LE BRIGANT ET LE VILAIN
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LE BRIGANT
ET LE VILAIN
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Les Mystères étant longs et répétitifs, on y insérait quelquefois une farce pour divertir les spectateurs : voir la notice des Tyrans. La farce que je publie ci-dessous fait partie d’un Mystère à la gloire de saint Fiacre, dont le manuscrit comporte également les Miracles madame sainte Geneviève ; celui qui a pour sous-titre Ung biau miracle est rédigé « en farses, pour estre mains fades…. Et a, parmy, farsses entées, afin que le jeu soit meins fade et plus plaisans. »
Notre farce est imbriquée dans la Vie monseigneur saint Fiacre, avec laquelle elle n’a aucun rapport, si ce n’est sa misogynie. Les deux œuvres sont du même auteur anonyme qui, pour gagner du temps, a repris l’une de ses anciennes pochades. Il n’a même pas fait l’effort de situer les deux actions au même endroit : le Mystère se déroule à Meaux, dans la région parisienne, et la farce aux confins de l’Île-de-France et de la Picardie. Toutefois, le début et la fin de la farce riment avec le vers antérieur ou postérieur du Mystère. Ainsi, le 1er vers rime avec le dernier vers déclamé par saint Faron : pendant toute la durée de la farce, cet évêque préside la veillée funèbre de saint Fiacre, non loin des tréteaux ; le public a sous les yeux ces deux spectacles simultanés. Voir la note 100 de Baudet, Blondète et Mal-enpoint.
Comme le signale Bernard Faivre1, « la pièce est sans doute de la fin du XIVe siècle. C’est donc une des plus anciennes farces que nous possédions et à peu près sûrement la première à porter le nom de ‟ farce ”. » Ses archaïsmes m’ont contraint à lui adjoindre une traduction.
À la suite, on lira des extraits farcesques du Mystère de saint Sébastien qui offrent deux points communs avec le Brigant et le Vilain : ils mettent en scène un paysan et son épouse peu coopérative, et ils se déroulent dans une taverne tenue par une femme. Les tavernières n’étaient pas rares : on en trouve une autre dans la farce du Pardonneur.
Source : Paris, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Ms. 1131, folios 63 vº à 67 rº. Copié au milieu du XVe siècle.
Structure : Rimes plates. Comme dans le Mystère, chaque réplique se clôt sur un vers mnémonique de 4 syllabes qui rime avec le 1er vers de la réplique suivante.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Cy est interposé
une Farsse
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[ LE BRIGANT 2
LE VILAIN 3
LE SERGENT
LA FAMME AU VILAIN
LA FAME AU SERGENT
LA TAVERNIÈRE ]
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LE BRIGANT 4 LE FANTASSIN SCÈNE I
Biau preudom5, je ne sui pas aise : Brave homme, je ne suis pas à mon affaire :
J’ay perduë ma compaignie. J’ai perdu ma compagnie de fantassins.
Ensaigne-moy — ne [me] ment mie — Indique-moi sans mentir
Le droit chemin à Saint-Omer6, Le bon chemin pour Saint-Omer,
5 Par Dieu que chascun doit amer ! Au nom du Dieu que chacun doit aimer !
De forvoier sui en doubtance, Je redoute de me fourvoyer,
Car oncques-mais ne fu en France Car jamais je ne suis venu en Île-de-France
N’en Picardie. Ni en Picardie.
LE VILAIN LE PAYSAN
Je mengeray de la boulie, Je mangerai de la bouillie,
10 Jà quant je vendray7 à [la] maison. Quand j’arriverai à la maison.
Mais j’ay perduë ma saison Mais j’ai perdu mon temps
De tous poins, ceste matinée : En tout point, cette matinée :
Car le prestre8 sy a chantée Car le prêtre a chanté
Hui au matin trop longue messe. Ce matin une messe trop longue.
15 Ne prise le cry d’unne asnesse Je n’estime pas plus que le cri d’une ânesse
Tout quanqu’il pourroit sermonner : Tout ce qu’il pourrait prêcher :
Il ne pensse qu’à organer Il ne pense qu’à chanter
Pour traire nostre argent de boursse. Pour tirer l’argent de notre bourse.
Aussy tost [tr]aroit9 .I. pet d’oursse On tirerait plutôt un pet d’un âne mort
20 Qu’ait riens du mien par son abet, Qu’il n’aurait un sou de moi par sa ruse,
Tant sache chanter au fausset Tant sache-t-il chanter en voix de fausset
N’à haulte alaine ! Ni à perte d’haleine !
LE BRIGANT LE FANTASSIN
Bons homs, dy-moy (ne te soit paine) Brave homme, dis-moi s’il te plaît
Par où sont lez brigans passéz. Par où sont passés les fantassins.
25 Je sui [d’estriver tout]10 lasséz. Je suis las de m’efforcer.
Ensaigne-moy (que Dieu te voie11 !) Avec l’aide de Dieu, indique-moi
De Saint-Omer la droite voie. La bonne route pour Saint-Omer. À part :
(Ce vilain [respondre ne daigne]12 ; Ce bouseux ne daigne pas me répondre ;
En mon cuer en ay grant engaigne. J’en ai au cœur un grand dépit.
30 Sourt est, je croy.) Je crois qu’il est sourd.
LE VILAIN LE PAYSAN
Queurs-tu13 après .I. palleffroy ? Cours-tu derrière un cheval ?
Tu as robe bien escourtée14 ! Tu as une robe bien raccourcie !
Ne15 doubte qu’elle soit crotée. Ne crains pas qu’elle soit crottée par la boue.
Tu sembles moult bien plain d’oultrage. Tu sembles être bien plein de témérité.
35 Je ne sçay se tu as courage Je ne sais pas si tu aurais le cœur
De moy férir en nulle guise ; De me frapper d’une manière ou d’une autre ;
Mais en vérité, te devise Mais en vérité, je te préviens
Que se de toy féru estoie, Que si j’étais frappé par toi,
De mon houel [je] t’abatroie Avec ma bêche je t’abattrais
40 Le hasterel16 ! La tête !
LE BRIGANT LE FANTASSIN, à part.
(Ce félon vilain boterel Ce sournois crapaud des champs
M’entent17 bien ; ne me veult mot dire. M’entend bien, mais il ne veut rien me dire.
[A]voir18 me fait au cuer grant yre. Il me fait avoir au cœur une grande colère.
Encore l’araisonneray.) Je vais encore le questionner. Au paysan :
45 Bons homs, dy par où passeray Brave homme, dis-moi par où je passerai
Pour mez compaignons retrouver. Pour retrouver mes compagnons.
Je le te vouldroië rouver Je voudrais te le demander
Par courtoisie19. Au nom de la courtoisie.
LE VILAIN LE PAYSAN
Ma fame maine grant mestrie20 Ma femme a une grande domination
50 Suz moy ; s’en sera tourmentée. Sur moi ; mais elle en sera punie.
Quant je veul pois, n’ay que poirée21. Quand je veux des pois, je n’ai que des poireaux.
Trop me desprise malement ! Elle me méprise trop durement !
Sy en ara grief paiëment Elle en aura un douloureux paiement
En brief termine. Dans peu de temps.
LE BRIGANT LE FANTASSIN
55 Faulx vilain ! La male vermine22 Sale plouc ! Que la mauvaise vermine
Te puist tenir, et le lampas23 ! Puisse te tenir, et la fièvre aphteuse !
Pourquoy ne m’ensaigne-tu pas Pourquoi ne m’indiques-tu pas
Mon chemin ? Chose que je die, Mon chemin ? Quoi que je dise,
Par foy, ne tiens24 qu’à moquerie. Par ma foi, tu n’en fais que des moqueries.
60 Je te ferray ains que m’en aille ! Je te frapperai avant que je m’en aille !
En fourme de vilain, sanz faille, Sans nul doute, à l’image d’un péquenot
Es bien taillié. Tu as bien été taillé.
LE VILAIN LE PAYSAN
Se mon pain t’avoië baillié, Si je t’avais confié mon pain,
Moult mal asseuré en seroie ; Je ne serais pas rassuré ;
65 Car ataindre ne te pourroie25, Car je ne pourrais pas te rattraper
J’en sui scëur. Pour le reprendre, j’en suis sûr.
LE BRIGANT LE FANTASSIN
Par foy ! se n’ëusse pëur Par ma foi ! si je n’avais pas peur
Que de justice repris fusse, D’être pris par la justice,
Je te tranchasse la capusse26 Je te trancherais la tête
70 De ma coustille, de randon27. Avec mon coutelas, de force. Il prend la cage.
Mais j’enporteray à bandon Mais j’emporterai en toute liberté
Ce chapon cras sanz demourée : Ton chapon gras sans retard :
Mengié sera à la vesprée, Il sera mangé au souper,
Quant l’ay trouvé. Puisque je l’ai trouvé.
SCÈNE II
LE SERGENT 28 LE SERGENT
75 Tu sembles bien larron prouvé. Tu sembles bien être un fieffé larron.
Pas le chapon n’enporteras ! Tu n’emporteras pas ce chapon !
Jà ta29 gorge n’en passeras ! Jamais tu n’en satisferas ton gosier !
Çà30 ! met[z-]le jus, ribault pourry ! Allons ! mets-le par terre, ribaud pourri !
À ceulz sera qui l’ont nourry. Il sera à ceux qui l’ont nourri.
80 Entre vous, brigans (n’en dout mie), Je ne doute pas qu’entre vous, fantassins,
Ne vivez que de roberie31. Vous ne viviez que de rapines.
Lesse(z) le chapon sans attendre ! Laisse ce chapon sans tarder !
C’on te puist par la gorge pendre, Qu’on puisse te pendre par le cou,
Garsson32 puant ! Mauvais garçon !
LE BRIGANT LE FANTASSIN
85 En me devroit aler huant33, On serait en droit de me huer,
Se le chapon pour toy lessoie. Si je laissais ce chapon à cause de toi.
Je le mettray enmy la voie Je le poserai sur le chemin
Tant que me soië conbatu, Jusqu’à ce que j’aie combattu contre toi,
Se ton orgueil n’est abatu Si ton orgueil n’est pas abattu
90 Par moy. Chétif sergenterel, Par moi. Chétif sergentelet,
Je ne me prise .I. vielz mérel34 Je ne vaux pas un vieux jeton
Se n’as du pire. Si tu n’as pas le dessous.
LE SERGENT 35 LE SERGENT abat son épée.
Tien !! Jamais, sanz conseil de mire, Prends ça !! Sans les conseils d’un médecin,
De ce coup n’auras garison. Jamais tu ne guériras de ce coup.
95 Ta coustille petit prison : Je fais peu de cas de ton coutelas :
Le chapon n’enporteras mie. Tu n’emporteras pas le chapon.
Petit priseroië ma vie Je serais indigne de vivre
Se, cy endroit, [fort me ferroies]36. Si, en ce lieu, tu me frappais fort.
En ton païs37, bien le feroies ; Dans ton pays, tu le ferais sans risque ;
100 Quant ycy endroit le veulz faire, Si tu veux le faire ici,
Pourtant, en aras tel contraire Pourtant, tu en auras une telle riposte
Que tu mourras. Que tu en mourras.
LE BRIGANT LE FANTASSIN
Jà deffendre ne te pourras Tu ne pourras jamais te défendre
Contre moy. Se saingne .I. petit, Contre moi. Si je saigne un peu par ta faute,
105 Tant ay-je plus grant apétit J’en ai une envie d’autant plus grande
De moy venger, bien dire l’ose. De me venger, j’ose bien le dire.
Se m’as presté aucune chose, Si tu m’as prêté un coup,
Moult bien m’en saray aquiter. Je saurai bien te le rendre.
Il te convient à moy luitier38. Il te faut lutter avec moi. Il l’empoigne.
110 Puis que je te tiens, tu cherras. Maintenant que je te tiens, tu vas tomber.
Plus, d’espéë, ne me ferras ! Tu ne me frapperas plus avec ton épée !
Petit te prise. Je tiens peu de compte de toi.
LE SERGENT LE SERGENT
Je sçay bien de luitier la guise : Je connais bien l’art de lutter :
Quant je te tiens, petit te doubte. Quand c’est moi qui te tiens, je te redoute peu.
115 Il fault que le chapon te couste Il faut que ce chapon te coûte
Vilainement. Très cher.
LE BRIGANT LE FANTASSIN
Garde-toy bien ! Prochainement Défends-toi bien ! Très bientôt
Te verras verssé contre terre. Tu te verras renversé face contre terre.
Tu ne scès mië moult de guerre. Tu ne sais pas grand-chose de la guerre.
120 Tien cela, et sy, te déporte ! Prends ça, et éloigne-toi !
Mais je te dy bien et enorte Mais je te dis bien et je t’avertis
Que, de droit, doiz paier ton lit39. Que, par droit, tu dois payer ta faute.
Je m’en yray, s’y t’enbellit40 ; Je m’en irai, si cela t’est bel et bon ;
Et, se il ne t’enbellit mie, Et, même si cela ne t’est pas bel et bon,
125 S’enporteray de ma partie J’emporterai de mon côté
Le chappon cras. Le chapon gras.
LE SERGENT LE SERGENT, à part.
(Haro !! il m’a ronpu le bras ! Aïe !! il m’a rompu le bras !
De luitier à lui fiz folie. Je suis fou d’avoir lutté avec lui.
Le chapon a par sa mestrie ; Il a eu le chapon par sa victoire ;
130 S’en pais li ëusse lessié, Si je le lui avais laissé pacifiquement,
De miex m’en fust. Car abessié Je m’en porterais mieux. Car mon renom
Mon nom grandement en sera : En sera grandement rabaissé :
Bien sçay c’on m’en desprisera. Je sais bien qu’on me dénigrera.
Pour fol le cuidoië tenir ; Je le prenais pour un imbécile ;
135 Meschief m’en devoit bien venir, Il devait bien m’en venir un dommage,
Il est droit41. Tant me sui prisié Ce n’est que justice. Je me suis tant surévalué
Qu’en ay ëu le bras brisié.42) Que j’en ai eu le bras brisé. Au public :
Véez comme [il] scet bien fouïr ! Voyez comme il sait vite fuir !
Je ne le pourroië suïr. Je ne pourrais pas le poursuivre.
140 Voit au dïable ! Qu’il aille au diable !
SCÈNE III
LA FAMME AU VILAIN43 LA FEMME DU PAYSAN
Doulce commère, n’est pas fable : Ma douce commère, ce n’est pas une blague :
Vostre mary est mahengnié. Votre mari est blessé.
Il cuidoit avoir gaangnié Il pensait avoir gagné
Contre .I. briguant, par sa foleur, Contre un fantassin, par sa folie,
145 .I. cras chapon44 ; mèz grant douleur Un chapon gras ; mais un grand mal
L’en est soursse45, pas n’en doubton. Lui en est venu, n’en doutons pas.
Sy, n’i a conquis .I. bouton Aussi, il n’y a pas gagné un bouton de culotte
Mais grant contraire. Mais plutôt une grande contrariété.
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
Dieu veulle qu’il puist tel fait faire Dieu veuille qu’il puisse commettre un tel crime
150 Que en le pende par la gorge ! Qu’on le pende par le cou !
Le glorïeux martir saint George46 Que le glorieux martyr saint Georges
Et la doulce Vierge Marie Et la douce Vierge Marie
Veullent qu’il face47 tel folie Veuillent qu’il commette une telle folie
Que mourir puist vilainement, Qu’il puisse en mourir honteusement,
155 Bien tost et bien appertement ! Bien vite et devant tout le monde !
Il48 me maine trop dure vie, Il me mène une vie trop insupportable,
Pour une garsse qui n’est mie À cause d’une garce qui n’est pas
Sy belle comme moy d’assez : Si belle que moi, et de beaucoup :
Il a plus de .III. ans passéz Il y a plus de trois ans passés
160 Qu’i la gouverne. Qu’il l’entretient.
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
Ma suer, je sçay une taverne Ma sœur, je connais une taverne
Où il a .I. moûlt sy frïant Où il y a un vin nouveau si bon
Qu’à touz coups49 fait le cuer rïant, Qu’à tous les coups il rend le cœur riant,
Qui en avalle. Quand on en avale.
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
165 Voir, j’ay de duel50 la couleur palle : Vraiment, je suis pâle de chagrin :
Car essoir, fu trop bien batue. Car hier soir, je fus trop bien battue.
Pour tant, louë Dieu et salue Pour cela, je loue et salue Dieu
Quant mon mary a grief soudée51 : Que mon mari ait reçu ce pénible salaire :
Je ne seray mèshuy frapée Désormais, je ne serai plus frappée
170 De li, puisqu’a52 le bras brisié. Par lui, puisqu’il a le bras brisé.
Du moûlt que tant avez prisié Du vin nouveau que vous avez tant vanté
Veul aler boire ! Je veux aller boire !
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
Commère, c’est vers Saint-Magloire53 ; Ma commère, c’est vers Saint-Magloire ;
Alons tost [chiez ces Filles-Dieu]54 ! Allons vite chez ces filles de joie !
175 Fain ay que soië sus le lieu. J’ai grand désir d’être en ce lieu.
Ne dout point que batue [en] soie. Je ne redoute pas d’être battue pour cela.
Pour mon mary riens ne feroie : Je ne ferais rien pour mon mari,
Ne me fiert goute. Puisqu’il ne me bat pas du tout.
LA FAME AU SERGENT55 LA FEMME DU SERGENT
Entrons ens ! Trop le mien redoubte : Entrons ! Moi, je redoute beaucoup le mien :
180 Trop me bat, ne s’en peut tenir. Il me bat toujours, il ne peut s’en empêcher.
Male honte li puist venir ! Qu’une mauvaise honte puisse lui en advenir !
Et au brigant soit ajourné Et que se lève sur le fantassin
Bon jour, qui sy l’a atourné ! Une bonne journée, lui qui l’a ainsi arrangé !
Car j’en ay à mon cuer grant joie. Car j’en ai au cœur une grande joie.
SCÈNE IV
Cy parle56 à la tavernière. Ici, qu’elle parle à la tavernière.
185 Tavernière ! Se Diex vous voie, Tavernière ! Avec l’aide de Dieu,
En .I. lieu privé nous métez ; Mettez-nous dans un endroit discret ;
Puis à boire nous aportez Puis apportez-nous à boire
Et57 bonne chière ! Et de quoi faire bonne chère !
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
En ceste chambre, cy derrière, Dans cette salle, là-derrière,
190 Vous séez : lieu y a privé58. Asseyez-vous : il y a un « cabinet » privé.
Jà à vous n’ara estrivé. Jamais vous n’y serez importunées.
En l’eure serviës serez Vous serez servies sur l’heure
De ce que vous demenderez, De ce que vous demanderez,
Sanz demourée. Sans retard.
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
195 Faites que nous soit aportée Faites en sorte que nous soit apporté
Une pinte59 de moûlt vermeil ; Un litre de vin rouge nouveau ;
Je ne beu ouan60 son pareil De toute l’année, je n’ai pas bu son pareil
En ceste ville. En cette ville.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Volentiers l’arez, c’est sanz guille61. Vous en aurez volontiers, sans feinte.
200 Je vois querre la pinte plaine. Je vais en chercher un plein litre.
Cy voise querre du vin, et puis die : Qu’elle aille ici chercher du vin, et qu’elle dise :
Tenez : buvez à bonne estraine, Tenez : buvez sous ces bons auspices,
Paisiblement.62 En toute quiétude.
SCÈNE V
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
Vous buvrez tout premièrement, Vous boirez la première,
Commère : vous estes l’aînée. Ma commère : vous êtes l’aînée.
205 Aussy m’avez[-vous] aportée Aussi, c’est vous qui m’avez apporté
La nouvelle premièrement La première cette nouvelle
De mon mary que malement Que mon mari a été vilainement
Est atourné. J’en ay grant feste ! Arrangé. J’en ai une grande joie !
Je vouldroië qu’ëust la teste Je voudrais qu’il ait la tête
210 Parmy63 brisiée. Brisée de part en part.
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
Buvez bien, commère prisiée64 ! Buvez bien, ma commère chérie !
Que Dieu confonde noz maris ! Que Dieu anéantisse nos maris !
Emplons de ce moûlt noz « baris », Emplissons notre « baril » de ce vin nouveau,
Car il est fin. Car il est bon.
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
215 J’en empliray tant65 mon « coffin » J’en emplirai tellement mon « couffin »
Que seray yvre, bien le pensse. Que je serai ivre, je pense.
Se mon mary me fait offensse Si mon mari me fait une offense
Ou veult estriver de riens66 née, Ou veut contester à propos de quoi que ce soit,
Puis qu’il a [sa] brache67 brisiée, Maintenant qu’il a son bras brisé,
220 Contre terre le bouteray. Je le jetterai à terre.
Jamais ne le déporteray68, Jamais je ne l’épargnerai,
Se me gart Diex ! Si Dieu me garde !
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
Mon mary fuet en noz « courtiex »69 ; Mon mari laboure mon propre « jardin » ;
Oncques ne fut de moy amé70. Cependant, jamais il ne fut aimé de moi.
225 Il vendra jà tout affamé71, Il viendra bientôt tout affamé de sexe,
Mais ne m’en chault. Mais cela ne m’intéresse pas.
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
Buvon ce moûlt friant et chault : Buvons ce vin attrayant et chaleureux :
Mal ait qui bien ne [le] buivra ! Que celle qui ne le boira pas en ait du mal !
Je croy que grant bien nous fera ; Je crois qu’il nous fera grand bien ;
230 Quant je l’avale, j’en ay feste. Quand je l’avale, j’en ai de la joie.
Il m’est jà monté en la teste ; Il m’est déjà monté à la tête ;
À paine me puis soustenir. À peine je peux me soutenir.
Et sy, voy mon mary venir72 Et même, je crois voir mon mari venir
Tout droit dedens ceste taverne. Tout droit dans cette taverne.
235 Assez fièrement se gouverne. Il se tient assez fermement.
Ne semble pas qu’ait bras quassé ; On ne dirait pas qu’il a un bras cassé ;
Il ne semble pas trop lassé… Il ne semble pas trop affaibli… Elle dessoûle.
Je sui perdue ! Je suis perdue !
LA FAME AU VILLAIN LA FEMME DU PAYSAN
Aussy voy-je sanz atendue Je vois aussi venir en toute hâte
240 Le mien droit cy à nous venir. Le mien tout droit vers nous.
Chaude fièvre le puist tenir ! Qu’une fièvre chaude puisse le tenir !
Il m’a moult bien aparcëue ; Il m’a bien aperçue ;
Je croy que je seray batue. Je crois que je vais être battue.
Il vient des chans. Il revient des champs.
SCÈNE VI
LE VILAIN LE PAYSAN, au sergent :
245 Par foy ! je suis bien meschéans : Par ma foi ! je suis bien malheureux :
Aulx chans me tuë chascun jour, Je me tue chaque jour aux champs,
Et ma fame prent son séjour Et ma femme prend ses aises
Ès tavernes ! C’est chose voire : Dans des tavernes ! C’est une chose véritable :
Je la voy là, en présent, boire Je la vois là, en personne, boire
250 Le fort moûst. Mèz s’el n’est latrée73, Du vin fort. Mais si elle n’est pas bastonnée,
Riens ne vail. C’est que je ne vaux rien. À sa femme :
Hé ! gloute74 prouvée, Hé ! fieffée cochonne,
Il te convient mon poing sentir ! Il faut que tu sentes mon poing !
Cy bate sa fame. Ici, qu’il batte sa femme.
Je [ne] pourroië consentir Je ne pourrais approuver
Ta lécherie ! Ton incontinence !
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
255 Lasse ! je suis toute estourdie Malheureuse ! je suis tout étourdie
Et afolée. Et assommée.
LE SERGENT LE SERGENT s’approche.
Fame, qui t’a cy amenée ? Ma femme, qui t’a amenée ici ?
Voir, de toy sui petit prisié, Vraiment, je suis peu estimé de toi,
Combien qu’aië le bras brisié. Bien que j’aie le bras brisé.
En frapant, et en li En la frappant de son bras valide,
ostant sa coiffe 75 : et en lui ôtant sa coiffe :
260 S’aras-tu de moy ce mérel76 ! Aussi, tu auras de moi ce coup !
N’i ara coife ne bourel Il n’y aura ni coiffe, ni bourrelet de chaperon
Que ne despiesse !77 Que je ne mette en pièces !
SCÈNE VII
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT, dehors.
Çà, commère : qu’i vous meschesse ! Or çà, commère : qu’il vous arrive malheur !
Quant vous m’avez cy amenée, Quand vous m’avez amenée ici,
265 Je n’avoië mië penssée Je ne pensais pas
Que mon mary me pëust batre. Que mon mari pourrait me battre.
Il me convient à vous conbatre ! Il faut que je combatte contre vous !
Autel qu’i m’a fait vous feray : Je vous ferai ainsi qu’il m’a fait :
Car à mez mains, vous pigneray Car avec mes mains, je vais vous peigner
270 Voz neufz78 cheveux ! Votre perruque !
LA FAME AU VILAIN LA FEMME DU PAYSAN
Foy que je doy tous mez neveus79 ! Par la foi que je dois à tous mes neveux !
La bonté vous sera rendue : La politesse vous sera rendue :
Par terre serez abatue, Vous serez abattue par terre,
Se le puis faire ! Si je peux le faire !
