LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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Cette farce, tout comme celle des Drois de la Porte Bodés, traite un sujet aussi peu théâtral que possible : le concours de silence. Dans ces deux pièces, le mari est savetier.
L’œuvre n’est pas imputable à un écrivain mais, selon toute vraisemblance, à une troupe de comédiens picards. Ces joyeux drilles n’ont aucun sens de la versification (les rimes sont fausses, la diérèse n’est presque jamais prise en compte), mais leur efficacité visuelle est redoutable.
Source : Recueil du British Museum, nº 30. La farce fut publiée vers 1550 à Paris, chez Nicolas Chrétien, après avoir circulé pendant un demi-siècle. Dans ce recueil, deux autres farces de chaudronniers encadrent celle-ci : les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, et surtout Te rogamus audi nos, qui oppose également un chaudronnier à un savetier, et qui fait aussi l’éloge des tavernes.
Structure : Rimes abab/bcbc et rimes plates, envahies par des vers improvisés. 1 triolet incomplet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne et fort
joyeuse à troys personnages
d’un Chauldronnier
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C’est assavoir :
L’HOMME [Guillemin]
LA FEMME
et LE CHAULDRONNIER
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LE CHAULDRONNIER
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L’HOMME commence [en chantant] 1 SCÈNE I
Il estoit un [bon] homme
Qui charioit fagotz.2
LA FEMME
Cestuy sa este[s-]vous3, par sainct Cosme !
Le plus sot [estes] des plus4 sotz.
L’HOMME
5 A ! ma femme, [qu’est-ce que j’os]5 ?
Vous me voulez suppéditer6 ?
LA FEMME
Et ! par mon âme, Jehan du Bos7 :
Denier8 n’avez, ne [mol lit clos]9 ;
Et se10, voulez tousjours chanter.
L’HOMME
10 Ne vault-il point mieulx d’enchanter11
Que d’engendrer mélencolye ?
LA FEMME
Il se vauldroit mieulx consoler
À rabob(e)liner12 voz soulliers
Que de penser à tel13 follye.
L’HOMME
15 Et ! vous voylà bien empeschye14.
LA FEMME
Et ! se suis mon15, sainct Coquilbault !
L’HOMME [en chantant]
[Quand sera mariée] no16 truye,
[Vous en aurez un neuf chappeau.]
LA FEMME
Maubecq17 !
L’HOMME
En18 ?
LA FEMME
Bren !
L’HOMME
À vo(z) menton19 !
20 Mais avez ouÿ l’orderon20,
Comment elle est bien gracieuse ?
LA FEMME
Mais avez[-vous] ouÿ l’oyson21,
Comment d’une [sotte] chanson
Nous fait la notte mélodieuse ?
L’HOMME
25 Ma foy, je cuide qu’elle est envyeuse
Quand elle m(e) oyt si bien chanter.
LA FEMME
[Envyeuse ?] Mais22 en[n]uyeuse
D(e) ouÿr vostre teste glorieuse,
Comme un asne [gris], ricanner23 !
30 Quand no(z) truye veult porceler24
Et qu’elle grongne en son estable,
Sa chanson est aussi notable
Que la vostre, ny peu, ny main25.
L’HOMME [en chantant]
A ! c’est bien dit, Hannin.26
LA FEMME [en frappant]
35 Et [tien27] ! C’est bien dit, Guillemin ?
L’HOMME
Quant28 frappez, ne vous faindez point.
LA FEMME
Nostre Dame, non !
L’HOMME
[En mon poing29]
Si j’empoigne un [bon gros] baston,
Je vous feray parler plus bas !
LA FEMME
40 Qui, toy, [pauvre petit] poupon30 ?
Je te crain bien, pauvre chappon31,
Ou chiabrena32 au pourpoint gras33 !
L’HOMME
Pourpoint gras ? Et vous, dame orda34,
On vous appelle giroffla35.
LA FEMME
45 Et vous, galiffre de Banda36.
L’HOMME
Vous fleurez37 tout le muglia.
