SERMON JOYEUX DE BIEN BOIRE
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SERMON JOYEUX
DE BIEN BOIRE
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Cette œuvre débute comme un sermon joyeux1. Mais les spectateurs vont découvrir avec surprise qu’il s’agit en fait d’une farce à deux personnages. Elle raconte l’histoire d’un prêcheur public qui tente de prononcer un sermon alors qu’un trublion veut l’en empêcher. Imaginons la scène : le prêcheur, en habit de moine, est juché sur un tonneau, au milieu d’une place. Complètement ivre, il fait l’éloge du vin, et se cramponne à son lutrin pour ne pas perdre l’équilibre. Il a le nez rouge. Entre deux phrases, il tète le goulot d’une bouteille. Dans le public se tient un de ces rôtisseurs qui vendent sur les places et les marchés. Le nôtre est armé d’une broche et d’un litron. Il est aussi soûl que le prêcheur. Notons qu’un authentique sermon joyeux, le Sermon de la choppinerie <Koopmans, pp. 142-165>, confronte aussi un Sermonneur et un Opposant ; mais il fut probablement joué par un seul comédien.
Source : Recueil du British Museum, nº 23. Publié vers 1545 à Lyon, chez feu Barnabé Chaussard.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Sermon joÿeux
de bien boire
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À deux personnaiges, c’est assavoir :
LE PRESCHEUR
et LE CUYSINIER
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LE PRESCHEUR commence
Bibite et comedite2 !
(Mathei, [vicesima sexta]3.)
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Messeigneurs, faictes paix4 ! Holà !
Les parolles cy proposées
5 Si furent jadis composées
Dedans le fons d’ung beau sélier5
(Comme récite Sainct-Valier6),
Escriptes d’or en lettre jaune
Sur ung tonneau de vin de Beaune7.
10 Et furent racompt[é]es et dittes
Du tout8, et de nouveau escriptes
Au quart livre, ad Epheseos9,
[Et decimo]10, ad Hebreos,
Là où dit monseigneur sainct Pou11
15 Qu’on doibt boire jusques au clou12
Tandis qu’on a denier ne maille13.
Et puis après, vaille que vaille,
Dominus providebit 14 nos.
LE CUISINIER
Et ! qui est ce vuideur de potz
20 Qui nous vient icy empescher
De chanter ? Voise15 ailleurs prescher !
Mais avisez quel champïon16 !
Or est-il le plus franc pÿon17
Qui soit point d’icy en Bourguoigne18.
LE PRESCHEUR
25 Et ! faictes taire cest yvroigne,
Que mon sermon puisse parfaire !
LE CUISINIER
Il y auroit beaucop à faire !
Me tairé-je pour ung yvrays19 ?
Quel vaillant prescheur de mes brays20 !
30 Pas ne sçait son Deprofundis21.
LE PRESCHEUR
Seigneurs, entendez à mes dis :
Dieu pourvoyra tousjours ceulx-là
Qui croiront ces articles-là
Que, qui bien boit (dire le vueil)
35 Tant que la lerme22 vient à l’œil,
Ceulx23 sont cousins germains de Dieu.
Com est24 récité en ce lieu :
« Hebrei sunt 25 ? Et ego ! »
Dieu le dit de sa bouche. Ergo,
40 Au matin te doibs avancer26
De boyre, pour bien commencer.
Et pour mieulx resjouyr ton sang,
Fay une rostie27 au vin blanc.
Et puis, pour trouver le goust bon,
45 Prens-moy28 la cuisse d’ung chapon29
Dont tu mangeras ung petit30 :
Cela te donra appétit,
Et en bevras mieulx tout le jour.
De beau vin claret31, sans séjour
50 Boy, après, jusques à minuyt.
LE CUYSINIER
Despêche-toy, car il m’ennuyt32 !
Ne nous fay point long preschement !
Il a tant beu (par mon serment)
Qu’il ne scet qu’il faict ne qu’il dit33.
LE PRESCHEUR
55 Or es-tu bien de Dieu mauldit,
De me destourber34 ma parolle !
LE CUYSINIER
Tout ce qu’il dit n’est que frivolle,
Et nous tiendra jusqu’à demain.
LE PRESCHEUR
Dieu a commandé de sa main
60 Qu’on se doit, au matin, lever
Pour bien arrouser le gosier ;
Car « qui bien boit, longuement vit35 ».
Ainsi que le note David :
« Media nocte surgebam36. »
65 Pourquoy ? Pour arrouser la dent.
Car qui veult ès sainctz Cieulx aller,
Luy convient souvent avaller
Bonum vinum et optimum37.
LE CUYSINIER
Escoutez quel vaillant sermon !
70 L’aultre jour, but tant (se m’ait Dieux38)
Qu’il perdit presque l’ung des yeulx ;
Et de l’aultre n’estoit pas sain.
Tenez : quel nés de Sainct-Poursain39
Enluminé de vin de Beaune !
LE PRESCHEUR
75 Et ! faites taire ce becjaune40
Qui quaquette tant, là-derrière41 !
LE CUYSINIER
Il a bien haulcé la bavière42 !
Tenez : il ne scet où il est43.
LE PRESCHEUR
Seigneurs, escoutez, s’il vous plaist,
80 Exposer la loy de Vinum44
Qui est escripte (ce dit-on)
En Digeste, ou .XII. livre45.
Ne cuidez pas que je soye yvre !
LE CUYSINIER
Non, mais il est n[o]yé46. Tenez :
85 Qui luy tordroit47 ung peu le nez,
De vin rendroit une symaise48.
LE PRESCHEUR
Tu en parles bien à ton ayse !
Voyez com il est desvié49 !
LE CUYSINIER
Mais où a-il si bien pÿé50 ?
90 Il a tant beu qu’il ne voit « goutte ».
LE PRESCHEUR
Et, paix ! Que vous ayez la goutte !
LE CUYSINIER
[Ce aura]51 mon prochain voysin.
LE PRESCHEUR
Tu as bien mangé du raysin52 !
LE CUYSINIER
Je ne boys fors53 que du meilleur.
LE PRESCHEUR
95 Nostre Dame !
LE CUISINIER
Nostre Seigneur !
LE PRÊCHEUR
Mourir puisses de malle54 toux !
LE CUISINIER
Je suis sauvé ; priez pour vous !
LE PRESCHEUR
Pour Dieu, qu’on face paix, mèshuyt55 !
LE CUISINIER
Despêche-toy, car il m’ennuyt.
100 Ne nous fay point longue traînée56 !
LE PRESCHEUR
Dieu te mette en très male année !
Tu ne deusses point boyre de vin.
Mais qui tousjours boit du plus fin
Ne peut avoir que bon courage57.
LE CUISINIER
105 Mourir puisses de malle rage !
L’autre jour, beut par tel délit58
Qu’il en chia59 dedens son lict,
Sauf l’honneur de la compaignie60.
LE PRESCHEUR
Tu as menty : je le te nye !
LE CUYSINIER
110 Je m’en rapporte à son hostesse61 :
Car en cuidant faire une vesse62,
Il fit tant du prim et du gros63
Qu’il luy fallut64 payer deux gros
Pour luy avancer de blancz draps.
LE PRESCHEUR
115 Or en dy ce que tu vouldras.
Mais tu es du tout, en effaict,
Le plus fort yvroigne parfaict
Qui soit d’icy en Avignon.
LE CUISINIER
Et vous estes mon compaignon :
120 Nous povons bien aller ensemble.
LE PRESCHEUR
Or Messeigneurs, se bon vous semble,
Ouez65, s’il vous est acceptable,
Que dit ung bon Docteur notable66 :
« La loy Vinum n’est pas antique67 ;
125 Elle chet68 souvant, en practique. »
Se tu es en mérancolye,
Boy bon vin : et, sans mocquerie,
Tu seras en bon point tantost.
(E)spécïalement le moys d’aoust
130 Et aussi en toute saison,
On doit boyre vin à foyson,
Sans point y mettre de aqua69.
Car on70 dit que le rébéqua
D’y mettre eau, c’est trop [grant] meffaict :
135 Despécer71 ce que Dieu a faict,
On en doibt bien estre repris.
LE CUISINIER
Aussi ne l’as-tu pas apris72.
Soit au disner ou quant on gouste,
Vray(e)ment, s’il en met une goutte,
140 Je veulx estre tué d’ung vouge73 !
Il luy pert bien74 à son nés rouge,
Qui est si trèsplein de bubettes75.
S’il ne porte encor les cliquettes76,
Je suis content d’estre tondu77 !
LE PRESCHEUR
145 Va, tu puisses estre pendu !
[Car] le trèspuissant Roy divin
Dit qu’on boyve du meilleur vin
Et nous deffend de boyre l’eau :
Car autant en faict ung chevau78
150 Quant on le meine à la rivière.
Et le Prophète nous déclère :
« Nolite fieri sicut equus et mulus,
Quibus non est intellectus79. »
[Puis] le Prophète a desclaré
155 Qu’on boyve muscadet, claré,
Ypocras et vin de pyneau ;
Et dit qu’on n’y mette point d’eau,
Qui jure : « Se tu y [en] metz,
Vray(e)ment, tu n’entreras jamais
160 En Paradis ! » Croy cest article,
Car il est escript en la Bible,
Undecimo, Libri Regum80.
LE CUYSINIER
Il n’y a, d’icy en Arragon,
Ung plus fort yvroigne qu’il est.
165 Et aussi, on voyt bien que c’est81 :
Il fut, en jeunesse, nourry
De vin tant qu’il en est pourry
Et resemble [à ung droit]82 méseau.
LE PRESCHEUR
Tu puisses perdre le museau
170 Et mourir de sanglante83 rage !
LE CUYSINIER
Mais bien vostre sanglant visaige,
Car il ne fut anuyt84 lavé !
LE PRESCHEUR
Cecy ! Et ! vélà trop bavé85 !
LE CUYSINIER
Regardez ce seigneur notable !
LE PRESCHEUR
175 Or vous taysez, de par le dyable !
LE CUYSINIER
Qui vous puisse rompre le col !
LE PRESCHEUR
Et ! qu’on face taire ce fol86,
[Très ort]87 villain, puant pugnays !
LE CUYSINIER
Plus honneste suis que tu n’es88 !
180 Le vez-vous là, ce [sainct] Baboyn89 ?
Vrayement, il put tant le vin
Que je sens d’icy son alaine90.
LE PRESCHEUR
Et tu fais ta fièbvre quartaine !
LE CUYSINIER
C’est bien dit : reliez-vous-la91 !
185 Tenez-vous bien !
LE PRESCHEUR
Cecy !
LE CUISINIER
Cela !
LE PRESCHEUR
Tant de mynes92 !
LE CUISINIER
Tant de quaquet !
LE PRESCHEUR
Je te feray…
LE CUISINIER
Manger ung pet ?
LE PRESCHEUR
En ton nés !
LE CUISINIER
Mais bien en ta gorge93 !
LE PRESCHEUR
Tais-toy ! Feras ?
LE CUISINIER
On le te forge94 !
LE PRESCHEUR
190 N’es-tu pas content que je presche ?
LE CUISINIER
Ouÿ bien, mais qu’on se despesche :
Ne voys-tu pas qu’il est [jà] tard95 ?
LE PRESCHEUR
Escoutez que dit saint Bernard :
« De pardon mille quarenteines96
195 Auront ceulx qui grans tasses97 pleines
De vin boiront tout à ung trait. »
Aussi je l’ay98 treuvé extrait
En ung sien livre, où il [est] dit :
« Bene bibens Deum videbit 99. »
200 Sont toutes parolles dorées100 ;
En [son livre les]101 ay trouvées,
Où n’ay mis grant peine à le[s] lire.
Et pour tant102, vous ose bien dire
Quod ille qui bene bibat,
205 [Que] par raison bene pissat 103,
S’il n’a la vessie estouppée.
Et pour tant, la bonne purée104,
À mes amys, je vous recommande.
À bien boyre chascun entende
210 Tant qu’on pourra finer de croix105.
[On faict les]106 gosiers si estroictz
Faulte de bien les arrouser.
Bevons jusques aux yeulx plourer107 !
Car qui bien boyt, bien se gouverne.
215 Et qui ne va à la taverne,
Luy fault envoyer son varlet108.
S’il est aigre, nihil valet 109,
[ Dont il fait mal aux bons buveux ;
Préférer luy fault le vin vieulx ]110
220 À l’avaller délicieux :
J’en boy si fort que vers les cieulx
Fays tourner les yeulx de ma teste.
LE CUYSINIER
Et ! cest yvrongne déshonneste
Fera-il huy que quaqueter ?
225 Mais que povez-vous conquester111
À luy ? Le me vez-vous là bien112 ?
LE PRESCHEUR
Ce dit ung théologïen :
« Bon vin, selon cours de nature,
Faict grand bien à la créature113. »
230 Par auctorité je le preuve :
Je suis si ayse quant je treuve
Ung trèsbon vin emmy ma voye !
Ung bon vin jamais ne desvoye114
Ainsi que faict ung vin petit.
235 Quant j’ay vin à mon appétit,
Je m’y porte aussy vailla[mme]nt115
Que fist Olivier et Rollant116
En bataille qu’ilz firent oncques.
Or je vous pry : bevons fort, doncques !
240 Et aussi, Dieu nous avisa
De bien boyre, et nous devisa117
Et nous dist ce mot : « Sitio118 ! »
LE CUYSINIER
Et ! ho, de par le dyable, ho !
Durera mèshuy ce language
245 De parler fors119 que du beuvrage ?
Le paillart n’a aultre mémoire
Fors à gourmander120 et à boyre :
Soit au dîner ou quant on soupe,
Il est yvre com une soupe121
250 Et s’en va coucher tout vestu.
LE PRESCHEUR
Mais escoutez ce fol testu122 !
Comme souffrez-vous tel fol coquart123 ?
Vous vez que ce n’est q’ung paillart,
Ung coquillart et ung yvroing124.
LE CUYSINIER
255 Il y pert bien à vostre groing125 :
Comme[nt] il est enluminé126 !
LE PRESCHEUR
De la fièbvre soys-tu myné !
LE CUYSINIER
Mais127 vostre corps et vostre teste !
LE PRESCHEUR
Je fais à tous humble requeste
260 Que vous ouez, grans et menus,
Ung proverbe de Martinus128 :
« Martinus fuit bonus homo,
Et ad bibendum totus primo129. »
Chascun n’entend pas mon130 latin,
265 Car il fut faict d’estain trop fin,
Engendré d’ung viel pot de cuyvre ;
Nul ne l’entend s’i n’est bien yvre.
Consommé fut de viel léton131,
Et le dit132 le docteur Platon
270 En son derrenier quolibet133.
LE CUYSINIER
Et il fist ton sanglant gibet !
T’apartient-il prescher en chayre ?
On te deust en une rivière
Getter, qui feroit134 son devoir.
LE PRESCHEUR
275 Bonne feste ne peult avoir135
— Comme je treuve en Réthoricque —
S’il n’y a de bon vin qui picque.
Vous sçavez que Nostre Seigneur
A dit qu’on boyve du meilleur ;
280 Je le puis tesmoigner par luy.
Aussi, quant le vin fut failly,
Aux nopces de Archédéclin136,
Ne mua-il pas l’eau en vin ?
Bonum vinum bibat etiam137 !
LE CUYSINIER
285 Et, paix ! Dieu te mette en mal an,
Sanglant paillart, yvroignibus138 !
Il nous tient cy en ces abus,
Et tout ce qu’il dit ne vault rien.
Le vez-vous, cest homme de bien ?
290 Aussitost qu’il a ung lyard139,
Par ma foy, la gorge luy ard140
Qu’il ne le porte au tavernier141.
LE PRESCHEUR
Mais toy, qui n’as pas ung denier ?
À ses142 voysins je m’en rapporte :
295 Avisez quel habit il porte !
Est-il habille compagnon143 ?
S[on] amye est en Avignon144 ;
Ses chausses tirent contrebas145.
Au fort, laissons tous ces débas.
300 Cathon note et met [en] avant
Qu’on se doibt tremper bien souvant
En bon vin, quant il s’avisa
Dire : « Vino te tempera146.
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Or, omnibus, attendite147,
305 Et venons à comedite148 :
Se voulez ès sainctz Cieulx aller,
Et non pas embas149 dévaller,
Se faictes (ainsi que j’entens)
Que ne jeûnez point en nul temps.
310 S’on ne vous faict jeûner par force.
Ès croniques du roy d’Escosse
Il est escript en droit civil
Qu’il est notable, non pas vil.
Les jeûnes sont à débouter150
315 Du droit civil, sans en doubter.
Mais quoy ! Sces-tu que tu feras ?
À double jeûne doubleras,
Et feras double[s] tes morceaux151.
LE CUYSINIER
C’est belle vie de pourceaux !
320 C’est bien, à toy, parlé en beste152 !
LE PRESCHEUR
Ce ne vous est pas chose honneste
Q’un tel follastre me gouverne.
LE CUYSINIER
Quel vray champïon de taverne
Qui vient cy trancher du sage homme153 !
LE PRESCHEUR
325 Je cuyde que d’icy à Romme,
Meilleur que moy on ne doibt querre
Pour bien prescher.
LE CUYSINIER
Au pot et au verre !
De cela il a bon renon.
LE PRESCHEUR
Encor(e) ? Mais [te] tayras-tu ?
LE CUYSINIER
Non !
LE PRESCHEUR
330 Et pourquoy ?
LE CUYSINIER
Il ne me plaist pas.
À bas154, de par le dyable, à bas !
Car vous ne sçavez que155 vous dictes.
Tout son faict ne sont que redictes :
Tousjours presche156 sur la vendenge.
LE PRESCHEUR
335 S’il convient que de toy me venge,
Tu le congnoistras par Justice !
LE CUISINIER
Tu es bien sot !
LE PRESCHEUR
Tu es bien nice157 !
Laisse-m’achever158 mon sermon !
LE CUYSINIER
Par ma foy ! si ne feray mon159,
340 Car tu ne dis chose qui vaille.
LE PRESCHEUR
Que tu as le bec plain de raille160 !
Faictes-le taire ou je m’en voys !
LE CUYSINIER
Et dyables après161 !
LE PRESCHEUR
Or, te tays !
Dire vueil chose souveraine.
LE CUYSINIER
345 Tu feras ta fi[è]bvre quartaine !
J’ay le cul tout plain de ta noyse162.
LE PRESCHEUR
Puisqu’il convient que je m’en voyse,
Par ce paillart, à tel[z] diffames,
Adieu vous dy, seigneurs et dames !
350 Plus ne demour[r]ay en ce lieu.
LE CUYSINIER
Adieu, de par le dyable, adieu !
Le prescheur va croquer la pye163,
Et je voys prendre la copye164
Du vin qui est en la despense165.
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355 Seigneurs et dames d’excellence,
Je vous supplye, [et] hault et bas,
Que prenez en gré noz esbas !
