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LES QUEUES
TROUSSÉES
*
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La queue dont il est question dans cette farce parisienne n’est autre que la traîne que les femmes à la mode cousent derrière le col de leur robe. En cette fin du XVe siècle, les élégantes la laissent traîner par terre, au grand dam des maris : « –Vostre queue est bien fort crottée !/ –Me veulx-tu garder de cela,/ De traisner ma queue çà et là ? » (Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris.1) Mais les rieurs, eux, s’en donnent à cœur joie : « –De quoy servent (…) ces queues à ces damoiselles ?/ Esse pour ballayer le plastre ?/ –Pourquoy c’est que ces damoiselles/ Portent grans queues ? Pour s’esmoucher/ Plus près des oreilles.2 » (Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) Quand Madame ne veut pas salir cette queue, elle la « trousse » ; autrement dit, elle l’enroule par-derrière en forme de coquille, et elle en coince le bout sous la ceinture : « Et quand y voyt la queue troussée,/ Que dict-il ? » Les Mal contentes.
Source : Recueil de Florence, nº 6.
Structure : Rimes abab/bcbc.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Queues troussées
*
À cinq personnaiges, c’est assavoir :
MACÉ, lenternier [mari de la Première Femme]
MICHAULT, savetier [mari de la Seconde Femme]
LA PREMIÈRE FEMME
LA SECONDE FEMME
MAISTRE ALIBORUM 3
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LES QUEUES TROUSSÉES
*
MACÉ commence en chantant, SCÈNE I
faisant ses lenternes.4
Oncques depuis mon cueur n’eut joye5
Que fuz marié de nouveau.
MICHAULT, en cousant ses souliers.
Hé ! que vécy mauvaise soye6 :
Elle vient d’ung mauvais pourceau.
5 Qu’esse-ci, bon gré sainct Marceau ?
Comment ce paillart fil7 se [p]lie !
Ha ! j’entens bien : c’est cuir de veau8 ;
C’est la cause qu’i s(e) amolie.
Et ! vécy terrible folie !
10 Ceci ne vault pas ung denier.
MACÉ, en chantant :
Crocque-la-pie9 se marie
À la fille d’ung poissonnier.
MICHAULT
Voysin !
MACÉ
Que te fault-il, gaultier10 ?
MICHAULT
Et ! je ne sçay, par Nostre Dame !
15 Si fois11 : dy-moi, je te requier,
Se tu sces où est12 allée ma femme.
MACÉ
Ta femme ? Nenny, par mon âme !
Je croy bien qu’elle se devise
Et qu’elle estudie sa game13
20 Avec les clercs de nostre église.
MICHAULT
Elle leur fait une chemise
Ou des mouchouèrs en leur maison.
MACÉ
Mais qu’il [y ait]14 nouvelle prise,
Ce leur est fresche venoison15.
MICHAULT
25 Et la tienne ?
MACÉ
En toute saison
À l’hostel16. Où pourroit-elle estre ?
MICHAULT
Elle est, par bieu, en garnison
En la chambre de quelque prestre,
Et on ne la sçauroit mieulx « mectre ».
MACÉ
30 Mais la tienne, tu n’en dis basme17 ?
[MICHAULT]
Elle fait le lit de son maistre18 :
Elle n’y peult avoir nul blasme.
C’est ce qui la fait preude femme.
[MACÉ]
Elle va « jouer19 », que veulx-tu !
MICHAULT
35 Foy que doy [Dieu],20 vertu mon âme !
Si21, ne fus-je jamais coqu.
MACÉ
Hé ! dea, comment tu es testu !
MICHAULT
Et puis ?
MACÉ
N’es-tu pas bien rebelle ?
Il semble que tout soit perdu,
40 Aussitost qu’on te parle d’elle.
MICHAULT
Que maudicte soit la femelle !
Ce n’est que meschant cuir de veau22.
MACÉ chante :
Baille-luy, baille, baille-luy belle,23
Baille-luy, baille, baille-luy beau.
MICHAULT chante :
45 Tarabin, tarabas,24 tarabinelle,
Tarabin, tarabas, tarabineau.
MACÉ
J’è frapé ung coup de marteau
Par trop ; je ne sçay que je brouille25.
MICHAULT
Vécy de la soye de pourceau
50 Aussi molle comme ma couille26.
MACÉ
Que cecy est dur !
MICHAULT
Si, le mouille27 !
.
LA PREMIÈRE 28 FEMME, ayant la queue de sa
robe longue et traînant à terre [qu’elle aura] 29 levée.
Macé ! SCÈNE II
MACÉ
Qu(i) est là ?
LA PREMIÈRE FEMME
Vous vous faignez30 !
LA SECONDE FEMME, ayant queue pareille que
la première, et levée.
Vous aurez ung coup de queno[u]ille31,
Aussi, se vous ne besongnez !
MICHAULT
55 Mais vous, tousjours vous [vous] pignez32,
Ou voz saintures vous saignez33.
Mais ce ne sont pas [belles manières]34.
MACÉ
Ma femme, aussi vous groignez.
L’on m’a bien dit que vous baignez
60 Avec d’autres que mes commères35.
LA [PREMIÈRE FEMME] 36
On fait souvent de bonnes chères
– Mais c’est sans pencer à malice –,
Quant on est avec ces compères37.
MICHAULT 38
Que vous estes bonne(s) à l’office39 !
LA SECONDE 40 FEMME
65 Ne vous chaille, c’est ung novice41 :
Au monde, n’est rien plus rebelle.
LA [PREMIÈRE FEMME] 42
Se j’estoye vostre nourrice,
Je vous froteroye bien soubz l’elle43 !
.
MACÉ SCÈNE III
Je m’en raporte bien à elle44,
70 Mais je sçay bien ce qu’on m’a dit.
.
LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IV
Le jeu ne vault pas la chandelle45.
LA SECONDE FEMME
Or n’en parlons plus, il suffist !
Le grand monsïeur46 qui nous fist
L’autre jour si [très]bonne chère
75 Si m’a mandé, par son petit
Gars47, que nous ne demourions guière48.
LA PREMIÈRE FEMME
Et de partir, par quel manière ?
LA SECONDE FEMME
Ennémenne49 ! je n’en sçay rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Par quelque excusance légière50
80 En fauldra trouver le moyen.
LA SECONDE FEMME
Pensez que nous y ferons bien,
Ennuyt51, la compaignie françoise !
.
LA PREMIÈRE FEMME 52 SCÈNE V
Hau, mon mary !
MACÉ
Estront de chien53 !
LA PREMIÈRE FEMME
Voulez-vous pas bien que je voise
85 Ung petit sur une bourgoise54,
Tandis qu’il ne fet pas trop let55 ?
MACÉ
Affin que [je] n’aye point de noise,
Par Dieu, allez où [il vous plêt]56 !
LA PREMIÈRE FEMME
C’est pour luy tailler ung collet,
90 Pource que le sien est trop hault57.
MACÉ
Fust pour luy couper le sifflet58,
Par mon serment, il ne m’en chault !
.
LA SECONDE FEMME SCÈNE VI
Mon amy, tandis qu’il fait chault
Et qu’i ne fait pas trop croté59,
95 Il me fault, mon mary Michault,
Aller jusques à la Cité60.
MICHAULT
Qui vous a si tost invité ?
Le macquereau, ouy, par ma foy !
LA SECONDE FEMME
C’est une dame, en vérité,
100 Laquelle suyt la court du Roy61.
MICHAULT
Voire. Mais tous les jours, je voy
Ung grant tas de ratisserie62 :
Par quoy j’ay grant peur, par ma foy,
Qu’il y ait de la tromperie.
105 N’allez pas don[c] en riblerie63 !
LA SECONDE FEMME
Que cela je vous feisse acroire !
Et ! c’est, par la Vierge Marie,
Pour enfiller des parlettes64.
MICHAULT
Voire !
Je vous en croy ! Il est notoire
110 Que ce mot-là j’avoys songé.
.
LA SECONDE FEMME 65 SCÈNE VII
J’ay esté en grant ancessoire66,
Ains67 que j’ay[e] peu avoir congié68 ;
Mais à la fin, je l’ay rangé
En luy faisant acroire songes :
115 Je cuide que luy ay forgé69
Plus de cinq cens milles mensonges !
LA PREMIÈRE FEMME
Nous leur referons [bien] leur[s] longes70,
Et fussent-ilz ung droit milier71 !
LA SECONDE FEMME
Nous les ferons doulx come esponges,
120 Quant les voul[dr]ons humilier.
LA PREMIÈRE FEMME
Pensons au prouffit singulier,
Pour tenir au[x] plus ruséz serre72.
LA SECONDE FEMME
De noz queuës nous fault deslier73,
Et les abaisser jusqu’à terre.
LA PREMIÈRE FEMME
125 Nous envoirons noz mariz braire74.
LA SECONDE FEMME
Par bieu, nous les ferons infâmes !
Allons-nous-en voir ces gens de guerre75,
Qui contentent si bien leurs dames.
*
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MACÉ 76 SCÈNE VIII
Michault !
MICHAULT
Macé ?
MACÉ
Disons noz games77,
130 Et puis chantons, et ferons raige.
MICHAULT
Je suis si aise que noz dames
Sont allées en pèlerinage !
MACÉ
Ils sont allées en garouage78 ;
Cuides-tu qu’ilz soient [au moustier]79 ?
LA PREMIÈRE FEMME, qui laisse traîner sa
queue à terre.
135 Nous sommes vostre malle rage,
Ort vilain, paillart lanternier !
LA SECONDE FEMME laisse traîner sa queue à
terre, et dit :
Et ! fault-il, pour ung soufletier80,
– Veu qu’e[n] mal [jà nul]81 ne nous vit –,
Et aussi pour ung savetier,
140 Que nous ayons tant de despit ?
[MICHAULT]
Et !…
[LA SECONDE FEMME]
En parlez-vous ? Il suffist !
Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?
MICHAULT
Et ! vrayement, je ne l’ay pas dit :
Ç’a esté Macé, par mon âme,
145 Qui m’a dit que, par Nostre-Dame82,
Vous estiez toutes deux soubz83 forge.
MACÉ
Croiez-vous ce paillart infâme ?
Il a menty parmy la gorge84 !
MICHAULT, en se esbatant des queues de leurs
femmes :
Mais qu’esse-cy, bon gré sainct George ?
150 [Et !] que vécy longue traînée !
MACÉ
El(le)s sont [poudrées comme ung pain]85 d’orge.
LA PREMIÈRE FEMME
C’est la façon de ceste année.
MACÉ
Vous estes bien habandonnée86,
D’une si longue queuë prendre !
MICHAULT
155 Qui a la façon amenée87,
Je prie à Dieu qu’on le puist pendre !
MACÉ
Voisin, scez-tu où veulx prétendre88,
À quel fin et à quel moyen ?
Coupons ces queuës pour les vendre,
160 Car cest estat-cy89 ne vault rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous, coquin, bourreau, ruffien,
Dictes-vous que les couperez90 ?
Ha ! nous vous en garderons bien !
Par sainct Jacques, vous mantirez91 !
MICHAULT
165 Et ! par Dieu, dont92, vous sortirez
Plus viste que vent de janvier93 !
LA SECONDE FEMME
Vous, paillart, vous me fraperez ?
Mais regardez quel vieilz rotier94 !
.
LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IX
Ma voisine, il nous est mestier95
170 De trouver qui y remedira.
LA SECONDE FEMME
Charchons quelque bon conseillier96 ;
Je ne sçay, moy, qui97 ce sera.
LA PREMIÈRE FEMME
Nous irons voir, qui m’en croira98,
Maistre Aliborum ung petit99 :
175 Incontinant il nous dira
Ce que nous ferons.
LA SECONDE FEMME
C’est bien dit.
LA PREMIÈRE FEMME
[Or] n’en parlons plus, il souffist100.
Il nous ostera hors d’esmoy.
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MACÉ 101 SCÈNE X
Par le [sainct] sang que Dieu me fist102 !
180 Je meurs de soif.
MICHAULT
Si fois-je moy.
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LA PREMIÈRE FEMME 103 SCÈNE XI
Vélà Monsïeur, que je voy.
LA SECONDE FEMME
Allons compter nostre maintien104.
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MACÉ 105 SCÈNE XII
Je suis [bien] aise quant je boy.
MICHAULT
Voire, et qu’i ne te couste rien.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE XIII
185 Monsïeur, devers vous je vien
Car mon mari m’a voulu batre.
LA SECONDE FEMME
Enné ! aussi a fait le mien.
S’on ne [leur eust sassé du]106 plastre…
MAISTRE ALIBORUM
Et ! c’est trop compté sans rabatre107.
190 Ilz sont trop aises, seurement !
S’il fault que leur baille une emplastre,
Ilz en maudiront l’ongnement108.
Et ! fault-il tant de hongnement109 ?
Les fièvres les espouseront110 !
LA PREMIÈRE FEMME
195 Ilz nous ont juré [grant serment]111
Que noz queuës ilz coupperont.
MAISTRE ALIBORUM
Taisez-vous, taisez : non feront.
LA SECONDE FEMME
Faictes-les don[c] tenir en paix.
MAISTRE ALIBORUM
Plus longues encores y seront
200 Et plus larges, se je m’y metz.
[LA PREMIÈRE FEMME]
Pource qu’ilz ne finent112 jamais,
On ne peult faire bonne chère113.
[MAISTRE ALIBORUM]
Je leur serviray d’ung tel metz114
De quoy on ne se doubte guère.
205 Macé a bonne femme entière115
Et belle ; qu’esse qu’il luy fault ?
LA SECONDE FEMME
Il m’appelle « vieille trippière ».
MAISTRE ALIBORUM
Voire, vostre mary Michault ?
LA PREMIÈRE FEMME
Nos mariz chantant aussi hault.
MAISTRE ALIBORUM
210 Je les feray chanter plus bas !
LA SECONDE FEMME
Mais de cela il ne m’en chault,
S’il ne m’apelloit « vieil cabas116 ».
MAISTRE ALIBORUM
Ne vous courcez117, pour tous débas,
Puisque n’estes point affollée118.
215 Vrayement, ilz jouront au rabas ;
[Plus ne jouront]119 à la vollée.
LA SECONDE FEMME
Mon mary m’a tousjours foullée120.
De Dieu puist-il estre mauldit !
MAISTRE ALIBORUM, en levant leurs queues.121
Vous aurez la queuë troussée
220 En despit de ce qu’ilz ont dit.
LA SECONDE FEMME
Incessamment le mien mesdit
Sur moy ; ay-je tort se m’en course122 ?
Oncques, depuis qu’il se sentit
Avoir deux blans123 dedans sa bourse,
225 Je n’euz bien à luy124.
MAISTRE ALIBORUM
Pourquoy ?
LA SECONDE FEMME
Pour ce.
MAISTRE ALIBORUM
Dont vient cela qu’i n’est plus doulx ?
Vous luy faictes trop la rebource125
Quant il se vient jouer à vous ?
LA SECONDE FEMME
Sauf vostre grâce, il est jaloux :
230 Et si, est plus despit126 q’ung chien.
MAISTRE ALIBORUM
Et ! aussi, vous le faictes coux127 !
LA SECONDE FEMME
Dea ! voire, mais il n’en scet rien128.
MAISTRE ALIBORUM
Saint Jehan ! vous serez tantost bien.
LA PREMIÈRE FEMME
Si bien qu’il n’y aura que frire129.
MAISTRE ALIBORUM
235 Ce mirouèr130 si sera moyen
De faire vostre queuë luire131.
J’ai bien besongné d’une tire132 :
Il est plus cler q’une verrière.
Regardez133 : y a-il que redire ?
240 Fait-il pas beau veoir leur derrière134 ?
.
MACÉ SCÈNE XIV
[Se] ceste corne135 fût entière,
J’auroye [fait ouvraige de prix]136.
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LA SECONDE FEMME SCÈNE XV
Que ma queue [est belle, derrière]137 !
LA PREMIÈRE FEMME
J’ay la plus belle [de Paris]138.
.
MICHAULT SCÈNE XVI
245 Ha, ha, ha, ha ! Macé, je me ris
De noz femmes, qui sont sy bestes.
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MAISTRE ALIBORUM SCÈNE XVII
Retournez devers voz maris,
Et parlez bien à leurs barrettes139.
Voz queuës sont assez honnestes140.
250 Despêchez-vous, av’ous ouÿ141 ?
Dieu mercy, vous avez deux testes142
De femmes, n’avez pas ?
LES DEUX ENSEMBLE
Ouÿ !!
LA PREMIÈRE FEMME
Nous avons cy par trop rouy143.
À Dieu !
MAISTRE ALIBORUM
À Dieu, gentes galoises !
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MACÉ 144 SCÈNE XVIII
255 Je puisse estre vif enfouy
Se ne revécy noz bourgoises !
MICHAULT
Ce ne sera pas, dont, sans noises.
MACÉ
Je croy que ce ne sera mon145.
MICHAULT
El(le)s sont, par Dieu, aussi courtoises
260 Comme une ortie ou ung chardon.146
.