LA FEMME
Et vous, la saulce moustarda38.
L’HOMME
Nice39 !
LA FEMME
Mignon40 !
L’HOMME
Notrée41 !
LA FEMME
Mouton42 ! En frappant.
L’HOMME
M’as-tu frappé, vieille [es]dantée43 ?
50 Tien ! [tien ! Happe] ceste testée44 !
LA FEMME
Happe ce baston !
L’HOMME
Et ce bourdon45 !
Me vouldroit-elle subvertir46 ?
Rendz-toy !
LA FEMME
Non f(e)ray, pour y mourir47 !
L’HOMME
Sainct Mort48, voicy dure passion !
55 Par sainct Copin49 ! je suis tanné.
LA FEMME
Victoire et domination !
Et bonnet50 aux femmes soit donné !
L’HOMME
[Et ! pour moy et pour toy51], quel blasme !
Encores est-il plus infâme,
60 Qui se joue[roit] à ton caquet52.
LA FEMME
Victoire aux femmes ! Et ! dehet53 !
[En toutes choses je vous passe.]54
L’HOMME
Non pas en tout.
LA FEMME
Et à quoy donc sera-ce ?
À caquetter, ou à mal dire55 ?
65 Par l’âme de moy, validire56 !
Je ne crain femme [à deviser]57,
À caqueter ny à playdier58.
L’HOMME
De cela, je ne m’y [re]myre59 :
Femme le gaigne60 à caqueter.
70 Vous verriez plustost Lucifer
Devenir ange salutaire
Qu(e) une femme eust un peu de repos,
Et soy taire ou tenir propos61.
LA FEMME
…………………………. 62
Voire, par bieu, teste d’osière63 !
L’HOMME
75 Quoy ! sans remouvoir la testière64 ?
LA FEMME
Ny [mesme] lèbvre ny paupière.
L’HOMME
Je gaige65 deux patars, [ de vray,
Que point vous ne vous pourrez taire. ]
Et moy-mesme ne66 deviseray.
LA FEMME
80 Sainct Mort ! [moy-mesme] non feray,
Car tousjours maistresse seray67.
L’HOMME
[Or] dictes donques68.
LA FEMME
En cest estre69
Vous demourrez [une heure] assis
Sans parler à clerc ny à prebstre
85 Non plus que faict ung crucifix.
Et moy, qui me tais bien envys70,
[Croyez bien que se je m’y metz,]71
Je tiendray mieulx [une heure] en paix
Qu(e) ung clistoire72.
L’HOMME
Vélà beaulx dictz73 !
90 Qui perdera74, dam[né]e cervelle,
Il paye[r]a [coupe à la]75 Payelle.
LA FEMME
[Mèshuy76, plus un] mot ! Sans ciller77 !
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LE CHAUDRONNIER 78 SCÈNE II
Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
Qui veult ses poyelles79 reffaire ?
95 Il est heure d’aler crier :
[Chaudronnier !] Chaudron ! Chaudronnier !
Seigneurs, je suis si bon ouvrier
Que, pour un trou, je sçay deulx faire80.
[ Chaudronnier ! Chaudron ! Chaudronnier !
100 Qui veult ses poyelles reffaire ? ]
Où esse81 que je me dois retraire ?
Qu’esse icy ? Voicy ung ouvrier82.
Hau là, hau !… N’y a-il nully83 ?
A ! si a, dea : [deux en voicy]84.
105 Dieu gard [la belle85] damoyselle !
N’avez[-vous] chaudron à reffaire86 ?…
[Vous fault-il point une cueillère ?…]87
M’entendez-vous ?… Hau, damoyselle,
Parlez à nous !… (Est-elle sourde,
110 [Ou bien muette88], ou s’elle e[s]t lourde,
Me regardant entre deux yeulx ?)
Hau, damoyselle !… (Semidieux89 !
Je cuide qu’el(le) soit incensée,
Et vous aussi, doulce pensée.90)
115 Maistre : n’avez[-vous nul] chaudron
À rabob(e)liner ?… Hau, patron !
