LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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Cette farce, tout comme celle des Drois de la Porte Bodés, traite un sujet aussi peu théâtral que possible : le concours de silence. Dans ces deux pièces, le mari est savetier.
L’œuvre n’est pas imputable à un écrivain mais, selon toute vraisemblance, à une troupe de comédiens picards. Ces joyeux drilles n’ont aucun sens de la versification (les rimes sont fausses, la diérèse n’est presque jamais prise en compte), mais leur efficacité visuelle est redoutable.
Source : Recueil du British Museum, nº 30. La farce fut publiée vers 1550 à Paris, chez Nicolas Chrétien, après avoir circulé pendant un demi-siècle. Dans ce recueil, deux autres farces de chaudronniers encadrent celle-ci : les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, et surtout Te rogamus audi nos, qui oppose également un chaudronnier à un savetier, et qui fait aussi l’éloge des tavernes.
Structure : Rimes abab/bcbc et rimes plates, envahies par des vers improvisés. 1 triolet incomplet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne et fort
joyeuse à troys personnages
d’un Chauldronnier
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C’est assavoir :
L’HOMME [Guillemin]
LA FEMME
et LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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L’HOMME commence [en chantant] 1 SCÈNE I
Il estoit un [bon] homme
Qui charioit fagotz.2
LA FEMME
Cestuy sa este[s-]vous3, par sainct Cosme !
Le plus sot [estes] des plus4 sotz.
L’HOMME
5 A ! ma femme, [qu’est-ce que j’os]5 ?
Vous me voulez suppéditer6 ?
LA FEMME
Et ! par mon âme, Jehan du Bos7 :
Denier8 n’avez, ne [mol lit clos]9 ;
Et se10, voulez tousjours chanter.
L’HOMME
10 Ne vault-il point mieulx d’enchanter11
Que d’engendrer mélencolye ?
LA FEMME
Il se vauldroit mieulx consoler
À rabob(e)liner12 voz soulliers
Que de penser à tel13 follye.
L’HOMME
15 Et ! vous voylà bien empeschye14.
LA FEMME
Et ! se suis mon15, sainct Coquilbault !
L’HOMME [en chantant]
[Quand sera mariée] no16 truye,
[Vous en aurez un neuf chappeau.]
LA FEMME
Maubecq17 !
L’HOMME
En18 ?
LA FEMME
Bren !
L’HOMME
À vo(z) menton19 !
20 Mais avez ouÿ l’orderon20,
Comment elle est bien gracieuse ?
LA FEMME
Mais avez[-vous] ouÿ l’oyson21,
Comment d’une [sotte] chanson
Nous fait la notte mélodieuse ?
L’HOMME
25 Ma foy, je cuide qu’elle est envyeuse
Quand elle m(e) oyt si bien chanter.
LA FEMME
[Envyeuse ?] Mais22 en[n]uyeuse
D(e) ouÿr vostre teste glorieuse,
Comme un asne [gris], ricanner23 !
30 Quand no(z) truye veult porceler24
Et qu’elle grongne en son estable,
Sa chanson est aussi notable
Que la vostre, ny peu, ny main25.
L’HOMME [en chantant]
A ! c’est bien dit, Hannin.26
LA FEMME [en frappant]
35 Et [tien27] ! C’est bien dit, Guillemin ?
L’HOMME
Quant28 frappez, ne vous faindez point.
LA FEMME
Nostre Dame, non !
L’HOMME
[En mon poing29]
Si j’empoigne un [bon gros] baston,
Je vous feray parler plus bas !
LA FEMME
40 Qui, toy, [pauvre petit] poupon30 ?
Je te crain bien, pauvre chappon31,
Ou chiabrena32 au pourpoint gras33 !
L’HOMME
Pourpoint gras ? Et vous, dame orda34,
On vous appelle giroffla35.
LA FEMME
45 Et vous, galiffre de Banda36.
L’HOMME
Vous fleurez37 tout le muglia.
LA FEMME
Et vous, la saulce moustarda38.
L’HOMME
Nice39 !
LA FEMME
Mignon40 !
L’HOMME
Notrée41 !
LA FEMME
Mouton42 ! En frappant.
L’HOMME
M’as-tu frappé, vieille [es]dantée43 ?
50 Tien ! [tien ! Happe] ceste testée44 !
LA FEMME
Happe ce baston !
L’HOMME
Et ce bourdon45 !
Me vouldroit-elle subvertir46 ?
Rendz-toy !
LA FEMME
Non f(e)ray, pour y mourir47 !
L’HOMME
Sainct Mort48, voicy dure passion !
55 Par sainct Copin49 ! je suis tanné.
LA FEMME
Victoire et domination !
Et bonnet50 aux femmes soit donné !
L’HOMME
[Et ! pour moy et pour toy51], quel blasme !
Encores est-il plus infâme,
60 Qui se joue[roit] à ton caquet52.
LA FEMME
Victoire aux femmes ! Et ! dehet53 !
[En toutes choses je vous passe.]54
L’HOMME
Non pas en tout.
LA FEMME
Et à quoy donc sera-ce ?
À caquetter, ou à mal dire55 ?
65 Par l’âme de moy, validire56 !
Je ne crain femme [à deviser]57,
À caqueter ny à playdier58.
L’HOMME
De cela, je ne m’y [re]myre59 :
Femme le gaigne60 à caqueter.
70 Vous verriez plustost Lucifer
Devenir ange salutaire
Qu(e) une femme eust un peu de repos,
Et soy taire ou tenir propos61.
LA FEMME
…………………………. 62
Voire, par bieu, teste d’osière63 !
L’HOMME
75 Quoy ! sans remouvoir la testière64 ?
LA FEMME
Ny [mesme] lèbvre ny paupière.
L’HOMME
Je gaige65 deux patars, [ de vray,
Que point vous ne vous pourrez taire. ]
Et moy-mesme ne66 deviseray.
LA FEMME
80 Sainct Mort ! [moy-mesme] non feray,
Car tousjours maistresse seray67.
L’HOMME
[Or] dictes donques68.
LA FEMME
En cest estre69
Vous demourrez [une heure] assis
Sans parler à clerc ny à prebstre
85 Non plus que faict ung crucifix.
Et moy, qui me tais bien envys70,
[Croyez bien que se je m’y metz,]71
Je tiendray mieulx [une heure] en paix
Qu(e) ung clistoire72.
L’HOMME
Vélà beaulx dictz73 !
90 Qui perdera74, dam[né]e cervelle,
Il paye[r]a [coupe à la]75 Payelle.
LA FEMME
[Mèshuy76, plus un] mot ! Sans ciller77 !
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LE CHAUDRONNIER 78 SCÈNE II
Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
Qui veult ses poyelles79 reffaire ?
95 Il est heure d’aler crier :
[Chaudronnier !] Chaudron ! Chaudronnier !
Seigneurs, je suis si bon ouvrier
Que, pour un trou, je sçay deulx faire80.
[ Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
100 Qui veult ses poyelles reffaire ? ]
Où esse81 que je me dois retraire ?
Qu’esse icy ? Voicy ung ouvrier82.
Hau là, hau !… N’y a-il nully83 ?
A ! si a, dea : [deux en voicy]84.
105 Dieu gard [la belle85] damoyselle !
N’avez[-vous] chaudron à reffaire86 ?…
[Vous fault-il point une cueillère ?…]87
M’entendez-vous ?… Hau, damoyselle,
Parlez à nous !… (Est-elle sourde,
110 [Ou bien muette88], ou s’elle e[s]t lourde,
Me regardant entre deux yeulx ?)
Hau, damoyselle !… (Semidieux89 !
Je cuide qu’el(le) soit incensée,
Et vous aussi, doulce pensée.90)
115 Maistre : n’avez[-vous nul] chaudron
À rabob(e)liner ?… Hau, patron !
Estes-vous sourt91, muet ou sot ?…
(Par la char bieu ! il ne dit mot ;
Et se, [m’esroulle ses]92 deux yeulx.
120 Mais je regnie mes oustieulx93
Se je [ne] luy ouvre la bouche !)
Hau, Jénin, conquétît[es-vous]94 mouche ?
Faictes-vous cy du président95 ?…
(Il ne remue lèbvre ne dent.
125 Ce semble, à [le] veoir, un ymage96.
Un sainct Nicolas de village97
Nous en ferons, ou un sainct Cosme.)
Ha, vous serez sainct Pere98 de Rome :
Vous aurez la barbe de fain99,
130 Et puis quelque chose(s) en vo(z) main.
Et si, voicy vo(z) deasdesme100.
Et pour une croce101 de mesme,
Ceste belle cueillère102 aurez.
Et en l’autre main, porterez,
135 Au lieu d’un livre, un103 pot pissoir.
Mon Dieu, qu’i le fera beau veoir !
Car c’est un trèsgracieulx sire.
Benoist sainct104, gardez-vous de rire :
Le Miracle105 seroit gasté.
140 Affin qu’i soit mieulx regardé,
Paindre luy veulx — de mes deux pattes
Qui sont si douillet[te]s et délicates —
Son doulx et précieulx museau106.
A ! mon [doulx] Dieu, qu’il sera beau !
145 « Sainct Coquibault, je vous adore107 ! »
(Mais que dyable ont-il en la gorge108 ?
Il ne se remuent109 point un grain.)
Hau ! damoyselle [au cueur haultain] 110,
Qui estes icy si propette111 :
150 Dieu vous y sache, ma brunette !
Et ! je vous prie, ma godinette112,
Qu(e) un petit [vous] parlez à my113 ;
Et si, m’appellez vostre amy
En souriant… Vous114 voicy fière !
155 (La chair bieu ! je vous feray faire115,
L’un ou l’autre, comme il me semble.
A ! par mon âme, elle ressemble
À Vénus, déesse d’Amour[s] :
Quel musequin116 ! Dieu, quel rebours117 !)
160 M’amye, [souffrez] que je vous flatte118 :
Vous avez la chair119 délicate ;
Et si, estes patiente et doulce.
(Elle souffre que je la touche
Plaisamment du [bout de]120 mon nez.)
165 Par bieu ! mon musequin, prenez121 :
Baiser vous vueil et acoller.
L’HOMME 122
Le dyable te puist emporter,
Truant paillart !
LE CHAUDRONNIER
À my123 ! Ma teste !
Il m’a tué.
L’HOMME
[ J’en ay grand feste.
170 Sainct Jehan, ]124 encore(s) en auras-tu !
LA FEMME
Tredame125 ! vous avez perdu,
[Car] je suis demourée maistresse.
L’HOMME
Et ! viens çà, viens [çà], larronnesse126 !
[Doit-il ton « chauldron » escurer ?]127
175 Pourquoy te laisses-tu baiser
D’un tel truant paillard [parjure128] ?
LA FEMME
Et ! [c’est] pour gaigner la gajeure.
Eussay-je, par impatience129,
Perdu la gajeure ? C’est bien dit, [quand j’y pense] !
L’HOMME
180 Il est vray. Allons boire !
LA FEMME
Allon(s) !
Mais j’ordonne, comme [est raison]130,
Que le chaudronnier y viendra.
L’HOMME
Par l’âme de moy ! non fera.
LA FEMME
Par l’âme de moy ! si fera,
185 Quelque jaloux que vous soyez !
L’HOMME
Puisqu’ainsi est, [o nous131] venez !
Mais du baiser vous astenez132 !
LE CHAUDRONNIER
J’ay tout eu mes os fouldroyéz.
Mes bonnes gens qui nous voyez133 :
190 Venez, de la gajeure, boire !
Et annoncez et retenez
Que les femmes que vous sçavez
Ont gaigné le pris.
LA FEMME
Dame, voire !
L’HOMME
Allons jouer de la mâchouère
195 Et à l’hostel134 croquer la pye.
Venez-y tous, je vous emprie !
Et [vous] partirez, sus et jus135,
De deux potz de vin, qui seront deuz136.
Et prenez en gré, sus et jus !
