MAISTRE JEHAN JÉNIN
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MAISTRE
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JEHAN JÉNIN
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Beaucoup de farces raillent des fils de paysans qui s’évertuent à bafouiller du mauvais latin pour devenir papes ou cardinaux. Jehan Jénin est parvenu — grâce à des professeurs et des examinateurs aussi nuls que lui — à boucler des études labyrinthiques qui ont transformé ce lourdaud en fou : il ne peut plus distinguer la science de la superstition.
Cette farce de collège fut écrite en Normandie peu après 1510.
Source : Recueil Trepperel, nº 32.
Structure : La plupart du temps, les rimes ne sont que des assonances.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
Maistre Jehan Jénin
Composée de la comette de Flandres
et des songes de sa mère.
[ Maistre Jehan Jénin,
vray ]1 prophète.
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À deux personnages, c’est assavoir :
LA MÈRE [Jaquette]
et son filz, MAISTRE JEHAN JÉNIN. Et ségnéfie les songes sa mère2.
*
SA MÈRE commence 3 SCÈNE I
Las ! mousieur4 maistre Jehan Jénin,
Mon doulx filz, mon petit musequin5,
Mon goguelu6, toute ma joye :
Où est-il ? Se je le tenoye,
5 Mon cueur seroit tout consolé.
Las, Dieu ! Où pourra-il boute[r]
Sa science, cest enfant-là ?
Il en est tout plain, hault et bas,
Puis7 la teste jusqu(es) au[x] talons.
10 Je ne sçay comme le pouvre8 homs
N’a crevé parmy sa boudine9.
De trologie10 et merdecine,
Il en scet ce qu’il est possible11.
[Et] il a tourné, de sa bible,
15 Tous les fueille[t]z bien quatre fois12.
Et si, a [leu trois]13 fois les Lois.
Dame ! il se boute tant parfond14
Que l’on ne peult trouver le fons
En la science où il se boute.
20 Je doubte15… Je doubte… Je doubte
Et crains fort, maistre Jehan Jénin,
Qu’il ne soit fol, en la parfin16.
Il scet ses Ars relibéraust[z]17,
Et tout au long [ses Daudrinaulx]18,
25 Ses Principes19, ses Bucquenicles20,
Et son Chaton21, et sa musicle :
Son ré my fa joucque22 au plus hault.
Tredille ! latin [n]e luy fault23.
Tant chante hault son my fa la,
30 Il fait tout trembler çà et là.
Quant il veult décliner sa voix,
Ma foy, il feroit24 plus, trois fois,
Que les docqueteurs de Paris25.
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MAISTRE JEHAN JÉNIN 26 SCÈNE II
Que mon esp[e]rit est ravy27
35 (Bénédicité Dominus28)
Que Flandrions [cauda eius]29…
Dieu ! je ne sçay [plus] où je suis ;
[Et j’ay tel soif que plus n’en puis,]30
Tant spécule parfondément,
40 De mon agu31 entendement,
Cométa septentrionis32.
La comette où je m’estudie33
A34 ses significations :
Elle[s] monstrent35 que les oysons
45 De Flandres menront36 les oy[e]s pestre.
Et l’on donneroit à leur maistre,
À taster37, d’ung bordeaulx38 d’Espaigne.
Et qu(e) une vache auroit grant peine
À veller deux veaux en ung coup.
50 Et que j’aurois trois fois la toux39
Et la foire avant que mourir.
Et qu(e) une souris40 fait son ny
Dens41 le lit ma mère, de feure.
Et que ceste année, le beure
55 Sera moult [cher, aussi moult fade]42.
Ma mère mourra bien malade43 :
N’esse pas terrible besongne ?
Pour bien entrepéter44 ung song[n]e,
Je suis maintenant ung prophète.
60 On peult bien congnoistre à ma teste
Que je suis grant homme de sens45,
Et fais de l’honneur largement
À ma mère. Or çà ! que diront46
Les voisins, quant ilz me verront ?
65 Dieu ! le curé n’aprochera
D(e) une lieue, quant [il] me verra
Sur mes patins47 si hault monté,
[Où] je tiendray bien gravité48.
[Le gibet le puist]49 corrigier !
70 Mais50 qui m(e) osera approcher,
Puisque je suis digne prophète ?
Ma mère, ferez51 grosse feste.52
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Ha ! ma mère, n’aprochez53 point ! SCÈNE III
Dieu vous gard, ma mère, de loing !
LA MÈRE
75 Mon doulx filz…
FILIUS 54
A ! vieille dannée55,
Si vous n’estes bien confessée,
Ne me touchez ! Je suis prophète.
Dea ! regardez bien que56 vous faictes.
À qui vous cuidez-vous jouer ?
LA MÈRE
80 Prophète, mon filz ?
FILIUS
Sans doubter.
LA MÈRE
Mon filz, mon enfant, ma substance :
Pardonnez ma povre ignorance !
Pas ne sçavois la dignité57.
FILIUS
Dame ! si vous m’eussiez touché,
85 Les ongles vous fussent tous tombéz.
LA MÈRE
J’é tousjours dis que [vous] seriez,
Une fois, ung grant personnage.
Vous estes de noble lignaige
Et, [du] tout58, du sang de l’Église.
90 Pour sçavoir la génialogi[s]e59,
Vostre père et moy fûmes enfans
De deux curéz riches et puissans.
Mon père estoit filz d’ung abbé,
Et cest abbé fut engendré
95 D’ung évesque trèsbon preudhomme
Qui fut filz du pape de Romme.
Vélà la généalogi[s]e.
S’esbahyt-on60 sy, en l’Église,
Vous estes si [très] hault monté ?
FILIUS
100 Je vien d(e) Égipte, où j’ay esté
Crestien, e[t] sarasin, et juif,
Ma mère, tout en une nuyt.
Je suis devin en te[l]s besongnes,
Et sçay entrepéter les song[n]es
105 Et dire qu’i ségnéfécie61.
LA MÈRE
Dictes-moy, mon filz, je vous prie :
En ce pays62 où avez esté,
Qui vous aprint à exposer
Les songes ?
FILIUS
Folle que vous estes !
110 Et ! je l’é apris de ma teste.
LA MÈRE
Mon filz, ne vous couroucez pas !
FILIUS
Ha ! ma mère, non foi-ge63, dea.
Mais vous [n’estimez la comette]64,
Et avez des questïonnette[s],
115 Dieu, je ne sçay à quel propos !
LA MÈRE
Dictes-moy, mon filz, quatre motz :
Que ségnévécie65 la comette ?
FILIUS
« C’est bien dit, ma mère Jaquette66 ! »
LA MÈRE
[Mon filz, mon enfant67], je vous prie :
120 Dicte-moy que signéfécie.
FILIUS
Signont belloront mulloront 68 :
C’est que « belles mulles » seront,
Inter Principès69, de grant pris.
C’est-à-dire qu(e) à ce Lendit70,
125 « Belles mulles » se vendront bien.
LA MÈRE
Dame ! mon filz, je vous croys bien :
Chascun veult71 mulles ou mulons.
Et bien souvent, les asnes vont
Sur mulle(s), et souvent sur72 ânesse.
130 Venez çà, mon filz : quel signe esse ?
FILIUS
Que les ânes domineront,
Et que jeunes ânes seront
Tousjours les maistres de l’Église73.
LA MÈRE
Mon enfant, vostre prophécise
135 Est maintenant vérifiée :
Car l’Église est toute enmerdée
De ces jeunes enfans mittréz
Qui ne font sinon [que] menger
Les offrandes du crucifiz74.
140 Entandez-vous cela, mon filz ?
FILIUS
Dame ! Auxi, il ségnéficie
Que vous aurez une abbaïe,
Si n’y avoit empeschemens,
[Bien] que d’aulcuns qui en tiennent trois75.
LA MÈRE
145 Se m’aidieux, mon filz, je vo[us] en croys !
Ilz font pause76.
…………………………………..
FILIUS
La vertu saint Gris ! c’estes mon77.
Cométa signon vent oront 78 :
Signe est que je seray malade
Du ventre, se je ne m’en garde.
150 Et pleuv(e)ra souvent au matin
— [Et plura multum]79, en latin.
Ce80 sera grant[z] ventations
Venans de soubz les pellissons81
[De ces]82 jeunes filles fardée[s].
155 Aussi, sy les grandes gell[é]es
Ampongne[nt]83 voz povres talons,
À Dieu qu’a[ille]nt les mulorons84 !
Et aussi, [dis] qu(e) ung coq chastré
Ne pondra jamais en esté,
160 Ma mère, dedans ung panier85.
Or, sus avant, pour abréger !
Dicamus : secondum signont 86,
Dame, c’est mortis principium87.
C’est que mouront ces principaulx
165 [Quant ilz feront]88 mettre des eaulx
Par messïeulx les despensiers89
Au vin des povres escoliers :
Ilz mouront plus dru qu(e) estincelles !
Aussi mouront ces damoyselles
170 [S’elles teignent]90, le samedy,
Leur chemise(s) [de] diamerdi 91,
Bien par-derrière ensafrenée92.
Item, dénote ceste année :
Dicamus : aliud signont 93
175 Érat mutatio légont 94.
On dit que les « moutons liront »,
Au[x] champs, des leçons au[x] brebis.
Le pasteur a prins et ravis
À ceulx de Paris la pasture ;
180 Dieu n’en di[t] mot de la jacture95.
Moutons, puisque chastréz seront,
Jamais brebis ne menderont96.
Et quant les brebis vont au[x] champs,
La première est97 tousjours devant,
185 Icelle mesme, en sa parsonne98.
Pour cause que cler(s) mot ne sonne99,
Les Folz disoi[e]nt la vérité,
Qui estoit cause de garder100
De faire [des trafiqs beaucoup]101.
190 Quant brebis rongneuse102 a la toux,
Ma mère, qui est morfondue103,
Pour bien la guérir, on la tue ;
Jamais, depuis104, ne toussira.
Et aussi, pour guérir ung chat105
195 De collérique passion,
Lui fault les tripes d’ung siron106,
Au matin, à son desjuner.
Dame ! vélà que j’é107 trouvé
En spéculan[t] à la comette.
200 Or [sus, sus]108, ma mère Jaquette !
Despêchez-vous tost de parler,
Car je vous vueil entrepéter
Vostre109 songe que ségnéfie.
LA MÈRE
Hélas ! mon filz, je vous en prie.
205 [La nuyt]110 que fustes engendré,
Sur ma foy, mon filz, j’é songé
Que j’avoys le ventre rempli
Et tout enflé de let boully111.
FILIUS
Il ségnéf[ic]ie la clergie
210 De quoy j’ay la teste remplye :
Que de médicinnacions,
Et de Loix et décrétorons112,
De musicle et de trologie,
Et [de] toute granmairerie113 !
LA MÈRE
215 Puis après ung petit tantet114,
J’é songé [qu’au ciel on]115 chantoit
Perronnia116 à haulte voix ;
Qu’esse à dire ?
FILLIUS
Que je seroys
Ung gros chanoine ou ung abbé,
220 Ou quelque moine ou gros curé,
Je ne sçay lequel ce sera.
LA MÈRE
Mon enfant, on escorchera
Nostre veau pour faire une aumusse.
FILIUS
C’est ce que je demande, [ou capuce117] :
225 Rien ne me sera mieulx loisible118.
LA MÈRE
Puis [j’ay] songé chose terrible,
Et fut [le] lendemain des nopces :
[C’est] que j’avois mittres et croces119
[Tout] enmy mon ventre, de bois120.
FILIUS
230 Dame ! Ma mère, à ceste fois,
Je seray évesque, c’est fait.
Le songe que vous avez fait
Tout au long le signéficie.
LA MÈRE
Et puis après, je vous affie,
235 Ung jour que j’estoye toute nue,
Je cuydoye estre rouge vestue,
Et que j’avoys ung grant ch[a]ppeau.
FILIUS
Dame ! Je seray cardinal [nouveau121],
C’est fait. Tost, tost ! [allez], ma mère,
240 Bride[r] vostre vache lectière :
Et monteray sus à cheval.
LA MÈRE
Mon filz, vous serez cardinal ?
FILIUS
Da122 ! je vous feray grosse abbesse123,
Et vous feray chanter la messe
245 Pour le bien (ma mère) publicque124.
LA MÈRE
[Et] fauldra-il que je m’aplicque
À dire la grant Évangille,
L’espître, vespres, et Vigille
Et tous125 ses petitz respondrez ?
FILIUS
250 Vous direz ce que vous vouldrez.
LA MÈRE
Puis après cela, j’é songé ;
Et me sembloit que je véoys126
Ung vieillart barbu enchappé127
Qui tenoit une grosse clef.
FILIUS
255 Tredille ! ma mère, c’est fait :
Je seray [ung] pape parfait.
Plus ne me fault qu(e) aller à Romme128.
LA MÈRE
Pape ? Pape ? Comment ?
FILIUS
En somme,
Je le seray jusqu(e) ou talon129.
260 Mais allez au sarrusier130, donc,
Pour [me] faire une grosse clef.
LA MÈRE
Pape ? Pape ? Quoy ? Bénédicité !
FILIUS
Vous distriburez les pardons131.
LA MÈRE
[Qui], moy ? Je confesseray dons ?
FILIUS
265 Je vous en donneray la puissance
De donner des pardons cinquante,
Ma mère, à nostre jeune oyson.
[LA MÈRE]
Et aussi à nostre viel chapon
À qui je crevay les deux yeulx132 ?
[FILIUS] 133
270 Nous aurons qui134 vauldra bien mieulx :
Quelque péché que nous fassions,
Tout droit en Paradis yrons,
Aussi droit comme une faucille135.
LA MÈRE
Rien ne vous sera impos[s]ible.
FILIUS
275 Da ! ma mère, je vous pardonne
Et absous136 tous péché[z], en somme,
Que vous commettrez137 à jamais.
LA MÈRE
Grant mercis, mon filz, mille fois !
FILIUS
Il y a bien « Moussieulx », pour vous138 !
LA MÈRE
280 A ! merde139 ! Je [l’]oublie tousjours.
Pardonnez-le-moy, s’i vous plaist !
FILIUS
Or là, de par Dieu, c’est bien fait.
La clef n’est elle pas encore faicte ?
Le sang bieu ! si je romps140 ma teste…
285 Pape ne seray de ma vie ?
Je perdray la papeterie141
(De par le grant dyable d’Enfer)
En deffault d’une clef de fer ?
Je suis presque tout enragé !
290 Mais n’avez-vous plus rien songé142 ?
Dicte la vérité, ma mère !
LA MÈRE 143
Après, j’é songé que saint Pierre
Estoit tumbé de Paradis.
FILIUS
Le [grant] dyable ayt part du sainct Gris144 !
295 Vélà perdu la papaulté145.
Le gibet146 vous faisoit songer
Ce maleureulx songe meschant !
Tout est bien perdu, maintenant.
C’est fait, je ne seray point pape.
300 Peu ne me tient que ne vous frappe !
C’est par vous que cella se pert.
LA MÈRE
Non est, mon filz !
FILIUS
Et ! il apert147.
LA MÈRE
Non est, mon filz ! [ Puis j’ay songé
Que le chappeau s’est envolé
305 D’ung coup de vent.148 ]
FILIUS
Encore pis !
Vélà maistre Jehan Génin fris149 :
Je ne seré point cardinal.
LA MÈRE
Puys j’é songé que de son cheval
Estoit cheut évesque et curé.
FILIUS
310 Trésdame ! vé-me-là gelé150 :
Je n’auré cure n(e) évesché.
Par le sang bieu ! je m’en voys prescher
La foy catholicque aux payens151.
Jamais ne reviendré cëans,
315 Et ne me verrez de ma vie.
Adieu, adieu !
LA MÈRE
Je vous [en] prie,
Faicte[s à] moy relation152
De tous vos biens qui153 demour[r]ont.
FILIUS
Je vous lairray154 mes Buquenicles,
320 Mon Daudrinal et mes Cronicles,
Et Pérot155 en gouvernement.
LA MÈRE
Mon filz, j’estudiray gramment156
Aussi bien que vous avez fait.
FILIUS
My Dieu ! ma mère, c’est bien fait.
325 Faictes-en [à] vostre appétit.
Et me baillez du papier ung petit157
Pour vous en escripre la lettre.
LA MÈRE
Tenez, mon filz.
FILIUS 158
Que fault-il mettre,
Ma mère, tout premièrement ?
LA MÈRE
330 Mon filz, escripvez gentement :
« Moy159 parlan[t] en propre160 personne. »
Et boutez : « Tout premier161, je donne
Mes Principes162 et mon Donnes[t],
Aussi mon petit Chatonnet163,
335 À vous, ma mère, [et] mes Cronicles,
Mon Dodrinal et Bucquenicles.
Item, je donne… »
FILIUS
Je vous avez grant tort :
Pas ne puis escripre si tost164.
Or là, de par Dieu ! Nomme[z] : qu’esse ?
LA MÈRE
340 Or, boutez : « Item, je vous laisse… »
FILIUS
Dictes165, ma mère, où [vous alez]166.
LA MÈRE
Nulle part, mon filz. Escrive[z] :
« Item, je laisse à ma mère
[Très]tous les signes de la spère167
345 Et [très]tout[e] l’astrologi[s]e. »
FILIUS
Je n’auray168 donc une chemise ?
LA MÈRE
« Mon Ypocras je luy rasine169,
Et mes livres de me[r]decine :
Aviscéna et maistre Alain170. »
FILIUS
350 Tredille ! Cecy est tout plain ;
Il [me] fault tourner le f[u]eillet171.
LA MÈRE
« Je luy laisse mon Theodolet172
Pour [fouetter ces]173 petis garsons.
Puis au[r]a mes décrétorons,
355 Et ma phisicle, et les Ars,
[L’Embouchoir des maistres en Ars,]174
Cométa septentrionis,
Et mon libvre où sont mes per[mi]s175,
Qui sont gros comme ung manuel176.
360 Cy mis le jour sainct Manuel177. »
Prou178 vous face, ne vous desplaise,
Vous estes icy tout à vostre ayse179.
Preut vous face, ne vous derplaise !