Estes-vous sourt91, muet ou sot ?…
(Par la char bieu ! il ne dit mot ;
Et se, [m’esroulle ses]92 deux yeulx.
120 Mais je regnie mes oustieulx93
Se je [ne] luy ouvre la bouche !)
Hau, Jénin, conquétît[es-vous]94 mouche ?
Faictes-vous cy du président95 ?…
(Il ne remue lèbvre ne dent.
125 Ce semble, à [le] veoir, un ymage96.
Un sainct Nicolas de village97
Nous en ferons, ou un sainct Cosme.)
Ha, vous serez sainct Pere98 de Rome :
Vous aurez la barbe de fain99,
130 Et puis quelque chose(s) en vo(z) main.
Et si, voicy vo(z) deasdesme100.
Et pour une croce101 de mesme,
Ceste belle cueillère102 aurez.
Et en l’autre main, porterez,
135 Au lieu d’un livre, un103 pot pissoir.
Mon Dieu, qu’i le fera beau veoir !
Car c’est un trèsgracieulx sire.
Benoist sainct104, gardez-vous de rire :
Le Miracle105 seroit gasté.
140 Affin qu’i soit mieulx regardé,
Paindre luy veulx — de mes deux pattes
Qui sont si douillet[te]s et délicates —
Son doulx et précieulx museau106.
A ! mon [doulx] Dieu, qu’il sera beau !
145 « Sainct Coquibault, je vous adore107 ! »
(Mais que dyable ont-il en la gorge108 ?
Il ne se remuent109 point un grain.)
Hau ! damoyselle [au cueur haultain] 110,
Qui estes icy si propette111 :
150 Dieu vous y sache, ma brunette !
Et ! je vous prie, ma godinette112,
Qu(e) un petit [vous] parlez à my113 ;
Et si, m’appellez vostre amy
En souriant… Vous114 voicy fière !
155 (La chair bieu ! je vous feray faire115,
L’un ou l’autre, comme il me semble.
A ! par mon âme, elle ressemble
À Vénus, déesse d’Amour[s] :
Quel musequin116 ! Dieu, quel rebours117 !)
160 M’amye, [souffrez] que je vous flatte118 :
Vous avez la chair119 délicate ;
Et si, estes patiente et doulce.
(Elle souffre que je la touche
Plaisamment du [bout de]120 mon nez.)
165 Par bieu ! mon musequin, prenez121 :
Baiser vous vueil et acoller.
L’HOMME 122
Le dyable te puist emporter,
Truant paillart !
LE CHAUDRONNIER
À my123 ! Ma teste !
Il m’a tué.
L’HOMME
[ J’en ay grand feste.
170 Sainct Jehan, ]124 encore(s) en auras-tu !
LA FEMME
Tredame125 ! vous avez perdu,
[Car] je suis demourée maistresse.
L’HOMME
Et ! viens çà, viens [çà], larronnesse126 !
[Doit-il ton « chauldron » escurer ?]127
175 Pourquoy te laisses-tu baiser
D’un tel truant paillard [parjure128] ?
LA FEMME
Et ! [c’est] pour gaigner la gajeure.
Eussay-je, par impatience129,
Perdu la gajeure ? C’est bien dit, [quand j’y pense] !
L’HOMME
180 Il est vray. Allons boire !
LA FEMME
Allon(s) !
Mais j’ordonne, comme [est raison]130,
Que le chaudronnier y viendra.
L’HOMME
Par l’âme de moy ! non fera.
LA FEMME
Par l’âme de moy ! si fera,
185 Quelque jaloux que vous soyez !
L’HOMME
Puisqu’ainsi est, [o nous131] venez !
Mais du baiser vous astenez132 !
LE CHAUDRONNIER
J’ay tout eu mes os fouldroyéz.
Mes bonnes gens qui nous voyez133 :
190 Venez, de la gajeure, boire !
Et annoncez et retenez
Que les femmes que vous sçavez
Ont gaigné le pris.