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FIN
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1 Les savetiers rythment leur travail en chantant, ce que leur épouse ne supporte pas : « Mon mary va tousjours chantant,/ Et n’a soucy de prendre peine. » Le Savetier Audin. 2 « Il estoit ung bon homme qui charioit fagot./ Il avoit une fille qu’on appelloit Margot. » Il ne faut pas confondre cette chanson de Petit Jan avec une autre, anonyme, qui dit : « Il estoit ung bon homme/ Qui venoit de Lion. » 3 Vous êtes celui-là ! L’épouse insinue que son mari porte sur sa tête un fagot, c.-à-d. une ramure de cornes. 4 En Picardie, « plus » se prononçait « pu ». (René Debrie, Dictionnaire du moyen picard, p. 327.) Les spectateurs entendaient donc : le puceau des puceaux. 5 BM : a ce que ie voy (Qu’est-ce que j’entends ? Cf. Lucas Sergent, vers 295.) 6 Fouler aux pieds. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 76. 7 Le mari se nomme Guillemin <v. 35>. Mais en picard, un « Jan » est un cocu, et le « bos » désigne les bois qu’un cerf porte sur sa tête. Ce vers, qui nuit au schéma abab/bcbc, est l’un des nombreux vers improvisés que j’évoque dans ma notice. 8 BM : Argent (« Vous n’avez denier ne maille. » Farce de Pathelin.) Commencer ce vers par un D permet de rétablir l’acrostiche CLAUDE, qui signe la farce. À propos de ces signatures en acrostiche au début des pièces, voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat. 9 BM : motz lauos (Le lit mou et bien fermé passe pour le summum du confort. « Couché en ung lit plain de feurre [paille]/ Aussi molet que le beau lin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) 10 Et pourtant. Idem vers 119. 11 BM : adechanter. (« Qui les hommes scet enchanter/ Par la douceur de son chanter. » G. de Machaut.) 12 À retaper. Idem vers 116. « Les dames, pour se bien porter, se font rabobliner le ventre. » La Fluste à Robin. 13 BM : leur (Cf. la Confession Rifflart, vers 46.) 14 Empêchée, embarrassée pour peu de chose. C’est la rime picarde par excellence. 15 Je le suis ; cf. le Maistre d’escolle, vers 87 et note. Saint Coquibaut, ou Couillebaud, est un saint priapique invoqué contre la stérilité. On le retrouve au vers 145. 16 BM : noz (Les pronoms picards « no » et « vo » remplacent « notre » et « votre ». L’éditeur parisien les affuble systématiquement d’un « z » que je mettrai entre parenthèses.) « Quand nostre truye sera mariée, vous aurez un chappeau neuf : raillerie pour dire que l’on donnera quelque sorte de récompense. » Antoine Oudin. 17 BM : May becq. (Maubec = mauvaise langue. Cf. la farce de Maubec, Mallegorge et Mallegueype.) 18 Hein ? « En ? Qu’as-tu veu ? » Le Temps-qui-court. 19 Dans votre bouche. Quand on dit « bran ! » [merde] à quelqu’un, il répond toujours « mange ! », d’une manière ou d’une autre : « –Bren pour toy ! –Et merde en tes joues ! » Le Savetier Audin. 20 La souillon. Orde = sale, comme au vers 43. Cf. l’Amoureux, vers 8. 21 Le petit de l’oie n’est pas réputé pour son chant mélodieux. En outre, un oison est un nigaud ; cf. les Sobres Sotz, vers 235. 22 Mais plutôt. 23 Braire. « Un asne, n’en estant de plus gris en Arcadie, pour bien ricquanner en portant le bléd au moulin. » (Godefroy.) On traite les Cordeliers d’ânes gris : « De corde est lié comme toy./ Tu es vestu de gris, en quoy/ La robe d’un asne tu portes. » Frère Fécisti. 24 Quand notre truie va mettre bas. C’est une réplique au vers 17. Le couple habite au village, puisqu’il a un porc. 25 Ni plus, ni moins. 26 Refrain de chanson : le vers ne fait que 6 syllabes, et le prénom masculin Hannin ne saurait désigner une femme, bien que cette dernière soit jouée par un homme. Ladite chanson paraît être ébauchée dans le Monde qu’on faict paistre : « C’est bien dict, Mymin à sonnètes ! » 27 Lacune. Tiens, reçois ce coup ! Voir le vers 50. 28 BM : Auant (Vous ne vous feignez pas : vous ne faites pas semblant de taper. Cf. le Nouveau marié, vers 182 et note.) 19 Lacune. « Lors prens mon baston en mon poing. » Le Faulconnier de ville. 30 Bambin. « Un pauvre petit poupon subjet à la nécessité. » François de Sales. 31 Coq châtré. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 154. 32 Locution doublement scatologique (chier + brenner) : cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 79 et 396. Ici, on en fait un synonyme de « merdeux ». 33 Signe de négligence ou de pauvreté : « Il doit avoir ung pourpoint gras, celuy qui s’appelle Mal-en-point. » Le Capitaine Mal-en-point. 34 Orde = sale. Inspirés par le « chiabrena » du vers précédent, nos auteurs picards truffent leurs rimes de désinences franco-provençales en « -a » pour parodier les farces en dialecte savoyard, qui avaient alors un certain succès ; la plus connue est lou Curia [le curé], où une sale pisseuse devient une « ourda pissouza ». 35 BM : girofflee (L’épouse s’enduit de giroflat, une pommade parfumée au clou de girofle, le plus célèbre aphrodisiaque de l’époque.) 36 On vous appelle calife de Bagdad, c.-à-d. barbare : « Quelz deux galiffres de Bandas !/ Je cuide qu’ilz ne prendront pas/ Le lièvre, qui est beste soupple [agile]. » Jehan Molinet. 37 BM : faictes (Vous puez le musc. « Je sens (…) des aux [de l’ail], ou du muglias./ Tu fleures tout le faguenas [la transpiration]. » Trote-menu et Mirre-loret.) 38 La moutarde désigne souvent les excréments : cf. les Rapporteurs, vers 280 et note. 39 BM : Nico. (Idiote. Cf. la Laitière, vers 85.) 40 Le « mignon de couchette » est un sodomite passif. 41 « NOTTRÉE : mot d’injure. » Debrie, Glossaire du moyen picard. 42 BM : Gros menton (Bélier châtré !) 43 Dépourvue de dents. « Vieille esdentée, va te pendre au gibet ! » (Jehan Le Happère.) L’adjectif « vieille » est employé lorsqu’on injurie une femme, y compris quand elle est jeune et belle, comme c’est le cas ici. 44 Prends ce coup sur la tête. « Tien ! happe, happe celle noix !/ (Ilz le batent.) » Cautelleux, Barat et le Villain. 45 Bâton ferré des pèlerins. 46 BM : suppedits (Renverser. Cf. Pates-ouaintes, vers 177.) 47 Quitte à en mourir. Cf. Pates-ouaintes, vers 147 et 520. 48 Par saint Maur ! Idem vers 80. Passion = torture, par référence à la Passion du Christ. 49 Peut-être faut-il lire « saint Crépin », patron des cordonniers ; le savetier de l’Arbalestre l’invoque au vers 422, quand il se dispute avec sa femme. Tanné = fatigué, exaspéré. « J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 50 Le bonnet rond des maîtres. Les Femmes qui se font passer maistresses dominent les hommes, et obtiennent donc « ung bonnet ront dessus la teste ». Mais on pourrait lire « bon het » : bon courage, à rapprocher du « de het » de 62. « Il le faisoit de très bon hayt ! » (La Confession Margot.) Voir André Tissier : Recueil de farces, t. III, 1988, p. 101. 51 Lacune. « Ce seroit grans blasmes pour elle, pour moy et pour tout nostre lignage. » Louis de Mâle. 52 Celui qui se mesurerait à ton bavardage. 53 Hardi ! Cf. Gautier et Martin, vers 3, 296, 326 et 351. 54 Vers manquant. Je vous surpasse dans tous les domaines. « Vous passez trèstous noz voisins. » Maistre Mimin estudiant. 55 À médire. 56 Un validire [va lui dire] est un rapporteur ou un entremetteur. « Menteurs, bourdeurs, rapporteurs, validires ! » ATILF. 57 BM : de la ville (Pour ce qui est de bavarder. Idem vers 79. « Deviser, gaudir, caqueter. » Le Résolu.) 58 Pour plaider, pour discuter. 59 Je ne m’émerveille pas. « Chascun se remire/ En maint livre et en maint beau dicté/ Que tu as fait. » ATILF. 60 BM : gaignera (Gagne toujours le 1er prix, comme au vers 193. « Tu le gaigneras au courir. » Les Trois amoureux de la croix.) 61 BM : maniere (Mesurer ses paroles. « Tenez tousjours vostre propos ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 62 Lacune de plusieurs vers. La femme dit à son époux que, contrairement à lui, elle pourrait demeurer silencieuse et immobile. 63 Les épouvantails avaient une tête en osier, qu’on dissimulait sous un chapeau de paille, ou sous un casque, comme dans le Franc-archier de Baignollet. 64 Sans remuer la tête. Cf. Légier d’Argent, vers 4. Non seulement les deux parieurs n’auront pas le droit de parler, mais en plus, ils ne pourront faire aucun geste. 65 BM : gaigne (Je gage, je parie. « Je gage deux escus, non pas un, que je frapperay vostre chappeau. » Romannet Du Cros.) Le patard est une monnaie flamande : cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 505. Le vers suivant est perdu. 66 BM : ie (Je ne parlerai pas.) 67 Je serai maîtresse de moi-même. Idem vers 172. 68 Dites comment nous allons procéder. 69 En ce lieu. Cf. le Mince de quaire, vers 67. 70 Bien malgré moi. « –Taisez-vous donc, et ne disons,/ Chascun, mot ; et je vous en pry./ –Que je me taise ? Je t’affy/ Que c’est bien envis ! » La Mauvaistié des femmes. 71 Vers manquant. Sachez que si j’en prends la peine. Cf. les Queues troussées, vers 200. 72 BM : chinotoire (« Si, par ung apoticaire,/ Luy estoit baillé ung clistoire. » Le Gouteux.) On ne peut garder le contenu d’un clystère dans son ventre pendant une heure, comme le prouve Argan à la 3e scène du Malade imaginaire. D’où l’expression : être pressé comme un lavement. 73 Voilà de belles paroles, dans la bouche d’une femme ! 74 Celui de nous deux qui perdra. Le « e » svarabhaktique est picard. 75 BM : la soupe (En Picardie, beaucoup de tavernes prirent comme enseigne une payelle [poêle à frire]. Ces enseignes ont donné leur nom aux rues et aux chemins de la Payelle qui existent encore dans l’agglomération lilloise et jusqu’en Belgique.) Le perdant offrira donc une coupe de vin dans une taverne : voir les vers 180, 190 et 195. 76 À partir de maintenant. « Que mèshuy plus ung mot je n’oye ! » Le Munyer. 77 BM : cillet (Ne remuons plus un cil !) Les cabotins qui ont écrit cette farce exclusivement visuelle se livrent maintenant à un long numéro de mime. 78 Chargé de son matériel, il s’approche de la devanture du savetier en débitant le « cri » de sa profession. 79 BM : poesles (« POYELLE : poële à frire. Voyez PAYELLE. » Corblet, Glossaire du patois picard ancien et moderne.) 80 « Tu faictz, pour ung trou, deux. » (Te rogamus audi nos.) Dessous, je rétablis les refrains ABaAabAB du triolet qui annonce traditionnellement l’arrivée d’un nouveau personnage. 81 Où puis-je m’installer ? Les Picards prononçaient « wesse ». 82 Un artisan. « Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes. Le chaudronnier regarde par la devanture du savetier. 83 Personne ; cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29. BM ajoute : ceans 84 BM : en voicy deux 85 Lacune. « Dieu gard les belles damoyselles ! » (Les Mal contentes.) Pour éviter la rime du même au même, on peut écrire : la damoyselle belle. 86 C’est le « cri » du chaudronnier dans Te rogamus audi nos : « Chaulderons à reffaire ! ». 87 Je supplée ce vers manquant d’après le vers 160 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Avez-vous besoin d’une cuillère à pot ? Il y en a une parmi les ustensiles que vend le chaudronnier : voir le vers 133. 88 Je comble cette lacune d’après le vers 117. Lourde = stupide ; cf. Frère Fécisti, vers 502. 89 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Savetier Audin, vers 169. 90 Probable refrain de chanson : plusieurs d’entre elles qualifient la bien-aimée de « douce pensée ». Appliquée à un homme par un autre homme, cette locution gagne en humour ce qu’elle perd en courtoisie. 91 « Hau ! mon amy, estes-vous sourt ? » Les Drois de la Porte Bodés (voir ma notice). 92 BM : mescoulle entre (« Entre deux yeulx » est une réminiscence du vers 111.) Et pourtant, il roule les yeux en me regardant. « Les ieulx (il) lui esroulla. » (ATILF.) Les Picards employaient plutôt érouiller : « Érouillé bien vo zieu ! » Corblet, Glossaire du patois picard. 93 Mes outils (mot picard). Euphémisme pour : je renie Dieu. 94 Conquîtes-vous. « Les pars occidentalles/ Vous conquestistes, et les orientalles. » (André de La Vigne.) Avez-vous réussi à gober une mouche que vous craignez de laisser fuir en ouvrant la bouche ? Un gobe-mouche est un naïf, de même qu’un jénin. 95 Les présidents, du Parlement ou d’ailleurs, affectaient une rigidité sentencieuse. 96 Une statue. « Un ymage de pierre dure. » ATILF. 97 Un coq de village, un hâbleur. On disait à un messager qui voulait revêtir une cotte d’armes « que c’estoit à faire à ung sainct Nicolas de village de la vestir…. ‟Je croy que vous voulez faire le sainct Nicolas de village.” » (Acte notarié de 1528.) La Satyre Ménippée n’est pas en reste : « [Vous] avez fort bonne mine, remplissez bien vostre place, & ne vous advient point mal à faire le roy…. Vous avez toute pareille façon — sauf l’honneur que je doy à l’Église — qu’ung saint Nicolas de village. » 98 Forme picarde de « saint Pierre », le premier pape ; cf. le Pourpoint rétréchy, vers 224. Grâce aux ustensiles de cuisine en métal qu’il a sur lui, le chaudronnier va transformer le savetier en statue de l’Apôtre. 99 De foin, de paille, qui sert à récurer les chaudrons. Le chaudronnier colle au menton du savetier une barbe de paille, ce qui n’est pas très compliqué puisqu’il s’agit d’un accessoire théâtral. « Faire barbe de paille : tromper, se mocquer. » Oudin. 100 Votre diadème, votre auréole. « Nous faisons dyadèmes aus sains. » (ATILF.) Le chaudronnier pose une casserole sur le crâne du savetier. 101 En guise de crosse. La houlette est l’un des attributs de saint Pierre, comme le livre du vers 135. 102 Cette cuillère à pot, cette louche. 103 BM : au (Un pot de chambre en métal.) 104 Vous qui êtes désormais un saint béni. Le Jeu de Robin et Marion <vers 441-480> nous fait assister au jeu de « saint Coisne », où le joueur qui tient le rôle de saint Côme ne doit surtout pas rire quand on lui offre un cadeau grotesque. Voir André Tissier, p. 108. Sur les rapports entre Côme et Coquibaut, voir Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, pp. 194-6. 105 Sorte de Mystère qui romance — ou invente — la vie d’un saint. 106 Il noircit la figure du savetier avec la suie qui tapisse le cul d’un de ses chaudrons. Même gag — et même origine de la suie — dans les Coppieurs et Lardeurs, vers 390-415. 107 D’après Gargantua <chap. 22>, ce jeu a pour nom : « Sainct Cosme, je te viens adorer. » Guillaume Bouchet précise qu’on noircissait la figure des perdants : « Cest homme noir (…) estoit quelqu’un qui avoit joué à ‟sainct Cosme je te viens adorer”. » Les Sérées, 29. 108 Qu’est-ce qu’ils ont dans la bouche, qui les empêche de parler ? 109 BM : remuoit (Ils ne bougent pas d’un pouce.) 110 BM : de haudin (Là encore, on pourrait faire un rapprochement avec plusieurs chansons. Claude Gervaise publiera en 1550 Celle qui a le cueur haultain.) 111 Si propre, si gracieuse. 112 Ma mignonne. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 20. 113 Que vous parliez un peu à moi. Même pronom picard à 168. 114 BM : Heu (Vous êtes bien dédaigneuse.) 115 BM : parler (Je vous ferai faire, à l’un ou à l’autre, ce que je veux.) 116 Petit museau, minois. Idem vers 165. Cf. le Povre Jouhan, vers 137. 117 BM : recour (Quel derrière ! Le Povre Jouhan est encore plus direct : « Saincte sang bieu, quel cropion ! ») 118 Permettez que je vous caresse. Je comble la lacune d’après le vers 163. 119 BM : chere 120 BM : tout a (Elle permet que je l’embrasse.) 121 BM : pauez (Le chaudronnier enlace la femme.) 122 Il frappe à coups de louche <v. 133> sur le chaudronnier. 123 À moi ! 124 BM : Sainct Jehan ien ay grand feste (Avoir grand fête = prendre beaucoup de plaisir.) 125 BM : Nostre dame (« TREDAME : juron, Notre-Dame. » Debrie, Glossaire du moyen picard.) 126 Voleuse, ou plus largement : femme de mauvaise vie. 127 Vers manquant. Le « chaudron » est la partie la plus chaude de l’anatomie féminine ; voir les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 128 Lacune. Parjure est une insulte indépendante de tout sens religieux. « Paillart infâme ! Ruffien ! Traistre ! Parjure ! » Laurent de Premierfait. 129 Si je m’étais impatientée à cause de ses caresses et de ses baisers. 130 BM : regent (Comme il se doit. « Obéissant aux dieux, comme est raison. » Hugues Salel.) 131 Lacune. La préposition picarde « o » signifie avec. « Venez boire o nous ! » (Lettre de rémission.) Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 340. 132 BM : attenez. (Abstenez-vous. « Astenez-vous de ce faire. » ATILF.) 133 La troupe invite les spectateurs à venir boire. 134 À l’hôtellerie, à la taverne. « En un hostel ou taverne. » (ATILF.) Voir la note 75. Ce vin d’honneur offert au public semble avoir été de tradition ; l’Antéchrist, une farce contemporaine jouée à Paris, se conclut sur : « Chacun soigne [veuille] à l’hostel se rendre ! » Croquer la pie = avaler du vin ; cf. Serre-porte, vers 6. 135 Et vous vous partagerez, en tous lieux. « Tous deux ensemble les bevront,/ Et partiront esgallement. » Le Pet. 136 BM : beuz (Qui seront dus, qui ne seront pas payés. « Cent escuz nous sont deubz. » Mallepaye et Bâillevant.)