LA FAME AU SERGENT LA FEMME DU SERGENT
275 Doulce commère débonnaire, Ma douce commère débonnaire,
Apaisons-nous, et sens sera. Apaisons-nous, ce sera plus raisonnable.
Mal ait qui plus estrivera ! Que celle qui querellera encore en ait du mal !
Et chantons, com desconfortées : Et chantons, comme des affligées :
« Mauvaises coiffes dessirées « De mauvaises coiffes déchirées
280 Avons par nous80. » Nous avons par notre faute. »
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CY FINE LA FARSSE.
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Voici sept épisodes du Mystère de saint Sébastien, composé dans la seconde moitié du XVe siècle. Ils se passent dans une taverne tenue par une femme. La pièce est nordique, mais le copiste est provençal ; pour ne citer qu’un exemple de ses abus, les rubriques nomment 12 fois « la Tavernière », et 6 fois « la Tavernièra ». Pour des raisons pratiques, je numérote les vers dans la continuité ; mon premier vers correspond au vers 1882 de l’édition du Mystère fournie par Léonard R. Mills (Droz, 1965).
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LE VILAIN ET LA
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TAVERNIÈRE 81
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LE VILLAIM 82 LE PAYSAN, devant la taverne.
A ! par mon ségnieur saint Martin83, Ah ! au nom de saint Martin, sergents,
Vous me poy[e]rez mon escot ! Vous me paierez ma part de vin ! Ils entrent.
Aulà, au ! comère Margot, Holà, ho ! ma commère Margot,
Boutez la table victemant, Mettez vite la table,
5 Car veyci de gentis gallans Car voici de gentils galants
Qui, certes, ont bom appétit ! Qui, certes, ont bon appétit !
Sc’il y avoit quelque petit S’il y avait un peu
De quieulque84 tartre [bien] friande De quelque tarte bien appétissante
Ou quelqu’aultre bonne vïande, Ou d’une autre bonne nourriture,
10 Nous vous en dépêcherions bien : Nous vous en débarrasserions bien :
Sce sont [des] bien[s] de gens de bien, Ce sont là des mets réservés aux gens de bien,
Pour vous dire la vérité. Pour vous dire la vérité.
LA TAVERNIÈRA LA TAVERNIÈRE
Il y a assez apresté, Il y a assez de plats tout préparés,
Mès qu(e) argent vi[e]gnie sceulemant : Pour peu que l’argent vienne :
15 Car il me faut argent contant. Car il me faut de l’argent comptant.
Pour tant, pour eulx me respondrez85. Pour cela, vous me répondrez de vos invités.
LE VILLAIM LE PAYSAN
Monstrez ça que vous baillierez Montrez ce que vous nous servirez
Acoup, et ne demourez guières. Tout de suite, et ne tardez pas.
Et [moy], je laverey les verres86. Et moi, je laverai les verres.
20 Mès despêchez-vous, victemant ! Mais dépêchez-vous, vite !
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Veyci bom pastier de feysam Voici un bon pâté de faisan
(Ou de caillies, ou de mauvys87). (Si ce n’est de cailles, ou de grives).
Ou vey[ci] bom moutom rôtys. Ou voici du bon mouton rôti.
[Ou] bom chapom (et c’est d’une oye88). Ou un bon chapon (mais c’est de l’oie).
LE VILLAIM LE PAYSAN, en s’attablant.
25 Or parlez bas, qu’on ne vous oye ! Parlez plus bas, qu’ils ne vous entendent pas !
MÂCHECOCHOM 89 MÂCHE-COCHON
Que Dieu le mal jour [si t’envoye]90, Que Dieu t’envoie une mauvaise journée,
Villaim : [tu es]91 assis premier. Cul-terreux : tu t’es assis le premier.
LE VILLAIM LE PAYSAN
L’oustesse ne veut que monoye92. Notre hôtesse ne veut que ma « pièce ».
TAILLIEBODIN TAILLE-BOUDIN
Servez-nous bien, Damme Maroy[e] ! Servez-nous bien, par la Vierge Marie !
LE VILLAIM LE PAYSAN
30 Elle m’a dit que c’est d’une oy[e]. Elle m’a dit que c’est de l’oie.
RIFLANDOILLIE 93 RIFFLE-ANDOUILLE
[Que] Dieu le mal jour si t(e) envoy[e] ! Que Dieu t’envoie une mauvaise journée !
LE VILLAIM 94 LE PAYSAN mastique.
Elle m’a dit que c’est d’une oye Elle m’a dit que c’est de l’oie
Mès, par Dieu, c’est d’ung gro[s] sangler. Mais, par Dieu, c’est du grossier sanglier !
MAL-FERAS 95 MAL-FERAS
Que Dieu le mal jour [si] t(e) envoye, Que Dieu t’envoie une mauvaise journée,
35 Villaim : tu es assis premier. Cul-terreux : tu t’es assis le premier.
*
LE VILLAIN 96 LE PAYSAN
Outesse, je vous ame tant Tavernière, je vous aime tellement
Que, par Dieu, ne le pouriez croyre. Que vous ne pourriez pas le croire, par Dieu !
Tyrons nous deulx [plain bort]97 de verre, Remplissons, tous deux, nos verres à ras bord,
Et puis dirons une chansom. Et puis nous chanterons une chanson.
Bibant. Qu’ils boivent.
40 Vous avez si belle façom Vous avez de si belles manières
Que c’est ung plèsir de vous vouèr. Que c’est un plaisir de vous voir.
Par Dieu ! j’eusse trèsgrant vouloir Par Dieu ! je voudrais bien
Que vous m’amissiez unng petit : Que vous m’aimiez un peu :
Dictes, ariez-vous appétit Dites, auriez-vous envie
45 D’avoir ung amy par98 amours ? D’avoir un petit ami ?
Je vous feroye deulx ou troys to[u]rs Je vous ferais deux ou trois « tours »
Qui sont de novelle façom : À la nouvelle mode :
Je suis encour beau compagniom. Je suis encore un beau gaillard.
Et [puis, se]99 je suis bien channu, Et puis, si j’ai les cheveux blancs,
50 Si n’ay-je pas ung poil au Q100. Je n’ai pas un seul poil au cul.
Beysez-m(e)101 une foys, belle damme ! Embrassez-moi une fois, belle dame !
LA TAUVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE le repousse.
Alez-vous-en ver[s] vostre femme ! Allez-vous-en vers votre femme !
Que male estrenne vous doint Dieulx ! Que Dieu vous donne un cadeau empoisonné !
Agardez102 là quel amoreulx ! Regardez quel amoureux voilà !
55 [Alez ! Je veulx perdre cent sous,]103 Allez ! Je veux bien perdre cent sous
Par Dieu, se104 n’en dyray deulx mous Si je n’en dis deux mots
À vostre femme, et voyre quatre ! À votre femme, et même quatre, par Dieu !
LE VILLAIM LE PAYSAN
Ventre tieu105 ! vous m’y feriez baptre, Ventrebleu ! vous me feriez battre,
Ma mye : gardez-vous-y bien ! Mon amie : gardez-vous-en bien !
60 Quant la putanasse106 me tient, Quand cette putasse me tient,
Elle me bat tout à som eyse. Elle me bat tout à son aise.
L’autre jour, la faulce puneyse107 L’autre jour, cette sale traîtresse
Me batit tant les deulx jarés108 Bastonna tellement mes deux jarrets
Que, despuys, je ne fus arés109. Que, depuis, je ne fus plus en érection.
65 Et quant me cudis110 revanchier, Et quand je crus prendre ma revanche,
Adom se prenit111 à crier ; Alors elle se mit à crier ;
Et s’em montast [sa haute gamme]112. Et elle monta sur ses grands chevaux.
Et puis crioit : « Alarme ! Alarme ! Et puis elle criait : « À l’aide ! À l’aide !
Cestuy larom me veust forcier113 ! » Ce larron veut me violer ! »
70 Mès n’avoye gardes d’arécier114 : Mais je ne risquais pas de bander :
Car, par Dieu, je m’en115 sens encoure(s). Car je me ressens encore de ses coups, par Dieu !
.
LA FEMME DU VILLAIM116 LA FEMME DU PAYSAN arrive.
Le mal de sanc Jham vous estoure117 ! Que l’épilepsie vous affecte !
Verberet eum. Qu’elle le frappe.
Coquin malereulx que vous estes, Maudit vaurien que vous êtes,
Ne ferez qu’a[nter]118 les tavernes Vous ne ferez que fréquenter les tavernes
75 Tout le jour, sen[s] rien begsonnier ? Toute la journée, sans besogner du tout ?
Vous y avez esté dès119 yer. Vous y êtes déjà allé hier.
Que malestreyne120 vous doint Dieu ! Que Dieu vous donne un cadeau empoisonné !
Et vous, comère ? Si m’est121 Dieu ! Et vous, ma commère ? Que Dieu m’assiste !
Ne vous est pas trop bel honneur. Ce n’est pas un trop bel honneur pour vous.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
80 Vous avez santi la challeur, Vous avez pris un coup de chaud,
Belle comère, de par le dyable ! Belle commère, par le diable !
Le feu saint Anthoyne vous arde Que le mal des ardents vous brûle
Le bec122 : si affillé l’avez ! Le bec : il est si affilé !
Alez vous fère chivauchier, Allez vous faire chevaucher,
85 Faulce punaise123 malereuse ! Sale traîtresse maudite !
LA FEMME LA FEMME
Hé ! faulce putaim venimeuse : Hé ! sournoise putain médisante :
Ne fus-tu [onc] trouvée au fet, Ne fus-tu jamais prise sur le fait,
Quant vostre varlet t’en124 feysoit Quand votre valet te faisait l’amour
Toutes les foys qu’il [eust vouloir]125 ? Toutes les fois qu’il en avait envie ?
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
90 Vous ne dictes mye vouèr, Vous ne dites pas la vérité,
Très fellonne enchanteresse ! Très déloyale sorcière !
LA FEMME LA FEMME
Je dis bien, et [fais] mon devoir. Je dis vrai, et je suis fidèle à mon mari, moi.
LA TAVERNYÈRE LA TAVERNIÈRE
Vous ne dictes mye vouèr ! Vous ne dites pas la vérité !
LA FEMME LA FEMME
Ne le m’aprent[s] pas à sçavoir, N’essaie pas de m’en convaincre,
95 Faulce putaim [et] menteresse ! Sournoise putain et menteuse !
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Vous ne dictes mye vouèr ! Vous ne dites pas la vérité !
Verberent se. Qu’elles se frappent mutuellement.
Très fellonne enchanteresse ! Très déloyale sorcière !
LE VILLAIN LE PAYSAN les sépare.
Or çà, que Dieu ’n126 ait male feste(s) ! Allons, que Dieu en soit mal fêté !
Faulces putains, vous bactre[z-]vous ? Sournoises putains, vous battrez-vous ?
100 Comère, [elle vous]127 a soull[é]e. Commère, ma femme vous a souillée.
Qui tendroit128 la mer au[x] deulx boulx, Même si on étendait la mer par les deux bouts,
À quatre cordes esthachée, Attachée sur quatre fils à linge,
Et aroit la peau de deulx loups, Et si on avait la peau de deux loups,
…………………………129 ………………………….
Dessus une jument pelée, Sur une jument pelée,
105 Avecques de la cher130 salée. Avec de la poitrine salée.
[À tout]131 la science d’unng ho[u]rs, Si l’on avait la technique d’un ours,
Avec ces femmes forcenée[s], Avec ces femmes forcenées,
L’om prendroit les lièvres à co[u]rs. On prendrait les lièvres à la course.
*
LE VILLAIM LE PAYSAN, devant la taverne.
Par la mort tieu ! j’ay132 fet ung pet Morbleu ! j’ai fait un pet
110 Ou une vesse : je le sens. Ou une vesse : je le sens. Il entre.
.
Au ! Margot, estes-vous scians133 ? Ho ! Margot, êtes-vous là ?
Donnez-moy [à] boyre une foys ! Donnez-moi un coup à boire !
Et puis je parlerey tyoys134, Et puis je parlerai allemand,
Mès que j’ay[e] bien copiné135. Pour peu que j’aie bien chopiné.
*
MÂCHECOCHON 136 MÂCHE-COCHON
115 Alons emsemble chiez Brouchet, Allons ensemble à la taverne Brochet,
Car vray[e]mant je meur de soif. Car vraiment je meurs de soif.
TAILLI[E]BODIN TAILLE-BOUDIN
Par la cher tieu137 ! De cestuy moys, Palsambleu ! De tout ce mois-ci,
Je n’eulx si grant désir de boyre138. Je n’ai pas eu un aussi grand désir de boire.
RIFFLANDOILLIE RIFFLE-ANDOUILLE entre.
Çà, Margot, lavez toust les verres ! Allons, Margot, lavez tout de suite les verres !
120 Et vous dépêchez victemant ! Et dépêchez-vous, vite !
MAL-FERAS MAL-FERAS
Aportez du vim largemant, Apportez du vin abondamment,
Commant qu’il soit, [ou bel ou let139] ! Qu’il soit bon ou mauvais !
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Veyci du mellieur vim claret Voici du meilleur vin clairet
Qui soit, par Dieu, en ceste ville ! Qui soit en cette ville, par Dieu !
125 De tous je boys au plus abille, Je bois au plus habile de vous tous,
Affin que j(e) aye mellieur cueur. Afin que j’aie plus de cœur à l’ouvrage.
*
LA FEMME [DU VILLAIN] LA FEMME DU PAYSAN, dehors.
Et ! je voys « tirer » de la pie140, Eh ! je vais « tirer » un canon de rouge
Par Dieu, avecques ma comère. Avec ma commère, par Dieu ! Elle entre.
.
Je [vous] pri que nous alons boyre, Je vous prie que nous nous mettions à boire,
130 Belle comère, entre nous deulx141. Ma belle commère, toutes les deux.
LA TAVERNIÈRA 142 LA TAVERNIÈRE
Par Nostre Damme ! je le veulx. Sainte Vierge ! je le veux bien.
Seyez-vous143 cy à couté moy, Asseyez-vous ici à côté de moi,
Puis vous dyray je ne scey quoy Puis je vous dirai je ne sais quoi
Que j’ey ouÿ dire de vous144. Que j’ai entendu dire sur vous.
*
LE VILLAIM 145 LE PAYSAN, devant la taverne.
135 Je cuide que je voys « tyrer » Je crois que je vais « tirer »
Aus[s]i [ung trait]146 à la taverne. Aussi un canon de rouge à la taverne. Il entre.
.
Vendez-vous poim de la moterde147, Ne vendez-vous pas de la moutarde,
Dictes, [ma] comère Brouchète148 ? Dites, ma commère Brochette ?
[Quoy ! vous y]149 estes, Jaquinète ? Quoi ! vous êtes là, Jacquinette ?
140 Je vous estoye [venue cherchier]150. J’étais justement venu vous chercher.
LA FEMME [DU VILLAIM] LA FEMME DU PAYSAN
Ma comère m’a [fet] sonne[r] Ma commère m’a fait appeler
Pour venir boyre avecques elle151. Pour que je vienne boire avec z’elle.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Ne festes jà tant le rebelle ! Jacquier, ne faites pas tant le rebelle !
Vous samblez estre corocé. Vous semblez être courroucé.
145 Venez boyre avec nous, venez ! Venez boire avec nous, venez !
Et puis dirons une[s]152 chansons. Et puis nous chanterons des chansons.
LE VILLAIM LE PAYSAN
Par ma foy ! mès nous j[o]uerons Par ma foi ! nous jouerons plutôt,
Entre nous troys, si vous voulez. Tous les trois, si vous voulez.
Si vous perdez, vous poy[e]rez ; Si vous perdez, vous paierez le vin ;
150 Et (par Dieu) si je pers, aus[s]i. Et si je perds, je le paierai de même, par Dieu.
LA FEMME LA FEMME
Je scey unng jeu le plus fétis Je connais le jeu le plus agréable
Que vous vissiez à vostre vie ; Que vous ayez vu de toute votre vie ;
Et n’y a poim de villanie153. Et ce n’est pas un jeu de « vilain ».
Nous le ferons, si vous voulez. Nous y jouerons, si vous voulez.
LE VILLAIM LE PAYSAN
155 Ouÿ bien ! Or le devisez, D’accord ! Décrivez-le-nous,
Et puis après nous le ferons. Et puis après nous y jouerons.
LA FEMME LA FEMME sort un œuf de sa poche.
Je vous dyray que nous ferons. Je vais vous dire ce que nous ferons.
Vez cy demïe154 père d(e) eulx. Voici la moitié d’une paire d’œufs.
Vous le mectrez, entre vous deulx, Tous deux, vous mettrez cet œuf quelque part
160 Sus mon mari pour le(s) mucer ; Sur mon mari pour le cacher ;
Et si je ne le puis trouver, Et si je ne peux pas le trouver
Quant je viendray, au premier cop, Du premier coup quand je viendrai,
Par Dieu, je poyerey l’escot Par Dieu, je paierai l’addition,
Et quarte de vim pour goûter. Et en plus un quart de vin pour notre goûter.
LE VILLAIM LE PAYSAN
165 Sanc Jham ! tu t’yras dom cachier Saint Jean ! tu iras donc te cacher les yeux
Si bien que tu n’y verras goute. Si bien que tu n’y verras goutte.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Comère, vous [ne burrez]155 goute Ma commère, vous ne boirez plus une goutte
Jusques nous les aurons [l’œuf] caché. Jusqu’à ce que nous ayons caché l’œuf.
LA FEMME LA FEMME
Estront de chient, c’est bien chié156 ! Crotte de chien, c’est bien chié !
170 Nenny ? Je ne boirai pas ?
[LA TAVERNIÈRE] LA TAVERNIÈRE
Ne le vous dy-je pas ? Ne vous l’ai-je pas dit ?
LE VILLAIN LE PAYSAN
Or, va-t’en plus toust que le pas Maintenant, va-t’en plus vite que ça
Boucher [de ton giron, ma]157 femme ! Te cacher les yeux avec ta robe, ma femme !
LA FEMME LA FEMME s’éloigne un peu.
Foy que je doy à Nostre Damme ! Par la foi que je dois à la Vierge !
Je le veulx bien. Je le veux bien. Elle remonte sa robe.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
Y vouyez-vous rien ? Voyez-vous quelque chose ?
LA FEMME LA FEMME
175 Nenny, par le corps saint Julien ! Non, par les reliques de saint Julien !
LE VILLAIM 158 LE PAYSAN
[Le feu t’arde]159 si tu y voy(s) ! Que le feu de l’Enfer te brûle si tu y vois !
LA FEMME LA FEMME
Sanc Jham ! mès fasse bien à toy ! Saint Jean ! qu’il te brûle plutôt toi-même !
.
LA TAVERNIÈRE 160 LA TAVERNIÈRE, au paysan :
Il faut adviser, Il faut décider,
Mon amy très chier, Mon très cher ami,
180 Oùt nous le métrons. Où nous cacherons cet œuf.
LE VILLAIM LE PAYSAN
Il le faut muicer Il faut le musser
Si bien que poyer161 Si bien que nous fassions tout payer
Tout nous luy fassons. À ma femme.
LA TAVERNIÈRA LA TAVERNIÈRE
Il le faut fichier Il faut le mettre
185 Dans vostre brayer162, Dans votre braguette,
Avec vous coillions. Avec vos couilles.
LE VILLAIM LE PAYSAN
Ce seroit dangier Il y aurait danger
De mon vit casser : D’entailler mon vit, si l’œuf se brisait :
Jà ne le ferons ! Nous ne ferons jamais cela !
LA TAVERNIÈRA LA TAVERNIÈRE
190 Compère Jaquier163, Mon compère Jacquier,
Il le faut quachier Il faut le cacher
Dens vostre bonnet. Sous votre bonnet.
LE VILLAIM LE PAYSAN
C’est bien devise[r]. C’est bien dit. Il met l’œuf sous son bonnet.
Nostre fet est net. Notre affaire est réglée.
LA TAVERNIÈRE LA TAVERNIÈRE
195 N’en164 doultez pas unng pet. N’en doutez pas.
.
LA FEMME LA FEMME
N’en165 arez-vous, [pour] mèshuy, fet ? N’aurez-vous pas fini, pour l’heure ?
LA TAVERNIÈRA LA TAVERNIÈRE, au paysan :
Or, festes bien le bom varlet166. Maintenant, Jacquier, faites bien le gracieux.
Venez, comère, il [en] est fet !167 Venez, ma commère, c’est fait !
Advisez bien, que ne perdez. Réfléchissez bien, que vous ne perdiez pas.
LE VILLAIM LE PAYSAN
200 Par ma foy ! vous ne chercherez Par ma foi ! vous ne chercherez l’œuf
Forqu(e)168 en ung lieu tant sceulemant. Qu’à un endroit seulement.
LA FEMME LA FEMME casse l’œuf.
Ne dictes mot, j’en suis contant169. Ne dites rien, j’en suis content.
LE VILLAIM LE PAYSAN
Ha ! que Dieu vous mecte [en] mal am170 Ha ! que Dieu vous mette en malheur,
Que si bien m’avez conchié ! De m’avoir si bien jauni !
LA TAVERNIÈRA LA TAVERNIÈRE
205 Sanc Jham ! sire, vous poyerez Saint Jean ! beau sire, vous paierez
[Vim], puisque vous avez perdus171. Le vin, puisque vous avez perdu.
*
LE VILLAIM LE PAYSAN
Sanc Jham ! vous deulx m’avez trompé ; Saint Jean ! toutes les deux, vous m’avez trompé ;
Mès, par Dieu, je vous tromperey !172 Mais, par Dieu, je vous tromperai aussi !
Et si, [je] vous arouserey Et ainsi, je vous arroserai de vin
210 Si bien que il n’y faudra rien. Si bien qu’il ne vous en manquera pas.
[LA TAVERNIÈRE] LA TAVERNIÈRE
En vostre gorge estron de chient ! Une crotte de chien dans votre bouche !
[LE VILLAIM] LE PAYSAN
Qui vous puisse les dens casser173 ! Qu’elle puisse vous casser les dents !
