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FRÈRE GUILLEBERT

British Museum

British Library

*

FRÈRE  GUILLEBERT

*

Cette farce normande ou picarde, écrite peut-être en 15051, est inspirée notamment par deux fabliaux : les Braies au Cordelier, et les Braies le priestre. Elle offre un précieux répertoire du vocabulaire érotique ayant cours à son époque. On l’a couplée ultérieurement avec un sermon joyeux2 dans le même ton. Le « héros » du sermon s’appelle Guillebert3, comme en témoigne le vers 67 ; mais celui de la farce avait peut-être un nom plus court : les vers 124, 307, 330 et 503, qui nomment Guillebert, sont trop longs.

Source : Recueil du British Museum, nº 18.

Structure : Sermon joyeux (avec 7 strophes en ababbcC), 2 triolets, abab/bcbc, rimes plates, 5 strophes en ababbcC. La versification est très soignée, les rimes sont riches, ce qui permet de « décorriger » certaines corrections maladroites commises par l’imprimeur.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

*

Farce nouvelle de

Frère Guillebert

trèsbonne et fort joyeuse

*

À quatre personnages, c’est assavoir :

    FRÈRE  GUILLEBERT

    L’HOMME  VIEIL  [MARIN]

    SA  FEMME  JEUNE

  LA  COMMÈRE  [AGNÈS]

*

                                  FRÈRE  GUILLEBERT  commence    SCÈNE  I

            Foullando in calibistris,

            Intravit per bouchan ventris

            Bidauldus, purgando renes.4

            Noble assistence, retenez

5     Ces motz pleins de dévotion.

           C’est touchant5 l’incarnation

           De l’ymage6 de la brayette

           Qui entre –corps, aureille7 et teste–

           Au précieulx ventre des dames.

10    Si demandez entre voz8, femmes :

           « Or çà, beau Père, quomodo 9 ? »

           Le texte dict que foullando

           En foullant10 et faisant zic-zac,

           Le gallant se trouve au bissac11.

15    Entendez-vous bien, mes fillettes ?

           S’on s’encroue12 sur voz mamelettes

           Et qu’on vous chatouille le bas,

           N’en sonnez mot, ce sont esbatz ;

           Et n’en dictes rien à voz mères.

20    De quoy serviroient voz aumoyres13

           Si ne vouliez bouter dedens ?

           Se vous couchez tousjours à dens14,

           Jamais n’aurez les culz meurtris,

      Foullando in calibistris.

25    Gentilz gallans de rond bonnet15,

           Aymantz le [se]xe féminin,

           Gardez se l’atellier16 est net

           Devant que larder le connin17 :

           Car s’on prent en queue le venin18,

30    On est pirs qu’au trou Sainct-Patris19,

      Foullando in calibistris.

           Tétins voussus20, doulces fillettes

           Qui aimez bien faire cela21

           Et, en branlant voz mamelettes,

35    Jamais ne direz « [Hau !] Hollà22 ! »,

           Un point y est23 : guettez-vous là

           Que vous n’ayez fructus ventris 24,

      Foullando in calibistris !

           Vous, jeunes dames mariées

40    Qui n’en avez pas à demy25

           [Et n’en estes rassasiées,]

           N’escondissez26 point un amy :

           Car restent27 –fust-il endormy–

           Au papa28 ceulx qui son[t] pestris

      Foullando in calibistris.

45    Je vous recommande, à mon prosne,

           Tous noz frères de robe grise29.

            Je vous promectz, c’est belle aumosne30

           Que faire bien à gens d’Église.

           Grans pardons a31, je vous advise,

50    À leur prester bouchan ventris,

      Foullando in calibistris.

           Plusieurs beaulx testins32 espiés

           Se font « batre » sans nul mercy ;

           Et puis qu’ilz ont des petis piedz

55    Au ventre33, ilz sont en soucy :

           « La[s] ! (se disent), d’où vient cecy ? »

           Et ! le veulx-tu sçavoir, Biétris34 ?

      Intravit per bouchan ventris.

           Un tas de vieilles esponnées35

60    Qui vous font tant de preudefemmes36,

           Il semble qu’ilz soient estonnées

           S’ilz oyent parler qu’on ayme dames ;

           Et ! vous croyez que les infâmes

           Ont tous les bas espoitronnéz37,

65    De servir purgando renes !

           Mes dames, je vous recommande

           Le povre frère Guillebert.

           Se l’une de vous me demande

           Pour fourbir un poy38 son haubert,

70    Approchez, car g’y suis expert.

           Plusieurs harnois39 ay estrénéz,

      Bidauldus purgando renes.

.

               LA  FEMME  commence 40    SCÈNE  II

           Dieu vous gard, ma commère Agnès,

           Et vous doint santé et soulas !

               LA  COMMÈRE

75    Ha ! ma commère, bien venez !

               LA  FEMME

           Dieu vous gard, ma commère Agnès !

               LA  COMMÈRE

           Que maigre et palle devenez !

           Qu’avez-vous, ma commère, hélas ?

               LA  FEMME

           Dieu vous gard, ma commère Agnès,

80    Et vous doint santé et soulas !

           Que cent foys morte me souhaitte !

               LA  COMMÈRE

           Et pourquoy ?

               LA  FEMME

                                   D’estre mise ès lacz41

           D’un vieillart, et ainsi subjette42

           De jour, de nuict, je vous souhette !

85    Mais de poindre43, c’est peu ou point.

           Quel plaisir a une fillette

           À qui le gentil tétin point ?

               LA  COMMÈRE

           Sçait-il plus rien du bas pourpoint44 ?

               LA  FEMME

           Hélas, ma mye, il s’est cassé.

90    S’en un moys un coup est appoint45,

           Il [en] est ainsi tost lassé.

           Je l’ay beau tenir embrassé :

           Trouve46 autant de goust qu’en vieil lard.

           Mauldict soit-il, qui a brassé47

95    Me marier à tel vieillard !

           Quel plaisir d’ung tel papelard48,

           Pour avoir en amour pasture !

               LA  COMMÈRE

           Il vous fault un amy gaillard

           Pour supplier49 à l’escripture.

100    Dieu n’entend point, aussi Nature,

           Que jeunes dames ayent souffrette50.

           Mais cerchez une créature

           Qui ayt la langue un poy51 segrette.

               LA  FEMME

           Il est vray [que] quand on en quette,

105    On est regardé de travers ;

           Mais quoy qu’on jase ou [qu’on] barbette,

           Je jouray de bref à l’anvers52.

           Doibt mon beau cor[p]s pourrir en vers

           Sans voir53 ce que faisoit ma mère ?

110    Vienne, fust-il moyne ou convers54 :

           Je luy presteray mon aumoyre.

               LA  COMMÈRE

           Enda ! c’est bien dict, ma commère.

           J’en ay faict, à mon temps, ainsi.

           C’est une chose bien amère

115    De languir tousjours en soucy.

               LA  FEMME

           Adieu donc, je m’en voys d’icy

           En attendant quelque advantage.

.

               FRÈRE  GUILLEBERT      SCÈNE  III

           Ma dame, ayez de moy mercy55,

           Ou mourir me fault avant aage.

120    Mon las cœur vous baille en ostage :

           Plaise-vous le mettre à son aise.

           Je vous dis en poy de langaige

           Ce qui me tient en grant mésaise.

               LA  FEMME

           Frère Guil(le)bert56, ne vous desplaise,

125    Ce n’est pas ainsi qu’on amanche57.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Ma mye, je vous pry qu’il vous plaise

           Endurer trois coups de la « lance » :

           C’est belle osmosne, sans doubtance,

           Donner pour Dieu aux souffretteux58.

               LA  FEMME

130    S[i] on savoit nostre accointance,

           Mes gens me saqueroient59 les yeulx.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Hé ! nous ferons si bien noz jeux

           Qu’on ne sçaura rien du hutin60.

           S’une foys je suys sur mes œufz61,

135    Je baulmeray62 sur le tétin.

               LA  FEMME

           Venez donc demain, bien matin :

           J’envoyray Marin au marché.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Plaisir sera au63 vieil mastin

           De trouver le pâtis herch(i)é64.

               LA  FEMME

140    Le vieillart a trop bon marché65.

.

               L’HOMME              SCÈNE  IV

           Et dont vient mon jeune tétot ?

           Je vous ay toute jour cherché.

               LA  FEMME

           Que me voulez[-vous donc] si tost ?

               L’HOMME

           Et d’où vient mon jeune této[t] ?

145    Que vous [m’]engainez ung petiot66.

               LA  FEMME

           Vostre « bas » est trop eslauché67

               L’HOMME

           Et d’où vient mon jeune tétot ?

           Je vous ay toute jour cherché.

               LA  FEMME

           Enda ! j’ay le cœur si fâché

150    Que vouldrois estre en Purgatoire !

               L’HOMME

           Vous fault-il ung suppositoire,

           Ou [ung] clistère barbarin68 ?

               LA  FEMME

           Vous m’avez abusée, Marin :

           Avec vous, je vis en langueur.

               L’HOMME

155    Je ne vous bas, ne fais rigueur.

           Demandez-moy s’il vous fault rien69.

               LA  FEMME

           Ce n’est point –vous n’entendez rien–

           Là où me tient la maladie70.

           Voulez-vous que je le vous die ?

160    Je suis par trop jeune pour vous.

               L’HOMME

           En ung moys, je fais mes cinq coups ;

           La sepmaine, ung coup justement71.

               LA  FEMME

           Cela, [ce] n’est qu’afemmement72 !

           J’aymerois tout aussi cher rien73.

               L’HOMME

165    Comment ! Vous vous passiez [très] bien

           De causquéson74, chez vostre mère.

               LA  FEMME

           La douleur est bien plus amère :

           Mourir de soif emprès le puis75 !

               L’HOMME

           Je fais tout le mieulx que je puis.

170    J’en suis, par Dieu, tout trèsbatu76,

           Combien que j’aye combatu77.

           Encor78, vous dictes estre enceinte.

               LA  FEMME

           [C’est d’avoir]79 prié une saincte

           Que pleine suis, de peu de chose…

175    Encor[e] dire ne vous ose

           Sçais bien quoy.

               L’HOMME

                                      Et dictes, bécire80 !

               LA  FEMME

           Marin, mon amy, je désire…

           Las ! je crains81 tant le povre fruict…

               L’HOMME

           Dictes-le-moy : soit cru ou cuit82,

180    Vous me verrez courir la rue.

               LA  FEMME

           Je désire de la morue

           Fresche, des moules, du pain mollet ;

           Et si, vouldrois bien d’ung collet

           D’ung gras mouton83, et d’ung vin doulx.

185    Et si, Marin (entendez-vous ?),

           De cela qui estoit si blanc

           Quand nous mariâmes.

               L’HOMME

                                              Du flan ?

               LA  FEMME

           Et voyre, vous y estes tout droict84 !

           Je n’en puis durer, [or]endroit85.              

               L’HOMME

190    J(e) iray donc demain, bien matin,

           Au marché.

.

               FRÈRE  GUILLEBERT      SCÈNE  V

            Hé ! gentil tétin86 !

           Que tant tu me tiens en l’oreille87 !

               RONDEAU88

           Pour une qui [bien] s’appareille89

           Ung vray chef-d’œuvre de Nature,

195    Mon corps veulx mettre à l’avanture

           À les sangler pour la pareille90.

           Mon corps et membre(s) j’appareille91

           N’escondire pas créature,

           Pour une92.

200    Si ton mary dort ou si veille,

           Mais qu(e) accès j’aye à ta93 figure,

           Je veulx que l’on me défigure

           Se point un grain94 je m’esmerveille

           Pour une.

               L’HOMME              SCÈNE  VI

205    Il est [grand] temps que je m’esveille95.

           Adieu, je m’en vois au marché.

               LA  FAMME

           Adieu ! Et prenez bon marché96.

           Mais, je vous prie, n’oubliez rien.

               L’HOMME

           Nennin, non, il m’en souvient bien.97

.

               FRÈRE  GUILLEBERT      SCÈNE  VII

210    Holà, hay ! Je viens bien à point98.

               LA  FEMME

           Oy. Dévestez chausses et pourpoint,

           Et approchez : la place est chaulde.

               FRÈRE  GUILLEBERT  se despouille 99

           Au moins, y a-il point de fraulde ?

           Je crains la touche100, sur mon âme !

               LA  FEMME

215    Pas n’estes digne d’avoir dame,

           Puis que vous estes si paoureux.

.

               L’HOMME              SCÈNE  VIII

           Et ! suis-je point bien malheureux

           D’avoir oublié mon bissac ?

           Je n’ay pennier, pouche101 ne sac

           [Où pourray mettre la vitaille.]102

220    Il fault bien tost que je m’en aille

           Requérir le mien…

                                           Hay ! holà !103

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Et ! vertu sainct Gens104 ! Qu’esse-là ?

           Monsieur sainct Françoys105 ! que peult-ce estre ?

               LA  FEMME

           Par [mon enda]106 ! C’est nostre maistre.

