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LÉGIER D’ARGENT
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Être léger d’argent, c’est être pauvre. Le public adore qu’on lui montre des pauvres, même et surtout s’il n’est guère plus fortuné qu’eux. Le fin du fin, c’est l’ancien riche, et en particulier le noble qui a tout perdu au jeu ou à la Cour1 : on rit de ces nouveaux pauvres dans Marchebeau et Galop, Mallepaye et Bâillevant, le Capitaine Mal-en-point, etc. La farce parisienne de Léger d’Argent, écrite en 1512, oppose un nobliau ruiné qui veut passer pour ce qu’il n’est plus, et son valet, qui démonte avec une cruauté jubilatoire la comédie que joue son maître. Ce couple inséparable servira de modèle au Gentil homme et son Page.
Source : Recueil de Florence, nº 25. J’ai dû faire un peu de ménage entre les vers 66 et 332 inclus : l’éditeur, tout comme celui de Pernet qui va à l’escolle, nous a légué un puzzle dont nous devons remettre les pièces dans l’ordre sous peine de ne rien comprendre à l’action. Et nous découvrons alors que l’auteur est un dramaturge aguerri qui file comme une flèche, et non plus un tâcheron poussif qui fait un pas en avant et deux pas en arrière, comme on l’a cru jusqu’à présent.
Structure : 2 rondels doubles consécutifs. Tercets aab aab, rimes plates. Un triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à
quatre parsonnaiges de
Légier d’Argent
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C’est assavoir :
JAQUET
LÉGIER D’ARGENT
LA VIEILLE
et LE PAIGE
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JAQUET commence [en chantant] 2
Arrière, arrière, arrière, arrière 3 ! SCÈNE I
Monsieur est, à présent4, descendu.
Et, sur peine d’estre pendu,
Chascun desc[u]euvre sa testière5 !
5 Chascun lui face bonne chière6,
Et par Dieu luy sera rendu7.
Arrière, arrière, arrière, arrière !
Monsieur est, à présent, descendu.
[Légier d’Argent]8, tout morfondu,
10 Vous vient veoir, dans9 sa grant banière.
Ung peu est demouré derrière ;
Pour tant10, je vous dy en temps deu :
Arrière, arrière, arrière, arrière !
Monsieur est, à présent, descendu.
15 Et, sur paine d’estre pendu,
Chascun desc[u]euvre sa testière !
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LÉGIER D’ARGENT SCÈNE II
Je suis nommé Légier d’Argent11.
Et si, suis maistre de Jaquet,
Lequel me servoit d’ung naquet12 ;
20 Encor(e) me sert-il à présent !
J’ay de l’honneur plus que n’ont cent,
Sans penser point à mon acquet13.
Je14 suis nommé Légier d’Argent,
Et suis le maistre de Jaquet.
25 Je fuz, premier, porte15 bacquet,
Serviteur au pape Innocent16.
Et aprèz, je fuz président17.
Tant que, pour finer mon caquet18,
Je suis nommé Légier d’Argent,
30 Et suis le maistre de Jaquet,
Lequel me servoit d’un nasquet,
Et encor me sert à présent.
JAQUET
(Et par deffault d’une jument,
Il va à pié le plus souvent19.)
LÉGIER D’ARGENT
35 J’ay veu, moy, de[pui]s mon enfance,
Qu’i n’y avoit que moy en France
Pour supperlatif et fringart20.
JAQUET
(Et j’ay veu, moy, [pour] sa meschance,
Batre ce villain à puissance21
40 Pource qu’il avoit mengé le lard22.)
LÉGIER D’ARGENT
Hélas ! où sont les Damoyselles
Qu’estoient si cointes23 et si belles,
De qui j’estoie maistre d’autel24 ?
JAQUET
(Hélas ! où sont les coups de pelles25
45 Qu’il a porté soubz ses esselles,
Dessus26 son dos jusqu(e) à l’hôtel ?)
LÉGIER D’ARGENT
C’est grant fait que d’ung gentil27 cueur,
Lequel, pour venir à honneur,
A esté tant entreprenant.
JAQUET
50 (C’est grant fait que d’ung maleuseur28,
Lequel a tousjours déshonneur
Et, en la fin, n’est q’un truant29.)
LÉGIER D’ARGENT
[Quand fus]30 à mon commencement,
Pour[ce] qu’estoy beau garnement,
55 Chascun, de moy avoit envie31.
JAQUET
(Mall[e] encontre [ait de Dieu]32 qui ment !
Car chascun voit bien clèrement
Qu’il est fait comme une vessie33.)
LÉGIER D’ARGENT
Je fuz, premier34, au roy d’Escosse,
60 [À qui]35 je donnay une endosse,
Parquoy je fis département36.
JAQUET
(Et maintenant, porte la croce37,
[Qu’il eut] en crossant38 une fosse
Illec39 dedens Saint-Innocent.)
LÉGIER D’ARGENT
65 En après, m’en allay à Romme,
Servir en Court ung gentilhomme,
Là où j’eux de l’honneur à flac40.
JAQUET
(Et portoit des bulles grant somme41
Dedans ce compaignon qu’on nomme,
70 En ce temps, le « Colin Bisac42 ».)
LÉGIER D’ARGENT
Mais quoy ? J’ay veu le temps passé43.
Sang bieu ! Mort bieu ! [Dea !] J’ay cassé44
Cent lances, [ce temps]45, à Millan !
JAQUET
(Vécy droictement desbrassé46
75 Jénin des Paulmes47, qu’est trespassé.
Veez-le cy48, le Povre Jouen.)
