TROYS PÈLERINS ET MALICE
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TROYS PÈLERINS
ET MALICE
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Cette « farce morale1 » est en fait une sottie. Comme toutes les vraies sotties, elle donne la parole à un trio de Sots. La pernicieuse Malice veut les conduire en pèlerinage chez Désordre. Le mot « malice » avait un sens beaucoup plus négatif qu’aujourd’hui, en référence au Malin, au diable ; voir les Sotz fourréz de malice.
L’œuvre fait allusion à des événements de 1535. Elle est donc contemporaine d’une autre sottie normande conservée dans le même manuscrit, les Sobres Sotz, qui pourrait être du même auteur anonyme.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 67.
Structure : Rimes plates, avec 4 triolets, et un douzain d’hexasyllabes en rimes croisées.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce moralle de
Troys Pèlerins
et Malice
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[MALICE], qui commence 2 SCÈNE I
Où sont ces pèlerins des maulx3 ?
Veulent-il poinct suyvre Malice
Par chans, vi[l]ages et hameaulx ?
Où sont ces pèlerins des maulx ?
5 Quoy ! veulent-il estre énormaulx4 ?
Sortez, ou g’y métray police5 !
Où sont ces pèlerins des maulx ?
Veulent-y poinct suyvir Malice ?
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LE PREMYER PÈLERIN NOMMÉ SCÈNE II
Quant à moy, j’en tendray6 la lice,
10 Car je ne [m’en] saroye tenir7.
LE IIe PÈLERIN
Aussy la veulx-je « entretenir » ;
Je ne le veulx pas aultrement.
LE IIIe PÈLERIN, BADIN 8
Ne moy aussy pareillement.
Et sy, ne suys pas sy jénin9
15 Que je ne fache10 du chemin
Au millieu11 de la compaignye.
MALICE
[Quoy ?] Que dis-tu ?
LE IIIe [PÈLERIN] 12
A ! je renye
Sy je faulx13 à courir, troter
Pour le voyage descroter14 !
20 Car j’ey vouloir, de ma nature,
Faire voyage à l’avanture ;
Ne me chault sy je me forvoye15.
LE PREMYER PÈLERIN
Premyer que de se16 metre en voye,
Chantons !
LE IIe PÈLERIN
Mais en nous esbatant,
25 Chemynons tousjours en chantant !
LE PREMYER PÈLERIN [chante]
Vélà bien alé ! Sus avant !
Marchons et nous métons en ordre17 !
MALICE 18
Or, alons pour voir la Désordre19
Qui se faict maintenant au monde !
LE IIIe PÈLERIN
30 Ne me chault, mais que j’aye à mordre20.
Or, alons [pour voir à la Désordre]21 !
MALICE
Ces22 bras et jambes fault destordre23.
LE PREMYER PÈLERIN
Or chemynons !
LE IIe PÈLERIN
Alons comme une onde24 !
LE IIIe PÈLERIN
Or, alons pour veoir la Désordre
35 Qui se faict maintenant au monde !
MALICE
Sus dont, alez !
LE PREMYER PÈLERIN
Comme une aronde25.
Mais en alant, veulx bien sçavoir
En quel lieu on26 la pourons veoir,
Et comment el est convertye27.
MALICE
40 Taisez-vous, je suys avertye28 :
Premyèrement, says les contrés29
Où plusieurs se sont acoustrés
Et estat de fémynin gerre30.
LE IIIe PÈLERIN
A ! ce ne sont poinct gens de guerre,
45 Ne vray[s] supos du dieu Bacus31,
Car ilz ne bataillent q’aulx cus32.
[ Comment ilz sont fort embridés !
Par Nostre Dame ! ilz sont bridés ]33
Comme ces barbes34 morfondus
50 Qui sont demy mors et fondus
D’estre senglés parmy les rains.
Ces hanteurs35 de chemins forains,
Ces coquars afulés en gresne36,
Désordre les tient [c]y en renne37
55 Comme un trupelu38, un mymin
Qui veult devenir fémynin.
C’est envers eulx qu’elle se tient39.
LE IIe PÈLERIN
C’est mon40 ! Désordre se maintient
Avec telz gens, dont j’en arage41.
LE IIIe PÈLERIN
60 Il est de trop lâche courage42,
Qui43 se contrefaict et desguise.
LE PREMYER PÈLERIN
Or çà ! n’est-el poinct à l’église44 ?
MALICE
Ouy, car ceulx de « Religion45 »
Veulent tenir sa région46.
65 Et mesmes grans histoyrïens47
Veulent estre luthérïens ;
N’esse pas Désordre, cela ?
LE IIe PÈLERIN
Ouy, sceurement !
LE IIIe PÈLERIN
Et puys voylà
Pourquoy vient yver en48 esté,
70 Qui nous maintient en pauvreté,
Et de quoy le grand maleur vient.
Mais vrayment, quant [il] me souvyent49,
Justice la détient-el poinct50 ?
MALICE
Quoy donc51 !
LE PREMYER PÈLERIN
Sainct Jehan ! voy(e)là le poinct :
75 Je veulx venir à cest endroict52.
MALICE
Justice faict [ou] tort, ou droict,
Voyre, mais c’est à qui el veult.
LE IIe PÈLERIN
On veoyt mainct pauvre qui s’en deult53.
LE IIIe PÈLERIN
On voyt mainct riche qui s’en rit.
LE PREMYER PÈLERIN
80 Par argent, Justice s’esmeult54.
LE IIe PÈLERIN
On veoyt mainct pauvre qui s’en deult.
LE IIIe PÈLERIN
On veoyt qui à grand paine peult
Se nourir, qui aultre nourist55.
LE PREMYER PÈLERIN
On veoyt mainct pauvre qui s’en deult.
LE IIe PÈLERIN
85 On veoyt mainct riche qui s’en rit,
Et tel qui en terre pourit :
Et c’est du tort qu’on luy a faict.
MALICE
Que vous en semble ?
LE IIIe PÈLERIN
C’est très mal faict.
MALICE
C’est Désordre, n’est pas ?
LE PREMYER PÈLERIN
Ouy, ouy !
90 De l’Estat, nul n’est resjouy ;
Un jour, à l’Audictoyre56, on faict
Des choses de [bien] grand éfaict
Qui sont quelquefoys cavilleux57.
Faire un exploict bien mervilleux.
LE IIe PÈLERIN
95 L’on58 juge ce cas périlleux ;
Mais de peur d’en estre hérité59,
Y fault juger la Vérité :
Ainsy, Désordre sera mise
Hors de ceulx qui l’airont submise60
100 Et entour d’eulx entretenue.
LE IIIe PÈLERIN
Or çà ! Ne s’est-el(le) poinct tenue
En marchandise61 ?
MALICE
[Où n’est-el]62 don !
LE PREMYER PÈLERIN
Pencez-vous qu’el en ayt pardon63,
Sy Désordre ne s’en retire ?
LE IIe PÈLERIN
105 Ma foy, nénin ! Et pour vous dire,
Les faulx sermens, les tricheryes,
Les regnymens, les tromperyes,
Les moqueryes64 et faulx marchés
Qui se font sont tant [myeulx] cachés
110 Entour Désordre.
LE IIIe PÈLERIN
Dont je dis
— Et croys — que Dieu de paradis
Se course à nous65 de telle afaire.
LE PREMYER PÈLERIN
Il est vray.
LE IIe PÈLERIN
Çà ! il fault parfaire66.
En quel lieu peult-el encor estre ?
MALICE
115 Je vous le feray acongnoistre
Devant que de moy séparer67.
LE IIIe PÈLERIN
Ne se faict-el poinct aparoir68
En guerre, par terre ou par mer ?
MALICE
Et quoy donc ! Mainct faict inhumer69
120 Loing d’une église ou cymetière,
Et sans faire confessïon entière ;
Et fault qu’i meurent en ce lieu,
Ouy, sans souvenance de Dieu
Ne de sa Mère, rien quelconques70.
LE PREMYER PÈLERIN
125 A ! vrayment c’est Désordre, donques :
En son71 cas n’a poinct d’amytié.
LE IIe PÈLERIN
Mais voicy où est la pityé72 :
Quant ce vient à donner les coups,
Ceulx-là qui sont les myeulx secous73,
130 Bras coupés, jambes avalés74,
C’est la Désordre, allez, alez !
Dont vérité [je] vous confesses :
Je ne veulx gu[e]rrïer75 qu’aulx fesses,
[Abatre une]76 bonne vendenge,
135 Que soufrir sy grosse lédenge77
D’estre en ce poinct martirisé.
LE IIIe PÈLERIN
En la fin, nul n’en est prisé
De hanter guerre.
LE PREMYER PÈLERIN
A ! j’espères,
Sy on [s’en] va sur les luthères78,
140 Employer ma langue pour dire
Que bien tost leur convyent desdire79 ;
Ou, par moy80, sans qu’ilz ayent remors,
De par mes mains seront tous mors !
Et puys y s’en repentiront,
145 [Ces breneulx]81. Il en mentiront,
De ce qu’i veulent metre sus82.
LE IIe PÈLERIN
En la fin, en seront déceups83.
LE IIIe PÈLERIN
Je le voyer[oy]s volontiers84 !
Mais sur les chemins et sentiers
150 D’Amours, y pouroit-on trouver
Désordre ?
MALICE
Ouy, ouy !
LE PREMYER PÈLERIN
Y [le] fault prouver,
Afin qu’en ayons congnoissance.
MALICE
Depuys le jour de ma naissance,
En amours je l’ay veue85 régner.
LE IIe PÈLERIN
155 C’est donc mal faict de nous mener
En tel voyage, mes amys.
MALICE
Quant on a en amours promys
Et la promaisse ne tient poinct,
Désordre y est.
LE IIIe PÈLERIN
Voicy le poinct.
160 Et sy la femme, d’avanture,
Est mauvaise de sa nature86,
Qu’el veuille fraper ou mauldire,
Ou le povre sot escondire :
C’est Désordre, n’est pas, aussy ?
LE PREMYER PÈLERIN
165 Ouy, vrayment !
LE IIe PÈLERIN
Je le croys ainsy.
Au moins, assez souvent m’y nuict.
LE IIIe PÈLERIN
Et sy l’amant, sur la mynuict,
Est à trembler87 parmy la rue,
Et que sans cesser son œuil rue
170 Vers la fenestre, fort pensant,
Baisant la la cliquète88 en passant,
En danger d’engendrer les mulles89 ;
Et d’amours n’a nouvelles nulles,
Synon qu[’a] — la chose est certaine —
175 Bien souvent, la fièvre cartaine90.
C’est Désordre ?
MALICE
C’est mon, ce croi-ge.
LE PREMYER PÈLERIN
Et davantage91… Le dirai-ge ?
MALICE
Que feras-tu don ? Ne crains rien(s) !
LE PREMYER92 PÈLERIN
Sy le mary se doubte bien
180 Que sa femme face un amy :
N’est-il pas bien sot et bémy93
De s’en couroucer tellement
Qu’il en perde l’entendement
Tant que son bon sens soyt osté ?
LE IIIe PÈLERIN
185 Y doibt faire94 de son costé,
Pour éviter plus grans dangers.
LE PREMYER PÈLERIN
Aussy messieurs les estrangers :
Y sont tousjour[s] myeulx soutenus,
Entretenus et bienvenus,
190 Mille foys plus que nos voésins
Dans95 les pays circonvoysins.
Désordre y est-el(le) pas ?
LE IIe PÈLERIN
Quoy donques !
Je n’ay veu nul pays quelconques
Où on leur face ce qu’on faict96.
LE IIIe PÈLERIN
195 Vous en voirez l’air sy infaict97
Qu’en la fin en aurons dommage.
MALICE
Or, achevons nostre voyage.
Mais retenez tous ces notas98,
Que Désordre est en tous estas99.
200 Sus ! récréons-nous un petit
De chanter !
LE PREMYER PÈLERIN
J’en ay apétit.
LE IIe PÈLERIN
Et aussy, pour nous resjouir,
Chantons !
LE IIIe PÈLERIN
Sus, faisons-nous ouïr !
Ilz chantent.
LE PREMYER PÈLERIN
Sy j’estoys tout prest d’enfouyr100,
205 De joye seroys res[s]ucité.
LE IIe PÈLERIN
Gectons hors toute a[d]versité !
LE IIIe PÈLERIN
Gectons hors ennuy et soulcy !
LE PREMYER PÈLERIN
Soulcy n’est que simplicité 101.
LE IIe PÈLERIN
Gectons hors toulte advercité !
LE IIIe PÈLERIN
210 Chascun de nous soyt incité
De chanter !
LE PREMYER PÈLERIN
Je le veulx ainsy.
LE IIe PÈLERIN
Gectons hors toulte advercité ! 102
LE IIIe PÈLERIN
Gectons hors ennuy et soulcy !
MALICE
Devant que vous partez d’icy,
215 Sy voirez-vous Désordre en poinct.
LE PREMYER PÈLERIN
Chantons ! On ne la voullons poinct103 !
MALICE
Qui commence et ne veult parfaire104,
C’est mal faict. Voulez-vous pas faire
Le voyage qu’avez emprins105 ?
LE IIe PÈLERIN
220 Nénin !
MALICE
Vous en serez reprins106 !
Et maintenant, serez surprins
De Désordre : vous [la voirez]107 !
LE IIIe PÈLERIN
Sortez d’icy, car vous errez108 !
Nous ne voulons poinct de Désordre,
225 Et [vous trouverez qu’on peult]109 mordre !
Sus, sus, chantons myeulx que devant ! [Il chante :]
Arière, vilain ! Avant 110, avant !
Ilz chassent Malice.
SCÈNE III
LE PREMYER [PÈLERIN] rentre, abillé en
Désordre111, qui dict :
Malice112 est embûchée
Non pas [bien] loing d’icy.
230 El est mal embouchée :
C’est sa nature, aussy.
Mais tout incontinent,
Chascun de nous labeure113
— Sans estre impertinent —
235 De la gecter au feurre114 !
Malice soyt cachée115
D’entre nous sans mercy,
Ou qu’el soyt esmouch[é]e116 !
Sans faire demourée
240 On le voulons ainsy.
LE IIe PÈLERIN
C’est bien dict ! Marchons sur la brune117,
Et parlons des mengeurs de lune118,
Qui119 ont mengé mainct bon repas
Et ne séroyent marcher un pas120,
245 Synon « danser121 » aveq fillète.
Ce sont ceulx qui Désord[r]e ont faicte
Et f[er]ont tousjours. Mais argent
Les maintient en leur entregent122.
L’un saillet, l’aultre regibet123 ;
250 Mais ne vous chaille : le gibet
Sonnera tousjours son bon droict,
[Qui met les choses à leur droict.]124
En prenant congé de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu !
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FINIS
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1 Dans sa table des matières, le copiste va même jusqu’à nommer cette pièce Moralité. 2 Elle est devant la maison des trois Sots. 3 De malheur. Calembour sur les pèlerins d’Emmaüs, qu’on prononçait émo : « Au plus fort de mes maulx (…),/ Dieu, qui les pèlerins d’Esmaus/ Conforta. » Villon. 4 En dehors de la norme : être les seuls à ne pas suivre Malice. 5 Sortez de votre maison, ou j’y mettrai bon ordre. 6 Tiendrai (normandisme). Je combattrai pour Malice. Mais « tenir la lice » = se livrer à un combat érotique : « Petiz tétins, hanches charnues,/ Eslevées, propres, faictisses/ À tenir amoureuses lices. » Villon. 7 Je ne pourrais pas me retenir, m’en empêcher. C’est le vers 155 des Femmes qui font refondre leurs maris, avec le même sous-entendu grivois. 8 Les rôles de Badins, sortes de demi-fous, se distinguent des rôles de Sots : les Sobres Sotz confrontent 5 Sots et un Badin. 9 Si niais. Cf. les Botines Gaultier, vers 138 et 438. Mais beaucoup de Badins se nomment réellement Jénin : « Jénin-ma-Fluste, Badin. » Satyre pour les habitans d’Auxerre. 10 Que je ne fasse : au point de ne pas faire. La chuintante est normande : « Car encor que je fache une grande despense. » La Muse normande. 11 LV : milleur (Au milieu.) Que je ne vous dépasse tous. 12 Je compléterai tacitement les rubriques abrégées par le copiste. 13 Je renie Dieu si je manque. 14 Expédier rapidement. « Beau despescheur d’Heures, beau desbrideur de messes, beau descroteur de Vigiles. » Gargantua, 27. 15 Si je me fourvoie, si je me trompe de route. 16 LV : me (Avant qu’on ne se mette en route.) 17 « Marchons et nous ostons d’icy ! » (Seconde Moralité.) Les pèlerins se mettent en route au rythme d’une marche militaire, qui n’a pas été conservée. 18 LV : le iie (C’est Malice qui sait où se trouve Désordre, et qui propose d’aller en pèlerinage vers elle.) 19 Ce personnage allégorique est ici représenté par une femme. Le mot désordre était rarement féminin. 20 Peu m’importe, du moment que j’ai à manger. 21 LV attribue ces mots à Malice, alors que les refrains 28 et 34 tiennent en un seul vers. 22 LV : cens (Ces = vos. « Faites ces mains chasser aux lièvres…./ Ployez ces genoulz. » Le Capitaine Mal-en-point.) 23 LV : desteurdre (Il vous faut déployer vos bras et vos jambes.) 24 Aussi vite que l’eau qui coule. 25 Aussi vite qu’une hirondelle. Cf. Frère Frappart, vers 136. 26 Nous. Même normandisme aux vers 216 et 240. 27 À quoi elle ressemble. Double sens : convertie au protestantisme. 28 Je m’y connais. 29 Je connais les contrées. 30 Genre. « Esse à vous à congnoistre/ Que c’est que du féminin gerre ? » (Les Brus.) La sottie dénonce d’abord le désordre sexuel : les femmes règnent sur des hommes efféminés. François Ier vivait dans une mollesse tout italienne, dominé par sa favorite, Anne de Pisseleu, et surtout par sa mère, Louise de Savoie, qui fut plusieurs fois régente du pays. Voir la préface d’Émile PICOT : Recueil général des sotties, t. II, pp. 299-303. 31 Ni des bons buveurs. « Car y sont supos de Bacus. » Troys Galans et un Badin. 32 Les courtisans efféminés ne s’intéressent qu’aux culs. Jeu de mots sur « cocus ». 33 Il y a ici une lacune qui décrit le corsetage androgyne des courtisans. Je la comble grâce aux vers 425 et 426 des Femmes qui plantent leurs maris. 34 Ces chevaux de Barbarie. « Va tirer mon barbe de l’estable ! » (Godefroy.) Mais la plus célèbre barbe de l’époque était celle de François Ier ; voir la note d’Édouard FOURNIER : le Théâtre français avant la Renaissance, p. 407. 35 LV : senteurs (« Hanteurs de tavernes. » Godefroy.) Les chemins forains sont des chemins à l’écart où des homosexuels peuvent se rencontrer. 36 Ces frimeurs affublés de vêtements écarlates. « Deux paires de fines chausses, dont les unes sont de graine. » ATILF. 37 En rêne, en bride. 38 Un naïf ; cf. le Cousturier et son Varlet, vers 204. Un mimin est un sot ; cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 189. 39 On appelait la sodomie le « péché désordonné ». 40 C’est mon avis. Idem vers 176. 41 Ce qui me fait enrager. Cf. le Temps-qui-court, vers 238. 42 Il a un cœur lâche. « Ung homme de laische couraige. » Régnault qui se marie. 43 LV : quil (Celui qui se travestit.) 44 Désordre n’a-t-elle pas perverti l’Église ? 45 De la religion réformée. « Ceulx de religion s’estoient saisiz de la ville et tuent les catholicques. » Consulat de Lyon. 46 Son fief. « Il seroit moult bien digne de tenir région. » ATILF. 47 Les raconteurs d’histoires. 48 LV : y (Pourquoi nous avons eu du mauvais temps cet été.) En 1535, la pluie endommagea les récoltes, qui sont la richesse du pays : « L’année fut si pluvieuse, et furent les blédz et vignes coulléz. » Cronique du roy Françoys, premier de ce nom. 49 Maintenant que j’y pense. « Touteffoys, quant il me souvient. » Les Femmes qui se font passer maistresses. 50 Justice (autre personnage allégorique) n’a-t-elle pas emprisonné Désordre ? 51 Et comment donc ! Aujourd’hui, nous dirions : « Ben voyons ! » Idem vers 119 et 192. 52 Je veux parler de cela. 53 Qui s’en plaint, verbe douloir. 54 Se met en branle. 55 Il s’agit des paysans. « On a trouvé, en bonne politique, le secret de faire mourir de faim ceux qui, en cultivant la terre, font vivre les autres. » Voltaire. 56 Au Parlement. 57 Trompeuses. « Chose » était parfois masculin. 58 LV : son 59 LV : irite (Être hérité de = Devoir supporter les conséquences. « Le mary ne faict que songier,/ Tant est hérité de soucy. » Les Ténèbres de mariage.) 60 Hors d’atteinte de ceux qui l’auront soumise. 61 Désordre ne se tient-elle pas dans le commerce ? 62 LV : quest elle 63 Que le commerce puisse obtenir le pardon. 64 Les duperies. 65 Se courrouce contre nous. « Je croy que Dieu soyt yrité/ De nos fais. » L’Avantureulx. 66 Il faut en finir. 67 Avant que vous ne vous sépariez de moi. 68 Désordre ne se fait-elle pas voir. 69 Désordre fait inhumer maint homme loin de chez lui. Allusion aux guerres d’Italie, où des Français meurent pour rien. 70 Rien du tout. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 409 et 568. 71 LV : ce (Dans son cas il n’y a aucune excuse.) 72 La chose la plus pitoyable. Le scribe met ce vers entre deux +, comme il le fait quand il veut déplacer un vers. 73 Les plus secoués, malmenés. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 457. 74 Cassées. « À l’un faisoit voler le bras, à l’autre la teste. L’un tombe, une jambe avalée. » Claude Colet. 75 Guerroyer, au sens érotique. Cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 338. 76 LV : a batre uin (Boire du bon vin. « De bonne vendange : de bon vin. » Antoine Oudin.) Dans le même sens, on disait également : « Abattre la rosée. » 77 Injure. Cf. les Sobres Sotz, vers 101. 78 Si on va faire la guerre aux luthériens. Cf. Thévot le maire, Perruche sa femme, et Colin Gendeguerre leur fils, lequel s’en va sur les Turcz. 79 Qu’ils ont intérêt à abjurer bien vite. 80 LV : la (Par mon œuvre.) 81 LV : ses bronaulx (Ces merdeux se repentiront d’être morts.) 82 Mettre sur pied une armée. 83 Déçus, bien attrapés. 84 Je verrais cela avec plaisir. « Je le verrois voluntiers ! » La Résurrection de Jénin Landore. 85 LV : faict (J’ai vu Désordre régner sur les choses de l’amour. « Le mauvais exemple des désordres que nous y avons veu régner en nostre temps. » François Hédelin.) 86 « Elle est de nature maulvaise. » Les Femmes qui font refondre leurs maris. 87 Tremble de froid sous la fenêtre de sa belle. 88 Les amants ont coutume d’embrasser le heurtoir pendu à la porte de leur maîtresse. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 176 et note. 89 D’attraper des engelures aux talons. Cf. les Sotz escornéz, vers 57. 90 Si ce n’est qu’il attrape une fièvre quarte. 91 Et en plus. Sous la chape de plomb que fut le règne de François Ier, même les Sots* hésitaient à s’exprimer : « Je le diroys bien, mais je n’ose,/ Car le parler m’est deffendu. » (Les Sobres Sotz.) *Voir la note 48 du Jeu du Prince des Sotz. 92 LV : iie (Le 1er Pèlerin termine sa phrase.) 93 Stupide (mot normand). « Ce grand bémy, ce sotelet. » La Veuve. 94 Il doit faire la même chose : être infidèle. « C’est tout un, s’il prend sa lifrée/ De son costé, et moy du myen. » Lucas Sergent. 95 LV : ne (Mille fois mieux que nos proches voisins ne le sont dans les pays frontaliers de la France.) 96 Où on les traite si bien. Ce reproche vise les Italiens, qui se comportaient chez nous en arbitres des élégances. Les Sobres Sotz déplorent qu’en France, on laisse mourir de faim « le commun [l’autochtone], et non l’estranger ». 97 Vous verrez que l’air sera si infecté par les étrangers. « De telz gens, l’air en est infaict. » (Les Langues esmoulues, LV 65.) Les vers 187-196 sont d’une actualité brûlante. 98 Ces remarques. 99 A investi tous les domaines. 100 Si j’étais à l’article de la mort, près d’être inhumé. Cette chanson n’est pas connue. 101 LV : mendicite (N’est qu’une preuve de simplicité d’esprit, de bêtise. « Mais ce n’est que simplicité/ D’y penser. » Livre d’Amours.) 102 LV intervertit les refrains 212 et 213 de ce triolet. 103 Nous ne voulons pas la voir. Le 1er Pèlerin s’esquive derrière le rideau de scène afin de se déguiser en Désordre. 104 Celui qui commence et ne veut pas achever. 105 LV : comprins (Que vous avez entrepris. « Le saint voiage avez empris. » ATILF.) 106 Repris, blâmés. « Et jamais n’en serez reprins. » Les Vigilles Triboullet. 107 LV : le voieres 108 Vous faites erreur, vous déraillez. « On dit qu’errez contre la loy. » Jeu du Prince des Sotz. 109 LV : a la fin vous trouuers quon ne peul (Et vous allez constater que nous pouvons mordre.) 110 LV : ariere (Refrain de la chanson anonyme Et quant je suys couchée, publiée en 1532 : « Arière, villain ! Avant, avant !/ Je pleure et maulditz l’heure/ De quoy le villain vit tant. ») 111 Ce déguisement ne coûte pas cher : il suffit de créer du désordre dans ses habits et sa coiffure pour que les spectateurs comprennent le symbole. 112 LV : desordre (D’après le vers 236, le pèlerin parle de Malice, qui se cache à proximité.) Embûchée = embusquée. 113 Que chacun de nous s’évertue. 114 LV : vent (Sur la paille d’un cachot. On dit aussi : « L’envoyer fouler le foin. » Les Premiers gardonnéz.) 115 Chassée (prononciation normande). « Ses ennemys/ Le cachoyent [le chassaient] à grans coups d’espée. » Le Poulier à quatre personnages. 116 Battue. « Pensons de courir/ Devant que quelc’un nous esmouche ! » (Godefroy.) On pourrait traduire émoussée : « Vitement qu’el soyt esmouquée ! » Les Langues esmoulues, LV 65. 117 À la tombée du soir. Cf. les Botines Gaultier, vers 538. 118 Des profiteurs. « Menger la lune à belles dens. » Les Sobres Sotz. 119 LV : quilz 120 Et qui ne sauraient faire un pas, car ils sont ivres. 121 Pour copuler. « À dancer dehors quelque ‟dance”,/ En esté, avec ces fillètes. » La Fille esgarée. 122 Dans leur familiarité avec les grands. 123 Tels des chevaux, l’un sautait, l’autre ruait. 124 Lui qui remet les choses en ordre. « Je suys Ordre,/ Qui mets les choses à leur droict. » (Le Monde qu’on faict paistre.) Notre copiste a remplacé le dernier vers par le distique dont il signe la plupart des pièces du ms. La Vallière.
LES ENFANS DE BORGNEUX
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LES ENFANS
DE BORGNEUX
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Borgneux est une faute de lecture pour Boigneux (vers 263), qui est lui-même une faute de lecture pour Baigneux. À l’époque, Bagneux était un village agricole au sud de Paris, en pleine campagne. Les Parisiens se moquaient des paysans, qui les nourrissaient, en les affublant d’un accent picard1 : c’est le cas de nos deux habitants de Bagneux, comme ce fut le cas de Mahuet, qui était pourtant « natif de Baignolet ». Bagnolet est d’ailleurs nommé (v. 20), ainsi que d’autres villages proches de Paris2 : Clamard (v. 151), Gentilly (v. 157), Meudon (v. 166).
Jelle Koopmans3 attribue ce dialogue à Guillaume Crétin sur la foi de Charles Estienne, qui écrivait en 1543 : « Et quant aux Françoys, j’y mettray Pathelin avecq sa Guillemette & son drapier (…), Coquillart avecq son Plaidoyer4, Crétin avecq son Thibault Chènevote. » Le problème, c’est que le style emberlificoté de ce Grand Rhétoriqueur est sans le moindre rapport avec le style coulant de notre farce, où Thibaud Chènevotte n’est d’ailleurs que le faire-valoir du personnage principal, Guillot Tabouret, qui déclame 60 vers de plus que lui. Le nom « Thibaud Chènevotte » devait être proverbial : Jehan d’Abundance fit de lui l’un des signataires facétieux de sa Lettre d’escorniflerie (T 26), qui renferme beaucoup d’autres noms proverbiaux. Bref ! si Guillaume Crétin a composé une pièce intitulée Thibault Chènevote, force est de constater que ce n’est pas le présent dialogue.
Source : Recueil de Florence, nº 27.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, aaba/bbcb.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce des
Enfans de Borgneux
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À deux personages, c’est assavoir :
GUILLOT TABOURET
TYBAULT CHÈNEVOTE
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THIBAULT CHÈNEVOTE 5 commence
Hay, hay, hay6, Guillot Tabouret !
GUILLOT
Hay, hay, [hay] !
TIBAULT
Ventre sainct Canet7,
Guillot ! Et, que tu es mignon !
GUILLOT
Pourquoy ?
TIBAULT
Tu as ung beau bonnet
5 Tout fin pinpant.
GUILLOT
Michié8 ! c’est mon.
Et puis ?
TIBAULT
Tu fays du compaignon.
GUILLOT
Et toy, tu trenches du gorrier9.
Te marie-tu point ?
TIBAULT
Nenny non !
Me parle-tu de marier ? 10
GUILLOT
10 Ha, que tu es ung fin ouvrier11 !
TIBAULT
Ma foy, [que] tu es ung fin hoste12 !
GUILLOT
Tu es légier13 comme ung lévrier,
Quant il faut piquer de la bocte14.
TIBAULT
Sanc de moy15 ! Je n’y entens nocte
15 En ton fait, Guillot Tabouret.
GUILLOT
Et pourquoy, Thibault Chènevote ?
TIBAULT
Pour ce que t(u) es trop mignolet16.
Que gibet17 ! Il n’y a varlet,
Tant sache[-il] bien avoir de quoy,
20 D’icy jusque[s] à Bagnollet,
Qui soit si bien au mignolet
[Qui soit]18 si abille que toy.
GUILLOT
Va, va ! Tu te mo(u)cques de moy,
Mès19 toy, tu fringues comme raige.
TIBAULT
25 Non fois[-je], par la vertu goy20 !
Mès dy-lay tousjours de21 couraige.
GUILLOT
Thibault !
TIBAULT
Et quoy, [Guillot] ?
GUILLOT
Je gaige
Que je devineray bien celle
Que tu auras en mariage.
TIBAULT
30 Je gaige que non. Qui est-elle ?
GUILLOT
N’esse pas Dy[ane la belle22] ?
TIBAULT
Nenny non !
GUILLOT
Et ! si est[-ce], si.
Quel mestier est-il qu’on la celle23 ?
TIBAULT
Tru, tru ! Tu luy bailleras belle.
35 C’est tout le moins de mon souci.
GUILLOT
Si24, l’ayme-tu bien. [Si fais, si !]
TIBAULT
In Jan ! Aussi fais-tu les ti[e]nnes25 :
Pour Michelette, Dieu merci,
Il fault bien que tu l’entretiengnes.
GUILLOT
40 Voylà : chascun fait [bien] des siennes26
Le mieulx qu’il peult.
TIBAULT
C’est la façon.
Te tarde-il point que ne la tienne[s]
En l’ombre de quelque buisson27 ?
GUILLOT
Tu es ung terrible garson !
45 Il te semble que tu y es.
TIBAULT
Fourby luy as son pelisson28
Maintes fois.
GUILLOT
Hée ! bona dïès29 !
Te souvient-il que tu estiés30,
L’autre hier31…
TIBAULT
Où ?
GUILLOT
Bénédicité !
50 Ce fut ce jour que vous32 saultiez,
Qu’il n’estoit plus d’orribleté.
TIBAULT
O ! cela n’est qu’abilité33.
GUILLOT
Par ta foy ! en as-tu jouy ?
TIBAULT
Qu’ey-j[e] ouÿ34 ?
GUILLOT
Se t(u) as point joutté35
55 À elle ?
TIBAULT
In Jaques36 ! ouÿ.
Mès Dieu scet sy j’ay bien rouy
Et rauldé37, premier qu’en avoir !
GUILLOT
Tu en es tout fin resjouy.
TIBAULT
Et quoy ! aussy, tu fais ton depvoir
60 [De te faire bien recepvoir]38
Par la fille Perrin Piquet39.
GUILLOT
Je la fus encor au soir veoir,
En mectant ses porceaux en tect40.
TIBAULT
La baisas-tu point ?
GUILLOT
Ung tantet41.
TIBAULT
65 [Estoys-tu]42 aise ?
GUILLOT
Ha, Nostre Dame !
TIBAULT
T’estraingnit-elle point le det43 ?
GUILLOT
Sy fit44, par la vertu mon âme !
Mais de fin maleur, une femme
Cuida tout gaster45.
TIBAULT
Mès le diable !
GUILLOT
70 Par le [clair] jour, j’estoys infâme46,
Si je n’eusse trouvé l’estable47.
TIBAULT
C’est une chose espouventable
Que d’estre pris en [tel] destour48.
…………………………………. 49
GUILLOT
C’est mon. Et puis, [dessoubz ung four50],
75 Je cuidoye estre prins proprement.
TIBAULT
Je te prie, compte-moy comment
………………………….. 51
GUILLOT
J’entry [dans l’estable]52, et me cache
En ung quignet53, [tousjours hardy]54.
[Quant elle]55 vint tirer la vache,
80 Je la baisé à l’estourdy56.
TIBAULT
Quant fut-ce ?
GUILLOT
Ce fut [ung] mardy.
TIBAULT
En ce point57 ?
GUILLOT
En ce point, et voylà.
Comment [qu’il soit]58, m’y desgourdy
Ung coup ou deux, et puis haulà !
TIBAULT
85 Et là, de par le gibet, là !
Tu [luy] fis le sanglant pochon59 ?
GUILLOT
Tantoine60 ! nous fismes cela
En chantant l’Amy Bauldichon61.
Vint62, de fin maleur, ung cochon
90 Qui me cuida faire faillir ;
Je luy baillay si grant tourchon63
Du pied que je le fis saillir64.
TIBAULT
C’estoit assez pour tré[s]aillir
De frayeur.
GUILLOT
Ventre sainct Grys65 !
95 [La peur me fit le cueur faillir.]66
Je cuidoye que tout fust pri(n)s
Fors que moy.
TIBAULT
Hay, hay, hay !
GUILLOT
Tu t’en ry[s] ?
TIBAULT
J’en ry. Et puis, que veulx-tu dire ?
GUILLOT
Mauldy sois-je sy j[e m’]en ry[s] !
100 Ha, dea ! ce n’es[toit] point pour rire.
TIBAULT
Pourquoy cela ? Pourquoy, béchire67 ?
[GUILLOT]
Si j’eusse esté tenu privé68,
On m’eust mis en prison de tire69
Comme ung [vil] larron tout prouvé70.
TIBAULT
105 Tu estois [très] bien arrivé,
Qui t’eust veu71.
GUILLOT
Je r(e)gny72 mon serment !
Qui m’eust tenu [ainsi grevé73],
J’eusse eu des coups [bien] largement.
TIBAULT
Je te pri, conte-moy comment
110 T(u) en eschapas.
GUILLOT
Par sainct Michié !
…………………………….., 74
J’atendy que tout fut couché.
TIBAULT
Et puis ?
GUILLOT
Je marché tout fin bellement75.
Mais en passant par le marché,
Je fus croté amèrement.
TIBAULT
115 Tu en es bien, et gentiment.
Puisqu’elle t’aime [tout] ainsi,
[Ce ne sera qu’esbatement.]76
GUILLOT
[Si77 ay-]je le cueur tout transi,
Béchire : celle fille-cy78
120 Ne m’aime point, [ne donne un zec79
De ma personne].
