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SAOUL-D’OUVRER
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ET MAUDOLLÉ
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La farce de Gournay et Micet, qui oppose un maître à son valet, « farcit » le Mistère du Viel Testament. Elle-même est farcie par une autre farce qui oppose encore un maître à son valet : Saoul-d’ouvrer et Maudollé. Si le charpentier est « soûl d’œuvrer1 » [fatigué de travailler], son apprenti est « mal dollé2 » [mal raboté, malpoli], d’où leur relation conflictuelle. Toutefois, le prévôt leur commande un gibet personnel afin d’y pendre le juif Mardochée, qui refuse de lui faire la révérence. Mais le prévôt étrennera lui-même sa potence privée, tandis que sa femme prendra la fuite — et l’argenterie — avec son serviteur.
Enfin, on ne saurait évoquer les artisans du Mistère du Viel Testament sans donner la parole aux plus glorieux d’entre eux, les bâtisseurs de la tour de Babel.
Sources : Je prends pour base le Très excellent & sainct Mystère du Viel Testament, imprimé par Jehan Réal en 1542 ; il reproduit — avec moins de fautes — le Mistère du Viel Testament par personnages, imprimé par Pierre Le Dru vers 1500.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
SAOUL-D’OUVRER, charpentier3. SCÈNE I
Maudollé !
MAUDOLLÉ, varlet.
Voycy la relique
De l’ung des os de sainct Belin4.
SAOUL-D’OUVRER
Viendras-tu à moy ?
MAUDOLLÉ 5
C’est bon vin.
Qui boit bon vin, mieulx en besongne.
SAOUL-D’OUVRER
5 Mais regardez-moy quel yvrongne !
Sans cesser il avalle ou mâche.
MAUDOLLÉ
Quant on a achevé sa tâche,
Doit-on pas prendre son repas ?
SAOUL-D’OUVRER
Ouÿ ; mais tu ne gaignes pas
10 L’eaue que tu boys, c’est le point6.
MAUDOLLÉ
Par Dieu ! maistre, je n’e[n] boy point :
Il est bon à veoir à mon nez7.
SAOUL-D’OUVRER
Dea ! mon varlet, vous vous donnez
Du bon temps.
MAUDOLLÉ
[Maistre], en doubtez-vous ?
15 Se charpentiers ne sont bien saoulz,
Jà ne feront bonne journée.
J’ay ma besaguë retournée8,
Au matin, son9 devant derrière.
SAOUL-D’OUVRER
Tu fais tous les soirs si grant chère
20 Qu(e) encor en es yvre au matin.
MAUDOLLÉ
Mon maistre, ce n’est que de vin,
Car je n’ayme ne citre10 ne bière.
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BARATHA 11 SCÈNE II
Si me fault-il trouver manière
De parler à ce charpentier,
25 Qu’il vienne ouvrer12 de son mestier.
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Es-tu céans, Saoul-d’ouvrer ? SCÈNE III
SAOUL-D’OUVRER, charpentier.
Ouy.
Pensez que vous ay bien ouÿ
Crier à haulte voix et forte.
BARATHA
Vien à Monseigneur, et apporte
30 Les ostilz de charpenterie13 !
SAOUL-D’OUVRER
À cella ne fauldray-je mye14 :
Drille ne gaignay de cest an15.
N’esse pas à Monseigneur…
BARATHA
Aman.
SAOUL-D’OUVRER
J’entens : monseigneur le prévost.16
35 Allons acop ! Bien tost, bien tost !
Voicy mes instrumens tous prestz17.
.
Aman, Monseigneur : par exprès18, SCÈNE IV
Sur tous19 vous vouldroye servir.
Commandez vostre bon plaisir !
40 Vostre serviteur suis piéçà20,
Monseigneur le prévost.
AMAN
Vien çà !
Plante-moy une grosse poultre
Qui soit fort[e] et puissant21 tout oultre.
Entens-tu bien ?
SAOUL-D’OUVRER
Je le feray,
45 Mais où22 ?
AMAN
Je le te monstreray ;
Je la23 vueil cy avoir, et estre
En ma court, devant ma fenestre
De ma grant chambre principalle.
SAOUL-D’OUVRER
Pour la façon espécïalle24,
50 Monseigneur, la haulteur me fault.
AMAN
De cinquante couldées de hault25.