LA PREMIÈRE FEMME 147 SCÈNE XIX
Macé, nous venons du pardon148.
MACÉ
Du pardon ? Ha ! ne mentez point !
LA SECONDE FEMME
Et d’avec maistre Aliborum,
D’apprendre nostre contrepoint149.
MICHAULT
265 Et quoy faire ?
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous a apoint150
Ung petit noz queuës plus hault.
MACÉ
Il a dont heurté au maujoint151,
Car c’en est un maistre brifault152 !
LA SECONDE FEMME
Il nous a mys, pour faire ung sault153,
270 La queuë de bonne manière.
MICHAULT
Et esse pour avoir plus chault
Qu’il a descouvert le derrière ?
MACÉ
Vous a-il lavées à la rivière154 ?
Vous a-il menées à l’abrevouèr ?
LA SECONDE FEMME
275 C’est une chose singulière
Des biens qu’i nous a fait avoir.
MICHAULT
Et, dea ! je vouldroye bien sçavoir
Une chose, que vous vois dire155 :
Mais dequoy [vous] sert ce mirouèr ?
LA PREMIÈRE FEMME
280 Pour faire nostre queuë luire156.
MICHAULT
Ha ! ma femme : que je me mire,
Ou, par Dieu, je n’en verray157 rien !
LA SECONDE FEMME
Aprochez-vous ! (Vécy pour rire.)
Mirez-vous fort, je le veulx bien.158
MACÉ, en soy mirant.
285 Je me mire par bon maintien159 ;
Mais, par bieu, je ne suis pas beau !
LA PREMIÈRE FEMME
Pour ung mary parisien160,
Vous estes plus lourt q’ung taureau161.
Nota que les .II. hommes doivent avoir soubz leurs
chappeaux, chacun, ung bonnet à oreil[l]es de
veau.162
MICHAULT, en ostant son chapeau de la teste, dit
en soy mirant :
Quoy ! se je n’ouste163 mon chappeau,
290 Je ne me puis mirer icy.
LA SECONDE FEMME
Pource qu’ilz ont teste de veau,
Ilz n’entendent pas bien cecy.
MACÉ, en ostant pareillement son chappeau, dit en
soy mirant :
Michault, je suis en grant soucy
De ce miroèr : j(e) y voy merveilles164.
MICHAULT, soy mirant.
295 Au miroèr ma femme165, vécy
Une teste à deux grans oreilles,
Serrée comme raisins en treilles.
Que puisse estre ? J(e) y pers mon sens.
MACÉ, soy mirant.
Il me souvient de ces bouteilles,
300 Quant je me mire icy dedans166.
LA PREMIÈRE FEMME
Pour faire noz maris contens,
Nous les faisons bien follier167.
LA SECONDE FEMME
Si sont-ilz veaux maugré leurs dens168 ;
Ilz ne le sçauroient regnier169.
MICHAULT
305 De la queuë que portiez hier,
Par ma foy, je n’en auroys cure.
MACÉ
Ilz servoient pour baloyer170
De la terre toute l’ordure.
LA PREMIÈRE FEMME
Noz mariz, pour toute adventure,
310 Laissons-les songer le moron171.
Et se contre nous l’on murmure,
Allons veoir maistre Aliborum.
LA SECONDE FEMME
Se quelque chasseur à « furon172 »
Venoit, ne [luy] soions rebelles :
315 Car il donra ung chapperon173,
Puisque les queuës sont si belles174.
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous fault sçavoir des nouvelles
Entre nous, mignonnes, pour rire.
MICHAULT
Jamais je ne vy queuës telles
320 Que ceulx-ci, ne si bien reluire.
MACÉ, en soy mirant derechef.
Je suis joyeulx, quant je me mirre
En ung miroèr qui est si beau.
Je ne sçay, moy, que c’est à dire175 :
J(e) y voy deux oreilles de veau.
325 N’esse pas ung miroèr nouveau176 ?
Puis doit remectre son chappeau sur sa teste, en soy
mirant comme tout esbahy, et dit :
Mais je n’entens rien au surplus :
Pource qu’ay mis mon grant chapeau,
Ces deux oreilles n’y sont plus.
MICHAULT
Et ! je m’en voys, comme conclus177,
330 Aussi, par bieu, mectre le mien.
Lors doit mectre son chappeau dessus sa teste en soy
mirant.
[De ce miroèr, il est]178 conclus
Que je n’entens point le moyen.
Et quoy ! vécy chose de bien179 :
Que sont-ilz si tost devenu[e]s180 ?
335 Des oreilles, je n’en voy rien ;
Je croy, moy, qu’elles sont perdues.
LA PREMIÈRE FEMME
Tousjours seront entretenues
Noz queuës, car el(le)s sont honnestes.
LA SECONDE FEMME
Quant noz maris les ont tenues,
340 Ilz s’i sont miréz comme bestes181.
LA PREMIÈRE FEMME
Si en fera bien ses grans festes,
Encores, quelque homme de bien.
LA SECONDE FEMME
Ma[r]is, en despit de leurs testes,
Sont veaulx ; et si, n’en sçavent rien.
.
345 Nous retour[n]ons après les festes. 182
Adieu, messeigneurs !
LA PREMIÈRE
Adieu vous command !
.