LA FEMME
Dame, voire !
L’HOMME
Allons jouer de la mâchouère
195 Et à l’hostel134 croquer la pye.
Venez-y tous, je vous emprie !
Et [vous] partirez, sus et jus135,
De deux potz de vin, qui seront deuz136.
Et prenez en gré, sus et jus !
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FIN
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1 Les savetiers rythment leur travail en chantant, ce que leur épouse ne supporte pas : « Mon mary va tousjours chantant,/ Et n’a soucy de prendre peine. » Le Savetier Audin. 2 « Il estoit ung bon homme qui charioit fagot./ Il avoit une fille qu’on appelloit Margot. » Il ne faut pas confondre cette chanson de Petit Jan avec une autre, anonyme, qui dit : « Il estoit ung bon homme/ Qui venoit de Lion. » 3 Vous êtes celui-là ! L’épouse insinue que son mari porte sur sa tête un fagot, c.-à-d. une ramure de cornes. 4 En Picardie, « plus » se prononçait « pu ». (René Debrie, Dictionnaire du moyen picard, p. 327.) Les spectateurs entendaient donc : le puceau des puceaux. 5 BM : a ce que ie voy (Qu’est-ce que j’entends ? Cf. Lucas Sergent, vers 295.) 6 Fouler aux pieds. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 76. 7 Le mari se nomme Guillemin <v. 35>. Mais en picard, un « Jan » est un cocu, et le « bos » désigne les bois qu’un cerf porte sur sa tête. Ce vers, qui nuit au schéma abab/bcbc, est l’un des nombreux vers improvisés que j’évoque dans ma notice. 8 BM : Argent (« Vous n’avez denier ne maille. » Farce de Pathelin.) Commencer ce vers par un D permet de rétablir l’acrostiche CLAUDE, qui signe la farce. À propos de ces signatures en acrostiche au début des pièces, voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat. 9 BM : motz lauos (Le lit mou et bien fermé passe pour le summum du confort. « Couché en ung lit plain de feurre [paille]/ Aussi molet que le beau lin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) 10 Et pourtant. Idem vers 119. 11 BM : adechanter. (« Qui les hommes scet enchanter/ Par la douceur de son chanter. » G. de Machaut.) 12 À retaper. Idem vers 116. « Les dames, pour se bien porter, se font rabobliner le ventre. » La Fluste à Robin. 13 BM : leur (Cf. la Confession Rifflart, vers 46.) 14 Empêchée, embarrassée pour peu de chose. C’est la rime picarde par excellence. 15 Je le suis ; cf. le Maistre d’escolle, vers 87 et note. Saint Coquibaut, ou Couillebaud, est un saint priapique invoqué contre la stérilité. On le retrouve au vers 145. 16 BM : noz (Les pronoms picards « no » et « vo » remplacent « notre » et « votre ». L’éditeur parisien les affuble systématiquement d’un « z » que je mettrai entre parenthèses.) « Quand nostre truye sera mariée, vous aurez un chappeau neuf : raillerie pour dire que l’on donnera quelque sorte de récompense. » Antoine Oudin. 17 BM : May becq. (Maubec = mauvaise langue. Cf. la farce de Maubec, Mallegorge et Mallegueype.) 18 Hein ? « En ? Qu’as-tu veu ? » Le Temps-qui-court. 19 Dans votre bouche. Quand on dit « bran ! » [merde] à quelqu’un, il répond toujours « mange ! », d’une manière ou d’une autre : « –Bren pour toy ! –Et merde en tes joues ! » Le Savetier Audin. 20 La souillon. Orde = sale, comme au vers 43. Cf. l’Amoureux, vers 8. 21 Le petit de l’oie n’est pas réputé pour son chant mélodieux. En outre, un oison est un nigaud ; cf. les Sobres Sotz, vers 235. 22 Mais plutôt. 