LA CONFESSION RIFFLART
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LA CONFESSION
RIFFLART
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Les confessions parodiques pimentent un grand nombre de farces : la Confession Margot, la Confession du Brigant au Curé, le Testament Pathelin, le Munyer, le Ribault marié, Frère Guillebert, et j’en passe beaucoup. Les humoristes du Moyen Âge avaient déjà compris qu’on faisait rire en détournant des sujets sérieux, voire sacrés. La Confession Rifflart date environ de 1480 ; elle appartient au répertoire des Conards de Rouen1.
Source : Recueil Trepperel, nº 27. Le texte fourmille de petites fautes de lecture.
Structure : Rimes plates, souvent négligées, parfois même irrégulières.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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La Confession
Rifflart
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À quatre parsonnages, c’est assavoir :
MÉHAULT
RIFFLART
LE PRESTRE
ROGIER
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Rifflart
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[LE PRESTRE] 2 commence
Dieu qui [souffris grief]3 passïon
Pour la nostre rédemption,
Vueille garder la compaignie
De tout mal et de villennie !
5 Le curé de vostre4 paroisse
Vous dist que le saint temps apresse5,
Et que le jour de Pasque vient ;
Et que purger il se convient
Par très vraye confession6.
10 Je le dy pour ung compaignon
Qui se fait Rifflart appeller7 :
Oncques n’eut vouloir d’y aller ;
Ce luy semble desrision.
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RIFFLART 8 commence SCÈNE I
Or çà, Méhault, bel oyselon,
15 Ung gros cueur en petite pance9 :
Qui te donne10 malle meschance ?
Méhault, pourquoy ne chante-tu ?
As-tu doncques joye pardu ?
MÉHAULT
Rifflart, doulx amy débonnaire11 :
20 Mais qu’i ne vous vueil[l]e desplaire,
Je vous diray ma conscience12.
RIFFLART
Méhault, or dy ce que tu pense ;
[De ce,] jà ne me courceray13.
MÉHAULT
Rifflart, compains14, je vous diray :
25 Vécy jà la qua[t]r[i]esme année
Que m’avez prinse et espousée.
Mais je suis comme [in]fortunée
Pour[ce] que me suis advisée
Que puis, ne15 fustes à confesse.
30 Allez-y, il n’y a pas presse16.
Mon bel amy, je vous en prie !
RIFFLART
Par Dieu, Méhault, ma doulce amye !
Vous m’avez fait trèsgrant despit.
Avez-vous ores donc17 ce dit
35 Pour me faire abréger ma vie ?
Vous sçavez toute ma convie18 :
Seray-je donc prins, ou pendu19 ?
MÉHAULT
Rifflart, c’est trop mal entendu.
Saichez, de vray, se n’y allez,
40 Jà aux Pasques ne mengerez
Ne flans ne tarte, par ma foy20 !
RIFFLART
Or avant ! Méhault, quant à moy,
Puisque c’est vostre gré, g’iray.
Mais dictes-moy que21 je feray,
45 Car oncques, en jour de ma vie,
N’oÿ parler de tel folie.
Fault-il donc aller à confesse ?
MÉHAULT
Vous n’avez plus sens q’une asnesse22 !
Sçaichez qu’il n’est homme ne femme23
50 Qui ne doit jûner24 en Caresme,
Et aler à confession.
Ceulx qui sont en dévotion
Y vont bien trois fois, voire quatre.
RIFFLART
Méhault, point n’y [fault cy débatre]25.
55 Cuidez-vous qu’entre nous26, Conars,
Qui ne sommes point papelartz27,
Ayons de confesser mestier28,
Ne d’aler souvent au monstier29 ?
Nous avons le sanglant gibet !
60 Au fort, [pour finir]30 nostre plet,
[G’iray veoir nostre bon pater31.]
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Je me doy bien desconforter, SCÈNE II
Qui32 suis si joly compaignon.
Je crie33 à l’ail et à l’oignon
65 Que bon conseil puisse34 trouver.
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Rogier, je m’en vois confesser : SCÈNE III
Mahault par force m’i envoye.
Qu’on ne me pende ! je cuydoye
Que nulz homs35 ne se confessast
70 Tant qu’il peust boire, ne mengast36.
Mais j’estoye trèsbien d’acord
Qu’on se confessast à la mort37.
Encores est ma femme saige38.
ROGIER
Riflart, on doit garder l’usaige39.
75 Se tu veulx40, trop bien t’aprendray
La manière comment j’y41 voy.
Quant je vueil aller à confesse,
J’attens qu’il y ait bien grant presse ;
Et s’on ne veult à moy entendre42,
80 [Je m’en vois hors sans plus attendre.]
Ainsi, je me suis bien passé,
[Puis] quatre ans, d’estre43 confessé.
Et quant j’y44 suis, certainement,
Si fais-je bien subtillement.
85 Je ne suis45 pas co[r]nart ne lourt :
Pource que mon curé est sourd,
Je m’en vois à luy voulentiers ;
Je dy entre deulx motz le tiers46,
Bien bas. Et quant je suis au bout,
90 Il le me demande se c’est tout ;
Je dy : « Ouÿ. » Lors, il m’assault47.
Comment que ce soit, ne m’en chault,
S’on48 ne me puist traîner et pendre.
Il veult sçavoir que j’ay au ventre49,
95 Mais encore ne m’a-il mie,
Foy que je doy à saincte Marie !
Il ne me fina, au50 jour d’huy,
De dire : « As-tu rien de l’autruy51 ? »
Il sembloit que je fusse lerre52.
100 Alors, je m’en party bon erre53.
RIFFLART
Tu en as tant dit, par ma foy,
Que g’y vueil aller comme toy,
Et sça[u]ray qu’il [me] vouldra dire54.
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Mon povre cueur forment55 souspire SCÈNE IV
105 Quant je ne puis trouver séjour56
Pour alléger ma grief doulour57
Qui58 jour et nuyt si ne me fine.
Je suis bien mis à discipline59.
Sire, que Dieu vous doint sa joye !
110 Ma femme confesser m’envoye.
(En ma vie, plus n’y entray60.)
LE PRESTRE
Parle plus hault et je t’orray61 :
Il n’y a nul cy près de nous.
RIFFLART
Sire, [si suis-je]62 près de vous.
115 Nous sommes cy en povre lieu63.
LE PRESTRE
Or, dy, bel amy, de par Dieu,
Tout64 à loisir : t’as bonne espace65.
RIFFLART
Mercy66, sire, sa vostre grâce67 :
Car vous devez dire devant68 ;
120 À moy n’est pas appartenant69.
Point ne doy avoir tel maistr[i]e70.
Or tost, sire, je vous en prie,
Dictes devant, délivrez-vous71.
LE PRESTRE
Se m’aïst Dieux72, mon amy doulx !
125 Je ne diray point devant toy,
Beau filz, car je ne sçay de quoy
Tu te veulx confesser à moy.
Mon amy, vueilles abréger.
RIFFLART
Sire, on vous doit honneur porter
130 À cause que vous estes prestre ;
Encor(e) ne suis-je pas si beste,
Si fol ne si oultre-cuidé.
Je vous prie, ne soyez courcé.
Se vous voulez, je m’en iray ;
135 Car devant vous, point ne diray.
Si grant follie ne fis oncques !
LE PRESTRE
Puisqu’ainsy va, je diray doncques.
Tu dois dire premièrement
Tes meffais dont il te souvient.
RIFFLART
140 Sire, je suis bien souven[an]t
Que j’ay ouvré73 huyt jours ou tant
Sur deux clochers merveilles74 haux,
Et n’ay eu, pour tout75, que deux solz76 :
Je me repens, par saint Remy,
145 Que je n’en eus77 deux et demy,
Car ç’a78 esté par ma follie.
LE PRESTRE
Ne dy plus ainsi, je te prie !
Ce n’est pas ce que je disoye.
Tu feis79 péché ?
RIFFLART
Dieu80 me doint joye !
150 Mais c’est de la plante des piés81,
Car j’ay chaussé des soulléz vielz82,
Et tousjours quant voy en besongne83.