TIBAULT
Si fait, si !
GUILLOT
Je voue80 à Dieu : j’en suis tout sec.
Cuides-tu81 ? Le faux traist[r]e bec
De sa belle ante lui82 jura
125 Que toy, ne moy, ne aultre avec,
De ce village, ne l’aura.
TIBAULT
Le dyable d’enfer la forga83 !
Elle vit trop de la moitié84.
GUILLOT
Jamais la vielle ne songa85
130 Que tout mal [faire86].
TIBAULT
C’est pitié.
GUILLOT
Si j’y87 metz, de l’ennée, le pié,
Je vueil qu’on m’appelle Huet88 !
……………………………… 89
Or, va [l’espouser] !
TIBAULT
J’en appelle90 !
GUILLOT
J’en auré bien une plus belle
135 Quant je vouldray, voire plus riche.
TIBAULT
Que gibet ! Tu ne tiens riens d’elle ?
GUILLOT
In Jaques ! non, s’il n’est en frische91.
Mais quelque chose qu’elle disse92,
Elle et tout le cariage93,
140 S’y fault q’une foys je m’i fiche94,
Si l’auray-je en mariage !
TIBAULT
Elle t’a donc promis ?
GUILLOT
Tay-toy, je gaige
[Qu’aussi] j’ay bien intencion
— Puisque je l’ay mis en [mon courage]95 —
145 D’avoir une citation96.
TIBAULT
As-tu fait consultacion
De cecy [touchant nullité97] ?
GUILLOT
J’ay passé proculacion98
[De] piéçà à l’adversité99.
TIBAULT
150 Fu[s-]tu pas, l’autre jour, cité
Par100 ceste fille de Clamard ?
GUILLOT
Que diable, bénédicité !
J’en euz ung coup de braquemard101 ;
Mès je [le] luy rendy gail[l]art :
155 Je n’euz pas couraige failly !
TIBAULT
Ne fusse pas contre ce paillart
Colin Guilly102, de Gentilly ?
GUILLOT
Tout juste !
TIBAULT
Est-il fort ?
GUILLOT
Qui, Guilly103 ?
Nenny non : ce n’est q’une vache.
160 Il n’oseroit estre assailli
Contre moy, je vueil qu’il le sache.
[Et] s’y fault que je m’y atache,
[Apportez-moy tost ung baston :]104
Je r(e)gni sy je ne luy arrache
165 Le museau !
TIBAULT
Non feras[-tu], non.
GUILLOT
Te souvient-il [point] qu’à Meudon
Je bailly si belle orgemuse105 ?
TIBAULT
À qui ?
GUILLOT
À ce villain goudon106
Qui jouoyt de la cornemuse.
TIBAULT
170 C’est tout ainsy que j’en use107 :
Pour ung coup, j’en baille sept.
GUILLOT
Il ne fault point qu’on s’i amuse
À me dire chose qui soit108 !
THIBAULT
Mais di[s-moy], hay : quant Jehan Gosset
175 Nous vint oster nostre may109,
Il en eut bien !
GUILLOT
Dieu le scet !
Il en eut à la bonne foy110.
THIBAULT
Combien estiez-vous ?
GUILLOT
Jour de moy !
Il estient111 tout premièrement
180 Jehan Peillon (ce112 maulvais garson),
Odin Bidault, et Robin Preudhom113,
Richart Coutet, Gillet Basset,
[Jehan] Michel. J’estiés114 six ou sept,
Et si115, [ilz] s’en fuirent trèstous.
THIBAULT
185 Mais qui estoit avecques vous ?
GUILLOT
J’estiés moy et toy.
THIBAULT
Et qui encor ?
GUILLOT
Et ! que sçay-je ? [Briffault, Paillart116,]
Tire-Viret117, Martin Couillart,
Et aussi le grant Guillot.
THIBAULT
190 Et ! que c’est ung gentil fillault118 !
GUILLOT
Quelque vent qui puisse venter
— Je ne dis pas pour me venter —,
J’avois [sur eux]119 tousjours le bruit.
THIBAULT
Mais j’ay ung point qui me destruit.
GUILLOT
195 Et quel point ?
THIBAULT
Je suis trop franc.
Aga120 ! se je n’avoye q’ung blanc,
Et [que deux deniers tu voulois]121,
La vertu goy, tu les aurois122 !
GUILLOT
Autant123 te dis ! Il ne pert mie,
200 Aussi, à nostre filomie124,
Que je n’avons gentil couraige125.
TIBAULT
Vis-tu onc feste126 de village
Aussi belle que fut la nostre ?
GUILLOT
[La feste ?] Tantoine l’Apostre !
205 Ce fut jusques dedens la ville
De Paris. Et si estoit habille
Assez127.
TIBAULT
J’estïéz bien en point128.
GUILLOT
Avois-je pas ung beau pourpoint ?
TIBAULT
Nos livrées estiés gorrières129.
GUILLOT
210 Au ! que ces filles estiés fières,
Quant je les menïés dancer !
TIBAULT
C’estiés mon. [Pour mieulx trémoucer130,]
Aussi, j’avès ung bon bedon131
Qui faisoit si bien « don, don, [don] ».
GUILLOT
215 Dansay-je pas bien ?
TIBAULT
Et moy, quoy ?
GUILLOT
Oncques[-puis132], par la vertu goy,
Je ne cessay d’estre amoureux.
TIBAULT
Nous le sommes donques tous deux.
Car, par le jour qui [sur] nous luit,
220 Onques-puis [je] ne dormi nuit :
Je ne fais tousjours que songer,
[Je pers le boire et le menger.]133
GUILLOT
Quant je suis au champ, cuide-tu ?
J’ay le cueur aussi abatu.
225 C’est grant pitié que de mon fait.
TIBAULT
Sces-tu que134 ceste garce fait ?
Quant je viens au soir, et je clique
Mon fouet135, elle, [aussitost s’]136 attricque
Et m’apporte ung bouquet gaillart.
GUILLOT
230 Et ! que mauldit soit le paillard,
Se je le veulx ! Que tu es aise !
Et que fais-tu ?
TIBAULT
Je la baise
[À désir137] ung bon horïon.
GUILLOT
Je fay ainsi de Marïon ;
235 Mais [chez elle], elle est si hastive !
TIBAULT
Pourquoy cela ?
GUILLOT
Elle est craintive.
Et puis on la tient trop subjecte138.
Aulcuneffois139, elle me gecte
Par la fenestre ung petit brin
240 De lavende ou de rommarin.
Toutes les fois qu’el(le) me regarde,
Elle rit. Sainct Anthoine m’arde140 !
Cuide-tu ? J’en suis tout godin141.
Mais son oncle, Tailleboudin142,
245 S’en est bien aperceu.
TIBAULT
[Or] vien
Çà : que luy as-tu donné ?
GUILLOT
Rien.
TIBAULT
Et ! dy-le-moy, je te requier.
GUILLOT
Je luy donné ung espinglier143
Qui m’avoit cousté six tournas144.
TIBAULT
250 Mort d’homme, [Guillot], tu en as145 !
GUILLOT
J’ay tousjours [pinte] à desjuner,
Mon petit demy-cartier [à disner146],
Et demistier tout [en ung tas]147.
[TIBAULT, en chantant :]
Cueilly, cueilly, belle bille, beau tas148.
GUILLOT
255 J’en ay ung poinson et deux caques149.
TIBAULT
Se tu les gardes jusqu’à Pasques,
Ilz te vauldront [bonne mémoire]150.
GUILLOT
Mais ce sera — tu peuz bien croire —
Pour me mettre sur le bon bout151.
TIBAULT
260 Je fringuerons152.
GUILLOT
À tout153, à tout !
Je ferons la feste nous deux.
TIBAULT
Voire ! Et on dira partout :
« Voilà les enfans de Boigneux ! »
GUILLOT
Mais, beau sire, ces amoureux
265 De Paris, ont-il plus beau temps ?
THIBAULT
Il sont plus [que nous maleureux]154,
Car [aux champs], je sommes contens
De ce que j’avons.
GUILLOT
Je m’atens
À faire plus, d’ung quarteron
270 D’esguilles155, à [ce que j’entens]156,
Qu’ilz ne feront d’ung chaperon157.
TIBAULT
Sans fournir158, ilz n’ont rien.
GUILLOT
Jehan159 ! non.
Cuide-tu ? Les160 femmes de ville
Ne font riens s’il n’ont, gros et bon,
275 La croix devant161. C’est le s[e]tille.
C’est bruit qu’ilz ont le corps habille162.
THIBAULT
Michel ! Aussi ont-ilz la main163 :
Ilz prendront bien, au jourd’uy, mille164
Bons escus, et autant demain.
GUILLOT
280 Ilz ont si beau cul !
THIBAULT
Mais beau sain !
GUILLOT
Je ne sçay, moy, dont vient l’usaige.
Je croy qu’il n’ont point [le] cueur sain,
D’estre si palles au visage165.
TIBAULT
Par Dieu ! [nos] femmes de village
285 Sont aussi belles, soubz les draps,
Tant pour tant et gaige pour gaige166,
Que ceulx qui font tant de fratras167.
GUILLOT
Il168 ont menu corps, menu bras.
Il font bien, si bien, [les] sucr[é]es169 ;
290 Mon Dieu, [que] c’est fin ypocras170 !
TIBAULT
S’elles171 sont ainsi acoutrées,
Et fussent-ilz comme bourrées172,
Il tient à ces façons nouvelles173
Qu’il ont de ces robes fourées ;
295 Si les font-il devenir belles174.
GUILLOT
Je r(e)gni ! [Ce] sont fines fumelles175.
Il ont [ungs yeulx si très rians]176 !
[T]IBAULT
J’en voys, au vilage, de telles
Qui les ont presque aussy frians.
GUILLOT
300 L’autre jour vis, en chériant177,
Celle-là.
TIBAULT
[Au jeu]178 d’amourettes,
Il n’est tel plaisir récréant179
Qu’estre180 aux champs avec les fillètes.
GUILLOT
Aux champs, aux champs ! La ville put181 !
305 Faisons quelque beau vasselage182,
Et frappons au blanc et au but183 !
Il n’est amours que de village.
.
EXPLICIT
*
1 Halina Lewicka examine les tournures picardes et parisiennes de notre pièce dans ses Études sur l’ancienne farce française, p. 64. 2 Ils en étaient beaucoup plus éloignés qu’aujourd’hui, car la capitale n’était pas encore devenue cette ville tentaculaire qui a phagocyté tous les environs. Plusieurs arrondissements actuels n’étaient alors que des hameaux indépendants. 3 Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 389-400. 4 Le Plaidoyé d’entre la Simple et la Rusée, de Guillaume Coquillart. Voir l’édition des Œuvres de Coquillart publiée par Michael Freeman, Droz, 1975, pp. 3-55. 5 La chènevotte est du chanvre écorcé qui s’enflamme vite et qui aide le bois vert à flamber. 6 Retranscription du rire, comme au vers suivant et au vers 97. 7 « Ventre sainct Quénet ! Parlons de boire ! » Gargantua, 5. 8 Forme picarde de « par saint Michel » : voir les vers 110 et 277. C’est mon = c’est mon avis ; idem vers 74 et 212. 9 Tu fais l’élégant. Voir le vers 209. C’est dimanche : les deux villageois ne travaillent pas et ont revêtu leurs beaux habits pour plaire aux filles. 10 Même refrain de chanson au vers 448 du Povre Jouhan. 11 Un habile débrouillard, comme ceux qui esquivent une question gênante par une pirouette ou une chanson. 12 Allusion aux finesses que déploient les hôteliers pour se faire payer. « Quel fin hoste ! » Chagrinas. 13 Rapide. 14 Quand il faut fuir, ou esquiver une question embarrassante. 15 Par mon sang ! Cf. les Maraux enchesnéz, vers 65. Je n’y entends note = Je n’y comprends rien ; cf. le Prince et les deux Sotz, vers 58. 16 Mignon, plaisant. « Tu es » se prononce « t’es », à la manière parisienne ; idem vers 54 et 110. 17 Atténuation de : « Que diable ! » Idem vers 85 et 136. 18 F : Ne (Qui soit aussi habile que toi.) 19 Mais. Idem vers 26, 56, 69, 154. Fringuer = se fringuer avec une élégance tapageuse. Mais aussi : culbuter une fille. « Trois foys il l’a fringuée à l’ombre d’ung buisson. » (Fringuez, moynes, fringuez.) 20 Je ne le fais pas, par la puissance de Dieu ! 21 F : bon (Mais dis-le toujours de bon cœur. « Vous estudïez de couraige. » Pernet qui va à l’escolle.) 22 Je comble arbitrairement cette lacune grâce au Miracle de saint Panthaléon : « Nanil, par Dyanne la belle ! » Les flatteurs baptiseront ainsi Diane de Poitiers : « Pour estre aimé de Diane la belle. » Clément Marot. 23 Quel besoin y a-t-il de taire son nom ? Mais seller une femme, c’est la chevaucher : cf. le Ribault marié, vers 459. 24 Pourtant. Idem vers 118 et 184. 25 Par saint Jean ! Tu aimes aussi les tiennes. 26 Fait avec les siennes, fait avec ses maîtresses. Mais « faire des siennes » = faire des bêtises. « Chascune fera bien des siennes. » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 27 La note 40 d’Un qui se fait examiner explore ces buissons à l’ombre propice. 28 Sa fourrure, son pubis. « Pour me fourbir mon peliçon. » Ung jeune moyne. 29 Bonjour. C’est ce qu’on répond ironiquement à celui qui se mêle de nos histoires de fesses comme un curé. « Car mon cul te dit bona diès ! » La Trippière, F 52. 30 Que tu étais. On retrouve ces désinences pseudo-parisiennes aux vers 179, 183, 186, 207, 209, 210, 212. 31 F : iour (L’autre jour. On scande l’au-trièr en 2 syllabes. « L’autre hyer, revenant de Monmartre. » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies.) 32 F : tu (Que vous dansiez ensemble, tellement qu’il n’était rien de plus horrifique.) 33 Ce n’est qu’une question d’agilité. Cf. le Fossoieur et son Varlet, vers 11. 34 Que dis-tu ? 35 Entrepris une « joute » amoureuse. Cf. le Raporteur, vers 443. 36 Par saint Jacques ! Idem vers 137. 37 Macéré <Queues troussées, v. 253> et galopé <Marchebeau, v. 25>, avant de l’avoir. 38 Vers manquant. « Un très asseuré sauf-conduict pour le faire bien recevoir. » Pyramus de Candole. 39 La fille de P. Piquet, l’éleveur dont Guillot est l’homme à tout faire. 40 En rentrant ses porcs dans leur étable. « Mon mary jainct/ Comme ung pourceau dedans son tect,/ Quant il a foullé ung tantet/ La ‟vendenge”. » Raoullet Ployart. 41 Un tantinet, un peu. 42 F : Et toy (Voir le vers 231.) 43 F : doy (Le doigt. « Engrillonné pousses et detz [les pouces et les doigts attachés]/ Comme larron, car il fut des/ Escumeurs que voyons courir. » Villon.) Serrer le doigt d’un homme est affectueux : « Je le tiens par le doigt./ La nuict, quand je me couche,/ [Il] se met auprès de moy. » (Mon père, aussi ma mère.) Mais le doigt peut désigner le pénis : « J’ay gaigné la chaude-pisse ;/ Et du doy de quoy je pisse,/ On m’en a coupé le bout. » Chansons folastres. 44 F : fut (Elle le fit.) 45 Les privautés hors mariage sont souvent gâchées par l’arrivée d’une importune : cf. le Poulier à sis personnages, vers 598-601. 46 En plein jour, j’aurais été déshonoré. 47 L’étable à cochons du vers 63. On ne compte plus les amants qui ont dû « s’en fuyr tout nud,/ Se cacher dedans une estable ». Pour le Cry de la Bazoche. 48 Dans une telle embuscade. « Quant je me treuve en tel destour. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 49 Lacune de 4 vers. L’aventure qui a débuté hier soir (v. 62) s’est terminée ce matin (v. 70). Thibaud rappelle maintenant à Guillot un épisode plus ancien. 50 F met cet hémistiche à la fin du vers 78. Les fours étaient des ouvrages de maçonnerie surélevés, sous lesquels on entreposait le bois de chauffe. Il était donc possible de se cacher dessous provisoirement. 51 Lacune de 3 vers. Thibaud interroge Guillot sur une autre de ses aventures, qui eut lieu un mardi (v. 81). 52 F : la 53 Dans un recoin. « En ung quingnet me mys secrètement. » Octovien de Saint-Gelais. 54 F : dessoubz ung four (Voir la note 50.) « Un chien est tousjours hardy sur son fumier. » Proverbe. 55 F : Tant quelle (Quand la nièce de la tante du v. 124 vint traire la vache.) 56 Je l’embrassai sans réfléchir. 57 C’est tout ? 58 F : ie (Quoi qu’il en soit, je m’y activai. « Comment qu’il soit,/ Je suis de luy trèsfort content. » Colin qui loue et despite Dieu.) 59 « PAUCHON, s.m., pieu. » René Debrie, Glossaire du moyen picard. 60 Par saint Antoine ! Idem vers 204. 61 « L’amy Baudichon, ma dame, l’amy Baudichon. » Nous avons perdu le texte complet de cette rengaine, mais le titre en fut souvent repris, notamment dans la chanson Une bergerotte : « Robin Taste-motte/ Leva son plisson [sa pelisse] ;/ Par-dessoulz sa cotte,/ Luy tasta son con./ Et luy dist : ‟Chanton/ Notte contre notte/ Et l’amy Baudichon.” » Sur l’air de la chanson originale, Josquin Des Préz composa pieusement une Missa L’ami Baudichon. 62 F : Mais (Le cochon, malgré son nom encourageant, fait lui aussi obstacle aux amoureux : « Puis Martin juche, et lourdement engaine./ Le porc eut peur, et Alix s’escria :/ ‟Serre, Martin ! Nostre pourceau m’entraîne !” » Marot.) 63 Coup. « Deschargez sur ce pèlerin/ Torchons plus drus que pois en pot ! » Godefroy. 64 Sortir de l’étable. 65 Par le ventre de saint François d’Assise, qui portait une robe grise. 66 Vers manquant. « La puanteur,/ Hélas, me faict faillir le cœur. » Le Retraict. 67 « BÉCHIRE : beau sire. » (R. Debrie, Glossaire du moyen picard.) Idem vers 119. 68 F : a prime (Se dit d’un oiseau qu’on met en cage pour l’apprivoiser. « Ce petit oyseau se paist de toute sorte de pasture (…), mais estant tenu privé, il mange volontiers de la navette. » Pierre Belon.) 69 Tout d’un coup. Cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 351. 70 Comme un fieffé voleur. « C’est un meschant laron prouvé ! » (Le Retraict.) Les vols de bétail étaient sévèrement punis, quand ils n’étaient pas commis par des soldats. 71 Tu serais bien tombé, si on t’avait vu ! « Me voicy trèsbien arrivé ! » Pernet qui va à l’escolle. 72 Je renie. Même contraction euphémique aux vers 164 et 296. Pour tromper le diable, on prononçait « jerni » ou « jarni » : jarnidieu ! 73 Si on m’avait trouvé dans cette position de faiblesse. « Neptune seul se tient ainsi grevé. » Jacques Peletier du Mans. 74 Lacune de 2 vers. Guillot sort de l’étable, mais il doit attendre que toute la maison dorme avant de sauter le mur et d’atterrir dans la rue. 75 Une fois dehors, je marchai d’un bon pas. « Il marcheroit si bellement. » Les Femmes qui plantent leurs maris. 76 Vers manquant. J’emprunte le vers 259 de la Satyre pour les habitans d’Auxerre. 77 Pourtant. « Si ay-je merveilleux couraige. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 78 F : la 79 Ne donne pas même une coquille de noix. « Je n’en donne ung zec. » Le Résolu. 80 F : feue (Je prends Dieu à témoin. « Je voue à Dieu et sainct Martin. » Les Mal contentes.) 81 Le croirais-tu ? Idem vers 223, 243 et 273. 82 F : qui (La bouche médisante de sa tante lui jura… Cf. l’Antéchrist, vers 16.) 83 Forgea cette tante. Même « g » dur picard à la rime : song[e]a. 84 Elle a vécu deux fois trop longtemps. 85 Jamais cette vieille ne songea, ne machina. 86 « À tout mal faire se déduisoit, & de bien faire ne luy chaloit. » Robert le Diable. 87 F : icy (Le « c » est de trop.) Si, de toute l’année, je mets le pied dans son étable. 88 Je veux bien qu’on me traite d’imbécile. « Je veulx qu’on m’appelle Huet/ Se, de moy, il a jà tournoys [un sou] ! » Te rogamus audi nos. 89 Lacune de 5 vers. Thibaud vante les mérites de la nièce ; Guillot lui répond qu’il n’a qu’à l’épouser. 90 Je fais appel, je m’y oppose. Cf. le Marchant de pommes, vers 175. C’est le premier terme juridique d’une longue série. 91 Si son sexe n’est pas en manque. « Povres femmelettes en friche/ Par faulte d’estre ‟labourées”. » G. Coquillart. 92 Qu’elle dise. Les Picards prononçaient « diche » : Debrie, Glossaire du moyen picard, p. 151. 93 Toute sa famille, et notamment la tante, qui refuse de m’accorder sa nièce. « Mon frère est sot et ma seur sote,/ Et moy, et tout leur cariage. » Rondeau. 94 Que je me fourre dans son vagin pour la mettre enceinte. 95 F : ma teste (Dans mon cœur, dans mon esprit. « Soubdainement, je miz en mon couraige/ De vous escripre. » Michel d’Amboise.) 96 Une citation à comparaître devant elle : d’obtenir un rendez-vous galant. Les deux hommes détournent le jargon judiciaire à des fins érotiques ; le théâtre basochien repose sur de tels détournements. Voir la notice de Pour le Cry de la Bazoche. 97 L’official prononce la nullité d’un mariage qui n’a pas été consommé. 98 F : procultacion (Procuration. « Porteur et chargé de proculation…. La ditte proculation portant pouvoir au dis Charles Viollet de passer acte en forme de transaction. » Archives de Gournay.) Jeu de mots sur cul. « Sy vous faictes cullation,/ Mounyère, avec monsieur le brave. » Le Poulier à sis personnages. 99 F : la diuersite (Depuis longtemps à la partie adverse.) 100 F : Pour (Cité à comparaître devant l’Officialité, pour l’avoir mise enceinte.) 101 Un coup de semonce, un avertissement. Mais le double sens phallique du braquemart ne tarde pas à émerger. 102 F : guillon (Le nom de Guilly existe, et il est nécessaire pour la rime du vers suivant.) 103 F : luy 104 Vers manquant. « Apportez-moy tost un baston,/ Que je luy casse le museau ! » Jéninot qui fist un roy de son chat. 105 Un coup. « Tien ! pren celle orgemuse ! » ATILF. 106 On traitait les Anglais de « godons » : cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 225 et note. La cornemuse semble viser les Écossais composant la garde des archers du roi : cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 129-130. 107 À partir d’ici, beaucoup de vers ne font que 7 syllabes alors que leur sens et leur rime sont satisfaisants, comme si l’auteur n’avait pas eu le temps de les peaufiner. Je n’y toucherai donc pas. 108 Quelque injure que ce soit. On prononce « sè ». 109 Selon une coutume peu catholique — elle remonte aux druides —, le premier mai, on jonchait avec de la verdure (du houx, des branches de hêtre) le seuil de sa promise ou des gens auxquels on voulait porter bonheur. Si ce houx était dérobé, cela portait malheur. Notre dialogue est peut-être l’œuvre des basochiens de Paris qui, le dernier samedi du mois de mai, plantaient un « may » — c’est-à-dire un arbre — dans la cour du Palais de justice. 110 Il eut des coups en toute naïveté. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 447. 111 Ils étaient : il y avait, du côté de nos ennemis. 112 F : et 113 F : preudhomme (On prononçait prudon : « Vaillans preudhoms,/ N’oubliez pas ces beaux pardons. » Saincte Caquette.) 114 De mon côté, nous n’étions que 6 ou 7. 115 Et pourtant, nos adversaires… 116 J’emprunte au Capitaine Mal-en-point le nom de ces deux soldats plus enclins à attaquer une cuisine qu’une forteresse. 117 Tire flèche. 118 Un bon compagnon. « Tenez, la belle : ay-je trouvé,/ À ceste heure, ung gentil fillault. » Ung jeune moyne. 119 F : deux (J’avais l’avantage sur nos ennemis. « [Gens d’entendement] haront le bruit sus eulx certainement. » Pronostication d’Habenragel.) 120 Regarde ! Cette exclamation est plus normande que picarde, comme « dis-lay » au vers 26 ; mais l’essentiel est de faire patoiser les deux paysans. 121 F : tu voulois les deux deniers (Un blanc vaut 5 deniers.) 122 F : ouroies 123 F : Autel (J’en ai autant à ton service.) 124 Il ne paraît pas, d’après notre physionomie. « Un beau personnaige représentant ou figurant le Roy, choisi au plus près de sa philomie. » Godefroy. 125 Que nous n’ayons pas un cœur valeureux. 126 F : teste 127 Et elle était très bien organisée. 128 J’étais élégant. 129 Nos costumes étaient pimpants. 130 « Et verrons qui mieulx dencera/ Et qui mieulx se trémoucera. » ATILF. 131 Il y avait un bon tambour. « Ne dancer qu’au joly bedon. » Sermon pour une nopce. 132 Jamais depuis. Idem vers 220. 133 Vers manquant. J’emprunte le vers 82 des Chambèrières qui vont à la messe. 134 Ce que. « Garce », féminin de « gars », n’est pas péjoratif ; voir la notice de Frère Phillebert. 135 Et que je fais claquer mon fouet à bœufs pour lui signaler mon arrivée sans prendre le risque de frapper à sa porte. 136 F : sen (Elle s’attife.) 137 « Baiser, acoller à désir. » (Les Femmes qui demandent les arrérages.) Je l’embrasse un bon coup. Mais aussi : Je la besogne un bon coup. Baiser = copuler : voir la note 130 du Povre Jouhan et la note 29 du Trocheur de maris. Horion = coup de pénis : « La dame (…) s’escrye, disant que son ‟escu” n’estoit assez puissant pour recevoir les horions de si gros fust. » Cent Nouvelles nouvelles, 86. 138 Son oncle la traite comme une servante. 139 Parfois. 140 F : tarde (Que le mal des ardents me consume ! « Que le feu sainct Anthoine m’arde/ Se je ne luy baille sa part ! » La Nourrisse et la Chambèrière.) 141 Réjoui. 142 Ce nom, plébiscité par la littérature joyeuse, est ici donné à un négociant en vin. Traditionnellement, les buveurs se gavent de charcuterie salée parce qu’elle donne envie de boire. « –Et apportez force de vin !/ –Faciem [que je fasse] force de boudins. » Les Sotz nouveaulx farcéz. 143 Un étui à épingles. Guillaume Coquillart regrette l’époque où les femmes se contentaient de si peu : « On aymoit pour ung tabouret*,/ Pour ung espinglier de velours./ Aujourd’huy, il fault le corset,/ Ou bailler dix escus d’ung tret. » *Guillot Tabouret porte le nom des coffres à bijoux « appelléz tabouretz, sur les couvercles desquelz on mect des espingles ». Godefroy. 144 6 deniers tournois (prononciation picarde). 145 Tu as de l’argent (ironique). Ou bien : tu as des cornes, puisqu’une maîtresse si mal entretenue ne peut que te cocufier. 146 Un demi-quart de vin au dîner. « Pinte à soupper, pinte à disner,/ Et puis chopine à desjeuner. » (Le Capitaine Mal-en-point.) La nièce du marchand de vin veille à ce que son prétendant ne se dessèche pas. 147 F : entier (Et un demi-sétier de vin en même temps. « Adieu toute ceste assemblée,/ Pelle-melle, tout en ung tas ! » Le Povre Jouhan.) 148 Une grande quantité, un gros tas. Ce décasyllabe hermétique semble provenir d’une comptine. 149 J’ai obtenu d’elle un tonneau et deux barriques. « On ne trouvoit que ung caque de vin, ou ung poinsson tout au plus. » ATILF. 150 F : de bon argent (Pâques est le moment où l’on se confesse ; il faut alors se souvenir de tous les péchés qu’on a commis dans l’année : « –Si le fault-il dire/ Au confesseur, quant vient, à Pasques./ –Quant j’y suis, il ne m’en souvient. <Les Chambèrières et Débat.> Par chance, le vin développe la mémoire : « –Versez à boyre seullement !/ –Et, aurez très bonne mémoyre. » Deux hommes et leurs deux femmes.) 151 Je vendrai ce vin pour me mettre sur mon trente-et-un. « (Il) m’a mis dessus le bon bout. » Pour le Cry de la Bazoche. 152 Nous frimerons. Idem vers 24. 153 Allons ! « Sus, sus, à tout ! » Les Botines Gaultier. 154 F : maleureux que nous 155 F : Despuilles (Avec 25 aiguilles : grâce à l’épinglier que j’ai offert à Marion au vers 248.) 156 F : mon intencion (À mon avis. « À ce que j’entens,/ Ce Caresme, avons eu bon temps. » L’Antéchrist.) 157 En offrant à leur amie un chaperon. Cela suffit pour acheter les faveurs d’une femme ; cf. le Gallant quy a faict le coup, vers 41 et note. 158 S’ils ne fournissent pas d’argent. 159 F : In iaques (« Jehan ! » = par saint Jean. Cf. le Marchant de pommes, vers 1.) 160 F : des 161 La pièce frappée d’une croix avant toute chose : « Je resemble aux archevesques : je ne marche point si la croix ne va devant. » (Pierre de Larivey.) C’est le style = c’est la façon de maintenant. « C’est la fasçon, c’est le setille. » Les Coppieurs et Lardeurs. 162 Il est de notoriété publique qu’elles sont habiles de leur corps. 163 Elles ont aussi la main habile quand il s’agit de prendre l’argent de leurs clients. 164 F : mise 165 Guillot fait mine de croire que la pâleur des Parisiennes est due à leur mauvaise santé, alors qu’elle est due au maquillage. 166 En comparaison. 167 Que celles qui font tant de chichis. La forme fratras est correcte : voir par exemple les vers 56 et 63 des Sotz qui corrigent le Magnificat. 168 Les Parisiennes. 169 Les doucereuses. « Je n’ay dueil que des vieilles dogues/ Qui font les sucrées. » Dyalogue pour jeunes enfans. 170 L’hypocras est un vin médicinal dont on ne se méfie pas parce qu’il est très doux, mais qui fait vite tourner la tête. 171 F : Celes (Si elles. « Leurs culz fourréz cherroient embas,/ S’elles n’estoient ainsi senglées. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) 172 Si leurs fesses ont l’air d’être rembourrées par un faux cul. « Celles qui deux culs supportent/ Sous les robes qu’elles portent,/ Desquels l’un, de chair, la nuit/ Leur sert à prendre déduict ;/ L’autre, de crins et de bourre,/ Autour leurs fesses embourre. » (Pierre Le Loyer.) F descend ce vers après 294. 173 F : nonuellez (Cela tient à ces modes nouvelles. Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 377.) 174 Leurs robes rembourrées les font devenir belles. 175 Je renie Dieu ! Ce sont des femmes malignes. 176 F : ung yeuly si atirens (Uns yeux = une paire d’yeux : « Elle vous a uns yeulx petis…./ A ! que vous avez ungs fins yeulx. » La Pippée.) La rime — et une longue tradition — postule pour l’adjectif riants : « Car il a si très rians yeulx. » Moralité de Fortune. 177 En conduisant ma charrette. Guillot montre une des spectatrices. 178 F : Aga pour parler (« Alons derière le rydeau/ Acomplir le jeu d’amourètes. » Le Poulier à sis personnages.) 179 F : recouuert (Il n’est pas de plaisir si divertissant. Les Picards prononçaient « récriant ».) 180 F : Que destre 181 Pue. Les citadins n’ont pas attendu Rousseau pour s’extasier béatement sur une nature dont ils ignorent tout : « Fi, fi, la ville put ! Les champs et les fustaies,/ Le doux chant des oiseaux, ne sont point destinéz/ Pour ceux qui sont tousjours aux villes confinéz. » Claude Gauchet, le Plaisir des champs. 182 Un bel acte de bravoure, ici ramené au domaine sexuel. 183 Tirons dans la cible féminine.
LES FEMMES QUI SE FONT PASSER MAISTRESSES
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LES FEMMES QUI
SE FONT PASSER
MAISTRESSES
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Une fois de plus1, on a réuni avec plus ou moins de naturel deux farces indépendantes2, même si leur compilateur a fait quelques efforts pour atténuer les dissonances. La première, les Femmes qui se font passer Maistresses, va jusqu’au vers 343. Elle décrit deux femmes prêtes à tout pour obtenir un diplôme leur permettant de gouverner les hommes. Elle fut sans doute écrite vers 1500, pour le collège parisien du Cardinal-Lemoine, où l’on raillait les prétentions intellectuelles revendiquées par certaines femmes ; voir la notice d’Ung Fol changant divers propos.
La seconde farce, intitulée probablement les Femmes qui plantent leurs maris pour reverdir, va du vers 344 à la fin. Elle étrille les hommes qui suivent une mode efféminée. La mode dont il est question nous reporte au dernier quart du XVe siècle, et la présente farce pourrait donc être antérieure à l’autre. À la fin, une épouse plante son mari pour que sa « queue » reverdisse. Comme d’habitude, cette farce illustre au premier degré une expression : planter quelqu’un pour reverdir, c’est le planter là, le laisser. « Courez tost sans faire délay ! / Ou, certes, je vous planteray, / Mais ce sera pour reverdir. » (L’Aveugle et Saudret.) On emploie cette expression lorsqu’une femme abandonne son époux, comme c’est le cas ici. « Elle s’en va, et plante son mary pour reverdir. » (XV Joyes de Mariage.)
Source : Recueil de Florence, nº 16. Notre farce y est suivie par une autre, tout aussi misogyne, qui malmène des « étudiantes » plus douées pour l’éducation sexuelle que pour la théologie : les Femmes qui aprennent à parler latin.
Structure : Rimes plates. 5 triolets dans la première farce. 3 triolets et une ballade sans envoi dans la seconde.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle des
Femmes qui se font
passer Maistresses
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À quatre3 personnaiges, c’est assavoir :
LE MAISTRE [Maistre Régnault]
LE FOL
ALISON
LA COMMÈRE
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MAISTRE RÉGNAULT commence 4 SCÈNE I
Dieu bénye ces damoiselles
Et aussi ces belles bourgoises !
Je suis venu pour l’amour d’elles.
Dieu bénye ces damoyselles !
LE FOL
5 Et les hommes ?
MAISTRE RÉGNAULT
Ilz sont rebelles,
Et font tousjours aux femmes noyses.
Dieu bénye ces damoyselles
Et aussi ces belles bourgoises !
Pource que ces femmes sont courtoyses,
10 Et bénignes5, et gracieuses,
Et nullement malicieuses
— À Paris spécïallement6 —,
Chacun si met son pensement7
À les tromper et décepvoir.
15 Pour tant8, le pape y veult pourvoir,
Esmeu de grande9 charité ;
Et m’a donné auctorité
Et commandé expressément
Que je veinse diligemment
20 À Paris pour l’amour des dames,
Et que je voulsisse les femmes
À toutes choses supporter10.
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ALISON 11 SCÈNE II
Dieu vous gart, sire Magister !
Saincte Marie ! dont venez-vous ?
25 Tousjours nous venez conforter.
Dieu vous gart, sire Magister !
MAISTRE RÉGNAULT
Je suis venu pour rebouter12
Ceulx qui vous font tant de courroux.
ALISON
Dieu vous gart, sire Magister !
30 Saincte Marie ! dont venez-vous ?
[Raffardées tousjours serons-nous]13
Pour nous oster le parlement14,
Et tout par le consentement
De nos maris, qui l’ont fait faire.
LE FOL
35 Et ! vous veulent-il faire taire ?
Par Dieu ! bien sont Jhénin[s] Cornés15,
Et béjaunes, et sotinés16 !
