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LES BÉLISTRES
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Simon Gréban intégra cette farce au troisième livre de son Mystère, les Actes des Apostres, terminé vers 1470. Les bélîtres dont il est question sont des fainéants qui préfèrent mendier — d’une façon parfois agressive — plutôt que de travailler. Ils portent un nom prédestiné : MAUDUIT = mal duit, mal élevé ; les gueux des Maraux enchesnéz se qualifient de « povres enfans mauduytz ». TOULIFAUT, ou Tout-lui-faut = tout lui manque ; le mendiant Saudret a pour « surnom Tout-luy-fault ». TROUILLARD = foireux.
Source : Actes des Apostres. Édition parisienne d’Arnoul et Charles Les Angeliers, 1541. <Munich, Bayerische StaatsBibliothek, Res/2 P.o.gall. 27-1.> En ce qui concerne spécifiquement la farce, les éditions de 1538 (nouveau style) et 1540 sont moins correctes, et surtout beaucoup moins complètes : voir Daru.
Structure : Rimes plates, avec 3 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Icy commencent
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les Bélistres.
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MAUDUYT, le premier povre.1 SCÈNE I
Bon jour, Tout-luy-fault !
TOUT-LUY-FAULT, .IIe. povre.
Hé ! Mauduit,
Mettez là la main !
MAUDUIT
Sauf le gant2 !
TOULIFAULT
Il s’entend ainsi.
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TROUILLARD SCÈNE II
Que de bruit !
Bon jour, Toutlifault ! Hé ! Mauduit,
5 Com’ vous va ? Y a-il rien cuyt3 ?
TOULIFAULT
Mauduit, congnois-tu ce brigant ?
TROUILLARD
Bon jour, Toulifault et Mauduit !
« Mettez là la main, sauf le gant !4 »
MAUDUIT
Quel appétit ?
TROUILLARD
Fringant, fringant
10 Pour [soupper d’ung]5 clou de charette.
MAUDUIT
Tu t’en vas donc ?
TROUILLARD
Mais je m’arreste
Pour veoir si vous avez que frire6.
TOULIFAULT
Mais qui est-il ?
MAUDUIT
Qui ? Il fault dire
Que son estat n’est pas meschant7.
TOULIFAULT
15 Je cuide que c’est ung marchant
De quelque estrange8 région,
Qui a plus d’une légion9
Du métail10 qui soubz l’ongle crocque.
MAUDUIT
Tu es donc marchant ?
TROUILLARD
Il se mocque
20 Des maulx chausséz11.
TOULIFAULT
Va te pisser12 !
C’est, vous dit-on, ung espicier13 :
Il ne maine autre marchandise.
MAUDUIT
Il y pert14 bien à sa chemise :
Elle est plus jaulne15 que haran.
TROUILLARD
25 Voire soret16.
TOULIFAULT
C’est de saffran :
Il en a tout plain sa bougette17 ;
Et de paour d’en payer la traicte,
Il en emplist tout plain ses brayes18.
MAUDUIT
Tu en bailles enseignes vrayes19,
30 Toulifault.
TOULIFAULT
Quoy ?
MAUDUIT
Tu ne mentz point.
Metz cy le nez sur son pourpoint…
Que sent-il ?
TOULIFAULT
Ce n’est pas civette20 !
MAUDUIT
C’est donc pouldre de vïolette ?
TOULIFAULT
Non est ; il tire sur le musch21.
MAUDUIT
35 Je croy, pour vray, qu’il soit de Tusc22,
Ou23 quelque marchant de coton.
TOULIFAULT
Pour cause, [il] faict son hocqueton
Sentir bon24, je l’ay bien congneu25.
MAUDUIT
Pourquoy ?
TOULIFAULT
Pour estre bienvenu
40 Entre les dames, le mignon.
TROUILLARD
Si j’ay espice plus qu(e) ongnon,
Deux chefz d’aulx et une eschalotte26,
Ne si pour Jehan ne pour Charlotte27
Meine marchandise du monde,
45 Je suis content28 que l’on me tonde
Rasibus comme cul de cinge !
TOULIFAULT
[Vis-tu]29 de draps ?
TROUILLARD
De draps de linge30.
Je n’ay, par Dieu, rond que le cu31.
MAUDUIT
Par mon serment, c’est bien vescu !
50 Apprenez, paillard, apprenez !
TROUILLARD
Tel me voyez, tel me prenez.
Je suis légier comme une plume32.
Quant j’ay ung double33 ou deux, je hume.
Qui34 me donne, je tendz la poche.
55 Ung jour voys35 droit, l’autre je cloche.
Je fais du fol et du raillard.
Et ! que fault-il à ung paillard,
Sinon ung bissac soubz l’esselle
Et deux ou trois marcs de vaisselle
60 De beau boys ? Ainsi l’entend-on.
TOULIFAULT
Quel valeton36, quel valeton !
Ainsi plain de bonnes humeurs,
S’il estoit prins des escumeurs37
Ou d’ung coursaire à ung destroit38…
MAUDUIT
65 Ha, quel dommaige ce seroit !
Le pays on verroit destruit :
Car je croy qu’il fera grant bruit39,
Cest enfant. Le voyez-vous bien ?
TROUILLARD
Ha ! pensez que j’ay eu du mien40
70 Autant qu(e) homme qui s’appartienne41.
Mais je suis…
TOULIFAULT
Quoy42 ? Dieu te maintienne !
