LES BOTINES GAULTIER
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LES BOTINES
GAULTIER
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Les bottines de Gautier sont mentionnées vers 1470 par Simon Gréban, dans les Actes des Apostres, où une femme possédée par le diable s’écrie : « Lucifer me gette ung regard/ D’amour au travers de la fesse,/ Car il veult que je me confesse/ Dedans la botine Gaultier. » Au départ, ces bottines n’étaient pas autre chose que les cuissardes d’un gros moine normand prénommé Gautier. Le Rouennais Cacheleu s’en souvenait encore en 1533, lorsqu’il composa son
Chant royal faict du blason des bottines
Qu’usoit jadis le bon frère Gaultier….
Par ung matin, revenant des matines,
Pour m’en aller à la messe à Oyssel*, * Oissel, près de Rouen.
Me fut besoing d’emprunter les bottines
De mon voisin, le bon Gaultier Mansel….
« Par Dieu ! ce sont bottes toutes divines
(Ce dist Gaultier en passant au bastel*) : * Au bac qui traversait la Seine.
Je les portoys du tems des grandz ravines*, * Inondations.
Et me servoyent autant qu’ung devantel*…. * Tablier.
Mais pour aller à la messe au moustier,
Il ne fault pas laisser au verd boscage
Le grand blason des bottines Gaultier. »
Ces vastes bottines devinrent une métaphore pour décrire un vagin démesuré, au même titre que la botte : « Mon mignon, mon gentil varlet, / Gressez-mé bien ma vielle bote / Et secouez ma vielle cotte ! » <Ms. fr. 1719.> Avec la même élégance, on disait aussi le houseau, qui est une botte de cavalier : voir le vers 40 du Sermon pour une nopce. Tous les hommes — à part frère Gautier — trouvaient ces bottines trop larges, et se plaignaient d’avoir été floués. L’un des plaignants fit l’objet d’une ballade que je publie sous la farce.
L’auteur de cette pièce normande1, qui ne recule devant aucun sous-entendu, joue également sur une troisième expression : « bailler de la bottine à quelqu’un », c’est lui donner — mentalement — un coup de pied au derrière, c’est-à-dire l’humilier. En résumé, donner à un galant « la bottine de Gautier », cela revient à le berner en lui promettant le vagin trop large de la femme du dénommé Gautier. Comme on le voit, l’auteur est un virtuose du langage à plusieurs niveaux, et il va le démontrer brillamment.
Source : Recueil de Florence, nº 9.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec des quatrains à refrain et 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Amoureux qui ont
les botines Gaultier
*
À quatre personnages, c’est assavoir :
ROUSINE
GAULTIER
LE PREMIER GALLANT
LE .II. GALLANT
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LES BOTINES GAULTIER
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ROUSINE,2 femme de Gaultier, commence en chantant :
Je prometz en vérité : SCÈNE I
Se mon mary va dehors,
Je feray ma voulenté,
Je prometz en vérité.
GAULTIER
5 (Faictes-vous tel [des]loyaulté3 ?
Je [veulx] escoute[r] ses records4.)
ROUSINE, en chantant :
Je prometz en vérité :
Se mon mary va dehors,
Je lucteray5 corps à corps
10 Et m’esmouvray6 bien les vaines.
GAULTIER 7
Vous ferez voz fièvres quartaines !
ROUSINE
Las !
GAULTIER
Hahay ! Esse la façon
Des manches8 ?
ROUSINE
Pour une chanson
Qu(e) avez ouÿ chanter ou dire,
15 Me devez-vous ainsi mauldire9 ?
GAULTIER
Maulx sont maulx10.
ROUSINE
Chansons sont chansons.
Mais ce sont tousjours voz façons.
Mauldicte soit la jalousie !
Je doy bien mauldire ma vie
20 Et l’heure que te fuz donnée :
Je fis une froide11 journée,
Et povoyes bien, ce jour, vestir
Mes bons habitz12 ! Tousjours glatir !
Je ne pourroye ouïr cela.
GAULTIER
25 [À luy]13, à luy ! Ta ty, ta ta !
Pour ung mot, el en dira trente.
ROUSINE
J’ay raison !
GAULTIER
Paix, malpaciente !
Qu’esse, cecy ? Maistre ou varlet,
Je [t’]abaisseray ce caquet
30 Qui est si gros !
ROUSINE
C’est grant dommage
Que je n’endure ce langaige.
Ne me réputez puterelle14 :
Il n’en est point quelque nouvelle.
J’ay aussi bon nom sans diffame
35 Que la meilleure preudefemme
Qui soit point dedans ceste ville.
GAULTIER
Or bien, donc, j’ay failly, ma fille.
Mais se ne vous aimoye bien,
Je ne vous en diroye rien,
40 Vous le povez considérer.
ROUSINE
Aussi, povez-vous bien penser
Que je ne m’en courcerois pas15,
S’il estoit vray16. Voyez le « cas »,
Gaultier.
GAUL[TIER] 17
Je vous en croy, Rousine ;
45 Il fault que ceste cause fine18.
Mais puisqu’il fault du tout parler,
Dont venez-vous ?
ROUSINE
D’où ? Du tessier19,
Là où je l’ay enduré belle20.
J’ay trèsbien fait ourdir ma telle21.
GAULTIER
50 De vray, esse [bien] fine ouvrage ?
ROUSINE
Sur ma foy, Gaultier, il fait raige22 !
Il a si très à point bouté
Le fil23, qu’il ne luy est resté
Que les fondrilles24 seulement.
55 Il vous « ourdist » tant proprement
[Qu’]il n’y a point de fil perdu.
GAULTIER
Est-il ainsi bien entendu25 ?
Sont-ce doubliers26 ou serviètes ?
ROUSINE
Midieux ! c’est bien dit, vous y estes.
60 De toutes sortes j’en devise.
On parle d’euvre de Venise27 ;
Mais j’ouÿ dire à mes parrains
Qu’il n’est ouvrage que de Rains28.
Damas est euvre fort exquise ;
65 Si n’est-elle point tant requise29
Des premiers jusques aux derrain[s]30.
Il n’est ouvrage que de Rains.
Paris, qu’est ville bien assise,
Est fourny d’ouvriers31 (sans faintise)
70 Qui sont tous seurs et bien(s) certain[s]
De faire l’ouvraige de Rains.
GAULTIER
De cela, j’en oste mes mains :
Je ne m’y congnois point32, m’amye.
ROUSINE
Puisque ma « toille » est [bien] ourdie,
75 Le demourant se fera bien.
GAULTIER
Et du payement ?
ROUSINE
Vous sçavez bien
Qu’en devez avoir [des] chemises33 ;
C’est à vous à faire les mises,
Du bon [du cueur]34 la plus loyal[e].
GAULTIER
80 Tant me cousteroit à la Halle.
Or bien, bien, on s’en chevira35.
Sçav’ous36 que me desservira ?
ROUSINE
Nenny.
GAULTIER
De me seoir ung petit37,
Et me frotez38 à l’apétit
85 La teste.
ROUSINE
Or vous séez donc !
Hay avant, vous estes si long39 !
Mon amy, il fault qu’on vous serve40 ?
GAULTIER
Il fault bien que je le desserve41
En temps et en lieu, hault et bas.
ROUSINE
90 Gaultier, vous ne me gratez pas
Où me démengue42.
GAULTIER
Que de vent !
Maidieux ! vous voulez trop souvent
Estre couverte d’ung pourpoint43.
Je me suis assis bien à point
95 En ce lieu pour passer ennuy.
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LE .I. GALLANT,44 en chantant : SCÈNE II
Madame, je vous supply,
Dictes-moy à ung point :
Seray[-je] vostre amy
Ou le seray-je point ?
100 Je croy que je viens bien à point
Pour trouver rencontre de sept45.
Sortira-il rien ? Qui le scet ?
J’espère à trouver quelque proye.
Si46 doit-il venir beste en haye :
105 Le vent y est trèsbon, par Dieu !
Et si, c’est entre chien et leu47.
Je suis, puis trois jours, amoureux.
Hélas ! tant je serois eureux
S’elle venoit, la désirée !
110 À peu que je ne l’ay nommée ;
Sur ma foy, hen ? closes oreilles48 !
Il n’est pas49 que, de tant de veilles
Qu’ay faictes ces nuytz à requoy50,
Quelq’un[e] vienne à bien.51
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LE .II. GALLANT chante : SCÈNE III
Hauvoy52 !
115 Sur la mer, quant trèsfort y vente
Et qu’il y fait trop grant tourmente,
Il y fait dangereux aller.
Je t’ay entendu au parler
De bien loingnet53, par saint Cybart !
LE .I. GALLANT 54
120 Je diroye au moins : Dieu [te] gart !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
LE .I. GALLANT
Quel escailler55 !
LE .II. GALLANT
Quel escouflart56 !
LE .I. GALLANT
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !57
LE SECOND GALLANT
De vray, j’en auroye ma part58.