LÉGIER D’ARGENT
Qu’esse que d’ung bon esperit
Qui par bon vouloir est conduit ?
Au cueur vaillant, riens impossible49 !
JAQUET
80 (Qu’esse que d’ung Jénin Patin50,
Lequel n’a beu que du papin51,
Et maintenant fait du trèssaige ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Moy, dea, je porte bon52 crédit :
« Monsieur53 l’a fait. Monsieur l’a dit. »
85 Chascun me congnoist, en ung mot.
JAQUET
(Vécy, par le sang Antécrist54,
Encore plus meschant esprit
Que jamais si ne fut Thévot55 !)
LÉGIER [D’ARGENT]
Jaquet, tire ung peu mes brodequins56 !
JAQUET
90 Ilz sont de bon drap, et bien fins ;
Et si, sont de belle couleur…
Tenez-vous bien ferme, monsieur !
Tendez57 ung peu sur le devant.
(Vélà ung beau58 gentil gallant !
95 [Dictes,] messieurs : n’est pas mon maistre
Di[g]ne de mener les asnes paistre,
Ou [bien] de garder les pourceaulx ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qui a de l’argent à monceaux,
Ne peult-il pas gaudir59 et rire,
100 Bruire, seigner, dancer et rire,
Faire du sadinet60 mignon
En faisant les « coquilles » bruire61,
Soy démonstrant bon compaignon ?
JAQUET
(Et qui n’a rien, c’est bien du pire !
105 Et ne peult-il62 avoir regnon.)
LÉGIER D’ARGENT
Et qu’esse que d’ung franc couraige,
Et ung homme de grant lignage ?
Et ! n’esse riens, à vostre advis ?
Le sang bieu ! Une foys, je vis,
110 Ce pendant qu’estoye à la Court,
Qu’il63 n’y avoit borgne ne sourd
Qui ne criast : « Vélà Monsieur ! »
Ne vault doncques riens tel honneur ?
Et n’esse pas chose honorable ?
JAQUET
115 (Et ! ilz cri[o]yent : « [Sus] le grant Dyable ! »
Il met autrement en registre64.
Ilz cr[io]yent sur luy : « Au bélistre65 ! »
Il (y) avoit bien des enfans cent
À le batre, à66 Sainct-Innocent.
120 N’esse pas donc(ques) ung bel honneur ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qu’esse ?
JAQUET
Ilz cri[oy]ent tous : « Monsieur, Monsieur ! »
LÉGIER D’ARGENT
Mais vien çà ! [Dis :] au déballer67,
N’as-tu point [donc] ouÿ parler
[Des escus d’or et de l’argent]
125 Que j’ay(e) pardu au changement68,
Avec beaucoup d’autre monnoye,
Comme [mes] gra[n]s blancs69 de Savoye ?
Et ! ces grans blancz, qui sont au feu70…
JAQUET 71
Il les fault oster, qu’i ne fondent !
LÉGIER D’ARGENT
130 Demeure [icy, tu es]72 déceu !
[Que tous les dyables te confondent !]
Ilz ne sont pas au feu proprement73.
JAQUET
Je cuidoye certainement
Qu’ilz fussent au feu embraséz.
135 A, vous y avez perdu assez,
Sans tous voz aultres escus74 d’or.
Messïeurs, dictes : son trésor
En est gramment75 amenuisé,
Il en est fort appetissé.
140 Mais, mon Maistre, ne vous en chaille76 !
(Et77 ! jamais il [n’]y perdit maille.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Jaquet, on dit [en bref]78 languaige
Q’un grant et puissant parsonnage
Qu’on appelle maistre Enfumé 79
145 [A pris]80, comme a acoustumé,
[Jusqu’aux os.] Si81 ont fait les chiens.
Mais82, par Dieu, je ne perdray rien[s] :
J’ay bien de quoy83, chascun l’antende !
Et si, puis bien avoir du bien.
JAQUET
150 (Pour [vous] parler de sa prébende84,
Par saincte Marie, il n’a rien !)
LÉGIER D’ARGENT
J’ay des escus plus de cent mille.
JAQUET
(Il n’a, par Dieu, ne croix ne pille85.)
LÉGIER D’ARGENT
Et si, suis yssu de Noblesse.
JAQUET
155 (Il est vray [filz d’une diablesse]86 :
Il est villain87 de tous costés.)
Dea, [Messïeurs : de vray]88, notez
Qu’il est noble [de nom]89, mon maistre !
Ne porte-il pas bien la guestre,
160 [Pour estre]90 ung vaillant gentilhomme ?
Messïeurs, il fault qu’on le nomme
« Gentilhomme », c’est ung beau tiltre.
(Ne dictes pas qu’il est bélistre,
Vous luy feriez grant desplaisir.)
LÉGIER D’ARGENT
165 Jaquet, tu me fais [grant] plaisir
Des biens que vas disant de moy.
JAQUET
Messïeurs, il vault bien ung roy,
C’est une chose bien91 certaine !
(Il vault sa grant92 fièvre quartaine !)
LÉGIER D’ARGENT
170 Et ma femme, [dis], que vault-elle ?
JAQUET
[Que vault-elle]93, ma Damoiselle ?
[Vrayment,] elle vault trop de bien !
(Et ! elle ne vault, par Dieu, rien,
Pour brève résolution94.)
LÉGIER D’ARGENT
175 Je te feray gentil garson95.
JAQUET
J’aloys, devant-yer96, en la ville :
Mais on vous tient97 le plus habille
Que homme de[dans] ceste cité.
