui reprochait de parodier les litanies du samedi saint.
Trois demoiselles (interprétées donc par des hommes) vont en pèlerinage au pays merveilleux de Mariage. Elles croisent un vieux pèlerin qui en revient déçu, et qui pourrait dire comme celui du Pèlerin et la Pèlerine 3 : « Je vien d’un pays bien sauvage / Que l’on appelle Mariage. » Le vieillard se gausse des futures épouses, mais ne tente pas de les dissuader, sachant bien que les femmes gagnent toujours à se marier. En revanche, il voudrait sauver de la catastrophe un jeune pèlerin, qui ne lui en sait d’ailleurs aucun gré, et qui assimile l’expérience du vieil homme au gâtisme. On devine que lui-même, un jour, tiendra le rôle du vieux pèlerin.
Source : Manuscrit la Vallière, nº 19.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, strophes aabba.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce à cinq personnages.
C’est à savoir :
le Pèlerinage
de Mariage
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LE [VIEL] PÈLERIN
LES TROYS PÈLERINES
et LE JEUNE PÈLERIN
*
[LA PREMIÈRE]4 PÈLERINE com[m]ence
Or allons à nostre voyage5 SCÈNE I
Que l’on apelle Mariage !
Jeunes filles en ont désir.
LA IIe PÈLERINE
D’y aller m’est un grand plaisir ;
5 Et pour tant6, partons de ce lieu !
LA IIIe PÈLERINE
Puysque c’est le plaisir de Dieu,
Je m’y veulx mectre par chem[i]n,
Gardant [nect nostre]7 parchemin,
Moyennant volonté7 divine.
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LE VIEL PÈLERIN 9 SCÈNE II
10 Tant plus en ce monde chemine
— Povre pèlerin douloureux
De Mariage, langoureux10 —,
Moins11 je ne puys trouver la fin.
Et sy, ne sçay12 homme sy fin
15 Qui à cheminer n’en fust las.
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LA IIe PÈLERINE SCÈNE III
Ma mye, donnons[-nous] soulas13 :
Voécy un pèlerin qui vient.
L[A] PREMIÈRE
Quant je le voy, y me souvyent14
D’un homme qui est fort lassé.
20 Il a en quelque lieu passé,
Tant est rompu en ses habis.
.
Bon soyer15, mon amy ! SCÈNE IV
LE VIEL PÈLERIN
Et vobis 16 !
LA IIe PÈLERINE 17
Cela est latin.
LE VIEL PÈLERIN
J’en faictz rage.
LA PREMIÈRE
Or çà, de quel pèlerinage
25 Venez-vous ?
[LE VIEL PÈLERIN] 18
Je viens de sy loing
Qu’i n’est de le19 dire besoing.
LA IIIe 20 PÈLERINE
Dictes-le-nous !
LE VIEL PÈLERIN
Le grand voyage
Que l’on apelle Mariage.
LA PREMIÈRE
Nous y allons.
[LE VIEL PÈLERIN]
Dieu vous convoye21 !
LA IIe PÈLERINE
30 Je vous pry(e), monstrez-nous la voye
Par où y nous y fault aller.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Y fault-y aller sans parler ?
LE VIEL PÈLERIN
Nénin ; les femmes pas, au moins22.
LA IIIe PÈLERINE
Et les hommes ?
LE VIEL PÈLERIN
Ne plus, ne moins.
35 Je ne m’y voulus consentir,
Et sy23, est permys de mentir
En y alant.
LA PREMIÈRE
En Mariage,
Y parle-l’en mauvais langage ?
Est-il mal aisé24 à comprendre ?
LE VIEL PÈLERIN
40 Nénin, vous le pourez aprendre
Incontinent ; je l’ay ouÿ.
LA IIe PÈLERINE
Et qu’i fault-y dire ?
LE VIEL [PÈLERIN]
« Ouÿ. »
Y n’y a aultre chose à dire
Que ce mot-là.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Escoustez, syre :
45 Y peult-on aler à cheval ?
LE VIEL PÈLERIN
Les uns y vont à grand déval25,
Cuydant trouver leur cas à poste26.
Mais tel, souvent, y court la poste27
Qui à pié eust esté trop tost.
50 Mais le voyage est sy dévost
Qu’i tarde à chascun qu’i n’y soyt.
LA IIIe PÈLERINE
Puysque tel bien s’y apersoyt,
Allons-y !
LE VIEL PÈLERIN
Alez, de par Dieu !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Le lieu est-il beau ?
LE VIEL PÈLERIN
C’est le lieu
55 Où il y a plus de débat28…
Que di-ge ? Non, non : plus d’esbat,
Qui s’y sçayt bien contretenir29.
LA IIe PÈLERINE
Je ne me séroys30 plus tenir
D’aller31 !
LE VIEL PÈLERIN
Alez à la bonne heure !
60 Se je vis avant que je meure,
Je vous verray32 en bonne encontre.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous s’il [s’]en rencontre33
Qui nous fist le chemin faillir.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! ouy bien, qui vouldroict saillir34
65 Dehors des termes de Raison.
Car y fault, en toute saison,
Aler tousjours le chemin droict :
Car qui aultre chemin tiendroict,
Au lieu d’aller à Mariage,
70 On s’en yroit en Malerage35,
Ou bien cent lieues36 par-delà.
LA IIIe PÈLERINE
Dieu nous gard d’aler jusques-là !
Cela37 fail[l]yroit nos journ[é]es.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Trouverons-nous pas des jonchées38 ?
LE VIEL PÈLERIN
75 Ouy, ouy, d’assez bien adjencées39.
LA IIe PÈLERINE
Et de quoy ?
LE VIEL PÈLERIN
De menu[e]s penc[é]es
Que femmes c[u]euilent, [et jalousie]40.
Et [des poyres de jalousie]41,
Chia brena42, tati tata,
80 Je veulx cecy, je veulx cela,
Tant de parolles ennuyeuses.
LA IIIe PÈLERINE
Cela sont poyres trop fascheuses :
Y ne sentent point43 leur framboyse.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! mon Dieu, qu’i[l] y a de noyse(s),
85 Sans les noysilles44, les noysètes.
Non pas avec jeunes fillètes
Comme vous : poinct on n’y en menge45.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Est-il vérité ?
LE VIEL PÈLERIN
Poinct n’en men-ge46.
Oultre, il est ordonné de Dieu
90 Que pèlerin qui va au lieu
De Mariage et là s’encline47,
Y couche48 avec sa pèlerine.
Les ordonnances en sont telles.
LA IIe PÈLERINE
Or çà ! combien se vendent-elles49 ?
LE VIEL PÈLERIN
95 Combien ? Autant sotes qu’apertes50,
Quatre51 denyers.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Non plus ?
LE VIEL PÈLERIN
Non, certes,
Car ainsy est le traict merché52.
LA IIIe PÈLERINE
En bonne foy, c’est bon marché.
LE VIEL PÈLERIN
Selon les hommes le guerdon53 :
100 Aux uns « ouÿ », aux aultres « non ».
Selon54 qu’est la femme, je dis :
Les uns y treuvent paradis,
Les aultres enfer, par mon âme !
Et tel, souvent, y crye « à l’arme »
105 Qui l’aloyt assaillir d’emblée55.
.
LE JEUNE PÈLERIN 56 SCÈNE V
Dieu gard ceste noble assemblée !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Et vous !
LE VIEL PÈLERIN
Et vous !
LA IIe PÈLERINE
Et vous !
[ LA IIIe PÈLERINE
Et vous ! ]
LE JEUNE PÈLERIN
Où allez-vous ?
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous
Où d’aller avez entreprins.
LE JEUNE PÈLERIN
110 J’ey, sans penser d’estre reprins57,
Entreprins le pèlerinage
D’aler tout droict en Mariage.
Voy(e)là où gist tout mon soulcy.
LA IIe PÈLERINE
Nous l’avons entreprins aussy,
115 Et du chemin nous enquérons,
Et au pèlerin requérons
— Qui en vient — qu’i nous die58 que c’est.
Mais je voys bien qu’i ne luy plaist
D’y avoir [entre]prins chemin59.
LE JEUNE PÈLERIN
120 C’est un brouilleur de parchemin60,
Un ras[s]oté qui n’en peult plus.
Alez prier Dieu ! Au surplus,
Nous passerons, doresnavant.
LE VIEL PÈLERIN
Hardy, mectez la plume [au vent]61 !
125 Jamais jour62 ne vous cessera.
Et maudict63 qui se lassera
Premier qu’i soyt troys ans passés !
LE JEUNE PÈLERIN
Ces vieulx sont rompus et cassés ;
On leur veoyt presque le cerveau saillir.
130 Non, non ! S’on me vient assaillir,
J’ey bon baston64 pour moy deffendre
Ferme et fort, pour piquer et fendre.
A ! je ne crains nul assaillant.
LE VIEL PÈLERIN
Il est roullant comme Vaillant65 !
135 Saincte Dame, qu’il est hardy !
Y sera tant acouardy66,
Mais que son « bourdon67 » soyt lassé.
Le mien est rompu et cassé,
Tout verdmoulu68 depuys long temps.
LE JEUNE PÈLERIN
140 Sy ces vieulx en sont mal contens,
Fault-il les jeunes desgouster ?
Non, non ! Y les fault débouster69
D’un coup !
LE VIEL PÈLERIN
Regardez que vous ferez70,
Gentil Hercules ! Demourez71,
145 Atendez jusques à demain.
LE JEUNE PÈLERIN
J’ey bon pié, bon œuil, bonne main
Pour bien sçavoir descroter cotes72 !
LE VIEL PÈLERIN
Olivier, baille-luy ses botes73 :
Y tura Karesme-prenant74.
LA IIIe PÈLERINE
150 A ! dea, nous avons maintenant
Qui nous asseure75.
LE JEUNE PÈLERIN
Ce viellart
Nous veult user de son viel art76 ;
Mais y luy fault monstrer les dens.
Que ne me fourrasse77 dedens ?
155 J’aymeroys myeulx avoir…
LE VIEL PÈLERIN
La taigne ?
Ô gentil78 Artus de Bretaigne,
Gentil Hector, miséricorde !
Gardez la noix79 de vostre corde :
Vous pouriez bien chermer le trect80.
160 S’y veult cheminer sy estroict81,
Y se lassera à82 complaire.
LE JEUNE PÈLERIN
Mariage à chascun doyt plaire ;
Car je dis que s’il eust despleu
À Dieu, y ne luy eust pas pleu
165 D’en faire le commendement83.
Aussy fist-il ce sacrement,
Au lieu84 de Paradis térestre.
Par quoy, je dis qu’il ne doibt estre
En cest estat vespérisé85.
LE VIEL PÈLERIN
170 Et ! s’il a esté sy prisé
De Dieu (ce que je ne crus onques),
Que ne se mariet-il donques ?
Ma foy, y n’estoyt pas sy nis[s]e86 !
LE JEUNE PÈLERIN
Tes-toy87, que Dieu ne te punisse !
175 C’est trop babillé et trop dict !
Que je soye de Dieu…
LE VIEL PÈLERIN
Mauldict ?
[Serez assez]88 de vostre femme.
LE JEUNE PÈLERIN
Garde-toy de sumer89 diffame,
Et n’en dis rien que bien apoinct90 !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
180 Un cœur qui d’amour est espoinct91
Et peult mariage choisir,
Je croy que de douleur n’a poinct,
Y chantent :
Puysqu’il est beau à mon plaisir.92
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Quant on a le loisir,
185 Mariage est mygnon et gent ;
On ne séroyt meilleur choisir,
Y chantent :
Mais qu(e) on ne baillast 93 poinct d’argent.
LE JEUNE PÈLERIN
D’argent ne fault estre sergent 94.
Quant telle joye95 est avenue,
190 On prent un plaisir réfulgent96,
Y chantent :
Quant la nuict est venue.97
LE VIEL PÈLERIN
La nuyct ? Bien souvent, par la rue,
[Le mary en]98 sent la froidure ;
[Sa] femme, [au lict]99, regibe et rue
Y chantent :
195 Tant comme la nuyct dure.100
LA IIIe PÈLERINE
La nuyct, nul mal on n’y endure :
C’est de plaisir une montjoye101.
On n’y séroyt trouver laidure,
Y chantent :
Quant on y prent soulas et joye.102
LE VIEL PÈLERIN
200 Soulas et joye ? Mais rabat-joye !
Menasse103 le plaisir affolle.
Pensez-vous que croi(e)re on vous doye ?
Y chantent :
Nénin, je ne suys pas sy folle.104
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Sy folle ? C’est simple parolle105.
205 Jà à vostre dict n’entendray ;
C’est vérité ou parabolle106.
Y chantent :
Ne me chault, mon plaisir prendray.107
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Je respondray :
Que noyse n’y vault rien sans débat108.
210 Autant vauldroict estre enfondré109,
Y chantent :
Sy j’estoys alé à l’esbat.110
LA IIIe PÈLERINE
À l’esbat on y va sans sabat111.
Mais un tas de mal gratieux
Veulent tous servir au rabat112,
Y chantent :
215 Dont y n’en séroyent valoir myeulx.113
LE VIEL PÈLERIN
Valloir myeulx ? Et ! compaignon vieulx114,
L’Ordre de ménage115 est souldaine.
Je tiens pour fol et glorieulx116
Y chantent :
Celuy qui la tient pour certainne.117
LA IIe PÈLERINE
220 Pour certaine ? Et ! au [sien] démainne118
Et au jardin, a bonne chose119 :
Florist ermerye120, marjolainne,
Y chantent :
Et aussy faict la passeroze.121
LE VIEL PÈLERIN
La passeroze ? Et ! je propoze
225 Qu’i122 soyt vray : le dirai-ge ? Ita !
Tant d’espines, dont chanter n’ose123,
Y chantent :
[Consumo la mia vita]124.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc bon cœur ne s’en despita,
Au moins s’y se veult faire veoir125.
230 Qui y entre, son délict a126
Y chantent :
Comme un amoureulx doibt avoir.127
LE VIEL PÈLERIN
Avoir mariag’ [il] faict beau veoir ;
Mais du ménaig’ n’a poinct d’envye.128
Tousjours donner sans recepvoir,
Y chantent :
235 Je croys que j’en perdray la vye.129
LA PREMIÈRE PÈLERINE
La vie en vient, on s’en desvye.
Mon cœur en a [joyeulx esté]130 :
Car quant l’Ordre est bien [des]servye131,
Y chantent :
Y raverdist en132 joyeuseté.
LE VIEL PÈLERIN
240 Joyeuseté ? Tout133 est frété :
Chagrin y est, je vous promays.
Sy j’en sors, yver ou esté,
Y chantent :
Jamais ne m’aviendra, jamais134 !
LE JEUNE PÈLERIN
Jamais ? C’est un gracieulx mès
245 Que de ris135, à n’en doubte[r] mye ;
Car g’y chanteray désormais :
Y chantent :
« Mais omblier ne la puys mye. »136
LE VIEL PÈLERIN
Mye ? Et sy ta femme te maistrye137,
Va-t’en : jà n’yra après toy.
250 Et n[’ay]es pas peur qu’elle te dye :
Y chantent :
« Mon bel amy, atendez-moy ! »138
LA IIe PÈLERINE
N’esse pas plaisir, par ta foy,
Que mariage ? On ne peult myeulx.
Telle léesse139 au monde je ne voy
Y chantent :
255 Pour en avoir son petit cœur joyeulx.140
LE VIEL PÈLERIN
Joyeulx ? Joyeulx ? Voy(e)re, jusques aulx cieulx !
« Hély, hély, [lama sabacthany]141 ? »
Pauvre, sans142 bien et thésor gracieulx
E[s]t mon las cœur143, de tout plaisir bany.
260 Et ! je vous pry(e), n’en parlez plus hüy144,
Vous, ny elle, [ou] elle, ne luy.
On n’y tient pas ce qu’on promect.
Car de grand folye s’entremect
Qui se chastye par aultruy145.
LE JEUNE PÈLERIN
265 Sans mariage, on ne feroyt
Jamais146. Tout bien se desferoyt ;
On n’auroyt amys ne parens.
Ce sont termes bien aparens ;
Qui diroyt que non, fol seroyt !
LE VIEL PÈLERIN
270 Les uns y vivent à souhaict :
C’est un mignotis, un jouect147.
Aultres y vont à la traverse148.
Contre Fortune la diverse149,
Un charestier rompt son fouet.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
275 Escoustez que dire je veulx150 :
Pourquoy fistes-vous donc des veulx151
Pour, en fin, vous en repentir ?
[Comme Absalon, sans vous mentir,]152
Tel fuict qui tient par les cheveulx.
LE VIEL PÈLERIN
280 [Aucun n’y]153 faict plus qu’i ne peult :
L’un y est aise154, l’aultre s’y deult ;
Grison155 y rue, doulx est Moreau.
Car entre cy et Sainct-Marceau156,
Chascun n’a pas argent qui veult.
TOUTES III ENSEMBLE
285 Alons, alons, laissons-lay157 dire !
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous en veulx pas desdire.
[LE JEUNE PÈLERIN] 158
Or ne m’en viens donc plus parler !
LE VIEL PÈLERIN
Et ! sy vous y voulez aller,
Alez-y donc, n’y alez pas,
290 Courez-y159, marchez petit pas,
Reculez, avancez-vous fort,
Fuyez, mectez-vous en effort,
Et aportez le « pot au laict160 ».
LA IIe PÈLERINE
Voécy un térible poullaict161 !
295 Nous yrons en pèlerinaige
Maintenant !
LE VIEL PÈLERIN
Vous ferez que saige162.
Mais regardez quelle promaisse
Vous ferez devant qu(e) ouïr messe,
À la grand porte de l’église.
LE JEUNE PÈLERIN
300 Et ! je promectray à la guise163
Des aultres.
LE VIEL PÈLERIN
Sans tendre gluotz164,
Y s’y prend beaucoup de dÿotz,
De coqus et de pauvres buses165.
Il y fault penser.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Tu t’abuses !
305 Pour mariage entretenir,
Ne pouroyt[-il] pas bien tenir
Foy et loyaulté ?
LE JEUNE PÈLERIN
À jamais,
Car je tiens ce que je promais
Sans rompre.
LE VIEL PÈLERIN
Luy, jà n’aura courage
310 D’aler rompre son mariage ;
Garde n’avez qu’i s’y efforce.
Mais de luy donner quelque estorse166,
Ou le ployer, je ne dis pas.
LA IIIe PÈLERINE
En toy, n’a reigle ne compas167.
315 Sa femme ne fault estranger168 :
Ne [soys] sy hardy d’en169 changer
Ne pour pire, ne pour meilleure.
LE VIEL PÈLERIN
Changer ? Vray Dieu, à la male heure !
S’on les changeoyt comme les mulles170,
320 Que de contras et que de bulles171 !
Les taverniers auroyent bon temps172.
LE JEUNE PÈLERIN
[Paix ! C’est]173 trop babillé, entens ?
[Et !] tu me faictz fol devenir.
LE VIEL PÈLERIN
Puys voécy Ménage174 venir,
325 Qui chantera de belles notes :
Avoir fault175 des robes, des cotes,
Habis de testes et gorgères176,
Chaînes qui ne sont pas légères,
Bordures, carquens177, pierreryes,
330 Et toute[s] belle[s] orfavre[r]yes.
Y n’y fault pas faillir à cela.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Va, va, viellard jamais tant ne parla178.
Fuy-t’en de nous sans plus atendre !
LE VIEL PÈLERIN
Puys y fault au[x] repas entendre179 :
335 Pain, vin, chèr, pouesson et cherbon180,
Boys, poys, fèbves et du lard bon,
Tables, scabelles et traicteaulx181,
Chandelles, torches [et] flambeaulx.
Entendez-vous bien ce que je dix ?
TOUS ENSEMBLE
340 Et ! va, va ! C’est un paradix182.
LE VIEL PÈLERIN
Ouy, sy Dieu y estoyt, et ses anges.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc ne vis choses sy estranges.
Tes-toy [donc] !
LE VIEL PÈLERIN
Rien je ne vous celle :
Y fault avoir de la vesselle,
345 Pouelles, pouellons, gates, chauldières183,
Cramill[èr]es et chandelièr[e]s184,
Escuelles, plas, pintes, ég[ui]ères,
Trencheur[s], garde-napes185, salières,
Et la mengeure des chevaulx.
LE JEUNE PÈLERIN
350 Jà je n’y auray telz travaulx186,
Ne m’en vien pas cy tracasser !
Jamais ne me séroyt lasser187,
J’en suys certain et asseuré.
LE VIEL PÈLERIN 188
Je l’avoys en ce poinct juré,
355 Mais…
TOUS ENSEMBLE
Quel mais ?
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous dis rien.
LA IIe PÈLERINE
Rien ? C’est un [très] souverain bien
Que d’aller en pèlerinage
— À jeunes gens — en Mariage ;
Nous irons, il [en] est conclus189 !
LE VIEL PÈLERIN
360 Et je ne vous en parleray plus.
Et tout ce que vous en ay dict,
Ce n’a pas esté par médit190
Mais affin de vous advertir :
Sy vous y voullez convertir,
365 Il y a des empeschemens,
Bien souvent, aulx entendemens191.
Mais il se fault tourner vers Dieu
Et, premyer192 qu’entrer au sainct lieu
De Mariage, il fault crier
370 Et à haulte voix Dieu prier ;
Et pour prendre possession193,
Faire bonne194 procession
Sonnée à très belles sonnètes195.
Puys nous dirons noz chansonnètes.
Ilz chantent tous ensemble une chanson.
.
LE JEUNE PÈLERIN
375 La procession est sonnée.
Ceulx qui ont leur amour donnée
En mariage, entendez bien
Le profit, l’honneur et le bien
Qui en ce bel Ordre est requis.
380 Il a assez, qui l’a acquis196.
LE VIEL PÈLERIN. La procession commence.197
Entre nous tous, joyeulx yrons198.
Entre nous tous, tant las serons.
Puys après, nous le [maul]dirons.
Puys aprèz, nous en repentirons.
385 Sancta Bufecta,
TOUS ENSEMBLE, en tournant à la salle.
Reculez de nobis199 !
Sancta Sadinèta200, aprochez de nobis !
Sancta Quaquèta201, ne parlez de nobis !
Sancta Fâchosa202, ne faschez poinct nobis !
Sancta Grondina203, ne touchez [à] nobis !
390 Sancta Fumèta, ne mesprisez204 nobis !
Sancta Tempestata, ne tempestez pas nobis !
Sancta Gloriosa205, alez loing de nobis !
Sancta Mignardosa206, reculez de nobis !
Sancta Bouffecta207, aprochez de nobis !
395 Sancta Jalousia, reculez de nobis !
Sancta Chiabréna208, ne fâchez pas nobis !
Sancta Mérencolia209, n’aprochez de nobis !
OMNES, sancti[s] freneticis 210
Libéra nos, Dominé 211 !
De femme plaine de tempeste,
400 Qui a une mauvaise teste
Et le cerveau embéguiné212,
ENSEMBLE
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui vont, au matin,
Aulx tavernes parler latin,
405 Et ont soublz la table uriné,
Libéra noz, Dominé !
De femme qui [çà et là]213 court,
Et tient son mary de sy court
Comme un Sot enjobeliné214,
410 Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par jeulx215 meschans,
Vendent leurs robes aulx marchans
Pour estre au jeu trop obstiné,
Libéra nos, Dominé !
415 De « femme qui a les doys menus,
Courte[s] mamelles, et nés camus »216,
Le faict bien sans lict encourtiné217,
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par un mistère
420 Trop souldain, font leur femme tère
Et ont le cerveau obstiné,
Libéra nos, Dominé !
De femme[s] trenchant du gros bis218,
Qui despendent tant219 en abis
425 Que le mary est mal dîné220,
Libéra nos, Dominé !
D’un homme qui à droict[e] « chevauche »
Et sa femme « chevauche » à gauche
(C’est tout à rebours cheminé),
430 Libéra nos, Dominé !
D’aller sans chandelle aulx retrais221
Et s’assouèr sus un estron frais
(C’est pour estre bien embrené),
Libéra nos, Dominé !
Oresmus.222
435 Que nous ayons tous bon courage
Contre tourmens de mariage,
Entre nous qui y som[m]es enclos !
Te rogamus, audi nos 223 !
Quant la femme tempeste et tence,
440 Que le mary ayt pacience
Et quelque petit224 de repos !
Te rogamus, audy nos !
Que [ces bragueurs]225 esperlucas,
Coureurs, fringans, esperlucas226,
445 Qui font rage de caqueter,
Pour bien du tout les arester
De bref puissent estre des nos227 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nos femmes nous tenceront,
450 Qu’aux228 injures qu’ilz nous diront
Qu’il y ayt quelque peu de repos !
Te rogamus, audi nos !
Qu’aultres ne leur(s) batent les cus
Et facent leurs maris coqus
455 En faisant la beste à deulx dos229 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nous viendrons de quelque afaire230,
Que nos femmes se puissent taire
Et qu’ilz ayent toutes le bec clos !
460 Te rogamus, audi nos !
Deffens-nous de leur malle231 teste,
Mulerye232, tenson et [t]empeste,
De leur bec, grys233, ongle & ergos !
Te rogamus, audi nos !
465 Que les deulx nouveaulx espousés
Se trouvent sy bien disposés
Qu’ilz puissent, en leur mariage,
Produyre bon et beau lygnage
Et vivre ensemble longuement !
470 Puys, en la fin, ayent234 saulvement
Avec Dieu, en céleste enclos235 !