LE PRESTRE
Se m’es[t] Dieux84 ! je croy [que] c’est songne85,
Ou autrement, t(u) es fol ou yvre !
155 Je te pri que tu te délivre,
Car j’ay trèsgrant mal en ma teste.
RIFFLART
On me [pende s’à jour de feste
À personne je me bailloys]86 !
Au prévost je [le menderoys]87,
160 Car il est de telle nature
Qu’il n’espargnera créature,
Se je ne vous dy vérité.
LE PRESTRE
Bel amy, j’ay de toy pitié.
Or vien ung peu plus près de moy88.
165 Et tout premier, confesse-toy,
Je te prie, des sept péchéz
Mortelz dont tu es empesché89.
Et puis après, je te recorde90
Des œuvres de miséricorde,
170 S’acomply les as nullement91.
Et quant aux dix commandement[s],
Tu as mesprins92, comme je croy.
Et aux articles de la Foy93.
Et se tu as communiqué
175 Avec nul excommunié94.
Ainsi confesser tu te doys.
RIFFLART
Sire, par Jhésus le doulx roys,
J’acorde ce que dit m’avez.
Et se plus riens vous y sçavez,
180 Je vous prie, dictes-le-moy
Entre nous deux, cy à requoy95.
Faictes-le tost, hardi[e]ment.
Je me confesse largement
De tant que dire me pourez96.
LE PRESTRE
185 Beaux amys, de tous tes péchéz
Dont tu as fait confession,
Requiers-tu absolution97 ?
RIFFLART
Ouÿ, sire, certainement.
LE PRESTRE
Et je t’en absoubz vrayement.
190 Absoluction[em] et remission[em] 98.
Tu es absoubz présentement.
Mais, mon doulx amy débonnaire,
Il te fault pénitence faire.
RIFFLART
Voire, sire, quel pénitence ?
195 N’ay-je pas assez de meschance99 ?
LE PRESTRE
Beaulx amys, il te fault jusner100.
RIFFLART
Voulentiers, jusqu’à desj[u]ner101.
Quant toute jour jusné102 j’auroys,
Je ne sçay que je mengeroys103 !
LE PRESTRE
200 Donc104, il te fault aller en lange.
RIFFLART
Tousjours j’y105 suis jusqu’à la manche.
LE PRESTRE
Beau doulx amy, que veulx-tu faire ?
Veulx-tu doncques vestir la haire106,
Sans plus, tout au long de ton ventre ?
RIFFLART
205 Nenny, dea ! j’ay la chair trop tendre,
Je seroye trop maltraicté ;
Elle escorcheroit mon costé.
Par les sainctz ! vécy107 grant merveille :
Qui vous a ce mis en l’oreille108 ?
210 Mais que vous griefve109 ma chemise ?
LE PRESTRE
Or ne sçay plus110 en quelle guise
Te servir, par sainct Pol l’apostre !
Va-t’en, et dy troys patenostres111.
RIFFLART
S’on ne me pent parmy la gueulle,
215 Je n’en sçay q’une toute seulle.
LE PRESTRE
Bien, de par Dieu ! Dy-la trois fois112 !
Je croy que tu fais l’ententrais113 ;
Va-t’en d’icy, il m’en114 desplaist !
RIFFLART
Sire, se m’aïst Dieu, non fait !
220 Dolent et desplaisant seroye
[S’à les compter]115 je mesprenoye.
LE PRESTRE
Je te vueil doncques commander
– Sans plus me116 faire recorder –,
Au soir, quant tu te vas coucher,
225 Que tu dies sans plus prescher117,
Incessament, ta patenostre,
En despoullant chemise et cotte118.
Faire le pourras, ce me semble ?
RIFFLART
Je ne119 despoulle tout ensemble,
230 Toutes les nuytz, quant vois coucher :
Car je m’en sçay plustost lever
Au matin, quant je me resveille.
LE PRESTRE
Je n’ay jamais [veu] tel merveille !
Qu’est-ce à dire ? Esse mocquerie ?
235 Par la doulce Vierge Marie,
Mèshuy120 à toy ne parleray !
RIFFLART
Sire, par ma foy, je feray
Tout ce que me commanderez.
Jamais parler vous n’en orrez121.
240 Commandez ce qu’il vous plaira,
Et incontinent fait sera.
LE PRESTRE
Pour les péchéz que tu as faitz,
Sans en tenir longuement plaitz,
Fault que tu voises à Boulongne122
245 (Et ne le tiens point pour mensongne)
Ainçois123 qu’il soit deux jours passés.
RIFFLART
Sire, il me souffit, [c’est] assez.124
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Or suis-je de tous mes péchéz SCÈNE V
– De quoy j’estoye moult chargéz –
250 A[b]soubz, et ay rémission
[De] par ce prestre, et vray pardon.
Si, vueil chanter à chière lye125,
Sans plus faire chière mar[r]ie,
Une [très] joyeuse chançon :
255 Pour l’amour de Marion…126
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Rifflart retourne au prestre. SCÈNE VI
Sire, je suis cy revenu
Car il ne m’estoit souvenu
De vous demander de l’argent,
Car je n’en ay point. Vrayement,
260 Je ne soustiens denier ne maille127.
LE PRESTRE
Et cuides-tu que je t’en baille ?
Nennin, par Dieu, une poujoyse128 !
RIFFLART
Cuidez-vous doncques que je voise129,
Se vous ne payez mes despens ?
LE PRESTRE
265 Se Dieu m’aïst ! Je me repens
Quant au jourd’uy te confessay !
RIFFLART
Et ! par le sang bieu, je ne sçay
Quelle sottie130 m’y mena.
Ma femme si m’y envoya.131
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270 Il n’est nul qui croye132 sa femme SCÈNE VII
Qu’il n’en ait133, en fin, honte ou blasme.
ROGIER
Dea, voysin, tu as creu ta femme ?
Se tu eusse[s] fait comme moy,
Courcé ne fusses pas, je croy.
275 Or va, et retourne à ta femme.134
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Seigneurs, ne prenez en diffame SCÈNE VIII
Nostre petit esbatement.