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EXPLICIT
*
1 T : Vary (Ce long titre est un placard publicitaire de l’éditeur, qui accumule tout ce qui peut attirer les acheteurs friands de merveilleux.) 2 Il explique ce que signifient les songes de sa mère. Les formes dialectales ségnéfier et ségnificier reviennent aux vers 105, 117, 120, 141, 203, 209, 233. 3 Cette paysanne veuve met tous ses espoirs dans son fils, qui vient d’obtenir ses diplômes. Elle est chez elle, seule : Jénin est en voyage. 4 Forme normande de « monsieur ». Idem vers 279. 5 Jeune galant. Cf. les Rapporteurs, vers 59. 6 Godelureau. Cf. la Pippée, vers 377. 7 Depuis : de la tête aux pieds. 8 T : pourre (Le pauvre homme. « Au povre homs qui se meurt de fain. » Les Premiers gardonnéz.) Homs se prononce on : voir les rimes 306-7 de Saincte-Caquette. 9 Par sa bedaine. Le prêcheur du Sermon pour un banquet est si plein de savoir qu’il formule la même crainte : « Ou je crèveroys par le ventre. » 10 T : trologue (Voir le vers 213.) D’astrologie et de médecine. « J’ay despendu [dépensé] tout mon argent/ En merdesfines. » (Miracles de sainte Geneviève.) Dès que la mère se risque à user d’un terme technique, elle le déforme. Sur ce procédé théâtral indémodable, voir la note 58 du Vendeur de livres. 11 Tout ce qu’il est possible de savoir. 12 Cela ne veut pas dire qu’il les a compris. 13 T : bien quatre (Réminiscence du vers précédent.) Et aussi, il a lu trois fois le Digeste. 14 Il s’y plonge si profondément. 15 Je redoute. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 233. 16 À la fin. 17 Ses Arts libéraux : il est donc maître ès Arts, en plus d’être juriste et médecin. 18 T : fes dandrinaulx (Voir le vers 320.) Ses doctrinaux, et particulièrement le Doctrinale puerorum d’Alexandre de Villedieu, que les Femmes qui aprennent à parler latin citent à deux reprises. 19 T : princeps (Je corrige la même latinisation intempestive à 333.) « Principes et Caton construyre. » Le Maistre d’escolle. 20 Les Bucoliques de Virgile. Idem vers 319 et 336. 21 Les distiques moraux qu’on attribuait à Caton. Idem vers 334. 22 T : ioucques (Il juche. C’est un verbe normand : « La pie est jouquée. » La Muse normande.) 23 Le latin ne lui fait pas défaut. Le juron « tredille », euphémisme pour « Notre Dame », revient aux vers 255 et 350. 24 T : soit (Il ferait trois fois plus de bruit.) 25 Que les docteurs en théologie de la Sorbonne. 26 En tenue de voyage, il s’approche de la maison, les yeux plongés dans un livre. 27 Exalté, transporté. 28 Cette prière précède le repas ; voilà pourquoi c’est tout le latin que Jénin peut réciter sans erreur. 29 T : candacius (« Flandrium cauda eius » : La queue de la comète des Flandres. « Cur cauda ejus præcesserit cometam ante oppositionem cum Sole. » Ephemerides eruditorum.) En 1456, le passage de la comète de Halley avait suscité une avalanche de déclarations apocalyptiques*. Pour la Belgique, voir par exemple la chronique de Pierre Impens, au chapitre intitulé : Cometes in cœlo videtur, et terræ motus fiunt. *L’Apocalypse de Jean fait appel aux mêmes images : « Cauda ejus trahebat tertiam partem stellarum cæli. » 30 Vers manquant. J’emprunte le vers 878 du Pourpoint rétréchy. Sur la soif des collégiens, voir les vers 165-7. 31 Aigu, pénétrant. 32 C’est le titre du livre, aujourd’hui inconnu, qu’il tient à la main. Idem vers 357. 33 T : suis (Réminiscence du vers 37.) À laquelle j’applique mon étude. « Je m’estudie aus choses qui luy sont moins familières. » (Pontus de Tyard.) Nous dirions aujourd’hui que Jénin « tire des plans sur la comète ». 34 T : Et (Le ms. de base devait porter « & ».) 35 T : monstroient 36 T : mendont (Mèneront. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 51 et 340.) « Les oisons mainnent les oes paistre. » Farce de Pathelin. 37 T : t astes (À boire. « Qu’il puist prendre ceste bouteille/ Et en taster. » L’Amoureux.) 38 T : morceaulx (Du vin de Bordeaux. Les vers 44-57 rendent compte des bouleversements que le livre de présages concernant la comète a provoqués dans le cerveau fragile de Jénin.) 39 T : taux (La coqueluche, dont une grave épidémie avait sévi en 1510. Cf. le Faulconnier de ville, vers 31 et note.) La foire désigne la diarrhée. 40 T : sourir 41 T : Dedens (Dans le lit de paille de ma mère.) Jénin, dont la syntaxe n’est pas meilleure que le vocabulaire, commet un janotisme : le lit de ma mère de paille. Nous en verrons d’autres. 42 T : enchantant (Les parodies de pronostications jouent sur les truismes : « Ceste année, les aveugles ne verront que bien peu, les sourdz oyront assez mal, les muetz ne parleront guières. » Rabelais, Pantagruéline prognostication.) 43 Si elle est très malade, elle mourra. C’est encore un truisme. 44 Interpréter. Jeu de mots involontaire sur « péter » ; idem vers 104 et 202. Songne = songe ; idem vers 104. 45 T : bien (De bon sens.) Jénin est un rôle de Badin ; il porte donc un bonnet d’enfant, qui est rarement la coiffure d’un « homme de sens ». 46 T : dirons (Je corrige verrons à la rime.) 47 Semelles de bois qui isolent les chaussures du froid et de la boue, et qui permettent à celui qui les porte de gagner quelques centimètres en hauteur. 48 T : gratuite (Il y a un « t » de trop.) J’affecterai une attitude grave. « Je tiendray gravité, ma foy ! » Le Porteur de pénitence. 49 T : Que gibet ie suis (Dans les imprécations, le gibet désigne le diable, comme au vers 296. « Le gibet me puisse confondre ! » Le Raporteur.) 50 T : mes 51 T : me seres vous 52 Jénin entre, et arrête sa mère qui veut l’embrasser. 53 T : naprocher (Ailleurs, je corrigerai tacitement cette manie qu’a Trepperel de confondre l’infinitif et le participe passé.) 54 Le fils. Étant prophète, il est dorénavant nommé en latin. Il faut dire que son nom n’est guère gratifiant : Jean et Jénin désignent traditionnellement des nigauds. Cf. Jehan qui de tout se mesle et Jénin filz de rien. 55 La mère est « vieille d’années », son fils la traite de « vieille damnée ». 56 Prenez bien garde à ce que. 57 La dignité que Dieu vous a transmise. 58 Totalement. 59 Votre généalogie. La mère écorche de nouveau ce mot savant au vers 97. 60 T : Cestesbaye ton (Peut-on s’étonner.) 61 T : segneuecie (Ce que les songes signifient. Voir la note 2.) 62 Les Normands prononçaient parfois « pè », en une syllabe : cf. Pates-ouaintes, vers 11 et 165. Dans une farce un peu scatologique, cela ne nuit pas. 63 Non fais-je : je ne me courrouce pas. 64 T : estes tant sotellete (Il faut que la mère entende parler de cette comète avant le vers 117.) 65 Que signifie. La mère déforme ce mot compliqué, produisant un jeu de mots involontaire sur vessi [pété] : cf. la Bouteille, vers 112. 66 L’auteur emprunte le vers 43 du Cuvier, une farce qu’il connaît bien. La mère de Jénin se nomme donc Jacquette, comme la mère de Jénin filz de rien. T anticipe dessous les vers 121 et 123 : Que sont bellorontmulloront / Inter principes 67 Je comble cette lacune d’après le vers 81. 68 Prononciation à la française, et fautive pour le dernier mot, de « signum bellorum multorum » [signe de beaucoup de guerres]. On croyait que les comètes annonçaient une guerre : « Hoc signum fuisse multorum bellorum. » (De Prognosticis cometarum.) Jénin lit mulorum au lieu de multorum, puis traduit « bellorum mulorum » par « belles mules ». Tabourot compilera de semblables calembours de collégiens dans ses Bigarrures : « Flandria divertens » = « Flandre y a divers temps ». Voir aussi les calembours franco-latins qui ornent le Sermon de la choppinerie, ou le Moyen de parvenir. 69 Parmi les princes. 70 T : lundi (Célèbre foire de Saint-Denis ; les paysans normands venaient y vendre ou acquérir des animaux. « J’achetté une vache/ Dernièrement à ce Lendit. » Trote-menu et Mirre-loret.) Le Lendit se tenait du 11 au 24 juin ; or, d’après le vers 360, nous sommes le 17 juin. 71 T : vous (Mulon = mulet. « Quar ce qui est bon à mulon,/ Si n’est pas bon à estalon. » ATILF.) 72 T : les (Les professeurs de théologie de la Sorbonne. Lesdits sorbonagres [onagre = âne sauvage], qui passaient pour des ânes, se déplaçaient à dos de mule. L’ânesse désigne leur concubine.) 73 Jénin compte bien profiter de cette corruption, comme le clerc Johannès dans Science et Asnerye. 74 « C’est un des pointz qui contrainct les enfants,/ Souventes fois, tenir le lieu des saiges./ Lesquelz mittréz, à dire à brefz langaiges,/ Sont inclinéz auprès le cul des dames./ Par quoy, souvent, en choses très infâmes/ Est employé l’argent du crucifix. » Pronostication d’Habenragel. 75 Les abbés commendataires encaissaient les bénéfices de plusieurs abbayes. Cf. les Sotz ecclésiasticques. 76 T : panse (Cette pause fut introduite par l’éditeur pour masquer une importante lacune ; on a peut-être censuré des attaques trop vives contre la corruption du haut clergé.) À la reprise, le vers 146 répond à une question qui est perdue. 77 Vous l’êtes. « Mon » est une particule de renforcement : « Se suys mon, se suys mon ! » Le Maistre d’escolle. 78 Prononciation à la française de « cometa sit signum ventorum ». (Aristote, Liber meteorum.) Jénin traduit le dernier mot par « vent aurons » : nous péterons. 79 T : Quem terra ponthus (Cette hymne est nommée au vers 230 d’Un qui se fait examiner. Malheureusement, ces trois mots ne débouchent sur aucune traduction digne de Jénin.) « Et plura multum » est le début d’une phrase du Liber conformitatum, de Barthélemy de Pise. Cette hagiographie grotesque a fait crouler de rire plusieurs générations de collégiens ; on finira même par en tirer un pamphlet, l’Alcoran des Cordeliers. Nul doute que Jénin aurait traduit « et plura multum » par « et il pleuvra beaucoup ». 80 T : de 81 De sous la pelisse, la cotte. 82 T : Et ses (Les filles fardées sont des prostituées.) 83 Empoignent, attaquent. 84 Que les mules aillent au diable ! (Mulorum est le génitif pluriel de mulus : mulet.) Le froid provoque une mule au talon, une engelure : « Nous aurons chascun une mule/ Aulx talons. » Le Monde qu’on faict paistre. 85 T : pagnez (Je corrige aussi abregez à la rime.) Les poules — et non les chapons — peuvent pondre dans un panier rempli de paille. Janotisme : ma mère dans un panier. Les spectateurs ont aussi pu comprendre : ma merde dans un panier. 86 Nous disons que le second signe. « Secundum signum est quod sol (…) videtur coloris albi et non ignei. » Thomas d’Aquin, Sententia super meteora. 87 T : principius (Pour une fois, la faute de latin revient à l’imprimeur : ce mot rime en prinsipion.) « Cometa quare putatur potius esse signum mortis principium. » (Thomas d’Aquin, Sententia super meteora.) Jénin traduit : la mort des principaux de collèges. 88 T : Que ne font point 89 Les responsables de la « dépense » du collège, pour faire des économies, versent de l’eau dans le vin : « Celluy qu’on boyt en la despence/ Est bien aultrement baptizé [mouillé d’eau]. » Te rogamus audi nos. 90 T : Celle nent (Si elles tachent. On dansait beaucoup le samedi, et les étudiants en profitaient pour draguer les danseuses.) T ajoute sous ce vers : pansa. vous estez aussi digne vraymẽt 91 De merde. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 180 et note. 92 Ensafranée : jaunie d’excréments. 93 Nous disons qu’un autre signe. « Aliud signum est. » Thomas d’Aquin, Sententia super meteora. 94 Il y avait un bouleversement des lois. Encore une calamité qu’on attribuait aux comètes : « Visi fuerunt tres cometæ ; & post apparitionem illorum, immediate sequebatur mutatio legum. » (Pierre Tartaret.) Se souvenant inopportunément du verbe legunt [ils lisent], Jénin traduit « mutatio legum » par « les moutons lisent ». Espérons qu’ils lisent mieux que lui… 95 De cette perte. 96 T : demenderont (Mander = faire venir.) 97 T : va 98 Elle-même, en personne. La suite est rédigée dans le plus pur style « sibyllin » ; elle recèle des allusions locales que les collégiens rouennais de 1511 pouvaient comprendre, mais qui demeurent pour nous bien hermétiques. 99 Parce que je ne prononce pas un seul mot clair. Jeu de mots sur les « clercs », les collégiens, qui faisaient dire leurs vérités par les Fols des sotties, n’ayant pas le droit de les dire eux-mêmes. 100 D’empêcher. 101 T : be aucoup de trafique (Allusion aux trafics de reliques et d’indulgences, qui empoisonnaient alors l’Église. « Il court tant d’abus et trafficques. » Saincte-Caquette.) 102 Galeuse : atteinte de la fameuse clavelée, qui sert d’excuse au berger de la Farce de Pathelin pour manger les brebis saines de son patron. 103 Elle qui est enrhumée. Nouveau janotisme : ma mère qui est enrhumée, on la tue. 104 T : da puis (Jamais plus, après, elle ne toussera.) 105 T : cheat 106 D’un ciron, d’un acarien. Ces notations minimalistes sont appréciées : « Vélà encor les trippes/ Des poux qu’as maintenant tuéz. » Les Coquins, F 53. 107 Voilà ce que j’ai. 108 T : sur sur 109 T : Vng (Je veux vous interpréter ce que signifie votre songe.) 110 T : Lanny 111 De sperme. Cependant, le lait bouilli est un des ingrédients de la littérature prophétique : « Et puis neigea du lait bouilly. » (Les Quinze grans et merveilleuz signes nouvellement descendus du ciel, T 26.) Plus prosaïquement, les médecins conseillaient de nourrir les fous avec des produits laitiers : voir la note 80 de Mahuet. 112 De la Summa decretorum. Idem vers 354. 113 T : granmuerie (De grammaire.) 114 Après un peu de temps. 115 T : que lon 116 « Et chante le Per omnia. » Pernet qui va à l’escolle. 117 Lacune. L’aumusse est le capuchon fourré que portent les prêtres. La capuce est le capuchon en pointe des capucins ; mais c’est parfois le bonnet à oreilles d’ânes qui coiffe les Fols. 118 T : propice (Plus convenable. « Il seroit mieulx loisible de traitier la manière de faire à plus petit nombre de gens. » Registres des consaulx de Tournai.) 119 La mitre est le chapeau d’un évêque, la crosse en est le bâton pastoral. Dans Colinet et sa Tante, l’écolier débile qui sait « du latin pleine game » affirme avoir « bonne main pour tenir croce/ Et teste assez pour porter mittre ». 120 Des crosses de bois dans mon ventre. Nouveau janotisme : dans mon ventre de bois. 121 Lacune. « Et plus n’attendoit, en effect,/ Qu’estre cardinal nouveau fait. » Octovien de Saint-Gelais. 122 T : Dame (Voir le vers 275.) 123 T : feste (Je ferai de vous la supérieure d’une riche abbaye.) Allusion au Miracle de l’abbesse grosse, où une mère supérieure se laisse engrosser par un clerc. On peut donc comprendre : Je vous mettrai enceinte. 124 Pour le bien public. Janotisme : pour le bien de ma mère publique. La mère supérieure devient dès lors une mère maquerelle… 125 T : tout (Les Vigiles alternent des chants et des répons, que Jacquette nomme des répondrez. « Chantes, mère : nous respondrons. » Les Vigilles Triboullet.) 126 Que je voyais. 127 Vêtu d’une chape pontificale. 128 L’étudiant de Colinet et sa Tante se voit lui aussi « pape de Rome ». La mère de Pernet qui va à l’escolle juge que son abruti de fils « seroit digne d’estre pape », de même que celle d’Un qui se fait examiner pour estre prebstre. 129 De la tête aux pieds. Voir le vers 9. 130 Chez le serrurier. Un nouveau pape hérite des clés de saint Pierre. 131 Des indulgences. 132 On aveuglait les chapons après les avoir châtrés, puis on les enfermait dans une « mue », une cage, afin de les engraisser. 133 T : la mere 134 Quelque chose qui. 135 Par des voies sinueuses. C’est le vers 280 du Messager et le Villain. 136 T : a vous 137 T : commettray 138 Appelez-moi « Monsieur ». Là comme ailleurs, Jénin est très influencé par la prononciation dialectale de sa mère, qui dit « Mousieur » dès le vers 1. 139 T : garde (Jacquette est à l’aise dans le registre scatologique : voir les vers 12 et 136.) « Merde !/ Taisez-vous, bon gré sainct Remy ! » Le Pet. 140 T : prens (« À crier je me romps la teste. » Le Gouteux.) 141 Non sans malice, l’auteur fait de la papauté une fabrique de papier. 142 Jénin espère sans doute devenir Dieu, comme le 2e des Sotz ecclésiasticques, lequel partage avec lui l’amour des blasphèmes et des jurons. 143 Volontairement, elle va faire perdre à son fils toutes ses illusions, pour le guérir de sa mégalomanie. 144 Sous le coup de la consternation, Jénin renforce son juron du vers 146 avec son juron du vers 287. Saint Gris est le surnom de saint François d’Assise, qui portait une robe grise. 145 T : paupaulte 146 Le diable (note 49). 147 C’est évident. Verbe apparoir. 148 Lacune. « Peu s’en faillit que ne fus cardinal ;/ Mais ung vent vint, qui m’osta le chapeau. » Les ditz de Maistre Aliborum. 149 Frit, ruiné. Cf. Frère Guillebert, vers 231. 150 Me voilà figé par la stupeur. « Je suis icy gellé ! » Le Mince de quaire. 151 Aux musulmans. « Païans » rime avec « cians », à la manière normande. « Les payans furent vaincuz. » ATILF. 152 Jacquette veut dire « translation » : transfert d’une personne à une autre. 153 T : que (Qui demeureront ici.) 154 T : laire (Je vous laisserai mes Bucoliques.) 155 Mon chat. Beaucoup de Badins et de Sots en possèdent un, et le confient à quelque proche lorsqu’ils doivent partir : cf. Mahuet, vers 76-79. 156 T : gentement (Gramment = grandement, beaucoup ; cf. l’Amoureux, vers 60.) 157 Donnez-moi un peu de papier. 158 Il s’assied à la table, et sort de son écritoire une plume et un encrier. Bien qu’il ait fait du droit, il ignore comment on rédige un testament ; la mère, qui hérita de son défunt époux, en sait plus que l’apprenti juriste. 159 T : mon (Cette formule équivaut à : Je soussigné.) 160 T : vostre (Moi-même. « Vez-le cy en propre personne. » Pates-ouaintes et Jénin filz de rien.) 161 T : premierement (Réminiscence du vers 329.) C’est la formule initiale des testaments : « Tout premier, à vous, Guillemette… » Le Testament Pathelin. 162 T : princeps (Voir la note 19.) Le Donnet est le manuel de grammaire latine de Donatus : cf. D’un qui se fait examiner, vers 69 et note. 163 Caton (note 21). Allusion au chat du vers 321. 164 Si vite. Le maître ès Arts sait à peine écrire. La scène du testament doit beaucoup à la scène du rôlet dans le Cuvier. 165 T : Dieu 166 T : ales vous (Jénin fait aussi des fautes de traduction en français : il traduit la formule testamentaire « je vous laisse » par « je m’en vais.) 167 De la sphère céleste. « Nostradamus, estant en son estude, regardant une sphère. » Frère Fécisti. 168 T : y auray (Je ne sauverai pas même ma chemise ?) 169 Je lui résigne [je lui lègue] mon traité d’Hippocrate. 170 Avicenne est l’auteur du Canon Medicinæ. La mère confond maître Alain — qui désigne exclusivement le poète Alain Chartier — avec le médecin grec Galien : « Maistre Ypocras et maistre Galien. » Ms. fr. 12318. 171 Le malhabile Jénin écrit tellement gros qu’il a déjà rempli une page, comme Jacquinot : « Il est tout plain jusqu’à la rive…./ Ce sera pour l’autre costé. » Le Cuvier. 172 Ce recueil paru vers 1490 contient des textes de divers philosophes. Jacquette adopte la prononciation populaire « Tio-do-let », en 3 syllabes. 173 T : bouter ses (On assouplit le cerveau des écoliers en leur donnant des coups de verges sur les fesses.) 174 Vers manquant. J’emprunte le titre d’un livre qui figure dans la « librairie de Sainct-Victor » (Pantagruel, 7). D’après le vers 23, Jénin est maître ès Arts. Et l’embouchoir est le goulot d’une bouteille, ce qui ne peut lui déplaire. 175 Mes permis d’enseigner la théologie, mes diplômes. « Permissum est docere Evangelium. » 176 T : munuel (Comme un petit livre.) 177 Mis par écrit le jour de la Saint-Manuel, le 17 juin. Mais Jacquette veut sans doute parler du « seing manuel », le sceau qu’on appose au bas d’un acte officiel : « J’ay signé ces lettres de mon saing manuel. » ATILF. 178 T : Pour (Grand bien vous fasse ! « Prou vous face ! » Le Pet.) 179 Faites comme chez vous. « Si la mère dict aulx enfans :/ ‟Enfans, venez tout à vostre ayse !” » (Les Cris de Paris.) Jacquette dit à son fils qu’il est ici chez lui, et qu’il peut donc y rester. Elle aura plus besoin d’un gardien de vaches que d’un bachelier au chômage.
LES FEMMES QUI APRENNENT À PARLER LATIN
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LES FEMMES QUI
APRENNENT À
PARLER LATIN
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Cette farce développe la même histoire que les Femmes qui se font passer Maistresses, écrite elle aussi pour un collège parisien, et dont les personnages sont extrêmement proches des nôtres. D’ailleurs, le compilateur du recueil de Florence a regroupé les deux pièces.
Nous avons donc là une farce de collège : les six acteurs que compte la distribution n’auraient pas été gérables — et payables — par une troupe itinérante, alors que de nombreux collégiens ne demandaient pas mieux que de se moquer gratuitement de leurs professeurs. Enfin, cette farce est jonchée de grivoiseries, comme les autres pièces jouées par des escoliers. Les tournures picardes qu’elle contient en grand nombre semblent accuser les élèves du collège de Beauvais, à Paris ; voir la notice du Mince de quaire.
Source : Recueil de Florence, nº 17.
Structure : Rimes abab/bcbc, avec 2 triolets enchaînés. Beaucoup de vers ont été ajoutés a posteriori, et d’autres ont disparu ad vitam æternam, quand ils n’ont pas été déplacés manu militari.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à six
personnages des
Femmes qui aprennent
à parler latin
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C’est assavoir :1
LE PROVINCIAL
ROBINET 2
GUILLEMETTE
ALISON
BARBETTE
[MARION]
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LE PROVINCIAL 3 commence SCÈNE I
Robin, vien çà, mon amy [bon4] !
Va-t’en vistement attacher
Au Palais5 et là environ,
Et aux églises, ce papier !
5 Et n’oublie pas à décliner6
En plus de cent lieux en Paris
Que le Provincïal, dès hier,
Est descendu en son logis.
Et au[x] Parisïennes, dis
10 — Que j’ayme de tout mon couraige7 —
Que j’ay voué et entreprins
Leur apprendre ung nouveau langaige.
ROBINET
Ha, monseigneur, ce seroit dommaige :
On ne les pourroit maistriser8.
LE PROVINCIAL
15 Allez, mastin9 et villain paige !
Je le vueil ; fault-il répliquer ?
ROBINET
Je vois donc aux Carmes premier10
Attacher ce petit brevet.
LE PROVINCIAL
Acoup11, de là, [va] sans tarder
20 À la Montaigne12.
ROBINET
Il sera fait.
Je ne cesseray en effait
Tant que j’auray point[es]13 en main.
LE PROVINCIAL
Parisïennes, il me plaist
Que vous sachiez ung nouveau tra[in]14.
25 Je ne saiche riens plus humain
Que vous, mes mignonnes doulcet[tes].
ROBINET
Par Dieu ! Provincïal hautain15,
Vous regardez mal que16 vous faictes.
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LE PROVINCIAL SCÈNE II
[Çà, çà, venez]17, mes doulcinettes !
30 Mes parisïennes gorgettes18,
Viendrez-vous pas à la lesson ?
Ouy, mes petites rig[o]lettes,
Soyez subtilles, mignonnettes.
Venez tost, il en est saison !
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GUILLEMETTE 19 SCÈNE III
35 Johannès20, sire, mon mignon :
Qu’esse-là ? Qué[rez-]vous service21 ?
ROBINET 22
Se je vueil servir23 ? Nennin non !
Suis-je « Johannès », vielle lisse24 ?
GUILLEMETTE
Vous avez tort !
ROBINET
On m’en punisse !
40 Lisez ces motz : ilz sont escripz.
Mais fault-il que [je] les vous disse25 ?
GUILLEMETTE
Ouy [dea], s’il vous plaist, jeune filz26.
ROBINET
Or bien, de par Dieu ! Je vous dis :
« Que toutes femmes en général
45 Qui vouldront mettre leurs esp(e)ritz
Parler latin orné, exquis,
Viengne[nt] veoir le Provincïal,
Adèz27 le plus espécïal
Maistre qui soit jusques à Romme28. »
GUILLEMETTE
50 Latin ? C’est ung bien principal.
Il fault donc qu’il soit vaillant homme.
ROBINET
Vaillant, puissant, triumphant comme
Fut jamais Hector et Pâris29.
GUILLEMETTE
[Il veult faire parler, en somme,]30
55 Latin aux femmes de Paris ?
Latin ? Monseigneur saint Denis31 !
ROBINET
Aussi vray que32 je le devise.
GUILLEMETTE
Chascun en doit estre esjouys.
ROBINET
Ce sera bien nouvelle guise33.
GUILLEMETTE
60 C’est bien donc raison qu’on le prise,
Quant aux34 dames ainsi s’aquitte.
Par Dieu ! autre ordre sera mise
Au monde35, et meilleur[e] conduite.36
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Ma commère, venez çà ! Dicte(s) : SCÈNE IV
65 Quel(le)s nouvelles ?
ALISON
Han, je ne sçay, moy.
GUILLEMETTE
Comment ? [Je sçay]37 des biens l’éliste.
ALISON
Dictes-moy, qu’esse ?
GUILLEMETTE
C’est…38
ALISON
[Et] quoy ?
Vous me mettez en grant esmoy
Que je n’entens ceste parolle.
GUILLEMETTE
70 C’est (je vous prometz, par ma foy)
Ung si saige maistre d’escolle
(Et est vray, ce n’est pas frivolle),
Qui arriva hier au matin,
Qui veult que vif on le décolle39
75 S’il ne nous fait parler latin
[Autant au soir comme au matin,]40
Argüer par façon légière,
Lire en papier ou en parchemin
Et entendre toute matière.
ALISON
80 Parler latin ?
GUILLEMETTE
Vray est, par sainct Pere41 !
Ne pensez point que je me faigne42.
ALISON
Vous semble-il point qu’il nous affière43 ?
Le sçavoir, esse chose estraigne44 ?
Latin, esse chose qu’on craigne ?
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BARBETTE 45 SCÈNE V
85 [Bénédicité ! qu’esse-cy]46 ?
GUILLEMETTE
Dont venez-vous ?
BARBETTE
De la Montaigne.
ALLISON
Mais venez çà !
GUILLEMETTE
Et acoup !
BARBETTE
Ouy ?
Dea, mais qu’esse ?
GUILLEMETTE 47
N’avez-vous pas ouÿ,
[Commère48], parler de ce maistre
90 [Qui nous veult enseigner ?]
BARBETTE
Nenny.
[Le désir vous me faictes naistre]49
De [le] voir.
ALISON
Son engin50 pénètre
Tout aultre51, riens n’est plus bégnin.
Il a dit que confus veult estre
95 S’il ne nous fait parler latin.
BARBETTE
Nous viendrons donc à nostre fin.
Je ne sçay, moy, par quel chemin.
Il nous est cellé si long temps52.
ALISON
[L’ont cellé ces]53 hommes, affin
100 Qu’ilz ayent audivi 54 plus grans.
GUILLEMETTE
Ha, les villains !
BARBETTE
Mais les meschans !
ALISON
Riglés55 seront.
GUILLEMETTE
Je m’y consens.
BARBETTE
Ilz sont orguilleux comme paons.
ALISON
Nous les chasserons comme enfans
105 Par fine force d’argumens.
GUILLEMETTE
Il fault qu’ilz [n’]en soient innocens56 :
Or57, estudïons ce langaige !