EXPLICIT
*
1 Pour les rapports flagrants qui lient cette farce à la nôtre, voir sa notice. 2 Cette réplique est prononcée par maître Aliboron, qui est aussi l’un des personnages de notre farce. 3 Ce personnage de faux savant apparaît dans beaucoup de farces et de sotties : voir la note 8 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Ici, nous avons plutôt affaire à une espèce d’alchimiste, un Dapertutto dont les miroirs magiques capturent plus souvent des veaux que des alouettes. 4 Tout comme dans Grant Gosier, un fabricant de lanternes et un savetier partagent la même échoppe. Les petits artisans qui avaient peu de moyens recherchaient ces cohabitations professionnelles : dans Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, un couturier a pour colocataire un chaussetier. 5 Cette chanson illustre également la Résurrection Jénin à Paulme et la sottie des Deulx Gallans et Sancté (LV 12). Voir H. M. Brown, Music in the french secular theater, nº 319. 6 La soie est le poil dur et long du porc. Sous le nom de ligneul, les cordonniers l’utilisaient pour coudre le cuir. 7 Ce foutu ligneul. On le durcit avec de la poix pour l’empêcher de se plier. 8 La chaussure que je répare est en cuir de veau, plus tendre que le cuir de vache. 9 Boit le vin : « Quelque part il crocque la pye. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Croquepie est un personnage des Vigilles Triboullet. Cette chanson n’a pas été conservée ; cf. Brown, nº 67. On songe cependant à la chanson initiale de Jolyet : « Jolyet est marié/ À la fille d’un abbé. » 10 Compagnon. « Colin Guarguille, ce bon gautier. » Noël Du Fail. 11 Si fais = si ! Idem vers 180. 12 Les Parisiens fusionnaient « wé » en 1 syllabe. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 38, 51, 60, et note 19. 13 F : legende (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 109-119.) Étudier sa gamme = faire l’amour. « À ma femme,/ Messire Jehan aprenoit sa game. » Les Trois nouveaulx martirs, F 40. 14 F : est (Pour peu qu’il y ait une nouvelle femme prise dans leurs filets.) 15 C’est pour eux de la chair fraîche. « Produyre fresche venaison. » Pour le Cry de la Bazoche. 16 Elle est à la maison. 17 F : blasme (à la rime. Correction de J. Koopmans.) Dire baume de quelqu’un = en dire du bien. « On y dict basmes. » Marchebeau et Galop. 18 La Seconde Femme est donc chambrière, ce qui n’est certes pas une preuve de vertu ! L’une des Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures se nomme Troussetaqueue. 19 Copuler. « Ma femme va tousjours jouer. » Deux jeunes femmes… 20 Par la foi que je dois à Dieu. « Foy que doy Dieu ! » Serre-porte. 21 Cependant. 22 Michaud se remet donc au travail. À moins qu’il ne traite son épouse de cuir de veau ; l’insulte misogyne la plus banale était « vieux houseau » : vieille botte en cuir. 23 « Baille-luy belle : cela se respond à qui nous dit quelque sottise. » (Antoine Oudin.) Voir Brown, p. 94. 24 Le recueil de Florence contient une farce intitulée Tarabin, Tarabas (F 13). Brown, au nº 385, n’a pas compris que la réponse de Michaud est la suite de la même chanson. 25 Ce que je fais. Les artisans qui employaient un marteau frappaient selon le rythme de la chanson qu’ils scandaient. « En oyant les marteaux fraper,/ Je leur veux aprendre à chanter. » L’Âge d’or, LV 17. 26 Du ligneul aussi mou que ma verge. Cf. la Confession Margot, vers 86 et note. 27 Alors, mouille-le. Sauf que Macé n’est pas en train de découper du cuir, qui s’attendrit quand on le mouille, mais de la corne. 28 F : .I. (Les rubriques des deux femmes étant aussi capricieuses qu’elles, j’ai partout généralisé LA PREMIÈRE FEMME et LA SECONDE FEMME. J’ai aussi harmonisé les rubriques de MAISTRE ALIBORUM.) 29 F : quil auront (Elle a troussé sous la ceinture la queue traînante de sa robe.) 30 F : saignez (Rime intervertie avec celle du vers 56.) Vous faites semblant de travailler. 31 Dans les Drois de la Porte Bodés, tout comme ici, une épouse menace son mari savetier avec une quenouille : « –Tu sentiras se ma quelongne/ Porte bon son, pour toy esbatre !/ –Haro ! ma femme me veult batre. » 32 Au lieu de travailler, vous passez votre temps à vous peigner. 33 F : faignez (Vous ceignez autour de votre taille vos ceintures en métal précieux.) Ce passage est brouillé par des ajouts d’acteurs, comme c’est toujours le cas dans les pièces qui ont beaucoup circulé. 34 F : beaux mestiers (La rime est en -ères.) Ce ne sont pas des manières dignes d’une femme honnête. 35 Les femmes allaient aux étuves ensemble, mais les hommes pouvaient en profiter pour faire bonne chère avec elles (on y servait à boire et à manger), ou pour faire bonne chair (il y avait des lits). « –L’envie de le voir, avec son grand & gros que-je-n’ose-nommer qui baloque entre ses jambes, me feist estre des vostres pour en assovir mon désir, tant c’est un beau gros mambre. –Si faut-il que toy, qui le gouvernes & qui a pris tant de peine pour luy, le fasses trouver à l’assemblée que nous avons proposée de faire aux Estuves, pour rendre la feste parfaite. » La Resjouissance des harangères. 36 F : .II. (C’est la Première Femme qui est l’épouse de Macé.) Macé discute avec la 1ère Femme dans un coin de l’atelier, et Michaud discute avec la 2ème Femme dans un autre coin. L’auteur a très habilement imbriqué les deux dialogues, mais l’éditeur a tout gâché en mélangeant les rubriques. 