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LE MESSAGER ET LE VILLAIN

Bibliothèque nationale de France

Bibliothèque nationale de France

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LE  MESSAGER

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ET  LE  VILLAIN

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Beaucoup de Mystères comportent une scène opposant un messager qui demande son chemin à un paysan, lequel prend un malin plaisir à le « faire marcher » dans tous les sens du terme ; voir par exemple la Vie de sainct Christofle. C’est aussi le cas du Mystère de saint Clément de Metz (~1440), d’où je tire ces trois petites farces indépendantes du drame.

Le messager se nomme ici Mange-matin [goinfre], comme l’un des sergents du Geu saint Denis. Nous le retrouverons dans Massons et charpentiers. À l’instar de tous ses congénères, il fait grand usage d’une bouteille de vin pendue à son col : « Dire vous vueil grande merveille. / Mais premier, me fault ma bouteille / Baiser. » Les paysans n’aiment pas les messagers, ces porteurs de mauvaises nouvelles et ces annonciateurs de guerres qui les traitent avec condescendance et brutalité ; aussi, quand notre laboureur confond saint Félix avec l’un d’entre eux, il s’en excuse vivement.

Sources : La Vie et les Miracles de saint Clément, évesque de Metz. Malheureusement, ce manuscrit du XVe siècle disparut en 1944, après l’incendie du fort qui abritait les incunables de la bibliothèque de Metz. Heureusement, Charles ABEL l’avait publié : Le Mystère de St Clément. <Rousseau-Pallez, Metz, 1861.> Malheureusement, la plupart des 141 exemplaires de cette édition furent victimes d’un nouvel incendie chez l’imprimeur. Heureusement, on en sauva quelques-uns. Malheureusement, l’avocat Charles Abel n’était pas médiéviste, et sa lecture du manuscrit demande quelques améliorations. Heureusement, le philologue Fritz TINIUS en publia des extraits plus corrects : Studien über das Mystère de Saint Clement. <Greifswald, 1909.> Malheureusement, aucun des textes que j’ai choisis n’y figure. Heureusement, Tinius avait recopié tout le manuscrit, et son travail de fourmi est déposé aux Archives de l’Université catholique de Louvain-la-Neuve, sous le nº 218 du Fonds Stengel. Malheureusement, je n’allais pas me taper les 9 220 vers qu’il empile pour n’en garder que 430. Heureusement, Jean-Charles HERBIN a reproduit certaines leçons de Tinius : Du nouveau sur le Mystère de saint Clément de Metz. <Romania, vol. 132, nº 527-528, 2014, pp. 428-460.> Il s’agit là d’un compte-rendu de lecture de l’édition critique fournie par Frédéric DUVAL : Le Mystère de saint Clément de Metz. <Droz, 2011.> J’utiliserai donc prioritairement Tinius revu par Herbin (T-H), puis Abel (A), et enfin les corrections de Duval (D). Lorsque je conserve faute de mieux les « restitutions » d’Abel, je les imprime en bleu clair. Mes modifications personnelles sont toujours entre [ ], et mon relevé des variantes ne tient pas compte des « restitutions », qui ne proviennent pas du manuscrit.

Structure : Rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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                        LE  MESSAGER

        Je requiers à Nostre Seignour

        Que grâce me doint d’esploitier1

        À Rom[m]e2 le grant droit sentier.

        Aler me convient, bien le voy ;

5      Et se3, ne sçay (en bonne foy)

        Quel chemin me convient tenir.

        Je voy là ung villain venir,

        Tout bossu et tout contrefait.

        Parler vueil à lui de bon hait4,

10    Savoir s’enseigner me vouldroit

        Lequel chemin est le plus droit

        D’aler en la cité de Romme.

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                        Icy, doit parler le Messager au Villain :

        Dieu vous ait5, Dieu vous ait, proud’omme !

        Dieu vous envoit joie et santé !

15    Je vous requier, par grant bonté,

        Que m’enseigniez le droit sentier

        À Romme, car j’ay grand mestier

        D’esploitier sans faire séjour6.

                        LE  VILLAIN

        Par Dieu ! j’ay à non7 « Jehan Dufour »,

20    Le plus méchant8 de nostre ville.

        Se ma femme heust esté soustille9,

        Nous heussions esté riches gens :

        S(e) heussions mené les vaiches aux champs,

        Je n’eusse pas heu tant de paine.

25    Et ! ce m’est choze trop grevaine10

        De labourer à col tendu11.

                        LE  MESSAGER

        (Se Dieu me gart d’estre pendu,

        Vécy grand rage de cest homme !)

        Proud’on12, où est le chemin à Romme ?

30    Je vous requier en bonne foy

        [Que] ne me faites point d’annoy13 :

        Dittes-le-moy sans varier14.

                        LE  VILLAIN

        Je ne sçay riens de charier,

        Par Dieu, ne de mener chevaulx.

35    Je sçay mieux garder les pourceaulx :

        C’est ung mestier pour reposer,

        Et je n’é mestier de choser15.

        Tu le vois bien à mon maintien.

                        LE  MESSAGER

        [Foy que je] doy saint Gracïen16 !

40    [Vois-je17], maugracïeux villain,

        [Attendre] jusques à demain ?

        [Parlez], villain bossu dérous18 !

        [Je veulx que] puissiez estre cous19

        [Et battu] en une journée,

45    [Se ne dictes]20 sans demourée

        De Romme le chemin ; ou senon,

        [Vous aurez] ung coup de baston21.

        [Vous me fai]tes trop sermonner.

                        LE  VILLAIN

        En quel lieu me veulx-tu mener

50    [Au ser]mon ? Je n’en ay que faire ;

        [Mais qu’il]22 ne te vuelle desplaire,

        [Déjà] je suis bien sermonné :

        [Chez moy], je suis bien23 atourné

        [Quant] je reviens des champs, par m’âme !

55    [Mal-]assenée24, nostre famme,

        [Ne] cessera de rioter25 ;

        Et il me convient le26 porter :

        Autrement, je n’aroie pas paix.

                        LE  MESSAGER

        Je n’eusse peu croire jamais27

60    (Par l’âme qui ou28 corps me bat)

        Que tu sceusses tant de débat,

        Telz truffes29 ne telz mocqueries.

        Je te pry que plus ne varies :

        Il est heure de moy partir.

65    Je t’en pry, dis-moy sans mentir

        Mon chemin le plus droit à Romme.

                        LE  VILLAIN

        À Romme ? Il n’est30, d’essy là, homme

        Qui31 mieux le te sceût enseigner

        Sans toy nullement engigner32.

70    Tu ne povoies mieulx assigner33 :

        Oncques ne feis que cheminer34.

        Par foy35 ! j’en suis trètous bossu.

        J’ay esté fort, et bien ossu,

        Ung tems passé ; et cheminoie

75    À deux piés comme fait une oie36.

        Et il me fault aler à trois37.

                        LE  MESSAGER

        Je vous pry à ung mot courtoix,

        Beau père38 : sans tant sermonner,

        Dittes-moy où je doy tourner.

80    Ou senon, que je m’en revoise39.

                        LE  VILLAIN

        Ho là ! ne faisons plus de noise,

        Nous avons assez estrivé40.

        Tu iras droit à Saint-Privé41.

        Et de Saint-Privé, à Moullins :

85    C’est le chemin des pellerins

        Droit à Boulogne-sur-la-Mer42.

        [Va] à Béthune, à Saint-Thomer43.

        De là, t’en iras sur le Ryn :

        À Coulogne c’est le chemin44.

90    De là, t’en iras à Arras,

        À Bruges ou à Carpantras45,

        [Ou] à l’Escluse46 aux harangs frais.

        Et de là, t’en iras après

        À Callés et à Canthorbie47.

95    Que ton chemin ne perdes mie !

        [Puis iras] tout droit à Rouen ;

        [Ou se tu v]eulx, à Saint-O[u]en.

        [Finiras dr]oit à Montfaulcon48,

        [Où finit] notable maison.

100  [Tu iras à Rains49], à Angiers.

        [Aler tu p]eulx droit à Louviers.

        [De là, à] Troyes-en-Champaigne.

        [Pour que tu] n’aies tant de paine,

        [Vécy ung bien] plus court chemin :

105  [Tu iras] droit à Saint-Quaintin50,

        [À Alen]çon et à Soissons,

        [Puis en Avign]on, à Lyons,

        [En Ber]ry et en Bourbonnois,

        En Brethaigne et en Gathinois51,

110  En Portugal, en Arragon.

        C’est ung chemin notable et bon.

        Puis revendras droit en Bourgogne

        (C’est le [plus] seur52 de ta besongne),

        À Salins, et droit à Saint-Glaude53.

115  Et là, aras-tu une chaude54

        [De] monter le mont des Faucilles55 :

        Autant vauldroit jouer aux guilles56

        Que d’avoir cest ébastement !

        Et là, verras-tu franchement

120  Que jamais ne pourras fa[i]llir

        À ton chemin tout droit tenir

        À Romme, la noble cité.

        Or me suis-je bien acquitté

        De toy montrer la droite sente.

125  Je me fais fort — et sy, me vente57

        Que n’est [nul] homme en la contrée

        Qui58 la voie mieulx t’eust monstrée.

        Quant te plaist, tu t’en pues aler59.

                        LE  MESSAGER

        Deables vous apprist à parler,

130  Or[d]60, vil, sanglant villain derrous !

        Je vous romperé tout de coups !

        M’enseignez-vous donc telle voie

        Où n’ait enseigne ne monjoie61 ?

        Teneis, allez vous reposer !

135  Et s(e) ad ce voullez opposer62,

        Vous aurez cela et tant moins63 !

        Vous m’envoiez de Bruge(s) à Rains,

        En Bourbonnois, en Arragon ?

        Or tenez ce coup de baston !

140  Villain,  deables vous ont cy apporté !64

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                        LE  VILLAIN,  se frottant l’eschine :

        Lasse ! com’ sui desconforté,

        Maleureux et povre méchant !

        Il m’en fault aller tout clochant65

        En la maison Ma[l-]assenée66.

145  Certes, elle sera desvée67

        Et hors du sens, quant me verra.

        Je sçay bien que ne se pourra

        Tenir de moy bien lédenger68.

        Or est-il bien en grant denger,

150  Par m’âme, qui69 est marié !

        Encore en [est-]il harié70.

        Il me convient bien que g’y aille.

        Or avant, sus ! Va[i]lle que va[i]lle,

        [J’iray luy]71 dire mon méhain ;

155  Mais je sçay bien, tout de certain,

        Qu’elle menra jà grant tempeste.

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                        Icy, le Villain doit parler à

                        sa femme, et dire ainsy :

        Je suis venu72. [N’]esse grant feste73,

        Par m’âme : j’en revien clochant.

                        LA  FEMME

        Ha, que tu seras [bon] truant74 !

160  M[on Dieu], est-il bien méhaigné75 !

        [Il a son trav]ail bien waigné76 :

        [Il a] toute la hanche route77.

                        LE  VILLAIN

        [Hélas, Mal-]assenée ! Escoute,

        [M’amie] : je suis tout derrous.

                        LA  FEMME

165  [Par m’âme !] vécy grant courrous,

        [Grant dammage] et grand desplaisance.

        [Par Nostre] Dame de Lience78,

        [Vécy] bien piteuse journée !

        Ô doulce Vierge couronnée !

170  Quelz gens avez-vous rencontré(s) ?

                        LE  VILLAIN

        A ! en mal an79 soit-il entré(s),

        Qui80 ce m’a fait, et en mal jour !

        A ! m’amie, ma suer81, m’amour :

        Ç’a fait un messager, par m’âme !

                        LA  FEMME

175  Ung messager ? Par Nostre Dame,

        C’est82 bien fait ! Dame83 glorïeuse !

        Jamais parolle gracïeuse

        De vostre bouche n’istrera84.

                        LE  VILLAIN

        Je voy bien qu’il me convenra85

180  (Par m’âme) prendre en pacience,

        Et mes maulx mettre en oubliance.

        À ma femme n’en chaut86 que peu ;

        Par Dieu, el(le) ne donrroit ung cleu87,

        S’on me metoit demain en terre.

                        LA  FEMME

185  Or pleust à monseignour saint Pierre,

        Villain, qu’en88 feussiez seppelit !

        Oncques un seul jour n’eus délit89,

        Joie ne soulas, aveuc vous.

        Vous estes bossus et derrous.

190  J’ay toute perdue ma jouvente90.

        Vous n’aurez jamais aultre entente91

        Que d’avoir une grosse escuelle

        De mattons92, et seoir sur la celle

        En l’aatre93, comme un pouppart.

195  Avoir de la joutte94 et du lart,

        Par foy, c’est toute vostre vie.

        Hé, Dieu ! com’ je feis grant folie

        Quand je vous pris ! Je m’en repens,

        Par Dieu ! Si vous viviez cent ans,

200  Tousjours ar[oi]es95 paine et doullour.

        Bien fûtes plein de grant follour96,

        [Et] de sottie, et d’envoiseure97,

        Quant premier meistes vostre cure98

        De prendre femme en mariage,

205  Qui99 ne sçavez riens de mesnage.

        Se bien vous vient, c’est aventure100.

        Bien estes meschant créature.

        Allez[-vous-]en, villain paisant101 !

        À personne n’estes plaisant.

210  Jamais jour102 ne vous serviray.

                        LE  VILLAIN

        A ! ma suer, je m’adviseray103.

        Pour Dieu, ne me délaissiez mie !

        Je suis à la fin de ma vie.

        Par foy ! jamais ne vous diray

215  Desplaisir, se ne suis en ivray104,

        Hors mes sens, ou matelineux105

        [Du tout]106. Encore amé-je mieulx,

        M’amour107, que vous soiez jolie,

        [Gaye, mignote]108 et envoisie.

220  [Je feray] tout vostre vouloir,

        [Quant bien je] m’en deusse douloir109.

        [De moy] ne partez, je vous prie !

        [Se demourez,] ma doulce amie,

        [Je vous feray] assez de bien110.

                        LA  FEMME

225  Loué en soit saint Gracïen !

        Mon mari devient ung peu sage.

        Onc(ques) ne [le] veis en tout son âge111

        Plus gay, plus joly. Tant112 plus vault !

*

Un autre jour, le messager demande l’heure au paysan : les hommes des champs vivent au rythme des cloches et savent toujours quelle heure il est, sauf quand ils sont aussi sourds que notre vigneron… Les deux ennemis ne se reconnaissent pas. Pour des raisons pratiques, je continue le numérotage des vers.

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                        LE  MESSAGER

        Dites-moy tost, se vous voullez,

230  Quelle heure il est, je vous en prie113.

                        LE  VILLAIN

        En Brie, compains114 ? Dieu vous conduie !

        Ha, la bonne contrée, par m’âme !

       Je voudroie que moy et ma femme

        Fussiens demourans à Paris.

235  Hé, Dieu ! quant esse bon païs115 !

        Je suis dollant que n’y demourre.

        Toute jour116 me tue et laboure :

        À paine ai-ge pain à mengier ;

        Encore l’ai-ge à grant dengier.

240  Et  se g’y estoie, à l’adventure,

        Je porteroie l’enffeutrure117.

        Au moins, j’aroie118 fructus ventris.

        Se piessà m’en fusse près pris119,

        Il m’en fust mieulx, bien dire l’ose.

                        LE  MESSAGER

245  N’arai-ge de vous aultre chose ?

        Dites, villain ! Parlez à moy,

        Ou (foy que je doy saint Elloy)

        Vous saurez que mon baston poise120 !

                        LE  VILLAIN

        A, dea ! où veulx-tu que je voise121 ?

250  Tu ne sces comment122 je cheminne :

        Par Dieu ! quand je vois123 en la vigne,

        G’y mès, à venir, demi jour.

        Je te requier par fine amour124 :

        Laisse-moy issy, s’y te plaist !

                        LE  MESSAGER

255  Dites-moy doncq quel heure il est !

        Vrament, vessy grant deablerie !

                        LE  VILLAIN

        Quelle heure il est ? Sainte Marie !

        C’est forte chose125 à deviner.

        Or, par ma foy, j’y vueil penser ;

260  Jà tost le te saray à dire126.

                        LE  MESSAGER

        Abrégez-vous127, je vous pry, sire !

        Certes, vessy grant villonnie128 !

                        LE  VILLAIN

        Il est les douze et la demie129.

        Par foy ! il est tems de dîgner130.

265  Dis-moy : où veulx-tu cheminer ?

        La chose est-elle moult hâtive131 ?

                        LE  MESSAGER

        A ! Jésu Crist, quel rétentive132 !

        Tant de fois lui ay recordé133 !

        N’est [homs qui]134 n’en fust alourdé.

270  Huy, ne [luy] demande aultre chose

        Que me meist en135 chemin de Gorze.

        Vessy moult grande ruderie,

        Grant despit et grant mocquerie

        De ce villain. Pendu soit-il !

                        LE  VILLAIN

275  Foy que doy moy136 ! Compains gentil,

        Je vous enseigneré la voie,

        Je vous promés, se Dieu me voie137.

        Je vous diray tout proprement

        Le chemin, par mon sacrement,

280  Aussy droit comme une faucille138.

        N’est pas tout vray comme Euvangille

        Quanque139 je dis, soiez certain.

        Mais, foy que je doy saint Guilain140,

        Tu me sembles fort et habille141.

285  Premier, iras à Thïonville,

        À Luxembourc, à Saint-Hubert.

        Et pour tenir le plus couvert142,

        Le meilleur et le plus commun,

        T’en revenras droit à Verdun,

290  À Clermont [et] ès bos143 d’Argonne.

        Et affin que tu environne

        Le païs144 et qu’i t’en soubviengne,

        Au Neuf-Chastel145 (droit en Lorraine),

        À Widesmont146, à Espinal.

295  Et se tu veulx descendre aval

        Pour trouver la voie plus belle,

        Venras à Chastel-sur-Mézelle147,

        À Thoul et à Vorengéville148,

        À Nensey149 puis à Gondreville,

300  Et (sans faire plus lonc sermon)

        Le grand chemin droit à Mousson.

        De là, ne pourras-tu fa[i]llir

        — Se tu ne veulx plus loing sa[i]llir —

        Que ne voises tout droit à Gorze.

                        LE  MESSAGER

305  Par saint Jehan ! Villain, je m’oppose

        À vos dis et à vo conceil150.

        Deablement avez grant flaveil151 !

        Qu’en mal an et malle sepmaine,

        En maul jour et en male estraine152

310  Soiez-vous mis ! Tenez cela !

        Tenez ! Tenez ! Dormez-vous153

        En attendant que je reviengne154 !

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                        LE  VILLAIN

        Ay mi155 ! il m’a rompu l’eschigne,

        Tant m’a féru despitement156.

315  Morir puist-il villainement157 !

        Jamais ne pourré labourer.

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                        LA  FEMME 158

        Je ne veis oncques demourer

        (Par mon serment), qu’i m’en soubviengne159,

        Mon mari sy tart à la vigne.

320  Par foy ! je doubte160 qu’i ne soit

        Malade, voire, ou [bien] qu’il n’ait

        Quelque accident. G’y vueil aler :

        Je n’en puis riens plus supposer161.

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        Ha, Nostre Dame de Boulogne !

325  Qui vit oncq-mais telle besongne162 ?

        Ha ! Jehan Dufour, ami, quel ch[i]ère163 ?

        Ce n’est pas cy belle manière.

        Ay my, lasse, desconfortée !

                        LE  VILLAIN

        Vous faites la chatte mou[i]llée164.

330  A ! sainte Marie, quel feste !

        Comment ? elle [a] mal en sa teste165 ?

        Par foy ! je sui bien assené166.

        Sytost que j’ay le dos tourné,

        Par foy, vous me faites la nicque167.

335  A ! Nostre Dame, quel pratique !

        Esse bien joué de sa168 dame ?

        Elle fait semblant qu’elle m’ame169 :

        Elle vouldroit que fusse en bière170.

        Mais c’est des femmes la manière :

340  Souvent jouent de passe-passe171.

                        LA  FEMME

        Et que voulez-vous que je fasse ?

        Dittes, sire ! Je vous cuidoie

        Faire joieulx, et y prenoie

        Plaisir plus qu’à nulx homs172 vivant ;

345  Et je voy bien, dorénavant,

        Que j’ay perdu tout mon labour173.

                        LE  VILLAIN

        A ! Dieu, escoutez le bon tour !

        Par foy ! vélà cy bien trouvée.

        Ma femme s’est bien esprouvée174 :

350  Elle m’aime mieux que no prestre175 ?

        Par Dieu ! elle me menroit pestre176

        Bien souvent ; et dit bien et bel,

        Des nues, que ce sont pel de veel177.

        Je suis bien marié, par m’âme !

                        LA  FEMME

355  A ! glorïeuse Vierge, Dame !

        Cest homme est entré en fantosme178.

        Foy que doy monseigneur saint Cosme !

        Jehan Dufour, vécy laide chose.

                        LE  VILLAIN

        Je t’en pry, que point ne me chose179 :

360  Va-t’en d’es[s]y, car tu m’ennuye !

                        LA  FEMME

        Bien doy180 haïr toy et ta vie,

        Méchant villain bossu derrous !