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FINIS
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1 Jelle KOOPMANS l’a d’ailleurs incluse dans son Recueil de sermons Joyeux. Droz, 1988, pp. 560-580. 2 Buvez et mangez ! « Comedite : hoc est corpus meum…. Bibite ex hoc omnes. » (Matth., 26.) Les sermons joyeux parodient scrupuleusement les sermons sérieux, lesquels se présentent comme une variation sur un thème en latin, ou theume, tiré des Écritures. Voir le début du Sermon pour une nopce. 3 BM : vndecima secunda. (26ème chapitre de l’Évangile selon saint Matthieu.) Les copistes, chacun à sa manière, abrégeaient ce genre de chiffres : l’imprimeur a mal résolu les abréviations de son ms. de base, et a donc publié un vers incorrect doublé d’une référence inexacte. 4 Faites silence ! 5 D’un cellier, d’une cave à vin. 6 Peut-être le nom d’un tavernier local. 7 L’ivrogne du Testament Pathelin veut être inhumé « en une cave, à l’advanture,/ Dessoubz ung muy de vin de Beaulne./ Puis faictes faire en lettre jaulne,/ Dessus moy, en beau parchemin :/ ‟Cy repose et gist Pathelin.” » 8 Totalement. Idem vers 116. 9 BM met ce vers sous le vers 9. L’Épître aux Éphésiens, attribuée à saint Paul, ne contient pas plus la citation initiale au chapitre 4 que dans les autres. Au contraire, le chapitre 5 condamne l’abus du vin. 10 BM : Undecimo (Et au chapitre 10 de l’Épître aux Hébreux, attribuée à saint Paul. En fait, la citation initiale ne s’y trouve nulle part.) Jeu de mots banal — on le retrouve au vers 38 — sur le latin ebriosus [ivrogne] : « Ung visaige il ha d’esbrieu. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 11 Saint Paul. Mais il existe un Sermon de Monsieur saint Pou ; malheureusement, « sa boisson n’est pas dans le vin ». Koopmans, p. 486. 12 Jusqu’à la dernière goutte. « Quant ils boyvent jusques au clou. » Sermon joyeulx de sainct Raisin <Koopmans, p. 535>. 13 Ou une piécette. « S’il emporte denier ne maille. » Les Tyrans. 14 BM : prouidebis (Le Seigneur y pourvoira pour nous. Voir le v. 32.) 15 Qu’il aille. Idem vers 347. Le « cri » des marchands ambulants est parfois chanté. 16 Un champion de taverne est un pilier de bars. Voir le v. 323. 17 Le plus grand « croqueur de pie », avaleur de vin. « –Plus boire ne pourroye./ –Hé, franc pion ! » Grant Gosier. 18 Qui soit d’ici jusqu’en Bourgogne, une région célèbre pour son vin. 19 À cause d’un ivrogne. 20 De mes braies. « Quel grant conseillier de mes brayes ! » Le Capitaine Mal-en-point. 21 Le De profundis est une prière de base que tout religieux, même soûl, doit se rappeler. 22 Prononciation parisienne de larme. « Et boy d’autant, vueille ou non vueille,/ Tant que la larme en vient à l’œil. » La Nourrisse et la Chambèrière. 23 Ceux-là. « (Les folz) sont cousins germains de Dieu. » Les Sobres Sotz. 24 BM : il (Comme cela est dit dans saint Paul. « Comme est récité/ Aulx Hystoires. » Le Testament d’un amoureux.) 25 BM : sont (Saint Paul, Épître aux Corinthiens, 11.) Comprenons, d’après la note 10 : Ils sont en état d’ébriété ? Moi aussi ! 26 Tu dois t’apprêter. 27 Une tranche de pain grillé qu’on trempe dans le vin. 28 BM : Prenes moy 29 BM : iambon (« Une cuysse/ De gras chapon. » Le Cousturier et Ésopet.) 30 Un peu. 31 Clairet : vin rosé. Idem vers 155. Sans séjour = sans délai. 32 Je m’ennuie. Même vers que 99. 33 Ce qu’il fait ni ce qu’il dit. 34 Troubler. 35 Réfutation de deux proverbes : « Qui boit et mange sobrement/ Vit, de coustume, longuement. » « Boy par raison, tu vivras longuement. » 36 Je me levais au milieu de la nuit. Psaume 118. 37 Du bon vin et du meilleur. Le prêcheur remplace Dieu par le vin : « Deum bonum et optimum credimus. » (Tertullien.) On prononçait « optimon », à la française. 38 Que Dieu m’assiste ! Nous allons découvrir au fur et à mesure que les deux adversaires se connaissent bien ; sont-ils d’anciens compagnons de taverne ? 39 Quel nez rouge, par allusion au vin rouge de Saint-Pourçain : voir le v. 141. « –Quel visage de Saint-Poursain !/ –Si ont esté ces gros vins rouges/ Qui nous ont paincturé ainsi/ Les narines de cramoysi. » Le Ramonneur de cheminées. 40 Ce béjaune, ce blanc-bec. 41 Derrière les spectateurs. Si le cuisinier était au 1er rang et tournait le dos au public, on ne l’entendrait pas bien. 42 La partie du casque protégeant le menton ; pour boire, les soldats sont obligés de la soulever. Nous dirions aujourd’hui : hausser le coude. 43 BM : nest. 44 On prononçait « vinon ». Cette loi Vinum quod mutuum — dont il est encore question au vers 124 — concerne la façon de rendre du vin qui a été prêté. Elle est connue pour sa niaiserie, et Rabelais ne l’a pas épargnée : « La loy Quinque pedum [5 pieds], la loy Vinum, la loy Si Dominus. » Pantagruel, 13. 45 Au 12e livre du Digeste, titre 1. « Une contestation qu’il eut avec un de ses confrères sur l’intelligence de la Loi Vinum, au Digeste. » Gilles Ménage. 46 Noyé dans le vin. « Quant il sont yvres et noyés. » ATILF. 47 Si on lui tordait. 48 Une cimaise : un plein pot à vin. Cf. Baudet, Blondète et Mal-enpoint, vers 17. 49 BM : dessire. (Dévoyé. « Dévier, c’est forvoier et aler hors le droit chemin. » ATILF.) 50 Bu. Voir la note 17. 51 BM : Sera a (C’est mon plus proche voisin qui l’aura. On suppose que ce voisin n’est autre que le prêcheur.) 52 Du jus de raisin fermenté : du vin. 53 Si ce n’est. Idem vers 245 et 247. 54 Male = mauvaise. Idem vers 101, et vers 105, qui est construit sur le même modèle que celui-ci. 55 Maishui, désormais. Idem vers 244. 56 Ne traîne pas ! 57 Un cœur vaillant. 58 Il but tellement. 59 BM : pissa (Voir les vers 111-4.) 60 Sauf le respect que je vous dois. Cette formule excuse les allusions aux excréments : « Le caqua, sauf l’honneur de vous. » Saincte-Caquette. 61 À sa logeuse. Le cuisinier montre une quelconque spectatrice. 62 Un pet silencieux. 63 Du fin et du gros : des excréments. 64 BM : faillit (Le gros est une pièce de monnaie.) 65 Oyez ; idem vers 260. Écoutez, si vous voulez. 66 Ce que dit un célèbre docteur en Droit. S’il existait vraiment, le prêcheur le nommerait. 67 BM : etyque (N’est pas très ancienne. « En celle loy antique. » ATILF.) 68 Elle achoppe. Verbe choir. 69 D’eau. 70 BM : il (Le rébéca = l’abus. Cf. Frère Frappart, vers 152.) 71 Mettre en pièces. Cf. Troys Galans et un Badin, vers 299. 72 Tu n’as pas l’habitude de mettre de l’eau dans ton vin. « Je n’ay point apris que l’on crie/ Devant ma prédication. » Le Pardonneur. 73 Long bâton prolongé par une lame ou une serpe. 74 Cela se voit, est apparent. Même forme du verbe paroir à 255. 75 De petits bubons, de pustules. 76 Les castagnettes, comme un lépreux qui doit signaler sa présence. Le cuisinier traite encore le prêcheur de lépreux à 168. 77 Je veux bien être tondu comme un fou. Cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 132 et note. 78 « Son chevau,/ Sa jument, son asne. » Sermon pour une nopce. 79 Ne soyez pas comme un cheval ou un mulet, qui ne sont pas intelligents. Psaume 31, attribué à David. Mais la suite n’est pas de lui, quoi que prétende le prêcheur. 80 Les Livres des Rois n’abordent pas plus ce sujet capital au livre 11 qu’ailleurs. Regum se prononçait « régon ». 81 Ce que c’est, de quoi il s’agit. 82 BM : droit ung (« Il semble ung droit varlet de cartes. » Le Povre Jouhan.) Il ressemble à un véritable lépreux. 83 Maudite. Idem vers 171, 271 et 286. 84 Aujourd’hui. Le prêcheur a une telle aversion pour l’eau qu’il ne se lave jamais. 85 Trop bavardé. Cf. Pernet qui va au vin, vers 216. 86 « Faictes taire ce fol ! » Cette réplique est tirée du Pardonneur où, comme ici, deux rivaux veulent se faire taire mutuellement pour capter l’attention des passants. 87 BM : Tresort (Très sale. « Très ort villain ! » La Laitière.) Punais = puant. Le cuisinier, lui non plus, ne se passe jamais d’eau sur le corps. 88 BM : nays (Honnête = propre. Cf. Grant Gosier, vers 22.) 89 Le voyez-vous bien, ce sectateur d’un Ordre bachique ? « Nous sommes de l’Ordre de Saint-Baboyn./ Dormir jusqu’à prime et boire bon vin,/ Et chanter matines sur ung pot de vin. » (La Résurrection Jénin à Paulme.) « Tous ces suppoz de l’Ordre Sainct-Babouyn/ Haront tousjour pertroublé le cerveau,/ Les ungs d’iceulx par trop boire de vin,/ Et la pluspart pour ne boire point d’eau. » Pronostication d’Habenragel. 90 Son haleine. 91 Attrapez-la. « Que de la fièvre cartaine/ Puissez-vous estre relié ! » (Le Povre Jouhan.) Le prêcheur, qui ne se cramponne plus à son lutrin, se met à chanceler. 92 Que de grimaces, de chichis. « Tant de mines ! » Le Dorellot. 93 Dans ta bouche. Les imprécations sont volontiers scatophagiques : « Ung estront/ De chien chié emmy vostre gorge ! » Colin qui loue et despite Dieu. 94 Réponse narquoise qu’on fait à une personne trop exigeante. « –Je vous demande/ Pour six aulnes, bon gré saint George,/ De drap, dame. –On le vous forge ! » Farce de Pathelin. 95 « Despeschez-vous, ma femme,/ Il est jà tard. » Le Testament Pathelin. 96 Les buveurs obtiendront des indulgences qui leur permettront de quitter le Purgatoire avec 40 000 jours d’avance. « Gaignasmes sept ans et sept quarantaines de pardon. » ATILF. 97 De grandes chopes. « Pleine tasse/ De vin. » (Le Capitaine Mal-en-point.) Saint Bernard n’a jamais proféré de telles fredaines. 98 BM : le (Voir le v. 201.) 99 Qui bene bibit, Deum videbit : Celui qui boit bien verra Dieu. Ce proverbe existait avant saint Bernard. 100 Tellement sages qu’elles valent de l’or. 101 BM : mon liure len 102 Et pour cela. Idem vers 207. 103 Que celui qui boit bien, il pisse bien. On rencontre parfois la variante bene dormiat. 104 Et pour cela, le vin. « Nous beuvons/ De la purée du raisin. » (Pernet qui va au vin.) « La purée des vignes. » (L’Arbalestre.) « Purée septembrale. » (Gargantua, 7.) 105 Tant qu’on pourra trouver de l’argent. Finer de = se procurer : « Tu ne sauroies finer d’ung blanc [un sou]. » (Les Drois de la Porte Bodés.) Les « croix » sont des pièces frappées d’une croix sur leur côté face. 106 BM : Qui faictes (On rend les gosiers si étroits, si desséchés.) 107 Jusqu’à ce que nos yeux pleurent. Voir le v. 35. 108 Il n’a qu’à y envoyer son valet à sa place. 109 Si le vin est aigre, il ne vaut rien. 110 Lacune. « Les vins sont bien vers, ceste année,/ Dont il fait mal aux bons buveux./ Ceulx qui ont gardé les vins vieulx/ N’y perdront rien. » (Raoullet Ployart.) On préférait le vin vieux au vin nouveau : voir le Testament Pathelin, vers 173-180. 111 Gagner. 112 Le voyez-vous bien, là ? Nous dirions : Regardez-moi ça ! « Vez » = voyez ; idem vers 180, 253 et 289. 113 À l’être humain. Ce prétendu « théologien » ressemble à Guillaume Dufay, le compositeur de la chanson Bon jour, bon mois : « Bon vin/ Pour maintenir la créature saine. » 114 Ne dévoie les intestins, ne cause une diarrhée. Cf. Lucas Sergent, vers 44. 115 Je me comporte aussi bravement. « (Il) se porta si vaillamment qu’il en emporta l’onneur de ladicte jouste. » ATILF. 116 Les deux héros de la Chanson de Roland. Notons que les ivrognes plaignent beaucoup Roland depuis qu’une légende affirme qu’il est mort de soif : cf. le Ribault marié, vers 200 et note. 117 Nous déclara. 118 J’ai soif. C’est l’une des sept dernières paroles du Christ en croix. Rabelais l’a parodiée dans ses Propos des bien yvres : « Le grand Dieu feist les planettes, et nous faisons les platz netz. J’ai la parolle de Dieu en bouche : Sitio ! » Gargantua, 5. Ce passage ne figure que dans la seconde édition, de 1542 : entre-temps, Rabelais avait peut-être vu notre pièce. 119 De ne parler d’autre chose que du breuvage, de l’alcool. « Il n’est beuvraige que de vin. » ATILF. 120 Sinon à faire preuve de gourmandise. 121 La soupe est le morceau de pain qu’on trempe dans le bouillon. Même vers dans Deux hommes et leurs deux femmes. 122 Entêté. « Mais regardez ce fol testu ! » Le Prince et les deux Sotz. 123 Un tel sot. 124 Un imbécile et un ivrogne. 125 Cela se voit à votre museau. « Il y pert bien à mes habitz. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 126 Peint en rouge vif. « Il a le groing enluminé. » Le Ramonneur de cheminées. 127 Mais que ce soit plutôt. 128 Saint Martin de Tours (Martinus Turonensis) est fêté le 11 novembre, jour de la fête des vendanges. On le mêle à plusieurs proverbes concernant le vin : « À la Saint-Martin,/ L’on boit le bon vin. » « À la Saint-Martin, bois ton vin/ Et laisse l’eau courre au moulin. » Le Sermon joyeulx de sainct Raisin lui rend hommage : « Prions monseigneur sainct Martin,/ À laquelle feste on boict vin. » Koopmans, p. 534. 129 Martin fut un bon compagnon, et toujours le premier à boire. Quand la rime consiste en un mot latin accentué sur l’avant-dernière syllabe, comme c’est le cas dans le présent distique, la dernière syllabe est atone, ce qui permet d’obtenir un octosyllabe régulier. Même scansion pénultième aux vers 2 et 199. 130 BM : bien (« Chacun n’entend pas mon latin,/ Car il est faict de fin estaing. » Farce de Guilliod.) Le prêcheur prend cette expression au pied de la lettre, puisqu’on buvait dans des chopes en étain. 131 Il fut consommé de vieux laiton. Cette phrase n’a aucun sens, et voici pourquoi : les collégiens s’amusaient à transcrire platement le latin prononcé à la française. On devine ici que « consommé fut » transcrit le biblique « consummatum est », et que « viel laiton » transcrit littéralement « vel lætum ». Mais quelle est la phrase latine qui a suscité ce jeu ? En tout cas, elle n’est pas dans les adaptations de Platon en latin. 132 BM : fit (Le docte Platon. « De ce docteur Platon à teste folle. » François de Fougerolles.) 133 Son dernier « quod libet », son dernier dialogue philosophique. Voir les Demandes joyeuses en forme de quolibet. On ignore quel est le dernier dialogue écrit par Platon, et notre sermon ne renvoie à aucun d’entre eux. 134 Si on faisait. 135 Il ne peut y avoir. Le prêcheur fait croire à un auditoire inculte que la rébarbative Rhétorique d’Aristote exalte les fêtes et le vin. 136 Architriclin était le maître d’hôtel des noces de Cana, où Jésus changea l’eau en vin. Les suppôts de Bacchus n’omettent jamais cette pieuse évocation : « Ce fut qu’il mua l’eaue en vin/ Aux nopces de l’Architriclin. » Sermon de sainct Raisin <Koopmans, p. 533>. 137 BM : illam. (Le pronom féminin illam ne se rapporte à rien.) Qu’il boive encore du bon vin. Etiam [encore] se prononçait alors « étian ». 138 Ivrognibus. 139 Un sou. 140 Lui brûle. 141 D’habitude, cette récrimination est faite par les épouses : « Je n’ay mye ung tant seul hardy [sou]/ Qu’il ne le porte à la taverne. » Serre-porte. 142 BM : ces (Aux gens qui sont actuellement près de lui. Le cuisinier est toujours derrière les spectateurs.) 143 Un habile compagnon : un maître cuisinier. 144 La cité des papes était réputée pour ses bordels. « Ne n’est bourdeau qu’en Avignon. » Le Dict des pays. 145 Descendent sur ses chevilles. 146 C’est un des distiques moraux attribués à Caton : « Vino te tempera : Boy du vin sobrement. Boy par mesure et sans excèz. » D’après le vers 301, le prêcheur traduit tout au contraire : Dans le vin tu te tremperas. 147 Attendez tous. Un collégien d’aujourd’hui traduirait : « Attendez l’omnibus ! » 148 Au verbe manger. C’est le second point du sermon, énoncé dès le 1er vers. 149 En bas, en enfer. 150 Retirer. 151 Les morceaux de viande que tu mangeras pendant les jours maigres. « Si en prenez tout à la foys/ Double morceau ! » Le Capitaine Mal-en-point. 152 « Un hérétique qui ne croit ny Ciel, ny Enfer, ny Diable ; qui passe cette vie en véritable beste brute : un pourceau d’Épicure ! » Molière, Dom Juan. 153 Qui vient contrefaire le sage. « Flater en Court, trancher du saige. » Gautier et Martin. 154 Descendez de votre tonneau ! 155 Ce que. 156 BM : parle (« Prescher sur la vendange : discourir long temps avec le verre à la main. » Antoine Oudin.) « Certain curé/ Qui preschoit peu, sinon sur la vendange. » La Fontaine. 157 Naïf. 158 Laisse-moi achever. « Laisse-m’aler ! » La Laitière. 159 Je ne le ferai pas. « Mon » est une particule de renforcement. « Par saint Jehan ! ce ne feray mon ! » La Mauvaistié des femmes. 160 De raillerie. 161 Et les diables courront après lui pour l’expédier en enfer. 162 J’en ai plein le cul de ta furie. « Tu me remplis le cul de noyse ! » Trote-menu et Mirre-loret. 163 Avaler du vin. Cf. le Chauldronnier, vers 195 et note. Le prêcheur descend de son tonneau. 164 Je vais avoir la jouissance. « J’auray la copie de ce corps. » Jehan de Lagny. 165 Dans la cave. « Or venez boire, je vous pry,/ En ma despense. » (ATILF.) Le cuisinier s’empare du tonneau que le prêcheur a laissé.
LE MAISTRE D’ESCOLLE
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LE MAISTRE
D’ESCOLLE
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Le manuscrit La Vallière contient plusieurs pièces rouennaises antiprotestantes : la Bouteille, les Povres deables… Mais aucune n’atteint la virulence du Maistre d’escolle. Cette pièce fait 200 vers tout rond, comme si l’auteur avait respecté scrupuleusement le cahier des charges imposé par un commanditaire. Cela expliquerait pourquoi ce modeste tâcheron ne se risque jamais sur le terrain glissant de la contradiction théologique : il n’en avait pas les moyens. À l’heure de la Contre-Réforme, la polémique était la chasse gardée de quelques bretteurs professionnels. Les commanditaires de pièces qui parodient l’enseignement sont presque toujours des collégiens, lesquels se donnaient en spectacle lors de certaines fêtes.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 69. Cette sottie moralisée fut sans doute écrite en 1563, ce qui explique qu’elle n’était pas trop abîmée quand on l’a copiée dans ce manuscrit, une douzaine d’années plus tard.
Structure : Rimes aabaab/bbcbbc, abab/bcbc, rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse
À .V. personnages, c’est asçavoir :
LE MAISTRE D’ESCOLLE, [MAGISTER]
LA MÈRE
et LES TROYS ESCOLLIERS, [Socié, Amycé, Quandoqué 1]
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LE MAISTRE commence 2 SCÈNE I
Je suys recteur3, grand orateur,
Remonstrant sans estre flateur
Que Folye4 [faict] les mal pensans.
Escolliers ne sont en dorteur5 :
5 Chascun d’eulx dispute en docteur.
Pendant que d’icy sont absens,
Avoir n’en veulx mill[i]ers ne cens6 :
Charge trèsgrande n’est pas sens ;
Moy seul ne les pouroys instruyre.
10 De ce que j’en ay me contens7.
Leur aprendre Donnest 8 et sens,
Principes et Caton9 construyre…
Trop10 sçavoir ne faict que destruyre
L’homme, s’il ne se veult conduyre
15 De son sçavoir faire debvoir11.
Sçavoir est bon quant on faict bruyre12
Le sens que l’homme doibt avoir.
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LA MÈRE DES ESCOLLIERS entre 13
Maintenant me fault aler voir SCÈNE II
Mes enfans de beaulté compris14,
20 Afin que je puisse asçavoir
S’ilz ont profité et apris.
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MAGISTER SCÈNE III
Je n’ay poinct peur d’estre repris
Ne chargé15, en ma concience :
Car bonne doctrine et science
25 À mes escolliers veulx monstrer.
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LA MÈRE 16 SCÈNE IV
Dieu gard, Magister ! Peus-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Mes enfans veuillez-moy monstrer !
Dieu gard, Magister ! Peulx-je entrer ?
MAGISTER
30 Ne les av’ous sceu rencontrer17 ?
Ilz sont hors de ce lieu saultés18.
LA MÈRE
Dieu gard, Magister ! Puys-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Où sont vos escollie[r]s alés ?
MAGISTER
35 Je les ay envoyés aux19 champs
Coriger un tas de meschans ;
Mais y demeurent lo[n]guement.
LA MÈRE
Y les fault avoir vitement,
Car je veulx avoir congnoissance
40 S’ilz ont apris.
MAGISTER
À grand puissance20.
Pencez qu’ilz n’ont perdu leur temps.
LA MÈRE
A ! Magister…
MAGISTER
Je les entens :
Vous pourez voir bientost, au fort21,
Comme j’en ay faict mon effort.
