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D’UN QUI SE FAIT
EXAMINER POUR
ESTRE PREBSTRE
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Le thème de « l’enfant mis aux écoles1 » faisait rire le peuple, même si ce peuple n’était guère plus instruit que les ignorants aux dents longues dont il riait. Cette farce normande, écrite dans le premier quart du XVIe siècle, est un modèle du genre : un petit paysan se satisfait de garder les oies et de baragouiner son patois ; mais sa mère veut en faire un prêtre ou même un pape, et transforme l’idiot du village en parfait abruti. Quand ce dernier se retrouve devant l’examinateur, le vernis latin craque, et le naturel revient au galop.
Nous avons là une de ces farces de collège2 que les apprentis latinistes jouaient à l’occasion de certaines fêtes. Nous savons que l’obscénité, la scatologie et l’anticléricalisme y étaient bienvenus : voir par exemple Maistre Jehan Jénin, ou la Résurrection Jénin à Paulme.
Sources : Recueil du British Museum, nº 45 : « La Mère, le Filz et l’Examinateur. » Le vrai titre est sous la vignette : « D’un qui se fait examiner pour estre prebstre. » Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550. — Manuscrit La Vallière, nº 58 : « La Mère, le Filz (lequel veult estre prestre) et l’Examynateur. » Copié à Rouen vers 1575, peut-être d’après un exemplaire de l’édition Chrestien. Aucune de ces deux adaptations tardives n’étant publiable en l’état, je prends pour base l’édition BM, et je la corrige tacitement sur le manuscrit LV, quand il résout un problème sans en créer un autre.
Structure : Rimes plates. Beaucoup de rimes identiques et d’assonances approximatives.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse
À troys personnages, c’est assavoir :
LA MÈRE
LE FILZ [Pernet] 3
et L’EXAMINATEUR
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D’UN QUI SE FAIT EXAMINER
POUR ESTRE PREBSTRE.
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LE FILZ commence en chantant 4 SCÈNE I
Bouriquet, bouriquet, Hanry bourilane !
Bouriquet, bouriquet, Hanry bouriquet !
Ma mère, ay-je pas un beau Moulinet 5 ?
Agardez6, je l’ay fait comme pour moy.
LA MÈRE
5 Las, que je suis en grand esmoy !
LE FILZ
[Et ! dictes-moy] pourquoy, ma mère.
LA MÈRE
Hé(e) ! Dieu ayt l’âme de ton père7 !
S’il eust vescu, t’eust fait grand homme.
LE FILZ
Il m’eust fait évesque de Romme,
10 C’est pour le moins, je l’entens bien.
LA MÈRE
Las ! qu’il estoit homme de bien,
[N’en desplaise aux villains jaloux.]8
LE FILZ
Nul n’en dit mal, si ce n’est vous,
Qui l’appellez [boiteux et] borgne9.
LA MÈRE
15 Tenez, regarde-le-moy à la trongne.
Jamais ne vis [chose ou personne]10
[Qui] mieulx ressemble11 l’un[e] à l’autre.
LE FILZ
Ma mère, il en fault trouver un autre.
LA MÈRE
Dis-moy où nous en trouveron.
LE FILZ, en chantant 12
20 Au Vau13, lure lurette !
Au Vau, lure luron !
Mon Dieu, que je suis vray huron14 !
Mais quand [bien je pense]15 à part moy,
Hé ! qui suis-je ? Encor je ne sçay.
25 M’a-l’on point escript aux Cronicques16 ?
Je me gaige que, sus méniques17,
Que j(e) y suis, avecq Bouderel
Ou avecq[ues] Jaquet Hurel18,
Car je suis homme de renom.
30 Mais sçav’ous point comme j’ay nom ?
« Chose », [a-l’on]19 bouté en escript !
Je fus né devant20 l’Antéchrist,
De cela me souvient encore.
Ma mère avoit nom Li[ber]nore21,
35 Et mon père, messir(e) Gaultier22,
Aux enseignes de son saultier23,
Qu’il me donna quand il fut mort.
LA MÈRE
Par Nostre Dame de Monfort !
Je croy que tu es matelineux24 ou yvre.
LE FILZ
40 Ma mère, çà, mon petit livre25 !
Quia égo volo iré ad Ordos26,
Affin que je soys sacerdos27
Devant qu’il soit la Penthecouste28.
LA MÈRE
Tu le seras, quoy qu’il me couste,
45 Puisque tu as volunté telle.
LE FILZ
Ma mère, quand esse ? [On frételle]29 ;
De cela30, vous n’en parlez point.
LA MÈRE
Ne t’en soucie que bien apoint.
Mais j’ay envie que tu soys prestre.
LE FILZ
50 Sainct Jehan ! aussi je le veulx estre,
Car j’ay assez estudié.
LA MÈRE
Aussi, il t’en est bon mestié31,
Car c’est une chose commune
Qu’on32 te demand(e)ra si la plume
55 Tu [ne] sçais très bien manier.
LE FILZ
La plume ? Sainct Gris, ouy !
Hé ! c’est[oit] mon premier mestier33 :
Je ne fis jamais autre chose,
Et quand j’aloys mener nostre Chose34…
LA MÈRE 35
60 Et, quoy ? Dis-le-moy vistement.
LE FILZ
Hé ! nostre grand vieille oye au(x) champ(s) ;
Souvent luy manioye la plume.
LA MÈRE
Vrayment, tu m’en bailles bien d’une !
Ce n’est pas ce que je [te] dis.
LE FILZ
65 Elle a de la plume[s], à mon advis ;
À tout le moins, ma mère, ce croy-je.
LA MÈRE
Jamais un sot ne sera saige36,
Au moins un pareil que tu es.
LE FILZ
Où avez-vous mis mon Donnest 37
70 Qu’aviez l’aultre ier38, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Vien çà ! Dy-moy : qu’en veulx-tu faire ?
LE FILZ
Que j’en veulx faire ? [Sainct Didier !]
Je veulx dedans estudier.