*
1 Répertoire des farces françaises. Imprimerie nationale, 1993, p. 78. Bien sûr, B. Faivre ne répertorie pas les extraits du Mystère de saint Sébastien que je publie plus bas ; mais il évoque cette œuvre dans un article capital : Martyrs, bourreaux et spectateurs. Littératures classiques, vol. 73, nº 3, 2010, pp. 121-132. 2 Ce mot désignait alors un fantassin armé sommairement et rattaché à une brigade. « Quinze cens archiers et trois mille brigans à piet. » ATILF. 3 Le paysan. Il s’agit plutôt d’un Fol, tel que le nomment d’autres Mystères. Notre manuscrit expose un stultus au folio 118 rº. 4 Il marche en direction de la Picardie, et croise un paysan qui porte au marché de la ville un chapon en cage. 5 Beau prud’homme. Le fantassin fait preuve d’une politesse condescendante. Beaucoup de Mystères montrent un voyageur qui demande poliment sa route à un paysan, lequel le fait tourner en bourrique : « Preudons, ensaigne-moy la voie,/ Car je suis ung peu esguarés. » La Passion de Semur. 6 En 1396, cette ville picarde accueillit le roi Charles VI flanqué de ses gardes. 7 Je viendrai. Même picardisme au vers 225. 8 Rappelons que pendant cette tirade anticléricale, le public voit saint Faron célébrer en silence les Vigiles des morts devant le cercueil de saint Fiacre. 9 On trairait, on tirerait. « On tireroit aussi tost un pet d’un asne mort : on ne sçauroit avoir de response ou de raison de cet homme-là. » (Antoine Oudin.) L’ourse est mise pour la rime. 10 Ms : destrier tous 11 Voyer = mettre sur la bonne voie, convoyer. Idem vers 185. 12 Ms : ne daigne respondre (Correction de James F. BURKS, Barbara M. CRAIG et M. E. PORTER : la Vie Monseigneur Saint Fiacre. University of Kansas, 1960.) Ces trois spécialistes pensent que le Mystère fut joué à Paris par une confrérie dramatique. 13 Le scribe hésite entre « cours-tu » et « quiers-tu ». 14 Le bas de la robe s’usait vite, et les pauvres en coupaient de temps à autre quelques centimètres pour la rajeunir : plus la robe était vieille, plus elle était courte. « La robe est escourtée./ Par bieu ! Si [pourtant] est-elle crotée,/ Non obstant qu’elle soit bien courte. » Les Femmes qui plantent leurs maris. 15 Ms : Naiez (N’ai-e compterait pour 2 syllabes.) Douter = redouter ; idem vers 114 et 176. 16 En Picardie, le haterel désigne la nuque. Le hoyau, sorte de houe, est l’arme des paysans : « Se j’eusse mon hoel,/ Je vous férisse el haterel ! » Godefroy. 17 Ms : M etient (Correction suggérée par Burks, Craig, Porter.) C’est une réponse au vers 30. 18 Le 2e vers du Mystère confirme ce verbe avoir : « Sachiez que j’ay au cuer grant yre. » 19 Toujours condescendant, le fantassin invoque la « courtoisie » d’un vulgaire paysan, comme le fera Frère Frappart : « Or me dictes, par courtoisie,/ Pour quel cause vous la portiez. » 20 C’est elle qui est le maître. « Sy ta femme te maistrye,/ Va-t’en ! » Le Pèlerinage de Mariage. 21 De la porée, du potage aux poireaux. Gabriella PARUSSA* cite les Lamentations de Mathéolus, traduites par Jehan le Fèvre : « Et se je vueil avoir des pois,/ Elle fera de la porée. » *Les Mystères du manuscrit 1131 de la bibliothèque Sainte-Geneviève de Paris. Classiques Garnier, vol. I, 2023, p. 743. 22 Ms : courrime (« Une chartre [prison] plaine de moult malle vermine. » Lancelot du Lac.) 23 Maladie de la bouche des chevaux, appliquée aux hommes par dérision. « –Il a le lempas./ –Tu scès bien qu’il n’est pas cheval. » Le Roy des Sotz. 24 Ms : tieng 25 Les soldats des farces ont la réputation de fuir plus vite que leur ombre. En outre, ce sont des voleurs de poules, et en l’occurrence de chapons. 26 Le capuchon des moines capucins désigne par métonymie ce qui est dessous : la tête. 27 Avec impétuosité, violemment. « Au premier qu’il trouva donna tel horion [coup] (…),/ Et le tiers et le quart abati de rendon. » (ATILF.) Le fantassin prend au paysan la cage qui renferme le chapon. 28 Attiré par les éclats de voix, il s’interpose entre les deux hommes. Le paysan s’éloigne un peu et ne prend aucune part à la dispute ; il sait bien que les sergents sont aussi voleurs que les brigands, et qu’il perdra de toute manière son chapon. 29 Ms : la (Passer = passer un caprice, satisfaire un appétit. « J’en passeroys mes apétis. » L’Arbalestre.) 30 Ms : Fay 31 Action de dérober. Le sens moderne du mot « brigand » avait déjà cours. 32 Terme péjoratif. « Garson mauldict ! » Le Porteur de pénitence. 33 « Aller » suivi d’un gérondif met en exergue ce dernier verbe : « Tout le monde m’iroit huyant. » Godefroy. 34 Un méreau, un jeton sans valeur. « Or n’ai-ge méreau. » Les Povres deables. 35 Il donne au fantassin un coup sur l’épaule avec le plat de son épée (vers 111). 36 Ms : tort me feroiez (« Feroiez » est à la rime.) Nous avons là le verbe férir [frapper], comme aux vers 36, 38, 60 et 111. 37 Dans la région d’où tu viens. Le fantassin n’est pas d’ici, comme il l’avoue aux vers 7 et 8. 38 Lutter. Les deux belligérants s’empoignent. La lutte qu’on qualifie de gréco-romaine fut pratiquée durant tout le Moyen Âge et au-delà. 39 Tu dois expier. « Tu as paiéz ton lit :/ Tu me tenoie or en moult trèz grant despit,/ Maix Jhésu m’aiderait. » ATILF. 40 Si cela te plaît. « Car de dame baisier, par Dieu le droiturier,/ Il ne m’embellist pas. » ATILF. 41 Ms : huy (Cela est juste. On lit au vers 482 du Mystère : « Il est droit que nous vous paiomes. ») 42 Le fantassin quitte définitivement les lieux d’un pas tranquille, en emportant le chapon. 43 Son époux, témoin de la rixe, lui a raconté comment le sergent s’est fait casser un bras. Elle court apporter cette bonne nouvelle à son amie, la femme du sergent. 44 Le sergent comptait donc s’attribuer le chapon du paysan. 45 Participe passé du verbe sourdre : surgir. 46 Saint patron des sergents. 47 Ms : facent (Correction Burks, Craig, Porter.) Que mon mari fasse. 48 Ms : Quil 49 Ms : corps (« Vous me respondriez à tous coups. » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.) Les auditeurs ont pu comprendre « à tous coux » : à tous les cocus. 50 De deuil, de douleur. 51 Soldée : salaire du soldat. « Or pers-je mes soudées,/ Se Jacob ne va à l’escolle. » Le Villain et son filz Jacob. 52 Ms : puis quas (La paysanne a parlé d’une blessure du sergent, mais pas d’un bras cassé. L’auteur a peut-être pratiqué des coupures dans sa farce, dont plusieurs transitions paraissent pour le moins abruptes.) 53 Le couvent parisien des Filles Saint-Magloire accueillait déjà des Filles-Dieu, c’est-à-dire d’anciennes prostituées. « Et li bon saint des Filles-Dieu/ Et Saint-Magloire. » Petrus Alfonsi, les Moustiers de Paris, XIIIe siècle. 54 Ms : car cest le filz dieu (La réputation de ces religieuses faisait ricaner : « Je donne aux Filles-Dieu/ Et à toutes nonnains le jeu/ Qui se faict à force d’eschines [à coups de reins]. » Le Testament Pathelin.) Les tavernes avaient intérêt à voisiner avec les Filles-Dieu, dont la goinfrerie était proverbiale : « Je laisse aux Mendians,/ Aux Filles-Dieu et aux Béguines/ Savoureux morceaulx et frians :/ Flaons, chappons et grasses gélines. » Villon. 55 Les deux femmes arrivent devant la taverne. 56 Toutes les didascalies sont au subjonctif. Dans le texte que je publie ci-dessous, elles seront au subjonctif et en latin. 57 Ms : A (Confusion fréquente entre « A » et « & » : voir la note 131.) Les taverniers accompagnent toujours le vin d’aliments salés qui donnent encore plus soif aux clients ; le jambon est l’ancêtre des cacahuètes grillées. 58 Le « lieu privé » désigne le retrait où se trouve la chaise percée. Les restaurateurs parquaient déjà près des toilettes leurs clients mal vêtus. 59 94 centilitres, soit un demi-litre de vin pour chacune. 60 Cet an ; cf. le Sermon pour un banquet, vers 219. La paysanne a donc bu dans toutes les tavernes de la ville. 61 Guile = tromperie. 62 La tavernière se retire définitivement. 63 On pourrait transcrire « par my », qui en patois picard signifie « par moi ». 64 Aimée, chérie. La paysanne, qui n’aime pas les hommes et reste imperméable au plaisir qu’ils procurent (vers 223-6), tente de soûler sa jeune protégée. 65 Ms : sy 66 D’une chose. C’est un mot féminin. Au début du Mystère, le père du futur saint Fiacre dit de son incapable de fils : « Je croy, par Dieu qui lez siens garde,/ Que il ne vauldra jà riens née. » 67 Forme picarde de brasse : bras. 68 Ici, ce verbe a le sens d’épargner quelque chose à quelqu’un, de l’en dispenser. « Je me fusse bien déporté/ D’estre venu en ceste place. » L’Aveugle et le Boiteux. 69 Fouit dans mon « jardin » : me laboure. « Ès courtils puissamment fouoie/ Deux fois ou trois sans demourer [débander]./ Bien y sçavoie labourer/ Et touchier à la molle cuisse. » (Jehan le Fèvre, Lamentations de Mathéolus.) C’est une réponse aux vers 156-160. « No courtieu » est typiquement picard. 70 Ms : amee (Correction Burks, Craig, Porter.) 71 En rut. « Une fois n’est rien, deux font grand bien, troys c’est assez, quatre c’est trop, cinq est la mort d’un gentilhomme sinon qu’il fust affamé. » Bonaventure Des Périers. 72 La femme pense d’abord que l’alcool lui donne des hallucinations visuelles. 73 Battue à coups de latte. « Liève tost, que je ne te lattre ! » Jéninot qui fist un roy de son chat. 74 Double sens : gloutonne, et femme de mauvaise vie. De même, au vers 254, lécherie signifie à la fois gourmandise et débauche. 75 On connaît bien ce gag du comédien travesti en femme, qui se fait arracher sa perruque et révèle son crâne dégarni : voir la note 69 du Marchant de pommes et d’eulx. Conclusion du gag aux vers 269-270. 76 Ce coup. « Au sénestre costé assena tel mérel. » ATILF. 77 Les deux femmes fuient de la taverne et se retrouvent dans la rue. 78 Ms : nerfz (Vos cheveux neufs : votre perruque. Dans les bagarres entre comédiens travestis, la perruque est toujours une cible privilégiée : « Puisqu’en ce point tu m’as frappée,/ La parucque te pigneray ! » Les Chambèrières et Débat.) 79 Sans doute un juron de clercs. Boniface IX, pape de 1389 à 1404, fut un grand adepte du népotisme, et avait plus de « foi » en ses cardinaux-neveux qu’en Dieu. « Ce nouveau pape était un assassin qui ne négligea pas la simonie pour remplir les coffres du Saint Siège…. Une bonne partie de cet argent allait à sa mère, à ses frères et à ses prétendus ‟neveux”. » Nigel Cawthorne, la Vie sexuelle des papes. Evergreen, 1999, p. 125. 80 Ms : lez mous (À cause de nous. « Car aulcun mal par nous n’aurez. » Le Temps-qui-court.) Ce vers de 4 syllabes rime avec le vers suivant du Mystère, qui est prononcé par Jésus, dont l’entrée dépend donc d’un travesti chauve. L’Aveugle et Saudret, une farce incluse dans le Mistère de la Résurrection, se termine par une scène de taverne dont le dernier vers donne également la parole à Jésus. 81 Bibliothèque nationale de France, NAF 1051. Les passages retenus vont du folio 25 vº au folio 84 rº. 82 Il emmène quatre sergents à la taverne de Margot Brochet, dans l’intention de se faire inviter par eux. Le copiste provençal transcrit en -m les nasales en -n. 83 St Martin est indissociablement lié au vin : voir la note 128 du Sermon joyeux de bien boire. 84 Cette forme dialectale de « quelque » a survécu aux attaques du copiste provençal, qui l’a pourtant corrigée au vers suivant. Tartre = tarte : cf. Te rogamus audi nos, vers 105. 85 Vous serez leur garant au cas où ils ne paieraient pas. 86 La vaisselle n’est pas très fournie, ou n’est pas très propre : on lave encore les verres au vers 119. 87 Ms : pousins (« Pastéz de merles et mauvis. » Taillevent.) Il s’agit de pâtés en croûte, composés de viande hachée enrobée de pâte et cuite au four. Les cailles et les grives, pleines de petits os, conviennent moins bien que les faisans, qui rendent donc le pâté plus cher. 88 L’oie est moins coûteuse que le chapon engraissé, qui requiert beaucoup plus de soins : voir la note 132 de Maistre Jehan Jénin. On va découvrir au vers 33 que ce n’est même pas de l’oie mais du vulgaire sanglier. Bref, la tavernière justifierait pleinement qu’on donnât un féminin au mot « escroc ». 89 Ms : machecotom (Je vois mal pourquoi ce sergent mangerait du coton alors que ses collègues se gavent d’andouilles et de boudins. Plusieurs Mystères le nomment Masquebignet [Mâche-beignet]. Mais restons dans la charcuterie : « Mâche-poullets, mâche-chevreaux, mâche-connils, mâche-cochons : d’autres viandes ne sont alimentéz. » Rabelais, Vème Livre, 14.) Les noms ridicules des autres sergents reviennent dans plusieurs Mystères, et chez Rabelais : « Pantagruel manda quérir les capitaines Riflandouille et Tailleboudin. » (Quart Livre, 37.) Le paysan s’assoit et se sert avant que les sergents n’aient pris place. 90 Ms : vous envoye (Les sergents tutoient le paysan. Voir les refrains 31 et 34 de ce triolet quelque peu extrapolé.) 91 Ms : vous estes (Voir le refrain 35 de ce triolet.) 92 Jeu de mots : que mon oie, que mon pénis. 93 Bouffeur d’andouilles. « Quelz Rifflandouilles/ Pour casser le col d’ung canard ! » Le Capitaine Mal-en-point. 94 Il mastique un morceau de viande avec difficulté. 95 Ce nom a donné « malfrat ». D’autres Mystères l’appellent Mauferas. 96 Le paysan revient seul à la taverne pour séduire l’hôtesse, la patronne. 97 Ms : ung tourt (Tirer = tirer du vin au tonneau. Idem vers 127 et 135.) « Verre » rime à la normande avec craire : « De craire qu’une noble aymit un chavetier [savetier]. » La Muse normande. 98 Ms : pour (« Belle, se vous prenez amy/ Par amour. » Ung jeune moyne.) 99 Ms : puisque (Même si je suis chenu.) 100 En plusieurs endroits du Mystère, et toujours dans le rôle du Vilain, notre ms. symbolise le cul par la lettre Q, si chère aux farces de collégiens. « Torcher son Q de papier blanc. » Tabourot. 101 Apocope normanno-picarde du pronom moi : « Donne-m’assez de pois pilés ! » Adam de la Halle. 102 Impératif normand. Cf. Sœur Fessue, vers 21 et 25. 103 Vers manquant. « Je vueil perdre cent sous/ Se, dessus et dessoubz,/ N’est bien revisitée ! » (Les Sotz fourréz de malice.) La version originale devait faire rimer « cent so(l)s » avec « deux mots » : le copiste provençal écrit « ou » à la place de « o » (encoure, fourme, toust), et réciproquement. 104 Ms : je 105 Dieu. Même euphémisme aux vers 109 et 117. En provençal, ces mots veulent dire ton ventre : « E benesi lou fru dou ventre tiéu. » Te saludo Mario. 106 Intervention du copiste provençal. L’auteur normand a sans doute écrit « puterelle » : cf. les Botines Gaultier, vers 32. 107 Faux = sournois. Punais = puant. 108 Elle me donna des coups de bâton sur les jarrets pour me contraindre à les ployer, à me mettre à genoux devant elle. « Luy donna un grand coup du talon derrière la joincture du genouil, de sorte que luy faisant par force ployer le jarret, le feit cheoir à la renverse. » Jehan Martin. 109 L’une des nombreuses variantes de « à roid » : en érection. « Que je fo[u]toie quinze fois,/ Mès j’estoie tozjorz aroiz. » Le Roman de Renart. 110 Je me cuidai : je crus. 111 Adonc elle se prit. Cette flexion verbale est plutôt picarde. 112 Ms : sus une barme (« S’elle monte à sa haulte game,/ Le dyable n’en chevira pas [n’en viendrait pas à bout]. » Les Tyrans.) La rime -ame / -a(r)me est due à un amuïssement du « r » propre à la Normandie : cf. Colinet et sa Tante, vers 33-34. 113 « Quant ilz trouvoyent à leur chemin/ Des brus, ilz les vouloyent forcer. » Les Brus. 114 D’avoir une érection. « Pour l’ardeur qu’il ot de la bele,/ Convint son membre redrecier :/ Tant fort commence à aressier. » Godefroy. 115 Ms : le (Je me ressens de ses coups. « –N’en faictes plus, car je m’en sens !/ –Vous serez plus bastu que lard ! » La Veuve.) 116 Elle arrive derrière son époux, qui ne l’a pas vue entrer dans la taverne. 117 Ms : tretoure (Vous estore, vous garnisse.) Le mal de saint Jean est l’épilepsie : « Le grant mal sainct Jehan vous embloque/ La peau et les oz ! » Le Povre Jouhan. 118 Hanter = fréquenter : « Plus ne fault hanter la taverne. » (L’Arbalestre.) Le « h » initial est souvent muet, voire facultatif : « Tous cheulx qui le congnoissoient et antoient. » (Godefroy.) La rime est faible ; on peut remplacer « tavernes » par « beuvettes », qui a le même sens. 119 Ms : despuys 120 Male étrenne [mauvais cadeau]. Même vers que 53. 121 M’aid : m’aide. Cf. le Pauvre et le Riche, vers 189. 122 Ms : bec que (La bouche. Cf. Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout.) Entre 81 et 84, les rimes particulièrement négligées font croire à une intervention extérieure. 123 Ms : putaim (Anticipation du vers suivant.) L’époux qualifie lui-même sa femme de « fausse punaise » [sournoise puante] au vers 62. Il ne se fait aucune illusion sur la fidélité de Jacquinette, dont il dit ailleurs : « Je trouvis l’autre jour ma femme/ Couchée avec ung galant/ Qui avoit de vit, vrayemant,/ Bien une aulne et demye [1,77 m]. » 124 Ms : ton (Votre valet, à toi et à ton mari.) 125 Ms : vouloit (Le copiste a barré ce vers, croyant qu’il constituait une troisième rime.) 126 Aphérèse normanno-picarde du pronom en. « Maulgré ’n ait bieu des truandelles ! » Saincte-Caquette. 127 Ms : vous elle (Correction de Michel ROUSSE : Romance Philology, vol. 25, nº 4, mai 1972, p. 465. Le copiste a barré ce vers.) Elle a souillé votre réputation. 128 Si on étendait. 129 Lacune d’au moins 2 vers. Le paysan veut dire que même si l’on disposait de toutes ces serviettes, on ne pourrait pas essuyer la souillure que son épouse vient d’infliger à la tavernière. Dans le style fatrasique des Fols, il saute du coq à l’âne, du loup à la jument, et de l’ours au lièvre. 130 Ms : mer (Réminiscence du vers 101. « Et un morceau de chair sallée. » L’Amoureux.) 131 Ms : & toute (Avec. « J’ay veu sainct Pierre à tout sa clef,/ Et sainct Paul à tout son espée. » La Résurrection de Jénin Landore.) Les ours attrapent leurs proies à la course. 132 Ms : tuas (Le paysan retourne seul chez Margot Brochet, la tavernière.) 133 Prononciation normanno-picarde de « céans » : cf. Lucas Sergent, vers 81. 134 En langue tudesque. « Qu’ilz saichent le langaige thioys. » (ATILF.) Les Allemands passaient pour de gros buveurs. 135 Forme picarde de « chopiné » : bu plusieurs chopines de vin. 136 Ms : machecoton (Voir la note 89.) 137 Par la chair de Dieu ! Voir la note 105. À en croire la littérature joyeuse, Tailleboudin est porté sur la boisson ; au vers 244 des Enfans de Borgneux, il est même négociant en vin. 138 Prononcer baire à la normande, comme au vers 129. « Du meilleur vin y veulent baire. » La Muse normande. 139 Lacune. Qu’il soit beau ou laid. « Je vous ferray [frapperai], soit bel ou let ! » L’Aveugle et Saudret. 140 Jeu de mots. En langage familier, la pie désigne le vin : « Croquer la pie. » C’est également la cible en bois dans laquelle un archer tire sa flèche pour devenir « roi de la pie ». Le Mystère de saint Sébastien fait la part belle aux archers. 141 Toutes les deux. Même normandisme aux vers 148 et 159. 142 D’après les vers qui précèdent, on attendrait plutôt « la Commère », d’autant que la paysanne est fâchée avec la tavernière. Mais Saint Sébastien ne comporte aucun rôle de Commère, et la suite montre qu’il s’agit bien de Margot. 143 Ms : Soyes vous 144 Hélas, le retour intempestif du Mystère nous empêche de profiter de ces croustillants ragots. 145 On vient de donner l’ordre de tirer des flèches sur Sébastien. Le paysan se rend à la taverne. 146 Ms : de larc (Le copiste a détruit ce jeu de mots, dont la forme courante est « charmer le trait » : voir la note 80 du Pèlerinage de Mariage.) Le trait désigne la flèche qu’on va bientôt décocher à saint Sébastien, le héros de ce Mystère. C’est également une gorgée de vin : « Ung traict but de vin morillon. » (Villon.) Le paysan pénètre dans la taverne ; il ne remarque pas que son épouse, Jacquinette, est assise à une table. 147 Les tavernes — en particulier les triballes de Rouen — faisaient de la vente à emporter : vin, pâtés, charcuterie, etc. Mais la moutarde a suscité un grand nombre d’expressions ; nous en avons peut-être une ici. 148 La tavernière se nomme Brochet, mais le paysan rêve de la consommer en brochette… 149 Ms : Vouycy vous si (Le 1er mot est indéchiffrable ; Mills et Rousse lisent Vouay.) Le paysan aperçoit sa femme. 150 Ms : venus chergier (Le paysan essaie de justifier sa propre présence à la taverne.) 151 Cette liaison dangereuse offre un jeu de mots sur zèle : « Estant avecques elle,/ Conclure puy d’un franc cueur et vray zelle. » (Clément Marot.) Zèle = appétit : « Que ce vin icy est gaillard,/ En un souper prins d’un bon zelle ! » Le Poulier à sis personnages. 152 Plusieurs. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 67. 153 Attaque personnelle : la vilenie est l’état du vilain, du paysan. « Un païsant, nourist en vilonnie. » Godefroy. 154 Ms : une (La moitié d’une paire d’œufs = 1 œuf. Cette locution tarabiscotée relève du jargon notarial : « Les remonts ne pourront estre moins que d’une demie paire. » Procès-verbal d’enchère.) Les Sots des Vigilles Triboullet envisagent eux aussi une partie de « jeu de l’œuf » au vers 30. Ces jeux infantiles servent de fil rouge à plusieurs « jeux » dramatiques : le Jeu du capifol, les Sotz ecclésiasticques qui jouent leurs bénéfices au content, Trote-menu et Mirre-loret (jeu du sot-s’y-met), l’Aveugle et Saudret (jeu de broche-en-cul, auquel on joue aussi dans la farce de Goguelu, F 45). 155 Ms : ny verres (Forme normanno-picarde : « Vous burez tant. » Le Pourpoint rétréchy.) 156 La paysanne accouple deux jurons scatologiques : « Étron de chien ! » réapparaît au vers 211. « C’est bien chié ! » signifie : C’est mal dit ! Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 30. 157 Ms : augiron dune (Boucher = se cacher les yeux : « Les yeulx fort je me bousche/ Affin de ne vous veoir pas. » Le Badin qui se loue.) Le gag consiste, pour l’acteur qui joue la femme, à soulever le bas de sa robe afin de se cacher les yeux tout en découvrant ses jambes poilues et sa culotte bien remplie. 158 Le ms. ajoute dessous : Caches la bien 159 Ms : p p / le feu te arde le d (« Que le feu t’arde ! » Les Trois amoureux de la croix.) 160 Le tête-à-tête de la tavernière et du paysan est symbolisé par des tercets pentasyllabiques en aab. 161 Ms : pouyer (Voir les vers 2, 149, 163 et 205.) Le paysan ne se rend pas compte que son épouse va payer la note avec l’argent qu’il a gagné : dans les ménages populaires, c’est la femme qui gère la cagnotte. Comme le dit une des Femmes qui font refondre leurs maris : « On vous payera en beaulx ducatz ;/ Nous-mesmes les avons en garde. » 162 Dans votre bandage herniaire, votre suspensoir. « Les coullions soient soubstenus avec liguature et coeffe joincte au brayer. » (ATILF.) Brayette = braguette. 163 Ms : jamet (Il faut ici une rime en -ier, ce qui rend douteux le prénom provençal Jamet.) « Jacquier » désigne un paysan favorable aux jacqueries : voir Godefroy. Le couple Jacquier et Jacquinette n’est pas plus improbable que celui d’Audin et Audette, ou celui de Tarabas et Tarabin (F 13). 164 Ms : Vous ne la (Ce dernier vers du tête-à-tête doit faire 5 syllabes.) La négation « pas un pet » s’emploie pour « rien » : « Je n’y en compte pas un pet. » Le Cousturier et Ésopet. 165 Ms : Nõ (« Nous n’en aurons, pour mèshuy, moins. » L’Antéchrist.) 166 L’homme obligeant. « Et contrefait le bon varlet. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 167 La femme du paysan baisse sa robe et rejoint les autres joueurs. 168 Variante picarde et flamande de « fors que » : si ce n’est que. 169 La femme aux jambes poilues parle d’elle au masculin*. Elle voit que la tavernière lui désigne discrètement le bonnet du paysan ; elle donne alors un coup de poing dessus. L’œuf se casse et dégouline sur la figure de l’homme. *Les puritains n’auront qu’à corriger : Sans nul content [sans faire de contentieux]. « Les laissent dedens entrer sans nul content. » Lancelot. 170 En mal an : en mauvaise année. « Dieu te mette en mal an ! » Sermon joyeux de bien boire. 171 Votre femme a deviné que l’œuf était caché sous le bonnet. 172 Le paysan prend sur la table deux pichets de vin et les vide sur les tricheuses. 173 Cette imprécation scatologique est presque toujours dialoguée : « –Bren [merde] ! –Qui vous puist casser les dens ! » Pernet qui va au vin.
MAISTRE JEHAN JÉNIN
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MAISTRE
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JEHAN JÉNIN
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Beaucoup de farces raillent des fils de paysans qui s’évertuent à bafouiller du mauvais latin pour devenir papes ou cardinaux. Jehan Jénin est parvenu — grâce à des professeurs et des examinateurs aussi nuls que lui — à boucler des études labyrinthiques qui ont transformé ce lourdaud en fou : il ne peut plus distinguer la science de la superstition.
Cette farce de collège fut écrite en Normandie peu après 1510.
Source : Recueil Trepperel, nº 32.
Structure : La plupart du temps, les rimes ne sont que des assonances.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
Maistre Jehan Jénin
Composée de la comette de Flandres
et des songes de sa mère.
[ Maistre Jehan Jénin,
vray ]1 prophète.
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À deux personnages, c’est assavoir :
LA MÈRE [Jaquette]
et son filz, MAISTRE JEHAN JÉNIN. Et ségnéfie les songes sa mère2.
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SA MÈRE commence 3 SCÈNE I
Las ! mousieur4 maistre Jehan Jénin,
Mon doulx filz, mon petit musequin5,
Mon goguelu6, toute ma joye :
Où est-il ? Se je le tenoye,
5 Mon cueur seroit tout consolé.
Las, Dieu ! Où pourra-il boute[r]
Sa science, cest enfant-là ?
Il en est tout plain, hault et bas,
Puis7 la teste jusqu(es) au[x] talons.