LÉGIER D’ARGENT
Jaquet, [dea, tout bien médité]98,
180 Par Dieu, je te feray du bien99.
JAQUET
(Par mon âme ! on n’en disoit rien100.)
LÉGIER D’ARGENT
Tu sces bien qu’en tout[e] la province101,
[Si j’en excepte nostre Prince,]102
Il n’(y) a que moy qui soit puissant.
JAQUET
185 (Je sçay bien qu’il est ung meschant103,
Mais encore ne luy vueil dire.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Que dis-tu ?
JAQUET
[Je dis] qu’à l’Empire104,
Qu’il n’y a que vous, pour tout potaige105.
LÉGIER [D’ARGENT]
Sang bieu ! je feray encor raige.
190 [Pourtant]106, scès bien que hallebardes
Sont à présent hors de mes gardes107.
Jaquet !
JAQUET
Quoy108 ? Dy-je : « Que vous plaist109 ? »
LÉGIER [D’ARGENT]
Où est madame ma femme ?
JAQUET
[Et !]
Elle est au temple110, elle est au temple.
LÉGIER [D’ARGENT]
195 Quant toute sa beaulté contemple,
Je suis ravi de son amour.
JAQUET
Aussi, elle porte l’autour111.
Et si, est de puissant renom.
(Pensez, c’est ung beau lorpidon112 !
200 Quoy113 ! sa femme [est aussi] ma Dame114,
[Mais] ma Dame [n’est pas] ma femme !
C’est ung grant cas que de son fait,
Car tout le pays est refait115
Comme est, du trésor, le116 masçon.
205 Elle est mignonne, et lui mignon :
C’est [là] une belle assemblée.
C’est une vieille gratelée117,
Laquelle n’a mais118 dent devant ;
En effet, c’est cabas119 puant,
210 Qui est laide comme une truye.
Devant que façons120 départie,
On la verra [cy] devant tous.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qu’esse, Jaquet ? Que dictes-vous ?
Yrez-vous point quérir ma femme ?
JAQUET
215 Ouy, mon maistre, par Nostre Dame !121
Je la voys querre incontinent.
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[Hau !] venez-vous, vieille jument ? SCÈNE III
Vous dis-je122 : « Venez en présent
Parler à monsïeur mon Maistre. »
LA VIELLE
220 Que veult-il ? [Se] veult-il repaistre123 ?
Je ne sçay qu’il veult ne demande124.
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[JAQUET] 125 SCÈNE IV
(Tenez : à tel sainct, tel offrende126 !
Vécy de qui vous ay parlé.
S’el(le) n’est bien laide et luy bien lait,
225 Je vueil [bien] pardre mon office !)
[LÉGIER D’ARGENT] 127
Avant, monsieur de la Justice !
Qu’a-il128 à disner de friant
Pour ma Dame ? [Vite,] ung faisant,
Ung lappereau ou ung lièvre !
JAQUET
230 (Mais plustost la sanglante fi[è]vre,
Qui les puisse tenir tous deux !
Les voyez-vous, les malheureux,
Comment il font de la merdaille129 ?)
Ma Dame, et de [ceste poulaille]130,
235 En voulez-vous [pas] ung petit131 ?
LA VIEILLE
Je ne v[u]eil riens que d’appétit132.
[JAQUET] 133
(Légier d’Argent [est mauvais maistre :
Il luy] fait porter mainte guestre
Et mainte chausse dessirée134.)
LA VIEILLE
240 Que dictes-vous ?
JAQUET
Qu’estes135 désirée
De tous les nobles de la Court.
LA VIEILLE
Encore en vis je hier, sur le gourd136,
Qui me faisoyent trèsbonne ch[i]ère137 :
« Dieu gar[d] monsieur de la Paucadière138 !
245 Et [si, monsieur]139 Pasque de Sole ! »
Quant je le treuve, il me consolle140.
Si fait bien141 monsieur de Sic-Sac.
J’euz l’autre jour ung bon patac142,
Qu’il me donna en ung mardy.
LÉGIER [D’ARGENT]
250 Ce fut le jour que [je m’ardy]143,
Et me laissâtes descouvert.
LA VIEILLE
Dea ! le feu si estoit couvert144.
………………………………
[LÉGIER D’ARGENT]
Comment advint ceste fortune145 ?
JAQUET
(Elle jouoit dessus la « brune146 »
255 En passant par-dessus la corde147.
Mais mon maistre tousjours s’acorde148 :
C’est le plus fort149 de la journée.)
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LE PAIGE commence en chantant 150
Il est en grant pencée, SCÈNE V
Monsieur Légier d’Argent,
260 Car n’a plus demourée 151.
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Dieu gard, monsieur Légier d’Argent ! SCÈNE VI
Je viens à vous légièrement 152,
[Et parle pour vostre avantaige.]153
Il (y) a ung homme de paraige154
265 Nommé monsïeur de Sic-Sac,
Lequel a des escutz à flac.
Et faire veult ung petit banquet,
Mais il veult qu’il y ait caquet
D’aucunes femmes de la155 ville ;
270 Et comme [estant] la plus habille156,
Veult que luy prestez vostre femme.
LÉGIER [D’ARGENT]
Y voulez-vous aller, ma Dame157 ?
LA VIEILLE
Je ferai ce qu’il vous plaira.
LÉGIER [D’ARGENT]
Dea ! j’espoire qu’il vous donra
275 Quelque chose pour vostre peine.
JAQUET
(Pencez : s’on frappe [à la quintaine]158,
Il y aura quelque hutin159 !)