225    Je croy qu’il se doubte du jeu.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Que c’est ? vostre homme ? Vertu bieu !

           Hélas ! je suys bien malheureux.

           Le dyable m’a faict amoureux,

           Je croy ; ce n’a pas esté Dieu.

               LA  FEMME

230    Muchez-vous107 tost en quelque lieu :

           S’il vous trouve, vous estes frit.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Et ! mon Dieu, je suis bien destruit !

           Vertu sainct Gens ! le cul me tremble108.

           Or çà, s’il nous trouvoit ensemble,

235    Me turoit-il, à vostre advis ?

               LA  FEMME

           Jamais pire homme je ne vis.

           Et si, crains bien vostre instrument109.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Le dyable ayt part au hochement110

           Et à toute la cauquéson !

240    Accoustré seray en oyson111 :

           Je n’auray plus au cul que plume112.

               LA  FEMME

           S’il est engaigné113, il escume ;

           Semble, à veoir, ung homme desvé114.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Hé ! Pater noster et Avé !

245    Vertu bieu ! je suis bien hoché115.

               LA  FEMME

           Las ! mon amy, c’est trop presché ;

           Venez çà, je vous mucheray.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Qui m’en croira, je m’en fuyray,

           Par Dieu, le cas bien entendu.

               LA  FEMME

250    Mais que soyez bien estendu,

           Point ne vous voirra soubz ce coffre116.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Or çà donc, puis que le cas s’offre,

           Me voicy bouté à l’acul117.

           Et ! couvrez-moy un poy le cul118 :

255    Je sens bien le vent119 qui me frappe.

           S’une foys du danger j(e) eschape,

           S’on m’y r’a, je seray sapeur120.

               LA  FEMME

           Taisez-vous, n’ayez point de peur ;

           Je vous serviray, si je puis.

               L’HOMME

260    Et puys, hay ! m’ouvrirez-vous l’huis ?

               LA  FEMME 121

           Las ! mon amy, qui vous ramaine ?

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (Il me fault cy estendre en raine122.

           Qu’au dyable soit-il ramené !)

               L’HOMME

           Hé ! suis-je point bien fortuné ?

265    J’avois oublié mon bissac.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (À ce coup, je suis à bazac123 :

           Je suis, par Dieu, couché dessus !

           Et ! sainct Frémin et puis Jésus !

           C’est faict, hélas, du povre outil124 !

270    Vray Dieu ! il estoit si gentil,

           Et si gentement encresté125.)

               LA  FEMME

           Je vous l’avois, hier, apresté

           Sur ce coffre avant que coucher.

               L’HOMME

           Couchez-vous, je le voys cercher.

275    Et gardez-vous que n’ayez froid.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (Il s’en vient, par Dieu, cy tout droict.

           Hé ! sainct Valéry126 ! Qu’esse-cy ?

           Ha ! s’il me prenoit en mercy127,

           Et qu’il print toute ma robille128

280    Mais hélas ! perdre la coquille129 ?

           Mon Dieu ! c’est pour fienter par tout130.)

               LA  FEMME

           Ne cerchez point là vers ce bout :

           Il n’y est point.

               L’HOMME

                                    Et où est-il don ?

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (Mon Dieu, je demande pardon ;

285    Tout fin plat131, je te cry mercy !)

               L’HOMME

           On sent, par Dieu, cy le vessy132 :

           Vertu sainct Gens, quel puanteur !

               [LA  FEMME]

           Et ! on faict sa malle puteur133.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (S’il estoit aussi tourmenté,

290    Il eust, par Dieu, piéçà fienté.)

               LA  FEMME

           Et puis ? l’avez-vous, Marin ?

               L’HOMME

                                                      Peaulx134 !

           Point n’est cy parmy les drapeaulx135 ;

           On l’a quelque part mis en mue136.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (Je suys mort si je me remue.

295    J’ay desjà le cul descouvert.

           Et pource, frère Guillebert,

           Mourras-tu si piteusement ?

           Deux motz feray de testament137,

           Devant que laisser ma cuiller138

300    Et qu’on139 m’ait couppé le couiller.

           À Cupido, dieu d’amourettes,

           Je laisse mon âme à pourveoir

           Pour la mettre avec des fillettes,

           Car j’estois140 bien aise à les veoir.

305    La dame aura mon cœur, pour voir141,

           Pour qui me fault icy périr.

           Frère Guillebert, te fault-il mourir142 ?

           Tétins143 poinctifz comme linotz144,

           Qui portent faces angélicques,

310    Pour fourbir leur custodinos 145

           Auront l’ymage et mes brelicques146 :

           Ne les logez point parmy flicques147 ;

           Dedens jambons148 les fault nourrir.

           Frère Guillebert, te fault-il mourir ?

315    Jeunes dames, friantz tétotz,

           Vous aurez mes brayes149 pour tout gaige,

           Pour vous fourbir un poy le dos

           Quant vous avez faict le bagaige150.

           Frotez rains et ventre : g’y gaige,

320    Cela vous fera secourir151.

           Frère Guillebert, te fault-il mourir ?

           Aux muguetz, grateurs de pareilz152,

           Laisse ma dernière ordonnance ;

           On153 leur fera leurs appareilz

325    Sur l’orifice de la pance

           De leurs femmes. S’en est la chance154,

           Ilz en auront plus beau férir155.

           Frère Guillebert, te fault-il mourir ?

           Je prie à tous ces bons yvrongnes,

330    Se frère Guillebert est trespassé,

           Qu’ilz disent en [lavant leurs brongnes]156 :

           [« Chantons Requiescant in pace !]

           J’ay bien gardé, le temps passé,

           Mon gentil gosier de sorir157. »

           Frère Guillebert, te fault-il mourir ?)

               L’HOMME

335    Je ne sçay plus où le quérir.

           Il y a de la dyablerie.

               LA  FEMME

           Parlez de la Vierge Marie158 !

               L’HOMME

           Vertu bieu ! je suis trop fasché.

           Si fault-il qu’il soit cy caché.

               FRÈRE  GUILLEBERT

340    (In manus tuas, Domine 159

           Nisi quia Domine ne…

           Tedet spiritus 160 Et pelli…

           Confiteor, Deo celi…

           Ut queant quod chorus vatum…

345    Hé ! te perdray-je, beau baston161 ?

           C’est faict, ce coup. Povre couiller !

           Il vient, pardieu, tout droict fouiller

           Cy sur moy. Et ! vertu sainct Gens !

           Fault-il tuer ainsi les gens ?

350    Par Dieu ! je varie162 de crier.

           Gaignerois-je rien à prier,

           Et à luy monstrer ma couronne163 ?

           mon Dieu, comme tu me gravonne(s)164 !

           À Dieu, gentilz tesmoins165 pelus !)

               LA  FEMME

355    Mon amy, ne cherchez là plus :

           Qu’est cela pendu à ceste cheville166 ?

               L’HOMME

           Et, çà ! Au dyable, çà ! C’est ille167 !

           Venez, que vous vous faictes chercher.

            Nota qu’il doit prendre le hault-de-chaulses

            à frère Guillebert pour son bissac.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           (Encor pourray-je bien hocher168.

360    Vertu sainct Gens, que je suis aise !)

               L’HOMME

           Adieu, ma mye ! Que je vous baise

           Ung poy à mon département169.

               LA  FEMME

           N’espargnez point l’esbatement170.

               L’HOMME

           Je feray le cas171 au retour.

               FRÈRE  GUILLEBERT

365    Par sainct Gens ! revoycy bon tour.

           Encor pourra paistre pelée172.

               LA  FEMME

           Hélas ! j’estois bien désolée :

           Je cuydois qu’il vous mist à sac.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Où, gibet, [print-il]173 ce bissac ?

370    J’estois, par Dieu, couché dessus.

               LA  FEMME

           Et qu’a-il donc emporté174, Jésus ?

           Il sera bien tost cy rapoint175.

               FRÈRE  GUILLEBERT 176

           Par Dieu ! si ne m’y lairez177 point

           Rouge178 cul ravoir, sainct Françoys !

375    Par Nostre Dame ! je m’en vois,

           Mais que j’aye reprins [mes despoilles]179

           Vertu Dieu ! où est mon sac à coilles ?

           Comment ! je ne le trouve point.

               LA  FEMME

           Où est[oit]-il180, frère Gnillebert ?

               FRÈRE  GUILLEBERT

                                              Emprès mon pourpoint,

380    Pendus cy en ceste cheville.

               LA  FEMME

           Hé ! Vierge Marie, ce sont ille

           Qu’il a prins en lieu de bissac.

           Las ! mon Dieu, je suis à bazac :

           Il me tuera, mais qu’il le voye.

               FRÈRE  GUILLEBERT

385    (Ma foy, je m’en voys mettre en voye ;

           Je croy qu’il ne m’y verra181 point.

           Je prandray mon vit à mon poing :

           Mes mains me serviront de brayette.)182

               LA  FEM[M]E

           Hélas ! et suis-je bien meffaicte ?

390    N’est-ce point bien icy malheur ?

           En amours, je n’euz jamais eur183.

           Las ! je ne sçay que deviendray ;

           M’en fuyray-je, ou s[i] l’atendray ?

           Se je l’atens, il me tuera.

395    Je m’en vois veoir que me dira

           Ma commère…184

.

                                     Hélas, Dieu vous gard !         SCÈNE  IX

               LA  COMMÈRE

           Que vous avez piteux regard !

           Vous n’avez pas esté bastue ?

               LA  FEMME

           Hélas ! ma mye, je suis perdue.

400    Je ne sçauray que devenir.

               LA  COMMÈRE

           Bo[n], il ne fault point tant gémir :

           À tous maulx on trouve remède.

               LA  FEMME

           Donnez-moy conseil et ayde,

           Aultrement, je suis mise à sac.

405    Las ! ma mye, en lieu de bissac,

           Nostre homme a prins, comme [il apert]185,

           Les brayes de frère Guillebert,     plorando 186

           Et s’en va à tout187 au march[i]é.

               LA  COMMÈRE

           Cela, mon Dieu, c’est bien chié188 !

410    N’est-ce aultre chose qui vous point ?

               LA  FEMME

           Ha ! vous ne le congnoissez point :

           Il dira que j’en fais beaucoup ;

           Et si, jamais qu’un povre coup

           N’en fis189, par le prix de mon âme !

               LA  COMMÈRE

415    N’est-ce aultre chose ? Nostre Dame !

           Allez-vous-en à la maison.

           Je luy prouveray par raison

           Que ce sont les brayes sainct Françoys.

           Tenez gestes190, je m’y en vois.

420    Qu’on me fesse se ne l’appaise.

               [LA  FEMME]

           Hé ! mon Dieu, que me faictes aise !

           Je m’en voys191 trotant bien menu.

.

               L’HOMME              SCÈNE  X

           Me voicy donc tantost venu.

           Mais je suis quasi estouffé

425    Tant le bissac sent l’eschauffé192

           Et ! vertu sainct Gens, qu’esse-cy ?

           Bissac ? A ! Bissac, pardieu, non est :

           C’est l’abit d’un cul guères net,

           Car y voycy l’estuy à couilles.

430    En voulez-vous menger, des « moules »193 ?

           Me le faict-on194 ? Belle froissure195,

           Se je vous tiens, je vous asseure !

           Le dyable vous cauquera196 bien !

           Le diable enport se j’en fais rien,

435    Que n’ayez le gosier couppé !

           [……………………… -pé.]

           Hon ! me voicy bien atourné.

           Le margout197, quand suis retourné,

           Estoit muché en quelque lieu ;

           Ne le198 sçavois-je, vertu Dieu !

440    Je vous eusses bien foutiné199,

           Par Dieu, et fust-ce ung domine 200 !

           Vous faictes fourbir le buhot201,

           Et on m’apellera Hu(ih)ot202 ?

           Et ! pardieu, j’en seray vengé.

445    Le grant diable m’a bien engé203

           De vostre corps, belle bourgeoise !

.

               LA  COMMÈRE         SCÈNE  XI

           Mon compère, vous faictes grand noyse :

           [Et si,] on ne vous a faict rien ?

               L’HOMME

           Vertu bieu ! on m’en baille bien.

450    Est-ce ainsi qu’on envoye les gens

           (Hon ! hon204 !) cauquer ? Vertu sainct Gens !

           La cauquéson sera amère !

               LA  COMMÈRE

           Et ! pensez-vous que ma commère

           Voulsist205, hélas, se mesporter ?

               L’HOMME

455    Le diable la206 puist emporter !    Monstrat caligas. 207

           Voyez : voylà la prudhomie208.

               LA  COMMÈRE

           Las ! mon amy, ne pensez mye

           Qu’il y ait icy de sa faulte.

           Le cœur dedens mon ventre saute,

460    Quant manier je vous les vois :

           Las ! ce sont les bray[e]s sainct Françoys,

           Ung si précieux reliquère.