SAOUL-D’OUVRER
En26 quelle façon, s’il vous plaist ?
AMAN
Ainsi que fault faire ung gibet.
Faulte n’y ait, ainsi le veulx !27
.
55 Ha, hay ! que je seray joyeulx SCÈNE V
Quant, à mon coucher et lever,
Je verray ce juif orgueilleux
À ce gibet icy bransler28 !
Matin ne se sçauroit passer
60 Que je ne m’y29 vienne habiller
Pour Mardochée regarder,
Que feray en ce lieu lyer.
…………………………
.
SAOUL-D’OUVRER SCÈNE VI
Voylà tout appointé30.
Voylà ung beau postel31, je pense.
65 Voylà une belle potence,
Mais ung gibbet tout eslevé.
Celluy qui y sera levé32,
Si n’a garde de desvoyer33,
Se n’est par faulte du cordier34
70 Ou par deffaulte du bourreau.
Il est composé bien et beau :
Le boys est de cueur de noyer.
On doit telz ouvriers employer !
Il est bien, à la vérité.
………………………..
*
BARATHA 35 SCÈNE VII
75 Madame !
ZARÈS
Quoy ?
BARATHA
Il fault brouer36 !
ZARÈS
Et ! qu(e) as-tu ? Que tu es esmeu !
BARATHA
Je ne le vous vueil point celer :
Mon maistre sera huy pendu.
ZARÈS
Tay-toy, Baratha ! Que dis-tu ?
BARATHA
80 Ha ! je l’ay ouÿ condampner.
ZARÈS
Ô Fortune, l’as-tu déceu37 ?
BARATHA
On ne sçait comme on doit tourner.
ZARÈS
Le sçais-tu bien38 ?
BARATHA
Le cas est tel.
ZARÈS
Il sera pendu ? Quel orreur !
BARATHA
85 En ce gibbet, en cest hostel39.
ZARÈS
Que reste-il ?
BARATHA
Prendre du meilleur
Et escarrir40.
ZARÈS
C’est le plus seur41.
Tien là !
BARATHA
Pensez de bien foncer42.
ZARÈS
Ô Fortune !
BARATHA
Peu de valleur43 :
90 On ne sçait comment doit tourner.
Ne laissez riens, que vous puissiez44.
ZARÈS
Nenny, Baratha. Tien, emporte !
BARATHA
Brouez au large, escarrissez45 !
Besoing est d’adviser la porte46.
ZARÈS
95 O ! mallement me desconforte,
Aman, quant ainsi fault finer47.
BARATHA
Dame Fortune est de tel sorte :
On ne sçait comment doit tourner.
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*
LA TOUR
DE BABEL 48
*
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CASSE-TUYLLEAU49, masson. SCÈNE I
Que veulx-tu dire, Gaste-bois ?
Sçais-tu rien qui soit de nouveau ?
GASTE-BOIS 50, charpentier.
Par Dieu ! nenny, Casse-tuilleau :
Rien de nouveau n’est inventé.
CASSE-TUILLEAU
5 Pille-mortier51, Cul-éventé52 !
Est jà vostre tasche acomplie ?
CUL-ESVENTÉ, [couvreur].
Ma bouteille n’est point remplie
De gourde pie53, à ce matin.
PILLE-MORTIER
Trois jours a54 que ne beuz de vin
10 Par faulte d’avoir ung vaisseau55.
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CHUS 56 SCÈNE II
Sus, Gaste-bois, Casse-tuilleau,
Cul-éventé, Pille-mortier !
Ouvrer fault de vostre mestier,
On a trèsgrand besoing de vous.
GASTE-BOIS
15 Nous nous sommes préparéz tous,
Et noz houstilz pareillement,
Pour besongner joyeusement
En maisons, manoirs ou chasteaulx.
CHUS
Bastir fault ouvrages nouveaulx
20 Et édifier quant et quant57.
Mais je croy que n’estes pas tant
D’ouvriers que je vueil bien avoir.
CASSE-TUILLEAU
Vous ne sçauriez [bien] concepvoir
La science que nous avons ;
25 Car tousjours les moyens trouvons
De parvenir à noz attainctes58.
CUL-ESVENTÉ
Nous ne besongnons point par fainctes59 :
Car voicy charpentiers, massons,
Couvreurs de diverses façons,
30 Qui nous congnoissons au mestier.
Et puis voicy Pille-mortier,
Qui de nous servir sçait l’usage.
