.
*
LE MAISTRE
D’ESCOLLE
*
.
Le manuscrit La Vallière contient plusieurs pièces rouennaises antiprotestantes : la Bouteille, les Povres deables… Mais aucune n’atteint la virulence du Maistre d’escolle. Cette pièce fait 200 vers tout rond, comme si l’auteur avait respecté scrupuleusement le cahier des charges imposé par un commanditaire. Cela expliquerait pourquoi ce modeste tâcheron ne se risque jamais sur le terrain glissant de la contradiction théologique : il n’en avait pas les moyens. À l’heure de la Contre-Réforme, la polémique était la chasse gardée de quelques bretteurs professionnels. Les commanditaires de pièces qui parodient l’enseignement sont presque toujours des collégiens, lesquels se donnaient en spectacle lors de certaines fêtes.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 69. Cette sottie moralisée fut sans doute écrite en 1563, ce qui explique qu’elle n’était pas trop abîmée quand on l’a copiée dans ce manuscrit, une douzaine d’années plus tard.
Structure : Rimes aabaab/bbcbbc, abab/bcbc, rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce joyeuse
À .V. personnages, c’est asçavoir :
LE MAISTRE D’ESCOLLE, [MAGISTER]
LA MÈRE
et LES TROYS ESCOLLIERS, [Socié, Amycé, Quandoqué 1]
*
LE MAISTRE commence 2 SCÈNE I
Je suys recteur3, grand orateur,
Remonstrant sans estre flateur
Que Folye4 [faict] les mal pensans.
Escolliers ne sont en dorteur5 :
5 Chascun d’eulx dispute en docteur.
Pendant que d’icy sont absens,
Avoir n’en veulx mill[i]ers ne cens6 :
Charge trèsgrande n’est pas sens ;
Moy seul ne les pouroys instruyre.
10 De ce que j’en ay me contens7.
Leur aprendre Donnest 8 et sens,
Principes et Caton9 construyre…
Trop10 sçavoir ne faict que destruyre
L’homme, s’il ne se veult conduyre
15 De son sçavoir faire debvoir11.
Sçavoir est bon quant on faict bruyre12
Le sens que l’homme doibt avoir.
.
LA MÈRE DES ESCOLLIERS entre 13
Maintenant me fault aler voir SCÈNE II
Mes enfans de beaulté compris14,
20 Afin que je puisse asçavoir
S’ilz ont profité et apris.
.
MAGISTER SCÈNE III
Je n’ay poinct peur d’estre repris
Ne chargé15, en ma concience :
Car bonne doctrine et science
25 À mes escolliers veulx monstrer.
.
LA MÈRE 16 SCÈNE IV
Dieu gard, Magister ! Peus-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Mes enfans veuillez-moy monstrer !
Dieu gard, Magister ! Peulx-je entrer ?
MAGISTER
30 Ne les av’ous sceu rencontrer17 ?
Ilz sont hors de ce lieu saultés18.
LA MÈRE
Dieu gard, Magister ! Puys-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Où sont vos escollie[r]s alés ?
MAGISTER
35 Je les ay envoyés aux19 champs
Coriger un tas de meschans ;
Mais y demeurent lo[n]guement.
LA MÈRE
Y les fault avoir vitement,
Car je veulx avoir congnoissance
40 S’ilz ont apris.
MAGISTER
À grand puissance20.
Pencez qu’ilz n’ont perdu leur temps.
LA MÈRE
A ! Magister…
MAGISTER
Je les entens :
Vous pourez voir bientost, au fort21,
Comme j’en ay faict mon effort.
LA MÈRE
45 De leur bien, Dieu soyt mercÿé !
.
SOCIÉ, premyer escollier, entre. SCÈNE V
Amycé !
AMYCÉ, IIe [escollier], Badin22, entre.
Placet 23, Socÿé ?
Le IIIe escollyer, QUANDOQUÉ24, entre.
Vénité ad scolam 25 !
AMYCÉ, Badin26
Non, non !
[Je ne] suys pas…
SOCIÉ
Quoy ?
AMICÉ
Licencié.
SOCIÉ 27
Amycé !
AMYCÉ, Badin
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ 28
50 Mais bien plus tost « incensié29 » !
AMYCÉ, B[adin]
Je n’ay ne veulx aintel regnon30.