LA MÈRE
45 De leur bien, Dieu soyt mercÿé !
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SOCIÉ, premyer escollier, entre. SCÈNE V
Amycé !
AMYCÉ, IIe [escollier], Badin22, entre.
Placet 23, Socÿé ?
Le IIIe escollyer, QUANDOQUÉ24, entre.
Vénité ad scolam 25 !
AMYCÉ, Badin26
Non, non !
[Je ne] suys pas…
SOCIÉ
Quoy ?
AMICÉ
Licencié.
SOCIÉ 27
Amycé !
AMYCÉ, Badin
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ 28
50 Mais bien plus tost « incensié29 » !
AMYCÉ, B[adin]
Je n’ay ne veulx aintel regnon30.
SOCIÉ
Amycé !
AMYCÉ, B[adin]
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ
Vénité !
AMYCÉ, B[adin]
Ad scolam ? Non, non !
LA MÈRE
Mon filz !
AMYCÉ, B[adin]
Ma mère ?
LA MÈRE
Mon mygnon,
55 Veulx-tu abandonner ton maistre,
Celuy qui se veult entremaistre
De t’aprendre toute science ?
AMYCÉ, Ba[din]
J’en sçay plus (sur ma concience)
Que vous, luy, toy, moy et nous31 deulx,
60 Vous le savez. Monstrer le veulx :
Car quant nous avons eu congé
D’aler jouer32, me suys rengé
En lieu où j’ey bien aperceu
Que le monde a esté déceu33.
65 Et premier qu’entrer en propos34,
Prenon un petit le repos35
De chanter, pour fère l’entrée36.
MAGISTER
Science soyt à tous monstrée :
Chantons37 !
QUANDOQUÉ
Tout sera révoqué38
70 Des39 escolliers de candoque.
Et pour estre myeulx esjouys,
Chantons des chansons du pays
D’où nous venons !40
SOCIÉ
Sans contredict,
Vous n’en serez en rien desdict.
Ilz chantent.
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LA MÈRE
75 Magister, vous érez le pris41 :
Mes enfans avez bien apris42
En très grand science profonde.
MAGISTER
Toy, premyer, je veulx que te fonde43
De me déclarer sans rébus44
80 D’où tu viens.
AMYCÉ, Ba[din]
De voir les abus
Qui se font au monde sans doubte.
MAGISTER
Comme quoy45 ?
AMYCÉ, Ba[din]
Y sont une roulte46,
Ainsy comme y veulent prétendre.
Chascun d’eulx veulent faire entendre
85 Le faulx, mais je les feray reux47.
LA MÈRE
Il est plus grand clerq que vos48 deulx,
Mydieulx !
AMICÉ, Badin
Se suys mon49, se suys mon !
Or, entrons à nostre sermon
Plus avant. Mais sans long procès50,
90 Y fault déclarer51 le[ur]s excès,
Meschantetés, urbanités52,
Leurs façons, leurs mondanités53,
Qu’i font par grande déraison,
Dont on n’en faict poinct la raison
95 Justement54, ainsy qu’on doibt faire.
MAGISTER
À le dire, plus ne difère55.
Monstrez que suys maistre de sens,
Qui vous aprens vos petis sens56
Pour vous garder de ce danger.
SOCIÉ
100 Nul de nous n’en est estranger57.
Il ont faict en nostre pays
Ce qu’il convient58. Qu’ilz soyent haÿs !
Vélà le poinct de nos leçons.
AMYCÉ, B[adin]
Laissez-moy dire leurs façons :
105 En Karesme mengeüssent chèr59 ;
Sainctz, sainctes cuydent empescher
Que pour Dieu ne soyent dépriés60.
Sy d’eulx nous estions maistriés61,
Ce seroyt une grand horeur.
LA MÈRE
110 Et qui les maine ?
AMICÉ, B[adin]
C’est Erreur62.
Mais contre eulx me suys despité63,
Quant j’ey veu leur mondanité
Et leur méchant gouvernement.
MAGISTER
Il y fault pourvoir aultrement,
115 Car y nous en pouroyt mesprendre64.
AMICÉ, B[adin]
De leur sçavoir ne veulx aprendre ;
J’ayme myeulx vos enseignemens.
MAGISTER
Et toy ?
SOCIÉ
J’ey veu des garnemens65
Un grand tas, menteurs et flateurs,
120 Malveillans, grans adulateurs,
Qui preschent non pas l’Évangille
Mais ont leur(s) engin(s) fort agille66
De prescher toute abusion.
MAGISTER
Et toy, après ?
QUANDOQUÉ
J’ey veu confusion
125 — Qui mainte foys m’a faict seigner67 —
De voir les grans mal enseigner68.
Mais inspiration dyvine
Viendra (ainsy comme devyne),
Qui leur monstrera leur ofence,
130 Et fera à chascun deffence.
Afin que n’ayons nus69 débas,
Que leur mondanité soyt bas !
Lors nous aurons, selon ma guise70,
Bonne garde.
MAGISTER
Voyre, à l’église71…
AMYCÉ, Badin
135 Sommes-nous clers ?
LA MÈRE
Ouy, ju[s]ques aulx dens72 !
SOCYÉ
Nous avons veu leurs accidens73,
Leur estat, leurs condicions.
QUANDOQUÉ 74
Voyre, et prins des dis[s]encions75.
C’est raison qu’en ayons vengance.
AMICÉ, B[adin]
140 Aussy, pour avoir alégance76,
C’est bien raison que tout soyt dict.
Mais venez çà ! Abitavit 78
— Prenez qu’estes78 mon escollyère — :
Qu’esse, en françoys ?
LA MÈRE
Une brellyère79.
AMYCÉ, B[adin]
145 Habitaculum 80 ?
LA MÈR[E]
Unes brays81.
AMYCÉ, B[adin]
Sainct Jehan ! Aussy ces marabais82
Les ont acumulés ensemble83,
Tant que chascun d’iceulx resemble
À ceulx de Sodome et Gomore
150 Tellement que leur cas abore84.
N’esse pas chose trop infâme ?
MAGISTER
Leur mondanité n’est par femme85.
QUANDOQUÉ 86
Leur erreur n’est par bon mynistre87.
AMYCÉ, B[adin]
Leurs sismes88 et façons m’enflamme !
LA MÈRE
155 Leur mondanité n’est par femme.
MAGISTER
C’est le deable qui les afame
Du feu d’Enfer.
SOCYÉ
Et leur grand tiltre89.
QUANDOQUÉ
Leur mondanité n’est par femme.
AMYCÉ, B[adin]
Leur erreur n’est par bon mynistre.
160 Confusion tient leur chapitre90.
Et puys disent, tant sont naïs91,
Que c’est la mode du pays92.
Et pour estre plus promps et chaulx
En leur mal, usent d’artichaulx93.
165 Qu’eussent-il un estron de chien
Pour chascun mès94 !
MAGISTER
Tu dictz trèsbien
(Je suys d’avys) de ceste afaire.
SOCYÉ
Il en fault aultre chose faire.
QUANDOQUÉ
Et quoy ?
SOCIÉ
Pour en avoir le boult95,
170 Y fault faire du feu de tout.
Car ilz s’efforcent en leur guise
De vouloir rompre nostre Église,
Dont ce nous est grand punaisie96.
MAGISTER
Qu’on les brulle sans éfigie97 !
175 Car aultrement, s’on ne le faict,
Vous voyrez le peuple, en éfaict,
Qui poinct ne se contentera.
Et cependant qu’on chantera,
Targez-vous98 ! Vérez, par mistère,
180 Ce qu’on faict, dont je m’en veulx taire.
Et pour myeulx vous faire ententis99,
Tous maistres font bons aprentis100.
Ilz chantent : 101
De mal faire, on n’a nul repos…
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AMYCÉ
Magister, donnez-nous quampos102
185 Vistement, et vous despeschez !
MAGISTER
Voycy de très vaillans supos103.
TOUS ENSEMBLE
Magister, donnez-nous quampos !
SOCYÉ
Neuf y en a104.
MAGISTER
C’est à propos105.
AMYCÉ, B[adin]
Troys vie[u]s.
QUANDOQUÉ
Troys neufz106.
SOCYÉ
Troys despeschés107.
TOUS ENSEMBLE
190 Magister, donnez-nous quampos
[Vistement, et vous despeschez !]108
MAGISTER
De bien changler109 vous empeschez !
QUANDOQUÉ
Magister, qui a men pényer110 ?
SOCYÉ
Magister, qui a ma pouquette111 ?
MAGISTER
195 Tu me sembles un gros ânyer112 !
Y n’en fault plus faire d’enqueste.
LA MÈRE
Magister, vous aurez le pris.
Priant Jésus de paradis
Qu’i préserve la compaignye113,
200 Une chanson, je vous suplye114 !
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FINIS
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1 Ces mots latins sont ici transformés en noms. SOCIE est le vocatif de socius : camarade. Les satiristes en font un latiniseur inculte ; cf. Science et Asnerye, vers 221 et note. AMICE est le vocatif d’amicus : ami. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 256. QUANDOQUE = de temps en temps ; ce terme dénigre les dilettantes, comme au vers 70. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 211. 2 Le décor représente une salle de classe. Le professeur trône dans sa chaire en attendant que ses élèves rentrent de récréation. 3 On songe au Livre de la Deablerie, d’Éloy d’Amerval, où Bélial est qualifié de « docteur, recteur, maistre d’escolle ». 4 Ce personnage allégorique intervient dans nombre de sotties, par exemple la Folie des Gorriers. 5 Ne restent pas cantonnés dans leur dortoir. Cf. Sœur Fessue, vers 225 et 235. Nous sommes donc bien dans un collège, et non chez un professeur indépendant. 6 LV : sens (Je vous dirai que je ne veux pas en avoir des mille et des cents.) 7 Je me contente. 8 Le manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 69. 9 Les distiques moraux qu’on lui attribuait sont une des bases de l’enseignement médiéval. « Mes Principes, et mon Donnest,/ Aussi mon petit Chatonnet. » Maistre Jehan Jénin. 10 LV : tant (La curiosité intellectuelle mène au protestantisme ; voir les vers 116-7. « Nos dames calvinistes qui, curieuses de trop sçavoir, lizent les livres des ministres [pasteurs] & prédicans. » La Somme des péchéz.) 11 Ce précepte de Salomon fut beaucoup mieux rendu par Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Pantagruel, 8. 12 Quand on fait s’exprimer. 13 Elle entre en scène, et elle monologue avant de se diriger vers l’école. 14 Remplis. « Une église de Nostre Dame, de merveilleuse beaulté comprise. » Fierabras. 15 D’être blâmé ni critiqué. En ma conscience = selon moi. 16 Elle entre dans la salle de classe. 17 N’avez-vous pas pu les rencontrer en chemin ? « Av’ous » est la contraction normande d’« avez-vous ». 18 LV : a saulter (Ils sont saillis, ils sont sortis.) 19 LV : sur les 20 (Ils ont appris) de toutes leurs forces. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 331. 21 Au reste. 22 Amicé, le 2e écolier, est un rôle de Badin ; cela explique pourquoi c’est celui des trois qui a le plus de texte. La Bouteille, une autre pièce antiprotestante du ms. La Vallière, laisse également le premier rôle à un Badin moralisateur. 23 Plaît-il ? « –Guillerme ! –Placet, Magistrum ? » Guillerme qui mengea les figues. 24 LV : de quandoque (Les 3 écoliers portent un nom latin. Voir la note 1.) 25 Venez à l’école ! 26 LV : p b (= Premier Badin.) 27 LV : le iiie (C’est le 1er Écolier, Socié, qui appelle son frère, comme aux refrains 46 et 52.) 28 LV : le iie (Vu le nombre d’erreurs que le scribe a commises dans la numérotation des trois Écoliers, je me contenterai de donner leur nom, et pas leur numéro. Cependant, les trios de personnages numérotés sont caractéristiques des sotties.) 29 LV attribue ce mot à socie p. Tu es plutôt insensé que licencié. 30 Je n’ai, ni ne veux, un tel renom : la réputation d’être insensé. 31 Peut-être faut-il lire vous. 32 De sortir pour la récréation. 33 Trompé par la propagande luthérienne. 34 Et avant d’entrer dans le vif du sujet. 35 Prenons un peu la permission. 36 L’entrée en matière. 37 La musique était alors une science, comme au vers 77. Elle faisait partie du cursus universitaire : on ne pouvait devenir maître ès Arts sans être musicien. 38 LV : a ceste heure desuoque (Tous les arrêts favorables à la Réforme seront annulés.) En 1562, on tenta de révoquer les arrêts défavorables au calvinisme : « Tous édictz, ordonnances & arrests, faicts & publiéz sur le faict de la Religion jusques au jour présent, seront révoquéz & casséz comme de nul effect. » Or, la même année, les calvinistes avaient vandalisé Rouen, ce que les catholiques n’avaient aucune envie de leur pardonner : voir les vers 174-7. 39 Par les. « Escolier de quandoque: qui ne va pas souvent à l’escole. » (Antoine Oudin.) C’est le nom du 3e Écolier. 40 Sur la même ligne, LV anticipe la didascalie : Ilz chantent 41 Vous aurez le premier prix. Même vers que 197. 42 Éduqué. 43 Que tu te proposes. 44 Sans équivoque. 45 C’est-à-dire ? 46 Ils sont une ribambelle. « Vécy une grant route/ De gens. » L’Aveugle et Saudret. 47 Je les laisserai sans voix. « J’en ay fait reus cent fois les maistres/ De nostre escolle. » D’un qui se fait examiner. 48 Vous (normandisme). 49 Je le suis. « Mon » est une particule de renforcement qui étaye le verbe : cf. la Résurrection de Jénin Landore, vers 39. 50 Sans bavardages inutiles. 51 Dénoncer. 52 Leurs marques de politesse hypocrite. 53 Leur attachement aux choses profanes et aux plaisirs du monde. Idem vers 112, 132 et 152. 54 Dont on ne fait pas justice : qu’on ne punit pas assez. Cf. Digeste Vieille, vers 472. 55 Je n’hésite plus. 56 Vos modestes connaissances. « Et de faire en tout mon devoir selon mes petiz sens et puissance. » Jean du Chastel. 57 N’est à l’abri. Lors du Carnaval de 1562, les huguenots avaient agressé les Conards de Rouen et leur avaient jeté des pierres. 58 Ce qu’il leur convient de faire, ce qu’ils ont voulu. 59 Pendant le jeûne du Carême, ils mangent de la chair, de la viande. « Mangeüssent » est un présent de l’indicatif normand : cf. le Jeu du capifol, vers 98. 60 Ils veulent empêcher que les saints soient priés à la place de Dieu. 61 Gouvernés. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 247. 62 Les polémistes allégorisent souvent « l’erreur de Luther ». Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 34. 63 Révolté. 64 Car cela pourrait nous faire du tort. 65 LV : gouuernemens (Des mécréants. « Un garnement/ Blasmant de foy malsaine/ Le divin sacrement. » ATILF.) 66 L’esprit agile afin. 67 Signer, faire le signe de la croix. Cf. le Ribault marié, vers 376. 68 De voir les grands de ce monde être mal guidés. 69 Nuls, aucun. 70 À mon avis. 71 En 1562, les protestants avaient pillé ou détruit plusieurs églises de Rouen. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 174-6. 72 De la tête aux pieds. « J’ay tant fréquenté ces notaires/ Que j’en suis clerc jusques aux dents. » Première Moralité. 73 Leurs défauts. 74 LV : le iie (Quandoqué est le 3e Écolier.) 75 Mes prédécesseurs ont lu discucions. Prendre des dissensions = être en désaccord. « Karle, avers nous, a pris dissencion. » ATILF. 76 Allégement. Cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 132. 77 Habitavit = il a habité. (Ce verbe revient souvent dans les Écritures.) Calembour de collégiens sur « habit à vits », qui désigne la braguette. « Habitavit, c’est-à-dire une brayette, quasi “habit à vit”. L’on dira habitaculum, “habit à cul long”, à mesme raison. » Tabourot. 78 LV : gectes (Supposez, ma mère, que vous êtes mon écolière et que je suis votre professeur de latin. « Prenez que fussiez devenu/ Pauvre. » Le Pauvre et le Riche.) 79 Une braguette. (Mot normand.) « Y ne sera pas jusque z’o chambrière/ Qui ne viennent fiquer leu dais [ficher leurs doigts] dans ta breslière. » La Muse normande. 80 La demeure de l’âme. Calembour de collégiens, favorisé par la prononciation à la française, sur « habit à cul long », qui désigne l’arrière des braies. « Bon latin, habitaculum/ Veut dire : un habit à cul long. » Jacques Corbin. 81 Une paire de braies. « Parmy le fons d’unes brayes breneuses. » Villon. 82 Ces hypocrites. Un marrabais est un juif d’Espagne qui fait semblant d’être converti au christianisme. 83 Ont accolé ensemble leur braguette et l’arrière de leurs braies : ont pratiqué la sodomie. 84 Que j’abhorre leur cas. 85 Leur luxure est due à l’absence de femmes. L’auteur retourne la situation : les femmes étaient beaucoup mieux intégrées dans la nouvelle religion que dans l’ancienne. D’ailleurs, les scandales homosexuels n’éclaboussaient que le Vatican. Les cardinaux s’entouraient de mignons, et nul n’avait oublié l’éloge de la sodomie qu’avait fait paraître en 1537 l’archevêque Giovanni Della Casa : De Laudibus sodomiæ seu pederastiæ. Les catholiques n’ont pu reprocher aux calvinistes qu’un poème de jeunesse où Théodore de Bèze avoue qu’il préfère Germain Audebert, son ami brûlant de désir*, à une femme : « Sed postquam tamen alterum necesse est,/ Priores tibi defero, Audeberte. » Juvenilia (1548). *Sic Bezæ est cupidus sui Audebertus. 86 LV : le ii escollier 87 Est due au fait qu’ils n’ont pas un directeur de conscience catholique. 88 Leur schisme. On peut aussi comprendre : leur hérésie sexuelle. 89 C’est leur titre de noblesse. 90 Leur congrégation. 91 Naïfs. 92 Cette « mode » est la sodomie : « –Nous allons bien à reculons./ –C’est selon la mode moderne. » (Colin qui loue et despite Dieu.) Notre auteur voudrait faire oublier que cette mode venait de Rome, et non de Genève. 93 Le cœur d’artichaut — qu’on appelait le cul — était aphrodisiaque. « Pour l’artichaut, il m’enflamme/ Je ne vous dis pas comment./ Demandez-le à ma femme :/ Quand j’en mange, elle s’en sent ! » Gaultier-Garguille. 94 Pour tout mets. 95 Pour en voir le bout, pour en finir avec les huguenots. 96 Ce qui est pour nous une grande infamie. 97 Qu’on ne se contente pas de les brûler en effigie, comme ceux qui sont condamnés par contumace. 98 Protégez-vous d’une targe, d’un bouclier. « Soy targer, & ranger pour combattre. » (Antoine Canque.) Les trois écoliers s’arment avec ce qu’ils ont sous la main, pour mener leur croisade contre les hérétiques. Ces clercs déguisés en soldats d’opérette sont aussi ridicules que Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire. 99 Ententifs : pour mieux vous le faire entendre. 100 Je vais moi-même chanter avec vous. 101 LV répète dessous : magister. La chanson est inconnue. 102 Donnez-nous le champ libre. En jargon estudiantin, le campos est la récréation : cf. les Premiers gardonnéz, vers 5. 103 Les suppôts sont les piliers d’une religion. Mais ce sont également les fous de l’Abbé des Conards de Rouen : « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » Triomphes de l’Abbaye des Conards. 104 Il y a neuf protestants à massacrer. Les écoliers les ont vus pendant la récréation : vers 61-64. 105 Cela tombe bien, puisque vous êtes presque en nombre égal. 106 Trois jeunes. 107 Trois que nous avons expédiés tout à l’heure. « Y l’eust tué et despesché. » Le Poulier à quatre personnages. 108 LV a omis ce refrain B du triolet, identique à celui de 185. 109chanter (Forme normande de sangler : « Mais leu broudier [leur cul] fut changlay dièblement. » La Muse normande.) Efforcez-vous de bien les battre ! Sangler = fouetter un écolier à coups de sangles. « Cet escolier a eu bien le fouet, on l’a bien sanglé. » Furetière. 110 Mon panier. Mot normand : cf. la Fille bastelierre, vers 154. Les apprentis mercenaires vont transporter leurs armes dans un cabas. Ces armes sont probablement celles que le maître applique sur leurs fesses : les sangles, les verges, les règles en bois. 111 Ma pochette, mon sac. Encore un mot normand : cf. l’Aveugle, son Varlet et une Tripière, vers 30. Les farces rouennaises qui brocardent un écolier l’affligent toujours d’un accent villageois ; ici, plus on approche de la fin, plus les personnages deviennent risibles. L’auteur serait-il protestant ? 112 Un paysan mal dégrossi. Cf. Science et Asnerye, vers 298. 113 Le bataillon. 114 C’est le dernier vers d’une autre pièce normande du même manuscrit, le Poulier à sis personnages.