Nous prirons Dieu du firmament
Qu’il vueille vous et135 nous garder,
280 Et mieulx que Rifflart confesser.
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FINIS
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1 Comme les Veaux, Jehan de Lagny, le Cousturier et le Badin, le Cousturier et son Varlet, etc. 2 T : Mehault (Ce prologue appelant les paroissiens à venir se confesser ne peut être dit que par le curé de la pièce, laquelle « commence » véritablement au vers 14.) 3 T : souffrir grif (Qui souffris de graves douleurs. Voir le vers 106.) « Dieu (…)/ Qui pour nostre rédempcion/ En croiz souffri grief passïon. » Miracle de saint Valentin. 4 T : vostre (Le curé prêche devant ses fidèles, autrement dit, devant le public.) Paroisse, en Normandie, se prononçait paraisse : « Critofle Malingreux, clerc de nostre paraisse. » (La Muse normande.) « Appren bien ta lichon [leçon], afin que tu pisse estre/ Un jour à ste paresse, ainsi que maistre Jean. » (Id.) 5 T : aproche (« Hélas, hélas ! l’heure s’apresse/ Qu’il fault son dernier sacrement. » Farce de Pathelin.) 6 Il fallait se confesser au moins une fois par an, avant Pâques. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 183 et note. 7 Qui s’appelle Rifflard. C’est également le nom d’un autre mari gouverné par son épouse dans la Mauvaistié des femmes. Mais ce pourrait être le surnom d’un goinfre qui aime bien « rifler », s’empiffrer : voir les vers 198-199. De toute manière, ce nom fait rire : « “–Comme as-tu nom ? –J’ay nom Rifflart.”/ Mais ilz rirent tant de ce nom !/ Comme fins folz faisoyent leurs ris. » Mistère de la Conception. 8 Il est chez lui, avec son épouse Méhaut, c’est-à-dire Mahaut, comme au vers 67. 9 Le proverbe dit : « En petit ventre, gros cueur. » 10 T : doint (Qui te donne ce mauvais chagrin ?) 11 Au vers 192, le curé emmiellera Rifflard dans la même circonvolution. 12 Ce que j’ai sur la conscience. 13 Jamais je ne me courroucerai de cela. Même acronyme aux vers 133 et 274. 14 Mon compagnon, mon ami. 15 T : que (Que depuis, vous ne vous êtes plus confessé.) 16 Tant qu’il n’y a pas foule à l’église. Dans les farces, quand une femme veut éloigner son époux, c’est qu’elle attend son amant : voir par exemple les Femmes qui font baster leurs maris aux corneilles (F 29). Or, il se trouve que le voisin Roger s’approche de la maison… 17 T : dont (Avez-vous donc dit cela.) Les gens superstitieux considéraient que la confession était réservée aux mourants, et que se confesser en bonne santé pouvait faire mourir. 18 Ma façon de vivre. 19 Y a-t-il là de quoi me condamner ? 20 Mahaut tient son goinfre de mari par la bouche. Le comportement infantile de Rifflard est propre à tous les rôles de Badins. 21 Ce que. Tous les personnages de farces qui se confessent ont un point commun : ils ignorent ce qu’ils doivent faire et dire devant le curé. 22 T : beste (Vous n’avez pas plus de bon sens qu’une ânesse. « S’y n’est trop plus sot c’une ânesse. » Troys Gallans et Phlipot.) 23 Dans les pièces normandes, « femme » rime parfois en -ème. « Pour endoctriner homme et femme,/ Aucuns vous preschent le Karesme. » Sermon joyeux des quatre vens. 24 Respecter le jeûne, dont Rifflard n’est visiblement pas un adepte. 25 T : prens si pres garde 26 Que nous autres (normandisme). Sur les Conards de Rouen, voir ma notice et la note 1. 27 Faux dévots. Leur « abbaye », gouvernée par un « abbé », parodie l’ordre clérical. Voir les Triomphes de l’Abbaye des Conards. 28 Besoin. 29 Au moutier, au monastère. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 116. 30 T : giray veoir (L’imprimeur a fusionné ce vers avec celui qui suivait.) Finir notre plaid = trouver une solution à notre querelle ; voir le vers 243. 31 Le Père, le curé. « Laditte religieuse cognut qu’elle s’estoit enamourée follement de leur pater, qui l’administration avoit de leurs âmes. Le bon pater (…) se absenta du lieu totalement. » (Jehan Molinet.) Pater rime avec déconfortèr. Rifflard sort de chez lui et se dirige vers l’église. 32 Moi qui. 33 T : prie (Les marchands des rues crient « À l’ail ! » et « À l’oignon ! ».) Je réclame à cor et à cri. 34 T : puissez (Rifflard tombe sur son voisin Roger, qui vient voir Mahaut.) 35 Que nul homme (archaïsme). « La plus belle figure/ Que nulz homs puist de ses yeux regarder. » Eustache Deschamps. 36 Mangeât : tant qu’il eût bon appétit (ce qui est le cas de Rifflard). 37 Au moment de mourir. 38 C’est un constat que les auteurs de farces mettent régulièrement dans la bouche des Badins. « (Je) ne sçay rien faire/ Qui plaise ne qui soyt utile/ À ma femme sage Sébile. » (L’Arbalestre.) Cf. Régnault qui se marie, vers 51. 39 Respecter la coutume. 40 T : veult 41 T : ie (J’y vais.) À l’instar de Mahaut, la femme de Roger se débarrasse de lui en l’envoyant se confesser. 42 Si le curé ne veut pas m’écouter tout de suite. Le vers suivant est perdu. 43 T : sans estre 44 T : ie 45 T : fais (Cornard = imbécile. « Pauvre cornart,/ J’ay eu ta robbe et ton argent ! » Le Pauvre et le Riche.) 46 Le troisième mot, celui qui pourrait me valoir une pénitence. Roger donne ici la définition de l’entend-trois, nommé au vers 217. 47 T : ma sault (Il m’absout.) 48 Du moment qu’on. 49 Ce que j’ai dans le ventre. 50 T : du (Il ne cessa pas, aujourd’hui, de me dire…) Roger fait croire qu’il vient de se confesser, pour que Rifflard aille en faire autant et lui laisse le champ libre. 51 T : loutruy (En me disant : n’as-tu rien qui appartienne à autrui ? « Avez-vous eu rien de l’autruy ? » Testament Pathelin.) 52 T : larre (Un larron, un voleur. « Malebouche le lerre. » ATILF.) 53 D’un bon pas. « Et venez après moy bonne erre. » (Frère Frappart.) La confession est vue comme un jeu d’échecs où chacun tente de tromper son adversaire. 54 Ce que le curé voudra me dire. Rifflard s’éloigne, et Roger entre chez Mahaut. En beuglant une chanson d’amour, Rifflard pénètre dans l’église. 55 Fortement. (Cf. les Rapporteurs, vers 26.) Ces cinq vers lyriques et archaïques proviennent d’une quelconque chanson du XIVe siècle. « De plus en plus ma grief dolour empire,/ Dont moult souvent mes cuers souspire et pleure. » Guillaume de Machaut. 56 De repos. 57 T : douleur (Modernisation due à l’éditeur.) « Alégier/ La grief dolour/ Qui tient mon cuer en tristesse et en plour. » G. de Machaut. 58 T : Que (Qui ne me laisse en paix ni jour ni nuit.) « Faites cesser ma grief dolour,/ Que j’endure pour vostre amour/ Nuit et jour. » Guillaume Dufay. 59 En tourment. Rifflard s’agenouille près du curé. 60 Je n’était plus entré dans une église (depuis mon mariage). Rifflard dit cela en aparté : le curé, qui est dur d’oreille, n’a pas compris. 61 Je t’entendrai. 62 T : ie suis si (Si, il y a moi !) 63 Votre église n’est pas terrible. Constatation doublement maladroite : les prêtres ne cessent de marteler que « Jésus Christ est nay en povre lieu » (Anthoine Fromment). 64 T : Tant (« Mais devisons tout à loysir. » Le Poulier à sis personnages.) 65 Tu as le temps. 66 T : Marie (Non, merci.) 67 Déformation populaire de « sauf votre grâce » : avec votre permission. Cf. la farce normande du Trocheur de maris : « Sa vostre grâce, deulx hermytes/ Le trouvèrent en un tesnyer. » 68 Parler avant moi. Idem vers 123, 125, 135. 69 Il ne m’appartient pas de parler le premier. 70 Cette dignité réservée à un maître. 71 Délivrez-vous de vos péchés. Idem vers 155. 72 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 153, 219, 265. 73 Œuvré, travaillé. Rifflard exerce la profession de couvreur. 74 T : merueilleurs (Hauts à merveille.) 75 T : iour (En tout.) 76 T : saulx (Que 2 sous. Les Normands prononçaient « so ».) 