Tu es bien mince de pécune ?
TROUILLARD
Et ! que voulez-vous ? C’est Fortune
Qui tousjours bons marchans guerroye.
TOULIFAULT
75 Ha, dea ! c’est ce que je disoye :
Il est marchant, ou des facteurs
D’ung lombard43.
TROUILLARD
Vrayement, Messieurs,
Il y pert44 bien à mon pourpoint.
MAUDUIT
Rien, rien, on ne t’en croira point !
80 Car tu es ung marchant publicque45.
TOULIFAULT
Comment ? J’ay veu en sa bouticque
De laz46, d’espingles, d’esguillettes,
De fillet47 noir et des sonnettes
Pour plus de six blancs48 et demy.
TROUILLARD
85 Rien ! Tu t’abuses, mon amy.
Tu as destourné mon advis.
TOULIFAULT
Je regny sainct Gris49 ! Je te veiz,
Ou le diable dedans ton jaques50.
TROUILLARD
Quant me veiz-tu ?
TOULIFAULT
Ce fut aux Pasques.
TROUILLARD
90 Tu n’as pas bien leu ton registre51.
TOULIFAULT
Comment ?
TROUILLARD
Ce fut à la bésistre52,
Quant moy et ta fille Maunette
Allions jouer à l’esguillette53,
À la bisette54 de l’autonne…
TOULIFAULT
95 (S’il est vray ce qu’il me jargonne,
En fin nous trouverons parens55.)
TROUILLARD
… Quant nous goussasmes56 les harens
Que nous trouvasmes au caignard57.
TOULIFAULT
Et comment t’appelle-on58 ?
TROUILLARD
Trouillard.
100 Tu le dev(e)rois fort bien sçavoir.
TOULIFAULT
(Mauldit soys-je s’il ne dit voir59 !
Je ne le sçauroye nyer.)
Quoy ! tu es grant comme ung pommier60,
Mais regardez quel loquebault61 !
MAUDUIT
105 Pensez que c’est ung beau ribault62,
S’il estoit bien enharnaché63.
TOULIFAULT
C’est le père, tout fin craché64 :
Il estoit ainsi laid truant65,
Qui tousjours pétoit en suant,
110 Et ne fist-il66 que quatre pas.
TROUILLARD
Où prenez-vous vostre repas,
Compaignons ?
MAUDUIT
C’est bien sermonné67 !
Pource que tu n’as point disné ?
Tu deis bien ; fais-le-nous acroire68 !
TROUILLARD
115 S(e) on me veit huy manger ne boire
Depuis que je feuz deslogé69,
Par Dieu, je te donne congé
De faire de mon cul mittaines70 !
MAUDUIT
Et ! tu fais tes fièbvres cartaines,
120 Paillard infâme, mal en point71 !
TOULIFAULT
Seigneurs, ne vous combatez point !
Remettez au col le bissac72.
MAUDUIT
Se chargé n’eusse l’estomach73,
Tout sur piedz74 m’en feusse vengé.
TOULIFAULT
125 Trouillard a aussi tant mangé
Qu’il en a le ventre plus rond
Qu(e) ung tabourin.
TROUILLARD
Mais ung estronc !
Je suis plus plat qu(e) une punaise75.
TOULIFAULT
Ha ! que tu eusses esté aise,
130 Si tu feusse esté avecq nous !
TROUILLARD
Mais de quel diable76 venez-vous,
Qui estes en ce point bouffis ?
TOULIFAULT
Luy et moy avons desconfis
Deux grans plains platz de pois au lard…
TROUILLARD
135 Hélas ! que n’y estoit Trouillard ?
TOULIFAULT
… Pastéz, et beaulx oysons petis,
Chappons, et les connins77 rostis.
J’en suis encores tout enflé.
TROUILLARD
Comment ! Avez-vous tant rifflé78
140 Sans mettre ung lopin en réserve ?
MAUDUIT
Escoutez comment il enterve79 !
Et ! par Dieu, c’est bien à propos !
Tout fut mengé, et chair et os ;
Il80 n’y demoura que la plume.
TROUILLARD
145 Mauduit, c’est tousjours ta coustume
Que d’estre en ce point sur ta bouche81.
Et quel vin ?
TOULIFAULT
Ha ! Dieu scet qu’il touche82 !
Ung vin qui la rosette efface83.
TROUILLARD
Or, que mau senglant preu vous face84 !
150 J’en ay tel despit que j’en sue.
MAUDUIT
Toulifault, comptes-luy l’issue85,
Beau sire, pour le resjouir !
TOULIFAULT
Voicy…
TROUILLARD
Je n’en vueil plus ouïr !
Car quant je vous en oys parler,
155 Dieu scet comment je fais aller
Ma langue autour de mes baulièvres86.
MAUDUIT
Encor oublions-nous les lièvres,
Que nous mangeasmes au civé87.
TROUILLARD
Ung peu trop tard me suis levé ;
160 Et ne me failloit que secourre
L’oreille88. Mais, pour me rescourre89,
Iray de bonne heure à la queste.
TOULIFAULT
Attendz-nous, dy, hay, grosse teste90,
Et nous te tiendrons compaignie.
TROUILLARD
165 Maydieux91 ! ce seroit grant follie,
Puisque mèshuy92 ne mengerez.
