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JOLYET
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Cette farce normande fut éditée à Lyon vers 1548. Son héros est un cocu précoce, puisqu’il l’était déjà huit mois avant de se marier. En 1547, Pierre Attaingnant avait publié une chanson de Mathieu Sohier1 qui résume assez bien la pièce :
Ung gros mignon espousa une fille
Qui acoucha dès la nuyct ensuyvant.
« Vray Dieu (dict-il), suis-je bien si habile ?
Du premier coup, avoir faict ung enfant !
Comment cela ? Toutes les nuyctz autant ?
Au bout de l’an, en aurions à foison.
Adieu vous dis, femme qui portez tant,
Qui remplissez d’enfans nostre maison. »
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Source : Recueil du British Museum, nº 5. Le travail éditorial est bâclé ; il suffit de comparer les refrains des triolets pour s’en convaincre.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec 4 triolets et 6 quatrains à refrains alternés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
trèsbonne et fort joyeuse
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À troys personnaiges, c’est assavoir :
JOLYET
LA FEMME
et LE PÈRE
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JOLIET 2 commence en chantant : SCÈNE I
Jolyet est marié.3
Se suis mon4, Dieu en soit loué !
Si sçaura[y] q[ue] serviteurs gaignent5.
Je vouldroye (mais les ge[n]s ne daignent6)
5 Que chascun en fust aussi aise
Que moy, mais qu’il ne vous desplaise7.
Car desfaire8 ne m’en sçauroye.
Dieu m’en doint joye, hoye, hoye ! 9
Dea ! c’en10 est fauché et fenné.
10 On m’en a enfurelufé11
Tout au long du poil12. Ne me chaille ;
Au moins, je ne suis plus merdaille13 :
Je suis maintenant des gens de bien.
On ne me dira plus : « Vien çà, vien !
15 Tien cy, baille çà ! » Comme14 vous,
Je15 puis maintenant, tous les coups,
Pescher au plat16, me seoir en table
Ainsi comme ung homme notable,
[Et estre maistre en mon hostel17 ;]
20 Par Nostre Dame ! il n’y a tel :
Car ainsi que je puis congnoistre,
La plus belle office, c’est maistre
De la maison, quoy qu’on en die.
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LA FEMME 18 SCÈNE II
Et puis, Jolyet ?
JOLYET
Ay, m’amye !
25 Et comment vous est-il19, ma rose ?
LA FEMME
Vous ne vous en souciez mye,
Bé ! Allez, allez !
JOLYET
Ay ! m’amye,
Il y a plus d’heure et demye
Qu’en vous atendant ne20 repose.
LA FEMME
30 Et, bonne estraine21 !
JOLYET
Ay, m’amye !
Et comment vous est-il, ma rose ?
Et ! que je manye vostre chose22 :
Est-il pas encore en sa place23 ?
LA FEMME
Allez ! que vous estes salace24 !
35 Tant vous avez grant villenie25 !
Mais esse tout26 ? Dieu vous bénie !
Vous ne parlez que de bagaige27.
JOLYET
Et ! sur méniques28, je m’engaige
Que vous voulez bien que je die
40 Cela pour une reverdie29.
M’aymez-vous pas bien, mon connin30 ?
LA FEMME
Aymer ? Par ménimes, nenny[n],
Puis que vous parlez ainsi
Vous n’estes31 pas mon amyot.
JOLYET
45 Dea ! je suis plus gay qu’un pÿot32.
Et ! me donne[z] troys brins de joye33 !
Toutesfoys, il fault que vous voye
Aussi gentement deviser.
Au moins, ne peult-on que baiser34 ?
50 Çà, de par Dieu, çà, la bouchette35 !
LA FEMME
Laissez cela !
JOLYET
Tant refuser !
Au moins, ne peult-on que baiser
L’une foys, [et] l’autre, choser36 ?
Vous sçavez bien : la besongnette37…
55 [Au moins, ne peult-on que baiser ?]