SOCIÉ
Amycé !
AMYCÉ, B[adin]
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ
Vénité !
AMYCÉ, B[adin]
Ad scolam ? Non, non !
LA MÈRE
Mon filz !
AMYCÉ, B[adin]
Ma mère ?
LA MÈRE
Mon mygnon,
55 Veulx-tu abandonner ton maistre,
Celuy qui se veult entremaistre
De t’aprendre toute science ?
AMYCÉ, Ba[din]
J’en sçay plus (sur ma concience)
Que vous, luy, toy, moy et nous31 deulx,
60 Vous le savez. Monstrer le veulx :
Car quant nous avons eu congé
D’aler jouer32, me suys rengé
En lieu où j’ey bien aperceu
Que le monde a esté déceu33.
65 Et premier qu’entrer en propos34,
Prenon un petit le repos35
De chanter, pour fère l’entrée36.
MAGISTER
Science soyt à tous monstrée :
Chantons37 !
QUANDOQUÉ
Tout sera révoqué38
70 Des39 escolliers de candoque.
Et pour estre myeulx esjouys,
Chantons des chansons du pays
D’où nous venons !40
SOCIÉ
Sans contredict,
Vous n’en serez en rien desdict.
Ilz chantent.
.
LA MÈRE
75 Magister, vous érez le pris41 :
Mes enfans avez bien apris42
En très grand science profonde.
MAGISTER
Toy, premyer, je veulx que te fonde43
De me déclarer sans rébus44
80 D’où tu viens.
AMYCÉ, Ba[din]
De voir les abus
Qui se font au monde sans doubte.
MAGISTER
Comme quoy45 ?
AMYCÉ, Ba[din]
Y sont une roulte46,
Ainsy comme y veulent prétendre.
Chascun d’eulx veulent faire entendre
85 Le faulx, mais je les feray reux47.
LA MÈRE
Il est plus grand clerq que vos48 deulx,
Mydieulx !
AMICÉ, Badin
Se suys mon49, se suys mon !
Or, entrons à nostre sermon
Plus avant. Mais sans long procès50,
90 Y fault déclarer51 le[ur]s excès,
Meschantetés, urbanités52,
Leurs façons, leurs mondanités53,
Qu’i font par grande déraison,
Dont on n’en faict poinct la raison
95 Justement54, ainsy qu’on doibt faire.
MAGISTER
À le dire, plus ne difère55.
Monstrez que suys maistre de sens,
Qui vous aprens vos petis sens56
Pour vous garder de ce danger.
SOCIÉ
100 Nul de nous n’en est estranger57.
Il ont faict en nostre pays
Ce qu’il convient58. Qu’ilz soyent haÿs !
Vélà le poinct de nos leçons.
AMYCÉ, B[adin]
Laissez-moy dire leurs façons :
105 En Karesme mengeüssent chèr59 ;
Sainctz, sainctes cuydent empescher
Que pour Dieu ne soyent dépriés60.
Sy d’eulx nous estions maistriés61,
Ce seroyt une grand horeur.
LA MÈRE
110 Et qui les maine ?
AMICÉ, B[adin]
C’est Erreur62.
Mais contre eulx me suys despité63,
Quant j’ey veu leur mondanité
Et leur méchant gouvernement.
MAGISTER
Il y fault pourvoir aultrement,
115 Car y nous en pouroyt mesprendre64.
AMICÉ, B[adin]
De leur sçavoir ne veulx aprendre ;
J’ayme myeulx vos enseignemens.
MAGISTER
Et toy ?
SOCIÉ
J’ey veu des garnemens65
Un grand tas, menteurs et flateurs,
120 Malveillans, grans adulateurs,
Qui preschent non pas l’Évangille
Mais ont leur(s) engin(s) fort agille66
De prescher toute abusion.
MAGISTER
Et toy, après ?
QUANDOQUÉ
J’ey veu confusion
125 — Qui mainte foys m’a faict seigner67 —
De voir les grans mal enseigner68.
Mais inspiration dyvine
Viendra (ainsy comme devyne),
Qui leur monstrera leur ofence,
130 Et fera à chascun deffence.
Afin que n’ayons nus69 débas,
Que leur mondanité soyt bas !
