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LE COUSTURIER
ET ÉSOPET
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Cette farce de collège fut écrite et jouée vers 1500 par des élèves du collège de Navarre, à Paris. Emmanuel Philipot1 nous rappelle qu’elle brode sur un conte que les collégiens pouvaient lire dans quelques éditions latines et françaises des fables d’Ésope. C’est donc à l’Ésopet en françoys que le jeune Ésopet, interprète et auteur revendiqué de la farce, doit son pseudonyme. Je publie en annexe le conte dont il s’inspire.
Les couturiers sont des habitués des farces : voir la notice du Cousturier et le Badin.
Source : Recueil du British Museum, nº 34. Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550.
Structure : Rimes plates, rimes abab/bcbc. Sur ce canevas, l’auteur (ou le collectif d’auteurs) s’est livré à du remplissage a posteriori.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
À quatre personnages, c’est assavoir :
LE COUSTURIER
ÉSOPET
LE GENTIL-HOMME
et LA CHAMBÈRIÈRE [madame du Mesnage]
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LE COUSTURIER commence SCÈNE I
Ésopet, que2 je ne m’oublie,
Boute-moy sus mon establie
Mes cizeaulx, mon fil et mon dé,
Affin, si j’estoye mandé
5 Pour aller un habit tailler,
[Qu’]il ne me faillist rien bailler3.
J’ay veu le temps – qui est passé –
Qu(e) un cousturier estoit4 lassé ;
Mais, tout est plus froit qu’un glasson5.
ÉSOPET
10 C’est pour cause qu(e) à la façon6
Du temps présent rien vous ne faictes.
LE COUSTURIER
Que fais-je donc, [maulvais] garson ?
ÉSOPET
Quoy7 ? Vous faictes bien des jaquettes
Du temps des robbes à pompettes8.
15 Et certes, il fault l’ouvrouèr clorre9,
Se vous ne taillez « à la gorre10 » :
Car chascun veult estre gorrier11.
LE COUSTURIER
Il n’y a, par Dieu, cousturier,
Pour trencher un habit honneste
20 – Et fust pour vestir à la feste –
Plus propre12 que moy, en la ville.
Pour trencher une robbe, habille13
De toutes gens suis avoué14.
ÉSOPET
Aussi, je [fus] vostre alloué15
25 Deux ans sans loyer16.
LE COUSTURIER
Je croy bien !
Aussi ne me sers-tu de rien
Qu(e) à garder l’hostel17, d’aventure,
Si quérir vois18 de la cousture,
Quand mandé suis pour y aller.
ÉSOPET
30 Au moins vous sers-je d(e) enfiler
Voz aguilles19…
LE COUSTURIER
Mais un estront !
ÉSOPET
Masche20 !
LE COUSTURIER
Te fault-il gromeller ?
ÉSOPET
Je ne dis riens à vostre fronc21.
LE COUSTURIER
Les apprentis devenus22 sont
35 Maintenant plus fiers que les maistres.
Mais si j’empoigne un baston rond,
Bien te feray tirer tes guestres23 ;
Et puis t’en va servir aux prebstres24,
Je n’y en compte pas un pet25 !
ÉSOPET
40 Entre voz dens maschez ses lettres26 !
Il n’y a rien pour Ésopet.
LE COUSTURIER
J’ay dueil, quand aucun ne me met
En ouvrage pour besongner :
Car j’ay grant27 besoing de gaigner,
45 Veu que le pain est enchéry.
Puis [ce garson que]28 je nourry
Est tant friant29 et tant gourmant
Qu’il mengeroit plus qu’un Al(e)mant30.
En son habit ne se peult tourner,
50 Tant est gras.
ÉSOPET
C’est donc de jeusner !
Par bieu, veez-là bonne raison !
Et ! je ne vy, en la maison,
Mettre pot au feu de sepmaine31 :
C’est bien pour avoir pance pleine !
55 Et si32, dit que je suis si ayse.
LE COUSTURIER
Ésopet, n’ayons point de noyse.
Puisque tu veulx mestier apprendre
À tailler, à couldre, à reprendre33,
Il te fault avoir bon courage.
ÉSOPET
60 C’est bien dit. Il nous fault attendre :
Je croy qu’il viendra de l’ouvrage.
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LE GENTIL-HOMME SCÈNE II
Or sus, Madame du Mesnage34 !
Voicy le temps d’esté qui vient.
Il fault dancer et faire raige
65 Pour monstrer vostre personnage35.
Robbe neufve avoir vous convient :
Ainsin36, se d’aventure vient
Quelque varlet qui vous demande
À mariage, la vïande
70 Plus [à gré]37 il en trouvera.
LA CHAMBRIÈRE
Par bieu, quand bon vous semblera !
Assez avez esté mon38 « maistre » ;
Et qui marier me pourra39,
Je suis bien contente de l’estre.
LE GENTILHOMME
75 Et pour ce cas vous veulx-je mettre40
Honnestement, mais que je puisse,
Affin de donner à cognoistre
Qu(e) avez esté en bon service.
J’ay des draps, j’ay de la pelice41 ;
80 Reste, sans plus, qu’il fault aller
À un bon cousturier parler,
Qui vous mette en estat exquis.
LA CHAM[BÈRIÈRE]
J’ay jà un cousturier tout quis42.
LE GENTILHOMME
Et bien, doncques, vous parlerez
85 À luy ; et si, deviserez43
De voz vestemens la façon.
LA CHAM[BÈRIÈRE]
C’est le maistre de ce garson,
Ésopet.
LE GENTIL-HOMME
C’est bien advisé.
