JOLYET
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JOLYET
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Cette farce normande fut éditée à Lyon vers 1548. Son héros est un cocu précoce, puisqu’il l’était déjà huit mois avant de se marier. En 1547, Pierre Attaingnant avait publié une chanson de Mathieu Sohier1 qui résume assez bien la pièce :
Ung gros mignon espousa une fille
Qui acoucha dès la nuyct ensuyvant.
« Vray Dieu (dict-il), suis-je bien si habile ?
Du premier coup, avoir faict ung enfant !
Comment cela ? Toutes les nuyctz autant ?
Au bout de l’an, en aurions à foison.
Adieu vous dis, femme qui portez tant,
Qui remplissez d’enfans nostre maison. »
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Source : Recueil du British Museum, nº 5. Le travail éditorial est bâclé ; il suffit de comparer les refrains des triolets pour s’en convaincre.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec 4 triolets et 6 quatrains à refrains alternés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
trèsbonne et fort joyeuse
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À troys personnaiges, c’est assavoir :
JOLYET
LA FEMME
et LE PÈRE
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JOLIET 2 commence en chantant : SCÈNE I
Jolyet est marié.3
Se suis mon4, Dieu en soit loué !
Si sçaura[y] q[ue] serviteurs gaignent5.
Je vouldroye (mais les ge[n]s ne daignent6)
5 Que chascun en fust aussi aise
Que moy, mais qu’il ne vous desplaise7.
Car desfaire8 ne m’en sçauroye.
Dieu m’en doint joye, hoye, hoye ! 9
Dea ! c’en10 est fauché et fenné.
10 On m’en a enfurelufé11
Tout au long du poil12. Ne me chaille ;
Au moins, je ne suis plus merdaille13 :
Je suis maintenant des gens de bien.
On ne me dira plus : « Vien çà, vien !
15 Tien cy, baille çà ! » Comme14 vous,
Je15 puis maintenant, tous les coups,
Pescher au plat16, me seoir en table
Ainsi comme ung homme notable,
[Et estre maistre en mon hostel17 ;]
20 Par Nostre Dame ! il n’y a tel :
Car ainsi que je puis congnoistre,
La plus belle office, c’est maistre
De la maison, quoy qu’on en die.
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LA FEMME 18 SCÈNE II
Et puis, Jolyet ?
JOLYET
Ay, m’amye !
25 Et comment vous est-il19, ma rose ?
LA FEMME
Vous ne vous en souciez mye,
Bé ! Allez, allez !
JOLYET
Ay ! m’amye,
Il y a plus d’heure et demye
Qu’en vous atendant ne20 repose.
LA FEMME
30 Et, bonne estraine21 !
JOLYET
Ay, m’amye !
Et comment vous est-il, ma rose ?
Et ! que je manye vostre chose22 :
Est-il pas encore en sa place23 ?
LA FEMME
Allez ! que vous estes salace24 !
35 Tant vous avez grant villenie25 !
Mais esse tout26 ? Dieu vous bénie !
Vous ne parlez que de bagaige27.
JOLYET
Et ! sur méniques28, je m’engaige
Que vous voulez bien que je die
40 Cela pour une reverdie29.
M’aymez-vous pas bien, mon connin30 ?
LA FEMME
Aymer ? Par ménimes, nenny[n],
Puis que vous parlez ainsi
Vous n’estes31 pas mon amyot.
JOLYET
45 Dea ! je suis plus gay qu’un pÿot32.
Et ! me donne[z] troys brins de joye33 !
Toutesfoys, il fault que vous voye
Aussi gentement deviser.
Au moins, ne peult-on que baiser34 ?
50 Çà, de par Dieu, çà, la bouchette35 !
LA FEMME
Laissez cela !
JOLYET
Tant refuser !
Au moins, ne peult-on que baiser
L’une foys, [et] l’autre, choser36 ?
Vous sçavez bien : la besongnette37…
55 [Au moins, ne peult-on que baiser ?]
Çà, de par Dieu, çà, la bouchette !
Mon petit tétin38, ma doulcette,
Mon minoys, mon fatrin-fatras39.
Une autrefoys, en la couchette,
60 Nous [nous] jouerons40 entre deux draps.
LA FEMME
Laissez, vous me blécez les bras :
Voz mains sont trop rudes.
JOLYET
Hognau41 !
Et ! ne suis-je mie42 aussi gras
Q’un véel43… doy-je dire44 « ung veau ».
LA FEMME
[…………………………. -veau
………………………… -ment :]
65 Je suis enseincte de nouveau45.
JOLYET
Dieu met en mal an46 qui en ment !
LA FEMME
Je suis enseincte, voyrement.
JOLYET
Enseincte ? [Sainct] Amand l’apostre47 !
Voicy [ung] bon commencement48.
70 Mais au moins, n’est pas l’enfant nostre49 ?
LA FEMME
Tant vous estes sot ! S’il est vostre ?
Et à qui donc, saincte Marie ?
Aussi vray que la patenostre50 !
Et ! ce seroit grant mocquerie.
JOLYET
75 Enseincte (Dieu ! voicy faerie51)
Si tost, pour céler52 mes amours ?
LA FEMME
Incontinent qu’on se marie,
Ce sont tousjours les premiers jours.
JOLYET
Quoy ! il n’y a que quinze jours53 ;
80 C’est bien tost ung enfant rendu54.
LA FEMME
Au bout d’ung moys, selon le cours55.
N’est-ce pas [jà] bien attendu ?
JOLYET
Comment, ung moys ? [J’ay entendu]56
Qu’il en fault sept57, au sanglant moins.
LA FEMME
85 Toutesfois, cherchez des parrains,
Mon bel amy doulx, car je crois
Que vous l’aurez au bout d’ung moys.
JOLYET
D’ung moys ?
LA FEMME
Voire, est-ce bien parlé.
JOLYET
Et, comment ? Je suis affollé58
90 Qu’en ung moys j’ay faict ung enfant,
Et les aultres y mettent tant.
Suis-je bien aussi habille59 homme ?
[Que bon gré]60 sainct Pierre de Romme !
Je seray père du61 poupart.
LA FEMME
95 Dea, oyez-vous, j’en ay faict ma part.
JOLYET
Vostre part ? Voicy [grans] merveilles !
Aura-il piedz, mains et ore[i]lles,
Cul derrière, pance devant,
[Tout] comme ceulx où on met tant62 ?
LA FEMME
100 Pourquoy non ? Il est tou[t] fin faict63.
JOLYET
Je suis donc ung ouvrier parfaict.
Je m’esbahy comme l’ay eu.
C’est entendement, d’avoir peu64
Le faire en si peu. J(e) y pensoye :
105 [Vrayment, il fault bien que je soye]
Bon ouvrier, à ce que j’entens,
De le faire en si peu de temps.
Ung moys, ne sont pas .XXX. jours ?
LA FEMME
Voire, mais puisque [jours] sont cours,
110 Les nuytz [en] allongnent65 beaucoup.
Et puis « il n’y fault qu(e) ung bon coup »,
Ainsi qu’on dit communément.
JOLYET
C’est ung trèsbeau commencement.
Le diantre y soit66 ! c’est bien toussi.
115 [Il fault penser par grant soucy]
D’avoir [panières et berceaulx]67,
Bendes68, langes, béguins, drapeaulx,
Et n’eussé-je friche ne miche69.
Et qui plus est, une nourrice70,
120 Et d’aultre[s] chose[s] ung grant tas71.
Suis-je bien ! Si72, n’y voys[-j]e pas
Qu’il fut faict quelque gentillesse73.
Le dyable m’a bien chanté messe :
Je n’ay besoing de Dieu prier.
LA FEMME
125 Et qui vous faisoit74 marier,
Aussi ?
JOLYET
Que bon gré sainct Pellet75 !
Vrayment, j’estoys bien jolyet76,
[Quant me gouvernois à ma guise.]
Mais venez çà. Quant je m’avise,
130 En feroys-je bien, toutesfoys,
Mésouen77, ung en chascun moys,
Puisque si fertille78 vous estes.
Je seroys bien à mes unettes79.
O ! attendez : ung, deux, troys…
135 C’en seroit, à ce que je croys,
Trois en trois moys ; chascun an, douze.