77 T : os 78 T : sa 79 T : fais 80 T : Jay bien fait se dieu (Que Dieu me donne joie : Dieu me pardonne !) 81 On devait se confesser pour plusieurs parties du corps, et en l’occurrence pour les pieds, comme dans la confession du Testament Pathelin : « Et venons à parler des piedz,/ Qui ès faulx lieux vous ont portéz. » 82 De vieux souliers. 83 Quand je vais au travail. Les couvreurs portaient de vieux godillots qui ne craignaient plus d’être lacérés par les ardoises. 84 Que Dieu m’assiste (note 72). « Ha ! point ne l’auras, se m’est Dieux ! » Le Pauvre et le Riche. 85 Un songe : je crois que je rêve ! 86 T : puis pendre a iour de feste / Sa personne ie me failloye (Qu’on me pende si je me louais à un employeur un jour férié ! « Je me bailleray à l’essay/ Deux ou trois jours. » Chambrière à louer.) L’Église interdit de travailler le dimanche et les jours de fêtes, où l’on doit chômer les saints : « Dieu n’a rien commandé plus estroitement que chommer le jour du repos. » Godefroy. 87 T : la menderoye (Je le ferais savoir au juge.) 88 Pour que je t’entende mieux. 89 Chargé. Rifflard succombe pour le moins au péché de paresse et au péché de gourmandise. 90 Je te fais souvenir. « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouÿ, certes, sans riens laisser/ Dont conscience vous recorde/ Des œuvres de miséricorde. » Testament Pathelin. 91 Si tu les as bien accomplies. 92 Tu as mépris, tu as fauté. 93 « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouy, certainement ; et penser/ Aux douze articles de la Foy. » Testament Pathelin. 94 Il ne fallait pas adresser la parole aux excommuniés. Cf. le Povre Jouhan, vers 373-374 et note. 95 À l’abri des oreilles indiscrètes. 96 De tous les péchés que vous pourrez me dire. 97 « Se j’ay péché,/ J’en requiers absolution. » La Confession Margot. 98 « Absolutionem et remissionem omnium peccatorum vestrorum. » Prononcé à la française, rémissionan rime avec présentement. 99 De malheur. 100 Jeûner. Cette forme est surtout normande : « Ma pénitenche n’est jusner si longuement. » (La Muse normande.) Cf. le Bateleur, vers 32. 101 Jusqu’à l’heure du déjeuner. 102 T : iusuer 103 T : mengeroye (Je serais capable d’avaler n’importe quoi.) 104 T : Dout (Tu dois donc revêtir une chemise de pénitence en laine grossière. « Aler en divers pèlerinages nus piés et en langes. » Godefroy.) 105 T : ie (Je suis vêtu de lange [de laine] jusqu’aux poignets.) 106 Une chemise de crin que les pénitents portent à même la peau. 107 T : dieu iay (« Vostre part ? Voicy grans merveilles ! » Jolyet.) 108 Qui vous a mis cela dans la tête ? Allusion au fait que le prêtre est dur d’oreille. 109 En quoi vous gêne. 110 T : ie (Je ne sais plus de quelle manière…) 111 Récite trois fois le Pater noster. 112 La rime est juste, car les Normands prononçaient et écrivaient « trais fais » : « Je me mis tant à baire [boire]/ Que je cudis trais fais tumber dans le canel. » La Muse normande. 113 Prononciation normande d’entend-trois : « Équivoques à deux ententes, que nos bons pères ont surnommé des Entend-trois. Dont nous avons encor ce proverbe ordinaire que quand quelqu’un feint de ne pas entendre ce que l’on luy propose, & respond d’autre, on dit qu’il fait de l’entend-trois. » Estienne Tabourot. 114 T : ten 115 T : Sa les comptes (Si, en comptant les patenôtres avec des grains de chapelet, je me trompais. Rifflard insinue qu’il ne sait même pas compter jusqu’à 1.) 116 T : le (Sans que tu me fasses répéter davantage.) 117 T : cesser (« Incontinant, sans plus prescher,/ Chargeay dessus à tour de bras. » Les Maraux enchesnéz.) 118 Puisque Rifflard est incapable de compter son Pater noster avec des grains de chapelet, il devra le réciter pendant qu’il enlève sa chemise et sa tunique : le temps qu’il y passera équivaut à la longueur d’une prière. Inversement, la durée d’une patenôtre servait à mesurer le temps lorsqu’on n’avait pas de sablier ; quand les personnages de la Condamnacion de Bancquet se battent, une didascalie précise : « Et pourra durer ce conflict le long de une patenostre ou deux. » 119 T : me (Je n’enlève pas tous mes vêtements.) 120 Désormais. 121 Jamais plus vous ne m’entendrez contester. Nouvelle allusion à la surdité du curé. 122 En pèlerinage à l’église Notre-Dame-de-Boulogne, à Boulogne-Billancourt. Cf. le Povre Jouhan, vers 338. 123 Avant. 124 Rifflard s’en va, tout guilleret. 125 Avec un visage épanoui. Cf. Maistre Doribus, vers 183. 126 Au logis de Cupidon est une de ces vieilles chansons que Gaultier-Garguille modernisera au XVIIe siècle (v. la note 1 de Jolyet). « Je brusle comme un tison/ Pour l’amour de Marion./ Et quand j’ay mangé mes navets,/ Je luy compose des sonnets. » La transition avec la scène qui suit est abrupte : manque-t-il des vers ? 127 Je n’ai pas un sou. Cf. la Confession du Brigant, vers 4. 128 Pas même un quart de denier. 129 Que j’y aille, en pèlerinage. 130 Quelle folie. 131 Rifflard retourne à sa maison. Il croise Roger, qui en sort. 132 Qui croie, qui obéisse à. 133 Sans en recevoir. 134 Rifflard rentre chez lui. 135 T : es
SŒUR FESSUE
*
SŒUR FESSUE
*
Dans la première moitié du XVIe siècle, un auteur de farces eut l’idée de combiner deux histoires connues : celle d’une nonne trop discrète, et celle d’une abbesse trop pressée. La nonne est enceinte, mais l’abbesse aurait pu l’être aussi. On connaît d’ailleurs plusieurs versions scéniques d’un Miracle de l’abbesse grosse, où une mère supérieure, enceinte de son clerc, obtient de la Vierge Marie un accouchement indolore et discret, contrairement à celui des honnêtes femmes ; la Vierge confie le bébé à un ermite, et comme bon sang ne saurait mentir, elle en fera bientôt un évêque.
La pièce est résolument comique, mais on voit affleurer cette nostalgie du monde qui aigrissait des religieuses dont la plupart étaient cloîtrées malgré elles. La religieuse des Mal contentes exhale quelques jolis soupirs aux vers 424-429.
Source : Manuscrit La Vallière 1, nº 38.
Structure : Rimes plates, truffées d’adjonctions apocryphes que j’ai barrées.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Farce nouvelle
à cinq personnages
C’est assavoir :
L’ABEESSE
SEUR DE BON-CŒUR
SEUR ESPLOURÉE
SEUR SAFRÈTE 2
SEUR FESSUE
*
SEUR ESPLOURÉE commence SCÈNE I
Seur de Bon-cœur, je suys perdue,
Et me treuve tant esperdue
Que plus n’en puys !
[SEUR DE BON-CŒUR] 3
Qu’esse, ma seur ?
Quel nouvèle av’ous entendue ?
5 Quoy ! vous estes-vous estendue
Sur l’erbe, atendant la doulceur4 ?
SEUR ESPLOURÉE
Nénin.
SEUR DE BON-CŒUR
Rendez mon esprit seur5.
SEUR ESPLOURÉE
Je ne le diray poinct.
SEUR DE BON-CŒUR
Hélas !
Donner je vous pouroys soulas,
10 Et vous garder de desplaisir.
Dictes-le-moy tout [à] loysir :
À ses amys, rien ne se celle.
SEUR ESPLOURÉE
A ! ma mye…
SEUR DE BON-CŒUR
Prenez une selle6.
Vous estes bien fort couroucée.
15 Déclarez-moy vostre pencée :
Qu’avez-vous ?
SEUR ESPLOURÉE
Rien.
SEUR DE BON-CŒUR
À brief parler,
Dictes-moy et [ne] mentez poinct.
Vous estes-vous laissée aler7,
Que8 vous tourmentez en ce poinct ?
20 Dictes !
SEUR ESPLOURÉE
Je ne le diray poinct.
Agardez, l’honneur en despent.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est mal chanté son contrepoinct ;
L’honneur sy près du cul ne pent.
SEUR ESPLOURÉE
Sy vous avez hapé le roide9,
25 Agardez, il n’y a remède :
Nostre abesse en faict bien autant !
SEUR DE BON-CŒUR
Par ma foy ! mon cœur se repent
Qu’i fault que j’en oye parler tant.
SEUR ESPLOURÉE
Je vous veuil dire tout contant
30 Que c’est que céans il y a :
Vous congnoyssez bien seur Fessue ?
Frère Roydimet l’a déseue10
Et gastée11.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
SEUR ESPLOURÉE
Elle est deigà grosse et ensaincte.