PILLE-MORTIER
Jamais nul homme, s’il est sage,
À servir massons n’entreprenne !
35 Toutesfois — advienne qu(e) advienne —
Je suis en leur subjection60.
CHUS
Il fault faire expédition
De venir par-devers Nembroth,
Qui veult qu’on luy dépesche tost61
40 Une tour qu’il devisera62.
GASTE-BOIS
Si trèsbien on le servira
Qu’il n’y trouvera que63 redire.
CHUS
Hastez-vous, car il vous veult dire
Ce qu’il a entrepris de faire.
CASSE-TUILLEAU
45 Tout ce qui sera nécessaire
Nous ferons, ne vous soucïez.
Mais que nous soyons advoyéz64,
Il nous fera beau veoir en face.
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CUL-ESVENTÉ SCÈNE III
Sire, que vous plaist-il qu’on face ?
PILLE-MORTIER
50 Voicy gens pour faire édifices.
En ce cas ne65 nous monstrons nices
Mais sommes expers, sans doubtance.
NEMBROTH
À vous veoir, je prens grand plaisance.
Car je croy — et m’est bien advis —
55 Que vous comprendrez le devis66
D’une tour que voulons pourtraire67.
GASTE-BOIS
Commandez, et nous laissez faire !
NEMBROTH
Si de la faire prenez charge,
Il fault qu’elle soit si trèslarge
60 Et de si fors fondemens faicte
Que, devant qu’elle soit parfaicte68,
El puisse jusqu(e) au ciel toucher.
CASSE-TUILLEAU
Autres ouvriers ne fault cercher
Que nous : nous entendons le cas.
NEMBROTH
65 Gardez bien que ne faillez pas
À la faire grosse et massive.
Je vueil qu’elle soit excessive :
C’est-à-dire qu’on puisse aller,
Par elle, au ciel.
CUL-ÉVENTÉ
Sans plus parler,
70 Nembroth, nostre souverain maistre,
En besongne nous allons mettre69,
Puisque nous l’avez ordonné.
Ilz s’en vont besongner.
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PILLE-MORTIER SCÈNE IV
Si est Nembroth désordonné70,
De la vouloir faire si haulte.
GASTE-BOIS
75 Faicte sera, s’il n’y a faulte,
Puisque nous y mettons les mains.
CASSE-TUILLEAU
L’entreprise beaucoup je crains ;
L’ouvrage est fort à assaillir71.
CUL-ESVENTÉ
On ne peult, en fin, que faillir.
80 Besongnons, mais qu(e) on nous paye bien.
PILLE-MORTIER
Telles gens que nous n(e) acroient rien72,
Mais tousjours sont prestz d’emprunter.
GASTE-BOIS
Si se fault-il diligenter73
De commencer [l]a nostre ouvrage74.
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NEMBROTH SCÈNE V
85 Sus, enfans ! Prenez bon courage,
Et vous serez bien contentéz75.
CHUS
Je vous prie que diligentez :
Tard m’est que la voye commencée76.
GASTE-BOIS
J’ay jà la manière pensée
90 D’y besongner, n’ayez soucy.
NEMBROTH
Nous reviendrons de bref icy
Pour veoir vostre façon de faire.
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CASSE-TUILLEAU SCÈNE VI
Commencer fault, qui veult parfaire77.
Gaste-bois !
GASTE-BOIS
Tu dis vérité.
95 Besongne bien de ton costé,
Et de moy ne prens nul soucy.
CASSE-TUILLEAU
Cul-esventé !
CUL-ESVENTÉ
Hau ?
CASSE-TUILLEAU
Viens icy !
GASTE-BOIS
Pille-mortier !
PILLE-MORTIER
Je voys78 à vous.
Préparé suis vous servir tous.
100 J’ay jà l’instrument sur le col79.
CASSE-TUILLEAU
Cul-esventé !
CUL-ESVENTÉ
Hau ?
CASSE-TUILLEAU
Gâche mol80 !
CUL-ESVENTÉ
Combien ?
CASSE-TUILLEAU
Une demye-augée81.
GASTE-BOIS
Çà, du mesrien82 ! Faictz-tu du fol ?
CASSE-TUILLEAU
Pille-mortier !
PILLE-MORTIER
Hau ?
CASSE-TUILLEAU
Gâche mol !