[ MAISTRE RÉGNAULT
Qu’ung bel estront en leur figure ]17
— C’est très notable18 nourriture —
40 Il leur puisse mésadvenir !
Veulent-ilz voz langues tenir ?
Par Dieu ! ilz ont perdu leur peine.
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LA COMMÈRE 19 SCÈNE III
Aussi, au Cardinal-Lemoyne20,
Magister, on nous a fait tort :
45 Il [s’y] dit qu(e) on nous batte fort
D’ung gros « baston » faitis21 et court,
Et qu’on nous tienne bien de court22
De parler et de quaqueter ;
Aussi, qu’on nous face tourner
50 En ung vaysseau23, se mestier est.
ALISON
Vrayment, je ne sçay pas que c’est24
Que tousjours ceulx du Cardinal
Dient des femmes tant de mal.
Par ma foy ! c’est mal dit à eulx.
55 S’ilz fussent doulx et gracieux,
L’honneur25 des femmes fust gardé.
S’ilz avoient bien tout regardé,
Jamais ilz ne nous farceroient26,
Mais loyaument nous serviroient,
60 Et nous garderoient nostre honneur.
LA COMMÈRE
Pour Dieu, Magister, monsïeur,
Vueillez-nous, s’il vous plaist, donner
Provision27 pour gouverner
Nos maris et trèstous ces hommes.
65 Car chascun voit bien que nous sommes
Par eulx, tous les jours, ravalées.
MAISTRE RÉGNAULT
V(e)ez cy unes bulles scellées28
Que j’ay maintenant apportées
De court de Romme, et impétrées29
70 Pour vous faire toutes Maistresses.
Car vous estes grandes clargesses30 ;
Et avez si parfondément
Estudïé, et si longuement,
[Et] mise vostre intencion
75 À mettre en subjection31
Et suppéditer32 vos maris
— Spécialement à Paris —,
Qu’il est bien temps que vous soyez
Graduées33, et que [vous] ayez
80 Sur la teste le bonnet ront34.
LE FOL
Les femmes [rage ainsi feront]35
[Comme des mules desbridées,]36
Puisqu’el(le)s seront auctorisées
Par bulle, ainsi que vous verrez.
85 Par mon serment ! vous ne pourrez :
L’Université s’i oppose.
Car certes, à Paris, on n’ose
Graduer nulles gens par bulle37.
Par Dieu ! sire, vostre cédule
90 S’entent des clers38, non pas des femmes.
MAISTRE RÉGNAULT
Le pape veult qu’elles soient Dames39
[Et qu’elles soient tost graduées.]40
LE FOL
Yront-elles ès assembl[é]es
Qu’on fait en l’Université ?
MAISTRE RÉGNAULT
95 Par Dieu, tu es bien rassotté !
Elles yront encorporées41.
ALISON
Nous y serons bien honorées,
Et jouirons des prévillèges.
Nous saurons bien [tenir] nos sièges
100 Et nos lieux, comme il appartient.
LE FOL
Touteffoys, quant il me souvient,
À ung point vous fault labourer42 :
Yront-elles délibérer
[Mesme] en la Faculté des Ars43 ?
MAISTRE RÉGNAULT
105 Demandez-leur.
ALISON
En toutes pars,
Magister, [nous] voullons aller.
Certes, nous sçau[r]ons bien parler
Dedans44 toutes les Facultés.
LA COMMÈRE
[Dea !] toutes ces difficultés
110 Si ne sont de nulle valleur.
ALISON
Certes, nous avons grant couleur45
D’estre avecques theologiens46.
LA COMMÈRE
Médecins si47 sont bonnes gens.
Brief, nous serons de tous requises.
MAISTRE RÉGNAULT
115 Vous avez toutes voz franchises48
Ainsi qu’un Maistre doit avoir.
ALISON
Nous ferons bien nostre debvoir
De régenter en la mayson.
LA COMMÈRE
Magister, faictes-nous raison,
120 Puisque le pape le commande.
MAISTRE RÉGNAULT
Or çà ! Dame[s], je vous demande
Se vous avez du temps assez49.
ALISON
Il y a jà deux ans passés
Que je deusse estre mestrisée50 :
125 Depuis que je suis espousée,
Je ne finay51 d’estudier.
MAISTRE RÉGNAULT
Je n’y sçauroye remédier,
Par Dieu, que n’eussez la maistrise52.
ALISON
Nous l’avons de piéçà53 requise,
130 Maistre, au [faulx54] Cardinal-Lemoyne,
Et en avons prins trèsgrant paine ;
Mais il nous fait55 tousjours grevance.
LA COMMÈRE
Nous avons tousjours grant fiance
En vous, Magister, par mon âme !
MAISTRE RÉGNAULT
135 Vous me semblez bien jeune femme
Pour estre si tost graduée.
LA COMMÈRE
Comment ! serai-ge reffusée ?
Par Dieu, j’ay bonne voulenté !
MAISTRE RÉGNAULT
Combien y a-il, en vérité,
140 Que vous estes en mariage ?
LA COMMÈRE
C’est une question sauvaige56.
C’est assez, puisque je le suis.
MAISTRE RÉGNAULT
Ha, dea ! m’amye, je ne puis
Vous graduer se n’avez temps57.
LA COMMÈRE
145 Il y a environ deux ans,
Maistre, que je suis en mesnage.
MAISTRE RÉGNAULT
Et sçavez-vous bien tout l’usaige
Comme(nt) on gouverne ces marys ?
LA COMMÈRE
Il n’y a femme dans58 Paris
150 Qui le saiche mieulx que je fais :
Car tous les jours, deux ou trois foys
Mon mary est trèsbien batu.
Puis il me dit : « Et ! que fais-tu ?
M’amye, ce n’est pas bien fait ! »
155 Puis je dis : « Villain contrefait,
Je te tueray trèstout de coups ! »
Brief, il n’a point en moy repos59.
Par Dieu ! il n’oseroit groncer60.
LE MAISTRE RÉGNAULT
Vous sçavez assez pour passer
160 Et pour avoir vostre degré61.
LA COMMÈRE
Maistre, je vous en sçay bon gré ;
Aultre chose ne demandoye.
Par Dieu ! Magister, j’atendoye
Trèstous les jours que venissez,
165 Affin que vous nous baillissez62
Ung bonnet ront dessus la teste.
ALISON
Par Dieu ! je maine telle feste63
À celuy de nostre maison :
Je luy fais de paine à foyson,
170 À celuy que j’ay espousé.
Il ne seroit pas si osé
De faire ung pas sans mon congé64.
Et s’advient65 qu’il n’a point mangé
Ne souppé, je le fais coucher ;
175 Et si, ne m(e) oseroit toucher,
Dedans le lit… se je ne vueil.
Il n’oseroit pas lever l’ueil66,
De peur qu’il a quant il me voit.
Brief, Magister, il n’oseroit
180 Faire chose sans le me dire.
MAISTRE RÉGNAULT
Héé ! vous faictes rage de lire67 !
Saincte Marie, quel(le)s escollières !
Vous avez bien leu vos matières.
Soubz qui avez-vous prins cédules68 ?
ALISON
185 A, ha, Magister, nous n’en avons nulles ;
Vous nous croirez en [no serment]69.
Car j’avons70 esté longuement
Estudier aux Jacobins71,
Aux Carmes et aux Augustins,
190 Ès Mathurins, et ès Cordeliers,
Et dessoubz plusieurs séculiers72.
Je le vous prometz, par ma foy !
MAISTRE RÉGNAULT
Par Dieu ! m’amye, je vous croy :
Vous en portez trèsbien la chère73,
195 Et bien pert74 à vostre manière.
Quel est le livre que vous portez
Au Maistre lequel vous hantez75,
Quant il vous dit vostre « leçon76 » ?
ALISON
Certes, nostre Maistre, il a nom
200 Le Livre — [à ce qu’on]77 dit — des prestres.
LA COMMÈRE
Touteffois dient nos beaux maistres
Que c’est le Livre de précum78.
LE FOL
Vous avez eu supra culum79,
Quant la leçon vous ne sçavez ?
ALISON
205 Par Nostre Dame, vous bavez80 !
Allez, allez !81
.
Esse bien dit ? SCÈNE IV
MAISTRE RÉGNAULT
Or, me dictes sans contredit :
Mistes-vous guères82 à l’aprendre ?
ALISON
Quant mon Maistre y vouloit entendre83,
210 Je l’avoye tantost apris.
MAISTRE RÉGNAULT
Par Nostre Dame ! j’ay mespris84
De vous examiner si fort.
Par Nostre Dame, j’ay grant tort !
Monstrez voz cédulles, m’amye !
LA COMMÈRE
215 Magister, je vous certifie
Qu’on les m’a voulentiers seell[é]es85.
MAISTRE RÉGNAULT
Quel Maistre les vous a baillées ?
Vous sçavez qu’il vous fault tout dire.
LA COMMÈRE
Plusieurs les m’ont baillées, sire ;
220 Il ne fault jà les racompter86.
MAISTRE RÉGNAULT
Vous estes dignes de régenter87
Tout partout là où vous yrez.
Par Nostre Dame ! vous aurez
Le bonnet rond tout présentement.
LES FEMMES parlent ensemble et respondent :
225 Nous vous mercions humblement,
Magister, jusqu(es) au déservir88.
MAISTRE RÉGNAULT
Je vous vueil loyaulment servir :
La maistrise je vous ottroy89.
.
LE FOL 90 SCÈNE V
Holà, holà ! Attendez-moy !
230 Il y a opposition :
Voicy ung mandement du91 Roy.
Holà, holà ! Attendez-moy !
MAISTRE RÉGNAULT
Et ! qu’est-ce-là ? [Qu’y a-il ?] Quoy ?
ALISON
Faictes vostre commission.
LE FOL
235 Holà, holà ! Attendez-moy !
Il y a opposition :
Je vous fais inhibition92
De par le Roy ! Et vous deffens
— Sur peine de payer despens —
240 Et, de par le Roy, fais deffence
Que ne donnez point93 la li[c]ence
À ces femmes, ne la maistrise !
MAISTRE RÉGNAULT
Le pape si la m’a commise
Par les bulles que vous véez.
LE FOL
245 Le Roy vous mande que ne soyez
Si hardy de le vouloir faire :
Voicy lettres tout au contraire,
Que j’apporte toutes propices.
ALISON
Ces lettres sont [donc] subrétices94,
250 Vostre mandement ne vault rien !
LE FOL
Or çà, Maistre : vous sçavez bien
Comment les marys s’i opposent.
MAISTRE RÉGNAULT
Or, leur dictes qu’ilz se reposent,
Car on n’en fera rien pour eulx.95
.
255 Et ! comment ? Sont-ilz envieux,
Se ces povres femmes ont bien ?
Au regard de moy, je me tien,
Et le pape96, de leur costé.
ALISON
Et aussi l’Université,
260 Les maistres et les escoliers
S’ajoindront à nous voulentiers.
Faictes ce que mande le pape !
LA COMMÈRE
Et nous fauldra-il une chappe97
Comme à ung maistre, Magister ?
MAISTRE RÉGNAULT
265 Pourquoy non ? Vous pourrez porter
Ce qu’il appartient à ung98 Maistre.
ALISON
Et pourrons-nous doncques bien aistre99
Aucuneffois sur une mulle ?
MAISTRE RÉGNAULT
Je ne sçay [pas] se ceste bulle
270 En fait point quelque100 mention.
LA COMMÈRE
Ne faictes point dilation101 :
Baillez-nous ce que demandons !
MAISTRE RÉGNAULT
Or çà, doncques ! Or, atendons :
Il vous fault faire les sermens.
275 Vous jurez que tous les tourmens,
Tout le travail, toute la peine,
Nuyt et jour, toute la sepmaine,
Que vous pourrez et que sçaurez,
À voz maris procurerez ?
280 Et cela vous voulez jurer ?
LES FEMMES, ensemble :
Ouÿ, par Dieu ! Et procurer
De les mettre à confusion.
C’est certes la conclusion
Et la fin à quoy nous tendons.
MAISTRE RÉGNAULT
285 Aussi, vous yrez aux pardons102
Et là où bon vous semblera ?
[LES FEMMES, ensemble :]
[Pour ces]103 maris, on ne fera
Rien qui soit, mais trèsbien combatre !
[MAISTRE RÉGNAULT]
Et s’i veullent à vous débatre,
290 Vous commencerez à tencer,
Vous parlerez sans point cesser
Si fort que vous les ferez taire ?
LES DEUX FEMMES ensemble :
Magister, nous sçaurons bien faire ;
Et ferons tant, que nous aurons
295 (Par Dieu !) ce que demanderons.
Plus ne nous en fault sermonner.
MAISTRE RÉGNAULT
Il vous fault à genoulx bouter
Pour avoir absolution.
En signe de perfection,
300 De ce bonnet rond vous couronne ;
Et auctorité je vous donne
Sur tous les maris, et puissance
De les gouverner, et licence
Et auctorité de tout dire,
305 Régenter de présent, et dire104,
Et maistriser105 les aultres femmes
Affin qu’elles soyent toutes Dames,
À Paris par espécial,
Et d’autre part en général.
310 Le pape si le veult aussi.
In nomine Patris et filii !
LA COMMÈRE
Nous sommes en trèsgrant soucy,
Magister, de sçavoir ung point :
La bulle porte-elle point
315 — Aussi, le povez-vous passer ? —
Que puissions nos maris laisser
Quant bon et beau nous sembleroit ?
ALISON
Hélas, Maistre ! Qui le pourroit106,
On nous feroit une grant grâce.
MAISTRE RÉGNAULT
320 Je suis bien content qu’on le face,
Ainsi qu’avez acoustumé.
ALISON
Le pape nous a bien amé107,
De nous pourvoir si grandement.
Vous serez partout réclamé108.
325 Le pape nous a bien amé.
LA COMMÈRE
Vous ne serez jamais blasmé.
Nous vous mercions grandement.
ALISON
Le pape nous a bien aymé,
De nous pourvoir si grandement.
330 Magister, à Dieu vous comment109 !
Certes, nous allons commencer.
MAISTRE RÉGNAULT
Dieu vous doint bon commencement !
LA COMMÈRE
Magister, à Dieu vous comment !
MAISTRE RÉGNAULT
Régentez fort et fermement,
335 Et ne faillez pas à tencer !
LA COMMÈRE
Magister, à Dieu vous comment !
Certes, nous allons commencer.
MAISTRE RÉGNAULT
Or vous allez donc avancer.
Et pensez de tromper ces hommes !
ALISON
340 Nostre maistre110, par Dieu, nous sommes,
À ceste fois, levées sus :
Nous sommes venues au-dessus.
De ce, nous avons111 devisé
……………………….
.
*
[ LES FEMMES
QUI PLANTENT
LEURS MARIS
POUR REVERDIR ] 112
*
[ À quatre personnaiges, c’est assavoir :
MARTIN, le mary
LE FOL
ALISON
LA COMMÈRE ]
*
.
MARTIN 113 SCÈNE VI
[……………………… -ré,]
Il me fault estre bien tiré114
345 Et habillé mignotement,
Pour recepvoir joyeusement
Nostre Maistresse, que je voy.
Il me fauldra tenir tout quoy115
Et faire son commandement :
350 Car la bulle dit qu’autrement,
El(le)s ont povoir de nous changer116.
Quel habit pourray-ge songer
À prendre, pour luy faire honneur
En faisant ung peu du seigneur ?
355 Je feray le dymencheret117
Pour mieulx faire le dameret118,
Affin que je luy puisse plaire.
Je la voy venir à son erre119 ;
Sur la teste [a] ung beau bonnet.
360 Il me fault estre sadinet
Et frisque120 comme ung amoureux,
Et joliet et gracieux,
Affin que de moy soit contente.
Cest[e] robe si n’est point gente :
365 Elle est toute racaillefatrée121.
J’en prend[r]ay une autre cintrée122
— Devant (par Dieu) que je m’envoise123 —,
Et la124 pièce portingalloise
Pour mettre devant ma forcelle125.
LE FOL 126
370 Il contrefait la damoyselle,
Comme ces mignons de Paris
Qui sont si songneusement nourris,
Et sont127 si douilletz que c’est raige.
Il ressemblent à [ung gent paige]128,
375 Tant sont beaulx, faitis et trétis129.
MARTIN
Il fault ung chaperon faitis
Qui soit de nouvelle façon130.
LE FOL
Vous serez ung mauvais garson131,
Et ce n’est pas ce qu’il vous fault.
MARTIN
380 [Ce ceint ne]132 doit aller plus haut :
C’est la façon de maintenant.
Ne suis-je pas bien advenant ?
Il ne me fault [plus] qu(e) une dague,
Et je ne sçay quel autre bague133
385 Qu’on appelle une gibecière134.
Mettray-je ma dague derrière135,
[Pour estre plus gorrièrement ?]136
Ha, par sainct Mor ! Vécy comment
La portent ces dimencherés.
LE FOL
390 S’escorchent-il point les jarrés137 ?
Ceste manière est bien sauvaige !
.
ALISON 138 SCÈNE VII
Nous ne ferons plus le mesnage,
Puisque le degré nous avons.
Or, je vous prie que nous soyons
395 Ententives et diligentes
— Puisqu’aussi nous sommes régentes139 —
De faire aujourd’huy ung chief-d’euvre140,
À celle fin qu’on se recuevre
De la perte qu’on nous a fait141.
.
MARTIN 142 SCÈNE VIII
400 Par mon âme ! je suis bien fait,
Et mes soulliers bien en gallant.
LE FOL
Se il treuve ung estront vollant143,
Par bieu, il luy crèvera l’ueil !
.
ALISON SCÈNE IX
Par ma conscience ! je vueil
405 Que mon mary soit atrappé.
.
LE FOL SCÈNE X
Fait-il bien le veau eschappé144 ?
Et ! je vous prie, faictes-luy place !
MARTIN 145
Je ne sçay pas [quel train]146 luy face ;
Je ne l’ay pas bien en mémoire.
LE FOL
410 Comment [ce veau] peult-il tant braire ?
Vécy ung [homme espris]147 d’amours !
Scet-il pas bien faire ces tours ?
Jamais ne se doit soussier.
.
ALISON 148 SCÈNE XI
Saincte Marie ! quel escuier149
415 Esse-là que je voy venir ?
Par bieu ! il me fait souvenir
De ces [gentils] gorriers de ville.
Il est moult légier et habille150.
Est-ce point ung clerc du Palais151 ?
LA COMMÈRE
420 [Non,] il est moult gentil galoys152.
Je cuyde que c’est ung changeur153.
ALISON
Il doit estre petit mangeur,
Puisque sa pance est [si] estroicte154.
LA COMMÈRE
Il semble estre [ung] homme de traicte155 :
425 Comment il est fort embridé156 !
ALISON
Par Nostre Dame ! il est bridé157
Affin que le froit ne le gaste158.
LA COMMÈRE
C’est ung escuier fait à haste159.
Comme il est gent parmy le corps !
430 On voit les talons par-dehors160,
C’est une chose acoustumée.
ALISON
Ha ! c’est affin que la fumée
Qui leur vient à cause de chault,
Qui ne peult yssir par le hault,
435 Viengne161 par là ; car autrement,
Ne pourroit yssir bonnement.
Puis leurs pourpoins si fort estreignent162 !
Aussi leurs chausses s’entretiennent163,
Atachées si roide et si fort
440 Que, quant ung de leurs poulx164 les mort,
Il[z] ne sçavent par où le prendre.
Et aussi, pour faire descendre
La fumée qui est en eulx,
Pource qu’ilz sont tant chaleureux165,
445 Ilz ont les talons descouvers.
LA COMMÈRE
Ilz ont pris leurs habitz divers166
Et toutes choses sadinètes167.
Pour quoy leurs façons sont honnestes,
En la pointe de leurs soulliers168.
ALISON
450 C’est pource que les bourreliers
Veullent vendre trop cher leur bourre169 :
Car vous voyez qu’aussi170 on fourre,
À Paris, ces [gros] bourreletz
De chaperons, qui sont si lais
455 Que la façon si n’en vault guière171.
LE FOL 172
Par mon serment ! une chauldière
De deux seaulx y seroit assise173.
ALISON
Mais d’où est venu[e] la guyse
Que [soubz l]es penthoufles on mette,
460 En lieu du liège, une bûchette174 ?
C’est le prouffit des savetiers.
LE FOL
Par sainct Jehan ! mais175 de[s] charpentiers :
C’est œvre de charpenterie.
LA COMMÈRE
Et n’est-ce pas grant tromperie,
465 [Des esperons sans]176 chevaulcher ?
ALISON
Vous sçavez qu’un cheval est cher,
À Paris : n’en a pas qui veult177.
Et pource que le cueur leur deult
De veoir les aultres à cheval,
470 Pour appaiser ung peu leur mal,
Ont pris ceste chevaulcherie.
LA COMMÈRE
Dictes-moy que ce signifie
Qu’ilz ont leurs habis si cueillis178 ?
ALISON
Ilz ont grant peur d’estre assaillis
475 Des pourceaulx, comme la pasture
Qui chet179 ès boys pour nourriture :
Pour tant se sont-ilz fait cueillir180.
LA COMMÈRE
Et ! qu’ilz devroient bien hault saillir,
Puisque la robe est escourtée181 !
ALISON
480 Par bieu ! si est-elle crotée182,
Non obstant qu’elle soit bien courte.
LA COMMÈRE
Il n’y a celuy qui ne porte,
Quant je m’avise, la vesture
Comme ung pourceau183. C’est grant ordure :
485 Cest habit [ord184] n’est point honneste.
ALISON
Et pour tant, on seroit bien beste
D’aller prendre en mariage
Ung court-vestu pour son langaige185 ;
Mais on doit aymer loyaument
490 Et recepvoir joyeusement
Ceulx qui portent longue vesture.
LA COMMÈRE
Aussi vault mieulx la couverture186,
Quant il fait froit, d’ung long habit,
Que d’un qui est si trèspetit,
495 Ne que de robe découpée187.
ALISON
Il me souvient d’une espousée188
De ce galant qui se promaine.
Par mon serment ! il met grant peine
À se tenir bien cointement189.
500 Et ! vécy bon appointement190 :
C’est mon mary, par Nostre Dame !!
.
MARTIN 191 SCÈNE XII
Ayez pitié de moy, ma femme,
Pource qu(e) estes si grant Maistresse !
ALISON
Vous ne povez ployer les fesses,
505 [Tant] vous estes roide attaché.
MARTIN
Par bieu ! je suis si empesché
De me tenir joliement
Que je ne puis (par mon serment)
Faire tout ce qu’il appartient192.
510 Mais dictes-moy ce qu’il convient
À faire, et [bien] je le feray.
ALISON
J’ay conclud que je vous lairay193,
Puisque je suis si haultement194.
Une bulle avons maintenant,
515 De court de Romme, qui enseigne
Comment le pape veult qu’on preigne,
Quant les marys sont inutilles,
Autres — [mais] qu’ilz soient habilles195
Et qu’il[z] sachent aux dames plaire.
MARTIN
520 Pourtant, j’ay voulu contrefaire
Le mignon et le gracieux.
LA COMMÈRE
Et ! vous n’avez pas les cheveulx
En Allemant196 : tout ne vault rien.
ALISON
Aussi est-il dur comme ung chien197
525 Et sec : il ne se peult ployer.
LA COMMÈRE
S’il estoit verd comme ung osier,
Il seroit [lors] doux comme ung gand198,
Et ung trèsgracieux fringant199 ;
Et les genoulx bien ployeroit200.
530 Et quant par les rues yroit,
Il marcheroit si bellement
[Qu’on cuideroit tout bonnement]
Qu’il ne touchast201 du pied en terre
Et qu’il eust des patins de voirre202.
535 Ce ne seroit que toute joye.
MARTIN
Ha ! ma203 dame, pour Dieu ! que j’aye
Provision de reffroidir204 !
ALISON
Planter vous fault pour reverdir205
Comme ung osier, pour cest yver206.
540 En ce nouveau temps207, pour[rons] veoir
Se vous serez verd et bien ployant208.
MARTIN
Dictes-vous à bon escient ?
Pour Dieu, donc[ques], que je le soye !
Mais par Dieu, se je ne pensoye
545 Avoir la teste et la queue verd209
Et que je210 fusse plus gaillard,
Je ne seroye jà planté !
LA COMMÈRE
Mais que vous soyez bien enté211,
Par Dieu, tantost reverdirez ;
550 Et belle queue vous aurez,
Je le vous dis à escient.
Délivrez-vous appertement212 :
Il fait trèsbon temps pour enter.
MARTIN
Comment me voulez-vous planter
555 Affin que je soye plus beau ?
ALISON
La teste [en] bas, comme ung pourreau ;
On verra plus tost la verdure.
MARTIN
Il convient doncques que j’endure
Et que je soye en terre mis.
560 Or çà ! donc, puisque m’avez promis
Que je seray vert cest esté,
Je suis d’acord d’estre bouté
En la terre présentement.
Or me couvrez bien doulcement,
565 Et gardez bien de me blesser.
LA COMMÈRE
Il fault ceste teste baisser,
Pour estre bien enraciné213.
Nous avons cy trop séjourné :
Sus ! il est temps de la couvrir214.
MARTIN
570 Quant me fauldra-il descouvrir215 ?
Seray-je en terre longuement ?
ALISON
Tant216 que soyez notablement,
Comme [ung bel] arbre, reverdy.
MARTIN
Et217 seray-je bien desgourdy
575 Et tout vert en ce moys de may ?
LA COMMÈRE
Ouÿ, par Dieu ! Et aussy gay
Que pourroit estre ung papegault218.
Vous n’est[i]ez [rien] q’un loquebault219,
Mais [pour peu qu’onques je le vueille]220,
580 Vous porterez semblable fueille
Et telle fleur comme la rose.
ALISON
[Pour ce], il fault bien qu(e) on l’arose :
Le chault le pourroit bien sécher.
LA COMMÈRE
Il s’en fault doncques despêcher221 ;
585 Je vois quérir la chantepleure222.
MARTIN
Par Nostre Dame ! je n’ay cure
D’estre arosé : il fait trop froit.
ALISON
Vous sçavez bien que c’est le droit223
D’un arbre sec ; [si, l’endurez]224 !
MARTIN
590 Voire, mais vous me mou[il]lerez.
Vrayement, je crains bien la froidure.
LA COMMÈRE 225
Pource que vostre teste226 est dure,
Il la fault arroser souvent.
ALISON
Par Dieu ! j’ay grant paour que le vent
595 Ne luy soit, au jourd’huy, contraire.
Arosez-le bien, ma commère !
On devient vert pour aroser.
LA COMMÈRE
Cecy le fera disposer
À reverdir plus tost [qu’]ung moys.
ALISON
600 Arosez-le deux ou trois fois !
N’espargnez pas l’eaue de Seine.
LA COMMÈRE
Il a jà une verte vayne227 :
V(e)ez cy terre [bien] vertueuse !
MARTIN
Au moyns serez-vous bien joyeuse,
605 Quant ma queue verte sentirez ?
ALISON
Par ma foy ! vous reverdirez,
Puis que la terre228 est labourée…
LA COMMÈRE
L’esté qui vient, vous fleurirez.
ALISON
Par ma foy ! vous reverdirez.
LA COMMÈRE
610 Quant de terre vous partirez,
Vous serez vert comme porrée229.
ALISON
Par ma foy ! vous reverdirez,
Puis que la terre est labourée.
Je fais trop longue demeurée ;
615 Par Nostre Dame ! je m’en vois.
MARTIN
À Dieu, ma dame honorée !
ALISON
Je fais trop longue demeurée.
LA COMMÈRE
Verdure est [ce jour] trop prisée230,
Puis que les marys sont de boys231.
620 [Je fais trop longue demeurée ;
Par Nostre Dame ! je m’en vois.]
ALISON
Tandres seront comme poulletz232,
Puisqu’ilz sont mis à la gellée233.
LE FOL 234
Ilz ont la queue si mouchée235
625 Qu’à peine la peuvent lever.
Je croy qu’on les a mis couver236 :
Ilz sont tous couvers [de paillaige]237.
Par Dieu, v(e)ez cy bon personnage !
Quant les maris sont bien couvers238,
630 On en va quérir de plus vers
Ce pendant qu’il reverdiront.
ALISON
Quant vos maris dessécheront239,
Entre vous, femmes sadinettes,
Et aussi qu’ilz commenceront
635 À délaisser les amourettes240,
Pour avoir queues verdelettes,
Plantez-les tost à la rousée241 !
Puis alez aux jardins242 seulettes :
La queue verte est bien prisée.
LA COMMÈRE
640 Quant vous verrez qu’ilz laidiront
Et seront secz comme espinettes243,
Et que chose[s] ne vous feront
Qui soient bonnes et doulcettes,
Prenez toutes ailleurs244 chosettes
645 Pour faire la chose245 advisée.
Et si, vous tenez joliettes246.
La queue verte est bien prisée.
MARTIN
Je croy que mes dois fleuriront :
Je sens bien venir les fleurettes.
650 Mes genoulx si assouppliront ;
Aussi feront mes esguillettes247.
J’auray les jambes bien doulcettes.
Ma femme sera rapaisée :
Quant on a belle[s] tétinettes,
655 La queue verte est bien prisée.
ALISON
À Dieu ceste belle assemblée !
Je m’en voys au jolis bocquet248.
LA COMMÈRE
Je seray de verd affublée249.
ALISON
À Dieu ceste belle assemblée !
LE FOL
660 Gardez que ne soyez emblée250 !
LA COMMÈRE
Il ne m’en chault pas d’ung niquet251.
À Dieu ceste belle assemblée !
Je m’en vois au jolis bocquet.
.
MARTIN SCÈNE XIII
Comment ! seray-je tousjours sec252 ?
665 Par ma foy ! je croy [bien] que ouy.
Certes, je suis prins par le bec253 :
On m’a, comme [ung] arbre, enfouy.
Les maris, si, sont au jourd’huy
Trèstous pour reverdir plantéz.
670 Et nos femmes vont le pirdouy
Dancer254, par bieu, de tous costéz.
Femmes n’en tiennent plus de compte.
Les maris sont en brief farcéz.
Je m’en voys o255 ma courte honte.
.