               L’HOMME

           Et ! vertu sainct Gens, à quoy faire

           Les eust-on mises à ma maison ?

               LA  COMMÈRE

465    Vrayement, il y a bien raison :

           Et ! pensez-vous bien (Dieux avant209 !)

           Que vous eussiez faict un enfant

           Sans l’aide du sainct reliquaire ?

               L’HOMME

           Et pourquoy n’en sçaurois-je faire ?

               LA  COMMÈRE 210

470    Hélas ! vous estes esponné211.

               L’HOMME

           Encor, pardieu, suis estonné

           Comment cecy y peult servir.

               LA  COMMÈRE

           Quant du joyau on peult chevir212,

           Il en fault froter rains et pance

475    Sept foys, et dire sa Créance213 ;

           Puis après, rendre le debvoir214.

           On[c] ne les cuidasmes onc avoir ;

           Encor, s’on ne nous eust congneues215,

           Jamais nous216 ne les eussions eues.

480    Et si, da, les fault renvoyer.

               L’HOMME

           Je les yray donc convoyer

           Moy-mesmes jusques au convent217.

               LA  COMMÈRE

           Frère Guillebert vient souvent :

           Il ne les luy fault que bailler.

               L’HOMME

485    Or bien, donc. Il s’en fault aller

           Pour veoir qu’en dira nostre femme.218

           Pardonnez-moy, par Nostre Dame,             SCÈNE  XII

           Ma mye : j’ay failly219 lourdement.

               LA  COMMÈRE

           Vous ne sçavez pas, voyrement,

490    Qu’il estimoit220 de vous, ma mye ?

           Le bon homme ne pensoit mye

           Que eussiez les brayes sainct Françoys,

           Et en faisoit tout plain d’effrois221.

           Il ne sçavoit comme il en estoit222.

               LA  FEMME

495    Le cœur bien me l’admonnestoit223,

           Quand [ne] les ay trouvées ceans.

           J’aymerois mieulx pourrir en fiens224

           Que de me daigner mesporter !

               LA  COMMÈRE

           Ma mye, il les fault reporter.

               LA  FEMME

500    Las ! voyre, il nous ont bien servys.

               L’HOMME

           Par Dieu, ma mye, jamais [n’en vis]225

           Qu’à ceste heure-cy, Dieu avant !

               LA  COMMÈRE 226

           C’est frère Guil(le)bert là-devant.

           Il vaul[droi]t mieulx les luy bailler.

               L’HOMME

505    C’est bien dict.227

                 Venez cy parler

           Un petit, s’il vous plaist, beau Père !

.

               FRÈRE  GUILLEBERT      SCÈNE  XIII

           A-t-on céans de moy affaire ?

           Je croy que ouy, comme je voys.

               LA  FEMME

           Ce sont les chausses228 sainct Françoys,

510    Que remporterez, s’il vous plaist.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Je le feray sans plus de plaict229 ;

           Mais boutez-vous tous à genoulx,

           Affin que le sainct prie pour nous.

           Et si, vous fault baiser tous trois

515    Les brayes de monsieur sainct Françoys230 :

           Vous aurez la laine231 plus doulce.

               LA  FEMME

           Baillez-m’en une bonne touche232,

           Puis qu’en ay eu si grand doulceur…

               FRÈRE  GUILLEBERT

           C’est trèsbien faict, ma bonne seur ;

520    Car c’est un fort beau reliquère.

               L’HOMME

           Allons les reporter, beau Père ;

           Que chascun voyse à son degré233.

               FRÈRE  GUILLEBERT

           Adieu, messieurs : prenez en gré234.

.

                FINIS

        Du jeune clergie de Meulleurs. 235

                M P U

*

Craignant de perdre son « povre outil », frère Guillebert en compose l’épitaphe. En 1552, Étienne Jodelle composera celle du membre viril de frère Pierre, un autre moine débauché236.

.

             ÉPITAPHE  DU  MEMBRE  VIRIL

                         DE  FRÈRE  PIERRE

.

         Cy est gisant soubs ceste pierre

         L’un des membres de frère Pierre ;

         Non un des bras, n’une des mains,

         Ne pied, ne jambe (hélas, humains !),

5       Mais bien le membre le plus cher

         Que sur luy on eust peu* toucher :                * Pu.

         C’est son billard, c’est son bourdon,

         Son chalumeau, son gros bedon,

         Sa pièce de chair, son bidault,

10      Son pousse-bourre, son pibault,

         Son gentil baston pastoral,

         Sa rouge branche de coral*,                             *De corail.

         Son guille-là, son calemard,

         Son factoton, son braquemard,

15     Son furon furetant sans cesse,

         Son petit baston de jeunesse,

         Son courtault, son sceptre royal,

         Son vilbrequin, son nerf loial,

         Son pistolet aimé des dames,

20     Son désiré entre les femmes,

         Son rameau dont il s’émouchoit,

         Son instrument dont il pissoit,

         Sa queuë*, son baston de lit,                           *Et non « sa guene », comme l’ont lu tous les éditeurs.

         Sa joyë du monde, son vit,

25     Son exécuteur tant propice

         De l’infâme et basse justice.

.

         Ce bon maistre, dès son enfance,

         Fut de si grand obéissance

         Que jamais chose on ne luy dit

30     Que soudainement il ne fît.

         Car dès que sa mère nourice

         Le frotoit, disant : « Pisse ! Pisse ! »,

         Soudain pissoit. Puis (grâce à Dieu)

         Frère Pierre creust peu à peu ;

35     Et jà montoit dès son jeune aage

         Sur les filles de son village,

         Et les culoit et [les] fouloit.

         Si bien qu’on vit bien qu’il falloit

         Hors du monde le reculer,

40     Pource qu’il eust peu* trop culer.                  *Pu.

         Donc, par ses parens et amis,

         Il fut en religion mis.

         Mais estant novice au couvent,

         Il en faisoit plus que devant :

45     Dès lors, [il] prenoit bien l’audace

         De monster sur la putain grasse,

         Et si trèsbien la culetoit

         Que la garse s’en contentoit.

         Car il estoit desjà de la taille

50     Pour à tous heurts livrer bataille.

.

         Puis quand il fut moine parfait,

         C’estoit un plaisir de son fait,

         Car il faisoit plus en un mois

         Que cinq autres moines en trois.

55     Croyez qu’il n’estoit point de ceux

         Qui sont oisifs et paresseux,

         Car il n’eust jamais, en un jour,

         Plus de deux heures de séjour*.                     *De repos.

         Aussi n’estoit-il de la sorte

60     De ces autres vits que l’on porte,

         Ains roide estoit comme son bras,

         Bien spermatizant, gros et gras,

         De longueur de pied et demi*.                         *48 cm.

         Jamais il n’estoit endormi ;

65     Et fumoit, par son rouge bout,

         Comme un pot qui près du feu boult.

         Femme n’i avoit si maligne*                             *Mauvaise.

         Qu’i[l] ne rendît douce et bénigne ;

         Femme n’y avoit si gaillarde

70     Qu’il ne rendist saine et raillarde ;

         Il n’y avoit religieuse

         Qui ne se sentist bien heureuse

         D’avoir du moine congnoissance

         Pour avec luy prendre allience,

75     Sachant le bien et le bon heur

         Que donnoit ce membre d’honneur.

         Sentant le passetemps joyeux

         Que donnoit ce religieux,

         Con n’y avoit, grand ni petit,

80     Qui ne prist lors grand appétit ;

         Et n’eust sceu estre tant profond

         Qu’il n’allast tousjours jusqu’au fond,

         Pour chercher en l’obscure sale*                    *Salle. Jeu de mots.

         La vraye pierre philosophale.

85     C’estoit un vray vit de mesnage ;

         C’estoit un vit à l’advantage ;

         C’estoit un vit bien digne d’estre

         À un si vénérable maistre.

         Somme, c’estoit le plus beau vit

90     Que jamais femme au monde vît.

.

         Or, entendez quel et comment

         Fut le piteux département*                              *La séparation.

         De frère [Pierre] et de son membre :

         Le XXe jour de décembre,

95     L’an 1552,

         Ce bon père religieux,

         S’en allant par les champs prescher,

         Se voulut esbattre à pescher

         En un ord et sale marais.

100   Et, faulte de ligne ou de rets,

          Y mist son membre, où s’atacha

         Un vilain chancre* qu’il pescha,                       *Crabe. Jeu de mots.

         Qui ce membre rongea si fort

         Que tost après le rendit mort,

105   Et fut coupé pour mettre en terre.

         « Mais hélas ! (disoit frère Pierre),

         Fault-il [que] pour ma seule coulpe*               *Faute.

         Et pour bien servir l’on te coupe ?

         Fault-il qu’avant moy mort je voye

110   Celuy dont tout mon bien j’avoie ?

         Fault-il qu’il meure ainsi martir ?

         Fault-il aussi nous départir* ?                           *Nous séparer.

         Ô Mort cruelle et sans merci !

         Eh ! que ne m’as-tu pris aussi ? »

115   Voilà la complainte au plus près

         De frère Pierre. Or sus ! après,

         Nobles dames et damoiselles,

         Pucelles, jeunes, laides, et belles,

         Pleurez-vous point donq au tombeau

120   Où repose ce membre beau ?

         Pleurez-vous point de voir ci mis

         Le plus grand de tous vos amis ?

         Je croy qu’ouÿ. Mais telle perte

         Ne sera jamais recouverte*                              *Recouvrée.

125   Par cris ne pleurs : dont suis d’avis

         Que priez Dieu que tous les vis

         Qu’en ce monde pourrez tenir

         Puissent semblables devenir ;