Çà, de par Dieu, çà, la bouchette !
Mon petit tétin38, ma doulcette,
Mon minoys, mon fatrin-fatras39.
Une autrefoys, en la couchette,
60 Nous [nous] jouerons40 entre deux draps.
LA FEMME
Laissez, vous me blécez les bras :
Voz mains sont trop rudes.
JOLYET
Hognau41 !
Et ! ne suis-je mie42 aussi gras
Q’un véel43… doy-je dire44 « ung veau ».
LA FEMME
[…………………………. -veau
………………………… -ment :]
65 Je suis enseincte de nouveau45.
JOLYET
Dieu met en mal an46 qui en ment !
LA FEMME
Je suis enseincte, voyrement.
JOLYET
Enseincte ? [Sainct] Amand l’apostre47 !
Voicy [ung] bon commencement48.
70 Mais au moins, n’est pas l’enfant nostre49 ?
LA FEMME
Tant vous estes sot ! S’il est vostre ?
Et à qui donc, saincte Marie ?
Aussi vray que la patenostre50 !
Et ! ce seroit grant mocquerie.
JOLYET
75 Enseincte (Dieu ! voicy faerie51)
Si tost, pour céler52 mes amours ?
LA FEMME
Incontinent qu’on se marie,
Ce sont tousjours les premiers jours.
JOLYET
Quoy ! il n’y a que quinze jours53 ;
80 C’est bien tost ung enfant rendu54.
LA FEMME
Au bout d’ung moys, selon le cours55.
N’est-ce pas [jà] bien attendu ?
JOLYET
Comment, ung moys ? [J’ay entendu]56
Qu’il en fault sept57, au sanglant moins.
LA FEMME
85 Toutesfois, cherchez des parrains,
Mon bel amy doulx, car je crois
Que vous l’aurez au bout d’ung moys.
JOLYET
D’ung moys ?
LA FEMME
Voire, est-ce bien parlé.
JOLYET
Et, comment ? Je suis affollé58
90 Qu’en ung moys j’ay faict ung enfant,
Et les aultres y mettent tant.
Suis-je bien aussi habille59 homme ?
[Que bon gré]60 sainct Pierre de Romme !
Je seray père du61 poupart.
LA FEMME
95 Dea, oyez-vous, j’en ay faict ma part.
JOLYET
Vostre part ? Voicy [grans] merveilles !
Aura-il piedz, mains et ore[i]lles,
Cul derrière, pance devant,
[Tout] comme ceulx où on met tant62 ?
LA FEMME
100 Pourquoy non ? Il est tou[t] fin faict63.
JOLYET
Je suis donc ung ouvrier parfaict.
Je m’esbahy comme l’ay eu.
C’est entendement, d’avoir peu64
Le faire en si peu. J(e) y pensoye :
105 [Vrayment, il fault bien que je soye]
Bon ouvrier, à ce que j’entens,
De le faire en si peu de temps.
Ung moys, ne sont pas .XXX. jours ?
LA FEMME
Voire, mais puisque [jours] sont cours,
110 Les nuytz [en] allongnent65 beaucoup.
Et puis « il n’y fault qu(e) ung bon coup »,
Ainsi qu’on dit communément.
JOLYET
C’est ung trèsbeau commencement.
Le diantre y soit66 ! c’est bien toussi.
115 [Il fault penser par grant soucy]
D’avoir [panières et berceaulx]67,
Bendes68, langes, béguins, drapeaulx,
Et n’eussé-je friche ne miche69.
Et qui plus est, une nourrice70,
120 Et d’aultre[s] chose[s] ung grant tas71.
Suis-je bien ! Si72, n’y voys[-j]e pas
Qu’il fut faict quelque gentillesse73.
Le dyable m’a bien chanté messe :
Je n’ay besoing de Dieu prier.
LA FEMME
125 Et qui vous faisoit74 marier,
Aussi ?
JOLYET
Que bon gré sainct Pellet75 !