Et ! la forte fièvre m’espouse
(Si80, seray deux foys maryé)
Si j’en fais rien. C’est bien chié !
140 Ce seroit, au bout de six81 ans,
Tout droit .LX. douze enfans.
Et ! le gibet82 séroit83 fournir
À les eslever et nourrir84.
Tant avoir d’enfans, par sainct Pierre !
145 Je vous rendray à vostre père :
Je ne veux plus de femme au pris85.
LA FEMME
Qu’esse ce cy ? Comme il vous est pris
Soubdainement ! Ce est-ce par jeu ?
JOLYET
Par la foy que je doy à Dieu !
150 Je n’auray femme de la sorte,
Qui, chascun an, douze enfans porte.
Rien, rien ! Il souffiroit bien d’ung.
Il n’en fut parlé mot aucun,
Quant je vous prins en mariage.
LA FEMME
155 Ennément86, vous n’estes point saige.
Cuydez-vous que doresnavant,
Par chascun moys, j’en aye autant ?
JOLYET
Et que sçay-je, moy ? Peult bien estre.
Parquoy je ne veulx pas [me mettre]87
160 En ce danger. Venez-vous-en88.
Par ma foy ! j’en seray exemp89.
Diligentez-vous, c’est trop mis90.
Je vous rendray à voz amys ;
C’est le mieulx, comme je supose.
LA FEMME
165 Haro ! que vous faictes de glose91 !
Et bien, bien, je seray ouÿe92.
JOLYET
Dea, dea ! Se vous estiez truye
Et vous eussiez deux cens cochons
Chascun moys par93 telles façons,
170 Et vous les puissiez tous nourrir,
Se vous debviez céans pourrir,
Je ne vous mett(e)roys pas dehors,
Pource (par l’âme de mon corps)
Qu’on vent cochons gros et menuz.
175 Mès des enfans, on n’en vend nulz ;
Ilz ne font que couster à père.
LA FEMME
Regardez, [ne] sçav’ous94 mieulx faire ?
Attendez, je vous diray bien
Comment c’est.
JOLYET
Je n’en feray rien.
180 Somme, je vous remèneray.
.
Hay ! Mon père95, mon père ! Hay ! SCÈNE III
Respondez-vous point ? Que de peine !
LE PÈRE 96
Qu’est-ce que j’oy ? Et ! je ne sçay.97
JOLYET
Hay ! Mon père, mon père ! Hay !
185 C’est Jolyet, regardez-moy,
Et vostre fille que j’amaine.
Hay ! Mon père, mon père ! Hay !
Respondez-vous point ? Que de peine !
LA FEMME 98
Dés99 bonsoir, dés !
[LE PÈRE]
Et bonne estraine !
190 Ay ! Jolyet, et puis, comment100 ?
JOLYET
Ainsi qu’ainsi101, ou aultrement.
Je viens vers vous faire ma plaincte.
LE PÈRE
De quoy ?
JOLYET
Vostre fille qui est enceinte ;
[V]a catonner102 ce premier moys.
LE PÈRE
195 Dieu [en] soit loué ! Toutesfoys,
N’est-ce pas bon commencement ?
JOLYET
C’est le grant gibet ! Et, comment ?
Par sainct Pol, je n’en feray rien !
S’elle continue, comptez bien :
200 Chascun an, douze enfans de rante ;
En deux ans et demy, les trente.
Et cujus casus103, tout cela ?
Vous sçavez bien qu’on n’en parla
[Ja]mais, en faisant le marché104.
LE PÈRE
205 Ha ! [en rien ne]105 seray chargé
Du discord.
JOLYET
Comment ? Voicy raige !
Je n[’ay] eu d’elle, en mariage106,
Que six-vingz soubz107 en une bource,
Ung rebéquet et une loure108,
210 Ung bassin, ung pot, une poille109,
Et… comment esse qu’on apelle
Ung auge à paistrir110 ? Dieu devant111 !
Tout cela ne valoit pas tant112
Comme les béguins pourroient couster.
LA FEMME
215 Me voulez-vous point escouter ?
Au moins, que j’aye ma parlée113 !
JOLYET
Non, vous estes trop affolée114.
Je ne vueil plus de vostre corps.
LE PÈRE
Je n’entens rien à voz discordz.
220 El(le) n’aura pas plus tost enfant
Que neuf moys115. Que parlez-vous tant ?
[Attendez que]116 vienne le bien.
JOLYET
Sainct Jehan ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
Voire, [et] à qui seroit-il doncques ?
225 Vous sçavez que je n’aymay oncques
Autre que vous, en bonne foy.
JOLYET
Ha ! vrayement, il est donc à moy.
LE PÈRE
C’est mon, mais que [vous l’ayez]117 faict
Et qu’i[l] vienne au terme, en effect,
230 Acoustumé118, comme je tien.
JOLYET
Sainct Jehan ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
Point à vous ? Qu’est-ce que vous [dites ?
Rapelez-vous ce que vous] feistes,
La première nuyt, en… Et quoy !
JOLYET
235 Ha ! vrayement, il est donc à moy.
LE PÈRE
À cecy je ne sçay qu’entendre.
Nul homme ne me sçauroit aprendre
Qu’elle ait enfant si tost. Rien, rien !
JOLYET
Corbieu ! il n’est donc[ques] pas mien.
LA FEMME
240 Sauf vostre honneur, je119 ne le donne
Vrayement à nulle autre personne.
Agardez, vous sçavez bien poy120.
JOLYET
Ha ! vrayement, il est donc à moy ;
Puisque vous jurez vostre foy,
245 C’est bien rayson qu’il me demeure.
Mais coupons la broche121, à ceste heure :
Qui122 l’a faict, si n’en face plus !
[LA FEMME] 123
Et ! voulez rire124 ?
JOLYET
Je concludz,
Item, premièrement, en somme,
250 Que je ne seray plus vostre homme,
Ne vous, plus nostre mesnagère125 :
Vous estes [trop] grande hébergère126,
D’avoir tous les ans douze enfans.
J’aymeroye mieulx de estre [céans
255 Sans]127 femme, le temps advenir.
Pour ce, je n’y sçauroye fornir :
Ilz mengeroyent trop largement.
LA FEMME
Et ! allez, allez ! Voirement,
Qu’estes-vous sot, Dieu vous bénye !
260 Cuydez-vous que je ne soye mye,
L’autre foys, de meilleure attente128 ?
Se g’y renche[oi]z129, je suis contente
Que vous me tencez.
LE PÈRE
Autrement
Nous ferons cest apointement,
265 Mon filz130 Jolyet, par ainsi
Que vous nourrirez cestuy-cy131.
Mais s’elle en a ne deux ne troys
Plus que [de] dix moys en dix moys,
Du moins se132 je puis avoir temps,
270 Je me submetz, à mes despens,
Les nourrir et pren[dre] la charge.
JOLYET
Sainct Pierre ! [vers vous]133 m’en descharge.
Mais vélà, s’elle en a plus tost
Que dix moys, entendez ce mot,
275 Vous me promettez [de] les prendre ?
[LE PÈRE] 134
Ainsi le devez[-vous] entendre.
JOLYET
Que j’en aye donc[ques] la cédulle135.
LE PÈRE
En parchemin –affin qu’el(le) dure
Plus longuement– il [l’]y fault mettre.
JOLYET
280 [Çà donc, j’en auray belle lettre136]
Pour ung enfant, ne plus ne moins.
[LA FEMME] 137
Or, allez par escript le mettre.
JOLYET
Çà donc, [j’en auray belle lettre].
LA FEMME 138
Ha ! que vous estes ung fin maistre !
LE PÈRE
285 Entreprenez-vous139 par les mains.
JOLYET
Çà donc, j’en auray belle lettre
Pour ung enfant, ne plus ne moins.
Je m’en voys chercher des parrains.