MAUDUIT
Nenny, vray(e)ment. Mais vous serez
Avec nous plus honnestement93
Que tout seulet.
TROUILLARD
Par mon serment !
170 Mèshuy iray seul, si je puis :
Car tant de povres à ung huys,
Ce n’est pas bien ce qu’il me fault94.
MAUDUIT
Allons après luy, Toulifault :
Si, aurons part à son butin.
.
TROUILLARD, à la porte de SCÈNE III
Cornélius, centurion.
175 Donnez au povre pèlerin95,
Au nom de Dieu de paradis !
TOULIFAULT
Hélas ! pour passer son chemin,
Donnez au povre pèlerin !
Je ne mengeay puis le matin96.
TROUILLARD
180 (Et si, a des fois plus de dix97.)
Donnez au povre pèlerin,
Au nom de Dieu de paradis !
CORNÉLIUS 98
Vous ne serez pas esconditz,
Mes enfans. Car, pour abréger,
185 Vous aurez tous bien à menger,
Puisque pour Dieu le demandez.
Émélïus !
ÉMÉLIUS
Sire ?
CORNÉLIUS
Entendez :
Voilà trois povres à la porte.
Et pour tant99, je vueil qu’on leur porte
190 À menger assez largement.
Ilz crient moult piteusement :
Je pense qu’ilz ont bien grant fain.
ÉMÉLIUS
Voicy de la chair et du pain,
Seigneur, que je leur vois100 porter.
CORNÉLIUS
195 Nous les devons réconforter,
Mon filz, nous y sommes tenuz ;
Les revestir quant ilz sont nudz,
Leur donner à boire et menger,
Les réchauffer et les loger
200 Quant agravéz sont par traveil101 ;
Et leur donner aussi conseil
Qu’ilz prennent tout en patïence,
Car ce ne seroit pas science
S’ilz le faisoient tout autrement.
ÉMÉLIUS
205 Il sera faict entièrement.
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Recevez pour Dieu ceste aulmosne102 SCÈNE IV
Que dom Cornélïus vous donne !
Ainsi le devez-vous entendre.
TROUILLARD
Je pry Dieu qu’Il luy vueille rendre
210 Lassus103, au royaulme divin.
Il ne me fault mais que du vin,
Et je seray trèsbien souppé104.
TOULIFAULT
Voire nous !
TROUILLARD
J’ay icy happé
Ung trèsbon lopin, toutesfois,
215 Truffant105, mocquant.
MAUDUIT
Mais pour nous trois,
Je le te dirois106 voluntiers.
TROUILLARD
Et pourquoy ?
MAUDUIT
Tu n’y as qu(e) ung tiers.
Tu n’y viendrois jamais à bout.
TROUILLARD
Sainct Jehan ! je sçay bien que j’ay tout.
220 En aille ainsi comme il pourra,
Mais ce gobet107 me demourra
Pour soupper, c’est pour abréger.
Aussi, vous ne pourriez manger :
Vous estes plains jusques à l’œil,
225 Ce dictes-vous108.
TOULIFAULT
(Que j’ay grant dueil
De ce qu’il a en son bissac
Nostre soupper !)
TROUILLARD
Vostre estomach
N’en sera mèshuy plus enflé.
MAUDUIT
Quaré 109 ?
TROUILLARD
Vous avez trop rifflé110 :
230 La dïette vous sera bonne.
MAUDUIT
N’avons-nous pas part à l’aumosne,
Dy, paillard coquin que tu es ?
TOULIFAULT
Il en y aura de tuéz111
Avant que d’icy eschappons112.
TROUILLARD
235 Quoy113 ! gens qui ont mangé chappons
Mangeroient voluntiers du beuf ?
MAUDUIT
Par mon âme, tu es bien neuf114 !
Quant le disner je devisoye115,
Comment l’entendz-tu ? Je farsoye116,
240 Ouÿ, par le dieu d’Orient !
TROUILLARD
Et ! je fais à bon escïent117,
Quant à moy : je ne farce point.
TOULIFAULT
Si fais ! Mais pour venir au poinct,
Tu peulx assez ymaginer
245 Qu’on ne nous eust pas faict disner
De perdris ne de chappons gras.
TROUILLARD
Comment ?
MAUDUIT 118
Nous mentons à plain[s] bras :
Bien suffiroit beuf ou mouton,
Ou des pois au lard.
TROUILLARD
Que scet-on ?
250 Quant à moy, je le croy ainsi119.
TOULIFAULT
Scez-tu quoy ? Départons120 icy,
Ou bref tu te feras escourre121.
TROUILLARD
Katherine, fourre-luy, fourre ! 122
S(e) une fois en mes fèbves entre123,
255 Je vous feray et dos et ventre
Plus platz qu(e) une vieille punaise124.
TOULIFAULT
Et ! fault-il donc que je me taise ?
À grant-peine je m’y consens.
MAUDUIT
Je te dis qu’il est hors du sens,
260 Et frappe comme ung enragé.
TOULIFAULT
Au diable soit-il hébergé,
Qu’i l’entraŷne sans retourner125 !
MAUDUIT
Il le nous fault faire adjourner126 :
Il rendra127 tout, s’il ne le nye.
TROUILLARD
265 Je plaideray la main garnye128,
Vous en devez estre adverty,
Enfans : beati garniti
(Comme dit maistre Aliborum129)
Vault mieulx que beati quorum130.