Lors nous aurons, selon ma guise70,
Bonne garde.
MAGISTER
Voyre, à l’église71…
AMYCÉ, Badin
135 Sommes-nous clers ?
LA MÈRE
Ouy, ju[s]ques aulx dens72 !
SOCYÉ
Nous avons veu leurs accidens73,
Leur estat, leurs condicions.
QUANDOQUÉ 74
Voyre, et prins des dis[s]encions75.
C’est raison qu’en ayons vengance.
AMICÉ, B[adin]
140 Aussy, pour avoir alégance76,
C’est bien raison que tout soyt dict.
Mais venez çà ! Abitavit 78
— Prenez qu’estes78 mon escollyère — :
Qu’esse, en françoys ?
LA MÈRE
Une brellyère79.
AMYCÉ, B[adin]
145 Habitaculum 80 ?
LA MÈR[E]
Unes brays81.
AMYCÉ, B[adin]
Sainct Jehan ! Aussy ces marabais82
Les ont acumulés ensemble83,
Tant que chascun d’iceulx resemble
À ceulx de Sodome et Gomore
150 Tellement que leur cas abore84.
N’esse pas chose trop infâme ?
MAGISTER
Leur mondanité n’est par femme85.
QUANDOQUÉ 86
Leur erreur n’est par bon mynistre87.
AMYCÉ, B[adin]
Leurs sismes88 et façons m’enflamme !
LA MÈRE
155 Leur mondanité n’est par femme.
MAGISTER
C’est le deable qui les afame
Du feu d’Enfer.
SOCYÉ
Et leur grand tiltre89.
QUANDOQUÉ
Leur mondanité n’est par femme.
AMYCÉ, B[adin]
Leur erreur n’est par bon mynistre.
160 Confusion tient leur chapitre90.
Et puys disent, tant sont naïs91,
Que c’est la mode du pays92.
Et pour estre plus promps et chaulx
En leur mal, usent d’artichaulx93.
165 Qu’eussent-il un estron de chien
Pour chascun mès94 !
MAGISTER
Tu dictz trèsbien
(Je suys d’avys) de ceste afaire.
SOCYÉ
Il en fault aultre chose faire.
QUANDOQUÉ
Et quoy ?
SOCIÉ
Pour en avoir le boult95,
170 Y fault faire du feu de tout.
Car ilz s’efforcent en leur guise
De vouloir rompre nostre Église,
Dont ce nous est grand punaisie96.
MAGISTER
Qu’on les brulle sans éfigie97 !
175 Car aultrement, s’on ne le faict,
Vous voyrez le peuple, en éfaict,
Qui poinct ne se contentera.
Et cependant qu’on chantera,
Targez-vous98 ! Vérez, par mistère,
180 Ce qu’on faict, dont je m’en veulx taire.
Et pour myeulx vous faire ententis99,
Tous maistres font bons aprentis100.
Ilz chantent : 101
De mal faire, on n’a nul repos…
.
AMYCÉ
Magister, donnez-nous quampos102
185 Vistement, et vous despeschez !
MAGISTER
Voycy de très vaillans supos103.
TOUS ENSEMBLE
Magister, donnez-nous quampos !
SOCYÉ
Neuf y en a104.
MAGISTER
C’est à propos105.
AMYCÉ, B[adin]
Troys vie[u]s.
QUANDOQUÉ
Troys neufz106.
SOCYÉ
Troys despeschés107.
TOUS ENSEMBLE
190 Magister, donnez-nous quampos
[Vistement, et vous despeschez !]108
MAGISTER
De bien changler109 vous empeschez !
QUANDOQUÉ
Magister, qui a men pényer110 ?
SOCYÉ
Magister, qui a ma pouquette111 ?
MAGISTER
195 Tu me sembles un gros ânyer112 !
Y n’en fault plus faire d’enqueste.
LA MÈRE
Magister, vous aurez le pris.
Priant Jésus de paradis
Qu’i préserve la compaignye113,
200 Une chanson, je vous suplye114 !
.