        Bien doy avoir au cuer courrous.

        Quant oncques te veis, fut dammage181.

365  Il geist issy comme une vache ;

        Or, fais du pis182 que tu porras.

        Mais de cest an, ne me verras.

        Je me tenré gaie et jolie183.

*

Saint Félix, à la recherche d’un messager, se renseigne auprès du vigneron sourd, qui le prend lui-même pour un représentant de cette profession exécrée. Il faut vraiment que le saint soit confessé de frais !

.

                        [SAINT]  FÉLIX

        Ho, beau père ! Ho, beau cousin !

370  Parlez ! Dieu vous met’ en bon an184

        [Et vous doint joye et santé !]185

                        LE  VILAIN

                                                             Han186 ?

        [Han ? Han ?] Quel choze [me] dit-on ?

                        [SAINT]  FÉLIX

        Il est en Vermendois, proud’on,

        « Han ». Ne le saviez-vous [donc] mie ?

                        LE  VILAIN

375  Nennin, par la Vierge Marie !

        Ha ! sire, dea, ne vous desplaise :

        Je cuidoie (foy que doy saint Blaise)

        Que vous fussiez ung messager.

        A ! il[z] m’ont, hui, fait enrrager !

380  Ce sont très maulvaise(s) mardaille187 !

                        SAINT  FÉLIX

        Coisiez-vous188, proud’on ! Ne vous chaille :

        Il fault tout prendre en pacïence.

                        LE  VILLAIN

        Par Nostre Dame de Liance !

        Syre, non189 (se Dieu me sequeure),

385  Je ne sçay où elle190 demeure :

        Je ne vous saroie l’enseigner.

                        SAINT  FÉLIX

        Or vessy bien pour soy seignier191 !

        Qui « enseigner » ? Dieu, quel science !

        [Qui « enseigner » ?]

                        LE  VILLAIN

                                           Qui ? Pacience :

390  Ne la demandez-vous pas, sire ?

                        SAINT  FÉLIX

        C’est issy assez pour bien rire,

        Qui aroit bonne voulenté192.

        Adieu ! Dieu vous envoit senté !

        Proud’on,  je m’envois ; à Dieu vous commant193 !

395  Adieu, villain !

.

                                 Mès advisez comment

        Ce proud’on respont aux pensées !

        Il m’eust jà tenu trois journnées,

        Se l’eusse194 voulu escouter.

        Je ne saroie raconter

400  Son parler195 en une heure entière.

        C’est la chansson de la Bergière196 :

        Tousjours est-ce à recommancier.

        ………………………….. 197

        J’ay là trouvé ung pellerin198,

        Ung homme de peu de value ;

405  Il se tient tout enmy la rue ;

        Il ne respont riens à proppos.

                        LE  MESSAGER

        A ! sire, par foy : c’est ung sos199.

        Il respont tout par enbagés200.

                        SAINT  FÉLIX

        Je vous pry que vous201 abrégez !

410  Passons tost, sans nul mot sonner :

        Il nous vouldroit arrésonner202.

        Je sçay bien qu’il ot203 ung peu dur.

        Soiez hardiement tout asseur204,

        Et passez tost et vitement !

                        LE  MESSAGER

415  Voulentiers, par mon sacrement205 !

        Allez devant, tost cheminez !

.

                        LE  VILLAIN 206

        Ho ! syre, sire, revenez !

        A ! dea, vous doubtez le babbou207 ?

                        SAINT  FÉLIX

        [ Or paix, villain !

                        LE  VILLAIN

                                        Harou !! harou !! ]208

                        LE  MESSAGER

420  Or paix, villain ! Demourez là !

        A ! dea, villain, esse cela ?

        Vous mocquez-vous des compangnons ?

.

                        LE  VILLAIN

        Ore (par Dieu ne par ses noms209),

        C’est bien passe[r] en larressin210 !

425  A, quelz esplucheurs de pressin211 !

        Sont-ilz bien passés coiëment212 !

        Or (par Dieu qui ne fault213 ne ment),

        Je cuide, par ma grant science,

        Que c’est cil qui quiert214 Pacience :

430  Il a215 trouvé ce qu’il quéroit.

*

1 De parcourir. Idem vers 18. « Exploitons chemin ! » ATILF.   2 De Rome. Idem vers 17, 29, 66 et 122. Que Dieu me donne la grâce de suivre le bon chemin pour Rome. On voit qu’en dépit du proverbe, tous les chemins ne mènent pas à Rome.   3 Et pourtant.   4 De bon cœur. Le messager et le vilain se sont déjà disputés au tout début du Mystère, mais curieusement, chacune de leurs rencontres annule les précédentes. Il en est de même pour les maçons que le messager recrute à plusieurs reprises comme si c’était la première fois. On pourrait croire que deux auteurs ont travaillé sur cette œuvre indépendamment, ce qui ne serait pas un cas unique : voir le chanoine Pra et Claude Chevalet pour le Mystère des trois Doms.   5 Que Dieu vous aide ! « Dieu vous aist, Dieu vous aist, prod’ome ! » St Clément.   6 J’ai besoin de le suivre sans tarder.   7 J’ai pour nom. Le paysan est très sourd et comprend tout de travers ; il croit que le messager lui a demandé son nom.   8 Misérable. Idem vers 142, 207 et 362.   9 Subtile. Ses frères ont hérité des troupeaux, tandis qu’elle ne recevait qu’une modeste vigne. Voir la note 2 de Raoullet Ployart.   10 Pénible.   11 Avec effort. « Ouvrer vueil à col estendu. » St Clément.   12 Prud’homme, homme sage. Même flatterie injustifiée aux vers 13, 373, 381, etc. « Où est » se prononce « wé » en 1 syllabe : voir ma préface.   13 D’ennui, de difficulté.   14 A : harier  (Sans tergiverser. « Je m’en vais sans plus varier. » St Clément.)  Le sourd a entendu « sans charrier » : sans conduire une charrette attelée.   15 Avec les porcs, je n’ai pas besoin de me quereller. Idem vers 359. « On ne vous devroit mie choser. » (St Clément.) Préférer garder des cochons est le summum de la rustrerie : « Je veulx garder les pors ! » Le Villain et son filz Jacob.   16 Par la foi que je dois à St Gratien. Voir les vers 247 et 283.   17 Vais-je. Idem vers 251 et 394. « Je voys atendre icy devant. » Lucas Sergent.   18 Brisé ; participe passé de dérompre. Idem vers 130, 164, 189 et 362. L’auteur anonyme est lorrain : son vocabulaire et sa graphie s’en ressentent, même s’ils sont imprégnés de picard et de wallon.   19 Cocu : « Les femmes font coux leurs maris. » (Les Esbahis.) Dans les farces, beaucoup de maris trompés sont battus par leur épouse : « Marié, coqu, battu. » Rabelais, Tiers Livre, 20.   20 A : [Vous me] dist  (Si vous ne dites pas sans retard. « Allons-nous-en sans demourée. » Le Mince de quaire.)   21 « Vous aurez cent coups de baston ! » (Le Pasté et la tarte.) Le « bâton » des messagers est une lance au bout de laquelle flotte la bannière de leur patron. Notre messager dit ailleurs : « Ma lance prendrai vistement. » Voir les vers 139 et 248.   22 A : [Por c]eu  (Ne t’en déplaise. « Mais qu’il ne vous vueille desplaire. » Le Médecin qui guarist.)   23 A : tel  (Bien accablé. « Me voicy bien atourné. » Frère Guillebert.)   24 Nom générique des femmes mal mariées : « Mon père avoit nom Rien-ne-vault,/ Et ma mère Mal-assenée. » (L’Aveugle et Saudret.) Voir la note de Duval. L’épouse du laboureur est encore nommée ainsi aux vers 144 et 163. L’autre fatiste baptisera de la sorte la femme d’un pilier de tavernes : cf. Massons et charpentiers, vers 342.   25 De me quereller. Cf. le Ribault marié, vers 116.   26 A : de  (Il faut que je le supporte. « Il m’est mestier [nécessité]/ De le porter pacïemment. » Les Gens nouveaulx.)   27 Je n’aurais jamais pu croire.   28 Au. « Qui ou corps nous ait rendu vie. » St Clément.   29 Plaisanteries. « Sans truffe ou sornette. » Le Testament Pathelin.   30 A : n’y ait  —  D : n’ait  (Il n’y a pas, par ici, un seul homme qui.)   31 T-H : Que  —  A : Qui   32 Sans te tromper aucunement.   33 Mieux choisir.   34 Je ne fis jamais autre chose que voyager.   35 Par ma foi ! Idem vers 196, 214, 264, etc.   36 Par conséquent, il se dandinait d’un pied sur l’autre d’une façon ridicule.   37 Sur trois pieds : avec une canne. Allusion à l’énigme que résolut Œdipe.   38 On attendrait « beau sire » ; mais « beau père » est plus révérencieux quand on s’adresse à un vieil homme. Idem vers 369.   39 Ou sinon, que je m’en retourne.   40 Chicané.   41 Saint-Privé-la-Montaigne se nomme aujourd’hui Saint-Privat-la-Montagne. Cette commune lorraine jouxte Moulins-lès-Metz. L’index nominum de Duval gagnerait à être revu.   42 Qui mène à Boulogne-sur-Mer. Ce n’est évidemment pas là que se trouve le célèbre pèlerinage de Notre-Dame-de-Boulogne, nommé au vers 324 : c’est à Boulogne-Billancourt. Mais le paysan, qui n’a jamais quitté sa vigne, commet des confusions toponymiques.  Abel décale ce vers et le suivant après le vers 89.   43 Nouvelle erreur du paysan : c’est Saint-Omer qui est près de Béthune.   44 C’est le chemin de Cologne, ville allemande traversée par le Rhin. Le laboureur veut sans doute parler de Coblence, qui est en rapport direct avec la Lorraine puisque la Moselle, qui arrose Metz, se jette dans le Rhin à Coblence.   45 Cette ville provençale n’a rien à faire ici. Le paysan la confond peut-être avec le hameau flamand de Capendu.   46 Port de pêche hollandais, non loin de Bruges.   47 Cantorbéry [Canterbury] est une ville anglaise, comme le fut Calais entre 1347 et 1558.   48 À Montfaucon-d’Argonne. Mais le laboureur envoie le messager au gibet de Montfaucon, où ont fini plusieurs fils de famille et leur maison [leur lignée].   49 Le paysan doit nommer Reims quelque part, comme le vers 137 le stipule.   50 À Saint-Quentin, en Picardie.   51 Dans le Gâtinais.   52 Sûr, prudent. « C’est le plus seur. » Saoul-d’ouvrer et Maudollé.   53 Saint-Claude, dans le Jura, non loin de Salins-les-Bains.   54 Tu auras un coup de chaud.   55 On pourrait croire à une nouvelle erreur du paysan, mais ce lieu existe bien, et la Moselle y prend sa source.   56 Forme lorraine de « quilles ». Voir la note de Duval.   57 Et aussi, je me vante. « Et si, me vante sans abus/ De juger eaulx. » Jénin filz de rien.   58 T-H : Que  —  A : Qui   59 Tu peux t’en aller.   60 Sale.  Déroupt = rompu, bossu ; voir la note 18.   61 Ni écriteau, ni croix indicatrice aux carrefours. « Là eut une croix-de-par-Dieu/ Plantée à l’endroit du meillieu,/ Qui aux passans sert de montjoye. » (ATILF.) Mais notre ivrogne songe peut-être aux enseignes de tavernes : « C’est à l’enseigne de l’Estoille/ Que devez boire. » (L’Aveugle et Saudret.) « À l’enseigne du Pot d’estain. » (Le Badin qui se loue.)  Le messager flanque au vigneron des coups avec le bâton de sa lance.   62 Et si vous voulez faire opposition à cela, à ces coups de bâton.   63 À tout le moins. Cette expression accompagne parfois les coups que l’on donne : « –Vous recevrez ce passe-avant [ce coup]/ Et tant moins sur vostre museau !/ –M’as-tu frappée ? » La Laitière.   64 Le messager poursuit sa route.   65 En boitant. Idem vers 158.   66 De Mal-assenée, mon épouse. Génitif archaïque : « À la maison monsieur Benest. » Le Raporteur.   67 Folle de rage. Cf. Frère Guillebert, vers 243.   68 A : le denger  —  D : ledenger.  (Qu’elle ne pourra se retenir de bien m’humilier. « De nous laisser tant lédenger. » Le Poulier à quatre personnages.)   69 Celui qui.   70 Harcelé. La poésie antimatrimoniale fait toujours rimer « harié » avec « marié » (et « mari » avec « marri »).   71 A : Je lui ire  (Où le bât me blesse. « Dy-moy, je t’en pry, le méhain. » Massons et charpentiers.)  Le paysan clopine vers sa chaumière.   72 Me voilà. C’est la formule qu’on prononce quand on rentre à la maison : « Dieu gard, mère ! Je suis venus. » Mahuet.   73 Ce n’est pas une grande joie. « J’en ay grant feste. » Le Brigant et le Vilain.   74 Les truands sont des mendiants qui exhibent une blessure ou une infirmité. « Quel argent ? Tu es bon truant ! » Le Mince de quaire.   75 Blessé.   76 Gagné (graphie lorraine). « Vous l’avez bien waingnié. » St Clément.   77 Rompue. « J’en ay toute la hanche route. » St Clément.   78 Le plus célèbre pèlerinage de Picardie est encore nommé à 383.   79 Dans une mauvaise année. Idem vers 308. « Ha ! Qu’il soit entré en mal an ! » Le Pardonneur.   80 T-H : Que  —  A : Qui  (Celui qui m’a fait cela.)   81 Ma sœur : petit nom que les maris donnent à leur femme. Idem vers 211. « M’a-mi-e » [mon amie] compte pour 3 syllabes.   82 A : Il ait  (C’est une bonne chose qu’il vous ait battu. Quand les épouses des Hommes qui font saller leurs femmes envisagent de bastonner leur mari, l’une d’elles ajoute : « Par ma foy, ce sera bien faict ! »)   83 A : la  (Sainte Vierge ! Idem vers 355. « Je pry la glorieuse Dame. » St Clément.)   84 A : n’istrerait  (Cette désinence du futur, source de confusions avec le conditionnel, est fréquente dans notre Mystère mais pas systématique ; je rétablis donc la forme usuelle, de même qu’à la rime. Issir = sortir.)  Il vous a battu parce que vous l’avez offensé.   85 Conviendra, faudra. Ce futur, qui est notamment lorrain, réapparaît aux vers 289, 297 et 368.   86 Cela n’importe.   87 Elle n’en donnerait pas même un clou. « Je n’en donroie pas ung cleu. » (Massons et charpentiers.) Nous disons toujours : Cela ne vaut pas un clou.   88 A : qu’on vous  (Sepeli = enseveli. « Que brièfment en terre soit mys/ Et sepelis. » St Clément.)   89 Du plaisir, y compris sexuel. La Mariée des Mal contentes se plaint de son époux dans les mêmes termes : « Bref ! jamais je n’y eustz délict. »   90 Ma jeunesse.   91 Désir.   92 De fromages mous. Voir le vers 306 de Massons et charpentiers. « Ma mère, que j’aye des matons ! » Mahuet.   93 Et de vous asseoir sur un siège, devant la cheminée. On scande « a-a-tre » en 3 syllabes.  Un poupard est un nourrisson.   94 De la soupe aux choux.   95 J’aurais. Idem vers 58, où -roie compte aussi pour 1 syllabe.   96 De grande folie. « Folleur seroit que vous détinse/ D’abus. » Colin qui loue et despite Dieu.   97 De sottise et de frivolité.   98 La première fois que vous avez mis votre soin.   99 T-H : Que  —  A : Qui  (Vous qui.)   100 Si vous gagnez de l’argent, c’est par hasard. « Le bien vous vient lors que vous y pensez le moingz. » Blaise de Montluc.   101 Paysan. Prononcer « pè-san » en 2 syllabes, qui rime avec plaisant, comme dans Troys Gallans et Phlipot : « Tu t’abilleras en paisant ;/ Or luy sera le cas plaisant/ De voir que supédicterons/ Le paysant, et demanderons/ Des vivres. »   102 Nul jour.   103 Ma sœur [ma femme], je me corrigerai.   104 Enivré. « –Nous boirons gros comme le bras,/ S’une foys j’en suys délivré./ –Va-t’en, et ne soys pas yvré ! » Le Gallant quy a faict le coup.   105 Atteint de folie, le mal de saint Mathelin. « Tu es matelineux ou yvre. » D’un qui se fait examiner.   106 A : De tout çà  (Totalement. « Si, nous a resjouys du tout. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.)   107 A : M…..ner  (Voir le vers 173.)  J’aimerais encore mieux que vous soyez jolie, quitte à ce que vous plaisiez aux autres hommes.   108 A : [Mais non] déuote  (Gaie, gracieuse et joyeuse. « Sottes gayes, délicates, mignottes. » Jeu du Prince des Sotz.)   109 Même si je devais m’en repentir.   110 « Soys-moy tousjours loyal, Gaultier,/ Je te feray assez de biens. » Les Sotz escornéz.   111 Je ne l’ai jamais vu, de toute sa vie.   112 A : ne  (Il vaut d’autant mieux. « Tant plus vault le chevalier, et moins se prise. » Clériadus.)  Jeu de mots : mon mari est encore plus veau [bête]. « Et si le mary est si veau. » Les Cris de Paris.   113 Nouveau dialogue de sourds ; le vigneron a cru entendre : « Je vais en Brie. »   114 Compagnon. Idem vers 275.   115 Que c’est un bon coin !   116 Toute la journée, je… « De braire et crier toute jour. » St Clément.   117 Un porteur d’enfeutrure est un porte-faix, dont les épaules sont protégées par du feutre rembourré. Idéal pour ne plus sentir les coups de bâton ! « Porteurs à l’enfeutreure, brou[é]tiers, lyeurs de fardeaulx. » ATILF.   118 T-H : aroi ge  (J’aurais mon fruit de ventre : quelque nourriture à me mettre dans le ventre. « Pour la pitance,/ Pour fructus ventris, pour la pence. » Mallepaye et Bâillevant.)   119 Je comprends : Si je m’y étais pris plut tôt. Cependant, « près pris » signifie encerclé, acculé. Quoi qu’il en soit, le laboureur fait l’apologie de Paris dans un Mystère commandé par des Messins.   120 Combien pèse le bâton de ma lance. « Sçauras que ma main poise ! » Gournay et Micet.   121 Que j’aille. Idem vers 304. Le sourd croit que le messager veut l’emmener avec lui.   122 Avec quelles difficultés.   123 Je vais.   124 Par amitié. « Je vous requiers par fine amour,/ Mon doulx seigneur ! » St Clément.   125 Une chose difficile.   126 Je saurai [pourrai] bientôt te le dire. Le laboureur examine la position du soleil dans le ciel.   127 Taisez-vous ! Idem vers 409. « Abrégez-vous sans plus enquerre [questionner] ! » Jeu du Prince des Sotz.   128 Voilà une grande vilenie, une honte. « Villonie et déshonneur. » (ATILF.) C’est également la condition du vilain, du paysan.   129 Il est midi et demi.   130 De dîner.   131 Urgente.   132 Quelle mémoire il a.   133 Je lui ai rappelé ma question.   134 A : homme  (« Il n’est homs qui n’en fust esbahis. » Les Vœux du Paon.)  Il n’y a nul homme qui n’en soit étourdi.   135 T-H : on  —  A : en  (Gorze est proche de Metz, où les deux interlocuteurs se trouvent. Les Lorrains prononçaient « Gôze », qui rime encore ailleurs avec chose, mais aussi avec oppose.)   136 Même juron blasphématoire au vers 298 de Massons et charpentiers. Un bon chrétien aurait dit plus modestement : « Foy que doy Dieu ! » Serre-porte.   137 Déformation populaire de « si Dieu m’avoie » : si Dieu me conduit. « En Galle allons, se Dieu me voie ! » St Clément.   138 Par des voies sinueuses. « En Paradis yrons/ Aussi droit comme une faucille. » Maistre Jehan Jénin.   139 T-H : Quancq que  —  D : Quancque  (Tout ce que je dis n’est point parole d’Évangile. « Je me desdis/ De très tout quanque je te dis. » L’Aveugle et Saudret.)   140 Duval note : « Jeu de mots sur guile ‟tromperie”. »   141 Habile, apte à marcher longtemps.   142 Pour prendre un chemin forestier. « Nous irons les chemins couvers,/ Que le soleil sy ne nous brûle…./ Sans tenir le sentier couvert. » Le Monde qu’on faict paistre.   143 Aux bois. Cette forêt s’étend dans les Ardennes, près de Clermont-en-Argonne et de Verdun.   144 Que tu fasses le tour de la région.   145 À Neufchâtel-devant-Metz.   146 Erreur du paysan pour Vaudémont, en Lorraine.   147 Tu viendras à Châtel-sur-Moselle. Grave confusion du laboureur : méselle = lépreuse. « Vieille putain méselle ! » ATILF.   148 À Toul et à Varangéville. Nouvelle prononciation fautive du paysan.   149 Nancy. Cette forme était alors correcte ; pour une fois, le vigneron n’a pas failli.   150 À votre assistance.   151 Les lépreux font en permanence cliqueter leur flavel [leurs castagnettes], ici comparé à la langue du paysan. Flaveler = bavarder : le Pourpoint rétréchy, vers 591.   152 Dans un mauvais jour et en mauvaise fortune. « En malle estraine Dieu la mette ! » (Le Testament Pathelin.)  Le messager donne au vigneron des coups avec le bâton de sa lance.   153 Couchez-vous. « Dormez-vous et me laissez faire ! » Le Poulier à sis personnages.   154 Rime en -igne, comme à 318.  Le messager s’en va. Le paysan, blessé, reste couché sur la route.   155 Pauvre de moi ! Idem vers 328.   156 Tant il m’a frappé violemment.   157 D’une manière vile. « Que mourir puist vilainement ! » (Le Brigant et le Vilain.) Mais aussi : à la manière d’un vilain, d’un paysan.   158 Elle est chez elle.   159 Pour autant que je m’en souvienne.   160 Je redoute.   161 A : supporter  (Je ne sais plus quoi penser.)  La femme sort et se dirige vers la vigne. Elle découvre son mari couché par terre.   162 Qui vit jamais une telle affaire ?   163 Comment allez-vous ? « Que dictes-vous, les Sotz ligiers ?/ Quelle chière ? » Les Sotz escornéz.   164 La chattemite. « Je croy (dit le mary, qui la véoit à genoux, plorant et gémissant) qu’elle scet bien faire la chate moillée. Et, qui la vouldroit croire, elle scéroit bien abuser gens. » Cent Nouvelles nouvelles, 61.   165 La femme se tient la tête d’un air désolé. « Car j’ay trèsgrant mal en ma teste. » La Confession Rifflart.   166 Bien loti, avec une épouse pareille. Rappelons que ladite épouse se nomme Mal-assenée.   167 Vous me narguez en faisant un geste obscène de la tête. « Femme qui fornique/ Seult [a l’habitude de] faire à son mary la nique. » Jehan Le Fèvre.   168 A : ma  (Mène-t-elle assez bien son jeu ? Aux échecs, la « dame » est un pion crucial. « G’i ai bien joué de ma dame. » ATILF.)   169 Qu’elle m’aime. Idem vers 217.   170 Que je sois mort et enterré. « Je vouldroys que fussiez en byère ! » Messire Jehan.   171 Elles nous font des tours de passe-passe. Désigne aussi le va-et-vient du coït : cf. les Rapporteurs, vers 177.   172 Nul homme. Cette locution archaïque ne représentait plus que le singulier : « Nulz homs blasmer ne vous saroit. » Massons et charpentiers.   173 Tout mon labeur, tous mes efforts. Mais le labour désigne le coït, comme dans Raoullet Ployart.   174 S’est montrée telle qu’elle est.   175 Elle m’aime plus qu’elle n’aime notre prêtre ? Le mari soupçonne que sa femme couche avec le curé : « Elle va souvent à la messe./ Par Dieu, c’est très bonne coustume./ Mais j’ay trop grand paour qu’elle ne tume [trébuche] :/ Tant va le pot à l’eaue qu’il brise. »   176 Elle me mènerait paître : elle me mystifierait.   177 Que les nuages sont des peaux de veaux : elle me fait prendre des vessies pour des lanternes.   178 En fantaisie, en délire.   179 Je te prie de ne pas me quereller. Voir la note 15.   180 J’ai bien raison de. Idem vers 363.   181 Le jour où je te vis, ce fut pour moi un dommage, un malheur.   182 Calembour sur le « pis » de la vache ; voir la note de Duval. « Va, faitz du piz que tu pouraz. » Le Villain et son filz Jacob.   183 Je me tiendrai avenante pour les autres hommes. La femme reprend à son compte le vers 228.   184 Que Dieu vous donne une bonne année. Cf. Deux jeunes femmes, vers 4.   185 Je comble cette lacune d’après le vers 14.   186 Hein ? « –Il convyent que tu soys baillé/ À quelque maistre pour aprendre./ –Hen ? » (La Bouteille.) Cette question est grossière, même posée par un sourd qui fait répéter son interlocuteur ; Félix feint de croire que le rustaud invoque une ville du Vermandois, Ham, qu’on prononçait « Han ». Voir la note 4359 de Duval.   187 De dangereux mendiants. Même vers dans Massons et charpentiers. « Plus il ne viendra/ À mon huis un tas de merdailles. » Les Esbahis.   188 Restez coi, taisez-vous. « Ho ! coisez-vous, vécy le maistre ! » St Clément.   189 A : ne  (Le sourd croit comprendre que Félix cherche une femme prénommée Patience. Voir la note 4372 de Duval.)  Si Dieu me secourt = que Dieu m’assiste ; cf. la Laitière, vers 67.   190 A : quelle  (« Et le lieu où elle demeure. » Les Trois amoureux de la croix.)   191 Il y a de quoi se signer, face à un tel diable. Le laboureur est encore diabolisé aux vers 129, 140, 256 et 307 : les infirmités (il est sourd et bossu) étaient vues comme des punitions divines.   192 Si on en avait envie.   193 Je m’en vais et je vous recommande à Dieu. Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 152 de Jehan qui de tout se mesle.   194 A : j’eusse   195 Je ne saurais répéter ses paroles.   196 D’innombrables pastourelles comportent un refrain cyclique qu’on reprenait en chœur.   197 Félix embauche le messager. Il lui parle du paysan, devant lequel les deux hommes doivent repasser.   198 Un quidam. Cf. la Fièbvre quarte, vers 5. Cette acception existe toujours dans le langage populaire.   199 Un sot. Dans les Mystères, le paysan joue souvent un rôle de fou ; on aimerait savoir s’il en portait le costume.   200 Par ambageais : avec des ambages, des circonvolutions trompeuses. « Il n’y a sy villain huron,/ Sy lourdault ne sy vilag[e]oys,/ Qu’il me responde en ambag[e]oys. » Les Mal contentes.   201 T-H : nous  —  D : vous  (Je vous prie de vous taire, car nous devons passer près de lui silencieusement. Idem vers 261.)   202 Arraisonner, aborder avec des paroles. Cf. les Miraculés, vers 269.   203 Qu’il oit (verbe ouïr) : qu’il est un peu dur d’oreille.   204 Marchez avec assurance.   205 Le messager adopte devant saint Félix un juron chrétien ; mais précédemment, ce païen jurait sur « Mahon [Mahomet], Apolin [Apollon], Tavergant [Tervagant],/ Nos dieux en qui est mon courage [mon cœur] ». Il disait même à un chapelain : « Sire, Mahom vous doint santé ! » Et à saint Clément lui-même : « Vénus, Mahom et Appolin/ Sault et gard ceste compangnie ! » Ou encore : « Se Mahommet m’envoit grant joie ! »   206 À Félix, qui passe près de lui sur la pointe des pieds, suivi du messager.   207 Redoutez-vous la baboue, sorte de croquemitaine invoqué pour faire peur aux enfants. « Une femme nourrice menace son enfant de la baboue. » Godefroy.   208 A : Benou, Benou.  (En bon croquemitaine, le laboureur pousse les mêmes hurlements que les diables de ce Mystère : « Harou ! Lucifer, je revien./ Harou ! harou ! Tout est perdu. »)   209 Les noms de Dieu sont : le Père, le Fils et le Saint-Esprit.   210 En catimini, comme des voleurs. « Et puis s’en ala-il de ceuls de Valenciennes en larrecin. » Godefroy.   211 Cette expression inconnue laisse penser que les éplucheurs de persil (tout aussi inconnus) sont des gens discrets. Mais ne s’agirait-il pas plutôt d’espresseurs de raisin, qui piétinent des grappes dans une cuve au bas de laquelle se trouve un robinet qui laisse passer le jus ? On ne peut davantage exclure que le paysan traite le saint et son acolyte d’escumeurs de latin : voir les Coppieurs et Lardeurs.   212 Silencieusement.   213 Qui ne commet jamais de faute. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 149.   214 Celui qui cherche.   215 A : ait  (Cette graphie gênante est peut-être imputable au copiste.)  Le paysan conclut que le messager se nomme Patience.