LE .I. GALLANT
125 Tu auroi[e]s ta malle estraine59 !
Je diroye au moins : Dieu [te] gard !
LE SECOND GALLANT
Je feray ta fièvre quartaine !
Certes, tu as nom Pert-sa-peine
Car, de vray, ton fait60 est perdu.
LE PREMIER GALLANT
130 Il me souffist d’estre repeu
D’ung regard, ou baiser l’annel61.
LE SECOND GALLANT
Ha ! mon filz, tant tu es nouvel62 !
T’apaises-tu de veoir leurs yeulx ?
LE PREMIER GALLANT
Tu en parles com envieux,
135 Foy que doy à saint Pol l’apostre !
LE SECOND GALLANT
Tu dois dire ta patenostre
Pour moy : se t’ay fait le chemin63.
LE PREMIER GALLANT
Est-il vray ?
LE SECOND GALLANT
Tant tu es jényn64 !
LE .I. GALLANT
Nous sommes deux chiens o65 ung os.
140 C’est pour venir à mon propos :
Croy que la vécy bien à point66.
LE .II. GALLANT
[Cr]oys-tu ? Ne te souvient-il point
Des enseignes desur le banc67 ?
LE PREMIER GALLANT
Et ! ouy, vrayement.
LE .II. GALLANT
Je parle franc ;
145 Mais mot68, car il se doit celer !
Et puisqu’il fault du tout parler,
Elle t’ayme pour le caquet.
LE .I. GALLANT
Tu scez qu’en ung petit sachet69
Les bonnes espices y sont ;
150 On scet bien qu’au grant ne seront.
Tu ne sers que de jambayer70.
LE .II. GALLANT
Quant on est sur cest astelier71,
Chascun y fait du mieulx qu’il peut.
Au moins, se d’aventure pleut,
155 Nous les metrons mieulx à couvert,
[Nous, qu’une]72 robe de bon vert
(Com ung aultre la bailleroye).
LE .I. GALLANT
Nous suivrons to[u]sjours ceste voye.
Et s’il vient vermeil73, d’aventure,
160 Il est nostre !
LE .II. GALLANT
Ha ! je t’asseure
Que74 nous aurons bref des nouvelles :
L’oreille m’espoint75.
LE .I. GALLANT
S’ilz76 sont belles,
Onc homme plus joyeux ne fut.
Qu’esse-cy ? Le nez me mengust77 :
165 On parle de moy.
LE .II. GALLANT
Tant mieulx vault.
S’il survient riens78, prens-le d’assault
Et le menons à l’ordinaire !
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GAULTIER 79 SCÈNE IV
Dont vient cecy ? Le luminaire
Me commence à apetisser80.
ROUSINE
170 Aussi, je ne m’en sçaurois taire,
Car vous estes ung espicier81.
GAULTIER
On voit bien à ung vieil mercier
Avoir de belle marchandise82.
ROUSINE
Nul ne doit en83 officïer
175 S’il n’en scet l’usaige et [la] guise.
GAULTIER [chante :]
J’ay prins amour à ma devise84
Pour conquérir joyeuseté.
ROUSINE
Vous avez mal la table mise,
Ou ung souper mal apresté.
GAULTIER
180 Corps bieu ! je suis bien apointé85.
Hay avant ! partez86, çà, Rousine :
Il fault reporter ma botine
Au savetier, et que l’entrée
De87 la chose luy soit monstrée.
185 Regardez : j’ay ce pié enflé,
[Et] l’autre aussi.
ROUSINE
C’est bien ronflé88 !
Vous mocquez-vous ?
GAULTIER
Se je me mocque ?
Maulgré en ait la nicque-nocque89 !
Regardez en quel point j’en suis.
ROUSINE
190 Voulez-vous qu[e j’]atende à l’huis
Tant qu’il ait fait ? Que l’en m’informe :
Les feray-je bouter en forme90
Affin que puissent eslargir ?
GAULTIER
Ouy dea. Et qu’il garde le cuir91 :
195 C’est cordouen92, il est bien tendre.
ROUSINE
(Puisqu’il les me fauldra attendre,
Je hanteray93 tousjours l’ouvrier.)
GAULTIER
Allez, courez com un lévrier,
Hastez-vous !
ROUSINE
Ha ! je vous asseure
200 Qu’il en prendra bien la mesure94,
À ceste fois.
GAULTIER
Or allez avant !
ROUSINE
Et que ferez-vous, ce pendant ?
GAULTIER
Je ne sçay.
ROUSINE
Recousez vos chausses.
GAULTIER
Vray Dieu, qu’il est de femmes fauces95 !
205 Par le sacrement de l’autel !
Qui seroyt cent en ung ostel96,
El97 les embesongneront bien,
Seurement, sans vous celer rien.
En une esguillée de fil,
210 [Vous mectriez]98 un petit de mil !
ROUSINE 99
Tenez ! Et se vous avez fait100
Devant que l’ouvrier ait parfait101,
Rongnez102 voz ongles, mon amy !
GAULTIER
Qu’il n’y face pas à demy103,
215 Que ne104 soit à recommancer.
ROUSINE
Je luy feray bien affoncer105
La « forme » dedans, çà et là,
Tant que le « cuir » s’eslargira.
Il m’en pourra bien souvenir.
GAULTIER
220 Allez ! Faictes qu’au revenir,
J(e) y entre [bien] sans chaussepié106.
Se vous trouvez, lez107 ung treppié,
De ces mondains, de ces riveulx108,
Ne me caquetez point à eulx :
225 Vous n’en amenderiez [en] rien109.
ROUSINE
C’est tout fin vray, vous dictes bien.
GAULTIER
Allez, que santé Dieu vous doint110 !
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LES DEUX GALLANS AMOUREULX, en chantant :
Point, point, point, point, point, point, SCÈNE V
Il n’y en a point :
230 De persil en no(z) jardrin(s)111 n’y a point.
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GAULTIER 112 SCÈNE VI
Je ne sauroys serrer ce point :
Mon esguille113 ne veult entrer.
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ROUSINE SCÈNE VII
Comment Gaultier est bien empoint114 !
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[ GAULTIER SCÈNE VIII
Je ne sauroys serrer ce point. ]
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LE PREMIER GALLANT 115 SCÈNE IX
235 Que dis-tu ?
LE SECOND GALLANT
Ce fust bien à point,
Qui peust qui que soit rencontrer116.
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GAULTIER SCÈNE X
Je ne sçauroys serrer ce point :
Mon esguille ne veult entrer.
Cest ouvraige est à [re]serrer117.
240 Je ne le sauroys pas serrer118.
Trut avant119 ! Je prens sur mon âme :
L’esguille [re]semble à ma femme ;
Elle a mauvais cul, vrayement.
N’y est-elle point120 ? Quel tourment
245 S’elle eust ouÿ dire ces motz !
M’a-el121 pas baillé en propos
Qu’il me fault mes ongles rongner ?
Corps bieu ! j’ay bien122 à besongner ;
Je n’auray mais en pièce fait123.
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LE .I. GALLANT, en sifflant 124 : SCÈNE XI
250 Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE .I. GALLANT 125
Ouy, laisse venir,
Parle bas, vécy nostre fait. En sifflant : 126
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea sire, beau sifflet !
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ROUSINE,127 [en chantant :] SCÈNE XII
Hélas ! Mon bon amy parfait,
255 Le pourray-je jamais tenir ?
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LE PREMIER GALLANT, en sifflant : SCÈNE XIII
Hon, hon, hon !
LE SECOND GALLANT
Bien, dea, beau sifflet !
Voy-tu rien ?
LE PREMIER GALLANT
Ouy, laisse venir !
Chantons pour voir son maintenir128
Et sa façon, et sa manière.
Adonc ilz chantent tous deux ce qui 129 s’ensuyt :
260 Je ne130 seray jamais bergère ;
Quérez qui le sera pour moy131.
Ce sera pour m’oster d’esmoy,
Car je vueil estre mariée.
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ROUSINE SCÈNE XIV
(Benoiste Royne couronnée132 !
265 Ces133 deux marchans m’ont apperceue.
Par ma foy, j’en suis bien déceue134.
Il me fault tirer autre train135.)
LE PREMIER GALLANT
Revenez [cy] !
LE SECOND GALLANT
Çà, ceste main136 !
ROUSINE
Je congnois trop vostre demeure,
270 Je ne vous quiers point137.
LE PREMIER GALLANT
Est-il heure
Que gens de bien soient par pays138 ?
ROUSINE
Nous ne sommes point gens haïs
De noz voisins, ne sus ne soubz139,
Mon mary ne moy, oyez-vous ?
275 Qui me gard140 nuyt et jour [d’]aller
Sans chandelle, sans en parler141,
Com une bonne preude femme ?
LE SECOND GALLANT
Personne que vous ne vous blasme.
Nous vous congnoissons bien, voisine :
280 Ne vous nommez-vous pas Rousine,
Femme de Gaultier Le L[a]isant142 ?
ROUSINE
Et en vaulx-je pis ? Dieux avant143 !