DEUX HOMMES ET LEURS DEUX FEMMES
*
DEUX HOMMES
ET LEURS
DEUX FEMMES
*
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Sous le nom de Farce moralisée, voire de Moralité, nous avons là cinq dialogues normands dont la conclusion est assez peu morale : il vaut mieux avoir une épouse infidèle mais agréable à vivre, plutôt qu’une mégère irréprochable.
Sources : Recueil du British Museum, nº 10. « Imprimé à Lyon, à la maison de feu Barnabé Chaussard, près Nostre-Dame-de-Confort », vers 1550. Une autre version lyonnaise, imprimée en 1619, figure dans un recueil conservé à la bibliothèque royale de Copenhague, pp. 78-121 : cette édition prend pour base BM (British Museum), en ajoutant quelques fautes, et en proposant de rares corrections que j’adopte tacitement.
Structure : Rimes plates, rimes enchaînées, rimes abab/bcbc, avec un rondel double, 9 triolets, un double rondeau.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
Farce moralisée
à quatre personnaiges :
C’est assavoir deux hommes
et leur[s] deux femmes,
dont l’une a malle teste
et l’aultre est tendre du cul. 1
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[ LE PREMIER MARY, Colin
LE SECOND MARY, Mathieu
LA PREMIÈRE FEMME, Alix, épouse du Premier Mary
LA SECONDE FEMME, Jehanne, épouse du Second Mary ]
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*
LE PREMIER MARY 2 commence SCÈNE I
Qui3 n’a jamais, en sa maison,
De plaisir une seulle dragme4,
Que peult-il5 avoir ?
LE SECOND MARY
Sur mon âme :
Mal6 temps en chascune7 saison.
5 Dont8 te vient ce mal ?
LE PREMIER MARY
De tenson(s)9.
LE SECOND MARY
Voire, mais de qui ?
LE PREMIER MARY
De ma femme,
Qui n’a jamais, en sa maison,
De plaisir une seulle dragme.
LE SECOND MARY
La mienne est d[’une] aultre façon :
10 El(le) chante et devise. C’est basme10 !
LE PREMIER MARY
La mienne crye, tempeste et blasme.
Par quoy demande, en ma raison :
Qui n’a jamais, en sa maison,
De plaisir une seulle dragme,
15 Que peult-il avoir ?
LE SECOND MARY
Sur mon âme :
Mal temps en chascune saison.
LE PREMIER MARY
Se je vouloys recorder sa11 leçon…
Laissons-la là, car c’est pis que des Mors12 :
Verset[z]13 de dueil et respons de tenson.
20 Son bec d’aspic14 gecte, par marrisson15,
Son feu16 sourdant, dont tous les jours suis mors17.
Mors18 ay esté, et je m’y suis amors19,
Mort souhaitant plus que joye et soulas.
Lassé en suis, car j’ay receu le mors20
25 Mordant en bouche, dont souvent je dis : « Las21 ! »
LE SECOND MARY
De la mienne, jamais je n’en fus las.
LE PREMIER MARY
Et la raison ?
LE SECOND MARY
Tout mon plaisir accorde22.
LE PREMIER MARY
Corps de moy Dieu ! tenu je suis ès laqs23
De la mère24 de Haine et de Discorde.
30 Oncques corde qui le larron encorde
Encor(es) de l’an ne sera si diverse25
Envers celuy qu’elle estrangle ou encorde.
Recorde-toy26 que ma femme est perverse.
LE SECOND MARY
Elle est preude27.
LE PREMIER MARY
Je le confesse.
35 Et si28, suis tout seur et certain
Qu’el(le) n’est paillarde ne putain.
Mais vélà, elle est magistralle29
De soy-mesme. Et si, est si malle
À ce propos, que bien luy semble
40 Qu’il n’y a nul qui luy ressemble.
Incessamment el(le) m’y frételle30 :
« Voire dea, je ne suis point celle
Qui ayt faict cecy, qui ayt faict cela. »
Somme, il n’y a [ne] sol ne la 31
45 (Tant froye32 hault en ses riottes)
[Qu’el n’excédera]33 de troys nottes.
C’est horreur de l’ouÿr tencer !
LE SECOND MARY
Impossible [il] est de penser
Le plaisir qu’ay avec la mienne.
50 Car de quelque part que je viengne
(Je luy porteray ce regnom),
Jamais ne me dira sinon34 :
« Mon amy, bien soyez venu ! »
Et puis je suis entretenu
55 Scez-tu comment ? Impossible est
De le sçavoir dire, car c’est
Ung vray paradis que d’y estre.
LE PREMIER MARY
Ergo 35 doncques, tu es le maistre
En ta maison ?
LE SECOND MARY
En doubtez-vous ?
LE PREMIER MARY
60 Mais — en parlant icy entre nous —36,
Te feroit-elle point janin37,
Ta femme ?
LE SECOND MARY
Par bieu, [non] ! Nenny[n] !
LE PREMIER MARY
Dictes, compère :
Il n’y auroit pas trop affaire
65 « À femme qui faict bonne chère38
À son mary, gard le derrière39 ! »
Qu’en dictes-vous ?
LE SECOND MARY
A ! il y a ung bien40.
Mauldit soit-il qui en scet rien41 !
Aussi, je n’en veulx rien sçavoir.
LE PREMIER MARY
70 Voire, mais tu pourroys avoir
Reproche42, quant il seroit ainsi.
LE SECOND MARY
Mauldit soit-il qu(i) en a soulcy !
Quant à moy, car il y a ung poinct :
De son faict je ne m’enquiers point.
LE PREMIER MARY
75 Et pourquoy ?
LE SECOND MARY
Que dyable ay-je affaire
De cercher43 ce qui m’est contraire
Et ce que ne vouldroys point trouver ?
LE PREMIER MARY
Par bieu ! si fault-il esprouver
Tout secrètement se ma femme
80 Est point à cela44.
LE SECOND MARY
Sur mon âme,
Il me semble que ton espreuve45
Est ung grant mal. Si tu la treuve46,
Que feras-tu ?
LE PREMIER MARY
Que je feray ?
Par le sang bieu, je la tueray !
LE SECOND MARY
85 Si tu la tues, tu es perdu.
LE PREMIER MARY
Et pourquoy ?
LE SECOND MARY
Tu seras pendu.
LE PREMIER MARY
Je feray donc[ques] aultrement :
Je la battray [bien fort].
LE SECOND MARY
Comment !
La bonne, à [la] battre, s’empire ;
90 Et la maulvaise en devient pire.
Scez-tu point que dit ung proverbe,
Qu(e) à battre la maulvaise gerbe
Se pert la peine du villain47 ?
Oultre, se tu es inhumain
95 Et [qu’à la]48 battre tu l’assaille
Trop souvent, tu gastes49 la paille
Qu’encores pourroit proffiter.
LE PREMIER MARY
Quel remède donc ?
LE SECOND
N’atoucher
À ta femme en nulle manière.
100 Mais qu’el(le) te face bonne chère,
C’est le plus fort50.
LE PREMIER
Je n’ay pas peur
De la mienne, j’en suis trop seur51.
LE SECOND MARY
Que dyable crains-tu donc ?
LE PREMIER
Sa teste52,
Car je n’ay que bruyt et tempeste
105 En la maison, dont que je vienne.
LE SECOND MARY
Et je crains le cul de la mienne.
LE PREMIER MARY
Le cul ? Quoy ?
LE SECOND MARY
On m’a faict entendre,
Puis ung peu53, qu’elle a le cul tendre.
LE PREMIER MARY
Le cul tendre ? Tu me faictz rire.
110 Pleust à Dieu, le souverain Sire,
Que test54 et teste de la mienne
Ressemblast55 le cul de la tienne !
Conseille-moy sur cest affaire.
LE SECOND MARY
Il luy fault prendre ung [bon] clystère
115 Pour luy alléger le cerveau.
LE PREMIER MARY
De vray ?
LE SECOND MARY
Pour la bien faire taire,
Il luy fault prendre ung bon clystère.
LE PREMIER MARY
Et si el(le) veult crier et braire
Comme tousjours ?
LE SECOND MARY
Sans larme d’eau56,
120 Il luy fault prendre ung bon clystère
Pour luy alléger le cerveau.
LE PREMIER
Mais encoire ?
LE SECOND MARY
Il n’est rien si beau57,
Pour la chaleur et la tempeste,
Et la maulvaistié58 de sa teste.
125 S’el(le) prent médecine par bas,
Jamais tu n’auras nulz débas.
Il fault que le bas soit ouvert,
Aultrement, la teste se pert.
Car, voys-tu, la challeur qu’elle a
130 S’esvacuera par ce lieu-là59
Incontinent et sans arrest.
LE PREMIER
Le dyable m’emport si [ce] n’est
Bonne chose s’il est ainsi !
Et de la tienne, Dieu mercy,
135 Que tu dis qui a le cul tendre,
Qu’y feras-tu ?
LE SECOND MARY
Il luy fault prendre
Ung restraintif60, entens-tu bien ?
LE PREMIER MARY
Corps bieu ! Et ! vous n’y sçavez rien :
Tu dis que le cerveau61 se pert
140 Si le bas n’est tousjours ouvert,
Et puis tu dis qu’il luy fault prendre
Ung restrainctif ? Tu doys entendre
Que la fumée62 retournera
Au cerveau, qui la te fera
145 Incessamment [crier et] braire63.
LE SECOND MARY
J’ayme mieulx qu’elle ayt ung clystère !
LE PREMIER MARY
Esse tout ?
LE SECOND MARY
Ouÿ, sur mon âme !
LE PREMIER MARY
Ergo, tu conclus qu’il n’est femme
Qui n’ayt mal cul ou malle teste64 ?
LE SECOND MARY
150 Sans emmoindrir en rien leur fame65,
Icy nous disons qu’il n’est femme
Qui ne crie, tempeste ou blasme,
Ou à quelc’un le « bas66 » ne preste.
LE PREMIER MARY
Icy concluons qu’il n’est femme
155 Qui n’ayt mal cul ou malle teste.
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LA PREMIÈRE FEMME 67 SCÈNE II
Commère, me conseillez-vous
Que [tant] j’endure68 ?
LA SECONDE FEMME
Par bieu, non !
LA PREMIÈRE FEMME
Mais — parlant icy entre nous —,
Commère, me conseillez-vous ?
160 Considérez mes amys, tous
Sans reproche, et mon bon regnom.
Commère, me conseillez-vous
Que [tant] j’endure ?
LA SECONDE FEMME
Par bieu, non !
Car vous estes femme de nom69
165 Plus qu’il n’est, et de meilleur lieu70
Qu’il n’est, dea !
LA PREMIÈRE FEMME
Je faictz veu à Dieu
Et à tous les sainctz, ma commère,
Que71 monsieur de la Haultivière
Me fist demander72 cinq cens foys
170 À mon père.
LA SECONDE FEMME
Je vous en croys.
Mais certes, m’amye, il falloit
Que vous l’eussiez, car Dieu vouloit
Le vous donner de telle sorte.
LA PREMIÈRE FEMME
Mais le grant dyable (qui l’emporte !),
175 Car jamais Dieu ne s’en mesla73.
LA SECONDE FEMME
Communément on dit cela,
Tant soit à Paris comme à Romme :
« À femme de bien, ung fol homme ;
Et à quelque meschante femme,
180 Ung bon homme. » [Aussi], sur mon âme,
Jamais [on] n’en veit aultre chose.
LA PREMIÈRE FEMME
Mauldit[e] soye se je repose
Une heure en paix, avecques luy !
J’en ay le cueur si très failly74,
185 Quant j’y pense ! (Plorando.) 75
LA SECONDE FEMME
[Et !] estes-vous folle76 ?
LA PREMIÈRE FEMME
Aultresfoys m’a mis en tel(le) colle77
Que je n’eusse point faict de compte
D’avoir faict78…
LA SECONDE FEMME
N’av’ous79 point de honte ?