10 Je ne sçay comme le pouvre8 homs
N’a crevé parmy sa boudine9.
De trologie10 et merdecine,
Il en scet ce qu’il est possible11.
[Et] il a tourné, de sa bible,
15 Tous les fueille[t]z bien quatre fois12.
Et si, a [leu trois]13 fois les Lois.
Dame ! il se boute tant parfond14
Que l’on ne peult trouver le fons
En la science où il se boute.
20 Je doubte15… Je doubte… Je doubte
Et crains fort, maistre Jehan Jénin,
Qu’il ne soit fol, en la parfin16.
Il scet ses Ars relibéraust[z]17,
Et tout au long [ses Daudrinaulx]18,
25 Ses Principes19, ses Bucquenicles20,
Et son Chaton21, et sa musicle :
Son ré my fa joucque22 au plus hault.
Tredille ! latin [n]e luy fault23.
Tant chante hault son my fa la,
30 Il fait tout trembler çà et là.
Quant il veult décliner sa voix,
Ma foy, il feroit24 plus, trois fois,
Que les docqueteurs de Paris25.
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MAISTRE JEHAN JÉNIN 26 SCÈNE II
Que mon esp[e]rit est ravy27
35 (Bénédicité Dominus28)
Que Flandrions [cauda eius]29…
Dieu ! je ne sçay [plus] où je suis ;
[Et j’ay tel soif que plus n’en puis,]30
Tant spécule parfondément,
40 De mon agu31 entendement,
Cométa septentrionis32.
La comette où je m’estudie33
A34 ses significations :
Elle[s] monstrent35 que les oysons
45 De Flandres menront36 les oy[e]s pestre.
Et l’on donneroit à leur maistre,
À taster37, d’ung bordeaulx38 d’Espaigne.
Et qu(e) une vache auroit grant peine
À veller deux veaux en ung coup.
50 Et que j’aurois trois fois la toux39
Et la foire avant que mourir.
Et qu(e) une souris40 fait son ny
Dens41 le lit ma mère, de feure.
Et que ceste année, le beure
55 Sera moult [cher, aussi moult fade]42.
Ma mère mourra bien malade43 :
N’esse pas terrible besongne ?
Pour bien entrepéter44 ung song[n]e,
Je suis maintenant ung prophète.
60 On peult bien congnoistre à ma teste
Que je suis grant homme de sens45,
Et fais de l’honneur largement
À ma mère. Or çà ! que diront46
Les voisins, quant ilz me verront ?
65 Dieu ! le curé n’aprochera
D(e) une lieue, quant [il] me verra
Sur mes patins47 si hault monté,
[Où] je tiendray bien gravité48.
[Le gibet le puist]49 corrigier !
70 Mais50 qui m(e) osera approcher,
Puisque je suis digne prophète ?
Ma mère, ferez51 grosse feste.52
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Ha ! ma mère, n’aprochez53 point ! SCÈNE III
Dieu vous gard, ma mère, de loing !
LA MÈRE
75 Mon doulx filz…
FILIUS 54
A ! vieille dannée55,
Si vous n’estes bien confessée,
Ne me touchez ! Je suis prophète.
Dea ! regardez bien que56 vous faictes.
À qui vous cuidez-vous jouer ?
LA MÈRE
80 Prophète, mon filz ?
FILIUS
Sans doubter.
LA MÈRE
Mon filz, mon enfant, ma substance :
Pardonnez ma povre ignorance !
Pas ne sçavois la dignité57.
FILIUS
Dame ! si vous m’eussiez touché,
85 Les ongles vous fussent tous tombéz.
LA MÈRE
J’é tousjours dis que [vous] seriez,
Une fois, ung grant personnage.
Vous estes de noble lignaige
Et, [du] tout58, du sang de l’Église.
90 Pour sçavoir la génialogi[s]e59,
Vostre père et moy fûmes enfans
De deux curéz riches et puissans.
Mon père estoit filz d’ung abbé,
Et cest abbé fut engendré
95 D’ung évesque trèsbon preudhomme
Qui fut filz du pape de Romme.
Vélà la généalogi[s]e.
S’esbahyt-on60 sy, en l’Église,
Vous estes si [très] hault monté ?
FILIUS
100 Je vien d(e) Égipte, où j’ay esté
Crestien, e[t] sarasin, et juif,
Ma mère, tout en une nuyt.
Je suis devin en te[l]s besongnes,
Et sçay entrepéter les song[n]es
105 Et dire qu’i ségnéfécie61.
LA MÈRE
Dictes-moy, mon filz, je vous prie :
En ce pays62 où avez esté,
Qui vous aprint à exposer
Les songes ?
FILIUS
Folle que vous estes !
110 Et ! je l’é apris de ma teste.
LA MÈRE
Mon filz, ne vous couroucez pas !
FILIUS
Ha ! ma mère, non foi-ge63, dea.
Mais vous [n’estimez la comette]64,
Et avez des questïonnette[s],
115 Dieu, je ne sçay à quel propos !
LA MÈRE
Dictes-moy, mon filz, quatre motz :
Que ségnévécie65 la comette ?
FILIUS
« C’est bien dit, ma mère Jaquette66 ! »
LA MÈRE
[Mon filz, mon enfant67], je vous prie :
120 Dicte-moy que signéfécie.
FILIUS
Signont belloront mulloront 68 :
C’est que « belles mulles » seront,
Inter Principès69, de grant pris.
C’est-à-dire qu(e) à ce Lendit70,
125 « Belles mulles » se vendront bien.
LA MÈRE
Dame ! mon filz, je vous croys bien :
Chascun veult71 mulles ou mulons.
Et bien souvent, les asnes vont
Sur mulle(s), et souvent sur72 ânesse.
130 Venez çà, mon filz : quel signe esse ?
FILIUS
Que les ânes domineront,
Et que jeunes ânes seront
Tousjours les maistres de l’Église73.
LA MÈRE
Mon enfant, vostre prophécise
135 Est maintenant vérifiée :
Car l’Église est toute enmerdée
De ces jeunes enfans mittréz
Qui ne font sinon [que] menger
Les offrandes du crucifiz74.
140 Entandez-vous cela, mon filz ?
FILIUS
Dame ! Auxi, il ségnéficie
Que vous aurez une abbaïe,
Si n’y avoit empeschemens,
[Bien] que d’aulcuns qui en tiennent trois75.
LA MÈRE
145 Se m’aidieux, mon filz, je vo[us] en croys !
Ilz font pause76.
…………………………………..
FILIUS
La vertu saint Gris ! c’estes mon77.
Cométa signon vent oront 78 :
Signe est que je seray malade
Du ventre, se je ne m’en garde.
150 Et pleuv(e)ra souvent au matin
— [Et plura multum]79, en latin.
Ce80 sera grant[z] ventations
Venans de soubz les pellissons81
[De ces]82 jeunes filles fardée[s].
155 Aussi, sy les grandes gell[é]es
Ampongne[nt]83 voz povres talons,
À Dieu qu’a[ille]nt les mulorons84 !
Et aussi, [dis] qu(e) ung coq chastré
Ne pondra jamais en esté,
160 Ma mère, dedans ung panier85.
Or, sus avant, pour abréger !
Dicamus : secondum signont 86,
Dame, c’est mortis principium87.
C’est que mouront ces principaulx
165 [Quant ilz feront]88 mettre des eaulx
Par messïeulx les despensiers89
Au vin des povres escoliers :
Ilz mouront plus dru qu(e) estincelles !
Aussi mouront ces damoyselles
170 [S’elles teignent]90, le samedy,
Leur chemise(s) [de] diamerdi 91,
Bien par-derrière ensafrenée92.
Item, dénote ceste année :
Dicamus : aliud signont 93
175 Érat mutatio légont 94.
On dit que les « moutons liront »,
Au[x] champs, des leçons au[x] brebis.
Le pasteur a prins et ravis
À ceulx de Paris la pasture ;
180 Dieu n’en di[t] mot de la jacture95.
Moutons, puisque chastréz seront,
Jamais brebis ne menderont96.
Et quant les brebis vont au[x] champs,
La première est97 tousjours devant,
185 Icelle mesme, en sa parsonne98.
Pour cause que cler(s) mot ne sonne99,
Les Folz disoi[e]nt la vérité,
Qui estoit cause de garder100
De faire [des trafiqs beaucoup]101.
190 Quant brebis rongneuse102 a la toux,
Ma mère, qui est morfondue103,
Pour bien la guérir, on la tue ;
Jamais, depuis104, ne toussira.
Et aussi, pour guérir ung chat105
195 De collérique passion,
Lui fault les tripes d’ung siron106,
Au matin, à son desjuner.
Dame ! vélà que j’é107 trouvé
En spéculan[t] à la comette.
200 Or [sus, sus]108, ma mère Jaquette !
Despêchez-vous tost de parler,
Car je vous vueil entrepéter
Vostre109 songe que ségnéfie.
LA MÈRE
Hélas ! mon filz, je vous en prie.
205 [La nuyt]110 que fustes engendré,
Sur ma foy, mon filz, j’é songé
Que j’avoys le ventre rempli
Et tout enflé de let boully111.
FILIUS
Il ségnéf[ic]ie la clergie
210 De quoy j’ay la teste remplye :
Que de médicinnacions,
Et de Loix et décrétorons112,
De musicle et de trologie,
Et [de] toute granmairerie113 !
LA MÈRE
215 Puis après ung petit tantet114,
J’é songé [qu’au ciel on]115 chantoit
Perronnia116 à haulte voix ;
Qu’esse à dire ?
FILLIUS
Que je seroys
Ung gros chanoine ou ung abbé,
220 Ou quelque moine ou gros curé,
Je ne sçay lequel ce sera.
LA MÈRE
Mon enfant, on escorchera
Nostre veau pour faire une aumusse.
FILIUS
C’est ce que je demande, [ou capuce117] :
225 Rien ne me sera mieulx loisible118.
LA MÈRE
Puis [j’ay] songé chose terrible,
Et fut [le] lendemain des nopces :
[C’est] que j’avois mittres et croces119
[Tout] enmy mon ventre, de bois120.
FILIUS
230 Dame ! Ma mère, à ceste fois,
Je seray évesque, c’est fait.
Le songe que vous avez fait
Tout au long le signéficie.
LA MÈRE
Et puis après, je vous affie,
235 Ung jour que j’estoye toute nue,
Je cuydoye estre rouge vestue,
Et que j’avoys ung grant ch[a]ppeau.
FILIUS
Dame ! Je seray cardinal [nouveau121],
C’est fait. Tost, tost ! [allez], ma mère,
240 Bride[r] vostre vache lectière :
Et monteray sus à cheval.
LA MÈRE
Mon filz, vous serez cardinal ?
FILIUS
Da122 ! je vous feray grosse abbesse123,
Et vous feray chanter la messe
245 Pour le bien (ma mère) publicque124.
LA MÈRE
[Et] fauldra-il que je m’aplicque
À dire la grant Évangille,
L’espître, vespres, et Vigille
Et tous125 ses petitz respondrez ?
FILIUS
250 Vous direz ce que vous vouldrez.
LA MÈRE
Puis après cela, j’é songé ;
Et me sembloit que je véoys126
Ung vieillart barbu enchappé127
Qui tenoit une grosse clef.
FILIUS
255 Tredille ! ma mère, c’est fait :
Je seray [ung] pape parfait.
Plus ne me fault qu(e) aller à Romme128.
LA MÈRE
Pape ? Pape ? Comment ?
FILIUS
En somme,
Je le seray jusqu(e) ou talon129.
260 Mais allez au sarrusier130, donc,
Pour [me] faire une grosse clef.
LA MÈRE
Pape ? Pape ? Quoy ? Bénédicité !
FILIUS
Vous distriburez les pardons131.
LA MÈRE
[Qui], moy ? Je confesseray dons ?
FILIUS
265 Je vous en donneray la puissance
De donner des pardons cinquante,
Ma mère, à nostre jeune oyson.
[LA MÈRE]
Et aussi à nostre viel chapon
À qui je crevay les deux yeulx132 ?
[FILIUS] 133
270 Nous aurons qui134 vauldra bien mieulx :
Quelque péché que nous fassions,
Tout droit en Paradis yrons,
Aussi droit comme une faucille135.
LA MÈRE
Rien ne vous sera impos[s]ible.
FILIUS
275 Da ! ma mère, je vous pardonne
Et absous136 tous péché[z], en somme,
Que vous commettrez137 à jamais.
LA MÈRE
Grant mercis, mon filz, mille fois !
FILIUS
Il y a bien « Moussieulx », pour vous138 !
LA MÈRE
280 A ! merde139 ! Je [l’]oublie tousjours.
Pardonnez-le-moy, s’i vous plaist !
FILIUS
Or là, de par Dieu, c’est bien fait.
La clef n’est elle pas encore faicte ?
Le sang bieu ! si je romps140 ma teste…
285 Pape ne seray de ma vie ?
Je perdray la papeterie141
(De par le grant dyable d’Enfer)
En deffault d’une clef de fer ?
Je suis presque tout enragé !
290 Mais n’avez-vous plus rien songé142 ?
Dicte la vérité, ma mère !
LA MÈRE 143
Après, j’é songé que saint Pierre
Estoit tumbé de Paradis.
FILIUS
Le [grant] dyable ayt part du sainct Gris144 !
295 Vélà perdu la papaulté145.
Le gibet146 vous faisoit songer
Ce maleureulx songe meschant !
Tout est bien perdu, maintenant.
C’est fait, je ne seray point pape.
300 Peu ne me tient que ne vous frappe !
C’est par vous que cella se pert.
LA MÈRE
Non est, mon filz !
FILIUS
Et ! il apert147.
LA MÈRE
Non est, mon filz ! [ Puis j’ay songé
Que le chappeau s’est envolé
305 D’ung coup de vent.148 ]
FILIUS
Encore pis !
Vélà maistre Jehan Génin fris149 :
Je ne seré point cardinal.
LA MÈRE
Puys j’é songé que de son cheval
Estoit cheut évesque et curé.
FILIUS
310 Trésdame ! vé-me-là gelé150 :
Je n’auré cure n(e) évesché.
Par le sang bieu ! je m’en voys prescher
La foy catholicque aux payens151.
Jamais ne reviendré cëans,
315 Et ne me verrez de ma vie.
Adieu, adieu !
LA MÈRE
Je vous [en] prie,
Faicte[s à] moy relation152
De tous vos biens qui153 demour[r]ont.
FILIUS
Je vous lairray154 mes Buquenicles,
320 Mon Daudrinal et mes Cronicles,
Et Pérot155 en gouvernement.
LA MÈRE
Mon filz, j’estudiray gramment156
Aussi bien que vous avez fait.
FILIUS
My Dieu ! ma mère, c’est bien fait.
325 Faictes-en [à] vostre appétit.
Et me baillez du papier ung petit157
Pour vous en escripre la lettre.
LA MÈRE
Tenez, mon filz.
FILIUS 158
Que fault-il mettre,
Ma mère, tout premièrement ?
LA MÈRE
330 Mon filz, escripvez gentement :
« Moy159 parlan[t] en propre160 personne. »
Et boutez : « Tout premier161, je donne
Mes Principes162 et mon Donnes[t],
Aussi mon petit Chatonnet163,
335 À vous, ma mère, [et] mes Cronicles,
Mon Dodrinal et Bucquenicles.
Item, je donne… »
FILIUS
Je vous avez grant tort :
Pas ne puis escripre si tost164.
Or là, de par Dieu ! Nomme[z] : qu’esse ?
LA MÈRE
340 Or, boutez : « Item, je vous laisse… »
FILIUS
Dictes165, ma mère, où [vous alez]166.
LA MÈRE
Nulle part, mon filz. Escrive[z] :
« Item, je laisse à ma mère
[Très]tous les signes de la spère167
345 Et [très]tout[e] l’astrologi[s]e. »
FILIUS
Je n’auray168 donc une chemise ?
LA MÈRE
« Mon Ypocras je luy rasine169,
Et mes livres de me[r]decine :
Aviscéna et maistre Alain170. »
FILIUS
350 Tredille ! Cecy est tout plain ;
Il [me] fault tourner le f[u]eillet171.
LA MÈRE
« Je luy laisse mon Theodolet172
Pour [fouetter ces]173 petis garsons.
Puis au[r]a mes décrétorons,
355 Et ma phisicle, et les Ars,
[L’Embouchoir des maistres en Ars,]174
Cométa septentrionis,
Et mon libvre où sont mes per[mi]s175,
Qui sont gros comme ung manuel176.
360 Cy mis le jour sainct Manuel177. »
Prou178 vous face, ne vous desplaise,
Vous estes icy tout à vostre ayse179.
Preut vous face, ne vous derplaise !
.
EXPLICIT
*
1 T : Vary (Ce long titre est un placard publicitaire de l’éditeur, qui accumule tout ce qui peut attirer les acheteurs friands de merveilleux.) 2 Il explique ce que signifient les songes de sa mère. Les formes dialectales ségnéfier et ségnificier reviennent aux vers 105, 117, 120, 141, 203, 209, 233. 3 Cette paysanne veuve met tous ses espoirs dans son fils, qui vient d’obtenir ses diplômes. Elle est chez elle, seule : Jénin est en voyage. 4 Forme normande de « monsieur ». Idem vers 279. 5 Jeune galant. Cf. les Rapporteurs, vers 59. 6 Godelureau. Cf. la Pippée, vers 377. 7 Depuis : de la tête aux pieds. 8 T : pourre (Le pauvre homme. « Au povre homs qui se meurt de fain. » Les Premiers gardonnéz.) Homs se prononce on : voir les rimes 306-7 de Saincte-Caquette. 9 Par sa bedaine. Le prêcheur du Sermon pour un banquet est si plein de savoir qu’il formule la même crainte : « Ou je crèveroys par le ventre. » 10 T : trologue (Voir le vers 213.) D’astrologie et de médecine. « J’ay despendu [dépensé] tout mon argent/ En merdesfines. » (Miracles de sainte Geneviève.) Dès que la mère se risque à user d’un terme technique, elle le déforme. Sur ce procédé théâtral indémodable, voir la note 58 du Vendeur de livres. 11 Tout ce qu’il est possible de savoir. 12 Cela ne veut pas dire qu’il les a compris. 13 T : bien quatre (Réminiscence du vers précédent.) Et aussi, il a lu trois fois le Digeste. 14 Il s’y plonge si profondément. 15 Je redoute. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 233. 16 À la fin. 17 Ses Arts libéraux : il est donc maître ès Arts, en plus d’être juriste et médecin. 18 T : fes dandrinaulx (Voir le vers 320.) Ses doctrinaux, et particulièrement le Doctrinale puerorum d’Alexandre de Villedieu, que les Femmes qui aprennent à parler latin citent à deux reprises. 19 T : princeps (Je corrige la même latinisation intempestive à 333.) « Principes et Caton construyre. » Le Maistre d’escolle. 20 Les Bucoliques de Virgile. Idem vers 319 et 336. 21 Les distiques moraux qu’on attribuait à Caton. Idem vers 334. 22 T : ioucques (Il juche. C’est un verbe normand : « La pie est jouquée. » La Muse normande.) 23 Le latin ne lui fait pas défaut. Le juron « tredille », euphémisme pour « Notre Dame », revient aux vers 255 et 350. 24 T : soit (Il ferait trois fois plus de bruit.) 25 Que les docteurs en théologie de la Sorbonne. 26 En tenue de voyage, il s’approche de la maison, les yeux plongés dans un livre. 27 Exalté, transporté. 28 Cette prière précède le repas ; voilà pourquoi c’est tout le latin que Jénin peut réciter sans erreur. 29 T : candacius (« Flandrium cauda eius » : La queue de la comète des Flandres. « Cur cauda ejus præcesserit cometam ante oppositionem cum Sole. » Ephemerides eruditorum.) En 1456, le passage de la comète de Halley avait suscité une avalanche de déclarations apocalyptiques*. Pour la Belgique, voir par exemple la chronique de Pierre Impens, au chapitre intitulé : Cometes in cœlo videtur, et terræ motus fiunt. *L’Apocalypse de Jean fait appel aux mêmes images : « Cauda ejus trahebat tertiam partem stellarum cæli. » 30 Vers manquant. J’emprunte le vers 878 du Pourpoint rétréchy. Sur la soif des collégiens, voir les vers 165-7. 31 Aigu, pénétrant. 32 C’est le titre du livre, aujourd’hui inconnu, qu’il tient à la main. Idem vers 357. 33 T : suis (Réminiscence du vers 37.) À laquelle j’applique mon étude. « Je m’estudie aus choses qui luy sont moins familières. » (Pontus de Tyard.) Nous dirions aujourd’hui que Jénin « tire des plans sur la comète ». 34 T : Et (Le ms. de base devait porter « & ».) 35 T : monstroient 36 T : mendont (Mèneront. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 51 et 340.) « Les oisons mainnent les oes paistre. » Farce de Pathelin. 37 T : t astes (À boire. « Qu’il puist prendre ceste bouteille/ Et en taster. » L’Amoureux.) 38 T : morceaulx (Du vin de Bordeaux. Les vers 44-57 rendent compte des bouleversements que le livre de présages concernant la comète a provoqués dans le cerveau fragile de Jénin.) 39 T : taux (La coqueluche, dont une grave épidémie avait sévi en 1510. Cf. le Faulconnier de ville, vers 31 et note.) La foire désigne la diarrhée. 40 T : sourir 41 T : Dedens (Dans le lit de paille de ma mère.) Jénin, dont la syntaxe n’est pas meilleure que le vocabulaire, commet un janotisme : le lit de ma mère de paille. Nous en verrons d’autres. 42 T : enchantant (Les parodies de pronostications jouent sur les truismes : « Ceste année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez mal, les muetz ne parleront guières. » Rabelais, Pantagruéline prognostication.) 43 Si elle est très malade, elle mourra. C’est encore un truisme. 44 Interpréter. Jeu de mots involontaire sur « péter » ; idem vers 104 et 202. Songne = songe ; idem vers 104. 45 T : bien (De bon sens.) Jénin est un rôle de Badin ; il porte donc un bonnet d’enfant, qui est rarement la coiffure d’un « homme de sens ». 46 T : dirons (Je corrige verrons à la rime.) 47 Semelles de bois qui isolent les chaussures du froid et de la boue, et qui permettent à celui qui les porte de gagner quelques centimètres en hauteur. 48 T : gratuite (Il y a un « t » de trop.) J’affecterai une attitude grave. « Je tiendray gravité, ma foy ! » Le Porteur de pénitence. 49 T : Que gibet ie suis (Dans les imprécations, le gibet désigne le diable, comme au vers 296. « Le gibet me puisse confondre ! » Le Raporteur.) 50 T : mes 51 T : me seres vous 52 Jénin entre, et arrête sa mère qui veut l’embrasser. 53 T : naprocher (Ailleurs, je corrigerai tacitement cette manie qu’a Trepperel de confondre l’infinitif et le participe passé.) 54 Le fils. Étant prophète, il est dorénavant nommé en latin. Il faut dire que son nom n’est guère gratifiant : Jean et Jénin désignent traditionnellement des nigauds. Cf. Jehan qui de tout se mesle et Jénin filz de rien. 55 La mère est « vieille d’années », son fils la traite de « vieille damnée ». 56 Prenez bien garde à ce que. 57 La dignité que Dieu vous a transmise. 58 Totalement. 59 Votre généalogie. La mère écorche de nouveau ce mot savant au vers 97. 60 T : Cestesbaye ton (Peut-on s’étonner.) 61 T : segneuecie (Ce que les songes signifient. Voir la note 2.) 62 Les Normands prononçaient parfois « pè », en une syllabe : cf. Pates-ouaintes, vers 11 et 165. Dans une farce un peu scatologique, cela ne nuit pas. 63 Non fais-je : je ne me courrouce pas. 64 T : estes tant sotellete (Il faut que la mère entende parler de cette comète avant le vers 117.) 65 Que signifie. La mère déforme ce mot compliqué, produisant un jeu de mots involontaire sur vessi [pété] : cf. la Bouteille, vers 112. 66 L’auteur emprunte le vers 43 du Cuvier, une farce qu’il connaît bien. La mère de Jénin se nomme donc Jacquette, comme la mère de Jénin filz de rien. T anticipe dessous les vers 121 et 123 : Que sont bellorontmulloront / Inter principes 67 Je comble cette lacune d’après le vers 81. 68 Prononciation à la française, et fautive pour le dernier mot, de « signum bellorum multorum » [signe de beaucoup de guerres]. On croyait que les comètes annonçaient une guerre : « Hoc signum fuisse multorum bellorum. » (De Prognosticis cometarum.) Jénin lit mulorum au lieu de multorum, puis traduit « bellorum mulorum » par « belles mules ». Tabourot compilera de semblables calembours de collégiens dans ses Bigarrures : « Flandria divertens » = « Flandre y a divers temps ». Voir aussi les calembours franco-latins qui ornent le Sermon de la choppinerie, ou le Moyen de parvenir. 69 Parmi les princes. 70 T : lundi (Célèbre foire de Saint-Denis ; les paysans normands venaient y vendre ou acquérir des animaux. « J’achetté une vache/ Dernièrement à ce Lendit. » Trote-menu et Mirre-loret.) Le Lendit se tenait du 11 au 24 juin ; or, d’après le vers 360, nous sommes le 17 juin. 71 T : vous (Mulon = mulet. « Quar ce qui est bon à mulon,/ Si n’est pas bon à estalon. » ATILF.) 72 T : les (Les professeurs de théologie de la Sorbonne. Lesdits sorbonagres [onagre = âne sauvage], qui passaient pour des ânes, se déplaçaient à dos de mule. L’ânesse désigne leur concubine.) 