Qu’en dictes-vous ?
LE SECOND GALLANT
Le cas est tel :
Pour144 frapper souvent du « coustel »,
285 Vous tenez voulentiers franchise145.
LE PREMIER GALLANT
Je croy bien, s’elle ayme l’église,
C’est à cause de la frarie
En quel main est la librairie
Des Augustins146.
ROUSINE
Quelz gens de bien !
290 Je vous pry, ne me dictes rien !
Vous ne sçavez à qui parlez147.
LE SECOND GALLANT
À une femme.
ROUSINE
Or allez,
Et ne me dictes point d’injure,
Ou je voue à Dieu148, et [je] jure
295 Que je vous feray adjourner149 !
Quoy ? Me voulez-vous destourner
D’aller ?
LE PREMIER GALLANT
D’aller ? Allez aux loups150 !
ROUSINE
Ce n’est point vïande151 pour vous :
Je ne suis point vostre cheval152.
LE SECOND GALLANT
300 C’est trèsmal fait d’en dire mal,
Quant on n’y a point veu que153 bien.
J’entens le cas : qui ne dit « tien154 ! »,
Il n’est jamais bel appellay155.
LE PREMIER GALLANT
Fault-il que cecy soit celay ?
305 Vous souvient-il point du gallant
Dont vous eustes le dyament,
Et luy baillastes de la muse156 ?
ROUSINE
Qui, moy ?
LE SECOND GALLANT
Pour bailler d’une ruse,
Il n’en est point de tel ouvrière.
ROUSINE
310 Moy, mon amy ?
LE PREMIER GALLANT
[Vous] toute entière,
Sans aultre157.
ROUSINE
Ha, que c’est mal158 dit !
LE SECOND GALLANT
De Dieu soys-je treffort mauldit
Se ce n’estoit vous en personne159 !
ROUSINE
Il ne fault point qu’on m’en blasonne160
315 En ce point, car vous me prenez161
Pour une autre.
LE SECOND GALLANT
Tant que vouldrez.
Mais vous fistes162 le personnage.
ROUSINE
Et puis, se l’ay fait, quel dommage ?
Que vous chault ? Ce n’est rien du vostre163.
LE PREMIER GALLANT
320 Le confessez-vous ?
ROUSINE
Ouy, voir164.
LE PREMIER GALLANT
Nostre165 !
Qu’esse-cy, en vostre giron ?
ROUSINE
Que c’est ? Et ! c’est mon chapperon
Que [je] porte à la presseresse166.
LE PREMIER GALLANT
Escoutez ung mot, ma maistresse,
325 En l’oreille.
ROUSINE
Parlez tout hault.
LE SECOND GALLANT
Dictes privé(e)ment, ne vous chault :
Je ne vous escouteray167 pas.
LE PREMIER GALLANT
Arrière ung peu168 !
Vécy le cas :
Je sçay trèstout, et si, suis ferme169
330 De long temps. Mectez-moy ung terme170,
Je suis seur.
ROUSINE
Ha, tout seroit perdu !
LE PREMIER GALLANT
N’en parlez plus, dictes le lieu.
ROUSINE
Mais vous, car je n’y congnois aage171 ;
Oncques fillette(s) de village
335 Si ne fut aussi nouvellette.
LE PREMIER GALLANT
À l’Hostel 172.
ROUSINE
Je seray tost preste
À [huit heures]173. Mot !
LE PREMIER GALLANT
Je suis saige.
Baillez-moy quelque simple gaige
Pour plus tost venir au lieu dit.
ROUSINE, en luy baillant une botine :
340 Tenez, mus[s]ez-lay174 !
LE PREMIER GALLANT
Il souffist.
Et se mon compagnon vous touche175
Que j’ayes dit, taisez176 vostre bouche,
Car je ne luy en diray rien.
ROUSINE
Ce sera fait d’homme de bien.
345 Je ne seray pas si baveuse177.
LE SECOND GALLANT
(Elle fait de la dangereuse178.)
Et puis, à quoy tient ce marché ?
Qui vouldra, j’en seray chargé179.
ROUSINE
Il me parloit de ma cousine
350 Qu’il congnoist.
LE .I.180 GALLANT
C’est bien dit, Rousine !
LE . II.181 GALLANT
Vous m’entendez bien ?182 Ha, finart !
Vous contrefaictes le regnart183 :
Vous en voulez aider184 tout seul.
Çà, ung mot !
LE .I. GALLANT 185
(Il luy fait grant deul
355 Qu’il ne le scet186. Que mal feu l’arde187 !
Mais non pour tant, il n’en a garde188 :
Il auroit plustost de la lune189 !
J’ay enseignes190, moy : c’est pour une191.)
LE .II. GALLANT
Or çà ! Or disons, belle dame
360 Qui faictes de la preude femme :
Vostre asseurance192 est esgarée.
On congnoit trop vostre derrée193.
Vous est-il point advis que j’aye
En mon beau mouchouèr monnoye194,
365 Ou de bon or quelque freluche195 ?
ROUSINE
Je ne regarde [ne] n’espluche196
Les gens de si près, vélà tout.
LE .II. GALLANT
Il fault commencer par ung bout.
Pour ce qu’ayme [trop] vostre honneur,
370 Ung mot vous diray de bon cueur :
Ne vous fiez pas en chacun.
ROUSINE
Comme quoy197 ?
LE .II. GALLANT
Nous sommes trop d’ung198 ;
C’est mon compaing(s), m’amye chière,
Qui a la langue trop légière.
375 Je [le] vous dy pour abrégier.
ROUSINE
Si n’y a-il point de dangier
En parolle que me dist huy199.
Mais nonobstant, c’est dit d’amy ;
Humblement je vous en mercie.
LE .II. GALLANT
380 Sçavez-vous de quoy je vous prie ?
C’est qu’au lieu duquel je vous vis
Yssir il y a des jours six200,
Vous trouverez dedans [ma main]201
[À] huit heures. Or çà, vostre main202 !
385 Le ferez-vous ?
ROUSINE
Par trop envis203
J’escondiroies ung si beau filz204.
Mais gardez qu’âme205 n’y survienne,
Affin que pis ne nous en vienne,
Car mon honneur seroit forfait.
LE SECOND GALLANT
390 [Qu’il] n’y ait faulte206 !
ROUSINE
Il sera fait,
Mais [en] secret.
LE SECOND GALLANT
Tant de fois dire !
ROUSINE 207
Tenez : mussez cecy, beau sire !
Affin de plus tost m’y trouver,
Pour gaige [en] aurez ce soulier.
395 Mais à vostre compaignon, mot !
LE SECOND GALLANT
Non, non, je ne suis pas si sot.
Partez tost sans plus de frestel208.
LE .I. GALLANT
Où retournez-vous ?
ROUSINE
À l’hostel209.
Dieu vous doint bon soir, mon mignon !
LE .I. GALLANT
400 Rousine !
ROUSINE
Adieu, compaignon !
Je m’en vois210 sans plus en parler.
LE .I. GALLANT
Mais en quel lieu ?
LE .II. GALLANT
Laisse-l(a) aller,
Et puis nous dirons du meilleur.
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ROUSINE SCÈNE XV
Ha, mon Dieu ! Et, quelz gens d’honneur !
405 Je suis eschappée piedz joincts211.
De forte fièvre soient-ilz oingz212 !
Destourbée [ilz] m’ont213 ; ne m’en chault.
J’alloye — parlé-je point trop hault ? —
Où j’eusse gaigné une panne214,
410 En ung lieu… Mais j’en suis [bec-jaune]215.
[Et] que pourray-je à Gaultier dire
De ses botines ? C’est pour rire !
Il m’en fera bien grant brairie216.
Trouver fault quelque tromperie,
415 Puisque j’aprouche du logis.
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GAULTIER 217 chante. SCÈNE XVI
Il est temps de fermer son huis.
Viendra-el point ? C’est à demain218 !
El me baille bien du plantain219.
Je me feray mes chausses tondre220.
420 Je requier Dieu qu’elle puist fondre !
Mais que ce soit ains qu’il soit nuyt221,
Je n’y voy goute ; qui y vist222 ?
Il fault que couse [sans lunettes]223.
Vécy des coustures bien faictes :
425 J’ay mis la pièce auprès du trou224 !
J’en suis tout tanné. [Brou, ha]225, brou !
J’ay autre chose à besongner :
Car il me fault mes ongles rongner.
Il m’y fault prendre par bon désir226.
430 Je cuyde que j’aye tout loisir :
C’est bien demouré227 ! Quel prouffit ?
J’attendray encor un petit228.
.
LE .I. GALLANT SCÈNE XVII
Dy-moy vérité et soyes ferme229 !
LE .II. GALLANT
Si feray-je bien, dea ! J’ay terme230.
LE .I. GALLANT
435 Tout cela, ce n’est que du moins231 ;
J’ay plus fort.
LE .II. GALLANT
Quoy ? Estraint les mains,
Ou marché sur le pié232 ?