         Ou bien qu’il adviene, sans plus,

130   Qu’à cetuy-ci ne pensiez plus.

*

1 Voir la note 235. Elle fut imprimée à Rouen par Jehan de Prest, entre 1542 et 1559.   2 Jelle Koopmans l’a inclus dans son Recueil de Sermons joyeux (pp. 585-589). Il a aussi publié, dans la Revue Romane, un article qui éclaire la scénographie : Frère Guillebert : taxinomies et visualisations d’une farce. La meilleure édition de la pièce est due à André Tissier : Recueil de farces, VI, Droz, 1990. Citons encore les trouvailles normandes d’Emmanuel Philipot : Notice sur la farce de Frère Guillebert. (Mélanges Mario Roques, II, 1953.)   3 Ce nom fait penser à couille vert [verge vigoureuse] : « Moynes ? Que le mal feu les arde,/ Tant portent-ilz la couille verd ! » (Les Rapporteurs.) En outre, le guille-là désignait le pénis : voir l’Épitaphe du membre viril de frère Pierre, de Jodelle.   4 En fouillant dans le calibistri, le bidaud entra par la bouche du ventre, purgeant les reins.  Fouiller = coïter : « Fouillez et ne soyez piteux !/ Or fouillez bien au fond du pot ! » (Joyeusetéz, XIII).  Calibistri = vulve : « [Elle] laissa aux Cordeliers d’icy/ Son si joly callibistry. » (Le Duchat.)  Bidaud = pénis : « Maujoinct [la vulve] se mouille,/ Le povre bidault là s’abaisse. » (Le Pourpoint fermant à boutons.)  Bouche du ventre = vulve : « Le poyl qui estoit autour de la bouche du ventre. » (Le Vroy Gargantua.)   5 Au sujet de.   6 De la statuette virile (idem vers 311) qui est dans la braguette. Le traducteur de Straparole désigne ainsi les bourses contenant les testicules : « La châsse où reposoient les compagnons de l’image de la brayette. »   7 Testicules. « Le membre de Colin, deffaict,/ Se retira, penchant l’oreille. » (Cabinet satyrique.) Voir aussi le vers 192.   8 Entre vous. « Entre vos, femmes, (…)/ Vous pouriez demander : “Beau Père,/ Où se prend ce doulx ongnement [sperme] ?” » Sermon joyeulx pour rire, LV 3.   9 De quelle manière ?   10 En copulant. « Et jà montoit dès son jeune aage/ Sur les filles de son village,/ Et les culoit et les fouloit. » (Jodelle.) « Faire zic-zac » [zigzag = va-et-vient] est répertorié par Rose M. Bidler (Dictionnaire érotique. Ancien français, Moyen français, Renaissance). « Eaue de vie qui soustient vie [vit]/ Et ziques-zaques au verd-jus [sperme]. » (Chagrinas.)   11 Vulve. « Y vous la couche sur le dos,/ Et après cinq ou sis bons mos,/ Feist entrer “Geufray” au bissaq. » Le Tesmoing.   12 Si on se cramponne à.   13 Armoire = ventre (Takeshi Matsumura, Dictionnaire du français médiéval, p.238). Idem au vers 111.   14 À plat ventre.   15 Bacheliers. « Il est bien temps que vous soyez/ Graduées, et que vous ayez/ Sur la teste le bonnet ront. » (Les Femmes qui se font passer Maistresses.) Le bonnet désigne également le prépuce : « J’avois un paquet/ Qui levoit la teste…./ Prestez-luy logis, Madame :/ Il oste son bonnet. » (Un jour ma jeunette.)   16 Regardez si la vulve est saine. « Une nonain qui est enceincte/ D’un Jacopin ou Cordelier/ Qui luy fourbit son hastellier. » Histoyre de la vie du glorieulx sainct Martin.   17 Avant d’y pénétrer. « Moy (…) qui sçais proprement mettre l’andouille au pot/ Et larder le connin. » J. de Schelandre.   18 La syphilis.   19 L’entrée du Purgatoire, mais aussi l’anus. Cf. le Gaudisseur, vers 64 et note 25.   20 BM : moussus  (Voussu = bombé, arrondi.)   21 Faire l’amour. « Une femme qui a fait/ Cela cent foys sans son mary. » (L’Amoureux.) Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 215.   22 Assez ! « Je cuydoys qu’el me dist “Hollà !”,/ Mais elle me disoit : “Là, là !/ Houssez fort !” » (Sermon joyeux d’un Ramonneur de cheminées.) La fringale sexuelle des femmes était un lieu commun.   23 Il y a un hic. Se guetter = se garder, se méfier. Cf. Lucas Sergent, vers 57.   24 Préservez-vous d’une grossesse. Allusion au « fruit du ventre » de la Vierge Marie. Il est encore question d’un tel fruit au vers 178.   25 Qui n’avez pas la moitié du plaisir que vous souhaiteriez avoir. « Encore un coup, mon doulx amy !/ Je ne suis pas saoulle à demy. » Fleur de poésie françoyse.   26 N’éconduisez pas votre amant.   27 BM : rest &  (Car les enfants conçus pendant que vous copulez avec votre ami seront attribués au père officiel, même s’il dormait.)   28 BM : papar  (Papa = cocu qui reconnaît l’enfant d’un autre. « Et qui qu’en soit le père,/ Tu seras le papa. » Régnault qui se marie à La Vollée.)   29 Les moines franciscains, très défavorablement connus sous le nom de cordeliers, portaient une robe grise. Frère Guillebert est vêtu de ladite robe pour prononcer le sermon initial, mais il se rend au rendez-vous galant <vers 191> en civil, avec un pourpoint et un haut-de-chausses ; il reparaîtra en robe au vers 507, quand il aura perdu son habit séculier. Rabelais révèle que les béats Pères ne portent point de chausses sous leur froc : voilà pourquoi « leur pauvre membre s’estend en liberté à bride avallée, et leur va ainsi triballant sur les genoulx ». (Pantagruel, 16.)   30 « Mes dames, je suis d’avis que vous mestiez vos jambons parmy nos andouilles : vous ferez belle aumosne. » (Marguerite de Navarre, Propos facétieux d’un Cordelier en ses sermons.) Même expression au vers 128.   31 On gagne beaucoup d’indulgences. La Confession Margot exploite ce thème.   32 Femmes. On trouve cette métonymie aux vers 32, 52, 191 et 308 ; et sous la forme « tétot » aux vers 141 et 315. Épié = pointu comme le sommet d’un clocher, qu’on nommait l’épi ; cf. le vers 87.   33 Depuis qu’elles sont enceintes. « Il envoie soudain sa fille aisnée à deux ou trois lieues de là (…) en attendant que les petits piedz sortissent. » Bonaventure Des Périers.   34 « Il y engrossa une gouge/ Qui avoit nom dame Biétrix. » Le Gaudisseur.   35 Épuisées (par la luxure).   36 Qui font tant les bégueules.   37 Ont les fesses usées par les frottements du lit (vers 23). « Une vieille espoitronée. » Roman de Renart.   38 Un peu. « Fourbir le haubert à une femme » est répertorié dans le Dictionnaire érotique de Bidler.   39 Vulves. « Rembourreux d’enffumés cabas [culs] :/ Laisser vous fault vostre mestier/ Sans plus fourbir ces vielz harnas. » (Ballade.) Étrenner = dépuceler.   40 C’est effectivement le vrai début de la pièce. Une jeune femme mal mariée va chez sa voisine Agnès, une veuve quelque peu entremetteuse.   41 Lacets, liens du mariage.   42 Esclave.   43 D’avoir une érection. « Il point droictement sur le dart. » Le Povre Jouhan.   44 De la braguette ? L’expression exacte est : « Savoir –ou entendre– le contrepoint. » C’est-à-dire, être habile dans les choses de l’amour. Mais par métonymie, un pourpoint est aussi un amant : « Vous voulez trop souvent/ Estre couverte d’ung pourpoint ! » Les Botines Gaultier.   45 Tiré.   46 BM : Tout  (J’y trouve.)   47 Celui qui a combiné de. Les parents mariaient souvent leurs filles à des vieux barbons, d’où le nombre de cocus.   48 Hypocrite.   49 Suppléer. Encore très lu à cette époque, le Roman de la Rose <Lettres gothiques, vv. 19633-19680> développe une longue métaphore sur l’écriture et le coït ; on y voit par exemple Orphée, l’inventeur de la pédérastie, « qui ne set arer [labourer] ne escrire/ Ne forgier en la droite [bonne] forge ». Quant à ses adeptes qui « pervertissent l’escripture », il faut que « les greffes [leur stylet] leur soient tollu [coupé],/ Quant escrire n’en ont vollu/ Dedenz les précieuses tables [vulves]/ Qui leur estoient convenables ».   50 Pénurie. « J’ey du jeu d’aymer grand soufreste. » La Fille esgarée.   51 BM : pey  (Poy = peu.)  Avoir la langue un peu secrète : être discret.   52 « [Frère Colin] confessa tant l’une des plus jeunettes,/ Qu’à son plaisir la fit mettre à l’envers. » Germain Colin.   53 Sans connaître, sans faire. « Luy monstrer comme Jean à sa mère le fait. » Mathurin Régnier.   54 Nouveau moine.   55 Pitié.   56 Trop long (voir ma notice). Faut-il lire Guilbert ? « Assemblées en la présence dudit nostre vénérable Frère Guilbert en nostre chapitre, au son de la cloche. » Histoire et antiquitéz du païs de Beauvaisis.   57 Le discours du frère, puisé aux meilleures sources de la poésie courtoise, manque de verdeur. La femme lui tend la perche (si j’ose dire) en jouant sur le double sens de emmancher : amorcer, et pénétrer. « N’est-il pas temps que vous emmenche ?/ Du temps perdu je suis marry,/ N’en desplaize à vostre mary. » Des Périers.   58 À ceux qui souffrent de la misère sexuelle.   59 Sacher = arracher.   60 Coït. « Ne furent culz de putain sans hutin. » Ballade.   61 Si je marche sur des œufs, si je suis sur mes gardes. Mais œufs = testicules : « Une prébende de moine, qui est une saucisse entre deux œufs. » Joyeusetéz.   62 J’éjaculerai sur vos seins pour ne pas vous inséminer. Baume (de vie) = sperme : « Le mary couche avec sa femme,/ Et lors s’i fourre si avant,/ Qu’ainçois qu’il soit soleil levant,/ Empli a le tonneau de basme. » (Jehan Divry.) Bien qu’interdit par l’Église, le coitus interruptus était courant : « M’amye, je n’engendreray point :/ Car qui [si on] n’achève de tout point,/ Rien n’y vault le commencement. » (La Fleur de toutes joyeseutéz.)   63 BM : en  (Ce vieux chien aura le plaisir de trouver le pâturage de sa femme labouré.)   64 Hersé, labouré. « La dame qui a un ami,/ C’est un champ toujours bien hersé. » (Brissart.) Cf. Raoullet Ployart.   65 S’en tire à trop bon compte. Ici, elle rentre à la maison.   66 Je veux que vous me mettiez un peu mon bas de chausse. Jeu de mots involontaire : engainer = coïter. « Puis Martin jusche, et lourdement engaine. » (Clément Marot.)   67 Votre bas de chausse est trop disloqué. Mais bas = pénis.   68 À la manière des barbares turcs, qui passaient pour des sodomites indécrottables. Mais on pouvait aussi « donner un barbarin clystère/ Par devant, et non par derrière,/ À quelqu’une. » (Le Pasquil des cocus.) Voir la note 70.   69 S’il vous manque quelque chose.   70 « La maladye de la trop-fille », comme on l’appelle dans Tout-ménage, tourmente aussi Perrete dans la farce de Frère Phillebert : pour la guérir, il faut que « Dieu luy doinct chose qui se dresse ». Et donc, frère Phillebert lui prescrit « un bon clistère barbarin ».   71 Dans la juste observance de la prescription de Celse : Semel in hebdomada [une seule fois par semaine].   72 Ce n’est bon que pour m’affamer. Le jeu de mots sur « femme » est réservé aux lecteurs.   73 J’aimerais tout autant n’avoir rien.   74 D’être côchée, saillie comme une poule par un coq. (Idem vers 239.) « Les cerfs rutent, les poissons frayent, les cocqs côchent. » Béroalde de Verville.   75 Référence à Charles d’Orléans, et surtout à Villon : « Je meurs de seuf auprès de la fontaine. »   76 BM : st rebatu  (Trébattu = transpercé <Godefroy>. « Une pluie tant grosse et sy espesse dont li uns et ly aultres furent tous moulliés et trèsbatus. » Froissart.)   77 Tellement j’ai battu votre con. Cf. Gratien Du Pont, vers 165.   78 D’ailleurs, au surplus.   79 BM : Ca este de  (Ce vers préfigure le dénouement.)   80 La traduction « beau sire », proposée par René Debrie dans son Glossaire du moyen picard, s’applique mal à une femme. (Voir les vers 101 et 119 des Enfans de Borgneux.) C’est peut-être une variante normanno-picarde de l’interjection « pécherre ! » [pécheur] : « Ha ! las, péchierres ! » (Godefroy.)   81 BM : crarins  (J’ai si peur pour l’apparence de mon bébé. On passait toutes ses « envies » à une femme enceinte, « affin que le fruit qu’elle porte n’en apporte enseigne [aucun stigmate] sur son corps ». Évangiles des Quenouilles.)   82 Que vous désiriez de la nourriture crue ou cuite. Elle la préfère crue : « [Ce Cordelier] demanda à toute l’assistence des femmes si elles ne sçavoient que c’estoit de manger de la chair crue de nuict. » Marguerite de Navarre.   83 BM : montom  (Elle veut du collier de mouton.)   84 Ce « tout droit » moqueur, précédé par un « entendez-vous » insistant, laisse penser que le produit blanc qu’elle a eu pendant sa nuit de noces n’était pas du flan…   85 Je ne peux plus y tenir, présentement.   86 Le moine soliloque dans la rue. Cette habile transition permet de faire passer la nuit et d’arriver au matin.   87 Tu me tiens par l’oreille… ou par les couilles (note 7).   88 BM met ce titre sous la rubrique. Or, ce rondeau simple de 12 vers commence au vers 193. Il était chanté.   89 Qui est pareille à, qui semble.   90 De les besogner toutes pour celle-là. « Voulez-vous bien que je vous sengle/ Par le ventre ? » Le Cousturier et son Varlet.   91 Je prépare à.   92 BM ajoute : & ce. [etc.]  Il n’est pas utile de résoudre la clausule à racine du refrain.   93 BM : la  (Pour peu que j’aie accès à ta personne.)   94 Si un peu je m’émerveille pour une autre.   95 Le couple est couché dans un lit.   96 Achetez à bon marché. Elle souhaite que son époux marchande longuement pour qu’il rentre plus tard.   97 Il sort, et le moine entre. La femme reste au lit.   98 J’arrive au bon moment. Mais à point = en érection. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 361.   99 Il accroche son pourpoint et son haut-de-chausses à un clou, ne conservant que sa chemise longue, puis il entre dans le lit. On admirera la décence  de l’auteur, qui laisse un vêtement à ses personnages : à cette époque, on dormait nu. Il est vrai qu’être nu ou en chemise était la même chose : « Il trouva le maistre curé tout nud en chemise dedans le lict, tenant sa femme accollée. » Les Joyeuses adventures.   100 L’épreuve. Mais aussi, un coup d’épée : « Avec l’espée rabatue, je donne simplement une touche. » Tabourot.   101 Ni panier, ni poche. Le bissac est un sac à deux poches : on le porte sur une épaule ou sur le col, et les poches pendent de part et d’autre, comme les jambes d’un pantalon.   102 Vers manquant. Vitaille = victuailles (Capitaine Mal-en-point, vers 428 et 719), mais aussi provision de vits (Chambèrières qui vont à la messe, vers 31). Ce même sac à vits deviendra un « sac à couilles » au vers 377.   103 Il frappe à la porte de sa maison.   104 Saint Jean.   105 Le moine appartient à l’Ordre des franciscains, fondé par saint François d’Assise, qui est encore invoqué à 374.   106 BM : en da  (« Par mon enda ! » est un juron féminin. Voir Godefroy.)   107 Mussez-vous, cachez-vous.   108 « Mais de grand peur le cul me tremble. » Le Marchant de pommes.   