Sainct Pierre ! vous n’estes pas saige.
LA PREMIÈRE FEMME
190 Par bieu, si j’eusse eu le couraige
D’aulcunes (je ne nomme rien80),
J’eusse faict… vous m’entendez bien81.
Mais prie à Dieu qu’il me confonde
Si jamais, à homme du monde82,
195 De riens me voulus consentir !
Et si, vous veulx bien advertir
Que j’ay esté autant requise
De gens de Court et gens d’Église
Que femme qui soit en la ville.
LA SECONDE FEMME
200 Que grant dyable vous falloit-ille83 ?
LA PREMIÈRE FEMME
Voylà, j’ay tousjours vescu, jusqu’icy,
Sans reproche, las84, Dieu mercy,
Et feray, tant que je vivray.
LA SECONDE FEMME
Et ! par sainct Jacques, je feray
205 À gens de bien (ainsi l’entens)
Plaisir tant, qu’ils seront contens.
Mais qu’il soit faict secrètement,
Ce n’est qu’honneur.
LA PREMIÈRE FEMME
Par mon serment,
Commère, vous n’estes pas saige !
LA SECONDE FEMME
210 Taisez-vous, ce n’est que l’usage.
Pensez-vous point que quelque jour
Vous ne tombez en vostre tour ?
A ! par bieu, vous n’estes pas quitte !
LA PREMIÈRE FEMME
Premier85, je soys de Dieu mauldicte
215 Et mengée de chiens et de loups !
LA SECONDE FEMME
Par bieu ! j’ay dit ainsi que vous ;
Aussi d’aultres, qui pis ont faict
Que86 les aultres font [en effect]87.
Congneustes-vous point, ma88 commère,
220 L’ante89 de la seur à mon frère ?
Elle attendit bien, la meschante :
Car elle avoit des ans cinquante,
À l’heure qu’el(le) s’abandonna
À son clerc.
LA PREMIÈRE FEMME
Ave Maria !
225 On la devoit brusler ou pendre !
LA SECONDE FEMME
Et voyre, vrayement, de tant attendre.
LA PREMIÈRE FEMME
Mais d’avoir commis le forfaict !
LA SECONDE FEMME
Mais qu’el(le) ne l’avoit plus tost faict !
LA PREMIÈRE FEMME
Plus tost faict ? Le dyable y ayt part !
230 Elle y vint trop tost !
LA SECONDE FEMME
Mais trop tard !
Que pensez-vous, commère ? Anné90 !
Le péché est tout pardonné
Quant on ne le faict qu’en cachettes91.
Ung tas de menues tendrettes92,
235 Ce n’est que chose naturelle.
Par mon serment, m’amye : la belle
Eaue93 benoiste efface tout.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous le dictes !
LA SECONDE FEMME
Par sainct Griboult94 !
(Le bon Griboult, c’est bien juré…)
240 J’ouÿs dire à nostre curé
Que Dieu dit : « En cathimini,
Ève95, multiplicamini,
Crescite, et replete terram !96 »
Et si les dames, mèshouan,
245 Font de Dieu le commandement,
Offencent-el(le)s ?
LA PREMIÈRE FEMME
Nenny, vrayement ;
Mais il s’entend : à leur(s) mary(s)97.
LA SECONDE FEMME
Mais s’ilz ne peuent98 ?
LA PREMIÈRE FEMME
Je vous empry,
N’en parlez plus, vous estes folle.
250 Puisque vous estes en tel(le) colle,
Faictes-en ce qu’il vous plaira.
Mais mon corps jà ne touchera
Qu’à mon mary, en brièfve somme.
Si99, est-ce le plus maulvais homme
255 Qui soit d’icy jusqu(es) à Paris.
LA SECONDE FEMME
Touchant moy100, de tous les marys
Qui furent oncq, j’ay le meilleur.
Quant il vient, « Venez çà, ma fleur ! »,
Ce me dist-il ; puis je l’acolle.
260 Après, je vous entre en parolle
En luy disant : « – Ha ! mon amy,
Je ne vous voys pas à demy101.
Souffrez au moins, puisque je vous tien,
[Qu’ung peu]102 je vous baise ! » « – Et ! bien, bien »,
265 Ce me dict-il. Puis je le baise.
Et par ce point, jamais de noyse
Nous n’avons en nostre maison.
LA PREMIÈRE FEMME
Nous chantons bien aultre chanson103 :
« – Va, va, villain ! – Va, va, villaine !
270 – Malle bosse ! – Fièbvre quartaine ! »
Et cent mille aultres mauldissons104
[À] chascun coup nous nous disons.
Brief, il n’y a point d’amytié
Entre nous.
LA SECONDE FEMME
Voylà grant pitié !
275 Mais d’où vous vient ceste riotte
Entre vous ?
LA PREMIÈRE FEMME
Que vous estes sotte !
Sçavez-vous pas que j’ay esté,
Que je suis et tousjours seray
Celle qui jamais ne meffist105
280 De son corps ?
LA SECONDE FEMME
[Bon, bon,]106 il suffist !
Nous entendons [trop] bien cela.
LA PREMIÈRE FEMME
Et pour ceste cause, voylà,
Commère : je veulx soustenir
Qu’il me doibt mieulx entretenir
285 Qu(e) une aultre.
LA SECONDE FEMME
Vous avez raison.
LA PREMIÈRE FEMME
Retourner fault à la maison.
Commère, je vous dis « à Dieu » !
LA SECONDE FEMME
Sans point tenir tant de blason107,
Retourner fault à la maison.
LA PREMIÈRE FEMME
290 Aussi est-il temps et saison
De s’en aller.
LA SECONDE FEMME
Vuydons le lieu.
LA PREMIÈRE FEMME
Retourner fault à la maison.
Commère, je vous dis adieu !
.
LE PREMIER MARY SCÈNE III
Je te pry, compère Mathieu,
295 Que tu viengnes à mon hostel108
Pour ouÿr ung peu le frétel109
De ma femme. Esse pas bien dit ?
LE SECOND MARY
J(e) yray, en faisant cest édict110
Que tu viendras ouÿr la mienne
300 Après que auray ouÿ la tienne.
LE PREMIER MARY
Mais il fauldra que tu te tiengne
En ung lieu caché ou tapys.
LE SECOND MARY
Derrière ung dressouèr ou tapis111,
S’il en y a, je m’yray mettre.
.
LE PREMIER MARY 112 SCÈNE IV
305 Hou là, hou !
LA PREMIÈRE FEMME
Voicy nostre maistre :
Il est venu, dressez la table113 !
LE PREMIER MARY 114
Dieu gard, Alix !
LA PREMIÈRE FEMME
Hé ! le grant dyable
Puisse sçavoir d’où vous venez !115
Hélas, que vous entretenez
310 Ung bel estat !
LE PREMIER MARY
Héé, belle dame,
Ne tençons point.
LA PREMIÈRE FEMME
[Mais] sur mon âme,
Vous deussiez [en] avoir grant honte !
LE PREMIER MARY
Soupperons-nous ?
LA PREMIÈRE FEMME
Voilà mon compte :
Il est yvre comme une souppe116,
315 Et puis demande que l’on souppe.
Mauldy soyt-il117 ! Qui luy tortroit
Ung peu le nez, il en ystroit118
Plus de troys chopines de vin.
LE SECOND MARY, caché, dit :
(Escoutez le sermon divin !
320 Ce n’est encor(es) que l’introïte 119.)
LE PREMIER MARY
Mais encores la potée120 est-elle cuytte ?
Truffant, bourdant121, il est saison
De soupper.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous avez raison.
Mais, beau sire, je vous demande
325 Où est l’argent, et la vïande
Que vous nous avez mise en voye122.
LE PREMIER MARY
Par Nostre Dame ! je cuidoye
Qu’il y en eust.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous le cuydiez ?
LE PREMIER MARY
Voyre, vrayement.
LA PREMIÈRE FEMME
Et ! vous faisiez
330 Voz sanglantes fièbvres quartaines,
Qui vous puisse[nt] serrer les vaines
Et vous puissent rompre le col !
Villain follastre ! Meschant fol !
Qu’au dyable soyez-vous donné !
LE SECOND MARY, caché
335 (Par Dieu ! vélà bien entonné123,
Et fusse pour ung contrepoint !
Sus, Colin ! respondez-vous point ?
Estes-vous recrus124 ?)
LA PREMIÈRE FEMME
Quel « seigneur »125 !
Hélas, que c’est ung bel honneur
340 À vous, d’estre dès126 le matin
À la taverne, à boire vin
Et despendre127 neuf ou dix blancs !
Et ses pouvres petis enfans,
Et moy avec, le plus souvent
345 Nous convient desjeuner de vent
En mourant de fain et de soif128.
LE PREMIER MARY
Par le corps bieu, il n’est pas vray !
LA PREMIÈRE FEMME
Monsieur Colin, sauf vostre grâce129 !
LE PREMIER MARY
De dire qu’en ayez jeusné,
350 Par le corps bieu, il n’est pas vray !
LA PREMIÈRE FEMME
Mauldit soys-je si du pain j’ay
Demy mon saoul130 !
LE PREMIER MARY
Paix, paix, bécasse !
Par le corps bieu, il n’est pas vray !
LA PREMIÈRE FEMME
Monsieur Collin, sauf vostre grâce !
LE SECOND MARY, caché
355 (Ce n’est encor(e) que la Préface131 ;
Nous serons tantost au Sanctus.)
LE PREMIER MARY
Mauldit[e] soit l’heure que j’euz
Oncques de toy la congnoissance !
LA PREMIÈRE FEMME
In Jan132, amen ! Ne133 qui l’acointance
360 Me bailla jamais de ton corps !
LE SECOND134 MARY
(Voylà bien de plaisans acordz !)
[LE PREMIER MARY]
Après, Alix ?
LA PREMIÈRE FEMME
Ma foy, villain,
Il te falloit une putain, (Plorando)
[Et] non une femme de bien135.
LE PREMIER MARY
365 Le corps bieu ! vous ne valez rien
À rost, [à] bouilly, n(e) à potaige136 !
LA PREMIÈRE FEMME
Je vaulx mieulx que tout ton lignaige,
Villain marault !
LE PREMIER MARY
Ouy dea, soufflez137 !
LA PREMIÈRE FEMME
Allez, de par le dyable, allez !
370 Il n’y en a point, en ma lignie138,
Qui ayt faict…
LE PREMIER MARY
Quoy ?
LA PREMIÈRE FEMME
La villennie139,
Comme a faict ta seur Guillemine.
LE PREMIER MARY
Par la chair bieu, vieille mastine140 !
Quoquelicocq141, alleluya !
375 Je vous tueray !
LA PREMIÈRE FEMME
Scez-tu qu’il y a ?
Par la croix bieu ! se tu me touche,
Je t’arracheray la bouche !
Advise bien que tu feras. (Il la bat.)
LE PREMIER MARY
Par bieu, tu t’en repentiras !
LA PREMIÈRE FEMME
380 Mais que dyable me veulx-tu faire ?
LE PREMIER MARY
Le corps bieu ! je vous feray taire
Toute coy[t]e142, ou [bien] je verray
Qui sera le plus fort.
LA PREMIÈRE FEMME
De vray ?
[Me taire ?] Mais qui l’eust pensé ?
LE PREMIER MARY
385 Quant tu auras assez tensé,
Tu te tairas.
LA PREMIÈRE FEMME
Par advanture143.
LE PREMIER MARY
Or es-tu [bien] la créature
Du144 monde que plus doy haÿr.
Hélas ! tu me deusse(s) obéyr,
390 Et je t’obéyz, c’est au contraire.
LA PREMIÈRE FEMME
Tu145 faictz cela que tu doys faire,
Se tu le fais. Ha ! le feu m’arde146 !
Se tu avoys une paillarde
Espousée, tu la traicteroys
395 De trèsbon cueur, et l’aimeroys
Cent foys plus que tu ne fais moy.
LE PREMIER MARY
Il est possible.
LA PREMIÈRE FEMME
Par ma foy !
J’ose147 bien dire et maintenir
Que jamais tu ne vis venir
400 Ces gaudelereaux148 à mon huys,
Prescher avec moy, [car ne suis]149
Comme d’aultres.
LE PREMIER MARY
Pour Dieu, tais-toy !
Je sçay bien la raison pourquoy :
Ilz ne cerchent point de telz rosses.
405 T(u) es trop layde.
LA PREMIÈRE FEMME
Tes malles bosses !
C’est du soulcy que m’as donné.
LE PREMIER MARY
En effect, pour dancer aux nopces,
T(u) es trop layde.
LA PREMIÈRE FEMME
Tes malles bosses !
LE PREMIER MARY
Qu’on te priast de telz négoces ?
410 L’homme seroit bien abusé :
T(u) es trop layde.
LA PREMIÈRE FEMME
Tes malles bosses !
C’est du soulcy que m’as donné.
Au jour [n’heureux ne]150 fortuné
Que tu me prins, estoys-je telle ?
LE PREMIER MARY
415 Nenny, vrayement, tu estoys belle.
LA PREMIÈRE FEMME
Qui m’a faict doncques si villaine ?
LE PREMIER MARY
La maulvaistié dont tu es plaine ;
Car maulvaistié est de tel(le) sorte
Que où elle est, beaulté est morte.
420 L’on ne dit point, ne te desplaise,
« Ceste femme est belle et maulvaise »,
Car le langaige mieulx s’ordonne151
En disant : « Elle est belle et bonne. »
Mais toy, tu n’es bonne ne belle.
LA PREMIÈRE FEMME
425 Que dyable suis-je donc ?
LE PREMIER MARY
Rebelle,
Mal gracieuse et mal plaisante.
LA PREMIÈRE FEMME
Je ne suis que trop advenante
Pour le « sainct » à qui je suis offerte.
LE PREMIER MARY
Mais, pour Dieu, regardez quel(le) perte
430 Ce seroit de ce gentil corps !
Que de fièbvre soit-il retors152 !
Aussi bien, est-il mal fillé153.
LA PREMIÈRE FEMME
Sçais-tu qu’il y a154, Jehan l’Anguillé ?