Ou autrement, je m’en iron39
75 Jouer à l’ombre d’un buisson40.
Entendez-vous, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Ce n’est pas ainsi qu’il fault faire ;41
Tu es un trèsmauvais garson !
Il fault bien estre plus sage.
80 Çà42 ! je m’en voys à la maison
De l’examinateur c’est le vicaire43.
LE FILZ
Hay, ma mère, dictes-moy que faire ;
Iray-je point o44 vous ?
LA MÈRE
Nenny.
LE FILZ
Et pourquoy ?
LA MÈRE
Parce que tu n’es c’un bémy45,
85 Et tu me ferois déshonneur.
LE FILZ
[Ma mère, à l’examinateur
Recommandez-moy]46, s’il vous plaist.
LA MÈRE
Tais-toy, car tu n’as [fors] que plest47.
Ne pense qu’à faire du sage.48
LE FILZ
90 Luy portez-vous point de fromage,
Pour luy faire quelque présent49 ?
LA MÈRE
Ha ! tu ditz vray, par mon serment !
En voilà, que luy porteray.
Et à luy te recommand(e)ray.
95 Aussi, je compteray ton affaire.
LE FILZ
Adieu vous ditz donques, ma mère !
Pause.
LE FILZ SCÈNE II
Aviser fault à mon affaire,
Pour me démonstrer homme sage.
Vestu je suis selon l’usage50.
100 Apprendre veulx comme il fault faire.
Saluer me fault ce vicaire
Tout aussi tost que le verray.
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LA MÈRE 51 SCÈNE III
Dieu vous gard, Monsieur [le Curé] !52
L’EXAMINATEUR
Et vous, m’amye ! Qui vous ameine ?
LA MÈRE
105 Las ! c’est mon filz qui me démaine
Et me dit qu’il veult estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Possible. Est-il sage53 pour l’estre ?
Que ne l’avez-vous amené ?
LA MÈRE
Monsieur, je vous voulois ouÿr parler
110 Et sçavoir vostre volunté.
Mais je m’en retourne à l’hostel54
Et l’amèneray devers vous.
L’EXAMINATEUR
Allez doncques, despêchez-vous,
Ne demourez pas longuement !
LA MÈRE
115 Non feray-je, par mon serment !
[Je m’y en voys.] Adieu, Monsieur !
Je prie à [Dieu], Nostre Seigneur,
Qu’i vous donne55 joye et santé !
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LE FILZ 56 SCÈNE IV
Je veulx faire cy un autel
120 Et chanter le Per omnia57,
En ce temps pendant qu’il n’y a
Que moy [tout] seul en cest hostel.
Et si, me fault apprester mon cas [tel]
Que je n[’en] aye fascherie.
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LA MÈRE 58 SCÈNE V
125 Or çà, mon filz, Dieu te bénie !
LE FILZ
Et ! vous ma mère, que dictes-vous ?
LA MÈRE
Je pense que tu prieras pour nous59
Et pour ceulx qui te f(e)ront du bien.
LE FILZ 60
Qu’en dictes-vous ? Cela61 est-il bien ?
130 Ma mère, escoutez-moy chanter.
LA MÈRE
As-tu fait toy-mesmes cest autel62 ?
LE FILZ
Ouy dea, ma mère, Dieu mercy !
LA MÈRE
Las ! que tu as un bel esprit !
LE FILZ
Si63, fus-je fait au cymetière ?
135 Or m’escoutez chanter, ma mère :
Je diray un Per omnia.
LA MÈRE
Je pense qu’au monde il n’y a
Homme plus sçavant que tu es.
LE FILZ
Or escoutez-moy, s’il vous plaist.
LA MÈRE 64
140 Je t’escoute, par mon serment !
LE FILZ, [en chantant]
Per omnia sécula séculorum !! Amen !! 65
[Or] qu’en dictes-vous, voirement ?
[Une autre fois bien chanteray]66.
LA MÈRE 67
Par mon âme ! l’on dit bien vray68 ;
145 Mon filz chante deisjà la messe.
Et ! par Dieu, il sera évesque ;
Je le sçay bien certainement,
Voyre, s’il vit bien longuement.
Aussi l’avois-je bien songé69.
150 Regardez comme il a changé,
Depuis qu’il ne fut à nourrice.
Tout ce qu’il fait luy est propice,
Et sy, fait desjà fort de l’homme.
Je cuyde70 que d’icy à Romme,
155 Il n’y a [ne] beste ne gent
Qui ayt si bel entendement
Comme il a, [vous] le voyez tous71.
[Çà], mon filz, que je parle à vous !72
Il fault que tu soyes un curé.
LE FILZ
160 C’est bien dit. Il nous fault aller
Bien tost vers l’examinateur ;
Mais qui sera mon conduicteur ?
LA MÈRE
Moy, pour le plus honnestement.
LE FILZ
Or dictes-moy, premièrement,
165 Et m’enseignez comme dois faire.
LA MÈRE
C’est bien dit. Que je te voye faire73 !
LE FILZ
Monstrez-moy doncq premièrement.
LA MÈRE 74
Faire fault le pied75 gentement.
Et saluer Monsieur haultement.
170 Pas ne fault faire l’estourdy76.
LE FILZ
J’ay entendu ce qu’avez dit,
Ma mère, ne vous souciez point.
LA MÈRE
Chemine par bon contrepoint77,
Et te gouverne honnestement.
LE FILZ
175 Luy fauldra-il bailler argent78 ?
Car, par ma foy, je n’en ay point.
LA MÈRE
Je croy qu’il n’en demand(e)ra point ;
S’il en demande, il en aura.
Allons-nous-en veoir qu’il79 dira.
180 Au moins, il sçaura que tu scez dire.
LE FILZ
Je ne me pourray tenir80 de rire,
Agardez, tant je suis joyeulx.
LA MÈRE
Regarde-le faire entre deux yeulx :
Je croy que n’auras fain81 de rire…
185 Mais as-tu plume pour escripre ?
Et aussi ton escriptoire, [où est-elle] ?