Vrayment, j’estoys bien jolyet76,
[Quant me gouvernois à ma guise.]
Mais venez çà. Quant je m’avise,
130 En feroys-je bien, toutesfoys,
Mésouen77, ung en chascun moys,
Puisque si fertille78 vous estes.
Je seroys bien à mes unettes79.
O ! attendez : ung, deux, troys…
135 C’en seroit, à ce que je croys,
Trois en trois moys ; chascun an, douze.
Et ! la forte fièvre m’espouse
(Si80, seray deux foys maryé)
Si j’en fais rien. C’est bien chié !
140 Ce seroit, au bout de six81 ans,
Tout droit .LX. douze enfans.
Et ! le gibet82 séroit83 fournir
À les eslever et nourrir84.
Tant avoir d’enfans, par sainct Pierre !
145 Je vous rendray à vostre père :
Je ne veux plus de femme au pris85.
LA FEMME
Qu’esse ce cy ? Comme il vous est pris
Soubdainement ! Ce est-ce par jeu ?
JOLYET
Par la foy que je doy à Dieu !
150 Je n’auray femme de la sorte,
Qui, chascun an, douze enfans porte.
Rien, rien ! Il souffiroit bien d’ung.
Il n’en fut parlé mot aucun,
Quant je vous prins en mariage.
LA FEMME
155 Ennément86, vous n’estes point saige.
Cuydez-vous que doresnavant,
Par chascun moys, j’en aye autant ?
JOLYET
Et que sçay-je, moy ? Peult bien estre.
Parquoy je ne veulx pas [me mettre]87
160 En ce danger. Venez-vous-en88.
Par ma foy ! j’en seray exemp89.
Diligentez-vous, c’est trop mis90.
Je vous rendray à voz amys ;
C’est le mieulx, comme je supose.
LA FEMME
165 Haro ! que vous faictes de glose91 !
Et bien, bien, je seray ouÿe92.
JOLYET
Dea, dea ! Se vous estiez truye
Et vous eussiez deux cens cochons
Chascun moys par93 telles façons,
170 Et vous les puissiez tous nourrir,
Se vous debviez céans pourrir,
Je ne vous mett(e)roys pas dehors,
Pource (par l’âme de mon corps)
Qu’on vent cochons gros et menuz.
175 Mès des enfans, on n’en vend nulz ;
Ilz ne font que couster à père.
LA FEMME
Regardez, [ne] sçav’ous94 mieulx faire ?
Attendez, je vous diray bien
Comment c’est.
JOLYET
Je n’en feray rien.
180 Somme, je vous remèneray.
.
Hay ! Mon père95, mon père ! Hay ! SCÈNE III
Respondez-vous point ? Que de peine !
LE PÈRE 96
Qu’est-ce que j’oy ? Et ! je ne sçay.97
JOLYET
Hay ! Mon père, mon père ! Hay !
185 C’est Jolyet, regardez-moy,
Et vostre fille que j’amaine.
Hay ! Mon père, mon père ! Hay !
Respondez-vous point ? Que de peine !
LA FEMME 98
Dés99 bonsoir, dés !
[LE PÈRE]
Et bonne estraine !
190 Ay ! Jolyet, et puis, comment100 ?
JOLYET
Ainsi qu’ainsi101, ou aultrement.
Je viens vers vous faire ma plaincte.
LE PÈRE
De quoy ?
JOLYET
Vostre fille qui est enceinte ;
[V]a catonner102 ce premier moys.
LE PÈRE
195 Dieu [en] soit loué ! Toutesfoys,
N’est-ce pas bon commencement ?
JOLYET
C’est le grant gibet ! Et, comment ?
Par sainct Pol, je n’en feray rien !
S’elle continue, comptez bien :
200 Chascun an, douze enfans de rante ;
En deux ans et demy, les trente.
Et cujus casus103, tout cela ?
Vous sçavez bien qu’on n’en parla
[Ja]mais, en faisant le marché104.