35 Sceur, ouez12, dea ! ce n’est pas faincte :
Nous sommes toutes à quia13
Par son faict.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
Et ! Jésus ! Et ! je l’ay tant faict,
Et à mon plaisir satisfaict
40 Sans estre grosse !
SEUR ESPLOURÉE
Hélas, mon Dieu !
Aussy l’ai-ge faict en mainct lieu,
Comme elle.
SEUR DE BON-CŒUR
Avé Maria !
Que j’en ay au cœur de détresse
Et de douleur !
SEUR SAFRÈTE SCÈNE II
Et ! qu’esse ? qu’esse ?
45 Que j’entende vostre débat !
Comptez-moy, par forme d’esbat,
Ce que maintenant vous disiez.
SEUR ESPLOURÉE
Ce n’est rien, non.
SEUR SAFRÈTE
Vous devisiez
D’amour, en ce lieu, en commun ?
50 Mais c’est tout un, ouy, c’est tout un :
Je n’en fais pas moins, en tout temps,
Que les bonnes seurs de céans.
Dictes hardiment !
SEUR DE BON-CŒUR
On le sçayt bien
Que toutes on n’espargnons rien
55 Du nostre ; mais tel pissendalle14
Sera cause d’un grand scandalle
Dont nous serons désonor[é]es15.
SEUR SAFRÈTE
Vous me semblez fort esplour[é]es :
Quelle chose av’ous aperceue ?
60 Qui a failly ?
SEUR ESPLOURÉE et SEUR DE BON-CŒUR
ensemble disent :
C’est sceur Fessue
Qui a faict…
SEUR SAFRÈTE
Quoy ?
SEUR DE BON-CŒUR
Nous n’osons dire.
SEUR SAFRÈTE
Dictes, sy ce n’est que pour rire.
SEUR ESPLOURÉE
Rire ? Hélas ! Mais j’en pleure et plains,
Et de larmes sont mes yeulx plains,
65 Pour la douleur que j’ey conceue.
SEUR SAFRÈTE
Qui cause cela ?
SEUR DE BON-CŒUR et SEUR ESPLOURÉE
ensemble disent :
Seur Fessue.
SEUR ESPLOURÉE
Dormir je n’en peulx nuict ne jour ;
Je n’ay ne repos, ne séjour,
Ains de douleur je tremble et sue.
SEUR SAFRÈTE
70 Qui vous faict ce mal ?
SEUR DE BON-CŒUR et SEUR ESPLOURÉE
ensemble disent :
Sceur Fessue,
Qui a faict…
SEUR SAFRÈTE
Ouy, mectre à genoulx16
Quelque un ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict comme nous ;
Mais le pire, c’est qu’el est grosse.
SEUR SAFRÈTE
Grosse ? Jésuchrist ! quel endosse17 !
75 Esbahy[e] suys qu’on le permect.
Mais déclarez-nous, je vous prye,
Sans que son honneur on descrye,
Qui l’a faict ?
SEUR ESPLOURÉE
Frère Rèdymet.
SEUR SAFRÈTE
Hélas ! el est déshonorée.
80 Et ! Vierge Marie honorée !
Où la pourons-nous [bien] cacher,
Le jour qu’el poura acoucher ?
SEUR DE BON-CŒUR
Je ne sçay.
SEUR ESPLOURÉE
J’ey bien descouvert
Aultre foys, qu’el estoyt joyeuse,
85 Et qu’el avoyt l’engin18 trop ouvert
Pour estre faicte religieuse.
SEUR SAFRÈTE
Elle est plaisante et amoureuse.
Long temps il y a qu’el aymoyt.
SEUR ESPLOURÉE
Qui, ma sœur ?
SEUR SAFRÈTE
Frère Rèdymet,
90 Rouge comme un beau chérubin19.
Un jour, avec frère Lubin20,
In caméra charitatis 21,
Tout doulcement je m’esbatis ;
Mais il [n’est sy]22 fort compaignable.
SEUR DE BON-CŒUR
95 Il est tant doulx et amyable,
Sœur Safrète, quant y s’y mect !
SEUR ESPLOURÉE
Ouy, le bon frère Rèdymet,
Quant il a la « teste » dressée
Et que de luy suys embrassée,
100 Ma leçon23 bien tost se comprent.
SEUR DE BON-CŒUR
A ! jamais il ne me reprent24.
Nous vivons no[u]z deulx comme amys :
Aussy mon cœur luy ay promys.
Bon Amour25 ainsy le permect.
SEUR ESPLOURÉE
105 Quant au bon frère Rèdymet,
Je le congnoy digne d’aymer.
Mais afin de n’estre à blasmer,
Pour faindre estre de saincte vye,
Je veuil déclarer par envye26
110 À nostre abesse (ce n’est faincte)
Comme sœur Fessue est ensaincte.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est bien faict.
SEUR SAFRÈTE
C’est bien faict, ma sœur.
Nostre bon père confesseur
En orra27 le miséréré.
SEUR DE BON-CŒUR
115 Je vouldroys qu’i28 fust enserré
En ma chambre, pour sa prison.
SEUR SAFRÈTE
Sainct Pierre ! vous avez rayson :
D’amour, aparence il y a
En vos dictz.
SEUR ESPLOURÉE,
allant à l’abeesse pour parler à elle :
Avé Maria ! SCÈNE III
L’ABEESSE
120 Gratia pléna 29 ! Qu’avez-vous,
Qui vous amène devers nous30 ?
SEUR ESPLOURÉE
Sans cause je [ne] vous viens voyr31.
L’ABEESSE
Certes, j’estoys en ce parloyr,
En saincte… contemplation
125 Des mos d’édiffication32,
Atendant l’heure du… menger33.
SEUR ESPLOURÉE
Sy Mort m’estoyt venue charger,
Hélas ! je seroys bien heureuse.
L’ABEESSE
Et ! qu’esse ? Estes-vous amoureuse ?
130 Regrétez-vous encor le monde ?
SEUR ESPLOURÉE
Nénin, non.
L’ABEESSE
Céans, il habonde
Autant de plaisir[s] savoureulx
Comme au monde. Et qu’il ne soyt ainsy,
[De]dens ceste maison icy,
135 Povez avoir un amoureulx.
SEUR ESPLOURÉE
Hélas ! mon cœur trop douloureulx
Ne peult oultrer34. D’effort j’en sue.
L’ABEESSE
Et ! qu’esse, ma mye ?
SEUR ESPLOURÉE
Seur Fessue,
Qui a faict…
L’ABEESSE
Vous dict-elle injure ?
140 Croyez-moy, par Dieu ! sy j’en jure,
Elle en sera incarsérée.
Comment ! faict-el la reserrée35 ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict…
L’ABEESSE
Je n’y entens rien en effaict.
SEUR ESPLOURÉE
Elle a faict…
L’ABEESSE
Et quoy ?
SEUR ESPLOURÉE
F[r]icatorès 36.
L’ABEESSE
145 Ô le grosson peccatorès 37 !
Per Dieu38, [elle] habuyct grandos
Punitionnès 39 sur le dos !
Qui l’eust pencé ?
SEUR ESPLOURÉE
Elle [l’]a faict,
Et a son péché satisfaict,
150 Car elle est grosse.
L’ABEESSE
Ô la laide !
Il y convient mectre remède.
Mais à qui a-elle adonné
Son corps ?
SEUR ESPLOURÉE
[El l’a]40 habandonné
À frère Rèdymet, le moynne,
155 Il y a long temps.
L’ABEESSE
Que de peine41 !
Tenamus chapitrum totus ! 42
Sonnaté 43 clochétas bien totus !
Qu’el véniat 44 !
.
.
SEUR DE BON-CŒUR SCÈNE IV
Sus ! entre nous,
Y nous convient mectre à genoulx45,
160 À ce chapitre.
SEUR SAFRÈTE
C’est bien dict ;
Je n’y mectray nul contredict.
L’ABEESSE
Or, chantez !