LÉGIER D’ARGENT
Partirai-ge pas160 au butin,
Puisque vous donne le congé161 ?
LA VIELLE
280 Rien ne vous sera eslongé162 ;
Pencez que riens ne vous tiendray163.
LÉGIER [D’ARGENT]
Et reviendrez ?
LA VIELLE
Quant je vouldray ;
Et ne m’attendez pas plus tost.
JAQUET
(Envoyez-luy ung bout164 de rost,
285 Et le bon homme sera content.
C’est la façon de maintenant165,
De prester à chascun sa femme.)
LA VIELLE
Et s’il me prioit d’aucun blasme166,
Mon amy, le lerray-je faire167 ?
JAQUET
290 (Et ! faictes semblant de vous taire,
Ou que vous soyez endormie.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Dea ! [ouy, ne] l’escondissez mye168.
[ LE PAIGE
Monsieur de Sic-Sac sera saige ;
Il ne vous fera nul oultraige.
LÉGIER D’ARGENT ]
295 Je le sçay bien, mon cueur le dit.
Je n’ay point meschant esperit169,
Et je m’en croy bien170 à ma femme.
Qu’en dictes-vous ? [Et ! quoy]171, ma Dame :
Avez-vous soin172 de mon honneur ?
LA VIELLE 173
300 Ouÿ, par ma foy, mon seigneur !
Car chascun dit : « Légier d’Argent
Est [ung grant maistre et est puissant]174. »
JAQUET
Elle175 vous parloit du secret.
LÉGIER D’ARGENT
[Du secret ?] Vertu bieu, quel trait176 !
305 Est-elle ainsi à l’abandon177 ?
[JACQUET]
(Monsieur178 repaistra du jambon,
Après qu’il aura son formaige…)
LA VIEILLE
Et quant je viendray179, que feray-je ?
JAQUET
(Et ! faictes du sadinet groing180.
310 [Et s’il en estoit jà besoing,]
Criez comme… une beste morte181.)
LÉGIER D’ARGENT
Vous conduiray jusqu’à la porte
[Du lieu,] ma Dame.
LA VIEILLE
Nenny pas.
Mais venez demain jusqu(e) en bas,
315 — Entendez-vous ? — à la cuisine182.
LÉGIER D’ARGENT
[Et !] j’entens assez bien ce signe :
Assez, de ce, rusé je suis183.
LA VIEILLE
Ne venez pas frapper à l’uys
De la chambre qui est en hault184 !
JAQUET
320 (Il est assez loyal marault185 :
Ne pensez pas qu’il soit si Sot.)
LÉGIER D’ARGENT
Et se Monsieur dort ?
LA VIEILLE
Ne dictes mot.
[LE] PAIGE
Qu’el(le) se despesche, [on n’attent pas] !
JAQUET
Elle met son [grant] gorgias186 ;
325 Incontinent sera en point187.
(Pensez [qu’on luy frappe]188 au [mau]joint !
Mais Monsieur, par foy189, lui pardonne.)
LA VIEILLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
Besongnez pour vous et pour moy.
JAQUET
330 El(le) ne porte point sa quelongne190.
[ LA VIEILLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
JAQUET
D’autre outil fault qu’elle besongne, ]
Car il y a cause pourquoy191.
LA VIELLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
335 Besongnez pour vous et pour moy. 192
.
JAQUET
Vous voiez doncques clèrement
Qu’à193 ung chascun, Légier d’Argent
Preste sa femme, se m’aist Dieux194 !
Riens ne concluons aultrement.
340 Prenez en gré l’esbastement,
Car l’autre année195, nous ferons mieulx.
.
EXPLICIT
*
1 Le Dit du Ratz porteur traite de « ratons de Court » les « gens légiers d’argent ». 2 Nous sommes à Paris, dans une maison délabrée. Ses habitants portent plusieurs couches de vêtements parce qu’il n’y a pas de feu. 3 C’est le cri public que chantent les bateleurs, devins et autres escrocs qui annoncent des choses extraordinaires. Voir le 1er vers du Bateleur, qui lui aussi « commence en chantant », le vers 62 du Pardonneur, ou le vers 240 de Jénin filz de rien. 4 Forme elliptique de « à présent ». Le maître de Jacquet, Léger d’Argent, est descendu de l’étage, mais il est encore derrière le rideau de fond : l’auteur ménage ses effets. 5 Découvre sa tête, enlève son chapeau. Mais la têtière est aussi le bonnet des « Sotz ligiers de sens, ligiers d’argent », qui portent « oreilles, testières et marottes ». (Les Sotz escornéz.) Léger d’Argent, qui est une sorte de fou, fut probablement joué par un Sot : plusieurs indices plaident en faveur de cette hypothèse. 6 Un visage avenant, comme au vers 243. Mais Léger d’Argent étant quelque peu famélique, on peut comprendre : Un bon repas. 7 Dieu le lui rendra. « Dieu vous le rendra ! » est le remerciement que les mendiants accordent à leur bienfaiteur. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 1144. 8 F : Monsieur le grant (Morfondu = enrhumé, car la cheminée est éteinte ; cf. les Maraux enchesnéz, vers 3.) 9 F : a (Ayant froid, il s’enveloppe dans cette large bannière comme dans une cape.) 10 Pour cela. En temps dû = au moment opportun, juste avant son entrée. 11 « Léger » est son prénom (on fête saint Léger* le 2 octobre), et « d’Argent » est son nom précédé d’une particule nobiliaire. *C’est le patron des gens qui ont faim : cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 219 et note. 12 F : iaquet (Voir ce refrain au vers 31.) Un naquet est un jeune messager qui transmet des rendez-vous galants, comme le Page qui débarque au vers 258. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 136. 