LE FILZ
Baillez-moy l’autre, elle est plus belle ;
Car ceste-là ne vault plus rien.
LA MÈRE
Saincte Marye, tu dis bien !
190 Tien, la voicy ; metz-y tes plumes.
LE FILZ
Or, tout y est ; ne s’en fault82 qu’une
Que je mettray à mon oreille.
LA MÈRE
Prens ton ganif et l’appareille83,
Que tu escripves comme un pape.
LE FILZ
195 Hay ! Ma serpe, ma mère ! Ma serpe
Me servira de ganivet84.
LA MÈRE
Or allons doncques, c’est bien fait.
Il nous fault tost parler à luy.
Présente-toy tost devers luy,
200 Et le salue bien haultement.
LE FILZ
A, je l’avoys oublié, vrayment.
Il sera fait, sans y faillir.
Esse [pas il]85 que voys venir
Par ce chemin, si gentiment86 ?
LA MÈRE
205 Ouÿ, mon filz, par mon serment !
Va-t’en à luy honnestement,
Et le salue bien haultement.
Fais tout ainsi que je t’ay dit.
.
LE FILZ 87 SCÈNE VI
Je vous salue bien haultement,
210 Monsieur : ma mère me l’a dit.
L’EXAMINATEUR
Qui m’amaine cest88 estourdy ?
Pourquoy viens-tu ?
LE FILZ
Pour estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Ceinct89, tu es assez sot pour l’estre !
Viens-tu pour estre examiné ?
LE FILZ
215 Ita, per quidem, Dominé,
Si placéat vobis, modo.90
Car le jour de Quasimodo91,
Je chant(e)ray ma première messe,
Entendez-vous pas bien92 ?
L’EXAMINATEUR
Ouy dea ; qu’esse ?
LE FILZ
220 Je vous semons93, ne faillez pas :
Vous y aurez un bon repas.
Et si, vous mengerez du rost,
Voire, et si burez plus de trois potz,
Sur ma foy, du vin de la feste94.
225 Car puisque je l’ay mis en ma teste,
Il sera fait per quoniam95 !
L’EXAMINATEUR
Je ne vis onc(ques), de demy an96,
Un si grand sot, par sainct Victor97 !
LE FILZ
Je sçay bien mon Rétributor98,
230 Mon Imanus99, mon Quanterra100,
Vény Créato, Hora nonna.101
Et si, cognois toutes mes lettres.
J’en ay fait reus102 cent fois les maistres
De nostre escolle, sur mon âme !
L’EXAMINATEUR
235 Par la benoiste Nostre Dame !
Je croy que tu es matelineux ou yvre. 103
LE FILZ
Ma mère, çà, mon petit livre !
Quia égo volo disputaré.
Déclina michi « létaré »104 :
240 Je vous l’envoye105 de bout en bout.
L’EXAMINATEUR
Et puis, sera-ce tantost tout ?
Ton blason106 beaucoup me desplaist.
LA MÈRE
Examinez-le, s’il vous plaist.
L’EXAMINATEUR
Or çà ! Quo nomine vocaris107 ?
LA MÈRE
245 Il ne fut jamais à Paris,
Et si108, [il] est si antificque :
Il sçait toute sa Réthoricque
Courant comme son ABC.
LE FILZ
Par bieu ! je suis tout mort de soif109 :
250 Ma mère, çà, nostre bouteille,
Car je luy veulx tirer l’oreille110 !
LA MÈRE
Attens que nous soyons hors d’icy.
LE FILZ
[Instruisez-moy : qui a vécy]111 ?
Per fidem méam112, je n’en sçay rien.
L’EXAMINATEUR
255 Hé(e), que tu es homme de bien !
Vien çà, dis. Ad quam, amicé…113
LE FILZ
Or attendez que j’aye pissé,
Monsieur : j’auroy à cest heure114 fait.
LA MÈRE
Tu es un villain trèsparfait !
260 Que ne respons-tu sagement ?
LE FILZ
Mais qu’esse qu’il dit ? Voirement,
Per méam fidem, je n’en sçay rien115.
L’EXAMINATEUR
Ma foy, mon filz, tu ne scez rien ;
Tu ne sçaurois [parler latin]116.
LE FILZ
265 Égo, vultis117 ? Par sainct Copin !
Eccé desjà librus méus118.
L’EXAMINATEUR
Or avant, doncq[ues] ! Dicamus119 !
LA MÈRE
Sire120, il chante bien « Orémus ! » :
Car autresfois, quand je m’envoys 121
270 Sy122 le laisse seul à l’hostel,
Il fait de la table un autel
Et chante le Péromnia123.
Vous diriez, [en voyant]124 cela,
Qu’il seroyt digne d’estre pape.
275 [Mais] il met aussi bien la nappe
À l’heure qu’il nous fault disner125.
L’EXAMINATEUR
Laissons tout, [c’est assez jaser]126 !
Dy-moy, qu’esse ? Vadis127 mecum ?
LE FILZ
Allez, villain128 ! Par sainct Symon !
280 Vous estes plain de vitupère.
[Av’ous parlé]129 du con ma mère ?
A ! par ma foy, je luy voys dire130 !
.
L’EXAMINATEUR
Messieurs131, ce lourdault me fait rire
Tant, que c’est un merveilleux cas.132
285 Nous vous prions, tant hault que bas133,
[Que prenez en gré noz esbatz,]
[Si vous avons]134 aucun tort fait.
LE FILZ
Et qui se trouv(e)ra en tel cas,
Qu’il ne face pis que j’ay fait.135
.
FIN
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*
LE VILLAIN ET
SON FILZ JACOB 136
*
………………………………..
LE VILLAIN
Je te requiers que tu y137 goucte ;
Il me tarde que t(u) y soie jà.
JACOB
Jà mauldit soit qui le fera !
Et puis me diroient cléribus138.
LE VILLAIN
5 Tu seras desvêtus tous nuz,
Se tu n’y vas de tom bon grey139.
JACOB
Tant que vive, ne le ferey.