270 Retenez ceste auctorité !131
……………………………..
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TROUILLARD 132 SCÈNE V
Qui pourroit133 sçavoir en quelz lieux
Il seroit bon faire la queste,
J’aurois tantost une requeste
Despeschée en piteux propoz134,
275 Non par escript mais en doulx motz,
Ainsi que bien je sçay user135.
TOULIFAULT
Et aussi pour tost abuser
Tous tes compaignons de l’ostière136 !
MAUDUIT
L’aulmosne emporta toute entière,
280 Que Cornélïus nous donna.
TOULIFAULT
Si finement en ordonna137
Qu’en la chose à nous impartie
Ne nous en feit part ne partie138,
Mais print tout, sauf… nostre deffence139.
MAUDUIT
285 Il nous feit une grant offence,
Dont j’ay empensé me venger,
J’entens s’il ne se veult renger140
Comme on doit en fraternité.
TROUILLARD
Croyez, par ma virginité141,
290 Que je ne vous feray jamais
Maulvais tour, je le vous promectz ;
Et me pardonnez le commis142 !
TOULIFAULT
Ha ! quel bon « vierge », mes amys !
Pensez qu’il soit encores « vierge »,
295 Luy qui a esté le consierge
D’ung bordeau143 plus de quatorze ans ?
MAUDUIT
Voire ! Et si, a faict dix enfans
À une vieille macquerelle.
TROUILLARD
Je ne veulx point prendre querelle
300 Contre vous : car avant midy
Je ne me trouve point hardy
Se, le matin, n’ay résiné144.
Mais quant j’ay bien mon saoul disné,
Je ne cherche que l’escarmouche !
TOULIFAULT
305 (Garder se fault de ceste mouche,
Comme j’entens, quant il est yvre.)
TROUILLART
Je vaulx des solz plus d’une livre145,
Quant j’ay bien la bedaine emplie ;
Pour ce, de bon cueur vous supplie
310 Que nous aillons tendre la patte146
En quelque lieu : car j’ay tel haste
De baufrer que le cueur me fault147.
MAUDUIT
Sçavez-vous que faire nous fault ?
Voyant que nostre argent est court,
315 Allons-nous-en tous en la Court
De Gondoforus148, le bon roy.
Nous y profiterons, je croy,
Car là est ung sainct aumosnier149.
TOULIFAULT
Il me donna son aumosne, hyer,
320 De quoy m’en repeus150 tout le jour.
TROUILLARD
Allons-y doncques sans séjour151 !
MAUDUIT
Allons !
TOULIFAULT
Allons sans plus attendre !
Et que chascun se face entendre
En contrefaisant le piteux152.
……………………………..
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TROUILLARD, povre.153 SCÈNE VI
325 Ha ! très sainct homme, Dieu te rende
Les grans biens que tu nous as faictz !
TOULIFAULT
Ha ! le plus parfaict des parfaictz,
Grâces te rendz de cueur entier.
MAUDUIT
Tenir vueil la voye et sentier
330 Que tu presches, à mon povoir154.
……………………………..
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MAUDUYT 155 SCÈNE VII
Hélas !
TOUTLIFAULT
Hélas !
TROUILLART
Hélas ! Hélas !
Fortune nous est bien contraire156.
MAUDUYT
Perdu avons nostre soulas157.
TOUTLIFFAULT
Hélas !
TROUILLART
Hélas !
MAUDUYT
Hélas ! Hélas !
TOUTLIFFAULT
335 Malheur, qui nous tient en ses las,
Est venu nostre bien substraire158.
TROUILLART
Hélas !
MAUDUYT
Hélas !
TOUTLIFFAULT
Hélas ! Hélas !
Fortune nous est bien contraire.
TROUILLART
Vers qui nous yrons-nous retraire159 ?
MAUDUYT
340 Vers qui yrons-nous à recours160,
Quant la Mort a nostre secours
— Pour nostre161 grant malheure — pris ?
TOUTLIFFAULT
C’estoit de charité le pris162,
Et d’humilité la lumière.
TROUILLART
345 Jamais elle n’eut sa première,
Et jamais n’aura sa seconde163.
MAUDUYT
C’estoit la plus doulce du monde.
TOUTLIFFAULT
C’estoit l’oultrepasse164 en bonté :
Car oncques ne l’a surmonté
350 Péché, et n’en feit onc approche165.
TROUILLART
C’estoit la Dame sans reproche.
Et ay ouÿ dire en maint lieu
Qu’elle a porté le filz de Dieu
Et conceu166 virginallement.
MAUDUYT
355 Je ne le croy point autrement,
Quoy que les juifz en veullent dire.
TOUTLIFFAULT
Ilz sont si remplis de mesdire
Que le meilleur d’eulx ne vault rien.
TROUILLART
Jamais ilz ne nous firent bien,
360 Tant sont de perverse nature.
MAUDUYT
Puisque la bonne créature
Marie nous avons perdue,
C’est convenable chose, et bien deue167,
De chercher ailleurs nostre mieulx168.
TOUTLIFFAULT
365 Or, regardez donc en quelz lieux
Nous seroit bon faire demande169.
TROUILLART 170
Les vierges, en troupe bien grande,
Acompaignèrent le sainct corps.
MAUDUYT
Nous en sommes tous bien records171,
370 Qui fut une excellente chose.
Parquoy, présent, bien dire j(e) ose
Que jamais n’a eu sa pareille.
