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FARCE DU PET
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René d’Anjou aimait le théâtre ; voir la notice du Roy des Sotz. Le 4 juin 1476, il fit rétribuer un peintre « pour les paintures des cueurs vollans1, et pour les cha[u]ssons2 de la Farce du Pet ». Entre l’écriture de cette Farce du Pet et son arrivée chez l’imprimeur, 70 ans se sont écoulés ; voilà pourquoi le texte en est si corrompu.
Cette œuvre peut être rangée parmi les « causes grasses », scatologiques ou obscènes, que les clercs de la Basoche s’amusaient à plaider. On la joue encore, parfois, mais sur un livret si défectueux que les comédiens ont beaucoup de mal à apprendre par cœur des vers qui n’ont ni mesure, ni rime, ni sens ; cette nouvelle édition a pour but de faciliter leur travail.
Source : Recueil du British Museum, nº 7. Imprimé à Paris pour Pierre Sergent, entre 1532 et 1547.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets en lambeaux.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle et
fort joyeuse du
Pect
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À quatre personnaiges, c’est assavoir :
HUBERT
LA FEMME [Jehannette Huberte]
LE JUGE
Et LE PROCUREUR
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HUBERT commence 3 SCÈNE I
Jehannette !
LA FEMME
Hubert ?
HUBERT
Esse tout ?
Est-il point heure de disner ?
LA FEMME
Attendez.
HUBERT
Tout le sang me boult.
Jehannette !
[ LA FEMME
Hubert ?
HUBERT
Esse tout ?
……………………….. -out
……………………….. -ner.
5 Jehannette !
LA FEMME
Hubert ?
HUBERT ]
Esse tout ?
Est-il point heure de disner ?
LA FEMME
Aydez-moy [tost] à destourner
Ce fardeau, pour la table mettre4.
HUBERT
[ O ! qu’ay-je ouÿ sonner ?
LA FEMME
Peult-estre ]5
10 Une esguillette6 [s’]est rompue.
[ HUBERT
Une esguillette tant ne pue : ]7
Par le sang de bieu8, c’est ung pet !
[Je m’esbahis par qui fut faict ;]9
Je ne sçay dont il peult venir.
LA FEMME
15 Vous me feriez bien souvenir10
Qui l’a faict.
HUBERT
Vous !
LA FEMME
Il n’en est rien.
HUBERT
Par le sang de bieu, je le sçay bien !
Bon gré en ayt sainct Roytellet11 !
LA FEMME
Qui premier l’a sentu12 l’a faict.
20 Je n’en ay faict ne sentu nul13.
HUBERT
Non vous14.
LA FEMME
Et qui donc ?
HUBERT
Vostre cul.
Prenez15 qu’il vous soit eschappé.
LA FEMME
Qu’au gibet soit anuyt16 bouté
Celuy qui fist pect ne demy17,
25 Ne qui l’a veu, ne [l’a ouÿ]18,
Ny sentu en quelque manière !
HUBERT
Aussi venoit-il par-derrière :
Tu n’avois garde19 de le veoir.
LA FEMME
Il est des gens fort[z ; v]a [sçavoir
30 Où]20 c’est qu’il en [pleut, de ceulx-là]21 !
HUBERT
Toutesfoys, il passa22 par là ;
Et si, l’ay doulcement senty.
LA FEMME
Par bieu ! vous en avez menty,
Puisqu’il [y] fault tant de langaige.
35 Car je suis de meilleur lignaige
Et plus nette23 que vous ne dictes.
HUBERT
Par bieu ! [je dy que] vous le feistes,
Le pect. Saichez24…
LA FEMME
Je le vous nye !
HUBERT
Comment son cul elle regnie25 !
LA FEMME
40 Tu diras ce que tu vouldras.
Mais, par bieu ! tu l’amenderas26,
Le [mien] déshonneur, par Justice.
Tu ne me tiendras pas si nice27
Que je doibve endurer de cela.
.
LE PROCUREUR 28 SCÈNE II
45 J’entens ung différend il[l]a29,
Entre ces gens. Il fault sçavoir
Se gaignage30 y pourroye avoir
En leur débast.
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LA FEMME SCÈNE III
Je soye morte
Ou que le [grant] diable m’emporte31
50 Se jamais, [nul] jour de ta vie,
Tu feis [de] plus grande follie,
Puisqu’il fault que je t[’en] advise.