37 « Elles sont allées à la feste/ Voir leurs cousins et leurs compères./ Hélas, qu’ils font de bonnes chères ! » Deux jeunes femmes… 38 F : Mace 39 Michaud reconnaît que sa femme –chambrière– est experte en ce qui concerne l’office [le garde-manger]. Mais son patron étant un homme d’église, elle fait aussi preuve de bonté pendant l’office. Enfin et surtout, elle est bonne à l’office : à l’acte amoureux. 40 F : .I. 41 Un religieux : « Allez-vous-en, maistre novice,/ Chanter la messe en vostre église ! » (Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) Mais l’épouse manie elle aussi le double sens : un novice est un puceau, ou un giton. « De filles n’avons nul besoin :/ Car avons-nous pas noz novices,/ Avecques lesquels prenons soin/ De trouver toutes noz délices ? » Ms. fr. 22560. 42 F : .II. (Elle parle à son époux, Macé.) 43 Sous l’aile : Je vous casserais les côtes. Les hommes reprennent leur travail, et les femmes vont discuter à l’écart. 44 Je me fie à sa parole. 45 Le peu qu’on gagne à ce jeu ne vaut pas la peine qu’on y gaspille des chandelles. 46 C’est un de ces riches aristocrates qui achetaient le commandement d’un bataillon. 47 Par l’intermédiaire de son estafette. 48 Que nous ne tardions pas trop à venir. 49 Vraiment ! Cette interjection féminine se rencontre plutôt sous la forme ennément : « Ennément, je n’en sçay rien ! » (Le Povre Jouhan.) On trouve la variante « enné ! » au vers 187. 50 Grâce à une bonne excuse. 51 Ce soir. La « compagnie française » peut être une compagnie militaire, mais c’est d’abord une compagnie galante et amoureuse : cf. les Chambèrières et Débat, vers 455 et note. 52 Elle va câliner Macé, tandis que sa complice va câliner Michaud. 53 Merde ! (Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 30.) La femme est arrivée par-derrière, faisant sursauter le fabricant de lanternes, qui a cassé une lamelle de corne (vers 241). 54 Que j’aille un instant chez une bourgeoise. 55 Tandis que le temps n’est pas trop laid. 56 F : vous vouldrez (La rime est en -let.) Le Povre Jouhan dit à sa coquette : « Or allez où il vous plaira. » 57 La mode était alors aux cols bas : « Bas colletz bordéz de sattin. » Gautier et Martin. 58 Pour l’égorger. 59 Qu’il n’y a pas trop de boue dans les rues. 60 L’île de la Cité, en plein cœur de Paris. 61 Elle y occupe l’office (rétribué sur la cassette royale) de « dame des filles », c.-à-d. de mère maquerelle de la cour de France. « À Olive Sainte, dame des filles de joye suivant la cour du Roy : 90 livres, par lettres données à Watteville le 12 May 1535, pour lui aider, & auxdites filles, à vivre & supporter les dépenses qu’il leur convient faire à suivre ordinairement la Cour. » Du Cange. 62 De malhonnêtetés. 63 Dans un lieu où on se livre à des pilleries. 64 Des parlotes. Ou des perlettes : « Vostre beauté sans seconde/ Vous fait de tous appeler/ “La perle unique du monde” :/ Il vous faut donc enfiler. » François Maynard. 65 Les deux femmes sortent, et parlent dans la rue en allant à leur rendez-vous avec le capitaine. 66 Tracas. « Quel tourment ! Quel dur assessoire ! » Marchebeau et Galop. 67 F : Auant (Avant que j’aie pu obtenir la permission de sortir.) 68 F : rongie 69 F : songe (« Forger fault une menterie. » Tout-ménage.) 70 Les brides qui nous permettent de les mener comme des chevaux de labour. « Bel Acueil a trop longue longe. » Roman de la Rose. 71 Même s’ils étaient un bon millier. 72 Tenir serre = tenir la bride haute. Cf. l’Avantureulx, vers 465. 73 F : traigner (La rime est en -lier.) 74 Nous les métamorphoserons en ânes. 75 Notre généreux capitaine. 76 Acte II. Les femmes reviennent de leur rendez-vous. Elles entrent dans l’atelier sans faire de bruit. Les maris, qui leur tournent le dos, ne les voient pas. 77 Buvons un coup pour nous éclaircir le gosier. Il sort une bouteille de sa cachette. 78 En vadrouille. « Garder/ Ma femme d’aller en guarrouage. » (Ung Mary jaloux.) Ici et au vers suivant, l’auteur s’amuse à désigner par le pronom « ils » les deux comédiens travestis en femmes. Voir les notes 134 et 142. 79 F : a leglise (Correction suggérée par J. Koopmans.) Qu’elles soient au monastère. 80 Elle traite Macé de fabricant de soufflets, ce qui est une insulte pour un faiseur de lanternes : le lanternier produit de la lumière, le souffletier du vent. 81 F : iamais (Vu que nul ne nous vit jamais dans la débauche.) 82 Du côté de la cathédrale Notre-Dame, dans l’île de la Cité (vers 96). 83 F : a la (En train de vous faire marteler sous un homme.) 84 Avec sa bouche. « Tu as menty parmy la gorge ! » La Nourrisse et la Chambèrière. 85 F : appres come ung grain (Elles sont poussiéreuses, à force de traîner par terre.) On cuisait parfois le pain d’orge sous la cendre : « Usant à table du pain d’orge, & cuit sous les cendres. » (Pierre Viel.) On saupoudrait aussi le pain avec de la farine pour l’empêcher de moisir. 86 Dévergondée. « Sa femme est abandonnée. » Le Povre Jouhan. 87 Celui qui a amené cette mode. 88 À quoi je pense. 89 Leur statut social trop élevé. 90 F : comperes 91 Vous n’aurez pas dit la vérité. 92 Donc. Idem vers 257 et 267. 93 Vous sortirez d’ici à la vitesse d’une bourrasque. Michaud lève la main sur son épouse. 