ALISON
Aultrement ne seront contens.
BARBETTE
Quant je vois hors58, le mien enrage.
GUILLEMETTE
110 Soubz l’ombre de pèlerinage,
Jusqu(e) à Notre-Dame-des-Champs59
Nous yrons.
BARBETTE
C’est le voir60.
ALISON
[Que sai-ge]61 ?
Ces moiens sont fort souffisans.
BARBETTE
Devant qu’il soit jamais deux ans62,
115 On verra nos maris changer63.
GUILLEMETTE
Nous yrons à la ville, aux champs.
ALISON
Publicquement.
GUILLEMETTE
Sans nul dangier.
BARBÈTE
Porteront-ilz point le pannier64 ?
ALISON
Ouy dea !
GUILLEMETTE
Et les petis poupars65.
BARBETTE
120 Et nous yrons estudïer66.
ALISON
Clergesses serons.
GUILLEMETTE
Et eulx, coquars67.
BARBETTE
Serons-nous pas maistresses aux Ars68
Aussi bien qu’eux ?
ALISON
Et pourquoy non ?
GUILLEMETTE
Et régnerons en toutes pars.
BARBETTE
125 Ha ! ma seur, ce sera raison.
ALISON
Alons-m’en quérir Marïon,
Puis nous yrons veoir monseigneur.
GUILLEMETTE
Nostre voisine ?
BARBETTE
Et comment donc !
ALISON
Elle a « engin69 » de grant ardeur.
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ROBINET 70 SCÈNE VI
130 Provincïal, soyez tout seur71
Que j’ay fait voz besongnes bonnes.
LE PROVINCIAL
Vient-il riens ?
ROBINET
Riens ? Vécy la fleur
Des Parisïennes mignonnes.
LE PROVINCIAL
Te semble-il qu’elles sont ydoines72
135 À comprendre ce qu’on lira ?
ROBINET
Vous y ferez73 si grant aulmosne
Que jamais tel bien n’aviendra.
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GUILLEMETTE 74 SCÈNE VII
[Hau !] Marïon !
MARION
Et qu’esse-là ?
GUILLEMETTE
Et ! escoutez çà, ma voisine !
MARION
140 Hé ! ma voisine, comment va ?
Comment se porte ma cousine ?
GUILLEMETTE
Bien.
ALISON
Viendrez-vous ?
MARION
Où ?
BARBETTE
Quelle myne !
Veoir ce maistre de grant proesse75 :
Il fait merveille.
ALISON
Il [dé]termine76
145 Ce que ne fist jamais [ru]desse77.
Et de fait, il a fait promesse
De vouloir latin78 enseigner.
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ROBINET 79 SCÈNE VIII
Monseigneur, regardez cy !
LE PROVINCIAL
Qu’esse ?
ROBINET
Vécy des femmes ung millier.
LE PROVINCIAL
150 El(le)s ont gant fain d’estudïer,
Je le voy bien. Fay-leur grant feste.
ROBINET
Vous les verrez tantost plaidier :
Ce semblera une tempeste !
Recevoir les fault ?
LE PROVINCIAL
Tais-toy, beste !
155 Elles ne diront plus que ce mot.
ROBINET
Mais raige !
Elles mettent chascun à mette80,
De plaider à ung seul langaige81.
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GUILLEMETTE 82 SCÈNE IX
Alons recevoir83 l’héritage
De nostre maistre.
ALISON
Le vélà !
BARBETTE
160 Guillemette, comme la plus saige,
Parlez devant.
GUILLEMETTE
Mais vous !
BARBETTE
Moy ? Dea !
Marïon, sus !
MARION
Pourquoy cela ?
C’est à faire aux plus ancïennes84.
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LE PROVINCIAL SCÈNE X
Or çà, çà, mes Parisïennes :
165 Vous régente[re]z85 bas et hault.
ROBINET
Chascune fera bien des siennes86…
ALISON
Il dit d’or.
GUILLEMETTE
C’est ce qu’i nous fault.
BARBETTE
Alons près !
GUILLEMETTE 87
Devant !
MARION
Ne m’en chault :
[J’ayme mieulx demourer derrière.]88
LE PROVINCIAL
170 Se la mémoire ne me fault89,
Vous aurez science plain[ièr]e90.
ALISON
Dieu gard, monseigneur !
LE PROVINCIAL
M’amye chière,
Bien vegniez, [gracieuse et tendre]91 !
ALISON
Nous monstrerez-vous la matière
175 Du latin ?
LE PROVINCIAL
Ouy ; et [sans attendre]92.
Comment vous le pourrez comprendre.
BARBETTE
Nous le voulons trèsbien entendre.
[Monstrez-nous à]93 parler aussi.
LE PROVINCIAL
N’avez-vous point bon cueur d’aprendre ?
MARION
180 Ouy, sire.
LE PROVINCIAL
Or, n’aiez soucy.
Il me convient sçavoir cecy :
Quelle Faculté vous voulez suyvre ?
GUILLEMETTE
Nous voulons sçavoir…
LE PROVINCIAL
Quoy ? [ Hardy94 !
ALISON ]
Et ! pratique de sçavoir vyvre95.
LE PROVINCIAL
185 Voulez-vous ces volumes ensuyvre ?
ALISON
Et qu’esse ?
LE PROVINCIAL
Matière de Droit.
ALISON
Le droit 96 ? [Ouy] dea, c’est ung bon livre ;
Mieulx l’ayme que chose qui soit.
LE PROVINCIAL
À grant-peine ung homme croiroit97
190 Quel gaing en vient.
ROBINET
À plaine paulme98.
ALISON 99
Le droit ? Et ! on le nous celoit ;
Et si, duist100 si bien à la femme.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! Je vous diray, ma dame :
Il y a deux droitz.
ALISON
Çà, le bon !
LE PROVINCIAL
195 Ilz sont tous deux bons, sur mon âme !
L’ung est civil, l’autre est canon.
Le droit civil est par raison
Aux séculiers101 ; l’autre, à l’Église.
ALISON
Qui102 les veult tous deux, ne peut-on ?
200 Les entretenir ?
LE PROVINCIAL
Pourquoy non ?
Si fait, dea.
ALISON
Ha ! c’est bonne guise.
Au moins, se je trouve faintise103
Aucuneffois au droit civil,
Je recourray104 au fait d’Église,
205 Car j’entens bien qu’il est gentil105.
LE PROVINCIAL
Acoutez106 : Quant quelque soubtil
Clerc conse[i]l vous en demandera107
En disant : « Que vous en semble-il ? »
Ma dame, quel responce là ?
ALISON
210 Je [luy] diray : « Ouy ! »
LE PROVINCIAL
Mais « ita »,
En latin.
ALISON
Bien le sçauray dire.
LE PROVINCIAL
S’il dit mal, « non » dire [f]auldra.
ALISON
Et ! laissez-m’en faire, beau sire.
LE PROVINCIAL
Or sus, donc ! Je m’en vois produire108.
215 Plaidez109, ma dame l’advocate,
En parlant latin.
ROBINET
Or, sans rire ?
LE PROVINCIAL
Et gardez que je ne vous matte110 !
Séez-vous en mon lieu en haste.
Il fault les faits111 expédïer :
220 Un cas advint — ce fut la datte
Du .XV., jour de février —
Qu’il y eust ung jeune escuier
Puissant de nom et de linage112
Qui print fille de chevalier
225 (Ainsi qu’on fait) en mariage.
Quant ce vint113 après espousage
Et au mariage acomplir,
Il n’avoit pas…
ALISON
Quid ?
LE PROVINCIAL
Ce bagage114.
ALISON
Bénédicité !
LE PROVINCIAL
Soyez sage !
230 Et brief, il n’y pouvoit115 fournir.
La dame se voult116 repentir,
Et disoit : « Rien ne me sera117 ! »
Se devoit-elle consentir
À soy démarier ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
235 C’est bien respondu sus cela118 ;
Vous estes femme de façon119.
Vécy ung autre cas.
ALISON
Or çà !
LE PROVINCIAL
Naguère(s), il y eut ung mignon120
Qui trouva ung gentil garson
240 Avec sa femme dans121 son lit ;
Le deust-il tuer ?
ALISON
Certé non !
LE PROVINCIAL
Et [si]122, il faisoit…
ALISON
Sufficit !
LE PROVINCIAL
Non ? Pourquoy ?
ALISON
Natura dédit 123.
LE PROVINCIAL
Par le [saint] sanc que Dieu me fist !124
245 Je vous ay bien endoctriné.
Dame légiste, faicte[s] bruit125.
ALISON
Argentum téné 126 !
LE PROVINCIAL
C’est bien dit.
Vostre suis !
ALISON
Gratés, [dominé 127] !
ROBINET
Saint Jaques, c’est bien latiné !
250 Et ! ad Dominum 128 !
[ LE PROVINCIAL
Robin, tiens :
Recueille cest or, in finé. ]129
.
BARBETTE 130 SCÈNE XI
Monseigneur, aprendrons-nous riens ?
LE PROVINCIAL
Demandez, car j’ay tous moyens
Pour vous aprendre sans soucy.
BARBETTE
255 Nous avons le droit sur tous biens131,
Comme Alison.
LE PROVINCIAL
Il m’est failly132…
BARBETTE
Failly isté 133 ? Sus !
LE PROVINCIAL
Mais134 vécy :
J’ay bien, pour vous, aultre doctrine.
BARBETTE
Le droit est bien bon.
LE PROVINCIAL
J’ay icy,
260 Pour vous, tout l’art de médecine135.
BARBETTE
Médecine ?
LE PROVINCIAL
Ha ! c’est la plus digne
Entre les sciences qui soi(en)t.
Car ce qui [n’]est sain, et décline136,
Par donner137 ung peu de racine,
265 On le138 fait relever tout droit.
Mais il fault sçavoir sur le doit139
Ypocras et aussi Galien.
BARBETTE
Certes, j’estudieray en droit !
LE PROVINCIAL
[La médecine fait grant bien.]140
270 Regardez : voicy le moyen
Par lequel on fait le couraige141
Revenir — vous m’entendez bien —,
Qui142 le pert.
BARBETTE
Comment ?
LE PROVINCIAL
Par oultraige143
S’il avoit beu [trop] de bruvaige144,
275 D’ung récipé 145 fait à demy
Vous luy verriez faire feu et raige :
On ne pourroit durer à luy146.
BARBETTE
Il fault siner147 ce fueillet-cy !
LE PROVINCIAL
Voyez-en ung aultre plus rade148 :
280 « Item 149, pour faire son mary
Devenir fol ou fort malade. »
BARBETTE
Mon Dieu, s’en auront une aubade150 !
Nous sont ces livres deffendus ?
LE PROVINCIAL
« Pour une vieille orde et fort fade151,
285 Reculer152 de ving[t] ans ou plus. »
BARBETTE
Vécy livres de grans vertus ;
Il n’est nul plus puissant trésor.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! latin ne parlez plus ?
BARBETTE
Quoy donc ?
LE PROVINCIAL
Latin.
BARBETTE
C’est mon vouloir.
LE PROVINCIAL
290 Quant vous irez, matin ou soir,
Pour mettre quelq’ung en santé,
Dictes [cler : « Homini]153 dolor ! »
O quantum commotus vité 154 !
Tenez-luy le pous155 in fronté.
295 Touchez s’il n’a point grant chaleur ;
Et s’il est ainsi eschoffé,
Faictes-le couchier.
BARBETTE
Soyez seur :
Si congnoistre puis la douleur156
En estudïant en l’orine157,
300 Je le remettray en vigueur.
LE PROVINCIAL
Que je vous appreigne en ung signe158 :
Regardez-moy quel médicine
Vous donrez cy159.
BARBETTE
Sancté Déus 160 !
LE PROVINCIAL
Il est en dangier qu’il ne fine161.
BARBETTE
305 Ipsé est multum commotus 162…
LE PROVINCIAL
Vélà bien spéculé [dessus].
BARBETTE
Vénéré 163 multum nocui[t] !
LE PROVINCIAL
C’est vray, car deux enfans ou164 plus
Il a forgé en une nuit :165
310 [Jamais nul n’a eu si grant bruit]166
À Monpellier167, où j’ay esté.
Ung homme cause de tel fruit168
Doit-il point recouvrer santé,
Belle Barbette ?
BARBETTE
Ita, certé !
LE PROVINCIAL
315 Vous pourrez régenter sans blâme.
Faictes-vous169 vaillant, ma beauté :
Hardiement, vous ne tu[er]ez âme170.
BARBETTE
Ad Dominum !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !171
ROBINET
Tuer âme ? J’en suis certain !
320 Médecine est douce, de femme ;
Médeciner, c’est bien leur train.
El(le)s ont beau parler172, doulce main :
La science leur est bien ydoyne173.
LE PROVINCIAL
Esse tout174 ?
ROBINET
Ouy dea. [À] demain !
325 Et175 ! c’est tout, le mal sainct Anthoine !
.
GUILLEMETTE SCÈNE XII
Hélas, monseigneur, qu’on nous176 donne
Ung petit177 d’introduction.
LE PROVINCIAL
Quel est vostre nom, ma mignonne ?
GUILLEMETTE
Guillemette.
LE PROVINCIAL
Et vous ?
MARION
Marïon.
LE PROVINCIAL
330 Avez-vous Guillemette à nom ?
GUILLEMETTE
Ouy.
LE PROVINCIAL
Estes-vous Parisïenne ?
Guillemette, il me semble bon
Que vous deveniez Arcïenne178,
Car vous estes assez ancienne
335 Et saige pour estre régente179.
GUILLEMETTE
C’est ma voulenté.
LE PROVINCIAL
Et la mienne ;
Joyeux suis que je vous contente.
Mais qui n’y met toute s(on) entente180,
Cest labeur est [bien] inutille.
340 Et se ung coup estes prudente,
Vous prouverez par raison patente
De cent escus que ce sont mille181.
Affin que soiez plus habille182,
Je vous monstr[er]ay doble voye183.
GUILLEMETTE
345 Ne monstrez que la plus subtille.
LE PROVINCIAL
Je le vueil.
GUILLEMETTE
Et ! que je les voye.
LE PROVINCIAL
Regardez, dame simple et coye184 :
Vécy la voye des royaulx185.
GUILLEMETTE
Il n’est besoing qu’on les desploye.
LE PROVINCIAL
350 Voyez donc celle aux [Ars] nouveaux186.
Tenez les plus espécïaulx187
Qu(e) homme verra dedans ung an.
GUILLEMETTE
Certes, les livres sont fort beaux.
LE PROVINCIAL
Vécy la Logique d’Occan188,
355 Aristote d’or189, Buridan190.
Lisez-la et notez ces motz
Subtil[s] contre tout argument.
Et incorporez ces argotz191.
Et puis vous tenrez voz192 propos :
360 Concédez peu, nyez souvent,
Équivoque[z-]moy hardiement
Par les cautelles193 d’Aristote,
Desquelles on fait plainement
Entendre q’un mary radote
365 Et qu’il a [la] teste plus sotte,
Cent mille fois, qu(e) une brebis.
Et convient bien que tout on note.
GUILLEMETTE
Matéria[e] defficientis 194.
.
MARION SCÈNE XIII
Monseigneur, je n’ay rien aprins :
370 Faictes-moy théologïenne195.
LE PROVINCIAL
M’amye, j’en seroye reprins196 :
Vous n’estes pas assez ancienne.
Je vous feray grant rectoricienne197,
Et aurez de(s) bonnes « leçons198 ».
375 Robinet, fay qu’elle convienne199
Avec toy à déclinaisons.
ROBINET
Çà, m’amye ! Que nous lisons
Quelque chose de bon.
MARION
Or sus !
ROBINET
Vécy déclinaisons de noms.
380 Qu’esse là ?
MARION
Féminéis 200 abus…
Sociabitur, ut dominabus.
LE PROVINCIAL
Passez oultre, ce sont abus
De demourer en ce point-là.
Regardez tout, [et] sus et jus201,
385 Sans estre guères en cela202.
Et ce que Robinet dira,
Faictes tout ung, et retenez bien.
Sic, sit 203 personna seconda ;
Aultremant, tout ne vauldroit204 rien.
MARION
………………………… 205
390 Je n’entens point bien ce sens.
LE PROVINCIAL
Non ?
Ha ! je trouveray bon moyen.
Tenez là mon Catholicon 206 :
Il n’y a mot, tant soit-il bon,
Qu(e) exposé ne soit par compas207.
395 Or lisez-moy là, Marïon :
Qu’esse-là, au premier ?
MARION
Abbas 208.
LE PROVINCIAL
Après ?
MARION
Abbatis, abbati.
Monseigneur(s), j’entens bien le cas :
Car, quant la fille fut à bas,
400 Ma foy, le galant la baty 209.
LE PROVINCIAL
C’est cela, il est tout ainsi.
L’autre fueillet !
MARION
Hé ! je l’entens :
Bacus 210.
LE PROVINCIAL
Et son génitif ?
MARION
Bachy,
Baco, Bacom 211. J’entens le sens.
405 Ceste matière je comprens
Facillement, et les proverbes212.
LE PROVINCIAL
Regardez ung peu plus dedens
Pour veoir la nature des verbes.
MARION
Da [h]ortandy 213 !
LE PROVINCIAL
Ce sont adverbes ;
410 Regardez ung petit214 plus bas.
Qu’esse-cy, Marion ?
MARION
C’est amo, amas.
LE PROVINCIAL
Et son prétérit ?
MARION
Amavit.
LE PROVINCIAL
Qu’esse à dire ?
MARION
La femme ama vit 215.
LE PROVINCIAL
Mais comment ?
MARION
Nescio 216.
GUILLEMETTE
Dicam 217 !
415 Vécy la raison en escript :
« Ut matéria appétit formam
[Sicut et fœmina marem]218. »
Vécy, Aristote le dit.
LE PROVINCIAL
[Et] puis ?
MARION
[Cibo, cibas, cibem]219.
LE PROVINCIAL
420 Et son prétérit ?
MARION
Cibavit 220.
LE PROVINCIAL
Or, faictes-nous ung petit [veoir221],
De françois en latin, deux motz,
Comme Dieu les pourez assavoir.
MARION
Dominus 222 cibavit agros.
LE PROVINCIAL
425 C’est bien respondu à propos ;
Vous estes une vaillant femme.
[………………………….. -os
…………………………… -ame.]223
MARION
Adieu, monseigneur !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !
MARION
Vélà deux escus pour vo224 paine.
LE PROVINCIAL
Je n’en prendray rien, par mon âme !
430 J’aymeroye mieulx estre en Sayne225 !
.
Or çà, [mon] Arsïenne humaine226 : SCÈNE XIV
Posé que soyes227 vostre mary,
Tenir vueil que, ceste sepmaine,
Prins avez228 encore ung amy.
GUILLEMETTE
435 Égo négo 229, et prouve ainsi
Que deux amans ne peux230 avoir.
Sed, probatum [a simily]231,
Je gaige de232 vous décevoir :
Impossible [il] est [de] sçavoir233
440 Mettre icy, en ce chandelier,
Deux chandelles234.
LE PROVINCIAL
Il est tout voir235.
GUILLEMETTE
Ergo, vray est, sans varier236 :
Femme mariée d’huy ou d’hier
Ne sçauroit par nulles cautelles
445 Avoir deux maris de légier237,
[Comme ung chandellier]238 deux chandelles.
LE PROVINCIAL
Vélà raisons fort naturelles,
Venans d’ung engin 239 magnifique.
Mais toutesfois, la fleur des belles,
450 Je vous feray une réplique :
Vous avez dit, dame autentique,
Non povoir deux chandelles [mettre] ?
GUILLEMETTE
Concédo vérum est 240, [mon maistre].
LE PROVINCIAL
[On n’en peut mettre qu’une, ainsi]241 ?
455 Pourquoy n’y peut, après la mienne
— Et a[u]près242, ex conséquenti 243 —
Ung autre y mettre [aussi] la sienne ?
GUILLEMETTE
À moy, comme Parisïenne,
Ceste matière n’est point haulte244.
LE PROVINCIAL
460 Et pourquoy ?
GUILLEMETTE
C’est par vostre faulte :
Sy fourbissiez245 le chandelier
Songneusement, sans le laisser,
Il n’est clerc (je vous vueil bien dire),
Tant sceust-il bien « estudïer »,
465 Qui y peût sa chandelle induire246.
LE PROVINCIAL
Maris ne sçauront247 contredire :
Ce sont argumens insolus248.
GUILLEMETTE
Non, dea. Ilz n’en feront que rire,
Disans : « Égo sum contentus 249. »
LE PROVINCIAL
470 Mesdieux250 ! ilz seront tous confus.
GUILLEMETTE
Et estonnéz comme Johannés251.
[ ROBINET
………………………… -us
………………………… -etz ! ]
LE PROVINCIAL
Dame, je vueil que désormais
Vous vous disiez estre clergesse252.
BARBETTE, MARION,
GUILLEMETTE, ALISON.
[Magister noster, noz bonnetz]253 !
LE PROVINCIAL
475 Mais je vueil que tenez promesse254,
Et qu(e) en toute vostre255 jeunesse
Vous soiez doulces en mon nom256.
Respondez, Barbette, Alison :
Servirez257-vous mes gens ?
GUILLEMETTE & MARION
Ita !
LE PROVINCIAL
480 Leur don(ne)rez-vous pain et vin bon ?
ROBINET 258
Respondez, Barbette, Alison !
LE PROVINCIAL
Aux grans259 ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Et aux petis ?
BARBETTE
Non !
ALISON
[Vous verrez bien que]260 ce sera.
LE PROVINCIAL
Respondez, Barbette, Alison :
485 [Servirez-vous mes gens ?]
BARBETTE & ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Or, adieu donc !
MARION
Bona vita261 !
.
GUILLEMETTE SCÈNE XV
O Marïa !
MARION
O Barbéta !
Or sçavons-nous parler latin.
ALISON
Je traicte le Droit dé causa 262,
490 O Marïa !
GUILLEMETTE
O Barbéta263 !
BARBETTE 264
Je tiens, de265 droit, Médicina.
GUILLEMETTE
Je me266 soustien par Art bégnin.
BARBETTE
O Marïa !
MARION
O Barbéta267 !
Nous sçavons bien parler latin.
BARBETTE
495 Aller pourrons268 en tout chemin
ALISON 269
Parler à tous,
GUILLEMETTE
Et par clergie,
ALISON
Par le Provincïal bégnin.
BARBETTE
Dieu luy doint faire bonne fin !
ALISON
Ainsi soit-il ! [Dieu le bénie !]
GUILLEMETTE
500 Amen !270
.