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Affin que trop ne vous ennuye,
290 Adieu toute la compaignie !
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FINIS
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1 Au XVIIe siècle, le Rouennais Gaultier-Garguille la mettra à son répertoire. 2 Il est chez lui, et se prélasse dans un fauteuil, sans rien faire. 3 BM ajoute : &c. (etc.) Or, seul le premier vers de cette chanson est chanté, puisque Joliet y répond immédiatement. La chanson était assez connue pour que le public supplée de lui-même le second vers : « Jolyet est marié/ À la fille d’un abbé. » Plus tard, on écrira sur cette musique un Noël édifiant : « Joseph est bien marié/ À la fille de Jessé. » 4 Particule de réaffirmation : Je le suis bien (marié) ! Les éditeurs modernes ont tort de mettre la virgule avant « mon ». « –Il est plus grand clerq que vous deulx,/ Mydieulx ! –Se suys mon, se suys mon ! » Le Maistre d’escolle. 5 Je saurai combien gagnent les serviteurs. Accédant au statut d’homme marié, Joliet a bien l’intention de se faire servir. 6 Ne veulent pas se marier. 7 Cette incise s’adresse aux hommes du public, qui ne doivent pas être convaincus par cette apologie du mariage. 8 Me détacher du lien conjugal. 9 Ce refrain d’une chanson inconnue, avec sa ritournelle finale, ressemble à : « Fleur de gaicté, donez-moy joye, et hoye ! » (Ms. de Bayeux.) 10 BM : sen (Voilà qui est fait. Litt. : les foins sont coupés et mis à sécher. « Il en est féné et fauché. » L’Omme pécheur.) 11 BM : enfuclufe (Rendu fou furieux. C’est un mot normand. « –Par bieu, je suys furelufé !/ –Et, comment ? Qui t’a eschauffé ? » Farce normande du Sourd, son Varlet et l’Yverongne.) 12 BM : poiel (Ma future et son père m’ont longtemps bassiné pour que je l’épouse.) 13 Un merdeux. 14 BM : car ie suis (Grâce au mariage, Joliet quitte les servitudes de l’enfance et acquiert les mêmes libertés que les adultes.) 15 BM : Et (Je peux chaque fois.) 16 Me servir moi-même. 17 Chez moi. Je reconstitue entre [ ] la plupart des vers perdus. 18 Elle revient de chez son amant. Elle a un ventre énorme. 19 Comment allez-vous. 20 BM : me (Que je m’inquiète pour vous.) 21 Je vous souhaite une bonne fortune. Idem vers 189. Cf. le Testament Pathelin, vers 212. 22 Votre sexe. « Ma belle se repose/ À l’ombre du buisson./ Moy, j’embroche son chose/ De mon roide poinçon. » (Chansons folastres.) Joliet assoit sa femme sur ses genoux, et la pelote. 23 Votre sexe n’est-il plus là où il était cette nuit ? 24 BM : lasche (« Les passereaux salaces et lubriques. » Godefroy.) 25 BM : voulente (« Ha ! ma femme, Dieu vous bénye !…./ Je vous ay fait grant villenie. » Frère Frappart.) 26 Allez-vous vous arrêter ? 27 De coït. Le bagage est l’action de se « baguer » le pénis. Cf. Frère Guillebert, vers 318. 28 Litote normande : « Sur mon âme ! » (Cf. le Vendeur de livres, vers 39.) Le vers 42 donne la variante « ménimes ». 29 Pour avoir un assaut sexuel (normandisme). Voir le vers 216 des Sotz nouveaulx farcéz, et le vers 145 de Tout-ménage. 30 Mon lapin. Ce mot désigne le sexe de la femme. 31 BM : nettes (Amiot = petit ami.) 32 Qu’une jeune pie. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 232. 33 Un peu de plaisir. « Espérant que bien tost il reverroit la Princesse, sa dame & maistresse, car il ne pouvoit recevoir un seul brin de joye. » Amadis de Gaule. 34 BM : viser (Ce 1er refrain du triolet est correct au vers 52, mais l’imprimeur l’a omis à 55.) Ne puis-je rien faire d’autre que de vous embrasser ? 35 Donnez-moi votre petite bouche. 36 Faire la chose, l’amour. « “Approche-toy, mignardelette (…),/ Pour mieux te chouser un petit.”/ À peine eut dit qu’elle s’aproche ;/ Et le bon Jaquet, qui l’embroche… » Ronsard. 37 La petite besogne : le coït. 38 BM : tatin (« A ! mon tétin, m’amour, ma rose,/ Te tînsai-ge à ma volonté ! » Le Poulier à sis personnages.) 39 Mot piquant. « Pour (décocher) ung brocart, ung motellet,/ Ung fatrin-fatras, je m’esjoie/ À larder quelque nouvellet. » Guillaume Coquillart. 40 Nous nous accouplerons. « La fille de l’hoste, n’estant point mariée, mais s’estant jouée avec quelc’un, accoucha d’une fille. » Henri Estienne. 41 Interjection douteuse : une rime en -veau serait plus juste. 42 Je ne suis pas. La phrase est affirmative, et non interrogative. 43 Cette forme archaïque de « veau » dénote que Joliet n’est qu’un paysan mal dégrossi. 44 Je veux dire. Cette formule d’autocorrection est un ressort comique très employé : voir le vers 170 de Colin filz de Thévot, le vers 339 de l’Avantureulx, etc. 45 Nouvellement, depuis peu. Mais le public devait comprendre que la chaste épouse avait déjà eu des enfants. 46 En mauvaise année, en malheur. « Que Dieu si te mecte en mal an ! » Le Prince et les deux Sotz. 47 St Amand de Maastricht, surnommé l’apôtre de la Flandre. À Rouen, une abbaye de femmes lui était consacrée. Si l’on en croit une autre farce normande, le Testament Pathelin, les nonnes de Saint-Amand plébiscitaient « le jeu/ Qui se faict à force d’eschines ». 48 Une première grossesse. Idem vers 113 et 196. 49 De moi. 50 Que le Pater Noster. Ce vers proverbial se lit notamment dans la Réformeresse et dans le Cousturier et le Badin. 51 Une féerie, un miracle. 52 Sceller, officialiser. 53 Que nous sommes mariés. 54 Dans le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies, un autre mari fait ses comptes : « Accouchée vous voy./ Treize mois sont, je l’apperçoy,/ Qu’avecques vous je n’ay couché…./ Et si [pourtant], dès la première année/ Qu’avec moy feustes mariée,/ Vous geustes [vous accouchâtes] au bout de six mois. » 55 Le cours de la lune influait sur les grossesses comme il influait sur les règles, sur la conception, et sur le sexe du futur bambin. 56 BM : attendu (Rime du même au même et vers trop court.) J’ai entendu dire. 57 BM : cest (Il faut sept mois au strict minimum.) 58 Bouleversé. Idem vers 217. 59 « Suis-je bien si habile ? » Sohier (v. notice). Joliet se vante encore d’être un bon ouvrier aux vers 101 et 106. 60 BM : Sainct pierre (« Que bon gré sainct Pierre de Romme ! » Le Munyer. Voir le vers 126.) 61 BM : ou (Du poupon.) 62 Tant de temps. Idem vers 91. 63 Il est parfaitement formé. 64 C’est du génie, de ma part, d’avoir pu… 65 S’allongent. 66 Que le diable y ait part. Toussir = tousser, peut-être dans le sens argotique d’éjaculer : cf. Thierry Martin, Poésie homosexuelle en jobelin, p. 170. 67 BM : pain chair et pourceaulx (Ce vers et le suivant ne concernent que les nouveaux-nés.) Une panière est un grand panier à deux anses pour transporter les bébés. « Car la première journée,/ J’ay desjà fait un enfant./ Tous les jours un, à l’année/ Ce seroit plus de trois cens./ Las ! où trouveray-je un homme/ Pour faire tant de berceaux,/ Tant de langets et besongnes,/ Et aussi tant de drappeaux ? » Traistre, afin de m’abuser. 68 Des couches. « Nourrir leurs enfans sans les emmaillotter, ny lier de bandes ny de langes. » (Jacques Amyot.) Les béguins sont des bonnets pour les nourrissons (idem vers 214). Les drapeaux sont des langes. 69 Quand bien même je n’aurais pas un sou. L’expression normande exacte est : Ni friche, ni mie. « En fin me vlà ny sans friche ny mie. » La Muse normande. 70 Les Normands prononçaient (et écrivaient) « nourriche ». Cf. le Vendeur de livres, vers 24 et 192. 71 Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 347 des Coppieurs et Lardeurs. 