Mais que vous ayez devisé44
90 Des habitz, le drap porterons.
Et devant nous, tailler ferons :
Car cousturiers et cousturières
[S]ont tousjours à faire banières45,
Comme j’ay ouÿ autresfoys
95 Racompter.
LA CHAMBÈRIÈRE
Bien. Je m’y en voys,
Pour s’en despêche[r] vistement.
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LE COUSTURIER chante. SCÈNE III
Ilz mainent bonne vie et bon esbatement,46
Les gentilz cousturiers, quand ilz ont de l’argent.
ÉSOPET
Mon maistre tremble dent à dent47,
100 Et si, s’est esprins48 à chante[r] ;
Au fort, c’est pour mieulx gringoter49
Son chant, à la mode nouvelle.
LE COUSTURIER
Garson, t’en fault-il barbeter50 ?
Je puis chanter et deschanter51,
105 Maulgré ta sanglante52 cervelle !
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LA CHAMBÈRIÈRE SCÈNE IV
Pour me faire53 ma robbe belle,
Au cousturier je porteray
Ceste perdrix, avec une aesle54
De chapon, que je luy donray.
110 Et expressément le prieray
Qu’il n’y ayt corset ne cotelle55
Qui ne [me] soit comme ciray56
Sus le corps d’une Damoyselle57.
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Dieu gard, maistre ! SCÈNE V
LE COUSTURIER
Dieu vous gard, belle !
115 Vous fault-il rien58 que vous [n’]ayez ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Il fault, sire, que vous soyez
Mon cousturier. Mais je vouldroye
Que ce fust bien fait.
LE COUSTURIER
Que je voye
Se vostre corps est droictement
120 Pour porter un bon vestement.
Ouÿ, voz hanches sont espesses,
Fendue en corps59, et haultes fesses.
Je m’esbahy s’on ne se tue
– Quand une foys serez vestue –
125 Pour vous avoir en mariage !
[LA CHAMBÈRIÈRE]
Faictes-moy donc[ques] un[e] ouvrage60
Qui soit [trop] plus plaisante et bonne.
Et veez-là [ce] que je vous donne :
Une perdrix, et d’un chapon61
130 Qui est gras, je vous [en] respon !
Mais gardez quelque lopinet62
À vostre garson Ésopet ;
Il ne se trouve pas à point63.
LE COUSTU[RIER]
C’est tout un : il ne mengeüt64 point
135 De perdrix, ne de chapon aussi,
Quand ores65 il seroit icy,
Tant est difficille à nourrir.
Ne vous chaille. Allez-moy quérir
Vostre drap.
LA CHAMBÈRIÈRE
Toutesfoys, beau sire,
140 Par vostre âme, voulez-vous dire
Que vostre garson n’e[n] sçauroit
Menger, qui66 luy en bailleroit ?
LE COUSTURIER
Riens ! S’il va en vostre maison,
Gardez bien que de venaison67
145 Ne luy donnez pas un morseau !
LA CHAMBÈRIÈRE
Bien doncques. Il y a foison
Beuf, mouton et chair de pourceau :
Or besongn[er]ons donc tout beau…
Et ! je m’en voys quérir mon drap.
150 Et si, bevrons à plain hanap
De bon vin, soit vieil ou nouveau.68
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LE COUSTURIER SCÈNE VI
Et ! par monseigneur sainct Marceau !
Ésopet jà n’en mengera :
Il est trop saffre69 du museau.
155 Repaisse70 du pain et de l’eau(e)
S’il veult ; cecy me demourra71.
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LA CHAM[BÈRIÈRE] 72 SCÈNE VII
Le cousturier me taillera
Mes robbes de bonne façon.73
N’est-ce [pas] icy son garson ?
160 Si est.
Viens çà, hay, Ésopet ! SCÈNE VIII
N’es-tu pas le petit varlet
Du cousturier ?
ÉSOPET
Ouÿ. Pourquoy ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Beau sire, dy-moy, [s’il te plet]74 :
Menge-tu point de venaison ?
ÉSOPET
165 Par Dieu, voicy bonne raison !
Celuy bien desgoûté seroit,
Qui venaison ne mengeroit !
Pourquoy n’en mengerois-je point,
Se la chose venoit à point
170 Qu’on la me baillast à repaistre75 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Comment ? J’ay donné à ton maistre
Une perdrix et une cuysse
De gras chapon, par sainct Supplice76 !
La perdrix estoit toute entière ;
175 Et ay dit en ceste manière
Qu(e) une portïon t’en gardast,
Et que [tout] seul ne la77 mengeast ;
Mais il m’a dit et asseuré
(Par grand serment qu’il a juré)
180 Que perdrix ne menges jamais.
ÉSOPET
Est-il vray ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Je te le prometz.
Et cuide qu’il la78 bauff[r]era
Tout seul, et ne t’en gardera
Jà morceau.
ÉSOPET
Or loué en soit Dieu !
185 Et ! me79 jouez-vous de ce jeu,
Mon beau maistre d’estronc de chien80 ?
Vrayement, je m’en vengeray bien,
Et de bref (ou je ne pourray)81 :
Car d’un autre vous en joueray.
190 Avez-vous trouvé que jamais
Ne mengeüz ne perdrix ne telz metz ?
Par l’âme du82 filz de mon père !
Vendu vous sera cher, compère !
Et si, en aurez des lours coups !
195 Dictes-moy : quand [re]viendrez-vous
Faire tailler vostre vesture ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Dès aujourd’huy, par adventure.
Viens avec moy, [et] tu sçauras
Quand j(e) iray ; et si, le di[ra]s
200 À ton maistre.
ÉSOPET
C’est spéculé
Au droit83.
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LE GENTIL-HOMME SCÈNE IX
Puis, avez-vous parlé
À l’ouvrier ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Ouÿ, Monseigneur.