LE PÈRE
205 Ha ! [en rien ne]105 seray chargé
Du discord.
JOLYET
Comment ? Voicy raige !
Je n[’ay] eu d’elle, en mariage106,
Que six-vingz soubz107 en une bource,
Ung rebéquet et une loure108,
210 Ung bassin, ung pot, une poille109,
Et… comment esse qu’on apelle
Ung auge à paistrir110 ? Dieu devant111 !
Tout cela ne valoit pas tant112
Comme les béguins pourroient couster.
LA FEMME
215 Me voulez-vous point escouter ?
Au moins, que j’aye ma parlée113 !
JOLYET
Non, vous estes trop affolée114.
Je ne vueil plus de vostre corps.
LE PÈRE
Je n’entens rien à voz discordz.
220 El(le) n’aura pas plus tost enfant
Que neuf moys115. Que parlez-vous tant ?
[Attendez que]116 vienne le bien.
JOLYET
Sainct Jehan ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
Voire, [et] à qui seroit-il doncques ?
225 Vous sçavez que je n’aymay oncques
Autre que vous, en bonne foy.
JOLYET
Ha ! vrayement, il est donc à moy.
LE PÈRE
C’est mon, mais que [vous l’ayez]117 faict
Et qu’i[l] vienne au terme, en effect,
230 Acoustumé118, comme je tien.
JOLYET
Sainct Jehan ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
Point à vous ? Qu’est-ce que vous [dites ?
Rapelez-vous ce que vous] feistes,
La première nuyt, en… Et quoy !
JOLYET
235 Ha ! vrayement, il est donc à moy.
LE PÈRE
À cecy je ne sçay qu’entendre.
Nul homme ne me sçauroit aprendre
Qu’elle ait enfant si tost. Rien, rien !
JOLYET
Corbieu ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
240 Sauf vostre honneur, je119 ne le donne
Vrayement à nulle autre personne.
Agardez, vous sçavez bien poy120.
JOLYET
Ha ! vrayement, il est donc à moy ;
Puisque vous jurez vostre foy,
245 C’est bien rayson qu’il me demeure.
Mais coupons la broche121, à ceste heure :
Qui122 l’a faict, si n’en face plus !
[LA FEMME] 123
Et ! voulez rire124 ?
JOLYET
Je concludz,
Item, premièrement, en somme,
250 Que je ne seray plus vostre homme,
Ne vous, plus nostre mesnagère125 :
Vous estes [trop] grande hébergère126,
D’avoir tous les ans douze enfans.
J’aymeroye mieulx de estre [céans
255 Sans]127 femme, le temps advenir.
Pour ce, je n’y sçauroye fornir :
Ilz mengeroyent trop largement.
LA FEMME
Et ! allez, allez ! Voirement,
Qu’estes-vous sot, Dieu vous bénye !
260 Cuydez-vous que je ne soye mye,
L’autre foys, de meilleure attente128 ?
Se g’y renche[oi]z129, je suis contente
Que vous me tencez.
LE PÈRE
Autrement
Nous ferons cest apointement,
265 Mon filz130 Jolyet, par ainsi
Que vous nourrirez cestuy-cy131.
Mais s’elle en a ne deux ne troys
Plus que [de] dix moys en dix moys,
Du moins se132 je puis avoir temps,
270 Je me submetz, à mes despens,
Les nourrir et pren[dre] la charge.
JOLYET
Sainct Pierre ! [vers vous]133 m’en descharge.
Mais vélà, s’elle en a plus tost
Que dix moys, entendez ce mot,
275 Vous me promettez [de] les prendre ?
[LE PÈRE] 134
Ainsi le devez[-vous] entendre.
JOLYET
Que j’en aye donc[ques] la cédulle135.
LE PÈRE
En parchemin –affin qu’el(le) dure
Plus longuement– il [l’]y fault mettre.
JOLYET
280 [Çà donc, j’en auray belle lettre136]
Pour ung enfant, ne plus ne moins.