13 F : caquet (À la rime au vers 28.) Sans penser à acquérir des biens. 14 F : Et (Voir ce refrain aux vers 17 et 29.) 15 F : poure (Un porte-baquet est un valet de cuisine. « Porte-baquet ou tourne-brocque. » Les Menus propos.) Premier = premièrement ; idem vers 59. 16 Innocent VIII était mort en 1492. Ses serviteurs avaient la dure tâche de lui fournir des maîtresses et des amants. 17 Peut-être faut-il lire « prédicant » : prêcheur d’Apocalypse, marchand de pardons, trafiquant d’indulgences. Le vers 68 confirme cette coupable activité. 18 Pour finir mon bavardage. 19 Au vers 184 du Gentil homme et son page, le valet du noble désargenté fait la même remarque. Jacquet commente les vantardises de son patron en aparté, pour le public : je place tous ses apartés entre parenthèses. 20 F : fringant (Élégant. « Si quelque fringart s’en advise (…),/ Nous en verrons courir la guise [mode]. » Guillaume Coquillart.) Superlatif = supérieur. Les vers 35-88 profitent de la structure aab aab, qui se prête admirablement à la thèse et à l’antithèse : voir la notice du Gaudisseur. 21 Énergiquement. Vilain ≠ noble, comme à 156. 22 Léger a volé du lard dans une des cuisines qu’il fréquente (vers 315). Il n’est pas le seul, d’après ce vieux proverbe : « Au derrenier, sçaira-on qui a mengé le lart. » Jean de la Véprie. 23 Élégantes. 24 À cette époque, la prononciation parisienne ne distinguait plus l’hôtel de l’autel. « Vous, maistre de nostre hostel et maistre et conterolleur de nostre chambre aux deniers…. Vous, maistre d’autel, et vous, maistre et conterolleur. » Le Grant stile et prothocolle de la Chancellerie de France. 25 Cet instrument servait à punir les vauriens. « Or, luy baillez troys cops de pelle ! » La Pippée. 26 F : Depuis (Jusqu’à sa maison.) 27 Noble. Idem vers 94 et 175. 28 F : malheureux (Un maluseur est un abuseur. « Gens diffamateurs,/ Maleuseurs, larrons, décepveurs. » ATILF.) 29 Qu’un gueux. 30 F : Que ie fis (À mes débuts.) 31 Dans l’entourage du pape, un physique avantageux ne pouvait pas nuire… 32 F : enuoy dieu a (Que celui qui ment reçoive la malédiction de Dieu.) 33 F : truye (Au vers 210, c’est la Vieille qui est faite comme une truie.) Une vessie de porc est informe par nature, comme celle que tient ce Fou. 34 Premièrement. Jacques IV régna de 1488 à 1513. 35 F : Et puis (Une endosse est un coup, physique ou moral. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 34.) 36 Je partis. 37 La béquille, indispensable aux mendiants, qui l’utilisent pour émouvoir les donateurs et pour éloigner les chiens et les enfants. 38 En creusant. Il se fit mal aux reins en exerçant le plus vil des métiers : il creusait des tombes dans un cimetière. Les Maraux enchesnéz, qui creusent des fossés, ont eux aussi mal au dos (vers 144). 39 Là-bas. Jacquet accompagne ce mot d’un geste en direction du cimetière des Saints-Innocents. 40 Où on me fit honneur largement. À flac [en abondance] revient au vers 266. 41 F : sommes (En quantité. Jeu de mots : Pour une grosse somme.) Les porteurs de bulles sont des trafiquants d’indulgences. « Car ou soies porteur de bulles,/ Pipeur ou hazardeur de déz. » Villon. 42 Personnification du mendiant, qui fourre dans un bissac la nourriture qu’on lui jette. « Nous sommes réduits au bisac…. Nous sommes voléz et ruinéz. » (Adrien de Monluc.) Colin Bissac fut probablement un personnage de farce, comme tous ceux qu’on va nommer par la suite. 43 J’ai connu le bon vieux temps. 44 F : cosse (Les jurons de soudards reviennent dans la bouche de l’ancien capitaine.) 45 F : ceste annee (En ce temps-là. Les Français occupèrent Milan en 1499-1500.) 46 F : le brasie (Écrasé, anéanti. « Viellesse, qui tout desbrasse. » ATILF.) 47 Jénin à Paulme est un affabulateur qui prétend être mort et ressuscité. 48 Voyez-le ici. Le Povre Jouhan est cocu, et battu par sa femme. 49 On reconnaît la devise du richissime Jacques Cœur, et des clochards Gautier et Martin (vers 306). Il manque un tercet en -it -it -ible, puis un autre en -in -in -age. 50 Encore un titre de farce. Mais celle-ci est perdue, à moins qu’il ne faille lire « Jénin badin » : presque tous les personnages nommés Jénin furent joués par des badins. Voir par exemple la Résurrection Jénin à Paulme, la Résurrection de Jénin Landore, ou Jénin filz de rien. 51 De la bouillie : c’est encore un enfant, comme Jénin, le badin du Clerc qui fut refusé à estre prestre. 52 F : mon (J’inspire confiance. « Car j’ey envers luy bon crédict. » Troys Gallans et Phlipot.) 53 Monseigneur. Idem vers 112 et 121. 54 De l’Antéchrist. Mais l’Antéchrist est un personnage de farce que deux harengères battent jusqu’au sang. 55 Thévot est un pleutre, et un juge corrompu. C’est le sixième personnage théâtral qu’on nomme en 19 vers ; la troupe se fait-elle de la publicité gratuite ? 