LE CHAULDRONNIER

British Library

British Library

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LE  CHAULDRONNIER

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Cette farce, tout comme celle des Drois de la Porte Bodés, traite un sujet aussi peu théâtral que possible : le concours de silence. Dans ces deux pièces, le mari est savetier.

L’œuvre n’est pas imputable à un écrivain mais, selon toute vraisemblance, à une troupe de comédiens picards. Ces joyeux drilles n’ont aucun sens de la versification (les rimes sont fausses, la diérèse n’est presque jamais prise en compte), mais leur efficacité visuelle est redoutable.

Source : Recueil du British Museum, nº 30. La farce fut publiée vers 1550 à Paris, chez Nicolas Chrétien, après avoir circulé pendant un demi-siècle. Dans ce recueil, deux autres farces de chaudronniers encadrent celle-ci : les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, et surtout Te rogamus audi nos, qui oppose également un chaudronnier à un savetier, et qui fait aussi l’éloge des tavernes.

Structure : Rimes abab/bcbc et rimes plates, envahies par des vers improvisés. 1 triolet incomplet.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce nouvelle trèsbonne et fort

joyeuse à troys personnages

d’un Chauldronnier

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C’est assavoir :

       L’HOMME  [Guillemin]

       LA  FEMME

       et  LE  CHAULDRONNIER

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                 LE  CHAULDRONNIER

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                        L’HOMME  commence [en chantant] 1        SCÈNE  I

              Il estoit un [bon] homme

              Qui charioit fagotz.2

                        LA  FEMME

        Cestuy sa este[s-]vous3, par sainct Cosme !

        Le plus sot [estes] des plus4 sotz.

                        L’HOMME

5      A ! ma femme, [qu’est-ce que j’os]5 ?

        Vous me voulez suppéditer6 ?

                        LA  FEMME

        Et ! par mon âme, Jehan du Bos7 :

        Denier8 n’avez, ne [mol lit clos]9 ;

        Et se10, voulez tousjours chanter.

                        L’HOMME

10    Ne vault-il point mieulx d’enchanter11

        Que d’engendrer mélencolye ?

                        LA  FEMME

        Il se vauldroit mieulx consoler

        À rabob(e)liner12 voz soulliers

        Que de penser à tel13 follye.

                        L’HOMME

15    Et ! vous voylà bien empeschye14.

                        LA  FEMME

        Et ! se suis mon15, sainct Coquilbault !

                        L’HOMME  [en chantant]

        [Quand sera mariée] no16 truye,

        [Vous en aurez un neuf chappeau.]

                        LA  FEMME

        Maubecq17 !

                        L’HOMME

                               En18 ?

                        LA  FEMME

                                            Bren !

                        L’HOMME

                                                        À vo(z) menton19 !

20    Mais avez ouÿ l’orderon20,

        Comment elle est bien gracieuse ?

                        LA  FEMME

        Mais avez[-vous] ouÿ l’oyson21,

        Comment d’une [sotte] chanson

        Nous fait la notte mélodieuse ?

                        L’HOMME

25    Ma foy,  je cuide qu’elle est envyeuse

        Quand elle m(e) oyt si bien chanter.

                        LA  FEMME

        [Envyeuse ?] Mais22 en[n]uyeuse

        D(e) ouÿr vostre teste glorieuse,

        Comme un asne [gris], ricanner23 !

30    Quand no(z) truye veult porceler24

        Et qu’elle grongne en son estable,

        Sa chanson est aussi notable

        Que la vostre, ny peu, ny main25.

                        L’HOMME  [en chantant]

              A ! c’est bien dit, Hannin.26

                        LA  FEMME  [en frappant]

35    Et [tien27] ! C’est bien dit, Guillemin ?

                        L’HOMME

        Quant28 frappez, ne vous faindez point.

                        LA  FEMME

        Nostre Dame, non !

                        L’HOMME

                                          [En mon poing29]

        Si j’empoigne un [bon gros] baston,

        Je vous feray parler plus bas !

                        LA  FEMME

40    Qui, toy, [pauvre petit] poupon30 ?

        Je te crain bien, pauvre chappon31,

        Ou  chiabrena32 au pourpoint gras33 !

                        L’HOMME

        Pourpoint gras ? Et vous, dame orda34,

        On vous appelle giroffla35.

                        LA  FEMME

45    Et vous, galiffre de Banda36.

                        L’HOMME

        Vous fleurez37 tout le muglia.

                        LA  FEMME

        Et vous, la saulce moustarda38.

                        L’HOMME

        Nice39 !

                        LA  FEMME

                        Mignon40 !

                        L’HOMME

                                             Notrée41 !

                        LA  FEMME

                                                               Mouton42 !         En frappant.

                        L’HOMME

        M’as-tu frappé, vieille [es]dantée43 ?

50    Tien ! [tien ! Happe] ceste testée44 !

                        LA  FEMME

        Happe ce baston !

                        L’HOMME

                                        Et  ce bourdon45 !

        Me vouldroit-elle subvertir46 ?

        Rendz-toy !

                        LA  FEMME

                               Non f(e)ray, pour y mourir47 !

                        L’HOMME

        Sainct Mort48, voicy dure passion !

55    Par sainct Copin49 ! je suis tanné.

                        LA  FEMME

        Victoire et domination !

        Et  bonnet50 aux femmes soit donné !

                        L’HOMME

        [Et ! pour moy et pour toy51], quel blasme !

        Encores est-il plus infâme,

60    Qui se joue[roit] à ton caquet52.

                        LA  FEMME

        Victoire aux femmes ! Et ! dehet53 !

        [En toutes choses je vous passe.]54

                        L’HOMME

        Non  pas en tout.

                        LA  FEMME

                                        Et  à quoy donc sera-ce ?

        À caquetter, ou à mal dire55 ?

65    Par l’âme de moy, validire56 !

        Je ne crain femme [à deviser]57,

        À caqueter ny à playdier58.

                        L’HOMME

        De cela, je ne m’y [re]myre59 :

        Femme le gaigne60 à caqueter.

70    Vous verriez plustost Lucifer

        Devenir ange salutaire

        Qu(e) une femme eust un peu de repos,

        Et soy taire ou tenir propos61.

                        LA  FEMME

        …………………………. 62

        Voire, par bieu, teste d’osière63 !

                        L’HOMME

75    Quoy ! sans remouvoir la testière64 ?

                        LA  FEMME

        Ny [mesme] lèbvre ny paupière.

                        L’HOMME

        Je gaige65 deux patars, [ de vray,

        Que point vous ne vous pourrez taire. ]

        Et  moy-mesme ne66 deviseray.

                        LA  FEMME

80    Sainct Mort ! [moy-mesme] non feray,

        Car tousjours maistresse seray67.

                        L’HOMME

        [Or] dictes donques68.

                        LA  FEMME

                                                 En cest estre69

        Vous demourrez [une heure] assis

        Sans parler à clerc ny à prebstre

85    Non plus que faict ung crucifix.

        Et moy, qui me tais bien envys70,

        [Croyez bien que se je m’y metz,]71

        Je tiendray mieulx [une heure] en paix

        Qu(e) ung clistoire72.

                        L’HOMME

                                               Vélà beaulx dictz73 !

90    Qui perdera74, dam[né]e cervelle,

        Il paye[r]a  [coupe à la]75 Payelle.

                        LA  FEMME

        [Mèshuy76, plus un] mot ! Sans ciller77 !

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                        LE  CHAUDRONNIER 78                     SCÈNE  II

        Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !

        Qui veult ses poyelles79 reffaire ?

95    Il est heure d’aler crier :

        [Chaudronnier !] Chaudron ! Chaudronnier !

        Seigneurs, je suis si bon ouvrier

        Que, pour un trou, je sçay deulx faire80.

        [ Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !

100  Qui veult ses poyelles reffaire ? ]

        Où esse81 que je me dois retraire ?

        Qu’esse icy ? Voicy ung ouvrier82.

        Hau là, hau !… N’y a-il nully83 ?

        A ! si a, dea : [deux en voicy]84.

105  Dieu gard [la belle85] damoyselle !

        N’avez[-vous] chaudron à reffaire86 ?…

        [Vous fault-il point une cueillère ?…]87

        M’entendez-vous ?… Hau, damoyselle,

        Parlez à nous !… (Est-elle sourde,

110  [Ou bien muette88], ou s’elle e[s]t lourde,

        Me regardant entre deux yeulx ?)

        Hau, damoyselle !… (Semidieux89 !

        Je cuide qu’el(le) soit incensée,

        Et vous aussi, doulce pensée.90)

115  Maistre : n’avez[-vous nul] chaudron

        À rabob(e)liner ?… Hau, patron !

        Estes-vous sourt91, muet ou sot ?…

        (Par la char bieu ! il ne dit mot ;

        Et se, [m’esroulle ses]92 deux yeulx.

120  Mais je regnie mes oustieulx93

        Se je [ne] luy ouvre la bouche !)

        Hau,  Jénin, conquétît[es-vous]94 mouche ?

        Faictes-vous cy du président95 ?…

        (Il ne remue lèbvre ne dent.

125  Ce semble, à [le] veoir, un ymage96.

        Un sainct Nicolas de village97

        Nous en ferons, ou un sainct Cosme.)

        Ha,  vous serez sainct Pere98 de Rome :

        Vous aurez la barbe de fain99,

130  Et puis quelque chose(s) en vo(z) main.

        Et si, voicy vo(z) deasdesme100.

        Et pour une croce101 de mesme,

        Ceste belle cueillère102 aurez.

        Et en l’autre main, porterez,

135  Au lieu d’un livre, un103 pot pissoir.

        Mon Dieu, qu’i le fera beau veoir !

        Car c’est un trèsgracieulx sire.

        Benoist sainct104, gardez-vous de rire :

        Le Miracle105 seroit gasté.

140  Affin qu’i soit mieulx regardé,

        Paindre luy veulx — de mes deux pattes

        Qui sont  si douillet[te]s et délicates —

        Son doulx et précieulx museau106.

        A ! mon [doulx] Dieu, qu’il sera beau !

145  « Sainct Coquibault, je vous adore107 ! »

        (Mais que dyable ont-il en la gorge108 ?

        Il ne se remuent109 point un grain.)

        Hau ! damoyselle [au cueur haultain] 110,

        Qui estes icy si propette111 :

150  Dieu vous y sache, ma brunette !

        Et ! je vous prie, ma godinette112,

        Qu(e) un petit [vous] parlez à my113 ;

        Et si, m’appellez vostre amy

        En souriant… Vous114 voicy fière !

155  (La chair bieu ! je vous feray faire115,

        L’un ou l’autre, comme il me semble.

        A ! par mon âme, elle ressemble

        À Vénus, déesse d’Amour[s] :

        Quel musequin116 ! Dieu, quel rebours117 !)

160  M’amye, [souffrez] que je vous flatte118 :

        Vous avez la chair119 délicate ;

        Et si, estes patiente et doulce.

        (Elle souffre que je la touche

        Plaisamment du [bout de]120 mon nez.)

165  Par bieu ! mon musequin, prenez121 :

        Baiser vous vueil et acoller.

                        L’HOMME 122

        Le dyable te puist emporter,

        Truant paillart !

                        LE  CHAUDRONNIER

                                     À my123 ! Ma teste !

        Il m’a tué.

                        L’HOMME

                             [ J’en ay grand feste.

170  Sainct Jehan, ]124 encore(s) en auras-tu !

                        LA  FEMME

        Tredame125 ! vous avez perdu,

        [Car] je suis demourée maistresse.

                        L’HOMME

        Et ! viens çà, viens [çà], larronnesse126 !

        [Doit-il ton « chauldron » escurer ?]127

175  Pourquoy te laisses-tu baiser

        D’un tel truant paillard [parjure128] ?

                        LA  FEMME

        Et ! [c’est] pour gaigner la gajeure.

        Eussay-je, par impatience129,

        Perdu la gajeure ? C’est bien dit, [quand j’y pense] !

                        L’HOMME

180  Il est vray. Allons boire !

                        LA  FEMME

                                                   Allon(s) !

        Mais j’ordonne, comme [est raison]130,

        Que le chaudronnier y viendra.

                        L’HOMME

        Par l’âme de moy ! non fera.

                        LA  FEMME

        Par l’âme de moy ! si fera,

185  Quelque jaloux que vous soyez !

                        L’HOMME

        Puisqu’ainsi est, [o nous131] venez !

        Mais du baiser vous astenez132 !

                        LE  CHAUDRONNIER

        J’ay tout eu mes os fouldroyéz.

        Mes bonnes gens qui nous voyez133 :

190  Venez, de la gajeure, boire !

        Et annoncez et retenez

        Que les femmes que vous sçavez

        Ont gaigné le pris.

                        LA  FEMME

                                         Dame, voire !

                        L’HOMME

        Allons jouer de la mâchouère

195  Et à l’hostel134 croquer la pye.

        Venez-y tous, je vous emprie !

