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DARU

Bayerische StaatsBibliothek

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DARU

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Les bourreaux Gournay et Micet apportent une bonne dose d’humour noir au Mistère du Viel Testament ; de même, le bourreau Daru galvanise de son cynisme à toute épreuve les Actes des Apostres (~1470), de Simon Gréban. Voici quelques-unes de ses frasques, disséminées dans les quatre derniers livres du Mystère, qui en compte neuf.

Daru veut dire grossier1. Dans le Miracle de saint Ignace, un sergent cogne sur le saint : « Est-ce bien fort féru [frappé] ? / Ne say vilain, tant soit daru, / Qui n’en fust roupt [rompu]. » Jehan Du Prier, qui avait remanié les Actes des Apostres à la demande du roi René d’Anjou, nomma « Daru » un messager de son Mistère du Roy Advenir.

Sources : Le second volume du magnificque Mystère des Actes des Apostres. Édition parisienne d’Arnoul et Charles Les Angeliers, 15412. <Munich, Bayerische StaatsBibliothek, Res/2 P.o.gall. 27-2.> Je corrige tacitement d’après les éditions de 1538 et de 1540, qui sont beaucoup moins correctes et parfois incomplètes : voir les Bélistres.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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                        DARU

        Qui a3 d’ung bon ouvrier à faire,

        Voicy ung maistre du mestier.

        Si nul de vous en a mestier4,

        Vous voyez : je suis comparu5.

                        LE  PREMIER  PAYEN 6

5      Qui est ce gallant ?

                        DARU

                                         C’est Daru,

        Bon pendeur et bon escorcheur,

        Bien bruslant homme, bon trencheur

        De testes. Pour bailler ès fours7,

        Trayner8, batre par carrefours,

10    Ne doubtez que meilleur s’appère9.

        Le sire grant10 de mon grand-père

        Fust pendu d’ung joly cordeau.

        Ma grant-mère fut au bordeau11,

        S’esbatant et menant grant chère,

15    La supellative12 sorcière

        Dont on ouÿt jamais jangler13

        Pour petis enfans estrangler.

        Mon père fut tout vif bruslé.

        Et mon frère fut décollé14.

20    Fut15 enfouy son aisné filz

        En terre : la fosse luy feiz,

        Et sur le ventre luy sailly16.

        Mon autre frère fut bouilly

        Pour ouvrer17 de faulse monnoye.

25    Et pour ce cas, là je venoye

        Assavoir s’on avoit mestier

        Du meilleur ministre au mestier18

        Qui soit, en ma chair[e]19 occupée.

        Or çà ! regardez mon espée,

30    Cordes, fouëtz et grésillons20.

        J’enrage que nous n’assaillons

        Quelque meschant, à ma venue !

        ……………………………..

                        DARU,  assis.21

        Ne viendra aucun m’enquérir22

        Pour besongner ? Hé ! gentil corps23 !

35    Où sont bussines24, trompes, cors

        Pour la Justice publier ?

        J’ay peur du mestier oublier,

        À moy reposer si long temps.

        S’il fust aucuns seigneurs mettans

40    À Justice quelque gros bis25,

        Je gaignasse tous ses habitz26 :

        Pourpoinct, robe, tout seroit nostre.

        Mais ung sermonneur, ung apostre,

        Ung dessiré27, ung cayemant,

45    À tous les dyables les command28 !

        De despescher telle quenaille29,

        Je n’en donneroys une maille30,

        Car je n’y sentz point de prouffit.

        ………………………………

        Par ma foy, sire, je suis ung

50    Gentil-homme de basse main31.

        Mon frère fut cousin germain

        À l’oncle du nepveu au frère

        De la fille à la seur du père

        De la mère et de mon ayelle32.

55    Et la mienne portoit le voille33

        Pour mieulx la Dame contrefaire.

        ………………………………

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                        LE  PRESTRE  [DE  LA  LOY] 34

        Bateras-tu bien cestuy-cy ?

                        DARU

        Ouÿ, par Dieu ! Et vous aussi35,

        Si monseigneur le me commande.

        ………………………………

                        L’ESCUYER  DE  ASTRAGÈS 36

60    Dea ! tu y mectz bien longuement,

        Pour ung maistre comme tu dis.

        Mais véritables sont les dictz :

        Plus est ung homme grant vanteur,

        Moins est véritable, et menteur37.

65    Daru, Daru, entendz ce mot !

                        DARU

        Par Mars ! j’en auroye plus tost

        Escorché une quarantaine,

        Et bruslé une cinquantaine,

        Et dix traynéz, et vingt pendus,

70    Et en quatre quartiers fendus

        Ung cent38, de ce cousteau tout neuf,

        Que tu n’auroys plumé ung œuf !

                        ASTRAGÈS 39

        Il dict vray. Donne-luy à boire :

        Bien l’a gaigné.

                        DARU

                                  Par ma foy, voire !

                        L’ESCUYER

75    Ha ! comment il est empeschié40 !

        C’est bien ouvré41 !

                        DARU

                                         C’est bien chié42 !

        Et ! beau sire, qu’as-tu affaire

        De tant railler ? Laisse-moy faire !

        Que Dieu te doint la mort amère !

                        ASTRAGÈS

80    Si tu es filz de bonne mère43,

        Prens tost tes fouëtz, et le batz

        Du long, du lé44, et hault et bas !

        Acoup !

                        DARU.  Il frappe sur sainct Bartholemy.

                        Tenez, pour moy esbatre :

        Et ung ! Et deux ! Et trois ! Et quatre !

85    Et cinq ! Et six ! Et sept ! Et huyt !

        Si je ne le rendz de sang vuyd45,

        D’en avoir autant ne m’oppose46.

                        ASTRAGÈS

        Es-tu lassé ?

                        DARU

                              Je me repose

        Regardant ce costé deçà47.

                        L’ESCUYER

90    À luy, ribault !

                        DARU

                                   Çà, maistre, çà !

        Et zif ! Et zef ! Et zof ! Et zaf !

        Et chic ! Et chec ! Et choc48 ! Et taf !

        Et crocq ! Et cracq ! Et maille49 ! Et charge !

                        ASTRAGÈS

        Prens à chascune main la verge,

95    Et autour du corps l’en accolle !

                        DARU

        À l’escolle50, maistre, à l’escolle !

        Juppin51, comme il a la peau dure !

        ………………………………

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        Je suys pied à pied les Apostres

        À celle fin que ne les perde,

100  Comme une truye faict52 la merde.

        ………………………………

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        Mais…53 Mais… Que diroient mes amys

        S’ilz me voyoient en ces habitz ?

        Cecy : « Daru fait du gros bis54. »

        Ha ! par Jupin, ilz n’en ont garde55 !

105  Car quant bien tous je les regarde56,

        Qu’en feray-je ? Il le fault sçavoir57.

        Que semble-il de moy, à me veoir ?

        Ha ! mocque58 qui en ayt envie

        — Soit homme mort ou soit en vie !

110  Je cacheray tous mes oultilz,

        Cordes, cousteaulx, fouëtz gentilz ;

        Et l’aveugle contreferay59.

        En demandant mon pain, feray

        Que quelque argent pourray acquerre60.

        ………………………………

115  Tenir me fauldra mes deux yeulx61

        En ce poinct à demy ouvers,

        Regardant les cieulx de travers :

        Ce m’est advis, ainsi fait-on.

        Ha ! voicy ung propre baston62

120  Pour les aulmosnes requérir.

        ………………………………

        Sçavoir me fault comme il fault dire,

        Et faire bien du marmiteux63 :

        « Mes amys, voicy le piteux.

        À voz aulmosnes me soubmetz.

125  Hé ! seigneurs, perdu j’ay les yeulx. »

        (Aussi beaulx ne64 les euz jamais.)

        « De demander je m’entremetz65,

        Pour avoir66 ma vie. Et proteste

        Que ne voy où le pied je metz

130  Non plus du cul que de la teste.67

        Dieu le te68 rende en ses sainctz Cieulx,

        Peuple, le bien que tu me faictz ! »

        (Mon bien cacheray, c’est du mieulx ;

        Ou mes propos seroient deffaictz69.)

135  « Las ! considérez les effectz

        Dont fault que je porte moleste70 :

        Je ne veoy tables ne buffectz

        Non plus du cul que de la teste.

        Hé ! bonnes gens jeunes et vieulx :

140  En voz maisons, en voz palays,

        Mandez-moy [très bien]71, de voz lieux,

        Par le moindre de voz varletz,

        Du relief aucuns morceletz72

        Dont le povre fera grant feste.

145  Je ne congnois73 beufz ne poulletz

        Non plus du cul que de la teste.

        Donnez-moy des petis brouetz

        Que vous donriez à quelque beste !

        Car veoir ne puis, [dont fais souhetz]74,

150  Non plus du cul que de la teste. »

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                        L’HOSTE 75

        Puisqu(e) avons nostre œuvre parfaicte,

        Dieu vueille qu’elle nous soit bonne !

                        DARU

        Hélas, vostre benoiste aulmosne !

        Dieu vous saulve la claritat 76

155  Et vostre belle luminat,

        Au nom de Dieu en qui je croy77 !

                        L’HOSTE

        Venez, preud’homme ! Suyvez-moy,

        Et je vous donray quelque crouste

        De mon pain.

                        DARU

                                Et ! je n’y voy goutte.

                        L’HOSTE

160  Je vous mènray tout beau, présent78.

                        DARU

        Dieu vous rende ce bon présent

        Et le vous vueille remérir79 !

                        L’HOSTE

        Séez-vous cy ! Je voys80 quérir

        Ung peu de souppe.

                        DARU

                                          Hé ! mon voisin :

165  Et ung petit just de raisin !

        Non pas de bon vin, mais de trempe81,

        Affin que mon pain dedans trempe.

                        L’HOSTE 82

        Tenez, tenez, voylà du bon !

        Et ung morcelet de jambon,

170  Car il n’y a point de potaige.

                        DARU

        Grant mercis ! Puisque le pot ay-je,

        Je boiray bien, ne vous desplaise.

                        L’HOSTE

        Or me dictes — mais qu’il vous plaise —

        Comment ceste adventure advint,

175  De voz yeulx.

                        DARU

                                Des jours n’a que vingt

        Que j’estoye en trèsbel arroy83,

        À gages, eschanson du Roy.

        Et de nuyct, sans chandelle ou lune,

        Comme cil va que nul n’alune84,

180  Dévalle en ce[rtain] creux concave.

                        L’HOSTE

        Ung célier ?

                        DARU

                              C’estoit une cave :

        J’allay quérir du vin vermeil

        Pour le Roy. Ung ray de soleil85

        Me vint réverbérer le front

185  (Près de86 la mâchouère, adonc),

        Si fort que ne vy vin ny eau,

        Et tombay sur ung grant tonneau ;

        Et demouray là, tout confus87.

        Puis l’endemain, si tost que sus88

190  Que le Roy estoit aveuglé…

                        L’HOSTE

        Le Roy ?

                        DARU

                       [J’ay dit]89 ? Je suis janglé90 !

        Vostre vin est fort comme fer ;

        De moy, je ne sçauroye truffer91.

        S(e) ung petit d’eaue j’y92 mettoye ?

195  Lorsque le Roy sceut que j’estoye

        Aveuglé, j’euz tant de brouetz93

                        L’HOSTE,  voyant le bout des fouetz.

        Que faictes-vous de ces fouëtz ?

                        DARU

        Quoy ! les voyez-vous ? Je les tiens

        Au poing, au chemin, pour les chiens ;

200  S’ilz m’abayoient94 soir ou matin,

        Je fais ainsi : « Passe, mastin95 !

        Arrière, arrière ! », quant il mord.

                        Icy, frappe l’hoste et l’hostesse de ses fouetz.

                        L’HOSTESSE

        Que la malle sanglante mort

        Ayt qui96 vous a mis en ce lieu !

                        L’HOSTE

205  Si ne feust pour l’amour de Dieu,

        Ha  croyez que l[’est]ourdisse bien97 !

                        DARU

        Ay-je frappé dessus ung chien ?

        Ha, Patault98 !

                        L’HOSTE

                                 Voz fièbvres quartaines !

        Or sus, sus, cherchez voz mitaines99 !

210  Prenez en gré100 ce peu de bien.

                        DARU

        Et ! comment ? N’en payeray-je rien ?

                        L’HOSTE

        Je n’ay de vostre argent mestier101.

                        DARU

        À Dieu ! Voicy ung bon mestier ;

        De le faire ne me repens.

215  Pendu soys-je si je despens

        À voyage[r] denier ne maille !

        Il est temps qu’en quelque lieu aille

        M’adventurer.

                        L’HOSTE

                                Ha, Fine Myne102 !

        Regardez comment il chemine,

220  Depuis que vin a englouty.

                        DARU,  en soubzriant :

        Le chemin sçay, de ce party103.

        Voyez, le gallant est fringueux104.

                        L’HOSTE

        Par le grant Dieu, c’est ung fin gueux105 !

                        DARU

        Soubz ung gros manteau de bureau106,

225  On donne à boire à ung bourreau

        Qui ung repas entretiendra107

        Quant entre ses gens se tiendra.