Te rogamus, audi nos !236
*
1 Nouveau recueil de farces françaises des XVe et XVIe siècles, Paris, 1880, pp. LXII-LXVI. — Recueil général des sotties, t. III, Paris, 1912, pp. 269-299. 2 Cf. le Bateleur, vers 184 et note. Michel Rousse a publié les documents qui touchent cette affaire : Archives et documents datés, Rennes, 1983, pp. 235-236. N’étant pas en France, je n’ai pas pu consulter mes antiques photocopies de la thèse non éditée de M. Rousse concernant le Pèlerinage de Mariage. 3 Cette pièce de Claude Mermet s’inspire occasionnellement de la nôtre, ou d’une source commune. 4 LV : le viele (Nous avons là trois jeunes filles, comme le stipulent les vers 3 et 86, et elles sont encore célibataires.) En costume de voyage, les pèlerines se mettent en route vers le pays de Mariage. 5 Notre pèlerinage. Cf. le Grant voiage et pèlerinage de Saincte-Caquette. 6 Pour cela. 7 LV : nostre nect (Gardant lisible le sauf-conduit que nous a donné le curé. Cf. Colin filz de Thévot, vers 267-304.) On peut aussi comprendre : Gardant intact notre pucelage. Le parchemin désigne le pubis des femmes : Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note. 8 LV : la verite (Voir le v. 6.) La volonté de l’Église était que les filles arrivent vierges au mariage. 9 Vêtu d’un habit de pèlerin très usé, il revient de Mariage. 10 Atteint de langueur, malheureux. 11 LV : dont (La négation explétive moins ne est admise : « [La plaie causée par la flèche de Cupidon] en est si profonde/ Que d’en trouver la fin ne peux,/ Et la guarir moins je ne veux. » Je n’avois onc senty le dard.) 12 Et même, je ne connais aucun. 13 Accordons-nous un divertissement. « Mi-e » compte pour 2 syllabes. 14 Il me rappelle. 15 Bonsoir ! 16 LV : a vobis (Et vous aussi ! Le Pèlerin, qui s’est marié à l’église, en a retenu la langue.) 17 À partir d’ici, LV abrège Pèlerin et Pèlerine en p. Je ne le suivrai pas. 18 LV : la vielle p (Je corrige la même bévue à la rubrique du v. 29.) 19 LV : la (Je corrige la même faute de lecture au 2e mot du vers suivant.) 20 LV : ii (Entre les vers 10 et 149, le copiste oublie qu’il y a une 3e Pèlerine, à laquelle je vais donc rendre la parole de temps en temps.) 21 Fidèle à ses lubies, le copiste du ms. La Vallière accroche un double « e » à la fin du mot. Je corrige tacitement cette idiotie aux vers 30, et 197-202. 22 Elles ne sont pas logées à la même enseigne que les pèlerines qui se rendent à Sainte-Caquette, lesquelles n’ont pas le droit de parler en chemin, « car c’est ung tel pèlerinage/ Qu’en le faisant, mot on ne sonne ». 23 Et pourtant. 24 LV : esse (Même bizarrerie à 281.) 25 LV : cheual (à la rime.) En dévalant au galop. 26 Au mieux. 27 S’y précipite à cheval. 28 De disputes. Mais le vieux Pèlerin se reprend. 29 Si on sait bien se défendre. 30 Saurais, pourrais. Même normandisme aux vers 186, 198, 215, 352. 31 LV : dy aller (Mais on peut comprendre : Je ne saurais me retenir plus longtemps d’aller uriner. C’est bel et bien ce qui arrive à la pèlerine de Saincte-Caquette, vers 179-186.) 32 LV : veoray (Je vous verrai dans une bonne situation.) 33 Si nous risquons de rencontrer un homme. « Il s’en rencontre mesme qui (…) vont jusqu’à proférer ces mots. » Louis Abelly. 34 Si on voulait sortir. 35 « La MALLERAGE : Château de France en Normandie, au pays de Caux. » (Dictionnaire de Trévoux.) La « male rage » et le « mariage » sont plaisamment confondus : « Jamais n’ouÿ, de mon bon eur,/ Sy bien parler de malle rage…/ Dy-je [je veux dire], Sathan, de mariage. » Éloy d’Amerval. 36 LV : lieux (« Lieu-es » compte pour 2 syllabes.) 37 LV : ca la (Cela fausserait nos journées de marche.) 38 LV : monnoys (Fleurs dont on jonchait le sol avant le passage de la mariée. « L’autre amassoit des fleurs et en faisoit jonchées. » La Curne.) 39 LV : adiensses (Agencées, apprêtées. « Chacun taschoit à s’adgencer. » Guillaume Coquillart.) 40 LV : un petivt (Cueillent, et des œillets. Sur le double sens floral de « jalousie », voir Saincte-Caquette, vers 317.) « Pensée » cache aussi un double sens : fleur, et idée triste. 41 LV : tant poyres de chiot (« –Que mangera, par fantasie ?/ –Poires, poires de jalousie. » Les Cris de Paris.) Une épouse sert également à son mari des poires d’angoisse : « Amy, garde bien d’y aller (te marier) !/ Car l’on t’y fera avaller/ Souvent mainte poire d’angoisse/ Toute succrée de tristesse. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 42 Dénomination doublement scatologique (chier + brenner) des embarras causés par les femmes ; voir le v. 396. « Le chiabrena des pucelles. » (Pantagruel, 7.) « Tati tata » exprime le bavardage féminin : cf. les Botines Gaultier, vers 25. 43 LV : pomc (Les fruits étaient bons s’ils avaient goût à framboise. « Y [mes pommes] sentent comme la framboyse. » Le Marchant de pommes.) 44 LV noys aussy (Noisille et noisette sont des diminutifs de noise. « Ces petites noisettes, ces riottes qui, par certain temps, sourdent entre les amans. » Rabelais, Tiers Livre, 12.) 45 Avec vous, on ne mange pas ce genre de « noisettes ». 46 Je ne mens pas. « Se ne dis vray, au moins ne men-ge mye. » Jehan Molinet. 47 S’incline dévotement. 48 Au-dessus de ce mot, qui n’est pas biffé, le copiste a écrit : achete 49 Les ordonnances, ou les pèlerines ? 50 Qu’elles soient sottes ou intelligentes. Les ordonnances, ou les pèlerines ? 51 LV : quatorz e 52 Le trait est marqué : le barème est fixé. 53 On récompense les gens selon leur mérite. 54 LV : synon (Suivant comment est l’épouse.) 55 Qui allait assaillir le pays de Mariage par surprise. 56 Il arrive derrière les femmes, vêtu d’un habit de pèlerin flambant neuf. 57 Repris, blâmé. 58 LV : dict (Voir le v. 250.) Qu’il nous dise ce que c’est. 59 « Trop est personne aventureuse,/ Qui tel chemin ose entreprendre. » ATILF. 60 Un faiseur d’embrouilles. « Messaiger sûr, dont congnoissance avez,/ Debvez plustost envoyer par chemin/ Que ung estrange brouilleur de parchemin. » Guillaume Crétin. 61 LV : auant (Allez au gré du vent. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 341 et 347.) 62 LV : jouee (Nul jour. « Et jamais jour ne cessera,/ Comme faict le las Sisiphus. » Roman de la Rose, éd. 1529.) Votre mariage ne cessera jamais. Le lien du mariage était indissoluble, et les divorces, vendus par l’Église, pouvaient coûter fort cher. 63 LV : mon dieu (Que soit maudit celui qui se lassera avant 3 ans passés.) 64 Les pèlerins portent un bâton ferré, le « bourdon ». Voir le v. 137. 65 Inversion ironique — et confirmée par la rime riche — du proverbe : Être vaillant comme Roland. Le neveu de Charlemagne est encore évoqué au vers 148. 66 LV : a couardy (Privé de coue, de queue. « –Va-t’en coucher emprès la belle !/ –Rien, rien ! –Es-tu acouardi ? » Le Mariage Robin Mouton.) 67 Son bâton de pèlerin. Au second degré : son pénis. « En la main de madame la nonnain (il) mist son bel et trèspuissant bourdon, qui gros et long estoit. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 68 Vermoulu, délabré. 69 Il faut débouter les vieux pèlerins, les repousser. 70 Prenez garde à ce que vous allez faire. 71 LV : desires (Restez ! « Demourez là jusques à demain ! » La Condamnacion de Bancquet.) 72 Les lavandières nettoient les cottes en les frappant avec un battoir. Ici, nous devons lire « vos côtes ». 73 Donne ses bottes de cavalier à notre nouveau Roland ! La Chanson de Roland fait d’Olivier le compagnon de Roland, mais pas son valet. 74 Le Carême-prenant est le Carnaval, qu’on tue symboliquement pour qu’il laisse la place au Carême. Émile Picot signale un Coq-à-l’âne attribué à Marot : « Quand l’espée au costé j’ay ceincte,/ Je turoy Caresme-prenant. » 75 Quelqu’un qui nous défend. 76 C’est une des rimes équivoquées les plus courantes. Elle se combine avec « viel lart » : vieux pénis. 77 LV : fourmasse (Que je n’aille pas me fourrer dans le mariage ? « Il n’eut autre loisir que de se aller fourrer dedans. » ATILF.) Double sens érotique : « (Le) bon bergier se fourre dedens…. Tout ce qu’il avoit (il) ensevelit jusques au manche. » Cent Nouvelles nouvelles, 82. 78 Noble, valeureux. Idem vers 144. Le roi Arthur est un parangon du guerrier, de même que le héros troyen Hector. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 555 et 605. 79 Surveillez la partie mobile de votre arbalète, qui tire la corde en arrière. Cf. l’Arbalestre, vers 466. 80 Dévier votre tir. « Pour ce, nous fault le trait charmer/ Et de traïson nous armer. » (ATILF.) Double sens : Boire d’un trait. « (J’)yroye droit à l’avantgarde chez le tavernier pour charmer le traict. » Pierre Fabri. 81 LV : estroiet (Si fort. « [Il] gela sy estroict que les résins estant jà meurz flestrirent. » Raymond d’Austry.) 82 LV : pour (Vers obscur et sans intérêt, à moins qu’il ne recèle un calembour grivois : « De perdre honneurs et biens pour vouloir à con plaire. » Jehan Molinet.) 83 LV : coḿencement 84 En son royaume. 85 LV : vesperisse (Bafoué.) 86 Si nice, si bête. 87 Tais-toi. Idem vers 343. Le jeune insolent commence à tutoyer son aîné, suivi par les femmes au vers 304. 88 LV : car cest ases (Vous serez assez maudit par votre femme. « Elle me maudict comme un chien. » L’Arbalestre.) 89 De semer. Cf. la Veuve, vers 22. 90 N’en parle que pour de bonnes raisons. 91 Piqué. 92 Extrait de la chanson On a mal dict de mon amy. Voir Howard Mayer BROWN : Music in the french secular theater, Harvard University Press, 1963. Nº 318. 93 Pourvu qu’on ne donne. Chanson inconnue. LV intervertit ce vers et le vers 191. 94 Serviteur. Même chanson au vers 19 du Savatier et Marguet. 95 LV : joẽe 96 Éclatant. 97 2e vers de la chanson Il fait bon fermer son huis. Brown nº 174. 98 LV : tout mary on (Le mari se gèle dans la rue quand il guette l’arrivée de l’amant de son épouse, ignorant que celui-ci est déjà dans la maison.) 99 LV : mule (Sa femme regimbe [rue] et fait des ruades avec son amant.) 100 Extrait d’une chanson d’Antoine de Févin, Il fait bon aimer l’oyselet, qui est chantée dans le Retraict. Brown nº 173. 101 LV : mont joyee (C’est un monceau de plaisir.) 102 Extrait de la chanson Réveillez-vous, réveillez. Brown nº 366. 103 La menace de voir le mari débarquer à l’improviste. 104 Refrain de la chanson Je voys, je viens, mon cueur s’en volle. Brown nº 228. 105 Ce sont des mots en l’air. 106 Ou mensonge. 107 Chanson inconnue. 108 Même proverbe dans Guillerme qui mengea les figues et dans Le Sourd, son Varlet et l’Yverongne. La sagesse du vieux pèlerin s’exprime sous forme de proverbes. 109 Être au fond de la rivière. 110 Extrait de la chanson Je le lesray puisqu’il m’y bat. Brown nº 206. 111 Sans bruit. 112 Au jeu de paume, servir au rabat c’est feinter l’adversaire en rabattant l’éteuf vers le sol. « Je le serviray au rabat. » L’Aveugle et Saudret. 113 Chanson inconnue. 114 Mon vieil ami. « Affin aussy que dire adieu je voyse [j’aille]/ À mes amys et mes compaignons vieulx. » (Clément Marot.) Cette incise est narquoise, venant d’un vieillard qui s’adresse à un jeune homme. 115 Le mariage est considéré comme un Ordre monastique. Idem vers 238 et 379. « Entre nous autres, pauvres gens,/ Qui estions si mignons et gents/ Devant qu’en l’Ordre fussions mis. » (Les Ténèbres de Mariage.) Soudaine = impulsive, changeante. 116 Présomptueux. 117 Chanson inconnue. 118 Dans son domaine. 119 Il y a de bonnes choses. 120 L’armerie [l’œillet] fleurit. 121 Extrait de la chanson L’Amour de moy si est enclose. Voir la note 97 du Savatier et Marguet. 122 En supposant que cela. Ita = oui ; le vieux pèlerin est féru de latin (vers 23). 123 LV : nosses (Dont je n’ose parler.) 124 LV : consommo lamiee victa (Chanson composée sur un poème italien par Johannes Prioris. Brown nº 64.) 125 LV : valloir (S’il veut se montrer sous son meilleur jour. « Un cœur généreux ne doit point desmentir ses pensées ; il se veut faire voir jusques au dedans. » Montaigne, II, 17.) 126 Celui qui y entre y a son plaisir. On faisait la liaison : « délita ». 127 4e vers de la chanson Franc cœur qu’as-tu à soupirer, chantée aux vers 22-25 du Gallant quy a faict le coup. Voir la note 101 de Marchebeau et Galop. 128 Ces deux vers aux élisions suspectes pourraient provenir d’une chanson en vers de 4 syllabes. 129 Chanson inconnue. 130 LV : joyeussete (À la rime de 239. Voir les rimes 47 et 49 de Marchebeau et Galop.) 131 Quand l’ordre de Mariage a de bons serviteurs. « Ordre » était souvent féminin, comme au vers 217. 132 LV : franc (Mon cœur reverdit en. « Il les voit reverdir en bonté. » Æmar Hennequin.) Chanson inconnue. 133 LV : tant (Fraité = accablé de frais. Un prêtre normand qui « requéroit plusieurs femmes mariées de leur déshonneur » les faisait citer à comparaître dans une autre juridiction « pour les plus fraitier et dommaiger ». Lettre de rémission, 1450.) 134 Ce dernier mot remplace abusivement ma mère. Brown nº 191. 135 Le riz est un gracieux mets, à n’en pas douter. Jeu de mots sur le « ris » : le rire. 136 Je ne puis l’oublier. Cet extrait de la chanson Les Regretz que j’ay de m’amye est chanté au vers 55 du Savatier et Marguet. Brown nº 266. 137 Te maîtrise, fait la loi. Cf. le Maistre d’escolle, vers 108. 138 Extrait de la chanson Vostre beaulté, belle cointe et jolie. Brown nº 405. 139 Une pareille liesse, joie. Nous avons maintenant 7 décasyllabes, sans doute pour cadrer avec la chanson du vers 255 et avec l’emprunt biblique de 257. 140 Chanson inconnue. 141 LV : lassama bethany (« Eloï, Eloï, lama sabactani ? » Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?) Rabelais fit de ce psaume 22 un usage beaucoup plus galant : une Parisienne, outrée que Pantagruel l’ait quittée sans lui dire adieu, lui envoie un anneau d’or. « Lors, le regardant, trouvèrent escript par-dedans, en hébrieu : LAMAH HAZABTHANI…. C’estoyent motz hébraïcques signifians : Pourquoy me as-tu laissé ? » Pantagruel, 24. 142 LV : grand (Thésor = trésor.) 143 Ce cliché traîne dans plusieurs chansons : « Plus chauld que feu ne que métal en fonte/ Est mon las cueur qu’Amours contrainct et dompte. » Plus chauld que feu. 144 Aujourd’hui. 145 Le Sot des Cris de Paris, refusant de se marier, objecte le même proverbe (vers 404-5). 146 On ne viendrait à bout de rien. Mais « faire » = faire l’amour, comme au vers 417. 147 C’est une mignardise, un jouet. 148 De travers. 149 L’inconstante. 150 Ce que je veux vous dire. 151 Pourquoi avez-vous prononcé les vœux lors de la cérémonie du mariage ? Voir les vers 297 et 300. 152 Vers manquant. Dans sa fuite, Absalon accrocha malencontreusement sa longue chevelure à un arbre et fut tué. « Absalon se pendit par les cheveux. » Gargantua, 42. 153 LV : saucun y 154 LV : esse (Heureux.) Se douloir = souffrir. 155 LV : grisson (Grison est le nom habituel des chevaux gris : cf. le Badin qui se loue, vers 73 et note.) Moreau est le nom des chevaux noirs : cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 515. 156 S’agit-il d’un proverbe parisien ? 157 Laissons-le (pronom normand). 158 LV : la jeune p 159 LV : coures ny 160 C’est le « cri » des laitières ambulantes. Mais le pot au lait désigne les testicules : « Saulve, Tévot, le pot au laict (ce sont les couilles) ! » Tiers Livre, 8. 161 Billet doux. « De ce mesme papier où il vient d’escrire l’arrest de condemnation contre un adultère, le juge en desrobe un lopin pour en faire un poulet à la femme de son compaignon. » Montaigne, III, 9. 162 Vous ferez sagement. Cf. le Savetier Audin, vers 186. 163 À la manière. 164 Les gluaux sont des branchettes qu’on enduit de glu pour capturer les passereaux. Voir la Pippée. 165 LV : bestes (De pauvres imbéciles.) Les diots sont des étourneaux et des idiots : cf. l’Arbalestre, vers 67. Les cocus sont des coucous et des maris trompés : v. la note 38 des Mal contentes. 166 LV : escorse (Une torsion, une entorse. « Solérius a donné une estorse au texte de Dioscoride. » Godefroy.) 167 Ni prudence. « Sans tenir règle ny compas. » Folconduit. 168 Chasser. 169 LV : de la (N’aie pas l’audace. « Ne soyez/ Si hardy de le vouloir faire. » Les Femmes qui se font passer maistresses.) 170 « Je permétroys changer les femmes/ Comme les chevaulx et les mules. » Troys Galans et un Badin. 171 De certificats. 172 Ils vendraient beaucoup de vin pour ces nouvelles noces. 173 LV : tire (Voir le v. 175.) « Paix ! C’est trop babillé. » L’Homme à mes pois. 174 Ce personnage très négatif prélude toujours à l’énumération de tout ce que le pauvre fiancé va devoir acheter, partant du principe qu’il ne possédait jusque-là ni meubles, ni vaisselle, ni linge, et qu’il ne mangeait jamais. La liste que déroulent les Ténèbres de Mariage <Montaiglon, I, pp. 20-21> est très proche de la nôtre : « Mesnage nous vient assaillir…./ Il faut robbes et chapperons. » 175 LV : hault 176 LV : gorgeretes (Fichus dont les femmes couvrent leur poitrine, non pas pour la dissimuler mais pour la mettre en valeur. « Gorgières de Behaigne pour l’atour de la dite dame. » Godefroy.) 177 Bandeaux précieux, colliers. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 220. 178 LV : regna 179 Songer. 180 Viande, poisson, et charbon pour faire cuire tout cela. « Il faut du pain, du vin, des noix,/ Du lard, des fèbves et des poix,(…) / Des fagots, chandelles, du bois. » Ténèbres de Mariage. 181 Des tabourets, et des tréteaux pour soutenir les planches qui tiennent lieu de tables. 182 Le mariage est un vrai paradis. 183 Des poêles, des poêlons, des jattes, des chaudrons. 184 Crémaillères, et grands chandeliers. 185 Des tranchoirs [planches à couper la viande ou le pain], des dessous-de-plat. 186 Autant de peines. 187 Le mariage ne saurait me lasser. 188 LV note au-dessus : * tous ensemble * (Les signes qui bordent cette mention indiquent qu’elle doit être supprimée : elle concerne le vers 355.) 189 L’affaire est conclue. Cf. la Folie des Gorriers, vers 551. 190 Par médisance. 191 Aux ententes, aux accords financiers entre les deux familles. 192 Avant. Idem vers 127. 193 Pour prendre possession de sa femme, il faut. 194 LV : unne 195 Contrairement aux cloches, les sonnettes sont les attributs des fous : « Attache-moy une sonnette/ Sur le front d’un moyne crotté (…) :/ Voylà un Sot de la Bazoche. » (Marot.) Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 186 et note. 196 Celui qui l’a adopté. 197 Les 5 comédiens parodient une procession en défilant tout autour de la salle. La troupe du Pardonneur jouait « en la salle et maison où pend pour enseigne le Port de Salut » : il s’agit d’un cabaret, au nom prédestiné puisque l’auteur d’un discours à la gloire des tavernes de Rouen <Montaiglon, XI, 78>, exactement contemporain de la pièce, nous livre cette contrepèterie : « Changer fault le Port de Salut / Et le nommer Sort de Pallut. » Sortir du palud = sortir de l’enfer. 198 Nous irons joyeusement au pays de Mariage. Puis nous nous en lasserons. Puis nous le maudirons. Puis nous nous repentirons d’y être allés. Toute une vie conjugale est résumée en 4 vers ! 199 Sainte Buffette, éloignez-vous de nous ! Buffeter = harceler. La formule officielle des Litanies est : « Ora pro nobis » [prie pour nous] ! 200 Sadinette = gracieuse. Dans le Dorellot, c’est le nom d’une prostituée. 201 Patronne des femmes bavardes. Cf. le Pèlerinage de Saincte-Caquette. 202 Fâcheuse. 203 Grondeuse. 204 LV : mesprisses de (Se fumer = se mettre en colère.) 205 Glorieuse, orgueilleuse. 206 Qui mignarde devant les hommes. 207 La bouffette est un nœud de soie que les élégantes font bouffer dans leur coiffure. 208 Faiseuse d’embarras. Voir la note 42. 209 Mélancolie. 210 LV : frenastises (Tous ensemble, saisis d’une sainte frénésie, comme les sibylles qui prophétisent. On comprend qu’un tel délire orgiaque ait pu indisposer la censure.) Mes prédécesseurs font de cette didascalie un vers à part entière. 211 Libère-nous, Seigneur ! Les vers 112-119 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en quatrains aabB, et le même refrain. On détournait facilement ces Litanies ; voir par exemple la Letania minor de Jehan Molinet, ou la Létanie des bons compaignons <Montaiglon, VII, 66-69>. 212 LV : contamine (Enveloppé dans un béguin, i.e. un bonnet d’enfant, ou de Badin de farce : « Habillé en Badin (…) et enbéguyné d’ung béguin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) « De femme pleine de tempeste,/ Qui a une mauvaise teste/ Et le cerveau embéguiné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 213 LV : sa la et 214 Abruti par des flatteries. « De femme qui, par sotte guise,/ Veut faire chauffer sa chemise/ Par son sot enjobelliné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 215 LV : jeutz (Par la faute des jeux de cartes ou de dés.) 216 « Femme qui a les doigts menuz,/ Courtes mammelles, nez camus,/ Basse motte, petites mains,/ Joue volontiers du bas des reins. » Ms. fr. 22565. 217 Qui fait l’amour sans avoir besoin d’un lit : qui consomme dehors. 218 Faisant les importantes. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 247. « De femme tranchant du grobis,/ Qui dépend tant en ses habits/ Que son mary est mal disné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 219 LV : tout (Qui dépensent tant d’argent en habits.) 220 N’a rien à manger. 221 Aux toilettes. Cf. le Retraict. La farce de Guilliod est moins scatologique : « D’aller de nuict sans lanterne/ Et sans argent à la taverne,/ Et d’estre trop tost marié,/ Libera nos, Domine ! » 222 Prions ! L’orémus est la conclusion des Litanies ; cf. la Létanie des bons compaignons, p. 69. 223 [Seigneur,] nous t’implorons, écoute-nous ! Les quatrains 100-111 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en aabB et le même refrain. 224 Et un peu. 225 LV : ses braqueurs (« Bragueur : as bragard. » Cotgrave.) Ces frimeurs emperruqués. 226 Ces élégants, ces porteurs de perruque. Esperlucat est ici un substantif : cf. la Veuve, vers 95. C’est un adjectif au vers précédent : cf. le Trocheur de maris, vers 133. 227 Des nôtres. « Qu’elle soit des noz. » (Digeste Vieille.) Qu’ils puissent être cocus comme nous. 228 LV : tant aux (Ce couplet fait double emploi avec celui de 439-441. Dans ce genre d’accumulations, les ajouts d’acteurs sont fréquents.) 229 Ce sont les vers 110-111 de Te rogamus audi nos. Voir aussi la Létanie des bons compaignons : « Donnes-nous bon pain, bonne chair,/ Et la belle fille au coucher/ Pour faire la beste à deux doz !/ Te rogamus, audi nos ! » 230 Quand nous aurons participé à une affaire douteuse. 231 Mauvaise. Idem vers 70 et 318. 232 Bouderie faite par une tête de mule ; c’est un mot normand. Tançon = querelle ; voir le v. 449. 233 Forme normande de griffes. Cf. la Veuve, vers 6. 234 LV : est 235 Au paradis. 236 Fin de la pièce. Mais le scribe note ici : L’oraison de ceste farce est au costé de ce feuillet premyer qu’i fault tourner, et aussy y est le nombre des lignes qui sont en ladite farce. Or, le recto du folio 95 est entièrement blanc, et son verso comporte un poème sans titre de 24 vers à la gloire du fil à coudre. Ce poème non dramatique se clôt pourtant sur le nombre de lignes — et non de vers — que comporte la pièce (573, un chiffre qui ne tient pas compte du poème), et sur le congé personnel du copiste : En prenant congé de ce lieu, / Unne chanson pour dire adieu ! / FINIS
LES BOTINES GAULTIER
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LES BOTINES
GAULTIER
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Les bottines de Gautier sont mentionnées vers 1470 par Simon Gréban, dans les Actes des Apostres, où une femme possédée par le diable s’écrie : « Lucifer me gette ung regard/ D’amour au travers de la fesse,/ Car il veult que je me confesse/ Dedans la botine Gaultier. » Au départ, ces bottines n’étaient pas autre chose que les cuissardes d’un gros moine normand prénommé Gautier. Le Rouennais Cacheleu s’en souvenait encore en 1533, lorsqu’il composa son
Chant royal faict du blason des bottines
Qu’usoit jadis le bon frère Gaultier….
Par ung matin, revenant des matines,
Pour m’en aller à la messe à Oyssel*, * Oissel, près de Rouen.
Me fut besoing d’emprunter les bottines
De mon voisin, le bon Gaultier Mansel….
« Par Dieu ! ce sont bottes toutes divines
(Ce dist Gaultier en passant au bastel*) : * Au bac qui traversait la Seine.
Je les portoys du tems des grandz ravines*, * Inondations.
Et me servoyent autant qu’ung devantel*…. * Tablier.
Mais pour aller à la messe au moustier,
Il ne fault pas laisser au verd boscage
Le grand blason des bottines Gaultier. »
Ces vastes bottines devinrent une métaphore pour décrire un vagin démesuré, au même titre que la botte : « Mon mignon, mon gentil varlet, / Gressez-mé bien ma vielle bote / Et secouez ma vielle cotte ! » <Ms. fr. 1719.> Avec la même élégance, on disait aussi le houseau, qui est une botte de cavalier : voir le vers 40 du Sermon pour une nopce. Tous les hommes — à part frère Gautier — trouvaient ces bottines trop larges, et se plaignaient d’avoir été floués. L’un des plaignants fit l’objet d’une ballade que je publie sous la farce.
L’auteur de cette pièce normande1, qui ne recule devant aucun sous-entendu, joue également sur une troisième expression : « bailler de la bottine à quelqu’un », c’est lui donner — mentalement — un coup de pied au derrière, c’est-à-dire l’humilier. En résumé, donner à un galant « la bottine de Gautier », cela revient à le berner en lui promettant le vagin trop large de la femme du dénommé Gautier. Comme on le voit, l’auteur est un virtuose du langage à plusieurs niveaux, et il va le démontrer brillamment.
Source : Recueil de Florence, nº 9.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec des quatrains à refrain et 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Amoureux qui ont
les botines Gaultier
*
À quatre personnages, c’est assavoir :
ROUSINE
GAULTIER
LE PREMIER GALLANT
LE .II. GALLANT
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LES BOTINES GAULTIER
*
ROUSINE,2 femme de Gaultier, commence en chantant :
Je prometz en vérité : SCÈNE I
Se mon mary va dehors,
Je feray ma voulenté,
Je prometz en vérité.
GAULTIER
5 (Faictes-vous tel [des]loyaulté3 ?
Je [veulx] escoute[r] ses records4.)
ROUSINE, en chantant :
Je prometz en vérité :
Se mon mary va dehors,
Je lucteray5 corps à corps
10 Et m’esmouvray6 bien les vaines.
GAULTIER 7
Vous ferez voz fièvres quartaines !
ROUSINE
Las !
GAULTIER
Hahay ! Esse la façon
Des manches8 ?
ROUSINE
Pour une chanson
Qu(e) avez ouÿ chanter ou dire,
15 Me devez-vous ainsi mauldire9 ?
GAULTIER
Maulx sont maulx10.
ROUSINE
Chansons sont chansons.
Mais ce sont tousjours voz façons.
Mauldicte soit la jalousie !
Je doy bien mauldire ma vie
20 Et l’heure que te fuz donnée :
Je fis une froide11 journée,
Et povoyes bien, ce jour, vestir
Mes bons habitz12 ! Tousjours glatir !
Je ne pourroye ouïr cela.
GAULTIER
25 [À luy]13, à luy ! Ta ty, ta ta !
Pour ung mot, el en dira trente.
ROUSINE
J’ay raison !
GAULTIER
Paix, malpaciente !
Qu’esse, cecy ? Maistre ou varlet,
Je [t’]abaisseray ce caquet
30 Qui est si gros !
ROUSINE
C’est grant dommage
Que je n’endure ce langaige.
Ne me réputez puterelle14 :
Il n’en est point quelque nouvelle.
J’ay aussi bon nom sans diffame
35 Que la meilleure preudefemme
Qui soit point dedans ceste ville.
GAULTIER
Or bien, donc, j’ay failly, ma fille.
Mais se ne vous aimoye bien,
Je ne vous en diroye rien,
40 Vous le povez considérer.
ROUSINE
Aussi, povez-vous bien penser
Que je ne m’en courcerois pas15,
S’il estoit vray16. Voyez le « cas »,
Gaultier.
GAUL[TIER] 17
Je vous en croy, Rousine ;
45 Il fault que ceste cause fine18.
Mais puisqu’il fault du tout parler,
Dont venez-vous ?
ROUSINE
D’où ? Du tessier19,
Là où je l’ay enduré belle20.
J’ay trèsbien fait ourdir ma telle21.
GAULTIER
50 De vray, esse [bien] fine ouvrage ?
ROUSINE
Sur ma foy, Gaultier, il fait raige22 !
Il a si très à point bouté
Le fil23, qu’il ne luy est resté
Que les fondrilles24 seulement.
55 Il vous « ourdist » tant proprement
[Qu’]il n’y a point de fil perdu.
GAULTIER
Est-il ainsi bien entendu25 ?
Sont-ce doubliers26 ou serviètes ?
ROUSINE
Midieux ! c’est bien dit, vous y estes.
60 De toutes sortes j’en devise.
On parle d’euvre de Venise27 ;
Mais j’ouÿ dire à mes parrains
Qu’il n’est ouvrage que de Rains28.
Damas est euvre fort exquise ;
65 Si n’est-elle point tant requise29
Des premiers jusques aux derrain[s]30.
Il n’est ouvrage que de Rains.
Paris, qu’est ville bien assise,
Est fourny d’ouvriers31 (sans faintise)
70 Qui sont tous seurs et bien(s) certain[s]
De faire l’ouvraige de Rains.
GAULTIER
De cela, j’en oste mes mains :
Je ne m’y congnois point32, m’amye.
ROUSINE
Puisque ma « toille » est [bien] ourdie,
75 Le demourant se fera bien.
GAULTIER
Et du payement ?
ROUSINE
Vous sçavez bien
Qu’en devez avoir [des] chemises33 ;
C’est à vous à faire les mises,
Du bon [du cueur]34 la plus loyal[e].
GAULTIER
80 Tant me cousteroit à la Halle.
Or bien, bien, on s’en chevira35.
Sçav’ous36 que me desservira ?
ROUSINE
Nenny.
GAULTIER
De me seoir ung petit37,
Et me frotez38 à l’apétit
85 La teste.
ROUSINE
Or vous séez donc !
Hay avant, vous estes si long39 !
Mon amy, il fault qu’on vous serve40 ?
GAULTIER
Il fault bien que je le desserve41
En temps et en lieu, hault et bas.
ROUSINE
90 Gaultier, vous ne me gratez pas
Où me démengue42.
GAULTIER
Que de vent !
Maidieux ! vous voulez trop souvent
Estre couverte d’ung pourpoint43.
Je me suis assis bien à point
95 En ce lieu pour passer ennuy.
.
LE .I. GALLANT,44 en chantant : SCÈNE II
Madame, je vous supply,
Dictes-moy à ung point :
Seray[-je] vostre amy
Ou le seray-je point ?
100 Je croy que je viens bien à point
Pour trouver rencontre de sept45.
Sortira-il rien ? Qui le scet ?
J’espère à trouver quelque proye.
Si46 doit-il venir beste en haye :
105 Le vent y est trèsbon, par Dieu !
Et si, c’est entre chien et leu47.
Je suis, puis trois jours, amoureux.
Hélas ! tant je serois eureux
S’elle venoit, la désirée !
110 À peu que je ne l’ay nommée ;
Sur ma foy, hen ? closes oreilles48 !
Il n’est pas49 que, de tant de veilles
Qu’ay faictes ces nuytz à requoy50,
Quelq’un[e] vienne à bien.51
.
LE .II. GALLANT chante : SCÈNE III
Hauvoy52 !
115 Sur la mer, quant trèsfort y vente
Et qu’il y fait trop grant tourmente,
Il y fait dangereux aller.
Je t’ay entendu au parler
De bien loingnet53, par saint Cybart !
LE .I. GALLANT 54
120 Je diroye au moins : Dieu [te] gart !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
LE .I. GALLANT
Quel escailler55 !
LE .II. GALLANT
Quel escouflart56 !
LE .I. GALLANT
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !57
LE SECOND GALLANT
De vray, j’en auroye ma part58.
LE .I. GALLANT
125 Tu auroi[e]s ta malle estraine59 !
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
Certes, tu as nom Pert-sa-peine
Car, de vray, ton fait60 est perdu.
LE PREMIER GALLANT
130 Il me souffist d’estre repeu
D’ung regard, ou baiser l’annel61.
LE SECOND GALLANT
Ha ! mon filz, tant tu es nouvel62 !
T’apaises-tu de veoir leurs yeulx ?
LE PREMIER GALLANT
Tu en parles com envieux,
135 Foy que doy à saint Pol l’apostre !
LE SECOND GALLANT
Tu dois dire ta patenostre
Pour moy : se t’ay fait le chemin63.
LE PREMIER GALLANT
Est-il vray ?
LE SECOND GALLANT
Tant tu es jényn64 !
LE .I. GALLANT
Nous sommes deux chiens o65 ung os.
140 C’est pour venir à mon propos :
Croy que la vécy bien à point66.
LE .II. GALLANT
[Cr]oys-tu ? Ne te souvient-il point
Des enseignes desur le banc67 ?
LE PREMIER GALLANT
Et ! ouy, vrayement.
LE .II. GALLANT
Je parle franc ;
145 Mais mot68, car il se doit celer !
Et puisqu’il fault du tout parler,
Elle t’ayme pour le caquet.
LE .I. GALLANT
Tu scez qu’en ung petit sachet69
Les bonnes espices y sont ;
150 On scet bien qu’au grant ne seront.
Tu ne sers que de jambayer70.
LE .II. GALLANT
Quant on est sur cest astelier71,
Chascun y fait du mieulx qu’il peut.
Au moins, se d’aventure pleut,
155 Nous les metrons mieulx à couvert,
[Nous, qu’une]72 robe de bon vert
(Com ung aultre la bailleroye).
LE .I. GALLANT
Nous suivrons to[u]sjours ceste voye.
Et s’il vient vermeil73, d’aventure,
160 Il est nostre !
LE .II. GALLANT
Ha ! je t’asseure
Que74 nous aurons bref des nouvelles :
L’oreille m’espoint75.
LE .I. GALLANT
S’ilz76 sont belles,
Onc homme plus joyeux ne fut.
Qu’esse-cy ? Le nez me mengust77 :
165 On parle de moy.
LE .II. GALLANT
Tant mieulx vault.
S’il survient riens78, prens-le d’assault
Et le menons à l’ordinaire !
.
GAULTIER 79 SCÈNE IV
Dont vient cecy ? Le luminaire
Me commence à apetisser80.
ROUSINE
170 Aussi, je ne m’en sçaurois taire,
Car vous estes ung espicier81.
GAULTIER
On voit bien à ung vieil mercier
Avoir de belle marchandise82.
ROUSINE
Nul ne doit en83 officïer
175 S’il n’en scet l’usaige et [la] guise.
GAULTIER [chante :]
J’ay prins amour à ma devise84
Pour conquérir joyeuseté.
ROUSINE
Vous avez mal la table mise,
Ou ung souper mal apresté.
GAULTIER
180 Corps bieu ! je suis bien apointé85.
Hay avant ! partez86, çà, Rousine :
Il fault reporter ma botine
Au savetier, et que l’entrée
De87 la chose luy soit monstrée.
185 Regardez : j’ay ce pié enflé,
[Et] l’autre aussi.
ROUSINE
C’est bien ronflé88 !
Vous mocquez-vous ?
GAULTIER
Se je me mocque ?
Maulgré en ait la nicque-nocque89 !
Regardez en quel point j’en suis.
ROUSINE
190 Voulez-vous qu[e j’]atende à l’huis
Tant qu’il ait fait ? Que l’en m’informe :
Les feray-je bouter en forme90
Affin que puissent eslargir ?
GAULTIER
Ouy dea. Et qu’il garde le cuir91 :
195 C’est cordouen92, il est bien tendre.
ROUSINE
(Puisqu’il les me fauldra attendre,
Je hanteray93 tousjours l’ouvrier.)
GAULTIER
Allez, courez com un lévrier,
Hastez-vous !
ROUSINE
Ha ! je vous asseure
200 Qu’il en prendra bien la mesure94,
À ceste fois.
GAULTIER
Or allez avant !
ROUSINE
Et que ferez-vous, ce pendant ?
GAULTIER
Je ne sçay.
ROUSINE
Recousez vos chausses.
GAULTIER
Vray Dieu, qu’il est de femmes fauces95 !
205 Par le sacrement de l’autel !
Qui seroyt cent en ung ostel96,
El97 les embesongneront bien,
Seurement, sans vous celer rien.
En une esguillée de fil,
210 [Vous mectriez]98 un petit de mil !
ROUSINE 99
Tenez ! Et se vous avez fait100
Devant que l’ouvrier ait parfait101,
Rongnez102 voz ongles, mon amy !
GAULTIER
Qu’il n’y face pas à demy103,
215 Que ne104 soit à recommancer.
ROUSINE
Je luy feray bien affoncer105
La « forme » dedans, çà et là,
Tant que le « cuir » s’eslargira.
Il m’en pourra bien souvenir.
GAULTIER
220 Allez ! Faictes qu’au revenir,
J(e) y entre [bien] sans chaussepié106.
Se vous trouvez, lez107 ung treppié,
De ces mondains, de ces riveulx108,
Ne me caquetez point à eulx :
225 Vous n’en amenderiez [en] rien109.
ROUSINE
C’est tout fin vray, vous dictes bien.
GAULTIER
Allez, que santé Dieu vous doint110 !
.