        Et [vous] partirez, sus et jus135,

        De  deux potz de vin, qui seront deuz136.

        Et prenez en gré, sus et jus !

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                                           FIN

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1 Les savetiers rythment leur travail en chantant, ce que leur épouse ne supporte pas : « Mon mary va tousjours chantant,/ Et n’a soucy de prendre peine. » Le Savetier Audin.   2 « Il estoit ung bon homme qui charioit fagot./ Il avoit une fille qu’on appelloit Margot. » Il ne faut pas confondre cette chanson de Petit Jan avec une autre, anonyme, qui dit : « Il estoit ung bon homme/ Qui venoit de Lion. »   3 Vous êtes celui-là ! L’épouse insinue que son mari porte sur sa tête un fagot, c.-à-d. une ramure de cornes.   4 En Picardie, « plus » se prononçait « pu ». (René Debrie, Dictionnaire du moyen picard, p. 327.) Les spectateurs entendaient donc : le puceau des puceaux.   5 BM : a ce que ie voy  (Qu’est-ce que j’entends ? Cf. Lucas Sergent, vers 295.)   6 Fouler aux pieds. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 76.   7 Le mari se nomme Guillemin <v. 35>. Mais en picard, un « Jan » est un cocu, et le « bos » désigne les bois qu’un cerf porte sur sa tête. Ce vers, qui nuit au schéma abab/bcbc, est l’un des nombreux vers improvisés que j’évoque dans ma notice.   8 BM : Argent  (« Vous n’avez denier ne maille. » Farce de Pathelin.)  Commencer ce vers par un D permet de rétablir l’acrostiche CLAUDE, qui signe la farce. À propos de ces signatures en acrostiche au début des pièces, voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat.   9 BM : motz lauos  (Le lit mou et bien fermé passe pour le summum du confort. « Couché en ung lit plain de feurre [paille]/ Aussi molet que le beau lin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.)   10 Et pourtant. Idem vers 119.   11 BM : adechanter.  (« Qui les hommes scet enchanter/ Par la douceur de son chanter. » G. de Machaut.)   12 À retaper. Idem vers 116. « Les dames, pour se bien porter, se font rabobliner le ventre. » La Fluste à Robin.   13 BM : leur  (Cf. la Confession Rifflart, vers 46.)   14 Empêchée, embarrassée pour peu de chose. C’est la rime picarde par excellence.   15 Je le suis ; cf. le Maistre d’escolle, vers 87 et note. Saint Coquibaut, ou Couillebaud, est un saint priapique invoqué contre la stérilité. On le retrouve au vers 145.   16 BM : noz  (Les pronoms picards « no » et « vo » remplacent « notre » et « votre ». L’éditeur parisien les affuble systématiquement d’un « z » que je mettrai entre parenthèses.)  « Quand nostre truye sera mariée, vous aurez un chappeau neuf : raillerie pour dire que l’on donnera quelque sorte de récompense. » Antoine Oudin.   17 BM : May becq.  (Maubec = mauvaise langue. Cf. la farce de Maubec, Mallegorge et Mallegueype.)   18 Hein ? « En ? Qu’as-tu veu ? » Le Temps-qui-court.   19 Dans votre bouche. Quand on dit « bran ! » [merde] à quelqu’un, il répond toujours « mange ! », d’une manière ou d’une autre : « –Bren pour toy ! –Et merde en tes joues ! » Le Savetier Audin.   20 La souillon. Orde = sale, comme au vers 43. Cf. l’Amoureux, vers 8.   21 Le petit de l’oie n’est pas réputé pour son chant mélodieux. En outre, un oison est un nigaud ; cf. les Sobres Sotz, vers 235.   22 Mais plutôt.   23 Braire. « Un asne, n’en estant de plus gris en Arcadie, pour bien ricquanner en portant le bléd au moulin. » (Godefroy.) On traite les Cordeliers d’ânes gris : « De corde est lié comme toy./ Tu es vestu de gris, en quoy/ La robe d’un asne tu portes. » Frère Fécisti.   24 Quand notre truie va mettre bas. C’est une réplique au vers 17. Le couple habite au village, puisqu’il a un porc.   25 Ni plus, ni moins.   26 Refrain de chanson : le vers ne fait que 6 syllabes, et le prénom masculin Hannin ne saurait désigner une femme, bien que cette dernière soit jouée par un homme. Ladite chanson paraît être ébauchée dans le Monde qu’on faict paistre : « C’est bien dict, Mymin à sonnètes ! »   27 Lacune. Tiens, reçois ce coup ! Voir le vers 50.   28 BM : Auant  (Vous ne vous feignez pas : vous ne faites pas semblant de taper. Cf. le Nouveau marié, vers 182 et note.)   19 Lacune. « Lors prens mon baston en mon poing. » Le Faulconnier de ville.   30 Bambin. « Un pauvre petit poupon subjet à la nécessité. » François de Sales.   31 Coq châtré. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 154.   32 Locution doublement scatologique (chier + brenner) : cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 79 et 396. Ici, on en fait un synonyme de « merdeux ».   33 Signe de négligence ou de pauvreté : « Il doit avoir ung pourpoint gras, celuy qui s’appelle Mal-en-point. » Le Capitaine Mal-en-point.   34 Orde = sale. Inspirés par le « chiabrena » du vers précédent, nos auteurs picards truffent leurs rimes de désinences franco-provençales en « -a » pour parodier les farces en dialecte savoyard, qui avaient alors un certain succès ; la plus connue est lou Curia [le curé], où une sale pisseuse devient une « ourda pissouza ».   35 BM : girofflee  (L’épouse s’enduit de giroflat, une pommade parfumée au clou de girofle, le plus célèbre aphrodisiaque de l’époque.)   36 On vous appelle calife de Bagdad, c.-à-d. barbare : « Quelz deux galiffres de Bandas !/ Je cuide qu’ilz ne prendront pas/ Le lièvre, qui est beste soupple [agile]. » Jehan Molinet.   37 BM : faictes  (Vous puez le musc. « Je sens (…) des aux [de l’ail], ou du muglias./ Tu fleures tout le faguenas [la transpiration]. » Trote-menu et Mirre-loret.)   38 La moutarde désigne souvent les excréments : cf. les Rapporteurs, vers 280 et note.   39 BM : Nico.  (Idiote. Cf. la Laitière, vers 85.)   40 Le « mignon de couchette » est un sodomite passif.   41 « NOTTRÉE : mot d’injure. » Debrie, Glossaire du moyen picard.   42 BM : Gros menton  (Bélier châtré !)   43 Dépourvue de dents. « Vieille esdentée, va te pendre au gibet ! » (Jehan Le Happère.) L’adjectif « vieille » est employé lorsqu’on injurie une femme, y compris quand elle est jeune et belle, comme c’est le cas ici.   44 Prends ce coup sur la tête. « Tien ! happe, happe celle noix !/ (Ilz le batent.) » Cautelleux, Barat et le Villain.   45 Bâton ferré des pèlerins.   46 BM : suppedits  (Renverser. Cf. Pates-ouaintes, vers 177.)   47 Quitte à en mourir. Cf. Pates-ouaintes, vers 147 et 520.   48 Par saint Maur ! Idem vers 80. Passion = torture, par référence à la Passion du Christ.   49 Peut-être faut-il lire « saint Crépin », patron des cordonniers ; le savetier de l’Arbalestre l’invoque au vers 422, quand il se dispute avec sa femme. Tanné = fatigué, exaspéré. « J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.   50 Le bonnet rond des maîtres. Les Femmes qui se font passer maistresses dominent les hommes, et obtiennent donc « ung bonnet ront dessus la teste ». Mais on pourrait lire « bon het » : bon courage, à rapprocher du « de het » de 62. « Il le faisoit de très bon hayt ! » (La Confession Margot.) Voir André Tissier : Recueil de farces, t. III, 1988, p. 101.   51 Lacune. « Ce seroit grans blasmes pour elle, pour moy et pour tout nostre lignage. » Louis de Mâle.   52 Celui qui se mesurerait à ton bavardage.   53 Hardi ! Cf. Gautier et Martin, vers 3, 296, 326 et 351.   54 Vers manquant. Je vous surpasse dans tous les domaines. « Vous passez trèstous noz voisins. » Maistre Mimin estudiant.   55 À médire.   56 Un validire [va lui dire] est un rapporteur ou un entremetteur. « Menteurs, bourdeurs, rapporteurs, validires ! » ATILF.   57 BM : de la ville  (Pour ce qui est de bavarder. Idem vers 79. « Deviser, gaudir, caqueter. » Le Résolu.)   58 Pour plaider, pour discuter.   59 Je ne m’émerveille pas. « Chascun se remire/ En maint livre et en maint beau dicté/ Que tu as fait. » ATILF.   60 BM : gaignera  (Gagne toujours le 1er prix, comme au vers 193. « Tu le gaigneras au courir. » Les Trois amoureux de la croix.)   61 BM : maniere  (Mesurer ses paroles. « Tenez tousjours vostre propos ! » Le Capitaine Mal-en-point.)   62 Lacune de plusieurs vers. La femme dit à son époux que, contrairement à lui, elle pourrait demeurer silencieuse et immobile.   63 Les épouvantails avaient une tête en osier, qu’on dissimulait sous un chapeau de paille, ou sous un casque, comme dans le Franc-archier de Baignollet.   64 Sans remuer la tête. Cf. Légier d’Argent, vers 4. Non seulement les deux parieurs n’auront pas le droit de parler, mais en plus, ils ne pourront faire aucun geste.   65 BM : gaigne  (Je gage, je parie. « Je gage deux escus, non pas un, que je frapperay vostre chappeau. » Romannet Du Cros.)  Le patard est une monnaie flamande : cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 505. Le vers suivant est perdu.   66 BM : ie  (Je ne parlerai pas.)   67 Je serai maîtresse de moi-même. Idem vers 172.   68 Dites comment nous allons procéder.   69 En ce lieu. Cf. le Mince de quaire, vers 67.   70 Bien malgré moi. « –Taisez-vous donc, et ne disons,/ Chascun, mot ; et je vous en pry./ –Que je me taise ? Je t’affy/ Que c’est bien envis ! » La Mauvaistié des femmes.   71 Vers manquant. Sachez que si j’en prends la peine. Cf. les Queues troussées, vers 200.   72 BM : chinotoire  (« Si, par ung apoticaire,/ Luy estoit baillé ung clistoire. » Le Gouteux.)  On ne peut garder le contenu d’un clystère dans son ventre pendant une heure, comme le prouve Argan à la 3e scène du Malade imaginaire. D’où l’expression : être pressé comme un lavement.   73 Voilà de belles paroles, dans la bouche d’une femme !   74 Celui de nous deux qui perdra. Le « e » svarabhaktique est picard.   75 BM : la soupe  (En Picardie, beaucoup de tavernes prirent comme enseigne une payelle [poêle à frire]. Ces enseignes ont donné leur nom aux rues et aux chemins de la Payelle qui existent encore dans l’agglomération lilloise et jusqu’en Belgique.)  Le perdant offrira donc une coupe de vin dans une taverne : voir les vers 180, 190 et 195.   76 À partir de maintenant. « Que mèshuy plus ung mot je n’oye ! » Le Munyer.   77 BM : cillet  (Ne remuons plus un cil !)  Les cabotins qui ont écrit cette farce exclusivement visuelle se livrent maintenant à un long numéro de mime.   78 Chargé de son matériel, il s’approche de la devanture du savetier en débitant le « cri » de sa profession.   79 BM : poesles  (« POYELLE : poële à frire. Voyez PAYELLE. » Corblet, Glossaire du patois picard ancien et moderne.)   80 « Tu faictz, pour ung trou, deux. » (Te rogamus audi nos.)  Dessous, je rétablis les refrains ABaAabAB du triolet qui annonce traditionnellement l’arrivée d’un nouveau personnage.   81 Où puis-je m’installer ? Les Picards prononçaient « wesse ».   82 Un artisan. « Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes. Le chaudronnier regarde par la devanture du savetier.   83 Personne ; cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29. BM ajoute : ceans   84 BM : en voicy deux   85 Lacune. « Dieu gard les belles damoyselles ! » (Les Mal contentes.) Pour éviter la rime du même au même, on peut écrire : la damoyselle belle.   86 C’est le « cri » du chaudronnier dans Te rogamus audi nos : « Chaulderons à reffaire ! ».   87 Je supplée ce vers manquant d’après le vers 160 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Avez-vous besoin d’une cuillère à pot ? Il y en a une parmi les ustensiles que vend le chaudronnier : voir le vers 133.   88 Je comble cette lacune d’après le vers 117. Lourde = stupide ; cf. Frère Fécisti, vers 502.   89 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Savetier Audin, vers 169.   90 Probable refrain de chanson : plusieurs d’entre elles qualifient la bien-aimée de « douce pensée ». Appliquée à un homme par un autre homme, cette locution gagne en humour ce qu’elle perd en courtoisie.   91 « Hau ! mon amy, estes-vous sourt ? » Les Drois de la Porte Bodés (voir ma notice).   92 BM : mescoulle entre  (« Entre deux yeulx » est une réminiscence du vers 111.)  Et pourtant, il roule les yeux en me regardant. « Les ieulx (il) lui esroulla. » (ATILF.) Les Picards employaient plutôt érouiller : « Érouillé bien vo zieu ! » Corblet, Glossaire du patois picard.   93 Mes outils (mot picard). Euphémisme pour : je renie Dieu.   94 Conquîtes-vous. « Les pars occidentalles/ Vous conquestistes, et les orientalles. » (André de La Vigne.) Avez-vous réussi à gober une mouche que vous craignez de laisser fuir en ouvrant la bouche ? Un gobe-mouche est un naïf, de même qu’un jénin.   95 Les présidents, du Parlement ou d’ailleurs, affectaient une rigidité sentencieuse.   96 Une statue. « Un ymage de pierre dure. » ATILF.   97 Un coq de village, un hâbleur. On disait à un messager qui voulait revêtir une cotte d’armes « que c’estoit à faire à ung sainct Nicolas de village de la vestir…. ‟Je croy que vous voulez faire le sainct Nicolas de village.” » (Acte notarié de 1528.) La Satyre Ménippée n’est pas en reste : « [Vous] avez fort bonne mine, remplissez bien vostre place, & ne vous advient point mal à faire le roy…. Vous avez toute pareille façon — sauf l’honneur que je doy à l’Église — qu’ung saint Nicolas de village. »   98 Forme picarde de « saint Pierre », le premier pape ; cf. le Pourpoint rétréchy, vers 224. Grâce aux ustensiles de cuisine en métal qu’il a sur lui, le chaudronnier va transformer le savetier en statue de l’Apôtre.   99 De foin, de paille, qui sert à récurer les chaudrons. Le chaudronnier colle au menton du savetier une barbe de paille, ce qui n’est pas très compliqué puisqu’il s’agit d’un accessoire théâtral. « Faire barbe de paille : tromper, se mocquer. » Oudin.   100 Votre diadème, votre auréole. « Nous faisons dyadèmes aus sains. » (ATILF.) Le chaudronnier pose une casserole sur le crâne du savetier.   101 En guise de crosse. La houlette est l’un des attributs de saint Pierre, comme le livre du vers 135.   102 Cette cuillère à pot, cette louche.   103 BM : au  (Un pot de chambre en métal.)   104 Vous qui êtes désormais un saint béni. Le Jeu de Robin et Marion <vers 441-480> nous fait assister au jeu de « saint Coisne », où le joueur qui tient le rôle de saint Côme ne doit surtout pas rire quand on lui offre un cadeau grotesque. Voir André Tissier, p. 108. Sur les rapports entre Côme et Coquibaut, voir Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, pp. 194-6.   105 Sorte de Mystère qui romance — ou invente — la vie d’un saint.   106 Il noircit la figure du savetier avec la suie qui tapisse le cul d’un de ses chaudrons. Même gag — et même origine de la suie — dans les Coppieurs et Lardeurs, vers 390-415.   107 D’après Gargantua <chap. 22>, ce jeu a pour nom : « Sainct Cosme, je te viens adorer. » Guillaume Bouchet précise qu’on noircissait la figure des perdants : « Cest homme noir (…) estoit quelqu’un qui avoit joué à ‟sainct Cosme je te viens adorer”. » Les Sérées, 29.   108 Qu’est-ce qu’ils ont dans la bouche, qui les empêche de parler ?   109 BM : remuoit  (Ils ne bougent pas d’un pouce.)   110 BM : de haudin  (Là encore, on pourrait faire un rapprochement avec plusieurs chansons. Claude Gervaise publiera en 1550 Celle qui a le cueur haultain.)   111 Si propre, si gracieuse.   112 Ma mignonne. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 20.   113 Que vous parliez un peu à moi. Même pronom picard à 168.   114 BM : Heu  (Vous êtes bien dédaigneuse.)   115 BM : parler  (Je vous ferai faire, à l’un ou à l’autre, ce que je veux.)   116 Petit museau, minois. Idem vers 165. Cf. le Povre Jouhan, vers 137.   117 BM : recour  (Quel derrière ! Le Povre Jouhan est encore plus direct : « Saincte sang bieu, quel cropion ! »)   118 Permettez que je vous caresse. Je comble la lacune d’après le vers 163.   119 BM : chere   120 BM : tout a  (Elle permet que je l’embrasse.)   121 BM : pauez  (Le chaudronnier enlace la femme.)   122 Il frappe à coups de louche <v. 133> sur le chaudronnier.   123 À moi !   124 BM : Sainct Jehan ien ay grand feste  (Avoir grand fête = prendre beaucoup de plaisir.)   125 BM : Nostre dame  (« TREDAME : juron, Notre-Dame. » Debrie, Glossaire du moyen picard.)   126 Voleuse, ou plus largement : femme de mauvaise vie.   127 Vers manquant. Le « chaudron » est la partie la plus chaude de l’anatomie féminine ; voir les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.   128 Lacune. Parjure est une insulte indépendante de tout sens religieux. « Paillart infâme ! Ruffien ! Traistre ! Parjure ! » Laurent de Premierfait.   129 Si je m’étais impatientée à cause de ses caresses et de ses baisers.   130 BM : regent  (Comme il se doit. « Obéissant aux dieux, comme est raison. » Hugues Salel.)   131 Lacune. La préposition picarde « o » signifie avec. « Venez boire o nous ! » (Lettre de rémission.) Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 340.   132 BM : attenez.  (Abstenez-vous. « Astenez-vous de ce faire. » ATILF.)   133 La troupe invite les spectateurs à venir boire.   134 À l’hôtellerie, à la taverne. « En un hostel ou taverne. » (ATILF.) Voir la note 75. Ce vin d’honneur offert au public semble avoir été de tradition ; l’Antéchrist, une farce contemporaine jouée à Paris, se conclut sur : « Chacun soigne [veuille] à l’hostel se rendre ! » Croquer la pie = avaler du vin ; cf. Serre-porte, vers 6.   135 Et vous vous partagerez, en tous lieux. « Tous deux ensemble les bevront,/ Et partiront esgallement. » Le Pet.   136 BM : beuz  (Qui seront dus, qui ne seront pas payés. « Cent escuz nous sont deubz. » Mallepaye et Bâillevant.)

DEUX HOMMES ET LEURS DEUX FEMMES

British Museum

British Library

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DEUX  HOMMES

ET  LEURS

DEUX  FEMMES

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Sous le nom de Farce moralisée, voire de Moralité, nous avons là cinq dialogues normands dont la conclusion est assez peu morale : il vaut mieux avoir une épouse infidèle mais agréable à vivre, plutôt qu’une mégère irréprochable.

Sources : Recueil du British Museum, nº 10. « Imprimé à Lyon, à la maison de feu Barnabé Chaussard, près Nostre-Dame-de-Confort », vers 1550. Une autre version lyonnaise, imprimée en 1619, figure dans un recueil conservé à la bibliothèque royale de Copenhague, pp. 78-121 : cette édition prend pour base BM (British Museum), en ajoutant quelques fautes, et en proposant de rares corrections que j’adopte tacitement.

Structure : Rimes plates, rimes enchaînées, rimes abab/bcbc, avec un rondel double, 9 triolets, un double rondeau.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce  moralisée

à  quatre  personnaiges  :

C’est  assavoir  deux  hommes

et  leur[s]  deux  femmes,

dont  l’une  a  malle  teste

et  l’aultre  est  tendre  du  cul. 1

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[ LE   PREMIER   MARY,  Colin

LE  SECOND   MARY,  Mathieu

LA  PREMIÈRE  FEMME,  Alix, épouse du Premier Mary

LA  SECONDE  FEMME,  Jehanne, épouse du Second Mary ]

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                     LE  PREMIER  MARY 2  commence        SCÈNE  I

        Qui3 n’a jamais, en sa maison,

        De plaisir une seulle dragme4,

        Que peult-il5 avoir ?

                           LE  SECOND  MARY

                                          Sur mon âme :

        Mal6 temps en chascune7 saison.

5      Dont8 te vient ce mal ?

                           LE  PREMIER  MARY

                                              De tenson(s)9.

                           LE  SECOND  MARY

        Voire, mais de qui ?