Le diable [sur vous]140 puisse cheoir !
LE VILLAIN
Tu ne m’eschappes paz encoir,
10 Puisque je te tiens par la main.
JACOB
Vous y serez jusqu(es) à demain :
En ma vie je n’y entandray141.
LE VILLAIN
[Par] saint Jehan ! Je t’y pourteray ;
On verra qui(l) sera plus fort.
Pausa.142
15 À la mort ! À l’ayde143 ! À la mort !
Sanc bieu, qu’il a les dans aguë[s] !
Hélas, par ma foy, tu me tue[s] !
Laisse-m(oy) aller, tu n’yras pas.
JACOB
Or, levez144 le doy.
Or lèves le doy [le Villain].
…………..
………………………………. 145
20 ……….
LE VILLAIN
Saint Jehan ! non feray.
Tu ne m’aras pas pour tel, fis146.
Marchant147, puizque [vous] estes prins,
Vous y [serez porté]148 au sac
Toust à ceste heure.
JACOB
Nac149, nac, [nac] !
25 Encoir ne sommes-nous pas là.
LE VILLAIN 150
On verra qui plus fort sera.
Or çà, marchant, entres dedans !
JACOB
Par Dieu ! père, vous perdez tenpz :
Tant que vive, je n’y entrey151.
LE VILLAIN
30 Par Dieu ! doncques, je t’y bout(e)ray.
Or çà ! et l’eusse-tu juré152,
Entres !
JACOB
Vous avez beaul hué153 :
Ce ne sera huit154 ne demain.
LE VILLAIN
Puisque j’ay prins le fait en main,
35 Tu y155 viendras, ribon ribainne !
Ilcy, le charge sur ses espaule[s].156
JACOB
Vraiement, vous prenez grant paine
De chouse qui gaire ne vault.
LE VILLAIN
Ha ! Nostre Dame, qu’il fait chault !
J’ay heue cy une malvaise poincte157.
40 Ha, que le maistre fera grant plainte158,
Quant il verra mon filz Jacob !
JACOB
Encoir n’y suy-ge pas, siro159.
Je vous eschaulferey vostre eau160.
Ilcy le prant Jacob par 161 les orelles.
LE VILLAIN
Dea, Jacob, tu me fais courtaud162 !
45 Ce n’est pas fait163 de bon enffant.
JACOB
Or, vous déportez donc à tant164,
Ou je le[s] vous araicherey !
LE VILLAIN
Las ! mon filz Jacob, je ferey
Ce que vouldras165 ; n’an tires plus !
JACOB
50 Me quictez-vouz166 ?
LE VILLAIN
Ouy, par Jhésus !
Jamès [plus] ne t’an requiérey,
[Ny maistre ne te donneray.]167
Va, fait[z] du piz que tu pouraz.
Hélaz, mon trèsbeaul filz, hélas !
55 J’ay les oreilles dessirées168.
(Hélas ! or pers-je mes soudées169,
Se Jacob [ne] va à l’escolle.
Il [l]e fault prendre de parolle170
Doulcement : sy s’acordera.)
60 Jacob !
JACOB
Que voulez-vous ?
LE VILLAIN
Vien çà !
Beaul filz Jacob, je te suply171
Que face[s] ce que [je] t’ay dist.
JACOB
Quoy, siro ?
LE VILLAIN
Aller à l’escole.
Tu estoie jà172 escript ou rôle
65 De quoy on fait les cardinaulx.
JACOB
Il ne m’an chault pas de deux aulx173,
Par Dieu : je veulx garder les pors.
LE VILLAIN
Jacob, soies de mes acors174
Et je te donray du fromaige,
70 De la rotiecte175, que sai-ge,
Et des pommes dedans tom sac.
JACOB
Et quoy avec(que) ?
LE VILLAIN
Des nois aul flac176
Et ung gros cartier de fromaige.
Es-tu contant, Jacob ?
JACOB
Que sai-ge ?
75 G’y panseray sans dire mot(z).
Or, enplez doncque mom saichot177,
Et que j’aye la boutellecte178.
LE VILLAIN
Ho ! Jacob, par saincte Mamecte,
Tu auras ce que tu vouldras.
80 Tien, mon enffent. Or, va le pas179,
Et mez painne180 de bien apprandre,
Car vraiement, je veulx tout vandre
Pour toy fère clert181 excellant.
A Dieu. Filz Jacob, à Dieu vous commant182 !