LES DEUX GALLANS AMOUREULX, en chantant :
Point, point, point, point, point, point, SCÈNE V
Il n’y en a point :
230 De persil en no(z) jardrin(s)111 n’y a point.
.
GAULTIER 112 SCÈNE VI
Je ne sauroys serrer ce point :
Mon esguille113 ne veult entrer.
.
ROUSINE SCÈNE VII
Comment Gaultier est bien empoint114 !
.
[ GAULTIER SCÈNE VIII
Je ne sauroys serrer ce point. ]
.
LE PREMIER GALLANT 115 SCÈNE IX
235 Que dis-tu ?
LE SECOND GALLANT
Ce fust bien à point,
Qui peust qui que soit rencontrer116.
.
GAULTIER SCÈNE X
Je ne sçauroys serrer ce point :
Mon esguille ne veult entrer.
Cest ouvraige est à [re]serrer117.
240 Je ne le sauroys pas serrer118.
Trut avant119 ! Je prens sur mon âme :
L’esguille [re]semble à ma femme ;
Elle a mauvais cul, vrayement.
N’y est-elle point120 ? Quel tourment
245 S’elle eust ouÿ dire ces motz !
M’a-el121 pas baillé en propos
Qu’il me fault mes ongles rongner ?
Corps bieu ! j’ay bien122 à besongner ;
Je n’auray mais en pièce fait123.
.
LE .I. GALLANT, en sifflant 124 : SCÈNE XI
250 Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE .I. GALLANT 125
Ouy, laisse venir,
Parle bas, vécy nostre fait. En sifflant : 126
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea sire, beau sifflet !
.
ROUSINE,127 [en chantant :] SCÈNE XII
Hélas ! Mon bon amy parfait,
255 Le pourray-je jamais tenir ?
.
LE PREMIER GALLANT, en sifflant : SCÈNE XIII
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE PREMIER GALLANT
Ouy, laisse venir !
Chantons pour voir son maintenir128
Et sa façon, et sa manière.
Adonc ilz chantent tous deux ce qui 129 s’ensuyt :
260 Je ne130 seray jamais bergère ;
Quérez qui le sera pour moy131.
Ce sera pour m’oster d’esmoy,
Car je vueil estre mariée.
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ROUSINE SCÈNE XIV
(Benoiste Royne couronnée132 !
265 Ces133 deux marchans m’ont apperceue.
Par ma foy, j’en suis bien déceue134.
Il me fault tirer autre train135.)
LE PREMIER GALLANT
Revenez [cy] !
LE SECOND GALLANT
Çà, ceste main136 !
ROUSINE
Je congnois trop vostre demeure,
270 Je ne vous quiers point137.
LE PREMIER GALLANT
Est-il heure
Que gens de bien soient par pays138 ?
ROUSINE
Nous ne sommes point gens haïs
De noz voisins, ne sus ne soubz139,
Mon mary ne moy, oyez-vous ?
275 Qui me gard140 nuyt et jour [d’]aller
Sans chandelle, sans en parler141,
Com une bonne preude femme ?
LE SECOND GALLANT
Personne que vous ne vous blasme.
Nous vous congnoissons bien, voisine :
280 Ne vous nommez-vous pas Rousine,
Femme de Gaultier Le L[a]isant142 ?
ROUSINE
Et en vaulx-je pis ? Dieux avant143 !
Qu’en dictes-vous ?
LE SECOND GALLANT
Le cas est tel :
Pour144 frapper souvent du « coustel »,
285 Vous tenez voulentiers franchise145.
LE PREMIER GALLANT
Je croy bien, s’elle ayme l’église,
C’est à cause de la frarie
En quel main est la librairie
Des Augustins146.
ROUSINE
Quelz gens de bien !
290 Je vous pry, ne me dictes rien !
Vous ne sçavez à qui parlez147.
LE SECOND GALLANT
À une femme.
ROUSINE
Or allez,
Et ne me dictes point d’injure,
Ou je voue à Dieu148, et [je] jure
295 Que je vous feray adjourner149 !
Quoy ? Me voulez-vous destourner
D’aller ?
LE PREMIER GALLANT
D’aller ? Allez aux loups150 !
ROUSINE
Ce n’est point vïande151 pour vous :
Je ne suis point vostre cheval152.
LE SECOND GALLANT
300 C’est trèsmal fait d’en dire mal,
Quant on n’y a point veu que153 bien.
J’entens le cas : qui ne dit « tien154 ! »,
Il n’est jamais bel appellay155.
LE PREMIER GALLANT
Fault-il que cecy soit celay ?
305 Vous souvient-il point du gallant
Dont vous eustes le dyament,
Et luy baillastes de la muse156 ?
ROUSINE
Qui, moy ?
LE SECOND GALLANT
Pour bailler d’une ruse,
Il n’en est point de tel ouvrière.
ROUSINE
310 Moy, mon amy ?
LE PREMIER GALLANT
[Vous] toute entière,
Sans aultre157.
ROUSINE
Ha, que c’est mal158 dit !
LE SECOND GALLANT
De Dieu soys-je treffort mauldit
Se ce n’estoit vous en personne159 !
ROUSINE
Il ne fault point qu’on m’en blasonne160
315 En ce point, car vous me prenez161
Pour une autre.
LE SECOND GALLANT
Tant que vouldrez.
Mais vous fistes162 le personnage.
ROUSINE
Et puis, se l’ay fait, quel dommage ?
Que vous chault ? Ce n’est rien du vostre163.
LE PREMIER GALLANT
320 Le confessez-vous ?
ROUSINE
Ouy, voir164.
LE PREMIER GALLANT
Nostre165 !
Qu’esse-cy, en vostre giron ?
ROUSINE
Que c’est ? Et ! c’est mon chapperon
Que [je] porte à la presseresse166.
LE PREMIER GALLANT
Escoutez ung mot, ma maistresse,
325 En l’oreille.
ROUSINE
Parlez tout hault.
LE SECOND GALLANT
Dictes privé(e)ment, ne vous chault :
Je ne vous escouteray167 pas.
LE PREMIER GALLANT
Arrière ung peu168 !
Vécy le cas :
Je sçay trèstout, et si, suis ferme169
330 De long temps. Mectez-moy ung terme170,
Je suis seur.
ROUSINE
Ha, tout seroit perdu !
LE PREMIER GALLANT
N’en parlez plus, dictes le lieu.
ROUSINE
Mais vous, car je n’y congnois aage171 ;
Oncques fillette(s) de village
335 Si ne fut aussi nouvellette.
LE PREMIER GALLANT
À l’Hostel 172.
ROUSINE
Je seray tost preste
À [huit heures]173. Mot !
LE PREMIER GALLANT
Je suis saige.
Baillez-moy quelque simple gaige
Pour plus tost venir au lieu dit.
ROUSINE, en luy baillant une botine :
340 Tenez, mus[s]ez-lay174 !
LE PREMIER GALLANT
Il souffist.
Et se mon compagnon vous touche175
Que j’ayes dit, taisez176 vostre bouche,
Car je ne luy en diray rien.
ROUSINE
Ce sera fait d’homme de bien.
345 Je ne seray pas si baveuse177.
LE SECOND GALLANT
(Elle fait de la dangereuse178.)
Et puis, à quoy tient ce marché ?
Qui vouldra, j’en seray chargé179.
ROUSINE
Il me parloit de ma cousine
350 Qu’il congnoist.
LE .I.180 GALLANT
C’est bien dit, Rousine !
LE . II.181 GALLANT
Vous m’entendez bien ?182 Ha, finart !
Vous contrefaictes le regnart183 :
Vous en voulez aider184 tout seul.
Çà, ung mot !
LE .I. GALLANT 185
(Il luy fait grant deul
355 Qu’il ne le scet186. Que mal feu l’arde187 !
Mais non pour tant, il n’en a garde188 :
Il auroit plustost de la lune189 !
J’ay enseignes190, moy : c’est pour une191.)
LE .II. GALLANT
Or çà ! Or disons, belle dame
360 Qui faictes de la preude femme :
Vostre asseurance192 est esgarée.
On congnoit trop vostre derrée193.
Vous est-il point advis que j’aye
En mon beau mouchouèr monnoye194,
365 Ou de bon or quelque freluche195 ?
ROUSINE
Je ne regarde [ne] n’espluche196
Les gens de si près, vélà tout.
LE .II. GALLANT
Il fault commencer par ung bout.
Pour ce qu’ayme [trop] vostre honneur,
370 Ung mot vous diray de bon cueur :
Ne vous fiez pas en chacun.
ROUSINE
Comme quoy197 ?
LE .II. GALLANT
Nous sommes trop d’ung198 ;
C’est mon compaing(s), m’amye chière,
Qui a la langue trop légière.
375 Je [le] vous dy pour abrégier.
ROUSINE
Si n’y a-il point de dangier
En parolle que me dist huy199.
Mais nonobstant, c’est dit d’amy ;
Humblement je vous en mercie.
LE .II. GALLANT
380 Sçavez-vous de quoy je vous prie ?
C’est qu’au lieu duquel je vous vis
Yssir il y a des jours six200,
Vous trouverez dedans [ma main]201
[À] huit heures. Or çà, vostre main202 !
385 Le ferez-vous ?
ROUSINE
Par trop envis203
J’escondiroies ung si beau filz204.
Mais gardez qu’âme205 n’y survienne,
Affin que pis ne nous en vienne,
Car mon honneur seroit forfait.
LE SECOND GALLANT
390 [Qu’il] n’y ait faulte206 !
ROUSINE
Il sera fait,
Mais [en] secret.
LE SECOND GALLANT
Tant de fois dire !
ROUSINE 207
Tenez : mussez cecy, beau sire !
Affin de plus tost m’y trouver,
Pour gaige [en] aurez ce soulier.
395 Mais à vostre compaignon, mot !
LE SECOND GALLANT
Non, non, je ne suis pas si sot.
Partez tost sans plus de frestel208.
LE .I. GALLANT
Où retournez-vous ?
ROUSINE
À l’hostel209.
Dieu vous doint bon soir, mon mignon !
LE .I. GALLANT
400 Rousine !
ROUSINE
Adieu, compaignon !
Je m’en vois210 sans plus en parler.
LE .I. GALLANT
Mais en quel lieu ?
LE .II. GALLANT
Laisse-l(a) aller,
Et puis nous dirons du meilleur.
.
ROUSINE SCÈNE XV
Ha, mon Dieu ! Et, quelz gens d’honneur !
405 Je suis eschappée piedz joincts211.
De forte fièvre soient-ilz oingz212 !
Destourbée [ilz] m’ont213 ; ne m’en chault.
J’alloye — parlé-je point trop hault ? —
Où j’eusse gaigné une panne214,
410 En ung lieu… Mais j’en suis [bec-jaune]215.
[Et] que pourray-je à Gaultier dire
De ses botines ? C’est pour rire !
Il m’en fera bien grant brairie216.
Trouver fault quelque tromperie,
415 Puisque j’aprouche du logis.
.
GAULTIER 217 chante. SCÈNE XVI
Il est temps de fermer son huis.
Viendra-el point ? C’est à demain218 !
El me baille bien du plantain219.
Je me feray mes chausses tondre220.
420 Je requier Dieu qu’elle puist fondre !
Mais que ce soit ains qu’il soit nuyt221,
Je n’y voy goute ; qui y vist222 ?
Il fault que couse [sans lunettes]223.
Vécy des coustures bien faictes :
425 J’ay mis la pièce auprès du trou224 !
J’en suis tout tanné. [Brou, ha]225, brou !
J’ay autre chose à besongner :
Car il me fault mes ongles rongner.
Il m’y fault prendre par bon désir226.
430 Je cuyde que j’aye tout loisir :
C’est bien demouré227 ! Quel prouffit ?
J’attendray encor un petit228.
.
LE .I. GALLANT SCÈNE XVII
Dy-moy vérité et soyes ferme229 !
LE .II. GALLANT
Si feray-je bien, dea ! J’ay terme230.
LE .I. GALLANT
435 Tout cela, ce n’est que du moins231 ;
J’ay plus fort.
LE .II. GALLANT
Quoy ? Estraint les mains,
Ou marché sur le pié232 ?
LE .I. GALLANT
Nenny[n].
LE SECOND GALLANT
Ma foy, je te tiens pour jényn
Tout au long ! Tu n’y congnois aage.
440 J’ay bien dit.
LE .I. GALLANT
Ce n’est que langage ;
Mais moy, j’ay enseignes certaines.
LE SECOND GALLANT
Se c’estoient fièvres quartaines,
Mon filz, tu n’en tremblerois jà233.
T’y fies-tu ?
LE .I. GALLANT
Es-tu à cela
445 Toy-mesmes ? Es-tu bien fort beste !
Dea, dea, n’en baisse jà la teste :
Tu n’as garde du horion234.
LE .II. GALLANT
Tu en es bien !
LE PREMIER GALLANT
Quelle raison ?
As-tu enseignes ?
LE .II. GALLANT
Ouy, vrayement.
LE .I. GALLANT
450 Monstre235 !
LE SECOND GALLANT
Mais toy !
LE PREMIER GALLANT
Là premièrement236 !
LE .II. GALLANT
Non feray : tu en bouteras237.
LE .I. GALLANT
Ha ! de vray, tu te gasteras238
Bien tost, se tu es le premier.
LE .II. GALLANT
Bien. Se tu y vas le dernier,
455 Ce sera pour les grâces dire239.
Scez-tu quoy ? Tu me feras rire.
LE PREMIER GALLANT
De quoy ?
LE SECOND GALLANT
Tu es loing de ton compte.
.
ROUSINE 240 SCÈNE XVIII
Dieu gard !
GAULTIER
Et ! n’avez-vous pas honte,
Belle dame, de mettre tant ?
460 Je me vois icy desbatant241
Tout seul, sans voisins ne voisines.
Et puis, quoy ? Où sont mes botines ?
ROUSINE
Chez l’ouvrier. J’ay parlé à luy :
Avoir ne les pouvez, mèshuy242,
465 Jusques à demain au matin.
GAULTIER
Qu’avez-vous trouvé en chemin ?
Par Dieu ! c’est trèsmal labouré243.
ROUSINE
Pourquoy ay-je tant demouré ?
Il fust pour vous saison244 de boire.
GAULTIER
470 J’ay recousu mes chausses.
ROUSINE 245
Voire,
Je cuide qu’ilz soient presque bien…
GAULTIER
M’ai dieux246 ! je n’y congnois247 plus rien,
Sans lunettes. Mot n’en hongnez248 !
ROUSINE
Et puis ? Sont voz ongles rongnéz ?
GAULTIER
475 J’ay fait vostre commandement.
Soupperons-nous point ?
ROUSINE
Ouy, vrayement.
La table est [mise] en la cuisine,
Là-bas.
GAULTIER
C’est bien parlé, Rousine.
Mes botines ?
ROUSINE
C’est à demain.
GAULTIER
480 Devant249 !
ROUSINE
Je vois quérir le pain
Et veoir se la vïande est cuitte.250
.
GAULTIER SCÈNE XIX
Pleust à Dieu que [j’eusse visite]251,
Et [qu’]ung bon cordonnier252 fust nostre !
Je m’iray coucher en apostre253,
485 Aujourd’uy, piedz nudz ; c’est raison.
C’est celle de nostre maison254
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
De coucher il n’est pas saison255.
C’est celle de nostre maison
490 Qui m’apaise de son blason256.
Celle ne craint que j’aye froidure257.
C’est celle de nostre maison
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
.
ROUSINE 258 SCÈNE XX
[Sont-ilz]259 point party ? Trop m’y dure.
495 S’il260 le sçavoit, d’ung an entier,
Soyez certains, par saint Régnier,
Je n’auroyes bien261 ! Vélà le cas.
Ilz sont aussi262 froiz que verglatz.
Quelz gorgïas ! Quelz galeretz263 !
500 Ce sont varletz dimencheretz264,
Des « sept au blanc265 ». Quelz paladins !
Et puis ilz266 cuident estre fins ;
Mais je suis encore plus fine,
Car ilz en ont de la botine267
505 Tout du long. J’en cheviray bien268
À Gaultier ; cela, ce n’est rien,
Car je sçay bien où on les vent269.
Je luy en baille270 bien souvent,
Dont il ne n’en dit pas grant mercis.
510 Je croy que Gaultier est assis271 ;
Je m’en voys, car il luy ennuye272.
.
LES DEUX GALLANS, en chantant : SCÈNE XXI
Dieu doint très bon soir à m’amye ! 273
LE SECOND GALLANT
Or me dy (se Dieu te doint joye),
Par quelque point ou quelque voye,
515 Le lieu où elle t’a promis,
Veu que nous sommes tant amys
Et sçavons assez l’ung de l’autre.
LE PREMIER GALLANT
Sçauroys-tu en faire le274 peaultre ?
[LE SECOND GALLANT]
Me diras-tu point vérité ?
520 En me promectant ta loyaulté,
Comme ung [bon] compaignon doit faire,
Diras275 le lieu de son repaire
Où elle t’a dit.
LE PREMIER276 GALLANT
Seurement
Le te diray bien loyaulment,
525 Sur ma foy !277 Sces-tu le logis
Où nous mengeasmes les mauvys278 ?
LE SECOND GALLANT
De vray ? À peu que ne le croy !
LE PREMIER GALLANT
C’est léans279.
LE SECOND GALLANT
Je jure ma foy
Qu’au dit lieu el m’a baillé terme
530 À huit heures.
LE PREMIER GALLANT
Quoy ?
LE SECOND GALLANT
Qu’elle est ferme280 !
[LE PREMIER GALLANT]
À quelz enseignes ?
LE SECOND281 GALLANT
D’ung soulier
Que vécy.
LE PREMIER282 GALLANT
C’est pour affoller283 !
Et j’en [ay] eu une botine.
LE SECOND284 GALLANT
Montre çà !285 C’est tout ung.
LE PREMIER GALLANT
Rousine,
535 Ha ! vous jouez d’ung grant mestier286.
Ce sont les botines Gaultier.287
LE SECOND GALLANT
Seurement nous en avons d’une288 !
Se la rencontre sur la brune289…
El dira par chacun quartier
540 Que j’ay des botines Gaultier.
LE PREMIER GALLANT
Par le sang bieu, nous l’avons belle !
Elle est une faulce290 femelle.
Je cuidoys estre tout routier291,
Mais j’ay des botines Gaultier.
545 Je vous pry [que] n’en dictes mot.
LE SECOND GALLANT
[Par] sainct Jacques ! il y fait sot292,
[Qui l’andosse a]293 ung jour entier !
Sert-el des botines Gaultier ?
LE PREMIER GALLANT
Mot, bon gré saint Gris ! Qui sauroit
550 Nostre cas, chacun nous huroit294.
El nous a, comme ung bast[el]ier295,
Baillé les Botines Gaultier.
LE SECOND GALLANT
S’il est sceu par quelque sentier
Qu’i nous soit advenu cecy,
555 Comme des Gallans sans soucy296,
Des Gaudisseurs297, des Bas-perséz298
Ou Joyeulx-mondains299, c’est assez
Pour estre raillé une année.
LE PREMIER GALLANT
Ceste cause est assez menée ;
560 N’en parlons plus, allons-nous-en[t]300
Nous deulx, par derrière, coyement301.
Dy-je bien ?
LE SECOND GALLANT
Ouy. Sus, sus, à tout302 !
Il en fault saillir303 par ung bout.
Temps est de faire départie304.
565 À Dieu command305 la compaignie !
.
EXPLICIT
*
.
BALADE 306
.
En mon chemin, je rencontray,
Ainsi que chassoye marée307,
Une bourgoise qui, pour vray,
Cuidoit bien faire la serrée.
5 Je luy dis : « M’amye, quel desrée308
Portez-vous en vostre pennier309 ? »
Elle respond à la vollée :
« Ce sont les botines Gaultier. »
.
« –Dame, s’il vous plaist, j’assayeray310
10 S’ilz sont d’entrée assez serrée.
–Ha ! (dist-elle), je n’oseray,
Car à mon mary pas n’agrée.
Je seroye par luy dévourée.
S’il les vous convient assayer311,
15 Gardez-vous d’agrandir l’entrée :
Ce sont les botines Gaultier. »
.
Tout du premier coup y entray,
Tant estoit l’entrée cavée312 ;
À bien pou que n’y demouray313,
20 Tant y fis longue demourée.
Je n’y trouvay fons ne ryvée314
Mains qu’en ung housel315 tout entier.
Ce fut donc vérité prouvée :
Ce sont les botines Gaultier.
.
25 Prince, ma jambe y fust entrée
De plain bont et sans varier316 !
Je luy ditz, quant l’euz assayée :
« Ce sont les botines Gaulthier ! »
*
1 Ses deux éditeurs modernes l’ont crue parisienne ; je donnerai donc en note les éléments de preuves qui témoignent en faveur de son origine normande. 2 Elle entre dans la maison, où son mari est déjà, mais elle ne le voit pas encore. Sa chanson est inconnue. 3 « S’y me faisoyt desloyaulté. » (La Veuve.) L’éditeur a comprimé ces deux vers en croyant qu’ils faisaient partie de la chanson en heptasyllabes. Les deux vers dont il est question sont dits en aparté. 4 Ses paroles. 5 Lutter = coïter. Cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 240. 6 F : me restraindray (Je me réjouirai. « C’est un vent chault, en vérité,/ Plus que le soleil en esté :/ Y vous faict esmouvoir les vaines (…),/ Faict metre homme et femme ensemble. » Sermon joyeux des quatre vens.) 7 Il surgit devant Rosine et la frappe. 8 Cette vieille expression veut dire : Est-ce la nouvelle mode ? « Les gens sachans mascheront ces groseilles [avaleront ces couleuvres] :/ Soit tort ou droit, c’est la façon des manches. » Henri Baude. 9 Le Ribault marié chante aussi une chanson d’amour dans laquelle sa femme voit l’aveu de son infidélité. Il lui répond : « Se je chante en moy esbatant,/ Doy-tu penser en mal pour tant ?/ Et n’oseray, pour jalousie,/ Chanter ? » 10 Il y a là un jeu de… maux. 11 Une mauvaise. « Que Dieu t’envoit froide journée ! » Mystère de saint Vincent. 12 Mes habits de fêtes. Glatir = glapir, aboyer. 13 F : Autre (À l’attaque ! « À luy, à luy ! Rapporte fort ! » Le Roy des Sotz.) Les onomatopées qui suivent stigmatisent le bavardage féminin, comme au vers 79 du Pèlerinage de Mariage. « (Elles) vous ont les langues légières…./ “Ty ty, ta ta”, douze pour treize./ Ilz [Elles] ont plus de babil que seize. » La patience des femmes obstinées contre leurs maris. 14 F : point pour telle (« Allez vous chier, puterelle ! » Ung jeune moyne.) 15 F : point (Que je n’en serais pas courroucée.) 16 S’il était vrai que vous m’aimiez. Double sens inaudible pour ce balourd de Gautier : S’il était vrai que je sois une puterelle. De plus, le cas désigne le sexe de la femme : cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 5 et note. 17 À partir d’ici, F abrège souvent les rubriques ; je ne le suivrai pas. 18 Que ce procès finisse. 19 De chez le tisserand. 20 Où j’ai patienté longtemps. 21 Tisser ma toile, comme au vers 74. Le va-et-vient du métier à tisser se prête aux métaphores érotiques. À partir de maintenant, Rosine va se cantonner dans un langage parallèle à celui de son lourdaud de mari : tout ce qu’elle va dire est truffé d’allusions sexuelles qu’il ne soupçonnera pas. 22 C’est un bon amant. Cf. Raoullet Ployart, vers 31 et 147. 23 Mis son sperme, contenu dans ses pelotes [testicules]. « –J’ai là du fil/ Dont je vais vous coudre et recoudre/ Votre honneur…./ Oh ! parbleu, je n’ay plus de fil./ –Méchant menteur, tu n’en as plus ?/ Ces deux pelotons que j’ay vus,/ Qu’en as-tu donc fait ? » Piron. 24 Que le dépôt du fond. 25 Est-il si expert ? 26 A-t-il tissé des nappes ? 27 De broderie à la mode vénitienne. Les autres villes citées ont également leur manière de broder le linge. Mais Rosine parle évidemment de l’œuvre de nature, de l’œuvre de chair. 28 De Reims, mais aussi de reins. Comme l’a signalé Félix Lecoy, les vers 61-68 doivent beaucoup à une ballade écrite par Jean Régnier en 1445 : « Vous blasmez l’œuvre et l’ouvrage/ De Damas, de Troyes, de Venise/ Et de Paris* la bien assise ;/ Vous ont ce apris voz parrains ?/ La jeune dist : “Rien ne les prise [je n’en tiens aucun compte]./ Il n’est ouvrage que de Reins.” » *La mention de Paris n’est donc pas le fait de notre fatiste rouennais. 29 Pourtant, elle n’est pas si recherchée. 30 Jusqu’aux derniers. Voir le Glossaire du patois normand, de Louis Du Bois, le Dictionnaire du patois normand, d’Édélestand et Duméril, etc. 31 De coïteurs. Idem vers 197 et 212. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 379 et note. On scande ou-vrier en 2 syllabes. 32 Double sens involontaire : Je n’y connais rien en matière de coït. Non seulement Gautier reste imperméable aux sous-entendus grivois de Rosine, mais en plus, il accumule des équivoques érotiques sans même s’en apercevoir. 33 Rappel de l’expression « avoir la chemise de Bertrand » : se contenter des restes dont un autre ne veut plus. Si le mari des Amoureux qui ont les botines Gaultier se nomme Gautier, celui du Dorellot aux femmes qui en a la chemise Bertrand se nomme Bertrand. Dans les deux pièces, les prétendants éconduits par la dame héritent d’un accessoire vestimentaire appartenant à l’époux. Nos Amoureux concluent avec amertume : « J’ay les botines Gaultier. » Le Dorelot, lui, sort en méditant ce refrain désabusé : « J’ay donc la chemise Bertran. » 34 F : bout de (« Du bon du cueur vous baiseray. » Satyre pour les habitans d’Auxerre.) C’est à vous de faire, en toute sincérité, l’offre la plus loyale. Les prix n’étant pas fixes, l’acheteur marchandait, comme dans la scène du drapier de la farce de Pathelin. 35 Je me débrouillerai. 36 F : Scauez vous (Comme d’habitude, l’éditeur a parisianisé les formes normandes.) Savez-vous ce qui me serait utile ? 37 De m’asseoir un peu. 38 F : froter (Voir la note 147.) Et que vous me grattiez la tête pour mon plaisir. Les séances d’épouillage faisaient partie du quotidien. Toutefois, Gautier commet encore un double sens involontaire : Frotter la tête à quelqu’un, c’est le battre. Cf. Saincte-Caquette, vers 269. 39 Allons, vous êtes si lent ! 40 Vous me prenez pour votre servante ? Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 41. 41 Que je mérite que vous me grattiez la tête. Et pour le mériter, Gautier gratte le dos de Rosine. 42 Où cela me démange : ce n’est pas dans le dos… On reconnaît le « g » dur normanno-picard, comme au vers 264. 43 Par un homme. C’est ainsi que la mère de Jénin filz de rien conçut son enfant : « Une jacquette/ Estant sur moy, et ung pourpoint. » 44 Il est dehors, seul. Sa chanson est inconnue. 45 Coup favorable, aux dés. « L’autre coup, lui coucha de sept./ “Rencontre ! Voire, bien me plaît.” » Eustache Deschamps, le Dit du gieu des déz. 46 F : Sil (Aussi.) Le galant, tout comme le Faulconnier de ville, traque la bête féminine, et parle d’elle en termes cynégétiques. On tire souvent ce gibier dans une haie : « En l’ombre d’une haye,/ Nous ferons nostre tripotaige. » Régnault qui se marie. 47 Et aussi, nous sommes entre chien et loup, entre l’après-midi et le soir. Le chasseur est donc moins visible. 48 Vous n’avez rien entendu ! Ce vers s’adresse au public. 49 Il ne se peut pas. 50 En embuscade. 51 F met ici le début de la chanson du 2ème Galant : hauuoy / Sur la mer 52 Cette interjection n’est pas réservée aux marins ; on la trouve notamment dans une chanson de Serre-porte (vers 13). Nous avons ici la fin des Fillettes de Montfort, une chanson normande du manuscrit de Bayeux : « Hauvoy ! sus la mer, quant il vente,/ Il y faict dangereux aller. » Ces 2 mêmes vers seront repris dans une fricassée du Chansonnier de Dijon. Cela prouve que l’éditeur a amplifié cette vieille chanson qu’il ne connaissait pas pour égaliser la versification de la farce, où les paroles initiales étaient obligatoirement chantées, alors que les nouvelles ne sont plus chantables, si l’on en juge par les deux partitions. 53 Je t’ai reconnu de loin à ta voix. Le juron qui suit est entré dans la littérature polissonne sous la forme : « Par la dague S. Sibard ! » Noël Du Fail. 54 Il relève l’impolitesse de son camarade, qui ne l’a pas salué. 55 F : escaillet (Un écailler est un marchand d’huîtres. Cette profession ne devait pas être mieux considérée que celle de harengère.) 56 L’écoufle est un milan, un oiseau de proie. Ce mot étant déjà une insulte (Guillerme qui mengea les figues, v. 88), le suffixe péjoratif -ard n’arrange rien. Remarquons que l’injure vise un prétendu fauconnier. 57 F répète dessous : Quel escaillet 58 De ta « désirée ». Les deux rivaux chassent sur les terres l’un de l’autre, comme ils le feront pour Rosine. 59 Une mauvaise fortune. Cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 103. 60 Ton effort pour conquérir cette femme. 61 F : lamiel (Un amant courtois baise l’anneau que lui a donné sa dame, laquelle en fait autant avec l’anneau de son amant. Cette symbolique sexuelle perdure avec l’alliance des nouveaux mariés, dans laquelle on enfile un doigt.) « Ung anel qu’elle avoit en son doy…. Si le baisa doulcement pour l’amour de lui. Mais elle se print ung peu à hontoier, car il lui ala souvenir qu’elle n’estoit point pucelle, et que digne n’estoit de baiser l’anel. » Le Roman de Perceforest. 62 Jeune, niais. (Nous aurons la forme féminine à 335.) Le 2ème Galant est plus âgé que son comparse, qu’il nomme encore « mon fils » au vers 443. Ce dialogue sur les femmes entre un adulte condescendant et un jeune irrespectueux rappelle Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 63 Tu peux me remercier, je t’ai « ouvert la voie » en déflorant ta désirée. 64 Naïf. Même insulte à 438. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 254. 65 Avec. L’éditeur a omis de remplacer ce particularisme normand. Cf. les Esbahis, vers 215 et note. 66 La femme que je convoite est mûre pour être cueillie. 67 Des enseignes qu’elle t’a données quand vous étiez assis sur le banc. L’enseigne, qui est le moteur de notre farce, est un signe, visible ou audible, donné à une personne pour lui garantir qu’on va faire ce qu’on lui a promis. 68 N’en disons plus un mot ! Idem vers 337 et 395. 69 L’éditeur a parisianisé le normand saquet, qui était la rime riche de caquet. Cf. la farce rouennaise de Messire Jehan, vers 351. 70 Qu’à faire les cent pas sous la fenêtre de ta belle. 71 Sur ce chantier. L’atelier désigne également le sexe d’une femme : cf. Frère Guillebert, vers 27. 72 F : Pour une (En étant couchés sur elles, nous les protégerons mieux de la pluie.) Le vair est une fourrure d’écureuil. 73 Et si en plus la femme nous donne de l’or. Beaucoup d’hommes trouvaient normal de se faire entretenir ; voir par exemple les vers 213-6 de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 74 F : Car 75 Me pique : j’ai la puce à l’oreille. 76 Si ces nouvelles. Même normandisme à 471, et au vers 10 de la Ballade. 77 Me démange. On croyait à ces signes prémonitoires. Nous disons encore que l’oreille doit siffler à quelqu’un dont on parle en son absence. 78 S’il survient un sexe de femme. 79 Il tente, mais vainement, d’enfiler ses bottines. 80 « Quand quelqu’un a perdu la vue, soit par excès d’étude ou de débauche, on dit qu’il a usé son luminaire, qu’il a perdu son luminaire. » (Le Roux.) Voir les vers 422 et 472-3. 81 Un épi scié, un impuissant qui ne peut enfiler ma « bottine ». Cf. les Sotz nouveaulx, vers 230 et note. 82 Un bon pénis. « Puis ta marchandise/ Metz en son “cabas” !/ Lève sa chemise,/ Rembourre son bas ! » L’Amoureux passetemps. 83 F : estre (Nul ne doit user de sa marchandise.) « Ainsi n’est-il de ton bragmard [braquemart] : car par discontinuation de officier et par faulte de opérer, il est, par ma foy, plus rouillé que la claveure d’un vieil charnier. » Rabelais, Tiers Livre, 23. 84 Célèbre chanson. Voir la note 93 d’Ung jeune moyne. 85 Bien traité par vous. Double sens involontaire : Je suis bien érigé. 86 F : parlez (Voir le v. 397.) 87 F : Et (L’entrée de la bottine.) Double sens involontaire : la « chose » désigne la vulve. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 368 et note. 88 C’est bien dit (ironique). « C’est bien ronflé ! Vostre preschier n’y vault. » E. Deschamps. 89 Maudite soit la moquerie ! Double sens involontaire : Maudite soit la copulation. « –Avez-vous joué ce jeu-là/ Qu’on appelle la nicque-nocque ?/ –J’ay joué à planter la broque/ Au fin plus près de mon cu. » Farce de Quattre femmes, F 46. 90 Mettre sur la forme en bois qui les élargira. Rosine prête au mot « forme » une connotation phallique, comme au vers 217. 91 Qu’il y prenne garde, qu’il y fasse attention. Double sens involontaire : le cuir désigne le pubis féminin, comme au vers 218. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 25 et 55. 92 Du cuir de Cordoue. Double sens involontaire : le cordouan désigne le pubis féminin. « Car pour monstrer d’estre courtisiennes,/ Elles faisoient valloir leur cordouen. » Débat des dames de Paris et de Rouen. 93 Je fréquenterai sexuellement. Cf. la Veuve, vers 92. Ces deux vers sont dits en aparté. 94 La taille de mon vagin. « Mesure de Saint-Denis, plus grande que celle de Paris : grande nature de femme. » Antoine Oudin. 95 Fausses, perfides. Idem vers 542. 96 S’il y avait cent hommes dans une maison. 