56 Remonte-les-moi, car j’ai froid aux mollets. Ces bottines hautes dissimulent les chausses déchirées (vers 239). « Ces fringans mondains/ Qui portent ces beaux brodequins/ Dessus la chausse dessirée. » Ung Fol changant divers propos. 57 F : Pendez (Tendez votre jambe en avant.) 58 F : peu (Contamination du vers précédent.) 59 F : gaudit (Se réjouir.) Les comédiens rallongent souvent les énumérations, d’où les rimes proliférantes de 99 à 105. 60 Le gracieux. Idem vers 309. Ce mot désigne aussi le mont de Vénus ; voir la note 2 du Dorellot. 61 On rythmait les danses avec des sistres qui se composaient parfois de coquilles. Mais la « coquille » est également le sexe de la femme : cf. le Sermon pour une nopce, vers 250. 62 F : peult on (Il ne peut avoir une bonne renommée.) 63 F : Mais il 64 Il écrit l’histoire autrement. 65 Gare au mendiant ! Idem vers 163. Cf. les Bélistres. 66 F : iusques (Les enfants harcelaient les fous : « Mauvais garsons luy faisoient de la peine/ Et luy gectoient force boue et de terre. » Vie et trespassement de Caillette.) Notre fossoyeur a travaillé au cimetière des Saints-Innocents (vers 64). 67 F : per aller (Le déballer, ou l’étaler, c’est l’heure où, de bon matin, les vendeurs des Halles sortent leurs marchandises, et donnent ce qui est pourri aux pauvres, qui s’attroupent nombreux en échangeant les dernières nouvelles.) 68 Au change, lorsque l’État a racheté au-dessous de leur valeur les pièces décriées. Allusion à l’ordonnance du 5 décembre 1511 : « Toutes les anciennes monnoyes, tels que escus viels, royaux, francs à pied et à cheval, sont décriées. » La Sotte Commune s’en plaint elle aussi dans le Jeu du Prince des Sotz, contemporain de notre farce. Léger veut faire croire qu’il est ruiné parce que son trésor n’a plus de valeur, alors qu’il n’a jamais eu de trésor. Le vers précédent est perdu. 69 Le grand blanc vaut 13 deniers. Celui de Savoie vaut 2 blancs. 70 L’État récupéra la monnaie décriée pour la refondre. 71 Il fait mine de courir vers la cheminée éteinte. 72 F : iaquet tu est (Tu es abusé, tu te trompes. Cf. le Ribault marié, vers 476.) Le vers suivant a été sacrifié par l’imprimeur, qui continue au vers 66. 73 Ils ne sont pas réellement dans le feu. 74 F : pieces 75 Grandement. 76 Ne vous en faites pas. 77 F : Se (Il n’y a jamais perdu un seul sou, puisqu’il n’avait déjà plus rien.) 78 F : par ung (À demi-mot. « Pour le vous dire en brief langaige,/ Ilz vous veullent porter nuysance. » Les Sotz escornéz.) 79 Jeu de mots sur Adam Fumée, un proche conseiller du roi. Dans le Jeu du Prince des Sotz, la Sotte Commune l’égratigne également (vers 333, 609, et note 135). Comme elle, Léger d’Argent lui impute ses déboires financiers. Il assimile Adam Fumée à maître Enfumé, c’est-à-dire au diable : « C’est à faire à maistre Enfumé ! » Ung Fol changant divers propos. 80 F : Apres tout (A prélevé sur nos gains. « Partout où sont les tailles et imposts, (…) il n’y aura celui qui ne crie qu’on est rongé jusques aux os. » Calvin.) 81 Ainsi. 82 F : Que 83 De l’argent. Cf. Poncette et l’Amoureux transy, vers 4. 84 De son revenu. Un métier qui ne rapportait rien, comme celui de fossoyeur, était qualifié de « prébende de Saint-Innocent ». Les Sotz ecclésiasticques. 85 Pas un sou. 86 F : il est le diable (Correction envisagée par Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 367-375.) 87 Roturier. 88 F : monsieur dea (« Messieurs » désigne le public, comme aux vers 95, 137, 161 et 167.) 89 F : dea (Noble de naissance. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 227.) 90 F : Destre (Les guêtres couvrent le dessus de la chaussure et le bas de la jambe. Cf. le Roy des Sotz, vers 340.) 91 F : toute 92 F : forte 93 F : Qui elle 94 En conclusion. 95 Je te ferai anoblir. 96 Avant-hier. Il allait sans doute au déballer des Halles (vers 122), avec les autres gueux. 97 F : tiens (On vous considère comme le plus habile.) 98 F : iaquet tost bien dite (Tout bien considéré. « Bien médité,/ Tout yra bien s’il court bonne justice. » Les Esbahis.) 99 Je t’enrichirai. Le hobereau déchu du Capitaine Mal-en-point abreuve son valet de la même promesse au v. 264. 100 Personne ne parlait de lui. 101 Dans tout le royaume des Sots. « Trèsredouté Prince,/ Qui entretenez la province/ Des Sotz. » Jeu du Prince des Sotz. 102 Vers manquant. Léger d’Argent est un des suppôts du Prince des Sots : dans le Jeu du Prince des Sotz, plusieurs d’entre eux, qui sont nobles, portent un nom de clochard. On y évoque même un abbé de Saint-Léger. 103 Un médiocre. 