[JACOB]
Tandis que le sac durera,
86 [Je feray tout ce qu’on vouldra.]183
LE VILLAIN
……………………………………
*
1 Voir Halina LEWICKA : Études sur l’ancienne farce française, pp. 32-46. 2 Voir la note 2 des Sotz escornéz. 3 Dans le recueil du British Museum, cette farce est suivie par une autre, Pernet qui va à l’escolle : on y reconnaît le personnage de la mère, et celui du fils, qui se nomme Pernet. Cette farce où Pernet ânonne l’alphabet précède la nôtre, qui en reprend de nombreux vers. On peut donc en déduire que le nom du fils est le même dans les deux pièces. 4 Hari bouriquet, chanson franco-provençale de Claudin de Sermisy. « Hari, bourriquet ! » est une injonction pour faire avancer les ânes. Elle est vite passée dans le registre érotique : « Ce petit paillard tousjours tastonoit ses gouvernantes, c’en dessus dessoubz, c’en devant derrière, harry bourriquet ! Et desjà commençoyt exercer sa braguette. » (Gargantua, 11.) Le prénom Hanry doit viser un des magisters du collège rouennais qui créa cette œuvre. La copie LV rend au prénom son orthographe originale : « Bouriquet, bouriquet, Henry boury lane !/ Bouriquet, bouriquet, et Henry bouriquet ! » Pour se moquer d’un prêtre ainsi prénommé, les huguenots modifieront de la sorte ce refrain : « Le prestre se vest,/ Henri, Henri l’asne,/ Le prestre se vest,/ Henri bouriquet ! » (La Gabelle de la messe, ms. Cinq cents de Colbert 488.) 5 Bâton au bout duquel pend une vessie de porc emplie de pois secs, que les enfants et les Sots font tourner pour produire du bruit : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 157. Je laisse aux érudits rouennais le soin de vérifier si la victime de cette chanson ne serait pas un certain Henry Mo(u)linet : de nombreux Normands portèrent ce nom. 6 Regardez, voyez. Même normandisme au vers 182. Pernet chante les deux derniers décasyllabes sur le même air. 7 Comme beaucoup de Badins, Pernet est le fils d’un prêtre. Cf. Jénin, filz de rien. 8 Vers manquant. 9 Je comble arbitrairement cette lacune d’après Lucas Sergent, bouéteulx et borgne. En tout cas, ce père n’était pas manchot : dans Pernet qui va à l’escolle (note 3), il bat son fils et il fend du bois à la hache. Borgne rime en -o(r)ne. 10 BM : chose — LV : personne (La mère observe son fils, qui a peut-être un bandeau sur l’œil.) 11 BM-LV : ressembler 12 Chanson inconnue ; voir H. M. Brown, nº 31. Le refrain imite une flûte, comme le confirme ce Noël : « De la fleûte, lure lurette. » Mais il pourrait s’agir d’une musette : « La cornemuse, avec lire lirette, lire liron, commence à fredonner plusieurs sortes de danses. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 13 Nous vous trouverons un amant au Vau (au Val-de-Vire). Cette vallée normande fournira de nombreuses chansons à boire : « D’une chanson du Vau-de-Vire/ Le fault servir, à ce matin. » Actes des Apostres. 14 Sagouin. « Ce n’est q’ung sot,/ Filz de quelque huron saulvaige (…),/ Et c’est ung prestre de villaige,/ Ou le clerc de quelque vieil moyne. » (Guillaume Coquillart.) Pernet s’adresse au public. 15 BM : ie pense — LV : je pence bien (Mai rime avec sai, à la manière normande. Cf. Messire Jehan, vers 194.) 16 Dans la farce de George le Veau (BM 22), un orphelin en quête de parents demande au curé : « Av’ous point une croniquaille/ Pour y regarder ? » Il s’y choisit un père et une mère : « Voy-les-cy en droictes cronicques. » 17 Litote normande : « Sur mon âme ! » Cf. Jolyet, vers 38. La répétition de « que » au vers suivant est populaire. 18 Pernet, qui ne connaît personne en-dehors de son village, ne peut se comparer qu’à deux notables du cru. Ou aux deux cancres du collège. 19 BM-LV : ma lon point (Il va de soi que son père, le curé, n’allait pas l’inscrire dans le registre des baptêmes sous son propre nom.) « Chose » est un pseudonyme pratique : voir le v. 96 de la Résurrection Jénin à Paulme, le v. 37 des Chambèrières et Débat, ou le v. 194 de Mallepaye et Bâillevant. 20 Avant. Les prêcheurs apocalyptiques prétendaient que l’Antéchrist venait juste de naître. « Fuyons-nous-en : j’ay entendu/ Que l’Antéchrist si est jà né ! » Les Menus propos. 21 Le psautier dont Pernet a hérité de son père (vers 36-37) s’ouvre comme tant d’autres sur un ex-libris en latin de sacristie : « Liber in honore * messire Gaultier. » Pernet, qui a une forte tendance à estropier les expressions latines, n’a retenu que le début et la fin de liber in honore, et il s’imagine que le nom de sa mère précède le nom de son père. *Un auteur normand nous a laissé un Liber in honore sancti Petri et sancti Philiberti. 22 Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) évoque ce curé lubrique : « À confesse,/ Vous distes à messir(e) Gaultier/ Que je subtenoys ma maistresse. » On prononce « messer ». 23 D’après ce qu’indique l’ex-libris de son psautier. 24 Atteint de folie, le mal de saint Mathelin. « Mathellineux,/ Foulx, estourdis. » (Le chastiement du Monde.) La Mère s’indigne que Pernet croie ne pas être son fils. 25 Donnez-moi mon manuel de latin ! Dans un souci tout campagnard de faire durer le matériel, la mère conserve toutes les affaires de son fils, et lui prête au compte-gouttes ses livres, son Donat (v. 69), son écritoire neuve (v. 190), et même sa serpe (v. 195). 26 Car je veux entrer dans les Ordres. « Et comment envoyoit-on ad ordos gens si ignorans ? Il fault noter que ceux qui les examinoyent n’en savoyent guère davantage qu’eux. » Henri Estienne. 27 Prêtre. 28 Avant la Pentecôte. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 406. 29 BM : que lon fretille — LV : que on fretelle (On se contente de bavarder. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 41.) 30 De la date de mon investiture. 31 Il t’en est bien besoin. 32 BM-LV : Que lon (Il s’agit de la plume d’oie pour écrire. Mais pour le public, qui a l’esprit mal tourné, une plume est un pénis : cf. le Dorellot, vers 119 et note. Nous avons conservé la vieille expression érotique « tailler une plume ».) 33 Enfant, Pernet gardait les oies, tout comme Maistre Mimin estudiant. Dans le Villain et son filz Jacob, que je publie en appendice, le petit paysan garde les cochons. 34 Pernet a baptisé son oie de son propre nom de famille : Chose. 35 Elle ne comprend pas qu’il s’agit de l’oie, et elle pense que son fils ne trouve plus ses mots. 36 Même constat dans les Sobres Sotz, vers 123. 37 Manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. le Maistre d’escolle, vers 11. « Ce petit Donet je (lui) présente,/ Pour tant qu’il a mis son entente/ À volloir grammaire sçavoir. » Jehan Molinet. 38 L’autre hier = l’autre jour. BM : lautruy/ 39 BM-LV : iray (Forme populaire normande. « G’irons au marché. » La Mauvaistié des femmes.) À la rime, le « s » final est facultatif, comme au vers 19. 40 Pernet retient mieux les chansons que les prières. D’innombrables refrains nous renseignent sur l’utilité des buissons : « Trois foys il l’a fringuée à l’ombre d’ung buisson. » (Fringuez, moynes, fringuez.) « Livre-la-moy en ung lict toute nue (…),/ Ou la m’envoye en l’umbre d’ung buisson. » (C. Marot.) « Ma belle se repose/ À l’ombre du buisson./ Moy, j’embroche son chose/ De mon roide poinçon. » (Chansons folastres.) 41 BM-LV intervertissent ce vers et le suivant. 42 BM-LV : Car (Allons ! je m’en vais…) 43 Le vicaire-examinateur, suppléant de l’official, interrogeait les candidats à la prêtrise. 44 BM-LV : auecq (En Normandie, « o » = avec. « Voulez-vous demourer o moy ? » Les Esbahis.) 45 BM-LV : fol (Un niais. À propos de ce normandisme, cf. la Veuve, vers 100 et note.) 46 BM-LV : Recommandez moy a lexaminateur / Dictes ma mere 47 Pas autre chose que plaidoirie, contestation. « Et ne leur laissent nullement/ Avoir fors que plait et riote. » Eustache Deschamps. 48 Les vers 89-91 s’inspirent librement des vers 55-57 de Pernet qui va à l’escolle (note 3). 49 Le bon sens paysan du villageois resurgit. 50 Pernet porte le costume usuel des Badins, décrit dans la note 4 de Colinet et sa Tante, une farce qui développe le même thème que la nôtre. <Voir aussi André TISSIER : Recueil de farces, t. 5, 1989. On consultera la n. 15 de la p.114, et la n. 99 de la p.137.> 51 Elle arrive devant l’examinateur. 52 Les vers 103-7 s’inspirent librement des vers 76-80 de Pernet, mais ne comblent pas ses lacunes. 53 En-dehors d’une farce, on attendrait plutôt la question : Est-il d’âge pour l’être ? Dans la vraie vie, l’âge canonique était alors de 25 ans. 54 À la maison. Idem vers 122 et 270. La mère châtie son langage, et ne parvient qu’à produire un effet comique : J’amènerai l’hôtel devant vous. Hôté rime avec volonté ; voir les vers 118-9 et 130-1. 55 BM-LV : doint 56 Il installe sur la table un autel de fortune, fait avec du linge de maison et des ustensiles de cuisine. 57 C’est le cheval de bataille des candidats à la clergie : cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 348. 58 Elle rentre. Son fils, qui gueule à tue-tête le Per omnia, ne l’entend pas. 59 Quand tu seras prêtre. 60 Désignant l’autel qu’il a bricolé sur la table. 61 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « chla » : « Vrayment, chla va bien autrement. » La Muse normande. 62 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « st’autel ». « Entendant discourir avant-hier de st’affaire. » La Muse normande. 63 BM-LV : Possible (Pour lui, un esprit est un fantôme.) Des prostituées racolaient dans certains cimetières. 64 BM-LV ajoutent dessous : Chante mon filz 65 Par tous les siècles des siècles. C’est le premier vers de Pernet. « Amen » rime en -an : voir la note 160 de Régnault qui se marie. 66 BM-LV : Je chanteray bien une autre fois (Je chanterais bien une fois de plus.) 67 Au public. 68 Cela confirme le proverbe : « Tel père, tel fils. » La tirade 144-158 reprend les vers 5-19 de Pernet. 69 Voir la note 6 de Pernet. 70 BM-LV : croy — Pernet : cuyde 71 BM-LV : vous 72 Dans Pernet, ce vers contenait le nom de l’enfant : Pernet que ie parle a vous 73 Fais le salut que tu feras devant lui. 74 Elle imite gestuellement et vocalement ce qu’elle croit être une grande dame. Rappelons que cette fermière simplette, vêtue d’un tablier, d’un fichu et de sabots, fut jouée par un collégien. 75 BM-LV : petit (Faire le pied-arrière, ou le pied-derrière, ou le pied de veau, ou le pied : faire une révérence. Voir la note 206 de Gautier et Martin.) Gentement = avec noblesse. 76 Le fou. Idem vers 211. 77 Avec mesure. 78 BM-LV : de largent (Nouvelle manifestation du bon sens paysan.) 79 Ce qu’il. 80 Me retenir. « Celui qui ce nous récitoit/ Les assistans tant incitoit/ Qu’ils ne pouvoyent tenir de rire. » (Le Banquet des chambrières.) « Monsieur de Nançay (…) ne pust tenir de rire. » (Marguerite de Navarre.) 81 Faim, envie. « J’ay grant fain de rire. » Serre-porte. 82 Il n’en manquera. Les clercs et les comptables avaient toujours une plume derrière l’oreille, comme les épiciers d’avant-guerre y auront un crayon. 83 Aiguise ton canif : il sert à tailler le bec des plumes, pour écrire aussi fin qu’un chancelier pontifical. 84 Au lieu du petit canif, le paysan aura une vulgaire serpe à la main. « La serpe/ Me servira de canivet. » (Pernet qui va à l’escolle.) Sarpe rime avec pape. 85 BM-LV : il pas (N’est-ce pas lui ? « Le vélà, c’est il, vrayement. » Les Sotz fourréz de malice.) 