97 F : Et (Elles les obligeront à « besogner », avec un double sens involontaire sur ce dernier mot. Cf. le Dorellot, vers 229.) 98 F : Ou mectre (Vous réussiriez à faire passer un grain de millet par le chas d’une aiguille. « Un homme apris à jetter de la main un grain de mil avec telle industrie que, sans faillir, il le passoit tousjours dans le trou d’une esguille. » Montaigne.) 99 Elle passe très facilement le fil dans l’aiguille de son époux, et la lui tend. 100 Si vous avez fini de recoudre vos chausses. 101 Avant que l’ouvrier n’en ait terminé avec moi. 102 Coupez. Au second degré, « rogner ses ongles » signifie : se ronger les ongles d’impatience. Et Rosine a bien l’intention de faire patienter son mari. 103 Que le savetier ne fasse pas les choses à moitié ! 104 F : ce 105 Enfoncer. 106 Gautier ne se rend pas compte que cette expression appartient au registre érotique : cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 24-25. 107 F : la (Lez un = près d’un. « Lez ung brasier. » Villon.) En Normandie, le trépied n’est autre que le tire-pied, un accessoire de savetier. « Si tou chez chavetiais [si tous ces savetiers]/ Qu’ont estricqué d’engain [qui ont jeté par dépit] l’alesne et les trépiais. » La Muse normande. 108 En Normandie, les « riveux de bis » sont les riveurs de vulves. 109 Vous n’en tireriez aucun bénéfice. 110 Vous donne. Rosine met les bottines dans son tablier, qu’elle tient relevé, puis elle sort de la maison. 111 Dans notre jardin. Le semi-picardisme « en no jardrin » (au lieu de « en no gardrin ») revient plusieurs fois dans le Chansonnier ms. fr. 12744. Mais la chanson des Galants n’a été conservée ni là, ni ailleurs. 112 Il tente de recoudre ses chausses. 113 Double sens involontaire. « Son voisin Gilles,/ Qui sans cesse la frétille/ Du bout de sa grosse esguille. » Gautier-Garguille. 114 En forme. Sous-entendu très ironique : en érection. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 185 et note. Rosine se dirige sans le savoir vers les deux galants. 115 Les galants sont dans la rue. On admirera le goût du risque de l’auteur, qui entremêle un dialogue et deux monologues dans les 8 vers d’un triolet qui se déroule en deux endroits différents. 116 Cela tomberait bien à point, si nous pouvions rencontrer quelque femme que ce soit. Rencontrer = copuler : « Je suis mal fourny de grosse lance telle (…) qu’el désire d’estre rencontrée. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 117 À ranger dans une resserre. 118 Je n’arrive pas à serrer ce point de couture. Voir le v. 237. 119 Allons ! « Trut avant, trut ! C’est à demain ? » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 120 Gautier vérifie avec inquiétude si sa femme n’est pas revenue. 121 F : Mesle (Ne m’a-t-elle pas proposé, au vers 213.) 122 F : bieu eu 123 Je n’aurai rien fait avant longtemps. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 43. 124 À l’instar du Faulconnier de ville (v. note 46), le galant souffle dans un appeau qui attire le gibier féminin. 125 Il aperçoit Rosine, qui marche dans leur direction. 126 F met cette didascalie après les sifflements. 127 Elle s’approche peu à peu des galants, qui sont dissimulés. Sa chanson est inconnue. 128 La contenance qu’aura notre proie. 129 F : quil 130 F : ny (Aucune des chansons qui commencent de la sorte ne donne les autres vers à l’identique. Voir H. M. Brown, nº 215.) Pour rassurer Rosine, les deux hommes interprètent une chanson de femme, avec leur grossièreté habituelle. 131 Cherchez une femme qui sera bergère à ma place. 132 Sainte Vierge ! Ces 4 vers sont dits en aparté. 133 F : Les (Ces faiseurs d’embrouilles. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 401 et 1195.) Nos galants espèrent imposer à Rosine leur « marchandise » : voir la note 82. 134 Piégée. 135 Prendre un autre chemin. Elle tente de fuir, mais les galants lui barrent la route. 136 Donnez-moi votre main ! Le galant capture la main de Rosine. 137 Si je vous cherchais, je saurais où vous trouver. 138 Que des gens convenables soient dehors. 139 Ni dessus, ni dessous : en aucune façon. 140 Qui m’empêche. 141 Sans que vous en parliez. Il est vrai que les sorties nocturnes sans éclairage sont suspectes : « Tracasser [aller et venir] de nuyct sans chandelle. » Marchebeau et Galop. 142 Le paresseux : voir le Glossaire du patois normand, de Du Bois. « Pensez-vous que je soye laysant ?/ Et ! vous porterez tout le fais ? » (Le Nouveau Pathelin.) La famille Le Laisant était originaire de Valognes, dans l’actuel département de la Manche. 143 Forme populaire de « Dieu m’avant » : que Dieu m’assiste ! Cf. Frère Guillebert, vers 466 et 502. 144 F : Vous (Frapper du couteau = copuler. « [Il] se jette sur elle & luy fiche au bas du ventre son cousteau naturel. » Béroalde de Verville.) 145 Vous êtes très libérale. 146 C’est grâce à la confrérie des Augustins, aux mains desquels est confiée la bibliothèque. La bibliothèque du couvent des Augustins de Rouen était certes réputée, mais les femmes ne visitaient pas ces moines paillards pour lire des livres. Le vit des Augustins est vanté dans le Tournoy amoureux, vers 49 et 89. 147 F : vous parler (Rime avec aller. Cet imprimeur est coutumier de pareilles fantaisies, que j’ai corrigées tacitement.) 148 Forme populaire de « Je me voue à Dieu ». Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 32. 149 Assigner devant un tribunal. 150 Comme une louve [prostituée] qui fréquente les lupanars pour danser la « dance du loup, la queue entre les jambes ». (Noël Du Fail.) 151 « Ce n’est pas chair pour vous ! » (La Pippée.) La viande féminine est évoquée au vers 69 du Cousturier et Ésopet. 152 Vous n’avez pas à me mener par la bride. Mais aussi : vous n’avez pas à me chevaucher. 153 F : de (Correction suggérée par Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 153-171.) Nous n’y voyons que du bien. 154 Celui qui ne dit pas : Tiens ! « Bien n’est venu qui ne dict : “Tien !” » (Moral de Tout-le-Monde.) La vénalité de Rosine est encore dénoncée aux vers 306 et 363-5. 155 Appelé. C’est un normandisme : « Il y est installay. » (La Muse normande.) Idem à la rime, où il faut comprendre : celé [dissimulé]. 156 Et que vous avez ensuite mené en bateau. « Qui savoit, par belles promesses, donner la muse à ses ennemis. » Godefroy. 157 « C’estes vous, ou regny saint Pierre !/ Vous, sans aultre ! » Farce de Pathelin, v. 1530. 158 F : bien (« Ha ! que c’est mal dit ! » Pathelin, v. 512.) 159 « C’estes vous en propre personne ! » Pathelin, v. 1514. 160 Qu’on m’en blâme. 161 « Pour qui c’est que vous me prenez. » Pathelin, v. 1506. 162 Vous avez joué. Il se peut que l’acteur qui tient le rôle de Rosine ait tenu précédemment le rôle d’une croqueuse de diamants. 163 Ce n’est pas votre argent. « Je ne vueil rien du vostre. » Les Trois amoureux de la croix. 164 Vraiment. 165 Un point pour nous ! 166 À la repasseuse. En réalité, Rosine cache dans son tablier les bottines de Gautier. 167 F : encuseray 168 Il ordonne à son comparse de reculer pour ne pas entendre les propositions qu’il va faire à Rosine. 169 Fiable, sincère. Idem vers 433 et 530. 170 Fixez-moi un rendez-vous. 171 Je n’y connais rien. Idem vers 439. C’est du jargon de maquignons : « Quant ung cheval a deux ans, il a ses dens nouvelles…. De là en avant [au-delà de sa 7ème année], on n’y congnoist aage. » Le Mesnagier de Paris. 172 Au Vert Hostel, une auberge rouennaise. Les deux galants — et Rosine — y ont leurs habitudes. 173 F : lheure mais (Rosine donne rendez-vous aux deux soupirants dans la même auberge et à la même heure, 8 h du soir : vers 384 et 530.) On trouve ce gag dans une farce normande contemporaine, les Trois Amoureux de la croix, qui offre plusieurs points communs avec nos Amoureux qui ont les botines Gaultier : voir la note 206. 174 Cachez-le. Sur le pronom normand « lay », voir la note 12 du Vendeur de livres. 175 Vous en touche un mot, vous demande ce que je vous ai dit. 176 Fermez. « Taisez vostre bouche/ Tout franc ! » E. Deschamps. 177 Bavarde. Cf. le Dorellot, vers 75. 178 Elle joue la prude : voir le vers 360. « Aussi bien laides que belles/ Contreffont les dangereuses. » (Charles d’Orléans.) Le galant s’approche de Rosine ; son compagnon recule pour ne pas entendre leurs paroles, en cachant la bottine derrière son dos. 179 Si vous voulez, je me chargerai de le faire appliquer. 180 F : .ii. (Le 1er Galant s’est rapproché subrepticement du couple. L’éditeur n’a pas compris cette scène très visuelle.) 181 F : .i. 182 F ajoute en vedette : Le .ii. 183 Vous imitez les ruses du renard. 184 Vous voulez en profiter. 185 Il se recule à nouveau, et prononce des paroles que le couple n’entend pas. 186 Il est malheureux de ne pas savoir ce qu’elle m’a dit. 187 Que le feu de l’enfer le brûle ! Cf. les Rapporteurs, vers 189. 188 Mais cependant, il ne risque pas d’avoir Rosine. 189 Il obtiendrait plus facilement un morceau de la lune. 190 J’ai une garantie, la bottine. Voir la note 67. 191 C’est bon à prendre. 192 F : seur si (Vous avez perdu de votre assurance.) 193 F : quarree (Votre « marchandise ». Voir le vers 5 de la Ballade.) Ce mot désignait les parties sexuelles des femmes et des hommes. Cf. le Trocheur de maris, vers 164. 194 Des pièces dans mon mouchoir noué : cf. les Povres deables, vers 186. Le galant promet de payer Rosine, mais elle sait qu’il n’en a pas les moyens : vers 498-501. 195 F : recluche (Quelque filament. « Des survestes (…) rouges à freluches d’or filé. » Les voyages de Pietro della Valle.) 196 Ni n’examine. Sous-entendu : Je ne plume pas. « Celuy-là est plumé et espluché. » Michel Menot. 197 C’est-à-dire ? Cf. Troys Galans et un Badin, vers 42. 198 L’un de nous deux est de trop : lui ou moi. 199 Qu’il m’a dite aujourd’hui. 200 À l’auberge du Vert Hostel, d’où je vous vis sortir (avec un homme) il y a 6 jours. 201 F : demain (Vous vous trouviez à ma disposition.) 202 Pour sceller ce contrat verbal. 203 Bien malgré moi. 204 Ironique pour un homme d’âge mûr. Voir la note 62. 205 Que personne. 206 Ne me faites pas défaut. La femme mariée des Trois Amoureux de la croix (note 173), sous la contrainte, accorde à trois galants un rendez-vous le même soir et dans un même lieu, rendez-vous auquel elle n’ira pas. Elle dit à l’un d’eux : « Et puis attendre vous m’irez/ (Oyez-vous ?), mais qu’il n’y ait faulte. » 207 Elle donne la seconde bottine au galant, qui la cache derrière son dos. 208 De bavardage. C’est un mot normand : cf. Messire Jehan, vers 96. Le 1er Galant revient vers le couple, en cachant la bottine derrière son dos. 209 À ma maison. C’est un clin d’œil à chacun des deux hommes, qui lui ont donné rendez-vous à l’auberge du Vert Hostel. 210 Je m’en vais. Idem vers 480 et 511. 211 Sans avoir eu besoin d’écarter les cuisses. 212 Enduits : atteints. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 168. 213 Ils ont contrecarré mes plans. 214 F : penne (= plume, ou fourrure.) Une panne est une fourrure, cadeau très apprécié par les femmes. « Trèsbien fourrée de pane blanche. » Le Ribault marié. 215 F : bien iehanne (Béjaune, stupide. « Que je suis becjaune ! » Farce de Pathelin.) La rime -ane / -aune est admise : dans les Drois de la Porte Bodés, béjaune rime avec condamne. 216 Il va braire contre moi. 217 En train de recoudre ses chausses. La chanson est inconnue. 218 Ce sera pour une autre fois. Idem vers 479. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 57. 219 Calembour : elle m’a planté là. 220 Couper les peluches qui dépassent. « Tondre le drap de la robe. » ATILF. 221 Bien que nous soyons avant la tombée de la nuit. 222 Qui y verrait dans ces conditions ? 223 F : a lumettes (Alors que je n’ai pas de lunettes : voir le v. 473. Cet objet était encore rare et cher.) 224 J’ai cousu la pièce de tissu à côté du trou. Gautier ne se rend pas compte qu’il dit : J’ai enfoncé ma « pièce » dans le mauvais trou. Cette gauloiserie agrémentait le cri public des chaudronniers ambulants : voir la note 51 des Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. 225 F : la brou la (Dans les Mystères, « ha ! » et « brou ! » sont les interjections favorites des diables. « Brou ! brou ! ha ! ha ! » Mystère de saint Martin.) Tanné = fatigué, exaspéré. « Que saint Anthoine arde le trou !/ J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 226 Il faut que je fasse contre mauvaise fortune bon cœur. 227 Ma femme demeure longtemps absente. 228 Un peu. Idem vers 83 et 210. 229 Sois sincère. 230 J’ai un rendez-vous de Rosine. 231 C’est la moindre des choses. La rime exige la forme normande mains : voir le v. 22 de la Ballade. Dans la sottie caennaise de Pates-ouaintes, « ce sera du mains » rime aussi avec « les mains ». 232 Ce sont là des enseignes corporelles. Dans le Pasté et la tarte, le pâtissier dit à sa femme qu’un homme viendra chercher le pâté « à tel enseigne comme on doyt,/ Mais que vous preigne [qu’il vous prenne] par le doigt ». 233 Si tu avais autant de fièvre que tu prétends avoir d’enseignes, tu ne risquerais pas de frissonner. Autrement dit : tu n’as aucune enseigne. 234 Inutile que tu baisses la tête, tu ne risques pas de recevoir un coup. Autrement dit : ces choses-là ne te concernent pas. 235 Montre-les-moi. 236 Toi d’abord. 237 Tu en fourniras une. 238 Tu te ridiculiseras. 239 Pour réciter la prière de la fin du repas : tu arriveras trop tard. 240 Elle rentre chez elle. 241 F : combatant (Parlant seul.) 242 Pour l’instant. 243 Œuvré. Double sens involontaire sur « labourer une femme ». 244 C’était pour vous une occasion. 245 Elle inspecte les chausses, et montre au public que la déchirure est toujours là (vers 425). 246 M’ait Dieu = que Dieu m’aide ! Idem vers 59 et 92. 247 Je n’y vois. 248 Aussi, ne grommelez pas un seul mot. Cf. Pour porter les présens, vers 219. 249 Allons ! 250 Elle va dans la cuisine, derrière le rideau de fond. 251 F : ie fusse plus viste (Je corrige sous toutes réserves ces deux vers boiteux et dépourvus de sens.) 252 F : tresorier (Et qu’un cordonnier soit des nôtres pour dîner.) 253 Les apôtres allaient pieds nus : eux non plus n’avaient pas de bottines. 254 C’est ma femme. 255 Il n’est pas l’heure. 256 Avec ses beaux discours. Cf. Jénin filz de rien, vers 196. 257 Elle ne craint pas que j’aie froid aux pieds. 258 Elle sort de la cuisine au moment où son époux y entre. Elle regarde par la fenêtre et voit ses deux prétendants qui se chamaillent. 259 F : Estes vous 260 Si Gautier. 261 Je n’aurais pas de repos. 262 F : plus (« Chez ce cher hoste aussi froid que verglas. » Saint-Amant.) 263 Quels élégants ! Quels petits galants ! 264 Des valets endimanchés. « Un jeune galland mal habillé, & ressemblant à un varlet dimencheret. » Martial d’Auvergne. 265 On peut en avoir sept comme ceux-là pour la modique somme d’un blanc [= 5 deniers]. Nous dirions aujourd’hui : treize à la douzaine. Les paladins sont des courtisans. 266 F : silz 267 Ils ont été humiliés. Voir ma notice et la note 270. 268 Des bottines, j’en fournirai bien. 269 Le Grand blason des bottines Gaultier (v. ma notice) nous l’indique : « Mais on les vend, dist-il, au pont Sainct-Pierre. » Pont-Saint-Pierre est une commune proche de Rouen. 270 Je lui donne de la bottine : je l’humilie. Voir le v. 504. 271 Il est à table dans la cuisine : vers 477. 272 J’y vais, car il est impatient (de manger). 273 Brown (nº 77) recoupe cette chanson avec Dieu doint le bon jour à m’amye, dont la version de Clément Janequin est un peu plus tardive. Mais beaucoup de poèmes furent mis en musique plusieurs fois, par des compositeurs de générations différentes. 274 F : la (Ce vers est difficile. Je comprends : Voudrais-tu venir faire notre lit ? « De nuyt couchéz à nostre peautre. » Les Maraux enchesnéz.) 275 F : Dire 276 F : second (L’imprimeur tente de retomber sur ses pattes après avoir sauté une rubrique. C’est le 2ème Galant qui interroge le 1er.) 277 F ajoute en vedette : Le premier 278 Les grives. Un logis est une auberge : « Au logis de la Belle Estoille. » Mystère des Trois Doms. 279 C’est là. 280 Fiable. Voir note 169. 281 F : premier (Nouveau cafouillage de l’éditeur. C’est maintenant le 1er Galant qui interroge le 2ème.) Le galant montre la bottine qu’il tenait derrière son dos. 282 F : second 283 Il y a de quoi devenir fou. 284 F : premier 285 F ajoute en vedette : Le second (Les galants comparent leur bottine respective, et en concluent que « c’est pareil ».) 286 Vous piégez les gens. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 93 et note. 287 C’est le refrain de la Ballade, probablement chantée. 288 Nous sommes bernés. 289 Si je la rencontre un de ces soirs. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 241. 290 Perfide. Idem vers 204. 291 « Un vieux routier : un homme expérimenté. » Oudin. 292 Quel sot il fait, celui… « Qu’il y fait sot ! » Le Povre Jouhan. 293 F : Que ladosser (Une endosse est un mauvais coup, une situation lourde à supporter. Voir le vers 60 de Légier d’Argent et le vers 34 des Maraux enchesnéz.) 294 Nous couvrirait de huées. 295 Comme un bateleur, un faiseur de tours. Cette forme est normande : cf. la Fille bastelierre. Le chef de troupe rouennais du Bateleur est nommé 7 fois « le Batelier ». Les bateleurs étant des joueurs de farces, on peut considérer que le vers suivant contient le titre de celle qu’ils sont en train de jouer. 296 Ces trois vers contiennent des allusions théâtrales venues de la farce normande du Testament Pathelin : « Gaudisseurs,/ Bas percéz, Gallans sans soucy. » Nous avons une sottie de Faulte d’argent, Bon Temps et les troys Gallans sans soucy (F 47). 297 Des plaisantins. Nous avons une sottie du Gaudisseur. 298 À sec, comme un tonneau qui est bas percé pour qu’on puisse en tirer les dernières gouttes. On peut parier qu’il y eut une farce de Bas-percé, comme il y en a une de Légier d’Argent et une du Mince de quaire : ces personnages qui vivent d’expédients pullulent dans le théâtre de l’époque. 299 Il y eut sans doute une farce de Joyeux-mondain : « Qui a le vent ? Joyeulx mondains. » (Marchebeau et Galop.) L’imprimeur de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain commet un lapsus en nommant ce dernier personnage « Joyeulx mondain » au vers 187. 300 Je rétablis la rime normande : « Alons-nous-ent/ Bien tost ; partons légèrement. » Le Gentil homme et son Page. 301 Sans plus parler. 302 Allons ! Cf. le Vendeur de livres, vers 200. 303 Sortir : il faut bien trouver une issue. 304 De nous séparer. 305 Je recommande. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 451. 306 Deux versions de ce poème furent copiées au XVe siècle dans un manuscrit conservé à la BnF (ms. fr. 1719). Je reproduis la version normande, qui est inédite ; elle commence au bas du folio 165 verso. La version parisianisée, qui provient d’un ms. de base plus récent, commence au folio 13 recto ; Marcel Schwob l’a publiée. Il fut plagié par Jean-Marie Angot, que Jelle Koopmans a recopié sans état d’âme mais avec toutes ses fautes de transcription. 307 « De la marée fraische : une putain. » (Oudin.) Un chasse-marée est un amateur de prostituées. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 509. 308 Quelle denrée. Voir la note 193. « On sçaura qui fait la serrée,/ Et qui franche [libérale] est de sa derrée. » Saincte-Caquette. 309 Panier. Cette forme évoque opportunément l’adjectif pénillier [pubien]. 310 J’essaierai, en pénétrant à l’intérieur. 311 Si vous voulez les essayer. 312 Excavée, élargie. 313 Il s’en fallut de peu que je n’y reste. 314 « J’en ay une que j’aime ung peu…./ On n’y treuve ne fons, ne rive. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 315 « Moins qu’en ung houzeau », comme le transcrit la version parisianisée. 316 D’un bond et sans hésiter.
LA CHANSON DES DYABLES
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LA CHANSON
DES DYABLES
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Beaucoup de pièces médiévales font appel au code carnavalesque du mundus inversus, le monde renversé. Dans les innombrables « diableries » dont se délectent les Mystères (voir Cuisine infernale), l’enfer n’est pas autre chose qu’un paradis à l’envers. Quand l’âme d’un martyr monte au Ciel, le chant des anges qui l’accompagne est harmonieux et mélodieux ; quand l’âme d’un damné dégringole aux enfers, le chant des diables qui la poussent est beaucoup moins sirupeux. Voici quelques chansons « diaboliques ». Mais auparavant, une liste des diables que nous allons rencontrer :
CERBÉRUS est Cerbère, le chien à trois têtes qui garde la porte des enfers grecs ; comme beaucoup d’autres éléments païens, il fut récupéré par le christianisme. En effet, les diables inventés au Moyen Âge ne sont rien d’autre que les satyres de l’Antiquité. LUCIFER est le prince du royaume infernal, où Dieu l’enchaîna parce qu’il craignait sa concurrence. Voir la diablerie du Munyer, et la Ballade de Champ royal. BURGIBUS et LÉVIATAN sont deux démons. SATAN est le lieutenant de Lucifer ; c’est lui qui fait les frais de sa mauvaise humeur permanente. ASTAROTH est l’amant de Proserpine. BÉLIAL, que mes élèves ont baptisé l’extraterrestre (?), est le procureur et l’avocat de l’Enfer : voir le Procès de Bélial à l’encontre de Jhésus. BELZÉBUTH est toujours prêt à obéir aux ordres du chef, quand ces ordres consistent à cogner sur ses collègues. Mais il n’a pas que de mauvais côtés ; c’est « Belzébut, vestu en belle putain », qui use (vainement) de ses charmes rugueux pour séduire saint Martin : « J’abandonne/ Mon beau corps et gente personne/ Pour en faire à ton bon désir/ Et prendre avec moy le plaisir/ Du plaisant déduict d’amourettes. » Histoyre de la vie du glorieulx sainct Martin.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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La chanson des dyables
eulx resjouyssans en Enfer
pour la mort soubdaine
de Ananyas et Saphire
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Cette chanson et la suivante se trouvent dans le Premier volume du Triumphant Mystère des Actes des Apostres, de Simon Gréban (~1470), imprimé à Paris par Arnoul et Charles Les Angeliers en 1540. Je corrige tacitement sur le ms. fr. 1528 de la Bibliothèque nationale de France, qui est en général moins bon, sans doute victime des facéties d’un autre démon, Titivillus…
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CERBÉRUS
Maistre, tournez vostre museau
Plus ardant que feu de fournaise,
Et regardez – mais qu’il vous plaise –
Voz enfans et voz jouvenceaulx.
LUCIFER
5 Qui sont-ilz ?
BURGIBUS
Ce sont voz corbeaulx1,
Qu’à vous2 se viennent présenter.
Si vous voulez ouÿr chanter,
Vous orrez tantost de quibus 3.
LUCIFER
Qui est-ce là ?
BURGIBUS
C’est Burgibus,
10 Maistre ; je ne chante pas mal.
…………………………….
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LUCIFER
Et pour moy mieulx entretenir
En ma lyesse forcenée,
Je vueil que la tourbe dampnée
Icy devant mon tribunal
15 Me dye ung motet4 infernal
En chanterie dyabolicque.
CERBÉRUS
Vous verrez tantost la musicque
Dessirer5, je le vous promet.
Car Lévïathan, quant s’i mect,
20 Chante plus gros que deux thoreaulx.
LUCIFER
Sus, sus ! Au lutrin6, mes corbeaulx,
Mes crapaudeaulx, mes dorelotz7,
Mes petis corbins, mes dyablotz !
Que je vous oye gringoter8 !
25 Sus, Sathan !
SATHAN
Je ne puis chanter,
Magister 9, ou je soys pendu !
Car je suis si très morfondu10,
Tant malade et deffiguré11,
Qu’en chemin feusse demeuré,
30 Si ce n’eust esté Astaroth.
ASTAROTH
Magister, il n’en ment de mot12 :
Il se deult13 plus que ne pensez.
LUCIFER
Ha ! ne vous chaille : ilz sont assez
Pour bruyre et faire grosse noyse14.
35 Or sus, que chascun se desgoyse15 !
Bélïal avec Burgibus
Seront pour dire le dessus16,
Car ilz ont bien doulcette voix.
Et Bérith, avec deux ou trois,
40 Seront pour faire une rencontre17.
Et Cerbérus dira la contre18,
Car il en sçait bien la fasson19.
Puis Astaroth, mon gros garson,
Avec deux dyables bien tonnans,
45 Me feront ung baritonnans20
Dessus la voix Lévïathan,
Qui21 tiendra, en lieu de Sathan,
Ung ton gros comme une bombarde22.
Chantez ! Que le feu d’Enfer arde23
50 Qui n’en fera bien son debvoir !
Ilz chantent tous ensemble :
Plus a, et plus veult avoir 24
Lucifer, nostre grant dyable.
S’il [voit les]25 âmes plouvoir,
Plus a, et plus veult avoir.
55 Et tousjours veult recepvoir,
Car il est insatïable.
Plus a, et plus veult avoir
Lucifer, nostre grant dyable.
LUCIFER
Orde26 cohorte misérable !
60 Ne chantez plus, vous m’estonnez27 !
Car tant terriblement tonnez
Qu’on oyt l’impétuosité
Jusques à la concavité
Du cercle où réside la lune28.
65 Nulle terreur plus importune
L’on ne me sçauroit incomber29,
Car vous avez faict tituber
Et trembler tous les élémens30.
Que de passions31 et tourmens
70 Puissez-vous estre corrompus !
BÉLIAL
Sus, chantons !
LUCIFER
Ha ! ne chante plus,
Faulx traistre mastin32, Bélïal !
Car vrayment, tu chantes tant mal
Que tu ne sçays accorder notte.
.
*
Chanson à la louenge
de Agrippe
.
Dans le 4ème Livre du même Mystère, les diables conduisent en enfer l’âme d’Hérode Agrippa ; son premier supplice infernal va être une chanson.
*
LÉVIATHAN
75 33 Pour donner plaisance et esbat
À Hérodes, qu’on tourne et vire,
D’une chanson du Vau-de-Vire34
Le fault servir, à ce matin.
Ilz chantent tous ensemble ce qui s’ensuyt :
Hérode Agrippe, chien mastin,
80 Tu viens en l’abysme mortelle
Où tu auras maint dur tatin 35.
Tu souloyes gens détirer 36
Et faire exiller par envie,
Destruire, batre et martyrer,
85 Dont plusieurs ont perdu la vie.
Mais tu t’en viens le hault chemin 37
En peine et en douleur cruelle
Où tu seras dampné sans fin,
Hérode Agrippe, chien mastin !
LUCIFER
90 Or paix ! Que de mauvais venin
Puissez-vous estre empoisonnéz !
Ha ! faulx trahystres, vous m’estonnez38,
Tant sont voz chantz durs à ouÿr.
BÉLIAL
Lucifer, il fault resjouyr
95 Hérodes, le tyrant pervers.
.
*
Chançon ensemble
.
Arnoul Gréban collabora sans doute aux Actes des Apostres de son frère Simon. Mais il est surtout l’auteur d’un Mystère de la Passion (~1450) qui fut beaucoup plagié. Notons qu’il était chef de chœur. J’utilise le ms. fr. 815, que je corrige notamment sur le ms. NAF 18637.
*
LUCIFER
Deables, arrengez-vous trèstous
En tourbe39 à grosse quantité,
Et me chantez ung scilété 40
En vostre horrible deablerie41.
ASTAROTH
100 Vous orrez belle chanterie
Tantost, et ung motet d’onneur42.
Sathan, tu feras la teneur43,
Et j’asserray la contre sus44.
Belzébuth dira le dessus,
105 Avec Bérith à haulte double45.
Et Cerbérus fera ung trouble46
Continué, Dieu scet comment !
LUCIFER
Frappez dedens légièrement47 !
Fault-il faire tant d’agïos48 ?
110 Commencez, mes petiz deabloz !
Gringotez49 et croquez voz notes.
Et barbetez comme marmotes50
Ou vieulz corbeaulx tous affaméz.
BÉRITH
Vous orrez dictiéz51 bien riméz,
115 Et chant couché52 à l’avenant.
Sus, Belzébuth !
BELZÉBUTH
Avant !
CERBÉRUS
Avant !
Je pense que vous l’orrez belle53.
Tous les deables chantent en hurlant ens[emble] :
La dure mort éternelle 54,
C’est la chançon des dampnéz.
120 Bien nous tient à sa cordelle 55
La dure mort éternelle.
Nous l’avons desservie 56 telle,
Et à ly 57 sommes donnéz.
La dure mort éternelle,
125 C’est la chançon des dampnéz.
LUCIFER
Harau, ribaulx ! Vous m’estonnez,
Tant menez cry espoventable.
Cessez, cessez, de par le Deable !
Vostre chant s’accorde trop mal.
SATHAN
130 C’est le scilété férïal58 :
Tous les jours est dit à l’ostel59.
Si vous voulez le solempnel,
Vous l’aurez, qui est bien doulcet.
LUCIFER
Nennil, non ! Je sçay bien que c’est :
135 C’est assez pour fendre cervelles60.
.
*
Chanson en divers son
.
Dans le Mystère de sainte Barbe <version en 5 journées du ms. fr. 976>, les diables se réjouissent d’avoir capturé l’âme du païen Dioscore, qui vient de mourir après avoir décapité sa fille, Barbe, convertie au christianisme. Lucifer montre lui-même le mauvais exemple : il beugle une parodie des Vigiles des morts61, et sa troupe braille les répons. L’irrévérence est encore plus crue dans le Mystère des Trois Doms, où Lucifer et sa clique entonnent une parodie du Libera me : « Chantez pour luy Libera me, / Criant : ‟Lucifer, audi me !” »
*
LUCIFER
Mais je vueil tout premièrement
Que nous tous, d’un assentement62,
Disons présent une chançzon,
Non pas en mélodieux ton,
140 Ne en esjouyssant liesse63,
Mais en tout deul64 et en tristesse.