LES FEMMES QUI APRENNENT À PARLER LATIN
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LES FEMMES QUI
APRENNENT À
PARLER LATIN
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Cette farce développe la même histoire que les Femmes qui se font passer Maistresses, écrite elle aussi pour un collège parisien, et dont les personnages sont extrêmement proches des nôtres. D’ailleurs, le compilateur du recueil de Florence a regroupé les deux pièces.
Nous avons donc là une farce de collège : les six acteurs que compte la distribution n’auraient pas été gérables — et payables — par une troupe itinérante, alors que de nombreux collégiens ne demandaient pas mieux que de se moquer gratuitement de leurs professeurs. Enfin, cette farce est jonchée de grivoiseries, comme les autres pièces jouées par des escoliers. Les tournures picardes qu’elle contient en grand nombre semblent accuser les élèves du collège de Beauvais, à Paris ; voir la notice du Mince de quaire.
Source : Recueil de Florence, nº 17.
Structure : Rimes abab/bcbc, avec 2 triolets enchaînés. Beaucoup de vers ont été ajoutés a posteriori, et d’autres ont disparu ad vitam æternam, quand ils n’ont pas été déplacés manu militari.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à six
personnages des
Femmes qui aprennent
à parler latin
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C’est assavoir :1
LE PROVINCIAL
ROBINET 2
GUILLEMETTE
ALISON
BARBETTE
[MARION]
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LE PROVINCIAL 3 commence SCÈNE I
Robin, vien çà, mon amy [bon4] !
Va-t’en vistement attacher
Au Palais5 et là environ,
Et aux églises, ce papier !
5 Et n’oublie pas à décliner6
En plus de cent lieux en Paris
Que le Provincïal, dès hier,
Est descendu en son logis.
Et au[x] Parisïennes, dis
10 — Que j’ayme de tout mon couraige7 —
Que j’ay voué et entreprins
Leur apprendre ung nouveau langaige.
ROBINET
Ha, monseigneur, ce seroit dommaige :
On ne les pourroit maistriser8.
LE PROVINCIAL
15 Allez, mastin9 et villain paige !
Je le vueil ; fault-il répliquer ?
ROBINET
Je vois donc aux Carmes premier10
Attacher ce petit brevet.
LE PROVINCIAL
Acoup11, de là, [va] sans tarder
20 À la Montaigne12.
ROBINET
Il sera fait.
Je ne cesseray en effait
Tant que j’auray point[es]13 en main.
LE PROVINCIAL
Parisïennes, il me plaist
Que vous sachiez ung nouveau tra[in]14.
25 Je ne saiche riens plus humain
Que vous, mes mignonnes doulcet[tes].
ROBINET
Par Dieu ! Provincïal hautain15,
Vous regardez mal que16 vous faictes.
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LE PROVINCIAL SCÈNE II
[Çà, çà, venez]17, mes doulcinettes !
30 Mes parisïennes gorgettes18,
Viendrez-vous pas à la lesson ?
Ouy, mes petites rig[o]lettes,
Soyez subtilles, mignonnettes.
Venez tost, il en est saison !
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GUILLEMETTE 19 SCÈNE III
35 Johannès20, sire, mon mignon :
Qu’esse-là ? Qué[rez-]vous service21 ?
ROBINET 22
Se je vueil servir23 ? Nennin non !
Suis-je « Johannès », vielle lisse24 ?
GUILLEMETTE
Vous avez tort !
ROBINET
On m’en punisse !
40 Lisez ces motz : ilz sont escripz.
Mais fault-il que [je] les vous disse25 ?
GUILLEMETTE
Ouy [dea], s’il vous plaist, jeune filz26.
ROBINET
Or bien, de par Dieu ! Je vous dis :
« Que toutes femmes en général
45 Qui vouldront mettre leurs esp(e)ritz
Parler latin orné, exquis,
Viengne[nt] veoir le Provincïal,
Adèz27 le plus espécïal
Maistre qui soit jusques à Romme28. »
GUILLEMETTE
50 Latin ? C’est ung bien principal.
Il fault donc qu’il soit vaillant homme.
ROBINET
Vaillant, puissant, triumphant comme
Fut jamais Hector et Pâris29.
GUILLEMETTE
[Il veult faire parler, en somme,]30
55 Latin aux femmes de Paris ?
Latin ? Monseigneur saint Denis31 !
ROBINET
Aussi vray que32 je le devise.
GUILLEMETTE
Chascun en doit estre esjouys.
ROBINET
Ce sera bien nouvelle guise33.
GUILLEMETTE
60 C’est bien donc raison qu’on le prise,
Quant aux34 dames ainsi s’aquitte.
Par Dieu ! autre ordre sera mise
Au monde35, et meilleur[e] conduite.36
.
Ma commère, venez çà ! Dicte(s) : SCÈNE IV
65 Quel(le)s nouvelles ?
ALISON
Han, je ne sçay, moy.
GUILLEMETTE
Comment ? [Je sçay]37 des biens l’éliste.
ALISON
Dictes-moy, qu’esse ?
GUILLEMETTE
C’est…38
ALISON
[Et] quoy ?
Vous me mettez en grant esmoy
Que je n’entens ceste parolle.
GUILLEMETTE
70 C’est (je vous prometz, par ma foy)
Ung si saige maistre d’escolle
(Et est vray, ce n’est pas frivolle),
Qui arriva hier au matin,
Qui veult que vif on le décolle39
75 S’il ne nous fait parler latin
[Autant au soir comme au matin,]40
Argüer par façon légière,
Lire en papier ou en parchemin
Et entendre toute matière.
ALISON
80 Parler latin ?
GUILLEMETTE
Vray est, par sainct Pere41 !
Ne pensez point que je me faigne42.
ALISON
Vous semble-il point qu’il nous affière43 ?
Le sçavoir, esse chose estraigne44 ?
Latin, esse chose qu’on craigne ?
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BARBETTE 45 SCÈNE V
85 [Bénédicité ! qu’esse-cy]46 ?
GUILLEMETTE
Dont venez-vous ?
BARBETTE
De la Montaigne.
ALLISON
Mais venez çà !
GUILLEMETTE
Et acoup !
BARBETTE
Ouy ?
Dea, mais qu’esse ?
GUILLEMETTE 47
N’avez-vous pas ouÿ,
[Commère48], parler de ce maistre
90 [Qui nous veult enseigner ?]
BARBETTE
Nenny.
[Le désir vous me faictes naistre]49
De [le] voir.
ALISON
Son engin50 pénètre
Tout aultre51, riens n’est plus bégnin.
Il a dit que confus veult estre
95 S’il ne nous fait parler latin.
BARBETTE
Nous viendrons donc à nostre fin.
Je ne sçay, moy, par quel chemin.
Il nous est cellé si long temps52.
ALISON
[L’ont cellé ces]53 hommes, affin
100 Qu’ilz ayent audivi 54 plus grans.
GUILLEMETTE
Ha, les villains !
BARBETTE
Mais les meschans !
ALISON
Riglés55 seront.
GUILLEMETTE
Je m’y consens.
BARBETTE
Ilz sont orguilleux comme paons.
ALISON
Nous les chasserons comme enfans
105 Par fine force d’argumens.
GUILLEMETTE
Il fault qu’ilz [n’]en soient innocens56 :
Or57, estudïons ce langaige !
ALISON
Aultrement ne seront contens.
BARBETTE
Quant je vois hors58, le mien enrage.
GUILLEMETTE
110 Soubz l’ombre de pèlerinage,
Jusqu(e) à Notre-Dame-des-Champs59
Nous yrons.
BARBETTE
C’est le voir60.
ALISON
[Que sai-ge]61 ?
Ces moiens sont fort souffisans.
BARBETTE
Devant qu’il soit jamais deux ans62,
115 On verra nos maris changer63.
GUILLEMETTE
Nous yrons à la ville, aux champs.
ALISON
Publicquement.
GUILLEMETTE
Sans nul dangier.
BARBÈTE
Porteront-ilz point le pannier64 ?
ALISON
Ouy dea !
GUILLEMETTE
Et les petis poupars65.
BARBETTE
120 Et nous yrons estudïer66.
ALISON
Clergesses serons.
GUILLEMETTE
Et eulx, coquars67.
BARBETTE
Serons-nous pas maistresses aux Ars68
Aussi bien qu’eux ?
ALISON
Et pourquoy non ?
GUILLEMETTE
Et régnerons en toutes pars.
BARBETTE
125 Ha ! ma seur, ce sera raison.
ALISON
Alons-m’en quérir Marïon,
Puis nous yrons veoir monseigneur.
GUILLEMETTE
Nostre voisine ?
BARBETTE
Et comment donc !
ALISON
Elle a « engin69 » de grant ardeur.
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ROBINET 70 SCÈNE VI
130 Provincïal, soyez tout seur71
Que j’ay fait voz besongnes bonnes.
LE PROVINCIAL
Vient-il riens ?
ROBINET
Riens ? Vécy la fleur
Des Parisïennes mignonnes.
LE PROVINCIAL
Te semble-il qu’elles sont ydoines72
135 À comprendre ce qu’on lira ?
ROBINET
Vous y ferez73 si grant aulmosne
Que jamais tel bien n’aviendra.
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GUILLEMETTE 74 SCÈNE VII
[Hau !] Marïon !
MARION
Et qu’esse-là ?
GUILLEMETTE
Et ! escoutez çà, ma voisine !
MARION
140 Hé ! ma voisine, comment va ?
Comment se porte ma cousine ?
GUILLEMETTE
Bien.
ALISON
Viendrez-vous ?
MARION
Où ?
BARBETTE
Quelle myne !
Veoir ce maistre de grant proesse75 :
Il fait merveille.
ALISON
Il [dé]termine76
145 Ce que ne fist jamais [ru]desse77.
Et de fait, il a fait promesse
De vouloir latin78 enseigner.
.
ROBINET 79 SCÈNE VIII
Monseigneur, regardez cy !
LE PROVINCIAL
Qu’esse ?
ROBINET
Vécy des femmes ung millier.
LE PROVINCIAL
150 El(le)s ont gant fain d’estudïer,
Je le voy bien. Fay-leur grant feste.
ROBINET
Vous les verrez tantost plaidier :
Ce semblera une tempeste !
Recevoir les fault ?
LE PROVINCIAL
Tais-toy, beste !
155 Elles ne diront plus que ce mot.
ROBINET
Mais raige !
Elles mettent chascun à mette80,
De plaider à ung seul langaige81.
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GUILLEMETTE 82 SCÈNE IX
Alons recevoir83 l’héritage
De nostre maistre.
ALISON
Le vélà !
BARBETTE
160 Guillemette, comme la plus saige,
Parlez devant.
GUILLEMETTE
Mais vous !
BARBETTE
Moy ? Dea !
Marïon, sus !
MARION
Pourquoy cela ?
C’est à faire aux plus ancïennes84.
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LE PROVINCIAL SCÈNE X
Or çà, çà, mes Parisïennes :
165 Vous régente[re]z85 bas et hault.
ROBINET
Chascune fera bien des siennes86…
ALISON
Il dit d’or.
GUILLEMETTE
C’est ce qu’i nous fault.
BARBETTE
Alons près !
GUILLEMETTE 87
Devant !
MARION
Ne m’en chault :
[J’ayme mieulx demourer derrière.]88
LE PROVINCIAL
170 Se la mémoire ne me fault89,
Vous aurez science plain[ièr]e90.
ALISON
Dieu gard, monseigneur !
LE PROVINCIAL
M’amye chière,
Bien vegniez, [gracieuse et tendre]91 !
ALISON
Nous monstrerez-vous la matière
175 Du latin ?
LE PROVINCIAL
Ouy ; et [sans attendre]92.
Comment vous le pourrez comprendre.
BARBETTE
Nous le voulons trèsbien entendre.
[Monstrez-nous à]93 parler aussi.
LE PROVINCIAL
N’avez-vous point bon cueur d’aprendre ?
MARION
180 Ouy, sire.
LE PROVINCIAL
Or, n’aiez soucy.
Il me convient sçavoir cecy :
Quelle Faculté vous voulez suyvre ?
GUILLEMETTE
Nous voulons sçavoir…
LE PROVINCIAL
Quoy ? [ Hardy94 !
ALISON ]
Et ! pratique de sçavoir vyvre95.
LE PROVINCIAL
185 Voulez-vous ces volumes ensuyvre ?
ALISON
Et qu’esse ?
LE PROVINCIAL
Matière de Droit.
ALISON
Le droit 96 ? [Ouy] dea, c’est ung bon livre ;
Mieulx l’ayme que chose qui soit.
LE PROVINCIAL
À grant-peine ung homme croiroit97
190 Quel gaing en vient.
ROBINET
À plaine paulme98.
ALISON 99
Le droit ? Et ! on le nous celoit ;
Et si, duist100 si bien à la femme.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! Je vous diray, ma dame :
Il y a deux droitz.
ALISON
Çà, le bon !
LE PROVINCIAL
195 Ilz sont tous deux bons, sur mon âme !
L’ung est civil, l’autre est canon.
Le droit civil est par raison
Aux séculiers101 ; l’autre, à l’Église.
ALISON
Qui102 les veult tous deux, ne peut-on ?
200 Les entretenir ?
LE PROVINCIAL
Pourquoy non ?
Si fait, dea.
ALISON
Ha ! c’est bonne guise.
Au moins, se je trouve faintise103
Aucuneffois au droit civil,
Je recourray104 au fait d’Église,
205 Car j’entens bien qu’il est gentil105.
LE PROVINCIAL
Acoutez106 : Quant quelque soubtil
Clerc conse[i]l vous en demandera107
En disant : « Que vous en semble-il ? »
Ma dame, quel responce là ?
ALISON
210 Je [luy] diray : « Ouy ! »
LE PROVINCIAL
Mais « ita »,
En latin.
ALISON
Bien le sçauray dire.
LE PROVINCIAL
S’il dit mal, « non » dire [f]auldra.
ALISON
Et ! laissez-m’en faire, beau sire.
LE PROVINCIAL
Or sus, donc ! Je m’en vois produire108.
215 Plaidez109, ma dame l’advocate,
En parlant latin.
ROBINET
Or, sans rire ?
LE PROVINCIAL
Et gardez que je ne vous matte110 !
Séez-vous en mon lieu en haste.
Il fault les faits111 expédïer :
220 Un cas advint — ce fut la datte
Du .XV., jour de février —
Qu’il y eust ung jeune escuier
Puissant de nom et de linage112
Qui print fille de chevalier
225 (Ainsi qu’on fait) en mariage.
Quant ce vint113 après espousage
Et au mariage acomplir,
Il n’avoit pas…
ALISON
Quid ?
LE PROVINCIAL
Ce bagage114.
ALISON
Bénédicité !
LE PROVINCIAL
Soyez sage !
230 Et brief, il n’y pouvoit115 fournir.
La dame se voult116 repentir,
Et disoit : « Rien ne me sera117 ! »
Se devoit-elle consentir
À soy démarier ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
235 C’est bien respondu sus cela118 ;
Vous estes femme de façon119.
Vécy ung autre cas.
ALISON
Or çà !
LE PROVINCIAL
Naguère(s), il y eut ung mignon120
Qui trouva ung gentil garson
240 Avec sa femme dans121 son lit ;
Le deust-il tuer ?
ALISON
Certé non !
LE PROVINCIAL
Et [si]122, il faisoit…
ALISON
Sufficit !
LE PROVINCIAL
Non ? Pourquoy ?
ALISON
Natura dédit 123.
LE PROVINCIAL
Par le [saint] sanc que Dieu me fist !124
245 Je vous ay bien endoctriné.
Dame légiste, faicte[s] bruit125.
ALISON
Argentum téné 126 !
LE PROVINCIAL
C’est bien dit.
Vostre suis !
ALISON
Gratés, [dominé 127] !
ROBINET
Saint Jaques, c’est bien latiné !
250 Et ! ad Dominum 128 !
[ LE PROVINCIAL
Robin, tiens :
Recueille cest or, in finé. ]129
.
BARBETTE 130 SCÈNE XI
Monseigneur, aprendrons-nous riens ?
LE PROVINCIAL
Demandez, car j’ay tous moyens
Pour vous aprendre sans soucy.
BARBETTE
255 Nous avons le droit sur tous biens131,
Comme Alison.
LE PROVINCIAL
Il m’est failly132…
BARBETTE
Failly isté 133 ? Sus !
LE PROVINCIAL
Mais134 vécy :
J’ay bien, pour vous, aultre doctrine.
BARBETTE
Le droit est bien bon.
LE PROVINCIAL
J’ay icy,
260 Pour vous, tout l’art de médecine135.
BARBETTE
Médecine ?
LE PROVINCIAL
Ha ! c’est la plus digne
Entre les sciences qui soi(en)t.
Car ce qui [n’]est sain, et décline136,
Par donner137 ung peu de racine,
265 On le138 fait relever tout droit.
Mais il fault sçavoir sur le doit139
Ypocras et aussi Galien.
BARBETTE
Certes, j’estudieray en droit !
LE PROVINCIAL
[La médecine fait grant bien.]140
270 Regardez : voicy le moyen
Par lequel on fait le couraige141
Revenir — vous m’entendez bien —,
Qui142 le pert.
BARBETTE
Comment ?
LE PROVINCIAL
Par oultraige143
S’il avoit beu [trop] de bruvaige144,
275 D’ung récipé 145 fait à demy
Vous luy verriez faire feu et raige :
On ne pourroit durer à luy146.
BARBETTE
Il fault siner147 ce fueillet-cy !
LE PROVINCIAL
Voyez-en ung aultre plus rade148 :
280 « Item 149, pour faire son mary
Devenir fol ou fort malade. »
BARBETTE
Mon Dieu, s’en auront une aubade150 !
Nous sont ces livres deffendus ?
LE PROVINCIAL
« Pour une vieille orde et fort fade151,
285 Reculer152 de ving[t] ans ou plus. »
BARBETTE
Vécy livres de grans vertus ;
Il n’est nul plus puissant trésor.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! latin ne parlez plus ?
BARBETTE
Quoy donc ?
LE PROVINCIAL
Latin.
BARBETTE
C’est mon vouloir.
LE PROVINCIAL
290 Quant vous irez, matin ou soir,
Pour mettre quelq’ung en santé,
Dictes [cler : « Homini]153 dolor ! »
O quantum commotus vité 154 !
Tenez-luy le pous155 in fronté.
295 Touchez s’il n’a point grant chaleur ;
Et s’il est ainsi eschoffé,
Faictes-le couchier.
BARBETTE
Soyez seur :
Si congnoistre puis la douleur156
En estudïant en l’orine157,
300 Je le remettray en vigueur.
LE PROVINCIAL
Que je vous appreigne en ung signe158 :
Regardez-moy quel médicine
Vous donrez cy159.
BARBETTE
Sancté Déus 160 !
LE PROVINCIAL
Il est en dangier qu’il ne fine161.
BARBETTE
305 Ipsé est multum commotus 162…
LE PROVINCIAL
Vélà bien spéculé [dessus].
BARBETTE
Vénéré 163 multum nocui[t] !
LE PROVINCIAL
C’est vray, car deux enfans ou164 plus
Il a forgé en une nuit :165
310 [Jamais nul n’a eu si grant bruit]166
À Monpellier167, où j’ay esté.
Ung homme cause de tel fruit168
Doit-il point recouvrer santé,
Belle Barbette ?
BARBETTE
Ita, certé !
LE PROVINCIAL
315 Vous pourrez régenter sans blâme.
Faictes-vous169 vaillant, ma beauté :
Hardiement, vous ne tu[er]ez âme170.
BARBETTE
Ad Dominum !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !171
ROBINET
Tuer âme ? J’en suis certain !
320 Médecine est douce, de femme ;
Médeciner, c’est bien leur train.
El(le)s ont beau parler172, doulce main :
La science leur est bien ydoyne173.
LE PROVINCIAL
Esse tout174 ?
ROBINET
Ouy dea. [À] demain !
325 Et175 ! c’est tout, le mal sainct Anthoine !
.
GUILLEMETTE SCÈNE XII
Hélas, monseigneur, qu’on nous176 donne
Ung petit177 d’introduction.
LE PROVINCIAL
Quel est vostre nom, ma mignonne ?
GUILLEMETTE
Guillemette.
LE PROVINCIAL
Et vous ?
MARION
Marïon.
LE PROVINCIAL
330 Avez-vous Guillemette à nom ?
GUILLEMETTE
Ouy.
LE PROVINCIAL
Estes-vous Parisïenne ?
Guillemette, il me semble bon
Que vous deveniez Arcïenne178,
Car vous estes assez ancienne
335 Et saige pour estre régente179.
GUILLEMETTE
C’est ma voulenté.
LE PROVINCIAL
Et la mienne ;
Joyeux suis que je vous contente.
Mais qui n’y met toute s(on) entente180,
Cest labeur est [bien] inutille.