104 Jelle Koopmans (p. 374) évoque les confréries joyeuses de l’Empire de Galilée et de l’Empire d’Orléans. Il aurait même pu ajouter l’Empire du Gras Conseil des Conards de Rouen. Sur ces parodies d’empires, voir la note 24 des Veaux. 105 En tout et pour tout. Mais comparer ce crève-la-faim à un potage, c.-à-d. à une potée grasse, est un abus de langage. 106 F : Car 107 Que je ne commande plus de régiment. Le vieux noble du Gentil homme et son Page avoue lui aussi que l’armée l’a révoqué (vers 13). Jeu de mots : la « hallebarde » est en outre une monnaie flamande. Voir la note de J. Koopmans, p. 370. 108 F : Qui est (« Quoi ? » est impoli. D’où l’autocorrection qui suit : « Je veux dire : “Que vous faut-il ?” » Cf. Messire Jehan, vers 129.) 109 F ajoute : il 110 Au retrait, aux toilettes. 111 F : le atour (Les nobles, y compris les femmes, chassaient en portant un autour [épervier] sur leur poing. « Mais nous sommes de noble gent,/ Dignes de porter les autours. » Marchebeau et Galop.) 112 Une ribaude. « Lorpidon,/ Vieille ribaude et maquerelle ! » Eustache Deschamps. 113 F : Quay 114 Ma patronne. Ces 2 vers sont très lacunaires. 115 A les yeux rassasiés. « Je cuiday si estre refaiz/ De veoir une foiz ta face. » ATILF. 116 F : de (Comme le maçon qui découvre un trésor en restaurant une vieille bicoque.) « Ne sçavons en quel lieu/ Estoyent leurs trésors souverains…./ Massons qui vielles maisons font/ En trouvent souvent à plains potz. » Les Gens nouveaulx. 117 F : garpelee (Gratteleuse, galeuse.) 118 Plus aucune. 119 Un vieux cul. Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 55 et note. 120 Que nous fassions, que nous nous séparions. 121 Il va vers les latrines. 122 Je veux dire. Jacquet réitère la formule d’autocorrection du vers 192. En présent = tout de suite : cf. Grant Gosier, vers 261. La Vieille sort du retrait en remontant son haut-de-chausses (vers 239). 123 Veut-il dîner ? Mais aussi : Veut-il copuler ? 124 Ce qu’il veut ni ce qu’il demande. 125 Il revient, avec la Vieille, et s’adresse au public. 126 Tel mari, telle femme. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 40. 127 Il passe sa tête derrière le rideau de fond, et donne des ordres au cuisinier : c’est un ancien bourreau, qui continue donc à découper de la viande. Mais existe-t-il ailleurs que dans l’imagination de notre schizophrène ? 128 Qu’y a-t-il. 129 De la mendicité : ils sont en train de vider leur bissac par terre. Une merdaille est un mendiant ; cf. les Esbahis, vers 184. 130 F : pouloille (Jacquet lui montre un croûton de pain. On songe aux trois affamés du Capitaine Mal-en-point, auxquels un valet sadique nomme des plats inexistants qu’ils vont manger en théorie.) 131 Un peu. 132 Que quand j’aurai faim. 133 F : Legier 134 Déchirée. Pour avoir plus chaud et pour épargner sa dernière robe, la Vieille s’attife avec les loques de son mari. L’acteur joue donc une femme qui est habillée en homme. Les Rapporteurs et le Fol changant divers propos se moquent eux aussi des pauvres qui portent des chausses déchirées. 135 F : Que vous estes 136 Vêtus à la mode. Cf. le Résolu, vers 107 et note. 137 Note 6. La Vieille fait une révérence à son mari, puis à son valet. 138 Ce nom semble combiner « Pasquedienne », atténuation du juron « Pâques Dieu », et « Paucquedenaire », qualificatif de ceux qui ont peu de deniers. 139 F : aussi (Autre atténuation du juron Pâques Dieu : « Pasques de Soles ! respondit Panurge. » Pantagruel, 14.) 140 Jeu de mots : soûler un con, c’est rassasier un vagin. « Et trop est malheureux qui, pour soy consoler,/ Cuide, à force de coups, jamès ung con sôler. » Gratien Du Pont. 141 Aussi me « console » bien. Faire zic-zac = faire l’amour : cf. Frère Guillebert, vers 13. 142 F : patart (Correction suggérée par J. Koopmans.) Un patac est une pièce de monnaie provençale. « Et je despense tous les jours ung patac. » Sotte ballade. 143 F : le mardy (Ardre = brûler : « Je m’ardy, mardy, la main. » Gabriel Meurier.) Le jour où je me suis brûlé en essayant de faire du feu dans notre cheminée qu’on ne ramone plus. 144 Éteint : vous ne risquiez plus rien. Et la Vieille l’a donc planté là pour aller à son rendez-vous galant chez M. de Sic-Sac. Dessous, il y a une lacune de plusieurs vers à propos de la cheminée récalcitrante. 145 Ce malheur. La Vieille s’est peut-être donné un lumbago en copulant avec un de ses clients. 146 La verge, dont la couleur est toujours plus sombre que le reste du corps. 147 Terme du jeu de paume, synonyme de « mettre dessus ». C’est une posture érotique où la femme se place au-dessus de l’homme. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 168. L’allusion est d’autant plus claire que la corde désigne le pénis : « Oncques-puis corde ne tendy/ Sus tamburin [sur une vulve]. » Jehan Molinet. 