[LA FEMME] 137
Or, allez par escript le mettre.
JOLYET
Çà donc, [j’en auray belle lettre].
LA FEMME 138
Ha ! que vous estes ung fin maistre !
LE PÈRE
285 Entreprenez-vous139 par les mains.
JOLYET
Çà donc, j’en auray belle lettre
Pour ung enfant, ne plus ne moins.
Je m’en voys chercher des parrains.
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Affin que trop ne vous ennuye,
290 Adieu toute la compaignie !
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FINIS
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1 Au XVIIe siècle, le Rouennais Gaultier-Garguille la mettra à son répertoire. 2 Il est chez lui, et se prélasse dans un fauteuil, sans rien faire. 3 BM ajoute : &c. (etc.) Or, seul le premier vers de cette chanson est chanté, puisque Joliet y répond immédiatement. La chanson était assez connue pour que le public supplée de lui-même le second vers : « Jolyet est marié/ À la fille d’un abbé. » Plus tard, on écrira sur cette musique un Noël édifiant : « Joseph est bien marié/ À la fille de Jessé. » 4 Particule de réaffirmation : Je le suis bien (marié) ! Les éditeurs modernes ont tort de mettre la virgule avant « mon ». « –Il est plus grand clerq que vous deulx,/ Mydieulx ! –Se suys mon, se suys mon ! » Le Maistre d’escolle. 5 Je saurai combien gagnent les serviteurs. Accédant au statut d’homme marié, Joliet a bien l’intention de se faire servir. 6 Ne veulent pas se marier. 7 Cette incise s’adresse aux hommes du public, qui ne doivent pas être convaincus par cette apologie du mariage. 8 Me détacher du lien conjugal. 9 Ce refrain d’une chanson inconnue, avec sa ritournelle finale, ressemble à : « Fleur de gaicté, donez-moy joye, et hoye ! » (Ms. de Bayeux.) 10 BM : sen (Voilà qui est fait. Litt. : les foins sont coupés et mis à sécher. « Il en est féné et fauché. » L’Omme pécheur.) 11 BM : enfuclufe (Rendu fou furieux. C’est un mot normand. « –Par bieu, je suys furelufé !/ –Et, comment ? Qui t’a eschauffé ? » Farce normande du Sourd, son Varlet et l’Yverongne.) 12 BM : poiel (Ma future et son père m’ont longtemps bassiné pour que je l’épouse.) 13 Un merdeux. 14 BM : car ie suis (Grâce au mariage, Joliet quitte les servitudes de l’enfance et acquiert les mêmes libertés que les adultes.) 15 BM : Et (Je peux chaque fois.) 16 Me servir moi-même. 17 Chez moi. Je reconstitue entre [ ] la plupart des vers perdus. 18 Elle revient de chez son amant. Elle a un ventre énorme. 19 Comment allez-vous. 20 BM : me (Que je m’inquiète pour vous.) 21 Je vous souhaite une bonne fortune. Idem vers 189. Cf. le Testament Pathelin, vers 212. 22 Votre sexe. « Ma belle se repose/ À l’ombre du buisson./ Moy, j’embroche son chose/ De mon roide poinçon. » (Chansons folastres.) Joliet assoit sa femme sur ses genoux, et la pelote. 23 Votre sexe n’est-il plus là où il était cette nuit ? 24 BM : lasche (« Les passereaux salaces et lubriques. » Godefroy.) 25 BM : voulente (« Ha ! ma femme, Dieu vous bénye !…./ Je vous ay fait grant villenie. » Frère Frappart.) 26 Allez-vous vous arrêter ? 27 De coït. Le bagage est l’action de se « baguer » le pénis. Cf. Frère Guillebert, vers 318. 28 Litote normande : « Sur mon âme ! » (Cf. le Vendeur de livres, vers 39.) Le vers 42 donne la variante « ménimes ». 29 Pour avoir un assaut sexuel (normandisme). Voir le vers 216 des Sotz nouveaulx farcéz, et le vers 145 de Tout-ménage. 