109 Aussi, j’ai très peur pour votre instrument. Ce vieil époux conciliant n’est pas bien dangereux (scène IV) ; mais sa femme joue d’une manière sadique avec la pleutrerie du franciscain en lui rappelant la mésaventure d’Abélard, « qui chastré fut et puis moyne » (Villon).   110 Action de hocher une femme (vers 359).   111 Jeune jars qu’on a châtré pour qu’il n’importune pas les oies.   112 Que des poils : « Agneaulx de divers plumaiges. » (Godefroy.) Autrement dit, je n’aurai plus de couilles au cul. Même l’anatomiste Rabelais considère que les couilles sont pendues au cul : « Je te monstreray par évidence que tes couillons pendent au cul d’ung veau, coquart ! » (Quart Livre, 21.)   113 BM : en gaigne  (S’engaigner = s’irriter. « La femme à son mari s’engagne,/ Qui despend [dépense] son bien sans raison. » Godefroy.)   114 Fou furieux. « Desvée/ Et hors du sens. » Le Messager et le Villain.   115 Secoué.   116 L’amant est bien sous le coffre, et pas dedans, sinon le public ne pourrait ni l’entendre, ni le voir. Beaucoup de coffres médiévaux étaient surélevés par des pieds, comme celui-ci (Musée de Cluny).   117 BM : la cul  (Bouté à l’accul = acculé. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 169.)   118 BM : col  (Le moine, accroupi en grenouille <vers 262>, a caché son buste sous le coffre, mais son postérieur dénudé reste visible. « Il est bien caché, [celui] à qui l’on void le cul : une personne à demie descouverte est bien facile à treuver. » Antoine Oudin.)  La femme  va poser du linge sur le derrière de son amant.   119 Il sent peut-être un avant-goût du pet qui va venir à 281.   120 BM imprime ainsi ce vers difficile : Son my ra ie seray asseure (Si on m’y reprend <vb « ravoir »>, je me ferai creuseur de tunnels.)  Ma conjecture permet d’obtenir une rime riche et un sens logique.   121 Elle ouvre, et son mari entre.   122 Dans la posture d’une rainette, genoux pliés et cuisses écartées. Pour plus de confort, il met sous ses genoux le bissac que la femme avait posé la veille sur le coffre (vers 272-273).   123 Je suis fichu. Idem vers 383.   124 Pénis. Cf. Raoullet Ployart, vers 29.   125 BM : en creste  (Le gland rouge est comparé à la crête d’un coq <note 129> : « Oncques creste de coq/ Ne fut plus rouge que le manche. » Le Faulconnier de ville.)   126 L’église de Meulers <note 235> est consacrée à saint Valéry.   127 En pitié, et qu’il prenne tout ce que j’ai en compensation.   128 « La robille, c’est à sçavoir tous ses vestemens, robes, chaperons, ceintures. » Guillaume Terrien.   129 Mon pénis. Dérivé de coq (anglais cock). « Lors se dressa ma coquille,/ Preste d’avoir le hutin [coït, v. 133] ;/ Et n’appétoit [elle ne désirait], ce matin,/ Qu’à se frocter de l’estrille/ D’une belle josne fille. » (Coquille bobille.) Saint Coquilbault est un saint priapique invoqué contre la stérilité <note 149>.   130 Il ne peut se retenir de péter.   131 Humblement. Mais aussi : aplati sur le sol.   132 Une odeur de pet.   133 BM attribue ce vers au frère Guillebert ; or, il est dit par la femme, qui assume le pet afin de couvrir son amant. Male pu(an)teur = mauvaise odeur. Jeu de mots sur pute.   134 BM : Ouy et de beaulx  (Je n’en ai pas même la peau. Cf. l’actuel « Peau de balle ! ».)   135 Le linge.   136 Dans une cachette.   137 Ce testament paralyse l’action pendant 35 vers ; il a peut-être été mis là par l’auteur du sermon initial, où on trouvait déjà la forme rare du septain à refrain. Depuis François Villon, les testaments burlesques inspiraient les auteurs de farces. Voir par exemple le Testament Pathelin : « Et faire ung mot de testament. »   138 BM : maccueillir  (Cuillère = pénis. « –Mon mari l’a menu, mais il est long. –Bien, voilà qui est bon, quand la cueiller va jusqu’au fonds du pot. » Béroalde de Verville.)   139 BM : quant  (Le couiller désigne les bourses. Idem vers 346.)   140 BM : iay este   141 BM : veoir  (Pour vrai, en vérité. Il s’agit de la femme qui est dans le lit.)   142 Ce refrain est un décasyllabe à césure médiane, ce qui était fort rare. Sa musique en rappelle un autre, tout aussi interrogatif et suppliant, celui de l’Épistre de François Villon : « Le lesserez là, le povre Villon ? »   143 C’est toujours la métonymie symbolisant les femmes (note 32).   144 Pointus comme le bec des linottes.   145 Custodi nos ! Cet impératif a subi l’attraction du génitif custodis [du geôlier] : il désigne ici le sexe des femmes, qui garde prisonnier celui des hommes.   146 Mon pénis (vers 7) et mes breloques.   147 Tranches de lard salé : entre des cuisses maigres.   148 Entre des cuisses grasses. « Et couldre jambons et andouilles/ Tant que le lait en monte aux têtes. » Villon.   149 Les femmes qui ne parvenaient pas à procréer se frottaient avec les reliques de certains saints. À défaut d’un saint Guillebert, on pouvait par exemple invoquer son quasi homonyme saint Couillebaud. « Quant aux brayes [de S. François ou ses disciples], miraclifiquement elles faisoyent enfler le ventre aux femmes qui de nature estoyent stériles…. Combien de femmes brehaignes [stériles] sont devenues joyeuses mères de beaux enfans pour avoir baisé les brayes de S. François ? » (Henri Estienne.)   150 Le coït, l’action de baguer le pénis du mari : « –Et ! que je manye vostre chose…./ –Vous ne parlez que de bagaige. » (Jolyet.) Passer la bague au doigt est connu comme un rite phallique : « Pour enfiler la bague et rembourer le bas/ De celle qu’il avoit choisi pour ses esbats. » (Th. de Viau.)   151 BM : recourir  (Cela vous sera d’un grand secours.)   152 Aux muguets [jeunes galants] qui grattent leur muguet [mycose syphilitique]. « Soupçonnant qu’un muguet ne luy fasse l’amour. » (Satyre Ménippée.) « La syphilis déguisée sous la forme d’un muguet très-intense. » (Archives générales de médecine.)   153 BM : Quon  (Appareils = pansements : « Vous nettoyerez la playe après en avoir ôté le premier apareil. »)  On mettra leur pansement sur le sexe de leur femme.   154 Si la chance en est, si elle est de la partie.   155 Ils frapperont mieux, au sens libre.   156 BM : launnt leurs brongues  (En rinçant leur gorge.)  Il manque le vers suivant ; j’emprunte le vers 309 de Régnault qui se marie. Voir aussi le vers 542 du Testament Pathelin.   157 BM : sotir  (Saurir = sécher comme un hareng saur. « Que nul ne puisse sorir, en la ville de Paris, harenc. » Godefroy.)   158 Et non pas du diable : cela portait malheur.   159 On reconnaît ici le début de l’extrême-onction. Mais la suite est un joyeux fatras où surnagent quelques bribes mal digérées. Quand ils ont peur, les hommes d’Église en perdent leur latin : cf. la Confession du Brigant. André Tissier <p.246> s’est évertué à traduire ce collage ; saluons son travail méritoire : « À moins que, Seigneur, / ton esprit ne soit fatigué d’être sollicité, / je confesse au Dieu du ciel, / pour que le chœur des prophètes puisse… »   160 Sedet spiritum eût été un peu moins aberrant, mais on n’en est plus là.   161 Pénis. Cf. le Faulconnier de ville, vers 54-78. Rime avec « vaton ».   162 Je diffère, je me retiens. Cf. l’Amoureux, vers 17.   163 Les cheveux qui encerclent ma tonsure monacale, pour lui inspirer du respect.   164 Tourmentes.   165 BM : tesniers  (Au contraire de cet hapax, témoins, du latin testis, est couramment employé dans le sens de testicules : « Et que j’ay, comme maint moines,/ Queue roide et tesmoings velus. » Eustache Deschamps.)  Pelus = poilus.   166 Qu’est-ce qui est pendu à ce clou ? Dans la pénombre matinale, Robin prendra les chausses du moine pour son bissac (note 99).   167 C’est lui (idem vers 381). En bon vieillard myope et gâteux, il parle ensuite au bissac, qu’il vouvoie.   168 Copuler. Cf. le Monde qu’on faict paistre, note 58.   169 Avant mon départ. « Baisez-moy, mon doulx plaisir,/ Au moins, à vo’ département. » Le Povre Jouhan.   170 Ne lésinez plus sur les ébats sexuels. « Sa femme,/ Qui de son clerc prenoit esbatement. » Joyeusetéz, XIII.   171 L’amour : « Quant venez pour faire le cas/ À la desrobée avec moy. » (Le Badin qui se loue.) Le mari s’en va, et Guillebert sort de sa cachette.   172 Pelée [décalottée] = verge. « [Elle] a porté verge pelée…./ Trop est vielle sa puterie. » Roman de Renart.   173 BM : a il prins  (« Gibet » renforce l’interrogation : cf. Maistre Mymin, vers 303.)   174 BM : apporte   175 De retour, quand il s’apercevra qu’il n’a pas son bissac.   176 BM : Guilleret   177 BM : rairez vous  (Lairrez = laisserez.)   178 BM : Ronge  (Vous ne m’y ferez plus avoir le cul rouge : le moine a eu les fesses rougies par le froid <vers 275>, mais il a surtout failli avoir le cul ensanglanté par la castration.)   179 BM : ma despoille  (Dès que j’aurai repris les vêtements dont je m’étais dépouillé.)   180 On scande « wé-té », comme on scande « wé » aux vers 283 et 377. Cf. ma préface.   181 BM : trouverra  (Il est si myope qu’il ne me verra pas dans la rue encore obscure.)   182 Il s’enfuit en pourpoint, et toujours en chemise longue.   183 Heur = chance.   184 Elle va chez sa voisine Agnès.   185 BM : bien expert  (Comme il appert = apparemment.)   186 En pleurant.   187 Avec elles. Pierre Certon ne publiera sa chanson Je ne l’ose dire qu’en 1538 : « Au marché s’en va à tout. »   188 C’est mal dit ! La bouche qui expulse des mots est assimilée à un anus. Cf. le Faulconnier de ville <v. 297>, et les Sotz qui corrigent le Magnificat <v. 302>. Dans la Moralité du Lymon et de la Terre (T 19), le Fol lâche la même réplique.   189 BM : fist  (Et pourtant, je n’ai tiré qu’un pauvre coup.)   190 Contrôlez-vous.   191 BM : doys  (Voys = vais. Elle rentre chez elle, tandis qu’Agnès guette le retour de Robin.)  Trotter menu = courir vite. Cf. Trote-menu et Mirre-loret.   192 Il examine le « bissac » malodorant qu’il portait sur son col.   193 Au vers 182, sa femme réclamait des moules au féminin, mais elle voulait des moules au masculin, c’est-à-dire des godemichés. « [Elle] en fut quitte pour faire élection des plus gros moules qu’elle pouvoit trouver…. Elle en fit tenter le gué [sonder son passage] par des plus menus et petits moules, puis vint aux moyens, puis aux grands. » Brantôme.   194 Me fait-on cocu ?   195 BM : fresaye  (Je vous promets une bonne fracture ! « Ceulx recevans coulps de poings ou de baston, dont n’y auroit blessure ou froisseure. » Loix, chartres et coutumes.)   196 Vous baisera (note 74) : je vous expédierai en Enfer.   197 Marcou, gros chat reproducteur.   198 BM : te   199 Ces deux vers visent l’amant de sa femme. Foutiner = donner des coups de verges… ou de verge.   200 Un prêtre.   201 Il déblatère de nouveau contre sa femme.  BM : huihot  (Buhot = orifice anal <Matsumura, Dictionnaire, p.474>.)   202 Un huihot, ou wihot, est un mari trompé : « Huyho, qui est à dire en françois : coux [cocu]. » (Godefroy.) « Ce mot Huyau est un synonyme de Huet » (Ducatiana.) Huet est un prénom de cocu entériné par les nombreuses variantes de l’expression « appeler Huet » (voir leur liste complète dans l’article HUET ), qui devient ici « appeler Huot ». Dans le fabliau des Braies le priestre, le cocu se fait traiter de huihot.   203 Pourvu, fait un cadeau empoisonné. « Le deable m’en a bien engé ! » Messire Jehan.   204 Il pleure : cf. le Munyer, vers 115 et note 57. Envoyer côcher = envoyer se faire foutre.   205 Ait voulu. Se méporter = mal se comporter. Idem vers 498.   206 BM : le   207 Il montre les chausses.   208 La sagesse de ma femme.   209 Que Dieu m’assiste ! Idem vers 502.   210 BM : femme   211 BM : esprouue  (Esponné = épuisé. Rimait déjà avec « estonné » aux vers 59-61.)   212 Quand on arrive à se procurer ce trésor. Un des modèles de notre farce est une facétie de Pogge intitulée en français Des reliques des brayes sainct François : « Pour ravoir ses brayes publicquement comme ung très sainct joyau. »   213 Réciter le Credo.   214 Accomplir le devoir conjugal. « Si l’espousée estoit point, la nuyt, morte ;/ Et si l’espoux avoit faict son devoir. » Marot.   215 Si les religieux ne nous avaient pas connues charnellement.   216 BM : ie   217 Au couvent des franciscains. La farce a dû être écrite pour Rouen, comme une bonne partie du théâtre comique de cette époque.   218 Ils vont retrouver la femme à la maison.   219 Je me suis trompé. Agnès l’interrompt vite pour informer la femme de son subterfuge.   220 Ce qu’il s’imaginait.   221 De bruit.   222 Il devenait fou. Cf. le Gentil homme et son page : « Je ne sçay plus comme je suys. »   223 M’en avertissait : je m’en suis douté.   224 Dans de la fiente. Fiens rime avec cians, comme aux vers 46-47 du Nouveau marié.   225 BM : ny pensis  (Je n’en avais jamais vu. « Et puis allèrent plusieurs aultres femmes au convent faire honneur aux brayes de sainct François, [elles] qui jamais ne les avoient veues. » Pogge.)   226 Elle voit passer frère Guillebert devant la porte restée ouverte. Il a eu le temps de retourner au couvent pour revêtir son froc.   227 Il appelle le moine.   228 BM : choses  (La confusion s’explique : choses = parties sexuelles.)   229 De plaid, de discussions.   230 « Prindrent les Religieux celles brayes, et les firent baiser au mary et à tous les assistans. » Pogge.   231 On attendrait « l’haleine ». Laine = poils du pubis : « M’amie avoit nom Jhaneton./ Elle avoit ung si joly con ;/ Point n’y avoit de laine. » Le Roy s’en va delà les mons.   232 De votre laine, ou de votre alêne [poinçon] : « –C’est trèsgrant paine/ Que de ramonner à journée./ –Voire, pour gens à courte allayne. » (Le Ramonneur de cheminées.) La femme réclame un bon coup du goupillon avec lequel Guillebert bénit les protagonistes ; on se croirait dans la farce des Chambèrières qui vont à la messe.   233 Se place dans la procession selon son rang.   234 Prenez en patience l’infidélité de votre épouse.   235 Cette signature garde son mystère. Il y avait peut-être des jeunes clercs à Meulers, près de Dieppe. Mais « jeune clergie » pourrait traduire « frère mineur » ; or, les franciscains se nommaient officiellement « Ordre des frères mineurs ». Et le fabliau des Braies au Cordelier stipule bien : « les braies d’un Frère Menor. » Ce que confirme Henri Estienne dans l’Apologie pour Hérodote : « Ce furent les brayes de S. François qui couvrirent le déshonneur du haut-de-chausse qui avoit esté laissé par le Frère Mineur. » Plusieurs médiévistes voient dans les lettres MPU la date MDV : 1505.   236 Manuscrit  Cinq cents de Colbert 488.