                        L’HOSTE

        Quel gros marault ! Faict-on ainsi ?

        ………………………………

                        DARU

        À dormir me suis entremis108,

230  Après le vin du tavernier,

        Qui cuyde estre ung fin lanternier109 ;

        Mais je l’ay bien tost sceu avoir110.

        À Dieu vous dy jusqu(e) au revoir !111

        ………………………………

        Quant mon hoste s’esveillera,

235  Il se verra bien estonné

        D’avoir à ung bourreau donné

        Ung bancquet. Quelle fine espice112 !

        ………………………………

        Seigneurs, s(e) on me vient demander,

        Esveillez-moy tout doulcement :

240  Car je dors si très pesamment

        Que, s’on ne me vient appeller,

        On ne sçaura si bas parler

        Que je ne les entendray jà113.

        ………………………………

        Et ! je croy, si je ne m’esveille,

245  Que nully ne m’esveillera.

        Qui pour soy ne travaillera114,

        Mal yra, à ce que je voys.

        ………………………………

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        Et ! quel dyable pourroit entendre

        Leurs chantz115 ? Ilz ne font que urler.

250  Ne sçav’ous116 autrement parler ?

        On ne les entend peu ne pou117 :

        L’ung urle en chien, et l’autre en lou ;

        L’ung crye, l’autre parle hébrieu.

        Je ne sçay que118 c’est. En ce lieu,

255  Ce sont dyables : je les conjure119 !

        ………………………………

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                        Parlant aux veneurs : 120

        Yray-je avec vous, messeigneurs ?

        Je vous ayderay, si vous estes

        Peu hardis à mener les bestes,

        Si elles estoyent en chaleur.

260  Je fuz avec ung bastelleur121

        Qui venoit de Sarrazinesme122 :

        Mais nous deux — avecques sa femme —

        Menasmes ung loup, ung regnard,

        Quinze martinetz, ung pimart123,

265  Ung porc-espic, ung éléphant ;

        À telz enseignes qu(e) ung enfant

        Retraya124 au ventre sa mère !

        Je suis, de les mener, le père125.

        Et si, avions ung sagittaire126

270  Que nous faisions parler et taire

        Ainsi qu’il estoit convenable.

        Je feroye privé127 ung diable !

        Et sans avoir beste battue,

        Si je leur dy : « Sus, ribault, tue !

275  À ly128 ! », voylà ung homme mort.

        ………………………………

                        Icy, ameine le lyépart.129

        Regardez, sire, le voicy !

        Il est dehors, croyez ma voix130.

        Ha ! par tous noz dieux, je m’en vois !

        Je ne seray plus en ce lieu.

        ………………………………

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                        ÉGÉE 131

280  Et que sçait-il faire ?

                        DARU

                                           Bien pendre,

        Rostir, brusler, escarteller132,

        Batre de verges, descoller,

        Trayner, escorcher, enfouyr ;

        Et si on se combat, f[o]uÿr133

285  Aussi bien qu’oncques feist personne.

        ………………………………

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                        ÉGÉE 134

        Commectez Daru à la porte

        De la prison où sont tenuz !

                        DARU

        Voire, mais qu’il n’y vienne nulz135.

                        L’ESCUYER  [DE]  ÉGÉE

        Comment ! es-tu si peu hardy ?

                        DARU

290  Ha ! dea, non pas ! Mais je le dy :

        Quant des gens venir nous verrions,

        Et trois ou quatre nous serions,

        La chose yroit plus seurement.

                        LE  PREMIER  CHEVALIER  [DE]  ÉGÉE

        Ne te chault ! Garde hardiment ;

295  Et s’il vient rien136, je t(e) ayderay.

                        DARU

        Mais prenez les clefs seulement.

                        LE  SECOND  CHEVALIER  [DE]  ÉGÉE

        Ne te chault, garde hardiment !

        Où vas-tu ?

                        DARU

                              Gardez vaillamment,

        Par le corps bieu ! Je reviendray.137

        ……………………………….

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                        L’ESCUYER  [DE]  ÉGÉE

300  Quant ilz me vindrent requérir

        Les clefz, pas je n’estoye asseur138.

                        DARU

        Et de quoy ? En avoys-tu peur,

        Pour veoir ung tas de ribauldaille,

        De hurons139, ung tas de merdaille ?

305  Ba, ba ! il ne fault qu(e) ung revers140,

        Ung montant, ung coup de travers,

        Ung pas avant, deux en arrière.

        Va ! tu n’entendz pas la manière

        Comment en la guerre on s’esbat.

                        ÉGÉE

310  Mettons à demain ce débat,

        Et nous retirons sans effroy.

                        DARU

        Par Mahommet141 ! si Godeffroy

        Venoit, et Rolland de Billon142,

        Et Olyvier, ung papillon

315   N’en donneray143. Bouf ! Baf ! Bif ! Bou !

        « Qui vive là144 ? Où sont-ilz, où ? »

        ………………………………

        Par mon serment ! on dit bien voir145 :

        Ung vaillant homme, où qu’il se treuve,

        Quant en une guerre s’espreuve,

320  Il trouve tousjours à combatre146.

        Mais toutesfois, quant vient à batre

        — Posé qu’au combatre on s’esbat147 —,

        Se, néantmoins, celluy qu’on bat 148,

        Quoyqu’au batre s’est esbatu

325  (Le corps bieu !), quant il est batu149

        Tant qu’il se fault rendre au batant 150,

        Pas n’est jeu, pour estre151 esbatant.

        Quant il y a quelque destour152,

        Tousjours au batre fault153 l’amour,

330  Où est tout plaisir enfouy.

        Et c’est pourquoy je m’en fouÿ154 :

        Car sachez qu(e) ung coup, en bataille155,

        Trop l’eschine156, soubz le bast 157, taille.

        Pour tant158, en la combaterie

335  N’en lieu où y ayt baterie159,

        Mauldit soit qui s’i embatra160 !

        Tant qu’il sache, qu’on161 se batra,

        V(e)ez là162 tout. V(e)ez là mon propos :

        Batailler à voirres163 et potz,

340  À trippes, à pintes, à tasses,

        À culz, à fesses164, à tétasses,

        C’est bataille que je désire.

        Mais toutesfois, il fault que tire

        Vers Égée165, pour enquérir

345  S’il fera personne mourir :

        À cela ne fault contredire.

        ………………………………

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                        En chantant : 166

        Dieu le vous myre167, myre, myre !

        Dieu le vous myre, frère André !

        Ha ! par ma foy, il me faict rire.

                        TOUS  ENSEMBLE

350  Dieu le vous myre, myre, myre !

                        LE  PREMIER  CHEVALIER

        Puisqu’il nous a tant voulu nuyre,

        De le batre ne me faindray168.

                        LE  SECOND  [CHEVALIER]

        Dieu le vous myre !

                        L’ESCUYER

                                       Myre !

                        DARU

                                                  Myre !

                        ENSEMBLE

        Dieu le vous myre, frère André !

        ………………………………

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                        DARU 169

355  Et ! j(e) osteray ma heurte-bière170

        Et habitz pour mieulx cheminer,

        Et vers Rommanie trayner

        Mes guestres, au partir d’icy.

        ………………………………

.

        Et ! ne viendra quelque menteur

360  De ceulx qu’à nostre Loy171 s’opposent ?

        Hélas ! mes oustilz se reposent

        Et le maistre ne gaigne rien.

        Je tempeste, je voys172, je vien,

        Je travaille, je quiers, je trace :

365  Et si173, ne puis trouver la trace

        De ceulx qu’à mettre à mort demande174.

        Que faict Néron, qu’il ne commande

        À mettre aucun meschant à mort ?

        Ou Agrippe175, qu’il ne s’amort176

370  À enchercher et enquérir,

        Pour sus quelque meschant courir ?

        Comment despescher le pourrons177 ?

        Où sont meurtriers ? Où sont larrons ?

        Où sont hazardeurs178, crocheteurs,

375  Pendars d’homicides fauteurs179 ?

        Je ne gaigne pas ma despense.

        Venez çà ! Sçav’ous que je pense180 ?

        Qu’à ces corbineurs181 de Justice

        Ne soit venu à leur notice182

380  Quelque larron en jugement,

        Qu’ilz ont perdu secrètement183

        En quelque rue traversière ;

        Aux pendans de leur gibessière

        Seroit-il jamais advenu184 ?

        ………………………………

385  N’y aura-il personne prise185,

        À celle fin que je m’esbatte

        À les pendre, ou que je les batte ?

        Que de Dieu chascun soit mauldict !

        Chut ! Vous ne sçavez qu’on186 m’a dict ?

390  Par le grant dieu ! on m’a compté187

        Bien le sçay, je l’ay escouté.

        Toutesfoys, je ne sçay pas bien

        S’il est vray. Mais n’en dictes rien,

        Voyez-vous ? Certes, si feriez ;

395  Et ! au fort, quand vous le diriez,

        Je diroye à chascun, de vous,

        Que vous auriez menty trèstous

        Par le fin fons de la gargate188.

        Dieu pry189 que le dyable m’abatte

400  S’on ne m’a dict (qui190 ? gens agus

        Et subtilz) que Simon Magus

        Feit l’aultre hier191 à Néron entendre

        Qu’à la mort se faisoit estendre

        Pour soy après ressusciter ;

405  Et sembloit qu’il se feist oster

        La teste dessoubz le menton192,

        Et ce n’estoit fors193 qu(e) ung mouton

        Qu(e) ainsi feit à bon essïen

        Sembler194, par art magicïen.

410  Et moy-mesmes je m’en doubtay :

        Car quand la teste luy ostay,

        Il sembloit qu’il n’y estoit point195

        Comme chair d’homme, n’en tel point.

        Il y a quelque chose à frire196.

415  Ne vous jouez pas à le dire,

        Car à voz dictz contrediray

        Et, par tous noz dieux, je diray

        Que vous-mesmes avez ce dit197.

        Nul n’y peult mectre contredict.

        ………………………………

.

420  Puisqu(e) à ce vostre vueil se fonde198,

        Néron, puissant Impérateur,

        Comme hardy opérateur,

        D’elle vois faire la despesche199.

        La vieille trop le monde empesche ;

425  Voylà son dernier sacrement200 !     Il l’assomme.

                        AGRIPPINE

        Vrays dieux, je meurs injustement ;

        Plaise vous me loger en gloire201 !

                        DARU

        Plus ne jouera de la maschouère202 :

        Elle est morte, la bonne dame.

        ………………………………

.

430  Quant à ma personne regarde,

        J’estoye — si Dieu eust voulu

        Avoir mon corps pour estre esleu203

        Assez homme pour, en arroy204,

        Estre prince, prélat ou roy,

435  Pour en triumphe avoir vescu.

        J’ay les jambes jusques au cu,

        J’ay la cuysse jusqu(e) au tallon205,

        J’ay la barbe jusqu(e) au menton,

        J’ay le ventre jusques au bout,

440  J’ay piedz et mains, et teste, et… tout206.

        Ne suis-je donc homme formé ?

        Et qui seroit207 bien informé

        De la vaillance de mon corps,

        Et seroit de mes faictz recordz208

445  (De209 par le grant dieu), je seroye

        En des lieux où me trouveroye

        Digne d’avoir beaucoup de charge.

        Mais jà ne fault qu’on me descharge210 :

        À ce ne seray-je trouvé.

        ………………………………

.

450  Et Daru, l’appelle-l’on point ?

        Qu’est-ce à dire ? Dea ! demourray-je

        Garder l’hostel211, le cul au siège ?

        Non, non ! Car si à dire s’amord212

        Chose dont on le mette à mort,

455  Quant je m’y vouldray occuper213,

        Il me fauldra le col coupper

        À quelque brebis morfondue214 ;

        Et puis, si la peau est vendue,

        J’en auray quelque peu d’argent.

460  Je ne vueil plus estre targeant215 :

        Jupin au216 grant Conseil m’esleut.

        ………………………………

.

        Ay-je tué une brebis,

        Soubz l’ombre de son faulx prescher217 ?

        Bien, donc : devenu suis boucher !

465  Aussi je ne croyoye point

        Que Dieu l’eust218 laissé, pour nul poinct,

        Entre les grandz et les petitz,

        Décoller à ung apprentis ;

        Je ne le croyray en nul lieu.

470  Or çà ! Et si j’ay tué Dieu,

        Et s’est suscité219 par ses ditz,

        Je suis bourreau de Paradis :

        À ces parolles le voit-on.

        Et si j’ay tué ung mouton

475  Tant bien qu(e) ung aultre laboureur220,

        Je suis boucher de l’Empereur.

        Que voulez-vous ? C’est adventure.

        ………………………………

.

                        Icy, doibvent tous sentir Pierre, &

                        puis faire ung cry et s’enfuir.221

                        DARU  court après.

        Hare222 ! hare ! Si me mordez,

        Je le diray à l’Empereur.

480  Je suis le boucher monseigneur223 ;

        Ce n’est pas moy que demandez.

        ………………………………

.

        Est-ce par don ou flaterie224

        Que Daru est tant ravallé

        Qu’au mistère225 n’est appellé ?

485  Qu’est-ce à dire ? Qu’ay-je meffaict ?

        Qu’i a-il ? Que diable ay-je faict,

        Que ce déshonneur me faict-on ?