Il me vestira à honneur,
Ce m’a dit. Voicy son varlet.
LE GENTILHOMME
205 Ton maistre, me semble qu’il est
Bon ouvrier ?
ÉSOPET
Le meilleur de France
Pour faire robes à plaisance.
Dommage est de la maladie
Qu’il a.
LE GENTILHOMME
Quoy ?
ÉSOPET
O ! Saincte Marie !
210 Jamais ne fut rien si hideux !
LE GENTIL-HOMME
Voire ? Mais dis-moy, si tu veulx,
Quel mal est-ce dont il se plaint.
ÉSOPET
C’est [de] maladie de sainct84.
J’en suis souvent en grand danger.
LA CHAMBÈRIÈRE 85
215 Pourquoy, Jésus ?
ÉSOPET
Il veult menger86
Les gens, quand ce mal le surprent,
Qui soubdainnement ne le prent87
Pour le lyer et le [ra]batre88 ;
Et encores plus, le fault batre
220 Par les joues et par la teste89,
Où le tient ce mal déshonneste.
Mais après qu’on l’a fort batu,
Il reprent un peu sa vertu,
Et ne luy souvient de cela.
LE GENTIL[HOMME]
225 Regardez quel danger voylà
De luy porter de la cousture !
Se son mal prenoit90, d’aventure,
Ce seroit pour tuer un homme.
ÉSOPET
Je m’esbahis qu’il n’en assomme.
230 Quoy ! il semble un démonïacle91 :
À tort il [s’es]broue et r[en]âcle92.
Mais dessus luy nous nous jectons
Incontinent, et le battons
(Car ainsi faire le convient),
235 Et puis son bon sens luy revient.
Autrement, nous destruiroit [tous].
LE GENTIL-HOMME
Et comment appercevez-vous
Que son mal le prent ?
ÉSOPET
Aysément ;
Et est bon advertissement93
240 – Affin que se vers luy venez,
À ce94 tousjours garde prenez,
Qu’il ne vous blesse, d’aventure.
Premier, quand il sent ceste ardure95,
La teste luy verrez tourner
245 Deçà, delà, et démener96
Sans dire mot, en sa folie.
Et puis dessus [son] establie,
Tippe, tappe97 ! ses mains frapper.
Incontinent le fault happer,
250 Et de grands buffes98 luy bailler,
Pour le mal rompre et travailler99 ;
Mesmes le lyer d’une corde,
Aucunesfois100, qu’il ne vous101 morde.
Mais, Monseigneur, je ne dy rien
255 Qu(e) en secret102.
LE GENTILHOMME
Ha ! je l’entens bien.
Et vrayement nous y penserons,
Présent, quand nous luy porterons
Le drap à vestir celle femme.
Et si, je vous jure mon âme,
260 Se j’apperçoy sa103 fantasie,
Que je ne luy failleray mye
À l’empoigner bien vistement
Et frapper dessus.
ÉSOPET
Hardiment !
Après, bon gré vous en sçaura.
LA CHAMBÈRIÈRE
265 Il104 n’est que dire honnestement.
Au moins, on y remédira.
ÉSOPET
Or venez quand il vous plaira,
Au moins se vostre maistre est prest.105
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LE GENTIL-HOMME SCÈNE X
Or regardez quel danger c’est !
270 On voit106 les gens, aucunesfoys,
Et ne sçait-on comme il [en] est.
LA CHAMBÈRIÈRE
Vous dictes vray.
LE GENTILHOMME
Par sainct Françoys !
Se je m’apperçoy une foys
Qu(e) ainsi tourne la teste et frappe,
275 Je n’atendray pas qu’il m’eschape :
Je le prendray du premier sault.
LA CHAMBÈRIÈRE
Entendez que batre le fault,
Pour faire son mal retourner107.
LE GENTIL-HOMME
Or me le laissez gouverner :
280 Je croy que bien en cheviray108.
LA CHAMBÈRIÈRE
Voire, voire. Et puis je seray
Pour vous ayder, s’il est besoing,
Et luy donner des coups de poing
Pour faire [re]tourner son mal,
285 Car c’est le moyen principal.
Comme son varlet dit les signes109 !
LE GENTILHOMME
Il fault aller veoir quelles mines
Il tiendra110. Ce drap-là prenez,
Et quand et moy111 vous en venez
290 Pour faire voz robbes tailler.
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ÉSOPET 112 SCÈNE XI
Mon maistre m’a cuidé railler,
Mais vrayement, je le railleray :
Ennuit113, je luy feray bailler
Bien des coups, ou je ne pourray.
295 Si tost que venir je verray
Ce seigneur, dessus l’establie,
En saluant la seigneurie,
J(e) osteray les cyseaulx et croye114.
Après, mais que point ne les voye115,
300 Deçà, delà regardera ;
Et dessus la table [il] frapera
Pour faire ses ciseaulx sonner116.
Et Dieu scet comme démener
Le verrez à117 mon gentilhomme,
305 À qui j’ay dit la façon comme
Sa maladie [il] doit cognoistre.
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LE GENTILHOMME 118 SCÈNE XII
Et puis, estes-vous céans, maistre ?
LE COUSTURIER
Ouÿ dea, Monsïeur119, ouÿ !
LE GENTILHOMME
Vrayement, je suis tout resjouy
310 Que soyez en bonne santé.
Nous avons de drap aporté
Pour ceste mignonne habiller.
LE COUSTURIER
C’est trèsbien dit. Il fault tailler
Ce qu’elle vouldra de vesture.
315 Mais il fauldra prendre mesure.
Or çà ! le drap, que je le voye !
LE GENTILHOMME 120
Regarde[z] bien se d’aventure
Ses signes fera.
LA CHAMBÈRIÈRE
J(e) y pensoye.