86 Noblement. Idem vers 168. 87 Il barre la route à l’examinateur en brandissant sa serpe. 88 BM-LV : se sot 89 BM : Sainct — LV : ma foy (« Le prestre ceint d’une ceinture de chanvre. » Anastase Cochelet.) 90 Oui, par mon quidam, Monsieur, / S’il plaît à vous, du moins. Pernet a beau avoir appris ce salut par cœur, il prononce « per quidem », qui n’a aucun sens, au lieu de « per fidem » [par ma foi]. Un jeune clerc inculte commettra la même boulette au vers 461 de l’Avantureulx. 91 Le dimanche qui suit Pâques. 92 Sous l’effet du trac, Pernet lâche un pet sonore. « Mais sy je lâche le derière/ Par avanture, (entendez-vous ?),/ Vostre part y sera tousjours. » (Le Bateleur.) Nous aurons la suite de ses aventures intestinales au vers 253. 93 Je vous y invite. Lorsqu’un jeune curé célèbre sa première messe, la famille et les amis organisent ensuite une fête bien arrosée. Cf. le Clerc qui fut refusé à estre prestre, vers 105-6 et note : dans cette farce, un candidat à la prêtrise est renvoyé deux fois par son examinateur. 94 « Le cuysinier cy m’a semons/ Pour boire du vin de la feste. » La Présentation des joyaux. 95 Pernet veut sans doute dire « perquam » : tout à fait. 96 En six mois. 97 Le mal de saint Victor est la folie. « Malade du mal S. Victor, et lié comme homme hors du sens. » Godefroy. 98 Peut-être le Confiteor. Le retributor est celui qui paye. 99 BM : in manus — LV : imanus (BM nomme correctement cette prière qui accompagne l’extrême-onction, mais l’ignare Pernet ne peut que la nommer incorrectement : je choisis donc la version LV.) « Je sçay bien mon Avé salus,/ Mon Imanus, mon Déo pars. » La Bouteille. 100 Prononciation à la française de l’hymne Quem terra pontus. Voir la note 79 de Maistre Jehan Jénin. 101 Seul LV consigne ce vers, qui manque dans BM. On ne présente plus le Veni Creator. La 9ème heure (hora nona), ou heure de none, désigne dans les monastères la prière de 15 heures. 102 À bout d’arguments : cf. le Maistre d’escolle, vers 85. Pernet qui va à l’escolle raconte le laborieux apprentissage de l’alphabet par notre futur pape. 103 Ce vers et le suivant reprennent hors de saison les vers 39-40. 104 Moi je veux discuter : / Conjugue-moi le verbe « tuer ». Pernet confond lætare [réjouir] et letare [tuer]. « Declina mihi » est la rengaine des manuels de latin destinés aux enfants. 105 Je vous le conjugue à toute vitesse. 106 Ton discours. Cf. Marchebeau et Galop, vers 274. 107 Par quel nom es-tu appelé ? Pernet ne comprend pas cette question banale et reste muet. Sa mère tente de sauver la situation. 108 Et pourtant. Les villageoises qui s’aventurent à user d’un terme « scientifique » se prennent toujours les pieds dans le râteau, comme la mère de Maistre Jehan Jénin : « De trologie et merdecine. » 109 LV transcrit phonétiquement la prononciation normande : say. La leçon de latin de Pernet qui va à l’escolle joue sur cette homophonie : « –“C”./ –Et ! j’ay le dyable si j’ay soif ! » Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin. 110 Une anse. 111 BM : Construise moy quia fecit — LV : construises moy quia fecy (« Caillette a vécy ! » La Résurrection Jénin à Paulme.) Comme au vers 219, le candidat a vessi, a pété. Le trac fait remonter à la surface tout ce qui était mal enfoui : le patois <v. 249>, le besoin d’alcool <v. 250>, le relâchement de l’anus <v. 253> ou de la vessie <v. 257>, la sexualité <v. 281>. 112 Par ma foi ! Même vers que 262. 113 À laquelle, mon ami… Pernet interrompt l’examinateur parce qu’il pense avoir enfin compris un mot latin : « aquam » = eau, urine. Or, le seul examen qu’il soit en mesure de réussir, c’est justement un examen d’urine. (Voir la note 256 d’André Tissier.) 114 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « asteure » : « De che qu’on fet et dit, asteure, dans Rouen. » La Muse normande. 115 Les clercs qui ont peur en perdent leur latin. Terrorisé par Pantagruel <chap. 6>, l’écolier limousin oublie son jargon universitaire et retrouve instantanément le patois de Limoges ; cet épisode a également une conclusion scatologique, qui est la réponse naturelle du corps à ce genre de stress. 116 BM-LV : dire oremus — Pernet donne ici le vers original, que notre plagiaire a sacrifié : Mais dieu il fault parler latin (La correction est de Tissier.) 117 Moi, vous voulez (que je parle latin) ? Les vers 264-7 reprennent les vers 202-5 de Pernet. 118 Voici déjà mon livre. 119 Disons : parle ! 120 BM-LV : Monsieur (Voyant que les choses se gâtent, la mère monte d’un degré dans la flagornerie.) Oremus = prions. 121 Les vers 269-277 reprennent les vers 138-146 de Pernet, où ce vers était justifié par celui qui le précédait : « Il y a long temps que le congnois. » Là encore, notre plagiaire a bâclé son travail. 122 BM : Et ie — LV : sy je 123 Le Per omnia du vers 120. La mère de cet autre futur pape qu’est Maistre Jehan Jénin n’aurait pas dit mieux : « On chantoit Perronnia/ À haulte voix. » 124 BM-LV : quant a 125 Voir la note 64 de Pernet. 126 BM-LV : le iasement — Pernet : cest assez iase (L’examinateur poursuit sa route ; Pernet marche à ses côtés.) 127 BM-LV : adire (Vas-tu avec moi ?) On prononçait à la française, et en l’occurrence à la normande : « Va, dis-mé con. » [Va, dis-moi « con ».] Le con désigne le sexe de la femme. On trouve la même astuce de collégiens aux vers 207-211 de Pernet, d’où proviennent les vers 279-283. 