        Si j’ay descollé ung mouton,

        Or chut, de par le diable, chut !

490  Par le grant dieu ! il me meschut226,

        En despit de la vanterie227.

        ………………………………

.

                        DARU  soit en ung hault lieu monté.

        Advisez où je suis monté

        Pour regarder Simon Magus.

        Mais je sens des cloux228 si agus

495  Que je n’y voy de secours nul,

        Qui me mettent mon povre cul

        À terrible exécution229.

        ………………………………

        Allons voller ! Allons voller !

        Ha, par le grant dieu ! Sans frivolle,

500  On m’a dict que Symon s’en volle230.

        Ou (comme ay ouÿ réveller)

        Avecq les grues va baller

        En guise231 d’ung oyseau saulvage ;

        Et qu’il n’aura corps ne visage

505  Que tout ne soit de plumes plain232.

        Au Temple voys233 (pour tout certain)

        Veoir s’il vollera gentement.

        ………………………………

.

        Mais à quoy tient que l’on ne tire

        De prison ces huyt loricquars234 ?

510  Il en y eust — que brusléz qu(e) ars235

        Plus de cent, qui les m’eust livréz236 !

        Les auroit Néron délivréz

        Par quelque fallace incertaine237 ?

        Que de forte fièvre quartaine

515  Soit espousé et relié

        Celluy qui s’est humilïé

        À les tenir en seure238 garde,

        Et qui les print239, et qui les garde,

        Et l’Empereur, et Mamertin,

520  Albinus, et sire Paulin,

        Parthémïus, et Migestus,

        Frita, Antipater, Cestus,

        Blascus, Gérïon, Ravissant240 !

        Du sens puisse estre hors yssant

525  Qui241 les garde si longuement !

        Luy fault-il autre jugement

        Que p[r]endre, tirer et mener,

        Baisser la teste242, et ramener,

        De la dolouère bien fermy243 ?

530  Me cuyde-l’on si endormy

        Que ne leur liève les cheveulx244 ?

        ………………………………

.

                        Parlant à Mamertin 245 :

        Et ces gallans qu’on feit bouter

        En cage, ces prescheurs subtilz,

        Mamertin : où dyable sont-ilz ?

535  Les veult-on tenir à séjour

        Longuement ? Depuis l’autre jour,

        On n’en a ouÿ nul mot dire.

                        MAMERTIN

        Il n’y en a (par Dieu) nul, sire.

                        DARU

        Pas ung ? De ton dict je me deulz246 !

540  Sont-ilz pas céans ?

                        MAMERTIN

                                        Troys tous neufz247.

        Et deux que sa mère luy garde.

                        DARU

        Or, prens à ta parolle garde !

        Ou troys tous neufz, ou quatre vieulx248 ?

        Par noz dieux ! il te vauldroit mieulx

545  Mourir, si Justice on rompoit

        Par toy ! Entens-tu ?

                        MAMERTIN

                                          Elle poit249.

                        DARU

        Par le grant dieu ! Je jure, en somme :

        Si Néron, l’empereur de Romme,

        Entend que hors s’en soient alléz,

550  Vous en aurez les os galléz250.

        Car pour les garder esleu feustes251.

                        MAMERTIN

        Aussi quarréz que belles flustes252.

        Que demande ce lanternier253 ?

        Il n’y a (par Dieu) prisonnier

555  En la prison, ne prisonnière

        Demeuré.

                        DARU

                          Par quelle manière,

        Mamertin ? Dis-moy le moyen.

                        MAMERTIN

        Demande-le à Martinien

        Et à son compaignon Procès.

                        DARU

560  Et quoy ! ont-ilz faict leur procès254,

        Ou les ont vuidéz de cëans255 ?

                        MAMERTIN

        Demande s’ilz sont chrestïens,

        Et d’autre chose ne t’enquiers.

                        DARU

        Le sont-ilz ?

                        MAMERTIN

                            Pour vray.

                        DARU

                                             Je requiers

565  Que soyez à la mort livréz

        Si je… Mais sont-ilz délivréz

        De la prison ?

                        MAMERTIN

                                Tant de foys dire !

                        DARU

        Le grant dieu me vueille mauldire

        Si ung esclande256 n’en verras !

570  Mais sont-ilz tous dehors ?

                        MAMERTIN

                                                   Taras257 !

                        DARU

        Ha ! tu me troubles la mémoire.

        Mais s’en sont-ilz alléz ?

                        MAMERTIN

                                                Encoire ?

                        DARU

        Pas ne fault que le train258 je perde :

        Par où vont-ilz, Mamertin ?

                        MAMERTIN

                                                    Merde !

575  Va y veoir et tu le sçauras !

        ………………………………

.

                        DARU  luy couppe la teste.259

        S(e) on dict que je chosme, c’est mon260 ?

        Il n’est pas vray, je le proteste.

        Tenez, Paulin261 : v(e)ez là la teste ;

        Allez en faire des pastéz262 !

        ………………………………

580  Seigneurs, ay-je tort si j’ay soif263 ?

        Ay-je pas ung grand coup baillé ?

        N’ay-je pas assez travaillé

        Pour aller boire choppinette ?

        La tavernière est bien finette,

585  Mais je gage de la tromper ;

        Et s’elle s’en peult eschapper,

        La plus fine sera des femmes !

        ………………………………

.

        Or çà ! S(e) on le mect à martire264,

        Quoy ? Pourpenser fault sur ce pas265.

590  Premier266, on ne le pendra pas :

        Il est roy267, et prévost aussi.

        Le fera-on mourir ainsi268 ?

        Si269, devant, le peuple proteste,

        Jà ne luy osteray la teste,

595  Car trop il pourroit couster cher.

        Çà ! le fauldra-il270 escorcher ?

        Je le vouldroye bien sçavoir.

        Ha ! nenny : il a trop d’avoir271.

        Or çà ! pensez-vous qu’on le noye ?

600  Nenny : il a de la monnoye.

        Je m’abuse. Telz prisonniers

        Eschappent assez pour deniers.

        J’en ay beau parler et beau dire272.