EXPLICIT
*
1 F ajoute dessous : Le principal (Ce personnage est partout nommé « le Provincial », sauf dans la première rubrique, qui a généré cette erreur.) Un provincial est le responsable universitaire d’une province. Dans les Drois de la Porte Bodés, il accorde aussi des privilèges exorbitants aux femmes : « Qui est le hault Provincial/ Qui a esté si libéral/ De vous donner telle franchise [liberté] ? » 2 Diminutif de Robin (vers 1). Mais le robinet véhicule une connotation phallique : le valet « bien envytaillé » que veut épouser la Veuve s’appelle Robinet. 3 F : principal (Note 1. Il est probable qu’un des collégiens a voulu épingler le Principal de l’établissement.) Le décor, identique à celui des Femmes qui se font passer Maistresses, représente une salle de classe ; le Provincial trône dans sa chaire. 4 « C’est grand péril à l’homme n’avoir rencontré amy bon & vertueux. » (Guterry.) Le Provincial donne à Robinet, son clerc, une liasse d’écriteaux qu’il va devoir placarder dans des lieux stratégiques. L’affichage publicitaire n’est pas un fléau moderne : voir les vers 43-44 de Maistre Mymin qui va à la guerre, ou le vers 9 de Saincte-Caquette. 5 Le Palais de Justice, dans l’île de la Cité, est un lieu de passage extrêmement couru. 6 De déclarer. Cf. Colin filz de Thévot, vers 297. 7 De tout mon cœur. 8 Même si vous leur enseigniez le latin, on ne pourrait pas leur accorder la maîtrise. Double sens : On ne pourrait plus les maîtriser, les tenir. 9 Un mâtin est un gros chien. 10 Je vais donc d’abord au couvent des Carmes. Robinet est sûr d’y trouver beaucoup de candidates : les Femmes qui se font passer Maistresses, pour se perfectionner en sexologie, vont « estudier aux Jacobins,/ Aux Carmes et aux Augustins ». 11 Immédiatement. Idem v. 87. 12 À la montagne Sainte-Geneviève (idem v. 86) : au Quartier latin, où grouillent les étudiants et, par conséquent, les prostituées professionnelles ou occasionnelles. 13 Des punaises. « Rivé à trois grosses pointes. » ATILF. 14 Mode de vie. Idem v. 321. 15 F : humain (à la rime.) Hautain = haut, respecté. Le Prince des Sotz escornéz se nomme Sot Haultain. 16 Ce que. Vous ne réfléchissez pas à vos actes. Robinet sort dans la rue, avec ses écriteaux et ses punaises. 17 F : Sa sa sa 18 Petites poitrines. Cf. Digeste Vieille, vers 56. C’est un surnom affectueux : cf. le Ramonneur de cheminées, vers 203. 19 Dans une rue du Quartier latin, elle racole des étudiants. Elle fait des avances à Robinet. 20 Surnom latin dont on affuble les clercs et les étudiants. Idem vers 38 et 471. Cf. Science et Asnerye, vers 221, 248, 289-291. 21 F : seuruice (« Que quérez-vous ? » Beaucop-veoir.) Cherchez-vous les services d’une femme ? 22 Il fait semblant de ne pas comprendre ce qu’on lui propose. 23 Si je cherche de l’emploi comme serviteur ? « Veulx-tu servir ? » Jéninot qui fist un roy de son chat. 24 Vieille lice, vieille chienne. C’est une insulte contre les prostituées. Cf. le Gallant quy a faict le coup, vers 269. 25 Que je vous les dise. Notre future latiniste ne lit pas couramment le français. 26 F : filze (Jeune homme.) 27 Toujours. 28 Le maître des Femmes qui se font passer Maistresses revient de Rome. 29 Deux héros de la guerre de Troie. 30 Vers manquant. 31 C’est le saint patron de Paris. F remonte ce vers sous le vers 50. 32 F : comme (Que je vous le dis.) 33 Une nouvelle mode. 34 Envers les. 35 Le monde tournera plus rond. « Ordre » était parfois féminin : cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 126 et note. 36 Guillemette abandonne Robinet, dont elle emporte un des écriteaux. Elle se dirige vers Alison, qui fait le trottoir dans la même rue. L’une des Femmes maistresses a aussi pour nom Alison. 37 F : cest (Je sais la meilleure des nouvelles.) 38 Guillemette, pour impatienter la curieuse, délaye son discours avec des suspensions et des incises. 39 Qu’on le décapite tout vivant. 40 Vers manquant. « Autant au soir comme au matin,/ Qu’ils ne parlent rien que latin. » Les Femmes qui demandent les arrérages. 41 Forme picarde de « saint Pierre ». 42 Que je feigne de dire la vérité. 43 Qu’il nous incombe (de parler latin). 44 F : estrange (« Estraigne, adj. : étranger, extraordinaire. » René Debrie, Glossaire du moyen picard.) 45 Arrivant par l’autre bout de la rue, elle aperçoit ses consœurs. 46 F : Et quesse benedicite 47 Elle lui met l’écriteau sous le nez. 48 Je tâche de combler les nombreuses lacunes de ce passage. « Commère, avez-vous rien ouÿ ? » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) F, qui n’est plus à une faute près, donne à la rime : maister 49 Vers manquant. « Ces désirs que vous me faictes naistre. » Honoré d’Urfé. 50 Son esprit. Jeu de mots phallique : cf. Maistre Mimin estudiant, vers 29. Aucune des femmes n’a encore vu le Provincial, mais chacune l’embellit de nouveaux détails ; le phénomène du bouche à oreille est bien retranscrit. 51 Pénètre l’« engin » des femmes, c.-à-d. leur sexe, dont il sera question aux vers 129 et 448. Bénin = bienveillant, doux. Idem vers 492 et 497. 52 Le latin nous est caché depuis si longtemps. 53 F : Sont estes ses 54 Un pouvoir. C’est déjà un mot latin ! Cf. les Sotz escornéz, vers 187. Les comédiens, désireux de prolonger une scène qu’ils croyaient drôle, l’ont gonflée avec 5 vers en -ans. 55 Frappés avec une règle, une latte en bois. Cette punition était bien connue des collégiens. 56 Il ne faut pas qu’ils l’emportent au paradis. 57 F : Que 58 Quand je vais dehors. 59 Ce pèlerinage parisien sert d’excuse aux femmes qui veulent sortir sans leur mari. « Puis à Nostre-Dame-des-Champs/ S’en vont avecques les gallans. » Le Povre Jouhan. 60 C’est la vérité. Idem v. 441. 61 F : Quel saige (« Que sai-ge ? » Le Villain et son filz Jacob, vers 70 et 74.) Alison cultive le doute, en bon précurseur de Montaigne. 62 Avant deux ans. « On leur fera bien changer poil/ Devant qu’il soit jamais dix jours. » Les Tyrans. 63 Nos maris changeront. Ou bien : On nous verra changer de maris, comme les Femmes maistresses (vers 316-321). 64 Cette expression vise les cocus complaisants qui, tandis que Madame reçoit son amant, « vont à la rôtisserie acheter eux-mesmes la viande, quérir le vin à la taverne, & porter le panier au marché ». (Mateo Aleman.) Nombre de farces les tournent en ridicule. 65 F : gars (Nos bébés. L’éditeur parisien n’a pas compris ce terme venu de Picardie. Cf. le Glossaire du moyen picard, de R. Debrie.) Le poupart désigne tout particulièrement l’enfant bâtard que le cocu reconnaît pour sien : « Je seray père du poupart. » Jolyet. 66 Double sens : copuler. Idem vers 150, 268 et 464. Cf. les Femmes maistresses, vers 188 et note. 67 Cocus. Cf. le Munyer, vers 144. 68 Le grade de maître ès Arts correspond à peu près au doctorat ès Lettres. Les Femmes maistresses le convoitent : « Yront-elles délibérer/ Mesme en la Faculté des Ars ? » 69 Un esprit. Mais aussi, un sexe ardent. Idem v. 448. Cf. Sœur Fessue, vers 85 et note. 70 Il rentre au collège. 71 Soyez sûr. (Debrie, Glossaire du moyen picard.) Idem v. 297. 72 Aptes. En Picardie, -oine se prononçait -one, comme aux vers 323 et 325. Voir « ydosne » dans le Glossaire du moyen picard, de Debrie. 73 Vous y gagnerez. Les élèves payaient leur professeur : vers 247, 368 et 428. 74 Elle frappe à la porte de sa cousine Marion. 75 De grande prouesse : de grande valeur. 76 Il accomplit. 77 Un châtiment corporel. 78 F : merueilles (Réminiscence du v. 144.) 79 Il regarde dehors et voit s’approcher les quatre femmes. 80 Elles réduisent les hommes à l’extrémité. « Par cinq manières de sophismes,/ La femme maine l’omme à methe. » ATILF. 81 Seulement en français. Sous-entendu : Qu’est-ce que ce sera quand elle plaideront en latin ! 82 Elle entre dans la salle de classe, avec ses trois commères. 83 F : nous veoir (L’héritage désigne la transmission du savoir.) 84 Aux plus âgées. Idem vers 334 et 372. Les quatre femmes se poussent mutuellement devant le professeur. Il manque un vers en -a et un vers en -iennes. 85 Vous enseignerez. Mais aussi : vous gouvernerez les hommes, comme les Femmes maistresses : « Vous estes dignes régenter/ Tout partout. » Idem v. 315. 86 En fera de belles. 87 Elle pousse Marion devant elle. 88 Vers manquant. « Ung peu est demouré derrière. » Légier d’Argent. 89 Ne me fait pas défaut. 90 Plénière, totale. 91 F : gracieux attendre (« Elle est gracieuse et tendre. » Ung jeune moyne.) 92 F : maniere 93 Monstrer a nous 94 Le Provincial encourage Guillemette, qui n’ose parler. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 115. 95 F : scauoir suyure (« Le général & principal chapitre de sçavoir vivre. » Montaigne, III, 12.) 96 Le pénis dressé. Idem vers 191, 255, 259 et 268. « (Les femmes) ayment mieux le droit que le tort. » La Fluste à Robin. 97 F : croira 98 Leur main en sera remplie. Au 1er degré : par de l’argent. Au 2e degré : par un pénis. 99 F : Robinet 100 On nous le cachait. Et pourtant, il convient… 101 F : secoliers (Aux laïcs.) 102 Si on. 103 Une déception, en l’occurrence sexuelle. 104 F : recouurere (J’aurai recours.) La cour d’Église jugeait les affaires de sexe, notamment les cas d’impuissance. 105 Viril. « C’est faict, hélas, du povre outil./ Vray Dieu ! il estoit si gentil. » Frère Guillebert. 106 Écoutez. Debrie, Glossaire du moyen picard. 107 Quand un jeune clerc subtil vous demandera conseil. 108 Je vais énoncer des causes. Ces « causes grasses », où les dames préféraient voir des « arrêts d’Amour », alimentent d’autres parodies juridiques : au théâtre, on peut citer les vers 193-304 du Pèlerin et la Pèlerine, de Claude Mermet. 109 F : Deuant vous 110 Prenez garde que je ne vous fasse échec et mat, que je ne vous cloue le bec. Le Provincial se lève et prête sa chaire à Alison. 111 F : autres (Il faut exposer les faits. « Mon fait vous veil expédïer. » ATILF.) 112 De lignage. 113 F : dont (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 251-267.) Quand on arriva après la noce et à la consommation du mariage. 114 « Le bagage : le membre viril. » (Antoine Oudin.) Le Provincial, qui est assis de profil par rapport au public, soulève sa robe face à Alison. 115 F : peut (Cf. le Nouveau marié qui ne peult fournir à l’appoinctement de sa femme.) 116 F : veult (La dame voulut revenir en arrière. « Il se voult repentir en sa viellesse, et voult faire restitucion à tous. » Colart Mansion.) 117 Il ne sera pas mon mari. 118 F : cetera (Formule judiciaire, qu’emploie le juge du Pauvre et le Riche : « Or me responds dessus cela. ») 119 De qualité. Cf. Resjouy d’Amours, vers 365. 120 Un courtisan. 121 F : en 122 Et pourtant. Idem v. 192. 123 Nature l’a donné, en est responsable. Alison — et Jelle Koopmans — citent un adage qui a vertu de loi : « Quod natura dedit, tollere nemo potest. » [Ce que la nature a donné, nul ne peut l’enlever.] Mais le dramaturge songe plutôt à Ovide, le poète chéri des collèges : « Vitiis quæ plurima menti femineæ natura dedit. » [Par les vices que la nature a donnés en grand nombre à l’esprit des femmes.] 124 Juron picard. « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval. 125 Faites parler de vous. 126 Prenez cet argent. 127 Merci, monseigneur. Calembour sur « grattez » : masturbez. Cf. Marchebeau et Galop, vers 73 et note. 128 Adieu. Idem v. 318. 129 F : roberte (« Sotin, tien, receuil[le] ces biens ! » ATILF.) Le Provincial confie l’argent à son clerc. Les grands seigneurs affectaient de ne pas porter de bourse : un page se chargeait de leurs menues dépenses. 130 Elle s’approche du Provincial, qui réintègre sa chaire, tandis qu’Alison s’éloigne un peu. 131 Nous plaçons le pénis droit au-dessus de tout. 132 Mon « droit » a quelques défaillances. 133 Ceci. Même en français, le « ceci » désigne le pénis : « & ce qui est encor pis au “cecy” d’un homme (…) est quand il a perdu les cymbales de concupiscence. » Béroalde de Verville. 134 F : Raige 135 F : madicine (Voir le vers suivant.) 136 F : deliure (Ce qui n’est pas en bonne santé, et penche vers le bas.) 137 F : donnes (Si on donne de la racine de mandragore à l’impuissant.) 138 F : la 139 F : droit (Sur le bout du doigt. Cf. Frère Fécisti, vers 474.) Hippocrate et Galien sont deux médecins grecs, traduits en latin pour le meilleur et pour le pire. 140 Vers manquant. Le Provincial montre à Barbette un recueil de formules pharmaceutiques qui énumère des aphrodisiaques et des produits de maquillage, semblable au « registre » de maître Doribus. 141 Le désir vénérien, la vigueur. 142 Chez celui qui. 143 Avec outrance, en excès. « Que de vin boire par outrage. » Godefroy. 144 De breuvage alcoolisé ; cf. le Badin qui se loue, vers 110. L’alcool nuit à l’érection. 145 De cette recette d’apothicaire : « Quelque récipé pour attraire/ À challeur leurs povres maris. » (Maistre Doribus.) Si l’aphrodisiaque fonctionne alors qu’il est fait « à moitié », il serait encore plus efficace s’il était fait à la perfection. 146 Une femme ne pourrait pas tenir contre lui. 147 Il faut mettre un signet, pour ne pas perdre une page aussi précieuse. 148 F : roide (Puissant. « Il est très fort et rade. » ATILF.) 149 Ce mot introduit une nouvelle formule pharmaceutique. 150 Nos maris en auront un bon tour. 151 F : sade (Le « f » <f> et le « s » long <ſ> sont presque identiques.) Sale et ternie. « Item, pour ces vieilles flestries/ Qui ont la coulleur sale et fade. » Maistre Doribus. 152 F : Recouurer 153 F : aux clers nomini (Dites clairement. « Parle cler ! » Les Coppieurs et Lardeurs.) « Homini dolor » vient d’Aristote : « Cum contigit homini dolor. » L’auteur en cite la traduction de Michaelus Scotus, comme il le fera aux vers 416-7. 154 F : vlte (Vitæ = de la vie. Mais la graphie vite nous autorise à comprendre : « Ô combien ému du côté du vit. ») 155 F : pouy (Le pouls se tâtait sur la tempe, au bord du front.) Ici, le front désigne le gland : « L’ithiphale gaillard qu’il ne faut amorcer (…),/ Et deux braves tesmoings [testicules] pour me certifier/ Qu’il est prest, bien en poinct, gonflé d’ardeur féconde./ Encores que sa forme enseigne sa valeur,/ Son chef [sa tête], son front, son nez : n’est-ce pas un beau cœur ? » Lasphrise. 156 Sa maladie. Idem v. 292. 157 En regardant ses urines. L’orine désigne également l’origine génétique, et donc le sperme : « Vous n’en ystriez [sortiriez] pas de l’orine/ Du père. » Farce de Pathelin. 158 Par un exemple concret. 159 F : icy (Le Provincial, toujours assis de profil, soulève sa robe face à Barbette.) 160 F : deux (Saint Dieu !) 161 Mon sexe risque de finir ses jours. 162 Lui-même est très ému. Commotus avait un sens positif au vers 293, mais il a maintenant un sens négatif : victime d’une commotion, blessé. 163 F : Vecine et (Venere est l’ablatif de Venus, déesse du plaisir charnel.) Pour Vénus il a beaucoup souffert. 164 F : ont 165 F met ce vers après 426. 166 Vers manquant. Bruit = réputation. « Qui eust pensé que l’avyron/ Eust eu sy grand bruyct ? » Les Sobres Sotz. 167 Célèbre faculté de médecine : cf. le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies, vers 4 et note. F met ce vers avant 315. 168 Qui a produit de tels fruits, de tels résultats. 169 Faieces vous (Vaillant = ardente au lit. Idem v. 426.) 170 Personne. Mais on reprochait aux avorteuses de tuer des âmes : voir le v. 319. 171 Barbette s’éloigne un peu. 172 Elles ont un discours séduisant. « Beau parler apaise les gens. » Marchebeau et Galop. 173 Leur va sur mesure. Cette tirade est très ironique. 174 N’y a-t-il pas d’autres candidates ? 175 Mécontent, Robinet voit s’approcher Guillemette, suivie par la timide Marion 176 F : me 177 Un peu. Aussi obsédée que ses devancières, Guillemette confond l’instruction avec l’introduction. 178 Maîtresse ès Arts. Voir le v. 122. 179 Professeur d’université. « Puisqu’aussi nous sommes régentes. » Les Femmes maistresses. 180 Si on n’y met pas toute son application. Devant le mot « entente », les Picards apocopent les pronoms mon et son : « En penser met toute s’entente. » Jardin de Plaisance. 181 Que 100 écus sont en réalité 1000 écus. La faculté des Arts enseigne les arguties rhétoriques, le syllogisme et le discours ambivalent. 182 Habile. 183 Deux voies. On peut comprendre : le double langage. 184 Tranquille. Debrie, Glossaire du moyen picard. 185 La voie royale. Mais les royaux sont des pièces de monnaie : cf. les Trois amoureux de la croix, vers 221. 186 La voie des innovations en matière de sophismes. N’oublions pas que art et artifice ont la même étymologie. « Des simples bergères/ Que, par des ars nouveaulx, ilz ont rendu sorcières. » Fronton Du Duc. 187 Les plus spécieux, les plus trompeurs. Le Provincial donne plusieurs livres à Guillemette. 188 F : dacan (Guillaume d’Occam, champion de la scolastique au XIVe siècle, séparait les mots de leur sens.) 189 D’après Cicéron, l’éloquence de ce philosophe grec est un flumen aureum [fleuve d’or]. 190 Élève puis adversaire d’Occam, et commentateur d’Aristote. Occam fut célèbre pour sa théorie du rasoir, Buridan pour sa théorie de l’âne. 191 Assimilez ce jargon captieux. 192 F : vng (Vous tiendrez. C’est un futur picard.) F met ce vers sous 356. À la suite, il semble manquer un vers en -ent et un vers en -otz. 193 Les finasseries, les arguments cauteleux. Idem v. 444. 194 Je n’ai pas d’argent à vous donner. Au sens propre, le défaut de matière est l’érosion du métal dans une monnaie : « Materiæ deficientis in pecunia. » (Martin Garrat.) Mais c’est aussi la maigreur, et en l’occurrence, celle de la verge du Provincial. Guillemette s’éloigne, laissant Marion à découvert. 195 L’une des Femmes maistresses veut aussi « estre avecques théologiens ». 196 Repris, blâmé. 197 Grammairienne. La grammaire était enseignée en latin. 198 De bons accouplements qui, à l’instar des leçons, requerraient deux intervenants. Cf. les Femmes maistresses, vers 198 et note. 199 F : connienne (Qu’elle dialogue.) Les traités de grammaire, et notamment le fameux Donat, sont écrits en questions/réponses : le maître interroge, et le disciple répond. La leçon se fait donc à deux. 200 F : Ceteris (Jelle Koopmans restitue cette phrase au Doctrinale puerorum, d’Alexandre de Villedieu.) La même phrase — débarrassée de sa faute initiale — introduit le Discours joyeux en façon de sermon, p. 173 de l’édition des Sermons joyeux publiée par Koopmans. 201 En haut et en bas. 202 Sans trop vous occuper de cela. 203 F : fit (« Præsentis nota tibi sit persona secunda. » Villedieu, Doctrinale puerorum.) Ainsi, qu’il soit le second interlocuteur du dialogue. 204 F : vouldroit (Correction envisagée par J. Koopmans.) C’est le vers 358 des Premiers gardonnéz. 205 Il manque 9 vers, dont F a rassemblé quelques bribes inutilisables : Mais mon amy a maistre certain 206 Le Provincial laisse tomber dans les bras de Marion l’énorme dictionnaire latin de Jean de Gênes. Et je peux vous confirmer qu’il est lourd ! 207 Qui ne soit exposé avec une prudence chichiteuse. 208 F : Sibas (Abbas [abbé] est déductible du vers suivant. Le Catholicon ignore sibas.) 209 Copula avec elle. 210 Inévitable jeu de mots sur Bacchus et bas cul. « Bacchus,/ Par qui est régy le déduict des bas culz. » Roger de Collerye. 211 Le Catholicon s’en tient à Bachus et Bachi ; il ne donne ni le datif Bacho, ni l’accusatif Bachum. Ce dernier mot se prononçait alors comme « bas con », qui désigne le sexe de la femme. 212 Les exemples. 213 Cite-moi des adverbes d’avertissement ! Cette injonction n’est pas tirée du Catholicon mais du Donat : « Da hortandi, pour advertir ! » Mais Marion dit en fait : « Da or, tandis ! » [Donne-moi de l’or, cependant.] Voir la note de J. Koopmans. 214 F : peu (« Dessendez ung petit plus bas. » Les Vigilles Triboullet.) Les entorses au schéma des rimes prouvent qu’il n’est pas commode d’y faire entrer une leçon de grammaire latine. 215 Aima le vit. 216 Je ne sais pas. Guillemette, en feuilletant un des livres que le Provincial lui a donnés au vers 351, tombe sur un précepte d’Aristote qu’elle souffle à sa camarade. 217 Je vais vous le dire. C’est la première de 4 rimes en -an, selon la prononciation à la française qui régnait alors. 218 F : Car pour ce faire nous fourmanan (« La matière recherche la forme comme la femme recherche le mâle. ») « Marem », accusatif de « mas », rimait en -an. 219 F : Ciba cibar cibam (« Cibo, -bas, -bavi : cibos dare. » Catholicon.) 220 On peut comprendre : Ici bat le vit. Ou bien : Un si bas vit. 221 Faites-nous voir un peu. 222 F : Deus (Le Seigneur a nourri les campagnes. « Dominus cibavit me. » Juan Fernandez.) Il faut comprendre : le Seigneur, si bas vit, a gros ; le vit si bas du Seigneur est gros. Tabourot consacre un chapitre des Bigarrures à ces « équivoques latins-françois ». 223 Sans rime ni raison, F a troqué ces deux vers manquants contre le vers 309. 224 Votre. Cette apocope est picarde. Les femmes sont devenues tellement viriles que c’est elles qui payent les hommes et eux qui font mine de refuser. L’auteur inverse le processus normal : « –Tenez, vélà deux beaux escuz./ –Sans faulte, je n’en auray plus ! » Le Povre Jouhan. 225 Être jeté dans la Seine. « Que fust-il en ung sac en Seine ! » (Martin de Cambray, F 41.) Clin d’œil du comédien : être en scène. Marion s’éloigne un peu. Le Provincial fait revenir son élève favorite, Guillemette, la maîtresse ès Arts. 226 Une femme humaine accepte de coucher le premier jour, contrairement à l’inhumaine, qui nous fait attendre jusqu’au lendemain. « Une mignonne fort humaine. » Le Résolu. 227 À supposer que je sois. Le Provincial joue le rôle du mari cocu pour juger le raisonnement de son écolière. 228 F : auec (Correction suggérée, mais non appliquée, par Koopmans.) Vous avez encore pris un amant. 229 Je le nie. 230 F : peut 231 F : assimily (Mais, cela étant prouvé par l’argumentum a simili. Cet argument étend une loi à un domaine plus éloigné ; on l’invoque par exemple pour qu’une fille bénéficie de droits réservés aux garçons.) 232 F : a (« Mais je gage de la tromper. » Godefroy.) Je suis sûre de vous donner tort. Guillemette empoigne le chandelier qui est posé sur la chaire ; il ne comporte qu’un seul orifice. 233 De pouvoir. Idem v. 466. Nos amis Belges ont laissé vivre ce sens. 234 Ces chandelles masculines, qu’on introduit dans un chandelier féminin, sont un symbole transparent. « Tous verds galans devroient, pour t’honorer,/ À deux genoux te venir adorer,/ Tenant au poing leurs flambantes chandelles. » Ronsard. 235 C’est bien vrai. 236 Sans hésiter. Encore un idiotisme picard. 237 Aisément. 238 F : Non plus comme au chandellier / Que vecy mettre (Comme un chandelier simple ne saurait accueillir deux chandelles.) 239 Note 69. 240 Je vous concède que c’est vrai. 241 F : Ainsi / En vela une le feu sailly (Ce passage est troublé, tant pour la versification que pour le sens.) 242 Auprès de votre vulve : dans votre anus. Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. Nos collégiens décrivent la posture en « sandwich », où la femme est entre deux hommes : « Il la carressoit par-derrière,/ Et je l’embrochois par-devant. » Chansons des comédiens françois. 243 Par voie de conséquence. 244 Difficile. Les Parisiennes se croyaient déjà plus malignes que les autres. « Aux dames parisiennes,/ De beau parler donnez le pris. » Villon, Ballade des femmes de Paris. 245 F : fournisse (« Baiser, acoller et fourbir. » Le Cuvier.) Dans les farces, les dames se font plus souvent fourbir la coquille ou le harnois que le chandelier. 246 Introduire dans notre « chandelier ». 247 F : scarons (Ne pourront.) 248 F : in salus (Irréfutables. « Deux arguments tant insolus. » ATILF.) 249 Je suis content. C’est la devise de nombreux cocus. 250 M’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! 251 C’est le surnom moqueur dont Guillemette affuble Robinet (vers 35). La riposte du clerc est perdue, ou l’éditeur n’a pas osé la reproduire. 252 « Car vous estes grandes clargesses. » Les Femmes maistresses. 253 F : Bone magister noster (Ayant réussi leur maîtrise, les femmes ont le droit de porter le bonnet rond des Docteurs. « Affin que vous nous baillissez/ Ung bonnet ront dessus la teste. » Les Femmes maistresses.) Le Provincial les coiffe solennellement d’un bonnet rond. 254 Que vous prêtiez serment. Cf. les Femmes maistresses, vers 274. 255 F : ma (Tant que vous êtes jeunes.) 256 En souvenir de moi. 257 F : Series (Servirez-vous mes collégiens ?) 258 F : Guillemette 259 Les collégiens se divisaient en deux groupes : les grands anciens, et les petits nouveaux. On devine que le théâtre était monopolisé par les grands. 260 F : Tous verres bien qua (Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 274 du Roy des Sotz.) Ce que ça donnera. 261 Bonne vie ! Les quatre femmes sortent de la classe. 262 À juste titre. 263 F : barbara (Voir le refrain de ce triolet à 487.) 264 F : Marion (C’est Barbette qui a hérité de la médecine.) 265 F : le (« Quelz droictz te sont, de droict, eschus ? » La Mère de ville.) 266 F : le (Je me fonde sur les Arts.) 267 F : barbata 268 F : pourrez 269 F : Barbette (Corr. Koopmans.) 270 Ce n’est pas la seule pièce dont « Amen ! » constitue le dernier vers, au détriment de la mesure et de la rime : voir par exemple la Confession Margot.