Se t(u) es bien ayse, si t’y tien155.
LE PREMIER MARY
435 Dea, m’amye, je ne vous dis rien.
(Que Dieu vous doint maladventure156 !)
Car vous estes la créature
Du157 monde que j’ayme le mieulx.
LA PREMIÈRE FEMME
Elle le prent au visaige, et dit : 158
Par la croix bieu !
LE PREMIER MARY
Gardez les yeulx159 !
440 (Vertu bieu, comme elle esgratigne !)
Ma femme, ma doulce poupine,
Corps advenant, plaisante et belle,
Fassonnée160 comme une chandelle :
Je vous ayme tant, que c’est raige.
LA PREMIÈRE FEMME
445 Je t’arracheray161 le visaige,
Traistre, marault, villain infâme162 !
LE PREMIER MARY
Non feras, car, par Nostre Dame,
Je m’en voys163, pour le plus sortable.
À Dieu, Alix !
LA PREMIÈRE FEMME
Et toy, au dyable,
450 Qui te puisse rompre le col !
LE PREMIER MARY
Escoutez : qu’elle est amyable164 !
Adieu, Alix !
LA PREMIÈRE FEMME
Et toy, au dyable !
LE PREMIER MARY
N’est pas bien l’homme misérable,
Qui se marie ? [Il est]165 bien fol.
455 À Dieu, Alix !
LA PREMIÈRE FEMME
Et toy, au dyable !
LE PREMIER MARY
Qui te puisse rompre le col !166
.
Corbieu ! si j’avoys ung licol, SCÈNE V
Je croy que je m[’en] iroys pendre.
LE SECOND MARY
Dea, Colin, il te fault attendre :
460 Ta pénitence n’est pas faicte167.
LE PREMIER MARY
Si joué n’eusse de retraicte168,
Le corps bieu, elle m’eust battu !
Mais que t’en semble ? Qu’en dis-tu ?
En veis-tu jamais de la sorte ?
LE SECOND MARY
465 Nenny, ou le dyable m’emporte !
LE PREMIER MARY
Conseille-moy que je feray.
LE SECOND MARY
Endure.
LE PREMIER MARY
C’est bien enduré !
Je mourray donc en endurant.
LE SECOND MARY
Puisque [à] ta femme as169 tant duré,
470 Endure.
LE PREMIER MARY
C’est bien enduré !
Avant l’an, maint hahan auray170.
LE SECOND MARY
Je te diray : cest [an durant]171,
Endure.
LE PREMIER MARY
C’est bien enduré !
Je mourray donc en endurant.
LE SECOND MARY
475 Sus ! après, à ce demeurant,
Il fault aller ouÿr la mienne.
Mais il fauldra que tu te tienne
Caché ainsi comme j’ay faict.
LE PREMIER MARY
Ne me dictz mot, il sera parfaict172.
LE SECOND MARY
480 Je voys devant, à la maison.
.
Holà, ho !173 SCÈNE VI
LA SECONDE FEMME
J’ay ouÿ le son
De mon mary. Qu(i) est là ?
LE SECOND MARY
C’est moy !
LA SECONDE FEMME
Esse vous, mon mary ?
LE SECOND MARY
Je croy
Qu’en voycy174 ung qui luy ressemble.
485 Et puis, m’amour, que vous en semble ?
Suis-je celuy que vous quérez ?
LA SECONDE FEMME
S’il vous plaist, vous me baiserez175 ;
Et puis après, je vous diray
Ce qui en est.
LE SECOND MARY
Je le feray
490 Voluntiers, de bon cueur et de bon couraige176.
Il baise sa femme.
LE PREMIER MARY, [caché]
(Je fais veu à Dieu : voylà raige !
Est-il rien plus doulx ne plus beau ?
Ilz s’entre-leschent le morveau177
Comme les chatz au moys de may.)
LA SECONDE FEMME
495 Je vous supply que vous et moy
[Nous] disons ung mot de chanson.
LE SECOND MARY
C’est bien dit. Or sus, commençon !
Ilz chantent.178
LA SECONDE FEMME
Mon mary, à mon appétit,
Que nous banquetons ung petit179.
500 Dis-je bien ?
LE SECOND MARY
Vous me faictes rire !
Impossible [il] est de mieulx dire :
Qui ne vouldroit [boire et menger]180 ?
LA SECONDE FEMME
Voicy de la perdrix d’arsoir181,
Que vostre compère182 apporta.
LE SECOND MARY
505 Ce m’est tout ung183, mettez-la là.
Et de vin ?
LA SECONDE FEMME
Ne vous souciez.
Mais aussi, vous me promettez…
Escoutez184… L’avez-vous ouÿ ?
[Me] le ferez-vous185 ?
LE SECOND MARY
Par bieu, ouy !
510 Apportez vin tant seullement.
LA SECONDE FEMME
Je le veulx. Mais, par mon serment,
Je voys [en] boire la première186.
LE SECOND MARY
C’est bien dit ! Faisons bonne chère.
Est-il bon187 ?
LA SECONDE FEMME
Il n’est rien meilleur.
LE SECOND MARY
515 Or en versez ! Et ! la couleur
En est rouge comme sendal188.
LA SECONDE FEMME
Et puis189, Mathieu ?
LE SECOND MARY
Il n’(y) a rien mal.
Où l’avez-vous eu ?
LA SECONDE FEMME
Ne vous en chaille :
Nous n’en devons denier ne maille190 ;
520 Je l’ay payé en beau contant191.
LE SECOND MARY
Comment, Jehanne ? En avez-vous tant192 ?
LA SECONDE FEMME
Se j’en ay ? Et ! qu’auray-je doncques ?
Par sainct Jacques ! il n’en fut oncques
Que193 je n’en eusse quelque croix194,
525 La Dieu mercy !
LE SECOND MARY
Je vous en croy[s].
Mais, belle dame, je vous en prie :
Versez là !
LA SECONDE FEMME
Par saincte Marie,
Vous me baiserez doncques !
LE SECOND MARY
Je le veulx.
Et si, ferons, par bieu, nous deux,
530 Ceste195 nuyct… vous m’entendez bien.
LA SECONDE FEMME
J’ay grant peur que n’en faciez rien :
Vous faictes assez de parolle196 ;
Mais quoy, c’est tout.
LE SECOND MARY
Vous estes folle !
Versez à boyre seullement.
LA SECONDE FEMME
535 Par sainct Jehan ! c’est entendement,
Et au[r]ez trèsbonne mémoyre197.
LE SECOND MARY
Le marché est faict : j’en voys boire
À vous, c’est d’autant198.
LA SECONDE FEMME
Grant mercys.
Vous bevrez aussi bien assis
540 Comme debout.
LE SECOND MARY
Ce m’est tout ung.
LA SECONDE FEMME
Il fault que je boyve, à mon rum199 ;
Ne faict pas ?
LE SECOND MARY
Vous avez raison.
LA SECONDE200 FEMME
Or, tenez, soufflez le thyson201,
Entretant202 que je mengeray.
LE PREMIER MARY, [caché]
545 (Corps bieu ! mon homme est demouré203.)
Mathieu, hau ! Viendrez-vous ?
LE SECOND MARY
Je voys204.
Mais que j’aye beu neuf ou dix foys,
Je seray tout prest, attendez.
LA SECONDE FEMME
Il fault bien que vous entendez
550 Que vous n’yrez mèshuy205 dehors !
LE SECOND MARY
M’amour, par la foy de mon corps,
Présent206 me verrez revenir.
LA SECONDE FEMME 207
Le dyable l’a bien faict venir,
[Et] non pas Dieu ! (Plorando.)
LE SECOND MARY
Estes-vous sotte !
555 Fault-il pleurer ? Que de riotte !
Je reviendray tout à ceste heure208.
.
Tu ne sçais pas ? SCÈNE VII
LE PREMIER MARY, parlant à Mathieu 209
Et quoy ?
LE SECOND MARY
El(le) pleure.
LE PREMIER MARY
Non faict ?
LE SECOND MARY
Si faict, sur mon âme !
LE PREMIER MARY
Par bieu, c’est une bonne femme !
560 Et vouldroys — le dyable l’emporte210 —
Que la mienne fust de sa211 sorte,
Quelque tendre du cul qu’el(le) soit212.
LE SECOND MARY
Mais si ma femme le faisoit ?
LE PREMIER MARY
Par ma foy, Martin le Bécu213 :
565 À peine de perdre ung escu214
Qu’elle le faict !
LE SECOND MARY
Ha ! je n’en croy rien.
LE PREMIER MARY
Par le corps bieu ! vous estes coqu,
À peine de perdre [ung escu]215 !
LE SECOND MARY
Certes, ce seroit mal vescu216,
570 S’el(le) le faisoit.
LE PREMIER MARY
Il y a ung bien.
À peine de perdre ung escu
Qu’elle le faict !
LE SECOND MARY
Je n’en croy rien.
Encor(es) qu’il soit vray217, je maintien
Que je suis mille foys plus ayse
575 Que tu n’es.
LE PREMIER MARY
Point ne le confesse218,
Se tu ne me dis la manière.
LE SECOND MARY
Une foys219, ta femme en est maistresse220,
Tencerresse, orguilleuse et fière.
LE PREMIER MARY
La tienne est tendre du derrière.
LE SECOND MARY
580 Et la tienne est dure de teste.
LE PREMIER MARY
Aussi, elle est seine et entière
De son corps, sans riens déshonneste.
LE SECOND MARY
Aussi, en douleur et tempeste
Uses ta vie, [et] en tourment221.
585 Et ! [tu] scès bien que l’homme est beste,
S’il n’a ung petit222 d’aisement.
Se ma femme, secrètement,
Le preste223 à ung [homme] ou à deux,
C’est tout ung. Car, par mon serment,
590 J’en ay encor(e) plus que ne veulx224.
Oultre plus, congnoistre tu peulx
Comment ta femme est acoustrée225 :
Femmes ne tiennent compte d’eulx226,
S’ilz ne s’aydent de leur denrée227.
LE PREMIER MARY
595 Tu dis vray : elle est évantrée228,
La plus orde229, la plus villaine,
La plus crottée et mal coiffée
Qui soit en [la] nature230 humaine.
LE SECOND MARY
Il n’est qu’une femme mondaine231
600 Pour estre propre et mignonnette.
Raison pourquoy ? Elle prent peine
À s’acoustrer et tenir nette.
Aulcunesfoys, on se déshette232.
Mais, tant soit [ung] homme esbahy233,
605 Quant il voit sa femme proprette,
Il s’en treuve tout esjouy.
N’est-il pas vray ?
LE PREMIER MARY
Par bieu, ouÿ,
Et est ta raison bien entière234.
Par quoy conclus, ton cas ouÿ
610 Et le mien235 sur ceste matière,
Qu’il vault trop mieulx femme de bonne chère236
— Présupposé qu’el(le) preste son237 derrière
Secrettement — que femme à malle teste,
Ce néantmoins qu’el(le) soit chaste et honneste.
615 Pour vivre en paix, l’autre est plus singulière238.
LE SECOND MARY
Ne me parlez jamais de femme fière :
Il vauldroit mieulx qu’homme fût [mis] en bière
Que d’en avoir !
LE PREMIER MARY
Il est tout manifeste239
Qu’il vauldroit trop mieulx femme de bonne chère,
620 Présupposé qu’el(le) preste son derrière.240
La raison est : el(le) vous a la manière
De vous traicter. La peine n’est point chère241.
El(le) rit tousjours, chante, ou [bien vous] faict feste.
Mais de l’autre, qui pleure puis tempeste,
625 N’en parlez point !
MATHIEU 242
Conclusion dernière243 :
Il vauldroit mieulx femme de bonne chère
— Présupposé qu’el(le) preste [son] derrière
Secrètement — que femme à malle teste,
Ce néantmoins qu’el(le) soit chaste et honneste.
630 Pour vivre en paix, l’autre est plus singulière.
.
COLIN SCÈNE VIII
Avant que tirez plus arrière244,
Ainsi comme il est de raison,
La petite chanson gorrière245.
Ce faisant, « à Dieu » vous dison !
.
Cy fine la farce des
Deux marys
et de leur[s] deux femmes.
.