72 Pourtant. 73 Qu’on m’ait joué quelque mauvais tour. Quand le bouffon Gonnelle avait le dessein « de faire quelque gentillesse, il considéroit le naturel de ceux à qui il vouloit bailler la baye [une mystification], & le plaisir qu’en pourroit recevoir son seigneur le Marquis ». François de Belleforest. 74 BM : fiansoit (Qui vous forçait à vous marier ?) 75 BM : pellier (St Pellier n’existe pas et rime mal.) 76 Mignon, quand j’étais encore célibataire. Cf. le Trocheur de maris, vers 168. 77 Désormais. 78 BM : subtille (Si fertile : le paysan Joliet compare sa femme à la terre qu’il laboure.) 79 En mauvaise posture. « Ore le grant dyable y ait part !/ Nous sommes bien à nos unètes. » ATILF. 80 Ainsi. Si la fièvre m’épouse comme vous m’avez épousé, je serai marié deux fois. 81 BM : dix (12 x 6 = 72. Les paysans normands avaient la réputation de savoir compter.) 82 Le diable, comme au vers 197. Cf. Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 22. 83 Saurait (normandisme : cf. la Pippée, vers 57 et 518). Seul le diable pourrait… 84 La 29ème des Cent Nouvelles nouvelles pourrait être un des modèles de notre farce : « Si ne saroye-je fournir ce que m’est apparent d’avoir à entretenir. Véez cy : pour un pouvre coup que j’ay accollée ma femme, elle m’a fait ung enfant. Or regardez, si à chacune foiz que je recommenceray elle en fait autant, de quoy je pourray nourrir le mesnage. » 85 À ce prix. 86 Vraiment. Sur ce juron réservé aux femmes, voir la note 79 de Tout-ménage. 87 BM : estre (Rime du même au même et vers trop court.) « Et ! qui t’a mys en ce danger ? » Mahuet. 88 Venez avec moi. 89 Exempt, dispensé. 90 Dépêchez-vous de me suivre, vous mettez trop de temps. Joliet traîne sa femme jusqu’à la maison de son beau-père. 91 BM : choses (De bavardages.) 92 Vous écouterez ce que j’ai à dire. La femme essaie encore de se faire entendre aux vers 178 et 215-216. 93 BM : pour (De cette manière.) Le paysan Joliet choisit des comparaisons à son niveau. 94 Ne savez-vous (normandisme). 95 Mon beau-père. Joliet frappe à sa porte. 96 À travers la porte fermée. 97 BM distribue le second hémistiche à Joliet. La correction est d’André Tissier : Recueil de farces, t. IX, Droz, 1995, p. 59. 98 À son père, qui sort sur le pas de la porte. 99 (Que Dieu vous) doint, vous donne. C’est une parlure de basse extraction. Cf. la farce normande de Messire Jehan, vers 165 et 198. 100 Comment cela va-t-il ? La forme châtiée de cette locution figure au vers 25. 101 quensi (Tant bien que mal. « Estant vaincu, je ne puis rien perdre que la teste, que j’ay ainsi qu’ainsi, par mes forfaicts, engagée au Roi & à la justice. » Antoine Fleury.) 102 Elle va accoucher. « Chatonner » s’emploie pour les chats, que les fermiers installaient dans leurs granges et leurs greniers pour chasser les souris qui dévoraient les grains. « Catonner » a cours en Normandie et en Picardie. 103 BM : cuius (Cujus casus est un terme de droit qui signifie : sur quel fondement légal. « Veult-il faire son testament ?/ Demande-luy cujus casus. » Colin filz de Thévot.) Joliet conteste d’un point de vue juridique cette prolifération d’enfants qui n’était pas prévue au contrat. 104 En dressant le contrat de mariage. 105 BM : rien rien ie (Vous ne me mettrez pas cette discorde sur le dos.) 106 En dot. 107 Que 120 sous. 108 Un petit violon à trois cordes et une cornemuse. Cette dot composée de vieux rogatons anticipe la scène de l’Avare où un emprunteur se voit contraint d’accepter, entre autres vieilleries inutilisables, « un lut de Bologne garny de toutes ses cordes, ou peu s’en faut ». 109 Une poêle à frire. 110 Ce nom qui lui échappe est la « met », dans laquelle on pétrissait le pain avant d’aller le faire cuire au four du village ou chez un boulanger. « Une met à pestrir. » (J. Amyot.) Voir le Glossaire du patois normand, de Du Bois. 111 Que Dieu m’assiste ! Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 17 et 230. 112 BM : autant 113 Mon tour de parole (normandisme). Cf. le Bateleur, vers 127. 114 Émue. Cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 256. 115 Avant 9 mois. Le père, aussi peu observateur que son gendre, vient de marier sa fille sans se rendre compte qu’elle était enceinte de 8 mois. Sinon, il n’insisterait pas sur la durée normale d’une grossesse comme il le fait. Quand il devinera la situation, il prendra le parti de sa fille. 116 BM : Entendez bien (Attendez que les choses se fassent d’elles-mêmes.) 117 BM : lauez (C’est mon avis, à condition que vous l’ayez fait.) 118 Au terme normal de 9 mois. 119 BM : et (Je n’attribue cet enfant.) L’expression « sauf votre honneur » est particulièrement bien choisie. 120 Voyez (normandisme), vous savez bien peu en matière de médecine. 121 Finissons ce débat. Cf. Marchebeau et Galop, vers 289. Mais aussi : Coupons la broche virile de celui qui vous a mise enceinte. « Faictes vostre broche endurcir ! » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 122 Que celui qui. 123 BM : Le pere (Au-dessous, Joliet répond à sa femme.) 124 BM : dire (Vous plaisantez !) 125 Ma maîtresse de maison. 126 Hébergeuse d’enfants. 127 BM : sans / De 128 Croyez-vous qu’une prochaine fois, je ne sache pas attendre 9 mois ? 129 Renchoir = choir à nouveau, retomber dans le même travers. 130 Mon beau-fils. Par ainsi = à la condition. 131 Celui-ci : cet enfant. 132 BM : que (Si je peux vivre assez longtemps.) 133 BM : ie (Je m’en remets à vous. « Toutesfois, vers vous m’en descharge. » ATILF.) 134 BM : La femme 135 Un contrat. 136 Une preuve écrite. Ce 1er refrain du triolet, omis par l’éditeur, est intact au vers 286, et tronqué à 283. 137 BM : Le pere (La femme s’adresse à son père : Joliet sait compter, mais sûrement pas écrire.) 138 On se demande si elle félicite son père ou son mari. 139 Prenez-vous.
SŒUR FESSUE
*
SŒUR FESSUE
*
Dans la première moitié du XVIe siècle, un auteur de farces eut l’idée de combiner deux histoires connues : celle d’une nonne trop discrète, et celle d’une abbesse trop pressée. La nonne est enceinte, mais l’abbesse aurait pu l’être aussi. On connaît d’ailleurs plusieurs versions scéniques d’un Miracle de l’abbesse grosse, où une mère supérieure, enceinte de son clerc, obtient de la Vierge Marie un accouchement indolore et discret, contrairement à celui des honnêtes femmes ; la Vierge confie le bébé à un ermite, et comme bon sang ne saurait mentir, elle en fera bientôt un évêque.
La pièce est résolument comique, mais on voit affleurer cette nostalgie du monde qui aigrissait des religieuses dont la plupart étaient cloîtrées malgré elles. La religieuse des Mal contentes exhale quelques jolis soupirs aux vers 424-429.
Source : Manuscrit La Vallière 1, nº 38.
Structure : Rimes plates, truffées d’adjonctions apocryphes que j’ai barrées.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Farce nouvelle
à cinq personnages
C’est assavoir :
L’ABEESSE
SEUR DE BON-CŒUR
SEUR ESPLOURÉE
SEUR SAFRÈTE 2
SEUR FESSUE
*
SEUR ESPLOURÉE commence SCÈNE I
Seur de Bon-cœur, je suys perdue,
Et me treuve tant esperdue
Que plus n’en puys !
[SEUR DE BON-CŒUR] 3
Qu’esse, ma seur ?
Quel nouvèle av’ous entendue ?
5 Quoy ! vous estes-vous estendue
Sur l’erbe, atendant la doulceur4 ?
SEUR ESPLOURÉE
Nénin.
SEUR DE BON-CŒUR
Rendez mon esprit seur5.
SEUR ESPLOURÉE
Je ne le diray poinct.
SEUR DE BON-CŒUR
Hélas !