23 Braire. « Un asne, n’en estant de plus gris en Arcadie, pour bien ricquanner en portant le bléd au moulin. » (Godefroy.) On traite les Cordeliers d’ânes gris : « De corde est lié comme toy./ Tu es vestu de gris, en quoy/ La robe d’un asne tu portes. » Frère Fécisti. 24 Quand notre truie va mettre bas. C’est une réplique au vers 17. Le couple habite au village, puisqu’il a un porc. 25 Ni plus, ni moins. 26 Refrain de chanson : le vers ne fait que 6 syllabes, et le prénom masculin Hannin ne saurait désigner une femme, bien que cette dernière soit jouée par un homme. Ladite chanson paraît être ébauchée dans le Monde qu’on faict paistre : « C’est bien dict, Mymin à sonnètes ! » 27 Lacune. Tiens, reçois ce coup ! Voir le vers 50. 28 BM : Auant (Vous ne vous feignez pas : vous ne faites pas semblant de taper. Cf. le Nouveau marié, vers 182 et note.) 19 Lacune. « Lors prens mon baston en mon poing. » Le Faulconnier de ville. 30 Bambin. « Un pauvre petit poupon subjet à la nécessité. » François de Sales. 31 Coq châtré. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 154. 32 Locution doublement scatologique (chier + brenner) : cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 79 et 396. Ici, on en fait un synonyme de « merdeux ». 33 Signe de négligence ou de pauvreté : « Il doit avoir ung pourpoint gras, celuy qui s’appelle Mal-en-point. » Le Capitaine Mal-en-point. 34 Orde = sale. Inspirés par le « chiabrena » du vers précédent, nos auteurs picards truffent leurs rimes de désinences franco-provençales en « -a » pour parodier les farces en dialecte savoyard, qui avaient alors un certain succès ; la plus connue est lou Curia [le curé], où une sale pisseuse devient une « ourda pissouza ». 35 BM : girofflee (L’épouse s’enduit de giroflat, une pommade parfumée au clou de girofle, le plus célèbre aphrodisiaque de l’époque.) 36 On vous appelle calife de Bagdad, c.-à-d. barbare : « Quelz deux galiffres de Bandas !/ Je cuide qu’ilz ne prendront pas/ Le lièvre, qui est beste soupple [agile]. » Jehan Molinet. 37 BM : faictes (Vous puez le musc. « Je sens (…) des aux [de l’ail], ou du muglias./ Tu fleures tout le faguenas [la transpiration]. » Trote-menu et Mirre-loret.) 38 La moutarde désigne souvent les excréments : cf. les Rapporteurs, vers 280 et note. 39 BM : Nico. (Idiote. Cf. la Laitière, vers 85.) 40 Le « mignon de couchette » est un sodomite passif. 41 « NOTTRÉE : mot d’injure. » Debrie, Glossaire du moyen picard. 42 BM : Gros menton (Bélier châtré !) 43 Dépourvue de dents. « Vieille esdentée, va te pendre au gibet ! » (Jehan Le Happère.) L’adjectif « vieille » est employé lorsqu’on injurie une femme, y compris quand elle est jeune et belle, comme c’est le cas ici. 44 Prends ce coup sur la tête. « Tien ! happe, happe celle noix !/ (Ilz le batent.) » Cautelleux, Barat et le Villain. 45 Bâton ferré des pèlerins. 46 BM : suppedits (Renverser. Cf. Pates-ouaintes, vers 177.) 47 Quitte à en mourir. Cf. Pates-ouaintes, vers 147 et 520. 48 Par saint Maur ! Idem vers 80. Passion = torture, par référence à la Passion du Christ. 49 Peut-être faut-il lire « saint Crépin », patron des cordonniers ; le savetier de l’Arbalestre l’invoque au vers 422, quand il se dispute avec sa femme. Tanné = fatigué, exaspéré. « J’en suis tanné. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 50 Le bonnet rond des maîtres. Les Femmes qui se font passer maistresses dominent les hommes, et obtiennent donc « ung bonnet ront dessus la teste ». Mais on pourrait lire « bon het » : bon courage, à rapprocher du « de het » de 62. « Il le faisoit de très bon hayt ! » (La Confession Margot.) Voir André Tissier : Recueil de farces, t. III, 1988, p. 101. 