*
1 Titre dans le recueil de Copenhague : MORALITÉ ET FARCE NOUVELLE, très belle, & fort joyeuse, à quatre personnages. C’est à sçavoir : Deux hommes, & leur <sic ! La faute est commune aux deux imprimés, et se retrouve dans le colophon de BM.> deux femmes, dont l’une a male <BM : molle, qui est une erreur.> teste, & l’autre est tendre de cul. 2 Les deux amis sortent d’une taverne. 3 Celui qui. 4 Une seule drachme, un seul gramme. On prononçait « drame ». Voir la note 149 de Saincte Caquette. 5 BM : veult il (Refrain correct au vers 15.) 6 Mauvais. Idem vers 38, 149, 270, 405, 436, 613. 7 BM : toute (Refrain correct au vers 16.) 8 D’où. Idem vers 105. 9 La tançon est le fait de tancer, de quereller pour rien. Idem vers 19. 10 C’est du baume : c’est un plaisir. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 184. 11 BM : ta — Copenhague : sa (Me remémorer. « Jour et nuict/ Me fault recorder ma leçon. » Le Cuvier.) Ces 17 décasyllabes sont écrits en rimes enchaînées, à la manière des Grands Rhétoriqueurs. La difficulté de l’entreprise est telle, qu’il ne faut pas y chercher un sens logique avec trop d’exigence. 12 Les Leçons des Morts, tirées du Livre de Job, faisaient partie des Vigiles des Morts. Voir « les neuf Lissons des Mors faictes par le saint homme Job », de Pierre de Nesson. Elles se composent de versets et de répons, comme dans les Vigilles Triboullet. 13 Il eût fallu un mot comportant la syllabe mor-, ce qu’interdit la rime du vers précédent. 14 De vipère, de dragon. « Ung grant serpent et dangereux aspic. » (Clément Marot.) Sa gueule jette des flammes, et sa langue fourchue symbolise la médisance. 15 Par courroux. 16 BM : oeil (« Un grand feu sourd d’une bluette. » J.-A. de Baïf.) 17 Brûlé comme par la morsure d’une flamme. 18 Mordu. 19 Blessé, du verbe amordre. « Le dueil qui maintenant m’amort. » ATILF. 20 Pièce métallique qu’on met dans la bouche d’un cheval pour le diriger. 21 BM : helas 22 Elle s’accorde à tous mes plaisirs. 23 BM : latz — Cop. : laqs (Dans les lacs, les filets.) 24 Nyx (la Nuit) est la mère de Némésis (la Vengeance) et d’Éris (la Discorde). 25 Défavorable. 26 Souviens-toi. 27 Prude, chaste. 28 Et même. Idem vers 38 et 529. 29 Elle règne en maître. 30 Ressasse (normandisme). Cf. Saincte Caquette, vers 140. 31 Cf. Frère Frappart, vers 95. 32 BM : seffroye (Tant elle vise haut. Verbe frayer.) Riote = querelle. Idem vers 275 et 555. 33 BM : Quelle excedera bien (Elle crie encore plus haut que toutes les autres.) 34 Autre chose que. 35 Donc, comme au vers 148. Cette redondance est typique des farces de collège : « Ergo donc, se j’estoyes fourmy. » (Les Sotz escornéz.) « Ergo donc, selon l’Escripture. » (L’Avantureulx.) 36 Même vers que 158, où le « en » superflu disparaît. 37 Cocu. « Que ma femme m’ayt faict jénin. » Ung Mary jaloux. 38 Une figure agréable. Idem vers 100 et 611. 39 Attention à ses ruades ! Cf. cet autre proverbe : « Garde le derrière, Moreau rue ! » Mais dans notre farce, derrière a toujours une acception anatomique. 40 Cela se peut bien. (Idem vers 570.) « Y a » est scandé « ya » en 1 syllabe, comme aux vers 375, 433, 517 et 570. 41 Celui qui en sait quelque chose. 42 Les cocus trop complaisants n’étaient pas bien vus. Voir la note 75 du Povre Jouhan. 43 Chercher (normandisme). Idem vers 404. 44 Ne serait pas portée sur la chose. 45 Ton idée d’éprouver ta femme. 46 Si tu la trouves avec un homme. 47 Le paysan perd son temps. 48 BM : que a 49 BM : gasteras — Cop. : gaste 50 Du moment qu’elle te fait bonne figure, c’est l’essentiel. 51 Je suis sûr de sa fidélité. 52 Sa mauvaise tête. La femme se réduit à une tête et un cul, comme le résument les vers 148-149. Dans la farce de Tarabin, Tarabas (F 13), le cul intempérant représente aussi l’épouse, mais la mauvaise « teste qui à tous propos tence » représente le mari. 53 Depuis peu. C’est Colin qui vient de lui en parler, aux vers 61-66. 54 Le crâne. 55 Soient aussi tendres, aussi malléables que. 56 BM : dieu (Sans attendre qu’elle se mette à pleurer.) 57 Il n’y a rien de mieux. BM ajoute dessous : Comme te dis 58 La méchanceté, la malignité. Idem vers 417 et 418. Cf. la Mauvaistié des femmes. 59 Elle n’aura plus la tête chaude, puisque sa chaleur s’évacuera par l’anus. 60 Un restringent pour resserrer ses ouvertures naturelles. Dans Tout-ménage, on dit à une fille qui souffre du mal d’amour : « Mais il vous fault ung rétrainctif. » 61 BM : hault (Voir les vers 121 et 144.) 62 « Les fumositéz, ne se pouvans évaporer, sont cause de leur folie, opiniastreté, & de leur maladie commune du mal de teste. » Guillaume Bouchet, Troisiesme Sérée. 63 Je complète d’après le vers 118. 64 « Il vaut mieux, à une femme, avoir bonne teste que mauvais cul…. Son mary n’avoit jamais pu remédier à ceste teste, encores qu’il se fust aidé de deux poings. » G. Bouchet. 65 Sans diminuer leur réputation. 66 Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 67 Les deux amies sortent du marché. La première, Alix, est mal vêtue et mal coiffée (vers 595-8). La seconde, Jeanne, est « propre et mignonnette » (vers 600). 68 « De tant endurer, je ne puys…./ A ! je n’en puys endurer tant ! » Le Poulier. 69 De renom. 70 Origine. 71 BM : Le filz (On songe à M. de la Hanetonnière qui, dans le Poulier, poursuit de ses assiduités la femme d’un meunier.) 72 En mariage. 73 On note la pruderie de la bigote, qui ne veut pas mélanger le sacré avec le profane. 74 BM : treffailly — Cop. : tres failly (Le cœur me manque, me fait défaut. « Ilz semblent tous malades, tant ont lez visages fades et palles, et lez cuers faillis. » ATILF.) 75 En pleurant. 76 Les deux femmes vont se renvoyer mutuellement cette accusation aux vers 249, 276, 533 et 554. Elles emploient la variante « Vous n’êtes pas sage » aux vers 189 et 209. 77 Disposition. (Idem vers 250.) « Qu’il suive encor l’escole,/ Car il est de si bonne cole/ Qu’il apprendra tant c’on vouldra. » (Godefroy.) Cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 83. 78 BM : faict etc. 79 BM : Nauez vous (« N’av’ous » en est une forme normande. « Et ! comment ? N’av’ous point de honte ? » Serre-porte.) 80 De certaines que je ne nommerai pas… 81 Litote courante. « Car il fault… vous m’entendez bien. » (Serre-porte.) Idem vers 530. 82 Qui soit en ce monde. 83 Il, lui. Pronom picard ou normand. « C’est ille ! » Frère Guillebert. 84 Copenhague corrige : la (La merci de Dieu, comme au vers 525.) Je conserve le « las ! » de BM, où l’on sent poindre un regret d’avoir vécu sans profiter des plaisirs de la vie. 85 BM : Premiere (Auparavant, que je sois…) 86 BM : comme 87 En réalité. « –Je ne vueil point nuyre à l’Église./ –Sy ne ferez-vous en effect. » Jeu du Prince des Sotz. 88 BM : la 89 Ma tante. « Qui ont pères, mères et antes. » (Villon.) Le vers est en forme de devinette : voir la note 2 du Clerc qui fut refusé. 90 Enné ! Ce juron synonyme de vraiment est réservé aux femmes. « Et Ysabeau qui dit :/ “Enné !” » (Villon.) Cf. le Résolu, vers 50 et 244. 91 « Faisons-le tout secrètement,/ Il sera demy pardonné. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 92 Gestes tendres, caresses. 93 BM : Leaue (L’eau bénite : la confession. Eau-e compte ici pour 2 syllabes.) « Belle » ne peut s’appliquer à Alix, qui reconnaît elle-même sa laideur aux vers 405-6. On emploie cet adjectif pour mettre en valeur le mot qui suit : « À ma grand’soif, la belle eaue se présente. » (Clément Marot.) « La belle eaue [de] roze à laver mains. » (Guillaume Coquillart.) 94 Personnage inconnu. Les femmes invoquaient plusieurs saints priapiques : Couillebaud, Alivergaut, Velu, Foutin, etc. Saint Gris (St François d’Assise), qui est le fondateur des Cordeliers, réputés comme les moines les plus paillards, ne serait-il pas devenu « saint gris bout » ? 95 BM : A eue (« Ce qu’on fait a catimini / Touchant multiplicamini,/ Mais qu’il soit bien fait en privé,/ Sera tenu pour excusé. » Jardin de Plaisance.) 96 En cachette, multipliez-vous, croissez, remplissez la terre. Le « croissez et multipliez » de la Genèse servit bien souvent d’excuse aux débauchés… Prononcé à la française, « terran » rime avec « maisouan » [désormais]. 97 Elles doivent se multiplier avec leur mari. 98 Peuvent (normandisme : cf. la Fille bastelierre, vers 54). S’ils ne peuvent plus faire l’amour. 99 Et pourtant. 100 En ce qui me concerne. 101 Suffisamment. 102 BM : Que (Que je vous baise/ Ung poy ! » Frère Guillebert.) 103 BM : lecon (« Vous chanterez d’aultre chançon ! » Mistère de la Passion.) 104 Malédictions. 105 Ne fit un mauvais usage. On songe inévitablement à Rabelais : « Il est marié…. Il est doncques, ou a esté, ou sera, ou peult estre coqu. » Tiers Livre, 32. 106 BM : Boo — Cop. : Bon 107 De discours futiles. « Ne me tenez plus de blason ! » L’Homme à mes pois. 108 À ma maison. 109 Le bavardage (normandisme). Cf. Saincte Caquette, vers 279. 110 En posant cette condition. 111 Un buffet ou une tenture. « Je me mectoie/ Derrière ung vieil tapis troué/ Parmy [à travers] lequel ung œil boutoye. » Martial d’Auvergne. 112 Devant chez lui, il appelle sa femme pour qu’elle vienne lui ouvrir. 113 Posez sur des tréteaux les planches qui tiennent lieu de table. Alix ouvre la porte en distillant des propos ironiques : mon époux ne rentre au bercail que pour mettre les pieds sous la table. 114 Il entre. Son camarade reste dehors et observe par la fenêtre ouverte. 115 Elle sent son haleine avinée. 116 Il est imbibé comme un morceau de pain trempé dans du vin. 117 BM : soys ie 118 Il en sortirait (verbe issir). 119 L’introït, le début du sermon. 120 Le contenu du pot en terre qu’on laisse mijoter dans la cheminée. 121 BM : bordant il est — Cop. : bourdant, il est, (Soit dit sans vouloir vous offenser. Voir la note 29 de la Pippée.) 122 Que vous nous avez fait envoyer par le boucher. Cf. Tout-ménage, vers 178-186. 123 Chanté. 124 BM : reus — Cop. : recrus (Recru = fatigué ; lâche.) 125 Dans le Povre Jouhan, Affriquée dit la même chose à son mari qu’elle accable d’insultes. 126 BM : depuis 127 Dépenser. Le blanc est une petite pièce en argent. 128 Les Normands prononcent « sé », qui rime avec vrai. Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin. 129 Je vous en prie ! 130 À moitié autant que j’en voudrais. 131 La partie de la messe qui précède le Sanctus. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 387-388. À la française, on prononçait « Santu ». 132 Saint Jean (normandisme). Cf. Jehan de Lagny, vers 153 et 204. 133 Et que soit maudit aussi celui… 134 BM : premier (Matthieu, toujours à la fenêtre, continue à filer sa métaphore musicale du sermon chanté : vers 319-320, 335-336, 355-356.) 135 « Ces tant femmes de bien ont communément maulvaise teste. » Tiers Livre, 9. 136 Quelle que soit la manière dont on vous accommode, vous n’êtes pas bonne. 137 Causez toujours ! Cf. les Mal contentes, vers 91. On dit parfois : « Souffle, Michaut ! » 138 BM : lignee (-ie est une terminaison normanno-picarde.) « N’y en » est scandé « nyen » en 1 syllabe ; voir la note 40. 139 Un adultère. « Ilz faisoient la vilanie. » Opuscules tabariniques. 140 Chienne, femelle du mâtin. 141 Cocorico ! Cette double interjection sonne comme un cri de guerre. Cf. Colin, filz de Thévot, vers 90 et note. 142 Coite, muette. 143 Par extraordinaire. 144 BM : De ce (Voir le vers 194.) 145 BM : Je 146 Que l’Enfer me brûle. 147 BM : Je lose 148 Ces godelureaux, ces galants. 149 BM : ne gaudir (Voir les vers 42-43.) 150 BM : malheureux (Ni heureux, ni chanceux. « La femme estoit eureuse et bien fortunée, qui de tel mary estoit douée. » Cent Nouvelles nouvelles.) 151 BM : sadonne (Les mots viennent plus naturellement.) 152 Tordu. 153 Mal filé, mal fait. 154 Ce qu’il y a. Anguillé se dit d’un galérien qui a subi une anguillade : qu’on a fouetté avec une peau d’anguille. En Normandie, « anguiller » = se glisser dans une rue : « En anguillant dez Augustins la rue. » (La Muse normande.) Enfin, l’anguille désignant notoirement le pénis, un anguillé pourrait à la rigueur être un sodomite passif. G. Bouchet parle d’une femme qui traite son époux de « maquereau, rufien, paillard, ribaud, fouetté, larron, bougre ». 155 Contente-toi de ce que tu as. 156 Une mésaventure, un accident. 157 BM : De ce (Voir le vers 94.) 158 BM intervertit la rubrique et la didascalie. 159 Faites attention à mes yeux ! 160 Façonnée, droite. C’est une comparaison ironique : « Dame Flourence l’Escornée,/ Longue eschine et plate fourcelle [poitrine] (…),/ Façonnée comme une chandelle. » (G. Coquillart.) Notons qu’au vers 428, Alix se compare elle-même à une chandelle qu’on offre à un saint. Le comédien qui jouait son rôle devait être grand et maigre, ce qui correspond à l’idée qu’on se fait d’une femme revêche. 161 BM : ten arracheray 162 La farce du Savatier et Marguet présente deux couples similaires aux nôtres ; la harpie traite son souffre-douleur de « meschant vilain infâme ». 163 Vais. Idem vers 480, 512, 537, 546. Sortable = convenable. 164 Amicale. 165 BM : et — Cop. : il est (« Il est bien fol, qui se marie. » Le Savetier qui ne respond que chansons, F 37.) 166 Il sort et rejoint Matthieu. 