Donner je vous pouroys soulas,
10 Et vous garder de desplaisir.
Dictes-le-moy tout [à] loysir :
À ses amys, rien ne se celle.
SEUR ESPLOURÉE
A ! ma mye…
SEUR DE BON-CŒUR
Prenez une selle6.
Vous estes bien fort couroucée.
15 Déclarez-moy vostre pencée :
Qu’avez-vous ?
SEUR ESPLOURÉE
Rien.
SEUR DE BON-CŒUR
À brief parler,
Dictes-moy et [ne] mentez poinct.
Vous estes-vous laissée aler7,
Que8 vous tourmentez en ce poinct ?
20 Dictes !
SEUR ESPLOURÉE
Je ne le diray poinct.
Agardez, l’honneur en despent.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est mal chanté son contrepoinct ;
L’honneur sy près du cul ne pent.
SEUR ESPLOURÉE
Sy vous avez hapé le roide9,
25 Agardez, il n’y a remède :
Nostre abesse en faict bien autant !
SEUR DE BON-CŒUR
Par ma foy ! mon cœur se repent
Qu’i fault que j’en oye parler tant.
SEUR ESPLOURÉE
Je vous veuil dire tout contant
30 Que c’est que céans il y a :
Vous congnoyssez bien seur Fessue ?
Frère Roydimet l’a déseue10
Et gastée11.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
SEUR ESPLOURÉE
Elle est deigà grosse et ensaincte.
35 Sceur, ouez12, dea ! ce n’est pas faincte :
Nous sommes toutes à quia13
Par son faict.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
Et ! Jésus ! Et ! je l’ay tant faict,
Et à mon plaisir satisfaict
40 Sans estre grosse !
SEUR ESPLOURÉE
Hélas, mon Dieu !
Aussy l’ai-ge faict en mainct lieu,
Comme elle.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
Que j’en ay au cœur de détresse
Et de douleur !
SEUR SAFRÈTE SCÈNE II
Et ! qu’esse ? qu’esse ?
45 Que j’entende vostre débat !
Comptez-moy, par forme d’esbat,
Ce que maintenant vous disiez.
SEUR ESPLOURÉE
Ce n’est rien, non.
SEUR SAFRÈTE
Vous devisiez
D’amour, en ce lieu, en commun ?
50 Mais c’est tout un, ouy, c’est tout un :
Je n’en fais pas moins, en tout temps,
Que les bonnes seurs de céans.
Dictes hardiment !
SEUR DE BON-CŒUR
On le sçayt bien
Que toutes on n’espargnons rien
55 Du nostre ; mais tel pissendalle14
Sera cause d’un grand scandalle
Dont nous serons désonor[é]es15.
SEUR SAFRÈTE
Vous me semblez fort esplour[é]es :
Quelle chose av’ous aperceue ?
60 Qui a failly ?
SEUR ESPLOURÉE et SEUR DE BON-CŒUR
ensemble disent :
C’est sceur Fessue
Qui a faict…
SEUR SAFRÈTE
Quoy ?
SEUR DE BON-CŒUR
Nous n’osons dire.
SEUR SAFRÈTE
Dictes, sy ce n’est que pour rire.
SEUR ESPLOURÉE
Rire ? Hélas ! Mais j’en pleure et plains,
Et de larmes sont mes yeulx plains,
65 Pour la douleur que j’ey conceue.
SEUR SAFRÈTE
Qui cause cela ?
SEUR DE BON-CŒUR et SEUR ESPLOURÉE
ensemble disent :
Seur Fessue.
SEUR ESPLOURÉE
Dormir je n’en peulx nuict ne jour ;
Je n’ay ne repos, ne séjour,
Ains de douleur je tremble et sue.
SEUR SAFRÈTE
70 Qui vous faict ce mal ?
SEUR DE BON-CŒUR et SEUR ESPLOURÉE
ensemble disent :
Sceur Fessue,
Qui a faict…
SEUR SAFRÈTE
Ouy, mectre à genoulx16
Quelque un ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict comme nous ;
Mais le pire, c’est qu’el est grosse.
SEUR SAFRÈTE
Grosse ? Jésuchrist ! quel endosse17 !
75 Esbahy[e] suys qu’on le permect.
Mais déclarez-nous, je vous prye,
Sans que son honneur on descrye,
Qui l’a faict ?
SEUR ESPLOURÉE
Frère Rèdymet.
SEUR SAFRÈTE
Hélas ! el est déshonorée.
80 Et ! Vierge Marie honorée !
Où la pourons-nous [bien] cacher,
Le jour qu’el poura acoucher ?
SEUR DE BON-CŒUR
Je ne sçay.
SEUR ESPLOURÉE
J’ey bien descouvert
Aultre foys, qu’el estoyt joyeuse,
85 Et qu’el avoyt l’engin18 trop ouvert
Pour estre faicte religieuse.
SEUR SAFRÈTE
Elle est plaisante et amoureuse.
Long temps il y a qu’el aymoyt.
SEUR ESPLOURÉE
Qui, ma sœur ?
SEUR SAFRÈTE
Frère Rèdymet,
90 Rouge comme un beau chérubin19.
Un jour, avec frère Lubin20,
In caméra charitatis 21,
Tout doulcement je m’esbatis ;
Mais il [n’est sy]22 fort compaignable.
SEUR DE BON-CŒUR
95 Il est tant doulx et amyable,
Sœur Safrète, quant y s’y mect !
SEUR ESPLOURÉE
Ouy, le bon frère Rèdymet,
Quant il a la « teste » dressée
Et que de luy suys embrassée,
100 Ma leçon23 bien tost se comprent.
SEUR DE BON-CŒUR
A ! jamais il ne me reprent24.
Nous vivons no[u]z deulx comme amys :
Aussy mon cœur luy ay promys.
Bon Amour25 ainsy le permect.
SEUR ESPLOURÉE
105 Quant au bon frère Rèdymet,
Je le congnoy digne d’aymer.
Mais afin de n’estre à blasmer,
Pour faindre estre de saincte vye,
Je veuil déclarer par envye26
110 À nostre abesse (ce n’est faincte)
Comme sœur Fessue est ensaincte.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est bien faict.
SEUR SAFRÈTE
C’est bien faict, ma sœur.
Nostre bon père confesseur
En orra27 le miséréré.
SEUR DE BON-CŒUR
115 Je vouldroys qu’i28 fust enserré
En ma chambre, pour sa prison.
SEUR SAFRÈTE
Sainct Pierre ! vous avez rayson :
D’amour, aparence il y a
En vos dictz.
SEUR ESPLOURÉE,
allant à l’abeesse pour parler à elle :
Avé Maria ! SCÈNE III
L’ABEESSE
120 Gratia pléna 29 ! Qu’avez-vous,
Qui vous amène devers nous30 ?
SEUR ESPLOURÉE
Sans cause je [ne] vous viens voyr31.
L’ABEESSE
Certes, j’estoys en ce parloyr,
En saincte… contemplation
125 Des mos d’édiffication32,
Atendant l’heure du… menger33.
SEUR ESPLOURÉE
Sy Mort m’estoyt venue charger,
Hélas ! je seroys bien heureuse.
L’ABEESSE
Et ! qu’esse ? Estes-vous amoureuse ?
130 Regrétez-vous encor le monde ?
SEUR ESPLOURÉE
Nénin, non.
L’ABEESSE
Céans, il habonde
Autant de plaisir[s] savoureulx
Comme au monde. Et qu’il ne soyt ainsy,
[De]dens ceste maison icy,
135 Povez avoir un amoureulx.
SEUR ESPLOURÉE
Hélas ! mon cœur trop douloureulx
Ne peult oultrer34. D’effort j’en sue.
L’ABEESSE
Et ! qu’esse, ma mye ?
SEUR ESPLOURÉE
Seur Fessue,
Qui a faict…
L’ABEESSE
Vous dict-elle injure ?
140 Croyez-moy, par Dieu ! sy j’en jure,
Elle en sera incarsérée.
Comment ! faict-el la reserrée35 ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict…
L’ABEESSE
Je n’y entens rien en effaict.
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict…
L’ABEESSE
Et quoy ?
SEUR ESPLOURÉE
F[r]icatorès 36.
L’ABEESSE
145 Ô le grosson peccatorès 37 !