Or escoutez sans plus tensez.
Lucifer incipit cantilenam cantando.65
Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
Mais tu es cheut 66 en grant ravallement.
DEMONES respondeant : 67
145 Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
Mais tu es cheut en grant ravallement.
LUCIFER
Tu es, présent, o 68 les deables dampné.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné.
LUCIFER
Tu es, présent, o les deables dampné,
150 Dont [tu] n’auras jamais relièvement.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
Mais tu es cheut en grant ravallement.
LUCIFER
Tu mauldiras le jour que tu fuz né.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné.
LUCIFER
155 Tu mauldiras le jour que tu fuz né,
Car tu seras pugny cruellement.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
Mais tu es cheut en grant ravallement.
LUCIFER
À tous vices tu [t’]es habandonné.
DEMONES
160 Dyoscorus, tu fuz roy couronné.
LUCIFER
À tous vices tu [t’]es habandonné.
Puis as occis ta fille laidement.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
Mais tu es cheut en grant ravallement.
LUCIFER
165 Ainsi sera tout pécheur guerdonné 69.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné.
LUCIFER
Ainsi sera tout pécheur guerdonné,
S’i décède sans vray repentement.
DEMONES
Dyoscorus, tu fuz roy couronné,
170 Mais tu es cheut en grant ravallement.
LÉVIATHAN
Vous qui ouez ceste chançzon
Présentement en divers son70,
Entendez bien : car el(le) commence
En haulte voyx, puis fait descence71
175 En bas. El(le) commence en liesse,
Et puis se descend en tristesse.
.
*
Chanson
.
Le Mystère de saint Quentin (~1482), qu’on attribue à Jehan Molinet, fait lui aussi chanter les diables et les fait même danser. Le manuscrit de la bibliothèque de Saint-Quentin n’existe plus, mais Henri Chatelain l’avait publié en 1909.
*
LUCIFER
Respondez-leur ung silété
Tant doulz et tant bien gringoté
Qu’il puist trespercier les oreilles
180 Des escoutans.
SATHAN
Joyes pareilles
N’oÿstes passé a cent ans72.
Nous serons tant bien deschantans73
Que nous y acquer[r]ons honneur.
ASTAROTH
Çà, çà, qui tenra la teneur74 ?
185 Je chanteray comme une pie
De ma voix qui a la pépie75 ;
Et si, feray une triplace76
Tant doulce – mais que j’aye place –
Que les enffans qui sont mors-néz
190 En seront de deul atournés77.
Belzébus, tu as la voix doulce
Comme ung asne qui se regrouce78 :
Fay-nous tost ung baritonant79.
BELZÉBUS
Oncques tonoire80, en bas tonant
195 De son crueulx ton81, ne tonna
Tel ton que monton82 entonna.
LÉVIATHAN
Tonnons, tonnons, qu’on s’en délivre !
CERBÉRUS
Avant, diables ! Je tiens le livre83 :
Chantez trèstous à longue alaine84.
TOUS LES DIABLES ensamble.
Chanson
200 Quant la chaudière 85 sera plaine
D’âmes et d’esperis dampnés,
Trèstous les diables deschaînés
Iront dansant enmy 86 la plaine.
LUCIFER
Sathan, que tu as voix vilaine !
205 Tousse ung peu, et87 mouche ton nés.
SATHAN
Maistre, nous sommes estonnés.
Laissons [là] ce motet de Beausse88,
Et allons brasser quelque sausse89
Au monde, qu’il soit assailly !
.
*
Carolle
.
Toujours dans le Mystère de saint Quentin, les diables exécutent une danse macabre pour fêter dignement l’arrivée de l’âme du gouverneur antichrétien Rictiovaire (Rictius Varus).
*
LUCIFER
210 Puisque le c[u]er tant joyeulx ay,
Je descenderay90 pour chanter.
Long tamps a91 que je ne danssay.
…………………………….
Deables plus velus que singos92,
Appointiez pippes et flagos93
215 Pour faire une note cornue94 :
Nous dansserons à la venue
Du pieur95 de ce bas empire,
Et de qui toute bouche empire
Qui de luy sermonne et parolle96.
CERBÉRUS
220 Danssez une ronde carolle97
Sans avoir pipe ne musette :
Je feray une chansonnette
Au son du bachinet98 clicquant.
Icy danssent les deables, et Cerbérus
fiert 99 sus ung bassin.
.
*
Chansson pour
resjouyr Sathan
.
Nicolas Loupvent fait œuvre utile : son Jeu et Mistère sainct Estiene (1548), toujours inédit, comporte la partition que chantent les diables. BnF, ms. Rothschild 1077.
*
LUCIFER 100
… Et me chantez icy une chansson
225 Pour resjouyr Sathan, ce faux101 garsson
Auquel avez tant donné de travelle102.
BÉLYAL
Hée ! Lucifer, voycy belle séquelle103 :
Prest [d’]acomplir vostre commandement,
De bien chanter mélodieusement
230 Sont désirantz, soubz le vostre vouloir.
LUCIFER
Et ! chantez donc, faictes vostre debvoir
Comme joyeux et sçavans musiciens.
[Par le Dyable ! je vous feray des biens.]104
Tous les dyables commanceront ensemble une
chansson petite en la mode que s’ensuyt : 105
Tant plus a et plus veult avoir
235 Lucifer, nostre grant dyable.
S’il veoyt les âmes pleuvoir,
Il est tousjour[s] insatiable.
LUCIFER
Holà, [ho] ! De par le grant Dyable,
C’est trop chanté ! Vous me troublez,
240 Orde caterve106 misérable ;
Le trou du cul vous m’afolez.
Vous n’avez107 pas entremellés
De bons acordz selon musicque.
Que de souffre soyez brûlés
245 Dedans le puis infernalicque108 !
*
1 Ces oiseaux noirs qui dévoraient les yeux des pendus étaient de mauvais augure. Idem vers 21, 23 et 113. 2 Qui devant vous. 3 Vous entendrez chanter par eux. Les amateurs d’argot devaient comprendre : Vous aurez des ronds. « S’ilz ne vous baillent des quibus. » Sermon pour une nopce. 4 Me chante un motet. Ce terme a ici une connotation religieuse parodique, comme aux vers 101 et 207. 5 Vous nous verrez bientôt déchirer la musique, la saccager. 6 Allez devant le lutrin où vos partitions sont ouvertes. 7 Mes mignons. Cf. le Dorellot aux femmes. 8 Que je vous entende chevroter. Idem vers 111 et 178. « Mon maistre tremble dent à dent,/ Et si, s’est espris à chanter./ Au fort, c’est pour mieulx gringoter/ Son chant, à la mode nouvelle. » Le Cousturier et Ésopet. 9 Maître. Équivoque voulue avec « Majesté », dont la prononciation était presque identique. Idem vers 31. 10 Enrhumé. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 3. 11 Moins laid que d’habitude. 12 Maître, il ne dit pas un seul mot mensonger. 13 Il souffre (verbe se douloir). Satan fait croire à Lucifer qu’il est malade pour ne pas être expédié en mission sur terre. Satan échoue presque toujours dans ces missions qui consistent à faire succomber un saint à la tentation, ou à soustraire aux anges l’âme d’un martyr ; et Lucifer ordonne alors aux autres diables de le battre, une tâche dont ces faux jetons s’acquittent avec plaisir. 14 Beaucoup de bruit. 15 Chante comme un oiseau. « Le rossignol qui se desgoise. » Godefroy. 16 La partie de soprano. Le terrible Lucifer entame donc une carrière de chef de chœur. Plus loin, nous l’admirerons comme professeur de chant et comme critique musical. 17 L’harmonie créée par la voix intermédiaire de ténor. Mais une rencontre est aussi une bataille, ce qui convient mieux au caractère des uns et des autres. 18 Le contre-chant, la partie d’alto. Idem vers 103. « Chantons, et je feray le contre. » Maistre Mymin qui va à la guerre. 19 La façon : il est toujours contre ce que je dis. 20 Une partie de baryton. Idem vers 193. Connaissant les goûts scatologiques des diables, on songe tout de suite au jeune Gargantua « barytonant du cul » <chap. 7>. 21 Orig. : Et (Léviatan tiendra la partie de basse profonde.) 22 C’est un instrument à vent, mais c’est surtout un ancêtre du canon, bruyant et peu précis. 23 Brûle celui. 24 Plus Lucifer a de « clients », et plus il veut en avoir. Ce triolet d’heptasyllabes, avec son rythme claudicant et ses refrains en forme de ronde, n’est pas autre chose qu’une danse macabre. Il développe un proverbe : « Et plus a le diable, & plus veut avoir. » (Cotgrave.) Nous réentendrons cette chanson aux vers 234-7. 25 Éd : voyoit — Ms : veoit (Je corrige d’après le vers 236.) 26 Sale. Le vers 240 est à peu près identique à celui-ci : « Orde caterve misérable ! » 27 Vous m’assommez comme un coup de tonnerre. Idem vers 92, 126 et 206. Dans la Vie de sainct Didier, Lucifer exhorte sa chorale : « Vous, dyables qui chantez si mal/ Et de si terrible façon,/ Fest[o]iez ung peu ce vassal/ En cryant ung horrible son !/ Lors cryent tous ensemble moult horriblement, puis dit Lucifer : “Holà ! holà ! Vous m’estonnez !/ Laissez-moy ce cry non-pareil !” » 28 Qu’on vous entend jusque sur la lune. 29 Infliger. 30 Les quatre éléments. 31 Que par des tortures. 32 Un mâtin est un gros chien. Idem vers 79. 33 Pour faciliter l’usage des notes, je continue le numérotage des vers sans reprendre à zéro. 34 Du Val-de-Vire. Cette vallée normande sera le foyer des vaudevires, chansons à boire qui aboutiront aux rondes de table nommées vaudevilles. Les auteurs de Mystères ne reculent jamais devant un anachronisme. 35 Coup de poing. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 166. 36 Tu avais coutume d’ôter les gens de leur fonction. 37 En droite ligne. Ironique : le haut chemin mène au paradis. « Prenons du Ciel le hault chemin. » Eustache Deschamps. 38 Traîtres félons, vous m’assommez. On scande « traï-tres » en 2 syllabes : cf. le Nouveau marié, vers 199. 39 En foule. Idem vers 13. Mais la tourbe est aussi la pourriture qu’on récolte dans les marais. 40 En latin, silete = faites silence. Idem vers 130 et 177. Paradoxalement, les Mystères emploient ce mot pour indiquer un intermède musical : « Nous chanterons ung silété. » Miracle de saint Nicolas. 41 Langage de diables. 42 D’honneur. Au vers 183, les diables revendiquent à nouveau cette vertu qui leur est étrangère ; ils ne connaissent que ce qu’on appelle aujourd’hui le doigt d’honneur. 43 Le ténor. Idem vers 184. 44 Je poserai la partie d’alto dessus. Dans la Vie de sainct Christofle, Proserpine répond aux hurlements de Lucifer : « Que diable as-tu à hurler ?/ Est-ce la teneur ou le contre/ Que tu chante ? » 45 Qui le doublera à l’octave supérieure. 46 Un trèble, une triple voix : il doublera à l’octave inférieure, en continuo. « En trèble chantent le Sanctus. » Godefroy. 47 Foncez rapidement. C’est encore un terme militaire. 48 D’embarras. « De faire ainsi tant d’agïos. » Le Cuvier. 49 Chevrotez (note 8). 50 Marmottez comme des guenons. « Singes et marmotes. » Godefroy. 51 Vous entendrez des poèmes. « En chantant chansons et dictés mélodieus. » ATILF. 52 Étendu par-dessus. 53 Que vous en entendrez de belles. 54 Encore une danse macabre incluse dans un triolet d’heptasyllabes, comme aux vers 51-58. Le compositeur Frank Martin l’a mise en musique en 1959 dans un oratorio, le Mystère de la Nativité, avec toutes les dissonances qui conviennent. 55 Par son lacet : dans ses filets. 56 Méritée. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 908. 57 Mss. : luy (Forme archaïque de elle. « Quand aucunes personnes venoient à ly demander l’aumosne ou pour aucunes besognes, elle envoyoit à eux avant qu’ils vinssent devant ly. » Agnès d’Harcourt, parlant de la sœur de Saint Louis.) 58 L’intermède musical que nous chantons quotidiennement aux offices ordinaires. 59 Dans notre demeure infernale. Jeu de mots sur « l’autel ». 60 Pour nous casser la tête. 61 Les Vigilles Triboullet reposent sur une parodie semblable. 62 D’un même assentiment : en parfaite harmonie. 63 Avec une joie réjouissante. 64 Deuil. Idem vers 190. 65 Il commence en chantant une cantilène. 66 Chu, tombé. 67 Que les démons chantent les répons ! 68 Avec. (Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 344.) Tu es, maintenant, damné avec les diables. 69 Récompensé. Cf. le Clerc qui fut refusé, vers 15. 70 À plusieurs voix. Ou plutôt, avec des voix divergentes. 71 Elle descend. Les diables ont commencé dans l’aigu, puis la ligne mélodique est devenue de plus en plus sombre et caverneuse, comme il sied aux habitants de l’enfer. Il faut avoir beaucoup de talent pour faire exprès de chanter ainsi. 72 Depuis plus de 100 ans. 73 Nous improviserons si bien sur le déchant. Mais pris au pied de la lettre, « dé-chantant » pourrait être synonyme de « mal chantant » : cf. le Cousturier et Ésopet, vers 104. 74 Qui tiendra la partie de ténor (note 43). Le copiste picard adopte le picardisme « le teneur », et « le pépie » deux vers plus bas. 75 Qui est asséchée par la soif. Cf. le Roy des Sotz, vers 223. 76 Une 3ème voix. Synonyme de trèble (note 46). 77 Accablés de deuil, de tristesse. Les enfants morts sans avoir été baptisés n’ont pas droit au paradis : Dieu, dans sa grande bonté, les expédie aux limbes, qui dépendent de l’enfer. 78 Qui grogne. 79 Une partie de baryton (note 20). D’un Mystère à l’autre, les diables n’ont plus la même tessiture. 80 Jamais le tonnerre. 81 De sa cruelle voix. 82 Qu’un mouton, dans l’aire normanno-picarde. « Montons & aigniaux…./ Bœuf ny monton. » (La Muse normande, III, 165.) Voir le Dictionnaire picard, de Daire, p. 127. 83 La partition. 84 Avec du souffle. 85 Le chaudron dans lequel on fait bouillir les âmes des pécheurs. Cf. Troys Galans et un Badin, vers 191. 86 Parmi. 87 Ms. : se 88 Une prière qu’on chante trop fort, comme les fidèles dans les églises de la Beauce. « (Ils) faisoient leurs matines des vespres jusques au matin, et crioient tellement qu’il sembloit que ce fust un motet de Beausse. » Archives nationales, 1401. 89 Préparer un mauvais tour. 90 Lucifer trône en hauteur, pour être mieux vu par le public. 91 Il y a longtemps. 92 Singeots [singes] contient ici un « g » dur picard, de même que flageots [flageolets] à la rime. 93 Préparez les pipeaux et les flageolets. Ces flûtes champêtres accompagnent les danses de bergers, avec la musette [la cornemuse] du vers 221. Les diables n’ont pas un goût très raffiné. 94 Des notes biscornues. « Vous souliez venir à la charrue/ Aporter (à) moy la grant note cornue. » Gaydon. 95 Du pire individu : de Rictiovaire. 96 Toute bouche qui parle de lui sent mauvais. 97 Une carole est une ronde que dansent des jeunes filles qui se tiennent par la main. « Lesquelles, ayans agrandy la ronde carolle, commencèrent à dire [chanter] force bransles. » Jacques Yver. 98 Du bassinet : la chuintante « ch » est picarde. En frappant sur le chaudron où bouillent les âmes des pécheurs (note 85). 99 Frappe, verbe férir. 100 Sa première intervention était illustrée par une lettrine « D » représentant un bouffon. 101 Félon. Idem vers 72 et 92. 102 De travail, de mal. Sur ordre de Lucifer, Satan vient d’être battu par ses coreligionnaires. 103 Un beau cortège de diables. 104 Vers manquant. « Par Dieu ! je vous feray des biens. » (Le Capitaine Mal-en-point.) Lucifer jure par le diable aux vers 128 et 238. 105 Nous avons entendu cette chanson heptasyllabique aux vers 51-58. 106 Sale troupe. « La caterve/ Des deables. » ATILF. 107 Ms : nestes 108 Dans le puits infernal, le gouffre d’Enfer.
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LE SAVATIER ET MARGUET
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LE SAVATIER
ET MARGUET
*
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Cette farce normande fut écrite au XVIe siècle, mais elle est assez moderne, puisqu’on y pratique l’échangisme, le sadisme et le masochisme1. Le personnage du savetier se comporte comme un dompteur : il dresse les femmes, et quand elles lui mangent dans la main, il les répudie parce qu’elles l’ennuient.
Les savetiers chantent beaucoup, comme on peut l’entendre dans le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) et dans Calbain, mais aussi dans Serre-porte, le Pauvre et le Riche, Grant Gosier, ou les Queues troussées. La présente farce ne cite pas moins de quinze chansons2, et se conclut sur une seizième, donnée intégralement. Ces compositions appartiennent au répertoire normand, et la plupart des airs ont servi de timbres à des Noëls.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 74.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
Farce joyeuse
À .V. personnages, c’est asçavoir :
LE SAVATIER
MARGUET
JAQUET
PROSERPINE
et L’OSTE [JOYEULX]
*
LE SAVATIER 3 commence en chantant
Quant j’estoys à marier, SCÈNE I
Sy très joly j’estoye.4
Marguet !
MARGUET
Que vous plaist, mon amy ?
LE SAVATIER
Aportez-moy tost du fillé5,
5 Un bon carteron et demy6.
Marguet !
MARGUET
Que vous plaist, mon amy ?
LE SAVATIER
Du ligneuil7 n’ay pas à demy.
MARGUET
Atendez que j’en ai[e]s fillé.
LE SAVATIER
Marguet !
MARGUET
Que vous plaist, mon amy ?
LE SAVATIER
10 Aportez-moy tost du fillé.
Un bon carteron et demy.
Je l’ay bien aymée sept ans et demy.8
MARGUET
A ! vous n’estes pas endormy,
Dieu mercy ! Je vous entens bien.
LE SAVATIER
15 Ne suys-je pas homme de bien,
De besongner pour desjuner9 ?
MARGUET
Aultrement, vous fauldroict juner,
Car nous n’avons plus…
LE SAVATIER
Quoy ?
MARGUET
D’argent.
LE SAVATIER
D’argent ne fault estre sergent.10
20 Quant j’en ay…
MARGUET
Quoy ?
LE SAVATIER
Soulcy me lye,
Et suys en grand mélencolye11.
MARGUET
J’en veulx avoir, moy.
LE SAVATIER
Par vostre foy ?
MARGUET
Voyre, vrayment.
LE SAVATIER
Je vous en croy :
Faulte d’argent, c’est douleur nompareille.12
MARGUET
25 [Aus]sy, n’esse pas grand merveille13
De vous voyr resjouir, mon mary ?
LE SAVATIER
Marguet, par Dieu ! je suys mar[r]y.
Y fault du lygneul, de cuir, de poys14,
Du fourmage15, du beure, et16 poys,
30 Vin, vïandes, pourpoinctz, jaquestes,
[Tant jours ouvrables que les festes :]17
Car y fault nourir la m[a]ygnye18.
MARGUET
Aussy, vous avez compaignye,
Vous estes couché mol et blanc19,
35 Et ne vous couste pas un blanc20.
Que voulez-vous plus, mon amy ?
LE SAVATIER
Ce soulier m’a tant endormy
Que je vouldroys qu’il fust de fer !
MARGUET
A, vous ne me sériez21 commander
40 Chose que pour vous je ne fisse.
LE SAVATIER
Marguet, monstrez-moy [vostre cuisse]22.
Ha ! ha ! ha !
MARGUET
Quoy ! vous la sentez ?
LE SAVATIER
A ! je veulx que vous [me] chantez
Un bien petit mot et demy23.
MARGUET
45 Or, me respondez24, mon amy.
J’ey un connyn25 vestu de soye,
Et est bordé de velours tout entour.
C’est pour mygnons qui ont de la monnoye.
LE SAVATIER
J’ey un billard de quoy biller souloye26 ;
50 Mais mon billard est usé par le boult :
C’est de trop souvent fraper en la roye27.
MARGUET
N’esse pas un bien grand plaisir
[Qu’]à son désir, sans desplaisir,
……………………………. ?
LE SAVATIER
Et quoy ?
MARGUET
[De] trouver une amye28.
LE SAVATIER
55 Mais omblier29 ne vous puys mye,
Marguet.
MARGUET
Hau !
LE SAVATIER
Je vous fais à sçavoir :
Vers30 moy, faictes vostre debvoir !
Et sy [ne gardez le « guichet »]31,
Par la mort bieu, par le colet
60 Je vous coup(e)ray le gargaty32 !
MARGUET
Vrayment, vous estes bien averty33 :
Jamais ne vous feroys cela.
LE SAVATIER
Corbieu ! vous passerez34 par là.
MARGUET
Ouy ?
LE SAVATIER
Ouy, ouy, de cela je suys sceur35.
MARGUET
65 Mon amy, n’en ayez pas peur ;
Sy36 je ne change ma pensée.
LE SAVATIER
Je suys en grand pensée
Des gens d’armes du Roy,
Qu’i feront l’aultre année37.
70 Marguet, vous estes dispencée,
Ouy, sy vous voulez, de bien faire.
MARGUET
Veuillez [tost] ce soullier parfaire38
Pour dîner, [car] j’ey apétit.
LE SAVATIER
Marguet, dansez [donc] un petit39.
MARGUET
75 Bien. Elle dance.
LE SAVATIER
Dancez le « branlle des Amoureulx40 »,
Il est fort beau.
MARGUET
Mon amy, je le veulx. Elle dance.
LE SAVATIER
(Mon amy, comme elle se galle41 !
Que luy puysse venir la galle,
Et au-dessus des yeulx, la taigne !)
80 Sus ! le « trihory de Bretaigne42 »,
Que je vous voys recommencer !
MARGUET
Je ne séroys sy dru marcher,
Mon amy.
LE SAVATIER
Non ?
MARGUET
Non, par ma foy !
LE SAVATIER
Chantez donc, pour l’amour de moy.
MARGUET
85 Le voulez-vous ?
LE SAVATIER
Ouy.
MARGUET
Je le veulx bien.
Mauldict soyt le petit chien
Qui abaye43, abaye, abaye,
Qui abaye et ne voyt rien !
LE SAVATIER
Et ! par Dieu, je vous ayme bien !
90 Mais je te prye, couche-toy là.
MARGUET
Ouy dea, mon amy ! Ouy, cela !
Je f(e)ray tout ce que vous vouldrez.
LE SAVATIER
Marguet !
MARGUET
Mon amy ?
LE SAVATIER
Vous estendrez
Vos bras.
MARGUET
[Or] avant44 ! je le veulx.
LE SAVATIER
95 Et ! ne suys-je pas bien heureulx
[Mille foys], de t’avoir pour femme ?
Deboult !
MARGUET
Et pourquoy ?
LE SAVATIER
Deboult, ma dame !
C’est assez faict ! Sans [plus] de caquet45,
Alez-vous-en quérir Jaquet
100 Pour desjuner aveques moy.
MARGUET
A ! je n’yray pas, par ma foy,
[Non !] Car sa femme, Proserpine46,
Quant el[le] me voyt, poinct ne fine47
De crier. Je m’esbaÿs d’elle.
LE SAVATIER
105 Marguet, vous n’estes pas aintelle48.
MARGUET
Et ! mon amy…
LE SAVATIER
Quoy ? Taisez-vous !
Je m’y envoys49 tout seul pour nous.
Mais vous [demourrez cy]50 seullète.
.
JAQUET 51 entre en chantant SCÈNE II
Adieu, adieu, Kathelinète52,
110 Joly[e] fleur de Lymousin.
PROSERPINE entre
À tous les deables le bésin53 !
Vilain, meschant, pouilleux, rongneulx,
Chancreulx, vérollé, farcineulx54,
Laron, gourmand, coquin, bélistre !
LE SAVATIER 55
115 (Sang bieu ! voy(e)là un trèsbeau tiltre56.
Marguet à elle ne ressemble.)
JAQUET
Je vous suply, vivons ensemble
En bonne amour.
PROSERPINE
Va, va, vilain !
Je te donray cent coups de poing !
120 A ! j’abatray bien ton caquet !
LE SAVATIER
(Sy me fault-il avoir Jaquet.)
[Huit ! Huit]57 ! Heust ! Heust !
JAQUET
Je voy58, je voy.
PROSERPINE 59
Qui est ce vilain que je voy ?
JAQUET 60
Et ! parlez bas, je vous emprye.
PROSERPINE
125 Qui deable esse-là qui te crye61 ?
A ! je te rompray le musel,
Ladre62 puant, meschant mésel !
JAQUET
Va, vielle honhon63, vielle cyterne !
Va, vielle qui porta la lanterne64
130 Quant sainct Pierre renya Dieu !
Me viens-tu mauldire en ce lieu ?
PROSERPINE
Tenez ! [Soyez-vous]65 estonné !
JAQUET
Suys-je pas de malle66 heure né,
De te voir [estre] ainsy mêtresse ?
PROSERPINE
135 A[dieu] ! Je m’en voys à la messe.
Pren[ez] bien garde en la maison67 !
JAQUET
Or, va ! Que de malle poyson68
Tu soys aujourd’uy [bien] repue !
LE SAVATIER 69
Elle s’en va. A ! je l’ay veue.
.
140 Jaquet, hay ! Hay ! SCÈNE III
JAQUET
Je voys, je voys.
Comment tu sifle à haulte voys !
Tu ne crains poinct, [toy,] la mellée.
LE SAVATIER
Et puys ? Elle s’en est allée ?
JAQUET
Ouy.
LE SAVATIER
Quoy ! je ne t’osoys70 sonner,
145 Ma foy !
JAQUET
Alons-m’en desjuner,
Alon ! Mais où est le vin amoureulx ? 71
LE SAVATIER
Où dea, Jaquet ? Cheulx l’Oste Joyeulx72 ;
C’est le milleur, par Nostre Dame !
JAQUET
Je te suply, ayons ta femme.
LE SAVATIER
150 J’en suys content, en bonne foy.73
.
Marguet ! SCÈNE IV
MARGUET
Quoy ?
LE SAVATIER
[ Venez avec moy !
MARGUET ]
Que [me] voulez-vous ?
JAQUET
Je vous prye
Que vous nous tenez compaignye
À disner74 cheulx l’Oste Joyeulx.
MARGUET
155 D[is]ner ? A ! vrayment, je le veulx,
Car j’ey un très bon apétit.
LE SAVATIER
Or, alons donc ! C’est trèsbien dict.75
.
Hay ! [Hay ! Maistre, av’ous]76 du vin ? SCÈNE V
L’HOSTE [JOYEULX] entre
Ouy !
LE SAVATIER
A, vrayment, j’en suys bien resjouy.
L’HOSTE
160 [Le bon soir !] Voulez-vous repaistre ?
LE SAVATIER
Bon soir, [bon soir] ! Dieu vous gard, maistre !
Av’ous77 bon vin ?
L’HOSTE
Ouy dea : vin blanc,
Rouge, cléret. Tout à un blanc78.
LE SAVATIER
Or sus, [or] sus ! Y nous fault boyre.
JAQUET
165 Et puys, Marguet, que veulx-tu faire ?
MARGUET
Et que voulez-vous faire, tous deulx ?
LE SAVATIER
Marguet, tu ne sçays que je veulx ?
[Chante donc]79, pour l’amour de moy.
MARGUET
Mon amy, je le veuil, par ma foy !
170 Dieu doinct des raisins aulx vignes,
Et aulx chans des [b]lés,
Et aulx couldres de[s] noysilles80,
Et à nous sancté ! Et à nous sancté !
JAQUET
Compère, vélà bien chanté !
175 Par Dieu, vous estes bien heureulx !
LE SAVATIER
Veulx-tu changer ?
JAQUET
Moy ? Je le veulx !
LE SAVATIER 81
C’est faict ! Mais baille-moy ta femme.
.
PROSERPINE 82 SCÈNE VI
Où es-tu, meschant vilain infâme ?
Te trouverai-ge jamais siens83 ?
JAQUET
180 Cheust84 ! [Sy] je ne suys pas seans dedens,
Compère, elle viendra icy.
LE SAVATIER
Par ma foy ! je le veulx, aussy :
J’en suys maintenant amoureulx.
.
PROSERPINE 85 SCÈNE VII
Dieu vous gard, hay, l’Hoste Joyeulx !
185 Mon coquin est-il pas séans ?
L’HOSTE
Je pense bien qu’i soyt léans86,
Aveques compaignye honneste.
PROSERPINE
Et, le deable luy rompe la teste,
Tant il me donne de [la] paine !
.
LE SAVATIER 87 SCÈNE VIII
190 Hau ! commère, [quel vent]88 vous maine ?
Voulez-vous pas boyre avec nous ?
PROSERPINE
Compère, bien89 vous portez-vous ?
Je suys joyeuse de vous voir.
LE SAVATIER
Commère, venez-vous-en soir90,
195 Car j’ey bien à parler à vous.
PROSERPINE
Je le veulx.
JAQUET 91
Or çà ! ferons-nous
Ce que vous sçavez, dictes ?
PROSERPINE
Quoy ?
LE SAVATIER
Je le vous diray, par ma foy :
Vostre mary vous a donn[é]e
200 À moy, et je luy ay donné baill[é]e
Marguet.
PROSERPINE
Par ma foy, je le veulx !
JAQUET
Et [quoy] ! vrayment ? J’en suys joyeulx.
Marguet, je vous prye, touche[z] là92 !
MARGUET
A, je suys contente de cela,
205 Je le veulx : c’est, Jaquet, raison.
JAQUET
Or, alon-m’en à la maison !
L’HOSTE
A ! [par] Dieu, hay ! N’aurai-ge rien ?
Qui me payera ?
LE SAVATIER
Je payeray bien.
L’HOSTE
Qui me payera mon vin93, mon rost ?
LE SAVATIER
210 Taisez-vous : je viendray94 tantost,
J’en respons. Vous me ferez crédit ?
L’HOSTE
A ! vrayment ouy, ouy.
LE SAVATIER
C’est assez dict.95
.
Tantost je vous feray bien rire, SCÈNE IX
Proserpine. Je vous veulx dire…
PROSERPINE
215 Quoy ?
LE SAVATIER 96
Or, chantez pour « L’Amour de moy97 ».
PROSERPINE
Chanter ? Non f(e)ray.
LE SAVATIER
Non ?
PROSERPINE
Non.
LE SAVATIER
Pourquoy ?
Par sainct Pierre, vous chanterez !
PROSERPINE
Par sainct Pierre, vous mentirez
Par la gorge et par les dens98 !
LE SAVATIER
220 Je vous batray tant, cy dedens,
Que je vous rendray toute morte.
Chantez !
PROSERPINE
Non feray.
LE SAVATIER 99
Qu’elle est forte100 !
Proserpine, tost chantez-ent deulx101 !
PROSERPINE
Et ! Mon Dieu, mon Dieu ! Que je me deulx102 !
225 Vous m’avez [tout] rompu la teste.
LE SAVATIER
[Ne] chanteras-tu pas, dict[z], beste ?
Chante [donc] !
PROSERPINE
Et que chanterai-ge ?
Je n’en sçay poinct.
LE SAVATIER
Et que sai-ge ?
Et pour l’amour du compaignon,103
[PROSERPINE] Elle chante :
230 …Donne-toy garde, champion.
[LE SAVATIER]
Je te prye, couche-t(oy) en ce lieu !
PROSERPINE 104
A, Je le veulx bien.
LE SAVATIER
Ouy ?
PROSERPINE
Ouy, par Dieu !
Je f(e)ray vostre commandement.
LE SAVATIER
Or, faict[z] un pet !
PROSERPINE
Un pet ? Comment !
235 Jamais femme ne fist un pet105 !
LE SAVATIER
A ! par Dieu, vous en ferez sept,
Ou je vous batray tant et106 tant !
PROSERPINE
Mon amy, mon cul me va pétant :
Pouf ! Pouf ! Pouf ! Pouf ! Pouf ! Qu’esse-cy ?
LE SAVATIER
240 A, Proserpine, tu as vessy !
Et ! tourne, vire, tourne-toy ! 107
PROSERPINE
Tourner ? Je le veulx, par ma foy !
LE SAVATIER
Poulces108 ! Poulces !
PROSERPINE
Quoy ?
LE SAVATIER
Faict[z] un sault !
PROSERPINE
Ma foy, je le voy faire hault109.