SEUR ESPLOURÉE
Bénédicité ! O lieu de le dire, y chantent 46 :
Voz « huys » sont-il tous fermés ?
Fillètes, vous dormez.47
165 Quant pour vous sont consumméz48
Dormez-vous,
(Fillètes, fillètes vous dormez)
[Mes sens d’amour]49 enflamés,
Dormez-vous, fillètes ?
Fillètes, vous dormez.50
SEUR FESSUE entre SCÈNE V
170 A ! j’éray quelque advercité ;
Je crains fort le punis[s]antés 51.
L’ABEESSE
Vénité, et aprochantez !
Madamus, agenouillaré,
Quia vo[u]z fécit mouillaré
175 Le boudin52 : il est bon à voir !
SEUR DE BON-CŒUR
Vous avez laissé décepvoir
Vostre honneur, dont le nostre en souffre.
L’ABEESSE
Vous en sentirez feu et souffre
En Enfer ; et de vostre vye,
180 N’irez en bonne compaignye
Sans injure. Et ! comme a-ce esté
Qu’avez faict ceste lascheté ?
Vous en souffrirez le trespas !
SEUR FESSUE
A ! mon Dieu, vous ne voyez pas
185 Ce qui vous pent devant les yeulx ?
L’ABEESSE
Mon cœur ne fust onc curieulx
D’estre d’honneur tant descouverte53.
SEUR FESSUE
Hélas ! vostre veue est couverte,
Dont vostre grand faulte despent :
190 Ce que devant les yeulx vous pent
N’est pas de tous en congnoissance54.
L’ABEESSE
Puys que sur vous j’ey la puissence,
Je vous pugniray bien à poinct.
SEUR FESSUE
A ! mon Dieu, vous ne voyez poinct
195 Ce qui est devant vostre veue ?
J’ey failly comme despourveue
De sens, dont coupable me sens.
Mais…
L’ABESSE
Quel mais ?
SEUR FESSUE
Il en est cinq cens
Qui n’en ont causé nul55 esmoy ;
200 Et sy56, ne font pas mieulx que moy.
L’ABEESSE
[Encore vous]57 levez la teste ?
Vous estes une faulse58 beste,
Et avez grandement erré.
SEUR ESPLOURÉE
Y luy fault le Miséréré,
205 Pour la faulte qui est yssue59.
SEUR FESSUE
Et ! pardonnez à sœur Fessue !
SEUR SAFRÈTE
Y luy fault donner telle peine
Que de douleur soyt toute plaine,
Puysqu’on la void ainsy déceue.
SEUR FESSUE
210 Et ! pardonnez à seur Fessue,
Pour cela qu’el a entour60 elle.
SEUR ESPLOURÉE
Vrayment, el a juste querelle61 :
Y ne fault pas son fruict62 gaster.
SEUR FESSUE
Qui vous eust voulu trop63 haster,
215 Lors qu’estiez ainsy comme moy,
En plus grand douleur et esmoy
Eussiez esté que je ne suys.
L’ABEESSE
Demeurez ! Plus oultre poursuys64 :
Qui vous a ainsy oultragée ?
220 Vous estes grosse, et tant chergée65
Que plus n’en povez.
SEUR FESSUE
A ! ma dame,
Frère Rèdymet faict ce blasme
En mainte religion66 bonne.
Mais je vous pry qu’on me pardonne.
L’ABEESSE
225 Où fusse ?
SEUR FESSUE
[De]dens le dorteur67,
À ma chambre, près le monteur68.
Ici tant enquérir ne s’en fault69…
SEUR DE BON-CŒUR
Et que ne criez-vous bien hault ?
SEUR FESSUE
Crier ? Je ne sçay qui en crye70.
SEUR SAFRÈTE
230 Comment ! voécy grand moquerye !
Nostre abeesse en sera blasmée.
SEUR FESSUE
Comment, crier ? J’estoys pasmée.
Et puys en nostre reigle est dict
(Où je n’ay faict nul contredict)
235 Qu’au dorteur on garde silence.
Et sy j’eusse faict insolence,
Bruict ou tumulte, ou quelque plaincte,
C’estoyt, contre nostre Ordre, faincte71.
Voyélà pourquoy n’osay mot dire.
SEUR ESPLOURÉE
240 Vouélà bonne excuse pour rire !
SEUR DE BON-CŒUR
Très bien le silence el garda…
L’ABEESSE
Mais escoustez : qui vous garda
De faire signe pour secours ?
On y fust alé le grand cours72,
245 Et n’ussiez receu tel acul73.
SEUR FESSUE
Las ! je faisoys signe du cul,
Mais nul(e) ne me vint secourir74.
SEUR SAFRÈTE
Je n’eusse eu garde d’y courir.
SEUR ESPLOURÉE
Signe du cul ?
SEUR SAFRÈTE
Il est possible :
250 Frère Rèdymet est terrible ;
Et n’eust sceu ceste povre ânière75
Faire signe d’aultre manière.
SEUR ESPLOURÉE
C’est le signe d’un tel mestier76…
L’ABEESSE
Mais il y a un an entier
255 Qu’el est grosse77 ; et ! n’eust-elle sceu
Nous dire qu’el avoyt conceu ?
SEUR FESSUE
Dire ? Hélas !
SEUR DE BON-CŒUR
Ouy, dire, ouy, dire.
SEUR FESSUE
J’ey bien cause d’y contredire.
SEUR SAFRÈTE
Et comment ?
SEUR FESSUE
Hélas ! quant j’eu failly,
260 Mon cœur alors fut assailly
De repentance et de grand peur
Que l’Ennemy78, qui est trompeur,
Ne m’enportast pour telle faulte.
Demanday à la bonté haulte79
265 Pardon, lequel aulx bons permect.
Et au bon frère Rèdymect
Je demanday confession ;
Lequel, à l’asolution80,
Lors que bien il me descharga81,
270 Absolutement m’encharga
De ne dire ce qu’avions faict
No[u]z deulx, ce que j’ey bien parfaict
Pour craincte de dannation :
Car dire sa confession
275 Et dire le secrect du prestre,
C’est assez pour à jamais estre
Danné avec les obstinés82.
SEUR ESPLOURÉE
Certes, nous voélà bien menés !
Ses excuses sont suffisantes.
L’ABEESSE
280 Punye en serez, je me vantes.
Ô la [grand] faulte ! ô le grand blasme !
SEUR FESSUE
Hélas ! je vous suply, ma dame :
Ne regardez tant mon péché,
Que le vostre (qui est caché)
285 Ne considérez83.
L’ABEESSE
Ha ! rusée,
Suys-je de toy scandalisée84 ?
SEUR FESSUE
On veoyt à l’œuil d’aultruy tout oultre
Un petit festu odieulx,
Mais on ne veoyt poinct une poultre
290 Qu’on a souvent devant les yeulx85…
L’ABEESSE
Ma renommée se porte mieulx
Que la tienne.
SEUR FESSUE
Ne jugez poinct86 !
Les jugemens sont odieulx
Au Seigneur, qui est dieu des dyeulx.
295 Vous le sçavez de poinct en poinct.
Paul87, glorieulx apostre sainct,
Dict que celuy n’aura refuge
D’excuse, qui sera tasché ;
Et que luy-mesme il se juge
300 S’il est subject à tel péché.
L’ABEESSE
Voyélà suffisamment presché !88
Suys-je comme toy, dy, meschante ?
Par Celle-là de qui on chante89 !
Je te feray bien repentir.
SEUR SAFRÈTE
305 Elle se poura convertir,
Ma dame : ce sera le myeulx.
SEUR FESSUE
Ce qui vous pent devant les yeulx,
Qui faict vostre faulte congnoistre,
Nous démonstre qu’i ne peult estre
310 Que vous ne fassiez de beaulx jeux90.
L’ABEESSE
Ce qui me pent devant les yeux ?
Avé Maria ! qu’esse-cy ?
Vous m’avez trop hastée, aussy :
De venir, j’estoys empeschée.