SŒUR FESSUE

Ms. La Vallière

Ms. La Vallière

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SŒUR  FESSUE

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Dans la première moitié du XVIe siècle, un auteur de farces eut l’idée de combiner deux histoires connues : celle d’une nonne trop discrète, et celle d’une abbesse trop pressée. La nonne est enceinte, mais l’abbesse aurait pu l’être aussi. On connaît d’ailleurs plusieurs versions scéniques d’un Miracle de l’abbesse grosse, où une mère supérieure, enceinte de son clerc, obtient de la Vierge Marie un accouchement indolore et discret, contrairement à celui des honnêtes femmes ; la Vierge confie le bébé à un ermite, et comme bon sang ne saurait mentir, elle en fera bientôt un évêque.

La pièce est résolument comique, mais on voit affleurer cette nostalgie du monde qui aigrissait des religieuses dont la plupart étaient cloîtrées malgré elles. La religieuse des Mal contentes exhale quelques jolis soupirs aux vers 424-429.

Source : Manuscrit La Vallière 1, nº 38.

Structure : Rimes plates, truffées d’adjonctions apocryphes que j’ai barrées.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

*

Farce  nouvelle

à  cinq  personnages

 

C’est assavoir :

    L’ABEESSE

    SEUR  DE  BON-CŒUR

    SEUR  ESPLOURÉE

    SEUR  SAFRÈTE 2

    SEUR  FESSUE

*

           SEUR  ESPLOURÉE  commence   SCÈNE  I

        Seur de Bon-cœur, je suys perdue,

        Et me treuve tant esperdue

        Que plus n’en puys !

           [SEUR  DE  BON-CŒUR] 3

                                         Qu’esse, ma seur ?

        Quel nouvèle av’ous entendue ?

5    Quoy ! vous estes-vous estendue

        Sur l’erbe, atendant la doulceur4 ?

           SEUR  ESPLOURÉE

        Nénin.

           SEUR  DE  BON-CŒUR

                     Rendez mon esprit seur5.

           SEUR  ESPLOURÉE

         Je ne le diray poinct.

           SEUR  DE  BON-CŒUR

                                         Hélas !

         Donner je vous pouroys soulas,

10    Et vous garder de desplaisir.

         Dictes-le-moy tout [à] loysir :

         À ses amys, rien ne se celle.

           SEUR  ESPLOURÉE

         A ! ma mye…

           SEUR  DE  BON-CŒUR

                                   Prenez une selle6.

         Vous estes bien fort couroucée.

15   Déclarez-moy vostre pencée :

         Qu’avez-vous ?

           SEUR  ESPLOURÉE

                                    Rien.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                              À brief parler,

         Dictes-moy et [ne] mentez poinct.

         Vous estes-vous laissée aler7,

         Que8 vous tourmentez en ce poinct ?

20   Dictes !

          SEUR  ESPLOURÉE

                         Je ne le diray poinct.

         Agardez, l’honneur en despent.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         C’est mal chanté son contrepoinct ;

         L’honneur sy près du cul ne pent.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Sy vous avez hapé le roide9,

25   Agardez, il n’y a remède :

         Nostre abesse en faict bien autant !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         Par ma foy ! mon cœur se repent

         Qu’i fault que j’en oye parler tant.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Je vous veuil dire tout contant

30   Que c’est que céans il y a :

         Vous congnoyssez bien seur Fessue ?

         Frère Roydimet l’a déseue10

         Et gastée11.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                             Avé Maria !

          SEUR  ESPLOURÉE

         Elle est deigà grosse et ensaincte.

35   Sceur, ouez12, dea ! ce n’est pas faincte :

         Nous sommes toutes à quia13

         Par son faict.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                  Avé Maria !

         Et ! Jésus ! Et ! je l’ay tant faict,

         Et à mon plaisir satisfaict

40   Sans estre grosse !

          SEUR  ESPLOURÉE

                                       Hélas, mon Dieu !

         Aussy l’ai-ge faict en mainct lieu,

         Comme elle.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                  Avé Maria !

         Que j’en ay au cœur de détresse

         Et de douleur !

          SEUR  SAFRÈTE             SCÈNE  II

                                Et ! qu’esse ? qu’esse ?

45    Que j’entende vostre débat !

         Comptez-moy, par forme d’esbat,

         Ce que maintenant vous disiez.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Ce n’est rien, non.

          SEUR  SAFRÈTE

                                        Vous devisiez

         D’amour, en ce lieu, en commun ?

50    Mais c’est tout un, ouy, c’est tout un :

          Je n’en fais pas moins, en tout temps,

         Que les bonnes seurs de céans.

         Dictes hardiment !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                        On le sçayt bien

          Que toutes on n’espargnons rien

55    Du nostre ; mais tel pissendalle14

         Sera cause d’un grand scandalle

         Dont nous serons désonor[é]es15.

          SEUR  SAFRÈTE

         Vous me semblez fort esplour[é]es :

         Quelle chose av’ous aperceue ?

60    Qui a failly ?

          SEUR  ESPLOURÉE  et  SEUR  DE  BON-CŒUR

          ensemble disent :

                               C’est sceur Fessue

         Qui a faict…

          SEUR  SAFRÈTE

                              Quoy ?

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                          Nous n’osons dire.

          SEUR  SAFRÈTE

         Dictes, sy ce n’est que pour rire.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Rire ? Hélas ! Mais j’en pleure et plains,

         Et de larmes sont mes yeulx plains,

65    Pour la douleur que j’ey conceue.

          SEUR  SAFRÈTE

         Qui cause cela ?

          SEUR  DE  BON-CŒUR  et  SEUR  ESPLOURÉE

          ensemble disent :

                                   Seur Fessue.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Dormir je n’en peulx nuict ne jour ;

         Je n’ay ne repos, ne séjour,

         Ains de douleur je tremble et sue.

          SEUR  SAFRÈTE

70    Qui vous faict ce mal ?

          SEUR  DE  BON-CŒUR  et  SEUR  ESPLOURÉE

          ensemble disent :

                                              Sceur Fessue,

         Qui a faict…

          SEUR  SAFRÈTE

                              Ouy, mectre à genoulx16

         Quelque un ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                                 Elle a faict comme nous ;

         Mais le pire, c’est qu’el est grosse.

          SEUR  SAFRÈTE

         Grosse ? Jésuchrist ! quel endosse17 !

75    Esbahy[e] suys qu’on le permect.

         Mais déclarez-nous, je vous prye,

         Sans que son honneur on descrye,

         Qui l’a faict ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                                  Frère Rèdymet.

          SEUR  SAFRÈTE

         Hélas ! el est déshonorée.

80    Et ! Vierge Marie honorée !

         Où la pourons-nous [bien] cacher,

         Le jour qu’el poura acoucher ?

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         Je ne sçay.

          SEUR  ESPLOURÉE

                             J’ey bien descouvert

         Aultre foys, qu’el estoyt joyeuse,

85    Et qu’el avoyt l’engin18 trop ouvert

         Pour estre faicte religieuse.

          SEUR  SAFRÈTE

         Elle est plaisante et amoureuse.

         Long temps il y a qu’el aymoyt.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Qui, ma sœur ?

          SEUR  SAFRÈTE

                                     Frère Rèdymet,

90    Rouge comme un beau chérubin19.

         Un jour, avec frère Lubin20,

         In caméra charitatis 21,

         Tout doulcement je m’esbatis ;

         Mais il [n’est sy]22 fort compaignable.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

95    Il est tant doulx et amyable,

         Sœur Safrète, quant y s’y mect !

          SEUR  ESPLOURÉE

         Ouy, le bon frère Rèdymet,

         Quant il a la « teste » dressée

         Et que de luy suys embrassée,

100   Ma leçon23 bien tost se comprent.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         A ! jamais il ne me reprent24.

         Nous vivons no[u]z deulx comme amys :

         Aussy mon cœur luy ay promys.

         Bon Amour25 ainsy le permect.

          SEUR  ESPLOURÉE

105   Quant au bon frère Rèdymet,

         Je le congnoy digne d’aymer.

         Mais afin de n’estre à blasmer,

         Pour faindre estre de saincte vye,

         Je veuil déclarer par envye26

110   À nostre abesse (ce n’est faincte)

         Comme sœur Fessue est ensaincte.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         C’est bien faict.

          SEUR  SAFRÈTE

                                  C’est bien faict, ma sœur.

         Nostre bon père confesseur

         En orra27 le miséréré.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

115   Je vouldroys qu’i28 fust enserré

         En ma chambre, pour sa prison.

          SEUR  SAFRÈTE

         Sainct Pierre ! vous avez rayson :

         D’amour, aparence il y a

         En vos dictz.

          SEUR  ESPLOURÉE,

          allant à l’abeesse pour parler à elle :

                                Avé Maria !                SCÈNE  III

          L’ABEESSE

120   Gratia pléna 29 ! Qu’avez-vous,

         Qui vous amène devers nous30 ?

          SEUR  ESPLOURÉE

         Sans cause je [ne] vous viens voyr31.

          L’ABEESSE

         Certes, j’estoys en ce parloyr,

         En saincte… contemplation

125   Des mos d’édiffication32,

         Atendant l’heure du… menger33.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Sy Mort m’estoyt venue charger,

         Hélas ! je seroys bien heureuse.

          L’ABEESSE

         Et ! qu’esse ? Estes-vous amoureuse ?

130   Regrétez-vous encor le monde ?

                       SEUR  ESPLOURÉE

         Nénin, non.

          L’ABEESSE

                                Céans, il habonde

         Autant de plaisir[s] savoureulx

         Comme au monde. Et qu’il ne soyt ainsy,

         [De]dens ceste maison icy,

135   Povez avoir un amoureulx.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Hélas ! mon cœur trop douloureulx

         Ne peult oultrer34. D’effort j’en sue.