245 Qu’esse-là ? Esse bien saulté ?
LE SAVATIER
Depuys que tu m’as enhanté110,
Tu sçais beaucoup [plus] de mestiers,
Par Dieu ! Tu en sçays plus, deulx tiers,
Que tu ne faisoys par111 avant.
.
JAQUET 112 SCÈNE X
250 Et puys, ma mye ? En vous riant,
Je vous prye que vous [me] riez.
MARGUET
Il ne fault pas que me priez :
Je riray pour l’amour de vous.
Ha ! ha ! hé ! hé ! ha !
JAQUET
Encor(e) deulx coups !
MARGUET
255 Ha ! ha ! ha ! ha ! ha ! Qu’esse-là ?
Esse [pas] là bien ris ?
JAQUET
Voy(e)là
Aussy bien ris que je vis jamais !
MARGUET
Se je ris bien, je n’en puys mais113 ;
Je vous prye, n’en soyez mar[r]y.
[JAQUET]
260 [Vous rendray-je à vostre mary ?]114
MARGUET
Non, non, mon amy, je vous prye.
.
LE SAVATIER SCÈNE XI
Proserpine, estes-vous mar[r]ye ?
PROSERPINE
Mar[r]ye ? [Non,] mais fort joyeuse !
[Car] je me tiens la plus heureuse
265 De ce monde.
*
JAQUET 115 SCÈNE XII
Et puys, comment
Vous portez-vous ?
PROSERPINE
Joyeusement,
Preste à faire vostre désir.
JAQUET
Ma foy ! ce m’est un grand plaisir116
Que vous estes sy bien [re]faicte117.
LE SAVATIER
270 Voulez-vous [pas] qu’elle caquète118 ?
JAQUET
Ouy, je vous prye.
LE SAVATIER
C’est faict, Jaquet.
Dictes « Mon beau petit péroquet119 » !
PROSERPINE
Mon petit péroquet royal,
Saincte Pasque Dieu, à cheval !
275 Je suys roy, roy d’Entioche.
JAQUET 120
Et ! ma mye, que j[e m’]aproche
De vous !
PROSERPINE
Non feray, non feray !
JAQUET
Par sainct Pierre ! je vous auray
Tout à ceste heure.
LE SAVATIER
Vous l’airez ?
JAQUET
280 Voyre !
LE SAVATIER
Jaquet, vous mentirez :
Vous ne l’airez pas.
PROSERPINE
Nostre Dame !
JAQUET
Et ! compère, que j[’ay]es ma famme !
LE SAVATIER
Vous ne l’airez pas.
PROSERPINE
Je suys à luy.
MARGUET
Il est vray.
PROSERPINE
[Jaquet,] mon amy…
MARGUET
285 C’est son mary121, hay !
LE SAVATIER
Voyre122 moy !
PROSERPINE
Voyre luy123.
JAQUET
Non est, par ma foy :
C’est moy !
MARGUET
C’est mon124.
PROSERPINE
Et, sy est125, vrayment.
JAQUET
Ouy, moy !
LE SAVATIER
Mauldict soyt il qui en ment !
JAQUET
Qui ? Mais vous126 !
LE SAVATIER 127
A ! Dieu ! Hay, Jaquet,
290 Me payez-vous de ce caquet128 ?
Jaquet, je vous feray mar[r]y !
Hau, Marguet !
MARGUET
Qu’esse, mon mary ?
LE SAVATIER
Ma mye, revient[s]-t’en avec moy !
MARGUET
A ! je le veuil bien, par ma foy !
295 Mais faictes concluzion brèfve.
.
LE SAVATIER
Conclusion (qui ne me grèfve129,
Mais el me faict au cœur la feste130) :
Femme qui son mary tempeste,
Qu’on ne la baille pas à [un] Jaquest131,
300 Car envers luy, faict132 trop la beste.
Femme qui son mary tempeste,
C’on me la baille, car sa teste
Amolyray, et son quaquet.
Femme qui son mary tempeste,
305 Qu’on ne la baille à [un] Jaquet.
Jaquet, veulx-tu [dire], en ce lieu,
Une chanson pour dire adieu ?
.
FINIS
Du faict le faict.133
*
1 Ce mot est récent, mais Rabelais signalait déjà les hommes qui « ne peuvent le nerf caverneux vers le cercle æquateur dresser s’ilz ne sont très bien fouettéz ». (Quart Livre, 12.) Un autre médecin, Bernard de Gordon, conseillait même aux impuissants : « Faites le vit grant en le batant de vergettes doulcement & souvent. » 2 Voir H. M. BROWN : Music in the french secular theater. Harvard University Press, 1963, pp. 80-81. 3 Il travaille dans son atelier, en compagnie de sa femme. 4 Refrain de la chanson Chascun me crie « marie-toy », qu’on chante au début de Régnault qui se marie. Le vers 142 de l’Arbalestre cite ce refrain. 5 Du filé : du ligneul empesé. Voir le vers 8. 6 38 brins. Un quarteron = 25. 7 Le ligneul est un fil enduit de poix qui sert à coudre le cuir. Idem vers 28. 8 La chanson originale dit : « Hélas ! je l’ay aymée/ Bien sept ans et demy. » 9 Pour déjeuner, pour payer notre nourriture. 10 Il ne faut pas être esclave de l’argent. Ce même proverbe est chanté au vers 188 du Pèlerinage de Mariage. Car il fut apparemment associé à une chanson, comme d’autres proverbes concernant l’argent : celui qu’on chante au vers 24 est colligé dans les Proverbia gallica de Janus Gruterus. 11 Les savetiers ne sont pas faits pour être riches. Bonaventure Des Périers raconte l’histoire du savetier Blondeau, qui trouva un trésor : « Il commença de devenir pensif ; il ne chantoit plus. » À la fin, il jeta ce trésor dans la rivière « et noya toute sa mélancholie ». 12 Célèbre chanson de Josquin Des Préz. Cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 359. 13 Surprenant. 14 La poix sert à durcir le ligneul. Beaucoup d’énumérations théâtrales furent gonflées par des acteurs désireux de rallonger leur rôle. (Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 271.) Visiblement, celle-ci ne fait pas exception à cette fâcheuse règle. Voir aussi la note 93. 15 Du fromage. 16 LV : par (Les pois sont une des bases de l’alimentation.) 17 Vers manquant. J’emprunte le vers 129 des Femmes qui demandent les arrérages. 18 La maisnie : la maisonnée, la famille. 19 Sur un matelas mou, avec des draps blancs. « Je veux avoir le lict blanc & mol, les habits beaux & précieux. » François de Belleforest. 20 Un sou. Idem vers 163. 21 Sauriez, pourriez. Même normandisme au vers 82. Commandèr rime avec fer. 22 LV : auise (Il pose trois baisers sur la cuisse de Marguet.) Embrasser la cuisse de sa dame est une galanterie : « Descouvrant sa cuisse blanche,/ Je la luy vouluz baiser. » (Pernette Du Guillet.) Mais Marguet ignore les rites courtois. 23 Comprenons : quelques notes. 24 En réponse à ma partie, chantez la vôtre. Cette chanson de Jacotin débute ainsi : « –J’ay ung billard/ De quoy biller souloye./ Mais mon billard/ Si est tout débiffé :/ C’est de souvent/ Frapper dedans la roye./ –J’ay ung congnin/ Qui est bordé de soye ;/ Mais mon congnin,/ Il est frisque et mignon :/ C’est pour ces gallans/ Qui ont de la monnoye. » 25 Un sexe. 26 Un « bâton » avec lequel j’ai l’habitude de frapper. « Billier, jambillier/ Et hurtebillier/ Hennon et Jennette. » Jehan Molinet. 27 Dans la raie. Cf. la Présentation des joyaux, vers 79. 28 Une petite amie, une maîtresse. L’enchaînement est abrupt : il manque au moins 2 vers avant celui-ci. 29 Vous oublier (normandisme). Ce vers, tiré de la chanson Les Regretz que j’ay de m’amye, est chanté dans le Pèlerinage de Mariage. 30 LV : quenuers (Envers moi, soyez fidèle. « Elle est vers moy trop dure. » ATILF.) 31 LV : me gardes le tacelet (Si vous ne surveillez pas votre sexe.) Garder le guichet = surveiller la porte. « Portière du petit guichet : une sage-femme. » Antoine Oudin. 32 La gargate, la gorge. 33 Vous avez des idées préconçues. 34 LV : paseries (Vous serez infidèle, comme toutes les femmes.) 35 Sûr. 36 Jody Enders* <p. 492, note 21> souligne l’ambiguïté de cette phrase : « si » peut se lire « ainsi, aussi facilement » ; mais il peut également introduire une condition. *Holy Deadlock and further ribaldries. University of Pennsylvania Press, Philadelphia, 2017. 37 De ce qu’ils feront l’année prochaine. La version chantée dans les Bâtars de Caulx (LV 48) préfère : ceste année 38 Achever. 39 Un peu. Le savetier chante un air rythmé en tapant la mesure avec son marteau, comme le faisaient les artisans : voir la note 25 des Queues troussées. 40 Cette danse véhicule une forte connotation érotique. « Charlotte m’a appris le branle de l’amour/ En me serrant de près, à ventre contre ventre. » (Chansons folastres.) Le branle est un peu l’ancêtre du french cancan : « Les ménestriers sonnèrent un bransle, auquel toutes les dames se misrent à danser, & troussèrent toutes leurs robbes & cottes par-devant. » (La Navigation du Compaignon à la bouteille.) 41 Comme elle prend du plaisir. 42 Danse particulièrement dévergondée. Cf. le Bateleur, vers 209. 43 Qui aboie. La Chanson du petit chien est un des « tubes » de l’époque. Le Vendeur de livres (vers 205-7) et l’épouse de Calbain (vers 340-2) en chantent le même extrait que Marguet. 44 Allons. Marguet est couchée, avec les bras en croix. 45 De bavardage. « À table, sans plus de caquet ! » Mistère du Viel Testament. 46 Nous avons donc là une épouse infernale. Proserpine est le nom d’une diablesse dans la farce du Munyer, et c’est le nom d’une protestante dans la sottie rouennaise des Povres deables. 47 Ne finit, ne cesse. 48 Comme elle. 49 Je m’y en vais. 50 LV : demoures sy (Vous demeurerez ici toute seule.) 51 Il est chez lui, avec Proserpine. On ignore quelle est sa profession. Le verbe entrer ne qualifie pas une action scénique, mais marque la prise de parole d’un nouveau personnage ; même chose aux vers 111 et 158. 52 Diminutif de Catherine. La version chantée dans le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) donne : Kathelinote 53 Cet ivrogne. « Bésyn : Well nigh whittled, almost drunke, somwhat overseene. » Cotgrave. 54 Atteint du farcin, une maladie spécifique aux chevaux. 55 Sans être vu, il écoute et regarde par la fenêtre ouverte. 56 L’acte officiel qui énumère les titres de noblesse d’un grand seigneur. 57 LV : hict hict (L’onomatopée « huit ! » imite le sifflement dont parle le vers 141 ; voir la note 93 du Capitaine Mal-en-point.) L’onomatopée « heust ! » imite la toux. 58 J’y vais : je viens. Idem vers 140. Dans une farce très proche de la nôtre, Deux hommes et leurs deux femmes, l’un des maris appelle l’autre par la fenêtre : « –Mathieu, hau ! Viendrez-vous ? –Je voys. » 59 Elle se tourne vers la fenêtre. Le savetier se baisse. 60 Jody Enders remarque que cette supplication peut s’adresser à Proserpine ou au savetier. 61 Qui t’appelle. 62 LV : lardre (Ladre et mésel sont synonymes de lépreux.) 63 Râleuse. « Vieille haha, vieille hon-hon,/ Vieille corneille, vieux héron ! » (Tabourot.) Maintenant qu’il se sait observé, Jacquet tente de reprendre le dessus. 64 Hédroit, la vieille forgeronne mal embouchée dont le Mistère de la Passion dit : « Ceste dyablesse Proserpine/ N’est aise sinon quant el tence. » Hédroit éclaire avec sa lanterne l’arrestation de Jésus, et c’est elle qui suscite les deux premiers reniements de saint Pierre. 65 LV : le voyes vous (Proserpine donne une gifle à son mari.) Puissiez-vous en être assommé comme par la foudre ! 66 Mauvaise. Idem vers 137. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 182. 67 Garde la maison. C’est ce que les femmes disent à leur chien ou à leur mari quand elles sortent : voir le vers 80 du Poulier à quatre personnages, ou le vers 178 du Povre Jouhan. 68 De mauvais poison. Ce mot était souvent féminin : « Que malle poyson et venin/ Vous crève ! » Le Povre Jouhan. 69 Il attend que Proserpine soit partie, puis il se remet à la fenêtre pour appeler Jacquet. 70 LV : vous osoys (Je n’osais pas t’appeler.) 71 LV attribue au savetier ce décasyllabe, qui provient sans doute d’une chanson à boire. Voir la note 30 de J. Enders. 72 C’est le nom d’une taverne et de son propriétaire. « Un hoste joyeux, plaisant & récréatif, ou amiable. » (Dictionaire François-Flamen.) Cheulx = chez ; idem vers 154. 73 Les deux hommes font un crochet par l’échoppe du savetier. 74 LV : desiuner (Je corrige la même hypermétrie au vers suivant.) L’auteur emploie indifféremment dîner (vers 73) ou déjeuner (vers 100 et 145). D’après le « bonsoir » du vers 161, il s’agit du repas du soir. Mais ce n’est pas une preuve non plus, puisque bonsoir et bonjour sont interchangeables : « –Bon soir, mounyer ! –Bon jour, bon jour ! » Le Poulier à sis personnages. 75 Le trio entre dans la taverne. 76 LV : maison a vous (Le Savetier appelle encore le tavernier « maître » au vers 161.) « Av’ ous » est la forme normande de « avez-vous ». 77 LV : a ce (Voir le vers 158.) 78 À 1 sou : voir le vers 35. Le clairet est un vin rosé. « Vin vermeil, vin cléret et blanc !/ Et si, n’est qu’à ung petit blanc. » (Te rogamus audi nos.) Le tavernier pose des chopes sur la table. 79 LV : Je te pry chante (Voir le vers 84.) 80 Aux noisetiers des noisettes. LV intervertit ce vers et le précédent, puis il rallonge le suivant : je rétablis le découpage de la chanson. 81 Il tope dans la main de Jacquet pour sceller le contrat. 82 Elle revient de la messe. Ne trouvant pas Jacquet à la maison, elle se met à crier dans la rue ; on l’entend jusqu’à la taverne, dont la fenêtre est ouverte. 83 Prononciation normande de « céans ». 84 Chut ! Il parle à ses deux compagnons de table. 85 Au tavernier. Dans Serre-porte aussi, la femme d’un savetier interroge le tenancier d’une taverne pour savoir si son mari est chez lui. Voir la note 36 de J. Enders. 86 Là-dedans. 87 Voyant arriver Proserpine. 88 LV : qui (« Ma commère, quel vent vous maine ? » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) 89 LV : comment (« Vous portez-vous bien, frère Pierre ? » Serre-porte.) 90 Vous asseoir. 91 Au savetier. 92 Topez là, comme le mari l’a fait au vers 177. Mais Marguet comprend : « Touchez-la ! » 93 LV : pain mon vin / ma chair (Au sujet des énumérations rallongées, voir la note 14.) 94 LV : reuiendray 95 Les deux nouveaux couples rentrent dans leur maison respective. 96 LV répète dessous les vers 198-200 et le début du vers 201. 97 « L’Amour de moy si est enclose » est la plus jolie chanson de la Renaissance. On en chante des bribes dans la sottie Deulx Gallans et Sancté (LV 12), dans le Pèlerinage de Mariage, et dans la Comédie de Mont-de-Marsan (Marguerite de Navarre). Elle contient des sous-entendus érotiques d’une extrême finesse. J’ai eu le bonheur de chanter l’Amour de moy chez le comte de Colbert, sous la direction de Claire Garrone. 98 Votre bouche n’aura pas dit la vérité. « Tu as menty/ Par la gorge et parmy les dens ! » Le Mince de quaire. 99 Il frappe Proserpine. 100 Coriace. 101 Chantez deux chansons. Le copiste du ms. La Vallière transcrit parfois le pronom « en » par « ent » : v. le vers 262 de la Veuve, le vers 393 de l’Homme à mes pois, etc. 102 Que j’ai mal. Verbe se douloir. 103 Il entame un air que Proserpine va continuer. Cette chanson ne nous est pas parvenue. Clément Marot l’a parodiée dans un coq-à-l’âne : « Si tu menges des champignons,/ Donne-toy garde du boucon [du poison] ! » 104 Tout comme Marguet aux vers 90-92, Proserpine est toujours d’accord pour faire l’amour. Elle méprise Jacquet parce qu’il ne la satisfaisait pas. 105 La Farce du Pet prouve le contraire. 106 LV : bien (« Elle parla tant et tant que son mary retourna au médicin pour remède de la faire taire. » Rabelais.) 107 Extrait d’une chanson : « Et ! moulinet, vire, tourne,/ Moulinet, tourne, vire, tourne-toy. » Proserpine y voit une invitation érotique. 108 Stop ! Proserpine essaie-t-elle de violer le savetier ? 109 Je vais faire un saut périlleux. Certains acteurs étaient d’authentiques acrobates : voir la notice des Sobres Sotz. 110 LV : en hante (Que tu me fréquentes.) 111 LV : pas (Auparavant. « Paravant, nul n’en faisoit conte. » Godefroy.) 112 Chez lui, avec sa nouvelle compagne. 113 Je n’y peux rien. 114 Vers manquant. Je le supplée sans aucune garantie. La rime mary / marry revient 2 autres fois. 115 Acte 2. Quelques semaines plus tard, les deux nouveaux couples se rencontrent dans la rue. 116 LV : desir (À la rime.) 117 En pleine forme. Mais aussi : corrigée de vos défauts. 118 Qu’elle chante comme une poule. Les deux amis, qui se tutoyaient, se vouvoient : leur rupture est proche. 119 Chanson inconnue. 120 Maintenant que sa femme est devenue vivable, il aimerait bien la reprendre. 121 Jacquet est son mari, et non pas son ami. Marguet, déçue elle aussi par la sexualité routinière de Jacquet, voudrait bien revenir avec le savetier. 122 Plutôt. 123 Mon vrai mari, c’est le savetier. 124 C’est exact. Cf. Régnault qui se marie, vers 256. 125 Le savetier est mon mari. 126 C’est vous qui mentez, savetier. 127 Il abdique devant l’insistance de Jacquet et de Marguet, qui ont la loi de leur côté. 128 LV : laquet (Avec de telles paroles.) 129 Qui ne me coûte rien. 130 Qui me réjouit le cœur. 131 « Un Jacquet : un badin, un niais. » Oudin. 132 Elle fait. 133 C’est la devise de l’auteur, mais lequel ? Émile Picot <Sotties, I, 14> rappelle que dans le même manuscrit, la devise de Pierre Du Val, « Rien sans l’esprit », signe la moralité Nature et Loy de rigueur (LV 46). Il conjecture que « Du faict le faict » pourrait bien être la devise d’un nommé Du Faict. Le patronyme « Du Fay », ou « Dufay », est courant dans la région rouennaise.
JEHAN DE LAGNY
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JEHAN DE LAGNY
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Cette farce rouennaise fut écrite en 1515. L’auteur a pioché le nom des trois femmes de sa pièce dans des chansons gaillardes, aujourd’hui perdues. Le nom du personnage principal vient d’une autre chanson : « Leus-tu jamais en Fierabras / La Chanson de Jean de Laigni ? » (L’Amoureux passetemps.) Cette chanson – également perdue – raillait le fait que Jean sans Peur, en 1416, cantonnait depuis longtemps à Lagny-sur-Marne, et qu’il n’arrivait pas à se décider sur la suite des opérations. Ses ajournements perpétuels lui valurent les quolibets des Parisiens, ce dont il se fâcha tout rouge. « Le duc Jehan de Bourgoingne (…) alla logier à Lagny-sur-Marne, où il fut grant temps. Et tant y fut, que ceulx de Paris (…) l’apeloient Jehan de Lagny. » <Mémoires de Pierre de Fénin.> À défaut de la chanson, nous avons conservé deux proverbes sur les atermoiements de Jean sans Peur : « Jehan de Lagny, qui n’a point de haste. » Et : « Il est des gens de Lagny, il n’a pas haste. »1
Le héros de notre farce est baptisé Jean de Lagny parce qu’il promet toujours le mariage à ses conquêtes, mais qu’il temporise indéfiniment : « J’ey promis et promais encore/ Vous espouser je ne say quant. » Dans la farce du Retraict, qui appartient au même manuscrit, on disait déjà d’un homme velléitaire : « Voylà un bon Jehan de Lagny ! »
Après le succès de la pièce, Jacquet de Berchem composa cette chanson, qui fut publiée en 1540 :
Jehan de Lagny,
Mon bel amy,
Vous m’avez abusée.
Se ce n’eust esté vostre amour,
Je fusse mariée.
Vous avez ouvert le « guichet »,
La « mouche » y est entrée2.
Se j’avois connu vos façons,
Fille serois restée.
On doist bien brider le « mulet »,
S’il entre à l’escurie.
Dans la farce du Tesmoing, un prévenu refuse d’épouser une femme, qu’il a subornée en lui promettant le mariage. Or, le juge est un official, comme il se doit dans ce genre d’affaires. Ici, trois femmes séduites par un seul homme veulent l’épouser, et font appel à un juge laïc qui n’est pas compétent dans ce domaine. En outre, ce fantoche de juge rend la justice en pleine rue, et n’a aucun moyen de faire appliquer ses sentences, qui sont d’ailleurs illégales. On le traite de « fol » à l’avant-dernier vers, et tout laisse croire que ce suppôt des Conards de Rouen fut effectivement joué par un Sot.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 31. Le texte est dans un état si décourageant que nul ne s’est risqué à en donner une édition critique.
Structure : Rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse
À sis personnages, c’est assavoir :
JEHAN DE LAGNY, Badin
MESSIRE JEHAN [VIRELINQUIN]
TRÉTAULDE 3
OLIVE 4
PÉRÈTE VENEZ-TOST 5
et LE JUGE
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*
TRÉTAULDE 6 commence,
tenant un baston à sa main. SCÈNE I
Tant, pour chercher Jehan de Lagny,
J’ey de douleur et de destresse !
À Parys, à Troys7, à Magny,
Tant, pour chercher Jehan de Laigny.
5 Pendu soyt-il comme Margny8
En un gibet de grand haultesse,
Tant, pour chercher Jehan de Laigny,
J’ey de douleur et [de] détresse !
PÉRÈTE VENEZ-TOST
Et moy, par semblable finesse9,
10 Jehan de Laigny [m’a engyné]10.
Pensez qu’il sera démené,
Se je le tiens bref en rudesse !
OLIVE
Il ne m’a pas tenu promesse,
Jehan de Laigny, ce trompereau.
15 Je requiers Dieu que le boureau
Le puisse atraper à son erse11 !
PÉRÈTE
Dictes-moy, s’y vous plaist, comme esse
Qu’i vous trompa, et en quel rue.
Ainsy que vous ay aperceue12,
20 Il vous a mys le corps en presse13 ?
TRÉTAULDE
Il me feist choir en la reverse14
En me disant :
« Grosse trongnaulde15 !
Combien que vous soyez courtaulde16,
J’éray la copie17 de ce corps ! »
25 Et vous, [qui estes-vous, pour lors] ?
PÉRÈTE
Pérète Venez-tost.
TRÉTAULDE
« Pérète,
Vous ma seurète »18,
Dont on parle parmy19 ces rus ?
Enda ! à peu20 que ne mourus
D’entendre21, par un samedy,
30 Un grand Sot, garson estourdy,
Estant22 aveques un supost,
Chantant :
« Pérète, venez tost !
Gay là, gay23 ! la chose [est] preste. »
Et l’ort vilain Sot désonneste
35 Prononsoyt en dict et propos
Qu’i l’avoyt « aussy dur c’un os ».
[S]y esse vous, doulce compa(i)gne ?
PÉRÈTE
Ouy, c’est moy.
OLIVE
Pour Dieu, qu’on n’espargne
Jehan de Lagny, se on24 le treuve !
40 Et qu’i n’ayt relâche ne treuve25
Jusqu(es) à ce que la mort s’ensuyve26 !
TRÉTAULDE
Et vostre nom ?
OLIVE
Moy, c’est Olive.
TRÉTAULDE
[Quoy ! estes-vous « la belle fille » ?]27
Y vous a serré la « quoquille »,
Se disent enfans à leurs chans28.
45 Ceulx qui vont le pavé marchans
Vous chantent29 aussy bien que nous.
PÉRÈTE
Je requier Dieu à deulx genoulx
Qu’on cherchon30 tant qu’il soyt trouvé.
S’y n’est de par moy esprouvé
50 Méchant31, que je soys difam[é]e !
OLIVE
Jehan de Laigny ?
TRÉTAULDE
Sa renommée
Sera perdue, ce coup icy.
Non obstant, vous veulx dire un sy32
Qui nous servyra bien.
PÉRÈTE
Et quoy ?
TRÉTAULDE
55 Que chascun se taise [tout coy]33,
Et tenons icy un concille.
Ayons un clerc de ceste ville,
Ou un prestre qui soyt savant,
Qui vienne avec nous poursuyvant
60 Jehan de Lagny, ce faulx nerquin34.
OLIVE
Messire Jehan Virelinquin35
Est bien homme pour nous conduyre.
Vous plaist-il que luy aille dyre
Qu’i vienne à vous parler souldain ?
PÉRÈTE
65 Alez souldain ou tost !
TRÉTAULDE
Mais ne targez grain36.
OLIVE
Le voécy, c’est Dieu qui l’envoye !
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Messire Jehan, Dieu vous doinct joye SCÈNE II
De ce que vostre cœur désire !
Vous est-il bien37 ?
MESSIRE JEHAN [VIRELINQUIN]
Gras comme [une oye]38 !
TRÉTAULDE
70 Messire Jehan, Dieu vous doinct joye !
MESSIRE JEHAN
Tant [je voy cy]39 une mont-joye
De bonnes commères pour rire !
PÉRÈTE
Messire Jehan, Dieu vous doinct joye
De ce que vostre cœur désire !
TRÉTAULDE
75 Escoutez un petit40 mon dyre
Aussy vray comme le soleil41 :
Aydez-nous de vostre conseil,
En vous payant42 de vostre paine.
MESSIRE JEHAN
Prononcez !
PÉRÈTE
C’est chose certaine
80 Que Jehan de Lagny on cherchon.
Fust-il pendu à Alenson,
Ou son corps brullé à Bréban43 !
MESSIRE JEHAN
Faictes-lay adjourner à ban44,
Citer45 à ouÿe de paroisse.
85 Y fauldra qu’i boyve l’engoysse46,
Fust-il des gens de Hanequin47.
OLIVE
Et ! monsieur Jehan Virelinquin,
Tant on sommes à vous tenu[e]s !
MESSIRE JEHAN
S’il estoyt caché48 soublz les nu[e]s
90 On le trouveron, sy Dieu plaist.
TRÉTAULDE 49
Escrivez-nous [cy] nostre explet50,
Et narez en vostre registre
Que c’est moy-mesme qui le cite,
Tout par despist de sa ribaulde.
[MESSIRE JEHAN] 51 escript.
95 Vostre non à vous ?
TRÉTAULDE
C’est Trétaulde.
MESSIRE JEHAN
Trétaulde52 ?! Dieu de Nazaret !
TRÉTAULDE
Qu’i ne s’en faille un tiret
Qu’i ne compare53, le coquin !
PÉRÈTE 54
Messire Jehan Virelinquin,
100 Mectez que c’est moy qui le cherche.
Sy tenir le puys à mon erse,
Il éra la prison pour lot55.
J’ey non56 Pérète Venez-tost,
Afin que pas ne l’ombliez57.
105 Ne luy ne toulz ses alyés58
Ne valent pas le[s] mestre au feu59.
MESSIRE JEHAN
Mais ayez pacience un peu,
Que j’[ay]es escript ce mot icy.
OLIVE
Virelinquin, mectez aussy,
110 Monsieur, que dire doys premyer60
Qu’il est aussy sot c’un prunyer
D’aler tant de filles tromper.
Et sy on le puist atraper,
Rien ne luy vauldra son moquer61.
MESSIRE JEHAN
115 Il ne [me séroyt]62 révoquer,
Puysque j’ey procuration.
TRÉTAULDE
Faictes-luy assignation
De comparer63 à ma requeste.
PÉRÈTE
Et moy aussy.
MESSIRE JEHAN
A ! j’ey la teste
120 Assez ferme pour le bien faire.
OLIVE
Monsieur Virelinquin, mon Frère :
[Que] n’omblyez pas à m’y mectre !
MESSIRE 64 JEHAN
Nennin. Mais signez ceste lestre,
Et puys me laissez faire, moy.
.
LE BADIN 65 entre en chantant : SCÈNE III
125 C’est à ce joly moys de may
Que toutes herbes renouvelles.
Et vous présenteray, les belles,
Entièrement le cœur de moy.66
.
TRÉTAULDE 67 SCÈNE IV
Aussy vray qu’i n’est c’une Loy,
130 J’ey entendu Jehan de Laigny !
Je vous suply qu’i soyt pugny,
Messire Jehan, s’il est possible.
MESSIRE JEHAN
Uson de finesse paisible68.
Que l’une de vo[u]s troys l’amuse69,
135 En parlant doulcement, de ruse ;
Et [moy], j’escousteray de loing.
Je vous servyray de tesmoing
Au besoing, plus que ne font sis70.
PÉRÈTE
Aussy vous érez des mersis71,
140 Sy Dieu plaist, plus de quatre cens.
.
LE BADIN 72 SCÈNE V
Sainct Jehan ! depuys les Innocens73
Que je suys party de Rouen,
Je fais [le] veu à sainct Ouen74
Que je n’ay veu femme ne fille,
145 Quelle qu’el soyt, tant soyt habille
Qu’il sont icy75 ! Très âprement,
Voir je m’en voys bénignement76
Trétaulde, Pérète et Olyve,
Et faire le petit convyve77
150 Avec eulx78 gratieusement.
Et puys pensez que l’instrument 79
Y fauldra bien que l’on me preste.
TRÉTAULDE, en dèrière 80
In Gen81 ! beau sire, sy je le preste,
Que l’on me pende sans mercy !
PÉRÈTE
155 Non pas moy.
OLYVE
[Et] ne moy aussy82.
.
LE BADIN SCÈNE VI
Dieu gard les belles sans soulcy !
TRÉTAULDE, en ruze.
Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !
LE BADIN
Vous est-il bien ?
PÉRÈTE
Ouy, Dieu mercy !
LE BADIN
Dieu gard les belles sans soulsy !
160 Tousjours seulètes ?
OLYVE
Il est ainsy.
LE BADIN
Joyeulx suys de vostre regard.
Dieu gard les belles sans soulsy !
LES TROYS ensemble
Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !
LE BADIN
Ma foy, je suys frapé du dard
165 D’Amours, tant de vous suys joyeulx.
TRÉTAULDE
En tout temps estes amoureulx ;
Jamais ne vous en passerez ?
(Mydieulx ! vous récompenserez
Mon honneur, qui est difamé !)
LE BADIN
170 Ouy dea, je pence estre famé83
Et renommé en tant de lieux.
Sy vostre cœur est envyeux
De chose qui soyt en ce monde,
Je suys d’acord qu’on me confonde
175 Sy ne l’avez pour souhaiter84.
TRÉTAULDE
Y vous plaira me relater85
La promesse que m’avez faict :
Combien qu’il soyt gardé segret86,
Avoir la veulx en ma mémoyre87.
LE BADIN
180 J’ey promys et promais encore
Vous espouser je ne say quant.
MESSIRE JEHAN 88
(Sainct Jehan ! vous vélà prins pour tant89 :
Cétuy mot pas je n’omblyray.)
PÉRÈTE
Et quant esse que je seray
185 En honneur mise de par vous ?
LE BADIN
Quant et90 Trétaulde.
OLYVE
Et moy ?
LE BADIN
Et91 vous.
TRÉTAULDE
M’y deust-il couster trente soublz,
Je vous éray ou vous m’érez !
LE BADIN
Afin que le cas assurez92,
190 Alon, pour le temps advenir,
Le fère93 un coup pour souvenir.
Et puys la chère nous94 feron.
MESSIRE JEHAN 95
Esse pas cy mon aulteron96,
Dont j’ey sur luy lestre de prinse97 ?
195 Puysque j’ey sus vous la main myse,
Parler vous viendrez à Monsieur98 !
LE BADIN
Me prenez-vous pour transgresseur99 ?
Estes-vous oficier100 du Roy ?
MESSIRE JEHAN
Vous viendrez présent quant et moy101 !
200 Par Dieu j’en jure et jureray !
LE BADIN loche 102 la teste
Et ! par la vertu, non feray !