315 Et ! mon Dieu, que je suys faschée !
SEUR ESPLOURÉE
Croyez, sy les loix ne sont faulces,
Que c’est icy un hault-de-chaulces.
L’ABEESSE
Avé Maria ! Saincte Dame !
Je ne suys moins digne de blasme
320 Que sœur Fessue.
SEUR DE BON-CŒUR
Sont-il d’usance91,
Hault-de-chaulses ?
L’ABEESSE
J’ey desplaisance
De mon faict.
SEUR SAFRÈTE
Et ! Dieu, quel outil !
Les abeesses en portent-il,
Maintenant ? J’en suys en soucy92.
SEUR ESPLOURÉE
325 Un hault-de-chaulses !
SEUR DE BON-CŒUR
Qu’esse-cy ?
L’ABEESSE
Et ! n’en parlons plus.
SEUR SAFRÈTE
C’est pour rire ?
A ! vous ne debvez escondire
Seur Fessue d’absolution.
SEUR DE BON-CŒUR
C’est bien nouvelle invention,
330 Porter des chaulces sur la teste.
L’ABEESSE
On en puisse avoir male feste !
SEUR SAFRÈTE
Or sus, sus ! chantons-en93 d’une aultre.
On dict bien c’un barbier raid94 l’aultre,
Et q’une main l’autre suporte95.
335 Y convient faire en ceste sorte :
Donnez-luy l’asolution.
SEUR ESPLOURÉE
Voeylà très bonne invention.
Vous estes à noz96 audinos.
L’ABEESSE
Tu fessisti sicut et nos 97 ;
340 Parquoy absolvo te gratis
In pécata 98. Nunc dimitis
[In cor bonnum]99, comme au passé100.
Plus oultre, vadé in passé 101 !
SEUR FESSUE
Gratias ! Me voeylà garie.
345 Je n’ay cause d’estre marie102.
SEUR ESPLOURÉE SCÈNE VI
Conclusion : Je trouve erreur caché
Que cestuy-là veult un péché reprendre,
Duquel il est taché et empesché,
Et par lequel en fin on le peult prendre.
350 Vous le pouvoez en ce lieu-cy comprendre.
La faulte en est à vo[u]z deulx aperceue,
Tesmoing l’abeesse aveques seur Fessue. 103
En prenant congé de ce lieu,
Unne chanson pour dire « à Dieu » !
FINIS
*
1 Dans ce même manuscrit, la Mère de ville (composée dans les années 1530) fait dire au Garde-cul : « Il ne fault c’une seur Fessue/ Ayant vouloir d’estre pansue. » 2 Lascive. 3 LV : la IIe seur esplouree (Je rétablis le nom des trois sœurs ; LV les numérote : la p[remiere], la IIe, la IIIe.) 4 Au 1° degré, la sœur demande à Éplorée si elle a pris froid. Au 2° degré, douceur se réfère au membre viril : « Quant elle eut la doulceur sentie/ De ce doulx membre qui fut roys [roide]. » Parnasse satyrique du XVe siècle. 5 Sûr : éclairez mon esprit. 6 Un siège. 7 Avez-vous fauté ? 8 LV : qui 9 Le raide, le phallus. V. note 10. 10 Déçue, abusée. « Raide y met » est un calembour latin : « Quel verset des Pseaumes aiment mieux les femmes ? C’est (…) Et ipse redimet, c’est-à-dire, Rède y met, ou roide y met. » Tabourot. 11 Engrossée. 12 LV : oues (Ouez = oyez, écoutez.) 13 En mauvaise posture. 14 Pisser sur les dalles d’un cimetière est un sacrilège : « Qu’on me brusle ce savetier :/ Il a pissé au cymitière ! » Clément Marot. 15 J’ai féminisé le masculin ici, à 58, et à 75 ; mais je n’ai pas touché à l’effarant Madamus de 173. Les cinq rôles de femmes étaient tenus par des hommes. Je signale que deux rôles féminins sont tenus par des messieurs dans la réjouissante interprétation de Sœur Fessue qu’ont donné des étudiants diplômés et des professeurs de l’Université de Western Ontario, à London (Canada). 16 Pour coïter, l’amant se met à genoux sur le lit : cf. le Tesmoing, vers 332. On pourrait renforcer le comique de répétition des vers 61 et 144 en écrivant « Quoy ? » au lieu de « Ouy, ». 17 Fardeau. « Le maistre à son clerc persuade/ De donner “l’amoureuse aubade”/ À la pauvre pucelle grosse,/ Affin que le clerc eust l’andosse/ D’espouser la mère et l’enfant. » Pour le Cry de la Bazoche. 18 L’esprit ; mais aussi, le sexe. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 129 et 448. « D’un jeune sotouard, lequel ne sut trouver l’engin de sa femme la première nuit. » Les Joyeuses narrations. 19 « Sotz rouges comme chérubins. » (Monologue des Sotz joyeulx.) Mais on associe traditionnellement la couleur rouge au phallus : la Confession Margot <v. 89>, le Faulconnier de ville <v. 64 et note 22>. 20 Un des innombrables prototypes de moines paillards : « Pour desbaucher par un doulx style/ Quelque fille de bon maintien,/ Frère Lubin le fera bien. » Marot. 21 Dans la salle de charité, une pièce du couvent qu’on ouvrait lorsqu’il fallait nourrir des pèlerins. 22 LV : est bien (Lubin n’est pas aussi bon “compagnon” que Raidymet. « [Ils] ne sont pas si compaignables à boire & à manger. » Miroir de la navigation.) 23 Lecture d’un texte biblique. Double sens érotique : « L’un la fout en cul, l’autre en con./ Pour s’exercer en ce manège,/ Elle répète sa leçon/ Avecque le Sacré Collège. » Blot. 24 Il ne trouve rien à corriger lors de ma « leçon ». 25 La Bonne Amour, c’est l’amour courtois, d’après le Roman de la Rose, le Dit de la Rose, ou le Libro de buen amor de Juan Ruiz. Voilà un habillage bien romantique pour de vulgaires histoires de fesses et de Fessue ! Par pudeur, l’obscénité répondait au romantisme, comme ce croquis matérialiste dans la marge d’un manuscrit répond à l’enluminure officielle. 26 Les trois jalouses vont se venger de leur amant volage, et de sœur Fessue qui déshonore le couvent. 27 LV : aura (Orra = ouïra, entendra notre prière. Miserere mei = aie pitié de moi.) 28 Qu’il (frère Raidymet) soit incarcéré. On emprisonnait les religieux fautifs dans un cachot nommé in pace. Cf. vers 141. 29 « Je vous salue, Marie, pleine de grâce. » Contre toute attente, il s’agit là d’une farce mariale : vers 33, 37, 42, 80, 119, 303, 312, 318, 345. Notre fatiste avait lu le Miracle de l’abbesse grosse : voir ma notice. 30 Lapsus : elle était censée être seule dans sa cellule. 31 LV : voyer (Je ne viens pas vous voir sans raisons.) 32 Je lisais mon bréviaire. En fait, elle était au lit avec frère Raidymet (note 41). Dérangée par sœur Éplorée, elle a mis sur sa tête la culotte du frère au lieu de son voile. En s’appuyant sur Boccace, La Fontaine déplorera sa bévue dans le conte du Psautier : « Madame n’estoit/ En oraison, ny ne prenoit son somme :/ Trop bien alors dans son lit elle avoit/ Messire Jean, curé du voisinage…./ Elle se lève en haste, étourdiment,/ Cherche son voile, et malheureusement,/ Dessous sa main tombe du personnage/ Le haut-de-chausse, assez bien ressemblant/ (Pendant la nuit, quand on n’est éclairée)/ À certain voile aux Nonnes familier…./ La voilà donc de grègues affublée. » Au XIVe siècle, Jehan de Condé mit « un beau abbé joli » dans le lit de l’abbesse ; laquelle, « kant son couvrechief cuida prendre,/ (…) les braies à l’abbé prist,/ Et puis les jeta erranment/ Sur son chief. » <Le Dit de la Nonnète.> 33 Elle a failli commettre un nouveau lapsus : l’heure du berger est « l’heure favorable à un amant pour gagner sa maîtresse ». (Furetière.) 