73 Jénin compte bien profiter de cette corruption, comme le clerc Johannès dans Science et Asnerye. 74 « C’est un des pointz qui contrainct les enfants,/ Souventes fois, tenir le lieu des saiges./ Lesquelz mittréz, à dire à brefz langaiges,/ Sont inclinéz auprès le cul des dames./ Par quoy, souvent, en choses très infâmes/ Est employé l’argent du crucifix. » Pronostication d’Habenragel. 75 Les abbés commendataires encaissaient les bénéfices de plusieurs abbayes. Cf. les Sotz ecclésiasticques. 76 T : panse (Cette pause fut introduite par l’éditeur pour masquer une importante lacune ; on a peut-être censuré des attaques trop vives contre la corruption du haut clergé.) À la reprise, le vers 146 répond à une question qui est perdue. 77 Vous l’êtes. « Mon » est une particule de renforcement : « Se suys mon, se suys mon ! » Le Maistre d’escolle. 78 Prononciation à la française de « cometa sit signum ventorum ». (Aristote, Liber meteorum.) Jénin traduit le dernier mot par « vent aurons » : nous péterons. 79 T : Quem terra ponthus (Cette hymne est nommée au vers 230 d’Un qui se fait examiner. Malheureusement, ces trois mots ne débouchent sur aucune traduction digne de Jénin.) « Et plura multum » est le début d’une phrase du Liber conformitatum, de Barthélemy de Pise. Cette hagiographie grotesque a fait crouler de rire plusieurs générations de collégiens ; on finira même par en tirer un pamphlet, l’Alcoran des Cordeliers. Nul doute que Jénin aurait traduit « et plura multum » par « et il pleuvra beaucoup ». 80 T : de 81 De sous la pelisse, la cotte. 82 T : Et ses (Les filles fardées sont des prostituées.) 83 Empoignent, attaquent. 84 Que les mules aillent au diable ! (Mulorum est le génitif pluriel de mulus : mulet.) Le froid provoque une mule au talon, une engelure : « Nous aurons chascun une mule/ Aulx talons. » Le Monde qu’on faict paistre. 85 T : pagnez (Je corrige aussi abregez à la rime.) Les poules — et non les chapons — peuvent pondre dans un panier rempli de paille. Janotisme : ma mère dans un panier. Les spectateurs ont aussi pu comprendre : ma merde dans un panier. 86 Nous disons que le second signe. « Secundum signum est quod sol (…) videtur coloris albi et non ignei. » Thomas d’Aquin, Sententia super meteora. 87 T : principius (Pour une fois, la faute de latin revient à l’imprimeur : ce mot rime en prinsipion.) « Cometa quare putatur potius esse signum mortis principium. » (Thomas d’Aquin, Sententia super meteora.) Jénin traduit : la mort des principaux de collèges. 88 T : Que ne font point 89 Les responsables de la « dépense » du collège, pour faire des économies, versent de l’eau dans le vin : « Celluy qu’on boyt en la despence/ Est bien aultrement baptizé [mouillé d’eau]. » Te rogamus audi nos. 90 T : Celle nent (Si elles tachent. On dansait beaucoup le samedi, et les étudiants en profitaient pour draguer les danseuses.) T ajoute sous ce vers : pansa. vous estez aussi digne vraymẽt 91 De merde. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 180 et note. 92 Ensafranée : jaunie d’excréments. 93 Nous disons qu’un autre signe. « Aliud signum est. » Thomas d’Aquin, Sententia super meteora. 94 Il y avait un bouleversement des lois. Encore une calamité qu’on attribuait aux comètes : « Visi fuerunt tres cometæ ; & post apparitionem illorum, immediate sequebatur mutatio legum. » (Pierre Tartaret.) Se souvenant inopportunément du verbe legunt [ils lisent], Jénin traduit « mutatio legum » par « les moutons lisent ». Espérons qu’ils lisent mieux que lui… 95 De cette perte. 96 T : demenderont (Mander = faire venir.) 97 T : va 98 Elle-même, en personne. La suite est rédigée dans le plus pur style « sibyllin » ; elle recèle des allusions locales que les collégiens rouennais de 1511 pouvaient comprendre, mais qui demeurent pour nous bien hermétiques. 99 Parce que je ne prononce pas un seul mot clair. Jeu de mots sur les « clercs », les collégiens, qui faisaient dire leurs vérités par les Fols des sotties, n’ayant pas le droit de les dire eux-mêmes. 100 D’empêcher. 101 T : be aucoup de trafique (Allusion aux trafics de reliques et d’indulgences, qui empoisonnaient alors l’Église. « Il court tant d’abus et trafficques. » Saincte-Caquette.) 102 Galeuse : atteinte de la fameuse clavelée, qui sert d’excuse au berger de la Farce de Pathelin pour manger les brebis saines de son patron. 103 Elle qui est enrhumée. Nouveau janotisme : ma mère qui est enrhumée, on la tue. 104 T : da puis (Jamais plus, après, elle ne toussera.) 105 T : cheat 106 D’un ciron, d’un acarien. Ces notations minimalistes sont appréciées : « Vélà encor les trippes/ Des poux qu’as maintenant tuéz. » Les Coquins, F 53. 107 Voilà ce que j’ai. 108 T : sur sur 109 T : Vng (Je veux vous interpréter ce que signifie votre songe.) 110 T : Lanny 111 De sperme. Cependant, le lait bouilli est un des ingrédients de la littérature prophétique : « Et puis neigea du lait bouilly. » (Les Quinze grans et merveilleuz signes nouvellement descendus du ciel, T 26.) Plus prosaïquement, les médecins conseillaient de nourrir les fous avec des produits laitiers : voir la note 80 de Mahuet. 112 De la Summa decretorum. Idem vers 354. 113 T : granmuerie (De grammaire.) 114 Après un peu de temps. 115 T : que lon 116 « Et chante le Per omnia. » Pernet qui va à l’escolle. 117 Lacune. L’aumusse est le capuchon fourré que portent les prêtres. La capuce est le capuchon en pointe des capucins ; mais c’est parfois le bonnet à oreilles d’ânes qui coiffe les Fols. 118 T : propice (Plus convenable. « Il seroit mieulx loisible de traitier la manière de faire à plus petit nombre de gens. » Registres des consaulx de Tournai.) 119 La mitre est le chapeau d’un évêque, la crosse en est le bâton pastoral. Dans Colinet et sa Tante, l’écolier débile qui sait « du latin pleine game » affirme avoir « bonne main pour tenir croce/ Et teste assez pour porter mittre ». 120 Des crosses de bois dans mon ventre. Nouveau janotisme : dans mon ventre de bois. 121 Lacune. « Et plus n’attendoit, en effect,/ Qu’estre cardinal nouveau fait. » Octovien de Saint-Gelais. 122 T : Dame (Voir le vers 275.) 123 T : feste (Je ferai de vous la supérieure d’une riche abbaye.) Allusion au Miracle de l’abbesse grosse, où une mère supérieure se laisse engrosser par un clerc. On peut donc comprendre : Je vous mettrai enceinte. 124 Pour le bien public. Janotisme : pour le bien de ma mère publique. La mère supérieure devient dès lors une mère maquerelle… 125 T : tout (Les Vigiles alternent des chants et des répons, que Jacquette nomme des répondrez. « Chantes, mère : nous respondrons. » Les Vigilles Triboullet.) 126 Que je voyais. 127 Vêtu d’une chape pontificale. 128 L’étudiant de Colinet et sa Tante se voit lui aussi « pape de Rome ». La mère de Pernet qui va à l’escolle juge que son abruti de fils « seroit digne d’estre pape », de même que celle d’Un qui se fait examiner pour estre prebstre. 129 De la tête aux pieds. Voir le vers 9. 130 Chez le serrurier. Un nouveau pape hérite des clés de saint Pierre. 131 Des indulgences. 132 On aveuglait les chapons après les avoir châtrés, puis on les enfermait dans une « mue », une cage, afin de les engraisser. 133 T : la mere 134 Quelque chose qui. 135 Par des voies sinueuses. C’est le vers 280 du Messager et le Villain. 136 T : a vous 137 T : commettray 138 Appelez-moi « Monsieur ». Là comme ailleurs, Jénin est très influencé par la prononciation dialectale de sa mère, qui dit « Mousieur » dès le vers 1. 139 T : garde (Jacquette est à l’aise dans le registre scatologique : voir les vers 12 et 136.) « Merde !/ Taisez-vous, bon gré sainct Remy ! » Le Pet. 140 T : prens (« À crier je me romps la teste. » Le Gouteux.) 141 Non sans malice, l’auteur fait de la papauté une fabrique de papier. 142 Jénin espère sans doute devenir Dieu, comme le 2e des Sotz ecclésiasticques, lequel partage avec lui l’amour des blasphèmes et des jurons. 143 Volontairement, elle va faire perdre à son fils toutes ses illusions, pour le guérir de sa mégalomanie. 144 Sous le coup de la consternation, Jénin renforce son juron du vers 146 avec son juron du vers 287. Saint Gris est le surnom de saint François d’Assise, qui portait une robe grise. 145 T : paupaulte 146 Le diable (note 49). 147 C’est évident. Verbe apparoir. 148 Lacune. « Peu s’en faillit que ne fus cardinal ;/ Mais ung vent vint, qui m’osta le chapeau. » Les ditz de Maistre Aliborum. 149 Frit, ruiné. Cf. Frère Guillebert, vers 231. 150 Me voilà figé par la stupeur. « Je suis icy gellé ! » Le Mince de quaire. 151 Aux musulmans. « Païans » rime avec « cians », à la manière normande. « Les payans furent vaincuz. » ATILF. 152 Jacquette veut dire « translation » : transfert d’une personne à une autre. 153 T : que (Qui demeureront ici.) 154 T : laire (Je vous laisserai mes Bucoliques.) 155 Mon chat. Beaucoup de Badins et de Sots en possèdent un, et le confient à quelque proche lorsqu’ils doivent partir : cf. Mahuet, vers 76-79. 156 T : gentement (Gramment = grandement, beaucoup ; cf. l’Amoureux, vers 60.) 157 Donnez-moi un peu de papier. 158 Il s’assied à la table, et sort de son écritoire une plume et un encrier. Bien qu’il ait fait du droit, il ignore comment on rédige un testament ; la mère, qui hérita de son défunt époux, en sait plus que l’apprenti juriste. 159 T : mon (Cette formule équivaut à : Je soussigné.) 160 T : vostre (Moi-même. « Vez-le cy en propre personne. » Pates-ouaintes et Jénin filz de rien.) 161 T : premierement (Réminiscence du vers 329.) C’est la formule initiale des testaments : « Tout premier, à vous, Guillemette… » Le Testament Pathelin. 162 T : princeps (Voir la note 19.) Le Donnet est le manuel de grammaire latine de Donatus : cf. D’un qui se fait examiner, vers 69 et note. 163 Caton (note 21). Allusion au chat du vers 321. 164 Si vite. Le maître ès Arts sait à peine écrire. La scène du testament doit beaucoup à la scène du rôlet dans le Cuvier. 165 T : Dieu 166 T : ales vous (Jénin fait aussi des fautes de traduction en français : il traduit la formule testamentaire « je vous laisse » par « je m’en vais.) 167 De la sphère céleste. « Nostradamus, estant en son estude, regardant une sphère. » Frère Fécisti. 168 T : y auray (Je ne sauverai pas même ma chemise ?) 169 Je lui résigne [je lui lègue] mon traité d’Hippocrate. 170 Avicenne est l’auteur du Canon Medicinæ. La mère confond maître Alain — qui désigne exclusivement le poète Alain Chartier — avec le médecin grec Galien : « Maistre Ypocras et maistre Galien. » Ms. fr. 12318. 171 Le malhabile Jénin écrit tellement gros qu’il a déjà rempli une page, comme Jacquinot : « Il est tout plain jusqu’à la rive…./ Ce sera pour l’autre costé. » Le Cuvier. 172 Ce recueil paru vers 1490 contient des textes de divers philosophes. Jacquette adopte la prononciation populaire « Tio-do-let », en 3 syllabes. 173 T : bouter ses (On assouplit le cerveau des écoliers en leur donnant des coups de verges sur les fesses.) 174 Vers manquant. J’emprunte le titre d’un livre qui figure dans la « librairie de Sainct-Victor » (Pantagruel, 7). D’après le vers 23, Jénin est maître ès Arts. Et l’embouchoir est le goulot d’une bouteille, ce qui ne peut lui déplaire. 175 Mes permis d’enseigner la théologie, mes diplômes. « Permissum est docere Evangelium. » 176 T : munuel (Comme un petit livre.) 177 Mis par écrit le jour de la Saint-Manuel, le 17 juin. Mais Jacquette veut sans doute parler du « seing manuel », le sceau qu’on appose au bas d’un acte officiel : « J’ay signé ces lettres de mon saing manuel. » ATILF. 178 T : Pour (Grand bien vous fasse ! « Prou vous face ! » Le Pet.) 179 Faites comme chez vous. « Si la mère dict aulx enfans :/ ‟Enfans, venez tout à vostre ayse !” » (Les Cris de Paris.) Jacquette dit à son fils qu’il est ici chez lui, et qu’il peut donc y rester. Elle aura plus besoin d’un gardien de vaches que d’un bachelier au chômage.
LES ENFANS DE BORGNEUX
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LES ENFANS
DE BORGNEUX
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Borgneux est une faute de lecture pour Boigneux (vers 263), qui est lui-même une faute de lecture pour Baigneux. À l’époque, Bagneux était un village agricole au sud de Paris, en pleine campagne. Les Parisiens se moquaient des paysans, qui les nourrissaient, en les affublant d’un accent picard1 : c’est le cas de nos deux habitants de Bagneux, comme ce fut le cas de Mahuet, qui était pourtant « natif de Baignolet ». Bagnolet est d’ailleurs nommé (v. 20), ainsi que d’autres villages proches de Paris2 : Clamard (v. 151), Gentilly (v. 157), Meudon (v. 166).
Jelle Koopmans3 attribue ce dialogue à Guillaume Crétin sur la foi de Charles Estienne, qui écrivait en 1543 : « Et quant aux Françoys, j’y mettray Pathelin avecq sa Guillemette & son drapier (…), Coquillart avecq son Plaidoyer4, Crétin avecq son Thibault Chènevote. » Le problème, c’est que le style emberlificoté de ce Grand Rhétoriqueur est sans le moindre rapport avec le style coulant de notre farce, où Thibaud Chènevotte n’est d’ailleurs que le faire-valoir du personnage principal, Guillot Tabouret, qui déclame 60 vers de plus que lui. Le nom « Thibaud Chènevotte » devait être proverbial : Jehan d’Abundance fit de lui l’un des signataires facétieux de sa Lettre d’escorniflerie (T 26), qui renferme beaucoup d’autres noms proverbiaux. Bref ! si Guillaume Crétin a composé une pièce intitulée Thibault Chènevote, force est de constater que ce n’est pas le présent dialogue.
Source : Recueil de Florence, nº 27.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, aaba/bbcb.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce des
Enfans de Borgneux
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À deux personages, c’est assavoir :
GUILLOT TABOURET
TYBAULT CHÈNEVOTE
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THIBAULT CHÈNEVOTE 5 commence
Hay, hay, hay6, Guillot Tabouret !
GUILLOT
Hay, hay, [hay] !
TIBAULT
Ventre sainct Canet7,
Guillot ! Et, que tu es mignon !
GUILLOT
Pourquoy ?
TIBAULT
Tu as ung beau bonnet
5 Tout fin pinpant.
GUILLOT
Michié8 ! c’est mon.
Et puis ?
TIBAULT
Tu fays du compaignon.
GUILLOT
Et toy, tu trenches du gorrier9.
Te marie-tu point ?
TIBAULT
Nenny non !
Me parle-tu de marier ? 10
GUILLOT
10 Ha, que tu es ung fin ouvrier11 !
TIBAULT
Ma foy, [que] tu es ung fin hoste12 !
GUILLOT
Tu es légier13 comme ung lévrier,
Quant il faut piquer de la bocte14.
TIBAULT
Sanc de moy15 ! Je n’y entens nocte
15 En ton fait, Guillot Tabouret.
GUILLOT
Et pourquoy, Thibault Chènevote ?
TIBAULT
Pour ce que t(u) es trop mignolet16.
Que gibet17 ! Il n’y a varlet,
Tant sache[-il] bien avoir de quoy,
20 D’icy jusque[s] à Bagnollet,
Qui soit si bien au mignolet
[Qui soit]18 si abille que toy.
GUILLOT
Va, va ! Tu te mo(u)cques de moy,
Mès19 toy, tu fringues comme raige.
TIBAULT
25 Non fois[-je], par la vertu goy20 !
Mès dy-lay tousjours de21 couraige.
GUILLOT
Thibault !
TIBAULT
Et quoy, [Guillot] ?
GUILLOT
Je gaige
Que je devineray bien celle
Que tu auras en mariage.
TIBAULT
30 Je gaige que non. Qui est-elle ?
GUILLOT
N’esse pas Dy[ane la belle22] ?
TIBAULT
Nenny non !
GUILLOT
Et ! si est[-ce], si.
Quel mestier est-il qu’on la celle23 ?
TIBAULT
Tru, tru ! Tu luy bailleras belle.
35 C’est tout le moins de mon souci.
GUILLOT
Si24, l’ayme-tu bien. [Si fais, si !]
TIBAULT
In Jan ! Aussi fais-tu les ti[e]nnes25 :
Pour Michelette, Dieu merci,
Il fault bien que tu l’entretiengnes.
GUILLOT
40 Voylà : chascun fait [bien] des siennes26
Le mieulx qu’il peult.
TIBAULT
C’est la façon.
Te tarde-il point que ne la tienne[s]
En l’ombre de quelque buisson27 ?
GUILLOT
Tu es ung terrible garson !
45 Il te semble que tu y es.
TIBAULT
Fourby luy as son pelisson28
Maintes fois.
GUILLOT
Hée ! bona dïès29 !
Te souvient-il que tu estiés30,
L’autre hier31…
TIBAULT
Où ?
GUILLOT
Bénédicité !
50 Ce fut ce jour que vous32 saultiez,
Qu’il n’estoit plus d’orribleté.
TIBAULT
O ! cela n’est qu’abilité33.
GUILLOT
Par ta foy ! en as-tu jouy ?
TIBAULT
Qu’ey-j[e] ouÿ34 ?
GUILLOT
Se t(u) as point joutté35
55 À elle ?
TIBAULT
In Jaques36 ! ouÿ.
Mès Dieu scet sy j’ay bien rouy
Et rauldé37, premier qu’en avoir !
GUILLOT
Tu en es tout fin resjouy.
TIBAULT
Et quoy ! aussy, tu fais ton depvoir
60 [De te faire bien recepvoir]38
Par la fille Perrin Piquet39.
GUILLOT
Je la fus encor au soir veoir,
En mectant ses porceaux en tect40.
TIBAULT
La baisas-tu point ?
GUILLOT
Ung tantet41.
TIBAULT
65 [Estoys-tu]42 aise ?
GUILLOT
Ha, Nostre Dame !
TIBAULT
T’estraingnit-elle point le det43 ?
GUILLOT
Sy fit44, par la vertu mon âme !
Mais de fin maleur, une femme
Cuida tout gaster45.
TIBAULT
Mès le diable !
GUILLOT
70 Par le [clair] jour, j’estoys infâme46,
Si je n’eusse trouvé l’estable47.
TIBAULT
C’est une chose espouventable
Que d’estre pris en [tel] destour48.
…………………………………. 49
GUILLOT
C’est mon. Et puis, [dessoubz ung four50],
75 Je cuidoye estre prins proprement.
TIBAULT
Je te prie, compte-moy comment
………………………….. 51
GUILLOT
J’entry [dans l’estable]52, et me cache
En ung quignet53, [tousjours hardy]54.
[Quant elle]55 vint tirer la vache,
80 Je la baisé à l’estourdy56.
TIBAULT
Quant fut-ce ?
GUILLOT
Ce fut [ung] mardy.
TIBAULT
En ce point57 ?
GUILLOT
En ce point, et voylà.
Comment [qu’il soit]58, m’y desgourdy
Ung coup ou deux, et puis haulà !
TIBAULT
85 Et là, de par le gibet, là !
Tu [luy] fis le sanglant pochon59 ?
GUILLOT
Tantoine60 ! nous fismes cela
En chantant l’Amy Bauldichon61.
Vint62, de fin maleur, ung cochon
90 Qui me cuida faire faillir ;
Je luy baillay si grant tourchon63
Du pied que je le fis saillir64.
TIBAULT
C’estoit assez pour tré[s]aillir
De frayeur.
GUILLOT
Ventre sainct Grys65 !
95 [La peur me fit le cueur faillir.]66
Je cuidoye que tout fust pri(n)s
Fors que moy.
TIBAULT
Hay, hay, hay !
GUILLOT
Tu t’en ry[s] ?
TIBAULT
J’en ry. Et puis, que veulx-tu dire ?
GUILLOT
Mauldy sois-je sy j[e m’]en ry[s] !
100 Ha, dea ! ce n’es[toit] point pour rire.
TIBAULT
Pourquoy cela ? Pourquoy, béchire67 ?
[GUILLOT]
Si j’eusse esté tenu privé68,
On m’eust mis en prison de tire69
Comme ung [vil] larron tout prouvé70.
TIBAULT
105 Tu estois [très] bien arrivé,
Qui t’eust veu71.
GUILLOT
Je r(e)gny72 mon serment !
Qui m’eust tenu [ainsi grevé73],
J’eusse eu des coups [bien] largement.
TIBAULT
Je te pri, conte-moy comment
110 T(u) en eschapas.
GUILLOT
Par sainct Michié !
…………………………….., 74
J’atendy que tout fut couché.
TIBAULT
Et puis ?
GUILLOT
Je marché tout fin bellement75.
Mais en passant par le marché,
Je fus croté amèrement.
TIBAULT
115 Tu en es bien, et gentiment.
Puisqu’elle t’aime [tout] ainsi,
[Ce ne sera qu’esbatement.]76
GUILLOT
[Si77 ay-]je le cueur tout transi,
Béchire : celle fille-cy78
120 Ne m’aime point, [ne donne un zec79
De ma personne].
TIBAULT
Si fait, si !
GUILLOT
Je voue80 à Dieu : j’en suis tout sec.
Cuides-tu81 ? Le faux traist[r]e bec
De sa belle ante lui82 jura
125 Que toy, ne moy, ne aultre avec,
De ce village, ne l’aura.
TIBAULT
Le dyable d’enfer la forga83 !
Elle vit trop de la moitié84.
GUILLOT
Jamais la vielle ne songa85
130 Que tout mal [faire86].
TIBAULT
C’est pitié.
GUILLOT
Si j’y87 metz, de l’ennée, le pié,
Je vueil qu’on m’appelle Huet88 !
……………………………… 89
Or, va [l’espouser] !
TIBAULT
J’en appelle90 !
GUILLOT
J’en auré bien une plus belle
135 Quant je vouldray, voire plus riche.
TIBAULT
Que gibet ! Tu ne tiens riens d’elle ?
GUILLOT
In Jaques ! non, s’il n’est en frische91.
Mais quelque chose qu’elle disse92,
Elle et tout le cariage93,
140 S’y fault q’une foys je m’i fiche94,
Si l’auray-je en mariage !
TIBAULT
Elle t’a donc promis ?
GUILLOT
Tay-toy, je gaige
[Qu’aussi] j’ay bien intencion
— Puisque je l’ay mis en [mon courage]95 —
145 D’avoir une citation96.
TIBAULT
As-tu fait consultacion
De cecy [touchant nullité97] ?
GUILLOT
J’ay passé proculacion98
[De] piéçà à l’adversité99.
TIBAULT
150 Fu[s-]tu pas, l’autre jour, cité
Par100 ceste fille de Clamard ?
GUILLOT
Que diable, bénédicité !
J’en euz ung coup de braquemard101 ;
Mès je [le] luy rendy gail[l]art :
155 Je n’euz pas couraige failly !
TIBAULT
Ne fusse pas contre ce paillart
Colin Guilly102, de Gentilly ?
GUILLOT
Tout juste !
TIBAULT
Est-il fort ?
GUILLOT
Qui, Guilly103 ?
Nenny non : ce n’est q’une vache.
160 Il n’oseroit estre assailli
Contre moy, je vueil qu’il le sache.
[Et] s’y fault que je m’y atache,
[Apportez-moy tost ung baston :]104
Je r(e)gni sy je ne luy arrache
165 Le museau !
TIBAULT
Non feras[-tu], non.
GUILLOT
Te souvient-il [point] qu’à Meudon
Je bailly si belle orgemuse105 ?
TIBAULT
À qui ?
GUILLOT
À ce villain goudon106
Qui jouoyt de la cornemuse.
TIBAULT
170 C’est tout ainsy que j’en use107 :
Pour ung coup, j’en baille sept.
GUILLOT
Il ne fault point qu’on s’i amuse
À me dire chose qui soit108 !
THIBAULT
Mais di[s-moy], hay : quant Jehan Gosset
175 Nous vint oster nostre may109,
Il en eut bien !
GUILLOT
Dieu le scet !
Il en eut à la bonne foy110.
THIBAULT
Combien estiez-vous ?