HUBERT
Se je te faictz citer d’office32,
Le pect sera bien débatu.
LA FEMME
55 Et par qui le prouveras-tu ?
HUBERT
Je m’en croiray en ton serment33.
LA FEMME
Brief34 j’entreray en jugement,
Affin que j’en aye justice.
HUBERT
Et, pleust à Dieu que je t’y tenisse35 :
60 Pour veoir. Quelle honte je te feroy !
LA FEMME
Et de quoy ?
HUBERT
Et ! quant je diray
Que tu as faict ung si gros pet.
LA FEMME
Et je diray que tu l’as faict ;
J’en36 feray grant serment au Majeur.
HUBERT
65 Que n’y a-il icy ung procureur !
Il sçauroit le faict advenu37.
LA FEMME
Et pleust à Dieu qu’il fût jà venu !
.
LE PROCUREUR SCÈNE IV
(Il est grant temps de me monstrer.)
Çà ! qui veult en procès entrer
70 Se vienne vers moy droicte voye38 !
LA FEMME
A ! Monsïeur39, je vous quéroye.
Puis que vous sçau[r]ez [qu’on me faict honte]40.
HUBERT
Et ! Monsïeur, que je vous compte41…
LA FEMME
Et ! parlez à moy, s’il vous plaist !
LE PROCUREUR
75 A ! voluntiers. Dictes que c’est42.
Que l’ung commence !
HUBERT
Je me plains…
LA FEMME
Aussi fais-je, par ces deux mains43 !
LE PROCUREUR
Et de quoy ?
LA FEMME
[ Je le vous vays dire.
HUBERT ]
Et [dea] ! entendez à moy44, sire !
LE PROCUREUR
80 Je croy [bien] que vous me bavez45.
HUBERT
Pour quel46 cause ?
LE PROCUREUR
Vous ne sçavez
Dire l’ung pour l’autre vostre faict.
HUBERT
Il est vray que ma femme a faict…
LA FEMME
Non est, vous en avez menty !
LE PROCUREUR
85 Laissez-le dire, [je vous pry] ;
Et puys après, je vous orray47.
L’ung et l’autre bien serviray.
LA FEMME
Ce sera faict48 d’ung homme saige.
HUBERT
Sire, nous avons en mesnaige,
90 Ma femme et moy, ung différend,
Sans plus. [C’est] pour ung peu de vend
Que j’ay sentu, dont m’en desplaist.
LE PROCUREUR
[Et quel chose esse ?]
TOUS DEUX ensemble
C’est ung pet !
HUBERT 49
Saichez, sire, et mâchez le cas50.
LE PROCUREUR
95 Dont vient-il ?
LA FEMME
Mon mary l’a faict.
LE PROCUREUR
Et quel chose esse ?
HUBERT
C’est ung pet.51
Il vient d’elle.
LA FEMME
Et ! par Dieu, non faict !
[Une femme n’en feroit pas.]52
LE PROCUREUR
Et quel chose esse ?
HUBERT
C’est ung pet.
100 Sachez, sire, et mâchez le cas.
LE PROCUREUR
Il fauldroit bien des advocatz
Pour la « matière » disputer.
Çà, femme, vueillez-moy compter
En ce lieu-cy53, secrètement,
105 La façon, manière, et comment
Le cas est advenu [en voye54].
.
LA FEMME
Ha ! Monsïeur, je n’oseroye :
Tout le monde s’en mocquera.
LE PROCUREUR
Jamais homme ne le sçaura ;
110 Tousjours secret je le tiendray.
Comment fusse ?
LA FEMME
Je le vous diray :
En chargeant ung fardeau de draps,
Je me baissay ung peu trop bas.
Mon mary si fort me hasta55 !
115 Donc56, quelque chose m’eschapa,
Se Dieu me garde de péril57.
LE PROCUREUR
Et vostre mary vous dist-il
Que chargissiez le fais58, adonc ?
LA FEMME
Ouÿ, certes.
LE PROCUREUR
Il a tort, donc,
120 Car c’est peine extraordinaire59.
Sitost qu’on plaide à l’ordinaire60
Tous telz cas, ilz61 sont condampnéz.