167 Ton séjour au purgatoire n’est pas terminé. 168 Si je n’avais pas battu en retraite. 169 BM : ta (Puisque tu la supportes depuis si longtemps.) 170 BM : duray (Ahan = peine, épreuve. Cf. le Prince et le deux Sotz, vers 128.) « Ysaac, Jacob, qui maint ahan/ Eurent. » ATILF. 171 BM : en endurant (Durant cette année. « Cest an durant, furent desconfits les Anglois devant Patay. » Cronique martiniane.) 172 Ce sera fait. 173 Devant chez lui, il appelle sa femme. 174 BM : voyez cy 175 Vous m’embrasserez, pour que je puisse juger si vous êtes bien mon mari. Matthieu entre, et Colin se poste devant la fenêtre ouverte. 176 De bon cœur. 177 Le museau. « Léquer le morveau » est une expression normande. « Luy demander comment elle se porte, et luy lécher le morveau (…) sans exécuter ce qui importe le plus. » Odet de Turnèbe. 178 Cette chanson à la mode, interchangeable au gré des représentations, n’a pas été conservée. Dans le Savatier et Marguet, le couple heureux passe son temps à chanter, alors que le couple hargneux s’injurie en permanence. 179 Restaurons-nous un peu. 180 BM : recommencer (« Venez céans asseurément/ Boire et menger ! » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) 181 D’hier soir. Les Normands prononçaient « essair », qui rime avec mangèr. « Voulant souper, essair, à la c[h]andelle. » La Muse normande. 182 Il ne s’agit pas de Colin mais d’un des amants de Jeanne. Il était d’usage d’apporter à boire et à manger aux rendez-vous galants. Par exemple dans le Poulier : « J’aporteray, pour le repas,/ Un gras chapon avec une ouée./ Et du vin. » 183 Ça m’est égal. Matthieu exprime la même indifférence aux vers 540 et 589. 184 Avec une pudeur qui devait être fort comique, elle parle à l’oreille de son époux, afin qu’il s’acquitte du devoir conjugal. 185 « Vous ne me le ferez plus : ma mère m’a mariée. » Brantôme. 186 Elle boit dans le verre de son mari, selon un vieux rituel amoureux. 187 « –Voyelà du vin. –Est-il bon ? » Troys Gallans et Phlipot. 188 Comme du cendal, de la soie rouge. 189 Comment trouvez-vous ce vin ? 190 Quand maître Pathelin montre à sa femme le drap qu’il a volé, il dit : « –Je n’en doy rien./ Il est payé, ne vous en chaille./ –Vous n’aviez denier ne maille. » 191 Comptant. Il y a peut-être un clin d’œil au public : « Mais avant, fus privé de mon argent comptant,/ Dont je fus par trop fol d’achetter ung con tant. » Jehan Molinet. 192 Avez-vous tellement d’argent ? 193 Il n’y eut jamais d’argent sans que… 194 BM : peu (Quelque pièce frappée d’une croix. Cf. le Bateleur, vers 147.) 195 BM : Encores 196 Avec des mots. C’est l’éternelle opposition entre Dire et Faire, illustrée dans Raoullet Ployart. 197 Le vin vous donnera de la mémoire (note 77 des Coppieurs et Lardeurs), et ainsi, vous vous souviendrez que nous devons faire l’amour. 198 Boire d’autant à quelqu’un : boire à sa santé pour sceller un marché. Afin de porter ce toast, Matthieu se lève en chancelant. 199 À mon run, à mon tour. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 48. 200 BM : premiere 201 Ravivez le feu de la cheminée. 202 BM : Entreprenant (Entre-temps, pendant que. « Entretant que le fer est chault, on le doibt batre. » Godefroy.) 203 BM : demonte (Matthieu a pris racine. « Vuidez tost, c’est trop demouré ! » Ung jeune moyne.) Sans plus se cacher, Colin appelle Matthieu par la fenêtre. 204 J’y vais : je viens. Dans le Savatier et Marguet, l’un des deux maris appelle l’autre : « –Jaquet, hay ! hay ! –Je voys, je voys. » 205 Aujourd’hui, maintenant. 206 Présentement, tout de suite. 207 Elle désigne Colin, qui attend devant la fenêtre. 208 Tout à l’heure. Mais on peut comprendre : à 7 heures. Matthieu sort et rejoint Colin. 209 BM intervertit la rubrique et la didascalie. 210 BM : memporte (Que le diable emporte la mienne ! Voir le vers 174.) 211 BM : la 212 Quoique la tienne ait le cul tendre. « Et ! vous avez le cul trop tendre. » (Le Poulier à quatre personnages.) Dans Saincte Caquette, il est question de « femmes tendres du bas ». 213 Encore un personnage non identifié. Bécu = pointu comme un bec, ou comme les cornes d’un « becque-cornu » (Le Roux), c’est-à-dire d’un cornard. Bécu qualifie également le nez d’un alcoolique : « De jeune femme (portée) sur le vin, nez rouge et beccu. » Trésor des sentences. 214 Je parie un écu. 215 BM : la vie (Rime correcte aux refrains 565 et 571.) 216 Elle mènerait une mauvaise vie. 217 Quand bien même ce serait vrai. 218 Je refuse de le reconnaître. 219 D’abord. 220 Porte la culotte. Dans le Savatier et Marguet, l’époux de la femme acariâtre se plaint : « Suys-je pas de malle heure né,/ De te voir estre ainsy mêtresse ? » 221 L’auteur a bien lu –et bien retenu– les XV Joyes de Mariage, où le pauvre mari « use sa vie en douleurs et en tourmens ». 222 BM : peu (Un peu d’aise, de plaisir.) 223 Prête son « bas » (vers 153), ou son derrière (vers 612). 224 Matthieu aime mieux boire que faire l’amour : vers 248, et 531-533. 225 Si elle est bien vêtue, c’est la preuve qu’elle se fait entretenir par un amant. 226 De leurs soupirants du vers 588. 227 BM : derriere (De leurs deniers. « Ung chappon [vault] XV denrées, et une géline, XII denrées. » ATILF.) Les galants doivent payer pour obtenir les faveurs des dames. 228 Débraillée. 229 Sale. 230 Dans toute l’espèce. 231 Il n’y a qu’une aguicheuse. « Ceste femme estoit fort mondaine, désiroit estre fort bien vestue et parée, et si, aymoit le desduit d’amours. » ATILF. 232 Parfois, on se plaint d’elle. 233 Aussi ahuri que soit un homme. 234 Il n’y manque rien. 235 Après avoir examiné ton cas et le mien. 236 Qui montre une figure agréable à son mari. Ce double rondeau est probablement chanté, comme Jehan Molinet le suggère dans l’Art de Rhétorique : « Et ceste manière de rondeler sert aux chansons de musique. » 237 BM : en (Forme correcte au refrain de 620, mais faute identique à celui de 627.) 238 La femme volage est plus précieuse. 239 Il est évident. 240 Dessous, BM répète inutilement le refrain B : Secrettement que femme a malle teste 241 La peine qu’elle vous cause n’est pas grave. 242 BM restitue leur nom aux deux hommes : ne voulant pas faire déborder cette ultime colonne, l’éditeur a placé les rubriques sur la même ligne que le texte en décasyllabes ; et pour qu’elles y entrent, il a dû les raccourcir. 243 BM : derriere 244 Que vous ne repartiez. 245 À la mode. Cf. le Résolu, vers 127, 202 et 279. Avant le salut, il est de tradition que les comédiens chantent une chanson dans l’air du temps.
LA MAUVAISTIÉ DES FEMMES
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LA MAUVAISTIÉ
DES FEMMES
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Certaines femmes poussent l’obstination jusqu’à refuser de céder devant l’obstination de leur époux. Leur « mauvaiseté1 » s’exprime dans des joutes verbales et parfois physiques dont témoigne ce dialogue normand2 écrit au début du XVIe siècle.
Les deux époux n’ont aucune chance de s’entendre, car ils ne sont pas de la même étoffe : la femme se nomme Finette. Ce mot désigne un tissu de coton très fin. Le mari se nomme Rifflard ; ce mot désigne la laine la plus longue et la plus grossière d’une toison. Nos deux tourtereaux se volent dans les plumes en échangeant des noms d’oiseaux, pour savoir lequel des deux va mettre l’autre en cage. Et la gagnante est… ?
Sources : Recueil de Florence, nº 48, peut-être imprimé à Paris vers 1517,3 sous le titre : « La Mauvaistié des femmes. » Recueil du British Museum, nº 3, imprimé à Lyon entre 1532 et 1550 sous le titre : « L’Obstination des femmes. » (Cette farce n’a pas de rapport avec celle qui s’intitule la Ruse, meschanceté et obstination d’aucunes femmes.) J’utilise l’édition F <Florence>, et je la corrige tacitement sur l’édition BM <British Museum>.
Structure : Rimes plates, avec six triolets dont les 30 refrains, par leur côté itératif et obsessionnel, matérialisent les rabâchages du couple.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
à deux personnages
C’est assavoir :
RIFFLART
et FINETTE 4
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LA MAUVAISTIÉ DES FEMMES
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RIFLART 5 commence [en chantant] :
Gens mariéz ont assez paine, SCÈNE I
À bien considérer leur cas.
Par chascun jour de la sepmaine,
Gens mariéz ont assez peine.
5 L’ung tracasse, l’autre pourmaine 6
De nuit, de jour, vélà le cas.
Gens mariéz ont assez peine,
À bien considérer leur cas.
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À besongner ne fauldray pas7 :
10 Car se ma femme survenoit,
Certainement el me batroit.
Nuit et jour ne fait que hongner8.
Il me fault aller besongner
Pour éviter son hault langaige.
15 Je vueil assouvir9 ceste cage ;
Ce sera pour mectre une pie.
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FINETTE SCÈNE II
Que fait Riflart ?
RIFLART
Quoy ? Dea, m’amye,
Je remetz à point ceste cage.
FINETTE
Esse tout ? Que la malle rage
20 Te doint Dieu, villain malostru !
Or dy : comme gaigneras-tu
Ta vie ? Tu ne veulx riens faire.
Du mal monseigneur saint Aquaire10
Puisse-tu estre tourmenté !
25 Et aussi, que malle santé
Te doint Celuy qui te forma11 !
RIFLART
Me mauldissez-vous ? Qu’esse-là ?
Dea, Finète, quant je me mis
En mesnage, tu me promis
30 Que feroye mon commendement ;
Et tu me maulditz, maintenant.
Fault-il qu’endure ? Qu’esse-cy ?
Je feray ceste cage icy,
Et deussiez-vous vive enrager !
FINETTE
35 Mais pour quoy faire ?
RIFFLART
Pour loger
Une pie : c’est ung bel oyseau.
FINÈTE
Et que dira-(e)lle12 ?
RIFFLART
« Maquereau13 !
Va hors ! Va, larron ! »
FINETTE
Que vous estes14 !
Hé ! Dieu, qu’il est de sottes testes !
RIFFLART
40 Je ne suis point macquereau, non.
FINETTE
Se la pie par vostre nom
Vous appelle, vous l’orrez15 bien.
RIFFLART
Je suis aussi homme de bien
Qu(e) homme qui soit, dessus16 mes piedz.
45 Et vueil bien que vous le saich[i]ez :
Puisque je l’ay mis en ma teste,
Ce ne sera pour autre beste
Que pour une pie, je le vueil !
FINETTE
Se17 vous en aviez plus grant dueil
50 – Et deussiez de courroux crever
Et de male rage enrage[r] –,
Par la tocque bieu18, non sera !
Ung cocu19 on y boutera,
Entendez-vous bien ?
RIFFLART
Ung cocu ?
55 J’aymeroye mieux perdre ung escu !
Comment ! en serez-vous maistresse20 ?
Je mourroye plustost de destresse !
[Certe,] une pie y sera mise.
FINETTE
Certes, j’en feray à ma guise,
60 Vueillez ou non !
RIFFLART
Voire, Finette,
Que jamais on ne m’en quaquette21 :
G’y mettray une pie.
FINETTE
Vous, paillart !
Vueillez ou non, par Dieu, Rifflart,
Je mettray ung cocu dedans !
RIFFLART
65 Vous en mentirez par les dens22 !
Par le sainct sang que Dieu me fist23 !
Puisque je l’ay dit, il souffist,
Finette, n’en quaquetez plus !
Ou, foy que doy au roy Jésus,
70 Ung coup aurez sur la narrine !
FINETTE
Foy que doy saincte Katherine !
Vous ne le porterez pas loing24.
Je vous bailleray sur le groing,
Entendez-vous, villain jaloux ?
RIFFLART
75 Et ! belle dame, taisez-vous !
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit25 !
FINETTE
Pour ung loudier26 ? Pour ung yvrongne ?
RIFFLART
Encore ?
FINETTE
Fy-fy27 !
RIFFLART
C’est trop dit !
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit !
FINETTE
80 Me tairé-ge pour ung [ mauldit,
Pour ung homme qui tousjours grongne ?28
RIFFLART
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit !
FINETTE
Pour ung loudier ? Pour ung ] yvrongne ?
RIFFLART
Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
85 De qui ? De vous ?
RIFFLART
Et de qui doncques ?
FINETTE
Faictes, faictes vostre besongne !
RIFFLART
Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
Par Nostre Dame de Boulongne !
Je ne vous crains en rien quiconques29.
RIFFLART
90 Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
De qui ? De vous ?
RIFFLART
Et de qui doncques ?30
Par la mort bieu ! je ne vy oncques
Femme qui eust telle caboche !
Mais que j’aye cy mis une broche31,
95 Ma cage sera assouvie32.
FINETTE
Et qu’i mettra-l’en33 ?
RIFFLART
Une pie.
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Mais ung estronc34 !
Laissez-moy faire35 !
FINETTE
Quel folie !
Mais qu’i mettra-l’en ?
RIFFLART
Une pie.
100 Elle sera cointe36 et jolie ;
Et si, sera à demy ront37.
FINETTE
Mais qu’i mettra-l’en ?
RIFFLART
Une pie.
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Mais ung estronc !
Aussi tost que les gens l’orront
105 Appeler38 « macquereau ! », siffler,
Par mon âme, ce sera fer39 !
Il n’en fault point parler du pris40.
FINETTE
Ung cocu dedens sera mis,
Qui est ung oyseau de grant bien.
RIFFLART
110 Par ma foy, il n’en sera rien !
Et ne m’en parlez plus, Finette !
Aussi tost qu’elle41 sera faicte,
G’iray une pie acheter.
FINETTE
Pour quoy faire ?
RIFFLART
Pour y bouter.
FINETTE
115 Saint Jehan ! mais ung cocu jolis.
RIFFLART
Si sur vous je gecte mes gris42,
Vous direz « une pie43 ».
FINETTE
Feray ?
Par Dieu, ennuit44 ne me tairay !
[Dictes « ung cocu »]45, oyez-vous ?
RIFFLART, en frappant
120 La chair bieu ! vous aurez des coups,
Tenez ! Dictes « une pie ». Ferez ?
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez
Plus de cent coups, n’en doubtez mye,
Ou « une pie » vous nommerez46.