LE .I. GALLANT
Nenny[n].
LE SECOND GALLANT
Ma foy, je te tiens pour jényn
Tout au long ! Tu n’y congnois aage.
440 J’ay bien dit.
LE .I. GALLANT
Ce n’est que langage ;
Mais moy, j’ay enseignes certaines.
LE SECOND GALLANT
Se c’estoient fièvres quartaines,
Mon filz, tu n’en tremblerois jà233.
T’y fies-tu ?
LE .I. GALLANT
Es-tu à cela
445 Toy-mesmes ? Es-tu bien fort beste !
Dea, dea, n’en baisse jà la teste :
Tu n’as garde du horion234.
LE .II. GALLANT
Tu en es bien !
LE PREMIER GALLANT
Quelle raison ?
As-tu enseignes ?
LE .II. GALLANT
Ouy, vrayement.
LE .I. GALLANT
450 Monstre235 !
LE SECOND GALLANT
Mais toy !
LE PREMIER GALLANT
Là premièrement236 !
LE .II. GALLANT
Non feray : tu en bouteras237.
LE .I. GALLANT
Ha ! de vray, tu te gasteras238
Bien tost, se tu es le premier.
LE .II. GALLANT
Bien. Se tu y vas le dernier,
455 Ce sera pour les grâces dire239.
Scez-tu quoy ? Tu me feras rire.
LE PREMIER GALLANT
De quoy ?
LE SECOND GALLANT
Tu es loing de ton compte.
.
ROUSINE 240 SCÈNE XVIII
Dieu gard !
GAULTIER
Et ! n’avez-vous pas honte,
Belle dame, de mettre tant ?
460 Je me vois icy desbatant241
Tout seul, sans voisins ne voisines.
Et puis, quoy ? Où sont mes botines ?
ROUSINE
Chez l’ouvrier. J’ay parlé à luy :
Avoir ne les pouvez, mèshuy242,
465 Jusques à demain au matin.
GAULTIER
Qu’avez-vous trouvé en chemin ?
Par Dieu ! c’est trèsmal labouré243.
ROUSINE
Pourquoy ay-je tant demouré ?
Il fust pour vous saison244 de boire.
GAULTIER
470 J’ay recousu mes chausses.
ROUSINE 245
Voire,
Je cuide qu’ilz soient presque bien…
GAULTIER
M’ai dieux246 ! je n’y congnois247 plus rien,
Sans lunettes. Mot n’en hongnez248 !
ROUSINE
Et puis ? Sont voz ongles rongnéz ?
GAULTIER
475 J’ay fait vostre commandement.
Soupperons-nous point ?
ROUSINE
Ouy, vrayement.
La table est [mise] en la cuisine,
Là-bas.
GAULTIER
C’est bien parlé, Rousine.
Mes botines ?
ROUSINE
C’est à demain.
GAULTIER
480 Devant249 !
ROUSINE
Je vois quérir le pain
Et veoir se la vïande est cuitte.250
.
GAULTIER SCÈNE XIX
Pleust à Dieu que [j’eusse visite]251,
Et [qu’]ung bon cordonnier252 fust nostre !
Je m’iray coucher en apostre253,
485 Aujourd’uy, piedz nudz ; c’est raison.
C’est celle de nostre maison254
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
De coucher il n’est pas saison255.
C’est celle de nostre maison
490 Qui m’apaise de son blason256.
Celle ne craint que j’aye froidure257.
C’est celle de nostre maison
Qui joue ses jeulx. Mais quoy ! j’endure.
.
ROUSINE 258 SCÈNE XX
[Sont-ilz]259 point party ? Trop m’y dure.
495 S’il260 le sçavoit, d’ung an entier,
Soyez certains, par saint Régnier,
Je n’auroyes bien261 ! Vélà le cas.
Ilz sont aussi262 froiz que verglatz.
Quelz gorgïas ! Quelz galeretz263 !
500 Ce sont varletz dimencheretz264,
Des « sept au blanc265 ». Quelz paladins !
Et puis ilz266 cuident estre fins ;
Mais je suis encore plus fine,
Car ilz en ont de la botine267
505 Tout du long. J’en cheviray bien268
À Gaultier ; cela, ce n’est rien,
Car je sçay bien où on les vent269.
Je luy en baille270 bien souvent,
Dont il ne n’en dit pas grant mercis.
510 Je croy que Gaultier est assis271 ;
Je m’en voys, car il luy ennuye272.
.
LES DEUX GALLANS, en chantant : SCÈNE XXI
Dieu doint très bon soir à m’amye ! 273
LE SECOND GALLANT
Or me dy (se Dieu te doint joye),
Par quelque point ou quelque voye,
515 Le lieu où elle t’a promis,
Veu que nous sommes tant amys
Et sçavons assez l’ung de l’autre.
LE PREMIER GALLANT
Sçauroys-tu en faire le274 peaultre ?
[LE SECOND GALLANT]
Me diras-tu point vérité ?
520 En me promectant ta loyaulté,
Comme ung [bon] compaignon doit faire,
Diras275 le lieu de son repaire
Où elle t’a dit.
LE PREMIER276 GALLANT
Seurement
Le te diray bien loyaulment,
525 Sur ma foy !277 Sces-tu le logis
Où nous mengeasmes les mauvys278 ?
LE SECOND GALLANT
De vray ? À peu que ne le croy !
LE PREMIER GALLANT
C’est léans279.
LE SECOND GALLANT
Je jure ma foy
Qu’au dit lieu el m’a baillé terme
530 À huit heures.
LE PREMIER GALLANT
Quoy ?
LE SECOND GALLANT
Qu’elle est ferme280 !
[LE PREMIER GALLANT]
À quelz enseignes ?
LE SECOND281 GALLANT
D’ung soulier
Que vécy.
LE PREMIER282 GALLANT
C’est pour affoller283 !
Et j’en [ay] eu une botine.
LE SECOND284 GALLANT
Montre çà !285 C’est tout ung.
LE PREMIER GALLANT
Rousine,
535 Ha ! vous jouez d’ung grant mestier286.
Ce sont les botines Gaultier.287
LE SECOND GALLANT
Seurement nous en avons d’une288 !
Se la rencontre sur la brune289…
El dira par chacun quartier
540 Que j’ay des botines Gaultier.
LE PREMIER GALLANT
Par le sang bieu, nous l’avons belle !
Elle est une faulce290 femelle.
Je cuidoys estre tout routier291,
Mais j’ay des botines Gaultier.
545 Je vous pry [que] n’en dictes mot.
LE SECOND GALLANT
[Par] sainct Jacques ! il y fait sot292,
[Qui l’andosse a]293 ung jour entier !
Sert-el des botines Gaultier ?
LE PREMIER GALLANT
Mot, bon gré saint Gris ! Qui sauroit
550 Nostre cas, chacun nous huroit294.
El nous a, comme ung bast[el]ier295,
Baillé les Botines Gaultier.
LE SECOND GALLANT
S’il est sceu par quelque sentier
Qu’i nous soit advenu cecy,
555 Comme des Gallans sans soucy296,
Des Gaudisseurs297, des Bas-perséz298
Ou Joyeulx-mondains299, c’est assez
Pour estre raillé une année.
LE PREMIER GALLANT
Ceste cause est assez menée ;
560 N’en parlons plus, allons-nous-en[t]300
Nous deulx, par derrière, coyement301.
Dy-je bien ?
LE SECOND GALLANT
Ouy. Sus, sus, à tout302 !
Il en fault saillir303 par ung bout.
Temps est de faire départie304.
565 À Dieu command305 la compaignie !
.
EXPLICIT
*
.
BALADE 306
.
En mon chemin, je rencontray,
Ainsi que chassoye marée307,
Une bourgoise qui, pour vray,
Cuidoit bien faire la serrée.
5 Je luy dis : « M’amye, quel desrée308
Portez-vous en vostre pennier309 ? »
Elle respond à la vollée :
« Ce sont les botines Gaultier. »
.
« –Dame, s’il vous plaist, j’assayeray310
10 S’ilz sont d’entrée assez serrée.
–Ha ! (dist-elle), je n’oseray,
Car à mon mary pas n’agrée.
Je seroye par luy dévourée.
S’il les vous convient assayer311,
15 Gardez-vous d’agrandir l’entrée :
Ce sont les botines Gaultier. »
.
Tout du premier coup y entray,
Tant estoit l’entrée cavée312 ;
À bien pou que n’y demouray313,
20 Tant y fis longue demourée.
Je n’y trouvay fons ne ryvée314
Mains qu’en ung housel315 tout entier.
Ce fut donc vérité prouvée :
Ce sont les botines Gaultier.
.
25 Prince, ma jambe y fust entrée
De plain bont et sans varier316 !