34 Aller plus loin. 35 La fausse pucelle : les jeunes mariées qui voulaient passer pour vierges allaient voir « l’étrécisseuse » qui, avant leur nuit de noce, utilisait l’eau de tan, « les eaux de myrthe, alun & autres astringens pour resserrer & consolider les parties casuelles des femmes ». Noël Du Fail. 36 Des frottements. Le sens érotique s’appliquait surtout aux lesbiennes : « Tribades se disent fricatrices. » Brantôme. 37 Ô le gros péché ! (Le latin de sacristie va s’aggraver en même temps que l’indignation de l’abbesse.) 38 LV : perdien (Le « n » et le « u » sont souvent confondus. La forme courante est per Diem, mais Noël Du Fail emploie per Dieu.) 39 Elle aura de grandes pénitences. (Au futur, il faudrait habebit.) 40 LV : elle a 41 Le chagrin de l’abbesse montre que c’est bien frère Raidymet qui était dans son lit. 42 Tenons ensemble chapitre [une assemblée]. 43 LV : sonnare (Sonnez toutes les cloches.) 44 Qu’elle vienne. 45 Les sœurs étant à genoux, elles ne pourront voir le haut-de-chausses qui coiffe l’abbesse. 46 Au lieu de dire le Benedicite, les nonnes chantent une chanson paillarde, insérée après coup entre les vers 162 et 170, qui riment ensemble. Je corrige ce texte (mis en musique entre 1536 et 1547 par Robert Godard) d’après une partition publiée en 1547. Cf. André Tissier, Recueil de Farces, XI, Droz, 1997, pp. 246-7. 47 La partition ajoute : Ouvrez-les-moy, si m’aymez./ Dormez-vous, fillettes ?/ Fillettes, vous dormez./ Dormez-vous seulettes ? 48 Partition : consummez — LV : consommes 49 Partition : Mes sens damour — LV : mais sans amours 50 La partition ajoute : Dormez-vous seulettes ? 51 La punition, en langage macaronique. 52 « Madame, agenouillez-vous, parce que vous avez fait mouiller le boudin. » Ce mot avait le même sens phallique que l’andouille : « Membre de moine, exorbitant boudin. » (Sénac de Meilhan.) On ne sort d’ailleurs pas de la religion, puisque sainct Boudin allait de pair(e) avec saincte Fente, d’après la farce du Pardonneur. 53 Dégarnie. 54 N’est pas (encore) connu de tous. 55 LV : ny 56 Et pourtant. 57 LV : leues (L’insolente ose lever la tête… et contempler la coiffe de l’abbesse.) 58 Perfide. Ce vers provient d’une Moralité imprimée en 1507, la Condamnacion de Bancquet. 59 Il lui faut le pardon, pour la faute qui est avouée. 60 En latin de sacristie, on pourrait mettre : inter (à l’intérieur d’elle). Cf. le vers 213. 61 Elle a raison de se plaindre. 62 Son enfant. On voit qu’il s’agit d’une farce : dans la réalité, les religieuses enceintes n’avaient d’autre choix que d’avorter ou de tuer le nouveau-né. « Quant à celles qui sont meurtrières de leurs enfans aussitost qu’ils sont sortis du ventre, les jettans ou les faisans jetter, il y a quelques années que les monastères des nonnains en eussent fourni bon nombre d’exemples (aussi bien que de celles qui les meurdrissent [tuent] en leur ventre). » Henri Estienne, Apologie pour Hérodote, XVIII. Le chap. VII ajoute : « Les nonnains (…) font mourir leur fruict estant encore en leur corps, par le moyen de quelques breuvages, ou bien estranglent leur enfant si tost qu’il est sorti. » 63 LV : tant (Si on avait voulu trop vous hâter : si on était entré dans votre cellule, au lieu d’attendre que vous en sortiez.) 64 Restez ici ! Je continue. 65 Chargée, alourdie. 66 Maison de religion, couvent. « Du jeune garçon qui se nomma Thoinette pour estre receu à une religion de nonnains. » Bonaventure Des Périers. 67 LV : dortoueur (qui n’est pas une rime riche. Dorteur = dortoir, vers 235. Cf. le Maistre d’escolle, vers 4.) 68 Près de « l’échelle pour monter au dorteur des dames » (Comptes de l’aumosnerie de S. Berthomé). 69 Toutes les nonnes l’ont fait au même endroit. 70 Je ne sais pas quelle autre aurait crié. 71 Une tromperie. (On peut préférer : fraincte [infraction].) Jean-Baptiste de Grécourt opposera une abbesse à une nonne enceinte dans son poème le Silence, qui s’achève ainsi : « –Vous n’aviez qu’à crier de tout votre pouvoir./ –Oui, mais (dit la nonnain) c’étoit dans le dortoir,/ Où notre règle veut qu’on garde le silence. » 72 En courant. 73 Une telle contrainte. 74 « Je (respondit la Fessue) leur faisois signes du cul tant que povois, mais personne ne me secourut. » Rabelais, Tiers Livre <1546> : le chapitre 19 emprunte à notre farce les aventures de sœur Fessue et du frère Royddimet. 75 Et cette oie blanche n’aurait pas pu. 76 Qu’on connaît l’amoureux métier, le bas métier. 77 Cf. Gargantua (chap. 3) : « Elle engroissa d’un beau filz et le porta jusques à l’unziesme moys. Car autant, voire dadvantage, peuvent les femmes ventre porter. » Le docteur Rabelais conclut malicieusement que les veuves peuvent donc jouer du serre-croupière deux mois après le trépas de leur mari. 78 Le diable. 79 À Dieu. 80 LV : la solution (L’absolution, confirmée par le jeu de mots de 270. Idem vers 336.) 81 Me déchargea. 2° degré : me procura un orgasme : « Elles déchargent quand on les secoue. » (Cyrano de Bergerac.) 82 Les hérétiques. 83 Saint Paul, Épître aux Romains, II-3. 84 Transformée en objet de scandale. 85 Évangile selon saint Matthieu, VII-3. 86 Matthieu, VII-1. 87 Romains, II-1. 88 L’ennuyeux passage 291-301, envahi de rimes proliférantes, est visiblement interpolé : une simple nonne ignorant le latin n’argumente pas une discussion théologique ! 89 Au nom de la Vierge, dont on chante les louanges. 90 Qu’il n’est pas possible que vous ne vous adonniez à des jeux amoureux. Les trois nonnes agenouillées vont enfin relever la tête et voir l’objet du délit. Ce passage doit beaucoup au Dit de la Nonnète : « Que savez-vous que il vous pent,/ Belle dame, devant vos ieuls ?…./ Un couvrechef à menus plis/ Vous y pent, dame, ce me samble,/ Qui, par le cor Dieu, bien resamble/ Ce de quoi on couvre son cul. » 91 Est-ce la mode (de porter sur la tête). 92 LV : esmoy (Cf. les Gens nouveaulx, v. 244.) 93 LV : changons en (Chantons d’une autre manière, changeons de ton.) 94 Rase. « On dit qu’un Barbier rait l’autre, pour dire qu’il faut que chacun dans sa profession se rende des offices réciproques. » Furetière. 95 Qu’une main aide l’autre. 96 LV : voz (Vous êtes soumise à notre volonté [audi nos = écoute-nous]. « I li fet tous ses audinos » : il lui passe toutes ses volontés.) 97 Tu as fait comme nous. 98 Je t’absous sans pénitence pour tes péchés. 99 LV : Incorbennem (Dans un cœur bon : « In cor bonum et devotum. » Nicolai de Gorrani.) 100 Maintenant, tu peux t’en aller avec un cœur pur, comme par le passé. 101 Va en paix. 102 Ultime pirouette sur le nom de Marie, qui avait elle aussi conçu sans péché. 103 Ces décasyllabes aux rimes mal disposées recyclent maladroitement les vers 283-285. Le congé final est commun à beaucoup de farces et de sotties.