340 Et se ung coup estes prudente,
Vous prouverez par raison patente
De cent escus que ce sont mille181.
Affin que soiez plus habille182,
Je vous monstr[er]ay doble voye183.
GUILLEMETTE
345 Ne monstrez que la plus subtille.
LE PROVINCIAL
Je le vueil.
GUILLEMETTE
Et ! que je les voye.
LE PROVINCIAL
Regardez, dame simple et coye184 :
Vécy la voye des royaulx185.
GUILLEMETTE
Il n’est besoing qu’on les desploye.
LE PROVINCIAL
350 Voyez donc celle aux [Ars] nouveaux186.
Tenez les plus espécïaulx187
Qu(e) homme verra dedans ung an.
GUILLEMETTE
Certes, les livres sont fort beaux.
LE PROVINCIAL
Vécy la Logique d’Occan188,
355 Aristote d’or189, Buridan190.
Lisez-la et notez ces motz
Subtil[s] contre tout argument.
Et incorporez ces argotz191.
Et puis vous tenrez voz192 propos :
360 Concédez peu, nyez souvent,
Équivoque[z-]moy hardiement
Par les cautelles193 d’Aristote,
Desquelles on fait plainement
Entendre q’un mary radote
365 Et qu’il a [la] teste plus sotte,
Cent mille fois, qu(e) une brebis.
Et convient bien que tout on note.
GUILLEMETTE
Matéria[e] defficientis 194.
.
MARION SCÈNE XIII
Monseigneur, je n’ay rien aprins :
370 Faictes-moy théologïenne195.
LE PROVINCIAL
M’amye, j’en seroye reprins196 :
Vous n’estes pas assez ancienne.
Je vous feray grant rectoricienne197,
Et aurez de(s) bonnes « leçons198 ».
375 Robinet, fay qu’elle convienne199
Avec toy à déclinaisons.
ROBINET
Çà, m’amye ! Que nous lisons
Quelque chose de bon.
MARION
Or sus !
ROBINET
Vécy déclinaisons de noms.
380 Qu’esse là ?
MARION
Féminéis 200 abus…
Sociabitur, ut dominabus.
LE PROVINCIAL
Passez oultre, ce sont abus
De demourer en ce point-là.
Regardez tout, [et] sus et jus201,
385 Sans estre guères en cela202.
Et ce que Robinet dira,
Faictes tout ung, et retenez bien.
Sic, sit 203 personna seconda ;
Aultremant, tout ne vauldroit204 rien.
MARION
………………………… 205
390 Je n’entens point bien ce sens.
LE PROVINCIAL
Non ?
Ha ! je trouveray bon moyen.
Tenez là mon Catholicon 206 :
Il n’y a mot, tant soit-il bon,
Qu(e) exposé ne soit par compas207.
395 Or lisez-moy là, Marïon :
Qu’esse-là, au premier ?
MARION
Abbas 208.
LE PROVINCIAL
Après ?
MARION
Abbatis, abbati.
Monseigneur(s), j’entens bien le cas :
Car, quant la fille fut à bas,
400 Ma foy, le galant la baty 209.
LE PROVINCIAL
C’est cela, il est tout ainsi.
L’autre fueillet !
MARION
Hé ! je l’entens :
Bacus 210.
LE PROVINCIAL
Et son génitif ?
MARION
Bachy,
Baco, Bacom 211. J’entens le sens.
405 Ceste matière je comprens
Facillement, et les proverbes212.
LE PROVINCIAL
Regardez ung peu plus dedens
Pour veoir la nature des verbes.
MARION
Da [h]ortandy 213 !
LE PROVINCIAL
Ce sont adverbes ;
410 Regardez ung petit214 plus bas.
Qu’esse-cy, Marion ?
MARION
C’est amo, amas.
LE PROVINCIAL
Et son prétérit ?
MARION
Amavit.
LE PROVINCIAL
Qu’esse à dire ?
MARION
La femme ama vit 215.
LE PROVINCIAL
Mais comment ?
MARION
Nescio 216.
GUILLEMETTE
Dicam 217 !
415 Vécy la raison en escript :
« Ut matéria appétit formam
[Sicut et fœmina marem]218. »
Vécy, Aristote le dit.
LE PROVINCIAL
[Et] puis ?
MARION
[Cibo, cibas, cibem]219.
LE PROVINCIAL
420 Et son prétérit ?
MARION
Cibavit 220.
LE PROVINCIAL
Or, faictes-nous ung petit [veoir221],
De françois en latin, deux motz,
Comme Dieu les pourez assavoir.
MARION
Dominus 222 cibavit agros.
LE PROVINCIAL
425 C’est bien respondu à propos ;
Vous estes une vaillant femme.
[………………………….. -os
…………………………… -ame.]223
MARION
Adieu, monseigneur !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !
MARION
Vélà deux escus pour vo224 paine.
LE PROVINCIAL
Je n’en prendray rien, par mon âme !
430 J’aymeroye mieulx estre en Sayne225 !
.
Or çà, [mon] Arsïenne humaine226 : SCÈNE XIV
Posé que soyes227 vostre mary,
Tenir vueil que, ceste sepmaine,
Prins avez228 encore ung amy.
GUILLEMETTE
435 Égo négo 229, et prouve ainsi
Que deux amans ne peux230 avoir.
Sed, probatum [a simily]231,
Je gaige de232 vous décevoir :
Impossible [il] est [de] sçavoir233
440 Mettre icy, en ce chandelier,
Deux chandelles234.
LE PROVINCIAL
Il est tout voir235.
GUILLEMETTE
Ergo, vray est, sans varier236 :
Femme mariée d’huy ou d’hier
Ne sçauroit par nulles cautelles
445 Avoir deux maris de légier237,
[Comme ung chandellier]238 deux chandelles.
LE PROVINCIAL
Vélà raisons fort naturelles,
Venans d’ung engin 239 magnifique.
Mais toutesfois, la fleur des belles,
450 Je vous feray une réplique :
Vous avez dit, dame autentique,
Non povoir deux chandelles [mettre] ?
GUILLEMETTE
Concédo vérum est 240, [mon maistre].
LE PROVINCIAL
[On n’en peut mettre qu’une, ainsi]241 ?
455 Pourquoy n’y peut, après la mienne
— Et a[u]près242, ex conséquenti 243 —
Ung autre y mettre [aussi] la sienne ?
GUILLEMETTE
À moy, comme Parisïenne,
Ceste matière n’est point haulte244.
LE PROVINCIAL
460 Et pourquoy ?
GUILLEMETTE
C’est par vostre faulte :
Sy fourbissiez245 le chandelier
Songneusement, sans le laisser,
Il n’est clerc (je vous vueil bien dire),
Tant sceust-il bien « estudïer »,
465 Qui y peût sa chandelle induire246.
LE PROVINCIAL
Maris ne sçauront247 contredire :
Ce sont argumens insolus248.
GUILLEMETTE
Non, dea. Ilz n’en feront que rire,
Disans : « Égo sum contentus 249. »
LE PROVINCIAL
470 Mesdieux250 ! ilz seront tous confus.
GUILLEMETTE
Et estonnéz comme Johannés251.
[ ROBINET
………………………… -us
………………………… -etz ! ]
LE PROVINCIAL
Dame, je vueil que désormais
Vous vous disiez estre clergesse252.
BARBETTE, MARION,
GUILLEMETTE, ALISON.
[Magister noster, noz bonnetz]253 !
LE PROVINCIAL
475 Mais je vueil que tenez promesse254,
Et qu(e) en toute vostre255 jeunesse
Vous soiez doulces en mon nom256.
Respondez, Barbette, Alison :
Servirez257-vous mes gens ?
GUILLEMETTE & MARION
Ita !
LE PROVINCIAL
480 Leur don(ne)rez-vous pain et vin bon ?
ROBINET 258
Respondez, Barbette, Alison !
LE PROVINCIAL
Aux grans259 ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Et aux petis ?
BARBETTE
Non !
ALISON
[Vous verrez bien que]260 ce sera.
LE PROVINCIAL
Respondez, Barbette, Alison :
485 [Servirez-vous mes gens ?]
BARBETTE & ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Or, adieu donc !
MARION
Bona vita261 !
.
GUILLEMETTE SCÈNE XV
O Marïa !
MARION
O Barbéta !
Or sçavons-nous parler latin.
ALISON
Je traicte le Droit dé causa 262,
490 O Marïa !
GUILLEMETTE
O Barbéta263 !
BARBETTE 264
Je tiens, de265 droit, Médicina.
GUILLEMETTE
Je me266 soustien par Art bégnin.
BARBETTE
O Marïa !
MARION
O Barbéta267 !
Nous sçavons bien parler latin.
BARBETTE
495 Aller pourrons268 en tout chemin
ALISON 269
Parler à tous,
GUILLEMETTE
Et par clergie,
ALISON
Par le Provincïal bégnin.
BARBETTE
Dieu luy doint faire bonne fin !
ALISON
Ainsi soit-il ! [Dieu le bénie !]
GUILLEMETTE
500 Amen !270
.
EXPLICIT
*
1 F ajoute dessous : Le principal (Ce personnage est partout nommé « le Provincial », sauf dans la première rubrique, qui a généré cette erreur.) Un provincial est le responsable universitaire d’une province. Dans les Drois de la Porte Bodés, il accorde aussi des privilèges exorbitants aux femmes : « Qui est le hault Provincial/ Qui a esté si libéral/ De vous donner telle franchise [liberté] ? » 2 Diminutif de Robin (vers 1). Mais le robinet véhicule une connotation phallique : le valet « bien envytaillé » que veut épouser la Veuve s’appelle Robinet. 3 F : principal (Note 1. Il est probable qu’un des collégiens a voulu épingler le Principal de l’établissement.) Le décor, identique à celui des Femmes qui se font passer Maistresses, représente une salle de classe ; le Provincial trône dans sa chaire. 4 « C’est grand péril à l’homme n’avoir rencontré amy bon & vertueux. » (Guterry.) Le Provincial donne à Robinet, son clerc, une liasse d’écriteaux qu’il va devoir placarder dans des lieux stratégiques. L’affichage publicitaire n’est pas un fléau moderne : voir les vers 43-44 de Maistre Mymin qui va à la guerre, ou le vers 9 de Saincte-Caquette. 5 Le Palais de Justice, dans l’île de la Cité, est un lieu de passage extrêmement couru. 6 De déclarer. Cf. Colin filz de Thévot, vers 297. 7 De tout mon cœur. 8 Même si vous leur enseigniez le latin, on ne pourrait pas leur accorder la maîtrise. Double sens : On ne pourrait plus les maîtriser, les tenir. 9 Un mâtin est un gros chien. 10 Je vais donc d’abord au couvent des Carmes. Robinet est sûr d’y trouver beaucoup de candidates : les Femmes qui se font passer Maistresses, pour se perfectionner en sexologie, vont « estudier aux Jacobins,/ Aux Carmes et aux Augustins ». 11 Immédiatement. Idem v. 87. 12 À la montagne Sainte-Geneviève (idem v. 86) : au Quartier latin, où grouillent les étudiants et, par conséquent, les prostituées professionnelles ou occasionnelles. 13 Des punaises. « Rivé à trois grosses pointes. » ATILF. 14 Mode de vie. Idem v. 321. 15 F : humain (à la rime.) Hautain = haut, respecté. Le Prince des Sotz escornéz se nomme Sot Haultain. 16 Ce que. Vous ne réfléchissez pas à vos actes. Robinet sort dans la rue, avec ses écriteaux et ses punaises. 17 F : Sa sa sa 18 Petites poitrines. Cf. Digeste Vieille, vers 56. C’est un surnom affectueux : cf. le Ramonneur de cheminées, vers 203. 19 Dans une rue du Quartier latin, elle racole des étudiants. Elle fait des avances à Robinet. 20 Surnom latin dont on affuble les clercs et les étudiants. Idem vers 38 et 471. Cf. Science et Asnerye, vers 221, 248, 289-291. 21 F : seuruice (« Que quérez-vous ? » Beaucop-veoir.) Cherchez-vous les services d’une femme ? 22 Il fait semblant de ne pas comprendre ce qu’on lui propose. 23 Si je cherche de l’emploi comme serviteur ? « Veulx-tu servir ? » Jéninot qui fist un roy de son chat. 24 Vieille lice, vieille chienne. C’est une insulte contre les prostituées. Cf. le Gallant quy a faict le coup, vers 269. 25 Que je vous les dise. Notre future latiniste ne lit pas couramment le français. 26 F : filze (Jeune homme.) 27 Toujours. 28 Le maître des Femmes qui se font passer Maistresses revient de Rome. 29 Deux héros de la guerre de Troie. 30 Vers manquant. 31 C’est le saint patron de Paris. F remonte ce vers sous le vers 50. 32 F : comme (Que je vous le dis.) 33 Une nouvelle mode. 34 Envers les. 35 Le monde tournera plus rond. « Ordre » était parfois féminin : cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 126 et note. 36 Guillemette abandonne Robinet, dont elle emporte un des écriteaux. Elle se dirige vers Alison, qui fait le trottoir dans la même rue. L’une des Femmes maistresses a aussi pour nom Alison. 37 F : cest (Je sais la meilleure des nouvelles.) 38 Guillemette, pour impatienter la curieuse, délaye son discours avec des suspensions et des incises. 39 Qu’on le décapite tout vivant. 40 Vers manquant. « Autant au soir comme au matin,/ Qu’ils ne parlent rien que latin. » Les Femmes qui demandent les arrérages. 41 Forme picarde de « saint Pierre ». 42 Que je feigne de dire la vérité. 43 Qu’il nous incombe (de parler latin). 44 F : estrange (« Estraigne, adj. : étranger, extraordinaire. » René Debrie, Glossaire du moyen picard.) 45 Arrivant par l’autre bout de la rue, elle aperçoit ses consœurs. 46 F : Et quesse benedicite 47 Elle lui met l’écriteau sous le nez. 48 Je tâche de combler les nombreuses lacunes de ce passage. « Commère, avez-vous rien ouÿ ? » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) F, qui n’est plus à une faute près, donne à la rime : maister 49 Vers manquant. « Ces désirs que vous me faictes naistre. » Honoré d’Urfé. 50 Son esprit. Jeu de mots phallique : cf. Maistre Mimin estudiant, vers 29. Aucune des femmes n’a encore vu le Provincial, mais chacune l’embellit de nouveaux détails ; le phénomène du bouche à oreille est bien retranscrit. 51 Pénètre l’« engin » des femmes, c.-à-d. leur sexe, dont il sera question aux vers 129 et 448. Bénin = bienveillant, doux. Idem vers 492 et 497. 52 Le latin nous est caché depuis si longtemps. 53 F : Sont estes ses 54 Un pouvoir. C’est déjà un mot latin ! Cf. les Sotz escornéz, vers 187. Les comédiens, désireux de prolonger une scène qu’ils croyaient drôle, l’ont gonflée avec 5 vers en -ans. 55 Frappés avec une règle, une latte en bois. Cette punition était bien connue des collégiens. 56 Il ne faut pas qu’ils l’emportent au paradis. 57 F : Que 58 Quand je vais dehors. 59 Ce pèlerinage parisien sert d’excuse aux femmes qui veulent sortir sans leur mari. « Puis à Nostre-Dame-des-Champs/ S’en vont avecques les gallans. » Le Povre Jouhan. 60 C’est la vérité. Idem v. 441. 61 F : Quel saige (« Que sai-ge ? » Le Villain et son filz Jacob, vers 70 et 74.) Alison cultive le doute, en bon précurseur de Montaigne. 62 Avant deux ans. « On leur fera bien changer poil/ Devant qu’il soit jamais dix jours. » Les Tyrans. 63 Nos maris changeront. Ou bien : On nous verra changer de maris, comme les Femmes maistresses (vers 316-321). 64 Cette expression vise les cocus complaisants qui, tandis que Madame reçoit son amant, « vont à la rôtisserie acheter eux-mesmes la viande, quérir le vin à la taverne, & porter le panier au marché ». (Mateo Aleman.) Nombre de farces les tournent en ridicule. 65 F : gars (Nos bébés. L’éditeur parisien n’a pas compris ce terme venu de Picardie. Cf. le Glossaire du moyen picard, de R. Debrie.) Le poupart désigne tout particulièrement l’enfant bâtard que le cocu reconnaît pour sien : « Je seray père du poupart. » Jolyet. 66 Double sens : copuler. Idem vers 150, 268 et 464. Cf. les Femmes maistresses, vers 188 et note. 67 Cocus. Cf. le Munyer, vers 144. 68 Le grade de maître ès Arts correspond à peu près au doctorat ès Lettres. Les Femmes maistresses le convoitent : « Yront-elles délibérer/ Mesme en la Faculté des Ars ? » 69 Un esprit. Mais aussi, un sexe ardent. Idem v. 448. Cf. Sœur Fessue, vers 85 et note. 70 Il rentre au collège. 71 Soyez sûr. (Debrie, Glossaire du moyen picard.) Idem v. 297. 72 Aptes. En Picardie, -oine se prononçait -one, comme aux vers 323 et 325. Voir « ydosne » dans le Glossaire du moyen picard, de Debrie. 73 Vous y gagnerez. Les élèves payaient leur professeur : vers 247, 368 et 428. 74 Elle frappe à la porte de sa cousine Marion. 75 De grande prouesse : de grande valeur. 76 Il accomplit. 77 Un châtiment corporel. 78 F : merueilles (Réminiscence du v. 144.) 79 Il regarde dehors et voit s’approcher les quatre femmes. 80 Elles réduisent les hommes à l’extrémité. « Par cinq manières de sophismes,/ La femme maine l’omme à methe. » ATILF. 81 Seulement en français. Sous-entendu : Qu’est-ce que ce sera quand elle plaideront en latin ! 82 Elle entre dans la salle de classe, avec ses trois commères. 83 F : nous veoir (L’héritage désigne la transmission du savoir.) 84 Aux plus âgées. Idem vers 334 et 372. Les quatre femmes se poussent mutuellement devant le professeur. Il manque un vers en -a et un vers en -iennes. 85 Vous enseignerez. Mais aussi : vous gouvernerez les hommes, comme les Femmes maistresses : « Vous estes dignes régenter/ Tout partout. » Idem v. 315. 86 En fera de belles. 87 Elle pousse Marion devant elle. 88 Vers manquant. « Ung peu est demouré derrière. » Légier d’Argent. 89 Ne me fait pas défaut. 90 Plénière, totale. 91 F : gracieux attendre (« Elle est gracieuse et tendre. » Ung jeune moyne.) 92 F : maniere 93 Monstrer a nous 94 Le Provincial encourage Guillemette, qui n’ose parler. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 115. 95 F : scauoir suyure (« Le général & principal chapitre de sçavoir vivre. » Montaigne, III, 12.) 96 Le pénis dressé. Idem vers 191, 255, 259 et 268. « (Les femmes) ayment mieux le droit que le tort. » La Fluste à Robin. 97 F : croira 98 Leur main en sera remplie. Au 1er degré : par de l’argent. Au 2e degré : par un pénis. 99 F : Robinet 100 On nous le cachait. Et pourtant, il convient… 101 F : secoliers (Aux laïcs.) 102 Si on. 103 Une déception, en l’occurrence sexuelle. 104 F : recouurere (J’aurai recours.) La cour d’Église jugeait les affaires de sexe, notamment les cas d’impuissance. 105 Viril. « C’est faict, hélas, du povre outil./ Vray Dieu ! il estoit si gentil. » Frère Guillebert. 106 Écoutez. Debrie, Glossaire du moyen picard. 107 Quand un jeune clerc subtil vous demandera conseil. 108 Je vais énoncer des causes. Ces « causes grasses », où les dames préféraient voir des « arrêts d’Amour », alimentent d’autres parodies juridiques : au théâtre, on peut citer les vers 193-304 du Pèlerin et la Pèlerine, de Claude Mermet. 109 F : Deuant vous 110 Prenez garde que je ne vous fasse échec et mat, que je ne vous cloue le bec. Le Provincial se lève et prête sa chaire à Alison. 111 F : autres (Il faut exposer les faits. « Mon fait vous veil expédïer. » ATILF.) 112 De lignage. 113 F : dont (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 251-267.) Quand on arriva après la noce et à la consommation du mariage. 114 « Le bagage : le membre viril. » (Antoine Oudin.) Le Provincial, qui est assis de profil par rapport au public, soulève sa robe face à Alison. 115 F : peut (Cf. le Nouveau marié qui ne peult fournir à l’appoinctement de sa femme.) 116 F : veult (La dame voulut revenir en arrière. « Il se voult repentir en sa viellesse, et voult faire restitucion à tous. » Colart Mansion.) 117 Il ne sera pas mon mari. 118 F : cetera (Formule judiciaire, qu’emploie le juge du Pauvre et le Riche : « Or me responds dessus cela. ») 119 De qualité. Cf. Resjouy d’Amours, vers 365. 120 Un courtisan. 121 F : en 122 Et pourtant. Idem v. 192. 123 Nature l’a donné, en est responsable. Alison — et Jelle Koopmans — citent un adage qui a vertu de loi : « Quod natura dedit, tollere nemo potest. » [Ce que la nature a donné, nul ne peut l’enlever.] Mais le dramaturge songe plutôt à Ovide, le poète chéri des collèges : « Vitiis quæ plurima menti femineæ natura dedit. » [Par les vices que la nature a donnés en grand nombre à l’esprit des femmes.] 