          L’ABEESSE

         Et ! qu’esse, ma mye ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                                             Seur Fessue,

         Qui a faict…

          L’ABEESSE

                               Vous dict-elle injure ?

140   Croyez-moy, par Dieu ! sy j’en jure,

         Elle en sera incarsérée.

         Comment ! faict-el la reserrée35 ?

          SEUR  ESPLOURÉE

         Elle a faict…

          L’ABEESSE

                             Je n’y entens rien en effaict.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Elle a faict…

          L’ABEESSE

                               Et quoy ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                                                 F[r]icatorès 36.

          L’ABEESSE

145   Ô le grosson peccatorès 37 !

         Per Dieu38, [elle] habuyct grandos

         Punitionnès 39 sur le dos !

         Qui l’eust pencé ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                                       Elle [l’]a faict,

         Et a son péché satisfaict,

150   Car elle est grosse.

          L’ABEESSE

                                          Ô la laide !

         Il y convient mectre remède.

         Mais à qui a-elle adonné

         Son corps ?

          SEUR  ESPLOURÉE

                             [El l’a]40 habandonné

         À frère Rèdymet, le moynne,

155   Il y a long temps.

          L’ABEESSE

                                        Que de peine41 !

         Tenamus chapitrum totus ! 42

         Sonnaté 43 clochétas bien totus !

         Qu’el véniat 44 !

.

.

          SEUR  DE  BON-CŒUR        SCÈNE  IV

                                  Sus ! entre nous,

         Y nous convient mectre à genoulx45,

160   À ce chapitre.

          SEUR  SAFRÈTE

                                  C’est bien dict ;

         Je n’y mectray nul contredict.

          L’ABEESSE

         Or, chantez !

          SEUR  ESPLOURÉE

                                 Bénédicité !    O lieu de le dire, y chantent 46 :

                 Voz « huys » sont-il tous fermés ?

                 Fillètes, vous dormez.47

165       Quant pour vous sont consumméz48

                 Dormez-vous,

                 (Fillètes, fillètes vous dormez)

                 [Mes sens d’amour]49 enflamés,

                 Dormez-vous, fillètes ?

                 Fillètes, vous dormez.50

          SEUR  FESSUE  entre          SCÈNE  V

170   A ! j’éray quelque advercité ;

         Je crains fort le punis[s]antés 51.

          L’ABEESSE

         Vénité, et aprochantez !

         Madamus, agenouillaré,

         Quia vo[u]z fécit mouillaré

175   Le boudin52 : il est bon à voir !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         Vous avez laissé décepvoir

         Vostre honneur, dont le nostre en souffre.

          L’ABEESSE

         Vous en sentirez feu et souffre

         En Enfer ; et de vostre vye,

180   N’irez en bonne compaignye

         Sans injure. Et ! comme a-ce esté

         Qu’avez faict ceste lascheté ?

         Vous en souffrirez le trespas !

          SEUR  FESSUE

         A ! mon Dieu, vous ne voyez pas

185   Ce qui vous pent devant les yeulx ?

          L’ABEESSE

         Mon cœur ne fust onc curieulx

         D’estre d’honneur tant descouverte53.

          SEUR  FESSUE

         Hélas ! vostre veue est couverte,

         Dont vostre grand faulte despent :

190   Ce que devant les yeulx vous pent

         N’est pas de tous en congnoissance54.

          L’ABEESSE

         Puys que sur vous j’ey la puissence,

         Je vous pugniray bien à poinct.

          SEUR  FESSUE

         A ! mon Dieu, vous ne voyez poinct

195   Ce qui est devant vostre veue ?

         J’ey failly comme despourveue

         De sens, dont coupable me sens.

         Mais…

          L’ABESSE

                    Quel mais ?

          SEUR  FESSUE

                                       Il en est cinq cens

         Qui n’en ont causé nul55 esmoy ;

200   Et sy56, ne font pas mieulx que moy.

          L’ABEESSE

         [Encore vous]57 levez la teste ?

         Vous estes une faulse58 beste,

         Et avez grandement erré.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Y luy fault le Miséréré,

205   Pour la faulte qui est yssue59.

          SEUR  FESSUE

         Et ! pardonnez à sœur Fessue !

          SEUR  SAFRÈTE

         Y luy fault donner telle peine

         Que de douleur soyt toute plaine,

         Puysqu’on la void ainsy déceue.

          SEUR  FESSUE

210   Et ! pardonnez à seur Fessue,

         Pour cela qu’el a entour60 elle.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Vrayment, el a juste querelle61 :

         Y ne fault pas son fruict62 gaster.

          SEUR  FESSUE

         Qui vous eust voulu trop63 haster,

215   Lors qu’estiez ainsy comme moy,

         En plus grand douleur et esmoy

         Eussiez esté que je ne suys.

          L’ABEESSE

         Demeurez ! Plus oultre poursuys64 :

         Qui vous a ainsy oultragée ?

220   Vous estes grosse, et tant chergée65

         Que plus n’en povez.

          SEUR  FESSUE

                                          A ! ma dame,

         Frère Rèdymet faict ce blasme

         En mainte religion66 bonne.

         Mais je vous pry qu’on me pardonne.

          L’ABEESSE

225   Où fusse ?

          SEUR  FESSUE

                         [De]dens le dorteur67,

         À ma chambre, près le monteur68.

         Ici tant enquérir ne s’en fault69

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         Et que ne criez-vous bien hault ?

          SEUR  FESSUE

         Crier ? Je ne sçay qui en crye70.

          SEUR  SAFRÈTE

230   Comment ! voécy grand moquerye !

         Nostre abeesse en sera blasmée.

          SEUR  FESSUE

         Comment, crier ? J’estoys pasmée.

         Et puys en nostre reigle est dict

         (Où je n’ay faict nul contredict)

235   Qu’au dorteur on garde silence.

         Et sy j’eusse faict insolence,

         Bruict ou tumulte, ou quelque plaincte,

         C’estoyt, contre nostre Ordre, faincte71.

         Voyélà pourquoy n’osay mot dire.

          SEUR  ESPLOURÉE

240   Vouélà bonne excuse pour rire !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         Très bien le silence el garda…

          L’ABEESSE

         Mais escoustez : qui vous garda

         De faire signe pour secours ?

         On y fust alé le grand cours72,

245   Et n’ussiez receu tel acul73.

                       SEUR  FESSUE

         Las ! je faisoys signe du cul,

         Mais nul(e) ne me vint secourir74.

          SEUR  SAFRÈTE

         Je n’eusse eu garde d’y courir.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Signe du cul ?

          SEUR  SAFRÈTE

                                  Il est possible :

250   Frère Rèdymet est terrible ;

         Et n’eust sceu ceste povre ânière75

         Faire signe d’aultre manière.

          SEUR  ESPLOURÉE

         C’est le signe d’un tel mestier76

          L’ABEESSE

         Mais il y a un an entier

255   Qu’el est grosse77 ; et ! n’eust-elle sceu

         Nous dire qu’el avoyt conceu ?

          SEUR  FESSUE

         Dire ? Hélas !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                   Ouy, dire, ouy, dire.

          SEUR  FESSUE

         J’ey bien cause d’y contredire.

          SEUR  SAFRÈTE

         Et comment ?

          SEUR  FESSUE

                                 Hélas ! quant j’eu failly,

260   Mon cœur alors fut assailly

         De repentance et de grand peur

         Que l’Ennemy78, qui est trompeur,

         Ne m’enportast pour telle faulte.

         Demanday à la bonté haulte79

265   Pardon, lequel aulx bons permect.

         Et au bon frère Rèdymect

         Je demanday confession ;

         Lequel, à l’asolution80,

         Lors que bien il me descharga81,

270   Absolutement m’encharga

         De ne dire ce qu’avions faict

         No[u]z deulx, ce que j’ey bien parfaict

         Pour craincte de dannation :

         Car dire sa confession

275   Et dire le secrect du prestre,

         C’est assez pour à jamais estre

         Danné avec les obstinés82.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Certes, nous voélà bien menés !

         Ses excuses sont suffisantes.

          L’ABEESSE

280   Punye en serez, je me vantes.

         Ô la [grand] faulte ! ô le grand blasme !

          SEUR  FESSUE

         Hélas ! je vous suply, ma dame :

         Ne regardez tant mon péché,

         Que le vostre (qui est caché)

285   Ne considérez83.

          L’ABEESSE

                                   Ha ! rusée,

         Suys-je de toy scandalisée84 ?

          SEUR  FESSUE

         On veoyt à l’œuil d’aultruy tout oultre

         Un petit festu odieulx,

         Mais on ne veoyt poinct une poultre

290   Qu’on a souvent devant les yeulx85

          L’ABEESSE

         Ma renommée se porte mieulx

         Que la tienne.

          SEUR  FESSUE

                                 Ne jugez poinct86 !

         Les jugemens sont odieulx

         Au Seigneur, qui est dieu des dyeulx.

295   Vous le sçavez de poinct en poinct.

         Paul87, glorieulx apostre sainct,

         Dict que celuy n’aura refuge

         D’excuse, qui sera tasché ;

         Et que luy-mesme il se juge

300   S’il est subject à tel péché.

          L’ABEESSE

         Voyélà suffisamment presché !88

         Suys-je comme toy, dy, meschante ?

         Par Celle-là de qui on chante89 !

         Je te feray bien repentir.

          SEUR  SAFRÈTE

305   Elle se poura convertir,

         Ma dame : ce sera le myeulx.

          SEUR  FESSUE

         Ce qui vous pent devant les yeulx,

         Qui faict vostre faulte congnoistre,

         Nous démonstre qu’i ne peult estre

310   Que vous ne fassiez de beaulx jeux90.

          L’ABEESSE

         Ce qui me pent devant les yeux ?

         Avé Maria ! qu’esse-cy ?

         Vous m’avez trop hastée, aussy :

         De venir, j’estoys empeschée.

315   Et ! mon Dieu, que je suys faschée !

          SEUR  ESPLOURÉE

         Croyez, sy les loix ne sont faulces,

         Que c’est icy un hault-de-chaulces.

          L’ABEESSE

         Avé Maria ! Saincte Dame !

         Je ne suys moins digne de blasme

320   Que sœur Fessue.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                     Sont-il d’usance91,

         Hault-de-chaulses ?

          L’ABEESSE

                                        J’ey desplaisance

         De mon faict.

          SEUR  SAFRÈTE

                                  Et ! Dieu, quel outil !

         Les abeesses en portent-il,

         Maintenant ? J’en suys en soucy92.

          SEUR  ESPLOURÉE

325   Un hault-de-chaulses !

          SEUR  DE  BON-CŒUR

                                             Qu’esse-cy ?

          L’ABEESSE

         Et ! n’en parlons plus.

          SEUR  SAFRÈTE

                                            C’est pour rire ?

         A ! vous ne debvez escondire

         Seur Fessue d’absolution.

          SEUR  DE  BON-CŒUR

         C’est bien nouvelle invention,

330   Porter des chaulces sur la teste.

          L’ABEESSE

         On en puisse avoir male feste !

          SEUR  SAFRÈTE

         Or sus, sus ! chantons-en93 d’une aultre.

         On dict bien c’un barbier raid94 l’aultre,

         Et q’une main l’autre suporte95.

335   Y convient faire en ceste sorte :

         Donnez-luy l’asolution.

          SEUR  ESPLOURÉE

         Voeylà très bonne invention.

         Vous estes à noz96 audinos.

          L’ABEESSE

         Tu fessisti sicut et nos 97 ;

340   Parquoy absolvo te gratis

         In pécata 98. Nunc dimitis

         [In cor bonnum]99, comme au passé100.

         Plus oultre, vadé in passé 101 !

          SEUR  FESSUE

         Gratias ! Me voeylà garie.

345   Je n’ay cause d’estre marie102.

          SEUR  ESPLOURÉE           SCÈNE  VI

         Conclusion : Je trouve erreur caché

         Que cestuy-là veult un péché reprendre,

         Duquel il est taché et empesché,

         Et par lequel en fin on le peult prendre.

350   Vous le pouvoez en ce lieu-cy comprendre.

         La faulte en est à vo[u]z deulx aperceue,

         Tesmoing l’abeesse aveques seur Fessue. 103

         En prenant congé de ce lieu,

         Unne chanson pour dire « à Dieu » !