94 Ce vieux soudard. Les deux femmes sortent. 95 Besoin. 96 F : sauetier (« L’autre est sçavant, bon conseiller. » Seconde Moralité.) 97 F : que 98 Si l’on m’en croit. 99 Un peu. Idem vers 85 et 266. 100 Même octosyllabe que le vers 72. 101 Les deux hommes restent dans l’atelier et débouchent leur bouteille. Par convention théâtrale, seul le public les entend parler. 102 Tel que je l’ai complété, ce vers apparaît notamment dans la Mauvaistié des femmes. 103 Les deux femmes s’approchent de l’étal où le marchand d’orviétan guette les naïfs « pour métridal et triacle* esprouver », comme le stipulent les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle. *Mithridate et thériaque. 104 F : moyen (Même faute au vers 285, due au fait que l’imprimeur a mal résolu l’abréviation manuscrite de la syllabe main.) Allons lui raconter notre situation. « Et que tout compté lui auray/ Vostre maintien. » ATILF. 105 Il verse du vin dans deux chopes. 106 F : les eust chassez au (Si nous ne les avions pas fait taire. Cf. le Dictionnaire de l’Académie françoise, 1694.) Confusion avec « chasser au peautre » : envoyer au diable. « On te debvroit, présent, chasser au peaultre ! » ATILF. 107 Sans soustraire les remises. « Vous comptez sans rabatre ! » Farce de Pathelin. 108 La pommade. Pathelin en lègue une boîte à son apothicaire, Aliboron : « Et à vous, maistre Aliborum,/ [Je donne] d’oingnement fin plain une boiste. » Testament Pathelin. 109 De grognements. 110 Les saisiront. « De fièvre soit-il espousé ! » Jehan qui de tout se mesle. 111 F : grans sermens (Rime irrégulière. « Icellui bailli avoit juré grant serment que ledit procès seroit scellé. » Du Cange.) Un interpolateur est intervenu entre les vers 194 et 196, en dépit du sens, de la rime et de la métrique :MACE / Noz femmes ont des chaperons / Affin quon die qui sont gaillardes / LA PREMIERE FEMME / Il me semble de ses lucanes / Qui sont au faiste de ses maisons / Ilz nous ont iure grans sermens / Quant au regard des chapperons / Cest la maniere de maintenant 112 Cessent. 113 Dans des étuves, avec des « compères » : voir les vers 61-63. 114 Je leur jouerai un tour. « Sert-on, à Paris, de telz metz ? » Mahuet. 115 Intègre. Mais aussi : non châtrée (note 142). 116 Vieille prostituée au sexe trop large. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 380 et note. 117 F : couroucez (Ne vous courroucez pas. Idem vers 222.) 118 F : affollees (Aliboron répond à la seconde femme.) Affolé = assommé de coups : cf. Serre-porte, vers 243. 119 F : Ilz ne iouront plus (Le rabat et la volée sont deux termes du jeu de paume qui entrent dans de nombreuses expressions.) Je leur rabattrai leur caquet, ils ne triompheront plus. 120 Foulée aux pieds. Cf. Pates-ouaintes, vers 8. 121 Et en tripotant le postérieur de leurs propriétaires. Aliboron est obsédé par les fesses : voir les vers 240 et 272. Dans le Testament Pathelin, on lui lègue « du pur diaculum/ Pour exposer supra culum/ De ces fillettes ». Dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, il disserte en spécialiste sur les « culz fourréz » des bourgeoises, qui « entendent bien les finesses/ Affin qu’on ne voye que leurs fesses/ Soient trop flétryes ou trop molles./ Pour ce le font, car l’on s’affolles/ Et picque, s’on y met la main ! » 122 Si je m’en courrouce. 123 Deux sous. 124 Je n’eus du plaisir avec lui. 125 La revêche. Se jouer à = copuler avec : cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 238 et 240. 126 Plus mauvais. « Plus dépiz sont que chiens. » Mistère du Siège d’Orléans. 127 Cocu. Un autre charlatan, maître Doribus, a mis au point un « récipé pour gens qui sont coux ». 128 Aliboron semble particulièrement bien placé pour savoir que Michaud est cocu… 129 F : redire (à la rime de 239.) Qu’il n’y aura plus rien à faire. On lit ce vers proverbial dans les Actes des Apostres, notamment : « Nous leur rostirons leurs museaulx/ Si bien qu’il n’y aura que frire. » 130 Avec ses mains baladeuses, Aliboron accroche un miroir sous la traîne (enroulée vers le haut) des deux femmes, afin que la lumière qui frappe ce miroir éclaire la traîne par-dessous et la fasse luire. On eût aimé qu’une des nombreuses didascalies qui détaillent le jeu des acteurs nous expliquât comment s’y prend Aliboron pour que ce miroir puisse tenir à l’horizontale pendant que les dames marchent. 131 F : reluire (Dans toute la partie versifiée, à 13 reprises, le mot « queu-e » est dissyllabique.) L’auteur joue sur l’expression « voir sa queue luire » : bénéficier d’une occasion favorable. « [Ils] cuident le Roy destruire quant ils verront leur queue luire. » (Guillaume de Machaut.) Mais on songe aussi à « un paon qui faict sa queue reluyre ». (Le Lazare, LV 42.) 132 Sans m’y reprendre à deux fois, ce qui eût créé un défaut dans le verre. 133 Aliboron s’adresse au public : y a-t-il quelque chose à redire ? 134 La traîne étant relevée, le faux cul que ces dames portent sous leur robe est outrageusement moulé. (Voir la note 42 du Povre Jouhan.) Il l’est d’autant plus que les acteurs qui jouent ces rôles de femmes exhibent une « féminité » débordante. 