Per Dieu38, [elle] habuyct grandos
Punitionnès 39 sur le dos !
Qui l’eust pencé ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle [l’]a faict,
Et a son péché satisfaict,
150 Car elle est grosse.
L’ABEESSE
Ô la laide !
Il y convient mectre remède.
Mais à qui a-elle adonné
Son corps ?
SEUR ESPLOURÉE
[El l’a]40 habandonné
À frère Rèdymet, le moynne,
155 Il y a long temps.
L’ABEESSE
Que de peine41 !
Tenamus chapitrum totus ! 42
Sonnaté 43 clochétas bien totus !
Qu’el véniat 44 !
.
.
SEUR DE BON-CŒUR SCÈNE IV
Sus ! entre nous,
Y nous convient mectre à genoulx45,
160 À ce chapitre.
SEUR SAFRÈTE
C’est bien dict ;
Je n’y mectray nul contredict.
L’ABEESSE
Or, chantez !
SEUR ESPLOURÉE
Bénédicité ! O lieu de le dire, y chantent 46 :
Voz « huys » sont-il tous fermés ?
Fillètes, vous dormez.47
165 Quant pour vous sont consumméz48
Dormez-vous,
(Fillètes, fillètes vous dormez)
[Mes sens d’amour]49 enflamés,
Dormez-vous, fillètes ?
Fillètes, vous dormez.50
SEUR FESSUE entre SCÈNE V
170 A ! j’éray quelque advercité ;
Je crains fort le punis[s]antés 51.
L’ABEESSE
Vénité, et aprochantez !
Madamus, agenouillaré,
Quia vo[u]z fécit mouillaré
175 Le boudin52 : il est bon à voir !
SEUR DE BON-CŒUR
Vous avez laissé décepvoir
Vostre honneur, dont le nostre en souffre.
L’ABEESSE
Vous en sentirez feu et souffre
En Enfer ; et de vostre vye,
180 N’irez en bonne compaignye
Sans injure. Et ! comme a-ce esté
Qu’avez faict ceste lascheté ?
Vous en souffrirez le trespas !
SEUR FESSUE
A ! mon Dieu, vous ne voyez pas
185 Ce qui vous pent devant les yeulx ?
L’ABEESSE
Mon cœur ne fust onc curieulx
D’estre d’honneur tant descouverte53.
SEUR FESSUE
Hélas ! vostre veue est couverte,
Dont vostre grand faulte despent :
190 Ce que devant les yeulx vous pent
N’est pas de tous en congnoissance54.
L’ABEESSE
Puys que sur vous j’ey la puissence,
Je vous pugniray bien à poinct.
SEUR FESSUE
A ! mon Dieu, vous ne voyez poinct
195 Ce qui est devant vostre veue ?
J’ey failly comme despourveue
De sens, dont coupable me sens.
Mais…
L’ABESSE
Quel mais ?
SEUR FESSUE
Il en est cinq cens
Qui n’en ont causé nul55 esmoy ;
200 Et sy56, ne font pas mieulx que moy.
L’ABEESSE
[Encore vous]57 levez la teste ?
Vous estes une faulse58 beste,
Et avez grandement erré.
SEUR ESPLOURÉE
Y luy fault le Miséréré,
205 Pour la faulte qui est yssue59.
SEUR FESSUE
Et ! pardonnez à sœur Fessue !
SEUR SAFRÈTE
Y luy fault donner telle peine
Que de douleur soyt toute plaine,
Puysqu’on la void ainsy déceue.
SEUR FESSUE
210 Et ! pardonnez à seur Fessue,
Pour cela qu’el a entour60 elle.
SEUR ESPLOURÉE
Vrayment, el a juste querelle61 :
Y ne fault pas son fruict62 gaster.
SEUR FESSUE
Qui vous eust voulu trop63 haster,
215 Lors qu’estiez ainsy comme moy,
En plus grand douleur et esmoy
Eussiez esté que je ne suys.
L’ABEESSE
Demeurez ! Plus oultre poursuys64 :
Qui vous a ainsy oultragée ?
220 Vous estes grosse, et tant chergée65
Que plus n’en povez.
SEUR FESSUE
A ! ma dame,
Frère Rèdymet faict ce blasme
En mainte religion66 bonne.
Mais je vous pry qu’on me pardonne.
L’ABEESSE
225 Où fusse ?
SEUR FESSUE
[De]dens le dorteur67,
À ma chambre, près le monteur68.
Ici tant enquérir ne s’en fault69…
SEUR DE BON-CŒUR
Et que ne criez-vous bien hault ?
SEUR FESSUE
Crier ? Je ne sçay qui en crye70.
SEUR SAFRÈTE
230 Comment ! voécy grand moquerye !
Nostre abeesse en sera blasmée.
SEUR FESSUE
Comment, crier ? J’estoys pasmée.
Et puys en nostre reigle est dict
(Où je n’ay faict nul contredict)
235 Qu’au dorteur on garde silence.
Et sy j’eusse faict insolence,
Bruict ou tumulte, ou quelque plaincte,
C’estoyt, contre nostre Ordre, faincte71.
Voyélà pourquoy n’osay mot dire.
SEUR ESPLOURÉE
240 Vouélà bonne excuse pour rire !
SEUR DE BON-CŒUR
Très bien le silence el garda…
L’ABEESSE
Mais escoustez : qui vous garda
De faire signe pour secours ?
On y fust alé le grand cours72,
245 Et n’ussiez receu tel acul73.
SEUR FESSUE
Las ! je faisoys signe du cul,
Mais nul(e) ne me vint secourir74.
SEUR SAFRÈTE
Je n’eusse eu garde d’y courir.
SEUR ESPLOURÉE
Signe du cul ?
SEUR SAFRÈTE
Il est possible :
250 Frère Rèdymet est terrible ;
Et n’eust sceu ceste povre ânière75
Faire signe d’aultre manière.
SEUR ESPLOURÉE
C’est le signe d’un tel mestier76…
L’ABEESSE
Mais il y a un an entier
255 Qu’el est grosse77 ; et ! n’eust-elle sceu
Nous dire qu’el avoyt conceu ?
SEUR FESSUE
Dire ? Hélas !
SEUR DE BON-CŒUR
Ouy, dire, ouy, dire.
SEUR FESSUE
J’ey bien cause d’y contredire.
SEUR SAFRÈTE
Et comment ?
SEUR FESSUE
Hélas ! quant j’eu failly,
260 Mon cœur alors fut assailly
De repentance et de grand peur
Que l’Ennemy78, qui est trompeur,
Ne m’enportast pour telle faulte.
Demanday à la bonté haulte79
265 Pardon, lequel aulx bons permect.
Et au bon frère Rèdymect
Je demanday confession ;
Lequel, à l’asolution80,
Lors que bien il me descharga81,
270 Absolutement m’encharga
De ne dire ce qu’avions faict
No[u]z deulx, ce que j’ey bien parfaict
Pour craincte de dannation :
Car dire sa confession
275 Et dire le secrect du prestre,
C’est assez pour à jamais estre
Danné avec les obstinés82.
SEUR ESPLOURÉE
Certes, nous voélà bien menés !
Ses excuses sont suffisantes.
L’ABEESSE
280 Punye en serez, je me vantes.
Ô la [grand] faulte ! ô le grand blasme !
SEUR FESSUE
Hélas ! je vous suply, ma dame :
Ne regardez tant mon péché,
Que le vostre (qui est caché)
285 Ne considérez83.
L’ABEESSE
Ha ! rusée,
Suys-je de toy scandalisée84 ?
SEUR FESSUE
On veoyt à l’œuil d’aultruy tout oultre
Un petit festu odieulx,
Mais on ne veoyt poinct une poultre
290 Qu’on a souvent devant les yeulx85…
L’ABEESSE
Ma renommée se porte mieulx
Que la tienne.
SEUR FESSUE
Ne jugez poinct86 !
Les jugemens sont odieulx
Au Seigneur, qui est dieu des dyeulx.
295 Vous le sçavez de poinct en poinct.
Paul87, glorieulx apostre sainct,
Dict que celuy n’aura refuge
D’excuse, qui sera tasché ;
Et que luy-mesme il se juge
300 S’il est subject à tel péché.
L’ABEESSE
Voyélà suffisamment presché !88
Suys-je comme toy, dy, meschante ?