51 Lacune. « Ce seroit grans blasmes pour elle, pour moy et pour tout nostre lignage. » Louis de Mâle. 52 Celui qui se mesurerait à ton bavardage. 53 Hardi ! Cf. Gautier et Martin, vers 3, 296, 326 et 351. 54 Vers manquant. Je vous surpasse dans tous les domaines. « Vous passez trèstous noz voisins. » Maistre Mimin estudiant. 55 À médire. 56 Un validire [va lui dire] est un rapporteur ou un entremetteur. « Menteurs, bourdeurs, rapporteurs, validires ! » ATILF. 57 BM : de la ville (Pour ce qui est de bavarder. Idem vers 79. « Deviser, gaudir, caqueter. » Le Résolu.) 58 Pour plaider, pour discuter. 59 Je ne m’émerveille pas. « Chascun se remire/ En maint livre et en maint beau dicté/ Que tu as fait. » ATILF. 60 BM : gaignera (Gagne toujours le 1er prix, comme au vers 193. « Tu le gaigneras au courir. » Les Trois amoureux de la croix.) 61 BM : maniere (Mesurer ses paroles. « Tenez tousjours vostre propos ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 62 Lacune de plusieurs vers. La femme dit à son époux que, contrairement à lui, elle pourrait demeurer silencieuse et immobile. 63 Les épouvantails avaient une tête en osier, qu’on dissimulait sous un chapeau de paille, ou sous un casque, comme dans le Franc-archier de Baignollet. 64 Sans remuer la tête. Cf. Légier d’Argent, vers 4. Non seulement les deux parieurs n’auront pas le droit de parler, mais en plus, ils ne pourront faire aucun geste. 65 BM : gaigne (Je gage, je parie. « Je gage deux escus, non pas un, que je frapperay vostre chappeau. » Romannet Du Cros.) Le patard est une monnaie flamande : cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 505. Le vers suivant est perdu. 66 BM : ie (Je ne parlerai pas.) 67 Je serai maîtresse de moi-même. Idem vers 172. 68 Dites comment nous allons procéder. 69 En ce lieu. Cf. le Mince de quaire, vers 67. 70 Bien malgré moi. « –Taisez-vous donc, et ne disons,/ Chascun, mot ; et je vous en pry./ –Que je me taise ? Je t’affy/ Que c’est bien envis ! » La Mauvaistié des femmes. 71 Vers manquant. Sachez que si j’en prends la peine. Cf. les Queues troussées, vers 200. 72 BM : chinotoire (« Si, par ung apoticaire,/ Luy estoit baillé ung clistoire. » Le Gouteux.) On ne peut garder le contenu d’un clystère dans son ventre pendant une heure, comme le prouve Argan à la 3e scène du Malade imaginaire. D’où l’expression : être pressé comme un lavement. 73 Voilà de belles paroles, dans la bouche d’une femme ! 74 Celui de nous deux qui perdra. Le « e » svarabhaktique est picard. 75 BM : la soupe (En Picardie, beaucoup de tavernes prirent comme enseigne une payelle [poêle à frire]. Ces enseignes ont donné leur nom aux rues et aux chemins de la Payelle qui existent encore dans l’agglomération lilloise et jusqu’en Belgique.) Le perdant offrira donc une coupe de vin dans une taverne : voir les vers 180, 190 et 195. 76 À partir de maintenant. « Que mèshuy plus ung mot je n’oye ! » Le Munyer. 77 BM : cillet (Ne remuons plus un cil !) Les cabotins qui ont écrit cette farce exclusivement visuelle se livrent maintenant à un long numéro de mime. 78 Chargé de son matériel, il s’approche de la devanture du savetier en débitant le « cri » de sa profession. 79 BM : poesles (« POYELLE : poële à frire. Voyez PAYELLE. » Corblet, Glossaire du patois picard ancien et moderne.) 