PILLE-MORTIER
105 Délyé83 ?
CASSE-TUILLEAU
Nenny, de plein vol84.
GASTE-BOIS
Apporte ma large congnie85 !
Icy font la tour de Babel.86
CASSE-TUILLEAU
Cul-esventé !
CUL-ESVENTÉ
Hau ?
CASSE-TUILLEAU
Gâche mol !
CUL-ESVENTÉ
Combien ?
CASSE-TUILLEAU
Une demye-augée.
PILLE-MORTIER
C’est une droicte87 dyablerie
110 Que servir maçons, au jourd’uy !
CUL-ESVENTÉ
Malheureux est qui sert aultruy
Pourveu qu’il s’en puisse passer88…
GASTE-BOYS
Sus, sus, il se fault advancer !
Vous aymez trop besongne faicte89.
…………………………. 90
115 Pille-mortier !
PILLE-MORTIER
Hau ?
GASTE-BOYS
Es-tu prest ?
PILLE-MORTIER
Ouÿ, de vous donner à boire.
CASSE-TUILLEAU
Cul-esventé ! Tost, sans arrest
Besongne : si, acquerrons gloire.
Apporte du mortier !
PILLE-MORTIER
Enco[i]re91 ?
CASSE-TUILLEAU
120 Despesche-toy ! Dieu te mauldie !
PILLE-MORTIER
Tenez, voylà vostre dolloère92 ;
Est-elle pas belle et jollie ?
CASSE-TUILLEAU
Çà, du cyment !
CUL-ESVENTÉ
Vostre congnie ?
Je l’ay portée à l’esmoulleur.
GASTE-BOYS
125 Ma besaguë !
PILLE-MORTIER 93
C’est du meilleur
Que vous beustes de la sepmaine.
GASTE-BOYS
Dieu te mette en fièvre quartaine !
Baille-moy acoup mon compas,
Affin que je ne faille pas
130 De faire ceste tour trèsbelle.
CUL-ESVENTÉ
J’ay apporté vostre truelle ;
Est-ce pas ce que demandez ?
CASSE-TUILLEAU
Du mortier !
PILLE-MORTIER
La main tost tendez
À la tuille qu’ay94 apportée !
CASSE-TUILLEAU
135 Du cyment !
CUL-ESVENTÉ
Je l’ay apprestée,
L’ardoise, avec le clou à late95.
CASSE-TUILLEAU
Haste-toy, mon mortier se gaste !
PILLE-MORTIER
Voicy ung chevron escarry96 ;
C’est dommage qu’il est pourry,
140 Veu ce qu’il a la poincte aguë.
GASTE-BOYS
Apporte-moy ma besaguë
Et mon marteau, que je martelle !
CASSE-TUILLEAU
Elle est belle, vostre truelle :
Je l’ay de nouveau esclarcie97.
GASTE-BOYS
145 Que j’aye ma moyenne congnie !
Entens-tu, hay, maistre Accippé98 ?
PILLE-MORTIER
Le mortier ? Je l’ay bien trempé :
Il est aussi mollet que laine.
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CHUS SCÈNE VII
Nembroth, nostre grand capitaine,
150 Mes gens sont quasi affolléz99 :
Il semble qu’ilz soient désoléz100,
Et qu(e) ayent perdu l’entendement.
NEMBROTH
Sus ! besongnez incessamment,
Ouvriers, à tort et à droicture !
CASSE-TUILLEAU
155 Çà, du plomb pour la couverture101 !
PILLE-MORTIER
J’ay apporté ung instrument
Pour commencer le fondement :
Car il n’a pas faict, qui commence102.
JÉTRAN
Voicy une grande insolence !
160 Maçons, charpentiers, qu’est cecy ?
GASTE-BOYS 103
Orïolla gallaricy,
Breth gathahat mirlidonnet.
Juidamag alacro bronet 104 :
Mildafaronel adaté !
NEMBROTH
165 Voyllà nostre ouvrage gasté.
CASSE-TUILLEAU
Quanta, quéso a lamyta105 ?
La seigneurie la polita.
Vollé daré le coupe toue106 ?
CHANAAN
Qu’est cecy ? Fault-il qu’on se joue
170 De nous ? Mais d’où vient cest erreur ?
CUL-ESVENTÉ
Bïanath acaste folleur.
Huidebref, abasténïent.