ÉSOPET 121
(Or n’a-il plus ciseaulx ne croye ;
320 Tantost verrez bonne fredaine.)
Nota que le Cousturier tourne la teste d’un costé et
d’autre pour trouver de la croye et les ciseaulx.
LA CHAMBÈRIÈRE 122
Regardez comme[nt] il démaine
Sa teste deçà et delà :
Son mal le veult tenir en peine.
Le Cousturier frappe sur l’establie,
et le Gentilhomme l’empoigne.
LE GENTILHOMME
Or çà, de par le diable, çà !
325 On nous avoit bien dit, piéçà123,
Que vous nous joueriez de ce jeu.
Ilz frappent sus le Cousturier.
[LE COUSTURIER]
Qu’est cecy ? Au meurtre !
LE GENTILHOMME
Corps bieu !
Maintenant serons124 les plus fors,
Et eussiez-vous le diable au(x) corps,
330 Qui est une [très] layde beste125 !
LA CHAMBÈRIÈRE
Si bien vous torcheray126 la teste
Que le mal s’en retournera.
Elle frape, et le Cousturier crie.
[LE COUSTURIER]
Au meurtre !
LE GENTILHOMME
Hé ! on vous gardera
Que ne puissiez mordre ne nuyre.
LE COUSTURIER
335 Que grand diable est cecy [à dire]127 ?
Et comme[nt] avez[-vous] songé
Que je suis fol ou enragé ?
Entendez à ce que je dy !
De malle mort soys-je128 rédy
340 Se plus sain ne suis que vous n’estes,
Sinon du mal que vous me faictes !
Qui diable vous a advertis
De ce faire ?
LE GENTILHOMME
Vostre apprentis,
Qui nous en a dit la façon
345 Devant129 que nous soyons partis
De l’hostel.
LE COUSTURIER
Ha ! le faulx130 garson !
LA CHAMBÈRIÈRE
Il vault mieulx que [nous] le laisson :
Peult-estre que c’est tromperie.
LE COUSTU[RIER]
Aussi esse, par sainct Sanson !
350 Il le m’a fait par mocquerie :
Je ne sens quelque maladie131,
Si n’est du mal que m’avez fait.
LE GENTIL[HOMME]
Levez-vous doncques ! En effait,
Vostre varlet nous l’avoit dit,
355 Et qu’il vous prenoit tout à fait132
Un mal qui les gens estourdit133.
LE COUST[URIER] 134
Vien çà, gars infâme, mauldit !
[Et] où as-tu trouvé cecy
D’aller dire à ces gens icy
360 Qu(e) aucunesfoys fol devenoye ?
ÉSOPET
Où avez-vous trouvé, aussi,
Que point de perdrix ne mengeoye ?
Je vous l’ay rendu, Dieu mercy,
Ainsi comme je l’entendoye.
[LE COUSTURIER] 135
365 A ! est-il vray ? Pas n’y pensoye136.
[LA CHAMBRIÈRE]
Vous le me distes, voirement,
Et qu’il n’en mengeoit nullement ;
Et croy bien que [vous l’en gardastes]137.
ÉSOPET
Sainct Jehan ! Alors138 que vous mengeastes
370 La perdrix comme mal courtoys,
De quoy [rien] ne me réservastes,
Je songeay – comme vous songeastes139 –
[Qu’estes fin]140 fol, aucunesfois.
LE GENTILHOMME
Il a esté bien batu, toutesfoys.141
ÉSOPET
375 Je n’en puis mais142. S’il m’eust gardé ma part
De la perdrix deux morceletz143 ou trois,
Sans la menger toute comme un drongart144…
LE COUSTURIER
Ha ! que tu es un faulx145 maistre paillart !
Je te rendray146 une foys la falace.
ÉSOPET
380 C’est « tien ! » pour « tien ! ».
LE GENTILHOMME
Icy y a regard147 :
« Fay à autruy ce que veulx qu’on te face. »
LE COUSTURIER
Par bieu, par bieu ! Se jamais vient en place148,
Il t’en sera rendu maint coup de barre !
LE GENTILHOMME 149
[Il] ne me chault [quel brouet on]150 luy brasse.
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385 Prenez en gré de151 la petite farce :
C’est [d’]Ésopet, le somuliste152 de Navarre.
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FIN
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D’UNG COUSTURIER D’UNG ROY,
& DE SES SERVITEURS.
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Au tout début du XIIe siècle, le médecin aragonais Petrus Alfonsi (Pierre Alphonse pour les intimes) composa en latin une Disciplina clericalis. On peut y lire un exemplum nommé : De regii incisoris discipulo Nedui nomine153. En 1477, le médecin allemand Heinrich Steinhöwel compila un vague corpus ésopien, Vita et Fabulæ, dans lequel figurent plusieurs contes d’Alfonsi, dont le fameux exemplum, rebaptisé : De Sartore regis et eius sutoribus facecia. En 1480, le moine français Julien Macho traduisit ce recueil ; le conte susnommé prend alors pour titre : Du Cousturier du roy, et de ses serviteurs. L’édition latine de Steinhöwel et la traduction de Macho, plusieurs fois rééditées, devinrent des classiques de la littérature morale à l’usage des écoles. Nos collégiens y puisèrent tout naturellement le sujet de leur farce. Je publie la version du Cousturier qui se trouve dans les Subtilles fables de Ésope : elle est généralement meilleure que celle de l’Ésopet en françoys154, que les collégiens avaient sous les yeux.