GUILLOT
Jour de moy !
Il estient111 tout premièrement
180 Jehan Peillon (ce112 maulvais garson),
Odin Bidault, et Robin Preudhom113,
Richart Coutet, Gillet Basset,
[Jehan] Michel. J’estiés114 six ou sept,
Et si115, [ilz] s’en fuirent trèstous.
THIBAULT
185 Mais qui estoit avecques vous ?
GUILLOT
J’estiés moy et toy.
THIBAULT
Et qui encor ?
GUILLOT
Et ! que sçay-je ? [Briffault, Paillart116,]
Tire-Viret117, Martin Couillart,
Et aussi le grant Guillot.
THIBAULT
190 Et ! que c’est ung gentil fillault118 !
GUILLOT
Quelque vent qui puisse venter
— Je ne dis pas pour me venter —,
J’avois [sur eux]119 tousjours le bruit.
THIBAULT
Mais j’ay ung point qui me destruit.
GUILLOT
195 Et quel point ?
THIBAULT
Je suis trop franc.
Aga120 ! se je n’avoye q’ung blanc,
Et [que deux deniers tu voulois]121,
La vertu goy, tu les aurois122 !
GUILLOT
Autant123 te dis ! Il ne pert mie,
200 Aussi, à nostre filomie124,
Que je n’avons gentil couraige125.
TIBAULT
Vis-tu onc feste126 de village
Aussi belle que fut la nostre ?
GUILLOT
[La feste ?] Tantoine l’Apostre !
205 Ce fut jusques dedens la ville
De Paris. Et si estoit habille
Assez127.
TIBAULT
J’estïéz bien en point128.
GUILLOT
Avois-je pas ung beau pourpoint ?
TIBAULT
Nos livrées estiés gorrières129.
GUILLOT
210 Au ! que ces filles estiés fières,
Quant je les menïés dancer !
TIBAULT
C’estiés mon. [Pour mieulx trémoucer130,]
Aussi, j’avès ung bon bedon131
Qui faisoit si bien « don, don, [don] ».
GUILLOT
215 Dansay-je pas bien ?
TIBAULT
Et moy, quoy ?
GUILLOT
Oncques[-puis132], par la vertu goy,
Je ne cessay d’estre amoureux.
TIBAULT
Nous le sommes donques tous deux.
Car, par le jour qui [sur] nous luit,
220 Onques-puis [je] ne dormi nuit :
Je ne fais tousjours que songer,
[Je pers le boire et le menger.]133
GUILLOT
Quant je suis au champ, cuide-tu ?
J’ay le cueur aussi abatu.
225 C’est grant pitié que de mon fait.
TIBAULT
Sces-tu que134 ceste garce fait ?
Quant je viens au soir, et je clique
Mon fouet135, elle, [aussitost s’]136 attricque
Et m’apporte ung bouquet gaillart.
GUILLOT
230 Et ! que mauldit soit le paillard,
Se je le veulx ! Que tu es aise !
Et que fais-tu ?
TIBAULT
Je la baise
[À désir137] ung bon horïon.
GUILLOT
Je fay ainsi de Marïon ;
235 Mais [chez elle], elle est si hastive !
TIBAULT
Pourquoy cela ?
GUILLOT
Elle est craintive.
Et puis on la tient trop subjecte138.
Aulcuneffois139, elle me gecte
Par la fenestre ung petit brin
240 De lavende ou de rommarin.
Toutes les fois qu’el(le) me regarde,
Elle rit. Sainct Anthoine m’arde140 !
Cuide-tu ? J’en suis tout godin141.
Mais son oncle, Tailleboudin142,
245 S’en est bien aperceu.
TIBAULT
[Or] vien
Çà : que luy as-tu donné ?
GUILLOT
Rien.
TIBAULT
Et ! dy-le-moy, je te requier.
GUILLOT
Je luy donné ung espinglier143
Qui m’avoit cousté six tournas144.
TIBAULT
250 Mort d’homme, [Guillot], tu en as145 !
GUILLOT
J’ay tousjours [pinte] à desjuner,
Mon petit demy-cartier [à disner146],
Et demistier tout [en ung tas]147.
[TIBAULT, en chantant :]
Cueilly, cueilly, belle bille, beau tas148.
GUILLOT
255 J’en ay ung poinson et deux caques149.
TIBAULT
Se tu les gardes jusqu’à Pasques,
Ilz te vauldront [bonne mémoire]150.
GUILLOT
Mais ce sera — tu peuz bien croire —
Pour me mettre sur le bon bout151.
TIBAULT
260 Je fringuerons152.
GUILLOT
À tout153, à tout !
Je ferons la feste nous deux.
TIBAULT
Voire ! Et on dira partout :
« Voilà les enfans de Boigneux ! »
GUILLOT
Mais, beau sire, ces amoureux
265 De Paris, ont-il plus beau temps ?
THIBAULT
Il sont plus [que nous maleureux]154,
Car [aux champs], je sommes contens
De ce que j’avons.
GUILLOT
Je m’atens
À faire plus, d’ung quarteron
270 D’esguilles155, à [ce que j’entens]156,
Qu’ilz ne feront d’ung chaperon157.
TIBAULT
Sans fournir158, ilz n’ont rien.
GUILLOT
Jehan159 ! non.
Cuide-tu ? Les160 femmes de ville
Ne font riens s’il n’ont, gros et bon,
275 La croix devant161. C’est le s[e]tille.
C’est bruit qu’ilz ont le corps habille162.
THIBAULT
Michel ! Aussi ont-ilz la main163 :
Ilz prendront bien, au jourd’uy, mille164
Bons escus, et autant demain.
GUILLOT
280 Ilz ont si beau cul !
THIBAULT
Mais beau sain !
GUILLOT
Je ne sçay, moy, dont vient l’usaige.
Je croy qu’il n’ont point [le] cueur sain,
D’estre si palles au visage165.
TIBAULT
Par Dieu ! [nos] femmes de village
285 Sont aussi belles, soubz les draps,
Tant pour tant et gaige pour gaige166,
Que ceulx qui font tant de fratras167.
GUILLOT
Il168 ont menu corps, menu bras.
Il font bien, si bien, [les] sucr[é]es169 ;
290 Mon Dieu, [que] c’est fin ypocras170 !
TIBAULT
S’elles171 sont ainsi acoutrées,
Et fussent-ilz comme bourrées172,
Il tient à ces façons nouvelles173
Qu’il ont de ces robes fourées ;
295 Si les font-il devenir belles174.
GUILLOT
Je r(e)gni ! [Ce] sont fines fumelles175.
Il ont [ungs yeulx si très rians]176 !
[T]IBAULT
J’en voys, au vilage, de telles
Qui les ont presque aussy frians.
GUILLOT
300 L’autre jour vis, en chériant177,
Celle-là.
TIBAULT
[Au jeu]178 d’amourettes,
Il n’est tel plaisir récréant179
Qu’estre180 aux champs avec les fillètes.
GUILLOT
Aux champs, aux champs ! La ville put181 !
305 Faisons quelque beau vasselage182,
Et frappons au blanc et au but183 !
Il n’est amours que de village.
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EXPLICIT
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1 Halina Lewicka examine les tournures picardes et parisiennes de notre pièce dans ses Études sur l’ancienne farce française, p. 64. 2 Ils en étaient beaucoup plus éloignés qu’aujourd’hui, car la capitale n’était pas encore devenue cette ville tentaculaire qui a phagocyté tous les environs. Plusieurs arrondissements actuels n’étaient alors que des hameaux indépendants. 3 Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 389-400. 4 Le Plaidoyé d’entre la Simple et la Rusée, de Guillaume Coquillart. Voir l’édition des Œuvres de Coquillart publiée par Michael Freeman, Droz, 1975, pp. 3-55. 5 La chènevotte est du chanvre écorcé qui s’enflamme vite et qui aide le bois vert à flamber. 6 Retranscription du rire, comme au vers suivant et au vers 97. 7 « Ventre sainct Quénet ! Parlons de boire ! » Gargantua, 5. 8 Forme picarde de « par saint Michel » : voir les vers 110 et 277. C’est mon = c’est mon avis ; idem vers 74 et 212. 9 Tu fais l’élégant. Voir le vers 209. C’est dimanche : les deux villageois ne travaillent pas et ont revêtu leurs beaux habits pour plaire aux filles. 10 Même refrain de chanson au vers 448 du Povre Jouhan. 11 Un habile débrouillard, comme ceux qui esquivent une question gênante par une pirouette ou une chanson. 12 Allusion aux finesses que déploient les hôteliers pour se faire payer. « Quel fin hoste ! » Chagrinas. 13 Rapide. 14 Quand il faut fuir, ou esquiver une question embarrassante. 15 Par mon sang ! Cf. les Maraux enchesnéz, vers 65. Je n’y entends note = Je n’y comprends rien ; cf. le Prince et les deux Sotz, vers 58. 16 Mignon, plaisant. « Tu es » se prononce « t’es », à la manière parisienne ; idem vers 54 et 110. 17 Atténuation de : « Que diable ! » Idem vers 85 et 136. 18 F : Ne (Qui soit aussi habile que toi.) 19 Mais. Idem vers 26, 56, 69, 154. Fringuer = se fringuer avec une élégance tapageuse. Mais aussi : culbuter une fille. « Trois foys il l’a fringuée à l’ombre d’ung buisson. » (Fringuez, moynes, fringuez.) 20 Je ne le fais pas, par la puissance de Dieu ! 21 F : bon (Mais dis-le toujours de bon cœur. « Vous estudïez de couraige. » Pernet qui va à l’escolle.) 22 Je comble arbitrairement cette lacune grâce au Miracle de saint Panthaléon : « Nanil, par Dyanne la belle ! » Les flatteurs baptiseront ainsi Diane de Poitiers : « Pour estre aimé de Diane la belle. » Clément Marot. 23 Quel besoin y a-t-il de taire son nom ? Mais seller une femme, c’est la chevaucher : cf. le Ribault marié, vers 459. 24 Pourtant. Idem vers 118 et 184. 25 Par saint Jean ! Tu aimes aussi les tiennes. 26 Fait avec les siennes, fait avec ses maîtresses. Mais « faire des siennes » = faire des bêtises. « Chascune fera bien des siennes. » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 27 La note 40 d’Un qui se fait examiner explore ces buissons à l’ombre propice. 28 Sa fourrure, son pubis. « Pour me fourbir mon peliçon. » Ung jeune moyne. 29 Bonjour. C’est ce qu’on répond ironiquement à celui qui se mêle de nos histoires de fesses comme un curé. « Car mon cul te dit bona diès ! » La Trippière, F 52. 30 Que tu étais. On retrouve ces désinences pseudo-parisiennes aux vers 179, 183, 186, 207, 209, 210, 212. 31 F : iour (L’autre jour. On scande l’au-trièr en 2 syllabes. « L’autre hyer, revenant de Monmartre. » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies.) 32 F : tu (Que vous dansiez ensemble, tellement qu’il n’était rien de plus horrifique.) 33 Ce n’est qu’une question d’agilité. Cf. le Fossoieur et son Varlet, vers 11. 34 Que dis-tu ? 35 Entrepris une « joute » amoureuse. Cf. le Raporteur, vers 443. 36 Par saint Jacques ! Idem vers 137. 37 Macéré <Queues troussées, v. 253> et galopé <Marchebeau, v. 25>, avant de l’avoir. 38 Vers manquant. « Un très asseuré sauf-conduict pour le faire bien recevoir. » Pyramus de Candole. 39 La fille de P. Piquet, l’éleveur dont Guillot est l’homme à tout faire. 40 En rentrant ses porcs dans leur étable. « Mon mary jainct/ Comme ung pourceau dedans son tect,/ Quant il a foullé ung tantet/ La ‟vendenge”. » Raoullet Ployart. 41 Un tantinet, un peu. 42 F : Et toy (Voir le vers 231.) 43 F : doy (Le doigt. « Engrillonné pousses et detz [les pouces et les doigts attachés]/ Comme larron, car il fut des/ Escumeurs que voyons courir. » Villon.) Serrer le doigt d’un homme est affectueux : « Je le tiens par le doigt./ La nuict, quand je me couche,/ [Il] se met auprès de moy. » (Mon père, aussi ma mère.) Mais le doigt peut désigner le pénis : « J’ay gaigné la chaude-pisse ;/ Et du doy de quoy je pisse,/ On m’en a coupé le bout. » Chansons folastres. 44 F : fut (Elle le fit.) 45 Les privautés hors mariage sont souvent gâchées par l’arrivée d’une importune : cf. le Poulier à sis personnages, vers 598-601. 46 En plein jour, j’aurais été déshonoré. 47 L’étable à cochons du vers 63. On ne compte plus les amants qui ont dû « s’en fuyr tout nud,/ Se cacher dedans une estable ». Pour le Cry de la Bazoche. 48 Dans une telle embuscade. « Quant je me treuve en tel destour. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 49 Lacune de 4 vers. L’aventure qui a débuté hier soir (v. 62) s’est terminée ce matin (v. 70). Thibaud rappelle maintenant à Guillot un épisode plus ancien. 50 F met cet hémistiche à la fin du vers 78. Les fours étaient des ouvrages de maçonnerie surélevés, sous lesquels on entreposait le bois de chauffe. Il était donc possible de se cacher dessous provisoirement. 51 Lacune de 3 vers. Thibaud interroge Guillot sur une autre de ses aventures, qui eut lieu un mardi (v. 81). 52 F : la 53 Dans un recoin. « En ung quingnet me mys secrètement. » Octovien de Saint-Gelais. 54 F : dessoubz ung four (Voir la note 50.) « Un chien est tousjours hardy sur son fumier. » Proverbe. 55 F : Tant quelle (Quand la nièce de la tante du v. 124 vint traire la vache.) 56 Je l’embrassai sans réfléchir. 57 C’est tout ? 58 F : ie (Quoi qu’il en soit, je m’y activai. « Comment qu’il soit,/ Je suis de luy trèsfort content. » Colin qui loue et despite Dieu.) 59 « PAUCHON, s.m., pieu. » René Debrie, Glossaire du moyen picard. 60 Par saint Antoine ! Idem vers 204. 61 « L’amy Baudichon, ma dame, l’amy Baudichon. » Nous avons perdu le texte complet de cette rengaine, mais le titre en fut souvent repris, notamment dans la chanson Une bergerotte : « Robin Taste-motte/ Leva son plisson [sa pelisse] ;/ Par-dessoulz sa cotte,/ Luy tasta son con./ Et luy dist : ‟Chanton/ Notte contre notte/ Et l’amy Baudichon.” » Sur l’air de la chanson originale, Josquin Des Préz composa pieusement une Missa L’ami Baudichon. 62 F : Mais (Le cochon, malgré son nom encourageant, fait lui aussi obstacle aux amoureux : « Puis Martin juche, et lourdement engaine./ Le porc eut peur, et Alix s’escria :/ ‟Serre, Martin ! Nostre pourceau m’entraîne !” » Marot.) 63 Coup. « Deschargez sur ce pèlerin/ Torchons plus drus que pois en pot ! » Godefroy. 64 Sortir de l’étable. 65 Par le ventre de saint François d’Assise, qui portait une robe grise. 66 Vers manquant. « La puanteur,/ Hélas, me faict faillir le cœur. » Le Retraict. 67 « BÉCHIRE : beau sire. » (R. Debrie, Glossaire du moyen picard.) Idem vers 119. 68 F : a prime (Se dit d’un oiseau qu’on met en cage pour l’apprivoiser. « Ce petit oyseau se paist de toute sorte de pasture (…), mais estant tenu privé, il mange volontiers de la navette. » Pierre Belon.) 69 Tout d’un coup. Cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 351. 70 Comme un fieffé voleur. « C’est un meschant laron prouvé ! » (Le Retraict.) Les vols de bétail étaient sévèrement punis, quand ils n’étaient pas commis par des soldats. 71 Tu serais bien tombé, si on t’avait vu ! « Me voicy trèsbien arrivé ! » Pernet qui va à l’escolle. 72 Je renie. Même contraction euphémique aux vers 164 et 296. Pour tromper le diable, on prononçait « jerni » ou « jarni » : jarnidieu ! 73 Si on m’avait trouvé dans cette position de faiblesse. « Neptune seul se tient ainsi grevé. » Jacques Peletier du Mans. 74 Lacune de 2 vers. Guillot sort de l’étable, mais il doit attendre que toute la maison dorme avant de sauter le mur et d’atterrir dans la rue. 75 Une fois dehors, je marchai d’un bon pas. « Il marcheroit si bellement. » Les Femmes qui plantent leurs maris. 76 Vers manquant. J’emprunte le vers 259 de la Satyre pour les habitans d’Auxerre. 77 Pourtant. « Si ay-je merveilleux couraige. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 78 F : la 79 Ne donne pas même une coquille de noix. « Je n’en donne ung zec. » Le Résolu. 80 F : feue (Je prends Dieu à témoin. « Je voue à Dieu et sainct Martin. » Les Mal contentes.) 81 Le croirais-tu ? Idem vers 223, 243 et 273. 82 F : qui (La bouche médisante de sa tante lui jura… Cf. l’Antéchrist, vers 16.) 83 Forgea cette tante. Même « g » dur picard à la rime : song[e]a. 84 Elle a vécu deux fois trop longtemps. 85 Jamais cette vieille ne songea, ne machina. 86 « À tout mal faire se déduisoit, & de bien faire ne luy chaloit. » Robert le Diable. 87 F : icy (Le « c » est de trop.) Si, de toute l’année, je mets le pied dans son étable. 88 Je veux bien qu’on me traite d’imbécile. « Je veulx qu’on m’appelle Huet/ Se, de moy, il a jà tournoys [un sou] ! » Te rogamus audi nos. 89 Lacune de 5 vers. Thibaud vante les mérites de la nièce ; Guillot lui répond qu’il n’a qu’à l’épouser. 90 Je fais appel, je m’y oppose. Cf. le Marchant de pommes, vers 175. C’est le premier terme juridique d’une longue série. 91 Si son sexe n’est pas en manque. « Povres femmelettes en friche/ Par faulte d’estre ‟labourées”. » G. Coquillart. 92 Qu’elle dise. Les Picards prononçaient « diche » : Debrie, Glossaire du moyen picard, p. 151. 93 Toute sa famille, et notamment la tante, qui refuse de m’accorder sa nièce. « Mon frère est sot et ma seur sote,/ Et moy, et tout leur cariage. » Rondeau. 94 Que je me fourre dans son vagin pour la mettre enceinte. 95 F : ma teste (Dans mon cœur, dans mon esprit. « Soubdainement, je miz en mon couraige/ De vous escripre. » Michel d’Amboise.) 96 Une citation à comparaître devant elle : d’obtenir un rendez-vous galant. Les deux hommes détournent le jargon judiciaire à des fins érotiques ; le théâtre basochien repose sur de tels détournements. Voir la notice de Pour le Cry de la Bazoche. 97 L’official prononce la nullité d’un mariage qui n’a pas été consommé. 98 F : procultacion (Procuration. « Porteur et chargé de proculation…. La ditte proculation portant pouvoir au dis Charles Viollet de passer acte en forme de transaction. » Archives de Gournay.) Jeu de mots sur cul. « Sy vous faictes cullation,/ Mounyère, avec monsieur le brave. » Le Poulier à sis personnages. 99 F : la diuersite (Depuis longtemps à la partie adverse.) 100 F : Pour (Cité à comparaître devant l’Officialité, pour l’avoir mise enceinte.) 101 Un coup de semonce, un avertissement. Mais le double sens phallique du braquemart ne tarde pas à émerger. 102 F : guillon (Le nom de Guilly existe, et il est nécessaire pour la rime du vers suivant.) 103 F : luy 104 Vers manquant. « Apportez-moy tost un baston,/ Que je luy casse le museau ! » Jéninot qui fist un roy de son chat. 105 Un coup. « Tien ! pren celle orgemuse ! » ATILF. 106 On traitait les Anglais de « godons » : cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 225 et note. La cornemuse semble viser les Écossais composant la garde des archers du roi : cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 129-130. 107 À partir d’ici, beaucoup de vers ne font que 7 syllabes alors que leur sens et leur rime sont satisfaisants, comme si l’auteur n’avait pas eu le temps de les peaufiner. Je n’y toucherai donc pas. 108 Quelque injure que ce soit. On prononce « sè ». 109 Selon une coutume peu catholique — elle remonte aux druides —, le premier mai, on jonchait avec de la verdure (du houx, des branches de hêtre) le seuil de sa promise ou des gens auxquels on voulait porter bonheur. Si ce houx était dérobé, cela portait malheur. Notre dialogue est peut-être l’œuvre des basochiens de Paris qui, le dernier samedi du mois de mai, plantaient un « may » — c’est-à-dire un arbre — dans la cour du Palais de justice. 110 Il eut des coups en toute naïveté. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 447. 111 Ils étaient : il y avait, du côté de nos ennemis. 112 F : et 113 F : preudhomme (On prononçait prudon : « Vaillans preudhoms,/ N’oubliez pas ces beaux pardons. » Saincte Caquette.) 114 De mon côté, nous n’étions que 6 ou 7. 115 Et pourtant, nos adversaires… 116 J’emprunte au Capitaine Mal-en-point le nom de ces deux soldats plus enclins à attaquer une cuisine qu’une forteresse. 117 Tire flèche. 118 Un bon compagnon. « Tenez, la belle : ay-je trouvé,/ À ceste heure, ung gentil fillault. » Ung jeune moyne. 119 F : deux (J’avais l’avantage sur nos ennemis. « [Gens d’entendement] haront le bruit sus eulx certainement. » Pronostication d’Habenragel.) 120 Regarde ! Cette exclamation est plus normande que picarde, comme « dis-lay » au vers 26 ; mais l’essentiel est de faire patoiser les deux paysans. 121 F : tu voulois les deux deniers (Un blanc vaut 5 deniers.) 122 F : ouroies 123 F : Autel (J’en ai autant à ton service.) 124 Il ne paraît pas, d’après notre physionomie. « Un beau personnaige représentant ou figurant le Roy, choisi au plus près de sa philomie. » Godefroy. 125 Que nous n’ayons pas un cœur valeureux. 126 F : teste 127 Et elle était très bien organisée. 128 J’étais élégant. 129 Nos costumes étaient pimpants. 130 « Et verrons qui mieulx dencera/ Et qui mieulx se trémoucera. » ATILF. 131 Il y avait un bon tambour. « Ne dancer qu’au joly bedon. » Sermon pour une nopce. 132 Jamais depuis. Idem vers 220. 133 Vers manquant. J’emprunte le vers 82 des Chambèrières qui vont à la messe. 134 Ce que. « Garce », féminin de « gars », n’est pas péjoratif ; voir la notice de Frère Phillebert. 135 Et que je fais claquer mon fouet à bœufs pour lui signaler mon arrivée sans prendre le risque de frapper à sa porte. 136 F : sen (Elle s’attife.) 137 « Baiser, acoller à désir. » (Les Femmes qui demandent les arrérages.) Je l’embrasse un bon coup. Mais aussi : Je la besogne un bon coup. Baiser = copuler : voir la note 130 du Povre Jouhan et la note 29 du Trocheur de maris. Horion = coup de pénis : « La dame (…) s’escrye, disant que son ‟escu” n’estoit assez puissant pour recevoir les horions de si gros fust. » Cent Nouvelles nouvelles, 86. 138 Son oncle la traite comme une servante. 139 Parfois. 140 F : tarde (Que le mal des ardents me consume ! « Que le feu sainct Anthoine m’arde/ Se je ne luy baille sa part ! » La Nourrisse et la Chambèrière.) 141 Réjoui. 142 Ce nom, plébiscité par la littérature joyeuse, est ici donné à un négociant en vin. Traditionnellement, les buveurs se gavent de charcuterie salée parce qu’elle donne envie de boire. « –Et apportez force de vin !/ –Faciem [que je fasse] force de boudins. » Les Sotz nouveaulx farcéz. 143 Un étui à épingles. Guillaume Coquillart regrette l’époque où les femmes se contentaient de si peu : « On aymoit pour ung tabouret*,/ Pour ung espinglier de velours./ Aujourd’huy, il fault le corset,/ Ou bailler dix escus d’ung tret. » *Guillot Tabouret porte le nom des coffres à bijoux « appelléz tabouretz, sur les couvercles desquelz on mect des espingles ». Godefroy. 144 6 deniers tournois (prononciation picarde). 145 Tu as de l’argent (ironique). Ou bien : tu as des cornes, puisqu’une maîtresse si mal entretenue ne peut que te cocufier. 146 Un demi-quart de vin au dîner. « Pinte à soupper, pinte à disner,/ Et puis chopine à desjeuner. » (Le Capitaine Mal-en-point.) La nièce du marchand de vin veille à ce que son prétendant ne se dessèche pas. 147 F : entier (Et un demi-sétier de vin en même temps. « Adieu toute ceste assemblée,/ Pelle-melle, tout en ung tas ! » Le Povre Jouhan.) 148 Une grande quantité, un gros tas. Ce décasyllabe hermétique semble provenir d’une comptine. 149 J’ai obtenu d’elle un tonneau et deux barriques. « On ne trouvoit que ung caque de vin, ou ung poinsson tout au plus. » ATILF. 150 F : de bon argent (Pâques est le moment où l’on se confesse ; il faut alors se souvenir de tous les péchés qu’on a commis dans l’année : « –Si le fault-il dire/ Au confesseur, quant vient, à Pasques./ –Quant j’y suis, il ne m’en souvient. <Les Chambèrières et Débat.> Par chance, le vin développe la mémoire : « –Versez à boyre seullement !/ –Et, aurez très bonne mémoyre. » Deux hommes et leurs deux femmes.) 151 Je vendrai ce vin pour me mettre sur mon trente-et-un. « (Il) m’a mis dessus le bon bout. » Pour le Cry de la Bazoche. 152 Nous frimerons. Idem vers 24. 153 Allons ! « Sus, sus, à tout ! » Les Botines Gaultier. 154 F : maleureux que nous 155 F : Despuilles (Avec 25 aiguilles : grâce à l’épinglier que j’ai offert à Marion au vers 248.) 156 F : mon intencion (À mon avis. « À ce que j’entens,/ Ce Caresme, avons eu bon temps. » L’Antéchrist.) 157 En offrant à leur amie un chaperon. Cela suffit pour acheter les faveurs d’une femme ; cf. le Gallant quy a faict le coup, vers 41 et note. 158 S’ils ne fournissent pas d’argent. 159 F : In iaques (« Jehan ! » = par saint Jean. Cf. le Marchant de pommes, vers 1.) 160 F : des 161 La pièce frappée d’une croix avant toute chose : « Je resemble aux archevesques : je ne marche point si la croix ne va devant. » (Pierre de Larivey.) C’est le style = c’est la façon de maintenant. « C’est la fasçon, c’est le setille. » Les Coppieurs et Lardeurs. 162 Il est de notoriété publique qu’elles sont habiles de leur corps. 163 Elles ont aussi la main habile quand il s’agit de prendre l’argent de leurs clients. 164 F : mise 165 Guillot fait mine de croire que la pâleur des Parisiennes est due à leur mauvaise santé, alors qu’elle est due au maquillage. 166 En comparaison. 167 Que celles qui font tant de chichis. La forme fratras est correcte : voir par exemple les vers 56 et 63 des Sotz qui corrigent le Magnificat. 168 Les Parisiennes. 169 Les doucereuses. « Je n’ay dueil que des vieilles dogues/ Qui font les sucrées. » Dyalogue pour jeunes enfans. 170 L’hypocras est un vin médicinal dont on ne se méfie pas parce qu’il est très doux, mais qui fait vite tourner la tête. 171 F : Celes (Si elles. « Leurs culz fourréz cherroient embas,/ S’elles n’estoient ainsi senglées. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) 172 Si leurs fesses ont l’air d’être rembourrées par un faux cul. « Celles qui deux culs supportent/ Sous les robes qu’elles portent,/ Desquels l’un, de chair, la nuit/ Leur sert à prendre déduict ;/ L’autre, de crins et de bourre,/ Autour leurs fesses embourre. » (Pierre Le Loyer.) F descend ce vers après 294. 173 F : nonuellez (Cela tient à ces modes nouvelles. Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 377.) 174 Leurs robes rembourrées les font devenir belles. 175 Je renie Dieu ! Ce sont des femmes malignes. 176 F : ung yeuly si atirens (Uns yeux = une paire d’yeux : « Elle vous a uns yeulx petis…./ A ! que vous avez ungs fins yeulx. » La Pippée.) La rime — et une longue tradition — postule pour l’adjectif riants : « Car il a si très rians yeulx. » Moralité de Fortune. 177 En conduisant ma charrette. Guillot montre une des spectatrices. 178 F : Aga pour parler (« Alons derière le rydeau/ Acomplir le jeu d’amourètes. » Le Poulier à sis personnages.) 179 F : recouuert (Il n’est pas de plaisir si divertissant. Les Picards prononçaient « récriant ».) 180 F : Que destre 181 Pue. Les citadins n’ont pas attendu Rousseau pour s’extasier béatement sur une nature dont ils ignorent tout : « Fi, fi, la ville put ! Les champs et les fustaies,/ Le doux chant des oiseaux, ne sont point destinéz/ Pour ceux qui sont tousjours aux villes confinéz. » Claude Gauchet, le Plaisir des champs. 182 Un bel acte de bravoure, ici ramené au domaine sexuel. 183 Tirons dans la cible féminine.