LE COUSTURIER ET ÉSOPET
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LE COUSTURIER
ET ÉSOPET
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Cette farce de collège fut écrite et jouée vers 1500 par des élèves du collège de Navarre, à Paris. Emmanuel Philipot1 nous rappelle qu’elle brode sur un conte que les collégiens pouvaient lire dans quelques éditions latines et françaises des fables d’Ésope. C’est donc à l’Ésopet en françoys que le jeune Ésopet, interprète et auteur revendiqué de la farce, doit son pseudonyme. Je publie en annexe le conte dont il s’inspire.
Les couturiers sont des habitués des farces : voir la notice du Cousturier et le Badin.
Source : Recueil du British Museum, nº 34. Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550.
Structure : Rimes plates, rimes abab/bcbc. Sur ce canevas, l’auteur (ou le collectif d’auteurs) s’est livré à du remplissage a posteriori.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
À quatre personnages, c’est assavoir :
LE COUSTURIER
ÉSOPET
LE GENTIL-HOMME
et LA CHAMBÈRIÈRE [madame du Mesnage]
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LE COUSTURIER commence SCÈNE I
Ésopet, que2 je ne m’oublie,
Boute-moy sus mon establie
Mes cizeaulx, mon fil et mon dé,
Affin, si j’estoye mandé
5 Pour aller un habit tailler,
[Qu’]il ne me faillist rien bailler3.
J’ay veu le temps – qui est passé –
Qu(e) un cousturier estoit4 lassé ;
Mais, tout est plus froit qu’un glasson5.
ÉSOPET
10 C’est pour cause qu(e) à la façon6
Du temps présent rien vous ne faictes.
LE COUSTURIER
Que fais-je donc, [maulvais] garson ?
ÉSOPET
Quoy7 ? Vous faictes bien des jaquettes
Du temps des robbes à pompettes8.
15 Et certes, il fault l’ouvrouèr clorre9,
Se vous ne taillez « à la gorre10 » :
Car chascun veult estre gorrier11.
LE COUSTURIER
Il n’y a, par Dieu, cousturier,
Pour trencher un habit honneste
20 – Et fust pour vestir à la feste –
Plus propre12 que moy, en la ville.
Pour trencher une robbe, habille13
De toutes gens suis avoué14.
ÉSOPET
Aussi, je [fus] vostre alloué15
25 Deux ans sans loyer16.
LE COUSTURIER
Je croy bien !
Aussi ne me sers-tu de rien
Qu(e) à garder l’hostel17, d’aventure,
Si quérir vois18 de la cousture,
Quand mandé suis pour y aller.
ÉSOPET
30 Au moins vous sers-je d(e) enfiler
Voz aguilles19…
LE COUSTURIER
Mais un estront !
ÉSOPET
Masche20 !
LE COUSTURIER
Te fault-il gromeller ?
ÉSOPET
Je ne dis riens à vostre fronc21.
LE COUSTURIER
Les apprentis devenus22 sont
35 Maintenant plus fiers que les maistres.
Mais si j’empoigne un baston rond,
Bien te feray tirer tes guestres23 ;
Et puis t’en va servir aux prebstres24,
Je n’y en compte pas un pet25 !
ÉSOPET
40 Entre voz dens maschez ses lettres26 !
Il n’y a rien pour Ésopet.
LE COUSTURIER
J’ay dueil, quand aucun ne me met
En ouvrage pour besongner :
Car j’ay grant27 besoing de gaigner,
45 Veu que le pain est enchéry.
Puis [ce garson que]28 je nourry
Est tant friant29 et tant gourmant
Qu’il mengeroit plus qu’un Al(e)mant30.
En son habit ne se peult tourner,
50 Tant est gras.
ÉSOPET
C’est donc de jeusner !
Par bieu, veez-là bonne raison !
Et ! je ne vy, en la maison,
Mettre pot au feu de sepmaine31 :
C’est bien pour avoir pance pleine !
55 Et si32, dit que je suis si ayse.
LE COUSTURIER
Ésopet, n’ayons point de noyse.
Puisque tu veulx mestier apprendre
À tailler, à couldre, à reprendre33,
Il te fault avoir bon courage.
ÉSOPET
60 C’est bien dit. Il nous fault attendre :
Je croy qu’il viendra de l’ouvrage.
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LE GENTIL-HOMME SCÈNE II
Or sus, Madame du Mesnage34 !
Voicy le temps d’esté qui vient.
Il fault dancer et faire raige
65 Pour monstrer vostre personnage35.
Robbe neufve avoir vous convient :
Ainsin36, se d’aventure vient
Quelque varlet qui vous demande
À mariage, la vïande
70 Plus [à gré]37 il en trouvera.
LA CHAMBRIÈRE
Par bieu, quand bon vous semblera !
Assez avez esté mon38 « maistre » ;
Et qui marier me pourra39,
Je suis bien contente de l’estre.
LE GENTILHOMME
75 Et pour ce cas vous veulx-je mettre40
Honnestement, mais que je puisse,
Affin de donner à cognoistre
Qu(e) avez esté en bon service.
J’ay des draps, j’ay de la pelice41 ;
80 Reste, sans plus, qu’il fault aller
À un bon cousturier parler,
Qui vous mette en estat exquis.
LA CHAM[BÈRIÈRE]
J’ay jà un cousturier tout quis42.
LE GENTILHOMME
Et bien, doncques, vous parlerez
85 À luy ; et si, deviserez43
De voz vestemens la façon.
LA CHAM[BÈRIÈRE]
C’est le maistre de ce garson,
Ésopet.
LE GENTIL-HOMME
C’est bien advisé.
Mais que vous ayez devisé44
90 Des habitz, le drap porterons.
Et devant nous, tailler ferons :
Car cousturiers et cousturières
[S]ont tousjours à faire banières45,
Comme j’ay ouÿ autresfoys
95 Racompter.
LA CHAMBÈRIÈRE
Bien. Je m’y en voys,
Pour s’en despêche[r] vistement.
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LE COUSTURIER chante. SCÈNE III
Ilz mainent bonne vie et bon esbatement,46
Les gentilz cousturiers, quand ilz ont de l’argent.
ÉSOPET
Mon maistre tremble dent à dent47,
100 Et si, s’est esprins48 à chante[r] ;
Au fort, c’est pour mieulx gringoter49
Son chant, à la mode nouvelle.
LE COUSTURIER
Garson, t’en fault-il barbeter50 ?
Je puis chanter et deschanter51,
105 Maulgré ta sanglante52 cervelle !
.
LA CHAMBÈRIÈRE SCÈNE IV
Pour me faire53 ma robbe belle,
Au cousturier je porteray
Ceste perdrix, avec une aesle54
De chapon, que je luy donray.
110 Et expressément le prieray
Qu’il n’y ayt corset ne cotelle55
Qui ne [me] soit comme ciray56
Sus le corps d’une Damoyselle57.
.
Dieu gard, maistre ! SCÈNE V
LE COUSTURIER
Dieu vous gard, belle !
115 Vous fault-il rien58 que vous [n’]ayez ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Il fault, sire, que vous soyez
Mon cousturier. Mais je vouldroye
Que ce fust bien fait.
LE COUSTURIER
Que je voye
Se vostre corps est droictement
120 Pour porter un bon vestement.
Ouÿ, voz hanches sont espesses,
Fendue en corps59, et haultes fesses.
Je m’esbahy s’on ne se tue
– Quand une foys serez vestue –
125 Pour vous avoir en mariage !
[LA CHAMBÈRIÈRE]
Faictes-moy donc[ques] un[e] ouvrage60
Qui soit [trop] plus plaisante et bonne.
Et veez-là [ce] que je vous donne :
Une perdrix, et d’un chapon61
130 Qui est gras, je vous [en] respon !
Mais gardez quelque lopinet62
À vostre garson Ésopet ;
Il ne se trouve pas à point63.
LE COUSTU[RIER]
C’est tout un : il ne mengeüt64 point
135 De perdrix, ne de chapon aussi,
Quand ores65 il seroit icy,
Tant est difficille à nourrir.
Ne vous chaille. Allez-moy quérir
Vostre drap.
LA CHAMBÈRIÈRE
Toutesfoys, beau sire,
140 Par vostre âme, voulez-vous dire
Que vostre garson n’e[n] sçauroit
Menger, qui66 luy en bailleroit ?
LE COUSTURIER
Riens ! S’il va en vostre maison,
Gardez bien que de venaison67
145 Ne luy donnez pas un morseau !
LA CHAMBÈRIÈRE
Bien doncques. Il y a foison
Beuf, mouton et chair de pourceau :
Or besongn[er]ons donc tout beau…
Et ! je m’en voys quérir mon drap.
150 Et si, bevrons à plain hanap
De bon vin, soit vieil ou nouveau.68
.
LE COUSTURIER SCÈNE VI
Et ! par monseigneur sainct Marceau !
Ésopet jà n’en mengera :
Il est trop saffre69 du museau.
155 Repaisse70 du pain et de l’eau(e)
S’il veult ; cecy me demourra71.
.
LA CHAM[BÈRIÈRE] 72 SCÈNE VII
Le cousturier me taillera
Mes robbes de bonne façon.73
N’est-ce [pas] icy son garson ?
160 Si est.
Viens çà, hay, Ésopet ! SCÈNE VIII
N’es-tu pas le petit varlet
Du cousturier ?
ÉSOPET
Ouÿ. Pourquoy ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Beau sire, dy-moy, [s’il te plet]74 :
Menge-tu point de venaison ?
ÉSOPET
165 Par Dieu, voicy bonne raison !
Celuy bien desgoûté seroit,
Qui venaison ne mengeroit !
Pourquoy n’en mengerois-je point,
Se la chose venoit à point
170 Qu’on la me baillast à repaistre75 ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Comment ? J’ay donné à ton maistre
Une perdrix et une cuysse
De gras chapon, par sainct Supplice76 !
La perdrix estoit toute entière ;
175 Et ay dit en ceste manière
Qu(e) une portïon t’en gardast,
Et que [tout] seul ne la77 mengeast ;
Mais il m’a dit et asseuré
(Par grand serment qu’il a juré)
180 Que perdrix ne menges jamais.
ÉSOPET
Est-il vray ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Je te le prometz.
Et cuide qu’il la78 bauff[r]era
Tout seul, et ne t’en gardera
Jà morceau.
ÉSOPET
Or loué en soit Dieu !
185 Et ! me79 jouez-vous de ce jeu,
Mon beau maistre d’estronc de chien80 ?
Vrayement, je m’en vengeray bien,
Et de bref (ou je ne pourray)81 :
Car d’un autre vous en joueray.
190 Avez-vous trouvé que jamais
Ne mengeüz ne perdrix ne telz metz ?
Par l’âme du82 filz de mon père !
Vendu vous sera cher, compère !
Et si, en aurez des lours coups !
195 Dictes-moy : quand [re]viendrez-vous
Faire tailler vostre vesture ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Dès aujourd’huy, par adventure.
Viens avec moy, [et] tu sçauras
Quand j(e) iray ; et si, le di[ra]s
200 À ton maistre.
ÉSOPET
C’est spéculé
Au droit83.
.
LE GENTIL-HOMME SCÈNE IX
Puis, avez-vous parlé
À l’ouvrier ?
LA CHAMBÈRIÈRE
Ouÿ, Monseigneur.
Il me vestira à honneur,
Ce m’a dit. Voicy son varlet.
LE GENTILHOMME
205 Ton maistre, me semble qu’il est
Bon ouvrier ?
ÉSOPET
Le meilleur de France
Pour faire robes à plaisance.
Dommage est de la maladie
Qu’il a.
LE GENTILHOMME
Quoy ?
ÉSOPET
O ! Saincte Marie !
210 Jamais ne fut rien si hideux !
LE GENTIL-HOMME
Voire ? Mais dis-moy, si tu veulx,
Quel mal est-ce dont il se plaint.
ÉSOPET
C’est [de] maladie de sainct84.
J’en suis souvent en grand danger.
LA CHAMBÈRIÈRE 85
215 Pourquoy, Jésus ?
ÉSOPET
Il veult menger86
Les gens, quand ce mal le surprent,
Qui soubdainnement ne le prent87
Pour le lyer et le [ra]batre88 ;
Et encores plus, le fault batre
220 Par les joues et par la teste89,
Où le tient ce mal déshonneste.
Mais après qu’on l’a fort batu,
Il reprent un peu sa vertu,
Et ne luy souvient de cela.
LE GENTIL[HOMME]
225 Regardez quel danger voylà
De luy porter de la cousture !
Se son mal prenoit90, d’aventure,
Ce seroit pour tuer un homme.
ÉSOPET
Je m’esbahis qu’il n’en assomme.
230 Quoy ! il semble un démonïacle91 :
À tort il [s’es]broue et r[en]âcle92.
Mais dessus luy nous nous jectons
Incontinent, et le battons
(Car ainsi faire le convient),
235 Et puis son bon sens luy revient.
Autrement, nous destruiroit [tous].
LE GENTIL-HOMME
Et comment appercevez-vous
Que son mal le prent ?
ÉSOPET
Aysément ;
Et est bon advertissement93
240 – Affin que se vers luy venez,
À ce94 tousjours garde prenez,
Qu’il ne vous blesse, d’aventure.
Premier, quand il sent ceste ardure95,
La teste luy verrez tourner
245 Deçà, delà, et démener96
Sans dire mot, en sa folie.
Et puis dessus [son] establie,
Tippe, tappe97 ! ses mains frapper.
Incontinent le fault happer,
250 Et de grands buffes98 luy bailler,
Pour le mal rompre et travailler99 ;
Mesmes le lyer d’une corde,
Aucunesfois100, qu’il ne vous101 morde.
Mais, Monseigneur, je ne dy rien
255 Qu(e) en secret102.
LE GENTILHOMME
Ha ! je l’entens bien.
Et vrayement nous y penserons,
Présent, quand nous luy porterons
Le drap à vestir celle femme.
Et si, je vous jure mon âme,
260 Se j’apperçoy sa103 fantasie,
Que je ne luy failleray mye
À l’empoigner bien vistement
Et frapper dessus.
ÉSOPET
Hardiment !
Après, bon gré vous en sçaura.
LA CHAMBÈRIÈRE
265 Il104 n’est que dire honnestement.
Au moins, on y remédira.
ÉSOPET
Or venez quand il vous plaira,
Au moins se vostre maistre est prest.105
.
LE GENTIL-HOMME SCÈNE X
Or regardez quel danger c’est !
270 On voit106 les gens, aucunesfoys,
Et ne sçait-on comme il [en] est.
LA CHAMBÈRIÈRE
Vous dictes vray.
LE GENTILHOMME
Par sainct Françoys !
Se je m’apperçoy une foys
Qu(e) ainsi tourne la teste et frappe,
275 Je n’atendray pas qu’il m’eschape :
Je le prendray du premier sault.
LA CHAMBÈRIÈRE
Entendez que batre le fault,
Pour faire son mal retourner107.
LE GENTIL-HOMME
Or me le laissez gouverner :
280 Je croy que bien en cheviray108.
LA CHAMBÈRIÈRE
Voire, voire. Et puis je seray
Pour vous ayder, s’il est besoing,
Et luy donner des coups de poing
Pour faire [re]tourner son mal,
285 Car c’est le moyen principal.
Comme son varlet dit les signes109 !
LE GENTILHOMME
Il fault aller veoir quelles mines
Il tiendra110. Ce drap-là prenez,
Et quand et moy111 vous en venez
290 Pour faire voz robbes tailler.
.
ÉSOPET 112 SCÈNE XI
Mon maistre m’a cuidé railler,
Mais vrayement, je le railleray :
Ennuit113, je luy feray bailler
Bien des coups, ou je ne pourray.
295 Si tost que venir je verray
Ce seigneur, dessus l’establie,
En saluant la seigneurie,
J(e) osteray les cyseaulx et croye114.
Après, mais que point ne les voye115,
300 Deçà, delà regardera ;
Et dessus la table [il] frapera
Pour faire ses ciseaulx sonner116.
Et Dieu scet comme démener
Le verrez à117 mon gentilhomme,
305 À qui j’ay dit la façon comme
Sa maladie [il] doit cognoistre.
.
LE GENTILHOMME 118 SCÈNE XII
Et puis, estes-vous céans, maistre ?
LE COUSTURIER
Ouÿ dea, Monsïeur119, ouÿ !
LE GENTILHOMME
Vrayement, je suis tout resjouy
310 Que soyez en bonne santé.
Nous avons de drap aporté
Pour ceste mignonne habiller.
LE COUSTURIER
C’est trèsbien dit. Il fault tailler
Ce qu’elle vouldra de vesture.
315 Mais il fauldra prendre mesure.
Or çà ! le drap, que je le voye !
LE GENTILHOMME 120
Regarde[z] bien se d’aventure
Ses signes fera.
LA CHAMBÈRIÈRE
J(e) y pensoye.
ÉSOPET 121
(Or n’a-il plus ciseaulx ne croye ;
320 Tantost verrez bonne fredaine.)
Nota que le Cousturier tourne la teste d’un costé et
d’autre pour trouver de la croye et les ciseaulx.
LA CHAMBÈRIÈRE 122
Regardez comme[nt] il démaine
Sa teste deçà et delà :
Son mal le veult tenir en peine.
Le Cousturier frappe sur l’establie,
et le Gentilhomme l’empoigne.
LE GENTILHOMME
Or çà, de par le diable, çà !
325 On nous avoit bien dit, piéçà123,
Que vous nous joueriez de ce jeu.
Ilz frappent sus le Cousturier.
[LE COUSTURIER]
Qu’est cecy ? Au meurtre !
LE GENTILHOMME
Corps bieu !
Maintenant serons124 les plus fors,
Et eussiez-vous le diable au(x) corps,
330 Qui est une [très] layde beste125 !
LA CHAMBÈRIÈRE
Si bien vous torcheray126 la teste
Que le mal s’en retournera.
Elle frape, et le Cousturier crie.
[LE COUSTURIER]
Au meurtre !
LE GENTILHOMME
Hé ! on vous gardera
Que ne puissiez mordre ne nuyre.
LE COUSTURIER
335 Que grand diable est cecy [à dire]127 ?
Et comme[nt] avez[-vous] songé
Que je suis fol ou enragé ?
Entendez à ce que je dy !
De malle mort soys-je128 rédy
340 Se plus sain ne suis que vous n’estes,
Sinon du mal que vous me faictes !
Qui diable vous a advertis
De ce faire ?
LE GENTILHOMME
Vostre apprentis,
Qui nous en a dit la façon
345 Devant129 que nous soyons partis
De l’hostel.
LE COUSTURIER
Ha ! le faulx130 garson !
LA CHAMBÈRIÈRE
Il vault mieulx que [nous] le laisson :
Peult-estre que c’est tromperie.
LE COUSTU[RIER]
Aussi esse, par sainct Sanson !
350 Il le m’a fait par mocquerie :
Je ne sens quelque maladie131,
Si n’est du mal que m’avez fait.
LE GENTIL[HOMME]
Levez-vous doncques ! En effait,
Vostre varlet nous l’avoit dit,
355 Et qu’il vous prenoit tout à fait132
Un mal qui les gens estourdit133.
LE COUST[URIER] 134
Vien çà, gars infâme, mauldit !
[Et] où as-tu trouvé cecy
D’aller dire à ces gens icy
360 Qu(e) aucunesfoys fol devenoye ?
ÉSOPET
Où avez-vous trouvé, aussi,
Que point de perdrix ne mengeoye ?
Je vous l’ay rendu, Dieu mercy,
Ainsi comme je l’entendoye.
[LE COUSTURIER] 135
365 A ! est-il vray ? Pas n’y pensoye136.
[LA CHAMBRIÈRE]
Vous le me distes, voirement,
Et qu’il n’en mengeoit nullement ;
Et croy bien que [vous l’en gardastes]137.
ÉSOPET
Sainct Jehan ! Alors138 que vous mengeastes
370 La perdrix comme mal courtoys,
De quoy [rien] ne me réservastes,
Je songeay – comme vous songeastes139 –
[Qu’estes fin]140 fol, aucunesfois.
LE GENTILHOMME
Il a esté bien batu, toutesfoys.141
ÉSOPET
375 Je n’en puis mais142. S’il m’eust gardé ma part
De la perdrix deux morceletz143 ou trois,
Sans la menger toute comme un drongart144…
LE COUSTURIER
Ha ! que tu es un faulx145 maistre paillart !
Je te rendray146 une foys la falace.