Par Celle-là de qui on chante89 !
Je te feray bien repentir.
SEUR SAFRÈTE
305 Elle se poura convertir,
Ma dame : ce sera le myeulx.
SEUR FESSUE
Ce qui vous pent devant les yeulx,
Qui faict vostre faulte congnoistre,
Nous démonstre qu’i ne peult estre
310 Que vous ne fassiez de beaulx jeux90.
L’ABEESSE
Ce qui me pent devant les yeux ?
Avé Maria ! qu’esse-cy ?
Vous m’avez trop hastée, aussy :
De venir, j’estoys empeschée.
315 Et ! mon Dieu, que je suys faschée !
SEUR ESPLOURÉE
Croyez, sy les loix ne sont faulces,
Que c’est icy un hault-de-chaulces.
L’ABEESSE
Avé Maria ! Saincte Dame !
Je ne suys moins digne de blasme
320 Que sœur Fessue.
SEUR DE BON-CŒUR
Sont-il d’usance91,
Hault-de-chaulses ?
L’ABEESSE
J’ey desplaisance
De mon faict.
SEUR SAFRÈTE
Et ! Dieu, quel outil !
Les abeesses en portent-il,
Maintenant ? J’en suys en soucy92.
SEUR ESPLOURÉE
325 Un hault-de-chaulses !
SEUR DE BON-CŒUR
Qu’esse-cy ?
L’ABEESSE
Et ! n’en parlons plus.
SEUR SAFRÈTE
C’est pour rire ?
A ! vous ne debvez escondire
Seur Fessue d’absolution.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est bien nouvelle invention,
330 Porter des chaulces sur la teste.
L’ABEESSE
On en puisse avoir male feste !
SEUR SAFRÈTE
Or sus, sus ! chantons-en93 d’une aultre.
On dict bien c’un barbier raid94 l’aultre,
Et q’une main l’autre suporte95.
335 Y convient faire en ceste sorte :
Donnez-luy l’asolution.
SEUR ESPLOURÉE
Voeylà très bonne invention.
Vous estes à noz96 audinos.
L’ABEESSE
Tu fessisti sicut et nos 97 ;
340 Parquoy absolvo te gratis
In pécata 98. Nunc dimitis
[In cor bonnum]99, comme au passé100.
Plus oultre, vadé in passé 101 !
SEUR FESSUE
Gratias ! Me voeylà garie.
345 Je n’ay cause d’estre marie102.
SEUR ESPLOURÉE SCÈNE VI
Conclusion : Je trouve erreur caché
Que cestuy-là veult un péché reprendre,
Duquel il est taché et empesché,
Et par lequel en fin on le peult prendre.
350 Vous le pouvoez en ce lieu-cy comprendre.
La faulte en est à vo[u]z deulx aperceue,
Tesmoing l’abeesse aveques seur Fessue. 103
En prenant congé de ce lieu,
Unne chanson pour dire « à Dieu » !
FINIS
*
1 Dans ce même manuscrit, la Mère de ville (composée dans les années 1530) fait dire au Garde-cul : « Il ne fault c’une seur Fessue/ Ayant vouloir d’estre pansue. » 2 Lascive. 3 LV : la IIe seur esplouree (Je rétablis le nom des trois sœurs ; LV les numérote : la p[remiere], la IIe, la IIIe.) 4 Au 1° degré, la sœur demande à Éplorée si elle a pris froid. Au 2° degré, douceur se réfère au membre viril : « Quant elle eut la doulceur sentie/ De ce doulx membre qui fut roys [roide]. » Parnasse satyrique du XVe siècle. 5 Sûr : éclairez mon esprit. 6 Un siège. 7 Avez-vous fauté ? 8 LV : qui 9 Le raide, le phallus. V. note 10. 10 Déçue, abusée. « Raide y met » est un calembour latin : « Quel verset des Pseaumes aiment mieux les femmes ? C’est (…) Et ipse redimet, c’est-à-dire, Rède y met, ou roide y met. » Tabourot. 11 Engrossée. 12 LV : oues (Ouez = oyez, écoutez.) 13 En mauvaise posture. 14 Pisser sur les dalles d’un cimetière est un sacrilège : « Qu’on me brusle ce savetier :/ Il a pissé au cymitière ! » Clément Marot. 15 J’ai féminisé le masculin ici, à 58, et à 75 ; mais je n’ai pas touché à l’effarant Madamus de 173. Les cinq rôles de femmes étaient tenus par des hommes. Je signale que deux rôles féminins sont tenus par des messieurs dans la réjouissante interprétation de Sœur Fessue qu’ont donné des étudiants diplômés et des professeurs de l’Université de Western Ontario, à London (Canada). 16 Pour coïter, l’amant se met à genoux sur le lit : cf. le Tesmoing, vers 332. On pourrait renforcer le comique de répétition des vers 61 et 144 en écrivant « Quoy ? » au lieu de « Ouy, ». 17 Fardeau. « Le maistre à son clerc persuade/ De donner “l’amoureuse aubade”/ À la pauvre pucelle grosse,/ Affin que le clerc eust l’andosse/ D’espouser la mère et l’enfant. » Pour le Cry de la Bazoche. 18 L’esprit ; mais aussi, le sexe. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 129 et 448. « D’un jeune sotouard, lequel ne sut trouver l’engin de sa femme la première nuit. » Les Joyeuses narrations. 19 « Sotz rouges comme chérubins. » (Monologue des Sotz joyeulx.) Mais on associe traditionnellement la couleur rouge au phallus : la Confession Margot <v. 89>, le Faulconnier de ville <v. 64 et note 22>. 20 Un des innombrables prototypes de moines paillards : « Pour desbaucher par un doulx style/ Quelque fille de bon maintien,/ Frère Lubin le fera bien. » Marot. 21 Dans la salle de charité, une pièce du couvent qu’on ouvrait lorsqu’il fallait nourrir des pèlerins. 22 LV : est bien (Lubin n’est pas aussi bon “compagnon” que Raidymet. « [Ils] ne sont pas si compaignables à boire & à manger. » Miroir de la navigation.) 23 Lecture d’un texte biblique. Double sens érotique : « L’un la fout en cul, l’autre en con./ Pour s’exercer en ce manège,/ Elle répète sa leçon/ Avecque le Sacré Collège. » Blot. 24 Il ne trouve rien à corriger lors de ma « leçon ». 25 La Bonne Amour, c’est l’amour courtois, d’après le Roman de la Rose, le Dit de la Rose, ou le Libro de buen amor de Juan Ruiz. Voilà un habillage bien romantique pour de vulgaires histoires de fesses et de Fessue ! Par pudeur, l’obscénité répondait au romantisme, comme ce croquis matérialiste dans la marge d’un manuscrit répond à l’enluminure officielle. 26 Les trois jalouses vont se venger de leur amant volage, et de sœur Fessue qui déshonore le couvent. 27 LV : aura (Orra = ouïra, entendra notre prière. Miserere mei = aie pitié de moi.) 28 Qu’il (frère Raidymet) soit incarcéré. On emprisonnait les religieux fautifs dans un cachot nommé in pace. Cf. vers 141. 29 « Je vous salue, Marie, pleine de grâce. » Contre toute attente, il s’agit là d’une farce mariale : vers 33, 37, 42, 80, 119, 303, 312, 318, 345. Notre fatiste avait lu le Miracle de l’abbesse grosse : voir ma notice. 30 Lapsus : elle était censée être seule dans sa cellule. 31 LV : voyer (Je ne viens pas vous voir sans raisons.) 32 Je lisais mon bréviaire. En fait, elle était au lit avec frère Raidymet (note 41). Dérangée par sœur Éplorée, elle a mis sur sa tête la culotte du frère au lieu de son voile. En s’appuyant sur Boccace, La Fontaine déplorera sa bévue dans le conte du Psautier : « Madame n’estoit/ En oraison, ny ne prenoit son somme :/ Trop bien alors dans son lit elle avoit/ Messire Jean, curé du voisinage…./ Elle se lève en haste, étourdiment,/ Cherche son voile, et malheureusement,/ Dessous sa main tombe du personnage/ Le haut-de-chausse, assez bien ressemblant/ (Pendant la nuit, quand on n’est éclairée)/ À certain voile aux Nonnes familier…./ La voilà donc de grègues affublée. » Au XIVe siècle, Jehan de Condé mit « un beau abbé joli » dans le lit de l’abbesse ; laquelle, « kant son couvrechief cuida prendre,/ (…) les braies à l’abbé prist,/ Et puis les jeta erranment/ Sur son chief. » <Le Dit de la Nonnète.