124 Juron picard. « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval. 125 Faites parler de vous. 126 Prenez cet argent. 127 Merci, monseigneur. Calembour sur « grattez » : masturbez. Cf. Marchebeau et Galop, vers 73 et note. 128 Adieu. Idem v. 318. 129 F : roberte (« Sotin, tien, receuil[le] ces biens ! » ATILF.) Le Provincial confie l’argent à son clerc. Les grands seigneurs affectaient de ne pas porter de bourse : un page se chargeait de leurs menues dépenses. 130 Elle s’approche du Provincial, qui réintègre sa chaire, tandis qu’Alison s’éloigne un peu. 131 Nous plaçons le pénis droit au-dessus de tout. 132 Mon « droit » a quelques défaillances. 133 Ceci. Même en français, le « ceci » désigne le pénis : « & ce qui est encor pis au “cecy” d’un homme (…) est quand il a perdu les cymbales de concupiscence. » Béroalde de Verville. 134 F : Raige 135 F : madicine (Voir le vers suivant.) 136 F : deliure (Ce qui n’est pas en bonne santé, et penche vers le bas.) 137 F : donnes (Si on donne de la racine de mandragore à l’impuissant.) 138 F : la 139 F : droit (Sur le bout du doigt. Cf. Frère Fécisti, vers 474.) Hippocrate et Galien sont deux médecins grecs, traduits en latin pour le meilleur et pour le pire. 140 Vers manquant. Le Provincial montre à Barbette un recueil de formules pharmaceutiques qui énumère des aphrodisiaques et des produits de maquillage, semblable au « registre » de maître Doribus. 141 Le désir vénérien, la vigueur. 142 Chez celui qui. 143 Avec outrance, en excès. « Que de vin boire par outrage. » Godefroy. 144 De breuvage alcoolisé ; cf. le Badin qui se loue, vers 110. L’alcool nuit à l’érection. 145 De cette recette d’apothicaire : « Quelque récipé pour attraire/ À challeur leurs povres maris. » (Maistre Doribus.) Si l’aphrodisiaque fonctionne alors qu’il est fait « à moitié », il serait encore plus efficace s’il était fait à la perfection. 146 Une femme ne pourrait pas tenir contre lui. 147 Il faut mettre un signet, pour ne pas perdre une page aussi précieuse. 148 F : roide (Puissant. « Il est très fort et rade. » ATILF.) 149 Ce mot introduit une nouvelle formule pharmaceutique. 150 Nos maris en auront un bon tour. 151 F : sade (Le « f » <f> et le « s » long <ſ> sont presque identiques.) Sale et ternie. « Item, pour ces vieilles flestries/ Qui ont la coulleur sale et fade. » Maistre Doribus. 152 F : Recouurer 153 F : aux clers nomini (Dites clairement. « Parle cler ! » Les Coppieurs et Lardeurs.) « Homini dolor » vient d’Aristote : « Cum contigit homini dolor. » L’auteur en cite la traduction de Michaelus Scotus, comme il le fera aux vers 416-7. 154 F : vlte (Vitæ = de la vie. Mais la graphie vite nous autorise à comprendre : « Ô combien ému du côté du vit. ») 155 F : pouy (Le pouls se tâtait sur la tempe, au bord du front.) Ici, le front désigne le gland : « L’ithiphale gaillard qu’il ne faut amorcer (…),/ Et deux braves tesmoings [testicules] pour me certifier/ Qu’il est prest, bien en poinct, gonflé d’ardeur féconde./ Encores que sa forme enseigne sa valeur,/ Son chef [sa tête], son front, son nez : n’est-ce pas un beau cœur ? » Lasphrise. 156 Sa maladie. Idem v. 292. 157 En regardant ses urines. L’orine désigne également l’origine génétique, et donc le sperme : « Vous n’en ystriez [sortiriez] pas de l’orine/ Du père. » Farce de Pathelin. 158 Par un exemple concret. 159 F : icy (Le Provincial, toujours assis de profil, soulève sa robe face à Barbette.) 160 F : deux (Saint Dieu !) 161 Mon sexe risque de finir ses jours. 162 Lui-même est très ému. Commotus avait un sens positif au vers 293, mais il a maintenant un sens négatif : victime d’une commotion, blessé. 163 F : Vecine et (Venere est l’ablatif de Venus, déesse du plaisir charnel.) Pour Vénus il a beaucoup souffert. 164 F : ont 165 F met ce vers après 426. 166 Vers manquant. Bruit = réputation. « Qui eust pensé que l’avyron/ Eust eu sy grand bruyct ? » Les Sobres Sotz. 167 Célèbre faculté de médecine : cf. le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies, vers 4 et note. F met ce vers avant 315. 168 Qui a produit de tels fruits, de tels résultats. 169 Faieces vous (Vaillant = ardente au lit. Idem v. 426.) 170 Personne. Mais on reprochait aux avorteuses de tuer des âmes : voir le v. 319. 171 Barbette s’éloigne un peu. 172 Elles ont un discours séduisant. « Beau parler apaise les gens. » Marchebeau et Galop. 173 Leur va sur mesure. Cette tirade est très ironique. 174 N’y a-t-il pas d’autres candidates ? 175 Mécontent, Robinet voit s’approcher Guillemette, suivie par la timide Marion 176 F : me 177 Un peu. Aussi obsédée que ses devancières, Guillemette confond l’instruction avec l’introduction. 178 Maîtresse ès Arts. Voir le v. 122. 179 Professeur d’université. « Puisqu’aussi nous sommes régentes. » Les Femmes maistresses. 180 Si on n’y met pas toute son application. Devant le mot « entente », les Picards apocopent les pronoms mon et son : « En penser met toute s’entente. » Jardin de Plaisance. 181 Que 100 écus sont en réalité 1000 écus. La faculté des Arts enseigne les arguties rhétoriques, le syllogisme et le discours ambivalent. 182 Habile. 183 Deux voies. On peut comprendre : le double langage. 184 Tranquille. Debrie, Glossaire du moyen picard. 185 La voie royale. Mais les royaux sont des pièces de monnaie : cf. les Trois amoureux de la croix, vers 221. 186 La voie des innovations en matière de sophismes. N’oublions pas que art et artifice ont la même étymologie. « Des simples bergères/ Que, par des ars nouveaulx, ilz ont rendu sorcières. » Fronton Du Duc. 187 Les plus spécieux, les plus trompeurs. Le Provincial donne plusieurs livres à Guillemette. 188 F : dacan (Guillaume d’Occam, champion de la scolastique au XIVe siècle, séparait les mots de leur sens.) 189 D’après Cicéron, l’éloquence de ce philosophe grec est un flumen aureum [fleuve d’or]. 190 Élève puis adversaire d’Occam, et commentateur d’Aristote. Occam fut célèbre pour sa théorie du rasoir, Buridan pour sa théorie de l’âne. 191 Assimilez ce jargon captieux. 192 F : vng (Vous tiendrez. C’est un futur picard.) F met ce vers sous 356. À la suite, il semble manquer un vers en -ent et un vers en -otz. 193 Les finasseries, les arguments cauteleux. Idem v. 444. 194 Je n’ai pas d’argent à vous donner. Au sens propre, le défaut de matière est l’érosion du métal dans une monnaie : « Materiæ deficientis in pecunia. » (Martin Garrat.) Mais c’est aussi la maigreur, et en l’occurrence, celle de la verge du Provincial. Guillemette s’éloigne, laissant Marion à découvert. 195 L’une des Femmes maistresses veut aussi « estre avecques théologiens ». 196 Repris, blâmé. 197 Grammairienne. La grammaire était enseignée en latin. 198 De bons accouplements qui, à l’instar des leçons, requerraient deux intervenants. Cf. les Femmes maistresses, vers 198 et note. 199 F : connienne (Qu’elle dialogue.) Les traités de grammaire, et notamment le fameux Donat, sont écrits en questions/réponses : le maître interroge, et le disciple répond. La leçon se fait donc à deux. 200 F : Ceteris (Jelle Koopmans restitue cette phrase au Doctrinale puerorum, d’Alexandre de Villedieu.) La même phrase — débarrassée de sa faute initiale — introduit le Discours joyeux en façon de sermon, p. 173 de l’édition des Sermons joyeux publiée par Koopmans. 201 En haut et en bas. 202 Sans trop vous occuper de cela. 203 F : fit (« Præsentis nota tibi sit persona secunda. » Villedieu, Doctrinale puerorum.) Ainsi, qu’il soit le second interlocuteur du dialogue. 204 F : vouldroit (Correction envisagée par J. Koopmans.) C’est le vers 358 des Premiers gardonnéz. 205 Il manque 9 vers, dont F a rassemblé quelques bribes inutilisables : Mais mon amy a maistre certain 206 Le Provincial laisse tomber dans les bras de Marion l’énorme dictionnaire latin de Jean de Gênes. Et je peux vous confirmer qu’il est lourd ! 207 Qui ne soit exposé avec une prudence chichiteuse. 208 F : Sibas (Abbas [abbé] est déductible du vers suivant. Le Catholicon ignore sibas.) 209 Copula avec elle. 210 Inévitable jeu de mots sur Bacchus et bas cul. « Bacchus,/ Par qui est régy le déduict des bas culz. » Roger de Collerye. 211 Le Catholicon s’en tient à Bachus et Bachi ; il ne donne ni le datif Bacho, ni l’accusatif Bachum. Ce dernier mot se prononçait alors comme « bas con », qui désigne le sexe de la femme. 212 Les exemples. 213 Cite-moi des adverbes d’avertissement ! Cette injonction n’est pas tirée du Catholicon mais du Donat : « Da hortandi, pour advertir ! » Mais Marion dit en fait : « Da or, tandis ! » [Donne-moi de l’or, cependant.] Voir la note de J. Koopmans. 214 F : peu (« Dessendez ung petit plus bas. » Les Vigilles Triboullet.) Les entorses au schéma des rimes prouvent qu’il n’est pas commode d’y faire entrer une leçon de grammaire latine. 215 Aima le vit. 216 Je ne sais pas. Guillemette, en feuilletant un des livres que le Provincial lui a donnés au vers 351, tombe sur un précepte d’Aristote qu’elle souffle à sa camarade. 217 Je vais vous le dire. C’est la première de 4 rimes en -an, selon la prononciation à la française qui régnait alors. 218 F : Car pour ce faire nous fourmanan (« La matière recherche la forme comme la femme recherche le mâle. ») « Marem », accusatif de « mas », rimait en -an. 219 F : Ciba cibar cibam (« Cibo, -bas, -bavi : cibos dare. » Catholicon.) 220 On peut comprendre : Ici bat le vit. Ou bien : Un si bas vit. 221 Faites-nous voir un peu. 222 F : Deus (Le Seigneur a nourri les campagnes. « Dominus cibavit me. » Juan Fernandez.) Il faut comprendre : le Seigneur, si bas vit, a gros ; le vit si bas du Seigneur est gros. Tabourot consacre un chapitre des Bigarrures à ces « équivoques latins-françois ». 223 Sans rime ni raison, F a troqué ces deux vers manquants contre le vers 309. 224 Votre. Cette apocope est picarde. Les femmes sont devenues tellement viriles que c’est elles qui payent les hommes et eux qui font mine de refuser. L’auteur inverse le processus normal : « –Tenez, vélà deux beaux escuz./ –Sans faulte, je n’en auray plus ! » Le Povre Jouhan. 225 Être jeté dans la Seine. « Que fust-il en ung sac en Seine ! » (Martin de Cambray, F 41.) Clin d’œil du comédien : être en scène. Marion s’éloigne un peu. Le Provincial fait revenir son élève favorite, Guillemette, la maîtresse ès Arts. 226 Une femme humaine accepte de coucher le premier jour, contrairement à l’inhumaine, qui nous fait attendre jusqu’au lendemain. « Une mignonne fort humaine. » Le Résolu. 227 À supposer que je sois. Le Provincial joue le rôle du mari cocu pour juger le raisonnement de son écolière. 228 F : auec (Correction suggérée, mais non appliquée, par Koopmans.) Vous avez encore pris un amant. 229 Je le nie. 230 F : peut 231 F : assimily (Mais, cela étant prouvé par l’argumentum a simili. Cet argument étend une loi à un domaine plus éloigné ; on l’invoque par exemple pour qu’une fille bénéficie de droits réservés aux garçons.) 232 F : a (« Mais je gage de la tromper. » Godefroy.) Je suis sûre de vous donner tort. Guillemette empoigne le chandelier qui est posé sur la chaire ; il ne comporte qu’un seul orifice. 233 De pouvoir. Idem v. 466. Nos amis Belges ont laissé vivre ce sens. 234 Ces chandelles masculines, qu’on introduit dans un chandelier féminin, sont un symbole transparent. « Tous verds galans devroient, pour t’honorer,/ À deux genoux te venir adorer,/ Tenant au poing leurs flambantes chandelles. » Ronsard. 235 C’est bien vrai. 236 Sans hésiter. Encore un idiotisme picard. 237 Aisément. 238 F : Non plus comme au chandellier / Que vecy mettre (Comme un chandelier simple ne saurait accueillir deux chandelles.) 239 Note 69. 240 Je vous concède que c’est vrai. 241 F : Ainsi / En vela une le feu sailly (Ce passage est troublé, tant pour la versification que pour le sens.) 242 Auprès de votre vulve : dans votre anus. Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. Nos collégiens décrivent la posture en « sandwich », où la femme est entre deux hommes : « Il la carressoit par-derrière,/ Et je l’embrochois par-devant. » Chansons des comédiens françois. 243 Par voie de conséquence. 244 Difficile. Les Parisiennes se croyaient déjà plus malignes que les autres. « Aux dames parisiennes,/ De beau parler donnez le pris. » Villon, Ballade des femmes de Paris. 245 F : fournisse (« Baiser, acoller et fourbir. » Le Cuvier.) Dans les farces, les dames se font plus souvent fourbir la coquille ou le harnois que le chandelier. 246 Introduire dans notre « chandelier ». 247 F : scarons (Ne pourront.) 248 F : in salus (Irréfutables. « Deux arguments tant insolus. » ATILF.) 249 Je suis content. C’est la devise de nombreux cocus. 250 M’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! 251 C’est le surnom moqueur dont Guillemette affuble Robinet (vers 35). La riposte du clerc est perdue, ou l’éditeur n’a pas osé la reproduire. 252 « Car vous estes grandes clargesses. » Les Femmes maistresses. 253 F : Bone magister noster (Ayant réussi leur maîtrise, les femmes ont le droit de porter le bonnet rond des Docteurs. « Affin que vous nous baillissez/ Ung bonnet ront dessus la teste. » Les Femmes maistresses.) Le Provincial les coiffe solennellement d’un bonnet rond. 254 Que vous prêtiez serment. Cf. les Femmes maistresses, vers 274. 255 F : ma (Tant que vous êtes jeunes.) 256 En souvenir de moi. 257 F : Series (Servirez-vous mes collégiens ?) 258 F : Guillemette 259 Les collégiens se divisaient en deux groupes : les grands anciens, et les petits nouveaux. On devine que le théâtre était monopolisé par les grands. 260 F : Tous verres bien qua (Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 274 du Roy des Sotz.) Ce que ça donnera. 261 Bonne vie ! Les quatre femmes sortent de la classe. 262 À juste titre. 263 F : barbara (Voir le refrain de ce triolet à 487.) 264 F : Marion (C’est Barbette qui a hérité de la médecine.) 265 F : le (« Quelz droictz te sont, de droict, eschus ? » La Mère de ville.) 266 F : le (Je me fonde sur les Arts.) 267 F : barbata 268 F : pourrez 269 F : Barbette (Corr. Koopmans.) 270 Ce n’est pas la seule pièce dont « Amen ! » constitue le dernier vers, au détriment de la mesure et de la rime : voir par exemple la Confession Margot.
LES SOTZ QUI CORRIGENT LE MAGNIFICAT
*
LES SOTZ QUI
CORRIGENT
LE MAGNIFICAT
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Cette sottie de Triboulet fut représentée à la suite des Coppieurs et Lardeurs, avec les mêmes comédiens et le même décor1.
En 1455, on jouait à Rennes un jeu de Magnificat s’étalant sur deux journées2 ; soit il s’agit d’un Mystère, soit notre sottie fut intégrée à un Mystère, comme cela se faisait. La pièce connue aujourd’hui fut écrite vers 1462. Le texte en est très abîmé parce qu’il tourna longtemps : au mois de mai 1491 « fut j[o]uéz en Mets (…) celluy jeux qui se dit de Corrigier le Magnificat 3 ».
L’expression « corriger le Magnificat » signifie : Vouloir régenter ce qu’on ignore. « Tel n’entend latin ne ne parle,/ Qui corrige Magnificat. » (Guillaume Alécis.) Les Sots, qui prennent toujours les expressions au pied de la lettre, corrigent réellement cette prière.
Source : Recueil Trepperel, nº 5. L’éditeur utilise comme vignette le célèbre portrait de Pierre Gringore travesti en Mère Sotte qu’on peut voir dans le Jeu du Prince des Sotz et Mère Sotte.
Structure : aabaab/bbcbbc, abab/bcbc, rimes plates, triolet, chanson (4 strophes en abABbaB2A2).
Cette édition : Cliquer sur Préface. (Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.) J’emprunte beaucoup à l’édition de Thierry Martin4 pour l’établissement du texte, et un peu à celle d’Eugénie Droz5 pour les notes.
*
Sotie nouvelle des
Sotz qui corrigent
le Magnificat
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À cinq personnages, c’est assavoir :
TESTE CREUSE
SOTIN
ROUSSIGNOL 6
DANDO, mareschal 7
MAISTRE ALLIBORUM, [corrigeur de Magnificat] 8
.
Ceulx qui corrigent le Magnificat.
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TESTE CREUSE commence SCÈNE I
Où sont noz Sotz ?
SOTIN
Mot9 !
ROUSSIGNOL
En repos ?
TESTE CREUSE
Jouon.
SOTIN
Tout coy10 !
ROUSSIGNOL
Dison
TESTE CREUSE
Bons motz.
ROUSSIGNOL
5 Quéron
[TESTE CREUSE]
Noz potz11.
SOTIN
Cessez !
TESTE CREUSE
Pour quoy12 ?
SOTIN
Paix ! Paix !
ROUSSIGNOL
Quel arroy13 !
SOTIN
Chie !
TESTE CREUSE
Quel effroy !
ROUSSIGNOL
La[i]sson noz traictz14.
TESTE CREUSE
10 Qui bruit ?
ROUSSIGNOL
Qui ? Moy.
SOTIN
Ho !
ROUSSIGNOL
Je t’en croy.
TESTE CREUSE
Ce sont noz fais.
ROUSSIGNOL
Qu’esse-cy ? Sommes-nous retraictz15 ?
TESTE CREUSE
Et ! paix, de par le dyable, paix !
15 Vous resveillez le chat qui dort16.
ROUSSIGNOL
Sus !
TESTE CREUSE
Es-tu mort ?
SOTIN
Tant dire !
ROUSSIGNOL
Auffort,
En point17 !
TESTE CREUSE
Tu brays ?
SOTIN
Ha !
ROUSSIGNOL
Quel regard18 !
TESTE CREUSE
Prenons confort19.
ROUSSIGNOL
20 Quoy ?
SOTIN
Je me tais.
ROUSSIGNOL
Faisons balades et vir(e)lais
Pour jouer20.
TESTE CREUSE
Vélà bon rapport.
SOTIN
Et ! paix, de par le diable, paix !
Vous réveillez le chat qui dort.
ROUSSIGNOL
25 Acoup !
SOTIN
On mord ?
TESTE CREUSE
À part ! à part !
[ ROUSSIGNOL
Comment !
TESTE CREUSE
De farcer n’est-il plus permis ? ]
SOTIN
[Farsasmes-nous]21 pas lourdement
Trèstous noz trencheurs de gros bis22 ?
ROUSSIGNOL
Saint Jehan ! il le m’est bien advis23.
SOTIN
30 Il y en a plus qu(e) oncques-mais24.
TESTE CREUSE
Et l’Escumeur25 de latin ?
SOTIN
Gris26 :
On ne sert les gens d’aultre metz.
ROUSSIGNOL
Et noz lardeurs27 ?
SOTIN
Et bien, après ?
C’est le mestier de maintenant.
TESTE CREUSE
35 Et noz coppie[u]rs28, par exprès,
Nous les farsasmes vivement.
ROUSSIGNOL
Jouay avons habillement29,
Et acompli nostre entreprinse.