ÉSOPET
380 C’est « tien ! » pour « tien ! ».
LE GENTILHOMME
Icy y a regard147 :
« Fay à autruy ce que veulx qu’on te face. »
LE COUSTURIER
Par bieu, par bieu ! Se jamais vient en place148,
Il t’en sera rendu maint coup de barre !
LE GENTILHOMME 149
[Il] ne me chault [quel brouet on]150 luy brasse.
.
385 Prenez en gré de151 la petite farce :
C’est [d’]Ésopet, le somuliste152 de Navarre.
.
FIN
*
D’UNG COUSTURIER D’UNG ROY,
& DE SES SERVITEURS.
.
Au tout début du XIIe siècle, le médecin aragonais Petrus Alfonsi (Pierre Alphonse pour les intimes) composa en latin une Disciplina clericalis. On peut y lire un exemplum nommé : De regii incisoris discipulo Nedui nomine153. En 1477, le médecin allemand Heinrich Steinhöwel compila un vague corpus ésopien, Vita et Fabulæ, dans lequel figurent plusieurs contes d’Alfonsi, dont le fameux exemplum, rebaptisé : De Sartore regis et eius sutoribus facecia. En 1480, le moine français Julien Macho traduisit ce recueil ; le conte susnommé prend alors pour titre : Du Cousturier du roy, et de ses serviteurs. L’édition latine de Steinhöwel et la traduction de Macho, plusieurs fois rééditées, devinrent des classiques de la littérature morale à l’usage des écoles. Nos collégiens y puisèrent tout naturellement le sujet de leur farce. Je publie la version du Cousturier qui se trouve dans les Subtilles fables de Ésope : elle est généralement meilleure que celle de l’Ésopet en françoys154, que les collégiens avaient sous les yeux.
.
L’on ne doit pas faire à aultruy ce qu’il155 ne vouldroit qu’on luy fist, comme il appert par ceste fable d’ung Roy qui avoit ung cousturier qui estoit si bon ouvrier que meilleur ne povoit estre au monde, et avoyt plusieurs bons serviteurs dont l’ung s’appelloyt Médius, qui surmontoit les aultres pour bien ouvrer. Pour quoy le Roy commanda à son maistre d’ostel156 de donner ausditz cousturiers à boire & à menger délicieusement.
Or advint ung jour que le maistre d’ostel leur donna à menger d’une trèsbonne viande157 précieuse où il y avoit du miel. Et pource que Médius n’estoit pas en celle feste158, le maistre d’ostel dist aux aultres qu’il luy failloit garder de celle viande précieuse. Son maistre respondit qu’il ne luy en failloit point garder, car il ne mengoit point de miel. Et ainsi qu’ilz eurent disné, Médius survint, & leur demanda : « Pourquoy ne m’avez-vous gardé ma part de ceste viande précieuse ? » Et le maistre d’ostel luy dist : « Pource que ton maistre m’a dit que tu ne menges point de miel. » Et Médius se teust & ne dit mot, mais il pensa comment il pourroit tromper son maistre.
Et ung jour advint que Médius estoit tout seul avec le maistre d’ostel. Le maistre d’ostel luy demanda s’il congnoissoit point homme qui fust si bon ouvrier que son maistre. Et Médius luy dist que non, mais que c’estoit grant dommage d’une maladie qu’il avoit. Et le maistre d’ostel luy demanda de quelle maladie c’estoit. Adonc, Médius luy dist : « Monseigneur, quant il est entré en ceste frénaisie, il luy prent une rage. » « Et comment le congnoistray-je159 ? » dist le maistre d’ostel. « Certes, monseigneur, quant vous verrez qu’il sera sur son establier160, et qu’il commencera à regarder deçà et delà, et qu’il commencera à frapper du poing sur la table, adonc sa maladie le prent. Et si vous ne le faictes lyer et bien battre, il est digne161 de faire ung grant dommage. » Et le maistre d’ostel luy dist : « Ne te chaille, mon amy, je m’en donneray bien garde ! »
Et le lendemain, le maistre d’ostel vint veoir les cousturiers. Et quant Médius le vit, il sçavoyt bien pourquoy il venoyt, et print secrètement les forces162 de son maistre, et les mussa. Adonc, le maistre commença à cerchier ses forces deçà et delà, et à frapper du poing sur la table. Adonc, le maistre d’ostel le commença à regarder, et à coup le fist prendre par ses serviteurs, et le fist lyer et trèsbien battre. Et adonc, le maistre cousturier fut merveilleusement esbahy, et leur commença à demander : « Messeigneurs, pourquoy me battez-vous si oultrageusement ? Quelle offence ne quel mal ay-je faict, pour quoy il fault que je soye ainsi lyé et villainement battu ? » Adonc, le maistre d’ostel luy va dire : « Pource que Médius m’a dit que tu es frénatique, et que qui ne te batteroyt bien163, tu feroys ung grant dommage. » Et adonc, le maistre cousturier s’en vint à son varlet, et bien rigoureusement luy dist : « Ha ! maulvais garson remply de mauvaises parolles ! Comment m’as-tu veu enragé ? » Et son varlet luy respondit orguilleusement : « Mon maistre, quant m’as-tu veu que je ne mengoye point de miel ? Et pour tant164, je t’ay rendu cocque pour cocque ! » Adonc, le maistre d’ostel & tous les aultres serviteurs se prindrent à rire, & dirent tous ensemble qu’il avoit bien fait.
Et pour ce, saichez que nul ne doit faire à autruy chose qu’il ne vouldroit qu’on luy fist165.
*
1 Trois farces du recueil de Londres. Rennes, 1931. J’ai conservé une quinzaine de ses corrections. Je recommande la préface de l’édition d’André Tissier : Recueil de farces, t. II. Droz, 1987. 2 Avant que. 3 Qu’on n’ait pas besoin de me donner quoi que ce soit : que j’aie tout sous la main. 4 BM : soit (Était fatigué par la quantité de travail qu’il devait fournir.) 5 Désormais, mon activité s’est beaucoup refroidie. 6 Que selon la mode. 7 BM : Que (Ce que vous faites ?) 8 Ayant des pompons, des nœuds de rubans. « Mon pourpoint à grosse pompette. » Mieulx-que-devant, BM 57. 9 Il faudra plier boutique. 10 À la nouvelle mode. « Estre vestu à l’avantage,/ À la gorre du temps présent. » Colin qui loue et despite Dieu. 11 Élégant avec ostentation. Voir la Folie des Gorriers. 12 Plus apte. On trouvera les mêmes vantardises au début du Cousturier et le Badin. 13 Habile. 14 Reconnu. 15 Votre salarié. « Estoit-il point vostre aloué ? » Farce de Pathelin. 16 Sans salaire. 17 La maison. Idem vers 346. 18 Je vais. Idem vers 95 et 149. 19 Ésopet insinue que son maître n’y voit plus assez, ou qu’il tremble à cause de l’alcool. 20 « –Étron ! –Mâche ! » est l’équivalent de l’actuel : « –Merde ! –Mange ! » Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 285. 21 À votre sujet. Quoi qu’on en dise, cette graphie est largement attestée : voir par exemple le Sermon pour une nopce, où « fronc » rime avec « estronc ». 22 BM : de maintenant (Correction d’Emmanuel Philipot.) 23 Déguerpir. 24 Philipot conjecture que « l’apprenti Esopet était un jeune clerc qui, au collège de Navarre, “servait les prêtres” soit comme “famulus”, soit en leur répondant la messe en qualité de sous-diacre ». 25 Je n’en donne pas plus cher qu’un pet. 26 Les lettres du mot « pet ». Même registre scatologique qu’aux vers 31-32. 27 BM : tout 28 BM : que ce garson (Un garçon est un apprenti.) 29 Goinfre. 30 Les versificateurs qui souhaitent raboter un vers trop long écrivent « Almand » : voir la note 52 du Jeu du Prince des Sotz. 31 De toute cette semaine. De bon matin, on mettait dans l’âtre un pot de terre contenant de l’eau, des légumes, des féculents, de la viande ou du lard, et on le laissait mijoter jusqu’au soir. Cf. le Cuvier, vers 115. 32 Et pourtant, il dit. 33 À faire des reprises. 34 Surnom plaisant de la chambrière. Nous sommes chez un vieux noble qui met des particules partout. 35 Votre corps et votre figure. 36 BM : Affin (Ainsi. « Faictes doncques ainsin. » ATILF.) Les goûts lexicaux du vieux noble n’ont pas plus évolué que ses goûts vestimentaires. 37 BM : aygre (Plus à son gré.) Les domestiques dépourvues de famille pouvaient, si elles étaient d’accord, être mariées par leurs patrons. C’est ce qu’on promet à la chambrière du Cousturier et le Badin : « Et t’estrique [habille-toi] assez gentiment :/ Je te veulx de bref marier. » 38 BM : son (Vous avez été mon entreteneur assez longtemps.) Sur les relations qui unissent le gentilhomme et sa « mignonne » <vers 312>, voir la note d’André Tissier, et la p. 141 de sa préface. 39 Si quelqu’un peut m’épouser. Les employeurs mariaient en urgence leur servante lorsqu’ils l’avaient mise enceinte, ce qui ne paraît pas être le cas ici. 40 Je veux vous habiller. Mais les collégiens ont dû s’esclaffer en entendant cet équivoque verbe « mettre » : cf. les Queues troussées, vers 29. Seul le censeur du collège n’y a vu que du feu. Pourtant, dans toutes les farces qui opposent une jeune fille à un noble, ce dernier abuse de sa supériorité. 41 Du tissu et de la fourrure. Les patrons n’habillaient pas de neuf leur soubrette, et pour rien au monde ils ne l’auraient accompagnée chez un couturier : ils lui donnaient le vieux linge dont Madame ne voulait plus. Ici, le Gentilhomme est veuf ou célibataire, et a de bonnes raisons pour ménager sa bonne à tout faire. 42 Tout trouvé (verbe quérir). 43 Vous discuterez. Idem vers 89. 44 Après que vous aurez discuté. 45 Détournent à leur profit des morceaux d’étoffe. Cf. le Cousturier et le Badin, vers 15-22. 46 Chanson inconnue, y compris de H. M. Brown (nº 178). Nous avons quelques traces d’une chanson qui disait : « Ils mènent bonne vie au son des instrumens. » 47 Claque des dents : il n’a plus de bois pour allumer la cheminée (vers 53). « Yl vous est tremblant dent à dent. » Sermon joyeux des quatre vens. 48 Et pourtant, il s’est enflammé à chanter. 49 Chevroter en faisant des trémolos. Cf. la Chanson des dyables, vers 24, 111 et 178. 50 Marmonner. Cf. les Rapporteurs, vers 339. 51 Improviser sur le déchant. Les comiques font de ce verbe un antonyme de « chanter », et donc, un synonyme de « chanter mal » : voir la note 73 de la Chanson des dyables. 52 Malgré ta maudite. Cf. Grant Gosier, vers 18. 53 Pour qu’il me fasse. La chambrière sort de chez son patron avec un plat couvert. Pour se concilier les bonnes grâces de quelqu’un dont on a besoin (artisan, maître d’école, examinateur ou même juge), il est courant de lui offrir de la nourriture en plus de sa rétribution. 54 Une aile, que la tyrannie de la rime va métamorphoser en cuisse au vers 172. C’est, là encore, une graphie attestée : « Prenez l’aesle de la perdrys ou la cuisse d’une nonnain. » (Gargantua, 39.) On remarquera que la chambrière utilise comme elle veut les biens de son patron. 55 Ni petite cotte, jupon. Cf. Digeste Vieille, vers 93. 56 Ciré, moulé. « L’habit t’est faict comme de cire. » Le Ribault marié. 57 D’une femme de la Noblesse. Voir les deux Damoiselles du Poulier à sis personnages. Une bonne qui devient la maîtresse de son employeur, fût-il noble, se voit déjà maîtresse de sa maison à la place de l’épouse : « S’il fust advenu/ Que mon maistre m’eust accollée,/ J’estois maistresse ! » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) La chambrière entre chez le couturier. Ésopet n’est pas là. 58 Quelque chose. 59 L’expression est curieuse. La seule partie du corps d’une femme qui est fendue, c’est sa fente : « À ton âge, faut-il t’apprendre/ Que tu n’as icy rien à fendre ?/ Il n’est déjà que trop fendu ! » (Nouveau Parnasse satyrique.) Le Couturier en profite pour palper la chambrière, comme le valet du Cousturier et son Varlet quand il prend les mesures d’une autre chambrière : « Ils ont bien sept quartiers de fesses,/ Ces grosses garces mamelus ! » 60 Ce mot était parfois féminin. On dit encore « de la belle ouvrage ». 61 Un morceau d’un chapon. C’est le même partitif qu’au vers 311 : de drap. 62 Un lopin, un petit morceau. 63 Il n’est pas là à point nommé, au bon moment. Un garçon est un apprenti. La chambrière semble avoir beaucoup d’intérêt pour celui-là (vers 88). Il est vrai qu’elle ne peut trouver un mari que parmi les serviteurs, comme cela est dit au vers 68. 64 Forme archaïque de mange ; on prononce « manju », comme à 191. Cf. Messire Jehan, vers 316. 65 Quand bien même. E. Philipot fait remarquer que ce vers ne se réfère pas à l’Ésope en françoys, mais à l’édition latine de Steinhöwel : « Etiam si presens iam esset. » L’auteur de la farce connaissait donc ce livre imprimé à Strasbourg en 1477 et souvent réédité. 66 BM : bon quil (Si on lui en donnait. Encore une notation qui provient du texte latin : « Etiam si adesses. ») La chambrière s’intéresse plus à Ésopet qu’à sa future robe. 67 Le couturier emploie improprement « venaison » [gibier] au lieu de volaille, qui offre pourtant de nombreuses rimes. Comme au vers 122, il provoque la jeune femme en lui glissant un sous-entendu coquin : « La réveiller par grand ardeur,/ Luy bien brasser la venoison. » (J’ouÿs l’autre jour chasser.) La cliente réplique par un autre sous-entendu grivois au vers 148, mais elle reprendra à son compte le terme impropre de « venaison » à 164. 68 La chambrière sort. 69 Glouton. 70 Qu’il mange. 71 Me demeurera, restera à moi. Il dévore le contenu du plat. 72 Dans la rue. 73 Elle aperçoit Ésopet, qui revient vers l’atelier. 74 BM : par ta foy (« Sire, s’il te plet,/ Moult tost soit ton jugement fet. » Roman de Renart.) La chambrière connaît bien Ésopet : les deux vers précédents n’ont aucune raison d’être. 75 S’il advenait qu’on me la donne à manger. 76 Saint Sulpice. On pourrait croire à une de ces déformations irrévérencieuses auxquelles se complaisaient les collégiens ; pourtant, d’innombrables écrits sérieux reproduisent cette métathèse. La famille Saint-Sulpice signa longtemps Saint-Supplice, croyant que ce nom désignait la Passion du Christ ! 77 BM : le (« Tout seul » montre encore l’égoïsme du couturier au vers 183.) 78 BM : le (Qu’il la bâfrera. « Quant chascun a bauffré son broust. » La Nourrisse et la Chambèrière.) 79 BM : men 80 Mon maître de merde. 81 Et très bientôt, si j’y parviens. Même expression à 294. 82 BM : au (Par mon âme !) On trouve la version féminine de cette blague potache au vers 158 de Serre-porte. 83 C’est bien calculé. La servante retourne chez le gentilhomme, et l’apprenti la suit. 84 Le mal de saint Acaire, le mal de saint Victor et le mal de saint Mathelin désignent la folie, qui tient les gens à la tête, comme le précise le vers 220. « Ma-la-di-e » compte pour 4 syllabes. 85 Elle s’inquiète pour Ésopet. 86 Mordre. Voir les vers 253 et 334. Il est donc enragé (vers 337). 87 Si on ne le capture pas vite. 88 Pour le jeter à terre : voir le vers 353. « Uns estoquent, autres rabatent :/ Vueille on non, à terre l’abattent. » Godefroy. 89 BM : feste (Guère plus loyal, le valet du Cousturier et son Varlet incite des clientes à rosser son maître.) 90 S’il avait une crise. 91 Un possédé. Le démoniaque est une des figures imposées des Mystères : il se livre à un numéro hystérique jusqu’à ce qu’un signe de croix fasse fuir la caricature de diable qui se cachait sous son ample robe. 92 Ces deux verbes concernent les chevaux rétifs qui respirent bruyamment tout en secouant la tête. Or, le couturier va bientôt secouer la tête. 93 Et il existe un symptôme qui ne trompe pas. 94 À cela. 95 BM : ordure (L’ardent désir de mordre quelqu’un. « Serve, subjecte, en convoiteuse ardure. » Pierre d’Ailly.) 96 BM : emmener (Et l’agiter. Idem vers 321.) 97 « Tip, tap ! » est une onomatopée transcrivant le bruit qu’on fait en tapant sur quelque chose ou sur quelqu’un. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 157. 98 Des bouffes, des baffes. Cf. le Mince de quaire, vers 239. 99 Lasser. 100 Quelquefois. Idem vers 270, 360, 373. 101 BM : nous 102 Ne le lui répétez pas. 103 BM : la (Sa monomanie.) 104 BM : Et (« Il n’est que vivre sans soucy. » Les Cris de Paris.) Il n’y a qu’à demander. 105 Ésopet retourne à l’atelier. 106 On croit connaître. 107 S’en retourner, s’en aller. Idem vers 284 et 332. 108 J’en viendrai bien à bout. 109 Comment son valet décrit ses symptômes ! Ce vers est douteux, mais si(g)ne rime correctement avec mine, comme aux vers 44-45 des Femmes qui demandent les arrérages. 110 Quelle mine il fera : comment il va se comporter. 111 Et avec moi. Le vieux noble parle comme au siècle dernier. Sa domestique emploie la forme moderne au vers 198. 112 Dans l’atelier, il monologue à l’écart de son patron. Les farces de collèges étaient jouées lors de certaines fêtes. On les entrecoupait sans doute avec d’autres activités festives. C’est pourquoi Ésopet résume toute la première partie de la pièce, pour ceux qui l’auraient oubliée pendant l’entracte. 113 Anuit, aujourd’hui. 114 Le morceau de craie qui sert aux couturiers pour marquer leurs mesures sur le tissu. 115 Quand le couturier ne verra plus ses ciseaux ni sa craie. 116 Les couturiers travaillent sur une longue planche posée sur des tréteaux, et couverte d’étoffes sous lesquelles les ciseaux peuvent se dissimuler ; taper sur la planche les fait rebondir, et on entend d’où vient leur cliquetis. L’illustration du conte que je publie sous la pièce représente un couturier accoudé à son établi chargé de tissu, pendant que deux personnes l’agrippent et le bastonnent ; de l’autre côté de l’établi, les valets du couturier. Le graveur de la traduction espagnole dudit conte a représenté les ciseaux et la craie au bord de la table. Et il est le seul qui ligote la victime, en accord avec le texte. 117 Comment vous le verrez être attaqué par. 118 Il entre chez le couturier, avec sa chambrière. 119 Signifie « Monseigneur », comme aux vers 202 et 254. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 251, 257, etc. 120 Il chuchote à sa servante d’observer le « démoniaque ». 121 Il subtilise les ciseaux et la craie, puis il s’adresse au public. 122 Au Gentilhomme. 123 Naguère. 124 BM : ferons (Il jette à terre le couturier, qui ne se relèvera qu’au vers 353.) 125 Ambiguïté : est-ce le diable qui est une laide bête, ou le corps du couturier ? 126 Je vous frapperai. Cf. les Sobres Sotz, vers 403. 127 BM : adire (Que diable est-ce que ça veut dire ?) 128 BM : foys ie (Que je sois raidi par la mauvaise mort.) 129 Avant. 130 Traître. Idem vers 378. 131 Quelque maladie que ce soit : aucune maladie. 132 Subitement. 133 Qui rend les gens fous. 134 À Ésopet, qui se tient à l’écart. 135 BM : la chambriere. 136 Je l’ai fait sans y penser. 137 BM : lengardastes (Le verbe engarder existe, mais les pronoms « vous » et « en » sont nécessaires.) Je crois que vous l’en avez empêché. La chambrière prend toujours la défense d’Ésopet. 138 BM : adonc (Influence de l’Ésopet en françoys, où « adonc » revient 8 fois dans l’apologue du Couturier.) 139 Comme vous avez pensé que je suis assez fou pour ne pas manger de volaille. 140 BM : Que estes (Que vous êtes complètement fou. « Tu es ung fin fol naturel ! » La Pippée.) 141 La fin est en décasyllabes. Le dernier vers est un alexandrin mal césuré. 142 Je n’y peux rien. 143 BM : morceaulx (Nous avions déjà des « lopinets » de perdrix à 131.) « Ung morcellet d’andouille. » L’Aveugle et Saudret. 144 Un dronquard, un ripailleur. 145 Un sournois. Philipot suggère de lire « traistre paillart » ; cependant, « maistre paillart » est bien attesté : cf. les Maraux enchesnéz, vers 287. 146 BM : tiendray (Voir les vers 363 et 383.) Je te rendrai ta tromperie. 147 Il y a là un sujet de contestation. « C’est ung grand point ; or le lesson,/ Passon oultre : il y a regart. » Mistère du Viel Testament. 148 Si jamais l’occasion se présente. 149 Avant cette rubrique, et sur la même ligne, BM ajoute : Dessus ton dos 150 BM : quoy quon (Je ne veux pas savoir quelle vengeance on lui prépare.) « Nous a-on telz brouetz brasséz ? » Les Coppieurs et Lardeurs. 151 Veuillez agréer. « Prenez en gré de la Mère de ville ! » Formule finale de la Mère de ville. 152 L’apprenti philosophe. « Plus prompts à nier que nouveaux sommulistes. » Pierre de Saint-Julien. 153 Tous les titres contenus dans cette notice varient d’un manuscrit à l’autre et d’un incunable à l’autre ; mes choix sont donc subjectifs. Au XIIIe siècle, la Disciplina clericalis fit l’objet de deux traductions françaises en vers : le Chastoiement que li pères ensaigne à son filz, et les Fables Pierre Aufons (ou Aufors). Le conte du couturier s’y intitule parfois : Du Tailleor le roy & de son sergant. Au début du XIVe siècle, on fit une traduction en prose, que d’aucuns intitulent la Discipline de clergie ; notre conte, dépourvu de titre, y porte éventuellement le numéro 18. 154 On peut lire cette version dans les préfaces de Philipot et de Tissier. 155 Toutes les versions donnent que lon. Steinhöwel dit : « Quod tibi fieri non vis, alteri non feceris. » Voir la dernière ligne de cette traduction, et le vers 381 de la farce. 156 À son chambellan. Dans la Disciplina clericalis, volontiers orientalisante, il s’agit de son eunuque : « Unum de camerariis suis eunuchum. » 157 Ce mot désignait toute nourriture au sens large, et en l’occurrence, du pain chaud avec du miel : « Panem calidum cum melle et aliis cibis », dit Steinhöwel. La Discipline de clergie, que Macho n’a sûrement pas lue, disait : « Pain chaut et miel avec autres viandes. » 158 « Une haute feste aprocha./ Li Rois son tailléor manda./ Moult riches dras li fist taillier/ Por la feste plus essaucier. » Du Tailleor (BnF, ms. fr. 12581). 159 Comment m’en apercevrai-je ? 160 Sur l’estrade où est posé le tabouret. « Establie, ou establier de cousturier : semble qu’il vienne de tabulatum. » (Robert Estienne.) Une édition de 1487 porte la variante : sur son tablyer. On distingue parfaitement l’établier sur les deux gravures dont la note 116 comporte le lien. « –Je m’en vays commencer à couldre./ –Dessus l’establye s’en va souèr. » Le Cousturier et le Badin. 161 Il est capable. 162 Les ciseaux. « Les forces (de) son mestre muça. » Du Tailleor. 163 Et que si on ne te battait bien. 164 Pour cette raison. 165 J’emprunte cette dernière phrase à la version de l’Ésopet en françoys, où elle est moins emberlificotée. (Voir la note 155.) Elle est d’ailleurs absente du texte latin.