LA FEMME
Se ma querelle bien soustenez,
Je le vous mériray62 sans faille.
LE PROCUREUR
125 Or taisez-vous, et ne vous chaille63 ;
Et ne dictes [mot ne demy]64.
.
Or çà ! après, vous, mon amy65 :
Dictes vérité, par vostre âme !
HUBERT
Sire, il est [trop] vray que ma femme
130 Fist, vraimys66, ung pet [par malheur]
Auprès de moy, dont j’euz si peur
Qu’encores le cul me hallette67.
Et moy, qui veulx ma maison nette
Sans y souffrir aulcune ordure,
135 Je vueil qu’el me répare l’injure
Qu’e[lle] m’a faict en ma maison.
Voylà tout.
LE PROCUREUR
Vous avez raison.
Quoyque le cas advient souvent68,
S’elle a lasché iceluy vent,
140 [Supposé qu’à]69 vous soit donnée,
Bref elle en sera condampnée,
Comme en pourrez [bien] veoir l’affaire.
HUBERT 70
Et, parlez bien à Monsieur le Maire71
Pour moy ! Vous aurez au surplus
145 Demy escu72.
LE PROCUREUR
N’en parlons plus73.
Allons parfaire nostre faict.
LA FEMME 74
Et dictes que c’est luy qui l’a faict,
Pour Dieu, sire !
LE PROCUREUR
Or paix75 de cecy !
Tenez-vous là, et vous aussi,
150 Et vous orrez que ce sera76.
.
A ! Monsïeur, bona vita77 ! SCÈNE V
LE JUGE
Vous soyez les bien venus tous !
Çà, Messïeurs78, que dictes-vous ?
[Déclarez-moy bien vostre cas.]79
LA FEMME
155 Ha ! monsïeur sainct Nicolas,
Soyez-moy, à ce jour, secourable !
LE PROCUREUR
Et ! taisez-vous, de par le dyable80 !
Le cas est tel, comme il appert81.
[LE JUGE]
Comment est vostre nom ?
HUBERT
J’ay nom Hubert.
LA FEMME
160 Et moy, [j’ay nom] Jehannette Huberte.
À la cause de mon mary…
LE PROCUREUR
Merde82 !
Taisez-vous, bon gré sainct Remy83 !
Voicy Hubert, qui dict ainsi
Que, luy estant en sa maison,
165 À tort, sans cause et sans raison,
Luy qui désire d’estre en paix…
LA FEMME
Ce fut par lever84 trop grant fais.
HUBERT
Non est, il n’en est riens !
LE PROCUREUR
Ne sonnez mot !
LE JUGE
Abrégez-vous85, Procureur, tost !
LE PROCUREUR
170 [Monsïeur, sauf vostre respect,]86
Hubert dit qu’il ouÿt ung pet.
HUBERT
Ne vous desplaise, Monsïeur87.
LE PROCUREUR
Paix, Hubert !
LE JUGE
Parlez, Procureur !
LE PROCUREUR
Hubert s’en plaint88 formellement,
175 Car il vint si subtilement89
Qu’il en tressaillit de grand peur.
Secondement, dit que l’odeur
Luy empuentit sa maison ;
Et si, luy90 dit que par raison,
180 Il n’apartient point à sa femme
De jecter quelque ordure infâme
En la maison de son mary.
LE JUGE
Que dit Jehannette sur cecy ?
LE PROCUREUR
Elle dit, touchant au parfaict,
185 Que s’ainsi advenu estoit,
Toute la charge en donneroit
À son mary.
LE JUGE
Voire ? Et comment ?
LE PROCUREUR
Pource qu’au [seul] commandement
De son mary, ung fais leva91 ;
190 Par quoy, le vent qui se leva
Vint par peine extraordinaire.
HUBERT
Il n’en est rien !
LE PROCUREUR
Vueillez vous taire !
LA FEMME
Si est, que le grant dyable y ait part !
LE JUGE
Entre vous92, tirez-vous à part,
195 Et vostre sentence attendez.
.
Procureur, ung peu entendez :
Comment ferons-nous ?
LE PROCUREUR
Sire, c’est raison
De non souffrir en sa maison,
Par aultruy, faire aulcune ordure.
LE JUGE
200 Et si93, fault-il que l’homme endure
Toute l’odeur et puanteur
De sa femme.