                 FINIS

*

1 Dans ce même manuscrit, la Mère de ville (composée dans les années 1530) fait dire au Garde-cul : « Il ne fault c’une seur Fessue/ Ayant vouloir d’estre pansue. »   2 Lascive.   3 LV : la IIe seur esplouree  (Je rétablis le nom des trois sœurs ; LV les numérote : la p[remiere], la IIe, la IIIe.)   4 Au 1° degré, la sœur demande à Éplorée si elle a pris froid. Au 2° degré, douceur se réfère au membre viril : « Quant elle eut la doulceur sentie/ De ce doulx membre qui fut roys [roide]. » Parnasse satyrique du XVe siècle.   5 Sûr : éclairez mon esprit.   6 Un siège.   7 Avez-vous fauté ?   8 LV : qui   9 Le raide, le phallus. V. note 10.   10 Déçue, abusée. « Raide y met » est un calembour latin : « Quel verset des Pseaumes aiment mieux les femmes ? C’est (…) Et ipse redimet, c’est-à-dire, Rède y met, ou roide y met. » Tabourot.   11 Engrossée.   12 LV : oues  (Ouez = oyez, écoutez.)   13 En mauvaise posture.   14 Pisser sur les dalles d’un cimetière est un sacrilège : « Qu’on me brusle ce savetier :/ Il a pissé au cymitière ! » Clément Marot.   15 J’ai féminisé le masculin ici, à 58, et à 75 ; mais je n’ai pas touché à l’effarant Madamus de 173. Les cinq rôles de femmes étaient tenus par des hommes. Je signale que deux rôles féminins sont tenus par des messieurs dans la réjouissante interprétation de Sœur Fessue qu’ont donné des étudiants diplômés et des professeurs de l’Université de Western Ontario, à London (Canada).   16 Pour coïter, l’amant se met à genoux sur le lit : cf. le Tesmoing, vers 332. On pourrait renforcer le comique de répétition des vers 61 et 144 en écrivant « Quoy ? » au lieu de « Ouy, ».   17 Fardeau. « Le maistre à son clerc persuade/ De donner l’amoureuse aubade/ À la pauvre pucelle grosse,/ Affin que le clerc eust l’andosse/ D’espouser la mère et l’enfant. » Pour le Cry de la Bazoche.   18 L’esprit ; mais aussi, le sexe. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 129 et 448. « D’un jeune sotouard, lequel ne sut trouver l’engin de sa femme la première nuit. » Les Joyeuses narrations.   19 « Sotz rouges comme chérubins. » (Monologue des Sotz joyeulx.) Mais on associe traditionnellement la couleur rouge au phallus : la Confession Margot <v. 89>, le Faulconnier de ville <v. 64 et note 22>.   20 Un des innombrables prototypes de moines paillards : « Pour desbaucher par un doulx style/ Quelque fille de bon maintien,/ Frère Lubin le fera bien. » Marot.   21 Dans la salle de charité, une pièce du couvent qu’on ouvrait lorsqu’il fallait nourrir des pèlerins.   22 LV : est bien  (Lubin n’est pas aussi bon compagnon que Raidymet. « [Ils] ne sont pas si compaignables à boire & à manger. » Miroir de la navigation.)   23 Lecture d’un texte biblique. Double sens érotique : « L’un la fout en cul, l’autre en con./ Pour s’exercer en ce manège,/ Elle répète sa leçon/ Avecque le Sacré Collège. » Blot.    24 Il ne trouve rien à corriger lors de ma « leçon ».   25 La Bonne Amour, c’est l’amour courtois, d’après le Roman de la Rose, le Dit de la Rose, ou le Libro de buen amor de Juan Ruiz. Voilà un habillage bien romantique pour de vulgaires histoires de fesses et de Fessue ! Par pudeur, l’obscénité répondait au romantisme, comme ce croquis matérialiste dans la marge d’un manuscrit répond à l’enluminure officielle.   26 Les trois jalouses vont se venger de leur amant volage, et de sœur Fessue qui déshonore le couvent.   27 LV : aura  (Orra = ouïra, entendra notre prière. Miserere mei = aie pitié de moi.)   28 Qu’il (frère Raidymet) soit incarcéré. On emprisonnait les religieux fautifs dans un cachot nommé in pace. Cf. vers 141.   29 « Je vous salue, Marie, pleine de grâce. » Contre toute attente, il s’agit là d’une farce mariale : vers 33, 37, 42, 80, 119, 303, 312, 318, 345. Notre fatiste avait lu le Miracle de l’abbesse grosse : voir ma notice.   30 Lapsus : elle était censée être seule dans sa cellule.   31 LV : voyer  (Je ne viens pas vous voir sans raisons.)   32 Je lisais mon bréviaire. En fait, elle était au lit avec frère Raidymet (note 41). Dérangée par sœur Éplorée, elle a mis sur sa tête la culotte du frère au lieu de son voile. En s’appuyant sur Boccace, La Fontaine déplorera sa bévue dans le conte du Psautier : « Madame n’estoit/ En oraison, ny ne prenoit son somme :/ Trop bien alors dans son lit elle avoit/ Messire Jean, curé du voisinage…./ Elle se lève en haste, étourdiment,/ Cherche son voile, et malheureusement,/ Dessous sa main tombe du personnage/ Le haut-de-chausse, assez bien ressemblant/ (Pendant la nuit, quand on n’est éclairée)/ À certain voile aux Nonnes familier…./ La voilà donc de grègues affublée. » Au XIVe siècle, Jehan de Condé mit « un beau abbé joli » dans le lit de l’abbesse ; laquelle, « kant son couvrechief cuida prendre,/ (…) les braies à l’abbé prist,/ Et puis les jeta erranment/ Sur son chief. » <Le Dit de la Nonnète.>   33 Elle a failli commettre un nouveau lapsus : l’heure du berger est « l’heure favorable à un amant pour gagner sa maîtresse ». (Furetière.)   34 Aller plus loin.   35 La fausse pucelle : les jeunes mariées qui voulaient passer pour vierges allaient voir « l’étrécisseuse » qui, avant leur nuit de noce, utilisait l’eau de tan, « les eaux de myrthe, alun & autres astringens pour resserrer & consolider les parties casuelles des femmes ». Noël Du Fail.   36 Des frottements. Le sens érotique s’appliquait surtout aux lesbiennes : « Tribades se disent fricatrices. » Brantôme.   37 Ô le gros péché ! (Le latin de sacristie va s’aggraver en même temps que l’indignation de l’abbesse.)   38 LV : perdien  (Le « n » et le « u » sont souvent confondus. La forme courante est per Diem, mais Noël Du Fail emploie per Dieu.)   39 Elle aura de grandes pénitences. (Au futur, il faudrait habebit.)   40 LV : elle a   41 Le chagrin de l’abbesse montre que c’est bien frère Raidymet qui était dans son lit.   42 Tenons ensemble chapitre [une assemblée].   43 LV : sonnare  (Sonnez toutes les cloches.)   44 Qu’elle vienne.   45 Les sœurs étant à genoux, elles ne pourront voir le haut-de-chausses qui coiffe l’abbesse.   46 Au lieu de dire le Benedicite, les nonnes chantent une chanson paillarde, insérée après coup entre les vers 162 et 170, qui riment ensemble. Je corrige ce texte (mis en musique entre 1536 et 1547 par Robert Godard) d’après une partition publiée en 1547. Cf. André Tissier, Recueil de Farces, XI, Droz, 1997, pp. 246-7.   47 La partition ajoute : Ouvrez-les-moy, si m’aymez./ Dormez-vous, fillettes ?/ Fillettes, vous dormez./ Dormez-vous seulettes ?   48 Partition : consummez    LV : consommes   49 Partition : Mes sens damour    LV : mais sans amours   50 La partition ajoute : Dormez-vous seulettes ?   51 La punition, en langage macaronique.   52 « Madame, agenouillez-vous, parce que vous avez fait mouiller le boudin. » Ce mot avait le même sens phallique que l’andouille : « Membre de moine, exorbitant boudin. » (Sénac de Meilhan.) On ne sort d’ailleurs pas de la religion, puisque sainct Boudin allait de pair(e) avec saincte Fente, d’après la farce du Pardonneur.   53 Dégarnie.   54 N’est pas (encore) connu de tous.   55 LV : ny   56 Et pourtant.   57 LV : leues  (L’insolente ose lever la tête… et contempler la coiffe de l’abbesse.)   58 Perfide. Ce vers provient d’une Moralité imprimée en 1507, la Condamnacion de Bancquet.   59 Il lui faut le pardon, pour la faute qui est avouée.   60 En latin de sacristie, on pourrait mettre : inter (à l’intérieur d’elle). Cf. le vers 213.   61 Elle a raison de se plaindre.   62 Son enfant. On voit qu’il s’agit d’une farce : dans la réalité, les religieuses enceintes n’avaient d’autre choix que d’avorter ou de tuer le nouveau-né. « Quant à celles qui sont meurtrières de leurs enfans aussitost qu’ils sont sortis du ventre, les jettans ou les faisans jetter, il y a quelques années que les monastères des nonnains en eussent fourni bon nombre d’exemples (aussi bien que de celles qui les meurdrissent [tuent] en leur ventre). » Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, XVIII. Le chap. VII ajoute : « Les nonnains (…) font mourir leur fruict estant encore en leur corps, par le moyen de quelques breuvages, ou bien estranglent leur enfant si tost qu’il est sorti. »   63 LV : tant  (Si on avait voulu trop vous hâter : si on était entré dans votre cellule, au lieu d’attendre que vous en sortiez.)   64 Restez ici ! Je continue.   65 Chargée, alourdie.   66 Maison de religion, couvent. « Du jeune garçon qui se nomma Thoinette pour estre receu à une religion de nonnains. » Bonaventure Des Périers.   67 LV : dortoueur  (qui n’est pas une rime riche. Dorteur = dortoir, vers 235. Cf. le Maistre d’escolle, vers 4.)   68 Près de « l’échelle pour monter au dorteur des dames » (Comptes de l’aumosnerie de S. Berthomé).   69 Toutes les nonnes l’ont fait au même endroit.   70 Je ne sais pas quelle autre aurait crié.   71 Une tromperie. (On peut préférer : fraincte [infraction].) Jean-Baptiste de Grécourt opposera une abbesse à une nonne enceinte dans son poème le Silence, qui s’achève ainsi : « –Vous n’aviez qu’à crier de tout votre pouvoir./ –Oui, mais (dit la nonnain) c’étoit dans le dortoir,/ Où notre règle veut qu’on garde le silence. »   72 En courant.   73 Une telle contrainte.   74 « Je (respondit la Fessue) leur faisois signes du cul tant que povois, mais personne ne me secourut. » Rabelais, Tiers Livre <1546> : le chapitre 19 emprunte à notre farce les aventures de sœur Fessue et du frère Royddimet.   75 Et cette oie blanche n’aurait pas pu.   76 Qu’on connaît l’amoureux métier, le bas métier.   77 Cf. Gargantua (chap. 3) : « Elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme moys. Car autant, voire dadvantage, peuvent les femmes ventre porter. » Le docteur Rabelais conclut malicieusement que les veuves peuvent donc jouer du serre-croupière deux mois après le trépas de leur mari.   78 Le diable.   79 À Dieu.   80 LV : la solution  (L’absolution, confirmée par le jeu de mots de 270. Idem vers 336.)   81 Me déchargea. 2° degré : me procura un orgasme : « Elles déchargent quand on les secoue. » (Cyrano de Bergerac.)   82 Les hérétiques.   83 Saint Paul, Épître aux Romains, II-3.   84 Transformée en objet de scandale.   85 Évangile selon saint Matthieu, VII-3.   86 Matthieu, VII-1.   87 Romains, II-1.   88 L’ennuyeux passage 291-301, envahi de rimes proliférantes, est visiblement interpolé : une simple nonne ignorant le latin n’argumente pas une discussion théologique !   89 Au nom de la Vierge, dont on chante les louanges.   90 Qu’il n’est pas possible que vous ne vous adonniez à des jeux amoureux. Les trois nonnes agenouillées vont enfin relever la tête et voir l’objet du délit. Ce passage doit beaucoup au Dit de la Nonnète : « Que savez-vous que il vous pent,/ Belle dame, devant vos ieuls ?…./ Un couvrechef à menus plis/ Vous y pent, dame, ce me samble,/ Qui, par le cor Dieu, bien resamble/ Ce de quoi on couvre son cul. »   91 Est-ce la mode (de porter sur la tête).   92 LV : esmoy  (Cf. les Gens nouveaulx, v. 244.)   93 LV : changons en  (Chantons d’une autre manière, changeons de ton.)   94 Rase. « On dit qu’un Barbier rait l’autre, pour dire qu’il faut que chacun dans sa profession se rende des offices réciproques. » Furetière.   95 Qu’une main aide l’autre.   96 LV : voz  (Vous êtes soumise à notre volonté [audi nos = écoute-nous]. « I li fet tous ses audinos » : il lui passe toutes ses volontés.)   97 Tu as fait comme nous.   98 Je t’absous sans pénitence pour tes péchés.   99 LV : Incorbennem  (Dans un cœur bon : « In cor bonum et devotum. » Nicolai de Gorrani.)   100 Maintenant, tu peux t’en aller avec un cœur pur, comme par le passé.   101 Va en paix.   102 Ultime pirouette sur le nom de Marie, qui avait elle aussi conçu sans péché.   103 Ces décasyllabes aux rimes mal disposées recyclent maladroitement les vers 283-285. Le congé final est commun à beaucoup de farces et de sotties.