EXPLICIT
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1 Voir la notice de Colinet et sa Tante, ou du Cousturier et le Badin. 2 Dans son édition, Jelle Koopmans est moins catégorique : « Il s’agit d’une pièce en deux temps ; on a même l’impression de la juxtaposition ou de la contamination de deux pièces différentes — la seconde partie n’a qu’un rapport faible avec la première. » Le Recueil de Florence. Paradigme, 2011, pp. 233-250. 3 F : cinq (La liste des rôles ajoute : Et le mary. Ce rôle n’apparaît que dans la seconde farce, où toutes les rubriques le nomment d’ailleurs « Martin », et non « le mari ».) 4 Arrivant de Rome avec une liasse de papiers, il s’assoit dans une chaire de collège. Son clerc, qui est le personnage le plus sensé de la pièce, porte un habit de fou. 5 Douces. 6 F : especiallement (Cette attaque visant la liberté de mœurs des Parisiennes resurgit aux vers 77 et 308.) 7 Sa pensée, sa volonté. 8 Pour cela. Idem vers 477 et 486. 9 F : grant (La grande charité d’Alexandre VI, plus connu sous le nom de Borgia, est sujette à caution. Ce pape fut rappelé à Dieu en 1503, peu de temps après la création de la pièce.) 10 Et que je veuille soutenir les femmes dans tous les domaines. 11 Elle entre dans la salle de classe. Une écritoire d’écolier pend devant sa ceinture comme un pénis. L’aspect phallique de l’écritoire fournissait d’inépuisables jeux de scène : voir la note 45 de Jénin filz de rien. 12 Repousser. 13 F : Et serons nous tousiours raffardees (Ce vers de retombée doit rimer avec le dernier vers du triolet.) Nous serons toujours brocardées. 14 Le droit de parler. Cf. Resjouy d’Amours, vers 147. 15 Des imbéciles, puisqu’ils croient parvenir à vous faire taire. Le Fol de la Vie de sainct Didier met ce nom au service de la scatologie : « Jennyn Cornet,/ Veulx-tu point jouer au cornet/ Ou de la [corne]muse par darrière ? » 16 Des blancs-becs et des petits sots. Jaune-bec joue dans la Pippée, et Sottinet dans le Roy des Sotz. 17 Vers manquant. « Mais ung bel/ Estront emmy vostre visage ! » L’Aveugle et Saudret. 18 F : toute 19 Harnachée d’une écritoire phallique, elle entre dans la classe et répond à maître Régnaut, qui vient de s’exprimer. À l’origine, la prétendue Commère portait sûrement un nom, car il n’y a un rôle de commère [de voisine, d’amie] que dans la seconde farce : voir le v. 596. 20 Au collège du Cardinal-Lemoine : voir ma notice. Idem vers 52 et 130. 21 Bien fait. Idem vers 375 et 376. Double sens priapique du « bâton ». 22 Qu’on nous empêche. 23 F : boysseau (Qu’on nous fasse rouler dans un tonneau, s’il en est besoin.) Cette brimade était réservée aux matelots, mais une farce jouée au collège du Cardinal-Lemoine l’avait apparemment fait subir à des femmes. Dans le Mystère de Ste Barbe en 5 journées, la sainte sera mise « en ung tonneau, sans demourance,/ Lequel sera cousu de cloux ;/ Son corps sera dedans encloux/ Et puys roullé parmy la rue. » 24 Ce que c’est, pour quelle raison. 25 F : Lhomme (Voir le v. 60.) 26 Ils ne nous ridiculiseraient dans leurs farces. Idem v. 673. 27 Une permission provisoire. Idem v. 537. 28 Voici des lettres portant le sceau du pape. Voir la note 9. Alexandre VI maria l’une de ses nombreuses maîtresses, Giulia Farnèse, à Orsino Orsini, lequel en fut vite privé. On a dit que pour empêcher l’époux récalcitrant de récupérer son bien, le pape notifia une ordonnance contre lui. Notre pièce fait de cette ordonnance une bulle papale qui autorise les femmes à quitter leur mari. 29 Que j’ai obtenues. La « cour de Rome » transcrit approximativement la Curie romaine. Idem v. 515. 30 Des clercs en jupon. 31 En sujétion, en esclavage. Une épouse est « maîtresse » chez elle quand elle a le dernier mot sur son mari : cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 86, 202, 282 et 383. 32 À fouler aux pieds. Cf. le Chauldronnier, vers 6. 33 Que vous obteniez vos grades universitaires, vos diplômes. Idem vers 88, 92, 136 et 144. 34 Le bonnet des Docteurs. Idem vers 166, 224, 300 et 359. 35 F : ragassotiront (Voir le v. 181. « Ceste marâtre/ Qui faisoit raige ainsi de tous ces gens abatre. » L’Enfer de la mère Cardine.) 36 Vers manquant. Les mules débridées sont des femmes qui ne respectent pas les conventions. Elles sont l’équivalent féminin des veaux échappés (vers 406). « Monstrans leurs tétasses ridées,/ Noz vieilles mules desbridées/ Qui sont, par chevaulx bien souvent,/ Fendues du cul jusqu’au devant. » Clément Marot. 37 Le pape n’intervient pas dans les décisions de l’Université : le roi Louis XII venait de s’affirmer « protecteur et conservateur » de la Pragmatique Sanction, qui limitait drastiquement le pouvoir du souverain pontife dans le Royaume. Voir la note 93. En 1512, une autre pièce de théâtre opposera Louis XII à un pape (Jules II) : le Jeu du Prince des Sotz. 38 Votre brevet s’applique aux clercs. 39 Élevées à une haute dignité. Idem v. 307. Paradoxalement, ce titre français n’est plus porté qu’en Angleterre : « Dame Felicity Lott. » 40 Vers manquant. Je le reconstitue d’après le vers 136. 41 En tant que membres de leur corporation. 42 Travailler. 43 L’une des Femmes qui aprennent à parler latin va devenir maîtresse ès Arts en maniant les arguties « desquelles on fait plainement/ Entendre q’un mary radote ». 44 F : En 45 De bonnes raisons. 46 L’une des Femmes qui aprennent à parler latin veut devenir théologienne. 47 Eux aussi. L’une des Femmes qui aprennent à parler latin veut être médecin, « pour faire son mary/ Devenir fol ou fort malade ». Celle qui se nomme Alison devient avocate, par amour du « droit »… 48 Vos privilèges. 49 S’il y a assez longtemps que vous étudiez. Voir le v. 144. L’ordonnance de Louis XII (voir ma note 93) stipule que les théologiens doivent étudier 10 ans, les docteurs en droit ou en médecine 7 ans, et les maîtres ès Arts 5 ans. Mais elle ne parle pas des sexologues. 50 Que j’aurais dû obtenir ma maîtrise. Même verbe à 306. 51 Je n’ai pas cessé. 52 Je n’y vois pas d’autre remède que de vous accorder la maîtrise. 53 Depuis longtemps. 54 Au perfide. 55 F : font (Ce collège nous fait toujours du tort.) 56 Barbare. Idem v. 391. 57 Si vous n’y êtes pas depuis assez longtemps. Voir la note 49. 58 F : a 59 De paix. Les Parisiens prononçaient repou. 60 Protester. 61 Votre grade universitaire. Idem v. 393. 62 La nouvelle diplômée aurait dû dire « vinssiez » (comme Régnaut au vers 19), et « baillassiez » (comme le fait une vulgaire pâtissière dans le Pasté et la tarte). 63 Ironique : un tel tapage. 64 Sans mon autorisation. 65 F : souuient (S’il advient.) 66 Me regarder en face. « Je n’oseroye/ Lever l’œil, quant elle est ainsi. » Le Povre Jouhan. 67 F : dire (à la rime. Voir le v. 183.) Vous êtes enragée d’étudier. 68 Sous quels maîtres avez-vous pris vos brevets ? « Sous qui » recèle la même ambiguïté qu’au vers 191. 69 F : nos sermens (No = notre. Ce pronom picard était descendu jusqu’à Paris.) Vous nous croirez sur parole. 70 Ce normandisme était lui aussi descendu jusqu’à Paris. Mais tout de même, le langage de nos deux diplômées n’est guère plus châtié que leurs mœurs. Elles sont moins universitaires qu’unies vers Cythère… 71 Chez les moines, les femmes étudient les spécialités érotiques. « Elle estudie sa game/ Avec les clercs de nostre église. » Les Queues troussées. 72 Sous des laïcs. Jeu de mots sur « ces culs liés » : faire l’amour consiste à lier deux culs, à « adjouster deux culz ensemble » (la Présentation des joyaux). 73 Vous avez une tête à faire cela. 74 Il y paraît bien. 75 Que vous fréquentez (y compris au sens sexuel). 76 Lecture d’un texte biblique. Double sens grivois : « L’un la fout en cul, l’autre en con./ Pour s’exercer en ce manège,/ Elle répète sa leçon/ Avecque le Sacré Collège. » Blot. 77 F : que on (Le Livre des prêtres.) 78 Le Liber precum est un livre de prières. On prononçait précon, le con désignant le sexe de la femme. 79 Des coups de « verges » sur le cul. On prononçait culon : « Il fault qu’ilz ayent supra culons ! » Satyre pour les habitans d’Auxerre. 80 Vous bavardez à tort et à travers. 81 Alison chasse le Fol, qui s’enfuit. 82 Avez-vous mis longtemps. 83 Essayait encore de le comprendre. 84 J’ai eu tort. 85 Qu’on a volontiers apposé le sceau universitaire sur mes brevets. Mais « sceller » = tamponner, au sens érotique : cf. le Mince de quaire, vers 328. 86 Il n’est pas besoin de les énumérer. 87 De commander. Idem vers 118, 305 et 334. « Être digne », suivi d’un infinitif, peut s’employer sans « de » : « Y n’est pas digne/ Vestir un genderme de Dieu. » Troys Gallans et Phlipot. 88 Jusqu’à ce que nous vous rendions la pareille. Cf. le Dorellot, vers 321. 89 Je vous octroie le grade de Maîtresses. 90 Il fait irruption en brandissant un parchemin enroulé. 91 F : de (L’injonction royale est un deus ex machina qui intervient quand l’auteur ne sait pas comment finir une pièce. C’est le cas dans Tartuffe, où un Exempt tient le rôle de notre Fol.) Certains rois confièrent des missions plus ou moins diplomatiques à leur fou en titre d’office ; mais Louis XII n’en confia jamais à ses deux bouffons, Caillette et Polite. 92 Défense. 93 Que vous donniez (les 2 négations s’annulent). En mars 1498, Louis XII avait promulgué une ordonnance confirmant la Pragmatique Sanction. À propos des nouveaux diplômés, il exigea « qu’iceulx graduéz aient estudié par temps suffisant, & qu’ilz soient de la qualité, & aient faict leurs diligences de tout, selon la teneur de ladicte Pragmatique ». Il ne fallait donc pas que les universités « promovent aucun à degré & honneur s’il n’est idoyne, & approuvé de meurs & de science, & qu’il ait mérité ». Par conséquent, même si on avait accepté les femmes, nos deux étudiantes n’auraient pu obtenir de diplôme. 94 Subreptices : obtenues grâce à des déclarations mensongères ou incomplètes. 95 Le Fol quitte la scène définitivement. 96 Ainsi que le pape. On retrouve ce féminisme exacerbé — qui était alors une preuve de faiblesse — dans Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, où maître Antitus ressemble fort à maître Régnault, et dans les Queues troussées, où maître Aliborum est lui aussi du côté des dames. 97 Grande cape fourrée que portent les maîtres de l’Université quand ils sortent. 98 F : une 99 Être. Dans les grandes villes aux rues boueuses, la mule était le moyen de transport des élites appartenant à l’université, la magistrature ou le haut clergé. 100 F : de (La bulle du pape s’en tient probablement aux mules du pape.) 101 De report. 102 Ces pèlerinages servent d’excuse aux femmes qui veulent sortir sans leur mari. « En divers lieux (elles) vont gaigner les pardons/ Pour en leurs lacs attraper la “vitaille”. » L’Advocat des dames de Paris touchant les pardons Sainct-Trotet. 103 F : Et pour (Voir le v. 148.) 104 Parler dans un amphithéâtre. 105 Être en mesure d’accorder la maîtrise. 106 Si nous le pouvions. Seuls les officiaux [les juges ecclésiastiques] pouvaient accorder aux femmes, et sous certaines conditions, le droit de divorcer. 107 Aimées. Les femmes peuvent désormais parler d’elles au masculin. 108 Invoqué comme un saint. 109 Je vous recommande à Dieu. 110 F : maistresse (Voir le v. 199.) Maître Régnaut n’est pas dans la distribution de la 2e farce. 111 F : auans (Nous avons parlé pendant la pièce que vous venez de voir.) Le compilateur a supprimé les 3 vers du congé final pour lier les deux farces par une rime, d’ailleurs moins riche que les autres. 112 Ici commence la seconde farce. Pour des raisons pratiques, je continue le numérotage des vers, des scènes et des notes. 113 Le vieux mari d’Alison est chez lui. Il se fait beau, en guettant par la fenêtre le retour de son épouse, qui est allée prendre ses grades universitaires en compagnie de sa commère. 114 Tiré à quatre épingles. 115 Tout coi, silencieux. 116 De changer de mari. Voir la note 28. 117 Le galant endimanché. Idem v. 389. Cf. les Botines Gaultier, vers 500. 118 Le damoiseau. Un dameret n’est pas un modèle de virilité ; mais Martin va renoncer à la sienne, puisque c’est désormais sa femme qui porte le bonnet professoral, et donc la culotte. 119 F : aise (Avec une allure majestueuse. « Tout à loisir et à son erre. » ATILF.) 120 Gracieux et élégant. Non seulement l’adjectif « sadinet » s’accorde presque toujours au féminin (vers 447 et 633), mais en plus, le sadinet désigne le mont de Vénus : voir la note 2 du Dorellot. 121 Recalfater, ou recalfeutrer = boucher les fissures de la coque d’un bateau ; par extension, l’auteur lui donne le sens de rapiécer. Jeu de mots sur racaille, qui désigne le rebut de la société, y compris d’un point de vue sexuel : « À Dieu soyez, mes frippons et racaille ! » Discours de la vermine et prestraille de Lyon. 122 F : sentree 123 Avant que je m’en aille à la rencontre de ma femme. « Devant que je m’en voyse et que je ne soye plus. » Psaume 39. 124 F : une (Une pièce de velours que les dames posent sur leur poitrine pour réduire leur décolleté. « Une robbe d’ung gris bien faicte (…),/ La belle pièce à la poictrine. » Guillaume Coquillart.) La mode portugaise, un peu efféminée, faisait fureur parmi les courtisans : « Habillée à la portugaloise. » (Godefroy.) Sur les rapports entre le Portugal et l’homosexualité, voir la note 149 des Coppieurs et Lardeurs, où un minet plus qu’équivoque se fait traiter d’« amoureux de Portingal ». 125 Ma poitrine. Ce mot ne s’emploie que pour les femmes. 126 Dans la 1ère farce, le Fol participait au dialogue et à l’action. Maintenant, ce n’est plus qu’un fantôme qui n’est ni vu, ni entendu par les autres personnages, comme le Sot du Povre Jouhan, une pièce qui offre beaucoup de points communs avec celle-ci. 127 F : font (Éternelle confusion entre le « f » et le « ſ » long.) Douillet = trop doux, délicat. 128 F : une caille (« Ung très bel et gent page richement habillé. » Antoine de la Sale.) Tous les aristocrates homosexuels entretenaient un page. Bien avant Chérubin, ces derniers pouvaient être déguisés en filles : « (Elles) desguisèrent les paiges de l’assemblée et les habillèrent en damoyselles bien pimpantes et atourées. Les paiges endamoyselléz (…) se présentèrent. <Rabelais, Quart Livre, 10.> La confusion de notre éditeur est explicable : les cailles ont longtemps représenté les homosexuels, à tel point qu’en 1914, Francis Carco put raconter l’histoire du prostitué Jésus-la-Caille. 129 Bien faits (idem au vers suivant) et bien tournés. 130 À la dernière mode. 131 Vous ressemblerez à un gigolo. 132 F : Cecy (Ma ceinture.) Les snobs laissaient glisser leur ceinture au-dessous de la taille, pour être « ceints sur le cul ». La femme de Martin de Cambray <F 41> oblige son époux à suivre cette mode : « –C’est trop hault !/ –Plus bas ? –Voire dea, en ce point !/ Maintenant vous estes en point,/ Fricque, habile et poly…./ Vous en estes “saint sus le cul”. » Cf. le Résolu, vers 112. 133 Accessoire. 134 Bourse en cuir que les hommes accrochent à leur ceinture. 135 Pour les élégants, la dague n’est qu’un bibelot décoratif. Ils la portent donc à l’arrière de leur ceinture : « La renommée court grant erre/ Que dagues ont sur les rongnons [reins]. » Maistre Mymin qui va à la guerre. 136 Vers manquant. Pour être plus à la mode. Le vers 417 compare Martin aux gorriers, ces dandys qui passent leur vie à se pomponner. « Vivez ores gorrièrement ! » La Folie des Gorriers. 137 Quand ils marchent, la pointe de la dague ne leur écorche-t-elle pas les jarrets ? 138 Elle s’approche de la maison, avec sa commère. Toutes les deux sont coiffées d’un bonnet rond, et laissent pendre devant leur ceinture une écritoire en forme de pénis. 139 Un régent, au masculin, est un professeur d’université. 140 Un coup d’éclat dont notre mari sera la victime. 141 Que nous nous remboursions des humiliations qu’on nous a fait subir. 142 Il est toujours dans la maison. 143 F : voulant (« Un estron volant, enveloppé dans une feuille de papier, & jetté par la fenestre. » Antoine Oudin.) Ce jeu puéril semble avoir beaucoup plu aux collégiens : cf. les Sotz escornéz, vers 19-20. 144 « Ne fait-il pas bien le veau eschappé ? » John Palsgrave. 145 Il sort, suivi par le Fol ; mais il n’ose pas s’approcher de sa femme. 146 F : quon (Quel comportement je dois avoir devant elle. « Quel train voulez tenir et faire ? » Les Brus.) 147 F : esperit (Épris = enflammé. « Comme homme fort espris d’amours. » René d’Anjou.) 148 Elle aperçoit son mari travesti, mais ne le reconnaît pas. 149 Quel sodomite. Jeu de mots sur cul. Idem v. 428. « Et la chair qu’on prend par la bouche,/ L’escuyer luy met par le cu. » François Maynard. 150 Habile. Idem v. 518. 151 Les clercs de la Basoche jouaient des farces dans le Palais de la Cité. Leurs meilleurs ennemis étaient les collégiens du Cardinal-Lemoine. Dans Pour le Cry de la Bazoche, le 1er Suppôt de ladite Basoche veut « laisser le feu sainct Anthoine/ Au ladre Cardinal Le Moyne ». Marot disait déjà : « Que du grief feu de sainct Anthoine/ Soit ars [brûlé] le Cardinal Le Moyne,/ Ennemy des Bazochiens ! » 152 C’est un joyeux compagnon. Ou bien, avec une intention ironique : C’est un bon amant. Cf. Ung jeune moyne, vers 184 et note. 153 Un usurier, tant il a l’air riche. Mais aussi, par déduction : un homme qui change de sexe. 154 Martin a fait comme les élégantes qui, pour avoir la taille plus fine, serrent leur corset au point de ne plus pouvoir respirer : cf. le Povre Jouhan, vers 122-5. 155 F : crainte (-oi- rime en -ai-, comme aux vers 409, 420, 534, 535, etc.) Comme le savent encore nos cousins Québécois, un homme de traite est un marchand au long cours. Mais la traite est aussi l’action de tirer : on compare Martin à un cheval de trait. 156 Sa femme doit le tenir par la bride. « Mais quant ils sont mariéz, je les regarde embridéz et abestis mieulx que les aultres. » XV Joyes de Mariage. 157 Saucissonné dans ses vêtements. 158 F : taste 159 Écuyer = sodomite (note 149). « Fait à la haste » recèle un double sens : Habitué à la haste, la broche priapique ; voir le Dictionnaire érotique de Pierre Guiraud. 160 On disait que les chausses des courtisans pauvres étaient trouées aux talons. « Quant la chausse a mauvais talon,/ Il fault avoir des brodequins. » Gautier et Martin. 161 Sorte. La chaleur qui risquerait de leur monter à la tête peut s’évacuer par les chausses trouées, comme aux vers 442-445. Chez les femmes, elle s’évacue par la fente du sexe : Deux hommes et leurs deux femmes, vers 139-145. 162 Les serrent tellement. 163 Leurs bas sont reliés entre eux. 164 Un de leurs morpions. 165 Si chauds. Ce doublon des vers 430-436 est sans doute apocryphe. 166 Bariolés, comme le costume des fous. 167 Mignonnes. Idem vers 360 et 633. 168 Ils ne portent pas les coûteuses chaussures à la poulaine. Mais celles-ci étant démodées, ils portent peut-être les becs-de-cane, qui leur succédèrent : « Quand les hommes se faschèrent de ceste chaussure aiguë qu’on nommoit la “polaine”, l’on fit d’autres souliers qu’on nommoit “à bec de cane”, ayans un bec devant de quatre ou cinq doigts de longueur. » Guillaume Paradin. 169 On rembourrait quelquefois la corne de tissu creuse qui prolongeait les chaussures à la poulaine, réservées aux fous et aux hommes efféminés. 170 F : que 171 F : guerre (Que leur fabrication ne vaut rien.) Le bourrelet du chaperon est creux, et se nomme d’ailleurs le soufflet ; lorsqu’il est trop volumineux, on doit le rembourrer pour qu’il ne se dégonfle pas. 172 Toujours invisible et inaudible, il s’approche des deux femmes. 173 Le soufflet de son chaperon est si large qu’on pourrait poser dessus un chaudron capable de contenir deux seaux d’eau. 174 Les « claque-patins » se font remarquer en mettant sous leurs semelles de liège des semelles en bois qui claquent sur le pavé. Cf. Jéninot qui fist un roy de son chat, vers 247-8 et notes. 175 Plutôt. 176 F : Sans esperons de (Les jeunes gandins désargentés portent des éperons pour faire croire qu’ils ont un cheval.) 177 Racine écrira dans les Plaideurs : « Les témoins sont fort chers, et n’en a pas qui veut. » 178 Si retroussés, pour qu’ils ne traînent pas dans la boue et la poussière. Idem v. 477. « De sa robe cueillie/ L’autre espan[ou]it les plis. » Guy Le Fèvre. 179 Qui choit, qui tombe des chênes. Ils ont peur que les cochons qui déambulent dans les rues de Paris* ne les prennent pour des glands. *Voir la note 103 des Rapporteurs. 180 C’est pour cela qu’ils ont fait faire un ourlet à leur robe. Le bas de la robe s’usait vite, et on en coupait de temps à autre quelques centimètres pour la rajeunir : plus la robe était vieille, plus elle était courte. Les pauvres étaient donc « cours-vestus d’une vieille soie », comme les gorriers dont se moquent Gautier et Martin. 181 F : escoltee (Voir le v. 481. « Tu as robe bien escourtée./ Ne doubte qu’elle soit crotée. » Le Brigant et le Vilain.) Ayant une robe si courte, ils devraient pouvoir sauter plus haut. 182 Elle est pourtant crottée. « Si me fault-il trousser/ Ma robe, qu’el ne soit crottée. » (Saincte-Caquette.) La réplique suivante souligne la crasse volontaire dans laquelle se complaisaient les fils de familles. 183 Chacun d’entre eux porte des vêtements aussi sales qu’un porc. Les jeunes gens à la mode affectaient déjà d’avoir des habits et des cheveux négligés. 184 Sale. 185 En se fiant à ses beaux discours. 186 Il vaut mieux être couvert. 187 Ajourée de fentes qui laissent passer le froid. 188 Il me fait penser à une nouvelle mariée. 189 Gracieusement. 190 Voilà un bon tour. « J’ay pensé bon appointtement. » Farce de Pathelin. 191 Il essaie de faire une révérence, mais son costume trop serré l’en empêche. 192 Ce qui doit être fait en pareil cas. 193 Que je vous laisserai, que je vous quitterai. 194 Puisque j’occupe une fonction si haute. 195 D’autres hommes, pour peu qu’ils soient plus habiles. « Soi-ent » compte pour 2 syllabes, comme au v. 643. 196 Longs et frisés. « Ilz avoient les cheveulx crespeléz [crépus], retorceléz & retortilléz, tout ainsi comme les Allemans les portent jusques aujourd’huy. » Jean Lemaire de Belges. 197 Se dit d’une viande trop dure. 198 Docile. « Ell le rendra doux comme un gand. » Godefroy. 199 Galant. 200 F : playeroit (Il ferait bien la révérence. « Ployez ces genoulz ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 201 F : toucheroit (Le vers précédent est perdu.) 202 Des patins (note 174) en verre. « Il yroit sur patins de voirre,/ Tant marche mignon le pavé. » Les Coppieurs et Lardeurs. 203 F : saincte (Voir le v. 616.) 204 La permission de délacer le corset qui m’étouffe. 205 Il faut vous planter pour que vous reverdissiez. 206 Pour maintenant. C’est en hiver que dut être jouée cette pièce de Carnaval où tous les renversements carnavalesques et toutes les « inversions » s’en donnent à cœur joie. 207 Au printemps prochain. « J’ay ung beau kalendrier de bois/ Pour sçavoir les jours et les mois,/ Le Karesme et le nouveau temps. » Arnoul Gréban. 208 F : ployent (Souple des reins.) 209 Avoir la tête verte = être têtu. « Teste testue, teste vert ! » (Tarabin Tarabas, F 13.) Teste Verte est l’un des Sotz triumphans. Avoir la queue verte = bander. « De la nature des pourreaux, esquelz nous voyons la teste blanche et la queue verde, droicte et vigoureuse. » (Tiers Livre, 28. Rabelais compare les maris aux poireaux, qui sont plantés la tête en bas : voir le v. 556.) 210 F : ne 211 Pour peu que vous soyez bien greffé dans le sol. 212 Ôtez votre robe rapidement. 213 F : enraciene (Avec l’aide des femmes, Martin fait le « poirier », la tête en bas. Beaucoup de comédiens étaient d’authentiques acrobates : voir le Bateleur, ou les Sobres Sotz.) Devenu contre nature, Martin sera planté à l’envers. De même, les enfants d’Antiphysie [de Contre-nature] ont « les pieds en l’air, la teste en bas (…), veu que les cheveulx sont en l’homme comme racines, les jambes comme rameaux. » Rabelais, Quart Livre, 32. 214 De couvrir de terre sa tête. Il y a là un trucage qui nous échappe. Mais on pratiquait des effets spéciaux beaucoup plus complexes : dans nombre de Mystères, le bourreau décapite devant les spectateurs un saint dont la tête, nous dit-on, roule sur le sol ! 215 Quand pourrai-je sortir de terre ? Mais dans les traités de médecine, « découvrir » se dit pour « décalotter ». 216 Jusqu’à ce. 217 F : En (Et serai-je sorti de l’engourdissement hivernal ?) 218 Un perroquet, dont le plumage est vert. 219 Un loqueteux. « Ce n’est c’un loquebault. » Le Trocheur de maris. 220 F : par dieu quiconques ie vueil (Pour peu que je le veuille jamais.) 221 Acquitter. 222 Je vais chercher l’arrosoir (rime en -ure). La commère entre dans la maison du couple. 223 Le sort. 224 F : et la nature (Voir le v. 558.) 225 Elle revient avec un arrosoir. 226 F : queue (Les femmes reprochent au mari d’avoir la tête dure et la queue molle. D’autre part, c’est la racine qu’on arrose, et en l’occurrence, la tête de Martin.) 227 Une raide verge, du latin vena. « Pour aucun des fais de nature,/ J’ay encore une verte vaine. » Ung jeune moyne. 228 Martin ne perçoit pas le double sens : Maintenant que mon vagin est labouré par d’autres que vous. « On labourera bien sa terre…./ Faictes labourer vostre terre ! » Raoullet Ployart. 229 F : porres (La porée est un potage aux poireaux, de couleur verte. Cette pièce est résolument placée sous le signe du poireau et sous la couleur verte.) 230 La verdeur sexuelle des amants est aujourd’hui très recherchée. 231 Depuis que les maris restent de bois, n’ont plus d’érection. 232 Rime avec le « vais » du vers précédent, comme « bourrelets » rime avec « laids » à 453. 233 Ils sont exposés au gel. Mais aussi : Ils seront mous comme du poulet en gelée. 234 Le compilateur qui a greffé ce personnage à la seconde farce, prenant même la peine d’écrire son rôle en rimes mnémoniques pour soulager la mémoire des autres acteurs, vient de l’oublier pendant 159 vers ! 235 Éteinte, comme une chandelle qu’on a mouchée. « Queu-e » compte pour 2 syllabes, comme aux vers 550, 636 et 639. 236 Qu’on leur a fait couver des œufs, tels des Sots. 237 F : dauantaige (De paille, comme le nid des poules.) « Pailler des arbres, des figuiers : les envelopper de paille pour les protéger contre la gelée. » Littré. 238 Sont couverts de terre, plantés : voir les vers 564 et 569. 239 F : decherront (Deviendront secs, impuissants. Voir le v. 664.) 240 À vous faire moins souvent l’amour. 241 À la rosée, à l’aube. 242 Ce sont des lieux où l’on peut « consommer » sur place, comme les bosquets du vers 657. « Te donna-il pas quatre souz/ Pour te le faire dans les choulx/ Qui estoient en vostre jardin ? » Le Mince de quaire. 243 Comme des buissons épineux. 244 F : vos (La « chose » désigne la verge. « Dieu luy doinct chose qui se dresse ! » Frère Phillebert.) 245 Le coït. « Pour faire la chose joyeuse. » ATILF. 246 Et pour cela, tenez-vous jolies. 247 Les lacets qui ferment ma braguette. 248 Je vais rejoindre mon amant dans un bosquet. 249 Le dos de ma cotte sera maculé par l’herbe verte sur laquelle mon amant va me coucher. Cf. le Résolu, vers 249 et note. 250 Enlevée. Mais on peut comprendre : Gardez-vous d’être amblée [chevauchée]. Le Sot du Povre Jouhan, qui a tant de rapports avec celui-ci, fait le même calembour dans une circonstance analogue : « Je croy qu’elle a esté emblée. » 251 Je m’en moque comme d’une pièce d’un centime. 252 Impuissant, dépourvu de sperme. Idem v. 641. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 330. 253 Elles m’ont pris à mon propre piège. 254 Toutes les danses symbolisaient le coït. « Luxure, accolle-moy, ma seur :/ Si dancerons le pirtouy. » Moralité du Lymon et de la Terre, T 19. 255 F : ou (O = avec. Cf. les Esbahis, vers 215.) Martin se remet sur ses pieds.
LA FOLIE DES GORRIERS
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LA FOLIE
DES GORRIERS
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Cette sottie moralisée fut écrite en Normandie vers 1470. Le gorrier, pain bénit des satiristes, est un provocateur qui adopte les extravagances vestimentaires les plus inconfortables pour se faire remarquer. La pièce place les gorriers sous l’emprise de Folie, un personnage allégorique inhérent aux sotties.
Source : Bibliothèque nationale de France, manuscrit Rothschild 3007, fin XVe siècle. Le copiste semble être lui-même sous l’emprise de Folie : 1> Il transcrit le pluriel « ils » par « il ». 2> Ses verbes ne font pas leur pluriel en -ent mais en -et (« il se premenet » = ils se promènent). 3> Il ajoute un « s » à la fin de mots au singulier (leurs chasteté, leurs vie), et un « e » à la fin d’adjectifs masculins ou de gérondifs (je ne prendrai pas la peine de relever ces manies dans les variantes). 4> Non content d’ajouter une multitude de lettres superflues, il omet des lettres essentielles, des mots, et même des vers. 5> Il note -ent au lieu de -ant, et vice versa. 6> Il ne copie pas les refrains des triolets. 7> Il écrit « quent » au lieu de « quand », mais pas partout. 8> Il insère souvent les didascalies après coup, en pattes de mouches, et quelquefois dans la marge, à côté de vers qui n’ont aucun rapport avec elles. Saluons l’édition qu’Émile Picot donna de ce manuscrit peu commode dans son Recueil général des sotties (tome I, 1902, pp. 137-175), et regrettons qu’il ne lui ait consacré que treize notes. Je lui emprunte un certain nombre de corrections, tout en corrigeant les fautes de lectures qu’il a laissé passer. Je publie sous la pièce une cochonnerie inédite provenant du même manuscrit.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 2 triolets, 5 rondeaux, 5 quatrains à refrain, et une péroraison en huitains abaabbcc.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle nommée
la Folie des Gorriers
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À .IIII. personnaiges :
LES [DEUX] GORRIERS
et FOLIE
et LE FOL
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LE PREMIER GORRIER 1 SCÈNE I
Bastard2 !
[LE] SECOND [GORRIER]
Barbier !
LE PREMIER 3
Où sont ces paiges ?
Se je metz la main sur leur[s] teste[s]4,
Je croy…
LE SECOND
Par ma foy ! aux villaiges5.
[ LE PREMIER
Bastard !
LE SECOND
Barbier !
LE PREMIER
Où sont ces paiges ?
LE SECOND ]
5 Pour quérir poulles et formaiges6,
Et du foing7 pour passer ces festes.
LE PREMIER
[ Bastard !
LE SECOND
Barbier !
LE PREMIER
Où sont ces paiges ?
LE SECOND
Se je metz la main sur leurs testes…
LE PREMIER ]
Cuydent-il que nous s[o]yons bestes ?
FOLIE 8
10 (On les puist mener au gibet
S’il ont9 ny paige ny varlet !)
LE SECOND
Que ditz-tu, compaignon de guerre ?
Comment te va ?
LE PREMIER
Non guyères10 bien.
LE SECOND
Pourquoy ?
LE PREMIER
Une pièce de terre
15 [Du my]en11 ay vandue.
LE SECOND
Et combien ?
LE PREMIER
N’am parlons plus.
LE SECOND
Et moy le myen12,
Tant qu[e j’]en suis au pain quérant13.
FOLIE
(Et ! il ont ung estronc de chien !
Oncques n’eurent ung blanc14 vaillant.)
LE SECOND
20 Le mestier est mal acquérant15 ;
Trouver nous fault aultre practique.
LE PREMIER
Par mon serment, j’en suis contant !
Ne m’en chault à quoy je m’aplicque,
Se ne16 fait-il mal.
LE SECOND
D’une picque
25 On me bailla ung tel soufflet
Sur le chief, pour le Bien publicque17 !
FOLIE
(Et ! on fit son sanglant gibet !)
LE PREMIER
Trouvé me suis, chascun le scet,
En mainte course18 et dur assault.
LE SECOND
30 J’ay mys mon chief sans bassinet19
En lieu qu’ung20 aultre, tant soit cault,
N’oseroit.
LE PREMIER
Ung gendarme vault,
Qui21 a sens avecques vaillance.
FOLIE
(Par le Dieu qui ne ment ne fault22 !
35 Il ne portèrent oncques lence.)
LE SECOND
J’ay vandu toute ma chevence23
Affin de myeux m’entretenir.
LE PREMIER
J’eusse trouvé bonne allience,
Maiz aultre n’ay volu tenir24.
LE SECOND
40 J’ay tué.
LE PREMIER
J’ay fait convenir25,
Dont m’en reppens.
FOLIE
(Quel coquinaille !
Argent26 bien peult le[s] retenir,
Et pour leur esta[t], la poullaille27.)
LE SECOND
Et ! que veulx-tu ?
LE PREMIER
Tant de merdaille28
45 Appointés comme chevalliers,
Et les vaillans qui n’ont pas maille29
Recullés comme lanterniers30 !
LE SECOND
Brief, il nous fault estre gorriers,
Se nous voulons plus hault mo[n]ster.
FOLIE
50 (Qui auro[i]t beaucop de deniers,
C’est grand plaisir de les conter31.)
LE PREMIER
De quelc’un nous fault acointer,
Par qui nous puissions valloir mieulx.
LE SECOND
Se bien nous voulons appointer32,
55 Devenir nous fault amoureux.
LE PREMIER
Je feroye bien du gracieux.
Maiz où nous pourrons-nous percher ?
LE SECOND
À Paris33 a de plaisans lieux,
Qui bien les [y] sauroit sercher34.
Folie se premaine.35
LE PREMIER
60 Je voy là ne sçay qui marcher :
Assez souffisante est36 darrière,
Et a couraige37.
LE SECOND
Au remarcher38,
Je cuyde qu’elle soit gorrière.
LE PREMIER
Quant je regarde sa manière,
65 Elle me plaist. Allons vers elle !
LE SECOND
Allons !
.
LE PREMIER SCÈNE II
Dieu vous gard, damoiselle !
FOLIE
Et vous aussi !
LE SECOND
Vous estes celle
Qui a mys mon cueur en ses las39.
LE PREMIER
Dame, vostre suis, hault et bas.
70 Commandez, vous serez servie40.
FOLIE
Messeigneurs, de ce vous mercye.
Comment estes-vous cy41 venus ?
LE SECOND
Deux pouvres sommes desprovus42
Compaignons pour servir le Roy,
75 Où tout avons perdu. Maiz quoy !
Encore avons-nous quelque drame43.
FOLIE
Je vous entens. Dea ! je suis femme
De plusieurs prisée et chér[i]e.
LE PREMIER
Plaise-vous44 donc estre m’amye,
80 Car de vostre amour suis surpris.
FOLIE
De bien grans en onst esté pris,
[Tant chevalliers que gros marchans.]45
LE SECOND
Maiz commant vinttes-vous céans
Seulète ? Y av’ous46 congnoissance ?
FOLIE
85 Pource que j’ayme ma plaisance,
Je vois47, je vie[n]s, je m’abba[n]donne
À celluy qui s’amour me donne.
Et où me plaist, soit pluye ou vent,
Je m(e) arreste le plus souvent :
90 Car je suis libéralle et franche.
LE PREMIER
Et où vous tenez-vous ?
FOLIE
En France48,
En Flandre[s] et en Picardie,
En Anglecterre, en Normendie,
À Romme, Ytalie et Espaigne,
95 Où je veul, et en Allemaigne.
Et si, suis partout dominans.
LE SECOND
Et en quelz maisons ?
FOLIE
Au[x] plus grans :
Ès cours des princes et seigneurs.
Et avec(ques) les dissimulleurs49
100 [Suis] bien souvent, en plusieurs cas,
Combien qu’il ne le cuydent pas :
Car souvent, soubz fainte loquence50,
Revestent51 l’abbit de Prudence ;
Maiz leurs ditz et leurs faiz sont pris
105 En la cresme de mes escrips52.
Et suis souvent, à leurs requestes,
Soubz leurs chapperons, dans53 leurs testes.
Entre chappeaux, crosses et mistres54
Me trouverez en ces chappistres55,
110 En faisant les élections :
Car j’en fay les conclusions.
Et entre les estudïens,
Et avec(ques) les .IIII. Mandiens56.
Et bien souvent vous me verrez
115 Dessoubz les chapperons fourréz57.
Puis m’entreboute58, que[nt] je veulx,
En la teste et59 dans les cheveulx
Des femmes, ainsi qu’en60 vobis ;
Et leur faitz porter telz habitz
120 Que je vueil, don[t] on [les suspecte]61
Qu’ilz font leur chasteté suspecte.
Et quent je me metz en leur teste,
Oncques ne fut telle tempeste !
Puis me mesle d’astrologie.
125 Quant je suis avec Theologie62,
Avec les sept Ars libéraux,
Le feu de63 quatre mareschaux
N’en approche point de challeur64.
Brief, il n’y a si grand seigneur
130 Qui bien ne me veulle65 accointer
Pour ung66 aultre désapointer,
Car itelle67 est ma destinée.
LE PREMIER
Et dont68 estes-vous ?
FOLIE
Je fuz née
Au fons de Paradis terrestre69.
LE SECOND
135 Ce que dictes ne pourroit estre :
Vous n’avez pas .XXV. ans.
FOLIE
J’en ay plus de six mil [cinq cens]70 :
Je suis celle, pour toute somme,
Par qui Adan menga la pomme.
140 Je fiz71 faire la tour Babel,
[Et] aux lions bailler Daniel72 ;
Mectre Virgille en la corbeille73,
Sallomon « chevaucher sans selle74 » ;
Par Dalida, [en traïzon]75,
145 Copper les cheveux de Sanxon ;
En Égipte, par Tholomée76,
Coupper la teste de Pompée.
Hélaine à77 Pâris fitz ravir,
Et Lucresse78 [je] fitz morir.
150 J’ay fait vandre des béneffices
Pour venir pourchasser79 offices.
Plusieurs [se tiennent à saigesse]80,
Maiz la fin en sera mestresse.
[Quant] je me treuve en divers lieux,
155 Je faiz dancer81 les amoreux,
Et despandre82 dans ung esté
Ce qu’en travail ont aquesté
Leurs parens ou83 temps de leur vie.
Chascun de m’avoir a envye ;
160 D’avoir fous [et so]tz il me chault.
LE PREMIER
Vous estes tout ce qu’il nous fault.
Qu’en ditz-tu ?
LE SECOND
C’est bien mon advys.
FOLIE
Quant je vueil, je m’espannoÿs84
Ès cueurs qui sont de moy navrés85.
LE PREMIER
165 Comme avez non86 ?
FOLIE
Vous le sçaurez
Avent que départez de moy.
Maiz à mon adviz, comme je croy,
À mon habit et à mon renom
Povez bien congnoistre mon nom.
170 Lisez-le, je l’ay fait escripre.
« Folie » est en escript sur sa manche.
LE SECOND
Or brief, nous ne le sçaurions lire,
Car ce sont sauvaiges escrips87.
FOLIE
Vous ne sçavez dont qui je suis ?
Pour vostre auctorité acroistre,
175 Faictes bien de me mescongnoistre ;
Vous y serez à temps assez.
Or çà ! qu’en dictes-vous ?
Nota qu’il la regardent souvent, et dient :
LE PREMIER
Pansez
[Que] vous estes mon espérance.
Fleur de beaulté, ma seulle soufissance 88,
180 Souffisante sur toutes les viventes,
Vivant soulas 89 au millieu des plaisantes :
Plaisir me croist 90 quen[t] vous voy, sans doubtance.