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L’on ne doit pas faire à aultruy ce qu’il155 ne vouldroit qu’on luy fist, comme il appert par ceste fable d’ung Roy qui avoit ung cousturier qui estoit si bon ouvrier que meilleur ne povoit estre au monde, et avoyt plusieurs bons serviteurs dont l’ung s’appelloyt Médius, qui surmontoit les aultres pour bien ouvrer. Pour quoy le Roy commanda à son maistre d’ostel156 de donner ausditz cousturiers à boire & à menger délicieusement.
Or advint ung jour que le maistre d’ostel leur donna à menger d’une trèsbonne viande157 précieuse où il y avoit du miel. Et pource que Médius n’estoit pas en celle feste158, le maistre d’ostel dist aux aultres qu’il luy failloit garder de celle viande précieuse. Son maistre respondit qu’il ne luy en failloit point garder, car il ne mengoit point de miel. Et ainsi qu’ilz eurent disné, Médius survint, & leur demanda : « Pourquoy ne m’avez-vous gardé ma part de ceste viande précieuse ? » Et le maistre d’ostel luy dist : « Pource que ton maistre m’a dit que tu ne menges point de miel. » Et Médius se teust & ne dit mot, mais il pensa comment il pourroit tromper son maistre.
Et ung jour advint que Médius estoit tout seul avec le maistre d’ostel. Le maistre d’ostel luy demanda s’il congnoissoit point homme qui fust si bon ouvrier que son maistre. Et Médius luy dist que non, mais que c’estoit grant dommage d’une maladie qu’il avoit. Et le maistre d’ostel luy demanda de quelle maladie c’estoit. Adonc, Médius luy dist : « Monseigneur, quant il est entré en ceste frénaisie, il luy prent une rage. » « Et comment le congnoistray-je159 ? » dist le maistre d’ostel. « Certes, monseigneur, quant vous verrez qu’il sera sur son establier160, et qu’il commencera à regarder deçà et delà, et qu’il commencera à frapper du poing sur la table, adonc sa maladie le prent. Et si vous ne le faictes lyer et bien battre, il est digne161 de faire ung grant dommage. » Et le maistre d’ostel luy dist : « Ne te chaille, mon amy, je m’en donneray bien garde ! »
Et le lendemain, le maistre d’ostel vint veoir les cousturiers. Et quant Médius le vit, il sçavoyt bien pourquoy il venoyt, et print secrètement les forces162 de son maistre, et les mussa. Adonc, le maistre commença à cerchier ses forces deçà et delà, et à frapper du poing sur la table. Adonc, le maistre d’ostel le commença à regarder, et à coup le fist prendre par ses serviteurs, et le fist lyer et trèsbien battre. Et adonc, le maistre cousturier fut merveilleusement esbahy, et leur commença à demander : « Messeigneurs, pourquoy me battez-vous si oultrageusement ? Quelle offence ne quel mal ay-je faict, pour quoy il fault que je soye ainsi lyé et villainement battu ? » Adonc, le maistre d’ostel luy va dire : « Pource que Médius m’a dit que tu es frénatique, et que qui ne te batteroyt bien163, tu feroys ung grant dommage. » Et adonc, le maistre cousturier s’en vint à son varlet, et bien rigoureusement luy dist : « Ha ! maulvais garson remply de mauvaises parolles ! Comment m’as-tu veu enragé ? » Et son varlet luy respondit orguilleusement : « Mon maistre, quant m’as-tu veu que je ne mengoye point de miel ? Et pour tant164, je t’ay rendu cocque pour cocque ! » Adonc, le maistre d’ostel & tous les aultres serviteurs se prindrent à rire, & dirent tous ensemble qu’il avoit bien fait.
Et pour ce, saichez que nul ne doit faire à autruy chose qu’il ne vouldroit qu’on luy fist165.
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1 Trois farces du recueil de Londres. Rennes, 1931. J’ai conservé une quinzaine de ses corrections. Je recommande la préface de l’édition d’André Tissier : Recueil de farces, t. II. Droz, 1987. 2 Avant que. 3 Qu’on n’ait pas besoin de me donner quoi que ce soit : que j’aie tout sous la main. 4 BM : soit (Était fatigué par la quantité de travail qu’il devait fournir.) 5 Désormais, mon activité s’est beaucoup refroidie. 6 Que selon la mode. 7 BM : Que (Ce que vous faites ?) 8 Ayant des pompons, des nœuds de rubans. « Mon pourpoint à grosse pompette. » Mieulx-que-devant, BM 57. 9 Il faudra plier boutique. 10 À la nouvelle mode. « Estre vestu à l’avantage,/ À la gorre du temps présent. » Colin qui loue et despite Dieu. 11 Élégant avec ostentation. Voir la Folie des Gorriers. 12 Plus apte. On trouvera les mêmes vantardises au début du Cousturier et le Badin. 13 Habile. 14 Reconnu. 15 Votre salarié. « Estoit-il point vostre aloué ? » Farce de Pathelin. 16 Sans salaire. 17 La maison. Idem vers 346. 18 Je vais. Idem vers 95 et 149. 19 Ésopet insinue que son maître n’y voit plus assez, ou qu’il tremble à cause de l’alcool. 20 « –Étron ! –Mâche ! » est l’équivalent de l’actuel : « –Merde ! –Mange ! » Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 285. 21 À votre sujet. Quoi qu’on en dise, cette graphie est largement attestée : voir par exemple le Sermon pour une nopce, où « fronc » rime avec « estronc ». 22 BM : de maintenant (Correction d’Emmanuel Philipot.) 23 Déguerpir. 