128 Paysan. C’est le monde à l’envers ! Dans Pernet, la mère traite de « villain » le professeur de son fils quand il lui enseigne la lettre Q. 129 BM : Vous auez parle — LV : parles vous — Pernet : Auous parle (Av’ous est la contraction normande d’avez-vous.) « Du con ma mère » est un génitif archaïque : du con de ma mère. 130 Je vais le lui dire. Pernet retourne vers sa mère, qui est restée au même endroit. 131 Le public du collège est masculin. 132 Les vers 284-5 reprennent les vers 214-5 de Pernet, dont le congé final attribue le spectacle aux collégiens : « Nous vous prions que, hault et bas,/ Pardonnez aux gentilz enfans/ De ceste ville ces esbatz/ Qu’ont voulu faire en passant temps. » 133 Autant les maîtres que les élèves. Le vers suivant est perdu. 134 BM-LV : Sans vous auoir (Ce tercet sera textuellement repris à la fin du Savetier Audin.) 135 Ce distique bâclé, dit par un personnage qui n’est plus censé être là, inspirera celui qui clôt le Savetier Audin : « Si vous trouvez voz femmes en tel cas,/ Donnez-les au dyable comme j’ay faict. » Le scribe du ms. La Vallière — et lui seul — ajoute comme d’habitude sa péroraison personnelle : « En prenant congé de se lieu,/ Une chanson pour dyre adieu ! » 136 Faute de savoir où le mettre, je colle ici un bout de farce sans titre dont il manque le début et la fin. Ce fragment de 84 vers se trouve dans le manuscrit fr. 904 de la Bibliothèque nationale de France, à la suite d’un Mystère avec lequel il n’a aucun rapport. Il nous en reste ce dialogue entre un Vilain [un paysan] qui veut que son fils fasse des études pour obtenir un diplôme de cardinal, et ledit fiston qui préfère garder les porcs. C’est peut-être la première apparition théâtrale d’un « enfant mis aux écoles » : ses éditeurs, D. W. Tappan et S. M. Carrington*, le font remonter au milieu du XVe siècle. *Deux pièces comiques inédites du manuscrit B.N. fr. 904. Romania, t. 91 nº 362, 1970. Pages 161-169. 137 Ms : il (Que tu goûtes à l’école : que tu y ailles au moins une fois.) 138 On me dirait que je fais partie des clercs. 139 De ton plein gré. 140 Ms : y 141 Je n’y consentirai pas. 142 Pendant cette pause, le père attrape son fils pour le mettre sur ses épaules. Jacob lui mord un doigt et refuse de le lâcher. 143 Ms : la mort (« À la mort ! À l’ayde ! À la mort !/ Ha, hay ! ha, hay ! hay ! Il me mord ! » Le Roy des Sotz.) 144 Ms : leues (Enlevez votre doigt de ma bouche.) 145 Le ms. n’est pas détérioré : c’est le copiste qui a omis un passage. 146 Tu ne m’auras pas comme cela, mon fils. 147 Marchandeur. Idem vers 27. 148 Ms : seres porter (Le scribe a une orthographe et une grammaire très personnelles.) 149 « Gnac ! » transcrit le bruit d’une morsure. (Cf. André de La Vigne, vers 11.) Jacob menace son père de le mordre à nouveau. 150 Il ouvre par terre un grand sac pour y enfermer son fils. On n’a pas attendu les Fourberies de Scapin pour mettre des acteurs dans un sac : cf. les Veaux, ou Janot dans le sac, ou Resjouy d’Amours, ou la Laitière, ou Cautelleux, Barat et le Villain. Le catalogue d’un libraire de Tours au XVe siècle mentionne la farce de Chascun qui mect Tout en son sac. 151 Je n’entrerai pas dans votre sac. 152 Même si tu avais juré le contraire. 153 Hurler. « Tu as beau huer. » Troys Gallans et Phlipot. 154 Hui, aujourd’hui. 155 Ms : en (Ribon, ribaine = De gré ou de force. C’est le nom d’un arriviste dans Pates-ouaintes.) 156 Cette didascalie est notée dans la marge gauche du distique suivant. Le père jette sur son épaule le sac entrouvert, d’où émergent la tête et les mains de Jacob. 157 J’ai un point de côté. 158 Ms : conpte 159 Petit sire ? Idem vers 63. Ce mot rime avec Jaco. 160 Je vais uriner dans votre bouteille, qui est au fond du sac. 161 Ms : por (Par les oreilles.) 162 Ms : mal (Un courtaud est un chien – ou un cheval, ou un voleur – auquel on a coupé les oreilles. « Le courtault gris qui ast les aureilles couppé. » Guillaume de Nassau.) 163 Un fait, une action. Dessous, le ms. répète dans la marge gauche la didascalie : Icy le prant jacob pour les orelles 164 Renoncez à cela. 165 Ms : vouldres (Le Vilain tutoie presque toujours son fils.) 166 Me tenez-vous quitte ? Cf. le Poulier à sis personnages, vers 699. 167 Vers manquant. Le Vilain pose le sac, et Jacob s’en extirpe. 168 Déchirées. 169 Mon argent. « Les diz Anglois avoient esté bien paiéz de leurs gaiges et souldées. » ATILF. 170 Il faut le bercer de paroles. Le point faible de tous les Badins, c’est la gourmandise. 171 Ms : prie (« Je te suply, ayons ta femme ! » Le Savatier et Marguet.) 172 Ms : jay (Être inscrit au rôle : être sur la liste.) Dans D’un qui se fait examiner (v. ci-dessus), la mère voit déjà son fils évêque ou pape. 173 Cela ne m’importe pas plus que deux grains d’ail. 174 Sois d’accord avec moi. « Je suys de vos acors. » Troys Gallans et Phlipot. 175 Mot inconnu. S’agit-il d’une boisson pétillante ? Dans le même esprit, l’argot des gargotes a baptisé « roteuse » la bouteille de champagne. Mais peut-être faut-il lire bouteillette, comme au vers 77. 176 Des noix à flac, en quantité. « Monsieur de Sic-Sac,/ Lequel a des escutz à flac. » Légier d’Argent. 177 Emplissez mon sac avec ce que vous m’avez promis. 178 Ma petite bouteille de rotiette (note 175). Cf. l’Amoureux, vers 209. 179 Va à l’école d’un bon pas. 180 Mets peine, applique-toi. 181 Pour faire de toi un clerc. 182 Je vous recommande à Dieu. Cf. le Munyer, vers 118. 183 Vers manquant. Je le restitue d’après les vers 48-49. La rubrique suivante montre que la farce n’est pas finie. Au prochain folio commence la Moralité novelle de la Croix Faubin, copiée par la même main, et elle aussi incomplète.