D’UN QUI SE FAIT EXAMINER POUR ESTRE PREBSTRE
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D’UN QUI SE FAIT
EXAMINER POUR
ESTRE PREBSTRE
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Le thème de « l’enfant mis aux écoles1 » faisait rire le peuple, même si ce peuple n’était guère plus instruit que les ignorants aux dents longues dont il riait. Cette farce normande, écrite dans le premier quart du XVIe siècle, est un modèle du genre : un petit paysan se satisfait de garder les oies et de baragouiner son patois ; mais sa mère veut en faire un prêtre ou même un pape, et transforme l’idiot du village en parfait abruti. Quand ce dernier se retrouve devant l’examinateur, le vernis latin craque, et le naturel revient au galop.
Nous avons là une de ces farces de collège2 que les apprentis latinistes jouaient à l’occasion de certaines fêtes. Nous savons que l’obscénité, la scatologie et l’anticléricalisme y étaient bienvenus : voir par exemple Maistre Jehan Jénin, ou la Résurrection Jénin à Paulme.
Sources : Recueil du British Museum, nº 45 : « La Mère, le Filz et l’Examinateur. » Le vrai titre est sous la vignette : « D’un qui se fait examiner pour estre prebstre. » Publié à Paris par Nicolas Chrestien, vers 1550. — Manuscrit La Vallière, nº 58 : « La Mère, le Filz (lequel veult estre prestre) et l’Examynateur. » Copié à Rouen vers 1575, peut-être d’après un exemplaire de l’édition Chrestien. Aucune de ces deux adaptations tardives n’étant publiable en l’état, je prends pour base l’édition BM, et je la corrige tacitement sur le manuscrit LV, quand il résout un problème sans en créer un autre.
Structure : Rimes plates. Beaucoup de rimes identiques et d’assonances approximatives.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse
À troys personnages, c’est assavoir :
LA MÈRE
LE FILZ [Pernet] 3
et L’EXAMINATEUR
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D’UN QUI SE FAIT EXAMINER
POUR ESTRE PREBSTRE.
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LE FILZ commence en chantant 4 SCÈNE I
Bouriquet, bouriquet, Hanry bourilane !
Bouriquet, bouriquet, Hanry bouriquet !
Ma mère, ay-je pas un beau Moulinet 5 ?
Agardez6, je l’ay fait comme pour moy.
LA MÈRE
5 Las, que je suis en grand esmoy !
LE FILZ
[Et ! dictes-moy] pourquoy, ma mère.
LA MÈRE
Hé(e) ! Dieu ayt l’âme de ton père7 !
S’il eust vescu, t’eust fait grand homme.
LE FILZ
Il m’eust fait évesque de Romme,
10 C’est pour le moins, je l’entens bien.
LA MÈRE
Las ! qu’il estoit homme de bien,
[N’en desplaise aux villains jaloux.]8
LE FILZ
Nul n’en dit mal, si ce n’est vous,
Qui l’appellez [boiteux et] borgne9.
LA MÈRE
15 Tenez, regarde-le-moy à la trongne.
Jamais ne vis [chose ou personne]10
[Qui] mieulx ressemble11 l’un[e] à l’autre.
LE FILZ
Ma mère, il en fault trouver un autre.
LA MÈRE
Dis-moy où nous en trouveron.
LE FILZ, en chantant 12
20 Au Vau13, lure lurette !
Au Vau, lure luron !
Mon Dieu, que je suis vray huron14 !
Mais quand [bien je pense]15 à part moy,
Hé ! qui suis-je ? Encor je ne sçay.
25 M’a-l’on point escript aux Cronicques16 ?
Je me gaige que, sus méniques17,
Que j(e) y suis, avecq Bouderel
Ou avecq[ues] Jaquet Hurel18,
Car je suis homme de renom.
30 Mais sçav’ous point comme j’ay nom ?
« Chose », [a-l’on]19 bouté en escript !
Je fus né devant20 l’Antéchrist,
De cela me souvient encore.
Ma mère avoit nom Li[ber]nore21,
35 Et mon père, messir(e) Gaultier22,
Aux enseignes de son saultier23,
Qu’il me donna quand il fut mort.
LA MÈRE
Par Nostre Dame de Monfort !
Je croy que tu es matelineux24 ou yvre.
LE FILZ
40 Ma mère, çà, mon petit livre25 !
Quia égo volo iré ad Ordos26,
Affin que je soys sacerdos27
Devant qu’il soit la Penthecouste28.
LA MÈRE
Tu le seras, quoy qu’il me couste,
45 Puisque tu as volunté telle.
LE FILZ
Ma mère, quand esse ? [On frételle]29 ;
De cela30, vous n’en parlez point.
LA MÈRE
Ne t’en soucie que bien apoint.
Mais j’ay envie que tu soys prestre.
LE FILZ
50 Sainct Jehan ! aussi je le veulx estre,
Car j’ay assez estudié.
LA MÈRE
Aussi, il t’en est bon mestié31,
Car c’est une chose commune
Qu’on32 te demand(e)ra si la plume
55 Tu [ne] sçais très bien manier.
LE FILZ
La plume ? Sainct Gris, ouy !
Hé ! c’est[oit] mon premier mestier33 :
Je ne fis jamais autre chose,
Et quand j’aloys mener nostre Chose34…
LA MÈRE 35
60 Et, quoy ? Dis-le-moy vistement.
LE FILZ
Hé ! nostre grand vieille oye au(x) champ(s) ;
Souvent luy manioye la plume.
LA MÈRE
Vrayment, tu m’en bailles bien d’une !
Ce n’est pas ce que je [te] dis.
LE FILZ
65 Elle a de la plume[s], à mon advis ;
À tout le moins, ma mère, ce croy-je.
LA MÈRE
Jamais un sot ne sera saige36,
Au moins un pareil que tu es.
LE FILZ
Où avez-vous mis mon Donnest 37
70 Qu’aviez l’aultre ier38, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Vien çà ! Dy-moy : qu’en veulx-tu faire ?
LE FILZ
Que j’en veulx faire ? [Sainct Didier !]
Je veulx dedans estudier.
Ou autrement, je m’en iron39
75 Jouer à l’ombre d’un buisson40.
Entendez-vous, dictes, ma mère ?
LA MÈRE
Ce n’est pas ainsi qu’il fault faire ;41
Tu es un trèsmauvais garson !
Il fault bien estre plus sage.
80 Çà42 ! je m’en voys à la maison
De l’examinateur c’est le vicaire43.
LE FILZ
Hay, ma mère, dictes-moy que faire ;
Iray-je point o44 vous ?
LA MÈRE
Nenny.
LE FILZ
Et pourquoy ?
LA MÈRE
Parce que tu n’es c’un bémy45,
85 Et tu me ferois déshonneur.
LE FILZ
[Ma mère, à l’examinateur
Recommandez-moy]46, s’il vous plaist.
LA MÈRE
Tais-toy, car tu n’as [fors] que plest47.
Ne pense qu’à faire du sage.48
LE FILZ
90 Luy portez-vous point de fromage,
Pour luy faire quelque présent49 ?
LA MÈRE
Ha ! tu ditz vray, par mon serment !
En voilà, que luy porteray.
Et à luy te recommand(e)ray.
95 Aussi, je compteray ton affaire.
LE FILZ
Adieu vous ditz donques, ma mère !
Pause.
LE FILZ SCÈNE II
Aviser fault à mon affaire,
Pour me démonstrer homme sage.
Vestu je suis selon l’usage50.
100 Apprendre veulx comme il fault faire.
Saluer me fault ce vicaire
Tout aussi tost que le verray.
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LA MÈRE 51 SCÈNE III
Dieu vous gard, Monsieur [le Curé] !52
L’EXAMINATEUR
Et vous, m’amye ! Qui vous ameine ?
LA MÈRE
105 Las ! c’est mon filz qui me démaine
Et me dit qu’il veult estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Possible. Est-il sage53 pour l’estre ?
Que ne l’avez-vous amené ?
LA MÈRE
Monsieur, je vous voulois ouÿr parler
110 Et sçavoir vostre volunté.
Mais je m’en retourne à l’hostel54
Et l’amèneray devers vous.
L’EXAMINATEUR
Allez doncques, despêchez-vous,
Ne demourez pas longuement !
LA MÈRE
115 Non feray-je, par mon serment !
[Je m’y en voys.] Adieu, Monsieur !
Je prie à [Dieu], Nostre Seigneur,
Qu’i vous donne55 joye et santé !
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LE FILZ 56 SCÈNE IV
Je veulx faire cy un autel
120 Et chanter le Per omnia57,
En ce temps pendant qu’il n’y a
Que moy [tout] seul en cest hostel.
Et si, me fault apprester mon cas [tel]
Que je n[’en] aye fascherie.
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LA MÈRE 58 SCÈNE V
125 Or çà, mon filz, Dieu te bénie !
LE FILZ
Et ! vous ma mère, que dictes-vous ?
LA MÈRE
Je pense que tu prieras pour nous59
Et pour ceulx qui te f(e)ront du bien.
LE FILZ 60
Qu’en dictes-vous ? Cela61 est-il bien ?
130 Ma mère, escoutez-moy chanter.
LA MÈRE
As-tu fait toy-mesmes cest autel62 ?
LE FILZ
Ouy dea, ma mère, Dieu mercy !
LA MÈRE
Las ! que tu as un bel esprit !
LE FILZ
Si63, fus-je fait au cymetière ?
135 Or m’escoutez chanter, ma mère :
Je diray un Per omnia.
LA MÈRE
Je pense qu’au monde il n’y a
Homme plus sçavant que tu es.
LE FILZ
Or escoutez-moy, s’il vous plaist.
LA MÈRE 64
140 Je t’escoute, par mon serment !
LE FILZ, [en chantant]
Per omnia sécula séculorum !! Amen !! 65
[Or] qu’en dictes-vous, voirement ?
[Une autre fois bien chanteray]66.
LA MÈRE 67
Par mon âme ! l’on dit bien vray68 ;
145 Mon filz chante deisjà la messe.
Et ! par Dieu, il sera évesque ;
Je le sçay bien certainement,
Voyre, s’il vit bien longuement.
Aussi l’avois-je bien songé69.
150 Regardez comme il a changé,
Depuis qu’il ne fut à nourrice.
Tout ce qu’il fait luy est propice,
Et sy, fait desjà fort de l’homme.
Je cuyde70 que d’icy à Romme,
155 Il n’y a [ne] beste ne gent
Qui ayt si bel entendement
Comme il a, [vous] le voyez tous71.
[Çà], mon filz, que je parle à vous !72
Il fault que tu soyes un curé.
LE FILZ
160 C’est bien dit. Il nous fault aller
Bien tost vers l’examinateur ;
Mais qui sera mon conduicteur ?
LA MÈRE
Moy, pour le plus honnestement.
LE FILZ
Or dictes-moy, premièrement,
165 Et m’enseignez comme dois faire.
LA MÈRE
C’est bien dit. Que je te voye faire73 !
LE FILZ
Monstrez-moy doncq premièrement.
LA MÈRE 74
Faire fault le pied75 gentement.
Et saluer Monsieur haultement.
170 Pas ne fault faire l’estourdy76.
LE FILZ
J’ay entendu ce qu’avez dit,
Ma mère, ne vous souciez point.
LA MÈRE
Chemine par bon contrepoint77,
Et te gouverne honnestement.
LE FILZ
175 Luy fauldra-il bailler argent78 ?
Car, par ma foy, je n’en ay point.
LA MÈRE
Je croy qu’il n’en demand(e)ra point ;
S’il en demande, il en aura.
Allons-nous-en veoir qu’il79 dira.
180 Au moins, il sçaura que tu scez dire.
LE FILZ
Je ne me pourray tenir80 de rire,
Agardez, tant je suis joyeulx.
LA MÈRE
Regarde-le faire entre deux yeulx :
Je croy que n’auras fain81 de rire…
185 Mais as-tu plume pour escripre ?
Et aussi ton escriptoire, [où est-elle] ?
LE FILZ
Baillez-moy l’autre, elle est plus belle ;
Car ceste-là ne vault plus rien.
LA MÈRE
Saincte Marye, tu dis bien !
190 Tien, la voicy ; metz-y tes plumes.
LE FILZ
Or, tout y est ; ne s’en fault82 qu’une
Que je mettray à mon oreille.
LA MÈRE
Prens ton ganif et l’appareille83,
Que tu escripves comme un pape.
LE FILZ
195 Hay ! Ma serpe, ma mère ! Ma serpe
Me servira de ganivet84.
LA MÈRE
Or allons doncques, c’est bien fait.
Il nous fault tost parler à luy.
Présente-toy tost devers luy,
200 Et le salue bien haultement.
LE FILZ
A, je l’avoys oublié, vrayment.
Il sera fait, sans y faillir.
Esse [pas il]85 que voys venir
Par ce chemin, si gentiment86 ?
LA MÈRE
205 Ouÿ, mon filz, par mon serment !
Va-t’en à luy honnestement,
Et le salue bien haultement.
Fais tout ainsi que je t’ay dit.
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LE FILZ 87 SCÈNE VI
Je vous salue bien haultement,
210 Monsieur : ma mère me l’a dit.
L’EXAMINATEUR
Qui m’amaine cest88 estourdy ?
Pourquoy viens-tu ?
LE FILZ
Pour estre prebstre.
L’EXAMINATEUR
Ceinct89, tu es assez sot pour l’estre !
Viens-tu pour estre examiné ?
LE FILZ
215 Ita, per quidem, Dominé,
Si placéat vobis, modo.90
Car le jour de Quasimodo91,
Je chant(e)ray ma première messe,
Entendez-vous pas bien92 ?
L’EXAMINATEUR
Ouy dea ; qu’esse ?
LE FILZ
220 Je vous semons93, ne faillez pas :
Vous y aurez un bon repas.
Et si, vous mengerez du rost,
Voire, et si burez plus de trois potz,
Sur ma foy, du vin de la feste94.
225 Car puisque je l’ay mis en ma teste,
Il sera fait per quoniam95 !
L’EXAMINATEUR
Je ne vis onc(ques), de demy an96,
Un si grand sot, par sainct Victor97 !
LE FILZ
Je sçay bien mon Rétributor98,
230 Mon Imanus99, mon Quanterra100,
Vény Créato, Hora nonna.101
Et si, cognois toutes mes lettres.
J’en ay fait reus102 cent fois les maistres
De nostre escolle, sur mon âme !
L’EXAMINATEUR
235 Par la benoiste Nostre Dame !
Je croy que tu es matelineux ou yvre. 103
LE FILZ
Ma mère, çà, mon petit livre !
Quia égo volo disputaré.
Déclina michi « létaré »104 :
240 Je vous l’envoye105 de bout en bout.
L’EXAMINATEUR
Et puis, sera-ce tantost tout ?
Ton blason106 beaucoup me desplaist.
LA MÈRE
Examinez-le, s’il vous plaist.
L’EXAMINATEUR
Or çà ! Quo nomine vocaris107 ?
LA MÈRE
245 Il ne fut jamais à Paris,
Et si108, [il] est si antificque :
Il sçait toute sa Réthoricque
Courant comme son ABC.
LE FILZ
Par bieu ! je suis tout mort de soif109 :
250 Ma mère, çà, nostre bouteille,
Car je luy veulx tirer l’oreille110 !
LA MÈRE
Attens que nous soyons hors d’icy.
LE FILZ
[Instruisez-moy : qui a vécy]111 ?
Per fidem méam112, je n’en sçay rien.
L’EXAMINATEUR
255 Hé(e), que tu es homme de bien !
Vien çà, dis. Ad quam, amicé…113
LE FILZ
Or attendez que j’aye pissé,
Monsieur : j’auroy à cest heure114 fait.
LA MÈRE
Tu es un villain trèsparfait !
260 Que ne respons-tu sagement ?
LE FILZ
Mais qu’esse qu’il dit ? Voirement,
Per méam fidem, je n’en sçay rien115.
L’EXAMINATEUR
Ma foy, mon filz, tu ne scez rien ;
Tu ne sçaurois [parler latin]116.
LE FILZ
265 Égo, vultis117 ? Par sainct Copin !
Eccé desjà librus méus118.
L’EXAMINATEUR
Or avant, doncq[ues] ! Dicamus119 !
LA MÈRE
Sire120, il chante bien « Orémus ! » :
Car autresfois, quand je m’envoys 121
270 Sy122 le laisse seul à l’hostel,
Il fait de la table un autel
Et chante le Péromnia123.
Vous diriez, [en voyant]124 cela,
Qu’il seroyt digne d’estre pape.
275 [Mais] il met aussi bien la nappe
À l’heure qu’il nous fault disner125.
L’EXAMINATEUR
Laissons tout, [c’est assez jaser]126 !
Dy-moy, qu’esse ? Vadis127 mecum ?
LE FILZ
Allez, villain128 ! Par sainct Symon !
280 Vous estes plain de vitupère.
[Av’ous parlé]129 du con ma mère ?
A ! par ma foy, je luy voys dire130 !
.
L’EXAMINATEUR
Messieurs131, ce lourdault me fait rire
Tant, que c’est un merveilleux cas.132
285 Nous vous prions, tant hault que bas133,
[Que prenez en gré noz esbatz,]
[Si vous avons]134 aucun tort fait.
LE FILZ
Et qui se trouv(e)ra en tel cas,
Qu’il ne face pis que j’ay fait.135
.
FIN
.
*
LE VILLAIN ET
SON FILZ JACOB 136
*
………………………………..
LE VILLAIN
Je te requiers que tu y137 goucte ;
Il me tarde que t(u) y soie jà.
JACOB
Jà mauldit soit qui le fera !
Et puis me diroient cléribus138.
LE VILLAIN
5 Tu seras desvêtus tous nuz,
Se tu n’y vas de tom bon grey139.
JACOB
Tant que vive, ne le ferey.
Le diable [sur vous]140 puisse cheoir !
LE VILLAIN
Tu ne m’eschappes paz encoir,
10 Puisque je te tiens par la main.
JACOB
Vous y serez jusqu(es) à demain :
En ma vie je n’y entandray141.
LE VILLAIN
[Par] saint Jehan ! Je t’y pourteray ;
On verra qui(l) sera plus fort.
Pausa.142
15 À la mort ! À l’ayde143 ! À la mort !
Sanc bieu, qu’il a les dans aguë[s] !
Hélas, par ma foy, tu me tue[s] !
Laisse-m(oy) aller, tu n’yras pas.
JACOB
Or, levez144 le doy.
Or lèves le doy [le Villain].
…………..
………………………………. 145
20 ……….
LE VILLAIN
Saint Jehan ! non feray.
Tu ne m’aras pas pour tel, fis146.
Marchant147, puizque [vous] estes prins,
Vous y [serez porté]148 au sac
Toust à ceste heure.
JACOB
Nac149, nac, [nac] !
25 Encoir ne sommes-nous pas là.
LE VILLAIN 150
On verra qui plus fort sera.
Or çà, marchant, entres dedans !
JACOB
Par Dieu ! père, vous perdez tenpz :
Tant que vive, je n’y entrey151.
LE VILLAIN
30 Par Dieu ! doncques, je t’y bout(e)ray.
Or çà ! et l’eusse-tu juré152,
Entres !
JACOB
Vous avez beaul hué153 :
Ce ne sera huit154 ne demain.
LE VILLAIN
Puisque j’ay prins le fait en main,
35 Tu y155 viendras, ribon ribainne !
Ilcy, le charge sur ses espaule[s].156
JACOB
Vraiement, vous prenez grant paine
De chouse qui gaire ne vault.
LE VILLAIN
Ha ! Nostre Dame, qu’il fait chault !
J’ay heue cy une malvaise poincte157.
40 Ha, que le maistre fera grant plainte158,
Quant il verra mon filz Jacob !
JACOB
Encoir n’y suy-ge pas, siro159.
Je vous eschaulferey vostre eau160.
Ilcy le prant Jacob par 161 les orelles.
LE VILLAIN
Dea, Jacob, tu me fais courtaud162 !
45 Ce n’est pas fait163 de bon enffant.
JACOB
Or, vous déportez donc à tant164,
Ou je le[s] vous araicherey !
LE VILLAIN
Las ! mon filz Jacob, je ferey
Ce que vouldras165 ; n’an tires plus !
JACOB
50 Me quictez-vouz166 ?
LE VILLAIN
Ouy, par Jhésus !
Jamès [plus] ne t’an requiérey,
[Ny maistre ne te donneray.]167
Va, fait[z] du piz que tu pouraz.
Hélaz, mon trèsbeaul filz, hélas !
55 J’ay les oreilles dessirées168.
(Hélas ! or pers-je mes soudées169,
Se Jacob [ne] va à l’escolle.
Il [l]e fault prendre de parolle170
Doulcement : sy s’acordera.)
60 Jacob !
JACOB
Que voulez-vous ?
LE VILLAIN
Vien çà !
Beaul filz Jacob, je te suply171
Que face[s] ce que [je] t’ay dist.
JACOB
Quoy, siro ?
LE VILLAIN
Aller à l’escole.
Tu estoie jà172 escript ou rôle
65 De quoy on fait les cardinaulx.
JACOB
Il ne m’an chault pas de deux aulx173,
Par Dieu : je veulx garder les pors.
LE VILLAIN
Jacob, soies de mes acors174
Et je te donray du fromaige,
70 De la rotiecte175, que sai-ge,
Et des pommes dedans tom sac.
JACOB
Et quoy avec(que) ?
LE VILLAIN
Des nois aul flac176
Et ung gros cartier de fromaige.
Es-tu contant, Jacob ?
JACOB
Que sai-ge ?
75 G’y panseray sans dire mot(z).
Or, enplez doncque mom saichot177,
Et que j’aye la boutellecte178.
LE VILLAIN
Ho ! Jacob, par saincte Mamecte,
Tu auras ce que tu vouldras.
80 Tien, mon enffent. Or, va le pas179,
Et mez painne180 de bien apprandre,
Car vraiement, je veulx tout vandre
Pour toy fère clert181 excellant.
A Dieu. Filz Jacob, à Dieu vous commant182 !