24 Philipot conjecture que « l’apprenti Esopet était un jeune clerc qui, au collège de Navarre, “servait les prêtres” soit comme “famulus”, soit en leur répondant la messe en qualité de sous-diacre ». 25 Je n’en donne pas plus cher qu’un pet. 26 Les lettres du mot « pet ». Même registre scatologique qu’aux vers 31-32. 27 BM : tout 28 BM : que ce garson (Un garçon est un apprenti.) 29 Goinfre. 30 Les versificateurs qui souhaitent raboter un vers trop long écrivent « Almand » : voir la note 52 du Jeu du Prince des Sotz. 31 De toute cette semaine. De bon matin, on mettait dans l’âtre un pot de terre contenant de l’eau, des légumes, des féculents, de la viande ou du lard, et on le laissait mijoter jusqu’au soir. Cf. le Cuvier, vers 115. 32 Et pourtant, il dit. 33 À faire des reprises. 34 Surnom plaisant de la chambrière. Nous sommes chez un vieux noble qui met des particules partout. 35 Votre corps et votre figure. 36 BM : Affin (Ainsi. « Faictes doncques ainsin. » ATILF.) Les goûts lexicaux du vieux noble n’ont pas plus évolué que ses goûts vestimentaires. 37 BM : aygre (Plus à son gré.) Les domestiques dépourvues de famille pouvaient, si elles étaient d’accord, être mariées par leurs patrons. C’est ce qu’on promet à la chambrière du Cousturier et le Badin : « Et t’estrique [habille-toi] assez gentiment :/ Je te veulx de bref marier. » 38 BM : son (Vous avez été mon entreteneur assez longtemps.) Sur les relations qui unissent le gentilhomme et sa « mignonne » <vers 312>, voir la note d’André Tissier, et la p. 141 de sa préface. 39 Si quelqu’un peut m’épouser. Les employeurs mariaient en urgence leur servante lorsqu’ils l’avaient mise enceinte, ce qui ne paraît pas être le cas ici. 40 Je veux vous habiller. Mais les collégiens ont dû s’esclaffer en entendant cet équivoque verbe « mettre » : cf. les Queues troussées, vers 29. Seul le censeur du collège n’y a vu que du feu. Pourtant, dans toutes les farces qui opposent une jeune fille à un noble, ce dernier abuse de sa supériorité. 41 Du tissu et de la fourrure. Les patrons n’habillaient pas de neuf leur soubrette, et pour rien au monde ils ne l’auraient accompagnée chez un couturier : ils lui donnaient le vieux linge dont Madame ne voulait plus. Ici, le Gentilhomme est veuf ou célibataire, et a de bonnes raisons pour ménager sa bonne à tout faire. 42 Tout trouvé (verbe quérir). 43 Vous discuterez. Idem vers 89. 44 Après que vous aurez discuté. 45 Détournent à leur profit des morceaux d’étoffe. Cf. le Cousturier et le Badin, vers 15-22. 46 Chanson inconnue, y compris de H. M. Brown (nº 178). Nous avons quelques traces d’une chanson qui disait : « Ils mènent bonne vie au son des instrumens. » 47 Claque des dents : il n’a plus de bois pour allumer la cheminée (vers 53). « Yl vous est tremblant dent à dent. » Sermon joyeux des quatre vens. 48 Et pourtant, il s’est enflammé à chanter. 49 Chevroter en faisant des trémolos. Cf. la Chanson des dyables, vers 24, 111 et 178. 50 Marmonner. Cf. les Rapporteurs, vers 339. 51 Improviser sur le déchant. Les comiques font de ce verbe un antonyme de « chanter », et donc, un synonyme de « chanter mal » : voir la note 73 de la Chanson des dyables. 52 Malgré ta maudite. Cf. Grant Gosier, vers 18. 53 Pour qu’il me fasse. La chambrière sort de chez son patron avec un plat couvert. Pour se concilier les bonnes grâces de quelqu’un dont on a besoin (artisan, maître d’école, examinateur ou même juge), il est courant de lui offrir de la nourriture en plus de sa rétribution. 54 Une aile, que la tyrannie de la rime va métamorphoser en cuisse au vers 172. C’est, là encore, une graphie attestée : « Prenez l’aesle de la perdrys ou la cuisse d’une nonnain. » (Gargantua, 39.) On remarquera que la chambrière utilise comme elle veut les biens de son patron. 55 Ni petite cotte, jupon. Cf. Digeste Vieille, vers 93. 56 Ciré, moulé. « L’habit t’est faict comme de cire. » Le Ribault marié. 57 D’une femme de la Noblesse. Voir les deux Damoiselles du Poulier à sis personnages. Une bonne qui devient la maîtresse de son employeur, fût-il noble, se voit déjà maîtresse de sa maison à la place de l’épouse : « S’il fust advenu/ Que mon maistre m’eust accollée,/ J’estois maistresse ! » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) La chambrière entre chez le couturier. Ésopet n’est pas là. 58 Quelque chose. 59 L’expression est curieuse. La seule partie du corps d’une femme qui est fendue, c’est sa fente : « À ton âge, faut-il t’apprendre/ Que tu n’as icy rien à fendre ?/ Il n’est déjà que trop fendu ! » (Nouveau Parnasse satyrique.) Le Couturier en profite pour palper la chambrière, comme le valet du Cousturier et son Varlet quand il prend les mesures d’une autre chambrière : « Ils ont bien sept quartiers de fesses,/ Ces grosses garces mamelus ! » 60 Ce mot était parfois féminin. On dit encore « de la belle ouvrage ». 61 Un morceau d’un chapon. C’est le même partitif qu’au vers 311 : de drap. 62 Un lopin, un petit morceau. 63 Il n’est pas là à point nommé, au bon moment. Un garçon est un apprenti. La chambrière semble avoir beaucoup d’intérêt pour celui-là (vers 88). Il est vrai qu’elle ne peut trouver un mari que parmi les serviteurs, comme cela est dit au vers 68. 