Doubte 91 n’ay point, tant ay grande fience,
Fïent de vous 92 où j’ay my[s] mes actentes,
185 Fleur de beauté.
La peur que j’ay, c’est qu’envers vous offence 93 :
Offensses 94, las, ce sont choses dolentes.
Do(u)lent seroit mon cueur en toutes sentes ;
Sentez-le 95 brief morir de desplaisance,
190 Fleur [de beaulté] 96.
LE SECOND
Lustre lustrant 97, excellant, magniffique,
Magniffiant cristalline coulleur,
Couleur luysant : octroyez-moy faveur,
Favorisant ma requeste autentique.
195 Autentiquez 98 la douleur qui me picque :
Piquez mon cueur par vostre grand doulceur,
Lustre [lustrant].
Califfiez ce que je prenostique 99,
Prenostiquez 100 par ardente ferveur,
200 [Fervente flamme et amoureuse ardeur !]101
Ardez 102 mon cueur en vostre réthorique,
Lustre [lustrant] !
FOLIE
Vrays amoreux 103, venez-moy acoller !
Collez 104 celle qui vous donnera bruyt.
205 Bruyez 105 partout : personne ne vous nuyt.
Nuysans ne peulve[n]t mon vouloir désoler 106.
Désoléz puis-je bien [à poinct] consoler ;
Co[n]solez-vous et de jour et de nuyt,
Vrays [amoreux].
210 Je faitz rire quent on devroit plourer ;
Pleurer ne fault 107 contre ce qui me duyt.
Duyt[e] façon mon esperit conduyt ;
Conduyre veulx voz faitz sans vïoler 108,
Vrays [amoreux].
LE PREMIER
215 Ung chascun doit bien carculler109
Le droit chemin où il veult tandre.
LE SECOND
Madame, vous devez entendre
Que nous sommes deslibéréz
De faire ce que vous vouldrez,
220 Et vous octroyons par accords
Foy, loyaulté, mambres et corps :
À vous servir sommes entiers.
FOLIE
Il vous fauldroit estre gorriers.
Car en habis où je vous voy,
225 Vous n’aurez point le cueur de moy
– Combien que soubz h[u]mble[s] habitz
Souventesfoys je me chevys110
Aussi bien que soubz grans estatz111.
Et pource, ostez tous ces fatras !
230 Despoullez-vous ! Pour rabiller,
D’aultres habitz vous veux ba[i]ller
À la fasson de gorerie112.
Et affin que la gorre113 rie
[Et que soyez dimanchereaulx,]114
235 Vestez-moy ces habitz nouveaulx
Que j’ay pris à la frapperie115.
Lors se despoullent 116, et prenent
de[s] robes aux manches larges.
LE PREMIER
Voycy une117 grand trainnerie !
Me fauldra-il cecy trainner ?
LE SECOND
Quelz grans manches118 !
LE PREMIER
Quel rêverie !
LE SECOND
240 Porter cecy ?
LE PREMIER
C’est pour desver119 !
FOLIE
Mai[n]s les portent120 pour eulx parer.
LE PREMIER
Je ne sçay pas à quel propos.
FOLIE
C’est la façon121, à brief parler.
LE SECOND
Corps bieu, ce sont habitz de Folz !
LE PREMIER
245 L’on voit, par-darrière, noz colz122.
[ LE SECOND
Et ! pour sembler gorriers plus nouveaulx,123
Fault-il vestir telz paletotz124 ? ]
FOLIE
Il sont bons. Bien furent plus beaux
Que les vielz. Gorriers [vielz manteaulx]125
250 Changère[n]t, par leur grand prudence.
Et puis affublez ces chappeaulx.
Ils pren[n]e[n]t des chappeaux [deschiquetés 126].
Or estes-vous gens d’apparence.
LE PREMIER
Madame, à vous avons fience.
FOLLIE
Chaussez127 ces soulliers pour galler.
Elle leur baille des soulliers larges 128.
LE SECOND
255 Ces soulliers, en ma conscience,
Il me garderont [bien] d’aller129 !
FOLIE
Si fault-il le temps esgaller130,
Et marcher couraigeusemant.
Et laissez mesdisans parler :
260 Pour eux, n’en aura autrement.
Vivez orez gorrièremant. 131
Quand est132 de vostre habillement,
Les robes porterez mal faictes,
Tant que semblerez proprement
265 Estre personnes contrefaictes :
Faictes-vous bossus, si ne l’estes.
Grans manches plus que Cordelliers133,
Chappeaux de travers et cornette[s],
Bonnet sur l’ueil134, larges so[u]lliers.
270 Soyez, en voz faiz, singulliers135,
Et comme les princes vestus ;
Et – fussiez filz de charpentiers –
Fier[s], orguilleux, folz et testuz.
Dictes que vous avez escus
275 Là où vous estes empreunteurs.
Et au lieu de toute[s] vertuz,
Soyez mesdisans et flacteurs136.
Mes amoureux, mectez voz cueurs
D’acomplir mes [communs esdiz]137 !
LE PREMIER
280 Comme voz loyaulx serviteurs.
Nulz d’eux n’en seront escondiz138.
LE SECOND
Madame, mes faiz et mes ditz
Sont avec vostre pancemant139.
LE PREMIER
Ne plaise à Dieu de paradis
285 Que nous gouvernons140 aultremant !
FOLIE
Vivez ores gorrièrement.
Que vous fault-il plus ?
LE SECOND
Plus qu’assez.
FOLIE
Et quoy ?
LE PREMIER
Argent, premièrement.
[ FOLIE
Vivez ores gorrièrement. ]
LE SECOND
290 C’est le principal fondement.
FOLIE
Vandez.
LE PREMIER
Et quoy ?
FOLIE
Des biens amassés.
[ Vivez ores gorrièrement.
Que vous fault-il plus ? ]
LE SECOND
[Plus qu’assez141 :]
Et où pris ?
FOLIE
Ceulx des trespasséz142.
LE PREMIER
295 Par ma foy ! ceulx-là sont passéz.
FOLIE
De ceulx donc(ques) de voz pancïons143.
LE SECOND
Ce sont toutes abusions ;
On ne nous sçauroit rien oster144.
Et si, nous fault provisions
300 De chevaulx pour nous [bien] monster145,
Chaînes d’or146 pour nous acoustrer,
Robes quent les nostres fauldront147,
Noz soulliers fère carreller148
(Car tantost149, guyère ne vauldront).
FOLIE
305 Quant ces choses vous assauldront150,
Pour survenir à vostre affaire,
Empruntez.
LE PREMIER
Dea ! mais qui seront
Ceulx qui ainsi le vouldront fère ?
LE SECOND
Cuydez-vous qu’on nous veulle croire151 ?
FOLIE
310 [Vous] croire ? Et pourquoy ne feront ?
LE PREMIER
Nostre fait, qui est voluntaire152,
Et noz habictz l’ampescheront.
LE SECOND
Bien y a pis : il s’en riront.
LE PREMIER
Or prenons que l’on le nous preste ;
315 Et ! ceulx qui le nous presteront,
En fin, estre payé[z] vouldront.
Où153 pris ?
FOLIE
Vous vous rompez la teste :
La belle quinquenelle154 honneste !
Et si s’en veulle[n]t [plus] desbatre,
320 Si les menassez de [les] batre.
LE SECOND
Il n’y a deux, ny troys, ny quatre.
Point ne nous y fault varier155.
LE PREMIER
À telz jeux ne se fault esbatre :
Il nous contraindront de payer.
FOLIE
325 Il leur fault le débet156 nyer.
LE SECOND
Tel(le)s excusas[s]ïons sont lourdes.
LE PREMIER
Quel remède ?
FOLIE
Après leur crier157,
Payez-les.
LE SECOND
Et de quoy ?
FOLIE
De bourdes158.
LE PREMIER
Bourdes ? C’est affaire à gens sourdes.
330 Maiz cuydez-vous qu’on nous en croye ?
FOLIE
Ouÿ, car c’est bonne monnoye159.
Car mains160, par bourdes, on[t] esté,
Sans sçavoir161, en auctorité,
Les petiz mis en grans estas,
335 Et les grans, du tout mys au162 bas
De maintes diverses personnes.
LE SECOND
Je croy que bourdes sont donc(ques) bonnes.
FOLIE
[Pour monster, mes très chiers anffans,]163
Accoinctez-vous tousjours des grans :
340 Grans, en bref temps, font sans actendre
Pouvres monster, riches descendre.
Et si, font (tel en est l’usaige)
Le saige fol, et le fol saige.
Et qui pis est, le plus souvent,
345 Baille[n]t bourdes en payement164.
LE PREMIER
Enseignez-nous donc par quel guise165,
Soit en cherges166 ou en Esglise,
Pouvons avoir gouvernement167.
FOLIE
Baillez bourdes en payement.
LE PREMIER
350 S’amoreux devenir voulloye
D’aultre que vous (je ne vouldroye !),
Quel remède ? Point n’ay d’argent168.
FOLIE
Baillez bourdes en payement.
LE SECOND
Je doy, et d’argent n’ay-je point.
355 De contrainctes169 chascun me point
Jusques à emprisonnement.
FOLIE
Baillez bourdes en payement.
LE PREMIER
Quel remède à ces advocas ?
Car, quent il ont broullé ung cas170,
360 Payer on ne le[s] scet comment.
FOLIE
Baillez bourdes en payement.
LE SECOND
Ho, madame, vous vous abusez,
Car advocatz sont si rusés !
Et d[r]ames171 ont à prandre apris.
FOLIE
365 Le plus [rouge y est]172 souvent pris ;
Car, quent bourdes sont autentiques,
Les empruncteurs devien[n]ent quictes,
Et ceulx qui prestent173, indigens.
LE PREMIER
De bailler bourdes, dilligens
370 Serons ; de ce, ne doubtez point.
Mais il y a ung aultre point :
S’on nous voulloit bourdes bailler,
Quel remède ?
FOLIE
Le[s] rabiller174.
LE SECOND
[Dea !] maiz commant ?
FOLIE
En babillant175.
LE PREMIER
375 On voit souvant homme baillant
Qui n’est pas reppeu176 de bailler.
FOLIE
Brief, si vous voullez travailler177,
Vous aurez plus que ne vous voy178.
Mes très chiers anffens, quant vous voy,
380 Mon estommac, sans divertir179,
Est ouvert pour vous englotir,
Tant aprochez de ma nature180.
LE PREMIER GORRIER
Nostre esperit tousjours procure181
À toutes fins de vous complaire.
FOLIE
385 Ainsi le devez-vous bien faire :
Car celle suis par qui serez
(Selon que vous me servirez)
Grans ou petiz, pouvres ou riches.
Mes dons ne sont eschars182 ny chiches ;
390 Ne serviteurs habandonnéz,
Qui se seront à moy donnéz,
Comme vous, lesqueulx183 j’ay receux.
Et vous, comme les bien écheux184,
Avez promis de me servir.
395 N’avez pas ?
LE SECOND
Jusques au morir !
LE PREMIER
D’en doubter seroit grand simplesse.
FOLIE
Trouvé avez bonne maistresse.
Maiz je vous ay encore à dire185.
Soyez tousjours prestz de mesdire,
400 Et notez ceste auctorité :
Qui vivre veult en grand prospérité
Se doit garder de dire vérité,
Promectre assez, et du tout, rien tenir 186.
Par mesdire se doit entretenir
405 Selon le temps et l’oportunité,
Mordre en riant 187 par grand subtilité ;
Là où il verra avoir gratuïté 188,
Pour son proffit, chascun entretenir,
Qui [vivre veult]189.
410 Flater les grans par importunité,
Complaire à ceulx qui ont auctorité,
Ne payer riens et l’aultruy 190 retenir
Font les meschans aux grans estas venir,
Soubz le dangier d’estre décapité 191,
415 Qui [vivre veult].
LE SECOND
Se nous avons habilité192,
Nous serons souverains ouvriers.
Il se premène[n]t.193
.
FOLIE SCÈNE III
Regardez marcher mes gorriers
Aux larges manches, grans souliers,
420 Parrucque d’estrange poil faicte 194,
Mais 195 – n’esse pas bonne sournète ? –
Pouvrement pourveu[s] de deniers.
C’est l’espargne des cousturiers 196.
Leur reffuge e[s]t aux taverniers,
425 Et à l’ospitail leur retraite 197.
Regardez !
D’empreunter souverains ouvriers 198,
De randre mauvèz coustumiers 199 ;
Gens expers 200 pour fère une amplecte
430 En une botique replecte 201
De tous les dix[-et-]sept mestiers 202.
Regardez !
*
LE PREMIER 203 SCÈNE IV
Je me regarde204 voluntiers,
Hault et bas et en tous endroys.
LE SECOND
435 Plus regarde, et moins me congnoys :
Je ne suis plus moy, si me semble.
LE PREMIER
Je ne sçay [à qui]205 je [res]semble ;
Je ne suis point.
LE SECOND
Et ! qui206 peust-ce estre ?
LE PREMIER
Je ne suis ne varlet ne maistre,
440 Et ne sçay se je suis ou non207.
LE SECOND
Se ne suis-je pas.
LE PREMIER
Ce ne suis-je mon208.
Point ne suis moy, certainement.
LE SECOND
Maiz qu’en ditz-tu, par ton serment ?
Suis-je ?
LE PREMIER
Tu es. Et moy non, rien.
LE SECOND
445 Par sainct Jacques ! je te voy bien :
Tu es toy. Et moy, riens quelzconques.
LE PREMIER
Et qu’es-tu donc ?
LE SECOND
Je ne fuz oncques.
LE PREMIER
Tu n’ez ? Tu es, je le congnois !
Et moy, non.
LE SECOND
Tu te mescongnoys :
450 Tu as esté, et si, seras.
Non pas moy.
LE PREMIER
Tu en mantiras209,
Je le voy bien, car tu es toy.
Et congnoys210 que ne suis pas moy.
LE SECOND
Je suis moins que toy la moitié.
LE PREMIER
455 Hélas, tu me faitz grand pitié !
Je croy que tu es insensé :
Je te voy bien.
LE SECOND
C’est bien avancé !
Tu resves, tu es tourmenté.
LE PREMIER
Non suis. Et si, n’ay point esté :
460 Se j’avoye esté, je seroye,
Comme quent j’ay esté, j’estoye.
Maiz on te congnoît à tes faitz.
LE SECOND
Par ma foy ! je ne fuz jamaiz.
Maiz tu es toy, aussi craché
465 Comme qui t(e) auroit arraché
D’ung mur211. Tu es, et [si], seras :
Je te congnoys.
LE PREMIER
À quoy ?
LE SECOND
Au bras,
Au nez, au visaige et aux mains.
LE PREMIER
Dea ! tu es toy, ny plus ny moins212.
470 Maiz moy, c’est aultre personnaige.
LE SECOND
Je te congnoys bien au visaige.
Maiz moy, je ne me congnoys pas213.
LE PREMIER
Non faiz-je pas, moy.
.
FOLIE SCÈNE V
Parlez bas :
Avant que partez de mes mains,
475 Vous vous congnoistrez ancor(e) moins,
Car je vous ayme et je214 vous prise.
Quant vous verrez la nappe mise,
Entretenez-vous par falaces215 ;
Mais n’en parlez jusqu(es) après grâces216.
480 Et pour entretenir les folz,
Accordez-leur tous leurs propos217.
Et si vous faictes ne sçay quoy
De mal, dictes qu’estes à moy
Et que je le vous ay fait faire.
LE PREMIER
485 Madame, [l’on] vous vouldroit plaire :
Or, nous desclarez218 vostre nom,
Nous vous en prion.
FOLIE
J’ay renon
Entre toutes gens et partout.
Vous ne sçariez jamais le bout
490 De mon sens et ma renommée.
LE SECOND
Maiz commant estes-vous nommée ?
Nous avons, le temps de noz vies,
Voz ordonnances accomplies ;
Et si219, ne sçavons qui vous estes.
FOLIE
495 Vous vivez doncques comme bestes ?
J’ay tousjours avec vous esté :
[Aus]si, vous avez conquesté
Des biens, de l’onneur et du pris.
Ne me tenez point à despris220,
500 Car de221 plus grans souvent me prisent.
D’aultres [y a]222 qui me desprisent,
Maiz je ne m’en soucie point.
LE PREMIER
Plaise-vous ent[end]re ce point223,
Dame, et vostre nom déclarer.
LE SECOND
505 Volu vous avons repa[i]rer224
Et obéyr, comme sçavez,
Sans sçavoir vostre225 nom.
FOLIE
Lisez !
Folie monstre l’escripture.
Mon nom verrez, et ma science.
LE PREMIER
Nous ne sçaurions.
FOLIE
Oultrecuidance226,
510 Mon filz, l’a escript de sa main,
– Qui est bien notable escripvain –,
D’une227 des pleumes de folie.
LE SECOND
Et ! pour Dieu, vostre non !
FOLIE
Folie,
Puisque sçavoir [vous] le voullez.
LE PREMIER
515 Madame, vous vous rigollez
De nous ? Pour Dieu, ne vous desplaise !
LE SECOND
Nous sommes en si grand malaise
De sçavoir qui servy avons
Que riens plus sçavoir ne volons228.
520 J’en languys229.
LE PREMIER
Aussi fai-ge, moy.
FOLIE
Je suis Folie, par ma foy !
LE SECOND, admirando.230
Folie ?
LE PREMIER
Bien nous faictes paistre !
FOLIE
Folie suis et le veux estre.
Je le seray et [l’]ay esté231.
LE SECOND
525 Folie ?
LE PREMIER
Bénédicité !
LE SECOND
Vécy bien grand mélencolie232 !
Mais qui nous gouverna233 ?
FOLIE
Folie.
LE PREMIER
Nous le devons ainsi entendre.
LE SECOND
Je ne le sçauroye comprandre.
530 Nous avons heu tant de faveurs
Entre prélatz et grans seigneurs !
Mais dont vient ceste resverie ?
FOLIE
De moy.
LE PREMIER
Pourquoy ?
FOLIE
Je suis Folie.
LE PREMIER
Nous avons heu de grans offices ;
535 Et tous noz parens, béneffices.
De rien234, venu[s] en seigneurie,
Qui en fut cause235 ?
FOLIE
Qui ? Folie.
Car Folie vous entretaint ;
À tort, à droit, la main vous tint236
540 En parfaicte gaudisserie237.
LE SECOND
Quel en sera la fin ?
FOLIE
Folie.
LE PREMIER
Elle le dit, et le fault croire.
LE SECOND, a[d]mirando.
[Quoy !] Folie ?
LE PREMIER
Il est tout notoire238 :
Elle nous a ainssi menéz.
LE SECOND
545 Nous a Folie gouvernéz ?
FOLIE
Ouÿ dea ! Et par mon moyen
Avez, là où vous n’eussiez rien :
Car pas n’avez capacité
D’avoir, par sens239, auctorité.
550 Folie suis, n’y pancez plus.
LE PREMIER
Quel remède ?
LE SECOND
Il en est conclus240.
LE PREMIER
Dea ! il y a folie[s] maintes :
Folie[s] plaisantes et faintes241.
LE SECOND
Tout procède de la cervelle.
FOLIE
555 Je suis Folie naturelle,
Plaisant242 Folie lunatique,
Folie en folie autentique.
N’an ayez plus [tant] de mésaise,
Car plus grans (ne vous en desplaise)
560 Que vous ont eu, par mon service,
Et prélature et bénéfice,
Et mariage en grans maisons.
LE PREMIER
Elle dit de grandes raisons,
Mais je ne m’en puis contenter.
565 Car chascun se pourra vanter
– Et dira vray, je vous affie –
Que nous avons heu par Folie
Estatz, biens, honneurs et chevence.
Ce nous est une grand243 meschance ;
570 Je ne me puis point trop douloir244.
FOLIE ostera ce qu’elle aura sur la teste, et aura ung
bonnet où il y aura des oreilles et des cornes 245. Et dit :
Puisque vous voulez tant sçavoir
De moy, et don[t] je suis venue,
Regardez-moy. Je suis cornue ;
Et si, suis Foll[i]e cornarde,
575 Cornant, cavilleuse, coquarde246,
Coquillarde, coquillonn[é]e247,
Arrogante, désordonn[é]e,
Aux folz plaisant[e] et desplaisante,
Mordant248, malureuse, cuisante,
580 Mesdisant, de tous vices plaine,
Troubl[é]e249, faulce et inhumaine,
Trist[ress]e250, ingnorante, perverse,
Rude, cautelleuse, diverse,
Rigoureuse, rétrogradant251,
585 [De mes yeux desloyaulx dardant]
De[s] regars félon[s], sans accors252,
Mère et nourrisse de Discors,
Discordant en tous [les] passaige[s],
Passant253 partout plaine d’oubtraiges,
590 Oultraigeuse en toute maison,
Maisonnière254 contre raison,
Résonnaible en255 faiz détestables,
Détestant les chose[s] estables256,
[Estant de veulle voulenté]257,
595 Voulant avoir auctorité,
Auctorisant toutes frivolles,
Frivolant en toutes escolles,
Escollière de toute manterie,
Manterres[s]e par flacterie,
600 Flactant pour cuyder myeulx valloir,
[Vallant vostre]258 petit pouvoir,
[Pouvant anuler]259 contrediz,
Contredisant commun[s] esdiz,
Édiffiant par artiffice,
605 Artifficiant260 en mallice,
Et, pour toute conclusion,
Toute plaine d’abusion.
C’est ma261 commune renommée.
J’ay mainte maison gouvernée,
610 Et plusieurs folz hommes conduitz.
Et pour ce, se je vous ay duitz262
Selon la règle de ce temps,
N’en devez estre mal contens :
Car vous en serez, pour tous lotz,
615 En la fin, réputéz pour folz.
Et ayez de moy souvenance !
*
LE FOL 263 SCÈNE VI
Somme toute, de la plaisance
Qu’on advoit [à] ce compte264 prise,
En ce compris l’o[u]trecuidance
620 Et la glorieuse arrogance
Qui est dedans leurs teste[s]265 mise ;
Aus[s]i ce que chascun se prise
[Cinq cens]266 frans deux solz justement ;
En ostant les [sols instament]267,
625 [Et] au regard de la despance
Du conte268 bien examinée,
De regretz et de desplaisance
Par faulte de dame Finence,
Avec expérance finée269
630 En plaine audience affinée ;
Cinq cens frans, se bien le notez,
Quant les frans270 en seront ostéz,
Ainsi compté [et] rabatu,
Et veu mandemens et acquitz,
635 Et le compte bien débatu
Et en plain barreau271 conbatu,
Tellement qu’on ne sçaura pis,
Avaluéz tous lez respis272,
Autant les petiz que les gros :
640 Brief, il ne reste que deux solz273 !
.
EXPLICIT
*
.
Le manuscrit propose ensuite une Bergerie de 10 sixains pentasyllabiques, généralement qualifiée de « fort ordurière », si bien que nul n’avait encore osé la publier. Sous le titre Pour une bergerie, les vers 37-42 ont été inclus abusivement dans certains manuscrits des Dictz moraulx pour faire tapisserie, d’Henri Baude. Le plus curieux c’est qu’au XVIe siècle, pour compléter le présent manuscrit, on a fait suivre notre Bergerie par un quatrain proverbial illustré, à la manière des Dictz moraulx de Baude. Voici ce quatrain :
Quant jeune fuz, en médisant de toutes,
[D’aucun encore]274 esté priée n’avoye.
Vielle275 devins ; maiz ainsi que filloye,
Le feu se print, fillant, en mes estouppes276.
Cette bergerie, contrairement à d’autres277, n’est pas une œuvre dramatique. Les rubriques portent exclusivement « le Bergier » et « la Bergière » ; pour plus de clarté, je rends aux pastoureaux leur nom traditionnel, tel qu’il figure dans le texte. On remarquera que les pastourelles sont fringantes et pleines d’allant, mais que la réponse du berger à la bergère laisse à désirer. Bref, l’heure du berger n’est pas encore venue, ou elle est déjà passée ; ou alors, ces descendants de Corydon n’ont pas besoin des femmes…
.
BERGERIE
[THOMAS]
J’ay mes amourettes
Nouvellement faictes
En la garde-robe278.
GUILLEMECTE
S’elle[s] sont discrectes,
5 Tien-les si secrectes
Qu’on ne les desrobe.
THOMAS
Danceras-tu pas,
S’il advient le cas,
Au279 son [d’]instrument ?
GUILLEMECTE
10 Je ne sçay, Thomas :
On dit que tu as
Mauvèz « instrument280 ».
MARGOT
Monte sus281, Thibault :
Tu sçauras que vault
15 D’Amours le devitz282.
THIBAULT
Il fait trop grand chault,
Car monter si hault
Sans aide ne puis.
BIÉTRIX
Dançons à l’ombraige,
20 Dans ce verbocaige283,
Quelque bonne « dance ».
ROBIN
Biétrix, tu dis raige !
J’ay bien le couraige,
Nompas la puissance…
BIÉTRIX
25 De fin cueur courtoys,
M’amour284, en ce boys,
Te sera donnée.
ROBIN
Tu es, je congnois,
Large en285 tous [en]drois,
30 Et habandonnée286.
GUILLEMECTE
Allons sur l’arbète287
Avec ta « musète288 »,
Et déportons-nous289.
THOMAS
Le son, Guillemecte,
35 Où que je me mette290,
Ne m’est plus si doulx.
MARGOT
Tire dans ma mote291
Par-des[s]oubz ma cotte,
Se tu veulx rien prandre292.
THIBAULT
40 Margot, tu es sote !
Mon « arc » broye et frotte293,
Mais je [ne] puis tandre294.
ROBIN
Sur le tronc Biétrix295,
D’ung greffe bien pris
45 Je [veulx faire une]296 ante.
BIÉTRIX
Robin : tost repris
Sera[s], s’il [n’]est mys
Tout droit dans la fente !
MARGOT
Broye297 en mon « mortier » :
50 Bon est, et entier ;
Ne te veulles faindre298 !
THIBAULT
C’est pour moy terrier299
Si parfont et fier300
Que n’y puis atteindre301.
GUILLEMECTE
55 Quant on se marie,
C’est plaisante vie
Plaine de liesse.