FINETTE
125 Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez !
FINETTE
C’est pour neant47 : avant, me tuerez.
RIFFLART
Dictes « une pie », je vous prie.
FINETTE 48
Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez
Plus de cent coups, n’en doubtez mie !
130 Cuidez-vous que soit mocquerie ?
Il fault que je vous serve49 à bon.
FINETTE
Me tueras-tu, traistre larron,
Méseau50 pourry ? Que veulx-tu faire ?
Je conteray tout ton affaire
135 Au maire51 de nostre village.
Tu ne te vis52 que de pillage,
Sanglant bougre53 d’un vieil thoreau !
Je te donray54 sur le museau,
Se tu me frappes aujourd’uy !
RIFFLART
140 Par Dieu ! si vous parlez mèshuy
De cocu ne de tel oyseau,
Je vous casseray le museau,
Tant vous donray de horions55 !
Taisez-vous donc, et ne disons,
145 Chascun, mot56 ; et je vous en pry.
F[I]NETTE
Que je me taise ? Je t’affy
Que c’est bien envis57, par ma foy !
RIFFLART
Certes, Finette, je t’en croy…
Or dy doncques, je te supplye,
150 Que ma caige est pour une pie ;
Car je l’ayme bien58, entens-tu ?
FINETTE
Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !
Jamais ce propos ne lerray59.
RIFFLART
Mais pour une pie !
FINETTE
[Quel testu !]60
155 Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !
RIFFLART
Je te donneray ung escu,
Et le dy61.
FINETTE
Sainct Jehan, non feray !
[Et !] par bieu, c’est pour ung cocu :
Jamais ce propos ne lerray.
RIFFLART
160 (Au fort, tout luy accorderay,
Je n’y voy point de meilleur62 voye.
Le sang bieu ! avant la turoye
Qu’elle changast [d’]oppinion63.)
FINETTE
Par saint Jehan ! ce ne feray mon64,
165 Car jà pie n’y sera mise.
J’en feray tout à ma devise65.
Tu m’as rompu tout le(s) costé(s)66.
Ung cocu y sera bouté,
Et ne m’en tiens plus de langaige ;
170 Ou, en despit de ton visaige,
[Se mettre y veulx nul]67 contredit,
Je la brûleray68 par despit !
Entens-tu, [Rifflart] ?
RIFFLART
Belle dame,
Je suis bien mari69, par mon âme,
175 Que vous avez si malle70 teste.
Les gens si me tiendroyent pour beste
Se n’estoye maistre en ma maison ;
Aussi esse droit et raison,
Aultrement ne seroye pas saige.
FINETTE
180 Cela n’est pas à nostre usaige71,
Et ne sert72 point à mon propos.
Femmes n’ont jamais le bec clos,
Et ce n’est pas de maintenant73 !
En ta caige, certainement,
185 Y mettré ung joli cocu.
Or dy : le m’achetteras-tu,
Ou se je l’iray acheter ?
RIFFLART
J’ayme mieulx le vous apporter,
Car j’en trouveray mieux que vous…
FINETTE
190 À quoy dea[b]le congnoistrez-vous
S(e) il est mâle ou [s’il est] fumelle74 ?
RIFFLART
Regarder luy fault soubz l’esselle75,
Finette : là le congnoist-on.
FINETTE
Entour Noël76, en la saison,
195 [Ilz] chantent soubz la cheminée77 ;
C’est [là] une chose esprouvée.
RIFFLART
Or allons, vous et moy, chercher
Se ung [nous] en pourrons trouver
– Pour bouter dedens vostre78 cage –,
200 Qui gouvernera le mesnage79
Tandis que g’irons80 au marché.
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Bonnes gens, vueillez prendre en gré.
Nous en allons par-cy le pas,
Ung chascun selon son degré81.
205 Vueillez prendre en gré nos esbatz !
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FINIS
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1 Que Jean de Marconville étudiera en 1564 dans De la bonté et mauvaistié des femmes. 2 Plusieurs tournures normanno-picardes ont résisté aux éditeurs parisiens et lyonnais : vers 23, 37, 66, 93, 96, 105, 116, 191, 201, etc. 3 D’après Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 673-680. 4 Une jeune fille porte ce nom dans la farce des Femmes qui vendent amourettes (F 38). 5 Il est seul dans son atelier d’artisan. Au lieu de travailler, il répare une cage en osier. Il chante un rondel (que le ms. Phillipps 3644 baptise Rondeau). Dans la Confession Rifflart, le personnage éponyme obéit lui aussi aux volontés de son épouse. 6 Le mari se décarcasse, la femme va et vient. 7 Je ne m’abstiendrai pas de travailler. 8 Elle ne fait que grogner. 9 Finir de rafistoler. Idem vers 95. 10 « On appeloit ceux qui acquèrent, qui gagnent : pèlerins de St Aqaire. » La Curne de Sainte-Palaye. 11 Que le Créateur te donne une mauvaise santé. 12 L’aphérèse du « e » de (e)lle après un futur confirme l’origine normanno-picarde de la pièce. « Sy en sera-’lle resjouye. » Marchebeau et Galop. 13 On dressait des oiseaux parleurs pour qu’ils insultent les visiteurs, notamment ceux qui venaient voir la maîtresse de maison. Clément Marot se plaint que les femmes de Paris traitent quelqu’un de « maquereau,/ Comme une pie en cage injurieuse ». Voir aussi la Résurrection de Jénin Landore : « –Quand on met une pie en cage,/ Que luy aprent-on de nouveau/ À dire ? Parle ! –“Macquereau.” » 14 Maquereau vous-même ! 15 F : lornez — BM : lorres (Orrez est le futur du verbe ouïr.) Vous entendrez bien que vous êtes un maquereau. 16 Leçon BM. F : sur (Quand je suis debout : quand je ne suis pas ivre.) 17 Même si. 18 De Dieu. Pour ne pas jurer sur le corps de Dieu, on jure sur ses vêtements. « Par les patins bieu ! » Te rogamus audi nos. 19 Un coucou. « Cocu » est le second degré traditionnel : « J’ay une autre forest/ Où tous les jours le cocu chante. » (Le Faulconnier de ville.) La femme veut mettre en cage un cocu semblable à son mari, lequel veut y mettre une pie qui passe son temps à jacasser, comme son épouse. 20 Est-ce vous qui commanderez ? 21 La femme caquette, comme une pie. De même au vers 68. 22 Votre bouche n’aura pas dit la vérité. « Vous y mentirez par les dens ! » Actes des Apostres. 23 « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval. 24 Vous ne l’emporterez pas au Paradis. 25 Maishui, à présent. 26 Pour un vaurien comme vous. Cf. le Mince de quaire, vers 229. 27 F et BM : Fy fy fy (Voir la note 193 du Munyer.) La femme traite son époux de Fy-fy, de merdeux. On comprend la réplique offusquée de Rifflard. 28 Un « bourdon » a mutilé ce triolet. Je reconstitue le vers qui a sauté en m’inspirant de Raoullet Ployart, qui, d’après sa femme, « tousjours tence, riotte ou grongne ». 29 En rien du tout. « –Or ne riez point. –Rien quiconques,/ Mais pleureray à chaudes larmes. » Pathelin. 30 F répète dessous : Par la mort bieu / Et de qui donques 31 Lorsque j’aurai mis ici une tige pour obstruer l’ouverture. 32 Terminée. 33 Qu’y mettra-t-on ? « L’en » est surtout employé en Normandie : cf. Pates-ouaintes, vers 66, 77, 94, 210, 313, 401, 522. 34 Cet étron virtuel met fin aux contestations. « –Malade suis. –Mais ung estront ! » Le Povre Jouhan. 35 Laissez-moi finir ma cage. 36 Gracieuse. « Ma femme sera coincte et jolie comme une belle petite chouette. » Rabelais. 37 Et aussi, elle aura « les plumes de sa queüe estalées en demy rond », comme celles du paon dans les armoiries. Voir le Trésor héraldique ou Mercure armorial. 38 L’entendront crier. 39 Ce sera grandiose. « À ceste foys, nous ferons fer ! » (ATILF.) Fer rime avec sifflèr, à la manière normande. Vaugelas déplorera qu’en Normandie, on prononce l’infinitif aller « tout de mesme que si l’on escrivoit allair ». 40 Peu importe son prix. 41 Que la cage. 42 Mes griffes. Cf. Tout-ménage, vers 61. Ce normandisme désigne également les serres d’un oiseau. 43 Il n’y a là aucun rapport avec l’expression « dire pie » ; v. la note 66 des Coppieurs et Lardeurs. 44 Anuit, aujourd’hui. 45 F : Dung cocu — BM : Dictes pie 46 F : mommeres (Les vers 123-125 manquent dans BM.) Un fragment de sottie qui suit la moralité de Digeste Vieille fait allusion à ce passage, à moins que notre farce ne s’inspire de ladite sottie : « On luy livre sy durs assaulx/ Qu’i n’ose nommer une pie…./ Et vous plaise de prendre en gré,/ Se le coqu gaigne la pie. » 47 Ça ne sert à rien. (« Nian » compte pour 1 syllabe.) Vous me tuerez avant que je ne capitule. 48 F et BM intercalent un vers dans le triolet ABaAabAB : Non feray par sainte marie 49 Leçon BM. F : fine (« Servir au bond » est une action du jeu de paume.) 50 Lépreux. Ce mot ne servait plus que d’insulte : cf. la Laitière, vers 265. 51 Le maire est officier de justice. Cf. Colin, filz de Thévot le maire, vers 23-24. 52 Tu ne te nourris. « Que les loups se vivent de vent. » François Villon. 53 Homme qui copule avec des animaux. « Bougre à chièvres. » (Scarron.) Cette accusation n’était pas anodine : la bestialité était punie de mort. Jody Enders, qui a eu la bonne idée d’adapter notre farce en américain, traduit ce vers ainsi : « Fuck you and bugger off, you crook ! » (Holy Deadlock and further ribaldries, pp. 118-134.) 54 Leçon BM. F : donneray (Je corrige le même défaut à 143.) Je te donnerai un coup. 55 De coups. Avec la diérèse, ho-ri-ons fait 3 syllabes. 56 Et qu’aucun de nous ne dise un mot. Dans le Chauldronnier et dans les Drois de la Porte Bodés, un couple s’écharpe jusqu’au moment où il décide de se taire, le premier qui parle ayant perdu. 57 Je t’affirme que c’est bien malgré moi. Dans le Chauldronnier, la femme avoue : « Et moy, qui me tais bien envys. » 58 Aimer la pie = aimer boire du vin. Cf. le Roy des Sotz, vers 222. Rifflard est porté sur la boisson : vers 44, 77. 59 Je ne laisserai. 60 F : Ay non feray (L’éditeur a mélangé ce 3e vers du triolet, qui rime en -u, avec la rime de 157. « Un mary testu et génin. » Le Trocheur de maris.) BM omet les vers 154-159. 61 Si tu dis qu’on y mettra une pie. 62 F et BM : meilleure (« J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. « Dedans la meilleur de noz chambres. » La Confession Margot.) 63 Elle se laisserait tuer plutôt que de changer d’avis. 64 Jamais je ne changerai de langage. Finette, qui n’a pas entendu l’aparté de Rifflard, complète sa tirade 157-159. 65 Selon ma volonté. « Là où jouë l’obstination des femmes, elles veulent tousjours vaincre & emporter le dessus. » Pierre de Larivey. 66 La rime est au singulier, comme dans BM : tout rompu le couste. À partir de maintenant, les rôles, ou plutôt les genres, sont inversés : Finette tutoie son mari, qui se met à la vouvoyer. 67 F : Se mtttre y veulx — BM : Ce mettrcy veulx (« Je n’y mectray nul contredict. » Sœur Fessue.) 68 Je brûlerai cette cage en osier. 69 Marri, fâché. Jeu de mots banal sur « mari ». 70 Si mauvaise. L’auditoire pouvait comprendre : si mâles testes [des testicules si masculins]. Voir la note 99 du Faulconnier. 71 Dans nos habitudes (que vous portiez la culotte). 72 Leçon BM. F : seroit (« Ostez hardiement ceste clause,/ Elle ne sert pas au propos. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) 73 Cela remonte à Ève. Finette parle du « bec » des femmes : on ne quitte pas l’ornithologie. 74 Femelle (normandisme). V. la note 159 de Frère Frappart. Finette veut un mâle, car c’est lui qui chante le fameux « cou-cou ». Des marchands de coucous arpentaient les rues en criant : « Je fais le coqu, moy ! » On peut en entendre un dans les Cris de Paris, de Clément Janequin. 75 Si le coucou est épilé sous les ailes, c’est une femelle. Dans les étuves, les femmes se faisaient épiler, ou raser. « Qui oste le poil des aiscelles à ceuls qui vont aux estuves. » Robert Estienne. 76 Ce dialogue fut peut-être joué un 28 décembre, à l’occasion de la Fête des Fous. 77 Le coucou est un migrateur qui revient en France au printemps ; si on l’installe en hiver sous le large manteau d’une cheminée (seul endroit chaud et lumineux de la maison médiévale), il croit que le printemps est de retour, et se met à chanter. Mais on peut s’interroger sur ce cocu qui chante devant une cheminée, alors que le mot « cheminée » est synonyme de vagin : cf. le Ramonneur de cheminées. 78 La cage appartient désormais à la femme, comme tout le reste. 79 La maison. 80 Que nous irons. C’est du moins l’avis de John Palsgrave qui, en 1530, a cité les vers 39 et 201 de notre pièce, et qui reproche aux Français de dire : « Hee Dieu, qu’il est de sottes testes, for : Il y a de sottes testes. And : Faictez-le ce pendant que g’yrons au marché, for : Nous yrons. » (L’Esclarcissement de la langue françoyse.) La réalité est plus ambiguë, et bien souvent, le provincialisme « j’irons » se traduit par « j’irai » : « J’irons, pour vous, courir la prétentaine. » (Hauteroche.) On peut en conclure que, désormais, c’est Rifflard qui fera les courses à la place de Finette. 81 Chacun marchant à la place qui lui revient ; en l’occurrence, la femme devant et l’homme derrière. Même vers dans Pour porter les présens, et dans les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.