D’UN QUI SE FAIT EXAMINER POUR ESTRE PREBSTRE
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D’UN QUI SE FAIT
EXAMINER POUR
ESTRE PREBSTRE
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Le thème de « l’enfant mis aux écoles1 » faisait rire le peuple, même si ce peuple n’était guère plus instruit que les ignorants aux dents longues dont il riait. Cette farce normande, écrite dans le premier quart du XVIe siècle, est un modèle du genre : un petit paysan se satisfait de garder les oies et de baragouiner son patois ; mais sa mère veut en faire un prêtre ou même un pape, et transforme l’idiot du village en parfait abruti. Quand ce dernier se retrouve devant l’examinateur, le vernis latin craque, et le naturel revient au galop.
Nous avons là une de ces farces de collège2 que les apprentis latinistes jouaient à l’occasion de certaines fêtes. Nous savons que l’obscénité, la scatologie et l’anticléricalisme y étaient bienvenus : voir par exemple Maistre Jehan Jénin, ou la Résurrection Jénin à Paulme.
Sources : Recueil du British Museum, nº 45 : « La Mère, le Filz et l’Examinateur. » Le vrai titre est sous la vignette : « D’un qui se fait examiner pour estre prebstre. » Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550. — Manuscrit La Vallière, nº 58 : « La Mère, le Filz (lequel veult estre prestre) et l’Examynateur. » Copié à Rouen vers 1575, peut-être d’après un exemplaire de l’édition Chrestien. Aucune de ces deux adaptations tardives n’étant publiable en l’état, je prends pour base l’édition BM, et je la corrige tacitement sur le manuscrit LV, quand il résout un problème sans en créer un autre.
Structure : Rimes plates. Beaucoup de rimes identiques et d’assonances approximatives.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse
À troys personnages, c’est assavoir :
LA MÈRE
LE FILZ [Pernet] 3
et L’EXAMINATEUR
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D’UN QUI SE FAIT EXAMINER
POUR ESTRE PREBSTRE.
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LE FILZ commence en chantant 4 SCÈNE I
Bouriquet, bouriquet, Hanry bourilane !
Bouriquet, bouriquet, Hanry bouriquet !
Ma mère, ay-je pas un beau Moulinet 5 ?
Agardez6, je l’ay fait comme pour moy.
LA MÈRE
5 Las, que je suis en grand esmoy !
LE FILZ
[Et ! dictes-moy] pourquoy, ma mère.
LA MÈRE
Hé(e) ! Dieu ayt l’âme de ton père7 !
S’il eust vescu, t’eust fait grand homme.
LE FILZ
Il m’eust fait évesque de Romme,
10 C’est pour le moins, je l’entens bien.
LA MÈRE
Las ! qu’il estoit homme de bien,
[N’en desplaise aux villains jaloux.]8
LE FILZ
Nul n’en dit mal, si ce n’est vous,
Qui l’appellez [boiteux et] borgne9.
LA MÈRE
15 Tenez, regarde-le-moy à la trongne.
Jamais ne vis [chose ou personne]10
[Qui] mieulx ressemble11 l’un[e] à l’autre.
LE FILZ
Ma mère, il en fault trouver un autre.
LA MÈRE
Dis-moy où nous en trouveron.
LE FILZ, en chantant 12
20 Au Vau13, lure lurette !
Au Vau, lure luron !
Mon Dieu, que je suis vray huron14 !
Mais quand [bien je pense]15 à part moy,
Hé ! qui suis-je ? Encor je ne sçay.
25 M’a-l’on point escript aux Cronicques16 ?
Je me gaige que, sus méniques17,
Que j(e) y suis, avecq Bouderel
Ou avecq[ues] Jaquet Hurel18,
Car je suis homme de renom.
30 Mais sçav’ous point comme j’ay nom ?
« Chose », [a-l’on]19 bouté en escript !
Je fus né devant20 l’Antéchrist,
De cela me souvient encore.
Ma mère avoit nom Li[ber]nore21,
35 Et mon père, messir(e) Gaultier22,
Aux enseignes de son saultier23,
Qu’il me donna quand il fut mort.
LA MÈRE
Par Nostre Dame de Monfort !
Je croy que tu es matelineux24 ou yvre.
LE FILZ
40 Ma mère, çà, mon petit livre25 !
Quia égo volo iré ad Ordos26,
Affin que je soys sacerdos27
Devant qu’il soit la Penthecouste28.
LA MÈRE
Tu le seras, quoy qu’il me couste,
45 Puisque tu as volunté telle.
LE FILZ
Ma mère, quand esse ? [On frételle]29 ;
De cela30, vous n’en parlez point.
LA MÈRE
Ne t’en soucie que bien apoint.
Mais j’ay envie que tu soys prestre.
LE FILZ
50 Sainct Jehan ! aussi je le veulx estre,
Car j’ay assez estudié.
LA MÈRE
Aussi, il t’en est bon mestié31,
Car c’est une chose commune
Qu’on32 te demand(e)ra si la plume
55 Tu [ne] sçais très bien manier.
LE FILZ
La plume ? Sainct Gris, ouy !
Hé ! c’est[oit] mon premier mestier33 :
Je ne fis jamais autre chose,
Et quand j’aloys mener nostre Chose34…
LA MÈRE 35
60 Et, quoy ? Dis-le-moy vistement.
LE FILZ
Hé ! nostre grand vieille oye au(x) champ(s) ;
Souvent luy manioye la plume.
LA MÈRE
Vrayment, tu m’en bailles bien d’une !
Ce n’est pas ce que je [te] dis.
LE FILZ
65 Elle a de la plume[s], à mon advis ;
À tout le moins, ma mère, ce croy-je.
LA MÈRE
Jamais un sot ne sera saige36,
Au moins un pareil que tu es.
LE FILZ
Où avez-vous mis mon Donnest 37
70 Qu’aviez l’aultre ier38, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Vien çà ! Dy-moy : qu’en veulx-tu faire ?
LE FILZ
Que j’en veulx faire ? [Sainct Didier !]
Je veulx dedans estudier.
Ou autrement, je m’en iron39
75 Jouer à l’ombre d’un buisson40.
Entendez-vous, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Ce n’est pas ainsi qu’il fault faire ;41
Tu es un trèsmauvais garson !
Il fault bien estre plus sage.
80 Çà42 ! je m’en voys à la maison
De l’examinateur c’est le vicaire43.
LE FILZ
Hay, ma mère, dictes-moy que faire ;
Iray-je point o44 vous ?
LA MÈRE
Nenny.
LE FILZ
Et pourquoy ?
LA MÈRE
Parce que tu n’es c’un bémy45,
85 Et tu me ferois déshonneur.
LE FILZ
[Ma mère, à l’examinateur
Recommandez-moy]46, s’il vous plaist.
LA MÈRE
Tais-toy, car tu n’as [fors] que plest47.
Ne pense qu’à faire du sage.48
LE FILZ
90 Luy portez-vous point de fromage,
Pour luy faire quelque présent49 ?
LA MÈRE
Ha ! tu ditz vray, par mon serment !
En voilà, que luy porteray.
Et à luy te recommand(e)ray.
95 Aussi, je compteray ton affaire.
LE FILZ
Adieu vous ditz donques, ma mère !
Pause.
LE FILZ SCÈNE II
Aviser fault à mon affaire,
Pour me démonstrer homme sage.
Vestu je suis selon l’usage50.
100 Apprendre veulx comme il fault faire.
Saluer me fault ce vicaire
Tout aussi tost que le verray.
.
LA MÈRE 51 SCÈNE III
Dieu vous gard, Monsieur [le Curé] !52
L’EXAMINATEUR
Et vous, m’amye ! Qui vous ameine ?
LA MÈRE
105 Las ! c’est mon filz qui me démaine
Et me dit qu’il veult estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Possible. Est-il sage53 pour l’estre ?
Que ne l’avez-vous amené ?
LA MÈRE
Monsieur, je vous voulois ouÿr parler
110 Et sçavoir vostre volunté.
Mais je m’en retourne à l’hostel54
Et l’amèneray devers vous.
L’EXAMINATEUR
Allez doncques, despêchez-vous,
Ne demourez pas longuement !
LA MÈRE
115 Non feray-je, par mon serment !
[Je m’y en voys.] Adieu, Monsieur !
Je prie à [Dieu], Nostre Seigneur,
Qu’i vous donne55 joye et santé !
.
LE FILZ 56 SCÈNE IV
Je veulx faire cy un autel
120 Et chanter le Per omnia57,
En ce temps pendant qu’il n’y a
Que moy [tout] seul en cest hostel.
Et si, me fault apprester mon cas [tel]
Que je n[’en] aye fascherie.
.
LA MÈRE 58 SCÈNE V
125 Or çà, mon filz, Dieu te bénie !
LE FILZ
Et ! vous ma mère, que dictes-vous ?
LA MÈRE
Je pense que tu prieras pour nous59
Et pour ceulx qui te f(e)ront du bien.
LE FILZ 60
Qu’en dictes-vous ? Cela61 est-il bien ?
130 Ma mère, escoutez-moy chanter.
LA MÈRE
As-tu fait toy-mesmes cest autel62 ?
LE FILZ
Ouy dea, ma mère, Dieu mercy !
LA MÈRE
Las ! que tu as un bel esprit !
LE FILZ
Si63, fus-je fait au cymetière ?
135 Or m’escoutez chanter, ma mère :
Je diray un Per omnia.
LA MÈRE
Je pense qu’au monde il n’y a
Homme plus sçavant que tu es.
LE FILZ
Or escoutez-moy, s’il vous plaist.
LA MÈRE 64
140 Je t’escoute, par mon serment !
LE FILZ, [en chantant]
Per omnia sécula séculorum !! Amen !! 65
[Or] qu’en dictes-vous, voirement ?
[Une autre fois bien chanteray]66.
LA MÈRE 67
Par mon âme ! l’on dit bien vray68 ;
145 Mon filz chante deisjà la messe.
Et ! par Dieu, il sera évesque ;
Je le sçay bien certainement,
Voyre, s’il vit bien longuement.
Aussi l’avois-je bien songé69.
150 Regardez comme il a changé,
Depuis qu’il ne fut à nourrice.
Tout ce qu’il fait luy est propice,
Et sy, fait desjà fort de l’homme.
Je cuyde70 que d’icy à Romme,
155 Il n’y a [ne] beste ne gent
Qui ayt si bel entendement
Comme il a, [vous] le voyez tous71.
[Çà], mon filz, que je parle à vous !72
Il fault que tu soyes un curé.
LE FILZ
160 C’est bien dit. Il nous fault aller
Bien tost vers l’examinateur ;
Mais qui sera mon conduicteur ?
LA MÈRE
Moy, pour le plus honnestement.
LE FILZ
Or dictes-moy, premièrement,
165 Et m’enseignez comme dois faire.
LA MÈRE
C’est bien dit. Que je te voye faire73 !
LE FILZ
Monstrez-moy doncq premièrement.
LA MÈRE 74
Faire fault le pied75 gentement.
Et saluer Monsieur haultement.
170 Pas ne fault faire l’estourdy76.
LE FILZ
J’ay entendu ce qu’avez dit,
Ma mère, ne vous souciez point.
LA MÈRE
Chemine par bon contrepoint77,
Et te gouverne honnestement.
LE FILZ
175 Luy fauldra-il bailler argent78 ?
Car, par ma foy, je n’en ay point.
LA MÈRE
Je croy qu’il n’en demand(e)ra point ;
S’il en demande, il en aura.
Allons-nous-en veoir qu’il79 dira.
180 Au moins, il sçaura que tu scez dire.
LE FILZ
Je ne me pourray tenir80 de rire,
Agardez, tant je suis joyeulx.
LA MÈRE
Regarde-le faire entre deux yeulx :
Je croy que n’auras fain81 de rire…
185 Mais as-tu plume pour escripre ?
Et aussi ton escriptoire, [où est-elle] ?
LE FILZ
Baillez-moy l’autre, elle est plus belle ;
Car ceste-là ne vault plus rien.
LA MÈRE
Saincte Marye, tu dis bien !
190 Tien, la voicy ; metz-y tes plumes.
LE FILZ
Or, tout y est ; ne s’en fault82 qu’une
Que je mettray à mon oreille.
LA MÈRE
Prens ton ganif et l’appareille83,
Que tu escripves comme un pape.
LE FILZ
195 Hay ! Ma serpe, ma mère ! Ma serpe
Me servira de ganivet84.
LA MÈRE
Or allons doncques, c’est bien fait.
Il nous fault tost parler à luy.
Présente-toy tost devers luy,
200 Et le salue bien haultement.
LE FILZ
A, je l’avoys oublié, vrayment.
Il sera fait, sans y faillir.
Esse [pas il]85 que voys venir
Par ce chemin, si gentiment86 ?
LA MÈRE
205 Ouÿ, mon filz, par mon serment !
Va-t’en à luy honnestement,
Et le salue bien haultement.
Fais tout ainsi que je t’ay dit.
.
LE FILZ 87 SCÈNE VI
Je vous salue bien haultement,
210 Monsieur : ma mère me l’a dit.
L’EXAMINATEUR
Qui m’amaine cest88 estourdy ?
Pourquoy viens-tu ?
LE FILZ
Pour estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Ceinct89, tu es assez sot pour l’estre !
Viens-tu pour estre examiné ?
LE FILZ
215 Ita, per quidem, Dominé,
Si placéat vobis, modo.90
Car le jour de Quasimodo91,
Je chant(e)ray ma première messe,
Entendez-vous pas bien92 ?
L’EXAMINATEUR
Ouy dea ; qu’esse ?
LE FILZ
220 Je vous semons93, ne faillez pas :
Vous y aurez un bon repas.
Et si, vous mengerez du rost,
Voire, et si burez plus de trois potz,
Sur ma foy, du vin de la feste94.
225 Car puisque je l’ay mis en ma teste,
Il sera fait per quoniam95 !
L’EXAMINATEUR
Je ne vis onc(ques), de demy an96,
Un si grand sot, par sainct Victor97 !
LE FILZ
Je sçay bien mon Rétributor98,
230 Mon Imanus99, mon Quanterra100,
Vény Créato, Hora nonna.101
Et si, cognois toutes mes lettres.
J’en ay fait reus102 cent fois les maistres
De nostre escolle, sur mon âme !
L’EXAMINATEUR
235 Par la benoiste Nostre Dame !
Je croy que tu es matelineux ou yvre. 103
LE FILZ
Ma mère, çà, mon petit livre !
Quia égo volo disputaré.
Déclina michi « létaré »104 :
240 Je vous l’envoye105 de bout en bout.
L’EXAMINATEUR
Et puis, sera-ce tantost tout ?
Ton blason106 beaucoup me desplaist.
LA MÈRE
Examinez-le, s’il vous plaist.
L’EXAMINATEUR
Or çà ! Quo nomine vocaris107 ?
LA MÈRE
245 Il ne fut jamais à Paris,
Et si108, [il] est si antificque :
Il sçait toute sa Réthoricque
Courant comme son ABC.
LE FILZ
Par bieu ! je suis tout mort de soif109 :
250 Ma mère, çà, nostre bouteille,
Car je luy veulx tirer l’oreille110 !
LA MÈRE
Attens que nous soyons hors d’icy.
LE FILZ
[Instruisez-moy : qui a vécy]111 ?
Per fidem méam112, je n’en sçay rien.
L’EXAMINATEUR
255 Hé(e), que tu es homme de bien !
Vien çà, dis. Ad quam, amicé…113
LE FILZ
Or attendez que j’aye pissé,
Monsieur : j’auroy à cest heure114 fait.
LA MÈRE
Tu es un villain trèsparfait !
260 Que ne respons-tu sagement ?
LE FILZ
Mais qu’esse qu’il dit ? Voirement,
Per méam fidem, je n’en sçay rien115.
L’EXAMINATEUR
Ma foy, mon filz, tu ne scez rien ;
Tu ne sçaurois [parler latin]116.
LE FILZ
265 Égo, vultis117 ? Par sainct Copin !
Eccé desjà librus méus118.
L’EXAMINATEUR
Or avant, doncq[ues] ! Dicamus119 !
LA MÈRE
Sire120, il chante bien « Orémus ! » :
Car autresfois, quand je m’envoys 121
270 Sy122 le laisse seul à l’hostel,
Il fait de la table un autel
Et chante le Péromnia123.
Vous diriez, [en voyant]124 cela,
Qu’il seroyt digne d’estre pape.
275 [Mais] il met aussi bien la nappe
À l’heure qu’il nous fault disner125.
L’EXAMINATEUR
Laissons tout, [c’est assez jaser]126 !
Dy-moy, qu’esse ? Vadis127 mecum ?
LE FILZ
Allez, villain128 ! Par sainct Symon !
280 Vous estes plain de vitupère.
[Av’ous parlé]129 du con ma mère ?
A ! par ma foy, je luy voys dire130 !
.
L’EXAMINATEUR
Messieurs131, ce lourdault me fait rire
Tant, que c’est un merveilleux cas.132
285 Nous vous prions, tant hault que bas133,
[Que prenez en gré noz esbatz,]
[Si vous avons]134 aucun tort fait.
LE FILZ
Et qui se trouv(e)ra en tel cas,
Qu’il ne face pis que j’ay fait.135
.
FIN
.
*
LE VILLAIN ET
SON FILZ JACOB 136
*
………………………………..
LE VILLAIN
Je te requiers que tu y137 goucte ;
Il me tarde que t(u) y soie jà.
JACOB
Jà mauldit soit qui le fera !
Et puis me diroient cléribus138.
LE VILLAIN
5 Tu seras desvêtus tous nuz,
Se tu n’y vas de tom bon grey139.
JACOB
Tant que vive, ne le ferey.
Le diable [sur vous]140 puisse cheoir !
LE VILLAIN
Tu ne m’eschappes paz encoir,
10 Puisque je te tiens par la main.
JACOB
Vous y serez jusqu(es) à demain :
En ma vie je n’y entandray141.
LE VILLAIN
[Par] saint Jehan ! Je t’y pourteray ;
On verra qui(l) sera plus fort.
Pausa.142
15 À la mort ! À l’ayde143 ! À la mort !
Sanc bieu, qu’il a les dans aguë[s] !
Hélas, par ma foy, tu me tue[s] !
Laisse-m(oy) aller, tu n’yras pas.
JACOB
Or, levez144 le doy.
Or lèves le doy [le Villain].
…………..
………………………………. 145
20 ……….
LE VILLAIN
Saint Jehan ! non feray.
Tu ne m’aras pas pour tel, fis146.
Marchant147, puizque [vous] estes prins,
Vous y [serez porté]148 au sac
Toust à ceste heure.
JACOB
Nac149, nac, [nac] !
25 Encoir ne sommes-nous pas là.
LE VILLAIN 150
On verra qui plus fort sera.
Or çà, marchant, entres dedans !
JACOB
Par Dieu ! père, vous perdez tenpz :
Tant que vive, je n’y entrey151.
LE VILLAIN
30 Par Dieu ! doncques, je t’y bout(e)ray.
Or çà ! et l’eusse-tu juré152,
Entres !
JACOB
Vous avez beaul hué153 :
Ce ne sera huit154 ne demain.
LE VILLAIN
Puisque j’ay prins le fait en main,
35 Tu y155 viendras, ribon ribainne !
Ilcy, le charge sur ses espaule[s].156
JACOB
Vraiement, vous prenez grant paine
De chouse qui gaire ne vault.
LE VILLAIN
Ha ! Nostre Dame, qu’il fait chault !
J’ay heue cy une malvaise poincte157.
40 Ha, que le maistre fera grant plainte158,
Quant il verra mon filz Jacob !
JACOB
Encoir n’y suy-ge pas, siro159.
Je vous eschaulferey vostre eau160.
Ilcy le prant Jacob par 161 les orelles.
LE VILLAIN
Dea, Jacob, tu me fais courtaud162 !
45 Ce n’est pas fait163 de bon enffant.
JACOB
Or, vous déportez donc à tant164,
Ou je le[s] vous araicherey !
LE VILLAIN
Las ! mon filz Jacob, je ferey
Ce que vouldras165 ; n’an tires plus !
JACOB
50 Me quictez-vouz166 ?
LE VILLAIN
Ouy, par Jhésus !
Jamès [plus] ne t’an requiérey,
[Ny maistre ne te donneray.]167
Va, fait[z] du piz que tu pouraz.
Hélaz, mon trèsbeaul filz, hélas !
55 J’ay les oreilles dessirées168.
(Hélas ! or pers-je mes soudées169,
Se Jacob [ne] va à l’escolle.
Il [l]e fault prendre de parolle170
Doulcement : sy s’acordera.)
60 Jacob !
JACOB
Que voulez-vous ?
LE VILLAIN
Vien çà !
Beaul filz Jacob, je te suply171
Que face[s] ce que [je] t’ay dist.
JACOB
Quoy, siro ?
LE VILLAIN
Aller à l’escole.
Tu estoie jà172 escript ou rôle
65 De quoy on fait les cardinaulx.
JACOB
Il ne m’an chault pas de deux aulx173,
Par Dieu : je veulx garder les pors.
LE VILLAIN
Jacob, soies de mes acors174
Et je te donray du fromaige,
70 De la rotiecte175, que sai-ge,
Et des pommes dedans tom sac.
JACOB
Et quoy avec(que) ?
LE VILLAIN
Des nois aul flac176
Et ung gros cartier de fromaige.
Es-tu contant, Jacob ?
JACOB
Que sai-ge ?