148 Est accommodant. 149 Le plus difficile à avaler, pour lui. 150 Le page de M. de Sic-Sac est dans la rue. Il improvise des paroles de circonstance sur l’air de « Je suys en grand pensée », qu’on chante aussi dans le Savatier et Marguet et dans les Bâtars de Caulx (LV 48). 151 De demeure habitable. Le page entre dans la masure dépourvue de porte. 152 Rapidement. Jeu de mots sur Léger. 153 Vers manquant. « Il parle pour nostre avantaige [dans notre intérêt]. » Le Capitaine Mal-en-point. 154 De haute naissance. 155 F : ceste (De quelques femmes.) Sur le danger de ces banquets pour les femmes seules, voir Régnault qui se marie, vers 131-135. 156 Habile pour caqueter, ou pour autre chose ? 157 F : femme (À la rime.) 158 F : dens la plaine (La quintaine est un mannequin contre lequel les cavaliers frappent avec leur lance.) Expression érotique courante : « Qui frappera à la quintaine. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) 159 Combat, y compris au sens érotique. Cf. Frère Guillebert, vers 133 et note. 160 Ne participerai-je pas. 161 La permission d’y aller. 162 F : eslongne (Éloigné, tenu à l’écart.) 163 Je ne retiendrai rien sur vos gages : c’est ce qu’on dit à un domestique quand on l’embauche. 164 F : morceau (Une extrémité de rôti, qui est généralement dure et sèche.) 165 F : la gent (C’est la nouvelle mode, qui ne vaut pas l’ancienne. « Leur habit n’est pas convenant./ C’est la façon de maintenant. » Les Enfans de Maintenant, BM 51.) 166 D’une chose honteuse. 167 Le laisserais-je faire ? 168 Ne l’éconduisez pas. Les deux vers suivants ont été sacrifiés par l’imprimeur, qui continue au vers 132. Je ne garantis pas la solution que je propose. 169 Je n’ai pas l’esprit mal tourné. 170 Je fais confiance. « Je m’en croys aulx femmes de bien. » Jehan de Lagny. 171 F : de moy 172 F : point (« Vous avez soing de mon honneur. » Ronsard.) 173 Elle retire peu à peu ses haillons masculins, puis elle enfile une vieille robe échancrée. 174 F : puissant et est ung grant maistre 175 F : Si (Le secret, c’est l’acte conjugal, où Léger ferait donc preuve d’une grande puissance sexuelle.) 176 Quel sarcasme. 177 Est-elle si délurée ? « Mettre son corps à l’abandon : Se prostituer. » Antoine Oudin. 178 Monsieur de Sic-Sac, comme au vers 322. Les jambons sont les cuisses d’une dame : « Nous aymons mieulx (respond une nourrice)/ Ung pié d’andouille entre les deux jambons. » (Parnasse satyrique du XVe siècle.) Le fromage est le sexe de ladite dame : « Avoir/ Faict aler le “chat” au fourmage. » La Fille esgarée. 179 Quand je serai venue chez M. de Sic-Sac. 180 Faites-lui une gracieuse figure. « De ce gentil sadinet groing. » (Le Faulconnier de ville.) Mais voir la note 60. Le vers suivant est perdu. 181 Appelez à l’aide, mais silencieusement, pour que nul ne vienne interrompre un acte si lucratif. 182 C’est dans ce lieu chauffé que les domestiques, les fournisseurs et les mendiants attendent le bon vouloir du maître. Notre affamé ne s’en formalise pas, sachant qu’il y trouvera toujours quelque chose à picorer. 183 Je suis assez malin pour comprendre (que je devrai y remplir mon bissac). « Je suis tout rusé de ce fait. » Trote-menu et Mirre-loret. 184 La Vieille connaît déjà les lieux : nous savons depuis le vers 247 que Sic-Sac est un de ses clients réguliers. 185 Les maraudeurs vont toujours par paire, et entre eux, la loyauté est une question de survie. Cf. les Maraux enchesnéz, Gautier et Martin, le Pasté et la tarte, etc. 186 Une toile transparente qui laisse voir les seins. « (Elles) ont icy ung grant gorgias ;/ S’elz ne monstrent tout le fatras,/ Par mon âme, tout n’en vault rien. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 187 Elle sera bientôt prête. 188 F : quelle frappera (Voir le vers 276.) Le maujoint – ou mal joint – est le sexe de la femme : « Il a donc heurté au maujoint. » Les Queues troussées. 189 Par sa confiance. 190 F : quenoulle (Quelogne = quenouille. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 160.) Si la Vieille n’a pas sa quenouille, elle ne pourra pas besogner ; à moins qu’on ne prenne ce verbe dans son sens érotique. 191 Il y a une bonne raison à cela. Le 5ème vers du triolet a disparu en même temps que le refrain qui le précédait. 192 Après ce triolet, il manque un vers de retombée en -oy. 193 F : Que (Voir le vers 287.) 194 Que Dieu m’assiste ! La Somme des péchéz n’encourage pas le prêt des épouses : « Le mary ne peut prester sa femme…. Un citoyen chrestien d’Antioche pécha quand, pour se délivrer d’une grosse somme d’argent pour laquelle il estoit en prison, il permist à sa femme de coucher avec un gentil-homme fort riche. » 195 L’année prochaine. « Je seray, l’autre année, maistre. » Gournay et Micet.