Je luy ditz, quant l’euz assayée :
« Ce sont les botines Gaulthier ! »
*
1 Ses deux éditeurs modernes l’ont crue parisienne ; je donnerai donc en note les éléments de preuves qui témoignent en faveur de son origine normande. 2 Elle entre dans la maison, où son mari est déjà, mais elle ne le voit pas encore. Sa chanson est inconnue. 3 « S’y me faisoyt desloyaulté. » (La Veuve.) L’éditeur a comprimé ces deux vers en croyant qu’ils faisaient partie de la chanson en heptasyllabes. Les deux vers dont il est question sont dits en aparté. 4 Ses paroles. 5 Lutter = coïter. Cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 240. 6 F : me restraindray (Je me réjouirai. « C’est un vent chault, en vérité,/ Plus que le soleil en esté :/ Y vous faict esmouvoir les vaines (…),/ Faict metre homme et femme ensemble. » Sermon joyeux des quatre vens.) 7 Il surgit devant Rosine et la frappe. 8 Cette vieille expression veut dire : Est-ce la nouvelle mode ? « Les gens sachans mascheront ces groseilles [avaleront ces couleuvres] :/ Soit tort ou droit, c’est la façon des manches. » Henri Baude. 9 Le Ribault marié chante aussi une chanson d’amour dans laquelle sa femme voit l’aveu de son infidélité. Il lui répond : « Se je chante en moy esbatant,/ Doy-tu penser en mal pour tant ?/ Et n’oseray, pour jalousie,/ Chanter ? » 10 Il y a là un jeu de… maux. 11 Une mauvaise. « Que Dieu t’envoit froide journée ! » Mystère de saint Vincent. 12 Mes habits de fêtes. Glatir = glapir, aboyer. 13 F : Autre (À l’attaque ! « À luy, à luy ! Rapporte fort ! » Le Roy des Sotz.) Les onomatopées qui suivent stigmatisent le bavardage féminin, comme au vers 79 du Pèlerinage de Mariage. « (Elles) vous ont les langues légières…./ “Ty ty, ta ta”, douze pour treize./ Ilz [Elles] ont plus de babil que seize. » La patience des femmes obstinées contre leurs maris. 14 F : point pour telle (« Allez vous chier, puterelle ! » Ung jeune moyne.) 15 F : point (Que je n’en serais pas courroucée.) 16 S’il était vrai que vous m’aimiez. Double sens inaudible pour ce balourd de Gautier : S’il était vrai que je sois une puterelle. De plus, le cas désigne le sexe de la femme : cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 5 et note. 17 À partir d’ici, F abrège souvent les rubriques ; je ne le suivrai pas. 18 Que ce procès finisse. 19 De chez le tisserand. 20 Où j’ai patienté longtemps. 21 Tisser ma toile, comme au vers 74. Le va-et-vient du métier à tisser se prête aux métaphores érotiques. À partir de maintenant, Rosine va se cantonner dans un langage parallèle à celui de son lourdaud de mari : tout ce qu’elle va dire est truffé d’allusions sexuelles qu’il ne soupçonnera pas. 22 C’est un bon amant. Cf. Raoullet Ployart, vers 31 et 147. 23 Mis son sperme, contenu dans ses pelotes [testicules]. « –J’ai là du fil/ Dont je vais vous coudre et recoudre/ Votre honneur…./ Oh ! parbleu, je n’ay plus de fil./ –Méchant menteur, tu n’en as plus ?/ Ces deux pelotons que j’ay vus,/ Qu’en as-tu donc fait ? » Piron. 24 Que le dépôt du fond. 25 Est-il si expert ? 26 A-t-il tissé des nappes ? 27 De broderie à la mode vénitienne. Les autres villes citées ont également leur manière de broder le linge. Mais Rosine parle évidemment de l’œuvre de nature, de l’œuvre de chair. 28 De Reims, mais aussi de reins. Comme l’a signalé Félix Lecoy, les vers 61-68 doivent beaucoup à une ballade écrite par Jean Régnier en 1445 : « Vous blasmez l’œuvre et l’ouvrage/ De Damas, de Troyes, de Venise/ Et de Paris* la bien assise ;/ Vous ont ce apris voz parrains ?/ La jeune dist : “Rien ne les prise [je n’en tiens aucun compte]./ Il n’est ouvrage que de Reins.” » *La mention de Paris n’est donc pas le fait de notre fatiste rouennais. 29 Pourtant, elle n’est pas si recherchée. 30 Jusqu’aux derniers. Voir le Glossaire du patois normand, de Louis Du Bois, le Dictionnaire du patois normand, d’Édélestand et Duméril, etc. 31 De coïteurs. Idem vers 197 et 212. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 379 et note. On scande ou-vrier en 2 syllabes. 32 Double sens involontaire : Je n’y connais rien en matière de coït. Non seulement Gautier reste imperméable aux sous-entendus grivois de Rosine, mais en plus, il accumule des équivoques érotiques sans même s’en apercevoir. 33 Rappel de l’expression « avoir la chemise de Bertrand » : se contenter des restes dont un autre ne veut plus. Si le mari des Amoureux qui ont les botines Gaultier se nomme Gautier, celui du Dorellot aux femmes qui en a la chemise Bertrand se nomme Bertrand. Dans les deux pièces, les prétendants éconduits par la dame héritent d’un accessoire vestimentaire appartenant à l’époux. Nos Amoureux concluent avec amertume : « J’ay les botines Gaultier. » Le Dorelot, lui, sort en méditant ce refrain désabusé : « J’ay donc la chemise Bertran. » 34 F : bout de (« Du bon du cueur vous baiseray. » Satyre pour les habitans d’Auxerre.) C’est à vous de faire, en toute sincérité, l’offre la plus loyale. Les prix n’étant pas fixes, l’acheteur marchandait, comme dans la scène du drapier de la farce de Pathelin. 35 Je me débrouillerai. 36 F : Scauez vous (Comme d’habitude, l’éditeur a parisianisé les formes normandes.) Savez-vous ce qui me serait utile ? 37 De m’asseoir un peu. 38 F : froter (Voir la note 147.) Et que vous me grattiez la tête pour mon plaisir. Les séances d’épouillage faisaient partie du quotidien. Toutefois, Gautier commet encore un double sens involontaire : Frotter la tête à quelqu’un, c’est le battre. Cf. Saincte-Caquette, vers 269. 39 Allons, vous êtes si lent ! 40 Vous me prenez pour votre servante ? Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 41. 41 Que je mérite que vous me grattiez la tête. Et pour le mériter, Gautier gratte le dos de Rosine. 42 Où cela me démange : ce n’est pas dans le dos… On reconnaît le « g » dur normanno-picard, comme au vers 264. 43 Par un homme. C’est ainsi que la mère de Jénin filz de rien conçut son enfant : « Une jacquette/ Estant sur moy, et ung pourpoint. » 44 Il est dehors, seul. Sa chanson est inconnue. 45 Coup favorable, aux dés. « L’autre coup, lui coucha de sept./ “Rencontre ! Voire, bien me plaît.” » Eustache Deschamps, le Dit du gieu des déz. 46 F : Sil (Aussi.) Le galant, tout comme le Faulconnier de ville, traque la bête féminine, et parle d’elle en termes cynégétiques. On tire souvent ce gibier dans une haie : « En l’ombre d’une haye,/ Nous ferons nostre tripotaige. » Régnault qui se marie. 47 Et aussi, nous sommes entre chien et loup, entre l’après-midi et le soir. Le chasseur est donc moins visible. 48 Vous n’avez rien entendu ! Ce vers s’adresse au public. 49 Il ne se peut pas. 50 En embuscade. 51 F met ici le début de la chanson du 2ème Galant : hauuoy / Sur la mer 52 Cette interjection n’est pas réservée aux marins ; on la trouve notamment dans une chanson de Serre-porte (vers 13). Nous avons ici la fin des Fillettes de Montfort, une chanson normande du manuscrit de Bayeux : « Hauvoy ! sus la mer, quant il vente,/ Il y faict dangereux aller. » Ces 2 mêmes vers seront repris dans une fricassée du Chansonnier de Dijon. Cela prouve que l’éditeur a amplifié cette vieille chanson qu’il ne connaissait pas pour égaliser la versification de la farce, où les paroles initiales étaient obligatoirement chantées, alors que les nouvelles ne sont plus chantables, si l’on en juge par les deux partitions. 53 Je t’ai reconnu de loin à ta voix. Le juron qui suit est entré dans la littérature polissonne sous la forme : « Par la dague S. Sibard ! » Noël Du Fail. 54 Il relève l’impolitesse de son camarade, qui ne l’a pas salué. 55 F : escaillet (Un écailler est un marchand d’huîtres. Cette profession ne devait pas être mieux considérée que celle de harengère.) 56 L’écoufle est un milan, un oiseau de proie. Ce mot étant déjà une insulte (Guillerme qui mengea les figues, v. 88), le suffixe péjoratif -ard n’arrange rien. Remarquons que l’injure vise un prétendu fauconnier. 57 F répète dessous : Quel escaillet 58 De ta « désirée ». Les deux rivaux chassent sur les terres l’un de l’autre, comme ils le feront pour Rosine. 