30 Mon lapin. Ce mot désigne le sexe de la femme. 31 BM : nettes (Amiot = petit ami.) 32 Qu’une jeune pie. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 232. 33 Un peu de plaisir. « Espérant que bien tost il reverroit la Princesse, sa dame & maistresse, car il ne pouvoit recevoir un seul brin de joye. » Amadis de Gaule. 34 BM : viser (Ce 1er refrain du triolet est correct au vers 52, mais l’imprimeur l’a omis à 55.) Ne puis-je rien faire d’autre que de vous embrasser ? 35 Donnez-moi votre petite bouche. 36 Faire la chose, l’amour. « “Approche-toy, mignardelette (…),/ Pour mieux te chouser un petit.”/ À peine eut dit qu’elle s’aproche ;/ Et le bon Jaquet, qui l’embroche… » Ronsard. 37 La petite besogne : le coït. 38 BM : tatin (« A ! mon tétin, m’amour, ma rose,/ Te tînsai-ge à ma volonté ! » Le Poulier à sis personnages.) 39 Mot piquant. « Pour (décocher) ung brocart, ung motellet,/ Ung fatrin-fatras, je m’esjoie/ À larder quelque nouvellet. » Guillaume Coquillart. 40 Nous nous accouplerons. « La fille de l’hoste, n’estant point mariée, mais s’estant jouée avec quelc’un, accoucha d’une fille. » Henri Estienne. 41 Interjection douteuse : une rime en -veau serait plus juste. 42 Je ne suis pas. La phrase est affirmative, et non interrogative. 43 Cette forme archaïque de « veau » dénote que Joliet n’est qu’un paysan mal dégrossi. 44 Je veux dire. Cette formule d’autocorrection est un ressort comique très employé : voir le vers 170 de Colin filz de Thévot, le vers 339 de l’Avantureulx, etc. 45 Nouvellement, depuis peu. Mais le public devait comprendre que la chaste épouse avait déjà eu des enfants. 46 En mauvaise année, en malheur. « Que Dieu si te mecte en mal an ! » Le Prince et les deux Sotz. 47 St Amand de Maastricht, surnommé l’apôtre de la Flandre. À Rouen, une abbaye de femmes lui était consacrée. Si l’on en croit une autre farce normande, le Testament Pathelin, les nonnes de Saint-Amand plébiscitaient « le jeu/ Qui se faict à force d’eschines ». 48 Une première grossesse. Idem vers 113 et 196. 49 De moi. 50 Que le Pater Noster. Ce vers proverbial se lit notamment dans la Réformeresse et dans le Cousturier et le Badin. 51 Une féerie, un miracle. 52 Sceller, officialiser. 53 Que nous sommes mariés. 54 Dans le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies, un autre mari fait ses comptes : « Accouchée vous voy./ Treize mois sont, je l’apperçoy,/ Qu’avecques vous je n’ay couché…./ Et si [pourtant], dès la première année/ Qu’avec moy feustes mariée,/ Vous geustes [vous accouchâtes] au bout de six mois. » 55 Le cours de la lune influait sur les grossesses comme il influait sur les règles, sur la conception, et sur le sexe du futur bambin. 56 BM : attendu (Rime du même au même et vers trop court.) J’ai entendu dire. 57 BM : cest (Il faut sept mois au strict minimum.) 58 Bouleversé. Idem vers 217. 59 « Suis-je bien si habile ? » Sohier (v. notice). Joliet se vante encore d’être un bon ouvrier aux vers 101 et 106. 60 BM : Sainct pierre (« Que bon gré sainct Pierre de Romme ! » Le Munyer. Voir le vers 126.) 61 BM : ou (Du poupon.) 62 Tant de temps. Idem vers 91. 63 Il est parfaitement formé. 64 C’est du génie, de ma part, d’avoir pu… 65 S’allongent. 66 Que le diable y ait part. Toussir = tousser, peut-être dans le sens argotique d’éjaculer : cf. Thierry Martin, Poésie homosexuelle en jobelin, p. 170. 