LE PROCUREUR
Dea, Monsïeur.
Hubert [sçait sans] nulle doubtance
Que ce n’est que une mesme substance94
205 D’eulx deux ; il entend bien cecy.
Mais s’elle a pété ou vécy95,
D’y avoir part il s’i oppose.
LE JUGE
Puisque c’est une mesme chose,
Hubert doit entendre et sçavoir
210 Qu’en tout il doit sa part avoir :
Quant il la print96, il la print toute.
LE PROCUREUR
Voicy qu’en sa deffence il boute97 :
Il dit qu’il n’est prouvé de nul
Que jamais espousa le cul
215 De sa femme, et98 mect en effect
Que si le cul ordu[r]e faict,
Avoir n’y doibt (comme99 il appert)
Qu[e]lque part100.
LE JUGE 101
Venez çà, Hubert !
Levez la main102, et vous aussi.
220 N’espousaste[s]-vous ceste-cy,
Et prise103 alors tout[e] pour femme ?
HUBERT
Nenny, sire, par mon baptesme !
Je n’espousay104, ne pris alors
En mariage que son corps ;
225 Mais d’espouser son cul, arrière !
LE JUGE
Et s’elle eust esté sans derrière,
L’eussiez-vous prinse ?
HUBERT
Je ne sçay.
LA FEMME
Monsïeur, je vous prouveray
Que sitost que fuz espousée,
230 Toute la première journée
Qu’avecques luy je fuz couchée
(Ou toute vive on me despièce105),
Mon cul fut la première pièce
Par où il me print, somme toute106.
HUBERT
235 Aussi [bien] n’y véoit-on107 goutte.
Croy[-moy] que s’il eust esté jour,
J’eusse bien tourné à l’entour108
Avant que t’avoir prins par là !
LE JUGE
Il suffist ! Çà, boutez-vous là !
240 Puisque le cul qui fist le pet
Est vostre, il fault que l’ayez faict109,
Cela est tout cler et notoire110.
Ce qu’il brasse111, il le vous fault boire.
Et si, fault, pour en fin de procès,
245 Que de l’avoir faict congnoissez112.
C’est ma sentence.
HUBERT
Je m’oppose113 !
LE JUGE
N’esse pas une mesme chose
Que [de] la femme et son mary ?
Entendez-vous, [Hubert] ?
HUBERT114
Ouÿ.
LE JUGE
250 Des biens que Dieu [à vous espart]115,
Chascun en doibt avoir sa part,
Ne faict pas ?
HUBERT
Il est vérité.
LE JUGE
Si l’homme est en mendicité,
La femme ne l’ayde-elle pas ?
HUBERT
255 Ouÿ, sire.
LA FEMME
Et en116 d’aultre[s] cas !
LE JUGE
Si vous avez rien117 qu’il luy faille
Et elle en veult ?
HUBERT
Je luy en baille…
Quant elle en a nécessité.
LE JUGE
Et s’elle a [vécy ou pété]118,
260 Ou que du cul luy soyt sorty
Ung peu [de vent]119 : vous, son mary,
Nous voulez-vous cy faire accroire
Que vostre part n’en debvez boyre,
Soyt en secret ou en commun ?
265 S’il est sorty du cul de l’ung,
Quoyque de120 pied ou main n’y touche,
S’il entre au nez ou à la bouche
De l’autre, par ma conscience,
Prendre le fault en patience.
LE PROCUREUR
270 Hubert, mon amy, congnoissez
Que le pet dont [vous] plaid[oy]ez,
L’avez121 faict, sans quelque deffault.
HUBERT
Par mon Créateur !
LE PROCUREUR
Dieu, il le fault,
Supposé122 que pas ne le feistes.
HUBERT
275 Or se je le feis, [comme vous dictes],
Je prens sur Dieu et sur mon âme
Que ce fut par le cul de ma femme123 ;
Car il ne sortit point du myen.
LA FEMME
Tu [le feis, sainct Jehan, tu dicts]124 bien !
HUBERT
280 Et [je feis ta fièbvre quartaine]125 !
LE JUGE
Vous certifiez que l’alayne126
Est [vostre] en effect ; [et] le pect
[Dont vous]127 plaidoye[z], l’avez faict,
Et en confessez la manière.