                           LE  PREMIER  MARY

                                          De ma femme,

        Qui n’a jamais, en sa maison,

        De plaisir une seulle dragme.

                           LE  SECOND  MARY

        La mienne est d[’une] aultre façon :

10    El(le) chante et devise. C’est basme10 !

                           LE  PREMIER  MARY

        La mienne crye, tempeste et blasme.

        Par quoy demande, en ma raison :

        Qui n’a jamais, en sa maison,

        De plaisir une seulle dragme,

15    Que peult-il avoir ?

                           LE  SECOND  MARY

                                         Sur mon âme :

        Mal temps en chascune saison.

                           LE  PREMIER  MARY

        Se je vouloys recorder sa11 leçon…

        Laissons-la là, car c’est pis que des Mors12 :

        Verset[z]13 de dueil et respons de tenson.

20    Son bec d’aspic14 gecte, par marrisson15,

        Son feu16 sourdant, dont tous les jours suis mors17.

        Mors18 ay esté, et je m’y suis amors19,

        Mort souhaitant plus que joye et soulas.

        Lassé en suis, car j’ay receu le mors20

25    Mordant en bouche, dont souvent je dis : « Las21 ! »

                           LE  SECOND  MARY

        De la mienne, jamais je n’en fus las.

                           LE  PREMIER  MARY

        Et la raison ?

                           LE  SECOND  MARY

                              Tout mon plaisir accorde22.

                           LE  PREMIER  MARY

        Corps de moy Dieu ! tenu je suis ès laqs23

        De la mère24 de Haine et de Discorde.

30    Oncques corde qui le larron encorde

        Encor(es) de l’an ne sera si diverse25

        Envers celuy qu’elle estrangle ou encorde.

        Recorde-toy26 que ma femme est perverse.

                           LE  SECOND  MARY

        Elle est preude27.

                           LE  PREMIER  MARY

                                      Je le confesse.

35    Et si28, suis tout seur et certain

        Qu’el(le) n’est paillarde ne putain.

        Mais vélà, elle est magistralle29

        De soy-mesme. Et si, est si malle

        À ce propos, que bien luy semble

40    Qu’il n’y a nul qui luy ressemble.

        Incessamment el(le) m’y frételle30 :

        « Voire dea, je ne suis point celle

        Qui ayt faict cecy, qui ayt faict cela. »

        Somme, il n’y a [ne] sol ne la 31

45    (Tant froye32 hault en ses riottes)

        [Qu’el n’excédera]33 de troys nottes.

        C’est horreur de l’ouÿr tencer !

                           LE  SECOND  MARY

        Impossible [il] est de penser

        Le plaisir qu’ay avec la mienne.

50    Car de quelque part que je viengne

        (Je luy porteray ce regnom),

        Jamais ne me dira sinon34 :

        « Mon amy, bien soyez venu ! »

        Et puis je suis entretenu

55    Scez-tu comment ? Impossible est

        De le sçavoir dire, car c’est

        Ung vray paradis que d’y estre.

                           LE  PREMIER  MARY

        Ergo 35 doncques, tu es le maistre

        En ta maison ?

                           LE  SECOND  MARY

                                  En doubtez-vous ?

                           LE  PREMIER  MARY

60    Mais — en parlant icy entre nous —36,

        Te feroit-elle point janin37,

        Ta femme ?

                           LE  SECOND  MARY

                             Par bieu, [non] ! Nenny[n] !

                           LE  PREMIER  MARY

        Dictes, compère :

        Il n’y auroit pas trop affaire

65    « À femme qui faict bonne chère38

        À son mary, gard le derrière39 ! »

        Qu’en dictes-vous ?

                           LE  SECOND  MARY

                                         A ! il y a ung bien40.

        Mauldit soit-il qui en scet rien41 !

        Aussi, je n’en veulx rien sçavoir.

                           LE  PREMIER  MARY

70    Voire, mais tu pourroys avoir

        Reproche42, quant il seroit ainsi.

                           LE  SECOND  MARY

        Mauldit soit-il qu(i) en a soulcy !

        Quant à moy, car il y a ung poinct :

        De son faict je ne m’enquiers point.

                           LE  PREMIER  MARY

75    Et pourquoy ?

                           LE  SECOND  MARY

                                 Que dyable ay-je affaire

        De cercher43 ce qui m’est contraire

        Et ce que ne vouldroys point trouver ?

                           LE  PREMIER  MARY

        Par bieu ! si fault-il esprouver

        Tout secrètement se ma femme

80    Est point à cela44.

                           LE  SECOND  MARY

                                       Sur mon âme,

        Il me semble que ton espreuve45

        Est ung grant mal. Si tu la treuve46,

        Que feras-tu ?

                           LE  PREMIER  MARY

                                 Que je feray ?

        Par le sang bieu, je la tueray !

                           LE  SECOND  MARY

85    Si tu la tues, tu es perdu.

                           LE  PREMIER  MARY

        Et pourquoy ?

                           LE  SECOND  MARY

                                Tu seras pendu.

                           LE  PREMIER  MARY

        Je feray donc[ques] aultrement :

        Je la battray [bien fort].

                           LE  SECOND  MARY

                                               Comment !

        La bonne, à [la] battre, s’empire ;

90    Et la maulvaise en devient pire.

        Scez-tu point que dit ung proverbe,

        Qu(e) à battre la maulvaise gerbe

        Se pert la peine du villain47 ?

        Oultre, se tu es inhumain

95    Et [qu’à la]48 battre tu l’assaille

        Trop souvent, tu gastes49 la paille

        Qu’encores pourroit proffiter.

                           LE  PREMIER  MARY

        Quel remède donc ?

                           LE  SECOND

                                          N’atoucher

        À ta femme en nulle manière.

100  Mais qu’el(le) te face bonne chère,

        C’est le plus fort50.

                           LE  PREMIER

                                        Je n’ay pas peur

        De la mienne, j’en suis trop seur51.

                           LE  SECOND  MARY

        Que dyable crains-tu donc ?

                           LE  PREMIER

                                                     Sa teste52,

        Car je n’ay que bruyt et tempeste

105  En la maison, dont que je vienne.

                           LE  SECOND  MARY

        Et je crains le cul de la mienne.

                           LE  PREMIER  MARY

        Le cul ? Quoy ?

                           LE  SECOND  MARY

                                   On m’a faict entendre,

        Puis ung peu53, qu’elle a le cul tendre.

                           LE  PREMIER  MARY

        Le cul tendre ? Tu me faictz rire.

110  Pleust à Dieu, le souverain Sire,

        Que test54 et teste de la mienne

        Ressemblast55 le cul de la tienne !

        Conseille-moy sur cest affaire.

                           LE  SECOND  MARY

        Il luy fault prendre ung [bon] clystère

115  Pour luy alléger le cerveau.

                           LE  PREMIER  MARY

        De vray ?

                           LE  SECOND  MARY

                        Pour la bien faire taire,

        Il luy fault prendre ung bon clystère.

                           LE  PREMIER  MARY

        Et si el(le) veult crier et braire

        Comme tousjours ?

                           LE  SECOND  MARY

                                        Sans larme d’eau56,

120  Il luy fault prendre ung bon clystère

        Pour luy alléger le cerveau.

                           LE  PREMIER

        Mais encoire ?

                           LE  SECOND  MARY

                                 Il n’est rien si beau57,

        Pour la chaleur et la tempeste,

        Et la maulvaistié58 de sa teste.

125  S’el(le) prent médecine par bas,

        Jamais tu n’auras nulz débas.

        Il fault que le bas soit ouvert,

        Aultrement, la teste se pert.

        Car, voys-tu, la challeur qu’elle a

130  S’esvacuera par ce lieu-là59

        Incontinent et sans arrest.

                           LE  PREMIER

        Le dyable m’emport si [ce] n’est

        Bonne chose s’il est ainsi !

        Et de la tienne, Dieu mercy,

135  Que tu dis qui a le cul tendre,

        Qu’y feras-tu ?

                           LE  SECOND  MARY

                                 Il luy fault prendre

        Ung restraintif60, entens-tu bien ?

                           LE  PREMIER  MARY

        Corps bieu ! Et ! vous n’y sçavez rien :

        Tu dis que le cerveau61 se pert

140  Si le bas n’est tousjours ouvert,

        Et puis tu dis qu’il luy fault prendre

        Ung restrainctif ? Tu doys entendre

        Que la fumée62 retournera

        Au cerveau, qui la te fera

145  Incessamment [crier et] braire63.

                           LE  SECOND  MARY

        J’ayme mieulx qu’elle ayt ung clystère !

                           LE  PREMIER  MARY

        Esse tout ?

                           LE  SECOND  MARY

                          Ouÿ, sur mon âme !

                           LE  PREMIER  MARY

        Ergo, tu conclus qu’il n’est femme

        Qui n’ayt mal cul ou malle teste64 ?

                           LE  SECOND  MARY

150  Sans emmoindrir en rien leur fame65,

        Icy nous disons qu’il n’est femme

        Qui ne crie, tempeste ou blasme,

        Ou à quelc’un le « bas66 » ne preste.

                           LE  PREMIER  MARY

        Icy concluons qu’il n’est femme

155  Qui n’ayt mal cul ou malle teste.

.

                          LA  PREMIÈRE  FEMME 67        SCÈNE  II

        Commère, me conseillez-vous

        Que [tant] j’endure68 ?

                           LA  SECONDE  FEMME

                                              Par bieu, non !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Mais — parlant icy entre nous —,

        Commère, me conseillez-vous ?

160  Considérez mes amys, tous

        Sans reproche, et mon bon regnom.

        Commère, me conseillez-vous

        Que [tant] j’endure ?

                           LA  SECONDE  FEMME

                                           Par bieu, non !

        Car vous estes femme de nom69

165  Plus qu’il n’est, et de meilleur lieu70

        Qu’il n’est, dea !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                    Je faictz veu à Dieu

        Et à tous les sainctz, ma commère,

        Que71 monsieur de la Haultivière

        Me fist demander72 cinq cens foys

170  À mon père.

                           LA  SECONDE  FEMME

                             Je vous en croys.

        Mais certes, m’amye, il falloit

        Que vous l’eussiez, car Dieu vouloit

        Le vous donner de telle sorte.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Mais le grant dyable (qui l’emporte !),

175  Car jamais Dieu ne s’en mesla73.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Communément on dit cela,

        Tant soit à Paris comme à Romme :

        « À femme de bien, ung fol homme ;

        Et à quelque meschante femme,

180  Ung bon homme. » [Aussi], sur mon âme,

        Jamais [on] n’en veit aultre chose.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Mauldit[e] soye se je repose

        Une heure en paix, avecques luy !

        J’en ay le cueur si très failly74,

185  Quant j’y pense !         (Plorando.) 75

                           LA  SECONDE  FEMME

                                     [Et !] estes-vous folle76 ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Aultresfoys m’a mis en tel(le) colle77

        Que je n’eusse point faict de compte

        D’avoir faict78

                           LA  SECONDE  FEMME

                                    N’av’ous79 point de honte ?

        Sainct Pierre ! vous n’estes pas saige.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

190  Par bieu, si j’eusse eu le couraige

        D’aulcunes (je ne nomme rien80),

        J’eusse faict… vous m’entendez bien81.

        Mais prie à Dieu qu’il me confonde

        Si jamais, à homme du monde82,

195  De riens me voulus consentir !

        Et si, vous veulx bien advertir

        Que j’ay esté autant requise

        De gens de Court et gens d’Église

        Que femme qui soit en la ville.

                           LA  SECONDE  FEMME

200  Que grant dyable vous falloit-ille83 ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Voylà, j’ay tousjours vescu, jusqu’icy,

        Sans reproche, las84, Dieu mercy,

        Et feray, tant que je vivray.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Et ! par sainct Jacques, je feray

205  À gens de bien (ainsi l’entens)

        Plaisir tant, qu’ils seront contens.

        Mais qu’il soit faict secrètement,

        Ce n’est qu’honneur.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                          Par mon serment,

        Commère, vous n’estes pas saige !

                           LA  SECONDE  FEMME

210  Taisez-vous, ce n’est que l’usage.

        Pensez-vous point que quelque jour

        Vous ne tombez en vostre tour ?

        A ! par bieu, vous n’estes pas quitte !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Premier85, je soys de Dieu mauldicte

215  Et mengée de chiens et de loups !

                           LA  SECONDE  FEMME

        Par bieu ! j’ay dit ainsi que vous ;

        Aussi d’aultres, qui pis ont faict

        Que86 les aultres font [en effect]87.

        Congneustes-vous point, ma88 commère,

220  L’ante89 de la seur à mon frère ?

        Elle attendit bien, la meschante :

        Car elle avoit des ans cinquante,

        À l’heure qu’el(le) s’abandonna

        À son clerc.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                             Ave Maria !

225  On la devoit brusler ou pendre !

                           LA  SECONDE  FEMME

        Et voyre, vrayement, de tant attendre.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Mais d’avoir commis le forfaict !

                           LA  SECONDE  FEMME

        Mais qu’el(le) ne l’avoit plus tost faict !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Plus tost faict ? Le dyable y ayt part !

230  Elle y vint trop tost !

                           LA  SECONDE  FEMME

                                           Mais trop tard !

        Que pensez-vous, commère ? Anné90 !

        Le péché est tout pardonné

        Quant on ne le faict qu’en cachettes91.

        Ung tas de menues tendrettes92,

235  Ce n’est que chose naturelle.

        Par mon serment, m’amye : la belle

        Eaue93 benoiste efface tout.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Vous le dictes !

                           LA  SECONDE  FEMME

                                  Par sainct Griboult94 !

        (Le bon Griboult, c’est bien juré…)

240  J’ouÿs dire à nostre curé

        Que Dieu dit : « En cathimini,

        Ève95multiplicamini,

        Crescite, et replete terram !96 »

        Et si les dames, mèshouan,

245  Font de Dieu le commandement,

        Offencent-el(le)s ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                       Nenny, vrayement ;

        Mais il s’entend : à leur(s) mary(s)97.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Mais s’ilz ne peuent98 ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                                Je vous empry,

        N’en parlez plus, vous estes folle.

250  Puisque vous estes en tel(le) colle,

        Faictes-en ce qu’il vous plaira.

        Mais mon corps jà ne touchera

        Qu’à mon mary, en brièfve somme.

        Si99, est-ce le plus maulvais homme

255  Qui soit d’icy jusqu(es) à Paris.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Touchant moy100, de tous les marys

        Qui furent oncq, j’ay le meilleur.

        Quant il vient, « Venez çà, ma fleur ! »,

        Ce me dist-il ; puis je l’acolle.

260  Après, je vous entre en parolle

        En luy disant : « – Ha ! mon amy,

        Je ne vous voys pas à demy101.

        Souffrez au moins, puisque je vous tien,

        [Qu’ung peu]102 je vous baise ! » « – Et ! bien, bien »,

265  Ce me dict-il. Puis je le baise.

        Et par ce point, jamais de noyse

        Nous n’avons en nostre maison.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Nous chantons bien aultre chanson103 :

        « – Va, va, villain !  – Va, va, villaine !

270  – Malle bosse !  – Fièbvre quartaine ! »

        Et cent mille aultres mauldissons104

        [À] chascun coup nous nous disons.

        Brief, il n’y a point d’amytié

        Entre nous.

                           LA  SECONDE  FEMME

                            Voylà grant pitié !

275  Mais d’où vous vient ceste riotte

        Entre vous ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                             Que vous estes sotte !

        Sçavez-vous pas que j’ay esté,

        Que je suis et tousjours seray

        Celle qui jamais ne meffist105

280  De son corps ?

                           LA  SECONDE  FEMME

                                 [Bon, bon,]106 il suffist !

        Nous entendons [trop] bien cela.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Et pour ceste cause, voylà,

        Commère : je veulx soustenir

        Qu’il me doibt mieulx entretenir

285  Qu(e) une aultre.

                           LA  SECONDE  FEMME

                                     Vous avez raison.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Retourner fault à la maison.

        Commère, je vous dis « à Dieu » !

                           LA  SECONDE  FEMME

        Sans point tenir tant de blason107,

        Retourner fault à la maison.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

290  Aussi est-il temps et saison

        De s’en aller.

                           LA  SECONDE  FEMME

                               Vuydons le lieu.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Retourner fault à la maison.

        Commère, je vous dis adieu !

.

                           LE  PREMIER  MARY                  SCÈNE  III

        Je te pry, compère Mathieu,

295  Que tu viengnes à mon hostel108

        Pour ouÿr ung peu le frétel109

        De ma femme. Esse pas bien dit ?

                           LE  SECOND  MARY

        J(e) yray, en faisant cest édict110

        Que tu viendras ouÿr la mienne

300  Après que auray ouÿ la tienne.

                           LE  PREMIER  MARY

        Mais il fauldra que tu te tiengne

        En ung lieu caché ou tapys.

                           LE  SECOND  MARY

        Derrière ung dressouèr ou tapis111,

        S’il en y a, je m’yray mettre.

.

                           LE  PREMIER  MARY 112           SCÈNE  IV

305  Hou là, hou !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                              Voicy nostre maistre :

        Il est venu, dressez la table113 !

                           LE  PREMIER  MARY 114

        Dieu gard, Alix !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                    Hé ! le grant dyable

        Puisse sçavoir d’où vous venez !115

        Hélas, que vous entretenez

310  Ung bel estat !

                           LE  PREMIER  MARY

                                 Héé, belle dame,

        Ne tençons point.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                      [Mais] sur mon âme,

        Vous deussiez [en] avoir grant honte !

                           LE  PREMIER  MARY

        Soupperons-nous ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                        Voilà mon compte :

        Il est yvre comme une souppe116,

315  Et puis demande que l’on souppe.

        Mauldy soyt-il117 ! Qui luy tortroit

        Ung peu le nez, il en ystroit118

        Plus de troys chopines de vin.

                           LE  SECOND  MARY,  caché, dit :

        (Escoutez le sermon divin !

320  Ce n’est encor(es) que l’introïte 119.)

                           LE  PREMIER  MARY

        Mais encores la potée120 est-elle cuytte ?

        Truffant, bourdant121, il est saison

        De soupper.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                              Vous avez raison.

        Mais, beau sire, je vous demande

325  Où est l’argent, et la vïande

        Que vous nous avez mise en voye122.

                           LE  PREMIER  MARY

        Par Nostre Dame ! je cuidoye

        Qu’il y en eust.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                  Vous le cuydiez ?

                           LE  PREMIER  MARY

        Voyre, vrayement.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                       Et ! vous faisiez

330  Voz sanglantes fièbvres quartaines,

        Qui vous puisse[nt] serrer les vaines

        Et vous puissent rompre le col !

        Villain follastre ! Meschant fol !

        Qu’au dyable soyez-vous donné !

                           LE  SECOND  MARY,  caché

335  (Par Dieu ! vélà bien entonné123,

        Et fusse pour ung contrepoint !

        Sus, Colin ! respondez-vous point ?

        Estes-vous recrus124 ?)

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                               Quel « seigneur »125 !

        Hélas, que c’est ung bel honneur

340  À vous, d’estre dès126 le matin

        À la taverne, à boire vin

        Et despendre127 neuf ou dix blancs !

        Et ses pouvres petis enfans,

        Et moy avec, le plus souvent

345  Nous convient desjeuner de vent

        En mourant de fain et de soif128.

                           LE  PREMIER  MARY

        Par le corps bieu, il n’est pas vray !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Monsieur Colin, sauf vostre grâce129 !

                           LE  PREMIER  MARY

        De dire qu’en ayez jeusné,

350  Par le corps bieu, il n’est pas vray !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Mauldit soys-je si du pain j’ay

        Demy mon saoul130 !

                           LE  PREMIER  MARY

                                            Paix, paix, bécasse !

        Par le corps bieu, il n’est pas vray !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Monsieur Collin, sauf vostre grâce !

                           LE  SECOND  MARY,  caché

355  (Ce n’est encor(e) que la Préface131 ;

        Nous serons tantost au Sanctus.)

                           LE  PREMIER  MARY

        Mauldit[e] soit l’heure que j’euz

        Oncques de toy la congnoissance !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        In Jan132, amen ! Ne133 qui l’acointance

360  Me bailla jamais de ton corps !

                           LE  SECOND134  MARY

        (Voylà bien de plaisans acordz !)

                           [LE  PREMIER  MARY]

        Après, Alix ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                Ma foy, villain,

        Il te falloit une putain,         (Plorando)

        [Et] non une femme de bien135.

                           LE  PREMIER  MARY

365  Le corps bieu ! vous ne valez rien

        À rost, [à] bouilly, n(e) à potaige136 !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Je vaulx mieulx que tout ton lignaige,

        Villain marault !

                           LE  PREMIER  MARY

                                    Ouy dea, soufflez137 !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Allez, de par le dyable, allez !

370  Il n’y en a point, en ma lignie138,

        Qui ayt faict…

                           LE  PREMIER  MARY

                                 Quoy ?

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                            La villennie139,

        Comme a faict ta seur Guillemine.

                           LE  PREMIER  MARY

        Par la chair bieu, vieille mastine140 !