*

1 Ou ventru : cf. Louis Du Bois, Glossaire du patois normand, p. 405.   2 La même année, les mêmes éditeurs publièrent une suite des Actes des Apostres écrite par Loÿs Choquet : l’Apocalypse sainct Jehan Zébédée. On y retrouve Daru. Après la mort de Néron, il quitte Rome sans s’être enrichi « au joly mestier de bourreau », et sans avoir d’illusions : « Si mes faictz estoyent amasséz/ Et sur ung blanc papier trasséz,/ On en feroit une satire. » Il sera tué par deux bandits de grands chemins qu’il avait refusé de prendre comme valets. C’est eux qui le remplaceront auprès du nouvel empereur.   3 Si quelqu’un a. « Ou-vrier » compte pour 2 syllabes.   4 Si l’un de vous en a besoin. Idem vers 26 et 212.   5 Je suis là.   6 Éd : citoyen.  (1538 et 1540 donnent à juste titre : payen.)   7 Éd : sours  (Daru mettra saint Thomas dans un four chaud.)   8 Traîner un condamné sur une claie ; idem vers 69 et 283.  Les carrefours sont les haltes où le bourreau fouettait le condamné, au cours d’une lente traversée de la ville.   9 Ne redoutez pas qu’un meilleur que moi se présente. Verbe s’apparoir.   10 Le grand-père. L’éd. de 1540, dans la marge, commente cette généalogie : « La belle lignée de Daru. »   11 Travailla dans un bordel.   12 La plus grande.   13 Plaisanter. « Tandis que cy avons janglé,/ Le fier lyépart l’a estranglé. » Actes des Apostres.   14 Décapité. Idem vers 282, 468 et 488.   15 Éd : Et  (Son fils aîné fut enterré vivant. Voir le vers 283. « Je puisse estre vif enfouy ! » Les Queues troussées.)   16 J’ai sauté, pour tasser la terre. C’est donc Daru qui enterra vif son propre neveu.   17 Pour avoir œuvré.   18 Si l’on avait besoin du meilleur fonctionnaire dans ce métier.   19 Daru est assis dans la chaire où saint Barnabé vient de prêcher. Dès lors, le portier Barrian, qui le tutoyait, s’amuse à le traiter comme un prédicateur : « Maistre Daru, vers vous venons. »   20 Sortes de grilles où l’on coinçait les doigts des suppliciés.   21 Assis dans la chaire de St Barnabé. « Sus ! qu’il soyt en la chaire assis ! » Le Jeu du capifol.   22 Me chercher.   23 Beau gosse. Le bourreau interpelle ironiquement un des sergents d’Astragès qui gravitent autour de lui.   24 Les buccins. Pour faire venir le peuple, les crieurs publics qui annoncent une exécution prochaine soufflent dans un instrument à vent.   25 Un personnage important. Idem vers 103.   26 Le bourreau garde pour lui les vêtements du supplicié.   27 Un loqueteux dont les habits sont déchirés. En argot, un caïmant est un quémandeur, un mendiant : « Et ! faictes-vous le caÿmant ? » Le Mince de quaire.   28 Je les recommande.   29 Canaille, chiennaille. « Englois, quenaille,/ Pourquoy venez en noz pays ? » La Prise et deffaicte des Angloys.   30 Un seul centime. Idem vers 216. « Je n’en donray pas une maille. » (Guillerme qui mengea les figues.) Daru va changer d’avis, et va se spécialiser dans les apôtres (vers 98-100).   31 De basse extraction. Déformation populaire de « gentilhomme de parchemin ». Plus loin, Daru s’affirmera de nouveau « comme ung gentil-homme ;/ Je dy ‟gentil” de basse main. »   32 De mon aïeule. Ayelle rime avec vèle.   33 Ma mère portait le voile, était religieuse. « Je congnois au voile la nonne. » Villon.   34 Ce païen veut faire torturer saint Barthélemy.   35 Je vous battrai aussi.   36 Du roi des Indes. Il trouve que Daru ne ligote pas assez vite St Barthélemy à un pilier, afin de le fustiger.   37 Moins il est sincère et plus il est menteur.   38 Une centaine.   39 Éd : Lescuyer.   40 Occupé (à boire). « Bien empeschié à saouller et emplir son ventre. » ATILF.   41 Œuvré, travaillé.   42 C’est mal dit. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 30.   43 Daru est le fils d’une religieuse (vers 55) dans le genre de sœur Fessue.   44 De long en large. Cf. Lucas Sergent, vers 255.   45 Si je ne le vide pas de son sang.   46 Je ne m’oppose pas à subir autant de coups. Toutefois, Daru ralentit la cadence.   47 En ce qui concerne ce côté-ci. Le bourreau va s’attaquer à l’autre côté du saint, qui est encore intact.   48 Éd : chot  (1538 et 1540 : sof)   49 Frappe à coups de maillet ! « On congne, on maille. » (Marchebeau et Galop.)  Charger = charger de coups. « Mais de mes coups les chargeray ! » (Les Hommes qui font saller leurs femmes.) Pour la rime, on prononçait « cherge », qui est d’ailleurs la graphie adoptée par 1538 et 1540.   50 On assouplit le cerveau des écoliers en leur donnant des coups de verges sur les fesses.   51 Par Jupiter ! Idem vers 104 et 461.   52 Suit. Effectivement, Daru traverse tous les pays où prêchent les apôtres. Ce personnage capital est le fil rouge qui confère un semblant d’unité à la seconde moitié du Mystère.   53 Daru vient d’exécuter saint Philippe, dont le prévôt lui a donné les riches vêtements (note 26) : « Prens tous ses habitz, ilz sont tiens ! » Émerveillé, le bourreau les contemple un par un.   54 Fait le grand personnage. Idem vers 40. « Ne nous fay jà cy du gros bis ! » Le Capitaine Mal-en-point.   55 Ils ne risqueront pas de le dire.   56 Quand je regarde ces riches habits.   57 Daru enlève son manteau de bure, puis il revêt les habits de St Philippe.   58 Éd : mot que  (Se moque de moi celui qui en a envie !)   59 Beaucoup de mendiants simulaient des infirmités. Pour gagner du temps, les fatistes réutilisaient dans leurs Mystères des œuvres plus anciennes, et en particulier des farces ; Gréban s’efforce donc — d’une manière fort peu convaincante — de refiler un vieux rôle de mendiant à son bourreau, qui n’a aucune raison de troquer un métier lucratif qu’il adore, contre un métier méprisable et dangereux.   60 Acquérir, gagner. Daru tente de cacher ses fouets dans un sac, mais ils débordent.   61 1538 et 1540 intitulent cette farce réchauffée : Daru contrefaict l’aveugle (en marge) ; ou : De Daru qui contrefaict l’aveugle demandant l’aumosne à l’hoste (dans la table des matières).   62 Un bâton propice : l’ancêtre de la canne blanche.   63 Le piteux, l’hypocrite. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 54. Daru chante une ballade : les aveugles gagnaient leur vie en poussant la chansonnette.   64 Éd : que  (Ils n’ont jamais été aussi bien.)   65 Je m’emploie. Idem vers 229.   66 Pour gagner.   67 Je n’y vois pas plus avec mon cul qu’avec ma tête, où sont mes yeux. L’aveugle d’Ung biau miracle chante ceci : « Faites vostre aumosne au povre homme/ Qui ne voit, n’oncques ne vit goute/ Non plus des yeulx qu’il fait du coude. »   68 Éd : vous   69 Annulés. Pour dissimuler ses beaux habits, Daru s’enveloppe dans son grossier manteau de bure (vers 224).   70 Les désagréments.   71 Éd : des biens  (Envoyez-moi vite, de votre cuisine.)   72 Quelques morceaux de vos restes.   73 Je ne reconnais.   74 Éd : dons ne iouetz  —  1538 et 1540 : dont me tais  (Ce que je souhaite. « Et les souhaitz qu’ils avoient faictz. » Les Souhaitz du Monde.)   75 Ce tavernier de Hiérapolis rentre chez lui en parlant avec son épouse. Ils pratiquent la charité chrétienne, et sont donc faciles à berner.   76 Clarita = clarté. Pour rassurer les deux chrétiens, Daru estropie du latin. Au vers suivant, lumina = lumière.   77 Le faux aveugle ne jure plus par Jupiter (vv. 97 et 104), par Mars (v. 66), ou par Mahomet (v. 312) : il jure maintenant par le Dieu auquel il ne croit pas.   78 Je vous mènerai bien, présentement.   79 Payer de retour.   80 Je vais. Idem vers 278, 363, 423 et 506.   81 Du vin mêlé d’eau, dans lequel on trempe du pain. « De vin pur sans trempe. » ATILF.   82 Il place un pot de vin entre les mains du faux aveugle, qui va le vider rapidement.   83 En très bon état.   84 Comme va celui que nul n’allume, n’éclaire. « La lune,/ Qui de sa clarté nous alune. » Mystère de saint Sébastien.   85 Le bourreau parodie la conversion de Saul (futur saint Paul) sur le chemin de Damas : « Alors descend une grande lumière qui faict trébuscher Saulus ; & devient aveugle. » Table indiciaire du premier volume des Actes des Apostres.   86 Éd : entre  (Pour Daru, la mâchoire est le centre vital de l’homme, puisque c’est ce qui lui permet de manger. Voir le vers 428.)   87 « Et tout confuz demoure là. » Pour le cry de la Bazoche.   88 Éd : fus  (Que je sus.)  Ayant trop bu, Daru s’emmêle dans ses explications ; il va se reprendre aux vers 195-6.   89 Éd : Je dis  (C’est ce que j’ai dit ?)   90 Éd : sangle  (J’ai commis un lapsus. Cf. le vers 16.)   91 De moi-même, je ne pourrais plaisanter ainsi. Cf. Troys Galans et un Badin, vers 146.   92 Éd : ie ny  (Et si j’y mettais un peu d’eau ? Daru se garde bien de le faire.)  « Eau-e » compte pour 2 syllabes : cf. l’Amoureux, vers 117 et 174.   93 De bouillons reconstituants que l’on sert aux malades. Cf. le Testament Pathelin, vers 133.   94 S’ils aboyaient contre moi.   95 File, clébard ! Cette expression est surtout appliquée aux humains : cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 355.   96 Celui qui. Elle parle donc de son mari.   97 Que je l’assommerais avec plaisir. « Je l’estourdis comme ung poullet. » Les Tyrans.   98 Daru caresse la tavernière en feignant de la prendre pour un chien qu’il a fouetté sans le vouloir. Pataud est un nom de chien.   99 Ramassez vos affaires et allez-vous-en !   100 Vous vous contenterez de.   101 Nul besoin.   102 Petit malin. « Soyez seur/ Que je vous payray, Fine Myne ! » (Dyalogue pour jeunes enfans.) C’est un personnage des Sotz fourréz de malice et des Sotz triumphans.   103 De ce côté : dans ce sens, pour sortir de chez vous. L’aveugle recouvre miraculeusement la vue. Il ôte son manteau de bure, sous lequel il porte le bel habit de St Philippe.   104 Élégant, bien fringué. « Ces fringueux/ Qui ont perrucques à l’envie. » Maistre Doribus.   105 C’est un faux mendiant.   106 De bure, laine grossière dont se couvrent les pauvres et les moines. Cf. le Povre Jouhan, vers 99.   107 Organisera.   108 Je me suis employé.   109 Un dégourdi. Idem vers 553. « Quel lenternier ! » Le Pardonneur.   110 Je l’ai bien eu !   111 Ce vers, qui clôt le 6ème Livre, est un congé au public comme on en trouve à la fin des farces. È finita la commedia : Daru va réintégrer son rôle de bourreau.   112 Quelle fine mouche. « Il nous fault sçavoir en quel part/ Nous trouverons si fine espice. » La Pippée.   113 Ce n’est pas la première fois — ni la dernière ! — que Daru se gargarise avec des phrases dépourvues de sens.   114 Si on n’agit pas pour soi-même.   115 Un temple hindou s’effondre sur les fidèles ; dehors, Daru les écoute geindre au lieu de les secourir.   116 Ne savez-vous. Idem vers 377.   117 On ne les comprend ni un peu, ni un peu : pas du tout. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 150.   118 Ce que.   119 Le païen Daru fait un signe de croix.   120 Sur ordre d’Urinus, proconsul de Thessalonie, deux chasseurs ont capturé un sanglier monstrueux afin qu’il tue saint André. Le bourreau leur donne des conseils avisés, à la suite desquels l’animal tuera les chasseurs. Dans le Mistère du Roy Advenir (v. notice), le messager Daru est lui-même en relation avec deux veneurs.   121 Parmi les bateleurs, il y avait des montreurs d’animaux exotiques.   122 De Turquie, d’Arabie. « S’il eust esté de Sarrazinesme,/ Il eust payé six mille solz. » Colin filz de Thévot.   123 Éd : pinart  (Un pivert. « Paons, pymars et lorios. » ATILF.)   124 Éd : Estrangla  (Se retira, retourna. « Ilz se retrayèrent en Bourgoingne. » ATILF.)  L’enfant eut si peur qu’il retourna dans le ventre de sa mère. « Un homme peut-il encore entrer au ventre de sa mère & naistre ? » Bible de Genève.   125 Un spécialiste.   126 Et aussi, nous avions un centaure.   127 J’apprivoiserais.   128 « À lui ! » : à l’attaque ! Idem vers 90.   129 Daru fait sortir un léopard de sa cage pour qu’il dévore saint André. Le « dompteur » va fuir, et le félin égorgera le fils du proconsul.   130 Contrepèterie : voyez ma croix. Le païen Daru se signe dès qu’il a peur.   131 C’est le prévôt de Patras. Après ses mésaventures zoologiques, Daru a jugé plus prudent de changer d’air.   132 Daru insistera plus loin : « Batre,/ Pendre, tirer, tuer, abatre,/ Rostir, brusler, escarteler. »  Rôtir = brûler vif ; c’est une des spécialités (au sens culinaire) de notre bourreau, qui s’en vante : « Pour bien rostir ou fricasser,/ Voicy ung rôtisseur venu ! »   133 Fuir. Idem vers 331.   134 Il a fait mettre en prison des chrétiens, parmi lesquels saint André.   135 À condition qu’il ne vienne aucun chrétien pour libérer les autres.   136 Si un infidèle vient.   137 Daru s’enfuit. Ce qui ne l’empêche pas de venir jouer les matamores quand il n’y a plus de danger.   138 Quand ces chrétiens vinrent me demander les clés de la prison, je n’étais pas rassuré.   139 De sagouins : « Il n’y a sy villain huron,/ Sy lourdault ne sy vilageoys. » (Les Mal contentes.)  Les merdailles sont des mendiants : « Il ne viendra/ À mon huis un tas de merdailles. » Les Esbahis.   140 Daru mime des gestes d’escrimeur, avec tellement de maladresse que tout le monde s’écarte.   141 Les païens des Mystères jurent indifféremment sur des dieux mythologiques, musulmans, ou fantaisistes.   142 Daru mélange Godefroid de Bouillon avec Roland et Olivier, les héros de Roncevaux. « Et par Godefray de Billon. » (Les Trois amoureux de la croix.) On reconnaît l’un de ces innombrables anachronismes dont les fatistes truffaient malicieusement leurs Mystères, pour le plus grand plaisir des spectateurs cultivés.   143 Je ne donnerais pas plus cher d’eux que d’un papillon.   144 Cri de sentinelle : cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 148. Une fois de plus, Daru se livre à un grotesque numéro de mime.   145 Vrai.   146 À battre un con [le sexe d’une femme]. « Il ne sçait pas qu’est-ce que de combatre,/ Cil qu’entreprend de plusieurs cons batre. » Gratien Du Pont.   147 En admettant qu’on prenne du plaisir à battre un con.   148 Ce con bas. « C’est laide beste que ce villain con bas. » G. Du Pont.   149 « Il y a maintz qu’ont tant de cons batuz/ Qu’en la fin sont vaincuz et combatuz. » G. Du Pont.   150 Au vainqueur. « Ceulx-là qui sont de plusieurs cons batans. » (G. Du Pont.) Ou bien : au battant de la cloche, au pénis. « O ! que vostre batail est trop mol pour ma cloche ! » J. de Schelandre.   151 Éd : sestre  (Pour s’ébattre, prendre du plaisir.)   152 Un obstacle : une perte d’érection.   153 Pendant le coït défaille l’amour (verbe faillir). Au 1er degré, ce dicton vise les maris qui battent leur femme : « Je ne pourrois aimer celuy qui auroit mis divorce entre mon mary & moy, mesmement jusques à venir à coups, car au battre fault l’amour. » Marguerite de Navarre.   154 Je m’enfuis.   155 Lors du coït. « L’inconstant/ Jouvenceau le faict tant,/ Trop chaud à la bataille. » Ronsard.   156 Le pénis. « Et d’une eschine roide au combat préparée,/ (Mon vit) montre que sa colère est à l’extrémité. » Malherbe.   157 Le bas : le sexe de la femme. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas.   158 Pour cela.   159 Un échange de coups.   160 Celui qui s’y fourrera. « Il lui embat jusqu’aus coillons/ Le vit au con. » De la pucelle qui vouloit voler.   161 Tant qu’il pourra, le con. Le Tournoy amoureux narre dans le style épique une guerre entre les cons et les vits ; les premiers gagnent facilement.   162 Voyez là : voilà. Idem vers 578.   163 Contre des verres de vin. « Il vouloit faire guerre/ Encontre ung pot ou contre ung verre. » Le Gaudisseur.   164 « Je ne veulx guerroier qu’aulx fesses. » (Troys Pèlerins et Malice.)  « Les tétons deviennent tétasses. » Guillaume Coquillart.   165 Que j’aille vers le prévôt Égée.   166 Le bourreau et ses complices battent saint André en musique, laquelle n’adoucit pas toujours les mœurs. Dans le même genre, les Actes des Apostres contiennent deux chansons interprétées par des diables.   167 Vous le rende. Verbe mérir : « Dieu vous le myre ! » (Farce du pet.) Cette chanson non retrouvée était probablement grivoise, comme beaucoup de celles où apparaît un moine.   168 Je ne ferai pas semblant. « Mauldict soyt-il qui se faindra/ De fraper ! » Le Raporteur.   169 Suite à de nouvelles aventures peu glorieuses, Daru veut chercher refuge à Rome.   170 Mot inconnu, de même que le hurtebière de 1538 et 1540. On pourrait lire cordelière [ceinture] : cf. les Mal contentes, vers 99. Certains religieux arboraient une cordelière ; or, Daru porte toujours les vêtements de St Philippe.   171 Qui à notre religion.   172 Je vais.   173 Et pourtant.   174 De ceux que je voudrais mettre à mort.   175 Le prévôt Hérode Agrippa, destinataire malgré lui de la 2ème chanson des diables.   176 Qu’il ne s’évertue. Verbe s’amordre. Idem vers 453.   177 Comment pourrons-nous l’expédier ? Idem vers 46 et 423.   178 Les tricheurs, aux jeux de hasard : « Pipeur ou hazardeur de déz. » (Villon.)  Les crocheteurs forcent les serrures : cf. les Tyrans, vers 10-12.   179 Les gibiers de potence faiseurs d’homicides.   180 Savez-vous ce que je pense ? Daru se rapproche des spectateurs et leur parle confidentiellement, tant ce qu’il va dire est grave.   181 Furetière dit qu’au palais de Justice, on appelait « corbineurs ceux qui tiroient la pièce [de l’argent] des plaideurs, & ruinoient des parties ». Daru vise les juges corrompus, comme il le fera encore aux vers 588-603.   182 À leur connaissance. « Lesdiz faiz et cas sont venuz à notice de Justice. » ATILF.   183 Qu’ils ont discrètement laissé fuir.   184 Auraient-ils perdu dans une rue leur bourse ? « Le chevalier avise la bourse, et la prent par le pendant [cordon]. » ATILF.   185 Capturée.   186 Ce qu’on. Sur ordre de Néron, Daru a décapité Simon le Magicien ; mais par un sortilège, ce dernier lui a fait décapiter un mouton à sa place, afin de pouvoir « ressusciter » et passer pour Dieu. L’honorable bourreau est donc devenu un vulgaire boucher ; il ne se remettra jamais d’une telle déchéance.   187 On m’a raconté que… Daru chuchote devant le public l’histoire du mouton de manière inaudible, en mimant la scène.   188 De votre gorge. « Ung estron de chien/ Au milieu de vostre gargate ! » L’Aveugle et Saudret.   189 Je prie Dieu.   190 Éd : ouy  (Aigu = fin, intelligent.)   191 L’autre jour.   192 Il a semblé que Simon se faisait décapiter.   193 Rien d’autre.   194 Qu’il fit ressembler à lui-même.   195 Que cela n’était pas.   196 Éd : dire.  (Gréban n’a jamais commis une rime du même au même avec un sens identique.)  Il y a anguille sous roche.   197 Que vous avez dit cela (l’histoire du mouton).   198 Puisque c’est votre volonté. Néron veut faire tuer sa mère, Agrippine. Cette scène, qui manque dans 1538 et 1540, n’est visiblement pas de Simon Gréban.   199 Je vais la dépêcher, l’exécuter.   200 Éd : testament.  (Voilà son extrême-onction. « Véci ton dernier sacrement ! » Trote-menu et Mirre-loret.)   201 Qu’il vous plaise de me loger aux champs Élyséens, le paradis des païens.   202 De la mâchoire : elle ne mangera plus jamais. « Allons jouer de la mâchouère ! » Le Chauldronnier.   203 Pour que je sois élu échanson des dieux, comme Ganymède, dont Jupiter avait eu le corps.   204 Avec prestige.   205 Daru s’embrouille : j’ai les cuisses jusqu’au cul, j’ai la jambe jusqu’au talon.   206 Daru a failli dire « bout », qui désigne le pénis : « C’est pourquoy les femmes sont si friandes de dire aux hommes : ‟Prestez-moy vostre bout pour boucher mon trou !” » Chansons folastres.   207 Si on était.   208 Et si on se souvenait de mes hauts faits.   209 Éd : Ou   210 On n’aura pas besoin de me démettre de ces hautes fonctions.   211 La maison. « Aussi ne me sers-tu de rien/ Qu’à garder l’hostel. » (Le Cousturier et Ésopet.)  Le siège est peut-être encore la chaire de St Barnabé.   212 Car si Daru se met à dire. Le bourreau parle de lui à la 3e personne aux vers 450 et 483.   213 Quand je voudrai exécuter Daru. La scène est totalement surréaliste.   214 Malade. « Tousser comme brebis morfondues. » Satyre Ménippée.   215 Je ne veux plus m’attarder.   216 Éd : du  (Quand je me serai exécuté moi-même, Jupiter m’intégrera au Conseil des dieux de l’Olympe. Bref, Daru se voit déjà assis à la droite du Père.)   217 À cause des prêches mensongers de Simon le Magicien.   218 Éd : se eust  (1538 et 1540 : eust)  Je ne crois pas que Dieu aurait laissé Simon être décapité par un novice.   219 Et qu’il s’est ressuscité. « Par miracles,/ En suscitant les trespasséz. » ATILF.   220 Aussi bien que n’importe quel autre paysan.   221 Des diables ayant pris l’apparence de chiens viennent flairer saint Pierre, qui les fait fuir. Daru les poursuit pour faire croire qu’il est responsable de leur fuite.   222 Cri par lequel on excite les chiens. Daru l’a déjà employé : « Hare, lévrier ! À luy ! à luy ! »   223 De Néron (génitif archaïque). Voir le vers 476.   224 Est-ce parce que ses ennemis ont répandu des dons financiers ou des flatteries.   225 Qu’aux affaires. Second degré : qu’il ne parle plus dans ce Mystère.   226 Ce fut pour moi une malchance.   227 Quoique je me vante du contraire.   228 Des furoncles aux fesses. Daru n’aurait pas dû s’asseoir dans la chaire de saint Barnabé…   229 Pour un bourreau, le mot est bien choisi.   230 Simon le Magicien va s’envoler, soutenu par des diables invisibles qui le laisseront choir. Daru lui dédiera une oraison funèbre lapidaire : « Bien a vollé, mais il s’est mal tenu :/ Car au tumber, s’est rompu le cerveau. »   231 Il va danser à la manière.   232 Trois des acteurs de la Pippée, qui jouent un rôle d’oiseau, sont eux aussi couverts de plumes.   233 Je vais.   234 Ces fanfarons. Cf. le Nouveau marié, vers 191. Il s’agit bien sûr de chrétiens, parmi lesquels saint Pierre, et saint Paul — que Daru nommera aussi : « le conard, le décepveur fol. »   235 Tant de brûlés que de réduits en cendres. « Il y en eut, que tuéz que brusléz, environ huit mille. » Bible de 1561.   236 Si on m’avait livré les 8 prisonniers, j’aurais brûlé plus de 100 d’entre eux. Décidément, Daru est un bourreau de travail !   237 Par un stratagème douteux.   238 Sûre, vigilante.   239 Et celui qui les captura.   240 Ravisseur. C’est l’écuyer du prévôt Agrippe (vers 369). Tous les hommes susnommés travaillent pour Agrippe ou pour Néron.   241 Puisse-t-il sortir du sens, devenir fou, celui qui…   242 Incliner sur le billot la tête du condamné.  Ramener = asséner un coup : « Entoisa [il leva] sa grosse masse, ramenant un coup foudroyant. » Lacurne.   243 Tenant la doloire [hache] d’une main ferme.   244 On relève ou on coupe les cheveux du condamné avant de le décapiter, pour qu’ils ne gênent pas la manœuvre. Il n’y a pas si longtemps, on coupait le col de sa chemise.   245 Chargé par Néron de surveiller les prisonniers St Paul et St Pierre, il les a libérés contre quelques deniers versés par les convertis Martinien et Procès.   246 Je me lamente. Verbe se douloir.   247 J’ai 3 écus tous neufs. On use de cette boutade pour dire qu’on n’a rien à donner. « Ouy dea, il en a troyz tout neufz ! » (La Pippée.) « J’en ay là trois/ Tous neufz, à compter riffle-à-riffle. » (Te rogamus audi nos.) Bref, Mamertin se moque du bourreau, et répond toujours à côté de la question.   248 Ou 3 écus neufs, ou 4 écus vieux. « Grant planté [quantité] d’escuz vieux. » La Confession du Brigant.   249 Elle pète. « S’il va, s’il vient, s’il dort, s’il poit. » Ung biau miracle.   250 Battus. Cf. Calbain, vers 339.   251 Vous fûtes élu, choisi.   252 « Aussi droit, par Dieu, comme gaulles !/ Quarray comme une belle fluste ! » (Les Coppieurs et Lardeurs.) Non seulement la réponse est absurde, mais en plus, elle dissimule un double sens érotique : aussi érigés que de beaux pénis.   253 Ce dégourdi. Idem vers 231.   254 Les ont-ils jugés puis acquittés ?   255 Ou les ont-ils libérés de cette prison ? « Cians » rime avec « chrétians », comme « escient » rime avec « magician » à 408.   256 Un esclandre.   257 Taratata !   258 Leur trace.   259 Il décapite le converti Martinien (vers 558).   260 Est-ce vrai ?   261 Chevalier aux ordres de Néron (vers 520). Daru lui lance la tête de Martinien comme un ballon.   262 Plaisanterie de bourreaux : « Portez-le bouillir,/ Rostir, ou faire des pastéz ! » Mistère de la Conception.   263 Le bourreau vient d’exécuter plusieurs chrétiens. Mais il n’a pas besoin de cela pour avoir soif.   264 Daru parle d’Agrippe (vers 369) : le prévôt de Rome a osé anticiper un ordre de Néron, et risque donc d’être condamné à mort, s’il ne corrompt pas les juges.   265 Il faut réfléchir à cela.   266 D’abord.   267 Roi des Juifs. Pour ce qui est des prévôts, Gournay et Micet ont bel et bien pendu celui qui leur ordonnait de pendre les autres.   268 Le bourreau simule une décapitation.   269 Éd : Cy  (Le peuple qui assistait aux exécutions prenait quelquefois le parti du condamné.)   270 Éd : fera il   271 D’argent : il pourra donc acheter les juges. « Son père qui, par plusieurs foiz,/ Du gibet l’avoit racheté. » Éloy d’Amerval.   272 J’ai beau râler et j’ai beau dire, ils sont au-dessus des lois. 1538 et 1540 commentent en marge : « Nota contre les mauvais justiciers. »