64 Forme archaïque de mange ; on prononce « manju », comme à 191. Cf. Messire Jehan, vers 316. 65 Quand bien même. E. Philipot fait remarquer que ce vers ne se réfère pas à l’Ésope en françoys, mais à l’édition latine de Steinhöwel : « Etiam si presens iam esset. » L’auteur de la farce connaissait donc ce livre imprimé à Strasbourg en 1477 et souvent réédité. 66 BM : bon quil (Si on lui en donnait. Encore une notation qui provient du texte latin : « Etiam si adesses. ») La chambrière s’intéresse plus à Ésopet qu’à sa future robe. 67 Le couturier emploie improprement « venaison » [gibier] au lieu de volaille, qui offre pourtant de nombreuses rimes. Comme au vers 122, il provoque la jeune femme en lui glissant un sous-entendu coquin : « La réveiller par grand ardeur,/ Luy bien brasser la venoison. » (J’ouÿs l’autre jour chasser.) La cliente réplique par un autre sous-entendu grivois au vers 148, mais elle reprendra à son compte le terme impropre de « venaison » à 164. 68 La chambrière sort. 69 Glouton. 70 Qu’il mange. 71 Me demeurera, restera à moi. Il dévore le contenu du plat. 72 Dans la rue. 73 Elle aperçoit Ésopet, qui revient vers l’atelier. 74 BM : par ta foy (« Sire, s’il te plet,/ Moult tost soit ton jugement fet. » Roman de Renart.) La chambrière connaît bien Ésopet : les deux vers précédents n’ont aucune raison d’être. 75 S’il advenait qu’on me la donne à manger. 76 Saint Sulpice. On pourrait croire à une de ces déformations irrévérencieuses auxquelles se complaisaient les collégiens ; pourtant, d’innombrables écrits sérieux reproduisent cette métathèse. La famille Saint-Sulpice signa longtemps Saint-Supplice, croyant que ce nom désignait la Passion du Christ ! 77 BM : le (« Tout seul » montre encore l’égoïsme du couturier au vers 183.) 78 BM : le (Qu’il la bâfrera. « Quant chascun a bauffré son broust. » La Nourrisse et la Chambèrière.) 79 BM : men 80 Mon maître de merde. 81 Et très bientôt, si j’y parviens. Même expression à 294. 82 BM : au (Par mon âme !) On trouve la version féminine de cette blague potache au vers 158 de Serre-porte. 83 C’est bien calculé. La servante retourne chez le gentilhomme, et l’apprenti la suit. 84 Le mal de saint Acaire, le mal de saint Victor et le mal de saint Mathelin désignent la folie, qui tient les gens à la tête, comme le précise le vers 220. « Ma-la-di-e » compte pour 4 syllabes. 85 Elle s’inquiète pour Ésopet. 86 Mordre. Voir les vers 253 et 334. Il est donc enragé (vers 337). 87 Si on ne le capture pas vite. 88 Pour le jeter à terre : voir le vers 353. « Uns estoquent, autres rabatent :/ Vueille on non, à terre l’abattent. » Godefroy. 89 BM : feste (Guère plus loyal, le valet du Cousturier et son Varlet incite des clientes à rosser son maître.) 90 S’il avait une crise. 91 Un possédé. Le démoniaque est une des figures imposées des Mystères : il se livre à un numéro hystérique jusqu’à ce qu’un signe de croix fasse fuir la caricature de diable qui se cachait sous son ample robe. 92 Ces deux verbes concernent les chevaux rétifs qui respirent bruyamment tout en secouant la tête. Or, le couturier va bientôt secouer la tête. 93 Et il existe un symptôme qui ne trompe pas. 94 À cela. 95 BM : ordure (L’ardent désir de mordre quelqu’un. « Serve, subjecte, en convoiteuse ardure. » Pierre d’Ailly.) 96 BM : emmener (Et l’agiter. Idem vers 321.) 97 « Tip, tap ! » est une onomatopée transcrivant le bruit qu’on fait en tapant sur quelque chose ou sur quelqu’un. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 157. 98 Des bouffes, des baffes. Cf. le Mince de quaire, vers 239. 99 Lasser. 100 Quelquefois. Idem vers 270, 360, 373. 101 BM : nous 102 Ne le lui répétez pas. 103 BM : la (Sa monomanie.) 104 BM : Et (« Il n’est que vivre sans soucy. » Les Cris de Paris.) Il n’y a qu’à demander. 105 Ésopet retourne à l’atelier. 106 On croit connaître. 107 S’en retourner, s’en aller. Idem vers 284 et 332. 108 J’en viendrai bien à bout. 109 Comment son valet décrit ses symptômes ! Ce vers est douteux, mais si(g)ne rime correctement avec mine, comme aux vers 44-45 des Femmes qui demandent les arrérages. 110 Quelle mine il fera : comment il va se comporter. 111 Et avec moi. Le vieux noble parle comme au siècle dernier. Sa domestique emploie la forme moderne au vers 198. 112 Dans l’atelier, il monologue à l’écart de son patron. Les farces de collèges étaient jouées lors de certaines fêtes. On les entrecoupait sans doute avec d’autres activités festives. C’est pourquoi Ésopet résume toute la première partie de la pièce, pour ceux qui l’auraient oubliée pendant l’entracte. 113 Anuit, aujourd’hui. 114 Le morceau de craie qui sert aux couturiers pour marquer leurs mesures sur le tissu. 115 Quand le couturier ne verra plus ses ciseaux ni sa craie. 