FINIS
*
1 Ces mots latins sont ici transformés en noms. SOCIE est le vocatif de socius : camarade. Les satiristes en font un latiniseur inculte ; cf. Science et Asnerye, vers 221 et note. AMICE est le vocatif d’amicus : ami. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 256. QUANDOQUE = de temps en temps ; ce terme dénigre les dilettantes, comme au vers 70. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 211. 2 Le décor représente une salle de classe. Le professeur trône dans sa chaire en attendant que ses élèves rentrent de récréation. 3 On songe au Livre de la Deablerie, d’Éloy d’Amerval, où Bélial est qualifié de « docteur, recteur, maistre d’escolle ». 4 Ce personnage allégorique intervient dans nombre de sotties, par exemple la Folie des Gorriers. 5 Ne restent pas cantonnés dans leur dortoir. Cf. Sœur Fessue, vers 225 et 235. Nous sommes donc bien dans un collège, et non chez un professeur indépendant. 6 LV : sens (Je vous dirai que je ne veux pas en avoir des mille et des cents.) 7 Je me contente. 8 Le manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 69. 9 Les distiques moraux qu’on lui attribuait sont une des bases de l’enseignement médiéval. « Mes Principes, et mon Donnest,/ Aussi mon petit Chatonnet. » Maistre Jehan Jénin. 10 LV : tant (La curiosité intellectuelle mène au protestantisme ; voir les vers 116-7. « Nos dames calvinistes qui, curieuses de trop sçavoir, lizent les livres des ministres [pasteurs] & prédicans. » La Somme des péchéz.) 11 Ce précepte de Salomon fut beaucoup mieux rendu par Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Pantagruel, 8. 12 Quand on fait s’exprimer. 13 Elle entre en scène, et elle monologue avant de se diriger vers l’école. 14 Remplis. « Une église de Nostre Dame, de merveilleuse beaulté comprise. » Fierabras. 15 D’être blâmé ni critiqué. En ma conscience = selon moi. 16 Elle entre dans la salle de classe. 17 N’avez-vous pas pu les rencontrer en chemin ? « Av’ous » est la contraction normande d’« avez-vous ». 18 LV : a saulter (Ils sont saillis, ils sont sortis.) 19 LV : sur les 20 (Ils ont appris) de toutes leurs forces. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 331. 21 Au reste. 22 Amicé, le 2e écolier, est un rôle de Badin ; cela explique pourquoi c’est celui des trois qui a le plus de texte. La Bouteille, une autre pièce antiprotestante du ms. La Vallière, laisse également le premier rôle à un Badin moralisateur. 23 Plaît-il ? « –Guillerme ! –Placet, Magistrum ? » Guillerme qui mengea les figues. 24 LV : de quandoque (Les 3 écoliers portent un nom latin. Voir la note 1.) 25 Venez à l’école ! 26 LV : p b (= Premier Badin.) 27 LV : le iiie (C’est le 1er Écolier, Socié, qui appelle son frère, comme aux refrains 46 et 52.) 28 LV : le iie (Vu le nombre d’erreurs que le scribe a commises dans la numérotation des trois Écoliers, je me contenterai de donner leur nom, et pas leur numéro. Cependant, les trios de personnages numérotés sont caractéristiques des sotties.) 29 LV attribue ce mot à socie p. Tu es plutôt insensé que licencié. 30 Je n’ai, ni ne veux, un tel renom : la réputation d’être insensé. 31 Peut-être faut-il lire vous. 32 De sortir pour la récréation. 33 Trompé par la propagande luthérienne. 34 Et avant d’entrer dans le vif du sujet. 35 Prenons un peu la permission. 36 L’entrée en matière. 37 La musique était alors une science, comme au vers 77. Elle faisait partie du cursus universitaire : on ne pouvait devenir maître ès Arts sans être musicien. 38 LV : a ceste heure desuoque (Tous les arrêts favorables à la Réforme seront annulés.) En 1562, on tenta de révoquer les arrêts défavorables au calvinisme : « Tous édictz, ordonnances & arrests, faicts & publiéz sur le faict de la Religion jusques au jour présent, seront révoquéz & casséz comme de nul effect. » Or, la même année, les calvinistes avaient vandalisé Rouen, ce que les catholiques n’avaient aucune envie de leur pardonner : voir les vers 174-7. 