LES BÉLISTRES

Bayerische StaatsBibliothek

Bayerische StaatsBibliothek

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LES  BÉLISTRES

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Simon Gréban intégra cette farce au troisième livre de son Mystère, les Actes des Apostres, terminé vers 1470. Les bélîtres dont il est question sont des fainéants qui préfèrent mendier — d’une façon parfois agressive — plutôt que de travailler. Ils portent un nom prédestiné : MAUDUIT = mal duit, mal élevé ; les gueux des Maraux enchesnéz se qualifient de « povres enfans mauduytz ». TOULIFAUT, ou Tout-lui-faut = tout lui manque ; le mendiant Saudret a pour « surnom Tout-luy-fault ». TROUILLARD = foireux.

Source : Actes des Apostres. Édition parisienne d’Arnoul et Charles Les Angeliers, 1541. <Munich, Bayerische StaatsBibliothek, Res/2 P.o.gall. 27-1.> En ce qui concerne spécifiquement la farce, les éditions de 1538 (nouveau style) et 1540 sont moins correctes, et surtout beaucoup moins complètes : voir Daru.

Structure : Rimes plates, avec 3 triolets.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Icy commencent

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les Bélistres.

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                        MAUDUYT,  le premier povre.1               SCÈNE  I

         Bon jour, Tout-luy-fault !

                        TOUT-LUY-FAULT,  .IIe. povre.

                                                  Hé ! Mauduit,

        Mettez là la main !

                        MAUDUIT

                                      Sauf le gant2 !

                        TOULIFAULT

        Il s’entend ainsi.

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                        TROUILLARD                                         SCÈNE  II

                                   Que de bruit !

        Bon jour, Toutlifault ! Hé ! Mauduit,

5      Com’ vous va ? Y a-il rien cuyt3 ?

                        TOULIFAULT

        Mauduit, congnois-tu ce brigant ?

                        TROUILLARD

        Bon jour, Toulifault et Mauduit !

        « Mettez là la main, sauf le gant !4 »

                        MAUDUIT

        Quel appétit ?

                        TROUILLARD

                                Fringant, fringant

10    Pour [soupper d’ung]5 clou de charette.

                        MAUDUIT

        Tu t’en vas donc ?

                        TROUILLARD

                                      Mais je m’arreste

        Pour veoir si vous avez que frire6.

                        TOULIFAULT

        Mais qui est-il ?

                        MAUDUIT

                                   Qui ? Il fault dire

        Que son estat n’est pas meschant7.

                        TOULIFAULT

15    Je cuide que c’est ung marchant

        De quelque estrange8 région,

        Qui a plus d’une légion9

        Du métail10 qui soubz l’ongle crocque.

                        MAUDUIT

        Tu es donc marchant ?

                        TROUILLARD

                                             Il se mocque

20    Des maulx chausséz11.

                        TOULIFAULT

                                            Va te pisser12 !

        C’est, vous dit-on, ung espicier13 :

        Il ne maine autre marchandise.

                        MAUDUIT

        Il y pert14 bien à sa chemise :

        Elle est plus jaulne15 que haran.

                        TROUILLARD

25    Voire soret16.

                        TOULIFAULT

                                 C’est de saffran :

        Il en a tout plain sa bougette17 ;

        Et de paour d’en payer la traicte,

        Il en emplist tout plain ses brayes18.

                        MAUDUIT

        Tu en bailles enseignes vrayes19,

30    Toulifault.

                        TOULIFAULT

                         Quoy ?

                        MAUDUIT

                                     Tu ne mentz point.

        Metz cy le nez sur son pourpoint…

        Que sent-il ?

                        TOULIFAULT

                             Ce n’est pas civette20 !

                        MAUDUIT

        C’est donc pouldre de vïolette ?

                        TOULIFAULT

        Non est ; il tire sur le musch21.

                        MAUDUIT

35    Je croy, pour vray, qu’il soit de Tusc22,

        Ou23 quelque marchant de coton.

                        TOULIFAULT

        Pour cause, [il] faict son hocqueton

        Sentir bon24, je l’ay bien congneu25.

                        MAUDUIT

        Pourquoy ?

                        TOULIFAULT

                           Pour estre bienvenu

40    Entre les dames, le mignon.

                        TROUILLARD

        Si j’ay espice plus qu(e) ongnon,

        Deux chefz d’aulx et une eschalotte26,

        Ne si pour Jehan ne pour Charlotte27

        Meine marchandise du monde,

45    Je suis content28 que l’on me tonde

        Rasibus comme cul de cinge !

                        TOULIFAULT

        [Vis-tu]29 de draps ?

                        TROUILLARD

                                          De draps de linge30.

        Je n’ay, par Dieu, rond que le cu31.

                        MAUDUIT

        Par mon serment, c’est bien vescu !