        Quoquelicocq141, alleluya !

375  Je vous tueray !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                  Scez-tu qu’il y a ?

        Par la croix bieu ! se tu me touche,

        Je t’arracheray la bouche !

        Advise bien que tu feras.       (Il la bat.)

                           LE  PREMIER  MARY

        Par bieu, tu t’en repentiras !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

380  Mais que dyable me veulx-tu faire ?

                           LE  PREMIER  MARY

        Le corps bieu ! je vous feray taire

        Toute coy[t]e142, ou [bien] je verray

        Qui sera le plus fort.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                           De vray ?

        [Me taire ?] Mais qui l’eust pensé ?

                           LE  PREMIER  MARY

385  Quant tu auras assez tensé,

        Tu te tairas.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                             Par advanture143.

                           LE  PREMIER  MARY

        Or es-tu [bien] la créature

        Du144 monde que plus doy haÿr.

        Hélas ! tu me deusse(s) obéyr,

390  Et je t’obéyz, c’est au contraire.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Tu145 faictz cela que tu doys faire,

        Se tu le fais. Ha ! le feu m’arde146 !

        Se tu avoys une paillarde

        Espousée, tu la traicteroys

395  De trèsbon cueur, et l’aimeroys

        Cent foys plus que tu ne fais moy.

                           LE  PREMIER  MARY

        Il est possible.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                 Par ma foy !

        J’ose147 bien dire et maintenir

        Que jamais tu ne vis venir

400  Ces gaudelereaux148 à mon huys,

        Prescher avec moy, [car ne suis]149

        Comme d’aultres.

                           LE  PREMIER  MARY

                                       Pour Dieu, tais-toy !

        Je sçay bien la raison pourquoy :

        Ilz ne cerchent point de telz rosses.

405  T(u) es trop layde.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                       Tes malles bosses !

        C’est du soulcy que m’as donné.

                           LE  PREMIER  MARY

        En effect, pour dancer aux nopces,

        T(u) es trop layde.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                       Tes malles bosses !

                           LE  PREMIER  MARY

        Qu’on te priast de telz négoces ?

410  L’homme seroit bien abusé :

        T(u) es trop layde.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                       Tes malles bosses !

        C’est du soulcy que m’as donné.

        Au jour [n’heureux ne]150 fortuné

        Que tu me prins, estoys-je telle ?

                           LE  PREMIER  MARY

415  Nenny, vrayement, tu estoys belle.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Qui m’a faict doncques si villaine ?

                           LE  PREMIER  MARY

        La maulvaistié dont tu es plaine ;

        Car maulvaistié est de tel(le) sorte

        Que où elle est, beaulté est morte.

420  L’on ne dit point, ne te desplaise,

        « Ceste femme est belle et maulvaise »,

        Car le langaige mieulx s’ordonne151

        En disant : « Elle est belle et bonne. »

        Mais toy, tu n’es bonne ne belle.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

425  Que dyable suis-je donc ?

                           LE  PREMIER  MARY

                                                  Rebelle,

        Mal gracieuse et mal plaisante.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Je ne suis que trop advenante

        Pour le « sainct » à qui je suis offerte.

                           LE  PREMIER  MARY

        Mais, pour Dieu, regardez quel(le) perte

430  Ce seroit de ce gentil corps !

        Que de fièbvre soit-il retors152 !

        Aussi bien, est-il mal fillé153.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

        Sçais-tu qu’il y a154, Jehan l’Anguillé ?

        Se t(u) es bien ayse, si t’y tien155.

                           LE  PREMIER  MARY

435  Dea, m’amye, je ne vous dis rien.

        (Que Dieu vous doint maladventure156 !)

        Car vous estes la créature

        Du157 monde que j’ayme le mieulx.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                           Elle le prent au visaige, et dit : 158

        Par la croix bieu !

                           LE  PREMIER  MARY

                                      Gardez les yeulx159 !

440  (Vertu bieu, comme elle esgratigne !)

        Ma femme, ma doulce poupine,

        Corps advenant, plaisante et belle,

        Fassonnée160 comme une chandelle :

        Je vous ayme tant, que c’est raige.

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

445  Je t’arracheray161 le visaige,

        Traistre, marault, villain infâme162 !

                           LE  PREMIER  MARY

        Non feras, car, par Nostre Dame,

        Je m’en voys163, pour le plus sortable.

        À Dieu, Alix !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                Et toy, au dyable,

450  Qui te puisse rompre le col !

                           LE  PREMIER  MARY

        Escoutez : qu’elle est amyable164 !

        Adieu, Alix !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                              Et toy, au dyable !

                           LE  PREMIER  MARY

        N’est pas bien l’homme misérable,

        Qui se marie ? [Il est]165 bien fol.

455  À Dieu, Alix !

                           LA  PREMIÈRE  FEMME

                                 Et toy, au dyable !

                           LE  PREMIER  MARY

        Qui te puisse rompre le col !166

.

        Corbieu ! si j’avoys ung licol,                                SCÈNE  V

        Je croy que je m[’en] iroys pendre.

                           LE  SECOND  MARY

        Dea, Colin, il te fault attendre :

460  Ta pénitence n’est pas faicte167.

                           LE  PREMIER  MARY

        Si joué n’eusse de retraicte168,

        Le corps bieu, elle m’eust battu !

        Mais que t’en semble ? Qu’en dis-tu ?

        En veis-tu jamais de la sorte ?

                           LE  SECOND  MARY

465  Nenny, ou le dyable m’emporte !

                           LE  PREMIER  MARY

        Conseille-moy que je feray.

                           LE  SECOND  MARY

        Endure.

                           LE  PREMIER  MARY

                       C’est bien enduré !

        Je mourray donc en endurant.

                           LE  SECOND  MARY

        Puisque [à] ta femme as169 tant duré,

470  Endure.

                           LE  PREMIER  MARY

                       C’est bien enduré !

        Avant l’an, maint hahan auray170.

                           LE  SECOND  MARY

        Je te diray : cest [an durant]171,

        Endure.

                           LE  PREMIER  MARY

                      C’est bien enduré !

        Je mourray donc en endurant.

                           LE  SECOND  MARY

475  Sus ! après, à ce demeurant,

        Il fault aller ouÿr la mienne.

        Mais il fauldra que tu te tienne

        Caché ainsi comme j’ay faict.

                           LE  PREMIER  MARY

        Ne me dictz mot, il sera parfaict172.

                           LE  SECOND  MARY

480  Je voys devant, à la maison.

.

        Holà, ho !173                                                          SCÈNE  VI

                           LA  SECONDE  FEMME

                               J’ay ouÿ le son

        De mon mary. Qu(i) est là ?

                           LE  SECOND  MARY

                                                      C’est moy !

                           LA  SECONDE  FEMME

        Esse vous, mon mary ?

                           LE  SECOND  MARY

                                               Je croy

        Qu’en voycy174 ung qui luy ressemble.

485  Et puis, m’amour, que vous en semble ?

        Suis-je celuy que vous quérez ?

                           LA  SECONDE  FEMME

        S’il vous plaist, vous me baiserez175 ;

        Et puis après, je vous diray

        Ce qui en est.

                           LE  SECOND  MARY

                                Je le feray

490  Voluntiers, de bon cueur et de bon couraige176.

                           Il baise sa femme.

                           LE  PREMIER  MARY,  [caché]

        (Je fais veu à Dieu : voylà raige !

        Est-il rien plus doulx ne plus beau ?

        Ilz s’entre-leschent le morveau177

        Comme les chatz au moys de may.)

                           LA  SECONDE  FEMME

495  Je vous supply que vous et moy

        [Nous] disons ung mot de chanson.

                           LE  SECOND  MARY

        C’est bien dit. Or sus, commençon !

                           Ilz  chantent.178

                           LA  SECONDE  FEMME

        Mon mary, à mon appétit,

        Que nous banquetons ung petit179.

500  Dis-je bien ?

                           LE  SECOND  MARY

                              Vous me faictes rire !

        Impossible [il] est de mieulx dire :

        Qui ne vouldroit [boire et menger]180 ?

                           LA  SECONDE  FEMME

        Voicy de la perdrix d’arsoir181,

        Que vostre compère182 apporta.

                           LE  SECOND  MARY

505  Ce m’est tout ung183, mettez-la là.

        Et de vin ?

                           LA  SECONDE  FEMME

                           Ne vous souciez.

        Mais aussi, vous me promettez…

        Escoutez184… L’avez-vous ouÿ ?

        [Me] le ferez-vous185 ?

                           LE  SECOND  MARY

                                                Par bieu, ouy !

510  Apportez vin tant seullement.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Je le veulx. Mais, par mon serment,

        Je voys [en] boire la première186.

                           LE  SECOND  MARY

        C’est bien dit ! Faisons bonne chère.

        Est-il bon187 ?

                           LA  SECONDE  FEMME

                                 Il n’est rien meilleur.

                           LE  SECOND  MARY

515  Or en versez ! Et ! la couleur

        En est rouge comme sendal188.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Et puis189, Mathieu ?

                           LE  SECOND  MARY

                                            Il n’(y) a rien mal.

        Où l’avez-vous eu ?

                           LA   SECONDE  FEMME

                                        Ne vous en chaille :

        Nous n’en devons denier ne maille190 ;

520  Je l’ay payé en beau contant191.

                           LE  SECOND  MARY

        Comment, Jehanne ? En avez-vous tant192 ?

                           LA  SECONDE  FEMME

        Se j’en ay ? Et ! qu’auray-je doncques ?

        Par sainct Jacques ! il n’en fut oncques

        Que193 je n’en eusse quelque croix194,

525  La Dieu mercy !

                           LE  SECOND  MARY

                                    Je vous en croy[s].

        Mais, belle dame, je vous en prie :

        Versez là !

                           LA  SECONDE  FEMME

                           Par saincte Marie,

        Vous me baiserez doncques !

                           LE  SECOND  MARY

                                               Je le veulx.

        Et si, ferons, par bieu, nous deux,

530  Ceste195 nuyct… vous m’entendez bien.

                           LA  SECONDE  FEMME

        J’ay grant peur que n’en faciez rien :

        Vous faictes assez de parolle196 ;

        Mais quoy, c’est tout.

                           LE  SECOND  MARY

                                            Vous estes folle !

        Versez à boyre seullement.

                           LA  SECONDE  FEMME

535  Par sainct Jehan ! c’est entendement,

        Et au[r]ez trèsbonne mémoyre197.

                           LE  SECOND  MARY

        Le marché est faict : j’en voys boire

        À vous, c’est d’autant198.

                           LA  SECONDE  FEMME

                                                  Grant mercys.

        Vous bevrez aussi bien assis

540  Comme debout.

                           LE  SECOND  MARY

                                   Ce m’est tout ung.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Il fault que je boyve, à mon rum199 ;

        Ne faict pas ?

                           LE  SECOND  MARY

                               Vous avez raison.

                           LA  SECONDE200  FEMME

        Or, tenez, soufflez le thyson201,

        Entretant202 que je mengeray.

                           LE  PREMIER  MARY,  [caché]

545  (Corps bieu ! mon homme est demouré203.)

        Mathieu, hau ! Viendrez-vous ?

                           LE  SECOND  MARY

                                                           Je voys204.

        Mais que j’aye beu neuf ou dix foys,

        Je seray tout prest, attendez.

                           LA  SECONDE  FEMME

        Il fault bien que vous entendez

550  Que vous n’yrez mèshuy205 dehors !

                           LE  SECOND  MARY

        M’amour, par la foy de mon corps,

        Présent206 me verrez revenir.

                           LA  SECONDE  FEMME 207

        Le dyable l’a bien faict venir,

        [Et] non pas Dieu !           (Plorando.)

                           LE  SECOND  MARY

                                         Estes-vous sotte !

555  Fault-il pleurer ? Que de riotte !

        Je reviendray tout à ceste heure208.

.

        Tu ne sçais pas ?                                                    SCÈNE  VII

                           LE  PREMIER  MARY,  parlant à Mathieu 209

                                   Et quoy ?

                           LE  SECOND  MARY

                                                  El(le) pleure.

                           LE  PREMIER  MARY

        Non faict ?

                           LE  SECOND  MARY

                           Si faict, sur mon âme !

                           LE  PREMIER  MARY

        Par bieu, c’est une bonne femme !

560  Et vouldroys — le dyable l’emporte210

        Que la mienne fust de sa211 sorte,

        Quelque tendre du cul qu’el(le) soit212.

                           LE  SECOND  MARY

        Mais si ma femme le faisoit ?

                           LE  PREMIER  MARY

        Par ma foy, Martin le Bécu213 :

565  À peine de perdre ung escu214

        Qu’elle le faict !

                           LE  SECOND  MARY

                                  Ha ! je n’en croy rien.

                           LE  PREMIER  MARY

        Par le corps bieu ! vous estes coqu,

        À peine de perdre [ung escu]215 !

                            LE  SECOND  MARY

        Certes, ce seroit mal vescu216,

570  S’el(le) le faisoit.

                           LE  PREMIER  MARY

                                     Il y a ung bien.

        À peine de perdre ung escu

        Qu’elle le faict !

                          LE  SECOND  MARY

                                  Je n’en croy rien.

        Encor(es) qu’il soit vray217, je maintien

        Que je suis mille foys plus ayse

575  Que tu n’es.

                           LE  PREMIER  MARY

                            Point ne le confesse218,

        Se tu ne me dis la manière.

                           LE  SECOND  MARY

        Une foys219, ta femme en est maistresse220,

        Tencerresse, orguilleuse et fière.

                           LE  PREMIER  MARY

        La tienne est tendre du derrière.

                           LE  SECOND  MARY

580  Et la tienne est dure de teste.

                           LE  PREMIER  MARY

        Aussi, elle est seine et entière

        De son corps, sans riens déshonneste.

                           LE  SECOND  MARY

        Aussi, en douleur et tempeste

        Uses ta vie, [et] en tourment221.

585  Et ! [tu] scès bien que l’homme est beste,

        S’il n’a ung petit222 d’aisement.

        Se ma femme, secrètement,

        Le preste223 à ung [homme] ou à deux,

        C’est tout ung. Car, par mon serment,

590  J’en ay encor(e) plus que ne veulx224.

        Oultre plus, congnoistre tu peulx

        Comment ta femme est acoustrée225 :

        Femmes ne tiennent compte d’eulx226,

        S’ilz ne s’aydent de leur denrée227.

                           LE  PREMIER  MARY

595  Tu dis vray : elle est évantrée228,

        La plus orde229, la plus villaine,

        La plus crottée et mal coiffée

        Qui soit en [la] nature230 humaine.

                           LE  SECOND  MARY

        Il n’est qu’une femme mondaine231

600  Pour estre propre et mignonnette.

        Raison pourquoy ? Elle prent peine

        À s’acoustrer et tenir nette.

        Aulcunesfoys, on se déshette232.

        Mais, tant soit [ung] homme esbahy233,

605  Quant il voit sa femme proprette,

        Il s’en treuve tout esjouy.

        N’est-il pas vray ?

                           LE  PREMIER  MARY

                                      Par bieu, ouÿ,

        Et est ta raison bien entière234.

        Par quoy conclus, ton cas ouÿ

610  Et le mien235 sur ceste matière,

        Qu’il vault trop mieulx femme de bonne chère236

        — Présupposé qu’el(le) preste son237 derrière

        Secrettement — que femme à malle teste,

        Ce néantmoins qu’el(le) soit chaste et honneste.

615  Pour vivre en paix, l’autre est plus singulière238.

                           LE  SECOND  MARY

        Ne me parlez jamais de femme fière :

        Il vauldroit mieulx qu’homme fût [mis] en bière

        Que d’en avoir !

                           LE  PREMIER  MARY

                                   Il est tout manifeste239

        Qu’il vauldroit trop mieulx femme de bonne chère,

620  Présupposé qu’el(le) preste son derrière.240

        La raison est : el(le) vous a la manière

        De vous traicter. La peine n’est point chère241.

        El(le) rit tousjours, chante, ou [bien vous] faict feste.

        Mais de l’autre, qui pleure puis tempeste,

625  N’en parlez point !

                           MATHIEU 242

                                       Conclusion dernière243 :

        Il vauldroit mieulx femme de bonne chère

        — Présupposé qu’el(le) preste [son] derrière

        Secrètement — que femme à malle teste,

        Ce néantmoins qu’el(le) soit chaste et honneste.

630  Pour vivre en paix, l’autre est plus singulière.

.

                           COLIN                                               SCÈNE  VIII

        Avant que tirez plus arrière244,

        Ainsi comme il est de raison,

        La petite chanson gorrière245.

        Ce faisant, « à Dieu » vous dison !

.

                                   Cy  fine  la  farce  des

                                                  Deux  marys

                         et  de  leur[s]  deux  femmes.

.