59 Une mauvaise fortune. Cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 103. 60 Ton effort pour conquérir cette femme. 61 F : lamiel (Un amant courtois baise l’anneau que lui a donné sa dame, laquelle en fait autant avec l’anneau de son amant. Cette symbolique sexuelle perdure avec l’alliance des nouveaux mariés, dans laquelle on enfile un doigt.) « Ung anel qu’elle avoit en son doy…. Si le baisa doulcement pour l’amour de lui. Mais elle se print ung peu à hontoier, car il lui ala souvenir qu’elle n’estoit point pucelle, et que digne n’estoit de baiser l’anel. » Le Roman de Perceforest. 62 Jeune, niais. (Nous aurons la forme féminine à 335.) Le 2ème Galant est plus âgé que son comparse, qu’il nomme encore « mon fils » au vers 443. Ce dialogue sur les femmes entre un adulte condescendant et un jeune irrespectueux rappelle Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 63 Tu peux me remercier, je t’ai « ouvert la voie » en déflorant ta désirée. 64 Naïf. Même insulte à 438. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 254. 65 Avec. L’éditeur a omis de remplacer ce particularisme normand. Cf. les Esbahis, vers 215 et note. 66 La femme que je convoite est mûre pour être cueillie. 67 Des enseignes qu’elle t’a données quand vous étiez assis sur le banc. L’enseigne, qui est le moteur de notre farce, est un signe, visible ou audible, donné à une personne pour lui garantir qu’on va faire ce qu’on lui a promis. 68 N’en disons plus un mot ! Idem vers 337 et 395. 69 L’éditeur a parisianisé le normand saquet, qui était la rime riche de caquet. Cf. la farce rouennaise de Messire Jehan, vers 351. 70 Qu’à faire les cent pas sous la fenêtre de ta belle. 71 Sur ce chantier. L’atelier désigne également le sexe d’une femme : cf. Frère Guillebert, vers 27. 72 F : Pour une (En étant couchés sur elles, nous les protégerons mieux de la pluie.) Le vair est une fourrure d’écureuil. 73 Et si en plus la femme nous donne de l’or. Beaucoup d’hommes trouvaient normal de se faire entretenir ; voir par exemple les vers 213-6 de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 74 F : Car 75 Me pique : j’ai la puce à l’oreille. 76 Si ces nouvelles. Même normandisme à 471, et au vers 10 de la Ballade. 77 Me démange. On croyait à ces signes prémonitoires. Nous disons encore que l’oreille doit siffler à quelqu’un dont on parle en son absence. 78 S’il survient un sexe de femme. 79 Il tente, mais vainement, d’enfiler ses bottines. 80 « Quand quelqu’un a perdu la vue, soit par excès d’étude ou de débauche, on dit qu’il a usé son luminaire, qu’il a perdu son luminaire. » (Le Roux.) Voir les vers 422 et 472-3. 81 Un épi scié, un impuissant qui ne peut enfiler ma « bottine ». Cf. les Sotz nouveaulx, vers 230 et note. 82 Un bon pénis. « Puis ta marchandise/ Metz en son “cabas” !/ Lève sa chemise,/ Rembourre son bas ! » L’Amoureux passetemps. 83 F : estre (Nul ne doit user de sa marchandise.) « Ainsi n’est-il de ton bragmard [braquemart] : car par discontinuation de officier et par faulte de opérer, il est, par ma foy, plus rouillé que la claveure d’un vieil charnier. » Rabelais, Tiers Livre, 23. 84 Célèbre chanson. Voir la note 93 d’Ung jeune moyne. 85 Bien traité par vous. Double sens involontaire : Je suis bien érigé. 86 F : parlez (Voir le v. 397.) 87 F : Et (L’entrée de la bottine.) Double sens involontaire : la « chose » désigne la vulve. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 368 et note. 88 C’est bien dit (ironique). « C’est bien ronflé ! Vostre preschier n’y vault. » E. Deschamps. 89 Maudite soit la moquerie ! Double sens involontaire : Maudite soit la copulation. « –Avez-vous joué ce jeu-là/ Qu’on appelle la nicque-nocque ?/ –J’ay joué à planter la broque/ Au fin plus près de mon cu. » Farce de Quattre femmes, F 46. 90 Mettre sur la forme en bois qui les élargira. Rosine prête au mot « forme » une connotation phallique, comme au vers 217. 91 Qu’il y prenne garde, qu’il y fasse attention. Double sens involontaire : le cuir désigne le pubis féminin, comme au vers 218. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 25 et 55. 92 Du cuir de Cordoue. Double sens involontaire : le cordouan désigne le pubis féminin. « Car pour monstrer d’estre courtisiennes,/ Elles faisoient valloir leur cordouen. » Débat des dames de Paris et de Rouen. 93 Je fréquenterai sexuellement. Cf. la Veuve, vers 92. Ces deux vers sont dits en aparté. 94 La taille de mon vagin. « Mesure de Saint-Denis, plus grande que celle de Paris : grande nature de femme. » Antoine Oudin. 95 Fausses, perfides. Idem vers 542. 96 S’il y avait cent hommes dans une maison. 97 F : Et (Elles les obligeront à « besogner », avec un double sens involontaire sur ce dernier mot. Cf. le Dorellot, vers 229.) 98 F : Ou mectre (Vous réussiriez à faire passer un grain de millet par le chas d’une aiguille. « Un homme apris à jetter de la main un grain de mil avec telle industrie que, sans faillir, il le passoit tousjours dans le trou d’une esguille. » Montaigne.) 99 Elle passe très facilement le fil dans l’aiguille de son époux, et la lui tend. 100 Si vous avez fini de recoudre vos chausses. 101 Avant que l’ouvrier n’en ait terminé avec moi. 102 Coupez. Au second degré, « rogner ses ongles » signifie : se ronger les ongles d’impatience. Et Rosine a bien l’intention de faire patienter son mari. 103 Que le savetier ne fasse pas les choses à moitié ! 104 F : ce 105 Enfoncer. 106 Gautier ne se rend pas compte que cette expression appartient au registre érotique : cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 24-25. 107 F : la (Lez un = près d’un. « Lez ung brasier. » Villon.) En Normandie, le trépied n’est autre que le tire-pied, un accessoire de savetier. « Si tou chez chavetiais [si tous ces savetiers]/ Qu’ont estricqué d’engain [qui ont jeté par dépit] l’alesne et les trépiais. » La Muse normande. 108 En Normandie, les « riveux de bis » sont les riveurs de vulves. 109 Vous n’en tireriez aucun bénéfice. 110 Vous donne. Rosine met les bottines dans son tablier, qu’elle tient relevé, puis elle sort de la maison. 111 Dans notre jardin. Le semi-picardisme « en no jardrin » (au lieu de « en no gardrin ») revient plusieurs fois dans le Chansonnier ms. fr. 12744. Mais la chanson des Galants n’a été conservée ni là, ni ailleurs. 112 Il tente de recoudre ses chausses. 113 Double sens involontaire. « Son voisin Gilles,/ Qui sans cesse la frétille/ Du bout de sa grosse esguille. » Gautier-Garguille. 114 En forme. Sous-entendu très ironique : en érection. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 185 et note. Rosine se dirige sans le savoir vers les deux galants. 115 Les galants sont dans la rue. On admirera le goût du risque de l’auteur, qui entremêle un dialogue et deux monologues dans les 8 vers d’un triolet qui se déroule en deux endroits différents. 116 Cela tomberait bien à point, si nous pouvions rencontrer quelque femme que ce soit. Rencontrer = copuler : « Je suis mal fourny de grosse lance telle (…) qu’el désire d’estre rencontrée. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 117 À ranger dans une resserre. 118 Je n’arrive pas à serrer ce point de couture. Voir le v. 237. 119 Allons ! « Trut avant, trut ! C’est à demain ? » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 120 Gautier vérifie avec inquiétude si sa femme n’est pas revenue. 121 F : Mesle (Ne m’a-t-elle pas proposé, au vers 213.) 122 F : bieu eu 123 Je n’aurai rien fait avant longtemps. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 43. 124 À l’instar du Faulconnier de ville (v. note 46), le galant souffle dans un appeau qui attire le gibier féminin. 125 Il aperçoit Rosine, qui marche dans leur direction. 126 F met cette didascalie après les sifflements. 127 Elle s’approche peu à peu des galants, qui sont dissimulés. Sa chanson est inconnue. 128 La contenance qu’aura notre proie. 129 F : quil 130 F : ny (Aucune des chansons qui commencent de la sorte ne donne les autres vers à l’identique. Voir H. M. Brown, nº 215.) Pour rassurer Rosine, les deux hommes interprètent une chanson de femme, avec leur grossièreté habituelle. 