SOTIN
Or, n’en fais plus [si] hardiment :
40 Tant va le pot à l’eau qu’il brise30.
TESTE CREUSE
Acoup faisons quelque devise31,
Et si, continuons tousjours.
SOTIN
Et s’on parle sur nous32 ?
ROUSSIGNOL
Desprise33 !
SOTIN
Esse tout ?
TESTE CREUSE
On treuve secours34.
.
DANDO, mareschal 35 SCÈNE II
45 De quoy servent ces haulx atours
Et ces bonnetz ad ces pucelles ?
Mais ces queues36 ad ces damoiselles ?
Esse pour ballayer le plastre ?
MAISTRE ALIBORUM,
corrigeur de Magnificat.
De quoy se mesle ce follastre ?
50 Vélà questions à merveilles !
Pourquoy c’est que ces damoiselles
Portent grans queues ? Pour s’esmoucher
Plus près des oreilles37, et toucher
Se mestier leur est à leur chief38.
DANDO
55 Cela ne seroit pas trop grief39
D’avoir ces fratras-là si longs40…
MAISTRE ALIBORUN
Ilz sont bons à nourir41 pigons,
En vélà toute la finesse :
Car leur queue, [ain]si, boit la vesse 42
60 Assez pour les nourrir à chief43.
DANDO
Après, au surplus, de rechief,
Ilz44 ont icy ung grant gorgias ;
S’elz ne monstrent tout le fratras,
Par mon âme, tout n’en vault rien45.
MAISTRE ALIBORUM
65 Ad cela respondray-je bien,
Car el(le)s ont bien trouv[a]y manière
D’avoir le trésor de leur père :
Elles ont des riddes 46 grant tas,
Qu’elz mussent47.
DANDO
Ne les doyvent pas
70 Musser ainsi.
MAISTRE ALIBORUM
Ha ! En ceste clause,
Encor y a-il aultre cause,
Qui entendroit bien les degrés48 :
Ilz ont esté esperonnés
Autreffois (se ne te réputes49
75 En leur cry, [les mauvaises putes]50)
Sans51 esperons, pour peur du bruit.
DANDO
Voirement, ces robes de nuit52
Qui sont de bout en [bout] fendu[e]s,
Noz bourgoises en sont vestu[e]s ;
80 C’est une nouvelle façon.
MAISTRE ALIBORUM
Entendez bien ceste leçon,
Car c’est ung mot de maintenant.
DANDO
Elles se hourdent53 gourdement,
Senglées com enfans sont en langes.
MAISTRE ALIBORUM
85 Les façons n’en sont pas estranges :
C’est pour fort retenir le « bas » ;
Leurs culz fourréz cherroient54 embas,
S’elles n’estoient ainsi senglées55.
DANDO
Et puis elles sont espinglées56
90 Et troussées com ung franc-archier.
MAISTRE ALLIBORUM
Tout le monde doivent bouchier57.
El(le)s entendent bien les finesses
Affin qu’on ne voye que leurs fesses
Soient trop flétryes ou trop molles58.
95 Pour ce le font, car l’en s’affolles59
Et picque, s’on y met la main.
DANDO
Et puis elles monstrent leur sain
Tout descouvert, aucuneffois60.
MAISTRE ALLIBORUM
En ce cas-là trop me congnois,
100 J’entens bien toutes leurs manières.
Elles monstrent souventeffois
Leurs denrées, comme les tripières :
Car [d’acheter il ne chault]61 guères,
Qui ne vend abhoc et abhac 62 :
105 On n’achette point chat en sac.
DANDO
Il m’est advis que je les vois63 :
Elles vous pendent cy à leurs doys
Des dyamens, des drogueries64,
Et ung grant tas de brouilleries.
110 Cela me fait65 chier d’engoisse.
MAISTRE ALIBORUM
Dea ! c’est affin qu’on les congnoisse66.
El(le)s ont aux doys bea[u]coup de desgnes.
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ROUSSIGNOL 67 SCÈNE III
Par la mort bieu ! tu n’es pas digne(s)
D’estre des suppostz de Follie68.
SOTIN
115 Se vous jouez ne fais ne myne69,
Vous en mauldirez vostre vie !
TESTE CREUSE
Regardez qu’il est70 ; sainct n’est mye ?
Chaussez voz galloches de lièges71.
SOTIN
Laissons icy trèstous noz sièges72,
120 Et nous en allons sans demeure.
À coup !
TESTE CREUSE
Et nous ferons tes fièvres !
SOTIN
On parle sur nous73 à tout heure.
ROUSSI[G]NOL
Est-il rouget com une meure74 !
Il a aussi les yeulx si beaulx75 !
[TESTE CREUSE] 76
125 Il me souvient, de ta figure77,
D’ung palefrenier78 de chevaulx.
.
DANDO SCÈNE IV
Et maintenant, ces grans chappeaulx
Que portent ces dimenchereaulx79,
Et ces beaulx souliers à80 tallons :
130 Quant il en ont couvert leurs peaulx,
Aussi doulx sont com beaulx coulons81.
MAISTRE ALIBORUM
Sçavez pourquoy il ont si longs
Les bords82 ? Et ! c’est pour peu[r] du hasle :
Veu83 qu’il ont les cheveulx si blons,
135 Leur visage [seroit moins]84 palle.
DANDO
Dea ! voirement, tant de brouillis !
Ces vrays amoureux des dimenches85,
Quant ilz regardent ung trillis86,
Ilz s’en vond tous [riant aux anges]87.
MAISTRE ALIBORUM
140 Et les gorgias88 de la Court,
Fault-il que d’eux je dissimule89 ?
[DANDO]
Il s’en vont là, tournant90 tout court,
Com deux asnes sur une mule.
MAISTRE ALIBORUM
(Je croy que cestuy-là a bulle91,
145 De faire si grant preschement.
Ou il a, ce croy-je, cédulle92
De parler sur le temps présent.)
DANDO
De quoy esse que me souvient93,
Il fault reprendre ma besongne94.
.
SOTIN SCÈNE V
150 Allons-nous-en appertement95 :
Plus ne fault cy faire d’eslongne96.
[TESTE CREUSE] 97
Par Dieu ! nous jouerons, qui qu’en grongne,
Et nous deust-on [vifz] enterrer98 !
.
DANDO SCÈNE VI
Pour monstrer le jeu où je song[n]e99,
155 Je me mesle des oyes ferrer.
MAISTRE ALIBORUM
Magnificat peut, sans errer100,
Gouverner cas accusatif.
.
SOTIN 101, en esternuant SCÈNE VII
Stinch ! [Stinch !]
DANDO
Tout doulx102, sans murmurer !
MAISTRE ALIBORUM
Aussi fait-il bien l’ablatif103.
DANDO 104
160 Vous fault-il point de restraintif105 ?
MAISTRE ALIBORUM
De quoy par[le icy] ce bourreau106 ?
DANDO
Trust avant107 !
MAISTRE ALIBORUM
Il est trop hastif.
DANDO
Je ne puis tenir mon marteau108.
Hé ! Dieu gard le gallant !
MAISTRE ALIBORUM
Tout beau !
165 Comment vous y allez !
DANDO 109
Ha ! mon seigneur,
Pardonnez-moy !110
.
ROUSSIGNOL SCÈNE VIII
Après ?
SOTIN
Hau ! hau !
TESTE CREUSE
Qu’esse ?
SOTIN
Allons-m’en !
ROUSSIGNOL
Où ?
SOTIN
J’ay grant peur !
.
[DANDO] 111 SCÈNE IX
Content estes-vous relieur
De livres112 ?
MAISTRE ALIBORUM
Nenny.
DANDO
Escripvain113 ?
MAISTRE ALIBORUM
170 Rien !
DANDO
Et quoy donc(ques) ? Enlumineur ?
MAISTRE ALIBORUM
La cause ?
DANDO
Je le dis pour bien :
Car s’il vous fault point de lien114
Pour prendre bien hastivement
Ung asne, j’en ay ung qu(i) est mien
175 Tout à vostre commandement115.
MAISTRE ALIBORUM
Grant mercis !
DANDO
Or çà ! maintenant,
Comptez-moy [tout] de vostre estat116.
MAISTRE ALI[BORUM]
Mon estat ?
DANDO
Voir(e).
MAISTRE ALIBO[RUM]
Pour le présent,
Je corrige Magnificat.
180 Et vous, quoy ?
DANDO
Je prens mon esbat.
Nous chantons tous deux à ung ton117 :
Vous corrigez et chien et chat,
Je suis Domine Fac-totun 118.
MAISTRE ALIBORUM
Comment ?
DANDO
Je ferre cest oyson119.
MAISTRE [ALIBORUM]
185 Des oyes ferrer120 vous meslez-vous ?
DANDO
Ouÿ, c’est toute ma façon121.
MAISTRE [ALIBORUM]
Je corrige tout, sus et soubz.
.
SOTIN SCÈNE X
Fuyez, ribaulx !
TESTE CREUSE
Ho ! qu’avez-vous ?
SOTIN 122
Mouchez voz nez, petis enffans123 !
ROUSSIGNOL 124
190 Vécy.
SOTIN 125
Et, point !
TESTE CREUSE
Tout doulx, tout doulx !
SOTIN 126
Brou ! ha ! ha127 !
ROUSSIGNOL
Es-tu hors du sens ?
TESTE CREUSE
Escoutez…
SOTIN
Ilz sont là-dedans128,
Je le sçay bien. Ilz sont trop caulx129 !
ROUSSIGNOL
Avant…
SOCTIN
Ilz m’ont monstray les dens !
TESTE CREUSE
195 Mais qui ?
SOTIN
Ung grant tas de pourceaulx.
ROUSSIGNOL
Que mal feu t’arde130 les boyaulx !
Fa(i)lloit-il faire tel meslée131 ?
SOTIN
Ilz n’eussent fait que deux morceaulx132 :
Ilz avoient jà la gueulle bée.
ROUSSIGNOL
200 Tu as cy fait grant assemblée
Pour te cuider venir vengier ?
SOTIN
Se je n’eusse fait cest emblée133,
Ilz me voulloient venir mengier.
ROUSSIGNOL
Tu as esté en grant dangier.
205 Qu’eusse-tu dit ?
SOTIN
« Adieu, Soctin ! »
Ha ! j’eusse cuiday enraigier,
S’ilz m’eussent mengié si matin.
TESTE CREUSE
Or [çzà, çzà]134 ! laissons ce latin135 :
Il vault mieulx d[’une] aultre matière136.
SOTIN
210 Se vous voullez suyvre le train137,
Brief je me tir[e]ray arrière.
ROUSSIGNOL
À coup, jouons !
SOTIN
De quel manière138 ?
ROUSSIGNOL
Ne t’en chault, on y pensera.
SOTIN
Par Dieu ! se vous en faictes guère139,
215 Ne vous doubtez qu’on vous pugnira !
TESTE CREUSE
On verra com il en yra.
ROUSSIGNOL
On y pensera aultrement.
.
…………………………… 140 SCÈNE XI
SOTIN
Ce sont cauct[i]ons141, seurement.
MAISTRE [ALIBORUM]
C’est parlay selon le devis142.
TESTE CREUSE
220 Que faictes143 tousjours ?
DANDO
Mon advis.
Je parle de ce que je voy ;
Je parle des mors144 et des vifz,
Et me mesle de tout arroy145.
ROUSSIGNOL
Dictes-vous vray ?
DANDO
Ouy, par ma foy !
225 Je me mesle de tous esbatz.
SOTIN
Ad ce que doncques j’apperçoy,
Vous vous meslez de tous estatz.
DANDO
Il est cler146.
TESTE CREUSE
Ne l’oubliez pas.
MAISTRE ALIBORUM
Allez, allez, tirez arrière !
ROUSSIGNOL
230 Deux motz147 !
MAISTRE ALIBORUM
Le temps ne le duit148 pas.
SOTIN
Je n’entens point ceste matière.
Follie tenons toute clère ;
Qu’en voullez-vous dire ?
MAISTRE ALIBORUM
Mallé 149 !
Vous prenez trop haulte matière150,
235 En voz jeux.
TESTE CREUSE
C’est trop ravallé !
DANDO
Vélà trop hardiment parlé
Selon vostre estat, [et sans cause].
[ MAISTRE ALIBORUM
Trop long temps vous avez gallé : ]151
Faire vous devez [une] pause.
SOTIN
240 Je cuide, moy, que [l’]on nous glose152 :
On nous respond153 à tous noz motz.
MAISTRE ALIBORUM
Ostez hardiement ceste clause,
Elle ne sert pas a[u] propos.
DANDO
De quoy servent telz doreslotz154 ?
245 Doyvent-ilz entrer ceste salle155 ?
MAISTRE ALIBORUM
Laissez tous ces habitz de Sotz,
Car la façon en est trop malle156.
TESTE CREUSE
Roussignol !
ROUSSIGNOL
Quoy ?
TESTE CREUSE
Je deviens palle.
On corrige cy dyable et Dieu.
SOTIN
250 Sang bieu, comment on nous ravalle !
Ne scet-on point de plus beau jeu ?
DANDO
Ung visaige [il] ha d’esbrieu157,
Et ung dos pour porter la hote158.
MAISTRE ALIBORUM
Allez-vous-en hors de ce l[i]eu,
255 Et ne faictes plus de riocte159 !
DANDO
Faictes-le court160, qu’il ne se crotte !
ROUSSIGNOL
Nous ne voullons que sotoyer161.
MAISTRE ALIBORUM
Vous avez manière si sotte
Que vous ne sçauriez bien jouer.
TESTE CREUSE
260 Nous lairons-nous162 diminuer ?
SOTIN
Nous lairons-nous mettre dessoubz ?
ROUSSIGNOL
Brief il y fault remédier.
TESTE CREUSE
Nous lairons-nous diminuer ?
SOTIN
J’ameroyes mieux, par Dieu, huer163
265 Tous les jours à ung tas de loups !
[ TESTE CREUSE
Nous lairons-nous diminuer ? ]
ROUSSIGNOL
Nous lairons-nous mettre dessoubz ?
SOTIN
Ung chascun nous vient argüer164.
ROUSSIGNOL
De bon cueur soyons-nous165 trèstous !
TESTE CREUSE
270 Sus ! il nous fault fortifier.
DANDO
Holà ! holà, gallans166 ! Tout doulx !
.
SOTIN SCÈNE XII
Et ! beau sire, que gaignez-vous
À nous corriger si à plat167 ?
MAISTRE ALIBORUM
Autant en puis[se] faire à tous !
275 Je corrige Magnificat.
ROUSSIGNOL
Se nous avons prins quelque esbat
Pour prendre ung petit de doulceur168,
Fault-il faire cy ung débat,
Et nous chacer hors par rigueur ?
MAISTRE ALIBORUM
280 L’ung de vous fait le bon169 joueur
Et contrefait le bon varlet170 ;
L’autre parle en bastelleur171,
Et si172, ne scet pas son coupplet.
TESTE CREUSE
Bien. Et puis ?
MAISTRE ALIBORUN
Cela me desplaist.
SOTIN
285 Dea ! vous nous voullez regnier173 ?
MAISTRE ALIBOROM
Puisque le temps n’est pas follet174,
Vous ne devez pas follier.
ROUSSIGNOL
Je n’y sçauroyes que réplicquer.
TESTE CREUSE
Nous en viendrons, par Dieu, à bout !
SOTIN
290 Dictes-nous cy, sans arrester175,
De vostre cas et le fait, tout.
MAISTRE ALIBORUM
Je corrige
ROUSSIGNOL
Et quoy ?
MAISTRE ALIBORUM
À tout
Magnificat.
TESTE CREUSE
Comment cela ? Trèstout à plat ?
Corriger vous vient-il ainsi ?
295 Nous dictes-vous tout le vray ?
MAISTRE ALIBORUM
Ouy.
SOTIN
Comment advisez-vous cela ?
MAISTRE ALIBORUM
J’ay bien regardé çà et là ;
Mais il m’est advis seurement
Qu’il y auroit plus proprement176
300 Anima mea Domino 177.
ROUSSIGNOL
En l’ablatif ?!
MAISTRE ALIBORUM
Voire.
TESTE CREUSE
Ho, ho !
C’est bien chié178 !
MAISTRE ALIBORUM
C’est le plus seur179.
SOTIN
Il fauldroit magnificatur 180,
Qui le vouldroit en ce point mettre.
MAISTRE ALIBORUM
305 Par la mort bieu, tu en es(t) maistre !
TESTE CREUSE
Mais dont nous vient cest advertin181 ?
Veulx-tu icy parler latin
Devant ceux qui l’ont compassay182 ?
ROUSSIGNOL 183
Sans qu’il [y] ait plus rien glosay184
310 Et sans jouer point du flajol185,
Il vous fault faire du tout fol186.
SOTIN
Vous le serez ains187 que je hobe.
À coup, despouillez ceste robe188 !
MAISTRE ALIBORUM
Dea ! je vous deffend ma personne189 !
TESTE CREUSE
315 Truc190, truc ! La sueur vous est bonne191.
Nous faictes-vous icy le lourd ?
ROUSSIGNOL
Maintenant, vous estes tout courd192,
Et tout fol aussi.
MAISTRE ALIBORUM
Au surplus,
De193 corriger ne me tient plus.
SOTIN
320 Après, il fault aller à l’autre.194
.
TESTE CREUSE SCÈNE XIII
Dieu gard le compaignon !
DANDO
Au peaultre195 !
ROUSSIGNOL
Nous voullons deux motz seullement.
DANDO
Parlez plus gracieusement !
SOTIN
S’il vous plaist et vous le voullez,
325 Dictes de quoy vous vous meslez.
DANDO
De quoy, dea ?
TESTE CREUSE
Comme je196 suppose,
Vous vous meslez de toute chose.
DANDO
La chose est [de] piessà197 bien clère :
Je respond à toute matière.
ROUSSIGNOL
330 Dictes-vous tout le vray ?
DANDO
Ho ! tout dire ?
Vous estes ung terrible sire !
TESTE CREUSE
Ha, dea ! nous le disons pour cause.
DANDO
Despeschez-vous198 sans faire pause.
ROUSSIGNOL
Dea ! Tout doulx, sans se forvoyer !
SOTIN
335 Nous vous voullons icy prier
Que [vous] nous disez par loisir
Comment nous pourrions bien pugnir
Ces cocardeaulx199 et ces badins
Qui mesdisent sur leur[s] voisins.
DANDO
340 Trèsvolentiers.
TESTE CREUSE
Tant de misère !
DANDO
[Se c’estoit]200 à moy à [le] faire,
Je les pugniroye bien.
ROUSSIGNOL
Comment ?
DANDO
Le frain leur metroyes à la dent201.
Se le faictes à mon advis,
345 Ilz seront les plus esbahis,
Par Dieu, que hommes furent oncques.
SOTIN
La mort bieu ! vous l’y202 aurez doncques.
DANDO
Quoy ! vous venez à mes escolles203 ?
TESTE CREUSE
Vous estes prins à voz parolles,
350 N’en caquetez ne hault ne bas204.
ROUSSIGNOL
Vous mesdisez sur tous estatz,
Et vous meslez de toutes gens ?
SOTIN
Nous vous205 metrons le frain aux dens.
.
TESTE CREUSE [en chantant] 206
Sont-ilz appoinctéz 207, les chalans 208 ! SCÈNE XIV
[DANDO]
355 Comment ilz nous ont surmonté(z) !
MAISTRE ALIBORUM
Je cuidoys estre plus sçaichans 209,
Mais je suis fol de [tout costé] 210.
ROUSSIGNOL
Sont-ilz glorieux !
SOTIN
À planté 211.
TESTE CREUSE
Sont-ilz nyveletz 212 !
ROUSSIGNOL
Sont-ilz gents !
DANDO
360 Pource que sur tous j’ay parlé,
On m’a baillié le frain aux dents.
SOTIN
Ilz en sont pugnis, les chaslans.
Leur follie leur a chier cousté.
MAISTRE ALIBORUM
Je cuidoyes estre plus sçaichans,
365 Mais je suis fol de tout costé.
ROUSSIGNOL
Il a le frain aux dens bouté.
SOTIN
Ilz sont doulx comme beaulx enffans.
DANDO
Pource que sur tous j’ay parlé,
On m’a baillé le frain aux dens.
TESTE CREUSE
370 On les pugnist selon le temps.
ROUSSIGNOL
Bien asprement.
SOTIN
Ilz ont esté 213.
MAISTRE ALIBORUM
Je cuidoyes estre plus saichans,
Mais je suis fol de tout costé.
TESTE CREUSE
Bien ravalléz ilz ont esté.
ROUSSIGNOL
375 Ilz en sont presque hors du sens.
DANDO
Pource que sur tous j’ay parlé,
On m’a baillé le frain aux dens.
SOTIN
Ilz ont beau avaller les vents 214.
TESTE CREUSE
Nous avons à eulx bien compté 215.
MAISTRE ALIBORUM
380 Je cuidoyes estre plus sçachans,
Mais je suis fol de tout costé.