HUBERT
285 Ouy bien, moyennant128 son derrière.
Regardez comme129 ordonn[er]ez.
LE JUGE
J’ordonne que tous mariéz
Qui doresnavant pectz feront,
Tous [deux] ensemble les bevront
290 Et partiront130 esgallement
À portion du sentement131.
Se l’ung en destourne sa face,
L’autre luy dira : « Prou vous face132 ! »
Faictes tost la sentence escripre133 !
LA FEMME
295 A ! Monsïeur, Dieu vous le myre134 !
Vélà bien jugé, sur mon âme !
HUBERT
[Voire, pour]135 ton profit, ma femme ;
Mais [pour le]136 myen, Dieu sçait comment !
LE JUGE
Que dictes-vous ?
HUBERT
Certainement,
300 Je dictz que c’est jugé à droict,
Et bien entendu selon Droict.
LE JUGE
[Je l’ordonne par mes status :]137
Accordez les nez et les culz138
Ensemble à tous [vrays] sentemens139 !
.
305 Seigneurs qui estes cy140 présens,
Prenez en gré le jugement141 !
.
FINIS
*
1 Les cœurs volants [volages] sont un motif d’enluminures et de tapisseries. Le roi René, dans son Cuer d’Amours espris (1457), les met entre les mains du futur personnage de théâtre Roger Bon Temps. 2 « Élément de charpenterie faisant partie de la base d’un ouvrage. » (ATILF.) S’il s’agit bien de ce mot, on pourrait conclure qu’un décor peint ornait l’estrade. 3 Le couple est chez lui. Comme beaucoup de farces, la nôtre commençait par un triolet chanté, dont il ne reste plus que des bribes informes. 4 Dans une maison médiévale, les tréteaux et la planche qui tiennent lieu de table sont pliés contre un mur. Avant de « mettre la table », il faut d’abord dégager tout ce qui gêne ; en l’occurrence, il y a par terre un gros paquet de linge qui attend d’aller au lavoir. Hubert et Jeannette se penchent pour soulever le drap noué qui contient ce linge ; c’est alors que Jeannette lâche un pet bruyant. 5 BM massacre ce vers ainsi : Sus donc / O que ayie ouy sonner La femme / Je ne scay / Peult estre de vous baisser: 6 L’aiguillette est un lacet qui ferme la braguette des hommes. Jeannette veut faire passer le ronflement de son pet pour le claquement d’une aiguillette rompue, mais la rime est pauvre… 7 BM : Ou quelque lasset Hubert 8 Euphémisme pour « Dieu ». 9 Vers manquant. « Je me demande par qui il fut fait. » 10 BM : deuiner (« Mais la harangère luy en feit bien souvenir ! » Bonaventure Des Périers.) 11 Le nid de cet oiseau passe pour exhaler la même odeur fécale que les langes des bébés. Les nourrices picardes invoquaient saint Roitelet lorsqu’elles changeaient des enfants. Voir aussi Jacques Merceron : Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, pp. 304-5. 12 Senti. Idem vers 21, 26 et 92. 13 BM : nulz (Pour ne pas surcharger le texte, je supprimerai tous les « s », les « z » et autres scories greffées par l’éditeur à la fin de certains mots qui en étaient exempts à l’origine.) 14 Ce n’est pas vous qui avez fait ce pet. 15 Admettons. Sans l’obstination de Jeannette, la pièce aurait pu s’arrêter là. 16 BM : celuy (Anticipation du vers suivant.) Anuit = aujourd’hui. « Nous ne mangeasmes, anuyt, rien. » L’Aveugle et Saudret. 17 Ou même la moitié d’un. Idem vers 126. 18 BM : apperceu 19 Tu ne risquais pas. 20 BM : seruir / Or 21 BM : peult de cela (Jeannette se moque du trait d’esprit de son époux.) « Pour des galants, peu s’en trouvoit ;/ De vieux maris, il en pleuvoit. » La Fontaine. 22 BM : passe (Ce pet passa.) 23 Plus propre. Une femme de bonne famille ne pète pas. 24 Sachez que. À l’origine, ce mot s’écrivait « sachiez », qui peut s’entendre « çà chiez ! » : chiez ici. Même calembour au vers 94. Hubert va être sans cesse interrompu par sa femme. 25 Comme elle renie son cul, qui a fait ce pet. 26 Tu me le paieras. 