THOMAS
Ce point je te nye,
Car c’est grand folie
60 De prandre maistresse.
*
1 Ms : gourrier (Deux déserteurs normands, vêtus d’un uniforme en loques, se rencontrent dans une rue de Paris. Cachée à proximité, Folie les observe.) Nous avons là un de ces triolets qui inaugurent tant de pièces comiques ; à l’instar de beaucoup de ses confrères, le scribe n’a pas copié les refrains : ABa[A]ab[AB]. Même chose aux vers 286-293. 2 Ms : Barstard (Voulant impressionner les passants, les militaires font croire qu’ils sont servis par un page, alors qu’ils n’en ont pas les moyens. « Telz sont gorriers et agensséz/ Qui n’ont de quoy nourrir leurs paiges. » Gautier et Martin.) 3 À partir d’ici, les noms des personnages sont presque toujours abrégés ; à la suite d’Émile Picot, je les écris en toutes lettres. 4 On peut voir là une menace de décapitation, mais aussi une menace de castration, puisque les « testes » désignent les testicules, du latin testes : « Ung homme a deux testes, et la femme n’en a qu’une. » Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge. 5 Ils sont allés piller des paysans. C’est l’activité principale des soldats, éternels voleurs de poules. « Je m’en voye parmy ces villages/ Pour menger poulles et chappons. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 6 Le fromage fait aussi partie du butin des soudards : cf. Colin filz de Thévot, vers 43. 7 Les Gorriers veulent faire croire qu’ils ont des chevaux. Les fêtes qui privilégient les spectacles de Sots sont principalement – mais pas uniquement – la Fête des Fous (28 décembre), l’Épiphanie (6 janvier), et le Mardi gras. 8 Cachée, elle se livre à des commentaires que les Gorriers n’entendent pas. Elle porte une coiffe qui dissimule ses oreilles d’âne et ses cornes. 9 Ms : nont (Correction Picot.) 10 Guère, pas trop. Idem vers 304. 11 De mon bien. Idem vers 16. « Il emporte cinq solz du mien. » L’Aveugle et Saudret. 12 J’ai vendu mon bien. 13 Si bien que j’en suis réduit à mendier mon pain. 14 Un sou. « Que je n’ay pas ung blanc vaillant. » Maistre Mymin qui va à la guerre. 15 Le métier des armes ne rapporte rien. 16 Ms : me (Si ça ne fait pas mal, contrairement aux coups de piques.) 17 É. Picot signale dans ce vers une allusion à la ligue du Bien public qui, en 1465, fit la guerre au roi Louis XI. 18 Attaque. 19 Ma tête sans casque. 20 Ms : qui (En Normandie, caut = chaud, ardent. Cf. la Mère de ville, vers 45.) 21 Un soldat a de la valeur, quand il. 22 Ni ne commet jamais de faute. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 149. 23 Mon bien. Idem vers 568. 24 Au lieu de soutenir le roi (vers 74), j’aurais pu m’allier à ses ennemis bourguignons ou bretons. 25 J’ai traîné des héritiers au tribunal pour les déposséder. « L’on peut faire convenir le possesseur de la chose par-devant le juge du lieu ouquel est située la chose. » Jehan Imbert. 26 Les rançons qu’ils extorquent à leurs prisonniers. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 481-484. 27 Ms : poullaige (Les poules qu’ils volent en tant que soldats. « Courant ainsy sur la poulaille. » L’Avantureulx.) 28 De merdeux, de traîne-rapières. « Ne te conseille par merdaille,/ Qu’il ne valent rien en bataille. » ATILF. 29 Qui n’ont pas un sou, comme nous. 30 Écartés comme des gugusses. Cf. le Pardonneur, vers 92 et note. 31 S’ils ont beaucoup de deniers, ce sera un grand plaisir pour moi de les compter. 32 Si nous voulons nous remettre en état. 33 C’est là que les déserteurs viennent se fondre anonymement dans la foule. La pièce est normande, mais l’action se déroule à Paris, qu’on a dû symboliser en mettant sur la scène un objet typiquement parisien, ou un écriteau. Ce genre de délocalisation n’est pas rare : le Voyage de frère Fécisti en Provence fut composé à Genève, mais l’action se déroule à Paris puis à Salon-de-Provence. 34 Si on savait bien les chercher. La forme cercher est plutôt normande : « Cercher toutes sortes d’herbages. » La Muse normande. 35 Se promène. Pre- au lieu de pro- est surtout normand. Folie sort de sa cachette, et déambule comme une prostituée. 36 Ms : par (Elle est assez avantageuse derrière. Idem vers 180.) La forme « darrière », qui revient au vers 245, est notamment usitée en Normandie : cf. la Pippée, vers 869. 37 Elle a une démarche énergique. Au vers 258, c’est les Gorriers qui devront « marcher couraigeusement ». 38 À première vue. Remarcher = remarquer, observer : cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 99. 39 Dans ses lacs, ses filets. 40 Dans une autre sottie moralisée à peine plus tardive, Folle Bobance (BM 40), des gorriers deviennent les vassaux d’une semblable incarnation de la folie : « À vous viens, Bobance jolie,/ Pour vous servir et hault et bas. » 41 Ms : icy (À Paris. Les deux Normands ont un accent reconnaissable, comme les paysans des farces rouennaises.) 42 Dépourvus, ruinés. 43 Quelques drachmes d’argent. Idem vers 364. Cf. Marchebeau et Galop, vers 103. 44 Qu’il vous plaise. Idem vers 503. 45 Vers manquant. 46 Ms : avyesvous (« Av’ous » est la contraction normande de « avez-vous » : cf. la Veuve, vers 204.) Y connaissez-vous quelqu’un ? Les deux Normands reconnaissent Folie comme une compatriote à son accent, qu’elle imite peut-être pour les mettre en confiance : voir la note 48. 47 Je vais. 48 Les Normands prononçaient Franche. « En Franche & en tous autres lieux. » La Muse normande. 49 Les dissimulateurs, les hypocrites. « Dissimuleurs et mauvais ypocrites. » ATILF. 50 Sous de feintes paroles. 51 Ms : ne veullet (Corr. Picot.) 52 Dans les livres les plus fous. 53 Ms : de 54 Entre les cardinaux, les abbés et les évêques. 55 Dans les assemblées de dignitaires ecclésiastiques. 56 Les quatre Ordres mendiants : Augustins, Dominicains, Carmes et Franciscains. 57 Chez les hommes de loi. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 131. 58 Ms : me entretouble (Je m’introduis. « Il le te fault entrebouter/ Entre les fagoz et la paille. » ATILF.) 59 Ms : de 60 Ms : men (Vobis = vous. Mais « vos bis » désigne le sexe des femmes : voir la note 140 d’Ung jeune moyne.) Plus tard, on localisera l’hystérie féminine dans l’utérus (ὑστέρα), mais cette idée n’était pas inconnue au Moyen Âge. 61 Ms : se soubzmet 62 On prononçait « tio-lo-gie » en 3 syllabes : « Prebstre, licentié en Tiologie. » (Arch. de la cure de Braine-le-Comte.) Cf. les Sotz escornéz, vers 109. 63 Ms : des (La forge allumée de quatre maréchaux-ferrants.) 64 En ardeur de débattre. 65 Ms : veullet (Qui ne veuille me fréquenter.) 66 Ms : une (Pour priver un concurrent de ses appointements, de sa charge.) En 1465, arguant d’accusations plus folles les unes que les autres, Antoine de Chabannes avait évincé Charles de Melun (v. la note 191) : « Messire Charles de Meleun, qui avoit esté lieutenant pour le Roy (…), fut désappoincté de sa charge. » Jehan de Roye. 67 Ms : icelle (Itelle = telle. « Jehan du Houx est itel qu’il est. » Le Ramonneur de cheminées.) 68 Ms : donc (Dont = d’où. Idem vers 532 et 572. « Dont est-il ? » Le Capitaine Mal-en-point.) 69 La toute première folie fut commise par Ève ; selon l’auteur, qui est fort misogyne, Adam n’en fut que la victime (vers 138-139). 70 Ms : vc (6500 ans.) Je transcris également les chiffres romains des vers 623 et 631. 71 Ms : faiz (Les hommes, dans leur folie, voulurent atteindre le ciel en érigeant la tour de Babel.) 72 À la suite de folles calomnies, ce prophète fut jeté aux lions, qui d’ailleurs n’en voulurent pas. Les exemples suivants piochent dans la liste, ressassée par tous les théologiens du Moyen Âge, des femmes qui ont fait commettre une folie aux pauvres hommes. 73 Selon une légende médiévale, le poète obtint un rendez-vous d’une femme qui logeait dans une tour ; la traîtresse promit de le hisser jusqu’à elle dans une corbeille, mais elle le laissa pendu à mi-chemin. « Virgille, saige et entendu,/ Fut à la corbeille pendu. » (Guillaume Alécis.) « Qui est-ce qui pendit Virgille/ Au corbillon pour s’esbatre ? » Farce de quattre femmes (F 46). 74 Chevaucher des femmes : cf. Régnault qui se marie, vers 49. Le Premier livre des Rois reproche à Salomon d’avoir eu 700 femmes légitimes et 300 concubines, qui le détournèrent de son dieu. 75 Ms : et sa saizon (Dalila trahit Samson, qui lui avait révélé que sa force provenait de ses cheveux.) 76 Ptolémée. 77 Par. C’est Pâris qui enleva Hélène à son époux Ménélas. L’idée que la guerre de Troie était due à la folie d’une femme – et non à celle de son ravisseur – n’était pas nouvelle. 78 Lucrèce, violée par le fils du roi Tarquin, se donna la mort : c’est donc elle qui était folle, et non son violeur. 79 Ms : pourement aux (Se procurer. « Et luy pourchassay/ Moy-mesmes, tout seul, son office. » Mallepaye et Bâillevant.) Les détenteurs de bénéfices les ont vendus pour pouvoir acheter des offices plus lucratifs. Sur le scandale ininterrompu que constituait la vente de bénéfices et d’offices ecclésiastiques à des incapables, voir les Esbahis (vers 191-194), et les Sotz ecclésiasticques qui jouent leurs bénéfices au content. 80 Ms : le tiennet assaigesse (Sont encore sages pour le moment.) 81 Pour l’Église, la danse est immorale. En outre, « danser » s’emploie pour copuler : « Voyant le prebtre et la dame ainsi dancer du cul. » (Ph. de Vigneulles.) Voir le vers 19 de la Bergerie que je publie sous la farce. 82 Dépenser. 83 Au ; pendant le. « Ou temps que on portoit les hucques. » Maistre Doribus. 84 Ms : me rannoys (Je m’épanouis.) 85 Qui sont blessés par moi : qui sont atteints de folie. 86 Quel est votre nom ? 87 Outrecuidance, le fils de Folie (vers 509), a écrit ce nom en grosses lettres sur la vaste manche de sa mère. Cette indication est destinée au public, car les deux reîtres ne savent pas lire. 88 Suffisance. Chaque protagoniste va chanter un rondeau en rimes fratrisées qui, selon la loi du genre, sacrifie le sens à la forme. Plusieurs chansons commencent par « Fleur de beaulté », mais aucune d’entre elles ne convient ici. N’importe quelle musique composée pour un rondeau équivalent pouvait coller à ces trois rondeaux. 89 Plaisir. 90 Mon plaisir croît. 91 Crainte. 92 Me fiant à vous. 93 Je commette une offense. 94 Ms : Offensser (Dolentes = douloureuses.) 95 Ms : Sentez por (Sentez mon cœur.) Le Gorrier pose la main de Folie contre son cœur, selon la gestuelle courtoise. 96 Mots manquants. Les clausules d’un rondeau reprennent les premières syllabes du poème ; par convention, les copistes et les éditeurs les abrègent parfois. 97 Éclatant. 98 Reconnaissez. Le Gorrier pose contre son cœur l’autre main de Folie. 99 Ms : pre cogite (La rime est en -ique.) Pronostiquer = prophétiser. Réalisez ce que je prophétise. 100 Ms : precogites (La Pythie de Delphes était plongée dans une ferveur prophétique voisinant avec la folie.) 101 Vers manquant. Je me permets d’ajouter deux nouveaux poncifs courtois à tous ceux qui précèdent. 102 Brûlez. 103 Là encore, plusieurs chansons commencent de la sorte, mais celle-ci n’est pas connue. 104 Ms : aymez (Accolez, épousez. « Il me fauldroit coller/ Avec ma femme ? » Les Cris de Paris.) Bruit = notoriété. 105 Frimez. Cf. Gautier et Martin, vers 155. « [Ils] fringuent, bruyent partout,/ Et tousjours bien vestus surtout/ (M’enten-tu, fol ?) à la grant gorre. » Éloy d’Amerval. 106 Abattre ma volonté. 107 Ms : vault (Duire = plaire.) 108 Sans vous contraindre. 109 Calculer (normandisme). Cf. l’Homme à mes pois, vers 164. 110 Je me satisfais. 111 Sous les hautes fonctions. Idem vers 334, 413, 568. 112 Ms : la goriere (« À veoir leur contenance,/ Leur gorrerie et fringuerie. » Éloy d’Amerval.) 113 Personnification de la mode. Cf. le Cousturier et Ésopet, vers 16. 114 Vers manquant. Les dimanchereaux sont des garçons endimanchés : « Ces grans chappeaulx/ Que portent ces dimenchereaulx. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 115 À la friperie, où les gorriers ruinés revendent leurs frusques. « Les frappiers ne venderont ne ne feront nulz gaiges de drap neuf ; fors seullement d’ouvrage vieil de fraperie. » (Ordonnances des roys de France.) Il y a peut-être un jeu de mots : Que j’ai pris à leurs propriétaires en les frappant. Les gorriers de Folle Bobance (v. la note 40) sont eux aussi rhabillés au goût du jour par leur folle conseillère. 116 Ils se dépouillent de leur uniforme. Faute de place, cette didascalie fut ajoutée en haut de la colonne, au-dessus du vers 230. Depuis, le couteau du relieur l’a un peu rabotée. 117 Ms : ung (Les manches sont si larges qu’elles traînent par terre.) « L’un estoit fort et gorrier à merveilles…./ De ses manches n’ay point veu les pareilles,/ Et ne say homme qui si larges les porte. » François Robertet. 118 Quelles grandes manches. Les gorriers de Folle Bobance sont affublés de « pourpoins à grans manches ». 119 Il y a de quoi devenir fou. 120 Ms : portant (Maints galants les portent.) 121 La mode. Idem vers 232. « Leur habit n’est pas convenant :/ C’est la façon de maintenant. » Les Enfans de Maintenant, BM 51. 122 Notre cou dénudé. Pour que les galants puissent exhiber leurs chaînes d’or (vers 301), les collets devinrent si bas qu’ils en étaient presque inexistants : « Chaînes d’or, colliers d’abondance/ Pour porter sur ces bas colletz. » (Folle Bobance.) Cf. l’Arbalestre, vers 224-225. 123 Le ms. descend ce vers sous le vers 251. Je rétablis le schéma des rimes (-os -aux -os -aux), le vers suivant, qui est perdu, et l’alternance presque immuable entre le 1er Gorrier et le 2e. 124 Manteaux courts. « Un paletot de drap noir doublé. » ATILF. 125 Ms : en monceaulx 126 Il manque une épithète pour qualifier ces coiffures fantasques. Déchiqueté = orné de franges. Tous les gorriers portent « le chappeau pendant d’ung costé,/ Aucuneffois deschiqueté ». (Éloy d’Amerval.) Un relieur tardif a partiellement caché les didascalies notées dans la marge gauche. Dominique-Martin Méon copia ce manuscrit au début du XIXe siècle, avant l’intervention du relieur ; c’est donc d’après sa copie que je complète les manques. 127 Ms : Chausser (Galer = mener la joyeuse vie des galants.) 128 Les souliers carrés étaient si larges que les moqueurs les appelaient « souliers à dormir debout ». Pierre Gringore trouvera d’autres comparaisons : « Lors vindrent des gorriers nouveaulx/ Qui portèrent panthoufles larges/ En façon de bataulx ou barges,/ Ou de pate de droumadaire. » 129 Ils m’empêcheront de marcher. 130 Il faut vivre avec son temps. 131 Cette anticipation du refrain de 286 nuit au schéma des rimes. 132 Pour ce qui est. 133 Double sens grivois : ces moines particulièrement lubriques avaient la réputation de posséder un grand manche. « –Et se je treuve ung sermonneur,/ Voullez-vous point que je m’en charge ?/ –Nenny non ! Leur menche est si large/ Qu’on en seroit tout empesché. » Le Capitaine Mal-en-point. 134 Ce bonnet de travers était vu comme le summum du ridicule. Guillaume Coquillart, grand pourfendeur des modes stupides, épinglera « le bonnet dessus l’œil tiré » et le « bonnet renversé de guingant [de guingois] ». 135 Cherchez à vous singulariser. 136 Les flatteurs sont aussi fous que ceux qui se laissent flatter. Voir les vers 410 et 599-600. 137 Ms : commandemans (Mes édits, mes ordres. Même formule à 603.) 138 Éconduits : aucun de vos ordres ne sera récusé. 139 Sont avec vous en pensée. 140 Ms : gouuerneront (Que nous nous gouvernions, que nous agissions.) 141 Ces deux mots se prononcent exactement comme « pluc assez » : beaucoup d’argent. « Les galans qui n’ont point de pluc. » Le Dorellot. 142 Vendez ce dont vous avez hérité. 143 Leur pension militaire ne s’élève à rien s’ils ont déserté ou démissionné, et représente peu de chose s’ils touchent une morte-paie. 144 Euphémisme pour : Nous n’avons rien. 145 Pour avoir une bonne monture. Voir le vers 176 de Mallepaye et Bâillevant, dont les protagonistes sont eux-mêmes des gorriers sans le sou. 146 C’est l’accessoire bling-bling que tout gorrier se doit d’étaler, comme Mallepaye et Bâillevant (vers 127), ou les trois poseurs de Folle Bobance. 147 Nous feront défaut. 148 Faire ressemeler. 149 Ms : tout (Corr. Picot.) 150 Vous assailliront. 151 Qu’on veuille nous faire crédit. « –Ce sont six escus ? –M’aist Dieu, voire./ –Or sire, les voulez-vous croire ? » (Farce de Pathelin.) Les Normands prononçaient craire : « De craire qu’une noble aymit un chavetier [savetier]. » La Muse normande. 152 Provocant. 153 Ms : Au (Où prendrons-nous l’argent ? Même expression à 294.) 154 Délai de 5 ans qu’on accorde à un débiteur. Cf. Lucas Sergent, vers 105. 155 Nous ne devons pas agir autrement. 156 Votre reconnaissance de dette. (Lat. debet = il doit.) Cf. le Gentil homme et son Page, vers 25. 157 Après leurs cris. C’est un infinitif substantivé : « Ton crier et ton braire. » ATILF. 158 Avec des attrape-nigauds. 159 Ms : renommee 160 Maints hommes. 161 Sans rien y connaître. 162 Ms : aux (Totalement mis au-dessous.) 163 Vers manquant. Je le reconstitue d’après les vers 341 et 379. 164 « Il a des bourdes en payement. » Le Povre Jouhan. 165 Ms : guille (De quelle manière.) 166 Ms : cherche (Dans les charges, dans les fonctions officielles. « Qui vo[u]z a mis en ste cherge onorée ? » La Muse normande.) 167 Nous pourrons gouverner. 168 Amour ne fait rien sans argent : telle est la devise des femmes qui refusent les deux pauvres militaires de Marchebeau et Galop. 169 Ms : contraindre (Avec des mandements exécutoires.) 170 Quand ils ont embrouillé une cause 171 Ils ont appris à prendre des drachmes. Voir le vers 76. 172 Ms : rouges il sont (Le plus malin. « Les plus rouges y sont pris. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 173 Ms : prester 174 Les rhabiller, les démasquer. 175 Ms : rabillant (En cafardant, en les dénonçant.) 176 Repu, rassasié. 177 Faire des efforts. 178 Que le peu d’argent que je vous vois posséder. 179 Sans se laisser détourner. 180 Tant vous êtes proches de la folie. Mais la nature est également le sexe de la femme : « Tâtant cuisses, genoulx, mamelles/ Pour leur faire esmouvoir nature. » (Folle Bobance.) Les deux enfants (vers 379) pourraient donc retourner dans le ventre de leur mère, Folie. Mère Folie est la génitrice de huit Sots, dans la Première Moralité. 181 Travaille. 182 Avares. « Chiches et eschars. » ATILF. 183 Lesquels (normandisme). Que j’ai reçus. 184 Ms : deceux (Bien échu = chanceux. « Mon sort m’est très bien escheu. » Calvin.) 185 J’ai encore une chose à vous dire. 186 Ne rien tenir de ses promesses. 187 Ms : rient (Être hypocrite. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 214.) 188 Où il n’aura rien à payer. On scande « là wil » en 2 syllabes : cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 244. 189 Ms : veult vivre (Ce rentrement est la racine du vers 401.) 190 Le bien d’autrui. « As-tu rien de l’autruy ? » La Confession Rifflart. 191 Le nobliau normand Charles de Melun (v. la note 66) parvint à devenir un proche de Louis XI, ce qui ne l’empêcha pas d’être décapité en 1468. La pièce fut donc composée peu après, ce que confirment la mode vestimentaire qu’elle fustige, les poèmes à forme fixe dont elle s’encombre, et les rimes fratrisées, propres aux Grands Rhétoriqueurs qu’évoque le vers 201. 192 De l’habileté. Cf. Jénin filz de rien, vers 275. 193 Ils se promènent comme s’ils faisaient un défilé de haute couture. Folie les observe de loin, et entonne un rondeau en octosyllabes, qui ne peut donc pas être chanté sur le même air que les rondeaux décasyllabiques que nous avons vus. 194 Perruque faite avec des crins de cheval. Le sommet de la satire antigorrière est sans doute le Monologue des Perrucques, de Guillaume Coquillart : « De la queue d’un cheval painte,/ Quant leurs cheveulx sont trop petiz,/ Ilz ont une perrucque faincte. » 195 Ms : mes (Une bonne sornette est une bonne blague. Cf. le Testament Pathelin, vers 3.) 196 C’est une bonne rente pour les couturiers. 197 Ms : retraire (Les clochards finissaient à l’hospice. Cf. Gautier et Martin, vers 322.) 198 Grands spécialistes pour emprunter. 199 Mauvais payeurs. Un coutumier est astreint à la redevance de la coutume. 200 Ms : expres (Experts pour faire une emplette, pour acheter à crédit.) 201 Dans une boutique bien garnie. 202 De toutes les sortes de marchandises. Littéralement, il s’agit des 17 professions qui devaient assurer le guet nocturne, à Paris. 203 ACTE II. Nous sommes quelques années plus tard. Les Gorriers ont réussi dans la vie, parce qu’ils ont eu affaire à de plus fous qu’eux. Mais ils ont perdu leur accent normand et leur identité. Ce dialogue rappelle la tirade finale de Jénin filz de rien qui, lui-même, ne sait plus qui il est. 204 Les Gorriers se scrutent dans un miroir, une des armes de la folie. La farce des Queues troussées offre une scène assez proche, où deux hommes ne se reconnaissent plus dans le miroir. 205 Ms : acqui 206 Ms : a que 207 Ms : nom 208 Je ne suis pas moi. « Mon » est une particule de renforcement : « –C’est luy, sans autre. –Se suys mon. » La Résurrection de Jénin Landore. 209 Tu auras tort. 210 Je reconnais, je constate. 211 La Farce de Pathelin dit exactement : « Qui vous aroit crachié/ Tous deux encontre la paroy,/ D’une manière et d’ung arroy/ Si seriez-vous, sans différence. » 212 Les Normands prononçaient main. Idem vers 475. Cf. Pates-ouaintes, vers 45, 167 et 319. 213 Ms : point 214 Ms : plus 215 Nourrissez-vous par tromperie : faites croire que vous êtes invités. 216 N’en dites rien avant la fin du repas : c’est à ce moment qu’on récitait la prière des grâces. Cf. le Résolu, vers 224. 217 Soyez d’accord avec tout ce qu’ils disent. Les Sobres Sotz parlent de ces fous qui ne supportent pas d’être contredits (vers 305-314). 218 Ms : desclarer (Dites-nous.) 219 Et pourtant. 220 Ne me sous-estimez pas. 221 Ms : des (Des gens plus importants que vous.) 222 Ms : ausi (Il y en a d’autres.) L’auteur parle évidemment de lui. 223 Veuillez entendre notre question. Cf. les Sotz escornéz, vers 398. 224 Nous avons voulu vous fréquenter assidûment. « (Elle) a repairé un compaignon que elle congnoissoit bien de veue. » ATILF. 225 Ms : bien (Corr. Picot.) 226 Arrogance. Il est, avec Discord (vers 587), un des fils de Folie. On s’étonne que notre auteur misogyne n’ait pas fait d’Outrecuidance une femme, comme c’est le cas dans le Triumphe de Haulte Folie. 227 Ms : Dunes (Peut-être une des plumes que Plaisant Follie arrache aux fous dans la Pippée. Voir le vers 556.) 228 Nous ne voulons. 229 J’en suis abattu. 230 En s’étonnant. Idem vers 543. On rencontre cette indication scénique dans le Pèlerinage de Saincte-Caquette : « La Femme, admirando. » 231 Les mots qui servent à Folie pour revendiquer son identité sont exactement ceux qui ont servi aux Gorriers pour douter de la leur (vers 459-461). 232 Ms : melencorie (La graphie en -rie est très rare, et de toute façon, la rime est en -lie.) 233 Ms : gouuernera 234 Partis de rien, nous sommes… 235 Ms : causez 236 Ms : print 237 Fumisterie. 238 C’est évident. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 409. 239 En utilisant votre peu de bon sens. 240 L’affaire est conclue. « –Ne feray ? –Il en est conclus. » Le Ribault marié. 241 Feintes. Allusion aux Sots de théâtre, qui jouent les fous. 242 Ms : plaisante (« Je viens de voir Plaisant Follie,/ Où plusieurs foulz ont esté pris. » La Pippée.) 243 Ms : grande (Un grand malheur.) 244 Je ne peux assez me lamenter. 245 En plus des oreilles d’âne, certains Sots portent des cornes : Folle Bobance, l’alter ego de Folie, est traitée de « diablesse cornue ». « Sotz glorieux et Sotz cornuz. » (Monologue des Nouveaulx Sotz.) « Sots rabis, cornus com limaces. » (Les Sotz triumphans.) « Mes Sotz, estes-vous descornéz ? » (Les Sotz escornéz.) 246 Trompeuse, sotte. 247 Niaise, coiffée d’un « sac à coquillons ». L’auteur produit un effet de caquetage (féminin, bien sûr) en alignant six épithètes qui accumulent le son « k ». 248 Ms : mordente (« Malureux » est la forme normande de malheureux. « Sots malureulx. » Les Sobres Sotz.) 249 Perturbée. « Troublée je suis et hors d’entendement. » Les Sotz fourréz de malice. 250 Traîtresse (normandisme). Cf. les Chambèrières et Débat, vers 310. « Elle est plus tristresse que Ganes [Ganelon]. » Le Pont aux asgnes, BM 25. 251 Reculant comme les ânes. Le vers suivant est perdu. 252 Ms : actors (Sans cohérence. « Je dy puis l’un, puis l’autre, sans accort. » Charles d’Orléans.) 253 Ms : passent 254 Ms : menagier (Casanière. Ronsard décrit une quenouille « maisonnière,/ Longue, palladienne, enflue, chansonnière ».) Depuis le vers 588, les « queues annuées » sont de retour ; je reconstitue celles qui figuraient au début des vers 594 et 602. 255 Ms : par (Corr. Picot.) 256 Durables. 257 Ms : usant de seulle volunte (Le fatiste reproche aux femmes de n’avoir aucune volonté. « Femmes vaines et veules. » ATILF.) Avec sa mauvaise foi coutumière, il leur reproche tout de suite après d’être têtues. 258 Ms : vaillant autre 259 Ms : puissant anul ne (Capable de faire annuler les réponses contradictoires de la partie adverse.) 260 Ms : artiffience (Corr. Picot.) 261 Ms : la 262 Instruits. 263 La pièce est terminée. Au lieu de la chanson finale, quelqu’un a plaqué ici une plaidoirie de Fol, genre très apprécié jusque dans les tribunaux (voir la note 113 des Veaux). J’ignore où on a pris cette fatrasie juridico-financière. Elle est écrite en huitains (une strophe qu’on ne trouve pas dans la sottie), et elle tient en une seule phrase, ce qui ne la rend pas plus claire. 264 En écoutant ce conte. Calembour : il va être question d’un compte. 265 Dans la tête des plaignants. 266 Voir la note 70. Chacun pense valoir 500 francs et 2 sous. 267 Ms : sens instement (En retirant les 2 sous tout de suite.) 268 Du compte. 269 Avec leur espoir déçu. 270 Ms : vint (Quand les 500 francs seront ôtés, il ne restera que les 2 sous.) 271 Ms : bure au (En plein tribunal. « Les advocats entreront en leurs barreaux. » Godefroy.) 272 Ms : despis (Tous les délais de paiement étant évalués, pris en compte.) 273 Jeu de mots sur « 2 sous » et « 2 sots » : -ol rime en -o, comme à 480 ou à 615. 274 Ms : Lors quencores 275 Vieille je. 276 Avoir le feu aux étoupes = avoir le feu aux fesses. « Combien qu’il la traitast bien d’habillements (…), cela n’estoit que mettre le feu auprès des estouppes. » Les Délices de Verboquet. 277 Voir la Bergerie de Mieulx-que-devant, BM 57. 278 Dans les toilettes. Par euphémisme, on dit « la garderobbe pour le privé ». (Antoine Oudin.) « Tout esbraillé & destaché, comme s’il venoit de la garderobbe. » Montaigne. 279 Ms : Le 280 Un mauvais pénis, mal érigé. Cf. la Fille bastelierre, vers 198. 281 Monte sur moi. 282 Le discours amoureux. Cf. la Récréation et devis d’Amours. 283 Vert bocage. « Leurs tons et doulz chantz retentissent ès verbocages. » Guérin de Montglave. 284 Mon amour. Ce mot était souvent féminin ; son pluriel l’est encore. 285 Ms : et (« Vous n’estes que trop large,/ Ma maistresse, chascun le dit./ Je n’y metz point de contredit :/ Trop vous ay veue habandonnée. » Raoullet Ployart.) 286 Dévergondée. Cf. le Povre Jouhan, vers 109. 287 Sur l’herbette. « Je trouvai le mien amy/ Qui me coucha sur l’herbette. » La Povre garce. 288 Ta cornemuse : ta verge. 289 Mettons-nous à l’écart des autres. 290 Que je me mette devant ou derrière. 291 Dans mon mont de Vénus. Cf. le Povre Jouhan, vers 316. 292 Si tu veux prendre quelque chose. Voilà une scène de chasse au connin que ne renierait pas le Faulconnier de ville : « Avez-vous rien prins ? » 293 Je pétris et je masturbe mon pénis pour l’ériger. « Bien que mon arc bande à cause de vous. » Cabinet satyrique. 294 Bander. « Tendre l’engin. » (Jehan Molinet.) La version attribuée à Henri Baude <ms. fr. 1716> porte ici : Mais ne le puis tendre 295 De Béatrice. 296 Ms : veult faire ung (Je veux greffer ma « bouture » sur son tronc.) « Je suis si aise quand je cous,/ Si pour un C je mets un F,/ Qu’il m’est advis à tous les coups/ Que j’ente une mignonne greffe. » Béroalde de Verville. 297 Pile avec ton pilon viril. « Tousjours veult mortier qu’on besongne/ Et broye…. Tel broier ressongne [je redoute]/ Par défaut de bon vit avoir. » Eustache Deschamps. 298 Ne fais pas semblant. « Je ne faulz jamais à accoller ma mesnagère deux coups pour le moins, & croyez que je ne me y fains point. » Les Joyeuses adventures. 299 Ms : me ferrer (Un vagin. Cf. le Faulconnier de ville, vers 8 et note.) 300 Si profond et sauvage. 301 Ms : entendre
L’ARBALESTRE
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L’ARBALESTRE
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Cette farce normande des années 1510 montre une scène de ménage entre une femme aux prétentions intellectuelles, et son mari (joué par un Badin) qui prend toutes les expressions au pied de la lettre et n’a aucun sens du second degré.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 7. Un correcteur est intervenu sur le manuscrit longtemps après le copiste, parfois judicieusement mais pas toujours. Voir la notice du Raporteur. Je m’en tiens au texte original chaque fois qu’il est acceptable.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
à deulx personnages
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C’est assavoir :
L’HOMME
Et LA FEMME [sage Sibile]
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Et est la Farce de l’Arbalestre
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LE MARY commence 1 SCÈNE I
Je ne say qui me consila2,
Qui mesmement me barbouila3
De m’aler mectre en mariage.
J’estoys, ce m’est avys, plus sage
5 Devant4 que fusses marié.
Maintenant, je suys harié5.
Je faulx6 tousjours à mon affaire,
Voy(e)re dea, et ne sçay rien faire
Qui plaise ne qui soyt utile
10 À ma femme, Sage Sébile7.
Maryé fus à la male heure8.
Quant je luy ris, elle me pleure ;
Quant je [me] pleure, elle s’en rit.
Quant je me joue, el se marit9 ;
15 Quant je me maris, el se joue.
Quant je jou[t]e10, el[le] faict la moue.
Quant je chante, el[le] tence et compte ;
Quant je compte, el[le] se mescompte.
Quant je dors, el[le] veult veiller ;
20 Quant je veille, el veult som[e]iller.
Quant je danse, el[le] se repose ;
Quant je repose, elle s’opose.
Quant je veulx menger, el[le] jeusne ;
Quant je jeusne, elle [se] desjeune.
25 Quant je faictz le sage, el se moque ;
Quant je faictz le sot, el se toque11.
Quant je ne faictz rien [qui soyt bien]12,
Elle me maudict comme un chien.
Je ne say que faire à cela,
30 Synon que je lesse tout là
Et m’en aler à l’avanture.
LA FEMME
Qui espouse un sot de nature13
Ne séroyt14 son plaisir avoir.
Je le puys bien, pour moy15, sçavoir :
35 J’ay16 un sot, le plus desplaisant,
Plus ydïot, plus mal plaisant
Que jamais la terre en porta.
Ne say qui son sens transporta17,
Car il n’en a pas demy livre.
40 Pleust à Dieu qu’en fusse délivre18,
Et jamais ne vînt à mon estre19 !
Hélas ! quel desplaisir puisse estre
À femme de cœur et courage
D’avoir un sot en mariage !
45 Sage[sse] n’ayme poinct folye :
Folye n’est que mélancollie.
Sagesse requiert gravité ;
Follye, folle agilité.
Sagesse veult parler à traict20 ;
50 Folye, un fol parler atrect21.
Et moy qui suys sage et subtille
(Mon nom est dict « Sage Sibille »),
Qui ay prins fol en mariage,
Comme aurai-ge donc le courage
55 De l’aymer et luy faire chère22 ?
Que la conjecture23 m’est chère !
Que maudict soyt-y qui la fit !
Y cuydoit faire mon profit,
Mais y me fit mon dommage.
LE MARY
Voire !
60 Elle me vouldra faire acroire
Que je suys fol de droicte ligne.
Jamais Noué24, qui fit la vigne,
N’eust une sy belle entendoire25.
Car je say bien l’ard de mémoyre26 ;
65 N’esse pas chose sage et bonne ?
LA FEMME
Qui vit onc sy sote personne,
Sy fol, sy dÿot et sy nysse27 ?
Je ne croys pas [que] du sens n’isse28 :
Il est sot. De rien ne luy c[h]ault.
LE MARY
70 Il ne luy chault soyt froid ou chault.
Je ne say sy j’en guériray.
LA FEMME 29
Sy vous guérissez, j’en yray
En voyage30 jusques bien loing.
LE MARY
Escoutez : il n’est pas besoing
75 Que vous y alez sans parler31 ?
LA FEMME
Non. Vous, vous n’y sariez32 aler.
LE MARY
Non pas avec vous, ce me semble :
Car sy nous estions quatre33 ensemble,
Nous ne gaignerions pas.
LA FEMME
Allez !
80 Vous estes sot, plus n’en parlez !
LE MARY
Sy je suys fol, y me fault taire.
Mais sy je prenoys ung cristère34
Pour fayre vyder ma folye,
Hen ?
LA FEMME
[Hélas,] quel mélencolye !
85 Et ! mon Dieu, que je suys tennée35 !
LE MARY 36
Vous souvyent-il de l’autre ennée37
Des grans neiges, que j’abatis
Les chièvres et que combatis
Ces marmotes de pommes cuytes ?
90 Et ! benoist Dieu, les belles truites 38 !
[Yl estoyent]39 aussy grandes qu’anges,
Aux « enseignes »40 que les arcanges
Myrent le siège en Paradis,
[Où] j’en vis entrer plus de dis,
95 Qui batirent bien un sergent41.
LA FEMME
Tenez, métez là vostre argent42 ?
Qu’esse d’un fol ! Qu’esse d’un sot !
LE MARY
C’est un homme comme un falot43,
Qu’on apelle « sot » quant on huche44 ;
100 Ou un Sot qui a coqueluche45,
À qui ne chault des morfondus46,
Autant des rés47 que des tondus.
Esse pas bonne invention ?
LA FEMME
Avez-vous ceste intention48 ?
105 À quel fin cuydez-vous venir ?
LE MARY
À quel fin ? Joyeux me tenir,
Mener bon temps, faire grand chère.
Vous estes bonne ménagère49,
J’entens assez bien ce passage.
LA FEMME
110 Sy vous fault-y devenir sage
Ou, autrement, trop je me deux50.
LE MARY
Vous l’êtes assez pour nos51 deux.
Dict-on pas en toute saison
Qu’i ne fault, en52 une maison,
115 C’un sage pour la faire riche ?
Mais sy j’estoys sage, aussy siche53,
Tout le monde s’en moqueroyt,
Et par la rue on s’en riroyt.
LA FEMME
Vous parlez par trop folement.
LE MARY
120 Et vous, aussy, sy sagement
Que je ne vouldroys pas estre ange54.
Au moins, s’y vient quelc’un estrange55
Parler de sens ou de folye,
Nous n’airons pas mélencolye56
125 De sçavoir qu’on doyve57 respondre.
Mais qui feroyt un sage pondre58,
Escloret-il poinct des petis ?
J’en passeroys mes apétis59,
Se g’y estoys.
LA FEMME
Jésus Maria !
130 Femme qui tel sot mary a
Est bien comblée de douleur.
C’est la femme d’un basteleur,
Qu’on apelle Mal-assenée 60.
LE MARY
De Dieu soyt maudict la journée
135 Quant je vous pris61 !
LA FEMME
Sainct Jehan, amen62 !
LE MARY
Pour en parler tout clèrement,
Peu s’en fault que je ne vous quicte.
Je ne voy Jenne63 ou Marguerite
Qui face à son mary tel noyse.
LA FEMME
140 Vostre folye sy fort me poise64
Et me vient trop contrarier.
LE MARY
Va ! Quant j’estoys à marier 65,
J’estoys sage, ce me sembloyt :
Car tout le monde s’assembloyt
145 Pour me venir vouèr deviser.
Maintenant, je n’ose aviser
Un passetemps ou quelque dance
Q’incontinent66 on ne me tence.
Je ne say plus que67 je doy fère.
LA FEMME
150 Y fault penser à vostre affère.
Vostre folye est descouverte.
LE MARY
Que68 deable ay-ge ?
LA FEMME
La teste verte69,
Fumeuse et toute lunatique.
Vostre teste est tropt fantastique70,
155 Y vous la fault faire mûrir.
LE MARY
Y fauldroict donques bien courir,
Pour éviter ce danger-là ?
LA FEMME
Brief71 vous le ferez !
LE MARY
Et, holà !
Faire mûrir72 ma teste, [voire] ?
LA FEMME
160 Sy de cela me voulez croire,
On vous tiendra sage personne.
LE MARY
O ! que plus mot on ne me sonne :
Je say bien comme je feray.73
.
Or çà ! Or, sage74 me vouéray. SCÈNE II
165 Sy, je feray mûrir ma teste :
Elle me fume, el me tempeste75,
Ce dict ma femme. Et sy, ne say76.
Sy m’en fault-y faire l’essay
(Car elle a guerre acoustumée)
170 Pour apaiser ceste journée.
Ce bonnect y me fault ôter,
Et puys tout soudain la77 bouter
(Affin que myeulx mon estat vaille)
Dedens ce beau chapeau de paille,
175 Mûrir comme poyres ou pommes78.
C’est faict. Voyons cy où nous sommes79…
.
Ma teste est mûre, maintenant. SCÈNE III
LA FEMME
Quel homme à faire un lieutenant
Ou quelque vaillant conseiller80 !
180 C’est bien assez pour m’en aler,
Et ! povre femme, [à la male heure]81.
LE MARY
Mais82 que ma teste soyt bien mûre,
Sy ne la mengerez-vous pas ?
Je croy qu’i fut faict au compas83,
185 Ce chapeau de paille de seille84.
LA FEMME
Hélas ! tant plus on luy conseil[l]e,
Et tant plus y faict au contraire.
Sy est-il temps de vous retraire85,
Et ne faictes plus de la beste !
LE MARY
190 N’ei-ge pas faict mûrir ma teste
Tout ainsy que vous l’avez dict ?
LA FEMME
Nénin ! Que vous soyez maudict !
Tout le cas ne s’entent ainsy.
Ostez86, ostez, ostez cecy !
195 Y vous fault bien changer de meurs.
LE MARY
Je vous demande, sy je meurs
Et que voyez ma sépulture,
Faictes-y mectre en escripture :
« Cy-gist Jehan le Sot, des Troys Cignes 87,
200 Qui aymoit la purée des vignes,
Qui trespassa près d’un bary88
Le jour au souèr qu’i fut mary89. »
Et auprès, par façon sutille90,
Y soyt mys : « La Sage Sibile,
205 Sa femme, qui n’est comme sote. »
Et faictes mectre une marote
Sur ma tombe91. Encor une foys,
Tu le feras, se tu m’en croys.
Et ! entendez bien mes propos ?
LA FEMME
210 Je n’y entens rien ; en deulx mos,
Vous parlez trop mieulx c’une vache.
Je n’avoys sur moy c’une tache92,
De quoy je suys jà indinée93.
[LE MARY] 94
Quel tache ?
[LA FEMME]
Je n’ay poinct d’ainsnée95.
[LE MARY]
215 Devant qu’entendre le sermon96,
J’auray du sens.
LA FEMME
Mais que par moy on se gouverne99.
Plus ne fault hanter la taverne,
Mouvoir de nuict ne tracasser100 ;
220 Mais vous fault désormais passer101.
Hostez ces habis figurés102…
Di-ge103 : sy très deffigurés
Qu’à Dieu et monde y semble lect104.
Maintenant, y n’ont105 un colet :
225 Tantost, y sont descoletés106,
Haricotés, deschicotés107,
Escartelés en maincte guise108.
Incessamment109, on se desguise
Sy très bien que c’est rouge rage110.
LE MARY
230 Tient-y poinct111 que je suys trop sage ?
A ! vrayment, y n’y tiendra plus :
J’en cheviray bien112.
LA FEMME
Au surplus,
Gardez bien qu’i n’y ayt que dire113.
LE MARY
Jamais ne vous entendis dire
235 Qu’abis fissent gens sages estre.
Vous vouérez que je seray mestre
Et sage, malgré que j’en aye.
Mais voy(e)rement, fort je m’émaye114
Où des beaulx habis je prendray.
240 J’en voys chercher115, et aprendray
À estre bien sage, à ceste heure.116
.
LA FEMME SCÈNE IV
La povre femme qui demeure
Avec un sot n’est pas contente.
Y ne faict chose à mon entente :
245 Tout son faict est contrère au mien117.
Et ! comment séroie-ge avoir bien ?
Y n’est pas possible, en ce monde.
Car sus quel propos [qu’]y se fonde118,
Jamais au boult n’en sayt venir.
250 Qu’i fût pendu, sans revenir,
Où est le fondateur de Romme119 !
.
LE MARY 120 SCÈNE V
Je suys maintenant un sage homme.
Contrepéter me fault-y rien121 ?
Sens-je poinct mon homme de bien ?
255 Ouy dea, ouy ! Ne sentez-vous poinct ?
Sibile, sui-ge bien en poinct ?
À vostre avis, que vous en semble ?
LA FEMME
Toute douleur à moy s’assemble.
Voyez : il est fol de nature.
260 Qui vit onc telle créature ?
J’en ay le cerveau tout cassé.
LE MARY
C’est ung habit de tresparsé122,
Quelque chose que voulez dire123.
LA FEMME
Y me fera mourir de rire,
265 De luy voèr sy sote manière.
LE MARY 124
Or, regardez-moy par-derière,
Se je suys sage devenu.
Je seray pour sage tenu,
Et ne le cuydoys jamais estre.
270 Je suys sage sans avoir maistre ;
Mais en vouécy bien la mêtresse.
LA FEMME
Mourir me fera de détresse,
Car il n’entent poinct le passage125.
LE MARY
Sy cest abit ne me faict sage,
275 Je ne say plus que126 je feray.
LA FEMME
Jamais à mon gré ne seray127.
Que le deable vous rompt la teste !
LE MARY
Or regardez, à ma requeste,
Qu’en grand bonté128 maintenant suys.
LA FEMME
280 Sy vous tairez-vous, sy je puys !
Qu’en un gibet fussiez pendu !
Et, dea ! aussy, j’ey entendu129 :
« Quant y trote parmy la rue,
Y court130, y mort, regibe et rue. »
285 Et chascun n’en faict que parler.
LE MARY
Et ! comme doi-ge donc aler ?
Dictes, car je ne le say pas.
LA FEMME
Y vous fault marcher par compas131,
Et, pour sagesse entretenir
290 Et une grand fasson tenir132,
Marcher133 de plomb poisantement.
LE MARY
Par mon serment, par mon serment !
Je suys sage homme, [ou] autant vault.
Je say maintenant [qu’i me fault
295 Pour]134 estre sage, ne vous chaille.
LA FEMME
Y ne fera chose qui vaille.
Que le Dieu le puisse maudire !
LE MARY 135
Qui esse qui veult contredire
Que [je ne]136 marche pesanment ?
300 Ouy, ouy, sy très poisantement
Que les espaules m’en font mal.
[Et !] par mon âme, c’est grand mal137
De marcher ainsy comme moy !