50    Apprenez, paillard, apprenez !

                        TROUILLARD

        Tel me voyez, tel me prenez.

        Je suis légier comme une plume32.

        Quant j’ay ung double33 ou deux, je hume.

        Qui34 me donne, je tendz la poche.

55    Ung jour voys35 droit, l’autre je cloche.

        Je fais du fol et du raillard.

        Et ! que fault-il à ung paillard,

        Sinon ung bissac soubz l’esselle

        Et deux ou trois marcs de vaisselle

60    De beau boys ? Ainsi l’entend-on.

                        TOULIFAULT

        Quel valeton36, quel valeton !

        Ainsi plain de bonnes humeurs,

        S’il estoit prins des escumeurs37

        Ou d’ung coursaire à ung destroit38

                        MAUDUIT

65    Ha, quel dommaige ce seroit !

        Le pays on verroit destruit :

        Car je croy qu’il fera grant bruit39,

        Cest enfant. Le voyez-vous bien ?

                        TROUILLARD

        Ha ! pensez que j’ay eu du mien40

70    Autant qu(e) homme qui s’appartienne41.

        Mais je suis…

                        TOULIFAULT

                              Quoy42 ? Dieu te maintienne !

        Tu es bien mince de pécune ?

                        TROUILLARD

        Et ! que voulez-vous ? C’est Fortune

        Qui tousjours bons marchans guerroye.

                        TOULIFAULT

75    Ha, dea ! c’est ce que je disoye :

        Il est marchant, ou des facteurs

        D’ung lombard43.

                        TROUILLARD

                                     Vrayement, Messieurs,

        Il y pert44 bien à mon pourpoint.

                        MAUDUIT

        Rien, rien, on ne t’en croira point !

80    Car tu es ung marchant publicque45.

                        TOULIFAULT

        Comment ? J’ay veu en sa bouticque

        De laz46, d’espingles, d’esguillettes,

        De fillet47 noir et des sonnettes

        Pour plus de six blancs48 et demy.

                        TROUILLARD

85    Rien ! Tu t’abuses, mon amy.

        Tu as destourné mon advis.

                        TOULIFAULT

        Je regny sainct Gris49 ! Je te veiz,

        Ou le diable dedans ton jaques50.

                        TROUILLARD

        Quant me veiz-tu ?

                        TOULIFAULT

                                       Ce fut aux Pasques.

                        TROUILLARD

90    Tu n’as pas bien leu ton registre51.

                        TOULIFAULT

        Comment ?

                        TROUILLARD

                            Ce fut à la bésistre52,

        Quant moy et ta fille Maunette

        Allions jouer à l’esguillette53,

        À la bisette54 de l’autonne…

                        TOULIFAULT

95    (S’il est vray ce qu’il me jargonne,

        En fin nous trouverons parens55.)

                        TROUILLARD

        … Quant nous goussasmes56 les harens

        Que nous trouvasmes au caignard57.

                        TOULIFAULT

        Et comment t’appelle-on58 ?

                        TROUILLARD

                                                      Trouillard.

100  Tu le dev(e)rois fort bien sçavoir.

                        TOULIFAULT

        (Mauldit soys-je s’il ne dit voir59 !

        Je ne le sçauroye nyer.)

        Quoy ! tu es grant comme ung pommier60,

        Mais regardez quel loquebault61 !

                        MAUDUIT

105  Pensez que c’est ung beau ribault62,

        S’il estoit bien enharnaché63.

                        TOULIFAULT

        C’est le père, tout fin craché64 :

        Il estoit ainsi laid truant65,

        Qui tousjours pétoit en suant,

110  Et ne fist-il66 que quatre pas.

                        TROUILLARD

        Où prenez-vous vostre repas,

        Compaignons ?

                        MAUDUIT

                                 C’est bien sermonné67 !

        Pource que tu n’as point disné ?

        Tu deis bien ; fais-le-nous acroire68 !

                        TROUILLARD

115  S(e) on me veit huy manger ne boire

        Depuis que je feuz deslogé69,

        Par Dieu, je te donne congé

        De faire de mon cul mittaines70 !

                        MAUDUIT

        Et ! tu fais tes fièbvres cartaines,

120  Paillard infâme, mal en point71 !

                        TOULIFAULT

        Seigneurs, ne vous combatez point !

        Remettez au col le bissac72.

                        MAUDUIT

        Se chargé n’eusse l’estomach73,

        Tout sur piedz74 m’en feusse vengé.

                        TOULIFAULT

125  Trouillard a aussi tant mangé

        Qu’il en a le ventre plus rond

        Qu(e) ung tabourin.

                        TROUILLARD

                                        Mais ung estronc !

        Je suis plus plat qu(e) une punaise75.

                        TOULIFAULT

        Ha ! que tu eusses esté aise,

130  Si tu feusse esté avecq nous !

                        TROUILLARD

        Mais de quel diable76 venez-vous,

        Qui estes en ce point bouffis ?

                        TOULIFAULT

        Luy et moy avons desconfis

        Deux grans plains platz de pois au lard…

                        TROUILLARD

135  Hélas ! que n’y estoit Trouillard ?

                        TOULIFAULT

        … Pastéz, et beaulx oysons petis,

        Chappons, et les connins77 rostis.

        J’en suis encores tout enflé.

                        TROUILLARD

        Comment ! Avez-vous tant rifflé78

140  Sans mettre ung lopin en réserve ?

                        MAUDUIT

        Escoutez comment il enterve79 !

        Et ! par Dieu, c’est bien à propos !

        Tout fut mengé, et chair et os ;

        Il80 n’y demoura que la plume.

                        TROUILLARD

145  Mauduit, c’est tousjours ta coustume

        Que d’estre en ce point sur ta bouche81.

        Et quel vin ?

                        TOULIFAULT

                            Ha ! Dieu scet qu’il touche82 !

        Ung vin qui la rosette efface83.

                        TROUILLARD

        Or, que mau senglant preu vous face84 !

150  J’en ay tel despit que j’en sue.

                        MAUDUIT

        Toulifault, comptes-luy l’issue85,

        Beau sire, pour le resjouir !

                        TOULIFAULT

        Voicy…

                        TROUILLARD

                     Je n’en vueil plus ouïr !

        Car quant je vous en oys parler,

155  Dieu scet comment je fais aller

        Ma langue autour de mes baulièvres86.

                        MAUDUIT

        Encor oublions-nous les lièvres,

        Que nous mangeasmes au civé87.

                        TROUILLARD

        Ung peu trop tard me suis levé ;

160  Et ne me failloit que secourre

        L’oreille88. Mais, pour me rescourre89,

        Iray de bonne heure à la queste.

                        TOULIFAULT

        Attendz-nous, dy, hay, grosse teste90,

        Et nous te tiendrons compaignie.

                        TROUILLARD

165  Maydieux91 ! ce seroit grant follie,

        Puisque mèshuy92 ne mengerez.

                        MAUDUIT

        Nenny, vray(e)ment. Mais vous serez

        Avec nous plus honnestement93

        Que tout seulet.

                        TROUILLARD

                                  Par mon serment !

170  Mèshuy iray seul, si je puis :

        Car tant de povres à ung huys,

        Ce n’est pas bien ce qu’il me fault94.

                        MAUDUIT

        Allons après luy, Toulifault :

        Si, aurons part à son butin.

.

                        TROUILLARD,  à la porte de                  SCÈNE  III

                                        Cornélius, centurion.

175  Donnez au povre pèlerin95,

        Au nom de Dieu de paradis !

                        TOULIFAULT

        Hélas ! pour passer son chemin,

        Donnez au povre pèlerin !

        Je ne mengeay puis le matin96.

                        TROUILLARD

180  (Et si, a des fois plus de dix97.)

        Donnez au povre pèlerin,

        Au nom de Dieu de paradis !

                        CORNÉLIUS 98

        Vous ne serez pas esconditz,

        Mes enfans. Car, pour abréger,

185  Vous aurez tous bien à menger,

        Puisque pour Dieu le demandez.

        Émélïus !

                        ÉMÉLIUS

                        Sire ?

                        CORNÉLIUS

                                  Entendez :

        Voilà trois povres à la porte.

        Et pour tant99, je vueil qu’on leur porte

190  À menger assez largement.

        Ilz crient moult piteusement :

        Je pense qu’ilz ont bien grant fain.

                        ÉMÉLIUS

        Voicy de la chair et du pain,

        Seigneur, que je leur vois100 porter.

                        CORNÉLIUS

195   Nous les devons réconforter,

        Mon filz, nous y sommes tenuz ;

        Les revestir quant ilz sont nudz,

        Leur donner à boire et menger,

        Les réchauffer et les loger

200  Quant agravéz sont par traveil101 ;

        Et leur donner aussi conseil

        Qu’ilz prennent tout en patïence,

        Car ce ne seroit pas science

        S’ilz le faisoient tout autrement.

                        ÉMÉLIUS

205  Il sera faict entièrement.

.

        Recevez pour Dieu ceste aulmosne102                        SCÈNE  IV

        Que dom Cornélïus vous donne !

        Ainsi le devez-vous entendre.

                        TROUILLARD

        Je pry Dieu qu’Il luy vueille rendre

210  Lassus103, au royaulme divin.

        Il ne me fault mais que du vin,

        Et je seray trèsbien souppé104.

                        TOULIFAULT

        Voire nous !

                        TROUILLARD

                             J’ay icy happé

        Ung trèsbon lopin, toutesfois,

215  Truffant105, mocquant.

                        MAUDUIT

                                             Mais pour nous trois,

        Je le te dirois106 voluntiers.

                        TROUILLARD

        Et pourquoy ?

                        MAUDUIT

                               Tu n’y as qu(e) ung tiers.

        Tu n’y viendrois jamais à bout.

                        TROUILLARD

        Sainct Jehan ! je sçay bien que j’ay tout.

220  En aille ainsi comme il pourra,

        Mais ce gobet107 me demourra

        Pour soupper, c’est pour abréger.

        Aussi, vous ne pourriez manger :

        Vous estes plains jusques à l’œil,

225  Ce dictes-vous108.

                        TOULIFAULT

                                     (Que j’ay grant dueil

        De ce qu’il a en son bissac

        Nostre soupper !)

                        TROUILLARD

                                     Vostre estomach

        N’en sera mèshuy plus enflé.

                        MAUDUIT

        Quaré 109 ?

                        TROUILLARD

                            Vous avez trop rifflé110 :

230  La dïette vous sera bonne.

                        MAUDUIT

        N’avons-nous pas part à l’aumosne,

        Dy, paillard coquin que tu es ?

                        TOULIFAULT

        Il en y aura de tuéz111

        Avant que d’icy eschappons112.

                        TROUILLARD

235  Quoy113 ! gens qui ont mangé chappons

        Mangeroient voluntiers du beuf ?

                        MAUDUIT

        Par mon âme, tu es bien neuf114 !

        Quant le disner je devisoye115,

        Comment l’entendz-tu ? Je farsoye116,

240  Ouÿ, par le dieu d’Orient !

                        TROUILLARD

        Et ! je fais à bon escïent117,

        Quant à moy : je ne farce point.

                        TOULIFAULT

        Si fais ! Mais pour venir au poinct,

        Tu peulx assez ymaginer

245  Qu’on ne nous eust pas faict disner

        De perdris ne de chappons gras.

                        TROUILLARD

        Comment ?

                        MAUDUIT 118

                           Nous mentons à plain[s] bras :

        Bien suffiroit beuf ou mouton,

        Ou des pois au lard.

                        TROUILLARD

                                         Que scet-on ?

250  Quant à moy, je le croy ainsi119.

                        TOULIFAULT

        Scez-tu quoy ? Départons120 icy,

        Ou bref tu te feras escourre121.

                        TROUILLARD

        Katherine, fourre-luy, fourre ! 122

        S(e) une fois en mes fèbves entre123,

255  Je vous feray et dos et ventre

        Plus platz qu(e) une vieille punaise124.

                        TOULIFAULT

        Et ! fault-il donc que je me taise ?

        À grant-peine je m’y consens.

                        MAUDUIT

        Je te dis qu’il est hors du sens,

260  Et frappe comme ung enragé.

                        TOULIFAULT

        Au diable soit-il hébergé,

        Qu’i l’entraŷne sans retourner125 !

                        MAUDUIT

        Il le nous fault faire adjourner126 :

        Il rendra127 tout, s’il ne le nye.

                        TROUILLARD

265  Je plaideray la main garnye128,

        Vous en devez estre adverty,

        Enfans : beati garniti

        (Comme dit maistre Aliborum129)

        Vault mieulx que beati quorum130.

270  Retenez ceste auctorité !131

        ……………………………..

.

                        TROUILLARD 132                                   SCÈNE  V

        Qui pourroit133 sçavoir en quelz lieux

        Il seroit bon faire la queste,

        J’aurois tantost une requeste

        Despeschée en piteux propoz134,

275  Non par escript mais en doulx motz,

        Ainsi que bien je sçay user135.

                        TOULIFAULT

        Et aussi pour tost abuser

        Tous tes compaignons de l’ostière136 !