Parquoy, bien fault qu’on s’appareille
À chercher pour en trouver une
375 Qui voulentiers, de sa pécune,
Luy plaise de nous guerdonner172.
TOUTLIFFAULT
On ne voit point souvent donner
Aux grans bigotz173 ; ny aux bigottes
Qui, contrefaisant les dévotes,
380 Font souvent de bien sotz ouvrages174.
TROUILLART
Il y a des femmes fort sages,
Et en charité renommées ;
Mais elles sont clères semées175 :
Difficile est trouver leur porte.
MAUDUYT
385 Nécessaire est qu’on se transporte
Tendre la main en aucun lieu176,
À celle fin qu’au nom de Dieu
Donner on nous vueille à repaistre.
TOUTLIFFAULT
Par ma loy177 ! j’ay grant désir estre
390 Où il y ait prou à disner :
Le jeusner me faict indigner
Et me rompt toute la cervelle.
TROUILLART
Une andouille cuyte nouvelle
Et ung gros tronson de jambon
395 Avec des pois, seroit-ce bon
Pour en faire quelque offertoire178 ?
MAUDUYT
Après cela, fauldroit-il boire,
Pour le remplage du bacquet179.
TOUTLIFFAULT
Or, sans tenir plus long caquet,
400 Allons chercher nostre adventure !
Possible180, quelque créature
Nous rencontrera en chemin,
Qui remplira le parchemin181,
Lequel est vuyde et bien fort creux.
TROUILLART
405 Allons, donc !
MAUDUYT
Allons !
TOUTLIFFAULT
Je le veulx.
Et chascun de nous ne se faigne
De182 bien demander, que l’enseigne
Ne183 soit en commun rapportée
Telle qu’on l’aura apportée.
*
1 Les deux bélîtres se rencontrent dans une rue. Trouillard les écoute sans être vu. 2 Les gentilshommes ôtent leur gant pour se serrer la main. En réalité, Mauduit sous-entend que Toulifaut pourrait bien lui voler son gant. Nos bélîtres parodient la politesse aristocratique et affectent de se vouvoyer ; leur naturel ne va pas tarder à revenir. 3 Avez-vous pu vous procurer quelque chose à manger ? La nourriture et la boisson constituent le principal sujet de conversation des bélîtres. 4 Trouillard tend la main à ses deux confrères, tout en parodiant leur dialogue du vers 2. 5 Éd : coupper ung (J’ai assez d’appétit pour manger des clous.) 6 Si vous avez de l’argent. D’après le vers 5, l’expression est prise au premier degré : si vous avez quelque chose que nous pourrions faire cuire. 7 Que sa tenue n’est pas misérable. Ironique : Trouillard est vêtu de loques jaunâtres. 8 Étrangère. 9 D’une multitude. 10 Du métal. On fait sonner une pièce avec l’ongle ou la dent pour vérifier, d’après le bruit obtenu, qu’elle n’est pas fausse. 11 De moi, qui suis mal chaussé. 12 Nous dirions : Va chier ! 13 Un riche marchand d’épices. 14 Il y paraît. Idem vers 78. 15 La chemise de Trouillard [foireux] est jaune d’excréments : « Jaulne comme le cul d’ung singe. » Le Capitaine Mal-en-point. 16 Et même, plus jaune qu’un hareng saur. « Harenc soret ! » Les Cris de Paris. 17 Coffret dans lequel les marchands d’épices transportent les produits précieux, en particulier le safran qu’ils vont chercher eux-mêmes en Orient : « Une bougette à espisserie. » Godefroy. 18 De peur de payer la taxe sur les marchandises importées, il cache le safran dans ses braies : voilà pourquoi elles sont jaunes. Mais le public n’ignorait pas que le safran symbolisait les excréments : « C’est saffren ou merde. » Tarabin, Tarabas (F 13). 19 Tu en donnes de vraies preuves. 20 Ce n’est pas du parfum. 21 Cela ressemble plutôt à l’odeur musquée de la merde, comme les draps du bébé dans le Cuvier : « Que ce linge est ort [sale] !/ Il fleure bien le musc de couche. » 22 De Toscane. Les parfumeurs toscans étaient réputés. 23 Ou que ce soit. Le coton brut diffuse une senteur caractéristique. 24 Il parfume son corset. 25 Je m’en suis bien aperçu en y appliquant mon nez. 26 Si j’ai d’autres épices qu’un oignon, deux têtes d’ail et une échalote. 27 Et si pour tel ou telle. 28 Je veux bien. Les singes ont le cul pelé. 29 Éd : Dis tu (Gagnes-tu ta vie en vendant des étoffes ? « Les habitans vivent de la draperie & d’agriculture. » Lucas Chartier.) 30 De lin. « Sans drap vestir, de linge ne de laine. » Villon. 31 Je n’ai de rond que mon anus. L’adjectif « rond » se rapporte à la forme des pièces de monnaie : « Or, par saint Jaque, n’a plus ront/ En tout mon hostel qu’une bille. » Les Menus propos. 32 Je n’ai rien mangé. Même vers dans le Gaudisseur. 33 Pièce valant 2 deniers. Humer = boire : « Pour humer un tastin/ De muscat. » Frère Fécisti. 34 Quand on. 35 Je vais. Idem vers 194. Beaucoup de mendiants font mine de boiter pour attirer les dons. 36 Quel gaillard. « Quel valeton ! » Le Prince et les deux Sotz. 37 Par les écumeurs des mers. Les corsaires barbaresques enlevaient des voyageurs chrétiens pour obtenir une rançon. 