[JACOB]
Tandis que le sac durera,
86 [Je feray tout ce qu’on vouldra.]183
LE VILLAIN
……………………………………
*
1 Voir Halina LEWICKA : Études sur l’ancienne farce française, pp. 32-46. 2 Voir la note 2 des Sotz escornéz. 3 Dans le recueil du British Museum, cette farce est suivie par une autre, Pernet qui va à l’escolle : on y reconnaît le personnage de la mère, et celui du fils, qui se nomme Pernet. Cette farce où Pernet ânonne l’alphabet précède la nôtre, qui en reprend de nombreux vers. On peut donc en déduire que le nom du fils est le même dans les deux pièces. 4 Hari bouriquet, chanson franco-provençale de Claudin de Sermisy. « Hari, bourriquet ! » est une injonction pour faire avancer les ânes. Elle est vite passée dans le registre érotique : « Ce petit paillard tousjours tastonoit ses gouvernantes, c’en dessus dessoubz, c’en devant derrière, harry bourriquet ! Et desjà commençoyt exercer sa braguette. » (Gargantua, 11.) Le prénom Hanry doit viser un des magisters du collège rouennais qui créa cette œuvre. La copie LV rend au prénom son orthographe originale : « Bouriquet, bouriquet, Henry boury lane !/ Bouriquet, bouriquet, et Henry bouriquet ! » Pour se moquer d’un prêtre ainsi prénommé, les huguenots modifieront de la sorte ce refrain : « Le prestre se vest,/ Henri, Henri l’asne,/ Le prestre se vest,/ Henri bouriquet ! » (La Gabelle de la messe, ms. Cinq cents de Colbert 488.) 5 Bâton au bout duquel pend une vessie de porc emplie de pois secs, que les enfants et les Sots font tourner pour produire du bruit : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 157. Je laisse aux érudits rouennais le soin de vérifier si la victime de cette chanson ne serait pas un certain Henry Mo(u)linet : de nombreux Normands portèrent ce nom. 6 Regardez, voyez. Même normandisme au vers 182. Pernet chante les deux derniers décasyllabes sur le même air. 7 Comme beaucoup de Badins, Pernet est le fils d’un prêtre. Cf. Jénin, filz de rien. 8 Vers manquant. 9 Je comble arbitrairement cette lacune d’après Lucas Sergent, bouéteulx et borgne. En tout cas, ce père n’était pas manchot : dans Pernet qui va à l’escolle (note 3), il bat son fils et il fend du bois à la hache. Borgne rime en -o(r)ne. 10 BM : chose — LV : personne (La mère observe son fils, qui a peut-être un bandeau sur l’œil.) 11 BM-LV : ressembler 12 Chanson inconnue ; voir H. M. Brown, nº 31. Le refrain imite une flûte, comme le confirme ce Noël : « De la fleûte, lure lurette. » Mais il pourrait s’agir d’une musette : « La cornemuse, avec lire lirette, lire liron, commence à fredonner plusieurs sortes de danses. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 13 Nous vous trouverons un amant au Vau (au Val-de-Vire). Cette vallée normande fournira de nombreuses chansons à boire : « D’une chanson du Vau-de-Vire/ Le fault servir, à ce matin. » Actes des Apostres. 14 Sagouin. « Ce n’est q’ung sot,/ Filz de quelque huron saulvaige (…),/ Et c’est ung prestre de villaige,/ Ou le clerc de quelque vieil moyne. » (Guillaume Coquillart.) Pernet s’adresse au public. 15 BM : ie pense — LV : je pence bien (Mai rime avec sai, à la manière normande. Cf. Messire Jehan, vers 194.) 16 Dans la farce de George le Veau (BM 22), un orphelin en quête de parents demande au curé : « Av’ous point une croniquaille/ Pour y regarder ? » Il s’y choisit un père et une mère : « Voy-les-cy en droictes cronicques. » 17 Litote normande : « Sur mon âme ! » Cf. Jolyet, vers 38. La répétition de « que » au vers suivant est populaire. 18 Pernet, qui ne connaît personne en-dehors de son village, ne peut se comparer qu’à deux notables du cru. Ou aux deux cancres du collège. 19 BM-LV : ma lon point (Il va de soi que son père, le curé, n’allait pas l’inscrire dans le registre des baptêmes sous son propre nom.) « Chose » est un pseudonyme pratique : voir le v. 96 de la Résurrection Jénin à Paulme, le v. 37 des Chambèrières et Débat, ou le v. 194 de Mallepaye et Bâillevant. 20 Avant. Les prêcheurs apocalyptiques prétendaient que l’Antéchrist venait juste de naître. « Fuyons-nous-en : j’ay entendu/ Que l’Antéchrist si est jà né ! » Les Menus propos. 21 Le psautier dont Pernet a hérité de son père (vers 36-37) s’ouvre comme tant d’autres sur un ex-libris en latin de sacristie : « Liber in honore * messire Gaultier. » Pernet, qui a une forte tendance à estropier les expressions latines, n’a retenu que le début et la fin de liber in honore, et il s’imagine que le nom de sa mère précède le nom de son père. *Un auteur normand nous a laissé un Liber in honore sancti Petri et sancti Philiberti. 22 Le Savetier qui ne respond que chansons (F 37) évoque ce curé lubrique : « À confesse,/ Vous distes à messir(e) Gaultier/ Que je subtenoys ma maistresse. » On prononce « messer ». 23 D’après ce qu’indique l’ex-libris de son psautier. 24 Atteint de folie, le mal de saint Mathelin. « Mathellineux,/ Foulx, estourdis. » (Le chastiement du Monde.) La Mère s’indigne que Pernet croie ne pas être son fils. 25 Donnez-moi mon manuel de latin ! Dans un souci tout campagnard de faire durer le matériel, la mère conserve toutes les affaires de son fils, et lui prête au compte-gouttes ses livres, son Donat (v. 69), son écritoire neuve (v. 190), et même sa serpe (v. 195). 26 Car je veux entrer dans les Ordres. « Et comment envoyoit-on ad ordos gens si ignorans ? Il fault noter que ceux qui les examinoyent n’en savoyent guère davantage qu’eux. » Henri Estienne. 27 Prêtre. 28 Avant la Pentecôte. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 406. 29 BM : que lon fretille — LV : que on fretelle (On se contente de bavarder. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 41.) 30 De la date de mon investiture. 31 Il t’en est bien besoin. 32 BM-LV : Que lon (Il s’agit de la plume d’oie pour écrire. Mais pour le public, qui a l’esprit mal tourné, une plume est un pénis : cf. le Dorellot, vers 119 et note. Nous avons conservé la vieille expression érotique « tailler une plume ».) 33 Enfant, Pernet gardait les oies, tout comme Maistre Mimin estudiant. Dans le Villain et son filz Jacob, que je publie en appendice, le petit paysan garde les cochons. 34 Pernet a baptisé son oie de son propre nom de famille : Chose. 35 Elle ne comprend pas qu’il s’agit de l’oie, et elle pense que son fils ne trouve plus ses mots. 36 Même constat dans les Sobres Sotz, vers 123. 37 Manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. le Maistre d’escolle, vers 11. « Ce petit Donet je (lui) présente,/ Pour tant qu’il a mis son entente/ À volloir grammaire sçavoir. » Jehan Molinet. 38 L’autre hier = l’autre jour. BM : lautruy/ 39 BM-LV : iray (Forme populaire normande. « G’irons au marché. » La Mauvaistié des femmes.) À la rime, le « s » final est facultatif, comme au vers 19. 40 Pernet retient mieux les chansons que les prières. D’innombrables refrains nous renseignent sur l’utilité des buissons : « Trois foys il l’a fringuée à l’ombre d’ung buisson. » (Fringuez, moynes, fringuez.) « Livre-la-moy en ung lict toute nue (…),/ Ou la m’envoye en l’umbre d’ung buisson. » (C. Marot.) « Ma belle se repose/ À l’ombre du buisson./ Moy, j’embroche son chose/ De mon roide poinçon. » (Chansons folastres.) 41 BM-LV intervertissent ce vers et le suivant. 42 BM-LV : Car (Allons ! je m’en vais…) 43 Le vicaire-examinateur, suppléant de l’official, interrogeait les candidats à la prêtrise. 44 BM-LV : auecq (En Normandie, « o » = avec. « Voulez-vous demourer o moy ? » Les Esbahis.) 45 BM-LV : fol (Un niais. À propos de ce normandisme, cf. la Veuve, vers 100 et note.) 46 BM-LV : Recommandez moy a lexaminateur / Dictes ma mere 47 Pas autre chose que plaidoirie, contestation. « Et ne leur laissent nullement/ Avoir fors que plait et riote. » Eustache Deschamps. 48 Les vers 89-91 s’inspirent librement des vers 55-57 de Pernet qui va à l’escolle (note 3). 49 Le bon sens paysan du villageois resurgit. 50 Pernet porte le costume usuel des Badins, décrit dans la note 4 de Colinet et sa Tante, une farce qui développe le même thème que la nôtre. <Voir aussi André TISSIER : Recueil de farces, t. 5, 1989. On consultera la n. 15 de la p.114, et la n. 99 de la p.137.> 51 Elle arrive devant l’examinateur. 52 Les vers 103-7 s’inspirent librement des vers 76-80 de Pernet, mais ne comblent pas ses lacunes. 53 En-dehors d’une farce, on attendrait plutôt la question : Est-il d’âge pour l’être ? Dans la vraie vie, l’âge canonique était alors de 25 ans. 54 À la maison. Idem vers 122 et 270. La mère châtie son langage, et ne parvient qu’à produire un effet comique : J’amènerai l’hôtel devant vous. Hôté rime avec volonté ; voir les vers 118-9 et 130-1. 55 BM-LV : doint 56 Il installe sur la table un autel de fortune, fait avec du linge de maison et des ustensiles de cuisine. 57 C’est le cheval de bataille des candidats à la clergie : cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 348. 58 Elle rentre. Son fils, qui gueule à tue-tête le Per omnia, ne l’entend pas. 59 Quand tu seras prêtre. 60 Désignant l’autel qu’il a bricolé sur la table. 61 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « chla » : « Vrayment, chla va bien autrement. » La Muse normande. 62 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « st’autel ». « Entendant discourir avant-hier de st’affaire. » La Muse normande. 63 BM-LV : Possible (Pour lui, un esprit est un fantôme.) Des prostituées racolaient dans certains cimetières. 64 BM-LV ajoutent dessous : Chante mon filz 65 Par tous les siècles des siècles. C’est le premier vers de Pernet. « Amen » rime en -an : voir la note 160 de Régnault qui se marie. 66 BM-LV : Je chanteray bien une autre fois (Je chanterais bien une fois de plus.) 67 Au public. 68 Cela confirme le proverbe : « Tel père, tel fils. » La tirade 144-158 reprend les vers 5-19 de Pernet. 69 Voir la note 6 de Pernet. 70 BM-LV : croy — Pernet : cuyde 71 BM-LV : vous 72 Dans Pernet, ce vers contenait le nom de l’enfant : Pernet que ie parle a vous 73 Fais le salut que tu feras devant lui. 74 Elle imite gestuellement et vocalement ce qu’elle croit être une grande dame. Rappelons que cette fermière simplette, vêtue d’un tablier, d’un fichu et de sabots, fut jouée par un collégien. 75 BM-LV : petit (Faire le pied-arrière, ou le pied-derrière, ou le pied de veau, ou le pied : faire une révérence. Voir la note 206 de Gautier et Martin.) Gentement = avec noblesse. 76 Le fou. Idem vers 211. 77 Avec mesure. 78 BM-LV : de largent (Nouvelle manifestation du bon sens paysan.) 79 Ce qu’il. 80 Me retenir. « Celui qui ce nous récitoit/ Les assistans tant incitoit/ Qu’ils ne pouvoyent tenir de rire. » (Le Banquet des chambrières.) « Monsieur de Nançay (…) ne pust tenir de rire. » (Marguerite de Navarre.) 81 Faim, envie. « J’ay grant fain de rire. » Serre-porte. 82 Il n’en manquera. Les clercs et les comptables avaient toujours une plume derrière l’oreille, comme les épiciers d’avant-guerre y auront un crayon. 83 Aiguise ton canif : il sert à tailler le bec des plumes, pour écrire aussi fin qu’un chancelier pontifical. 84 Au lieu du petit canif, le paysan aura une vulgaire serpe à la main. « La serpe/ Me servira de canivet. » (Pernet qui va à l’escolle.) Sarpe rime avec pape. 85 BM-LV : il pas (N’est-ce pas lui ? « Le vélà, c’est il, vrayement. » Les Sotz fourréz de malice.) 86 Noblement. Idem vers 168. 87 Il barre la route à l’examinateur en brandissant sa serpe. 88 BM-LV : se sot 89 BM : Sainct — LV : ma foy (« Le prestre ceint d’une ceinture de chanvre. » Anastase Cochelet.) 90 Oui, par mon quidam, Monsieur, / S’il plaît à vous, du moins. Pernet a beau avoir appris ce salut par cœur, il prononce « per quidem », qui n’a aucun sens, au lieu de « per fidem » [par ma foi]. Un jeune clerc inculte commettra la même boulette au vers 461 de l’Avantureulx. 91 Le dimanche qui suit Pâques. 92 Sous l’effet du trac, Pernet lâche un pet sonore. « Mais sy je lâche le derière/ Par avanture, (entendez-vous ?),/ Vostre part y sera tousjours. » (Le Bateleur.) Nous aurons la suite de ses aventures intestinales au vers 253. 93 Je vous y invite. Lorsqu’un jeune curé célèbre sa première messe, la famille et les amis organisent ensuite une fête bien arrosée. Cf. le Clerc qui fut refusé à estre prestre, vers 105-6 et note : dans cette farce, un candidat à la prêtrise est renvoyé deux fois par son examinateur. 94 « Le cuysinier cy m’a semons/ Pour boire du vin de la feste. » La Présentation des joyaux. 95 Pernet veut sans doute dire « perquam » : tout à fait. 96 En six mois. 97 Le mal de saint Victor est la folie. « Malade du mal S. Victor, et lié comme homme hors du sens. » Godefroy. 98 Peut-être le Confiteor. Le retributor est celui qui paye. 99 BM : in manus — LV : imanus (BM nomme correctement cette prière qui accompagne l’extrême-onction, mais l’ignare Pernet ne peut que la nommer incorrectement : je choisis donc la version LV.) « Je sçay bien mon Avé salus,/ Mon Imanus, mon Déo pars. » La Bouteille. 100 Prononciation à la française de l’hymne Quem terra pontus. Voir la note 79 de Maistre Jehan Jénin. 101 Seul LV consigne ce vers, qui manque dans BM. On ne présente plus le Veni Creator. La 9ème heure (hora nona), ou heure de none, désigne dans les monastères la prière de 15 heures. 102 À bout d’arguments : cf. le Maistre d’escolle, vers 85. Pernet qui va à l’escolle raconte le laborieux apprentissage de l’alphabet par notre futur pape. 103 Ce vers et le suivant reprennent hors de saison les vers 39-40. 104 Moi je veux discuter : / Conjugue-moi le verbe « tuer ». Pernet confond lætare [réjouir] et letare [tuer]. « Declina mihi » est la rengaine des manuels de latin destinés aux enfants. 105 Je vous le conjugue à toute vitesse. 106 Ton discours. Cf. Marchebeau et Galop, vers 274. 107 Par quel nom es-tu appelé ? Pernet ne comprend pas cette question banale et reste muet. Sa mère tente de sauver la situation. 108 Et pourtant. Les villageoises qui s’aventurent à user d’un terme « scientifique » se prennent toujours les pieds dans le râteau, comme la mère de Maistre Jehan Jénin : « De trologie et merdecine. » 109 LV transcrit phonétiquement la prononciation normande : say. La leçon de latin de Pernet qui va à l’escolle joue sur cette homophonie : « –“C”./ –Et ! j’ay le dyable si j’ay soif ! » Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin. 110 Une anse. 111 BM : Construise moy quia fecit — LV : construises moy quia fecy (« Caillette a vécy ! » La Résurrection Jénin à Paulme.) Comme au vers 219, le candidat a vessi, a pété. Le trac fait remonter à la surface tout ce qui était mal enfoui : le patois <v. 249>, le besoin d’alcool <v. 250>, le relâchement de l’anus <v. 253> ou de la vessie <v. 257>, la sexualité <v. 281>. 112 Par ma foi ! Même vers que 262. 113 À laquelle, mon ami… Pernet interrompt l’examinateur parce qu’il pense avoir enfin compris un mot latin : « aquam » = eau, urine. Or, le seul examen qu’il soit en mesure de réussir, c’est justement un examen d’urine. (Voir la note 256 d’André Tissier.) 114 Pour la mesure, on pourrait adopter la forme populaire normande « asteure » : « De che qu’on fet et dit, asteure, dans Rouen. » La Muse normande. 115 Les clercs qui ont peur en perdent leur latin. Terrorisé par Pantagruel <chap. 6>, l’écolier limousin oublie son jargon universitaire et retrouve instantanément le patois de Limoges ; cet épisode a également une conclusion scatologique, qui est la réponse naturelle du corps à ce genre de stress. 116 BM-LV : dire oremus — Pernet donne ici le vers original, que notre plagiaire a sacrifié : Mais dieu il fault parler latin (La correction est de Tissier.) 117 Moi, vous voulez (que je parle latin) ? Les vers 264-7 reprennent les vers 202-5 de Pernet. 118 Voici déjà mon livre. 119 Disons : parle ! 120 BM-LV : Monsieur (Voyant que les choses se gâtent, la mère monte d’un degré dans la flagornerie.) Oremus = prions. 121 Les vers 269-277 reprennent les vers 138-146 de Pernet, où ce vers était justifié par celui qui le précédait : « Il y a long temps que le congnois. » Là encore, notre plagiaire a bâclé son travail. 122 BM : Et ie — LV : sy je 123 Le Per omnia du vers 120. La mère de cet autre futur pape qu’est Maistre Jehan Jénin n’aurait pas dit mieux : « On chantoit Perronnia/ À haulte voix. » 124 BM-LV : quant a 125 Voir la note 64 de Pernet. 126 BM-LV : le iasement — Pernet : cest assez iase (L’examinateur poursuit sa route ; Pernet marche à ses côtés.) 127 BM-LV : adire (Vas-tu avec moi ?) On prononçait à la française, et en l’occurrence à la normande : « Va, dis-mé con. » [Va, dis-moi « con ».] Le con désigne le sexe de la femme. On trouve la même astuce de collégiens aux vers 207-211 de Pernet, d’où proviennent les vers 279-283. 128 Paysan. C’est le monde à l’envers ! Dans Pernet, la mère traite de « villain » le professeur de son fils quand il lui enseigne la lettre Q. 129 BM : Vous auez parle — LV : parles vous — Pernet : Auous parle (Av’ous est la contraction normande d’avez-vous.) « Du con ma mère » est un génitif archaïque : du con de ma mère. 130 Je vais le lui dire. Pernet retourne vers sa mère, qui est restée au même endroit. 131 Le public du collège est masculin. 132 Les vers 284-5 reprennent les vers 214-5 de Pernet, dont le congé final attribue le spectacle aux collégiens : « Nous vous prions que, hault et bas,/ Pardonnez aux gentilz enfans/ De ceste ville ces esbatz/ Qu’ont voulu faire en passant temps. » 133 Autant les maîtres que les élèves. Le vers suivant est perdu. 134 BM-LV : Sans vous auoir (Ce tercet sera textuellement repris à la fin du Savetier Audin.) 135 Ce distique bâclé, dit par un personnage qui n’est plus censé être là, inspirera celui qui clôt le Savetier Audin : « Si vous trouvez voz femmes en tel cas,/ Donnez-les au dyable comme j’ay faict. » Le scribe du ms. La Vallière — et lui seul — ajoute comme d’habitude sa péroraison personnelle : « En prenant congé de se lieu,/ Une chanson pour dyre adieu ! » 136 Faute de savoir où le mettre, je colle ici un bout de farce sans titre dont il manque le début et la fin. Ce fragment de 84 vers se trouve dans le manuscrit fr. 904 de la Bibliothèque nationale de France, à la suite d’un Mystère avec lequel il n’a aucun rapport. Il nous en reste ce dialogue entre un Vilain [un paysan] qui veut que son fils fasse des études pour obtenir un diplôme de cardinal, et ledit fiston qui préfère garder les porcs. C’est peut-être la première apparition théâtrale d’un « enfant mis aux écoles » : ses éditeurs, D. W. Tappan et S. M. Carrington*, le font remonter au milieu du XVe siècle. *Deux pièces comiques inédites du manuscrit B.N. fr. 904. Romania, t. 91 nº 362, 1970. Pages 161-169. 137 Ms : il (Que tu goûtes à l’école : que tu y ailles au moins une fois.) 138 On me dirait que je fais partie des clercs. 139 De ton plein gré. 140 Ms : y 141 Je n’y consentirai pas. 142 Pendant cette pause, le père attrape son fils pour le mettre sur ses épaules. Jacob lui mord un doigt et refuse de le lâcher. 143 Ms : la mort (« À la mort ! À l’ayde ! À la mort !/ Ha, hay ! ha, hay ! hay ! Il me mord ! » Le Roy des Sotz.) 144 Ms : leues (Enlevez votre doigt de ma bouche.) 145 Le ms. n’est pas détérioré : c’est le copiste qui a omis un passage. 146 Tu ne m’auras pas comme cela, mon fils. 147 Marchandeur. Idem vers 27. 148 Ms : seres porter (Le scribe a une orthographe et une grammaire très personnelles.) 149 « Gnac ! » transcrit le bruit d’une morsure. (Cf. André de La Vigne, vers 11.) Jacob menace son père de le mordre à nouveau. 150 Il ouvre par terre un grand sac pour y enfermer son fils. On n’a pas attendu les Fourberies de Scapin pour mettre des acteurs dans un sac : cf. les Veaux, ou Janot dans le sac, ou Resjouy d’Amours, ou la Laitière, ou Cautelleux, Barat et le Villain. Le catalogue d’un libraire de Tours au XVe siècle mentionne la farce de Chascun qui mect Tout en son sac. 151 Je n’entrerai pas dans votre sac. 152 Même si tu avais juré le contraire. 153 Hurler. « Tu as beau huer. » Troys Gallans et Phlipot. 154 Hui, aujourd’hui. 155 Ms : en (Ribon, ribaine = De gré ou de force. C’est le nom d’un arriviste dans Pates-ouaintes.) 156 Cette didascalie est notée dans la marge gauche du distique suivant. Le père jette sur son épaule le sac entrouvert, d’où émergent la tête et les mains de Jacob. 157 J’ai un point de côté. 158 Ms : conpte 159 Petit sire ? Idem vers 63. Ce mot rime avec Jaco. 160 Je vais uriner dans votre bouteille, qui est au fond du sac. 161 Ms : por (Par les oreilles.) 162 Ms : mal (Un courtaud est un chien – ou un cheval, ou un voleur – auquel on a coupé les oreilles. « Le courtault gris qui ast les aureilles couppé. » Guillaume de Nassau.) 163 Un fait, une action. Dessous, le ms. répète dans la marge gauche la didascalie : Icy le prant jacob pour les orelles 164 Renoncez à cela. 165 Ms : vouldres (Le Vilain tutoie presque toujours son fils.) 166 Me tenez-vous quitte ? Cf. le Poulier à sis personnages, vers 699. 167 Vers manquant. Le Vilain pose le sac, et Jacob s’en extirpe. 168 Déchirées. 169 Mon argent. « Les diz Anglois avoient esté bien paiéz de leurs gaiges et souldées. » ATILF. 170 Il faut le bercer de paroles. Le point faible de tous les Badins, c’est la gourmandise. 171 Ms : prie (« Je te suply, ayons ta femme ! » Le Savatier et Marguet.) 172 Ms : jay (Être inscrit au rôle : être sur la liste.) Dans D’un qui se fait examiner (v. ci-dessus), la mère voit déjà son fils évêque ou pape. 173 Cela ne m’importe pas plus que deux grains d’ail. 174 Sois d’accord avec moi. « Je suys de vos acors. » Troys Gallans et Phlipot. 175 Mot inconnu. S’agit-il d’une boisson pétillante ? Dans le même esprit, l’argot des gargotes a baptisé « roteuse » la bouteille de champagne. Mais peut-être faut-il lire bouteillette, comme au vers 77. 176 Des noix à flac, en quantité. « Monsieur de Sic-Sac,/ Lequel a des escutz à flac. » Légier d’Argent. 177 Emplissez mon sac avec ce que vous m’avez promis. 178 Ma petite bouteille de rotiette (note 175). Cf. l’Amoureux, vers 209. 179 Va à l’école d’un bon pas. 180 Mets peine, applique-toi. 181 Pour faire de toi un clerc. 182 Je vous recommande à Dieu. Cf. le Munyer, vers 118. 183 Vers manquant. Je le restitue d’après les vers 48-49. La rubrique suivante montre que la farce n’est pas finie. Au prochain folio commence la Moralité novelle de la Croix Faubin, copiée par la même main, et elle aussi incomplète.