                        MAUDUIT

        L’aulmosne emporta toute entière,

280  Que Cornélïus nous donna.

                        TOULIFAULT

        Si finement en ordonna137

        Qu’en la chose à nous impartie

        Ne nous en feit part ne partie138,

        Mais print tout, sauf… nostre deffence139.

                        MAUDUIT

285  Il nous feit une grant offence,

        Dont j’ay empensé me venger,

        J’entens s’il ne se veult renger140

        Comme on doit en fraternité.

                        TROUILLARD

        Croyez, par ma virginité141,

290  Que je ne vous feray jamais

        Maulvais tour, je le vous promectz ;

        Et me pardonnez le commis142 !

                        TOULIFAULT

        Ha ! quel bon « vierge », mes amys !

        Pensez qu’il soit encores « vierge »,

295  Luy qui a esté le consierge

        D’ung bordeau143 plus de quatorze ans ?

                        MAUDUIT

        Voire ! Et si, a faict dix enfans

        À une vieille macquerelle.

                        TROUILLARD

        Je ne veulx point prendre querelle

300  Contre vous : car avant midy

        Je ne me trouve point hardy

        Se, le matin, n’ay résiné144.

        Mais quant j’ay bien mon saoul disné,

        Je ne cherche que l’escarmouche !

                        TOULIFAULT

305  (Garder se fault de ceste mouche,

        Comme j’entens, quant il est yvre.)

                        TROUILLART

        Je vaulx des solz plus d’une livre145,

        Quant j’ay bien la bedaine emplie ;

        Pour ce, de bon cueur vous supplie

310  Que nous aillons tendre la patte146

        En quelque lieu : car j’ay tel haste

        De baufrer que le cueur me fault147.

                        MAUDUIT

        Sçavez-vous que faire nous fault ?

        Voyant que nostre argent est court,

315  Allons-nous-en tous en la Court

        De Gondoforus148, le bon roy.

        Nous y profiterons, je croy,

        Car là est ung sainct aumosnier149.

                        TOULIFAULT

        Il me donna son aumosne, hyer,

320  De quoy m’en repeus150 tout le jour.

                        TROUILLARD

        Allons-y doncques sans séjour151 !

                        MAUDUIT

        Allons !

                        TOULIFAULT

                      Allons sans plus attendre !

        Et que chascun se face entendre

        En contrefaisant le piteux152.

        ……………………………..

.

                        TROUILLARD,  povre.153                      SCÈNE  VI

325  Ha ! très sainct homme, Dieu te rende

        Les grans biens que tu nous as faictz !

                        TOULIFAULT

        Ha ! le plus parfaict des parfaictz,

        Grâces te rendz de cueur entier.

                        MAUDUIT

        Tenir vueil la voye et sentier

330  Que tu presches, à mon povoir154.

        ……………………………..

.

                        MAUDUYT 155                                         SCÈNE  VII

        Hélas !

                        TOUTLIFAULT

                     Hélas !

                        TROUILLART

                                   Hélas ! Hélas !

        Fortune nous est bien contraire156.

                        MAUDUYT

        Perdu avons nostre soulas157.

                        TOUTLIFFAULT

        Hélas !

                        TROUILLART

                      Hélas !

                        MAUDUYT

                                    Hélas ! Hélas !

                        TOUTLIFFAULT

335  Malheur, qui nous tient en ses las,

        Est venu nostre bien substraire158.

                        TROUILLART

        Hélas !

                        MAUDUYT

                      Hélas !

                        TOUTLIFFAULT

                                    Hélas ! Hélas !

        Fortune nous est bien contraire.

                        TROUILLART

        Vers qui nous yrons-nous retraire159 ?

                        MAUDUYT

340  Vers qui yrons-nous à recours160,

        Quant la Mort a nostre secours

        — Pour nostre161 grant malheure — pris ?

                        TOUTLIFFAULT

        C’estoit de charité le pris162,

        Et d’humilité la lumière.

                        TROUILLART

345  Jamais elle n’eut sa première,

        Et jamais n’aura sa seconde163.

                        MAUDUYT

        C’estoit la plus doulce du monde.

                        TOUTLIFFAULT

        C’estoit l’oultrepasse164 en bonté :

        Car oncques ne l’a surmonté

350  Péché, et n’en feit onc approche165.

                        TROUILLART

        C’estoit la Dame sans reproche.

        Et ay ouÿ dire en maint lieu

        Qu’elle a porté le filz de Dieu

        Et conceu166 virginallement.

                        MAUDUYT

355  Je ne le croy point autrement,

        Quoy que les juifz en veullent dire.

                        TOUTLIFFAULT

        Ilz sont si remplis de mesdire

        Que le meilleur d’eulx ne vault rien.

                        TROUILLART

        Jamais ilz ne nous firent bien,

360  Tant sont de perverse nature.

                        MAUDUYT

        Puisque la bonne créature

        Marie nous avons perdue,

        C’est convenable chose, et bien deue167,

        De chercher ailleurs nostre mieulx168.

                        TOUTLIFFAULT

365  Or, regardez donc en quelz lieux

        Nous seroit bon faire demande169.

                        TROUILLART 170

        Les vierges, en troupe bien grande,

        Acompaignèrent le sainct corps.

                        MAUDUYT

        Nous en sommes tous bien records171,

370  Qui fut une excellente chose.

        Parquoy, présent, bien dire j(e) ose

        Que jamais n’a eu sa pareille.

        Parquoy, bien fault qu’on s’appareille

        À chercher pour en trouver une

375  Qui voulentiers, de sa pécune,

        Luy plaise de nous guerdonner172.

                        TOUTLIFFAULT

        On ne voit point souvent donner

        Aux grans bigotz173 ; ny aux bigottes

        Qui, contrefaisant les dévotes,

380  Font souvent de bien sotz ouvrages174.

                        TROUILLART

        Il y a des femmes fort sages,

        Et en charité renommées ;

        Mais elles sont clères semées175 :

        Difficile est trouver leur porte.

                        MAUDUYT

385  Nécessaire est qu’on se transporte

        Tendre la main en aucun lieu176,

        À celle fin qu’au nom de Dieu

        Donner on nous vueille à repaistre.

                        TOUTLIFFAULT

        Par ma loy177 ! j’ay grant désir estre

390  Où il y ait prou à disner :

        Le jeusner me faict indigner

        Et me rompt toute la cervelle.

                        TROUILLART

        Une andouille cuyte nouvelle

        Et ung gros tronson de jambon

395  Avec des pois, seroit-ce bon

        Pour en faire quelque offertoire178 ?

                        MAUDUYT

        Après cela, fauldroit-il boire,

        Pour le remplage du bacquet179.

                        TOUTLIFFAULT

        Or, sans tenir plus long caquet,

400  Allons chercher nostre adventure !

        Possible180, quelque créature

        Nous rencontrera en chemin,

        Qui remplira le parchemin181,

        Lequel est vuyde et bien fort creux.

                        TROUILLART

405  Allons, donc !

                        MAUDUYT

                               Allons !

                        TOUTLIFFAULT

                                            Je le veulx.

        Et chascun de nous ne se faigne

        De182 bien demander, que l’enseigne

        Ne183 soit en commun rapportée

        Telle qu’on l’aura apportée.