J’ey comme toy une caboce103.
Me pence-tu mener à force
Aulx prisons ? Jen ! tu as beau nes104.
MESSIRE JEHAN
205 Pourtant y fault que vous venez
Malgré vos dens et vostre cœur105.
LE BADIN
Par la mort ! vous serez menteur106.
MESSIRE JEHAN
Le deable m’enport ! non seray.
Maintenant je te montreray
210 Que j’ey de te prendre licence107.
.
LE JUGE 108 SCÈNE VII
J’ey entendu quelqu(e) un qui tence
En blaphémant Dieu de sang meu109.
Y fault sçavoir dont est esmeu
Le débat de leur diférent110.
215 Car je n’ay amy ne parent,
Pourveu que mon Dieu y blaphesme,
Qu’en dure prison je n’enferme
Long temps sans boyre que de l’eau !
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voyez cest estourneau
220 Qui pour le présent se rebelle.
J’ey dessus luy plaincte formelle,
Et ne vous veult pas obaïr.
LE BADIN
Monsieur, y vous plaira ouÿr
Comme c’est qu’il m’a voulu prendre
225 En lieu honneste sans m’entendre111.
Je m’en croys aulx femmes de bien112.
LE JUGE
En vos propos je n’entens rien.
Dictes-moy que luy demandez.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voulontiers. Atendez :
230 Examynez113 ces créatures,
Puys vous voy(e)rez les escriptures114
Que j’ey par procuration.
LE BADIN
Je demande relation115
De luy, qui se dict ma partye116.
LE JUGE
235 Ta harengue sera ouÿe
Comme la sienne en cestuy lieu.
MESSIRE [JEHAN] lict :
« Françoys117, par la grâce de Dieu
Roy de France, et cetera… »
LE BADIN
On voi(e)ra bien que ce118 sera…
240 Monsieur, au moingtz, [qu’ayt les]119 despens.
Et sy, qu’i demeure suspens120,
S’y n’a du bien121 à sa maison.
LE JUGE
On te fera toulte raison ;
[Ay]es pacïence, mon amy.
LE BADIN
245 Je ne seray pas endormy,
Sy je vous rencontre à la chaulde122.
MESSIRE JEHAN lict :
« Tout premièrement, j’ey Trétaulde,
– Honneste fille et [fort] poulsyve123 –,
Pérète Venez-tost, et Olyve,
250 Qui font sus Jehan de Laigny plainctes
Et veulent que toutes contrainctes
Souent124 faictes de luy par les villes :
Car c’est un violleur de filles,
Un abuseur, un séducteur,
255 Un babillard, vanteur, menteur,
Qui promect de les espouser ;
Et puys il les va abuser
Et se moque d’eulx tous les jours.
Pour avoir plus d’aide et secours
260 À faire [l’]information125,
On passon procuration
À messire Jehan Vir(e)linquin,
Trop plus congnoissant c’un Turquin
En lard 126 et sçavoir de pratique. »
LE BADIN
265 Monsieur, [ce poinct dessus]127 me pique,
Et en ce mot-là je m’areste :
Comment ! il est sergent, et prestre,
Et procureur, et advocat ?
Alez chanter Magnyficat128
270 À l’église, et [cy] vous tésez !
MESSIRE JEHAN
Il a les filles abusés,
Monsieur, de quoy c’est grand pityé.
TRÉTAULDE
Par sa méchante mauvestyé129,
Y m’a faict telle comme telle130.
PÉRÈTE
275 Et moy aussy.
LE BADIN
A ! j’en apelle131,
S’on me faict tort, au Gras132 Conseil ;
Et là, [en mon hault]133 apareil,
[J’oposeray de ce]134 procès.
LE JUGE
Femmes, vous a-il faict excès
280 De vous presser oultre mesure ?
LES FEMMES ensemble
Ouy ! Ouy ! Ouy !
LE BADIN
A ! nénin.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, je jure
Que sy a135 : c’est chose certaine.
LE BADIN
Et j’ey faict vos fièbvres cartainnes !
Alez, procureur mengereau136 !
285 Sang bieu ! vous estes maquereau
De trèstoustes, je le soutiens !
TRÉTAULDE
Monsieur le Juge, je retiens
Jehan de Lagny pour mon espoulx.
PÉRÈTE VENEZ-TOST
Je le veulx avoir devant137 vous !
OLYVE
290 Et moy, je l’aray la premyère !
LE JUGE
Je n’entens à ceste matyère
Nul propos, par le Dieu vyvant138 !
LE BADIN
Monsieur, estre veulx poursuyvant
Contre luy comme faulx taquin139.
295 C’est que ledict Virelinquin
A plus de bruict [p]a[r]my les rus140
Que jamais à ma vye je n’us,
Dont je demandes intérest141.
LE JUGE
Par qui esse qu’on le sérest142 ?
300 Rien n’a en cause qu’i ne prouve143.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voyez comme il controuve
À parler dessus mon estat144.
LE BADIN
Je soutiens qu’il est apostat,
Tesmoingtz les femmes que voécy.
MESSIRE JEHAN
305 Monsieur, je vous déclare aussy
Qu’i veult toutes femmes séduyre.
LE JUGE
Sav’ous145 quoy ? Y vous fault produyre
Vostre procès avant ma main146
Aujourd’uy, pource que demain,
310 J’en feray expédition.
MESSIRE JEHAN produict 147
Voélà la procuration
D(e) Olive et [aussy] de Trétaulde,
Et de Pérète la pétaulde148.
Je ne plède poinct à faulx fret149.
LE BADIN produict.
315 Moy, je produyray mainct brevet
De vostre vye, et la légende150,
Afin que le monde l’entende151.
Monsieur, faictes[-en] la lecture
Sans nous faire de forfaicture ;
320 Et qui a bon droict, sy le garde !
LE JUGE lict :
« Primo, cestuy que je regarde,
Messire Jehan Virelinquin,
Plus paillard que n’est un bouquin152.
Un jour qu’il n’avoyt que deulx lyars153,
325 On l’envoya teurdre des hars154
En la forest de Rouverey155. »
MESSIRE JEHAN
Je luy nye !
LE BADIN
Je le prouveray.
MESSIRE JEHAN
Le deable en emport qui en ment !
LE BADIN
Je m’en croys du tout156 au serment
330 De Trétaulde, la plus sensible.
LE JUGE faict faire serment à Trétaulde.
Par l’Évangille de la Bible,
Nous direz-vous pas vérité
De ce mot que j’ey récité157 ?
Est-il mensonge, ou [est-il] vray ?
TRÉTAULDE
335 C’est bien force que je diray
Vérité, sy je la congnoys.
Il y a envyron deulx moys
Que messire Jehan Vir(e)linquin
Vint descouvrir son manequin158
340 Sans marabès159 ne sans teston.
Mais il laissa le hoqueton160
Et gaignyst chemin161 o plus tost.
LE JUGE 162
Or çà, Pérète Venez-tost,
Dictes-en ce que vous sçavez.
MESSIRE JEHAN
345 Et ! comment, Monsieur ? Vous rêvez !
Qu’esse qu’el séroyt de moy dire ?
LE BADIN 163
Monsieur, ne me veuillez desdire.
Laissez-la, Vir(e)linquin, [parler] ;
Y fault Pérète examyner,
350 Ou que dannée [el] soyt au deable !
LE JUGE
Or me faictes serment valable164,
Pérète, et vous despeschez !
PÉRÈTE
Il est vray que ces jours passés,
Aulx Troys Mores 165 (ou Morequin)
355 Vint messire Je[ha]n Vir(e)linquin
Pour une fille desbaucher.
Quant ce vint à se rechausser166,
Y dict qu’il n’avoyt grand blanc nul167.
Lors luy convint ouvrir le cul168
360 Au plus tost, et gaigner les boys169.
LE BADIN
Ouvrir le cul170 ?! Vray Roy des roys !
Vrayment, il le faisoyt beau voir !
LE JUGE
Or çà, or çà ! Il fault sçavoir
S’Olive en a rien retenu :
365 Çà, Olyve, le contenu
Des sermens qu’avez ouÿ faire171 !
Y ne fault poinct que l’on172 difère,
Sur paine de dannation.
OLIVE
Un peu devant l’Ascention173,
370 Auprès des chambres Hamelin174
Vint à moy monsieur Vir(e)linquin
En me disant :
« La belle fille,
J’aperçoy que vostre quoquille
A bien métier175 de resserrer. »
LE BADIN
375 Et vous voulez considérer
Que s’elle tumboyt, d’avanture,
Que ce seroyt double enfouture176 ;
Par quoy vous le lessâtes faire.
OLYVE
Il est vray.
LE BADIN
Or177, veu la matière,
380 Monsieur, ordonnez la sentence.
LE JUGE
Quant au faict de vo[u]s deulx je pence,
Jehan de Lagny et Vir(e)linquin,
Tous deulx ne valez178 un coquin,
[D’où qu’on]179 doyve de vous parler.
385 Jehan de Lagny s’en doibt aler
Franc et quicte avec ses despens.
Et Vir(e)linquin sera suspens180
De ses faultes, deisjà prescrites181.
OLIVE 182
Veu les parolles que vous dictes,
390 Il doibt avoir pugnition ;
Ou faire restitution183
À Jehan de Lagny, sa partye.
LE JUGE
Et bien, qu’il ayt une partye
De sa génitoyre coupée.
[MESSIRE JEHAN] 184
395 [Las !] fault-il qu’el soyt départye185 ?
LE BADIN
Ouy, Vir(e)linquin, unne partye.
[PÉRÈTE]
Voécy térible départye186,
Qu’il l’ayt187 en ce poinct découpée188 !
LE BADIN
Y fault qu’il ayt une partye
400 De sa génitore coupp[é]e.
TRÉTAULDE
Il payera de tous la soupée189
Pour faire nostre apoinctement190.
.
Seigneurs, regardez bien comment
Jehan de Lagny a sy bien faict
405 Qu’il est exemp191 de son méfaict.
L’autre, qui n’estoyt ocuppé192,
A esté de vice achoppé193.
Comme on pugnyst en tous cartiers
De plusieurs gens entremetiers 194
410 De quoy on a la congnoissance,
Aussy, je diroys volontiers
Un mot ou deulx, voi(e)re le tiers195 :
De fol juge, brèfve sentence196.
Une chanson pour récompence !
.
FINIS
*
1 Par dérision, le duc de Parme, Alexandre Farnèse, sera lui-même surnommé Jean de Lagny après avoir conquis provisoirement cette ville en 1590. Ce qui nous valut un nouveau proverbe : « Jean prist Lagny, et Lagny Jean. » Satyre Ménippée. 2 « Tu m’as bien bourdonnée,/ Tu t’es rompu le fillet./ Tu m’as ouvert le guichet ;/ La mouche y est entrée. » B. Jeffery, Chanson verse of the early Renaissance, t. I, p. 118. 3 C’est le nom d’une vieille maquerelle dans une autre farce du ms. La Vallière, les Brus. 4 Dans l’Enqueste, de Guillaume Coquillart, une prostituée se nomme Olive de Gatte-fatras. 5 La chanson Perrette, venez tost est signalée par Noël Du Fail en 1547 (Propos rustiques, VI). Une autre farce du ms. La Vallière, Frère Phillebert, donne par erreur le nom de Perrette Venez-tost à Perrette Povre-garce, à qui il faut d’urgence un « chose qui se dresse ». 6 Les trois femmes ne se connaissent pas. Elles se rencontrent sur une place de Rouen, et découvrent qu’elles cherchent le même homme. 7 À Troyes. Plusieurs communes de l’actuel Calvados ont pour nom Magny. 8 Le Normand Enguerrand de Margny (ou Marigny) avait été pendu en 1315 après un procès à charge ; en Normandie, cette injustice avait marqué les esprits durablement. 9 LV : sans cesse (Une finesse est une ruse, comme à 133.) 10 LV : de la guyne (Enginer = tromper, séduire. « Yl la vouleyt à sa volenté avèr, ou par promesse ou par don engyner, ou par force ravyr. » Godefroy.) Jeu de mots sur enguinner [engainer, pénétrer] : « Roydement (il) l’enguinna & accomplit son désir. » Les Joyeuses adventures. 11 Confusion entre la herse et l’esse, qui est un crochet de boucher. (Idem vers 101.) Dessous, LV fait répéter à Trétaude les vers 7 et 8. 12 D’après ce que je vois. 13 Il s’est couché sur vous. Mais aussi : Il vous a aplatie (allusion impertinente au fait que Trétaude est obèse). Pour la rime, on pourrait lire : il vous a mise en perce (comme une barrique). 14 À la renverse. Cf. Frère Phillebert, vers 76. 15 Trogne, figure bouffie. 16 LV : tretaulde (Inconnu en tant que substantif.) « De ceste courtaude fessue. » J.-A. de Baïf. 17 J’aurai la jouissance. « De l’ostesse avoir la coppie. » (G. Coquillart.) La copie est aussi l’abondance : « En grande copie ou habondance. » (ATILF.) Trétaude est visiblement très grosse. 18 Extrait de la chanson Perrette, venez tost (note 5). Ce refrain est donc chanté, comme les autres emprunts distillés par Trétaude, qui se venge du vers 20. 19 LV : amy (Enmi = parmi, mais le vers est trop court. Je fais la même correction à 296.) L’auteur, qui adore les chansons, connaissait forcément Quant je vous voy parmy les rues (1505). 20 LV : peur (Il s’en fallut de peu que je ne meure. « À peu que n’en ay encouru/ La mort. » Le Poulier.) Enda est un juron féminin. Cf. Frère Guillebert, vers 112 et 149. 21 LV : de fere 22 LV : chantant (1er mot du vers suivant.) Notre farce est associée au répertoire des Conards de Rouen, qui se présentaient comme les suppôts de leur abbé. « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » (Triomphes de l’Abbaye des Conards.) Certains jours de l’année, ils sortaient déguisés en Sots, et passaient en revue les scandales de Rouen. « On devisoit mainte sornette/ Plus estimée de noz Sotz/ Que d’ung advocat la cornette. » (Triomphes…) 23 Cette interjection revient dans beaucoup de chansons normandes : « Gay ! gay, ma mère !/ J’ay de l’argent pour bère. » La chose a une acception phallique : cf. le Prince et les deux Sotz, vers 102. 24 LV : nous 25 Ni trêve. 26 LV : en ensuyue 27 Vers manquant. « La belle fille » est un extrait de la chanson qui s’en prenait à Olive, dont on rajuste la « coquille* » en tapant dessus. Il en est encore question aux vers 372-378. *« Une belle fille/ Fait souvent fourbir sa coquille. » Digeste Vieille. 28 LV : champs (Dans leurs chansons.) Les enfants qui « vont à la moutarde » s’attroupent aux carrefours et chantent des couplets qui dénoncent les nouveaux scandales de la ville. 29 Vous chansonnent. 30 Que nous le cherchions (normandisme). Voir le vers 80. 31 Si je ne prouve pas sa méchanceté. 32 Une condition, une remarque. Cf. Frère frappart, vers 67. 33 Rime manquante. « Mais j’y ay fait mes escolliers/ Taire tout coy. » Serre-porte. 34 Ce maudit gueux. « Narquin (…), qui signifie mandian, contrefaisant le soldat détroussé. » Laurens Bouchel. 35 Le nom de ce prêtre paillard fait penser au virebrequin [pénis] : « Le virebrequin de maistre Aliborum. » (Chansons folastres.) L’auteur a commis une maladresse en le prénommant Jehan, comme Lagny. 36 Ne tardez pas. 37 Vous portez-vous bien ? Idem vers 158. 38 LV : un oyee (Le copiste du ms. La Vallière, qui ne brille pas par son intelligence, croit que la rime -oyee transcrit la prononciation normande -oé. Ailleurs, je corrige tacitement.) 39 LV : vous voesy (Que je vois ici un grand nombre.) 40 Un peu. 41 Aussi réel que le soleil. 42 Nous vous paierons. Et plutôt « en chair qu’en argent », comme le procureur du Balet des Andouilles l’exige des dames. 43 Ces deux villes ne sont là que pour la rime. 44 Faites-le assigner en justice. Cf. les Povres deables, vers 42. 45 LV : ou siter (Dénoncer publiquement. « Les préconizacions avoient esté faites à oÿe de parroesse solempnement. » ATILF.) 46 Qu’il mange la poire d’angoisse [instrument de torture qui écarte les mâchoires]. « Mengier d’angoisse mainte poire. » François Villon. 47 Même s’il faisait partie des chevaliers fantômes de la « maisnie Hannequin » (ou Hellequin). Voir le Roman de Fauvel. 48 LV : chase (Même s’il était caché sous les nuages ; ou sous les femmes nues…) 49 À l’oreille du prêtre, pour que les « ribaudes » n’entendent pas. 50 Notre exploit, notre acte d’assignation. Cf. Lucas Sergent, vers 241. Comme tous les clercs, le prêtre porte une écritoire pendue à sa ceinture. Voir Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire pour mettre en escript tous ceulx qu’il y tuera. 51 LV : monsieur 52 Visiblement, le prêtre connaît la chanson gaillarde qui met en scène Trétaude. 53 Qu’aucun oubli ne vienne empêcher qu’il ne comparaisse au tribunal. 54 À l’oreille du prêtre. 55 LV : ost (Il aura la prison pour récompense.) 56 J’ai pour nom. 57 Que vous ne l’oubliiez pas. 58 Ni lui, ni tous ses alliés. 59 Ne valent pas le bois pour les brûler. 60 Que je dois dire au préalable. 61 Sa moquerie. 62 LV : se seroyt pas (Il ne pourra pas me révoquer.) 63 De comparaître. 64 LV : monsieur 65 Jehan de Lagny est typiquement un rôle de Badin, de demi-sot. Voir la notice de Troys Galans et un Badin. 66 Chanson normande tirée du ms. de Bayeux : « C’est à ce jolly moys de may,/ Que toute chose renouvelle,/ Et que je vous présentay, belle,/ Entièrement le cueur de moy. » L’Église chante ce couplet au début d’une Moralité à troys personnages du ms. La Vallière (LV 23). 67 Les femmes et le prêtre sont de l’autre côté de l’estrade, et ne voient pas encore Lagny. 68 LV : posible (L’encre est très effacée. En 1837, Le Roux de Lincy et F. Michel ont lu posible, mais ce mot est à la rime.) Usons d’une ruse qui endormira sa méfiance. 69 Le trompe par ruse. 70 Mon témoignage en vaudra six. Le prêtre se cache à proximité. 71 Vous aurez des remerciements. 72 Il aperçoit les trois femmes. 73 Depuis la fête des Saints-Innocents, le 28 décembre. C’est aussi le jour de la Fête des Fous, où les Conards de Rouen se déchaînent. 74 Ce saint rime presque toujours avec Rouen, où il fut évêque. Cf. le Tesmoing, vers 207. 75 LV : ne sy (Aussi habile au jeu de l’amour qu’elles le sont ici.) Âprement = vivement. « Chevauchons asprement ! » ATILF. 76 Je m’en vais voir courtoisement. 77 Un banquet. « Ledit grant Turcq luy fist ung grand disner et convive. » Godefroy. 78 Avec elles. Les trois femmes sont jouées par des hommes, et l’auteur s’en amuse encore aux vers 55, 146 et 258. 79 Leur sexe. « L’official condamna la pauvre fille à prester son beau et joly instrument à son mary pour y besongner. » Bonaventure Des Périers. 80 En aparté. 81 Abréviation normande de « par saint Jean ! ». Elle est encore réduite à « Jen » au vers 204. 82 Perrette et Olive aimeraient bien prêter de nouveau leur « instrument » à Lagny. 83 Réputé. 84 Selon votre souhait. 85 Vous trouverez bon de me rappeler. 86 Bien qu’elle soit secrète. 87 Les Normands prononçaient mémore, comme ils prononçaient génitore au vers 400. Cf. le Bateleur, vers 159-160. 88 Toujours caché, il note l’aveu de Lagny. 89 Pour ce que vous venez de dire. 90 En même temps que. Nous avons là 3 rimes en -ous, dont les deux premières sont identiques. 91 LV : quant (Vous aussi.) Lagny compte donc épouser trois femmes le même jour et devant le même curé. 92 Afin de sceller nos fiançailles. Sur cette tradition populaire, voir la note 18 du Tesmoing. 93 Faire l’amour. « Ung jeune fils qui se fiança,/ À sa fiancée emprunta/ Ung coup sur le temps advenir. » Sermon joyeux d’un Fiancé. 94 LV : on (Et puis nous banquetterons.) « –Dînerons-nous, ma chère, ou si nous le ferons ?/ –Tout comme il vous plaira (dit-elle)./ Et puis après, nous dînerons. » Henri Pajon. 95 Voyant que ses trois clientes sont sur le point de céder, Virelinquin jaillit de sa cachette et empoigne Lagny. 96 En Normandie, un aoûteron est un journalier qui moissonne sur les terres des autres. « Vous estes un bon aulteron ! » Le Gallant quy a faict le coup. 97 Une lettre de prise de corps. 98 Au juge. 99 Pour un homme qui transgresse les lois. 100 Un sergent. 101 Avec moi. 102 Secoue négativement. 103 Une caboche, une tête de mule. 104 Tu as le nez rouge : tu as bu. 105 Malgré vous et à contrecœur. 106 Votre injonction ne sera pas vraie. 107 La permission. 108 Habillé en juge, il passe là par hasard (comme tous les autres intervenants), et se dirige vers les chicaneurs. 109 En ayant le sang ému par la colère. Naturellement, le blasphémateur n’est autre que le prêtre. 110 D’où est né leur différend. 111 LV : me prendre (Sans écouter ma défense.) 112 Je m’en rapporte à ces trois femmes. 113 Interrogez. (Idem vers 349.) Le mot créature désigne souvent une prostituée. 114 Les documents. 115 Le rapport où mes faits délictueux sont relatés. Cf. le Tesmoing, vers 63. 116 Ma partie adverse. Idem vers 392. 117 En 1515, François Ier venait d’accéder au trône. 118 LV : se (Ce que Virelinquin va dire.) Sous-entendu politique : On verra bien ce que sera le règne de ce nouveau roi. 119 LV : que ies (Que Virelinquin paye les frais de justice.) 120 Et même, qu’il soit suspendu de son ministère. On voit qu’il s’agit d’une pièce de Carnaval : un juge civil n’avait pas le droit de juger un clerc, qui relevait de la cour d’Église. 121 De l’argent pour payer les dépens. 122 Dans le feu de l’action, très bientôt. 123 Poussive : Trétaude est obèse (notes 13 et 17). 124 Soient. 125 L’instruction, l’enquête. 126 En l’art judiciaire. La gestuelle du comédien devait mettre en valeur la graphie « lard » du ms., laquelle ironise sur l’embonpoint du prêtre (vers 69), et sur les Turcs qui ne mangent pas de lard. Jadis, on disait à la Comédie française que le maquillage de Cyrano était un effet de l’art (un nez fait de lard). 127 LV : desus se poinct (Le point ci-dessus me chiffonne.) 128 « L’Abbé (des Conards), estant en son pontificat,/ Après avoir chanté Magnificat,/ Fait à sçavoir à ses joyeux supposts,/ Autres aussi aimans vuider les pots. » Triomphes… 129 Mauvaiseté, déloyauté. 130 Telle que je suis. Grosse et délurée ? 131 J’interjette un appel. 132 LV : grand (Au « Gras Conseil des Conardz ». Triomphes…) « Sçavoir faisons qu’avec le Gras Conseil/ Avons, ces jours, faict édict nompareil/ Pour abolir la longueur des procès. » (Ibid.) Cf. les Veaux, vers 32 et 48. 133 LV : un nouueau (En tenue d’apparat. « Le grandissime, magnifiquissime et potentissime sieur Abbé, accoustré en son haut appareil. » Triomphes…) 134 LV : je imposeray de (Je ferai opposition. « Pour plaidier ne pour opposer. » ATILF.) 135 Qu’il l’a fait. 136 Pillard. 137 Avant. 138 L’ennemi des blasphémateurs (vers 211-218) se met à jurer le nom de Dieu. 139 Parce qu’il est un sournois coquin. Cf. les Mal contentes, vers 108. « Et luy, avecques ce coquin (…)/ Et ne sçay quel aultre tacquin,/ Se promenoyent. » ATILF. 140 A plus de mauvaise réputation dans la rue. Voir la note 19. 141 Des dommages et intérêts. 142 Qu’on le saurait, qu’on pourrait le savoir. 143 Il n’y a rien dans la cause qu’il ne prouve. 144 Comme il invente des calomnies sur mon état de prêtrise. 145 Savez-vous (normandisme). Cf. le Poulier, vers 409 et 520. 146 Préalablement. 147 Il donne son papier au juge. 148 La péteuse. « Mouflarde [joufflue], pétaude fessue ! » Lacurne. 149 « On appelle faux frais toutes les menues despenses qu’on est obligé de faire. » Furetière. 150 Leur explication. Comme par hasard, Lagny a tous les papiers dans sa poche. 151 La comprenne. 152 Un vieux bouc. 153 2 liards, 2 piécettes : ce n’était pas suffisant pour payer la prostituée. « On n’excommuniera point, au prosne,/ Ceux qui “hocheront” sans argent,/ S’ils n’ont le vit plus long qu’une aulne. » La Grande et véritable pronostication des cons sauvages (…) nouvellement imprimée par l’autorité de l’Abbé des Conars. 154 Tresser des harts, des cordes. « On ne pourroit sèche hart tordre. » Proverbe. 155 La forêt du Rouvray, au sud de Rouen, était infestée de brigands qui ficelaient leurs victimes à des arbres, quand ils ne les y pendaient pas purement et simplement. Rue Eau-de-Robec, on peut encore voir l’ex-voto d’un drapier qui fut dépouillé par ces brigands, et qui dut la vie à son cheval, parti chercher du secours. 156 Je m’en remets totalement. 157 Au sujet du passage que je viens de lire. 158 LV : maroquin (Vint découvrir son pénis à une de mes pensionnaires. « Que nous fissions, vous et moy, un transon de chère lie, jouans des manequins à basses marches. » Pantagruel, 21.) 159 Sans avoir un seul maravédis [monnaie espagnole]. Le teston est une petite pièce d’argent. Dans les Brus, la maquerelle Trétaulde refuse de louer ses pensionnaires aux hommes d’Église s’ils ne paient pas d’avance. 160 Son corset, en gage. 161 Prit la route, s’enfuit. 162 LV met sur la même ligne, plus loin : greffier 163 Il s’adresse d’abord au juge, puis à Virelinquin. 164 LV : saluable (Le serment valable prend Dieu à témoin. « Si, par serment vallable, & sans y estre forcé, il leur promet cent escus. » Jacques Jacquet.) 165 Hôtel borgne sis rue Beauvoisine, à Rouen. Morequin aurait pu désigner le Petit More, un jeu de paume assez mal fréquenté. 166 LV : deschauser (Quand il remit son haut-de-chausses, son pantalon.) 167 Aucune pièce de monnaie. Le grand blanc est le salaire des prostituées de bas étage. « Ung beau grand blanc –qui n’est pas trop grant somme–/ Fist le marché. » Les Sept marchans de Naples. 168 Faire la révérence. « S’il advient que quelqu’un entre (…),/ La révérence à cul ouvert/ Je fais. » (Chambrière à louer, à tout faire.) « Elle fit une révérence à cul ouvert à la compagnie. » (Charles Sorel.) 169 La forêt du Rouvray (vers 326). 170 Lagny feint de prendre cette expression au pied de la lettre. 171 Prononcez le serment que vos deux compagnes ont prononcé aux vers 331 et 351. 172 LV : nous (Que vous fassiez un serment différent.) 173 LV : la sention (C’est à des fautes de ce genre qu’on évalue le niveau d’un copiste…) 174 Auberge que les Triomphes de l’abbaye des Conards nomment le « trou Hamelin ». Les trous sont des lieux mal famés : les Rouennais fréquentaient aussi « le Grand Grédil, qu’on dit le trou ». (Montaiglon, XI, 75.) Paris avait « le trou de la Pomme-de-Pin ». (Villon.) 175 Besoin. Pour cette référence à une chanson qui se moquait d’Olive, v. la note 27. 176 Que vous seriez doublement foutue pour que votre coquille soit remise en place. 177 LV : on 178 LV : valent (L’expression exacte est : ne pas valoir un sequin.) 179 LV : dont on (D’où qu’on se place pour parler de vous.) 180 Aura un sursis. 181 LV : predites (Prescrites : annulées parce qu’il y a prescription.) 182 LV : le greffier (Voir la note 162.) Il est inconcevable qu’on introduise un nouveau personnage – absent de la liste initiale – pour déclamer 4 vers. La très mauvaise édition de 1837 attribue les vers 396-398 à ce greffier inexistant. Tout ce passage est confus. 183 Il doit restituer les trois femmes. 184 LV : tretaulde (Au vers 396, Lagny répond à Virelinquin.) Les refrains de ce triolet ne sont même pas identiques ! 185 Partagée en deux. On veut lui enlever un testicule ; dans beaucoup de fabliaux et de nouvelles, les moines paillards perdent les deux. 186 Division, amputation. 187 LV : est 188 LV : ocupe (Découper : trancher chirurgicalement.) 189 Le souper. 190 Pour que nous fassions la paix avec lui. 191 Acquitté. 192 Qui n’était pas concerné par cette affaire. 193 Pris. 194 Qui se mêlent des affaires des autres. 195 Et même un troisième. 196 Sentence immédiate. « Sage est le juge qui escoute, & tard juge ; car de fol juge, brièfve sentence. » Anthoine Loisel.
LE BATELEUR
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LE BATELEUR
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Jouée en Normandie au milieu du XVIe siècle, cette farce est un hommage au théâtre et surtout à ses interprètes, dont elle fait quasiment des saints. Elle nous immerge dans une troupe de bateleurs. Les forains attiraient les badauds avec des chansons, des tours d’adresse et des acrobaties. Quelques-uns jouaient des saynètes ; plusieurs de ces bonimenteurs se découvrirent une vocation théâtrale. Mais ici, nous sommes loin de Mondor et Tabarin, ou même de Descombes et Grattelard : la troupe, médiocre, tente d’écouler des images tout aussi médiocres qui glorifient des acteurs célèbres dans les environs de Rouen. (Une troupe de bateleurs du même acabit vend de fausses images pieuses dans la Vie de sainct Christofle, de Claude Chevalet.) On peut trouver touchante la sincérité de l’auteur et des comédiens, qui exercent leur apostolat malgré la mesquinerie des bourgeois.
Le personnage de Binette et les détails qui la concernent proviennent d’une chanson normande du XIVe siècle, réimprimée plusieurs fois dans les années 1530 : Mon père m’envoie. Je surligne les passages que l’auteur de la farce a utilisés :
Mon père m’envoye Et bien aultre chose
Garder les moutons. Que je vous diray. »
Après moy envoye « –De mon pucellaige
(Dureau la duroye), (Dureau la durette),
Après moy, envoye De mon pucellaige,
Ung beau valeton. Présent vous feray.
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Après moy envoye De mon pucellaige,
Ung beau valeton, Présent vous feray,
Qui d’amours me prie Et de bon couraige1
(Dureau la duroye), (Dureau la durette),
Qui d’amours me prie. Et de bon couraige
Et je luy responds. Je vous aymeray.
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Qui d’amours me prie. Et de bon couraige
Et je luy respondz : Je vous aymeray. »
« –Allez à Binette Andely-sus-Seine
(Dureau la durette), (Dureau la durette),
Allez à Binette, Andely-sus-Seine,
Plus belle que moy. Trois basteaulx y a.
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Allez à Binette, Andely-sus-Seine,
Plus belle que moy. Trois basteaulx y a,
S’elle vous reffuse C’est pour mener Binette
(Dureau la durette), (Dureau la durette),
S’elle vous reffuse, C’est pour mener Binette
Revenez à moy. Au Chasteau Gaillart.
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S’elle vous reffuse, C’est pour mener Binette
Revenez à moy. » Au Chasteau Gaillart.
« –Elle m’a reffusé Que fera Binette
(Dureau la durette), (Dureau la durette),
Elle m’a reffusé : Que fera Binette
Je reviens à vous. Au Chasteau Gaillart ?
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Elle m’a reffusé : Que fera Binette
Je reviens à vous. Au Chasteau Gaillart ?
J’ay en ma boursette Fera la lessive
(Dureau la durette), (Dureau la durette),
J’ay en ma boursète Fera la lessive
Cent escus de roy. Pour blanchir les draps.
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J’ay en ma boursète Fera la lessive
Cent escus de roy, Pour blanchir les draps.
Et bien aultre chose Servira son maistre
(Dureau la durette), (Dureau la durette),
Et bien aultre chose Servira son maistre
Que je vous diray2… Quand il luy plaira.
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Source : Manuscrit La Vallière, nº 70.