80 « Tu faictz, pour ung trou, deux. » (Te rogamus audi nos.) Dessous, je rétablis les refrains ABaAabAB du triolet qui annonce traditionnellement l’arrivée d’un nouveau personnage. 81 Où puis-je m’installer ? Les Picards prononçaient « wesse ». 82 Un artisan. « Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes. Le chaudronnier regarde par la devanture du savetier. 83 Personne ; cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29. BM ajoute : ceans 84 BM : en voicy deux 85 Lacune. « Dieu gard les belles damoyselles ! » (Les Mal contentes.) Pour éviter la rime du même au même, on peut écrire : la damoyselle belle. 86 C’est le « cri » du chaudronnier dans Te rogamus audi nos : « Chaulderons à reffaire ! ». 87 Je supplée ce vers manquant d’après le vers 160 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Avez-vous besoin d’une cuillère à pot ? Il y en a une parmi les ustensiles que vend le chaudronnier : voir le vers 133. 88 Je comble cette lacune d’après le vers 117. Lourde = stupide ; cf. Frère Fécisti, vers 502. 89 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Savetier Audin, vers 169. 90 Probable refrain de chanson : plusieurs d’entre elles qualifient la bien-aimée de « douce pensée ». Appliquée à un homme par un autre homme, cette locution gagne en humour ce qu’elle perd en courtoisie. 91 « Hau ! mon amy, estes-vous sourt ? » Les Drois de la Porte Bodés (voir ma notice). 92 BM : mescoulle entre (« Entre deux yeulx » est une réminiscence du vers 111.) Et pourtant, il roule les yeux en me regardant. « Les ieulx (il) lui esroulla. » (ATILF.) Les Picards employaient plutôt érouiller : « Érouillé bien vo zieu ! » Corblet, Glossaire du patois picard. 93 Mes outils (mot picard). Euphémisme pour : je renie Dieu. 94 Conquîtes-vous. « Les pars occidentalles/ Vous conquestistes, et les orientalles. » (André de La Vigne.) Avez-vous réussi à gober une mouche que vous craignez de laisser fuir en ouvrant la bouche ? Un gobe-mouche est un naïf, de même qu’un jénin. 95 Les présidents, du Parlement ou d’ailleurs, affectaient une rigidité sentencieuse. 96 Une statue. « Un ymage de pierre dure. » ATILF. 97 Un coq de village, un hâbleur. On disait à un messager qui voulait revêtir une cotte d’armes « que c’estoit à faire à ung sainct Nicolas de village de la vestir…. ‟Je croy que vous voulez faire le sainct Nicolas de village.” » (Acte notarié de 1528.) La Satyre Ménippée n’est pas en reste : « [Vous] avez fort bonne mine, remplissez bien vostre place, & ne vous advient point mal à faire le roy…. Vous avez toute pareille façon — sauf l’honneur que je doy à l’Église — qu’ung saint Nicolas de village. » 98 Forme picarde de « saint Pierre », le premier pape ; cf. le Pourpoint rétréchy, vers 224. Grâce aux ustensiles de cuisine en métal qu’il a sur lui, le chaudronnier va transformer le savetier en statue de l’Apôtre. 99 De foin, de paille, qui sert à récurer les chaudrons. Le chaudronnier colle au menton du savetier une barbe de paille, ce qui n’est pas très compliqué puisqu’il s’agit d’un accessoire théâtral. « Faire barbe de paille : tromper, se mocquer. » Oudin. 100 Votre diadème, votre auréole. « Nous faisons dyadèmes aus sains. » (ATILF.) Le chaudronnier pose une casserole sur le crâne du savetier. 101 En guise de crosse. La houlette est l’un des attributs de saint Pierre, comme le livre du vers 135. 102 Cette cuillère à pot, cette louche. 103 BM : au (Un pot de chambre en métal.) 