38 Dans un bras de mer. 39 Qu’il acquerra une grande renommée. 40 De l’argent. « Il n’emportera rien du mien. » La Laitière. 41 Éd : mappartienne (Qui se respecte.) Jeu de mots : Qui sa part tienne. 42 Éd : Ouay 43 Ou il fait partie des commissionnaires d’un usurier. 44 Il y paraît. Voir le v. 23. 45 N’ayant pas les moyens de tenir une boutique, tu vends sur les marchés. 46 Des lacets. Toulifaut prétend que Trouillard possède une mercerie. 47 De fil. Les sonnettes sont les grelots cousus au costume et au bonnet des fous. « Mymin à sonnètes ! » Le Monde qu’on faict paistre. 48 Pièces de monnaie valant 5 deniers. 49 Je renie saint François d’Assise. « Je regny sainct Gris ! c’est ung cul ! » Trote-menu et Mirre-loret. 50 Ou le diable avait revêtu ton justaucorps et avait pris ton apparence. 51 Ton calendrier. 52 Éd : belistre (Le bésistre désigne le jour bissexte, le 29 février.) 53 L’aiguillette est le cordon qui ferme une braguette. Idem vers 82. On devine de quel « jeu » il s’agit. 54 Quand soufflait le petit vent. Les bélîtres font l’amour en plein air, comme en témoigne la Chanson sur l’ordre de Bélistrie, de Jehan Molinet. 55 À la fin, nous nous trouverons parents : il sera mon gendre. 56 Éd : iouasmes (Les éditions antérieures donnent goussasmes ; pour une fois, c’est elles qui ont raison.) Mot d’argot : « Gousser, c’est manger. » (Guillaume Bouchet.) Sur l’argot dans les Mystères, voir la notice de Gautier et Martin. 57 « Cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, exposé au soleil, où les vaut-riens & fainéants s’assemblent à rien faire & estre le ventre au soleil. » (Jean Nicot.) Cf. Gautier et Martin, vers 48. 58 Trouillard et Toulifaut ressemblent fort à Paillart et Briffaut, deux vagabonds du Capitaine Mal-en-point : « –Comment m’appelle-t-on ? –Paillart./ –Je puisse mourir enragé/ Se ces parolles ne sont vrayes ! » 59 Vrai. 60 Tu es très grand. 61 Loqueteux. « Ce n’est c’un loquebault. » Le Trocheur de maris. 62 Gaillard. 63 Pour peu qu’il soit bien habillé. 64 C’est le portrait de son père tout craché. On reconnaît la scène où maître Pathelin compare le drapier à son père : « Que resemblez-vous bien, de chière/ Et de tout, à vostre bon père…./ C’estes vous (fais-je), tout crachié. » 65 Mendiant. 66 Même s’il n’avait fait. 67 Question idiote ! 68 Tâche de nous convaincre que tu n’as pas dîné. 69 Depuis que je fus expulsé de mon logis. 70 Je te donne l’autorisation de réchauffer tes mains dans mon cul. 71 Cf. le Capitaine Mal-en-point, dont l’un des bélîtres se nomme Paillart. Mauduit pose son bissac pour montrer qu’il veut en venir aux mains avec Trouillard. 72 Le double sac que les mendiants portent sur leur épaule ou sur leur col. Idem vers 58 et 226. « Le povre bélistre,/ Il avoit le bisac au col. » La Mocqueresse mocquée. 73 Si mon estomac n’était pas si chargé, après le festin que Toulifaut et moi venons de faire. Ce festin imaginaire est invoqué pour taquiner Trouillard. 74 Sur le champ. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 670. 75 Voir le v. 256. 76 D’où diable. 77 Des lapins. Personne n’aurait servi des mets aussi fins à des clochards, comme ils le reconnaîtront eux-mêmes aux vers 244-9. 78 Bâfré. Même mot d’argot à 229. 79 Comment il nous interroge (argot). « Qu’on en enterve/ Puis l’ung, puis l’autre ; et là, orrez/ Se remède trouver pourrez. » Mystère de l’Incarnation. 80 Éd : Quil 81 De ne penser qu’à manger. « C’est laide chose qu’ung servant/ Qui est en ce point sur sa bouche. » Le Capitaine Mal-en-point. 82 Que ce vin va droit au cœur. « Le vin d’Espagne touche au cœur. » Dict. de l’Académie françoise. 83 Qui fait oublier le rosette, un vin blanc du Périgord. « Vin d’Arragon, vin de rosette. » Le Gaudisseur. 84 Que ce vin vous fasse un mauvais profit ! 85 Raconte-lui le dessert. 86 Je me lèche les lèvres avec gourmandise. 87 En sauce au vin et à l’oignon (cive). « Voulez-vous ce lièvre au boussac,/ Ou s’on le mectra au civé ? » Le Capitaine Mal-en-point. 88 Il n’aurait fallu que me secouer l’oreille pour me réveiller. 89 Pour me secourir, me reconstituer. 90 Tête de mule. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 177. 91 M’aid Dieu : que Dieu me vienne en aide. 92 Aujourd’hui. Idem vers 170 et 228. 93 Plus honorablement. 94 On se méfiait des mendiants qui opéraient en équipe. « Y n’est poinct plus grand desplaisir/ Que tant de truans [mendiants] à un huys. » Les Mal contentes. 