Structure : Rimes plates, avec des quatrains à rimes embrassées et 3 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse
à .V. personnages
C’est asçavoir :
LE BATELEUR
Son VARLET
BINÈTE
Deulx FEMMES
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LE BATELEUR commence en chantant,
en 3 tenant son Varlet.
Arière, arière, arière, arière 4 ! SCÈNE I
Venez le5 voir mourir, venez !
Petis enfans, mouchez vos nés6,
Pour faire plus belle manyère.
5 Arière, arière, arière, arière !
Voécy le monstre7 des Badins,
Qui n’a ne ventre ne boudins8
Qu’ilz ne soyent subjectz au derière9.
Arière, arière, arière, arière !
10 Voicy celuy, sans long frétel10,
Qui de badiner ne fut tel11 ;
L’expérience en est planière12.
Arière, arière, arière, arière !
Veoicy celuy qui passe tout.
15 Sus ! faictes le sault13 ! Hault ! Deboult !
Le demy-tour ! Le souple sault14 !
Le faict, le défaict15, sus ! J’ay chault !
J’ey froid16 ! Est-il pas bien apris ?
En efect, nous aurons le pris
20 De badinage17, somme toute.
Mon varlet ?
LE VARLET
Hau, mon maistre !
LE BATELIER18
Escoute :
Y fault bien se monstrer abille19
Tant qu’on ayt le bruict20 de la ville ;
Car cela nous poura servyr
25 Pour nostre plaisir21 assouvyr.
Entens-tu bien ?
LE VARLET
Je vous entens :
Nous ne ferons que passetemps22
Pour resjouyr gens à plaisir.
LE BATELIER
Les fièbvres vous puissent saisir,
30 Mon varlet !
LE VARLET
Mais c’est pour le Maistre !
LE BATELEUR
Mais un estron pour te repaistre !
Aussy bien, junes-tu23 souvent.
LE VARLET
Je desjunes souvent de vent :
Mon ventre est plus cler24 que verière.
35 Mais sy je lâche le derière25
Par avanture26, (entendez-vous ?27),
Vostre part y sera tousjours !
LE BATELEUR
Tu me veulx assez souvent bien…
Hau, mon varlet : passe28 ! Revien !
40 Or, va quérir ma tétinète,
Ma trètoute : ma mye Binète29.
Et de bref, luy faict[z] asçavoir
Qu’on la désire fort à veoir.
Car icy nous fault employer
45 De30 nostre sçavoir desployer :
En efect, nous aurons le bruict31.
LE VARLET
Le bruict aurons sans avoir fruict,
Car les dons apetissent32 fort.
LE BATELEUR
Or va !
LE VARLET
Je feray mon effort
50 Myeulx que varlet qui soyt en ville.33
.
En chantant : SCÈNE II
Je suys amoureulx d’une fille ;
Et sy 34, ne l’ose dire, la tourelourela !
Ma mêtresse, hau ! SCÈNE III
BINÈTE entre 35
Qui esse-là ?
LE VARLET
Venez !
BINÈTE
En quel lieu ?
LE VARLET
Tant prescher36 !
55 Maintenant convyent desmarcher37 :
Tant avons troté et marché
Que nous avons trouvé marché
Pour nostre marchandise vendre.
BYNÈTE
C’est don[c] marchandise à despendre38 :
60 Poinct ne profitons aultrement.
Toutesfoys, alons.
LE VARLET
Vitement ! Il chante :
El a les yeulx vers et rians,39
Et le corps faict à l’avenant.
Quant je la voy, mon cœur soupire ;
65 Et sy, ne l’ose dyre,
Tourelourela.
BYNÈTE40
C’est trop chanté, charge cela !
LE VARLET
Charger ? J’ey encor à dîner41.
J’aymes beaucoup myeulx le traîner ;
70 Aussy bien, n’esse que bagage.
BYNÈTE
Au moins, fais-toy valoir42.
LE VARLET
Je gage
Que je feray des tours sans cesse.
LE BATELYER SCÈNE IV
Que tantost j’auray belle presse43 !
Varlet ?
LE VARLET
Hau !
LE BATELEUR44
C’est bruict que de luy.
LE VARLET
75 Voyci Binète d’Andely45.
Venez, venez à la vollée46 !
LE BATELEUR
Venez la voir, la Désollée47 !
Aprochez tous !
BYNÈTE
A ! mon baron48…
LE VARLET
« Que je soys de vous acollée. »
LE BATELEUR
80 Venez la voir, la Désollée !
LE VARLET
El est, de présent, afollée :
On le voit à son chaperon.
LE BATELEUR
Venez la voir, la Désollée !
Aprochez tous !
BINÈTE
Et ! mon baron…
LE BATELEUR
85 Or, me dictes qu’on49 chanteron,
Ce pendant qu’on50 s’assemblera.
Mon varlet, qui commencera ?
LE VARLET
Ce sera moy !
BINÈTE
Mais moy !
LE BATELEUR
Mais moy51 !
LE VARLET
Mauldict soyt-il qui ce sera !
LE BATELEUR
90 Mon valet, qui commencera ?
LE VARLET
Ce sera moy !
BINÈTE
Mais moy !
LE BATELEUR
Mais moy !
LE VALET
Sy je vis jusqu(e) au moys de may,
Je seray maistre52.
BINÈTE
C’est la raison.
LE BATELIER
Chantons, et ôtons ce blason53.
LE VARLET
95 C’est bien dict. Mêtresse, chantons !
BYNÈTE, en chantant :
Or, escoustez !
LE BATELYER, en chantant :
Or, escoustez !
LE VARLET
Or, escoustez sy vous voulez
Une plaisante chansonnète.
BYNÈTE
Vos gorges sont trop refoulés54.
LE VARLET
100 Sans boyre55, la mienne n’est nète.
Les deulx femmes entrent.56 SCÈNE V
[LE VARLET,] en chantant :
Alons à Binète, duron la durète,
Alons à Binète, au Chasteau Gaillart.57
LE BATELEUR58
Or sus, faictes un sault, paillart !
Pour l’amour des Dames, hault ! Sus !
LA P[REMIÈRE] FEMME entre SCÈNE VI
105 Ces gens-là nous ont aperceutz :
Y font quelque chose pour nous.
LE BATELEUR
Aprochez-vous, aprochez-vous,
Et vous orrez59 choses nouvelles.
LE VARLET
Venez voir la belle des belles !
110 Arière, arière, faictes voye60 !
LA IIe FEMME
Y fault bien que cecy je voye,
Car à mon plaisir suys subjecte61.
LE BATELEUR
Aprochez ! Qui veult que je gecte
Hault62 les mains ?
BYNÈTE
L’on vous veult monstrer
115 Que n’en sceûtes un rencontrer63
Qui tant fŷt de joyeuseté.
LE BATELEUR, [en chantant :]
G’y ay esté, g’y ay esté,
Au grand pays de Badinage.64
LA PREMIÈRE FEMME
Av’ous quelque beau personnage
120 Pour nous ? Car c’est ce qui nous mayne.
LE VARLET
Tous nouveaulx, faictz de la sepmayne ;
Des plus beaulx que jamais vous vistes.
LE BATELEUR
Valet, sçav’ous bien que vous dictes ?
Qui sera maistre, de no[u]s deulx ?
125 Laisse-moy parler !
LE VALET
Je le veulx.
[BINÈTE]
Et Binète la Désolée,
Fault-il poinct qu’el ayt sa pallée65 ?
Hen ?
LE BATELIER
Pais, que je ne vous esterde66 !
BYNÈTE
Je l’aray !
LE BATELEUR
Mais plus tost la merde !
LE VARLET
130 Mengez-la donq, qu’el ne se perde !
Car qui la mengera l’aura.
BINÈTE
Je parleray !
LA IIe FEMME
El parlera !
Femmes ont-il pas leur planète67 ?
LE VARLET
S’el ne parle, elle afollera68.
BINÈTE
135 Je parleray !
LE BATELEUR
El parlera ?
LA PREMIÈRE FEMME
Dea ! s’el ne parle, el vous laira69.
LE BATELEUR
Et ! la place en sera plus nète.
BINÈTE
Je parleray !
LES DEULX FEMMES ensemble
El parlera !70
LA IIe FEMME
Femmes ont-y pas leur planète ?
LE BATELEUR
140 Ouy, quant ilz ont leur hutinète71,
Tesmoing mon varlet…
LE VARLET
Il est vray.
[BINÈTE]
N’est pas72, donc ! Ilz 73 chantent :
Qu’en dira Binète,
Qui a le cœur gay ?
BYNÈTE
[Monstrons nos pourtraictz, par ma foy !]74
Hault, qui en veult, lève le doy75.
LE BATELEUR
145 À sept cens frans !
[LA IIe FEMME]76
Mais à sept blans77 !
LE VARLET
Nous ne sommes pas assez78 blans.
Sang bieu ! il n’y a croix79 en France.
LE BATELIER
J’aymasse80 autant vendre à créance !
Qui en veult ? Je les voys remectre81.
LE VARLET
150 Encor fault-il vendre, mon maistre.
LE BATELIER
Vendre ? Mais trocher82, c’est le myeulx.
De trocher, je seroys joyeulx :
Sy de femme estoys myeulx pourveu… [Il chante :]
Et ! vous n’avez rien veu, rien veu.83
LA PREMIÈRE FEMME
155 Vous ne nous monstrez que folye ;
Monstrez quelque face jolye
Qui ressemble à la créature84.
BINÈTE
Vous voirez maincte pourtraicture
Des gens de quoy on faict Mémoyre85.
LE VALET
160 Et ! vous n’avez rien veu encore,
Depuys que vous estes cëans.
Voécy des Badins antiens86 ;
Voécy les ceulx du temps jadis,
Qui sont lassus87 en Paradis
165 Sans soufrir paines ne travaulx88 :
Voécy maistre Gilles des Vaulx89,
Rous[s]ignol90, Brière, Peng[u]et,
Et Cardinot91 qui faict le guet,
Robin Mercier, Cousin92, Chalot,
170 Pierre Régnault (ce bon falot93),
Qui chans de Vires94 mectoyent sus.
LA IIe FEMME
Est-il vray ?
LE VARLET
Ilz sont mys là-sus95.
Y n’ont faict mal qu’à la boysson96.
LE BATELEUR
Chantres, de Dieu sont tous receups97.
LA PREMIÈRE FEMME
175 Est-il vray ?
LE BATELIER
Y sont mys là-sus.
LE VARLET
Myracles en sont aperceups98.
Dieu veult qu’on le serve à bon son99.
LES DEULX FEMMES ensemble
Est-il vray ?
BYNÈTE
Ilz sont mys là-sus.
Y n’ont faict mal qu’à la boysson.
LE BATELEUR
180 Je vous dis que Robin Moysson
De nouveau100 nous l’a révellé.
Et atendent101, nole, velle,
Pour chanter en leur parc d’honneur102,
Un surnommé « le Pardonneur103 »,
185 Un Toupinet ou un Coquin,
Ou un Grenier104 aymant le vin,
Pour devant Dieu les secourir.
LE VARLET
Je ne veulx poinct encor mourir,
Car je m’ayme trop myeulx icy !
LE BATELYER
190 Voiécy les vivans, [voy-les cy]105,
Maintenant je les vous présente,
Voyez.
LA PREMIÈRE FEMME
Poinct n’en veulx estre exempte
Que je n’en aye106 tout mon plaisir.
LA IIe FEMME
Veuil[l]ez-nous les mylleurs choisir,
195 Afin que nous les achatons.
LE VARLET
Je les voys choisir à tâtons
Jusques au fons de la banète107.
LA PREMIÈRE FEMME
Et combien ?
LE BATELEUR
Parlez à Binète : 108
De tout el vous fera marché109.
BINÈTE
200 Nous aurons tantost tout cherché
Sans vendre ; je n’y entens rien110.
LE BATELEUR
À combien, Dames, à combien ?
À un liard111 ! Qui en vouldra,
Maintenant, Dames, on voyra.
LA IIe FEMME
205 Poinct n’en voulons.
LE BATELEUR
Rien n’y entens.
Vous ne voulez que passetemps,
Pour rire en chambres et jardins.
LE VARLET
Voécy cy112 les nouveaulx Badins
Qui vont dancer le trihory.
210 Vécy ce badin de F[l]oury113,
Et le badin de Sainct-Gervais :
Les voulez-vous ?
LA PREMIÈRE FEMME
Que je les voys114.
Replyez, tout cela me semble ville.
LE BATELEUR
Bien. Le badin de Soteville115 ?
215 Ou le celuy de Martainville116 ?
Les voulez-vous ?
LA IIe FEMME
Et ! c’est Pierrot117 ?
LE VARLET
In Gen118 ! C’est mon : c’est mon frérot119.
Aussy Le Boursier120, et Vincenot ;
Sainct-Fes[s]in121, ce mengeur de rost :
220 Retenez-lay122, il est gentil.
LE BATELYER
Que tous aultres soyent au vétil123,
Car toutes f[l]aches124 vous en estes.
BINÈTE
Voécy le Badin aulx lunètes,
Et puis125 aultres petis badins
225 Qui vous avalent ces bons vins :
Seront-il de la retenue ?
LA PREMIÈRE FEMME
Son badinage dymynue,
Pour tout vray ; mais ses compaignons
On ne prison pas deulx ongnons126,
230 Car y ne font que fringoter127.
Y ne nous feroyent qu’assoter128.
LE VALET
Vous ne voulez rien acheter ?
Vous estes assez curieuses
De voir inventions129 joyeuses ;
235 Mais quant vient à faire payment,
Rien ne voulez tirer130, vraiment.
Et ! ce poinct icy retenez :
Chantres et badins sont tennés131.
Ainsy, prou vous face132, mes Dames !
LA IIe FEMME
240 De dons133 ne povons avoir blâmes :
Nous-mesmes voulons qu’on nous donne.
LE BATELEUR
Aussy, honneur vous abandonne.
Vous voulez avoir vos plaisirs,
Vos acomplimens134, vos désirs.
245 Nous entendons bien vos façons.
LE VARLET
Sy vient un rompeur135 de chansons,
Un fleurecon136, un babillart
Faisant de l’amoureux raillart,
Qui vienne saisir le costé137,
250 Y sera plus tost escousté
C’une plaisante chansonnète138.
LA PREMIÈRE FEMME
Dictes-vous ?
LE VARLET, [en chantant :]
Parlez à Binète.
LA PREMIÈRE FEMME
Sy d’avanture on nous gauldit139,
Ou nostre mary nous mauldit :
255 Où prendron-nous nostre recours140 ?
Qui nous veuille donner secours,
Synon d’ouÿr quelque sonnète141 ?
LE BATELEUR
Dictes-vous ? Parlez à Binète,
Qui se tient au Chasteau Gaillart.
LA IIe FEMME
260 Sy nostre mary est viellart,
Qu’i ne face que rioter142 :
Où irons-nous pour gogueter143 ?
De ce, voulons estre certaines.
LE VALET
S’y vous dient144 : « Vos fièbvres cartaines ! »,
265 Incontinent je vous réfère
Que leur debvez responce fère :
« Mais vous ! », car cela est honneste.
LES II FEMMES e[n]semble
Dictes-vous ?
LE VALET, [en chantant :]
Parlez à Binète.
LE BATELYER
Binète vous en rendra compte145.
LA PREMIÈRE FEMME
270 De nous, ne faictes pas grand compte,
Mais bien on s’en raporte à vous.
LE VALET
Aussy ne faictes-vous de nous146 :
Unne personne de valleur
N’apelle un chantre « bateleur »,
275 Ne « farceur », mais, à bien choisir,
« Gens de cœur plains de tout plaisir ».
De vos dons, riens ne conprenons147 ;
Mais nostre plaisir on prenons
De chans, pour estre esbanoyés148
280 Sans jamais estre desvoyés149.
BINÈTE
De Dieu, poinct ne vous défiez :
De Luy serez glorifiés150.
Sy on donne poy, c’est tout un151.
Riez, chantez et solfiez ;
285 Jeutz & esbas signifiez152,
De jour, de nu[i]ct, quant il faict brun.
Subjectz ne soyez au commun153 :
Nostre154 plaisir nous assouvyt.
Qui plus v[o]it de monde155, plus vit.
LE BATELYER
290 Récréons-nous, chantons subit !
LE VARLET
Hardiment faisons-nous valloir !
Soulcy d’argent n’est que labit156.
De petit don ne peult chaloir157,
[Sy] chantons et faisons debvoir.
FINIS
*
1 De bon cœur. 2 Boursette = braguette. 3 LV : on (Le Bateleur tient son valet quand il lui fait exécuter un numéro d’équilibriste.) 4 Comme au vers 110, on demande à l’assistance de reculer pour ne pas gêner les artistes. Ce refrain est chanté ; il ouvrait déjà la farce de Légier d’Argent. 5 LV : la (Le Bateleur attire les voyeurs en leur faisant croire que l’équilibriste exécute un numéro dangereux.) 6 Mouchez votre nez maintenant pour ne pas faire de bruit quand le spectacle aura commencé. Le Bateleur de la Vie monseigneur sainct Loÿs, de Gringore, déclamait déjà ce vers, de même que celui des Basteleurs, de Chevalet. On le trouve également dans la Fille bastelierre, qui met en scène une bateleuse, et dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, où évoluent des comédiens amateurs. 7 Le phénomène de foire. Les Badins sont spécialisés dans les rôles de demi-sots. V. la notice de Troys Galans et un Badin. 8 Ni bedaine. 9 Qui ne soient sujets à émettre des pets. Voir les vers 34-35. Le Valet se produit donc comme chanteur, acrobate, comédien et… pétomane. Ces « flatulistes » divertissaient les cours d’Europe, comme les deux qui exercent leur art sur la droite de cette gravure. 10 Bavardage. Cf. Saincte Caquette, vers 22. 11 Qui n’eut jamais d’égal pour jouer la comédie. 12 Plénière, patente. 13 Un saut périlleux. Le Bateleur donne ces ordres à son valet. 14 Soubresaut acrobatique. « Saillir en hault,/ Faire un tour et ung souple sault. » Sermon joyeux des quatre vens. 15 Peut-être une cabriole en arrière et une en avant, ou le contraire. « Le déposer [destituer], ce seroyt acte de batelleurs qui font le faict et le deffaict. » Rabelais, Lettre à G. d’Estissac. 16 Le Valet mime un homme qui a chaud, puis un homme qui a froid. 17 Le premier prix de comédie. 18 Sic. Le ms. La Vallière commence d’ailleurs avec la Fille bastelierre, qui raconte les pérégrinations d’une bateleuse normande. 19 Habile. 20 Jusqu’à ce que nous soyons connus. Il s’agit donc d’une troupe itinérante qui vient d’arriver. 21 Le plaisir d’être sur scène. 22 Nous nous produirons gratuitement. 23 Tu jeûnes, à cause de notre pauvreté. 24 Plus clair, plus transparent qu’une vitre. 25 Si je pète (note 9). 26 LV : dauanture 27 Cette incise était accompagnée d’un bruit de pet, comme aux vers 348 et 366 du Sermon joyeux des quatre vens. En Normandie, vous rime avec toujous, qui subit l’amuïssement du « r » final. 28 Les acrobaties reprennent. 29 C’est la compagne du Bateleur. À l’autre bout du tréteau, elle est assise sur la malle aux accessoires pendant que les deux hommes sont partis en reconnaissance. 30 Il faut nous appliquer à. 31 Ainsi, nous aurons du succès. 32 Se rapetissent. 33 Le Valet se dirige vers Binette. 34 Et pourtant. La chanson est de Jehan Guyot : « Je suis amoureux d’une fille,/ Mais je ne l’ose dire./ Va-t’en, garila turlura !/ Elle a les yeux vers et rians,/ Va-t’en, garila turlura. » Cf. le Savetier Audin, vers 93. Le Valet fait de cette ritournelle une déclaration d’amour pour Binette. 35 En jargon théâtral, ce verbe signifie : commence à parler. Idem après le vers 104. 36 (Faut-il) tant bavarder ? 37 Il faut marcher, avancer. 38 À dépenser sans profit. 39 Suite de la chanson précédente (note 34), toujours destinée à Binette. 40 Elle montre au Valet la malle d’osier contenant des portraits de comédiens. À titre d’exemple, voici un portrait de Pierre Gringore. 41 Je n’ai pas encore dîné : je n’ai donc pas assez de force pour porter un fardeau. 42 Mets-toi en valeur devant le public. Ils rejoignent le Bateleur en traînant la malle. 43 Un public dense. 44 Il vante aux spectateurs la célébrité de son valet. Un siècle plus tard, « l’Illustre Théâtre » du jeune Poquelin pratiquera l’autopromotion avec le même opportunisme. 45 Du Petit-Andely, près de Rouen. (V. ma notice.) Binette n’est pas originaire de ce village, mais elle a fréquenté sa prison, le Château Gaillard, où des femmes adultères furent incarcérées. 46 Rapidement. 47 L’ancienne prisonnière est spécialisée dans les rôles tragiques : c’est pourquoi le chaperon qui la coiffe est en désordre (vers 82). Là encore, l’auteur semble s’inspirer d’un personnage plus ancien : voir l’Arbalestre, vers 132-133 et note. 48 Mon mari, dans le style noble des tragédies et dans le style parodique des farces : « Mon baron,/ Que vous plaist-il que je vous face ? » (L’Amoureux.) Binette a un trou de mémoire ; le Valet lui souffle son texte. 49 Ce que nous. 50 Pendant que le public. 51 Passage interpolé, comme l’explique André Tissier dans son édition <Recueil de farces, IV. Droz, 1989, pp. 247-295>. « Moy » rime avec le « may » du vers 92. 52 Je remplacerai le Bateleur. 53 Ce sujet de disputes. Les 2 vers qui suivent sont interpolés (Tissier, p. 270). 54 Éraillées. 55 Si je ne bois pas de vin. « Fault tenir sa gorge nette/ Et byen souvent la mouiller. » Vaudevires. 56 Elles se dirigent vers les bateleurs, mais ne commencent à parler qu’au vers 105. Le Valet continue donc sa tirade. Voir Tissier, p. 271. 57 Voir la chanson originale dans ma notice. Le Château Gaillard est une ancienne prison du Petit-Andely : « Il envoya le Navarrois sous bonne garde au Chasteau Gaillard d’Andelis. » (M.-E. de Mézeray.) On y avait enfermé des femmes débauchées : « Les deux autres furent encloses, et depuis furent mises au Chasteau Gaillard, en Normandie. » (Alain Bouchard.) 58 Voyant les spectatrices, il demande à son valet de faire des acrobaties. Les deux femmes, qui veulent tout voir sans rien acheter, sont les copies des deux commères du Vendeur de livres. 59 LV : ores (Vous entendrez.) 60 Laissez le passage. Le Valet feint d’être bousculé par une nombreuse assistance. 61 Soumise. 62 LV : mon scauoir hault (Que je saute en levant les bras. C’est un tour de force, pour un homme qu’on suppose âgé et corpulent.) 63 Que vous n’avez pu rencontrer un seul homme. 64 Cette chanson inconnue devait viser les habitants du « pays de Badaudage », autrement dit les Parisiens, plus connus en Normandie sous le nom de badauds. « Je vous veux compter par plaisir (…)/ Ce qu’au païz de Badaudage/ Est arrivé depuis huict jours. » Godefroy. 65 Son tour de parole (normandisme). Cf. Jolyet, vers 216. « Les plus hupéz de st’assemblée (…)/ M’en ont deffendu la palée. » La Muse normande. 66 Si vous ne voulez pas que je vous frotte. 67 Leurs caprices. Les femmes étaient gouvernées par deux planètes : la Lune, sous l’ascendant de la déesse vierge Diane ; et Vénus, vouée à la déesse du plaisir. 68 Elle deviendra folle. 69 Elle vous laissera. 70 Dans LV, le Varlet pollue le triolet 132-139 avec une locution scatologique en patois normand qu’on lira aussi dans la Friquassée crotestyllonnée : et leque foure mengera 71 LV : haultinete (Quand elles ont une envie de hutin, de coït. « J’ay mignons prêtz autour de moy,/ Avitailléz pour le hutin. » <Guillaume Coquillart.> Cf. Frère Guillebert, vers 133.) Le Bateleur insinue que son valet couche avec Binette, qui est la seule à le nier. 72 Ce n’est pas vrai. 73 Les deux hommes. 74 Vers manquant. Binette veut détourner la conversation. 75 Que celui qui en veut lève bien haut le doigt. 76 LV : binete 77 Plutôt à 7 sous. 78 LV : a sept (Blanc = candide, facile à duper. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 560.) 79 Il n’y a plus d’argent. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 37. Par métonymie, on appelait « croix » les monnaies dont le côté face s’ornait d’une croix. 80 LV : jaymes (J’aimerais autant les vendre à crédit.) 81 Je vais les ranger. 82 Troquer. Songeant à une autre farce normande, le Trocheur de maris, le Bateleur voudrait bien troquer sa femme contre une nouvelle. 83 Il semble s’agir d’une chanson, qui continue au vers 160. 84 À l’original. 85 Des comédiens sur lesquels on a écrit des chroniques. Les Normands prononçaient mémore. « Je m’esmerveille comme encore/ Il est du contraire mémore. » Le Triomphe des Normans. 86 Ancians rime avec cians. 87 Là-haut. Coup de griffe contre l’Église, qui désapprouvait le métier de saltimbanque. 88 Ni tourments : sans être en enfer. 89 Auteur et comédien dont on a conservé quelques poèmes religieux. Les gens de théâtre s’anoblissaient en collant à leur nom celui d’une ville qui leur était chère. Voir « Binette d’Andely » au vers 75. Les Vaux-de-Vire (aujourd’hui Val-de-Vire), en Normandie, furent le foyer des « vaudevires », ces chansons à boire qui ont abouti aux rondes de table nommées vaudevilles. 90 Il avait appartenu à la troupe de Triboulet. Voir la note 6 des Vigilles Triboullet. 91 On lui attribue parfois la célèbre sottie des Menus propos. 92 Le comédien Jehan Cousin émargeait dans la troupe du Pardonneur (vers 185). 93 Ce bon compagnon. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 338. 94 Qui rehaussaient les vaudevires : note 89. 95 Là-haut, au Paradis. 96 Ils n’ont attaqué que des bouteilles. 97 Reçus au Paradis. 98 Aperçus. Le comédien Triboulet fait aussi des miracles après sa mort : les Vigilles Triboullet, vers 148 et 300. 99 En chantant bien. 100 Récemment. 101 LV : atendant (Nolle, velle : qu’on le veuille ou non.) 102 Au paradis des anciens badins. 103 C’est le surnom de Pierre le Carpentier, acteur et chef de troupe rouennais. Tout ce passage est éclairé par un article magistral de Michel Rousse : Une représentation théâtrale à Rouen en 1556. <European Medieval Drama, vol. 7, 2003, pp. 87-116.> Un pardonneur est un bateleur qui vend des indulgences à des dupes auxquelles il fait baiser de fausses reliques. Cf. le Pardonneur. 104 C’est le nom de notre Valet, qui aime bien le vin (vers 100), mais qui aime aussi vivre sur terre. 105 LV : voy lessy (Les voici.) Après les acteurs défunts ou âgés, on passe aux jeunes bien vivants. 106 Sans en avoir. 107 De la malle d’osier (vers 67-70). 108 Ce refrain correspond au « Allez à Binette » de la chanson que je signale dans ma notice ; il est forcément chanté, de même qu’aux vers 252, 258 et 268. Le Badin qui se loue le chantait déjà aux vers 28-29. 109 Elle conclura la transaction. Mais aussi : Elle vous fera marcher. Cette expression militaire avait déjà une connotation péjorative : « On avoit mal faict de n’avoir donné quelques sachées d’avoyne aux officiers desdictes trouppes pour les faire marcher plus oultre. » 110 Nous aurons bientôt sorti tous les portraits sans en vendre un seul ; je n’y comprends rien. 111 Un sou. 112 LV : vecy (Le trihori est une danse bretonne appréciée des farceurs. Cf. le Savatier et Marguet, vers 80.) 113 De Fleury, dans la Manche. Saint-Gervais est un quartier de Rouen. 114 LV : voye (Les Normands prononçaient « vais ».) 115 Sotteville-lès-Rouen. Pour un joueur de sotties, ce nom était prédestiné. 116 Quartier de Rouen. C’est le pseudonyme de l’acteur Nicollas Michel. Voici ce qu’en dira Noël Du Fail dans les Contes et discours d’Eutrapel (1585) : « Comme j’ay veu à l’issue des Farces de ce gentil, docte & facétieux Badin, sans béguin, masque ne farine, Martin-ville de Rouen, soit qu’en mesme chambre il eust si dextrement contrefait messire Maurice disant son bréviaire au fin matin, cependant faisant l’amour [parlant d’amour] aux chambrières qui alloient au puits tirer de l’eau ; ou le cousturier, qui fist une cappe au gentil-homme, d’un drap invisible fors à ceux qui estoient fils de putain ; ou bien qu’il jouast –aiant un couvrechef de femme sur sa teste, & le devanteau ou tablier attaché à ses grandes & amples chausses à la suisse, avec sa longue & grosse barbe noire– une jeune garse allant à l’eau, interrogeant sa compagne nouvellement mariée sur les points & articles de la première nuit de ses noces. » 117 Le Pierrot normand — ou le Piarrot — est un paysan naïf, têtu et assoiffé. « –Je buvions demistier [un demi-sétier], toujours, en attendant…./ –Aga, Piarot, le tarrible accident ! » Nouvelles parodies bachiques, mêlées de Vaudevilles ou Rondes de table. 118 Saint Jean (interjection normande). C’est mon = c’est exact. 119 Mon compagnon de ripailles. « Un jour, ce gentil frérot estant entré en la maison du roy à l’heure du disner, ne voulant point perdre l’occasion de se soûler. » Bonaventure Des Périers. 120 Pseudonyme de l’acteur rouennais Nicollas Coquevent. 121 Ce comédien jouait pour la confrérie joyeuse des Conards de Rouen. Quand leur abbé les invite à « l’escolle/ Où l’on apprend mouver le croupion/ Et comme aussi les dames on bricolle », cet abbé ajoute : « Petites sœurs de l’Ordre Saint-Fessin,/ Faillirez-vous de visiter la place ? » En effet, lorsqu’on est une femme, « soubz umbre de pèlerinage,/ On va veoir le clerc (de) sainct Fessin ». 122 Prenez-le. 123 Soient remis dans le coffre. « Car je sçay bien tourner la clef/ De tout vétil. » Mistère du Viel Testament. 124 Ramollies (normandisme). « Juges négligens et flaches. » Godefroy. (Fâ-ché-es compterait pour 3 syllabes.) 125 LV : plusieurs 126 Nous ne les estimons pas plus que deux oignons. Parle-t-on du Badin aux lunettes et des « autres petits badins » ? Ou bien, comme le pense Tissier, de Binette et de ses deux acolytes ? 127 Que chantonner (au lieu de jouer la comédie). « Je chante tout seul, je fringote. » Deulx Gallans et Sancté, LV 12. 128 LV : quasoter (Ils ne feraient que nous rendre sottes.) 129 Des nouveautés. 130 De votre bourse. 131 Nous sommes tannés, fatigués. 132 Grand bien vous fasse. 133 Pour nos maigres dons. 134 LV : acomplisemens (Vos satisfactions. « Le Créateur (…) vous doint l’acompliment de vos bons désirs ! » Claude Savoye.) 135 LV : rourpeur (Un coupeur de parole.) « Rompeur de chansons : A continuall interrupter of such as talke more wisely then himselfe. » Cotgrave. 136 Un amateur de sexe féminin. Les chiens de chasse, eux aussi, traquent le connin à l’odeur. 137 Qui vous prend par la taille. 138 Rappel des vers 97-98. 139 On se moque de nous. 140 Une compensation. 141 Les sornettes des galants. 142 Que nous chercher querelle. « Mais il ne faict que rioter. » Le Trocheur de maris. 143 Pour nous amuser. 144 Si vos maris vous disent. 145 Car elle sait répliquer aux hommes. 146 Vous ne faites pas non plus grand compte de nous. 147 Nous ne prenons rien. Ce finale s’adresse au public, parmi lequel on commence à faire la quête en chantant. Il est truffé de rimes proliférantes : les cabotins qui ne savent pas quitter la scène ont tendance à « rallonger la sauce ». 148 Nous prenons notre plaisir à chanter, pour nous divertir. 149 Sans faire fausse route, au sens religieux. 150 Mis au Paradis. 151 Si on nous donne peu, ce n’est pas grave. 152 Accomplissez des jeux théâtraux et des divertissements. 153 Ne cédez pas au conformisme. 154 LV : vostre (Notre plaisir de jouer nous satisfait, nous suffit.) 155 Celui qui voit le plus de pays. Les forains voyageaient beaucoup, au moins dans leur région. 156 Tourment. 157 Nous n’avons que faire de petits dons. Nos artistocrates affichent leur mépris pour les bourgeois, quitte à mourir de faim.