75 G’y panseray sans dire mot(z).
Or, enplez doncque mom saichot177,
Et que j’aye la boutellecte178.
LE VILLAIN
Ho ! Jacob, par saincte Mamecte,
Tu auras ce que tu vouldras.
80 Tien, mon enffent. Or, va le pas179,
Et mez painne180 de bien apprandre,
Car vraiement, je veulx tout vandre
Pour toy fère clert181 excellant.
A Dieu. Filz Jacob, à Dieu vous commant182 !
[JACOB]
Tandis que le sac durera,
86 [Je feray tout ce qu’on vouldra.]183
LE VILLAIN
……………………………………
*
1 Voir Halina LEWICKA : Études sur l’ancienne farce française, pp. 32-46. 2 Voir la note 2 des Sotz escornéz. 3 Dans le recueil du British Museum, cette farce est suivie par une autre, Pernet qui va à l’escolle : on y reconnaît le personnage de la mère, et celui du fils, qui se nomme Pernet. Cette farce où Pernet ânonne l’alphabet précède la nôtre, qui en reprend de nombreux vers. On peut donc en déduire que le nom du fils est le même dans les deux pièces. 4 Hari bouriquet, chanson franco-provençale de Claudin de Sermisy. « Hari, bourriquet ! » est une injonction pour faire avancer les ânes. Elle est vite passée dans le registre érotique : « Ce petit paillard tousjours tastonoit ses gouvernantes, c’en dessus dessoubz, c’en devant derrière, harry bourriquet ! Et desjà commençoyt exercer sa braguette. » (Gargantua, 11.) Le prénom Hanry doit viser un des magisters du collège rouennais qui créa cette œuvre. La copie LV rend au prénom son orthographe originale : « Bouriquet, bouriquet, Henry boury lane !/ Bouriquet, bouriquet, et Henry bouriquet ! » Pour se moquer d’un prêtre ainsi prénommé, les huguenots modifieront de la sorte ce refrain : « Le prestre se vest,/ Henri, Henri l’asne,/ Le prestre se vest,/ Henri bouriquet ! » (La Gabelle de la messe, ms. Cinq cents de Colbert 488.) 5 Bâton au bout duquel pend une vessie de porc emplie de pois secs, que les enfants et les Sots font tourner pour produire du bruit : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 157. Je laisse aux érudits rouennais le soin de vérifier si la victime de cette chanson ne serait pas un certain Henry Mo(u)linet : de nombreux Normands portèrent ce nom. 6 Regardez, voyez. Même normandisme au vers 182. Pernet chante les deux derniers décasyllabes sur le même air. 7 Comme beaucoup de Badins, Pernet est le fils d’un prêtre. Cf. Jénin, filz de rien. 8 Vers manquant. 9 Je comble arbitrairement cette lacune d’après Lucas Sergent, bouéteulx et borgne. En tout cas, ce père n’était pas manchot : dans Pernet qui va à l’escolle (note 3), il bat son fils et il fend du bois à la hache. Borgne rime en -o(r)ne. 10 BM : chose — LV : personne (La mère observe son fils, qui a peut-être un bandeau sur l’œil.) 11 BM-LV : ressembler 12 Chanson inconnue ; voir H. M. Brown, nº 31. Le refrain imite une flûte, comme le confirme ce Noël : « De la fleûte, lure lurette. » Mais il pourrait s’agir d’une musette : « La cornemuse, avec lire lirette, lire liron, commence à fredonner plusieurs sortes de danses. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 13 Nous vous trouverons un amant au Vau (au Val-de-Vire). Cette vallée normande fournira de nombreuses chansons à boire : « D’une chanson du Vau-de-Vire/ Le fault servir, à ce matin. » Actes des Apostres. 14 Sagouin. « Ce n’est q’ung sot,/ Filz de quelque huron saulvaige (…),/ Et c’est ung prestre de villaige,/ Ou le clerc de quelque vieil moyne. » (Guillaume Coquillart.) Pernet s’adresse au public. 15 BM : ie pense — LV : je pence bien (Mai rime avec sai, à la manière normande. Cf. Messire Jehan, vers 194.) 16 Dans la farce de George le Veau (BM 22), un orphelin en quête de parents demande au curé : « Av’ous point une croniquaille/ Pour y regarder ? » Il s’y choisit un père et une mère : « Voy-les-cy en droictes cronicques. » 17 Litote normande : « Sur mon âme ! » Cf. Jolyet, vers 38. La répétition de « que » au vers suivant est populaire. 18 Pernet, qui ne connaît personne en-dehors de son village, ne peut se comparer qu’à deux notables du cru. Ou aux deux cancres du collège. 19 BM-LV : ma lon point (Il va de soi que son père, le curé, n’allait pas l’inscrire dans le registre des baptêmes sous son propre nom.) « Chose » est un pseudonyme pratique : voir le v. 96 de la Résurrection Jénin à Paulme, le v. 37 des Chambèrières et Débat, ou le v. 194 de Mallepaye et Bâillevant. 20 Avant. Les prêcheurs apocalyptiques prétendaient que l’Antéchrist venait juste de naître. « Fuyons-nous-en : j’ay entendu/ Que l’Antéchrist si est jà né ! » Les Menus propos. 21 Le psautier dont Pernet a hérité de son père (vers 36-37) s’ouvre comme tant d’autres sur un ex-libris en latin de sacristie : « Liber in honore * messire Gaultier. » Pernet, qui a une forte tendance à estropier les expressions latines, n’a retenu que le début et la fin de liber in honore, et il s’imagine que le nom de sa mère précède le nom de son père. *Un auteur normand nous a laissé un Liber in honore sancti Petri et sancti Philiberti. 22 Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) évoque ce curé lubrique : « À confesse,/ Vous distes à messir(e) Gaultier/ Que je subtenoys ma maistresse. » On prononce « messer ». 23 D’après ce qu’indique l’ex-libris de son psautier. 24 Atteint de folie, le mal de saint Mathelin. « Mathellineux,/ Foulx, estourdis. » (Le chastiement du Monde.) La Mère s’indigne que Pernet croie ne pas être son fils. 25 Donnez-moi mon manuel de latin ! Dans un souci tout campagnard de faire durer le matériel, la mère conserve toutes les affaires de son fils, et lui prête au compte-gouttes ses livres, son Donat (v. 69), son écritoire neuve (v. 190), et même sa serpe (v. 195). 26 Car je veux entrer dans les Ordres. « Et comment envoyoit-on ad ordos gens si ignorans ? Il fault noter que ceux qui les examinoyent n’en savoyent guère davantage qu’eux. » Henri Estienne. 27 Prêtre. 28 Avant la Pentecôte. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 406. 29 BM : que lon fretille — LV : que on fretelle (On se contente de bavarder. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 41.) 30 De la date de mon investiture. 31 Il t’en est bien besoin. 32 BM-LV : Que lon (Il s’agit de la plume d’oie pour écrire. Mais pour le public, qui a l’esprit mal tourné, une plume est un pénis : cf. le Dorellot, vers 119 et note. Nous avons conservé la vieille expression érotique « tailler une plume ».) 33 Enfant, Pernet gardait les oies, tout comme Maistre Mimin estudiant. Dans le Villain et son filz Jacob, que je publie en appendice, le petit paysan garde les cochons. 34 Pernet a baptisé son oie de son propre nom de famille : Chose. 35 Elle ne comprend pas qu’il s’agit de l’oie, et elle pense que son fils ne trouve plus ses mots. 36 Même constat dans les Sobres Sotz, vers 123. 37 Manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. le Maistre d’escolle, vers 11. « Ce petit Donet je (lui) présente,/ Pour tant qu’il a mis son entente/ À volloir grammaire sçavoir. » Jehan Molinet. 38 L’autre hier = l’autre jour. BM : lautruy/ 39 BM-LV : iray (Forme populaire normande. « G’irons au marché. » La Mauvaistié des femmes.) À la rime, le « s » final est facultatif, comme au vers 19. 40 Pernet retient mieux les chansons que les prières. D’innombrables refrains nous renseignent sur l’utilité des buissons : « Trois foys il l’a fringuée à l’ombre d’ung buisson. » (Fringuez, moynes, fringuez.) « Livre-la-moy en ung lict toute nue (…),/ Ou la m’envoye en l’umbre d’ung buisson. » (C. Marot.) « Ma belle se repose/ À l’ombre du buisson./ Moy, j’embroche son chose/ De mon roide poinçon. » (Chansons folastres.) 41 BM-LV intervertissent ce vers et le suivant. 42 BM-LV : Car (Allons ! je m’en vais…) 43 Le vicaire-examinateur, suppléant de l’official, interrogeait les candidats à la prêtrise. 44 BM-LV : auecq (En Normandie, « o » = avec. « Voulez-vous demourer o moy ? » Les Esbahis.) 45 BM-LV : fol (Un niais. À propos de ce normandisme, cf. la Veuve, vers 100 et note.) 46 BM-LV : Recommandez moy a lexaminateur / Dictes ma mere 47 Pas autre chose que plaidoirie, contestation. « Et ne leur laissent nullement/ Avoir fors que plait et riote. » Eustache Deschamps. 48 Les vers 89-91 s’inspirent librement des vers 55-57 de Pernet qui va à l’escolle (note 3). 49 Le bon sens paysan du villageois resurgit. 50 Pernet porte le costume usuel des Badins, décrit dans la note 4 de Colinet et sa Tante, une farce qui développe le même thème que la nôtre. <Voir aussi André TISSIER : Recueil de farces, t. 5, 1989. On consultera la n. 15 de la p.114, et la n. 99 de la p.137.> 51 Elle arrive devant l’examinateur. 52 Les vers 103-7 s’inspirent librement des vers 76-80 de Pernet, mais ne comblent pas ses lacunes. 53 En-dehors d’une farce, on attendrait plutôt la question : Est-il d’âge pour l’être ? Dans la vraie vie, l’âge canonique était alors de 25 ans. 54 À la maison. Idem vers 122 et 270. La mère châtie son langage, et ne parvient qu’à produire un effet comique : J’amènerai l’hôtel devant vous. Hôté rime avec volonté ; voir les vers 118-9 et 130-1. 55 BM-LV : doint 56 Il installe sur la table un autel de fortune, fait avec du linge de maison et des ustensiles de cuisine. 57 C’est le cheval de bataille des candidats à la clergie : cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 348. 58 Elle rentre. Son fils, qui gueule à tue-tête le Per omnia, ne l’entend pas. 59 Quand tu seras prêtre. 60 Désignant l’autel qu’il a bricolé sur la table. 61 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « chla » : « Vrayment, chla va bien autrement. » La Muse normande. 62 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « st’autel ». « Entendant discourir avant-hier de st’affaire. » La Muse normande. 63 BM-LV : Possible (Pour lui, un esprit est un fantôme.) Des prostituées racolaient dans certains cimetières. 64 BM-LV ajoutent dessous : Chante mon filz 65 Par tous les siècles des siècles. C’est le premier vers de Pernet. « Amen » rime en -an : voir la note 160 de Régnault qui se marie. 66 BM-LV : Je chanteray bien une autre fois (Je chanterais bien une fois de plus.) 67 Au public. 68 Cela confirme le proverbe : « Tel père, tel fils. » La tirade 144-158 reprend les vers 5-19 de Pernet. 69 Voir la note 6 de Pernet. 70 BM-LV : croy — Pernet : cuyde 71 BM-LV : vous 72 Dans Pernet, ce vers contenait le nom de l’enfant : Pernet que ie parle a vous 73 Fais le salut que tu feras devant lui. 74 Elle imite gestuellement et vocalement ce qu’elle croit être une grande dame. Rappelons que cette fermière simplette, vêtue d’un tablier, d’un fichu et de sabots, fut jouée par un collégien. 75 BM-LV : petit (Faire le pied-arrière, ou le pied-derrière, ou le pied de veau, ou le pied : faire une révérence. Voir la note 206 de Gautier et Martin.) Gentement = avec noblesse. 76 Le fou. Idem vers 211. 77 Avec mesure. 78 BM-LV : de largent (Nouvelle manifestation du bon sens paysan.) 79 Ce qu’il. 80 Me retenir. « Celui qui ce nous récitoit/ Les assistans tant incitoit/ Qu’ils ne pouvoyent tenir de rire. » (Le Banquet des chambrières.) « Monsieur de Nançay (…) ne pust tenir de rire. » (Marguerite de Navarre.) 81 Faim, envie. « J’ay grant fain de rire. » Serre-porte. 82 Il n’en manquera. Les clercs et les comptables avaient toujours une plume derrière l’oreille, comme les épiciers d’avant-guerre y auront un crayon. 83 Aiguise ton canif : il sert à tailler le bec des plumes, pour écrire aussi fin qu’un chancelier pontifical. 84 Au lieu du petit canif, le paysan aura une vulgaire serpe à la main. « La serpe/ Me servira de canivet. » (Pernet qui va à l’escolle.) Sarpe rime avec pape. 85 BM-LV : il pas (N’est-ce pas lui ? « Le vélà, c’est il, vrayement. » Les Sotz fourréz de malice.) 86 Noblement. Idem vers 168. 87 Il barre la route à l’examinateur en brandissant sa serpe. 88 BM-LV : se sot 89 BM : Sainct — LV : ma foy (« Le prestre ceint d’une ceinture de chanvre. » Anastase Cochelet.) 90 Oui, par mon quidam, Monsieur, / S’il plaît à vous, du moins. Pernet a beau avoir appris ce salut par cœur, il prononce « per quidem », qui n’a aucun sens, au lieu de « per fidem » [par ma foi]. Un jeune clerc inculte commettra la même boulette au vers 461 de l’Avantureulx. 91 Le dimanche qui suit Pâques. 92 Sous l’effet du trac, Pernet lâche un pet sonore. « Mais sy je lâche le derière/ Par avanture, (entendez-vous ?),/ Vostre part y sera tousjours. » (Le Bateleur.) Nous aurons la suite de ses aventures intestinales au vers 253. 93 Je vous y invite. Lorsqu’un jeune curé célèbre sa première messe, la famille et les amis organisent ensuite une fête bien arrosée. Cf. le Clerc qui fut refusé à estre prestre, vers 105-6 et note : dans cette farce, un candidat à la prêtrise est renvoyé deux fois par son examinateur. 94 « Le cuysinier cy m’a semons/ Pour boire du vin de la feste. » La Présentation des joyaux. 95 Pernet veut sans doute dire « perquam » : tout à fait. 96 En six mois. 97 Le mal de saint Victor est la folie. « Malade du mal S. Victor, et lié comme homme hors du sens. » Godefroy. 98 Peut-être le Confiteor. Le retributor est celui qui paye. 99 BM : in manus — LV : imanus (BM nomme correctement cette prière qui accompagne l’extrême-onction, mais l’ignare Pernet ne peut que la nommer incorrectement : je choisis donc la version LV.) « Je sçay bien mon Avé salus,/ Mon Imanus, mon Déo pars. » La Bouteille. 100 Prononciation à la française de l’hymne Quem terra pontus. Voir la note 79 de Maistre Jehan Jénin. 101 Seul LV consigne ce vers, qui manque dans BM. On ne présente plus le Veni Creator. La 9ème heure (hora nona), ou heure de none, désigne dans les monastères la prière de 15 heures. 102 À bout d’arguments : cf. le Maistre d’escolle, vers 85. Pernet qui va à l’escolle raconte le laborieux apprentissage de l’alphabet par notre futur pape. 103 Ce vers et le suivant reprennent hors de saison les vers 39-40. 104 Moi je veux discuter : / Conjugue-moi le verbe « tuer ». Pernet confond lætare [réjouir] et letare [tuer]. « Declina mihi » est la rengaine des manuels de latin destinés aux enfants. 105 Je vous le conjugue à toute vitesse. 106 Ton discours. Cf. Marchebeau et Galop, vers 274. 107 Par quel nom es-tu appelé ? Pernet ne comprend pas cette question banale et reste muet. Sa mère tente de sauver la situation. 108 Et pourtant. Les villageoises qui s’aventurent à user d’un terme « scientifique » se prennent toujours les pieds dans le râteau, comme la mère de Maistre Jehan Jénin : « De trologie et merdecine. » 109 LV transcrit phonétiquement la prononciation normande : say. La leçon de latin de Pernet qui va à l’escolle joue sur cette homophonie : « –“C”./ –Et ! j’ay le dyable si j’ay soif ! » Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin. 110 Une anse. 111 BM : Construise moy quia fecit — LV : construises moy quia fecy (« Caillette a vécy ! » La Résurrection Jénin à Paulme.) Comme au vers 219, le candidat a vessi, a pété. Le trac fait remonter à la surface tout ce qui était mal enfoui : le patois <v. 249>, le besoin d’alcool <v. 250>, le relâchement de l’anus <v. 253> ou de la vessie <v. 257>, la sexualité <v. 281>. 112 Par ma foi ! Même vers que 262. 113 À laquelle, mon ami… Pernet interrompt l’examinateur parce qu’il pense avoir enfin compris un mot latin : « aquam » = eau, urine. Or, le seul examen qu’il soit en mesure de réussir, c’est justement un examen d’urine. (Voir la note 256 d’André Tissier.) 114 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « asteure » : « De che qu’on fet et dit, asteure, dans Rouen. » La Muse normande. 115 Les clercs qui ont peur en perdent leur latin. Terrorisé par Pantagruel <chap. 6>, l’écolier limousin oublie son jargon universitaire et retrouve instantanément le patois de Limoges ; cet épisode a également une conclusion scatologique, qui est la réponse naturelle du corps à ce genre de stress. 116 BM-LV : dire oremus — Pernet donne ici le vers original, que notre plagiaire a sacrifié : Mais dieu il fault parler latin (La correction est de Tissier.) 117 Moi, vous voulez (que je parle latin) ? Les vers 264-7 reprennent les vers 202-5 de Pernet. 118 Voici déjà mon livre. 119 Disons : parle ! 120 BM-LV : Monsieur (Voyant que les choses se gâtent, la mère monte d’un degré dans la flagornerie.) Oremus = prions. 121 Les vers 269-277 reprennent les vers 138-146 de Pernet, où ce vers était justifié par celui qui le précédait : « Il y a long temps que le congnois. » Là encore, notre plagiaire a bâclé son travail. 122 BM : Et ie — LV : sy je 123 Le Per omnia du vers 120. La mère de cet autre futur pape qu’est Maistre Jehan Jénin n’aurait pas dit mieux : « On chantoit Perronnia/ À haulte voix. » 124 BM-LV : quant a 125 Voir la note 64 de Pernet. 126 BM-LV : le iasement — Pernet : cest assez iase (L’examinateur poursuit sa route ; Pernet marche à ses côtés.) 127 BM-LV : adire (Vas-tu avec moi ?) On prononçait à la française, et en l’occurrence à la normande : « Va, dis-mé con. » [Va, dis-moi « con ».] Le con désigne le sexe de la femme. On trouve la même astuce de collégiens aux vers 207-211 de Pernet, d’où proviennent les vers 279-283. 128 Paysan. C’est le monde à l’envers ! Dans Pernet, la mère traite de « villain » le professeur de son fils quand il lui enseigne la lettre Q. 129 BM : Vous auez parle — LV : parles vous — Pernet : Auous parle (Av’ous est la contraction normande d’avez-vous.) « Du con ma mère » est un génitif archaïque : du con de ma mère. 130 Je vais le lui dire. Pernet retourne vers sa mère, qui est restée au même endroit. 131 Le public du collège est masculin. 132 Les vers 284-5 reprennent les vers 214-5 de Pernet, dont le congé final attribue le spectacle aux collégiens : « Nous vous prions que, hault et bas,/ Pardonnez aux gentilz enfans/ De ceste ville ces esbatz/ Qu’ont voulu faire en passant temps. » 133 Autant les maîtres que les élèves. Le vers suivant est perdu. 134 BM-LV : Sans vous auoir (Ce tercet sera textuellement repris à la fin du Savetier Audin.) 135 Ce distique bâclé, dit par un personnage qui n’est plus censé être là, inspirera celui qui clôt le Savetier Audin : « Si vous trouvez voz femmes en tel cas,/ Donnez-les au dyable comme j’ay faict. » Le scribe du ms. La Vallière — et lui seul — ajoute comme d’habitude sa péroraison personnelle : « En prenant congé de se lieu,/ Une chanson pour dyre adieu ! » 136 Faute de savoir où le mettre, je colle ici un bout de farce sans titre dont il manque le début et la fin. Ce fragment de 84 vers se trouve dans le manuscrit fr. 904 de la Bibliothèque nationale de France, à la suite d’un Mystère avec lequel il n’a aucun rapport. Il nous en reste ce dialogue entre un Vilain [un paysan] qui veut que son fils fasse des études pour obtenir un diplôme de cardinal, et ledit fiston qui préfère garder les porcs. C’est peut-être la première apparition théâtrale d’un « enfant mis aux écoles » : ses éditeurs, D. W. Tappan et S. M. Carrington*, le font remonter au milieu du XVe siècle. *Deux pièces comiques inédites du manuscrit B.N. fr. 904. Romania, t. 91 nº 362, 1970. Pages 161-169. 137 Ms : il (Que tu goûtes à l’école : que tu y ailles au moins une fois.) 138 On me dirait que je fais partie des clercs. 139 De ton plein gré. 140 Ms : y 141 Je n’y consentirai pas. 142 Pendant cette pause, le père attrape son fils pour le mettre sur ses épaules. Jacob lui mord un doigt et refuse de le lâcher. 143 Ms : la mort (« À la mort ! À l’ayde ! À la mort !/ Ha, hay ! ha, hay ! hay ! Il me mord ! » Le Roy des Sotz.) 144 Ms : leues (Enlevez votre doigt de ma bouche.) 145 Le ms. n’est pas détérioré : c’est le copiste qui a omis un passage. 146 Tu ne m’auras pas comme cela, mon fils. 147 Marchandeur. Idem vers 27. 148 Ms : seres porter (Le scribe a une orthographe et une grammaire très personnelles.) 149 « Gnac ! » transcrit le bruit d’une morsure. (Cf. André de La Vigne, vers 11.) Jacob menace son père de le mordre à nouveau. 150 Il ouvre par terre un grand sac pour y enfermer son fils. On n’a pas attendu les Fourberies de Scapin pour mettre des acteurs dans un sac : cf. les Veaux, ou Janot dans le sac, ou Resjouy d’Amours, ou la Laitière, ou Cautelleux, Barat et le Villain. Le catalogue d’un libraire de Tours au XVe siècle mentionne la farce de Chascun qui mect Tout en son sac. 151 Je n’entrerai pas dans votre sac. 152 Même si tu avais juré le contraire. 153 Hurler. « Tu as beau huer. » Troys Gallans et Phlipot. 154 Hui, aujourd’hui. 155 Ms : en (Ribon, ribaine = De gré ou de force. C’est le nom d’un arriviste dans Pates-ouaintes.) 156 Cette didascalie est notée dans la marge gauche du distique suivant. Le père jette sur son épaule le sac entrouvert, d’où émergent la tête et les mains de Jacob. 157 J’ai un point de côté. 158 Ms : conpte 159 Petit sire ? Idem vers 63. Ce mot rime avec Jaco. 160 Je vais uriner dans votre bouteille, qui est au fond du sac. 161 Ms : por (Par les oreilles.) 162 Ms : mal (Un courtaud est un chien – ou un cheval, ou un voleur – auquel on a coupé les oreilles. « Le courtault gris qui ast les aureilles couppé. » Guillaume de Nassau.) 163 Un fait, une action. Dessous, le ms. répète dans la marge gauche la didascalie : Icy le prant jacob pour les orelles 164 Renoncez à cela. 165 Ms : vouldres (Le Vilain tutoie presque toujours son fils.) 166 Me tenez-vous quitte ? Cf. le Poulier à sis personnages, vers 699. 167 Vers manquant. Le Vilain pose le sac, et Jacob s’en extirpe. 168 Déchirées. 169 Mon argent. « Les diz Anglois avoient esté bien paiéz de leurs gaiges et souldées. » ATILF. 170 Il faut le bercer de paroles. Le point faible de tous les Badins, c’est la gourmandise. 171 Ms : prie (« Je te suply, ayons ta femme ! » Le Savatier et Marguet.) 172 Ms : jay (Être inscrit au rôle : être sur la liste.) Dans D’un qui se fait examiner (v. ci-dessus), la mère voit déjà son fils évêque ou pape. 173 Cela ne m’importe pas plus que deux grains d’ail. 174 Sois d’accord avec moi. « Je suys de vos acors. » Troys Gallans et Phlipot. 175 Mot inconnu. S’agit-il d’une boisson pétillante ? Dans le même esprit, l’argot des gargotes a baptisé « roteuse » la bouteille de champagne. Mais peut-être faut-il lire bouteillette, comme au vers 77. 176 Des noix à flac, en quantité. « Monsieur de Sic-Sac,/ Lequel a des escutz à flac. » Légier d’Argent. 177 Emplissez mon sac avec ce que vous m’avez promis. 178 Ma petite bouteille de rotiette (note 175). Cf. l’Amoureux, vers 209. 179 Va à l’école d’un bon pas. 180 Mets peine, applique-toi. 181 Pour faire de toi un clerc. 182 Je vous recommande à Dieu. Cf. le Munyer, vers 118. 183 Vers manquant. Je le restitue d’après les vers 48-49. La rubrique suivante montre que la farce n’est pas finie. Au prochain folio commence la Moralité novelle de la Croix Faubin, copiée par la même main, et elle aussi incomplète.