*

1 Les deux bélîtres se rencontrent dans une rue. Trouillard les écoute sans être vu.   2 Les gentilshommes ôtent leur gant pour se serrer la main. En réalité, Mauduit sous-entend que Toulifaut pourrait bien lui voler son gant. Nos bélîtres parodient la politesse aristocratique et affectent de se vouvoyer ; leur naturel ne va pas tarder à revenir.   3 Avez-vous pu vous procurer quelque chose à manger ? La nourriture et la boisson constituent le principal sujet de conversation des bélîtres.   4 Trouillard tend la main à ses deux confrères, tout en parodiant leur dialogue du vers 2.   5 Éd : coupper ung  (J’ai assez d’appétit pour manger des clous.)   6 Si vous avez de l’argent. D’après le vers 5, l’expression est prise au premier degré : si vous avez quelque chose que nous pourrions faire cuire.   7 Que sa tenue n’est pas misérable. Ironique : Trouillard est vêtu de loques jaunâtres.   8 Étrangère.   9 D’une multitude.   10 Du métal. On fait sonner une pièce avec l’ongle ou la dent pour vérifier, d’après le bruit obtenu, qu’elle n’est pas fausse.   11 De moi, qui suis mal chaussé.   12 Nous dirions : Va chier !   13 Un riche marchand d’épices.   14 Il y paraît. Idem vers 78.   15 La chemise de Trouillard [foireux] est jaune d’excréments : « Jaulne comme le cul d’ung singe. » Le Capitaine Mal-en-point.   16 Et même, plus jaune qu’un hareng saur. « Harenc soret ! » Les Cris de Paris.   17 Coffret dans lequel les marchands d’épices transportent les produits précieux, en particulier le safran qu’ils vont chercher eux-mêmes en Orient : « Une bougette à espisserie. » Godefroy.   18 De peur de payer la taxe sur les marchandises importées, il cache le safran dans ses braies : voilà pourquoi elles sont jaunes. Mais le public n’ignorait pas que le safran symbolisait les excréments : « C’est saffren ou merde. » Tarabin, Tarabas (F 13).   19 Tu en donnes de vraies preuves.   20 Ce n’est pas du parfum.   21 Cela ressemble plutôt à l’odeur musquée de la merde, comme les draps du bébé dans le Cuvier : « Que ce linge est ort [sale] !/ Il fleure bien le musc de couche. »   22 De Toscane. Les parfumeurs toscans étaient réputés.   23 Ou que ce soit. Le coton brut diffuse une senteur caractéristique.   24 Il parfume son corset.   25 Je m’en suis bien aperçu en y appliquant mon nez.   26 Si j’ai d’autres épices qu’un oignon, deux têtes d’ail et une échalote.   27 Et si pour tel ou telle.   28 Je veux bien. Les singes ont le cul pelé.   29 Éd : Dis tu  (Gagnes-tu ta vie en vendant des étoffes ? « Les habitans vivent de la draperie & d’agriculture. » Lucas Chartier.)   30 De lin. « Sans drap vestir, de linge ne de laine. » Villon.   31 Je n’ai de rond que mon anus. L’adjectif « rond » se rapporte à la forme des pièces de monnaie : « Or, par saint Jaque, n’a plus ront/ En tout mon hostel qu’une bille. » Les Menus propos.   32 Je n’ai rien mangé. Même vers dans le Gaudisseur.   33 Pièce valant 2 deniers.  Humer = boire : « Pour humer un tastin/ De muscat. » Frère Fécisti.   34 Quand on.   35 Je vais. Idem vers 194. Beaucoup de mendiants font mine de boiter pour attirer les dons.   36 Quel gaillard. « Quel valeton ! » Le Prince et les deux Sotz.   37 Par les écumeurs des mers. Les corsaires barbaresques enlevaient des voyageurs chrétiens pour obtenir une rançon.   38 Dans un bras de mer.   39 Qu’il acquerra une grande renommée.   40 De l’argent. « Il n’emportera rien du mien. » La Laitière.   41 Éd : mappartienne  (Qui se respecte.)  Jeu de mots : Qui sa part tienne.   42 Éd : Ouay   43 Ou il fait partie des commissionnaires d’un usurier.   44 Il y paraît. Voir le v. 23.   45 N’ayant pas les moyens de tenir une boutique, tu vends sur les marchés.   46 Des lacets. Toulifaut prétend que Trouillard possède une mercerie.   47 De fil. Les sonnettes sont les grelots cousus au costume et au bonnet des fous. « Mymin à sonnètes ! » Le Monde qu’on faict paistre.   48 Pièces de monnaie valant 5 deniers.   49 Je renie saint François d’Assise. « Je regny sainct Gris ! c’est ung cul ! » Trote-menu et Mirre-loret.   50 Ou le diable avait revêtu ton justaucorps et avait pris ton apparence.   51 Ton calendrier.   52 Éd : belistre  (Le bésistre désigne le jour bissexte, le 29 février.)   53 L’aiguillette est le cordon qui ferme une braguette. Idem vers 82. On devine de quel « jeu » il s’agit.   54 Quand soufflait le petit vent. Les bélîtres font l’amour en plein air, comme en témoigne la Chanson sur l’ordre de Bélistrie, de Jehan Molinet.   55 À la fin, nous nous trouverons parents : il sera mon gendre.   56 Éd : iouasmes  (Les éditions antérieures donnent goussasmes ; pour une fois, c’est elles qui ont raison.)  Mot d’argot : « Gousser, c’est manger. » (Guillaume Bouchet.) Sur l’argot dans les Mystères, voir la notice de Gautier et Martin.   57 « Cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, exposé au soleil, où les vaut-riens & fainéants s’assemblent à rien faire & estre le ventre au soleil. » (Jean Nicot.) Cf. Gautier et Martin, vers 48.   58 Trouillard et Toulifaut ressemblent fort à Paillart et Briffaut, deux vagabonds du Capitaine Mal-en-point : « –Comment m’appelle-t-on ? –Paillart./ –Je puisse mourir enragé/ Se ces parolles ne sont vrayes ! »   59 Vrai.   60 Tu es très grand.   61 Loqueteux. « Ce n’est c’un loquebault. » Le Trocheur de maris.   62 Gaillard.   63 Pour peu qu’il soit bien habillé.   64 C’est le portrait de son père tout craché. On reconnaît la scène où maître Pathelin compare le drapier à son père : « Que resemblez-vous bien, de chière/ Et de tout, à vostre bon père…./ C’estes vous (fais-je), tout crachié. »   65 Mendiant.   66 Même s’il n’avait fait.   67 Question idiote !   68 Tâche de nous convaincre que tu n’as pas dîné.   69 Depuis que je fus expulsé de mon logis.   70 Je te donne l’autorisation de réchauffer tes mains dans mon cul.   71 Cf. le Capitaine Mal-en-point, dont l’un des bélîtres se nomme Paillart. Mauduit pose son bissac pour montrer qu’il veut en venir aux mains avec Trouillard.   72 Le double sac que les mendiants portent sur leur épaule ou sur leur col. Idem vers 58 et 226. « Le povre bélistre,/ Il avoit le bisac au col. » La Mocqueresse mocquée.   73 Si mon estomac n’était pas si chargé, après le festin que Toulifaut et moi venons de faire. Ce festin imaginaire est invoqué pour taquiner Trouillard.   74 Sur le champ. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 670.   75 Voir le v. 256.   76 D’où diable.   77 Des lapins. Personne n’aurait servi des mets aussi fins à des clochards, comme ils le reconnaîtront eux-mêmes aux vers 244-9.   78 Bâfré. Même mot d’argot à 229.   79 Comment il nous interroge (argot). « Qu’on en enterve/ Puis l’ung, puis l’autre ; et là, orrez/ Se remède trouver pourrez. » Mystère de l’Incarnation.   80 Éd : Quil   81 De ne penser qu’à manger. « C’est laide chose qu’ung servant/ Qui est en ce point sur sa bouche. » Le Capitaine Mal-en-point.   82 Que ce vin va droit au cœur. « Le vin d’Espagne touche au cœur. » Dict. de l’Académie françoise.   83 Qui fait oublier le rosette, un vin blanc du Périgord. « Vin d’Arragon, vin de rosette. » Le Gaudisseur.   84 Que ce vin vous fasse un mauvais profit !   85 Raconte-lui le dessert.   86 Je me lèche les lèvres avec gourmandise.   87 En sauce au vin et à l’oignon (cive). « Voulez-vous ce lièvre au boussac,/ Ou s’on le mectra au civé ? » Le Capitaine Mal-en-point.   88 Il n’aurait fallu que me secouer l’oreille pour me réveiller.   89 Pour me secourir, me reconstituer.   90 Tête de mule. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 177.   91 M’aid Dieu : que Dieu me vienne en aide.   92 Aujourd’hui. Idem vers 170 et 228.   93 Plus honorablement.   94 On se méfiait des mendiants qui opéraient en équipe. « Y n’est poinct plus grand desplaisir/ Que tant de truans [mendiants] à un huys. » Les Mal contentes.   95 Certains mendiants accaparent le titre de pèlerins pour que les bons chrétiens soient tenus de leur faire la charité. Le faux pèlerin des Premiers gardonnéz s’écrie : « (Celui) qui me donne,/ Il fait bien et grant charité. »   96 Depuis ce matin.   97 Et pourtant, Toulifaut a mangé plus de dix fois.   98 Le centurion romain Cornélius, qui va bientôt devenir chrétien, est une dupe idéale pour nos trois filous. Son aide de camp, le chevalier Émélius, paraît un peu moins naïf.   99 Pour cela.   100 Vais.   101 Quand ils sont grevés par les tourments. Les éditions antérieures indiquent en marge que ce prêche emprunte au Psaume 40, à St Luc et au Livre de Tobie.   102 Émélius donne une grosse quantité de nourriture à Trouillard, qui la met dans son bissac (vers 226).   103 Que Dieu le lui rende, là-haut.   104 Nourri. « Vous serez souppéz en plénier [en abondance]. » (Le Capitaine Mal-en-point.) Émélius feint de ne pas entendre, et retourne chez le centurion.   105 Éd : Toussant  (Les éditions antérieures donnent : Touffault.)  L’expression « truffant, moquant », ou « truffant, bourdant », signifie : soit dit sans vouloir vous offenser.   106 Éd : lairrois   107 Ce morceau.   108 D’après ce que vous dites. Trouillard devine enfin que les agapes dont se vantent ses rivaux relèvent de la mystification ; maintenant, c’est lui qui va rire des autres.   109 Pour quelle raison (mot latin). « Dy-moy quaré/ Tu me viens faire ce meschef. » Les Trois amoureux de la croix.   110 Bâfré. Même mot d’argot à 139.   111 Il va y avoir un mort. « Il y en aura de mors :/ Il y moura l’un de nous deulx. » L’Avantureulx.   112 Nous partions. « Jamais d’icy n’eschaperon. » Saincte-Caquette.   113 Éd : Ouay  (Au vers 137, Mauduit et Toulifaut ont prétendu avoir mangé du chapon.)   114 Bien naïf, pour avoir cru nos fanfaronnades. « Vous estes bien neuf ! » Le Dorellot.   115 Je te décrivais.   116 Je plaisantais.   117 Je parle sérieusement.   118 Éd : Maudine.  (Mau dîné = mal nourri. Mais la rime des vers 1, 4 et 7 confirme Mauduit, tout comme les éditions antérieures. Je corrige la même inadvertance aux rubriques 259 et 263.)   119 Je crois que vous avez réellement fait ce banquet.   120 Partageons. « Voicy mignons hardis et promptz/ Pour faire départir ung rost [rôti]. » Régnault qui se marie.   121 Secouer, battre comme un tapis.   122 Probable refrain de chanson. Le 5ème Livre de Rabelais <chap. 32 bis> énumère des chansons réelles, dont l’une, qu’on n’a pas retrouvée, s’intitule Catherine. En outre, il y a peut-être un nouveau clin d’œil à la Farce de Pathelin : « Il luy fault or ? On le luy fourre ! »   123 Si j’entre dans un accès de folie. « Mais ès fèves plus en entra,/ Cuidant par ung désir volaige/ La tourner à son avantaige/ Pour en jouir légièrement. » (Alain Chartier.) C’est là le développement d’un proverbe : « Quand les fèbves sont flories,/ Les sots commencent leurs folies. » Cotgrave.   124 Voir le v. 128. Trouillard tape sur Mauduit (vers 260).   125 Que le diable l’entraîne en enfer sans retour.   126 Nous devons le faire assigner devant un tribunal. On songe à cet escroc de Pathelin qui, lui-même escroqué par un berger, menace de le faire pendre ou emprisonner.   127 Il restituera. Double sens : il vomira. Jeu de mots semblable dans Pathelin : « –Ilz m’ont fait tout rendre…./ –Mes neufz frans ne sont point rendus. »   128 En ayant la main garnie de nourriture, pour soudoyer le juge. Un avocat du Plaidoyer de Coquillart se nomme « maistre Oudard de Main Garnie ».   129 Un maître Aliboron est un conseiller qui masque son incompétence derrière du mauvais latin. « Quel maistre Aliborum !/ Comme il fait ce latin trembler ! » Maistre Mimin estudiant.   130 « On dit proverbialement & populairement : Beati garniti vaut mieux que beati quorum, pour enseigner qu’il faut tâcher d’avoir toûjours la main garnie quand on a à contester quelque chose. » (Furetière.) Le Fol de la Moralité du Lymon et de la Terre (T 19) déclame ce dicton, que Monluc reprendra dans sa Comédie de proverbes.   131 La farce s’interrompt provisoirement. Le vers suivant du Mystère, qui rime avec celui-ci, est prononcé par Jésus.   132 Cet épisode se déroule un peu plus tard. Il ne figure pas dans les éditions antérieures : quand il fallait faire des coupures dans un Mystère, on sacrifiait toujours la farce (voir ma notice de Baudet, Blondète et Mal-enpoint). Pour des raisons pratiques, je numérote ces vers à la suite des précédents.   133 Si l’on pouvait.   134 Je ferais aux dupes une requête énoncée avec des paroles plaintives.   135 Selon mon usage.   136 Argot. Les « gueux de l’ostière » constituent une confrérie de mendiants qui vont de porte en porte. « Par l’artifice des meschans bélistres de l’ostière. » Godefroy.   137 Trouillard s’organisa si finement.   138 Il ne nous en laissa pas une seule part.   139 Nous avons là un superbe zeugma : il prit tout, mais il ne prit pas notre défense.   140 S’il ne veut pas se conduire. Cette Fraternité n’est autre que la confrérie des gueux de l’ostière, dont les règles étaient fort strictes.   141 Dans les farces, un tel serment fait toujours rire. Le prêtre des Povres deables n’hésite pas à jurer : « Et ouy, par ma virginité ! »   142 Le mauvais tour que j’ai commis à vos dépens.   143 D’un bordel, pendant…   144 Si je n’ai bu du jus de raisin fermenté, du vin.   145 Une livre = 20 sous. Mais « sols » se prononçait comme « sots » ; le public a donc pu comprendre : Je vaux mieux qu’une livre de sots. Cf. la Folie des Gorriers, vers 640 et note.   146 Mendier.   147 De bâfrer que mon cœur défaille. Cf. les Coquins, vers 61.   148 Gondopharès, roi des Indes.   149 Encore un pigeon chrétien qu’on va pouvoir plumer. Malheureusement, cette scène a été omise ou supprimée par les trois éditions : voir la note 132.   150 Je me suis repu de nourriture et de vin.   151 Sans délai.   152 En faisant le dévot. Cette revendication du droit à l’hypocrisie va être mise en pratique dès la scène suivante.   153 Saint Thomas donne aux bélîtres une grosse somme qu’il a extorquée au roi, et qu’il accompagne d’un sermon rébarbatif. Trop heureux de remplir leurs poches à si bon compte, les mendiants lui font croire qu’il est parvenu à les convertir au christianisme ; si Paris vaut bien une messe, une aumône importante vaut bien une fausse conversion. Notons que dans le 4ème Livre du mystère, Mauduit et Toulifaut, devenus respectivement sergent et geôlier, persécuteront les chrétiens. Saint Thomas ne l’aurait pas cru !   154 Selon mon (faible) pouvoir.   155 Nous retrouvons les trois bélîtres à la fin du 5ème Livre. Ils déplorent la mort de leur plus généreuse donatrice. Au bout d’un suspense hitchcockien de 23 vers, nous découvrons qu’il s’agit de la Vierge Marie. Cet épisode irrévérencieux, qui ne figure pas dans les éditions antérieures (note 132), est apocryphe : l’orthographe des noms propres a changé ; mais surtout, on ne reconnaît plus le style fluide de Gréban, qui était mort depuis belle lurette quand ses Actes des Apostres parurent, après avoir subi les inévitables retouches induites par les représentations de 1536 et de 1541.   156 Adverse. Même vers dans les Maraux enchesnéz où, comme ici, des bélîtres se plaignent de leur sort.   157 Notre réconfort. Ces plaintes démarquent mot pour mot celles des amants qui ont perdu leur bien-aimée. Sauf que chez nos bélîtres, l’amour de l’andouille et du jambon va bientôt supplanter l’amour de Marie (vv. 393-4).   158 Nous soustraire notre bien.   159 Retirer.   160 Réclamer de l’aide.   161 Éd : nous a  (Quand la Mort a pris notre bienfaitrice, pour notre plus grand malheur. « Ilz s’en départirent à leur grant malheure. » Perceforest.)   162 Le premier prix : elle était le summum de la charité.   163 Nulle ne l’a précédée, et nulle ne lui succédera.   164 La meilleure. Vocabulaire amoureux : « Ma Dame est l’outrepasse des dames. » ATILF.   165 Car le péché ne l’a jamais vaincue, et ne s’approcha jamais d’elle.   166 Et qu’elle l’a conçu.   167 Due, normale.   168 Notre bien.   169 La quête.   170 L’ex-tenancier de bordel (vers 296) a l’esprit ailleurs.   171 Informés. « Tu es par toy-mesme record/ Que deux coquins [mendiants] ne vallent rien/ À un mesme huys. » Le Pardonneur.   172 De nous récompenser.   173 On ne voit pas souvent les bigots donner aux pauvres.   174 Font l’ouvrage de reins. « Je besongne occultement [copule secrètement]/ En contrefaisant la bigotte. » Farce de quattre femmes, F 46.   175 Clairsemées, rares.   176 Pour mendier en quelque lieu.   177 Par ma religion, le paganisme. Cf. Gournay et Micet, vers 85, 96, 319 et 335.   178 Éd : inuentoire.  (Pour nous en faire une offrande. « Pour faire offertoire/ Du pain de vie. » N. Osmont.)  L’imprimeur a dû craindre un amalgame — d’ailleurs voulu par l’auteur — avec l’Offertoire liturgique.   179 Éd : bancquet.  (Pour le remplissage de notre ventre.)   180 Peut-être. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 113.   181 La peau de notre ventre.   182 Éd : Si  (Ne feigne pas, ne fasse pas semblant de.)   183 Éd : En  (Afin que notre bissac ne soit pas rapporté aussi vide qu’à l’aller.)  Le bissac est l’enseigne des mendiants, leur emblême : voir la note 72.