27 Si bête. 28 Avocat qui parle au nom des plaignants par procuration ; cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 242. Alors qu’en grande tenue, il se rend à une audience, il passe devant la porte ouverte et s’arrête pour écouter. 29 Par là. Le juriste jargonne en latin, comme au vers 151. « –Quel lettre esse-là, s’il vous plaist ?/ –Illa ? –Voyre, là. » Pernet qui va à l’escolle. 30 Si un gain. 31 BM : lemporte (« Le grant dyable d’Enfer m’enporte ! » Les Chambèrières et Débat.) 32 Citer à comparaître. 33 Quand on jurait sur la Bible, on ne pouvait mentir. Dans Jehan de Lagny, « le Juge faict faire serment à Trétaulde : / Par l’Évangille de la Bible,/ Ne direz-vous pas vérité ? » 34 Bien vite. Idem vers 141. 35 BM : tinsse (Que je t’y tienne. « Ne point faire comme nos anciens François, qui disoient : Que je tenisse, venisse, etc. » Dictionnaire des rimes françoises, 1587.) 36 BM : Et en (Le Majeur — le maire du v. 143 — tient lieu de juge.) 37 BM : aduenir (Il saurait ce qui c’est passé.) 38 Tout droit. Toujours dans la rue, le procureur débite un « cri », comme les marchands ambulants qui vantent leur camelote. Le couple se rue vers lui. 39 Monseigneur. 40 BM : que ce faict monte (Sans aucune garantie, j’ai rafistolé ce vers hypermètre et incompréhensible d’après le vers 60.) 41 Il faut que je vous raconte. Idem vers 103. BM ajoute : mon cas 42 Dites-moi ce qu’il y a. Cf. l’Homme à mes pois, vers 30. 43 Façon de prêter serment à la manière des chevaliers. Cf. la Pippée, vers 685. 44 Écoutez-moi. Cf. Jéninot qui fist un roy de son chat, vers 34 et 274. 45 Que vous m’embobinez. « Ses disciples (…)/ Qui vous ont sceu si bien baver. » Mistère de la Passion de Troyes. 46 BM : quelque 47 Je vous ouïrai. Idem vers 150. 48 Le fait, l’action. 49 BM met cette rubrique sous la précédente. 50 Le verbe mâcher, tout comme le verbe boire, est inhérent au registre scatologique. « –Je n’y en compte pas un pet !/ –Entre voz dens maschez ses lettres ! » (Le Cousturier et Ésopet.) La note 24 explique le jeu de mots sur « çà chiez ! ». 51 BM répète dessous : le procureur. / Dont vient il / La femme / Mon mary la faict / Hubert 52 Je restitue ce vers manquant du triolet d’après le Savatier et Marguet : « Jamais femme ne fist un pet ! » On m’objectera que Poncette et l’Amoureux transy s’apitoie sur le cas d’une mariée qui pète au lit. 53 BM : lieu icy 54 L’affaire s’est mise en route. Pour n’être pas entendus par Hubert, le Procureur et Jeannette se rapprochent du public. 55 Me hâtait tellement. BM intervertit ce vers et le précédent. 56 BM : Adonc 57 Dieu me préserve ! 58 Vous avait-il ordonné de charger le faix, le fardeau de linge. 59 C’est un travail trop pénible pour le sexe faible. Idem vers 191. 60 Dans les procès courants, non criminels. « Plaidons en procès ordinaire. » Ung jeune Moyne. 61 Les maris abusifs. 62 BM : mettray (Je vous le revaudrai. « Je le vous mériray bien, se Dieu plaist. » ATILF.) On suppose un clin d’œil aguicheur de Jeannette ; l’épouse de Raoullet Ployart émoustille ouvertement un juge pour obtenir gain de cause contre son mari. En outre, le vers précédent jouait peut-être sur « ma querelle » et « maquerelle ». 63 Ne craignez rien. 64 BM : motz ne demys (Un mot, ni même la moitié d’un. « Je ne diray mot ne demy. » Saincte-Caquette.) 65 BM : amys (Jeannette retourne à sa place, et Hubert vient défendre sa cause auprès du Procureur.) 66 BM : vramy (Euphémisme normand pour « vrai Dieu ». Cf. le Vendeur de livres, vers 44.) « Et ! il aura doncques, vraymis,/ Un bonnadiès de ma personne. » Le Badin qui se loue. 67 Palpite, mais en parlant du cœur. « De joie le cuer me halète. » (ATILF.) Sous le coup de la peur, Frère Guillebert s’écriera : « Le cul me tremble. » Et il fera un pet dont sa maîtresse revendiquera la paternité pour que le mari ne découvre pas cet amant péteur et péteux. 