131 Cherchez une femme qui sera bergère à ma place. 132 Sainte Vierge ! Ces 4 vers sont dits en aparté. 133 F : Les (Ces faiseurs d’embrouilles. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 401 et 1195.) Nos galants espèrent imposer à Rosine leur « marchandise » : voir la note 82. 134 Piégée. 135 Prendre un autre chemin. Elle tente de fuir, mais les galants lui barrent la route. 136 Donnez-moi votre main ! Le galant capture la main de Rosine. 137 Si je vous cherchais, je saurais où vous trouver. 138 Que des gens convenables soient dehors. 139 Ni dessus, ni dessous : en aucune façon. 140 Qui m’empêche. 141 Sans que vous en parliez. Il est vrai que les sorties nocturnes sans éclairage sont suspectes : « Tracasser [aller et venir] de nuyct sans chandelle. » Marchebeau et Galop. 142 Le paresseux : voir le Glossaire du patois normand, de Du Bois. « Pensez-vous que je soye laysant ?/ Et ! vous porterez tout le fais ? » (Le Nouveau Pathelin.) La famille Le Laisant était originaire de Valognes, dans l’actuel département de la Manche. 143 Forme populaire de « Dieu m’avant » : que Dieu m’assiste ! Cf. Frère Guillebert, vers 466 et 502. 144 F : Vous (Frapper du couteau = copuler. « [Il] se jette sur elle & luy fiche au bas du ventre son cousteau naturel. » Béroalde de Verville.) 145 Vous êtes très libérale. 146 C’est grâce à la confrérie des Augustins, aux mains desquels est confiée la bibliothèque. La bibliothèque du couvent des Augustins de Rouen était certes réputée, mais les femmes ne visitaient pas ces moines paillards pour lire des livres. Le vit des Augustins est vanté dans le Tournoy amoureux, vers 49 et 89. 147 F : vous parler (Rime avec aller. Cet imprimeur est coutumier de pareilles fantaisies, que j’ai corrigées tacitement.) 148 Forme populaire de « Je me voue à Dieu ». Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 32. 149 Assigner devant un tribunal. 150 Comme une louve [prostituée] qui fréquente les lupanars pour danser la « dance du loup, la queue entre les jambes ». (Noël Du Fail.) 151 « Ce n’est pas chair pour vous ! » (La Pippée.) La viande féminine est évoquée au vers 69 du Cousturier et Ésopet. 152 Vous n’avez pas à me mener par la bride. Mais aussi : vous n’avez pas à me chevaucher. 153 F : de (Correction suggérée par Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 153-171.) Nous n’y voyons que du bien. 154 Celui qui ne dit pas : Tiens ! « Bien n’est venu qui ne dict : “Tien !” » (Moral de Tout-le-Monde.) La vénalité de Rosine est encore dénoncée aux vers 306 et 363-5. 155 Appelé. C’est un normandisme : « Il y est installay. » (La Muse normande.) Idem à la rime, où il faut comprendre : celé [dissimulé]. 156 Et que vous avez ensuite mené en bateau. « Qui savoit, par belles promesses, donner la muse à ses ennemis. » Godefroy. 157 « C’estes vous, ou regny saint Pierre !/ Vous, sans aultre ! » Farce de Pathelin, v. 1530. 158 F : bien (« Ha ! que c’est mal dit ! » Pathelin, v. 512.) 159 « C’estes vous en propre personne ! » Pathelin, v. 1514. 160 Qu’on m’en blâme. 161 « Pour qui c’est que vous me prenez. » Pathelin, v. 1506. 162 Vous avez joué. Il se peut que l’acteur qui tient le rôle de Rosine ait tenu précédemment le rôle d’une croqueuse de diamants. 163 Ce n’est pas votre argent. « Je ne vueil rien du vostre. » Les Trois amoureux de la croix. 164 Vraiment. 165 Un point pour nous ! 166 À la repasseuse. En réalité, Rosine cache dans son tablier les bottines de Gautier. 167 F : encuseray 168 Il ordonne à son comparse de reculer pour ne pas entendre les propositions qu’il va faire à Rosine. 169 Fiable, sincère. Idem vers 433 et 530. 170 Fixez-moi un rendez-vous. 171 Je n’y connais rien. Idem vers 439. C’est du jargon de maquignons : « Quant ung cheval a deux ans, il a ses dens nouvelles…. De là en avant [au-delà de sa 7ème année], on n’y congnoist aage. » Le Mesnagier de Paris. 172 Au Vert Hostel, une auberge rouennaise. Les deux galants — et Rosine — y ont leurs habitudes. 173 F : lheure mais (Rosine donne rendez-vous aux deux soupirants dans la même auberge et à la même heure, 8 h du soir : vers 384 et 530.) On trouve ce gag dans une farce normande contemporaine, les Trois Amoureux de la croix, qui offre plusieurs points communs avec nos Amoureux qui ont les botines Gaultier : voir la note 206. 174 Cachez-le. Sur le pronom normand « lay », voir la note 12 du Vendeur de livres. 175 Vous en touche un mot, vous demande ce que je vous ai dit. 176 Fermez. « Taisez vostre bouche/ Tout franc ! » E. Deschamps. 177 Bavarde. Cf. le Dorellot, vers 75. 178 Elle joue la prude : voir le vers 360. « Aussi bien laides que belles/ Contreffont les dangereuses. » (Charles d’Orléans.) Le galant s’approche de Rosine ; son compagnon recule pour ne pas entendre leurs paroles, en cachant la bottine derrière son dos. 179 Si vous voulez, je me chargerai de le faire appliquer. 180 F : .ii. (Le 1er Galant s’est rapproché subrepticement du couple. L’éditeur n’a pas compris cette scène très visuelle.) 181 F : .i. 182 F ajoute en vedette : Le .ii. 183 Vous imitez les ruses du renard. 184 Vous voulez en profiter. 185 Il se recule à nouveau, et prononce des paroles que le couple n’entend pas. 186 Il est malheureux de ne pas savoir ce qu’elle m’a dit. 187 Que le feu de l’enfer le brûle ! Cf. les Rapporteurs, vers 189. 188 Mais cependant, il ne risque pas d’avoir Rosine. 189 Il obtiendrait plus facilement un morceau de la lune. 190 J’ai une garantie, la bottine. Voir la note 67. 191 C’est bon à prendre. 192 F : seur si (Vous avez perdu de votre assurance.) 193 F : quarree (Votre « marchandise ». Voir le vers 5 de la Ballade.) Ce mot désignait les parties sexuelles des femmes et des hommes. Cf. le Trocheur de maris, vers 164. 194 Des pièces dans mon mouchoir noué : cf. les Povres deables, vers 186. Le galant promet de payer Rosine, mais elle sait qu’il n’en a pas les moyens : vers 498-501. 195 F : recluche (Quelque filament. « Des survestes (…) rouges à freluches d’or filé. » Les voyages de Pietro della Valle.) 196 Ni n’examine. Sous-entendu : Je ne plume pas. « Celuy-là est plumé et espluché. » Michel Menot. 197 C’est-à-dire ? Cf. Troys Galans et un Badin, vers 42. 198 L’un de nous deux est de trop : lui ou moi. 199 Qu’il m’a dite aujourd’hui. 200 À l’auberge du Vert Hostel, d’où je vous vis sortir (avec un homme) il y a 6 jours. 201 F : demain (Vous vous trouviez à ma disposition.) 202 Pour sceller ce contrat verbal. 203 Bien malgré moi. 204 Ironique pour un homme d’âge mûr. Voir la note 62. 205 Que personne. 206 Ne me faites pas défaut. La femme mariée des Trois Amoureux de la croix (note 173), sous la contrainte, accorde à trois galants un rendez-vous le même soir et dans un même lieu, rendez-vous auquel elle n’ira pas. Elle dit à l’un d’eux : « Et puis attendre vous m’irez/ (Oyez-vous ?), mais qu’il n’y ait faulte. » 207 Elle donne la seconde bottine au galant, qui la cache derrière son dos. 208 De bavardage. C’est un mot normand : cf. Messire Jehan, vers 96. Le 1er Galant revient vers le couple, en cachant la bottine derrière son dos. 209 À ma maison. C’est un clin d’œil à chacun des deux hommes, qui lui ont donné rendez-vous à l’auberge du Vert Hostel. 210 Je m’en vais. Idem vers 480 et 511. 211 Sans avoir eu besoin d’écarter les cuisses. 212 Enduits : atteints. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 168. 213 Ils ont contrecarré mes plans. 214 F : penne (= plume, ou fourrure.) Une panne est une fourrure, cadeau très apprécié par les femmes. « Trèsbien fourrée de pane blanche. » Le Ribault marié. 215 F : bien iehanne (Béjaune, stupide. « Que je suis becjaune ! » Farce de Pathelin.) La rime -ane / -aune est admise : dans les Drois de la Porte Bodés, béjaune rime avec condamne. 216 Il va braire contre moi. 217 En train de recoudre ses chausses. La chanson est inconnue. 218 Ce sera pour une autre fois. Idem vers 479. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 57. 219 Calembour : elle m’a planté là. 220 Couper les peluches qui dépassent. « Tondre le drap de la robe. » ATILF. 221 Bien que nous soyons avant la tombée de la nuit. 222 Qui y verrait dans ces conditions ? 