Sibile, n’en ayez esmoy :
305 Je suys sage comme un lévrier138.
LA FEMME
Et ! Nostre Dame, quel ouvrier !
Sortir me fera hors du sens.
LE MARY
Agardez, Sibile : je sens,
En quelque lieu, dur comme gaulles.
LA FEMME 139
310 Et en quel lieu ?
LE MARY
Sur mes espaules.
Regardez !
LA FEMME
Son sens se transporte.
LE MARY
Nostre Dame ! Ma mye, je porte
Poisant plus de vingt-et-dis livres140.
Alez regarder à vos livres
315 Se je suys sage devenu.
LA FEMME
Qui en a de plus sot congneu,
Se n’est pas141 le deable d’enfer ?
LE MARY
Qui vous emporte au fons d’Enfer,
[S’]il est assez fort pour ce faire !
320 Et, dea ! on ne séroyt rien faire
Qui soyt à vostre gré142.
LA FEMME
Gros veau !
Or pensez qu’il est bien nouveau143,
Lourdault et ung parfaict ânon.
Il144 ne s’entent pas ainsy, non !
325 Y s’entent : marcher puissamment,
Sans courir trop rebèlement
Comme les fos de sens délivres145.
Mais vous n’avez poinct veu les livres
Où quelque bonne chose eslire146.
LE MARY
330 Et ! sy sai-ge quasy bien lire ;
Mais je ne congnoys poinct mes l[ett]res.
Je faictz des espistres, des lestres147
C’un mileur lisart ne fit148 onques.
LA FEMME
Or çà ! que n’aprenez-vous donques
335 En regardant les sages fais
Des nobles vertueux parfais,
Des sages gens du temps passé ?
Mais bien tost vous estes lassé
De lire en un livre un seul poinct.
340 Y149 pense ail[l]eurs, et n’entent poinct
À ce qu’i lict pour le comprendre.
Par quoy, n’avez garde150 d’aprendre.
Un sage et151 de droicte nature
Doibt tousjours mâcher l’escripture
345 Et gouster le sens.
LE MARY
Ha ! j’entens.
Par ma foy ! j’ey vescu long temps,
Mais jamais n’entendis cela.
Mâcher l’escripture ? Holà !
Je say bien comme je feray.152
.
LA FEMME SCÈNE VI
350 Jamais à mon gré ne seray,
Car certe(s), y n’a nule science.
Mais y fault prendre en pacience
Pour l’amour de Dieu, c’est raison.
Mais pensez-vous quelle maison
355 Seroyt bien gouvernée de luy ?
Par ma foy ! j’en ay de l’ennuy
Plus la moytié153 que je ne monstre.
.
LE MARY 154 SCÈNE VII
Or çà ! Dieu me doinct bonne encontre155 !
Jamais je n’en fus desjuné156.
360 Seray-ge bien endoctriné ?
Y sera fort à avaler.
LA FEMME
Et, sotart !
LE MARY
Laissez-moy dîner.
Abile passe157, tout amasse.
LA FEMME
Et ! mais que faictes-vous ?
LE MARY
Je mâche
365 L’escripture. Mais pour le seur158,
Je n’avale morceau, de peur.
Tenez : y ne passera poinct.
LA FEMME
Hélas ! A ! suys-je mal empoinct !
Jamais je n’en seray délivre159.
LE MARY
370 J’en ay mengé près d’une livre,
Et sy160, ne suys sage ne rien.
LA FEMME
Jamais, avec luy, n’aray bien :
Car y n’a ne sens, ne manyère.
LE MARY
Par ma foy ! sy je n’ay à boyre161,
375 Jamais le sens n’avaleray.
LA FEMME
Jamais à vous ne parleray,
Sotart remply de sote affaire !
LE MARY
Et ! comme162 deable doy-ge faire ?
Pour Dieu, qu’on m’en face un extraict163 !
LA FEMME
380 Comment ? Y fault parler à traict164
Sans plus en estre [en grand ennuy]165.
LE MARY
Vraiment je parleray à luy,
Puysqu’à mon sens il est propisse166.
LA FEMME
Y dira cy quelque malice167
385 Dont me fera mourir de rire.
LE MARY, parlant à une flesche.168
Traict, escouste que je veulx dire !
Traict, mon amy, entens-tu bien ?…
Je seray, Traict, je le say bien…
Traict, mon amy, je suys abile…
390 Mais ma femme, Sage Sébile…
Traict, mon amy, féré devant169…
Et ! Traict, mon amy, plus savant…
Traict, mon amy, Traict, mon amy !…
Je suys sage, Traict, à demy…
395 Traict, mon amy, entemps, entemps !…
Se je suys sage à peu de temps,
Je seray, Traict, à toy tenu…
Hay, hau, Traict !…
Je suys retenu170
Des sages, le Traict escoustant171.
400 A ! vous n’en sariez dire autant.
C’est bien parlé à Traict, cela ?
LA FEMME
Que le premier qui m’en parla,
D’estre avecque vous, fût pendu !
LE MARY
Ma foy ! y m’a bien entendu,
405 Le Traict : je [feray demain rage]172.
LA FEMME
Vous estes fol !
LE MARY
Vous estes sage !
Or, escoustez à ma requeste :
Vous m’avez faict mûrir ma teste
Affin qu’elle ne fût plus fole.
410 La vostre est sage, et aussy, mole.
Y la faict bon contregarder173 ;
Et à fin de la mieulx garder,
Et que vos sentences174 soyent vrayes,
Je l’afluberay175 de mes brayes,
415 Affin que la Science [n’]en sorte176.
LA FEMME
Me prenez-vous de telle sorte ?
Et ! que j’endure tout cecy177 ?
LE MARY
Et ! j’en seray bien resjouy :
C’est pour garder vostre Science.
LA FEMME
420 Non feray, par ma concience !
Hostez, hostez ! Quel galopin !
LE MARY
Et ! non feras ? Par sainct Crespin178 !
Vous m’avez faict grandes détresses.
Çà179 ! quant les femmes sont mêtresses,
425 Elles doibvent les brès porter180.
LA FEMME
Pour Dieu, veuillez vous déporter181 !
Laissez-moy, c’est trop babillé !
LE MARY
Du viel temps m’avez despouillé182 ;
Je vous habil[l]e du nouveau.
LA FEMME
430 Et ! comment ? Seriez-vous sy veau
De vouloir faire telle chose ?
Par l’âme qui en moy repose !
Yl entent mal son cas à trect183.
LE MARY 184
Vous m’avez faict parler à Trect
435 Comme se j’estoys unne beste ;
Y fault parler à l’arbalest(r)e !
LA FEMME
Non feray, vrayment !
LE MARY
Sy ferez !
Par ma foy, vous y parlerez !
LA FEMME
Hélas, mon amy, atendez !
440 Dictes comme vous l’entendez :
Par ma foy ! je ne l’entens mye.
LE MARY
Or dite(s) : « Arbalestre, ma mye,
J’ey faict cela, j’ey faict cecy. »
LA FEMME
Nostre Dame, que de soucy !
445 « Arbalestre, j’ey ung mary
Qui faict souvent mon cœur mary,
Et est de mauvaise nature,
Et la plus sote créature. »
LE MARY
[Vous le]185 dictes.
LA FEMME
Je le dis aussy :
450 « Et qui n’a morceau de soucy186,
Et qui me fera mourir d’ire. »
LE MARY
Or achevez donques de dire !
LA FEMME
Ô benoist Dieu, miséricorde !
LE MARY
Y vous fault parler à la corde.
LA FEMME
455 Non feray, par ma concience !
LE MARY
Sy ferez, car vostre Science
Le requiert.
LA FEMME
« Corde, que tu fusse[s]
Au gibet, et estranglé eusse[s]
Mon mary ! »
LE MARY
Et ! c’est très bien dict :
460 Nous en au[r]ons un beau crédict
Tout [partout], par long et par lé187 !
LA FEMME
Comment ?
LE MARY 188
C’est sagement parlé,
De souhaicter son mary pendre.
LA FEMME
Hostez-la, de peur de mesprendre189 ;
465 À cela, je ne me congnoys.
LE MARY
Y vous fault parler à la noix190
Ou, par Dieu, il y aura noyse !
LA FEMME
Non feray, car trop y me poise !
LE MARY 191
Sy ferez !
LA FEMME
Or çà ! « Noix, ma mye,
470 Mon sot mary de sens n’a mye.
À tous les coups, son sot sens erre. »
LE MARY
Y vous fault parler à la serre192,
Pour m’ôter hors de tous ennuictz.
LA FEMME
Je prye à Dieu que dens un puys
475 Puissez-vous estre bien serré,
Et de la taigne reserré193 !
Mon mary, tout cela ceres.
Tenez, en avez-vous assez ?
LE MARY
Or sus, plus ne me menassez !
480 C’est quasy tout un, de nos deulx194 :
Sy vous vous plaignez, je me deulx.
Femme ne doibt poinct entreprendre
De vouloir son mary reprendre
Devant les gens que bien à poinct195.
.
485 Affin qu’on ne me dise poinct
Que je veuilles parler196 des femmes
Et gecter sur elles aucuns blâmes,
De ce faict ne déplaise à Dieu !
[S’yl y a là]197, en aucun lieu,
490 Un mary qui soyt de la sorte
De moy, à luy je m’en raporte.
Car l’homme faict la femme telle
Qu’i la veult : ou doulce, ou rebelle.
Ou en luy, n’a poinct de raison.
495 Adieu ! Excusez le blason198 !
.
FINIS
*
1 Il est devant son établi de savetier. Son épouse, assise, file sa quenouille en lui tournant le dos. Dans les ménages de savetiers, fort pauvres, les femmes vendaient leur ouvrage : « Vrayement, si n’estoit que je fille, (…)/ Vous mourriez de fain, marmouset ! » (Ung Savetier nommé Calbain.) Chacun des époux monologue en feignant de ne pas entendre l’autre. 2 Me conseilla. 3 Me barbouilla, me bredouilla. 4 Avant. 5 Harcelé. 6 J’échoue. 7 Sibile se fait appeler ainsi (vers 52). Ancêtre des Précieuses et grande lectrice de niaiseries, elle a trouvé dans un de ses livres (vers 314) ce cliché qui dépeint traditionnellement la Sibylle de Cumes : « À Cumes, où il trouva la saige Sibille. » Le Grand Olympe des histoires poétiques. 8 Pour mon malheur. 9 Le verbe « se marrir » [se fâcher] est incontournable dans les farces conjugales, où les maris sont toujours marris. Idem vers 15, 202, 446. 10 Jouer se lit déjà au vers 14. Jouter = copuler : cf. Ung jeune Moyne, vers 316. 11 LV : moque — Correcteur : toque (Elle se frappe la tête.) 12 Le correcteur a rendu illisible le texte original en le recouvrant avec : elle ne fet rien 13 Un malade mental. Idem vers 259. 14 Ne saurait, ne pourrait. Même normandisme aux vers 246 et 320. 15 Quant à moi. 16 LV : cest 17 Mit hors de lui. Idem vers 311. 18 Délivrée. Idem vers 327 et 369. 19 À mon domicile. 20 Posément. Idem vers 380 et 433. 21 LV : a trect (La folie attrait, attire de folles paroles.) 22 De lui faire bonne figure. 23 LV : corecture (Influencé par le latin corectura, le copiste a mal lu l’abréviation cõiecture. Même faute dans la Geste de Liège, de Jehan des Preis, que le Dictionnaire du moyen français <ATILF> donne malencontreusement en exemple à l’entrée « correcture », laquelle n’a pas lieu d’être.) Que ce projet m’est pénible. 24 Noé fut le premier à cultiver la vigne et à s’enivrer. Villon commence une ballade contre un ivrogne ainsi : « Père Noé, qui plantastes la vigne ! » Comme tous les savetiers, le Mari adore le vin : vers 200, 218, 374, etc. 25 Un si bel entendement que moi. « J’ay assez belle entendouoire. » Rabelais, Quart Livre, 27. 26 Le Mari n’a bien sûr aucune notion de l’ars memoriæ qu’enseignaient les rhétoriciens. Il fait juste allusion au vin, qui développe la mémoire : « Me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. 27 Diot = idiot (les Veaux, vers 102). Nice = stupide (Jehan qui de tout se mesle, vers 183). 28 Qu’il sorte du sens épisodiquement, qu’il ait des crises de folie. « Et dussiez-vous yssir du sens. » La Pippée. 29 Elle se tourne vers son mari. 30 En pèlerinage, pour remercier saint Acaire ou saint Mathelin, qui guérissent les fous. 31 Certains pèlerinages devaient être accomplis en silence. Voir la note 70 du Grant voiage et pèlerinage de Saincte-Caquette. 32 Sauriez, pourriez : vous êtes trop bavard pour cela. 33 Quatre hommes face à une bavarde comme vous. Le mari a plus d’esprit que ne le prétend sa femme. 34 Un clystère ne vide que les intestins, pas le cerveau. 35 Tannée, tourmentée. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 162. 36 Il va débiter une fatrasie composée sur des noms de tavernes rouennaises. L’idée sera reprise à Rouen vers 1556 dans le Discours démonstrant sans feincte comme maints pions font leur plainte <Montaiglon, XI, 73-82>, où trois de nos tavernes ont subsisté : l’Ange, la Pomme d’Or, et la Chèvre. 37 De l’année. 38 LV : tripes (La Truite est l’enseigne d’un cabaret de Rouen.) Ces truites belliqueuses nous ramènent aux batailles de Carême, dont les guerriers sont des poissons. 39 LV : y lestouent (Elles étaient.) 40 À telle enseigne, de sorte que. Jeu de mots sur l’enseigne qui indique par un dessin l’emplacement d’une taverne. 41 Faux : l’entrée du paradis est défendue aux sergents. Voir les vers 123-130 de Troys Galans et un Badin. 42 Les femmes de savetiers reprochent toujours à leur mari de se ruiner à la taverne : voir les vers 339-342 de Deux hommes et leurs deux femmes, ou les vers 155-156 de Serre-porte. En 1556, un autre Rouennais publiera le Plaisant quaquet et resjuyssance des femmes pour ce que leurs maris n’yvrongnent plus en la taverne <Montaiglon, VI, 179-189>. 43 Un joyeux compagnon. Cf. la Pippée, vers 787. 44 Quand on l’appelle. 45 C’est le bonnet qui coiffe les Sots. Double sens : une épidémie de coqueluche avait sévi en 1510. 46 Qui se fiche bien des malades qui toussent. 47 Des rais, des rasés. Dans les siècles précédents, on appliquait aux fous une tonsure particulière. Bien qu’inapte au langage, le Mari jongle en virtuose avec tous les codes de la sottie. 48 LV : inuention 49 Vous lésinez sur la nourriture et sur le vin. 50 J’en souffre (verbe se douloir). Idem vers 481. 51 Nous. Même normandisme à 480. 52 LV : quen 53 Chiche : et aussi avare, comme vous. Cf. la Réformeresse, vers 103. La sagesse est toujours assimilée à l’avarice : voir le Dialogue du Fol et du Sage. 54 Les anges doivent supporter les sages, qui sont les seuls à gagner le Paradis. 55 D’étranger : de l’extérieur. 56 Le souci. 57 Ce que nous devrons. 58 Si on faisait pondre un sage. Seuls les Sots naissent dans des œufs. 59 Je les mangerais volontiers. 60 LV : asenee (Une mal assenée est une femme mal mariée.) Cette chanson plaisait aux dramaturges : « La mal assenée/ Qu’on appelle femme du Bateleur. » (Jeu à .IIII. personnaiges.) Dans la Vie monseigneur sainct Loÿs, de Pierre Gringore, l’épouse du Bateleur se nomme Mal-assenée : « Se j’avoye cy Mal-assenée,/ Ma femme, je vous monstreroye/ Comme c’est que j’estouperoye/ À ung besoin le “trou de bise”. » Dans la Vie de sainct Christofle, de Claude Chevalet, la femme du bateleur s’appelle aussi Mal-assegnée. 61 Où je vous pris pour femme. 62 Prononcé à la française, ce mot rimait en -ment. Voir la note 160 de Régnault qui se marie. 63 Forme locale de Jeanne : « Jenne, qui filait de la layne. » (La Muse normande.) Le mari compare sa mégère à deux de leurs voisines. 64 LV : poisse (Me pèse. Idem vers 468.) 65 Cette chanson commence le Savatier et Marguet. Les savetiers sont d’intarissables chanteurs : voir le vers 17. 66 Sans qu’aussitôt. 67 Ce que. 68 LV : et quel 69 Pas assez mûre. « Mais tu as la teste si verte. » (L’Aveugle et Picolin.) L’un des Sotz triumphans se nomme Teste Verte. 70 Fantasque. Ce vers a été ajouté par le correcteur. 71 Rapidement. 72 LV : murer 73 Il va ramasser un chapeau de paille derrière son épouse, qui est toujours assise en train de filer. 74 LV : sa je (Le prétendu sot arrive à commettre des calembours.) Je me verrai sage : je le deviendrai. 75 Ma tête s’échauffe (vers 153) et devient tempétueuse. 76 Et pourtant, je ne sais. 77 LV : le (La mettre, ma tête.) 78 On pose les fruits sur de la paille pour les faire mûrir. « Avec le tems & la paille, les nèfles meurissent. » (Dict. de l’Académie françoise.) Le Mari plonge sa tête dans le chapeau de paille. 79 Il palpe sa tête pour voir si elle a mûri. Toujours plongé dans le chapeau, il retourne devant Sibile. 80 Ces deux fonctions exigent un minimum de sagesse, et un chaperon plus austère qu’un chapeau de paille. 81 LV : malureuse (Voir le vers 11.) 82 Pour peu. 83 Sur mesure. 84 LV : seigle (Les deux mots sont synonymes. « Il atrapa les derniers, et les abbastoit comme seille, frapant à tors et à travers. » Gargantua, 43.) 85 De vous retirer de ce chapeau. 86 Sibile ponctue chaque mot d’un coup de quenouille sur le chapeau. 87 LV : lignes (La taverne des Trois Cygnes, rue Saint-Romain, voisinait avec celle de l’Ange, nommée au vers 91.) Les épitaphes parodiques sont monnaie courante dans les farces : voir les vers 213-219 des Frans-archiers qui vont à Naples, les vers 192-194 de l’Avantureulx, ou les vers 513-518 du Testament Pathelin. Le Mari a d’ailleurs les mêmes préoccupations que ledit Pathelin, qui veut être inhumé « en une cave, à l’advanture,/ Dessoubz ung muy de vin de Beaulne ». 88 D’un baril de vin. Triboulet meurt dans les mêmes conditions. 89 Le soir où il fut contrarié. 90 Subtile : la signature d’une épitaphe est en caractères plus fins que le texte. 91 On enterrait les fous en titre d’office avec leur outil de travail. 92 Qu’un défaut. 93 À cause de laquelle je suis maintenant rendue indigne. 94 LV : la femme (Le correcteur, qui n’a pas mieux compris ce passage que le scribe, distribue les deux vers précédents au Mari.) 95 LV : desiune (De sœur aînée.) Dans les familles modestes, c’est la sœur aînée qui reçoit la dot et qui peut donc se marier. Sibile regrette d’avoir été l’aînée. Les Précieuses auront la même répulsion pour le mariage, qu’elles nommeront l’amour permis, ou l’amour fini, ou l’abîme de la liberté. 96 Avant que ne sonne l’heure de la messe. Le découpage du temps, qu’il soit annuel ou journalier, appartenait à l’Église, qui n’a pas vu d’un bon œil l’apparition des montres individuelles. 97 Raccourci normand de « par saint Jean ! ». Cf. les Sobres Sotz, vers 452. 98 Vous aurez du sens, de la sagesse. « Mon » est une particule de renforcement : « Par saint Jehan ! ce ne feray mon ! » La Mauvaistié des femmes. 99 Pour peu que vous m’obéissiez. 100 Ni aller et venir. « Tracasser de nuyct sans chandelle. » Marchebeau et Galop. 101 Passer votre folie, vous assagir. 102 LV : seigneures (Décorés de motifs à l’ancienne mode. « Manteaulx de satin figuré. » ATILF.) Ce mot appelle un calembour sur défiguré. « C’est satin deffiguré. » Le Capitaine Mal-en-point. 103 Je veux dire. Cette formule d’autocorrection est un des gags de l’Avantureulx, aux vers 16, 330 et 347. 104 Cela semble laid, démodé. 105 LV : lont (Les habits masculins à la mode en ce début du XVIe siècle se contentent d’un « bas collet », parfois presque inexistant. Cf. Gautier et Martin, vers 212 et 245.) 106 Aujourd’hui, ils sont dépourvus de collet. 107 Harigotés = enrichis d’ornements tailladés. Déchiquetés = ornés de franges. « Sont mignons et asriquetés,/ Ont les chapeaux déchiquetés. » Éloy d’Amerval. 108 LV : guisse (Découpés de mainte façon.) L’auteur de la pièce, comme tous les satiristes de l’époque, jette un regard critique sur la mode. 109 LV : Insesanment (Sans cesse. Quelques dandys changeaient de parure plusieurs fois par jour.) 110 C’est de la folie. « Ce vent faict faire rouge rage. » Sermon joyeux des quatre vens. 111 Cela ne tient-il pas au fait. 112 Je viendrai bien à bout de cette sagesse. 113 Qu’il n’y ait rien à redire. 114 Je m’émeus. 115 Je vais en chercher. 116 Il sort par le rideau de fond. 117 LV : bien (À la rime.) 118 Quoi qu’il veuille faire. 119 Le plus loin possible, car nul ne savait où reposait le corps de Romulus. Sibile est une inconditionnelle de la pendaison : voir les vers 281, 403, 458. 120 Il revient en loques, après avoir « déchiqueté » ses habits à grands coups de ciseaux. 121 Dois-je encore faire quelque chose pour imiter les sages ? 122 LV : trespasse (Transpercé. « Me tresparsans jusques aux flans. » Villon.) C’est l’habit de quelqu’un qui a reçu un coup de lance. 123 Quoi que vous en disiez. 124 Il se livre devant sa femme à un défilé de mode. 125 LV : pasage (Il ne comprend pas ce que je lui ai dit.) Ces 2 vers s’adressent au public. 126 Ce que. 127 Jamais je ne serai à ma convenance. Même vers que 350. 128 Qu’en grande perfection. 129 J’ai entendu dire de vous. La Seconde Moralité fustige également la démarche chaotique des Sots : « Mais marchez droict sur vos talons/ Sans fléchir ni faillir en rien ;/ Encor ne sçaurez-vous si bien/ Marcher qu’il n’y ait à redire. » 130 « Il faut marcher tout bellement/ Et faire le sage en la rue./ Quand un fol une pierre rue [lance],/ Quand il court, ou qu’il tourne ou vire,/ Le monde ne s’en fait que rire. » Dialogue du Fol et du Sage. 131 D’un pas mesuré. 132 Et pour avoir de l’allure. 133 LV : marchant (Marcher « à pied de plomb : slowly, dully, heavily, with leaden heeles. » Cotgrave.) 134 LV : qui ne fault / a (Ce qu’il me faut pour.) 135 Il charge sur son épaule un énorme sac de vieux souliers. 136 LV : ne me 137 LV : trauail (C’est une grande peine.) 138 On dit seulement « habile comme un lévrier », dans le sens de rapide. 139 Vu le sens grivois de « gaule », elle espère que son mari parle de sa braguette. 140 Vingt-et-dix (sic !) = 30. Le Mari porte donc 15 kg. 141 Connu, si ce n’est. 142 LV : grey (Voir le vers 276.) Le Mari laisse tomber son sac sur les pieds de Sibile. 143 Novice. « Tu es encore bien nouveau ! » (Messire Jehan.) Ces 2 vers s’adressent au public. 144 Ce que je vous ai dit. 145 LV : de liures (Comme les fous privés de sens.) 146 Où il y a une bonne idée à retenir. 147 Je vous dicte des lettres pour mes fournisseurs. 148 LV : vit (Qu’un meilleur lecteur que moi ne fit jamais.) 149 Il. Encore deux vers destinés au public. 150 Pour cela, vous ne risquez pas. 151 LV : est 152 Il retourne en coulisse. 153 Deux fois plus. 154 Il revient avec un des livres de sa femme. Il en déchire une page et la met dans sa bouche. 155 Que Dieu m’accorde un bon succès. 156 LV : desiunee (Nourri.) À la rime, LV donne : endoctrinee 157 Le correcteur écrit : Ung habile home. Le Mari affectionne les tournures proverbiales : voir les vers 102, 114-115, 305, 424-425 et 492-493. 158 Pour le plus sûr. 159 Délivrée (note 18). La fatalité des liens indissolubles du mariage est soulignée par les quatre jamais qu’égrènent les vers 369-376. 160 Et pourtant. 161 Les Normands prononçaient baire. « Du meilleur vin y veulent baire. » La Muse normande. 162 Comment. 163 Un résumé, pour que je puisse mieux le digérer. De tels résumés s’appellent d’ailleurs des digestes : « La science des loix réduite en digestes. » Lacurne. 164 Posément. Mais un « trait » est aussi une flèche d’arbalète. 165 LV : anerty (Dans l’embarras. « Périclès fut en grant ennuy et pensif. » Les Triumphes de messire Françoys Pétraque.) 166 LV : propise (Puisqu’il est bon pour mon intelligence.) 167 LV : seruice (Ces 2 vers s’adressent au public.) 168 Il dialogue avec un carreau d’arbalète comme les Sots dialoguent avec leur marotte. Cet empilement d’anacoluthes est dû au fait que le Mari est le seul à entendre les réponses de la flèche (vers 399), qu’il tient comme un téléphone. À la lecture, ce numéro d’acteur tombe à plat. 169 Le bout des flèches est ferré pour qu’elles ne s’écrasent pas en percutant la cible. « III douzaines de boutz de laiton pour ferrer lesdites fleuches. » ATILF. 170 On m’a retenu pour faire partie des sages. 171 En écoutant ce que m’a répondu la flèche. 172 LV : seray demain sage (À la rime.) « Je feray raige ! » Raoullet Ployart. 173 Il faut la protéger. 174 LV : sciences (Vos paroles concernant la sagesse.) 175 Je vais l’affubler, la coiffer. Des braies servent accidentellement de coiffure à l’abbesse de Sœur Fessue. 176 Le Mari retire ses braies devant tout le monde, et il en coiffe Sibile. 177 LV : cela 178 Saint Crépin est le patron des savetiers. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 187. 179 LV : car 180 Porter les braies : porter la culotte. 181 Veuillez y renoncer. 182 LV : habille (Vous m’avez dépouillé de mes habits de l’ancien temps. Voir les vers 221-229.) 183 À trait, calmement (note 20). 184 Il empoigne une arbalète qui sert de décoration murale. 185 LV : sote creature (C’est vous qui le dites. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 238.) 186 Qui n’a aucun souci, qui ne pense à rien. Au-dessus de ce vers, LV ajoute en vedette : le mary. Au-dessous, il ajoute : la feᓓ 187 En long et en large : en tout lieu. Lorsqu’un homme était pendu, ce déshonneur rejaillissait sur toute la famille : « C’est déshonneur pour le lignaige. » P. Gringore. 188 Il vise sa femme avec l’arbalète. 189 De faire une fausse manœuvre. 190 La partie mobile d’une arbalète, qui tire la corde en arrière. 191 Il enclenche le mécanisme de l’arbalète. 192 La pièce qui bloque l’arbalète bandée. 193 Assiégé. 194 De nous deux : nous sommes à égalité. 195 Autrement que pour de bonnes raisons. Le congé final s’adresse au public. 196 Mal parler. 197 LV : Sy ly en a 198 La satire.
LES QUEUES TROUSSÉES
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LES QUEUES
TROUSSÉES
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La queue dont il est question dans cette farce parisienne n’est autre que la traîne que les femmes à la mode cousent derrière le col de leur robe. En cette fin du XVe siècle, les élégantes la laissent traîner par terre, au grand dam des maris : « –Vostre queue est bien fort crottée !/ –Me veulx-tu garder de cela,/ De traisner ma queue çà et là ? » (Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris.1) Mais les rieurs, eux, s’en donnent à cœur joie : « –De quoy servent (…) ces queues à ces damoiselles ?/ Esse pour ballayer le plastre ?/ –Pourquoy c’est que ces damoiselles/ Portent grans queues ? Pour s’esmoucher/ Plus près des oreilles.2 » (Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) Quand Madame ne veut pas salir cette queue, elle la « trousse » ; autrement dit, elle l’enroule par-derrière en forme de coquille, et elle en coince le bout sous la ceinture : « Et quand y voyt la queue troussée,/ Que dict-il ? » Les Mal contentes.
Source : Recueil de Florence, nº 6.
Structure : Rimes abab/bcbc.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Queues troussées
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À cinq personnaiges, c’est assavoir :
MACÉ, lenternier [mari de la Première Femme]
MICHAULT, savetier [mari de la Seconde Femme]
LA PREMIÈRE FEMME
LA SECONDE FEMME
MAISTRE ALIBORUM 3
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LES QUEUES TROUSSÉES
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MACÉ commence en chantant, SCÈNE I
faisant ses lenternes.4
Oncques depuis mon cueur n’eut joye5
Que fuz marié de nouveau.
MICHAULT, en cousant ses souliers.
Hé ! que vécy mauvaise soye6 :
Elle vient d’ung mauvais pourceau.
5 Qu’esse-ci, bon gré sainct Marceau ?
Comment ce paillart fil7 se [p]lie !
Ha ! j’entens bien : c’est cuir de veau8 ;
C’est la cause qu’i s(e) amolie.
Et ! vécy terrible folie !
10 Ceci ne vault pas ung denier.
MACÉ, en chantant :
Crocque-la-pie9 se marie
À la fille d’ung poissonnier.
MICHAULT
Voysin !
MACÉ
Que te fault-il, gaultier10 ?
MICHAULT
Et ! je ne sçay, par Nostre Dame !
15 Si fois11 : dy-moi, je te requier,
Se tu sces où est12 allée ma femme.
MACÉ
Ta femme ? Nenny, par mon âme !
Je croy bien qu’elle se devise
Et qu’elle estudie sa game13
20 Avec les clercs de nostre église.
MICHAULT
Elle leur fait une chemise
Ou des mouchouèrs en leur maison.
MACÉ
Mais qu’il [y ait]14 nouvelle prise,
Ce leur est fresche venoison15.
MICHAULT
25 Et la tienne ?
MACÉ
En toute saison
À l’hostel16. Où pourroit-elle estre ?
MICHAULT
Elle est, par bieu, en garnison
En la chambre de quelque prestre,
Et on ne la sçauroit mieulx « mectre ».
MACÉ
30 Mais la tienne, tu n’en dis basme17 ?
[MICHAULT]
Elle fait le lit de son maistre18 :
Elle n’y peult avoir nul blasme.
C’est ce qui la fait preude femme.
[MACÉ]
Elle va « jouer19 », que veulx-tu !
MICHAULT
35 Foy que doy [Dieu],20 vertu mon âme !
Si21, ne fus-je jamais coqu.
MACÉ
Hé ! dea, comment tu es testu !
MICHAULT
Et puis ?
MACÉ
N’es-tu pas bien rebelle ?
Il semble que tout soit perdu,
40 Aussitost qu’on te parle d’elle.
MICHAULT
Que maudicte soit la femelle !
Ce n’est que meschant cuir de veau22.
MACÉ chante :
Baille-luy, baille, baille-luy belle,23
Baille-luy, baille, baille-luy beau.
MICHAULT chante :
45 Tarabin, tarabas,24 tarabinelle,
Tarabin, tarabas, tarabineau.
MACÉ
J’è frapé ung coup de marteau
Par trop ; je ne sçay que je brouille25.
MICHAULT
Vécy de la soye de pourceau
50 Aussi molle comme ma couille26.
MACÉ
Que cecy est dur !
MICHAULT
Si, le mouille27 !
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LA PREMIÈRE 28 FEMME, ayant la queue de sa
robe longue et traînant à terre [qu’elle aura] 29 levée.
Macé ! SCÈNE II
MACÉ
Qu(i) est là ?
LA PREMIÈRE FEMME
Vous vous faignez30 !
LA SECONDE FEMME, ayant queue pareille que
la première, et levée.
Vous aurez ung coup de queno[u]ille31,
Aussi, se vous ne besongnez !
MICHAULT
55 Mais vous, tousjours vous [vous] pignez32,
Ou voz saintures vous saignez33.
Mais ce ne sont pas [belles manières]34.
MACÉ
Ma femme, aussi vous groignez.
L’on m’a bien dit que vous baignez
60 Avec d’autres que mes commères35.
LA [PREMIÈRE FEMME] 36
On fait souvent de bonnes chères
– Mais c’est sans pencer à malice –,
Quant on est avec ces compères37.
MICHAULT 38
Que vous estes bonne(s) à l’office39 !
LA SECONDE 40 FEMME
65 Ne vous chaille, c’est ung novice41 :
Au monde, n’est rien plus rebelle.
LA [PREMIÈRE FEMME] 42
Se j’estoye vostre nourrice,
Je vous froteroye bien soubz l’elle43 !
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MACÉ SCÈNE III
Je m’en raporte bien à elle44,
70 Mais je sçay bien ce qu’on m’a dit.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IV
Le jeu ne vault pas la chandelle45.
LA SECONDE FEMME
Or n’en parlons plus, il suffist !
Le grand monsïeur46 qui nous fist
L’autre jour si [très]bonne chère
75 Si m’a mandé, par son petit
Gars47, que nous ne demourions guière48.
LA PREMIÈRE FEMME
Et de partir, par quel manière ?
LA SECONDE FEMME
Ennémenne49 ! je n’en sçay rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Par quelque excusance légière50
80 En fauldra trouver le moyen.
LA SECONDE FEMME
Pensez que nous y ferons bien,
Ennuyt51, la compaignie françoise !
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LA PREMIÈRE FEMME 52 SCÈNE V
Hau, mon mary !
MACÉ
Estront de chien53 !
LA PREMIÈRE FEMME
Voulez-vous pas bien que je voise
85 Ung petit sur une bourgoise54,
Tandis qu’il ne fet pas trop let55 ?
MACÉ
Affin que [je] n’aye point de noise,
Par Dieu, allez où [il vous plêt]56 !
LA PREMIÈRE FEMME
C’est pour luy tailler ung collet,
90 Pource que le sien est trop hault57.
MACÉ
Fust pour luy couper le sifflet58,
Par mon serment, il ne m’en chault !
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LA SECONDE FEMME SCÈNE VI
Mon amy, tandis qu’il fait chault
Et qu’i ne fait pas trop croté59,
95 Il me fault, mon mary Michault,
Aller jusques à la Cité60.
MICHAULT
Qui vous a si tost invité ?
Le macquereau, ouy, par ma foy !
LA SECONDE FEMME
C’est une dame, en vérité,
100 Laquelle suyt la court du Roy61.
MICHAULT
Voire. Mais tous les jours, je voy
Ung grant tas de ratisserie62 :
Par quoy j’ay grant peur, par ma foy,
Qu’il y ait de la tromperie.
105 N’allez pas don[c] en riblerie63 !
LA SECONDE FEMME
Que cela je vous feisse acroire !
Et ! c’est, par la Vierge Marie,
Pour enfiller des parlettes64.
MICHAULT
Voire !
Je vous en croy ! Il est notoire
110 Que ce mot-là j’avoys songé.
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LA SECONDE FEMME 65 SCÈNE VII
J’ay esté en grant ancessoire66,
Ains67 que j’ay[e] peu avoir congié68 ;
Mais à la fin, je l’ay rangé
En luy faisant acroire songes :
115 Je cuide que luy ay forgé69
Plus de cinq cens milles mensonges !
LA PREMIÈRE FEMME
Nous leur referons [bien] leur[s] longes70,
Et fussent-ilz ung droit milier71 !
LA SECONDE FEMME
Nous les ferons doulx come esponges,
120 Quant les voul[dr]ons humilier.
LA PREMIÈRE FEMME
Pensons au prouffit singulier,
Pour tenir au[x] plus ruséz serre72.
LA SECONDE FEMME
De noz queuës nous fault deslier73,
Et les abaisser jusqu’à terre.
LA PREMIÈRE FEMME
125 Nous envoirons noz mariz braire74.
LA SECONDE FEMME
Par bieu, nous les ferons infâmes !