*

1 Titre dans le recueil de Copenhague : MORALITÉ ET FARCE NOUVELLE, très belle, & fort joyeuse, à quatre personnages. C’est à sçavoir : Deux hommes, & leur <sic ! La faute est commune aux deux imprimés, et se retrouve dans le colophon de BM.> deux femmes, dont l’une a male <BM : molle, qui est une erreur.> teste, & l’autre est tendre de cul.   2 Les deux amis sortent d’une taverne.   3 Celui qui.   4 Une seule drachme, un seul gramme. On prononçait « drame ». Voir la note 149 de Saincte Caquette.   5 BM : veult il  (Refrain correct au vers 15.)   6 Mauvais. Idem vers 38, 149, 270, 405, 436, 613.   7 BM : toute  (Refrain correct au vers 16.)   8 D’où. Idem vers 105.   9 La tançon est le fait de tancer, de quereller pour rien. Idem vers 19.   10 C’est du baume : c’est un plaisir. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 184.   11 BM : ta  —  Copenhague : sa  (Me remémorer. « Jour et nuict/ Me fault recorder ma leçon. » Le Cuvier.)  Ces 17 décasyllabes sont écrits en rimes enchaînées, à la manière des Grands Rhétoriqueurs. La difficulté de l’entreprise est telle, qu’il ne faut pas y chercher un sens logique avec trop d’exigence.   12 Les Leçons des Morts, tirées du Livre de Job, faisaient partie des Vigiles des Morts. Voir « les neuf Lissons des Mors faictes par le saint homme Job », de Pierre de Nesson. Elles se composent de versets et de répons, comme dans les Vigilles Triboullet.   13 Il eût fallu un mot comportant la syllabe mor-, ce qu’interdit la rime du vers précédent.   14 De vipère, de dragon. « Ung grant serpent et dangereux aspic. » (Clément Marot.) Sa gueule jette des flammes, et sa langue fourchue symbolise la médisance.   15 Par courroux.   16 BM : oeil  (« Un grand feu sourd d’une bluette. » J.-A. de Baïf.)   17 Brûlé comme par la morsure d’une flamme.   18 Mordu.   19 Blessé, du verbe amordre. « Le dueil qui maintenant m’amort. » ATILF.   20 Pièce métallique qu’on met dans la bouche d’un cheval pour le diriger.   21 BM : helas   22 Elle s’accorde à tous mes plaisirs.   23 BM : latz  —  Cop. : laqs  (Dans les lacs, les filets.)   24 Nyx (la Nuit) est la mère de Némésis (la Vengeance) et d’Éris (la Discorde).   25 Défavorable.   26 Souviens-toi.   27 Prude, chaste.   28 Et même. Idem vers 38 et 529.   29 Elle règne en maître.   30 Ressasse (normandisme). Cf. Saincte Caquette, vers 140.   31 Cf. Frère Frappart, vers 95.   32 BM : seffroye  (Tant elle vise haut. Verbe frayer.)  Riote = querelle. Idem vers 275 et 555.   33 BM : Quelle excedera bien  (Elle crie encore plus haut que toutes les autres.)   34 Autre chose que.   35 Donc, comme au vers 148. Cette redondance est typique des farces de collège : « Ergo donc, se j’estoyes fourmy. » (Les Sotz escornéz.) « Ergo donc, selon l’Escripture. » (L’Avantureulx.)   36 Même vers que 158, où le « en » superflu disparaît.   37 Cocu. « Que ma femme m’ayt faict jénin. » Ung Mary jaloux.   38 Une figure agréable. Idem vers 100 et 611.   39 Attention à ses ruades ! Cf. cet autre proverbe : « Garde le derrière, Moreau rue ! » Mais dans notre farce, derrière a toujours une acception anatomique.   40 Cela se peut bien. (Idem vers 570.) « Y a » est scandé « ya » en 1 syllabe, comme aux vers 375, 433, 517 et 570.   41 Celui qui en sait quelque chose.   42 Les cocus trop complaisants n’étaient pas bien vus. Voir la note 75 du Povre Jouhan.   43 Chercher (normandisme). Idem vers 404.   44 Ne serait pas portée sur la chose.   45 Ton idée d’éprouver ta femme.   46 Si tu la trouves avec un homme.   47 Le paysan perd son temps.   48 BM : que a   49 BM : gasteras  —  Cop. : gaste   50 Du moment qu’elle te fait bonne figure, c’est l’essentiel.   51 Je suis sûr de sa fidélité.   52 Sa mauvaise tête. La femme se réduit à une tête et un cul, comme le résument les vers 148-149. Dans la farce de Tarabin, Tarabas (F 13), le cul intempérant représente aussi l’épouse, mais la mauvaise « teste qui à tous propos tence » représente le mari.   53 Depuis peu. C’est Colin qui vient de lui en parler, aux vers 61-66.   54 Le crâne.   55 Soient aussi tendres, aussi malléables que.   56 BM : dieu  (Sans attendre qu’elle se mette à pleurer.)   57 Il n’y a rien de mieux. BM ajoute dessous : Comme te dis   58 La méchanceté, la malignité. Idem vers 417 et 418. Cf. la Mauvaistié des femmes.   59 Elle n’aura plus la tête chaude, puisque sa chaleur s’évacuera par l’anus.   60 Un restringent pour resserrer ses ouvertures naturelles. Dans Tout-ménage, on dit à une fille qui souffre du mal d’amour : « Mais il vous fault ung rétrainctif. »   61 BM : hault  (Voir les vers 121 et 144.)   62 « Les fumositéz, ne se pouvans évaporer, sont cause de leur folie, opiniastreté, & de leur maladie commune du mal de teste. » Guillaume Bouchet, Troisiesme Sérée.   63 Je complète d’après le vers 118.   64 « Il vaut mieux, à une femme, avoir bonne teste que mauvais cul…. Son mary n’avoit jamais pu remédier à ceste teste, encores qu’il se fust aidé de deux poings. » G. Bouchet.   65 Sans diminuer leur réputation.   66 Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas.   67 Les deux amies sortent du marché. La première, Alix, est mal vêtue et mal coiffée (vers 595-8). La seconde, Jeanne, est « propre et mignonnette » (vers 600).   68 « De tant endurer, je ne puys…./ A ! je n’en puys endurer tant ! » Le Poulier.   69 De renom.   70 Origine.   71 BM : Le filz  (On songe à M. de la Hanetonnière qui, dans le Poulier, poursuit de ses assiduités la femme d’un meunier.)   72 En mariage.   73 On note la pruderie de la bigote, qui ne veut pas mélanger le sacré avec le profane.   74 BM : treffailly  —  Cop. : tres failly  (Le cœur me manque, me fait défaut. « Ilz semblent tous malades, tant ont lez visages fades et palles, et lez cuers faillis. » ATILF.)   75 En pleurant.   76 Les deux femmes vont se renvoyer mutuellement cette accusation aux vers 249, 276, 533 et 554. Elles emploient la variante « Vous n’êtes pas sage » aux vers 189 et 209.   77 Disposition. (Idem vers 250.) « Qu’il suive encor l’escole,/ Car il est de si bonne cole/ Qu’il apprendra tant c’on vouldra. » (Godefroy.) Cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 83.   78 BM : faict etc.   79 BM : Nauez vous  (« N’av’ous » en est une forme normande. « Et ! comment ? N’av’ous point de honte ? » Serre-porte.)   80 De certaines que je ne nommerai pas…   81 Litote courante. « Car il fault… vous m’entendez bien. » (Serre-porte.) Idem vers 530.   82 Qui soit en ce monde.   83 Il, lui. Pronom picard ou normand. « C’est ille ! » Frère Guillebert.   84 Copenhague corrige : la  (La merci de Dieu, comme au vers 525.)  Je conserve le « las ! » de BM, où l’on sent poindre un regret d’avoir vécu sans profiter des plaisirs de la vie.   85 BM : Premiere  (Auparavant, que je sois…)   86 BM : comme   87 En réalité. « –Je ne vueil point nuyre à l’Église./ –Sy ne ferez-vous en effect. » Jeu du Prince des Sotz.   88 BM : la   89 Ma tante. « Qui ont pères, mères et antes. » (Villon.) Le vers est en forme de devinette : voir la note 2 du Clerc qui fut refusé.   90 Enné ! Ce juron synonyme de vraiment est réservé aux femmes. « Et Ysabeau qui dit :/ “Enné !” » (Villon.) Cf. le Résolu, vers 50 et 244.   91 « Faisons-le tout secrètement,/ Il sera demy pardonné. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.   92 Gestes tendres, caresses.   93 BM : Leaue  (L’eau bénite : la confession. Eau-e compte ici pour 2 syllabes.)  « Belle » ne peut s’appliquer à Alix, qui reconnaît elle-même sa laideur aux vers 405-6. On emploie cet adjectif pour mettre en valeur le mot qui suit : « À ma grand’soif, la belle eaue se présente. » (Clément Marot.) « La belle eaue [de] roze à laver mains. » (Guillaume Coquillart.)   94 Personnage inconnu. Les femmes invoquaient plusieurs saints priapiques : Couillebaud, Alivergaut, Velu, Foutin, etc. Saint Gris (St François d’Assise), qui est le fondateur des Cordeliers, réputés comme les moines les plus paillards, ne serait-il pas devenu « saint gris bout » ?   95 BM : A eue  (« Ce qu’on fait a catimini / Touchant multiplicamini,/ Mais qu’il soit bien fait en privé,/ Sera tenu pour excusé. » Jardin de Plaisance.)   96 En cachette, multipliez-vous, croissez, remplissez la terre. Le « croissez et multipliez » de la Genèse servit bien souvent d’excuse aux débauchés… Prononcé à la française, « terran » rime avec « maisouan » [désormais].   97 Elles doivent se multiplier avec leur mari.   98 Peuvent (normandisme : cf. la Fille bastelierre, vers 54). S’ils ne peuvent plus faire l’amour.   99 Et pourtant.   100 En ce qui me concerne.   101 Suffisamment.   102 BM : Que  (Que je vous baise/ Ung poy ! » Frère Guillebert.)   103 BM : lecon  (« Vous chanterez d’aultre chançon ! » Mistère de la Passion.)   104 Malédictions.   105 Ne fit un mauvais usage. On songe inévitablement à Rabelais : « Il est marié…. Il est doncques, ou a esté, ou sera, ou peult estre coqu. » Tiers Livre, 32.   106 BM : Boo  —  Cop. : Bon   107 De discours futiles. « Ne me tenez plus de blason ! » L’Homme à mes pois.   108 À ma maison.   109 Le bavardage (normandisme). Cf. Saincte Caquette, vers 279.   110 En posant cette condition.   111 Un buffet ou une tenture. « Je me mectoie/ Derrière ung vieil tapis troué/ Parmy [à travers] lequel ung œil boutoye. » Martial d’Auvergne.   112 Devant chez lui, il appelle sa femme pour qu’elle vienne lui ouvrir.   113 Posez sur des tréteaux les planches qui tiennent lieu de table. Alix ouvre la porte en distillant des propos ironiques : mon époux ne rentre au bercail que pour mettre les pieds sous la table.   114 Il entre. Son camarade reste dehors et observe par la fenêtre ouverte.   115 Elle sent son haleine avinée.   116 Il est imbibé comme un morceau de pain trempé dans du vin.   117 BM : soys ie   118 Il en sortirait (verbe issir).   119 L’introït, le début du sermon.   120 Le contenu du pot en terre qu’on laisse mijoter dans la cheminée.   121 BM : bordant il est  —  Cop. : bourdant, il est,  (Soit dit sans vouloir vous offenser. Voir la note 29 de la Pippée.)   122 Que vous nous avez fait envoyer par le boucher. Cf. Tout-ménage, vers 178-186.   123 Chanté.   124 BM : reus  —  Cop. : recrus  (Recru = fatigué ; lâche.)   125 Dans le Povre Jouhan, Affriquée dit la même chose à son mari qu’elle accable d’insultes.   126 BM : depuis   127 Dépenser. Le blanc est une petite pièce en argent.   128 Les Normands prononcent « sé », qui rime avec vrai. Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin.   129 Je vous en prie !   130 À moitié autant que j’en voudrais.   131 La partie de la messe qui précède le Sanctus. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 387-388. À la française, on prononçait « Santu ».   132 Saint Jean (normandisme). Cf. Jehan de Lagny, vers 153 et 204.   133 Et que soit maudit aussi celui…   134 BM : premier  (Matthieu, toujours à la fenêtre, continue à filer sa métaphore musicale du sermon chanté : vers 319-320, 335-336, 355-356.)   135 « Ces tant femmes de bien ont communément maulvaise teste. » Tiers Livre, 9.   136 Quelle que soit la manière dont on vous accommode, vous n’êtes pas bonne.   137 Causez toujours ! Cf. les Mal contentes, vers 91. On dit parfois : « Souffle, Michaut ! »   138 BM : lignee  (-ie est une terminaison normanno-picarde.)  « N’y en » est scandé « nyen » en 1 syllabe ; voir la note 40.   139 Un adultère. « Ilz faisoient la vilanie. » Opuscules tabariniques.   140 Chienne, femelle du mâtin.   141 Cocorico ! Cette double interjection sonne comme un cri de guerre. Cf. Colin, filz de Thévot, vers 90 et note.   142 Coite, muette.   143 Par extraordinaire.   144 BM : De ce  (Voir le vers 194.)   145 BM : Je   146 Que l’Enfer me brûle.   147 BM : Je lose   148 Ces godelureaux, ces galants.   149 BM : ne gaudir  (Voir les vers 42-43.)   150 BM : malheureux  (Ni heureux, ni chanceux. « La femme estoit eureuse et bien fortunée, qui de tel mary estoit douée. » Cent Nouvelles nouvelles.)   151 BM : sadonne  (Les mots viennent plus naturellement.)   152 Tordu.   153 Mal filé, mal fait.   154 Ce qu’il y a. Anguillé se dit d’un galérien qui a subi une anguillade : qu’on a fouetté avec une peau d’anguille. En Normandie, « anguiller » = se glisser dans une rue : « En anguillant dez Augustins la rue. » (La Muse normande.) Enfin, l’anguille désignant notoirement le pénis, un anguillé pourrait à la rigueur être un sodomite passif. G. Bouchet parle d’une femme qui traite son époux de « maquereau, rufien, paillard, ribaud, fouetté, larron, bougre ».   155 Contente-toi de ce que tu as.   156 Une mésaventure, un accident.   157 BM : De ce  (Voir le vers 94.)   158 BM intervertit la rubrique et la didascalie.   159 Faites attention à mes yeux !   160 Façonnée, droite. C’est une comparaison ironique : « Dame Flourence l’Escornée,/ Longue eschine et plate fourcelle [poitrine] (…),/ Façonnée comme une chandelle. » (G. Coquillart.) Notons qu’au vers 428, Alix se compare elle-même à une chandelle qu’on offre à un saint. Le comédien qui jouait son rôle devait être grand et maigre, ce qui correspond à l’idée qu’on se fait d’une femme revêche.   161 BM : ten arracheray   162 La farce du Savatier et Marguet présente deux couples similaires aux nôtres ; la harpie traite son souffre-douleur de « meschant vilain infâme ».   163 Vais. Idem vers 480, 512, 537, 546. Sortable = convenable.   164 Amicale.   165 BM : et  —  Cop. : il est  (« Il est bien fol, qui se marie. » Le Savetier qui ne respond que chansons, F 37.)   166 Il sort et rejoint Matthieu.   167 Ton séjour au purgatoire n’est pas terminé.   168 Si je n’avais pas battu en retraite.   169 BM : ta  (Puisque tu la supportes depuis si longtemps.)   170 BM : duray  (Ahan = peine, épreuve. Cf. le Prince et le deux Sotz, vers 128.)  « Ysaac, Jacob, qui maint ahan/ Eurent. » ATILF.   171 BM : en endurant  (Durant cette année. « Cest an durant, furent desconfits les Anglois devant Patay. » Cronique martiniane.)   172 Ce sera fait.   173 Devant chez lui, il appelle sa femme.   174 BM : voyez cy   175 Vous m’embrasserez, pour que je puisse juger si vous êtes bien mon mari. Matthieu entre, et Colin se poste devant la fenêtre ouverte.   176 De bon cœur.   177 Le museau. « Léquer le morveau » est une expression normande. « Luy demander comment elle se porte, et luy lécher le morveau (…) sans exécuter ce qui importe le plus. » Odet de Turnèbe.   178 Cette chanson à la mode, interchangeable au gré des représentations, n’a pas été conservée. Dans le Savatier et Marguet, le couple heureux passe son temps à chanter, alors que le couple hargneux s’injurie en permanence.   179 Restaurons-nous un peu.   180 BM : recommencer  (« Venez céans asseurément/ Boire et menger ! » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.)   181 D’hier soir. Les Normands prononçaient « essair », qui rime avec mangèr. « Voulant souper, essair, à la c[h]andelle. » La Muse normande.   182 Il ne s’agit pas de Colin mais d’un des amants de Jeanne. Il était d’usage d’apporter à boire et à manger aux rendez-vous galants. Par exemple dans le Poulier : « J’aporteray, pour le repas,/ Un gras chapon avec une ouée./ Et du vin. »   183 Ça m’est égal. Matthieu exprime la même indifférence aux vers 540 et 589.   184 Avec une pudeur qui devait être fort comique, elle parle à l’oreille de son époux, afin qu’il s’acquitte du devoir conjugal.   185 « Vous ne me le ferez plus : ma mère m’a mariée. » Brantôme.   186 Elle boit dans le verre de son mari, selon un vieux rituel amoureux.   187 « –Voyelà du vin. –Est-il bon ? » Troys Gallans et Phlipot.   188 Comme du cendal, de la soie rouge.   189 Comment trouvez-vous ce vin ?   190 Quand maître Pathelin montre à sa femme le drap qu’il a volé, il dit : « –Je n’en doy rien./ Il est payé, ne vous en chaille./ –Vous n’aviez denier ne maille. »   191 Comptant. Il y a peut-être un clin d’œil au public : « Mais avant, fus privé de mon argent comptant,/ Dont je fus par trop fol d’achetter ung con tant. » Jehan Molinet.   192 Avez-vous tellement d’argent ?   193 Il n’y eut jamais d’argent sans que…   194 BM : peu  (Quelque pièce frappée d’une croix. Cf. le Bateleur, vers 147.)   195 BM : Encores   196 Avec des mots. C’est l’éternelle opposition entre Dire et Faire, illustrée dans Raoullet Ployart.   197 Le vin vous donnera de la mémoire (note 77 des Coppieurs et Lardeurs), et ainsi, vous vous souviendrez que nous devons faire l’amour.   198 Boire d’autant à quelqu’un : boire à sa santé pour sceller un marché. Afin de porter ce toast, Matthieu se lève en chancelant.   199 À mon run, à mon tour. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 48.   200 BM : premiere   201 Ravivez le feu de la cheminée.   202 BM : Entreprenant  (Entre-temps, pendant que. « Entretant que le fer est chault, on le doibt batre. » Godefroy.)   203 BM : demonte  (Matthieu a pris racine. « Vuidez tost, c’est trop demouré ! » Ung jeune moyne.)  Sans plus se cacher, Colin appelle Matthieu par la fenêtre.   204 J’y vais : je viens. Dans le Savatier et Marguet, l’un des deux maris appelle l’autre : « –Jaquet, hay ! hay ! –Je voys, je voys. »   205 Aujourd’hui, maintenant.   206 Présentement, tout de suite.   207 Elle désigne Colin, qui attend devant la fenêtre.   208 Tout à l’heure. Mais on peut comprendre : à 7 heures. Matthieu sort et rejoint Colin.   209 BM intervertit la rubrique et la didascalie.   210 BM : memporte  (Que le diable emporte la mienne ! Voir le vers 174.)   211 BM : la   212 Quoique la tienne ait le cul tendre. « Et ! vous avez le cul trop tendre. » (Le Poulier à quatre personnages.) Dans Saincte Caquette, il est question de « femmes tendres du bas ».   213 Encore un personnage non identifié. Bécu = pointu comme un bec, ou comme les cornes d’un « becque-cornu » (Le Roux), c’est-à-dire d’un cornard. Bécu qualifie également le nez d’un alcoolique : « De jeune femme (portée) sur le vin, nez rouge et beccu. » Trésor des sentences.   214 Je parie un écu.   215 BM : la vie  (Rime correcte aux refrains 565 et 571.)   216 Elle mènerait une mauvaise vie.   217 Quand bien même ce serait vrai.   218 Je refuse de le reconnaître.   219 D’abord.   220 Porte la culotte. Dans le Savatier et Marguet, l’époux de la femme acariâtre se plaint : « Suys-je pas de malle heure né,/ De te voir estre ainsy mêtresse ? »   221 L’auteur a bien lu –et bien retenu– les XV Joyes de Mariage, où le pauvre mari « use sa vie en douleurs et en tourmens ».   222 BM : peu  (Un peu d’aise, de plaisir.)   223 Prête son « bas » (vers 153), ou son derrière (vers 612).   224 Matthieu aime mieux boire que faire l’amour : vers 248, et 531-533.   225 Si elle est bien vêtue, c’est la preuve qu’elle se fait entretenir par un amant.   226 De leurs soupirants du vers 588.   227 BM : derriere  (De leurs deniers. « Ung chappon [vault] XV denrées, et une géline, XII denrées. » ATILF.)  Les galants doivent payer pour obtenir les faveurs des dames.   228 Débraillée.   229 Sale.   230 Dans toute l’espèce.   231 Il n’y a qu’une aguicheuse. « Ceste femme estoit fort mondaine, désiroit estre fort bien vestue et parée, et si, aymoit le desduit d’amours. » ATILF.   232 Parfois, on se plaint d’elle.   233 Aussi ahuri que soit un homme.   234 Il n’y manque rien.   235 Après avoir examiné ton cas et le mien.   236 Qui montre une figure agréable à son mari. Ce double rondeau est probablement chanté, comme Jehan Molinet le suggère dans l’Art de Rhétorique : « Et ceste manière de rondeler sert aux chansons de musique. »   237 BM : en  (Forme correcte au refrain de 620, mais faute identique à celui de 627.)   238 La femme volage est plus précieuse.   239 Il est évident.   240 Dessous, BM répète inutilement le refrain B : Secrettement que femme a malle teste   241 La peine qu’elle vous cause n’est pas grave.   242 BM restitue leur nom aux deux hommes : ne voulant pas faire déborder cette ultime colonne, l’éditeur a placé les rubriques sur la même ligne que le texte en décasyllabes ; et pour qu’elles y entrent, il a dû les raccourcir.   243 BM : derriere   244 Que vous ne repartiez.   245 À la mode. Cf. le Résolu, vers 127, 202 et 279. Avant le salut, il est de tradition que les comédiens chantent une chanson dans l’air du temps.

LA MAUVAISTIÉ DES FEMMES

British Museum

British Library

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LA  MAUVAISTIÉ

DES  FEMMES

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Certaines femmes poussent l’obstination jusqu’à refuser de céder devant l’obstination de leur époux. Leur « mauvaiseté1 » s’exprime dans des joutes verbales et parfois physiques dont témoigne ce dialogue normand2 écrit au début du XVIe siècle.

Les deux époux n’ont aucune chance de s’entendre, car ils ne sont pas de la même étoffe : la femme se nomme Finette. Ce mot désigne un tissu de coton très fin. Le mari se nomme Rifflard ; ce mot désigne la laine la plus longue et la plus grossière d’une toison. Nos deux tourtereaux se volent dans les plumes en échangeant des noms d’oiseaux, pour savoir lequel des deux va mettre l’autre en cage. Et la gagnante est… ?

Sources : Recueil de Florence, nº 48, peut-être imprimé à Paris vers 1517,3 sous le titre : « La Mauvaistié des femmes. »  Recueil du British Museum, nº 3, imprimé à Lyon entre 1532 et 1550 sous le titre : « L’Obstination des femmes. » (Cette farce n’a pas de rapport avec celle qui s’intitule la Ruse, meschanceté et obstination d’aucunes femmes.)  J’utilise l’édition F <Florence>, et je la corrige tacitement sur l’édition BM <British Museum>.

Structure : Rimes plates, avec six triolets dont les 30 refrains, par leur côté itératif et obsessionnel, matérialisent les rabâchages du couple.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce  nouvelle

à  deux  personnages

C’est assavoir :

       RIFFLART

       et  FINETTE 4

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LA  MAUVAISTIÉ  DES  FEMMES

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                             RIFLART 5  commence [en chantant] :

         Gens mariéz ont assez paine,                                SCÈNE  I

         À bien considérer leur cas.

         Par chascun jour de la sepmaine,

         Gens mariéz ont assez peine.

5       L’ung tracasse, l’autre pourmaine 6

         De nuit, de jour, vélà le cas.

         Gens mariéz ont assez peine,

         À bien considérer leur cas.

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         À besongner ne fauldray pas7 :

10     Car se ma femme survenoit,

         Certainement el me batroit.

         Nuit et jour ne fait que hongner8.

         Il me fault aller besongner

         Pour éviter son hault langaige.

15     Je vueil assouvir9 ceste cage ;

         Ce sera pour mectre une pie.

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                             FINETTE                                        SCÈNE  II

         Que fait Riflart ?

                             RIFLART

                                         Quoy ? Dea, m’amye,

         Je remetz à point ceste cage.