223 F : a lumettes (Alors que je n’ai pas de lunettes : voir le v. 473. Cet objet était encore rare et cher.) 224 J’ai cousu la pièce de tissu à côté du trou. Gautier ne se rend pas compte qu’il dit : J’ai enfoncé ma « pièce » dans le mauvais trou. Cette gauloiserie agrémentait le cri public des chaudronniers ambulants : voir la note 51 des Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. 225 F : la brou la (Dans les Mystères, « ha ! » et « brou ! » sont les interjections favorites des diables. « Brou ! brou ! ha ! ha ! » Mystère de saint Martin.) Tanné = fatigué, exaspéré. « Que saint Anthoine arde le trou !/ J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 226 Il faut que je fasse contre mauvaise fortune bon cœur. 227 Ma femme demeure longtemps absente. 228 Un peu. Idem vers 83 et 210. 229 Sois sincère. 230 J’ai un rendez-vous de Rosine. 231 C’est la moindre des choses. La rime exige la forme normande mains : voir le v. 22 de la Ballade. Dans la sottie caennaise de Pates-ouaintes, « ce sera du mains » rime aussi avec « les mains ». 232 Ce sont là des enseignes corporelles. Dans le Pasté et la tarte, le pâtissier dit à sa femme qu’un homme viendra chercher le pâté « à tel enseigne comme on doyt,/ Mais que vous preigne [qu’il vous prenne] par le doigt ». 233 Si tu avais autant de fièvre que tu prétends avoir d’enseignes, tu ne risquerais pas de frissonner. Autrement dit : tu n’as aucune enseigne. 234 Inutile que tu baisses la tête, tu ne risques pas de recevoir un coup. Autrement dit : ces choses-là ne te concernent pas. 235 Montre-les-moi. 236 Toi d’abord. 237 Tu en fourniras une. 238 Tu te ridiculiseras. 239 Pour réciter la prière de la fin du repas : tu arriveras trop tard. 240 Elle rentre chez elle. 241 F : combatant (Parlant seul.) 242 Pour l’instant. 243 Œuvré. Double sens involontaire sur « labourer une femme ». 244 C’était pour vous une occasion. 245 Elle inspecte les chausses, et montre au public que la déchirure est toujours là (vers 425). 246 M’ait Dieu = que Dieu m’aide ! Idem vers 59 et 92. 247 Je n’y vois. 248 Aussi, ne grommelez pas un seul mot. Cf. Pour porter les présens, vers 219. 249 Allons ! 250 Elle va dans la cuisine, derrière le rideau de fond. 251 F : ie fusse plus viste (Je corrige sous toutes réserves ces deux vers boiteux et dépourvus de sens.) 252 F : tresorier (Et qu’un cordonnier soit des nôtres pour dîner.) 253 Les apôtres allaient pieds nus : eux non plus n’avaient pas de bottines. 254 C’est ma femme. 255 Il n’est pas l’heure. 256 Avec ses beaux discours. Cf. Jénin filz de rien, vers 196. 257 Elle ne craint pas que j’aie froid aux pieds. 258 Elle sort de la cuisine au moment où son époux y entre. Elle regarde par la fenêtre et voit ses deux prétendants qui se chamaillent. 259 F : Estes vous 260 Si Gautier. 261 Je n’aurais pas de repos. 262 F : plus (« Chez ce cher hoste aussi froid que verglas. » Saint-Amant.) 263 Quels élégants ! Quels petits galants ! 264 Des valets endimanchés. « Un jeune galland mal habillé, & ressemblant à un varlet dimencheret. » Martial d’Auvergne. 265 On peut en avoir sept comme ceux-là pour la modique somme d’un blanc [= 5 deniers]. Nous dirions aujourd’hui : treize à la douzaine. Les paladins sont des courtisans. 266 F : silz 267 Ils ont été humiliés. Voir ma notice et la note 270. 268 Des bottines, j’en fournirai bien. 269 Le Grand blason des bottines Gaultier (v. ma notice) nous l’indique : « Mais on les vend, dist-il, au pont Sainct-Pierre. » Pont-Saint-Pierre est une commune proche de Rouen. 270 Je lui donne de la bottine : je l’humilie. Voir le v. 504. 271 Il est à table dans la cuisine : vers 477. 272 J’y vais, car il est impatient (de manger). 273 Brown (nº 77) recoupe cette chanson avec Dieu doint le bon jour à m’amye, dont la version de Clément Janequin est un peu plus tardive. Mais beaucoup de poèmes furent mis en musique plusieurs fois, par des compositeurs de générations différentes. 274 F : la (Ce vers est difficile. Je comprends : Voudrais-tu venir faire notre lit ? « De nuyt couchéz à nostre peautre. » Les Maraux enchesnéz.) 275 F : Dire 276 F : second (L’imprimeur tente de retomber sur ses pattes après avoir sauté une rubrique. C’est le 2ème Galant qui interroge le 1er.) 277 F ajoute en vedette : Le premier 278 Les grives. Un logis est une auberge : « Au logis de la Belle Estoille. » Mystère des Trois Doms. 279 C’est là. 280 Fiable. Voir note 169. 281 F : premier (Nouveau cafouillage de l’éditeur. C’est maintenant le 1er Galant qui interroge le 2ème.) Le galant montre la bottine qu’il tenait derrière son dos. 282 F : second 283 Il y a de quoi devenir fou. 284 F : premier 285 F ajoute en vedette : Le second (Les galants comparent leur bottine respective, et en concluent que « c’est pareil ».) 286 Vous piégez les gens. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 93 et note. 287 C’est le refrain de la Ballade, probablement chantée. 288 Nous sommes bernés. 289 Si je la rencontre un de ces soirs. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 241. 290 Perfide. Idem vers 204. 291 « Un vieux routier : un homme expérimenté. » Oudin. 292 Quel sot il fait, celui… « Qu’il y fait sot ! » Le Povre Jouhan. 293 F : Que ladosser (Une endosse est un mauvais coup, une situation lourde à supporter. Voir le vers 60 de Légier d’Argent et le vers 34 des Maraux enchesnéz.) 294 Nous couvrirait de huées. 295 Comme un bateleur, un faiseur de tours. Cette forme est normande : cf. la Fille bastelierre. Le chef de troupe rouennais du Bateleur est nommé 7 fois « le Batelier ». Les bateleurs étant des joueurs de farces, on peut considérer que le vers suivant contient le titre de celle qu’ils sont en train de jouer. 296 Ces trois vers contiennent des allusions théâtrales venues de la farce normande du Testament Pathelin : « Gaudisseurs,/ Bas percéz, Gallans sans soucy. » Nous avons une sottie de Faulte d’argent, Bon Temps et les troys Gallans sans soucy (F 47). 297 Des plaisantins. Nous avons une sottie du Gaudisseur. 298 À sec, comme un tonneau qui est bas percé pour qu’on puisse en tirer les dernières gouttes. On peut parier qu’il y eut une farce de Bas-percé, comme il y en a une de Légier d’Argent et une du Mince de quaire : ces personnages qui vivent d’expédients pullulent dans le théâtre de l’époque. 299 Il y eut sans doute une farce de Joyeux-mondain : « Qui a le vent ? Joyeulx mondains. » (Marchebeau et Galop.) L’imprimeur de Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain commet un lapsus en nommant ce dernier personnage « Joyeulx mondain » au vers 187. 300 Je rétablis la rime normande : « Alons-nous-ent/ Bien tost ; partons légèrement. » Le Gentil homme et son Page. 301 Sans plus parler. 302 Allons ! Cf. le Vendeur de livres, vers 200. 303 Sortir : il faut bien trouver une issue. 304 De nous séparer. 305 Je recommande. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 451. 306 Deux versions de ce poème furent copiées au XVe siècle dans un manuscrit conservé à la BnF (ms. fr. 1719). Je reproduis la version normande, qui est inédite ; elle commence au bas du folio 165 verso. La version parisianisée, qui provient d’un ms. de base plus récent, commence au folio 13 recto ; Marcel Schwob l’a publiée. Il fut plagié par Jean-Marie Angot, que Jelle Koopmans a recopié sans état d’âme mais avec toutes ses fautes de transcription. 307 « De la marée fraische : une putain. » (Oudin.) Un chasse-marée est un amateur de prostituées. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 509. 308 Quelle denrée. Voir la note 193. « On sçaura qui fait la serrée,/ Et qui franche [libérale] est de sa derrée. » Saincte-Caquette. 309 Panier. Cette forme évoque opportunément l’adjectif pénillier [pubien]. 310 J’essaierai, en pénétrant à l’intérieur. 311 Si vous voulez les essayer. 312 Excavée, élargie. 313 Il s’en fallut de peu que je n’y reste. 314 « J’en ay une que j’aime ung peu…./ On n’y treuve ne fons, ne rive. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 315 « Moins qu’en ung houzeau », comme le transcrit la version parisianisée. 316 D’un bond et sans hésiter.