Allons-nous-en voir ces gens de guerre75,
Qui contentent si bien leurs dames.
*
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MACÉ 76 SCÈNE VIII
Michault !
MICHAULT
Macé ?
MACÉ
Disons noz games77,
130 Et puis chantons, et ferons raige.
MICHAULT
Je suis si aise que noz dames
Sont allées en pèlerinage !
MACÉ
Ils sont allées en garouage78 ;
Cuides-tu qu’ilz soient [au moustier]79 ?
LA PREMIÈRE FEMME, qui laisse traîner sa
queue à terre.
135 Nous sommes vostre malle rage,
Ort vilain, paillart lanternier !
LA SECONDE FEMME laisse traîner sa queue à
terre, et dit :
Et ! fault-il, pour ung soufletier80,
– Veu qu’e[n] mal [jà nul]81 ne nous vit –,
Et aussi pour ung savetier,
140 Que nous ayons tant de despit ?
[MICHAULT]
Et !…
[LA SECONDE FEMME]
En parlez-vous ? Il suffist !
Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?
MICHAULT
Et ! vrayement, je ne l’ay pas dit :
Ç’a esté Macé, par mon âme,
145 Qui m’a dit que, par Nostre-Dame82,
Vous estiez toutes deux soubz83 forge.
MACÉ
Croiez-vous ce paillart infâme ?
Il a menty parmy la gorge84 !
MICHAULT, en se esbatant des queues de leurs
femmes :
Mais qu’esse-cy, bon gré sainct George ?
150 [Et !] que vécy longue traînée !
MACÉ
El(le)s sont [poudrées comme ung pain]85 d’orge.
LA PREMIÈRE FEMME
C’est la façon de ceste année.
MACÉ
Vous estes bien habandonnée86,
D’une si longue queuë prendre !
MICHAULT
155 Qui a la façon amenée87,
Je prie à Dieu qu’on le puist pendre !
MACÉ
Voisin, scez-tu où veulx prétendre88,
À quel fin et à quel moyen ?
Coupons ces queuës pour les vendre,
160 Car cest estat-cy89 ne vault rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous, coquin, bourreau, ruffien,
Dictes-vous que les couperez90 ?
Ha ! nous vous en garderons bien !
Par sainct Jacques, vous mantirez91 !
MICHAULT
165 Et ! par Dieu, dont92, vous sortirez
Plus viste que vent de janvier93 !
LA SECONDE FEMME
Vous, paillart, vous me fraperez ?
Mais regardez quel vieilz rotier94 !
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IX
Ma voisine, il nous est mestier95
170 De trouver qui y remedira.
LA SECONDE FEMME
Charchons quelque bon conseillier96 ;
Je ne sçay, moy, qui97 ce sera.
LA PREMIÈRE FEMME
Nous irons voir, qui m’en croira98,
Maistre Aliborum ung petit99 :
175 Incontinant il nous dira
Ce que nous ferons.
LA SECONDE FEMME
C’est bien dit.
LA PREMIÈRE FEMME
[Or] n’en parlons plus, il souffist100.
Il nous ostera hors d’esmoy.
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MACÉ 101 SCÈNE X
Par le [sainct] sang que Dieu me fist102 !
180 Je meurs de soif.
MICHAULT
Si fois-je moy.
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LA PREMIÈRE FEMME 103 SCÈNE XI
Vélà Monsïeur, que je voy.
LA SECONDE FEMME
Allons compter nostre maintien104.
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MACÉ 105 SCÈNE XII
Je suis [bien] aise quant je boy.
MICHAULT
Voire, et qu’i ne te couste rien.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE XIII
185 Monsïeur, devers vous je vien
Car mon mari m’a voulu batre.
LA SECONDE FEMME
Enné ! aussi a fait le mien.
S’on ne [leur eust sassé du]106 plastre…
MAISTRE ALIBORUM
Et ! c’est trop compté sans rabatre107.
190 Ilz sont trop aises, seurement !
S’il fault que leur baille une emplastre,
Ilz en maudiront l’ongnement108.
Et ! fault-il tant de hongnement109 ?
Les fièvres les espouseront110 !
LA PREMIÈRE FEMME
195 Ilz nous ont juré [grant serment]111
Que noz queuës ilz coupperont.
MAISTRE ALIBORUM
Taisez-vous, taisez : non feront.
LA SECONDE FEMME
Faictes-les don[c] tenir en paix.
MAISTRE ALIBORUM
Plus longues encores y seront
200 Et plus larges, se je m’y metz.
[LA PREMIÈRE FEMME]
Pource qu’ilz ne finent112 jamais,
On ne peult faire bonne chère113.
[MAISTRE ALIBORUM]
Je leur serviray d’ung tel metz114
De quoy on ne se doubte guère.
205 Macé a bonne femme entière115
Et belle ; qu’esse qu’il luy fault ?
LA SECONDE FEMME
Il m’appelle « vieille trippière ».
MAISTRE ALIBORUM
Voire, vostre mary Michault ?
LA PREMIÈRE FEMME
Nos mariz chantant aussi hault.
MAISTRE ALIBORUM
210 Je les feray chanter plus bas !
LA SECONDE FEMME
Mais de cela il ne m’en chault,
S’il ne m’apelloit « vieil cabas116 ».
MAISTRE ALIBORUM
Ne vous courcez117, pour tous débas,
Puisque n’estes point affollée118.
215 Vrayement, ilz jouront au rabas ;
[Plus ne jouront]119 à la vollée.
LA SECONDE FEMME
Mon mary m’a tousjours foullée120.
De Dieu puist-il estre mauldit !
MAISTRE ALIBORUM, en levant leurs queues.121
Vous aurez la queuë troussée
220 En despit de ce qu’ilz ont dit.
LA SECONDE FEMME
Incessamment le mien mesdit
Sur moy ; ay-je tort se m’en course122 ?
Oncques, depuis qu’il se sentit
Avoir deux blans123 dedans sa bourse,
225 Je n’euz bien à luy124.
MAISTRE ALIBORUM
Pourquoy ?
LA SECONDE FEMME
Pour ce.
MAISTRE ALIBORUM
Dont vient cela qu’i n’est plus doulx ?
Vous luy faictes trop la rebource125
Quant il se vient jouer à vous ?
LA SECONDE FEMME
Sauf vostre grâce, il est jaloux :
230 Et si, est plus despit126 q’ung chien.
MAISTRE ALIBORUM
Et ! aussi, vous le faictes coux127 !
LA SECONDE FEMME
Dea ! voire, mais il n’en scet rien128.
MAISTRE ALIBORUM
Saint Jehan ! vous serez tantost bien.
LA PREMIÈRE FEMME
Si bien qu’il n’y aura que frire129.
MAISTRE ALIBORUM
235 Ce mirouèr130 si sera moyen
De faire vostre queuë luire131.
J’ai bien besongné d’une tire132 :
Il est plus cler q’une verrière.
Regardez133 : y a-il que redire ?
240 Fait-il pas beau veoir leur derrière134 ?
.
MACÉ SCÈNE XIV
[Se] ceste corne135 fût entière,
J’auroye [fait ouvraige de prix]136.
.
LA SECONDE FEMME SCÈNE XV
Que ma queue [est belle, derrière]137 !
LA PREMIÈRE FEMME
J’ay la plus belle [de Paris]138.
.
MICHAULT SCÈNE XVI
245 Ha, ha, ha, ha ! Macé, je me ris
De noz femmes, qui sont sy bestes.
.
MAISTRE ALIBORUM SCÈNE XVII
Retournez devers voz maris,
Et parlez bien à leurs barrettes139.
Voz queuës sont assez honnestes140.
250 Despêchez-vous, av’ous ouÿ141 ?
Dieu mercy, vous avez deux testes142
De femmes, n’avez pas ?
LES DEUX ENSEMBLE
Ouÿ !!
LA PREMIÈRE FEMME
Nous avons cy par trop rouy143.
À Dieu !
MAISTRE ALIBORUM
À Dieu, gentes galoises !
.
MACÉ 144 SCÈNE XVIII
255 Je puisse estre vif enfouy
Se ne revécy noz bourgoises !
MICHAULT
Ce ne sera pas, dont, sans noises.
MACÉ
Je croy que ce ne sera mon145.
MICHAULT
El(le)s sont, par Dieu, aussi courtoises
260 Comme une ortie ou ung chardon.146
.
LA PREMIÈRE FEMME 147 SCÈNE XIX
Macé, nous venons du pardon148.
MACÉ
Du pardon ? Ha ! ne mentez point !
LA SECONDE FEMME
Et d’avec maistre Aliborum,
D’apprendre nostre contrepoint149.
MICHAULT
265 Et quoy faire ?
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous a apoint150
Ung petit noz queuës plus hault.
MACÉ
Il a dont heurté au maujoint151,
Car c’en est un maistre brifault152 !
LA SECONDE FEMME
Il nous a mys, pour faire ung sault153,
270 La queuë de bonne manière.
MICHAULT
Et esse pour avoir plus chault
Qu’il a descouvert le derrière ?
MACÉ
Vous a-il lavées à la rivière154 ?
Vous a-il menées à l’abrevouèr ?
LA SECONDE FEMME
275 C’est une chose singulière
Des biens qu’i nous a fait avoir.
MICHAULT
Et, dea ! je vouldroye bien sçavoir
Une chose, que vous vois dire155 :
Mais dequoy [vous] sert ce mirouèr ?
LA PREMIÈRE FEMME
280 Pour faire nostre queuë luire156.
MICHAULT
Ha ! ma femme : que je me mire,
Ou, par Dieu, je n’en verray157 rien !
LA SECONDE FEMME
Aprochez-vous ! (Vécy pour rire.)
Mirez-vous fort, je le veulx bien.158
MACÉ, en soy mirant.
285 Je me mire par bon maintien159 ;
Mais, par bieu, je ne suis pas beau !
LA PREMIÈRE FEMME
Pour ung mary parisien160,
Vous estes plus lourt q’ung taureau161.
Nota que les .II. hommes doivent avoir soubz leurs
chappeaux, chacun, ung bonnet à oreil[l]es de
veau.162
MICHAULT, en ostant son chapeau de la teste, dit
en soy mirant :
Quoy ! se je n’ouste163 mon chappeau,
290 Je ne me puis mirer icy.
LA SECONDE FEMME
Pource qu’ilz ont teste de veau,
Ilz n’entendent pas bien cecy.
MACÉ, en ostant pareillement son chappeau, dit en
soy mirant :
Michault, je suis en grant soucy
De ce miroèr : j(e) y voy merveilles164.
MICHAULT, soy mirant.
295 Au miroèr ma femme165, vécy
Une teste à deux grans oreilles,
Serrée comme raisins en treilles.
Que puisse estre ? J(e) y pers mon sens.
MACÉ, soy mirant.
Il me souvient de ces bouteilles,
300 Quant je me mire icy dedans166.
LA PREMIÈRE FEMME
Pour faire noz maris contens,
Nous les faisons bien follier167.
LA SECONDE FEMME
Si sont-ilz veaux maugré leurs dens168 ;
Ilz ne le sçauroient regnier169.
MICHAULT
305 De la queuë que portiez hier,
Par ma foy, je n’en auroys cure.
MACÉ
Ilz servoient pour baloyer170
De la terre toute l’ordure.
LA PREMIÈRE FEMME
Noz mariz, pour toute adventure,
310 Laissons-les songer le moron171.
Et se contre nous l’on murmure,
Allons veoir maistre Aliborum.
LA SECONDE FEMME
Se quelque chasseur à « furon172 »
Venoit, ne [luy] soions rebelles :
315 Car il donra ung chapperon173,
Puisque les queuës sont si belles174.
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous fault sçavoir des nouvelles
Entre nous, mignonnes, pour rire.
MICHAULT
Jamais je ne vy queuës telles
320 Que ceulx-ci, ne si bien reluire.
MACÉ, en soy mirant derechef.
Je suis joyeulx, quant je me mirre
En ung miroèr qui est si beau.
Je ne sçay, moy, que c’est à dire175 :
J(e) y voy deux oreilles de veau.
325 N’esse pas ung miroèr nouveau176 ?
Puis doit remectre son chappeau sur sa teste, en soy
mirant comme tout esbahy, et dit :
Mais je n’entens rien au surplus :
Pource qu’ay mis mon grant chapeau,
Ces deux oreilles n’y sont plus.
MICHAULT
Et ! je m’en voys, comme conclus177,
330 Aussi, par bieu, mectre le mien.
Lors doit mectre son chappeau dessus sa teste en soy
mirant.
[De ce miroèr, il est]178 conclus
Que je n’entens point le moyen.
Et quoy ! vécy chose de bien179 :
Que sont-ilz si tost devenu[e]s180 ?
335 Des oreilles, je n’en voy rien ;
Je croy, moy, qu’elles sont perdues.
LA PREMIÈRE FEMME
Tousjours seront entretenues
Noz queuës, car el(le)s sont honnestes.
LA SECONDE FEMME
Quant noz maris les ont tenues,
340 Ilz s’i sont miréz comme bestes181.
LA PREMIÈRE FEMME
Si en fera bien ses grans festes,
Encores, quelque homme de bien.
LA SECONDE FEMME
Ma[r]is, en despit de leurs testes,
Sont veaulx ; et si, n’en sçavent rien.
.
345 Nous retour[n]ons après les festes. 182
Adieu, messeigneurs !
LA PREMIÈRE
Adieu vous command !
.
EXPLICIT
*
1 Pour les rapports flagrants qui lient cette farce à la nôtre, voir sa notice. 2 Cette réplique est prononcée par maître Aliboron, qui est aussi l’un des personnages de notre farce. 3 Ce personnage de faux savant apparaît dans beaucoup de farces et de sotties : voir la note 8 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Ici, nous avons plutôt affaire à une espèce d’alchimiste, un Dapertutto dont les miroirs magiques capturent plus souvent des veaux que des alouettes. 4 Tout comme dans Grant Gosier, un fabricant de lanternes et un savetier partagent la même échoppe. Les petits artisans qui avaient peu de moyens recherchaient ces cohabitations professionnelles : dans Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, un couturier a pour colocataire un chaussetier. 5 Cette chanson illustre également la Résurrection Jénin à Paulme et la sottie des Deulx Gallans et Sancté (LV 12). Voir H. M. Brown, Music in the french secular theater, nº 319. 6 La soie est le poil dur et long du porc. Sous le nom de ligneul, les cordonniers l’utilisaient pour coudre le cuir. 7 Ce foutu ligneul. On le durcit avec de la poix pour l’empêcher de se plier. 8 La chaussure que je répare est en cuir de veau, plus tendre que le cuir de vache. 9 Boit le vin : « Quelque part il crocque la pye. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Croquepie est un personnage des Vigilles Triboullet. Cette chanson n’a pas été conservée ; cf. Brown, nº 67. On songe cependant à la chanson initiale de Jolyet : « Jolyet est marié/ À la fille d’un abbé. » 10 Compagnon. « Colin Guarguille, ce bon gautier. » Noël Du Fail. 11 Si fais = si ! Idem vers 180. 12 Les Parisiens fusionnaient « wé » en 1 syllabe. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 38, 51, 60, et note 19. 13 F : legende (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 109-119.) Étudier sa gamme = faire l’amour. « À ma femme,/ Messire Jehan aprenoit sa game. » Les Trois nouveaulx martirs, F 40. 14 F : est (Pour peu qu’il y ait une nouvelle femme prise dans leurs filets.) 15 C’est pour eux de la chair fraîche. « Produyre fresche venaison. » Pour le Cry de la Bazoche. 16 Elle est à la maison. 17 F : blasme (à la rime. Correction de J. Koopmans.) Dire baume de quelqu’un = en dire du bien. « On y dict basmes. » Marchebeau et Galop. 18 La Seconde Femme est donc chambrière, ce qui n’est certes pas une preuve de vertu ! L’une des Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures se nomme Troussetaqueue. 19 Copuler. « Ma femme va tousjours jouer. » Deux jeunes femmes… 20 Par la foi que je dois à Dieu. « Foy que doy Dieu ! » Serre-porte. 21 Cependant. 22 Michaud se remet donc au travail. À moins qu’il ne traite son épouse de cuir de veau ; l’insulte misogyne la plus banale était « vieux houseau » : vieille botte en cuir. 23 « Baille-luy belle : cela se respond à qui nous dit quelque sottise. » (Antoine Oudin.) Voir Brown, p. 94. 24 Le recueil de Florence contient une farce intitulée Tarabin, Tarabas (F 13). Brown, au nº 385, n’a pas compris que la réponse de Michaud est la suite de la même chanson. 25 Ce que je fais. Les artisans qui employaient un marteau frappaient selon le rythme de la chanson qu’ils scandaient. « En oyant les marteaux fraper,/ Je leur veux aprendre à chanter. » L’Âge d’or, LV 17. 26 Du ligneul aussi mou que ma verge. Cf. la Confession Margot, vers 86 et note. 27 Alors, mouille-le. Sauf que Macé n’est pas en train de découper du cuir, qui s’attendrit quand on le mouille, mais de la corne. 28 F : .I. (Les rubriques des deux femmes étant aussi capricieuses qu’elles, j’ai partout généralisé LA PREMIÈRE FEMME et LA SECONDE FEMME. J’ai aussi harmonisé les rubriques de MAISTRE ALIBORUM.) 29 F : quil auront (Elle a troussé sous la ceinture la queue traînante de sa robe.) 30 F : saignez (Rime intervertie avec celle du vers 56.) Vous faites semblant de travailler. 31 Dans les Drois de la Porte Bodés, tout comme ici, une épouse menace son mari savetier avec une quenouille : « –Tu sentiras se ma quelongne/ Porte bon son, pour toy esbatre !/ –Haro ! ma femme me veult batre. » 32 Au lieu de travailler, vous passez votre temps à vous peigner. 33 F : faignez (Vous ceignez autour de votre taille vos ceintures en métal précieux.) Ce passage est brouillé par des ajouts d’acteurs, comme c’est toujours le cas dans les pièces qui ont beaucoup circulé. 34 F : beaux mestiers (La rime est en -ères.) Ce ne sont pas des manières dignes d’une femme honnête. 35 Les femmes allaient aux étuves ensemble, mais les hommes pouvaient en profiter pour faire bonne chère avec elles (on y servait à boire et à manger), ou pour faire bonne chair (il y avait des lits). « –L’envie de le voir, avec son grand & gros que-je-n’ose-nommer qui baloque entre ses jambes, me feist estre des vostres pour en assovir mon désir, tant c’est un beau gros mambre. –Si faut-il que toy, qui le gouvernes & qui a pris tant de peine pour luy, le fasses trouver à l’assemblée que nous avons proposée de faire aux Estuves, pour rendre la feste parfaite. » La Resjouissance des harangères. 36 F : .II. (C’est la Première Femme qui est l’épouse de Macé.) Macé discute avec la 1ère Femme dans un coin de l’atelier, et Michaud discute avec la 2ème Femme dans un autre coin. L’auteur a très habilement imbriqué les deux dialogues, mais l’éditeur a tout gâché en mélangeant les rubriques. 37 « Elles sont allées à la feste/ Voir leurs cousins et leurs compères./ Hélas, qu’ils font de bonnes chères ! » Deux jeunes femmes… 38 F : Mace 39 Michaud reconnaît que sa femme –chambrière– est experte en ce qui concerne l’office [le garde-manger]. Mais son patron étant un homme d’église, elle fait aussi preuve de bonté pendant l’office. Enfin et surtout, elle est bonne à l’office : à l’acte amoureux. 40 F : .I. 41 Un religieux : « Allez-vous-en, maistre novice,/ Chanter la messe en vostre église ! » (Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) Mais l’épouse manie elle aussi le double sens : un novice est un puceau, ou un giton. « De filles n’avons nul besoin :/ Car avons-nous pas noz novices,/ Avecques lesquels prenons soin/ De trouver toutes noz délices ? » Ms. fr. 22560. 42 F : .II. (Elle parle à son époux, Macé.) 43 Sous l’aile : Je vous casserais les côtes. Les hommes reprennent leur travail, et les femmes vont discuter à l’écart. 44 Je me fie à sa parole. 45 Le peu qu’on gagne à ce jeu ne vaut pas la peine qu’on y gaspille des chandelles. 46 C’est un de ces riches aristocrates qui achetaient le commandement d’un bataillon. 47 Par l’intermédiaire de son estafette. 48 Que nous ne tardions pas trop à venir. 49 Vraiment ! Cette interjection féminine se rencontre plutôt sous la forme ennément : « Ennément, je n’en sçay rien ! » (Le Povre Jouhan.) On trouve la variante « enné ! » au vers 187. 50 Grâce à une bonne excuse. 51 Ce soir. La « compagnie française » peut être une compagnie militaire, mais c’est d’abord une compagnie galante et amoureuse : cf. les Chambèrières et Débat, vers 455 et note. 52 Elle va câliner Macé, tandis que sa complice va câliner Michaud. 53 Merde ! (Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 30.) La femme est arrivée par-derrière, faisant sursauter le fabricant de lanternes, qui a cassé une lamelle de corne (vers 241). 54 Que j’aille un instant chez une bourgeoise. 55 Tandis que le temps n’est pas trop laid. 56 F : vous vouldrez (La rime est en -let.) Le Povre Jouhan dit à sa coquette : « Or allez où il vous plaira. » 57 La mode était alors aux cols bas : « Bas colletz bordéz de sattin. » Gautier et Martin. 58 Pour l’égorger. 59 Qu’il n’y a pas trop de boue dans les rues. 60 L’île de la Cité, en plein cœur de Paris. 61 Elle y occupe l’office (rétribué sur la cassette royale) de « dame des filles », c.-à-d. de mère maquerelle de la cour de France. « À Olive Sainte, dame des filles de joye suivant la cour du Roy : 90 livres, par lettres données à Watteville le 12 May 1535, pour lui aider, & auxdites filles, à vivre & supporter les dépenses qu’il leur convient faire à suivre ordinairement la Cour. » Du Cange. 62 De malhonnêtetés. 63 Dans un lieu où on se livre à des pilleries. 64 Des parlotes. Ou des perlettes : « Vostre beauté sans seconde/ Vous fait de tous appeler/ “La perle unique du monde” :/ Il vous faut donc enfiler. » François Maynard. 65 Les deux femmes sortent, et parlent dans la rue en allant à leur rendez-vous avec le capitaine. 66 Tracas. « Quel tourment ! Quel dur assessoire ! » Marchebeau et Galop. 67 F : Auant (Avant que j’aie pu obtenir la permission de sortir.) 68 F : rongie 69 F : songe (« Forger fault une menterie. » Tout-ménage.) 70 Les brides qui nous permettent de les mener comme des chevaux de labour. « Bel Acueil a trop longue longe. » Roman de la Rose. 71 Même s’ils étaient un bon millier. 72 Tenir serre = tenir la bride haute. Cf. l’Avantureulx, vers 465. 73 F : traigner (La rime est en -lier.) 74 Nous les métamorphoserons en ânes. 75 Notre généreux capitaine. 76 Acte II. Les femmes reviennent de leur rendez-vous. Elles entrent dans l’atelier sans faire de bruit. Les maris, qui leur tournent le dos, ne les voient pas. 77 Buvons un coup pour nous éclaircir le gosier. Il sort une bouteille de sa cachette. 78 En vadrouille. « Garder/ Ma femme d’aller en guarrouage. » (Ung Mary jaloux.) Ici et au vers suivant, l’auteur s’amuse à désigner par le pronom « ils » les deux comédiens travestis en femmes. Voir les notes 134 et 142. 79 F : a leglise (Correction suggérée par J. Koopmans.) Qu’elles soient au monastère. 80 Elle traite Macé de fabricant de soufflets, ce qui est une insulte pour un faiseur de lanternes : le lanternier produit de la lumière, le souffletier du vent. 81 F : iamais (Vu que nul ne nous vit jamais dans la débauche.) 82 Du côté de la cathédrale Notre-Dame, dans l’île de la Cité (vers 96). 83 F : a la (En train de vous faire marteler sous un homme.) 84 Avec sa bouche. « Tu as menty parmy la gorge ! » La Nourrisse et la Chambèrière. 85 F : appres come ung grain (Elles sont poussiéreuses, à force de traîner par terre.) On cuisait parfois le pain d’orge sous la cendre : « Usant à table du pain d’orge, & cuit sous les cendres. » (Pierre Viel.) On saupoudrait aussi le pain avec de la farine pour l’empêcher de moisir. 86 Dévergondée. « Sa femme est abandonnée. » Le Povre Jouhan. 87 Celui qui a amené cette mode. 88 À quoi je pense. 89 Leur statut social trop élevé. 90 F : comperes 91 Vous n’aurez pas dit la vérité. 92 Donc. Idem vers 257 et 267. 93 Vous sortirez d’ici à la vitesse d’une bourrasque. Michaud lève la main sur son épouse. 94 Ce vieux soudard. Les deux femmes sortent. 95 Besoin. 96 F : sauetier (« L’autre est sçavant, bon conseiller. » Seconde Moralité.) 97 F : que 98 Si l’on m’en croit. 99 Un peu. Idem vers 85 et 266. 100 Même octosyllabe que le vers 72. 101 Les deux hommes restent dans l’atelier et débouchent leur bouteille. Par convention théâtrale, seul le public les entend parler. 102 Tel que je l’ai complété, ce vers apparaît notamment dans la Mauvaistié des femmes. 103 Les deux femmes s’approchent de l’étal où le marchand d’orviétan guette les naïfs « pour métridal et triacle* esprouver », comme le stipulent les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle. *Mithridate et thériaque. 104 F : moyen (Même faute au vers 285, due au fait que l’imprimeur a mal résolu l’abréviation manuscrite de la syllabe main.) Allons lui raconter notre situation. « Et que tout compté lui auray/ Vostre maintien. » ATILF. 105 Il verse du vin dans deux chopes. 106 F : les eust chassez au (Si nous ne les avions pas fait taire. Cf. le Dictionnaire de l’Académie françoise, 1694.) Confusion avec « chasser au peautre » : envoyer au diable. « On te debvroit, présent, chasser au peaultre ! » ATILF. 107 Sans soustraire les remises. « Vous comptez sans rabatre ! » Farce de Pathelin. 108 La pommade. Pathelin en lègue une boîte à son apothicaire, Aliboron : « Et à vous, maistre Aliborum,/ [Je donne] d’oingnement fin plain une boiste. » Testament Pathelin. 109 De grognements. 110 Les saisiront. « De fièvre soit-il espousé ! » Jehan qui de tout se mesle. 111 F : grans sermens (Rime irrégulière. « Icellui bailli avoit juré grant serment que ledit procès seroit scellé. » Du Cange.) Un interpolateur est intervenu entre les vers 194 et 196, en dépit du sens, de la rime et de la métrique :MACE / Noz femmes ont des chaperons / Affin quon die qui sont gaillardes / LA PREMIERE FEMME / Il me semble de ses lucanes / Qui sont au faiste de ses maisons / Ilz nous ont iure grans sermens / Quant au regard des chapperons / Cest la maniere de maintenant 112 Cessent. 113 Dans des étuves, avec des « compères » : voir les vers 61-63. 114 Je leur jouerai un tour. « Sert-on, à Paris, de telz metz ? » Mahuet. 115 Intègre. Mais aussi : non châtrée (note 142). 116 Vieille prostituée au sexe trop large. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 380 et note. 117 F : couroucez (Ne vous courroucez pas. Idem vers 222.) 118 F : affollees (Aliboron répond à la seconde femme.) Affolé = assommé de coups : cf. Serre-porte, vers 243. 119 F : Ilz ne iouront plus (Le rabat et la volée sont deux termes du jeu de paume qui entrent dans de nombreuses expressions.) Je leur rabattrai leur caquet, ils ne triompheront plus. 120 Foulée aux pieds. Cf. Pates-ouaintes, vers 8. 121 Et en tripotant le postérieur de leurs propriétaires. Aliboron est obsédé par les fesses : voir les vers 240 et 272. Dans le Testament Pathelin, on lui lègue « du pur diaculum/ Pour exposer supra culum/ De ces fillettes ». Dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, il disserte en spécialiste sur les « culz fourréz » des bourgeoises, qui « entendent bien les finesses/ Affin qu’on ne voye que leurs fesses/ Soient trop flétryes ou trop molles./ Pour ce le font, car l’on s’affolles/ Et picque, s’on y met la main ! » 122 Si je m’en courrouce. 123 Deux sous. 124 Je n’eus du plaisir avec lui. 125 La revêche. Se jouer à = copuler avec : cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 238 et 240. 126 Plus mauvais. « Plus dépiz sont que chiens. » Mistère du Siège d’Orléans. 127 Cocu. Un autre charlatan, maître Doribus, a mis au point un « récipé pour gens qui sont coux ». 128 Aliboron semble particulièrement bien placé pour savoir que Michaud est cocu… 129 F : redire (à la rime de 239.) Qu’il n’y aura plus rien à faire. On lit ce vers proverbial dans les Actes des Apostres, notamment : « Nous leur rostirons leurs museaulx/ Si bien qu’il n’y aura que frire. » 130 Avec ses mains baladeuses, Aliboron accroche un miroir sous la traîne (enroulée vers le haut) des deux femmes, afin que la lumière qui frappe ce miroir éclaire la traîne par-dessous et la fasse luire. On eût aimé qu’une des nombreuses didascalies qui détaillent le jeu des acteurs nous expliquât comment s’y prend Aliboron pour que ce miroir puisse tenir à l’horizontale pendant que les dames marchent. 131 F : reluire (Dans toute la partie versifiée, à 13 reprises, le mot « queu-e » est dissyllabique.) L’auteur joue sur l’expression « voir sa queue luire » : bénéficier d’une occasion favorable. « [Ils] cuident le Roy destruire quant ils verront leur queue luire. » (Guillaume de Machaut.) Mais on songe aussi à « un paon qui faict sa queue reluyre ». (Le Lazare, LV 42.) 132 Sans m’y reprendre à deux fois, ce qui eût créé un défaut dans le verre. 133 Aliboron s’adresse au public : y a-t-il quelque chose à redire ? 134 La traîne étant relevée, le faux cul que ces dames portent sous leur robe est outrageusement moulé. (Voir la note 42 du Povre Jouhan.) Il l’est d’autant plus que les acteurs qui jouent ces rôles de femmes exhibent une « féminité » débordante. 135 Les lanterniers tranchaient la « paille de corne » très finement pour qu’elle devienne translucide ; par voie de conséquence, elle se brisait souvent. « Ma vieille lanterne sans corne. » (Les Tyrans.) Notons que cette corne ponctue à point nommé une tirade sur le cocuage. « Les cornes croistront sur leur front ;/ Lors, lanterniers auront bon temps ! » Pronostication nouvelle. 136 F : ung couraige de poix (Un chef-d’œuvre. « Si un orfèvre, après avoir achevé quelque ouvrage de prix. » Jean Cordier.) 137 F : seroit belle trainant (La rime est en -ière.) 138 F : dorleans (On adaptait les indications de lieu aux villes dans lesquelles on jouait. Voir la note 147 des Femmes qui font refondre leurs maris.) 139 À leur bonnet : à eux. « Il a bien parlé à sa barette : Il luy a parlé aigrement. » Oudin. 140 Présentables. Idem vers 338. 141 Avez-vous entendu ? Cette contraction est normande, mais les auteurs parisiens l’adoptaient pour raccourcir un vers trop long. Voir par exemple les vers 3 et 23 de la Résurrection Jénin à Paulme, qui fut écrite pour un collège du Quartier latin. 142 Jeu de mots sur les testicules (lat. testes). « Ung homme a deux testes, et la femme n’en a qu’une. » Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge. 143 Macéré. Cf. les Enfans de Borgneux, vers 56. 144 Il entend les femmes jacasser dans la rue. Un exemple de ce bavardage hors texte a survécu : voir la note 146. 145 « Mon » est une particule de renforcement qui étaye un verbe. 146 Dans la rue, les épouses piaillent n’importe quoi : LA .I. / Ma queue mon chaperon / Est fait a la facon qui court / LA .II. / Il y fault du parchemin pour / Le faire tenir debout 147 Les femmes entrent dans l’atelier. 148 D’une messe qui permet de gagner des indulgences. Cf. le Povre Jouhan, vers 289. 149 De prendre un cours de solfège. Double sens érotique : cf. Ung jeune moyne, vers 236. 150 F : recourt (Il a cousu notre queue un peu plus haut. « Commencèrent lors à apoindre/ Et à nouer, et à lyer. » Godefroy.) 151 À votre « mal joint », à votre sexe. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 567. 152 Il en est gourmand. Voir la note 121. 153 On troussait déjà la queue des chevaux sauteurs. Or, nos deux pouliches sont sauteuses. 154 Ces deux vers hypermètres prolongent la métaphore équestre du vers 269. De plus, Macé n’ignore pas qu’on trousse la queue des juments à vendre, pour que l’acheteur puisse tâter leur croupe : « Elle porte sa queue troussée,/ Comme la jument de Macée/ De quoy on veult argent avoir. » (Jehan d’Ivry.) Or, les deux juments de la pièce sont à vendre, ou du moins à louer. 155 Que je vais vous demander. 156 F : reluire (Note 131.) 157 F : feray 158 Les maris s’agenouillent devant les fesses de leurs femmes. 159 F : moyen (Note 104.) Je me mire convenablement. « Tenant l’espée nue en main, & couvert de son escu par bon maintien. » Guillaume Landré. 160 F : orelien (Orléanais. Voir la note 138.) 161 F : boureau (Aggravation de l’insulte ordinaire « plus lourd qu’un veau » : « Les bragardes/ Ne voudront plus d’habits nouveaulx (…)/ Que leurs coquus, plus lours que veaux,/ Permettent nuict et jour porter. » Moyens pour faire revenir le Bon Temps.) 162 Le bonnet à oreilles des Sots. On a traité les deux maris de canassons (v. 117), d’ânes (v. 125) et de taureaux (v. 288) ; ils intègrent maintenant leur avatar définitif : les veaux. Ce mot désigne les imbéciles : cf. Frère Fécisti, vers 179 et note. À la fin des Deux jeunes femmes, en guise de chapeau, les maris sont affublés d’une coiffe féminine. 163 Si je n’ôte pas. La large toque du savetier l’empêche d’approcher son visage du miroir. 164 Des choses étonnantes. 165 De ma femme. Sur ce génitif archaïque, voir la note 1 du Clerc qui fut refusé à estre prestre. 166 Cet ivrogne a l’habitude de voir son reflet dans le verre d’une bouteille. 167 Devenir fous furieux. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 341. 168 Malgré eux. Cf. Jehan de Lagny, vers 206. 169 Nier. 170 Ces traînes servaient à balayer. « Ne les faisoit-il pas bon voir quand elles avoyent les grandes queues troussées, ou quand d’icelles traînantes elles balioyent les églises ? » Henri Estienne. 171 Être hors de la réalité : « Il nous songe cy le moron :/ Noz faiz ne luy semblent que truffes. » (ATILF.) En grec, μωρόν = fou. 172 Ayant un furet, un pénis ; voir la note 5 du Faulconnier de ville. 173 C’est souvent le salaire des prostituées occasionnelles. « Je vous donray ung chapperon. » (Le Dorellot aux femmes.) Cf. Grant Gosier, vers 107. 174 Puisque nous sommes des femmes si distinguées. Il va de soi qu’une bourgeoise élégante coûtait plus cher qu’une humble paysanne. Voir les vers 341-342. 175 Ce que ça veut dire. 176 Qui sort de l’ordinaire. 177 F : reclus (Comme je le conclus.) Jeu de mots sur « être conclus » : s’être fait clouer le bec par une femme. « [Le mari] sera conclus et vaincu, en la parfin. » XV Joyes de Mariage. 178 F : Par se miroer ie (Il est certain que je ne comprends pas le principe de ce miroir.) 179 Voilà une chose extraordinaire. 180 Que sont devenues mes oreilles de veau ? 181 Comme de vulgaires paons. « On dit qu’un paon se mire dans sa queue, en parlant d’un sot glorieux qui fait vanité de sa bonne mine, ou des autres bonnes qualitéz qu’il croit avoir. » Le Roux. 182 Nous reviendrons après les festivités du Carnaval. La troupe orléanaise se fait de la réclame à peu de frais.