39 Par les. « Escolier de quandoque: qui ne va pas souvent à l’escole. » (Antoine Oudin.) C’est le nom du 3e Écolier. 40 Sur la même ligne, LV anticipe la didascalie : Ilz chantent 41 Vous aurez le premier prix. Même vers que 197. 42 Éduqué. 43 Que tu te proposes. 44 Sans équivoque. 45 C’est-à-dire ? 46 Ils sont une ribambelle. « Vécy une grant route/ De gens. » L’Aveugle et Saudret. 47 Je les laisserai sans voix. « J’en ay fait reus cent fois les maistres/ De nostre escolle. » D’un qui se fait examiner. 48 Vous (normandisme). 49 Je le suis. « Mon » est une particule de renforcement qui étaye le verbe : cf. la Résurrection de Jénin Landore, vers 39. 50 Sans bavardages inutiles. 51 Dénoncer. 52 Leurs marques de politesse hypocrite. 53 Leur attachement aux choses profanes et aux plaisirs du monde. Idem vers 112, 132 et 152. 54 Dont on ne fait pas justice : qu’on ne punit pas assez. Cf. Digeste Vieille, vers 472. 55 Je n’hésite plus. 56 Vos modestes connaissances. « Et de faire en tout mon devoir selon mes petiz sens et puissance. » Jean du Chastel. 57 N’est à l’abri. Lors du Carnaval de 1562, les huguenots avaient agressé les Conards de Rouen et leur avaient jeté des pierres. 58 Ce qu’il leur convient de faire, ce qu’ils ont voulu. 59 Pendant le jeûne du Carême, ils mangent de la chair, de la viande. « Mangeüssent » est un présent de l’indicatif normand : cf. le Jeu du capifol, vers 98. 60 Ils veulent empêcher que les saints soient priés à la place de Dieu. 61 Gouvernés. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 247. 62 Les polémistes allégorisent souvent « l’erreur de Luther ». Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 34. 63 Révolté. 64 Car cela pourrait nous faire du tort. 65 LV : gouuernemens (Des mécréants. « Un garnement/ Blasmant de foy malsaine/ Le divin sacrement. » ATILF.) 66 L’esprit agile afin. 67 Signer, faire le signe de la croix. Cf. le Ribault marié, vers 376. 68 De voir les grands de ce monde être mal guidés. 69 Nuls, aucun. 70 À mon avis. 71 En 1562, les protestants avaient pillé ou détruit plusieurs églises de Rouen. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 174-6. 72 De la tête aux pieds. « J’ay tant fréquenté ces notaires/ Que j’en suis clerc jusques aux dents. » Première Moralité. 73 Leurs défauts. 74 LV : le iie (Quandoqué est le 3e Écolier.) 75 Mes prédécesseurs ont lu discucions. Prendre des dissensions = être en désaccord. « Karle, avers nous, a pris dissencion. » ATILF. 76 Allégement. Cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 132. 77 Habitavit = il a habité. (Ce verbe revient souvent dans les Écritures.) Calembour de collégiens sur « habit à vits », qui désigne la braguette. « Habitavit, c’est-à-dire une brayette, quasi “habit à vit”. L’on dira habitaculum, “habit à cul long”, à mesme raison. » Tabourot. 78 LV : gectes (Supposez, ma mère, que vous êtes mon écolière et que je suis votre professeur de latin. « Prenez que fussiez devenu/ Pauvre. » Le Pauvre et le Riche.) 79 Une braguette. (Mot normand.) « Y ne sera pas jusque z’o chambrière/ Qui ne viennent fiquer leu dais [ficher leurs doigts] dans ta breslière. » La Muse normande. 80 La demeure de l’âme. Calembour de collégiens, favorisé par la prononciation à la française, sur « habit à cul long », qui désigne l’arrière des braies. « Bon latin, habitaculum/ Veut dire : un habit à cul long. » Jacques Corbin. 81 Une paire de braies. « Parmy le fons d’unes brayes breneuses. » Villon. 82 Ces hypocrites. Un marrabais est un juif d’Espagne qui fait semblant d’être converti au christianisme. 83 Ont accolé ensemble leur braguette et l’arrière de leurs braies : ont pratiqué la sodomie. 