CHUS
Bref, je ne sçay d’où cecy vient.
Jamais ne veis tel fantasie.
PILLE-MORTIER
175 Rotaplasté a la casie,
Emy maleth a lacastot.
JÉTRAN
Nous perdons temps icy, Nembroth,
Car nous povons assez congnoistre
Que Dieu ne nous veult point permettre
180 Que ceste tour parachevons.
*
1 L’un des Maraux enchesnéz, vagabond professionnel, a aussi pour nom Soudouvrer, de même qu’un des brigands du Mystère de saint Martin, d’André de La Vigne. La chambrière paresseuse de Tout-ménage est surnommée Saudouvray. On signale une « grande Confrarie des Soûlx d’ouvrer et enragéz de rien faire ». 2 D’une façon moins pertinente, le Viel Testament donne aussi ce nom à un bourreau. Dans le Mystère de saint Clément, l’apprenti du charpentier porte aussi un nom ridicule : Col-de-grue. 3 Il entre dans une taverne pour en extirper son valet, qui trône devant une table bien garnie. 4 Le valet ronge un gros os de belin, de mouton. Comme le déplore l’hagiographe du Sermon de sainct Belin, « ung cuisinier plain de grant mal/ En eut le brichet [l’os de la poitrine] et l’espaulle,/ Et les rostist en une gaulle ». 5 Il boit. 6 Voilà le problème. « Eau-e » compte pour 2 syllabes. 7 Il est facile de voir à mon nez rouge que je ne bois jamais d’eau. 8 Un charpentier peut tenir sa besaiguë dans un sens ou dans l’autre, selon qu’il a besoin du ciseau ou du bédane. 9 Sens. 10 Ni le cidre. 11 Serviteur du prévôt Aman. Il a vu Soûl-d’œuvrer s’introduire dans la taverne. 12 Œuvrer. Cf. la tour de Babel, vers 13. Baratha pénètre dans l’obscure taverne et appelle très fort Soûl-d’œuvrer, qu’il ne voit pas. 13 Tes outils de charpentier. 14 Je ne manquerai pas. 15 De toute l’année, je n’ai pas gagné une miette. Cf. la Bouteille, vers 225 et note. 16 Dessous, les imprimés ajoutent en vedette Gasteboys. C’est le nom du charpentier dans l’épisode de la tour de Babel, que je publie à la suite. 17 Baratha et les charpentiers se rendent chez le prévôt. Maudollé n’interviendra plus, mais la construction d’un gibet nécessite au minimum deux ouvriers. 18 Spécifiquement. « Et je serviray par exprès/ Ceste chambèrière joyeuse. » Le Cousturier et son Varlet. 19 Par-dessus tous les autres. 20 Depuis longtemps. 21 Dans cette locution, seul l’adjectif puissant est mixte : « Forte et puissant com ung lyon. » Les Sotz fourréz de malice. 22 Cette question souligne l’ambiguïté de ce que vient de dire Aman : la « poutre » désigne un gros pénis, et « tout outre » veut dire « au travers du corps ». 23 Éd : le (Aman indique la cour de son palais, devant la fenêtre.) 24 Pour vous la faire spécialement, sur mesure. 25 Les Mystères de la procession de Lille* comportent le même vers dans une scène équivalente, bien que totalement dépourvue d’humour. (*Éd. Alan Knight, Droz, 2004, t. III, p. 429.) Pour une fois, le prévôt ne respecte pas à la lettre les ordres de son épouse : elle réclamait « une bien grant poultre/ De soixante couldées de hault,/ Qui pour ung gibet assez vault ». 26 Éd : Et (Dans quel style ?) 27 Les charpentiers s’en vont. Dessous, les imprimés répètent la rubrique Aman. 28 Se balancer « puis çà, puis là, comme le vent varie ». Villon, Ballade des pendus. 29 Éd : me (Sans que je ne vienne m’habiller devant cette fenêtre.) 30 Tout est fait. La potence est installée dans la cour du prévôt. 31 Poteau. 32 Pendu. 33 Il ne risque pas de tomber. 34 Sinon par la faute de celui qui aura tressé une mauvaise corde. 35 Aman est condamné à être pendu chez lui, à son propre gibet. Son serviteur court avertir Zarès, l’épouse du prévôt, qu’elle doit s’enfuir ; cette femme étant a priori une ancienne prostituée, leur conversation a des relents d’argot. 