67 BM : pain chair et pourceaulx (Ce vers et le suivant ne concernent que les nouveaux-nés.) Une panière est un grand panier à deux anses pour transporter les bébés. « Car la première journée,/ J’ay desjà fait un enfant./ Tous les jours un, à l’année/ Ce seroit plus de trois cens./ Las ! où trouveray-je un homme/ Pour faire tant de berceaux,/ Tant de langets et besongnes,/ Et aussi tant de drappeaux ? » Traistre, afin de m’abuser. 68 Des couches. « Nourrir leurs enfans sans les emmaillotter, ny lier de bandes ny de langes. » (Jacques Amyot.) Les béguins sont des bonnets pour les nourrissons (idem vers 214). Les drapeaux sont des langes. 69 Quand bien même je n’aurais pas un sou. L’expression normande exacte est : Ni friche, ni mie. « En fin me vlà ny sans friche ny mie. » La Muse normande. 70 Les Normands prononçaient (et écrivaient) « nourriche ». Cf. le Vendeur de livres, vers 24 et 192. 71 Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 347 des Coppieurs et Lardeurs. 72 Pourtant. 73 Qu’on m’ait joué quelque mauvais tour. Quand le bouffon Gonnelle avait le dessein « de faire quelque gentillesse, il considéroit le naturel de ceux à qui il vouloit bailler la baye [une mystification], & le plaisir qu’en pourroit recevoir son seigneur le Marquis ». François de Belleforest. 74 BM : fiansoit (Qui vous forçait à vous marier ?) 75 BM : pellier (St Pellier n’existe pas et rime mal.) 76 Mignon, quand j’étais encore célibataire. Cf. le Trocheur de maris, vers 168. 77 Désormais. 78 BM : subtille (Si fertile : le paysan Joliet compare sa femme à la terre qu’il laboure.) 79 En mauvaise posture. « Ore le grant dyable y ait part !/ Nous sommes bien à nos unètes. » ATILF. 80 Ainsi. Si la fièvre m’épouse comme vous m’avez épousé, je serai marié deux fois. 81 BM : dix (12 x 6 = 72. Les paysans normands avaient la réputation de savoir compter.) 82 Le diable, comme au vers 197. Cf. Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 22. 83 Saurait (normandisme : cf. la Pippée, vers 57 et 518). Seul le diable pourrait… 84 La 29ème des Cent Nouvelles nouvelles pourrait être un des modèles de notre farce : « Si ne saroye-je fournir ce que m’est apparent d’avoir à entretenir. Véez cy : pour un pouvre coup que j’ay accollée ma femme, elle m’a fait ung enfant. Or regardez, si à chacune foiz que je recommenceray elle en fait autant, de quoy je pourray nourrir le mesnage. » 85 À ce prix. 86 Vraiment. Sur ce juron réservé aux femmes, voir la note 79 de Tout-ménage. 87 BM : estre (Rime du même au même et vers trop court.) « Et ! qui t’a mys en ce danger ? » Mahuet. 88 Venez avec moi. 89 Exempt, dispensé. 90 Dépêchez-vous de me suivre, vous mettez trop de temps. Joliet traîne sa femme jusqu’à la maison de son beau-père. 91 BM : choses (De bavardages.) 92 Vous écouterez ce que j’ai à dire. La femme essaie encore de se faire entendre aux vers 178 et 215-216. 93 BM : pour (De cette manière.) Le paysan Joliet choisit des comparaisons à son niveau. 94 Ne savez-vous (normandisme). 95 Mon beau-père. Joliet frappe à sa porte. 96 À travers la porte fermée. 97 BM distribue le second hémistiche à Joliet. La correction est d’André Tissier : Recueil de farces, t. IX, Droz, 1995, p. 59. 98 À son père, qui sort sur le pas de la porte. 99 (Que Dieu vous) doint, vous donne. C’est une parlure de basse extraction. Cf. la farce normande de Messire Jehan, vers 165 et 198. 