68 Bien que les femmes pètent beaucoup. 69 BM : Supposez que a (Voir le vers 274.) À supposer qu’elle vous ait été donnée en mariage. Cf. les Botines Gaultier, vers 20. 70 Il parle à l’oreille du Procureur. 71 Dans certains villages, c’est le maire qui rendait la justice ; faute de tribunal, il officiait sous un orme. « Monseigneur le Maire,/ Je vous viens demander justice. » (Colin, filz de Thévot le maire.) Voir la note 36. 72 BM : escus (Hubert donne discrètement une pièce au Procureur.) 73 L’affaire est entendue ! 74 Elle vient parler à l’autre oreille du Procureur, tandis qu’il entraîne les plaignants sous l’orme où le juge rend la justice ; cf. Colin filz de Thévot, vers 330 et note. 75 Silence ! Mais ce mot, qui résonne encore aux vers 166 et 173, rappelle étrangement le mot « pet ». 76 Vous entendrez ce qui se dira. Le Procureur s’approche du fauteuil où trône le Juge. 77 Que Dieu vous octroie une bonne vie ! Cf. les Brus, vers 125. 78 Ce masculin n’est pas très galant ; mais on peut imaginer que pour saluer le Juge, le comédien qui joue Jeannette retire sa perruque en même temps que sa coiffe, les deux étant accrochées par des épingles. 79 Vers manquant. J’emprunte le vers 34 de Colin filz de Thévot, prononcé comme ici par le maire-juge. 80 Même vers dans Messire Jehan. 81 La cause est telle, comme cela apparaît. Idem vers 217. 82 Cette rime faible n’est pas d’époque : le juron « merde ! » n’a commencé à concurrencer « bran ! » qu’aux alentours de 1500 : cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 191. Même longtemps après cette date, les farces en feront un usage modéré : l’Homme à mes pois, vers 94 et 169. 83 Même vers dans Serre-porte. 84 BM : le nez (Correction d’Anatole de Montaiglon, d’après le vers 189.) C’est parce que j’ai soulevé un trop lourd fardeau. 85 Soyez bref. « Abrège-toy tost et te hastes ! » Le Jeu du Prince des Sotz, dont le Cri initial est « signé d’ung pet de prude femme ». 86 Vers manquant. Prononcer le mot « pet » devant un juge est irrespectueux ; d’où cette excuse, et celle d’Hubert à 172. 87 Sans vouloir vous déplaire, M. le juge. 88 BM : complaint 89 Car ce pet vint si sournoisement. 90 Et aussi, Hubert dit. Les tirades du Procureur — et dans une moindre mesure celles du Juge — parodient le jargon des prétoires, dans lequel baignaient les Basochiens. 91 Elle souleva ce fardeau. 92 Vous autres (normandisme). Hubert et Jeannette se retirent à l’écart pendant la délibération. 93 Et pourtant. Cf. les Brus, vers 115 et 119. 94 Qu’un seul et même être. Double sens : qu’une même matière fécale. 95 Vessé : lâché une vesse. Idem vers 259. 96 Quand il la prit pour femme. Idem vers 221. 97 « Voici ce qu’il avance pour sa défense. » Note d’André Tissier : Recueil de farces, t. X, Droz, 1996, pp. 23-63. 98 BM : si (Et il fait valoir.) 99 BM : comment (Comme il ressort des débats. Idem vers 158.) 100 Il ne doit y prendre quelque part que ce soit : il ne doit pas en subir les conséquences. 101 Il fait revenir le couple. 102 Jurez de dire la vérité. 103 « Et ne l’avez-vous prise… » Note d’A. Tissier. 104 BM : ne lespousay 105 Ou qu’on me mette en pièces si je mens. 106 Jody Enders, dans sa décapante traduction américaine de la pièce*, donne de ce passage une interprétation qui fait réfléchir : « (Jehannette) testifie that, on their wedding night, Hubert first “took her there”, sodomizing her — accidentally, he interjects — because he couldn’t tell which end was up. » *The Farce of the Fart and other ribaldries. University of Pennsylvania Press, 2013, pp. 65-85. 