95 Certains mendiants accaparent le titre de pèlerins pour que les bons chrétiens soient tenus de leur faire la charité. Le faux pèlerin des Premiers gardonnéz s’écrie : « (Celui) qui me donne,/ Il fait bien et grant charité. » 96 Depuis ce matin. 97 Et pourtant, Toulifaut a mangé plus de dix fois. 98 Le centurion romain Cornélius, qui va bientôt devenir chrétien, est une dupe idéale pour nos trois filous. Son aide de camp, le chevalier Émélius, paraît un peu moins naïf. 99 Pour cela. 100 Vais. 101 Quand ils sont grevés par les tourments. Les éditions antérieures indiquent en marge que ce prêche emprunte au Psaume 40, à St Luc et au Livre de Tobie. 102 Émélius donne une grosse quantité de nourriture à Trouillard, qui la met dans son bissac (vers 226). 103 Que Dieu le lui rende, là-haut. 104 Nourri. « Vous serez souppéz en plénier [en abondance]. » (Le Capitaine Mal-en-point.) Émélius feint de ne pas entendre, et retourne chez le centurion. 105 Éd : Toussant (Les éditions antérieures donnent : Touffault.) L’expression « truffant, moquant », ou « truffant, bourdant », signifie : soit dit sans vouloir vous offenser. 106 Éd : lairrois 107 Ce morceau. 108 D’après ce que vous dites. Trouillard devine enfin que les agapes dont se vantent ses rivaux relèvent de la mystification ; maintenant, c’est lui qui va rire des autres. 109 Pour quelle raison (mot latin). « Dy-moy quaré/ Tu me viens faire ce meschef. » Les Trois amoureux de la croix. 110 Bâfré. Même mot d’argot à 139. 111 Il va y avoir un mort. « Il y en aura de mors :/ Il y moura l’un de nous deulx. » L’Avantureulx. 112 Nous partions. « Jamais d’icy n’eschaperon. » Saincte-Caquette. 113 Éd : Ouay (Au vers 137, Mauduit et Toulifaut ont prétendu avoir mangé du chapon.) 114 Bien naïf, pour avoir cru nos fanfaronnades. « Vous estes bien neuf ! » Le Dorellot. 115 Je te décrivais. 116 Je plaisantais. 117 Je parle sérieusement. 118 Éd : Maudine. (Mau dîné = mal nourri. Mais la rime des vers 1, 4 et 7 confirme Mauduit, tout comme les éditions antérieures. Je corrige la même inadvertance aux rubriques 259 et 263.) 119 Je crois que vous avez réellement fait ce banquet. 120 Partageons. « Voicy mignons hardis et promptz/ Pour faire départir ung rost [rôti]. » Régnault qui se marie. 121 Secouer, battre comme un tapis. 122 Probable refrain de chanson. Le 5ème Livre de Rabelais <chap. 32 bis> énumère des chansons réelles, dont l’une, qu’on n’a pas retrouvée, s’intitule Catherine. En outre, il y a peut-être un nouveau clin d’œil à la Farce de Pathelin : « Il luy fault or ? On le luy fourre ! » 123 Si j’entre dans un accès de folie. « Mais ès fèves plus en entra,/ Cuidant par ung désir volaige/ La tourner à son avantaige/ Pour en jouir légièrement. » (Alain Chartier.) C’est là le développement d’un proverbe : « Quand les fèbves sont flories,/ Les sots commencent leurs folies. » Cotgrave. 124 Voir le v. 128. Trouillard tape sur Mauduit (vers 260). 125 Que le diable l’entraîne en enfer sans retour. 126 Nous devons le faire assigner devant un tribunal. On songe à cet escroc de Pathelin qui, lui-même escroqué par un berger, menace de le faire pendre ou emprisonner. 127 Il restituera. Double sens : il vomira. Jeu de mots semblable dans Pathelin : « –Ilz m’ont fait tout rendre…./ –Mes neufz frans ne sont point rendus. » 128 En ayant la main garnie de nourriture, pour soudoyer le juge. Un avocat du Plaidoyer de Coquillart se nomme « maistre Oudard de Main Garnie ». 129 Un maître Aliboron est un conseiller qui masque son incompétence derrière du mauvais latin. « Quel maistre Aliborum !/ Comme il fait ce latin trembler ! » Maistre Mimin estudiant. 130 « On dit proverbialement & populairement : Beati garniti vaut mieux que beati quorum, pour enseigner qu’il faut tâcher d’avoir toûjours la main garnie quand on a à contester quelque chose. » (Furetière.) Le Fol de la Moralité du Lymon et de la Terre (T 19) déclame ce dicton, que Monluc reprendra dans sa Comédie de proverbes. 131 La farce s’interrompt provisoirement. Le vers suivant du Mystère, qui rime avec celui-ci, est prononcé par Jésus. 132 Cet épisode se déroule un peu plus tard. Il ne figure pas dans les éditions antérieures : quand il fallait faire des coupures dans un Mystère, on sacrifiait toujours la farce (voir ma notice de Baudet, Blondète et Mal-enpoint). Pour des raisons pratiques, je numérote ces vers à la suite des précédents. 133 Si l’on pouvait. 134 Je ferais aux dupes une requête énoncée avec des paroles plaintives. 135 Selon mon usage. 