100 Comment cela va-t-il ? La forme châtiée de cette locution figure au vers 25. 101 quensi (Tant bien que mal. « Estant vaincu, je ne puis rien perdre que la teste, que j’ay ainsi qu’ainsi, par mes forfaicts, engagée au Roi & à la justice. » Antoine Fleury.) 102 Elle va accoucher. « Chatonner » s’emploie pour les chats, que les fermiers installaient dans leurs granges et leurs greniers pour chasser les souris qui dévoraient les grains. « Catonner » a cours en Normandie et en Picardie. 103 BM : cuius (Cujus casus est un terme de droit qui signifie : sur quel fondement légal. « Veult-il faire son testament ?/ Demande-luy cujus casus. » Colin filz de Thévot.) Joliet conteste d’un point de vue juridique cette prolifération d’enfants qui n’était pas prévue au contrat. 104 En dressant le contrat de mariage. 105 BM : rien rien ie (Vous ne me mettrez pas cette discorde sur le dos.) 106 En dot. 107 Que 120 sous. 108 Un petit violon à trois cordes et une cornemuse. Cette dot composée de vieux rogatons anticipe la scène de l’Avare où un emprunteur se voit contraint d’accepter, entre autres vieilleries inutilisables, « un lut de Bologne garny de toutes ses cordes, ou peu s’en faut ». 109 Une poêle à frire. 110 Ce nom qui lui échappe est la « met », dans laquelle on pétrissait le pain avant d’aller le faire cuire au four du village ou chez un boulanger. « Une met à pestrir. » (J. Amyot.) Voir le Glossaire du patois normand, de Du Bois. 111 Que Dieu m’assiste ! Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 17 et 230. 112 BM : autant 113 Mon tour de parole (normandisme). Cf. le Bateleur, vers 127. 114 Émue. Cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 256. 115 Avant 9 mois. Le père, aussi peu observateur que son gendre, vient de marier sa fille sans se rendre compte qu’elle était enceinte de 8 mois. Sinon, il n’insisterait pas sur la durée normale d’une grossesse comme il le fait. Quand il devinera la situation, il prendra le parti de sa fille. 116 BM : Entendez bien (Attendez que les choses se fassent d’elles-mêmes.) 117 BM : lauez (C’est mon avis, à condition que vous l’ayez fait.) 118 Au terme normal de 9 mois. 119 BM : et (Je n’attribue cet enfant.) L’expression « sauf votre honneur » est particulièrement bien choisie. 120 Voyez (normandisme), vous savez bien peu en matière de médecine. 121 Finissons ce débat. Cf. Marchebeau et Galop, vers 289. Mais aussi : Coupons la broche virile de celui qui vous a mise enceinte. « Faictes vostre broche endurcir ! » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 122 Que celui qui. 123 BM : Le pere (Au-dessous, Joliet répond à sa femme.) 124 BM : dire (Vous plaisantez !) 125 Ma maîtresse de maison. 126 Hébergeuse d’enfants. 127 BM : sans / De 128 Croyez-vous qu’une prochaine fois, je ne sache pas attendre 9 mois ? 129 Renchoir = choir à nouveau, retomber dans le même travers. 130 Mon beau-fils. Par ainsi = à la condition. 131 Celui-ci : cet enfant. 132 BM : que (Si je peux vivre assez longtemps.) 133 BM : ie (Je m’en remets à vous. « Toutesfois, vers vous m’en descharge. » ATILF.) 134 BM : La femme 135 Un contrat. 136 Une preuve écrite. Ce 1er refrain du triolet, omis par l’éditeur, est intact au vers 286, et tronqué à 283. 137 BM : Le pere (La femme s’adresse à son père : Joliet sait compter, mais sûrement pas écrire.) 138 On se demande si elle félicite son père ou son mari. 139 Prenez-vous.