36 Fuir (argot). Idem vers 93. Cf. le Mince de quaire, vers 151 et 259. 37 Trompé. 38 Es-tu sûr de ce que tu dis ? 39 Dans ce palais où nous sommes. 40 Prendre l’or et décamper. Idem vers 93. Cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 126. 41 Sûr. Zarès commence à remplir ses poches et celles du serviteur, avec qui elle compte s’enfuir. 42 De soudoyer les gardes. Cf. Marchebeau et Galop, vers 10, 140, 217, 303. 43 Emportez peu de choses difficiles à écouler. 44 Si vous pouvez. « Vous souvienne aussi/ Vous repentir, et de ne laisser rien,/ Que vous puissiez. » Le Plaisant boutehors d’oysiveté. 45 Fuyez au loin, déguerpissez ! « Brouez au large, et vous esquarrissez ! » Villon, Ballades en jargon, 8. 46 De prendre la porte, de partir. 47 Tu dois finir, mourir. 48 J’utilise encore l’imprimé de Jehan Réal, celui de Pierre Le Dru, et celui de Trepperel. Le passage que je reproduis s’intitule De la tour Babel. 49 Les tuileaux sont des briques en argile cuite : « Il nous fault faire des tuilleaux/ Que par feu désormais cuyrons :/ Par ce point, les endursirons. » (Viel Testament.) Pour plus de clarté, je sépare avec un tiret les noms composés. 50 Qui gâte le bois qu’on lui confie. « Gaste-plastre, Gaste-bois, Gaste-cuirs : se dit des compagnons ignorans qui gastent les matières qu’ils employent. » Furetière. 51 On s’attendrait à ce que le manœuvre des maîtres compagnons fabrique du mortier, mélange de sable et de chaux délayés dans l’eau. Mais pas du tout : d’après son nom, il pile des ingrédients dans un mortier pour faire de la sauce. Rabelais donna ce patronyme à un cuisinier : « Grasboyau, Pillemortier, Leschevin. » (Quart Livre, 40.) Il fut suivi par Bruscambille : « Monsieur Pillemortier : De la manière de faire tourtes. » (Prologues tant sérieux que facécieux.) 52 Ce couvreur (vers 29) travaille sur le toit : il a donc le cul au vent. Avec moins d’à-propos, la Vengance Nostre Seigneur en fait un soldat ; lui aussi a besoin d’être incité au travail : « Cul-esventé, tu ne faits rien :/ Besongne ! » 53 De bon vin (argot). Cf. le Munyer, vers 12. 54 Il y a. 55 Un bassin assez grand pour le contenir. 56 Chus, Jétran, Chanaan et leur chef Nemrod contestent un abus de pouvoir dont ils sont les victimes innocentes. Leur ancêtre Noé, soûl comme un cochon, fut trouvé par terre, dormant avec le sexe à l’air. Cela provoqua l’hilarité de son fils Cham. Contre toute logique, l’obscène poivrot crut devoir punir la future descendance de Cham : elle fut maudite et réduite en esclavage, alors qu’elle n’était pour rien dans les bouffonneries du nouveau Silène. Bref, les quatre victimes de cette injustice approuvée par Dieu veulent bâtir une tour qui monte jusqu’au ciel. 57 Avec nous. Cf. l’Homme à mes pois, vers 407. Cette locution adverbiale est originaire de Picardie : René DEBRIE, Glossaire du moyen picard, p. 329. 58 À notre but. Cf. Chagrinas, vers 350. 59 Nous ne feignons pas de travailler. 60 En leur sujétion : à leurs ordres. Cf. Folconduit, vers 70. 61 Qu’on lui exécute vite. 62 Dont il va tracer le plan. 63 Rien à. 64 Pour peu que nous soyons dirigés. 65 Éd : que (Nous ne nous montrons pas novices.) 66 Le plan. 67 Construire. 68 Qu’avant qu’elle ne soit achevée. 69 Nous allons nous mettre au travail. 70 Nemrod est un peu détraqué. 71 Est difficile à aborder. 72 Les gens comme nous ne font pas crédit. 73 Il faut faire diligence. Idem vers 87. 74 Ce mot était parfois féminin. « C’est une ouvraige si bien faicte. » Viel Testament. 75 Payés. 76 Il me tarde de la voir commencée. 