104 Vous qui êtes désormais un saint béni. Le Jeu de Robin et Marion <vers 441-480> nous fait assister au jeu de « saint Coisne », où le joueur qui tient le rôle de saint Côme ne doit surtout pas rire quand on lui offre un cadeau grotesque. Voir André Tissier, p. 108. Sur les rapports entre Côme et Coquibaut, voir Jacques Merceron, Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, pp. 194-6. 105 Sorte de Mystère qui romance — ou invente — la vie d’un saint. 106 Il noircit la figure du savetier avec la suie qui tapisse le cul d’un de ses chaudrons. Même gag — et même origine de la suie — dans les Coppieurs et Lardeurs, vers 390-415. 107 D’après Gargantua <chap. 22>, ce jeu a pour nom : « Sainct Cosme, je te viens adorer. » Guillaume Bouchet précise qu’on noircissait la figure des perdants : « Cest homme noir (…) estoit quelqu’un qui avoit joué à ‟sainct Cosme je te viens adorer”. » Les Sérées, 29. 108 Qu’est-ce qu’ils ont dans la bouche, qui les empêche de parler ? 109 BM : remuoit (Ils ne bougent pas d’un pouce.) 110 BM : de haudin (Là encore, on pourrait faire un rapprochement avec plusieurs chansons. Claude Gervaise publiera en 1550 Celle qui a le cueur haultain.) 111 Si propre, si gracieuse. 112 Ma mignonne. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 20. 113 Que vous parliez un peu à moi. Même pronom picard à 168. 114 BM : Heu (Vous êtes bien dédaigneuse.) 115 BM : parler (Je vous ferai faire, à l’un ou à l’autre, ce que je veux.) 116 Petit museau, minois. Idem vers 165. Cf. le Povre Jouhan, vers 137. 117 BM : recour (Quel derrière ! Le Povre Jouhan est encore plus direct : « Saincte sang bieu, quel cropion ! ») 118 Permettez que je vous caresse. Je comble la lacune d’après le vers 163. 119 BM : chere 120 BM : tout a (Elle permet que je l’embrasse.) 121 BM : pauez (Le chaudronnier enlace la femme.) 122 Il frappe à coups de louche <v. 133> sur le chaudronnier. 123 À moi ! 124 BM : Sainct Jehan ien ay grand feste (Avoir grand fête = prendre beaucoup de plaisir.) 125 BM : Nostre dame (« TREDAME : juron, Notre-Dame. » Debrie, Glossaire du moyen picard.) 126 Voleuse, ou plus largement : femme de mauvaise vie. 127 Vers manquant. Le « chaudron » est la partie la plus chaude de l’anatomie féminine ; voir les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 128 Lacune. Parjure est une insulte indépendante de tout sens religieux. « Paillart infâme ! Ruffien ! Traistre ! Parjure ! » Laurent de Premierfait. 129 Si je m’étais impatientée à cause de ses caresses et de ses baisers. 130 BM : regent (Comme il se doit. « Obéissant aux dieux, comme est raison. » Hugues Salel.) 131 Lacune. La préposition picarde « o » signifie avec. « Venez boire o nous ! » (Lettre de rémission.) Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 340. 132 BM : attenez. (Abstenez-vous. « Astenez-vous de ce faire. » ATILF.) 133 La troupe invite les spectateurs à venir boire. 134 À l’hôtellerie, à la taverne. « En un hostel ou taverne. » (ATILF.) Voir la note 75. Ce vin d’honneur offert au public semble avoir été de tradition ; l’Antéchrist, une farce contemporaine jouée à Paris, se conclut sur : « Chacun soigne [veuille] à l’hostel se rendre ! » Croquer la pie = avaler du vin ; cf. Serre-porte, vers 6. 135 Et vous vous partagerez, en tous lieux. « Tous deux ensemble les bevront,/ Et partiront esgallement. » Le Pet. 136 BM : beuz (Qui seront dus, qui ne seront pas payés. « Cent escuz nous sont deubz. » Mallepaye et Bâillevant.)