> 33 Elle a failli commettre un nouveau lapsus : l’heure du berger est « l’heure favorable à un amant pour gagner sa maîtresse ». (Furetière.) 34 Aller plus loin. 35 La fausse pucelle : les jeunes mariées qui voulaient passer pour vierges allaient voir « l’étrécisseuse » qui, avant leur nuit de noce, utilisait l’eau de tan, « les eaux de myrthe, alun & autres astringens pour resserrer & consolider les parties casuelles des femmes ». Noël Du Fail. 36 Des frottements. Le sens érotique s’appliquait surtout aux lesbiennes : « Tribades se disent fricatrices. » Brantôme. 37 Ô le gros péché ! (Le latin de sacristie va s’aggraver en même temps que l’indignation de l’abbesse.) 38 LV : perdien (Le « n » et le « u » sont souvent confondus. La forme courante est per Diem, mais Noël Du Fail emploie per Dieu.) 39 Elle aura de grandes pénitences. (Au futur, il faudrait habebit.) 40 LV : elle a 41 Le chagrin de l’abbesse montre que c’est bien frère Raidymet qui était dans son lit. 42 Tenons ensemble chapitre [une assemblée]. 43 LV : sonnare (Sonnez toutes les cloches.) 44 Qu’elle vienne. 45 Les sœurs étant à genoux, elles ne pourront voir le haut-de-chausses qui coiffe l’abbesse. 46 Au lieu de dire le Benedicite, les nonnes chantent une chanson paillarde, insérée après coup entre les vers 162 et 170, qui riment ensemble. Je corrige ce texte (mis en musique entre 1536 et 1547 par Robert Godard) d’après une partition publiée en 1547. Cf. André Tissier, Recueil de Farces, XI, Droz, 1997, pp. 246-7. 47 La partition ajoute : Ouvrez-les-moy, si m’aymez./ Dormez-vous, fillettes ?/ Fillettes, vous dormez./ Dormez-vous seulettes ? 48 Partition : consummez — LV : consommes 49 Partition : Mes sens damour — LV : mais sans amours 50 La partition ajoute : Dormez-vous seulettes ? 51 La punition, en langage macaronique. 52 « Madame, agenouillez-vous, parce que vous avez fait mouiller le boudin. » Ce mot avait le même sens phallique que l’andouille : « Membre de moine, exorbitant boudin. » (Sénac de Meilhan.) On ne sort d’ailleurs pas de la religion, puisque sainct Boudin allait de pair(e) avec saincte Fente, d’après la farce du Pardonneur. 53 Dégarnie. 54 N’est pas (encore) connu de tous. 55 LV : ny 56 Et pourtant. 57 LV : leues (L’insolente ose lever la tête… et contempler la coiffe de l’abbesse.) 58 Perfide. Ce vers provient d’une Moralité imprimée en 1507, la Condamnacion de Bancquet. 59 Il lui faut le pardon, pour la faute qui est avouée. 60 En latin de sacristie, on pourrait mettre : inter (à l’intérieur d’elle). Cf. le vers 213. 61 Elle a raison de se plaindre. 62 Son enfant. On voit qu’il s’agit d’une farce : dans la réalité, les religieuses enceintes n’avaient d’autre choix que d’avorter ou de tuer le nouveau-né. « Quant à celles qui sont meurtrières de leurs enfans aussitost qu’ils sont sortis du ventre, les jettans ou les faisans jetter, il y a quelques années que les monastères des nonnains en eussent fourni bon nombre d’exemples (aussi bien que de celles qui les meurdrissent [tuent] en leur ventre). » Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, XVIII. Le chap. VII ajoute : « Les nonnains (…) font mourir leur fruict estant encore en leur corps, par le moyen de quelques breuvages, ou bien estranglent leur enfant si tost qu’il est sorti. » 63 LV : tant (Si on avait voulu trop vous hâter : si on était entré dans votre cellule, au lieu d’attendre que vous en sortiez.) 64 Restez ici ! Je continue. 65 Chargée, alourdie. 66 Maison de religion, couvent. « Du jeune garçon qui se nomma Thoinette pour estre receu à une religion de nonnains. » Bonaventure Des Périers. 67 LV : dortoueur (qui n’est pas une rime riche. Dorteur = dortoir, vers 235. Cf. le Maistre d’escolle, vers 4.) 68 Près de « l’échelle pour monter au dorteur des dames » (Comptes de l’aumosnerie de S. Berthomé). 69 Toutes les nonnes l’ont fait au même endroit. 70 Je ne sais pas quelle autre aurait crié. 71 Une tromperie. (On peut préférer : fraincte [infraction].) Jean-Baptiste de Grécourt opposera une abbesse à une nonne enceinte dans son poème le Silence, qui s’achève ainsi : « –Vous n’aviez qu’à crier de tout votre pouvoir./ –Oui, mais (dit la nonnain) c’étoit dans le dortoir,/ Où notre règle veut qu’on garde le silence. » 72 En courant. 73 Une telle contrainte. 74 « Je (respondit la Fessue) leur faisois signes du cul tant que povois, mais personne ne me secourut. » Rabelais, Tiers Livre <1546> : le chapitre 19 emprunte à notre farce les aventures de sœur Fessue et du frère Royddimet. 75 Et cette oie blanche n’aurait pas pu. 76 Qu’on connaît l’amoureux métier, le bas métier. 77 Cf. Gargantua (chap. 3) : « Elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme moys. Car autant, voire dadvantage, peuvent les femmes ventre porter. » Le docteur Rabelais conclut malicieusement que les veuves peuvent donc jouer du serre-croupière deux mois après le trépas de leur mari. 78 Le diable. 79 À Dieu. 80 LV : la solution (L’absolution, confirmée par le jeu de mots de 270. Idem vers 336.) 81 Me déchargea. 2° degré : me procura un orgasme : « Elles déchargent quand on les secoue. » (Cyrano de Bergerac.) 82 Les hérétiques. 83 Saint Paul, Épître aux Romains, II-3. 84 Transformée en objet de scandale. 85 Évangile selon saint Matthieu, VII-3. 86 Matthieu, VII-1. 87 Romains, II-1. 88 L’ennuyeux passage 291-301, envahi de rimes proliférantes, est visiblement interpolé : une simple nonne ignorant le latin n’argumente pas une discussion théologique ! 89 Au nom de la Vierge, dont on chante les louanges. 90 Qu’il n’est pas possible que vous ne vous adonniez à des jeux amoureux. Les trois nonnes agenouillées vont enfin relever la tête et voir l’objet du délit. Ce passage doit beaucoup au Dit de la Nonnète : « Que savez-vous que il vous pent,/ Belle dame, devant vos ieuls ?…./ Un couvrechef à menus plis/ Vous y pent, dame, ce me samble,/ Qui, par le cor Dieu, bien resamble/ Ce de quoi on couvre son cul. » 91 Est-ce la mode (de porter sur la tête). 92 LV : esmoy (Cf. les Gens nouveaulx, v. 244.) 93 LV : changons en (Chantons d’une autre manière, changeons de ton.) 94 Rase. « On dit qu’un Barbier rait l’autre, pour dire qu’il faut que chacun dans sa profession se rende des offices réciproques. » Furetière. 95 Qu’une main aide l’autre. 96 LV : voz (Vous êtes soumise à notre volonté [audi nos = écoute-nous]. « I li fet tous ses audinos » : il lui passe toutes ses volontés.) 97 Tu as fait comme nous. 98 Je t’absous sans pénitence pour tes péchés. 99 LV : Incorbennem (Dans un cœur bon : « In cor bonum et devotum. » Nicolai de Gorrani.) 100 Maintenant, tu peux t’en aller avec un cœur pur, comme par le passé. 101 Va en paix. 102 Ultime pirouette sur le nom de Marie, qui avait elle aussi conçu sans péché. 103 Ces décasyllabes aux rimes mal disposées recyclent maladroitement les vers 283-285. Le congé final est commun à beaucoup de farces et de sotties.