116 Les couturiers travaillent sur une longue planche posée sur des tréteaux, et couverte d’étoffes sous lesquelles les ciseaux peuvent se dissimuler ; taper sur la planche les fait rebondir, et on entend d’où vient leur cliquetis. L’illustration du conte que je publie sous la pièce représente un couturier accoudé à son établi chargé de tissu, pendant que deux personnes l’agrippent et le bastonnent ; de l’autre côté de l’établi, les valets du couturier. Le graveur de la traduction espagnole dudit conte a représenté les ciseaux et la craie au bord de la table. Et il est le seul qui ligote la victime, en accord avec le texte. 117 Comment vous le verrez être attaqué par. 118 Il entre chez le couturier, avec sa chambrière. 119 Signifie « Monseigneur », comme aux vers 202 et 254. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 251, 257, etc. 120 Il chuchote à sa servante d’observer le « démoniaque ». 121 Il subtilise les ciseaux et la craie, puis il s’adresse au public. 122 Au Gentilhomme. 123 Naguère. 124 BM : ferons (Il jette à terre le couturier, qui ne se relèvera qu’au vers 353.) 125 Ambiguïté : est-ce le diable qui est une laide bête, ou le corps du couturier ? 126 Je vous frapperai. Cf. les Sobres Sotz, vers 403. 127 BM : adire (Que diable est-ce que ça veut dire ?) 128 BM : foys ie (Que je sois raidi par la mauvaise mort.) 129 Avant. 130 Traître. Idem vers 378. 131 Quelque maladie que ce soit : aucune maladie. 132 Subitement. 133 Qui rend les gens fous. 134 À Ésopet, qui se tient à l’écart. 135 BM : la chambriere. 136 Je l’ai fait sans y penser. 137 BM : lengardastes (Le verbe engarder existe, mais les pronoms « vous » et « en » sont nécessaires.) Je crois que vous l’en avez empêché. La chambrière prend toujours la défense d’Ésopet. 138 BM : adonc (Influence de l’Ésopet en françoys, où « adonc » revient 8 fois dans l’apologue du Couturier.) 139 Comme vous avez pensé que je suis assez fou pour ne pas manger de volaille. 140 BM : Que estes (Que vous êtes complètement fou. « Tu es ung fin fol naturel ! » La Pippée.) 141 La fin est en décasyllabes. Le dernier vers est un alexandrin mal césuré. 142 Je n’y peux rien. 143 BM : morceaulx (Nous avions déjà des « lopinets » de perdrix à 131.) « Ung morcellet d’andouille. » L’Aveugle et Saudret. 144 Un dronquard, un ripailleur. 145 Un sournois. Philipot suggère de lire « traistre paillart » ; cependant, « maistre paillart » est bien attesté : cf. les Maraux enchesnéz, vers 287. 146 BM : tiendray (Voir les vers 363 et 383.) Je te rendrai ta tromperie. 147 Il y a là un sujet de contestation. « C’est ung grand point ; or le lesson,/ Passon oultre : il y a regart. » Mistère du Viel Testament. 148 Si jamais l’occasion se présente. 149 Avant cette rubrique, et sur la même ligne, BM ajoute : Dessus ton dos 150 BM : quoy quon (Je ne veux pas savoir quelle vengeance on lui prépare.) « Nous a-on telz brouetz brasséz ? » Les Coppieurs et Lardeurs. 151 Veuillez agréer. « Prenez en gré de la Mère de ville ! » Formule finale de la Mère de ville. 152 L’apprenti philosophe. « Plus prompts à nier que nouveaux sommulistes. » Pierre de Saint-Julien. 153 Tous les titres contenus dans cette notice varient d’un manuscrit à l’autre et d’un incunable à l’autre ; mes choix sont donc subjectifs. Au XIIIe siècle, la Disciplina clericalis fit l’objet de deux traductions françaises en vers : le Chastoiement que li pères ensaigne à son filz, et les Fables Pierre Aufons (ou Aufors). Le conte du couturier s’y intitule parfois : Du Tailleor le roy & de son sergant. Au début du XIVe siècle, on fit une traduction en prose, que d’aucuns intitulent la Discipline de clergie ; notre conte, dépourvu de titre, y porte éventuellement le numéro 18. 154 On peut lire cette version dans les préfaces de Philipot et de Tissier. 155 Toutes les versions donnent que lon. Steinhöwel dit : « Quod tibi fieri non vis, alteri non feceris. » Voir la dernière ligne de cette traduction, et le vers 381 de la farce. 156 À son chambellan. Dans la Disciplina clericalis, volontiers orientalisante, il s’agit de son eunuque : « Unum de camerariis suis eunuchum. » 157 Ce mot désignait toute nourriture au sens large, et en l’occurrence, du pain chaud avec du miel : « Panem calidum cum melle et aliis cibis », dit Steinhöwel. La Discipline de clergie, que Macho n’a sûrement pas lue, disait : « Pain chaut et miel avec autres viandes. » 158 « Une haute feste aprocha./ Li Rois son tailléor manda./ Moult riches dras li fist taillier/ Por la feste plus essaucier. » Du Tailleor (BnF, ms. fr. 12581). 159 Comment m’en apercevrai-je ? 160 Sur l’estrade où est posé le tabouret. « Establie, ou establier de cousturier : semble qu’il vienne de tabulatum. » (Robert Estienne.) Une édition de 1487 porte la variante : sur son tablyer. On distingue parfaitement l’établier sur les deux gravures dont la note 116 comporte le lien. « –Je m’en vays commencer à couldre./ –Dessus l’establye s’en va souèr. » Le Cousturier et le Badin. 161 Il est capable. 162 Les ciseaux. « Les forces (de) son mestre muça. » Du Tailleor. 163 Et que si on ne te battait bien. 164 Pour cette raison. 165 J’emprunte cette dernière phrase à la version de l’Ésopet en françoys, où elle est moins emberlificotée. (Voir la note 155.) Elle est d’ailleurs absente du texte latin.