107 On n’y voyait. « Le diable véoit le gendarme qui ne bougeoit point de là. » Nicolas de Troyes. 108 Jody Enders traduit : « I would’ve turned you right side up. » 109 Que vous ayez fait ce pet, Hubert, puisque le cul qui l’a fait vous appartient. 110 Calembour de Basochiens sur « clair et notoire » et « clerc et notaire ». « Cela est tout cler et notaire. » Le Capitaine Mal-en-point, farce écrite pour la Basoche de Paris. 111 Ce qu’élabore ce cul. « En buvant ce qu’avez brassé. » (Régnault qui se marie.) Sur le pet considéré comme une boisson, voir la Résurrection Jénin à Paulme, vers 233 et note. 112 Que vous reconnaissiez avoir fait ce pet. 113 BM : my oppose. (Je fais opposition.) 114 Il prend un air dubitatif. 115 BM : vous a espars (Répand sur vous ; verbe espardre. « En moy espart/ Toute douceur. » Guillaume de Machaut.) 116 BM : aussi (On devine que ces autres cas où la femme aide son mari concernent le devoir conjugal, surtout s’il a tendance à se tromper de trou.) 117 Quelque chose. « Se nous avons rien qui vous faille. » Le Fossoieur et son Varlet. 118 BM : pete ou vecy 119 BM : deuant 120 BM : le (Quoiqu’on n’ait rien à voir avec lui, d’une manière ou d’une autre. « Et [qu’]homme, de pied ne de main,/ N’y touche. » Actes des Apostres.) 121 BM : Lauoir (Vous l’avez fait, sans faute.) Ces deux vers annoncent les vers 282-3. 122 Il faut le reconnaître, à supposer que. 123 De ma femme. Sur ce génitif archaïque, voir la note 1 du Clerc qui fut refusé. 124 BM : par sainct iehan vous dictes (Avec un air de triomphe, Jeannette feint de prendre le vers 275 pour un aveu.) 125 BM : faictz tes fiebures quartaines (Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 221 du Ramonneur de cheminées.) 126 L’haleine : l’air qui est sorti du cul de votre femme. Le Juge aussi fait semblant de croire aux « aveux » du mari. 127 BM : que (Ces deux vers en charpie sont un écho des vers 271-2.) 128 Au moyen de. 129 BM : comment vous (Prenez garde à la manière dont vous allez statuer.) 130 Les boiront et se les partageront. 131 À proportion de leur senteur. Voir le vers 304. 132 Grand bien vous fasse ! Cf. Jéninot qui fist un roy de son chat, vers 70 et note. 133 Cet ordre s’adresse aux clercs qui composaient l’assistance lors de la création de l’œuvre ; ils n’auraient pas demandé mieux que d’enregistrer officiellement ce nouveau droit de la Porte Baudais. 134 Vous le rende. Verbe mérir, comme à 124. « Dieu le vous mire ! » ATILF. 135 BM : Voir a 136 BM : du 137 Vers manquant. « Par statut, il est ordonné. » Pour le Cry de la Bazoche. 138 Ce jugement ne fait qu’adoucir une imprécation courante : « Mettez donc vostre nez dans mon cul ! » (Béroalde de Verville.) Mais pour conclure dignement cette farce, rabelaisienne avant l’heure, laissons la parole au Maître : « Quand (dist Panurge) tu mettras ton nez en mon cul, sois recors [souviens-toi] de deschausser tes lunettes ! » Tiers Livre, 25. 139 À chaque mauvaise odeur (vers 291). « Le vent de derière,/ Dont on se doibt tirer arière/ À cause du vray sentement. » Sermon joyeux des quatre vens. 140 BM : icy (Si les Basochiens ont créé la farce dans un lieu de Justice — en pareille occasion, ceux de Paris monopolisaient la grand-salle du Palais de la Cité —, il n’y avait pas de spectatrices.) 141 Ce congé standard se termine toujours par : « Prenez en gré l’esbatement. » Pour des Basochiens, un jugement — fût-ce une condamnation à mort — est un plaisir comme un autre.