77 Si on veut en venir à bout. 78 Je vais. 79 Je porte déjà la hache de Gâte-bois sur mon épaule. 80 Délaye du plâtre dans beaucoup d’eau. Les vers 101-108 constituent un triolet. 81 La moitié d’une auge. Cette partie du Viel Testament fut composée par un Picard ; on prononce donc « augie », qui rime avec cognie et diablerie. 82 Du merrain, du bois de charpente. 83 Le plâtre doit-il être bien délayé ? 84 Assez ferme pour que je puisse le jeter à la volée avec ma truelle. 85 Ma cognée, ma hache. Prononciation picarde. 86 Les comédiens hissent sur des montants une fausse tour en toile, comme ceux de la Vengance Nostre Seigneur : « Ilz lèvent icy une tourelle faicte de toille. » 87 Une véritable. « Pas ne ressemblent les [aux] maçons,/ Que servir fault à si grant peine. » Villon. 88 Quand il a les moyens de travailler à son compte. Allusion méprisante au fait que Pile-mortier n’a pas de tels moyens. 89 Le travail qui a déjà été fait. La chambrière paresseuse de Tout-ménage a pour nom Besongne-faicte. 90 Dieu tremble pour ses privilèges ; afin de saboter l’ouvrage des humains, il décide que « charpentiers, maçons,/ En soixante-et-douze façons/ Parleront, et nul n’entendra/ Ce que son compaignon vouldra ». 91 Forme picarde de « encore ». Voir Debrie, Glossaire du moyen picard, p. 165. « Encoire viendra ung déluge (…),/ Par quoy fault faire une tour haulte. » Viel Testament. 92 Votre doloire [hache]. C’est un mot picard : Debrie, p. 153. 93 Il tend une bouteille de vin à Gâte-bois. « C’est du meilleur que je beuz oncques. » Le Gentil homme et Naudet. 94 Éd : quauons (Prenez ces tuiles.) 95 Clou servant à fixer l’ardoise sur les lattes d’un toit. « Clou à latte pour empléer en la couverture de la pierre ardaise sur troys maisons. » ATILF. 96 Une poutre équarrie qui supporte les lattes et l’ardoise du toit. Il vaut mieux qu’elle ne soit pas pourrie ! 97 Je l’ai récemment éclaircie, fourbie. 98 Terme d’injure qui vise les faux savants. « Dictes-vous vray, maistre Accipé ? » (Dyalogue pour jeunes enfans.) « Quel maistre Accipé/ Vécy ! » (Le Capitaine Mal-en-point.) La transcription de Rothschild* est à revoir, et son vers 37200 doit se lire ainsi : « Tenez, tenez, maistre Accipé ! » *Le Mistére du Viel Testament, t. I, 1878, p. 270. De même, la transcription de la Vie de sainct Didier par J. Carnandet est fautive p. 347, où le ms. porte : « Maistre Accipé de Barbarie,/ Docteur en choppinacion [en soûlerie]. » 99 Devenus fous. 100 Égarés. 101 Pour calfater le toit. 102 Il n’a pas fini, celui qui commence. Les fondements de la tour ont précédé sa construction (vers 60). 103 Le gag de la langue inconnue plaisait aux acteurs : pour s’en convaincre, il suffit d’écouter le Pèlerin de Colin filz de Thévot (vers 245-294). 104 Éd : brouet (La rime est en -onet. Le « n » à l’envers est la faute d’impression la plus fréquente.) 105 Emanuele ARIOLI vient de publier une étude d’un extrême intérêt : La Tour de Babel dans le théâtre de la fin du Moyen Âge : le Mystère du Vieil Testament. Le médiéviste franco-italien propose de lire ici : Quanta, che so alla metà ? « Pourrait-on comprendre le premier vers comme ‟Combien, car je suis à la moitié” ? Il pourrait se référer à la tour inachevée ou alors à l’auge à moitié pleine (‟Une demye augee”). Pourrait-on entendre le deuxième vers comme ‟Votre seigneurie l’a nettoyée” (‟l’ha pulita” en italien) ? Il pourrait faire allusion à la ‟truelle.. / de nouveau esclarcie”. Dans le troisième vers, ‟volle dare” signifie ‟voulut donner” : faut-il entendre ‟A-t-il voulu rejeter la faute sur toi” ? » 106 En latin, volo dare = je veux donner. Culpā tuā = par ta faute.