136 Argot. Les « gueux de l’ostière » constituent une confrérie de mendiants qui vont de porte en porte. « Par l’artifice des meschans bélistres de l’ostière. » Godefroy. 137 Trouillard s’organisa si finement. 138 Il ne nous en laissa pas une seule part. 139 Nous avons là un superbe zeugma : il prit tout, mais il ne prit pas notre défense. 140 S’il ne veut pas se conduire. Cette Fraternité n’est autre que la confrérie des gueux de l’ostière, dont les règles étaient fort strictes. 141 Dans les farces, un tel serment fait toujours rire. Le prêtre des Povres deables n’hésite pas à jurer : « Et ouy, par ma virginité ! » 142 Le mauvais tour que j’ai commis à vos dépens. 143 D’un bordel, pendant… 144 Si je n’ai bu du jus de raisin fermenté, du vin. 145 Une livre = 20 sous. Mais « sols » se prononçait comme « sots » ; le public a donc pu comprendre : Je vaux mieux qu’une livre de sots. Cf. la Folie des Gorriers, vers 640 et note. 146 Mendier. 147 De bâfrer que mon cœur défaille. Cf. les Coquins, vers 61. 148 Gondopharès, roi des Indes. 149 Encore un pigeon chrétien qu’on va pouvoir plumer. Malheureusement, cette scène a été omise ou supprimée par les trois éditions : voir la note 132. 150 Je me suis repu de nourriture et de vin. 151 Sans délai. 152 En faisant le dévot. Cette revendication du droit à l’hypocrisie va être mise en pratique dès la scène suivante. 153 Saint Thomas donne aux bélîtres une grosse somme qu’il a extorquée au roi, et qu’il accompagne d’un sermon rébarbatif. Trop heureux de remplir leurs poches à si bon compte, les mendiants lui font croire qu’il est parvenu à les convertir au christianisme ; si Paris vaut bien une messe, une aumône importante vaut bien une fausse conversion. Notons que dans le 4ème Livre du mystère, Mauduit et Toulifaut, devenus respectivement sergent et geôlier, persécuteront les chrétiens. Saint Thomas ne l’aurait pas cru ! 154 Selon mon (faible) pouvoir. 155 Nous retrouvons les trois bélîtres à la fin du 5ème Livre. Ils déplorent la mort de leur plus généreuse donatrice. Au bout d’un suspense hitchcockien de 23 vers, nous découvrons qu’il s’agit de la Vierge Marie. Cet épisode irrévérencieux, qui ne figure pas dans les éditions antérieures (note 132), est apocryphe : l’orthographe des noms propres a changé ; mais surtout, on ne reconnaît plus le style fluide de Gréban, qui était mort depuis belle lurette quand ses Actes des Apostres parurent, après avoir subi les inévitables retouches induites par les représentations de 1536 et de 1541. 156 Adverse. Même vers dans les Maraux enchesnéz où, comme ici, des bélîtres se plaignent de leur sort. 157 Notre réconfort. Ces plaintes démarquent mot pour mot celles des amants qui ont perdu leur bien-aimée. Sauf que chez nos bélîtres, l’amour de l’andouille et du jambon va bientôt supplanter l’amour de Marie (vv. 393-4). 158 Nous soustraire notre bien. 159 Retirer. 160 Réclamer de l’aide. 161 Éd : nous a (Quand la Mort a pris notre bienfaitrice, pour notre plus grand malheur. « Ilz s’en départirent à leur grant malheure. » Perceforest.) 162 Le premier prix : elle était le summum de la charité. 163 Nulle ne l’a précédée, et nulle ne lui succédera. 164 La meilleure. Vocabulaire amoureux : « Ma Dame est l’outrepasse des dames. » ATILF. 165 Car le péché ne l’a jamais vaincue, et ne s’approcha jamais d’elle. 166 Et qu’elle l’a conçu. 167 Due, normale. 168 Notre bien. 169 La quête. 170 L’ex-tenancier de bordel (vers 296) a l’esprit ailleurs. 171 Informés. « Tu es par toy-mesme record/ Que deux coquins [mendiants] ne vallent rien/ À un mesme huys. » Le Pardonneur. 172 De nous récompenser. 173 On ne voit pas souvent les bigots donner aux pauvres. 174 Font l’ouvrage de reins. « Je besongne occultement [copule secrètement]/ En contrefaisant la bigotte. » Farce de quattre femmes, F 46. 175 Clairsemées, rares. 176 Pour mendier en quelque lieu. 177 Par ma religion, le paganisme. Cf. Gournay et Micet, vers 85, 96, 319 et 335. 178 Éd : inuentoire. (Pour nous en faire une offrande. « Pour faire offertoire/ Du pain de vie. » N. Osmont.) L’imprimeur a dû craindre un amalgame — d’ailleurs voulu par l’auteur — avec l’Offertoire liturgique. 179 Éd : bancquet. (Pour le remplissage de notre ventre.) 180 Peut-être. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 113. 181 La peau de notre ventre. 182 Éd : Si (Ne feigne pas, ne fasse pas semblant de.) 183 Éd : En (Afin que notre bissac ne soit pas rapporté aussi vide qu’à l’aller.) Le bissac est l’enseigne des mendiants, leur emblême : voir la note 72.