ROUSSIGNOL
N’en parlons plus.
SOTIN
Tout est allé.
TESTE CR[E]USE
Ilz ont beau parler sur les gens.
DANDO
Pource que sur tous j’ay parlé,
385 On m’a baillié le 216 frain aux dens.
.
SOTIN
Et pour tant217, entre vous, gallans
Qui mesdisez sur tout estat ;
Et vous aussi, qui tenez rengs
En corrigant Magnificat :
390 Gardez d’estre pugnis tout218 plat,
D’estre tous sotz, et d’avoir frain
Aux dens.
Prenez en gré l’esbat,
C’est de sotie le reffrain.
.
EXPLICIT
*
1 La Grande Salle du château d’Angers. 2 Michel Rousse : Archives et documents datés, Rennes, 1983, p. 61. 3 Ibid., p. 105. 4 TRIBOULET : la Farce de Pathelin et autres pièces homosexuelles. Bibliothèque GKC, 2011, pp. 309-360. 5 Le Recueil Trepperel. Les Sotties. Slatkine, 1974, pp. 212-215. 6 Ce comédien tenait déjà un rôle dans les Vigilles Triboullet. Voir la note 6 de cette pièce. 7 Un dando est un cocu : cf. le Vendeur de livres, vers 100. Celui-ci est maréchal-ferrant ; mais au lieu de ferrer des chevaux, il se mêle de ferrer des oies, prenant au pied de la lettre une expression qui signifie chez Triboulet : Se mêler de ce qui ne nous concerne pas, s’occuper des affaires des autres. Ce curieux maréchal qui ferre des oies fut peut-être suggéré par François Villon, dont Triboulet vit sans doute quelques manuscrits en 1457 (v. la note 101 des Vigilles Triboullet) : « Mareschal/ Pour ferrer oes. » Testament, vers 1823. 8 Ce nom vient d’elleborum, l’ellébore, une plante avec laquelle on soignait les fous. Aliboron est un faux savant toujours prompt à dégainer du latin. L’apothicaire du Testament Pathelin s’appelle ainsi, et certains ânes également. Il porte une robe et une cornette de professeur. 9 Ne dites plus un mot ! Comme dans les Vigilles ou dans les Coppieurs, les Sots ne pensent qu’à jouer la comédie (vers 257) ; parce qu’on s’est moqué de son modeste talent dans les Coppieurs, Sotin boude et refuse qu’on joue. 10 Restez cois, silencieux. Les 3 rimes internes en -on accroissent la rapidité du débit. 11 Allons chercher nos pots pour boire. 12 T : toy 13 Quelle discipline. 14 Nos traits d’esprit : cessons de nous chamailler. 15 Retirés de la distribution théâtrale. 16 Vous réveillez mon envie de jouer. La sottie des Esveilleurs du chat qui dort prend cette expression au pied de la lettre. Voir aussi le vers 128 des Coppieurs. Les vers 14-15 sont repris à 23-24. 17 Au reste, en place ! 18 T : regnard 19 Prenons courage. 20 Il y a une ballade et un virelai dans les Coppieurs. 21 T : Persasmes nous (Voir le vers 36.) 22 Ceux qui faisaient les importants dans les Coppieurs : les « coquars/ Qui veullent trencher du gros bis ». 23 C’est bien mon avis. 24 Plus que jamais. Cf. le Faulconnier de ville, vers 407. 25 T : les escumeurs (Personnage des Coppieurs.) 26 On l’a payé d’espérance, symbolisée par la couleur grise. « (Qu’ils) s’arment de gris, & désespoir ne suyvent. » Clément Marot. 27 Nivelet le lardeur, dans les Coppieurs et Lardeurs. 28 Malotru le copieur, dans les Coppieurs, où les deux experts en moquerie furent « farcés ». 29 Nous avons joué habilement. Rossignol est absent de la version des Coppieurs qui nous est parvenue. 30 Qu’il se brise. Même vers dans la Ballade des proverbes, de Villon. 31 Discussion. 32 Si on parle mal de nous. Idem vers 121. 33 T : Dagrise (Dénigre ces médisants !) 34 Nous trouverons des gens pour nous aider, comme l’Écumeur de latin. 35 Nous sommes devant la cheminée monumentale où, dans les Coppieurs, Nivelet grillait des lardons ; c’est maintenant la forge où Dando chauffe un fer à cheval. Aliboron est assis devant la table chargée de livres où officiait Malotru. 36 La traîne des robes. La farce des Queues troussées montre une « femme ayant la queue de sa robe longue et traînant à terre ». Leurs queues « servoient pour baloyer/ De la terre toute l’ordure ». (Maistre Aliborum est un des personnages de cette farce.) « Que tousjours nous nous en allons/ Traisner nos queues çà et là. » Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris. 37 « Tant plus vache a longue queue,/ Plus près s’esmouche des oreilles. » Les Sotz escornéz. 38 Si elles ont besoin d’arranger leur couvre-chef. 39 Grave. 40 D’avoir une queue aussi longue. 41 T : nonrir (Ces demoiselles sont bonnes à nourrir des pigeons.) 42 Recueille leurs vesses, leurs pets. Jeu de mots sur la vesce, dont les graines servaient à nourrir les pigeons d’élevage. « Les pigeons sont fort friands de vesce. » Furetière. 43 Pour nourrir les pigeons jusqu’au bout. 44 Elles. « Le gorgias était alors une toile transparente qui laissait voir les seins dans leur entier. » (Godefroy.) « Elle met son grant gorgias. » Légier d’Argent. 45 C’est comme si elles ne montraient rien. 46 Jeu de mots : les riddes –ou ridres– sont des pièces d’or flamandes. « Les rides sont pour vielles femmelettes. » Jehan Molinet, le Cri des monnoies. 47 T : nuissent (Qu’elles cachent sous leur maquillage.) 48 T : matieres (Entendre les degrés = entendre les nuances, comprendre à demi-mot.) 49 Si tu ne te fies pas à leur parole. 50 T : et en leur mauluaise mouues 51 T : Des (« Être éperonnée sans éperons » a le même sens cavalier que « chevaucher sans éperons ». « Mais si souvent tu l’esperonne/ Et luy fais ce qu’elle ayme bien. » Pierre de Larivey.) Les éperons faisaient du bruit, d’où la suite du vers. 52 Ces robes de chambre. 53 T : hourdement (Elles se harnachent fortement.) 54 Tomberaient (verbe choir). Dans Jehan de Lagny, une femme fait resserrer sa « quoquille » par un prêtre de peur qu’elle ne tombe. Le cul des bourgeoises est fourré, rembourré pour paraître plus gros : cf. le Vendeur de livres, vers 92. 55 Cf. le Cousturier et son Varlet, vers 219. 56 T : esplinguees (La métathèse du « l » est fréquente, mais ici, la rime est en -glées.) Elles retroussent leur robe avec des épingles. 57 Elles veulent boucher les yeux à tout le monde. 58 Cf. Maistre Pierre Doribus, vers 136. 59 On se pique les doigts aux épingles qui maintiennent le « faux cul » sous la robe. Voir la note 42 du Povre Jouhan. 60 Quelquefois. « Et vos grans tétins descouvers. » Le Vendeur de livres. 61 T : decheter il ne chautl (Car on n’a pas envie d’acheter.) 62 À celui qui ne vend pas avec maladresse. « Ab hoc & ab hac : sans aucune suitte ou raison. » (Antoine Oudin.) Cf. André de La Vigne, vers 19 et 26. 63 Dans le Tesmoing, un autre contempteur du maquillage et de la mode prononcera le même vers. 64 De la quincaillerie. 65 T : seroit 66 Qu’on les connaisse charnellement. Cf. le Tesmoing, vers 105. 67 Il s’adresse à Sotin. 68 Dans la Première Moralité de Genève, Folie dirige une troupe d’acteurs qui se plaignent de ne pouvoir jouer. 69 Ni une action, ni une mimique. 70 Ce qu’il est ; n’est-il pas un saint ? 71 Ayant de légères semelles de liège, pour que vous soyez plus agiles sur scène. « Une paire de galoches de liège. » ATILF. 72 Levons-nous. 73 On parle mal des comédiens (note 32). 74 Sotin est rouge comme une mûre parce qu’il a bu. 75 Quand on parle d’un ivrogne, beau veut dire rouge : « Tu as beau nez ! » Jehan de Lagny. 76 T : sotin 77 Quand je vois ta figure. 78 Les palefreniers avaient la réputation de boire beaucoup. « J’ay un pallefrenier qui n’est qu’un yvroigne. » Bonaventure Des Périers. 79 Ces endimanchés. Cf. Coppieurs, vers 158. 80 T : sans (Les hauts talons furent toujours l’apanage de l’aristocratie. Cf. les Sotz triumphans, vers 27. Le peuple n’avait pas de talons : « Il a quitté son teint de ramoneur,/ Ses souliers sans talons et sa robe froncée. » Blessebois.) 81 Pigeons. Jeu de mots sur couillons. Cf. le Tournoy amoureux, vers 22. 82 Les bords de leur chapeau. 83 Vu, étant donné. Les galants se teignaient en blond. « Les ungz ont les cheveulx si blons,/ Pignéz et fardéz à merveilles. » Guillaume Coquillart. 84 T : deuiendroit (Ils évitent le soleil pour conserver un teint pâle.) 85 Ces endimanchés (vers 128). 86 Un treillis, une toile grossière dont on faisait des sacs et le pourpoint des pages. 87 T : riaudaux angelz (« Rire aux anges : Rire seul & sans sujet. » Dict. de l’Académie françoise.) « Par trois dimenches, (…)/ Je m’en alloye, riant aux anges. » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.) 88 Les dandys qui fréquentent la Cour ou, en l’occurrence, qui rêvent d’y être admis. « Ung gentil gorgias de Court. » J. Molinet. 89 Que je les passe sous silence. 90 T : tournent (Ne pouvant y pénétrer, comme deux ânes qui veulent saillir en même temps une mule.) 91 Que celui-là a une autorisation du pape. 92 Une notification officielle. 93 Pour peu qu’il m’en souvienne. 94 Je dois recommencer à battre le fer pour ferrer des oies. 95 Franchement. 96 T : deslongue (De tergiversations. « Sotin, approche sans eslongne ! » Le Prince et les deux Sotz.) 97 T : maistre aliborum 98 « On vous pourroit vif enterrer. » (Catherine des Roches.) Sotin s’éloigne de ses deux contradicteurs, et se rapproche d’Aliboron et Dando. 99 Auquel je travaille (verbe soigner). « Il fault songner,/ Qui veult vivre. » Triboulet, farce de Pathelin. 100 Sans risque d’erreur. Dans « Magnificat anima mea Dominum », le verbe magnificare gouverne effectivement l’accusatif Dominum. 101 T : Teste creuse (Sotin arrive près des deux hommes. La fumée de la forge le fait éternuer. Aliboron, qui lui tourne le dos, ne le voit pas.) 102 T : deulx (Dando impose le silence à Sotin.) 103 Magnificare, qui est un verbe actif, ne peut pas gouverner l’ablatif dans cette phrase. Voir le vers 300. 104 Il parle à Sotin. 105 Un remède astringent contre le rhume. 106 T ajoute : restif (Aliboron compare le maréchal-ferrant aux bourreaux, qui utilisent eux aussi le fer rouge.) 107 À l’ouvrage ! Cf. le Povre Jouhan, vers 67. Nous auront la variante « truc ! » à 315. 108 T : manteau (Je n’arrive plus à retenir mon marteau. Dando frappe à tour de bras sur un fer à cheval.) 109 Il fait semblant de rater le fer à cheval, et il frappe sur Sotin. 110 Sotin s’enfuit vers ses amis. 111 Il s’adresse à Aliboron, qui a disposé sa table et ses livres non loin de la forge. 112 Êtes-vous un de ces florissants relieurs ? 113 Les écrivains publics, auxquels ceux qui ne savaient pas écrire dictaient leurs lettres, tenaient des stands du même genre. 114 Un licol. Li-en compte pour 2 syllabes. 115 Si un enlumineur veut dessiner un âne, il doit d’abord l’attacher pour l’empêcher de bouger. Mais Dando fait un rapprochement facétieux entre cet âne et le nom d’Aliboron, qui est inscrit sur le côté de la table que le public a devant les yeux. Voir la note 17 des Coppieurs. 116 Racontez-moi tout de votre métier. 117 Nous sommes à l’unisson. 118 Le seigneur Fait-tout, l’homme à tout faire. « La Croizette, qui estoit là, servoit de dominus fac totum. » (Blaise de Montluc.) Factotum rime en -on, comme Aliborum. 119 Il montre une oie dans une cage. 120 T : serrier (Voir le vers 155.) 121 T : lectzon 122 T : Dando 123 On déclame ce vers proverbial avant de raconter une histoire. Cf. le Bateleur, vers 3. 124 Il prend l’expression au pied de la lettre, et se mouche dans la robe de Sotin. 125 T : Dando 126 T : Dando 127 Dans les Mystères, c’est le cri traditionnel que poussent les diables, pour effrayer l’auditoire. Le brouhaha vient de là. Cf. la farce des Oyseaulx, vers 761. 128 Dans la même salle que nous. Voir le vers 245. 129 Cauts : rusés. 130 Qu’un mauvais feu te brûle. 131 Un tel vacarme. 132 Ils n’auraient fait de moi que deux bouchées. 133 Cette amblée : si je n’avais pas fui au galop. « La jument, sur laquelle estant monté, elle alloit l’amblée. » Pierre Crespet. 134 T : cra/eza (Or çà !) 135 Ce discours. 136 T : maniere (Les rimes des vers 209 et 212 sont interverties.) Il vaut mieux parler d’autre chose, c’est-à-dire de théâtre. 137 Suivre votre résolution de jouer la comédie. 138 T : matiere 139 Si vous jouez la comédie si peu que ce soit. 140 Il manque 4 vers en -ra -ment -ment -vis. Les trois jeunes sont allés vers Aliboron et Dando. 141 T porte cauctons, et non canetons. La caution est ce que donne un prisonnier pour être libéré. « En baillant pleige de deux hommes/ Pour bonne et seure cauction. » Les Maraux enchesnéz. 142 Sagement, sans s’écarter du devis. « Ledit Coppin fera [peindra] lesdites choses à huille, selon le devis d’iceluy seigneur. » Comptes et mémoriaux du roi René. 143 T : fais tu 144 Des morts. Mais à 343, Dando parle des mors de chevaux. 145 De tous les comportements. 146 C’est clair. Mais aussi : Il est clerc, il est intelligent. Même calembour dans les Coppieurs, au vers 22. 147 Laissez-nous dire deux mots. 148 T : doibt (Duire = permettre.) 149 Sans doute l’adverbe latin male : mal. 150 Ironique : la folie n’est pas une matière si élevée. 151 T : roussignol / Galle auez (Galler = s’amuser. « Fol ne demande qu’à galler. » Le Prince et les deux Sotz.) 152 T : lause (Qu’on nous noircit de commentaires désobligeants. « Sur nous [qu’]on ne puisse gloser. » ATILF.) Voir le vers 309. 153 On contredit. 154 Freluquets. Cf. Coppieurs, vers 156. 155 Voir la note 1. « Entrer » était parfois transitif direct. 156 Mauvaise. Jeu de mots sur « mâle » : cet habit est encore trop viril pour vous. Le costume du Sot est toujours complété par une marotte phallique. 157 D’Hébreu. Mais en latin, ebriosus = ivrogne. Sotin se faisait déjà traiter d’alcoolique aux vers 123-126. 158 Un dos de vendangeur. 159 De discordes. 160 Abrégez ! On applique cette plaisanterie aux discoureurs trop prolixes : « Faictes-le court, qu’il ne se crote :/ J’ay à faire en autres pays. » (ATILF.) Dando prend l’expression au pied de la lettre : avant de sortir, retroussez votre vêtement, pour qu’il ne traîne pas dans la boue. 161 T : sotz auoir (Sotoyer : jouer la comédie, pour des Sots. Cf. Vigilles, vers 121, 132 et 273.) 162 Nous laisserons-nous. 163 Crier au loup. « Mais toute nuit au loup j’ay tant hué :/ “Au loup ! Au loup !”, que j’en suis enroué. » J.-A. de Baïf. 164 Vient nous contredire. 165 Prenons courage. 166 T : gallons (Craintif, Dando retourne à sa forge et laisse Aliboron seul avec les Sots.) 167 Tout net. Idem vers 293 et 390. 168 Un peu de plaisir. 169 T : non (Le bon comédien.) 170 Dans les Coppieurs, Tête Creuse devait jouer le « valleton » de la farce des Oyseaulx : « Je cuidoyes faire ung bon varlet. » 171 Cf. la farce du Bateleur. 172 Et pourtant. 173 Renier, expulser. Voir le vers 279. 174 T : chier (La rime est en -let.) Puisque nous ne sommes pas en période de Carnaval. 175 Sans tarder. 176 Avec plus de pertinence. 177 Magnificat anima mea Dominum veut dire : Mon âme glorifie le Seigneur. Magnificat anima mea Domino se traduirait ainsi : Mon âme glorifie par le Seigneur. 178 C’est mal dit ! La bouche qui expulse des mots est assimilée à un anus. Cf. Frère Guillebert, vers 409. 179 Le plus sûr, le plus correct. 180 Magnificatur anima mea Domino : Mon âme est glorifiée par le Seigneur. Triboulet nous dit que plus les fous corrigent le Magnificat, plus ils s’éloignent du sens premier. N’allons pas en conclure qu’il lisait les pré-réformateurs hussites ou vaudois, qui disaient la même chose : la lecture des expressions toutes faites lui suffisait. 181 Cet accès de folie. Cf. Vigilles, vers 143. 182 Qui en ont établi les règles. Dans les Coppieurs, Tête Creuse dit deux mots en latin (vers 248), et Sotin comprend le « patois » de l’Écumeur de latin. 183 T : maistre aliborum 184 Sans que vous puissiez encore gloser sur le Magnificat. « Et pour sçavoir gloser sur le Magnificat. » Mathurin Régnier. 185 Du flageolet, du pipeau : sans essayer de nous duper comme les oiseaux qu’on attire en imitant leur chant. « L’oyseleur, par son flajol ou pipe, déçoit l’oyseau et le prent à la pipée. » (Pierre Gringore.) Dans les Coppieurs, nos Sots veulent jouer la farce des Oyseaulx, qu’on appelle aussi la Pippée. 186 Il faut qu’on vous transforme totalement en fou. 187 T : aduis (Avant que je parte.) 188 Ôtez votre robe de professeur ! Nous arrivons à la scène cruciale des Sotties, où l’on déshabille un faux sage qui apparaît dès lors en costume de fou. Voir les vers 96-102 du Roy des Sotz, de Triboulet, qui commencent par : « Or te despouille ton pourpoint ! » 189 De toucher à ma personne. 190 Allons ! (Voir la note 106.) « Truc ! truc ! Prenez-les ! » Maistre Mymin qui va à la guerre. 191 À force de se débattre, Aliboron est en sueur. 192 Court vêtu : la longue robe du professeur a laissé la place à un collant de Sot. 193 L’envie de. 194 Les 3 Sots laissent Aliboron, et rejoignent Dando près de sa forge. 195 Au diable ! Cf. Lucas Sergent, vers 114. 196 T : il (au lieu de ie.) 197 De piéçà : depuis longtemps. « Son mary, mort de piéçà. » ATILF. 198 Débarrassez-vous de ce que vous avez à dire. 199 Cf. Coppieurs, vers 84. 200 T : Ce sestoit 201 Mettre le frein aux dents d’un cheval, c’est lui placer un mors dans la bouche, pour qu’il se laisse mener. Encore une expression qui va être prise au pied de la lettre. 202 T : luy (Les Sots introduisent un mors dans la bouche de Dando.) 203 Vous appliquez mes enseignements. 204 N’en dites plus rien. 205 T : luy 206 Aliboron rejoint le groupe pour le finale, qui est chanté. 207 Bien payés : ils ont reçu les appointements qu’ils méritaient. 208 Les compagnons. Idem vers 362. Cf. Coppieurs, vers 260 et 407. 209 Sachant, savant. 210 T : tous costez (Refrain correct à 365, 373 et 381.) 211 Abondamment. Double sens érotique : À planter. Cf. le Povre Jouhan, vers 312. 212 Sots. Un personnage des Coppieurs se nomme Nyvelet. 213 Leur règne est terminé. 214 Ils peuvent toujours bayer aux corneilles. Avaler du vent est une activité digne d’un Sot ; l’un de ses adeptes, le bien nommé « monsieur d’Angoulevent », est évoqué dans le dialogue de Mallepaye et Bâillevant. Une autre activité propre aux Sots est le jeu du pet-en-gueule, qui consiste à avaler des vents. 215 Nous leur avons payé tout ce que nous leur devions. 216 T : se (Refrain correct à 361, 369 et 377.) 217 Pour cela. 218 T : de (Gardez-vous d’être punis tout net.)