135 Les lanterniers tranchaient la « paille de corne » très finement pour qu’elle devienne translucide ; par voie de conséquence, elle se brisait souvent. « Ma vieille lanterne sans corne. » (Les Tyrans.) Notons que cette corne ponctue à point nommé une tirade sur le cocuage. « Les cornes croistront sur leur front ;/ Lors, lanterniers auront bon temps ! » Pronostication nouvelle. 136 F : ung couraige de poix (Un chef-d’œuvre. « Si un orfèvre, après avoir achevé quelque ouvrage de prix. » Jean Cordier.) 137 F : seroit belle trainant (La rime est en -ière.) 138 F : dorleans (On adaptait les indications de lieu aux villes dans lesquelles on jouait. Voir la note 147 des Femmes qui font refondre leurs maris.) 139 À leur bonnet : à eux. « Il a bien parlé à sa barette : Il luy a parlé aigrement. » Oudin. 140 Présentables. Idem vers 338. 141 Avez-vous entendu ? Cette contraction est normande, mais les auteurs parisiens l’adoptaient pour raccourcir un vers trop long. Voir par exemple les vers 3 et 23 de la Résurrection Jénin à Paulme, qui fut écrite pour un collège du Quartier latin. 142 Jeu de mots sur les testicules (lat. testes). « Ung homme a deux testes, et la femme n’en a qu’une. » Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge. 143 Macéré. Cf. les Enfans de Borgneux, vers 56. 144 Il entend les femmes jacasser dans la rue. Un exemple de ce bavardage hors texte a survécu : voir la note 146. 145 « Mon » est une particule de renforcement qui étaye un verbe. 146 Dans la rue, les épouses piaillent n’importe quoi : LA .I. / Ma queue mon chaperon / Est fait a la facon qui court / LA .II. / Il y fault du parchemin pour / Le faire tenir debout 147 Les femmes entrent dans l’atelier. 148 D’une messe qui permet de gagner des indulgences. Cf. le Povre Jouhan, vers 289. 149 De prendre un cours de solfège. Double sens érotique : cf. Ung jeune moyne, vers 236. 150 F : recourt (Il a cousu notre queue un peu plus haut. « Commencèrent lors à apoindre/ Et à nouer, et à lyer. » Godefroy.) 151 À votre « mal joint », à votre sexe. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 567. 152 Il en est gourmand. Voir la note 121. 153 On troussait déjà la queue des chevaux sauteurs. Or, nos deux pouliches sont sauteuses. 154 Ces deux vers hypermètres prolongent la métaphore équestre du vers 269. De plus, Macé n’ignore pas qu’on trousse la queue des juments à vendre, pour que l’acheteur puisse tâter leur croupe : « Elle porte sa queue troussée,/ Comme la jument de Macée/ De quoy on veult argent avoir. » (Jehan d’Ivry.) Or, les deux juments de la pièce sont à vendre, ou du moins à louer. 155 Que je vais vous demander. 156 F : reluire (Note 131.) 157 F : feray 158 Les maris s’agenouillent devant les fesses de leurs femmes. 159 F : moyen (Note 104.) Je me mire convenablement. « Tenant l’espée nue en main, & couvert de son escu par bon maintien. » Guillaume Landré. 160 F : orelien (Orléanais. Voir la note 138.) 161 F : boureau (Aggravation de l’insulte ordinaire « plus lourd qu’un veau » : « Les bragardes/ Ne voudront plus d’habits nouveaulx (…)/ Que leurs coquus, plus lours que veaux,/ Permettent nuict et jour porter. » Moyens pour faire revenir le Bon Temps.) 162 Le bonnet à oreilles des Sots. On a traité les deux maris de canassons (v. 117), d’ânes (v. 125) et de taureaux (v. 288) ; ils intègrent maintenant leur avatar définitif : les veaux. Ce mot désigne les imbéciles : cf. Frère Fécisti, vers 179 et note. À la fin des Deux jeunes femmes, en guise de chapeau, les maris sont affublés d’une coiffe féminine. 163 Si je n’ôte pas. La large toque du savetier l’empêche d’approcher son visage du miroir. 164 Des choses étonnantes. 165 De ma femme. Sur ce génitif archaïque, voir la note 1 du Clerc qui fut refusé à estre prestre. 166 Cet ivrogne a l’habitude de voir son reflet dans le verre d’une bouteille. 167 Devenir fous furieux. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 341. 168 Malgré eux. Cf. Jehan de Lagny, vers 206. 169 Nier. 170 Ces traînes servaient à balayer. « Ne les faisoit-il pas bon voir quand elles avoyent les grandes queues troussées, ou quand d’icelles traînantes elles balioyent les églises ? » Henri Estienne. 171 Être hors de la réalité : « Il nous songe cy le moron :/ Noz faiz ne luy semblent que truffes. » (ATILF.) En grec, μωρόν = fou. 172 Ayant un furet, un pénis ; voir la note 5 du Faulconnier de ville. 173 C’est souvent le salaire des prostituées occasionnelles. « Je vous donray ung chapperon. » (Le Dorellot aux femmes.) Cf. Grant Gosier, vers 107. 174 Puisque nous sommes des femmes si distinguées. Il va de soi qu’une bourgeoise élégante coûtait plus cher qu’une humble paysanne. Voir les vers 341-342. 175 Ce que ça veut dire. 176 Qui sort de l’ordinaire. 177 F : reclus (Comme je le conclus.) Jeu de mots sur « être conclus » : s’être fait clouer le bec par une femme. « [Le mari] sera conclus et vaincu, en la parfin. » XV Joyes de Mariage. 178 F : Par se miroer ie (Il est certain que je ne comprends pas le principe de ce miroir.) 179 Voilà une chose extraordinaire. 180 Que sont devenues mes oreilles de veau ? 181 Comme de vulgaires paons. « On dit qu’un paon se mire dans sa queue, en parlant d’un sot glorieux qui fait vanité de sa bonne mine, ou des autres bonnes qualitéz qu’il croit avoir. » Le Roux. 182 Nous reviendrons après les festivités du Carnaval. La troupe orléanaise se fait de la réclame à peu de frais.