84 Que j’abhorre leur cas. 85 Leur luxure est due à l’absence de femmes. L’auteur retourne la situation : les femmes étaient beaucoup mieux intégrées dans la nouvelle religion que dans l’ancienne. D’ailleurs, les scandales homosexuels n’éclaboussaient que le Vatican. Les cardinaux s’entouraient de mignons, et nul n’avait oublié l’éloge de la sodomie qu’avait fait paraître en 1537 l’archevêque Giovanni Della Casa : De Laudibus sodomiæ seu pederastiæ. Les catholiques n’ont pu reprocher aux calvinistes qu’un poème de jeunesse où Théodore de Bèze avoue qu’il préfère Germain Audebert, son ami brûlant de désir*, à une femme : « Sed postquam tamen alterum necesse est,/ Priores tibi defero, Audeberte. » Juvenilia (1548). *Sic Bezæ est cupidus sui Audebertus. 86 LV : le ii escollier 87 Est due au fait qu’ils n’ont pas un directeur de conscience catholique. 88 Leur schisme. On peut aussi comprendre : leur hérésie sexuelle. 89 C’est leur titre de noblesse. 90 Leur congrégation. 91 Naïfs. 92 Cette « mode » est la sodomie : « –Nous allons bien à reculons./ –C’est selon la mode moderne. » (Colin qui loue et despite Dieu.) Notre auteur voudrait faire oublier que cette mode venait de Rome, et non de Genève. 93 Le cœur d’artichaut — qu’on appelait le cul — était aphrodisiaque. « Pour l’artichaut, il m’enflamme/ Je ne vous dis pas comment./ Demandez-le à ma femme :/ Quand j’en mange, elle s’en sent ! » Gaultier-Garguille. 94 Pour tout mets. 95 Pour en voir le bout, pour en finir avec les huguenots. 96 Ce qui est pour nous une grande infamie. 97 Qu’on ne se contente pas de les brûler en effigie, comme ceux qui sont condamnés par contumace. 98 Protégez-vous d’une targe, d’un bouclier. « Soy targer, & ranger pour combattre. » (Antoine Canque.) Les trois écoliers s’arment avec ce qu’ils ont sous la main, pour mener leur croisade contre les hérétiques. Ces clercs déguisés en soldats d’opérette sont aussi ridicules que Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire. 99 Ententifs : pour mieux vous le faire entendre. 100 Je vais moi-même chanter avec vous. 101 LV répète dessous : magister. La chanson est inconnue. 102 Donnez-nous le champ libre. En jargon estudiantin, le campos est la récréation : cf. les Premiers gardonnéz, vers 5. 103 Les suppôts sont les piliers d’une religion. Mais ce sont également les fous de l’Abbé des Conards de Rouen : « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » Triomphes de l’Abbaye des Conards. 104 Il y a neuf protestants à massacrer. Les écoliers les ont vus pendant la récréation : vers 61-64. 105 Cela tombe bien, puisque vous êtes presque en nombre égal. 106 Trois jeunes. 107 Trois que nous avons expédiés tout à l’heure. « Y l’eust tué et despesché. » Le Poulier à quatre personnages. 108 LV a omis ce refrain B du triolet, identique à celui de 185. 109chanter (Forme normande de sangler : « Mais leu broudier [leur cul] fut changlay dièblement. » La Muse normande.) Efforcez-vous de bien les battre ! Sangler = fouetter un écolier à coups de sangles. « Cet escolier a eu bien le fouet, on l’a bien sanglé. » Furetière. 110 Mon panier. Mot normand : cf. la Fille bastelierre, vers 154. Les apprentis mercenaires vont transporter leurs armes dans un cabas. Ces armes sont probablement celles que le maître applique sur leurs fesses : les sangles, les verges, les règles en bois. 111 Ma pochette, mon sac. Encore un mot normand : cf. l’Aveugle, son Varlet et une Tripière, vers 30. Les farces rouennaises qui brocardent un écolier l’affligent toujours d’un accent villageois ; ici, plus on approche de la fin, plus les personnages deviennent risibles. L’auteur serait-il protestant ? 112 Un paysan mal dégrossi. Cf. Science et Asnerye, vers 298. 113 Le bataillon. 114 C’est le dernier vers d’une autre pièce normande du même manuscrit, le Poulier à sis personnages.