                             FINETTE

         Esse tout ? Que la malle rage

20     Te doint Dieu, villain malostru !

         Or dy : comme gaigneras-tu

         Ta vie ? Tu ne veulx riens faire.

         Du mal monseigneur saint Aquaire10

         Puisse-tu estre tourmenté !

25     Et aussi, que malle santé

         Te doint Celuy qui te forma11 !

                             RIFLART

         Me mauldissez-vous ? Qu’esse-là ?

         Dea, Finète, quant je me mis

         En mesnage, tu me promis

30     Que feroye mon commendement ;

         Et tu me maulditz, maintenant.

         Fault-il qu’endure ? Qu’esse-cy ?

         Je feray ceste cage icy,

         Et deussiez-vous vive enrager !

                             FINETTE

35     Mais pour quoy faire ?

                             RIFFLART

                                                  Pour loger

         Une pie : c’est ung bel oyseau.

                             FINÈTE

         Et que dira-(e)lle12 ?

                             RIFFLART

                                               « Maquereau13 !

         Va hors ! Va, larron ! »

                             FINETTE

                                                   Que vous estes14 !

         Hé ! Dieu, qu’il est de sottes testes !

                             RIFFLART

40     Je ne suis point macquereau, non.

                             FINETTE

         Se la pie par vostre nom

         Vous appelle, vous l’orrez15 bien.

                             RIFFLART

         Je suis aussi homme de bien

         Qu(e) homme qui soit, dessus16 mes piedz.

45     Et vueil bien que vous le saich[i]ez :

         Puisque je l’ay mis en ma teste,

         Ce ne sera pour autre beste

         Que pour une pie, je le vueil !

                             FINETTE

         Se17 vous en aviez plus grant dueil

50     – Et deussiez de courroux crever

         Et de male rage enrage[r] –,

         Par la tocque bieu18, non sera !

         Ung cocu19 on y boutera,

         Entendez-vous bien ?

                             RIFFLART

                                                Ung cocu ?

55     J’aymeroye mieux perdre ung escu !

         Comment ! en serez-vous maistresse20 ?

         Je mourroye plustost de destresse !

         [Certe,] une pie y sera mise.

                            FINETTE

         Certes, j’en feray à ma guise,

60     Vueillez ou non !

                             RIFFLART

                                        Voire, Finette,

         Que jamais on ne m’en quaquette21 :

         G’y mettray une pie.

                             FINETTE

                                               Vous, paillart !

         Vueillez ou non, par Dieu, Rifflart,

         Je mettray ung cocu dedans !

                             RIFFLART

65     Vous en mentirez par les dens22 !

         Par le sainct sang que Dieu me fist23 !

         Puisque je l’ay dit, il souffist,

         Finette, n’en quaquetez plus !

         Ou, foy que doy au roy Jésus,

70     Ung coup aurez sur la narrine !

                             FINETTE

         Foy que doy saincte Katherine !

         Vous ne le porterez pas loing24.

         Je vous bailleray sur le groing,

         Entendez-vous, villain jaloux ?

                             RIFFLART

75     Et ! belle dame, taisez-vous !

         Paix !

                             FINETTE

                       Pour qui ?

                             RIFFLART

                                            Taisez-vous, mèshuit25 !

                             FINETTE

         Pour ung loudier26 ? Pour ung yvrongne ?

                             RIFFLART

         Encore ?

                             FINETTE

                           Fy-fy27 !

                             RIFFLART

                                              C’est trop dit !

         Paix !

                             FINETTE

                       Pour qui ?

                             RIFFLART

                                            Taisez-vous, mèshuit !

                             FINETTE

80     Me tairé-ge pour ung  [ mauldit,

         Pour ung homme qui tousjours grongne ?28

                             RIFFLART

         Paix !

                             FINETTE

                       Pour qui ?

                             RIFFLART

                                           Taisez-vous, mèshuit !

                             FINETTE

         Pour ung loudier ? Pour ung ]  yvrongne ?

                             RIFFLART

         Avoir pourrez sur vostre trongne !

                             FINETTE

85     De qui ? De vous ?

                             RIFFLART

                                            Et de qui doncques ?

                             FINETTE

         Faictes, faictes vostre besongne !

                             RIFFLART

         Avoir pourrez sur vostre trongne !

                             FINETTE

         Par Nostre Dame de Boulongne !

         Je ne vous crains en rien quiconques29.

                             RIFFLART

90     Avoir pourrez sur vostre trongne !

                             FINETTE

         De qui ? De vous ?

                             RIFFLART

                                           Et de qui doncques ?30

         Par la mort bieu ! je ne vy oncques

         Femme qui eust telle caboche !

         Mais que j’aye cy mis une broche31,

95     Ma cage sera assouvie32.

                             FINETTE

         Et qu’i mettra-l’en33 ?

                             RIFFLART

                                                 Une pie.

                             FINETTE

         Mais ung cocu !

                             RIFFLART

                                       Mais ung estronc34 !

         Laissez-moy faire35 !

                             FINETTE

                                                Quel folie !

         Mais qu’i mettra-l’en ?

                             RIFFLART

                                                 Une pie.

100   Elle sera cointe36 et jolie ;

         Et si, sera à demy ront37.

                             FINETTE

         Mais qu’i mettra-l’en ?

                             RIFFLART

                                                  Une pie.

                             FINETTE

         Mais ung cocu !

                             RIFFLART

                                        Mais ung estronc !

         Aussi tost que les gens l’orront

105   Appeler38 « macquereau ! », siffler,

         Par mon âme, ce sera fer39 !

         Il n’en fault point parler du pris40.

                             FINETTE

         Ung cocu dedens sera mis,

         Qui est ung oyseau de grant bien.

                             RIFFLART

110   Par ma foy, il n’en sera rien !

         Et ne m’en parlez plus, Finette !

         Aussi tost qu’elle41 sera faicte,

         G’iray une pie acheter.

                             FINETTE

         Pour quoy faire ?

                             RIFFLART

                                         Pour y bouter.

                             FINETTE

115   Saint Jehan ! mais ung cocu jolis.

                             RIFFLART

         Si sur vous je gecte mes gris42,

         Vous direz « une pie43 ».

                             FINETTE

                                                      Feray ?

         Par Dieu, ennuit44 ne me tairay !

         [Dictes « ung cocu »]45, oyez-vous ?

                             RIFFLART,  en frappant

120   La chair bieu ! vous aurez des coups,

         Tenez ! Dictes « une pie ». Ferez ?

                             FINETTE

         Mais ung cocu !

                             RIFFLART

                                        Vous en aurez

         Plus de cent coups, n’en doubtez mye,

         Ou « une pie » vous nommerez46.

                             FINETTE

125   Mais ung cocu !

                             RIFFLART

                                        Vous en aurez !

                             FINETTE

         C’est pour neant47 : avant, me tuerez.

                             RIFFLART

         Dictes « une pie », je vous prie.

                             FINETTE 48

         Mais ung cocu !

                             RIFFLART

                                        Vous en aurez

         Plus de cent coups, n’en doubtez mie !

130   Cuidez-vous que soit mocquerie ?

         Il fault que je vous serve49 à bon.

                             FINETTE

         Me tueras-tu, traistre larron,

         Méseau50 pourry ? Que veulx-tu faire ?

         Je conteray tout ton affaire

135   Au maire51 de nostre village.

         Tu ne te vis52 que de pillage,

         Sanglant bougre53 d’un vieil thoreau !

         Je te donray54 sur le museau,

         Se tu me frappes aujourd’uy !

                             RIFFLART

140   Par Dieu ! si vous parlez mèshuy

         De cocu ne de tel oyseau,

         Je vous casseray le museau,

         Tant vous donray de horions55 !

         Taisez-vous donc, et ne disons,

145   Chascun, mot56 ; et je vous en pry.

                             F[I]NETTE

         Que je me taise ? Je t’affy

         Que c’est bien envis57, par ma foy !

                             RIFFLART

         Certes, Finette, je t’en croy…

         Or dy doncques, je te supplye,

150   Que ma caige est pour une pie ;

         Car je l’ayme bien58, entens-tu ?

                             FINETTE

         Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !

         Jamais ce propos ne lerray59.

                             RIFFLART

         Mais pour une pie !

                             FINETTE

                                              [Quel testu !]60

155   Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !

                             RIFFLART

         Je te donneray ung escu,

         Et le dy61.

                             FINETTE

                              Sainct Jehan, non feray !

         [Et !] par bieu, c’est pour ung cocu :

         Jamais ce propos ne lerray.

                             RIFFLART

160   (Au fort, tout luy accorderay,

         Je n’y voy point de meilleur62 voye.

         Le sang bieu ! avant la turoye

         Qu’elle changast [d’]oppinion63.)

                             FINETTE

         Par saint Jehan ! ce ne feray mon64,

165   Car jà pie n’y sera mise.

         J’en feray tout à ma devise65.

         Tu m’as rompu tout le(s) costé(s)66.

         Ung cocu y sera bouté,

         Et ne m’en tiens plus de langaige ;

170   Ou, en despit de ton visaige,

         [Se mettre y veulx nul]67 contredit,

         Je la brûleray68 par despit !

         Entens-tu, [Rifflart] ?

                             RIFFLART

                                                Belle dame,

         Je suis bien mari69, par mon âme,

175   Que vous avez si malle70 teste.

         Les gens si me tiendroyent pour beste

         Se n’estoye maistre en ma maison ;

         Aussi esse droit et raison,

         Aultrement ne seroye pas saige.

                             FINETTE

180   Cela n’est pas à nostre usaige71,

         Et ne sert72 point à mon propos.

         Femmes n’ont jamais le bec clos,

         Et ce n’est pas de maintenant73 !

         En ta caige, certainement,

185   Y mettré ung joli cocu.

         Or dy : le m’achetteras-tu,

         Ou se je l’iray acheter ?

                             RIFFLART

         J’ayme mieulx le vous apporter,

         Car j’en trouveray mieux que vous…

                             FINETTE

190   À quoy dea[b]le congnoistrez-vous

         S(e) il est mâle ou [s’il est] fumelle74 ?

                             RIFFLART

         Regarder luy fault soubz l’esselle75,

         Finette : là le congnoist-on.

                             FINETTE

         Entour Noël76, en la saison,

195   [Ilz] chantent soubz la cheminée77 ;

         C’est [là] une chose esprouvée.

                              RIFFLART

         Or allons, vous et moy, chercher

         Se ung [nous] en pourrons trouver

         – Pour bouter dedens vostre78 cage –,

200   Qui gouvernera le mesnage79

         Tandis que g’irons80 au marché.

.

         Bonnes gens, vueillez prendre en gré.

         Nous en allons par-cy le pas,

         Ung chascun selon son degré81.

205   Vueillez prendre en gré nos esbatz !

.

                                           FINIS

*

1 Que Jean de Marconville étudiera en 1564 dans De la bonté et mauvaistié des femmes.   2 Plusieurs tournures normanno-picardes ont résisté aux éditeurs parisiens et lyonnais : vers 23, 37, 66, 93, 96, 105, 116, 191, 201, etc.   3 D’après Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 673-680.   4 Une jeune fille porte ce nom dans la farce des Femmes qui vendent amourettes (F 38).   5 Il est seul dans son atelier d’artisan. Au lieu de travailler, il répare une cage en osier. Il chante un rondel (que le ms. Phillipps 3644 baptise Rondeau). Dans la Confession Rifflart, le personnage éponyme obéit lui aussi aux volontés de son épouse.   6 Le mari se décarcasse, la femme va et vient.   7 Je ne m’abstiendrai pas de travailler.   8 Elle ne fait que grogner.   9 Finir de rafistoler. Idem vers 95.   10 « On appeloit ceux qui acquèrent, qui gagnent : pèlerins de St Aqaire. » La Curne de Sainte-Palaye.   11 Que le Créateur te donne une mauvaise santé.   12 L’aphérèse du « e » de (e)lle après un futur confirme l’origine normanno-picarde de la pièce. « Sy en sera-’lle resjouye. » Marchebeau et Galop.   13 On dressait des oiseaux parleurs pour qu’ils insultent les visiteurs, notamment ceux qui venaient voir la maîtresse de maison. Clément Marot se plaint que les femmes de Paris traitent quelqu’un de « maquereau,/ Comme une pie en cage injurieuse ». Voir aussi la Résurrection de Jénin Landore : « –Quand on met une pie en cage,/ Que luy aprent-on de nouveau/ À dire ? Parle ! –“Macquereau.” »   14 Maquereau vous-même !   15 F : lornez  —  BM : lorres  (Orrez est le futur du verbe ouïr.)  Vous entendrez bien que vous êtes un maquereau.   16 Leçon BM. F : sur  (Quand je suis debout : quand je ne suis pas ivre.)   17 Même si.   18 De Dieu. Pour ne pas jurer sur le corps de Dieu, on jure sur ses vêtements. « Par les patins bieu ! » Te rogamus audi nos.   19 Un coucou. « Cocu » est le second degré traditionnel : « J’ay une autre forest/ Où tous les jours le cocu chante. » (Le Faulconnier de ville.) La femme veut mettre en cage un cocu semblable à son mari, lequel veut y mettre une pie qui passe son temps à jacasser, comme son épouse.   20 Est-ce vous qui commanderez ?   21 La femme caquette, comme une pie. De même au vers 68.   22 Votre bouche n’aura pas dit la vérité. « Vous y mentirez par les dens ! » Actes des Apostres.   23 « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval.   24 Vous ne l’emporterez pas au Paradis.   25 Maishui, à présent.   26 Pour un vaurien comme vous. Cf. le Mince de quaire, vers 229.   27 F et BM : Fy fy fy  (Voir la note 193 du Munyer.)  La femme traite son époux de Fy-fy, de merdeux. On comprend la réplique offusquée de Rifflard.   28 Un « bourdon » a mutilé ce triolet. Je reconstitue le vers qui a sauté en m’inspirant de Raoullet Ployart, qui, d’après sa femme, « tousjours tence, riotte ou grongne ».   29 En rien du tout. « –Or ne riez point. –Rien quiconques,/ Mais pleureray à chaudes larmes. » Pathelin.   30 F répète dessous : Par la mort bieu / Et de qui donques   31 Lorsque j’aurai mis ici une tige pour obstruer l’ouverture.   32 Terminée.   33 Qu’y mettra-t-on ? « L’en » est surtout employé en Normandie : cf. Pates-ouaintes, vers 66, 77, 94, 210, 313, 401, 522.   34 Cet étron virtuel met fin aux contestations. « –Malade suis. –Mais ung estront ! » Le Povre Jouhan.   35 Laissez-moi finir ma cage.   36 Gracieuse. « Ma femme sera coincte et jolie comme une belle petite chouette. » Rabelais.   37 Et aussi, elle aura « les plumes de sa queüe estalées en demy rond », comme celles du paon dans les armoiries. Voir le Trésor héraldique ou Mercure armorial.   38 L’entendront crier.   39 Ce sera grandiose. « À ceste foys, nous ferons fer ! » (ATILF.) Fer rime avec sifflèr, à la manière normande. Vaugelas déplorera qu’en Normandie, on prononce l’infinitif aller « tout de mesme que si l’on escrivoit allair ».   40 Peu importe son prix.   41 Que la cage.   42 Mes griffes. Cf. Tout-ménage, vers 61. Ce normandisme désigne également les serres d’un oiseau.   43 Il n’y a là aucun rapport avec l’expression « dire pie » ; v. la note 66 des Coppieurs et Lardeurs.   44 Anuit, aujourd’hui.   45 F : Dung cocu  —  BM : Dictes pie   46 F : mommeres  (Les vers 123-125 manquent dans BM.)  Un fragment de sottie qui suit la moralité de Digeste Vieille fait allusion à ce passage, à moins que notre farce ne s’inspire de ladite sottie : « On luy livre sy durs assaulx/ Qu’i n’ose nommer une pie…./ Et vous plaise de prendre en gré,/ Se le coqu gaigne la pie. »   47 Ça ne sert à rien. (« Nian » compte pour 1 syllabe.) Vous me tuerez avant que je ne capitule.   48 F et BM intercalent un vers dans le triolet ABaAabAB : Non feray par sainte marie   49 Leçon BM. F : fine  (« Servir au bond » est une action du jeu de paume.)   50 Lépreux. Ce mot ne servait plus que d’insulte : cf. la Laitière, vers 265.   51 Le maire est officier de justice. Cf. Colin, filz de Thévot le maire, vers 23-24.   52 Tu ne te nourris. « Que les loups se vivent de vent. » François Villon.   53 Homme qui copule avec des animaux. « Bougre à chièvres. » (Scarron.) Cette accusation n’était pas anodine : la bestialité était punie de mort. Jody Enders, qui a eu la bonne idée d’adapter notre farce en américain, traduit ce vers ainsi : « Fuck you and bugger off, you crook ! » (Holy Deadlock and further ribaldries, pp. 118-134.)   54 Leçon BM. F : donneray  (Je corrige le même défaut à 143.)  Je te donnerai un coup.   55 De coups. Avec la diérèse, ho-ri-ons fait 3 syllabes.   56 Et qu’aucun de nous ne dise un mot. Dans le Chauldronnier et dans les Drois de la Porte Bodés, un couple s’écharpe jusqu’au moment où il décide de se taire, le premier qui parle ayant perdu.   57 Je t’affirme que c’est bien malgré moi. Dans le Chauldronnier, la femme avoue : « Et moy, qui me tais bien envys. »   58 Aimer la pie = aimer boire du vin. Cf. le Roy des Sotz, vers 222. Rifflard est porté sur la boisson : vers 44, 77.   59 Je ne laisserai.   60 F : Ay non feray  (L’éditeur a mélangé ce 3e vers du triolet, qui rime en -u, avec la rime de 157. « Un mary testu et génin. » Le Trocheur de maris.)  BM omet les vers 154-159.   61 Si tu dis qu’on y mettra une pie.   62 F et BM : meilleure  (« J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. « Dedans la meilleur de noz chambres. » La Confession Margot.)   63 Elle se laisserait tuer plutôt que de changer d’avis.   64 Jamais je ne changerai de langage. Finette, qui n’a pas entendu l’aparté de Rifflard, complète sa tirade 157-159.   65 Selon ma volonté. « Là où jouë l’obstination des femmes, elles veulent tousjours vaincre & emporter le dessus. » Pierre de Larivey.   66 La rime est au singulier, comme dans BM : tout rompu le couste.  À partir de maintenant, les rôles, ou plutôt les genres, sont inversés : Finette tutoie son mari, qui se met à la vouvoyer.   67 F : Se mtttre y veulx  —  BM : Ce mettrcy veulx  (« Je n’y mectray nul contredict. » Sœur Fessue.)   68 Je brûlerai cette cage en osier.   69 Marri, fâché. Jeu de mots banal sur « mari ».   70 Si mauvaise. L’auditoire pouvait comprendre : si mâles testes [des testicules si masculins]. Voir la note 99 du Faulconnier.   71 Dans nos habitudes (que vous portiez la culotte).   72 Leçon BM. F : seroit  (« Ostez hardiement ceste clause,/ Elle ne sert pas au propos. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.)   73 Cela remonte à Ève. Finette parle du « bec » des femmes : on ne quitte pas l’ornithologie.   74 Femelle (normandisme). V. la note 159 de Frère Frappart. Finette veut un mâle, car c’est lui qui chante le fameux « cou-cou ». Des marchands de coucous arpentaient les rues en criant : « Je fais le coqu, moy ! » On peut en entendre un dans les Cris de Paris, de Clément Janequin.   75 Si le coucou est épilé sous les ailes, c’est une femelle. Dans les étuves, les femmes se faisaient épiler, ou raser. « Qui oste le poil des aiscelles à ceuls qui vont aux estuves. » Robert Estienne.   76 Ce dialogue fut peut-être joué un 28 décembre, à l’occasion de la Fête des Fous.   77 Le coucou est un migrateur qui revient en France au printemps ; si on l’installe en hiver sous le large manteau d’une cheminée (seul endroit chaud et lumineux de la maison médiévale), il croit que le printemps est de retour, et se met à chanter. Mais on peut s’interroger sur ce cocu qui chante devant une cheminée, alors que le mot « cheminée » est synonyme de vagin : cf. le Ramonneur de cheminées.   78 La cage appartient désormais à la femme, comme tout le reste.   79 La maison.   80 Que nous irons. C’est du moins l’avis de John Palsgrave qui, en 1530, a cité les vers 39 et 201 de notre pièce, et qui reproche aux Français de dire : « Hee Dieu, qu’il est de sottes testes, for : Il y a de sottes testes. And : Faictez-le ce pendant que g’yrons au marché, for : Nous yrons. » (L’Esclarcissement de la langue françoyse.) La réalité est plus ambiguë, et bien souvent, le provincialisme « j’irons » se traduit par « j’irai » : « J’irons, pour vous, courir la prétentaine. » (Hauteroche.) On peut en conclure que, désormais, c’est Rifflard qui fera les courses à la place de Finette.   81 Chacun marchant à la place qui lui revient ; en l’occurrence, la femme devant et l’homme derrière. Même vers dans Pour porter les présens, et dans les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.