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LA CONFESSION RIFFLART

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Recueil Trepperel

Recueil Trepperel

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LA  CONFESSION

RIFFLART

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Les confessions parodiques pimentent un grand nombre de farces : la Confession Margot, la Confession du Brigant au Curé, le Testament Pathelin, le Munyer, le Ribault marié, Frère Guillebert, et j’en passe beaucoup. Les humoristes du Moyen Âge avaient déjà compris qu’on faisait rire en détournant des sujets sérieux, voire sacrés. La Confession Rifflart date environ de 1480 ; elle appartient au répertoire des Conards de Rouen1.

Source : Recueil Trepperel, nº 27. Le texte fourmille de petites fautes de lecture.

Structure : Rimes plates, souvent négligées, parfois même irrégulières.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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La  Confession

Rifflart

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À quatre parsonnages, c’est assavoir :

       MÉHAULT

       RIFFLART

       LE  PRESTRE

       ROGIER

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Rifflart

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                        [LE  PRESTRE] 2  commence

       Dieu qui [souffris grief]3 passïon

       Pour la nostre rédemption,

       Vueille garder la compaignie

       De tout mal et de villennie !

5     Le curé de vostre4 paroisse

       Vous dist que le saint temps apresse5,

       Et que le jour de Pasque vient ;

       Et que purger il se convient

       Par très vraye confession6.

10   Je le dy pour ung compaignon

       Qui se fait Rifflart appeller7 :

       Oncques n’eut vouloir d’y aller ;

       Ce luy semble desrision.

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                        RIFFLART 8  commence                      SCÈNE  I

       Or çà, Méhault, bel oyselon,

15   Ung gros cueur en petite pance9 :

       Qui te donne10 malle meschance ?

       Méhault, pourquoy ne chante-tu ?

       As-tu doncques joye pardu ?

                        MÉHAULT

       Rifflart, doulx amy débonnaire11 :

20   Mais qu’i ne vous vueil[l]e desplaire,

       Je vous diray ma conscience12.

                        RIFFLART

       Méhault, or dy ce que tu pense ;

       [De ce,] jà ne me courceray13.

                        MÉHAULT

       Rifflart, compains14, je vous diray :

25   Vécy jà la qua[t]r[i]esme année

       Que m’avez prinse et espousée.

       Mais je suis comme [in]fortunée

       Pour[ce] que me suis advisée

       Que puis, ne15 fustes à confesse.

30   Allez-y, il n’y a pas presse16.

       Mon bel amy, je vous en prie !

                        RIFFLART

       Par Dieu, Méhault, ma doulce amye !

       Vous m’avez fait trèsgrant despit.

       Avez-vous ores donc17 ce dit

35   Pour me faire abréger ma vie ?

       Vous sçavez toute ma convie18 :

       Seray-je donc prins, ou pendu19 ?

                        MÉHAULT

       Rifflart, c’est trop mal entendu.

       Saichez, de vray, se n’y allez,

40   Jà aux Pasques ne mengerez

       Ne flans ne tarte, par ma foy20 !

                        RIFFLART

       Or avant ! Méhault, quant à moy,

       Puisque c’est vostre gré, g’iray.

       Mais dictes-moy que21 je feray,

45   Car oncques, en jour de ma vie,

       N’oÿ parler de tel folie.

       Fault-il donc aller à confesse ?

                        MÉHAULT

       Vous n’avez plus sens q’une asnesse22 !

       Sçaichez qu’il n’est homme ne femme23

50   Qui ne doit jûner24 en Caresme,

       Et aler à confession.

       Ceulx qui sont en dévotion

       Y vont bien trois fois, voire quatre.

                        RIFFLART

       Méhault, point n’y [fault cy débatre]25.

55   Cuidez-vous qu’entre nous26, Conars,

       Qui ne sommes point papelartz27,

       Ayons de confesser mestier28,

       Ne d’aler souvent au monstier29 ?

       Nous avons le sanglant gibet !

60   Au fort, [pour finir]30 nostre plet,

       [G’iray veoir nostre bon pater31.]

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       Je me doy bien desconforter,                                   SCÈNE  II

       Qui32 suis si joly compaignon.

       Je crie33 à l’ail et à l’oignon

65   Que bon conseil puisse34 trouver.

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       Rogier, je m’en vois confesser :                               SCÈNE  III

       Mahault par force m’i envoye.

       Qu’on ne me pende ! je cuydoye

       Que nulz homs35 ne se confessast

70   Tant qu’il peust boire, ne mengast36.

       Mais j’estoye trèsbien d’acord

       Qu’on se confessast à la mort37.

       Encores est ma femme saige38.

                        ROGIER

       Riflart, on doit garder l’usaige39.

75   Se tu veulx40, trop bien t’aprendray

       La manière comment j’y41 voy.

       Quant je vueil aller à confesse,

       J’attens qu’il y ait bien grant presse ;

       Et s’on ne veult à moy entendre42,

80   [Je m’en vois hors sans plus attendre.]

       Ainsi, je me suis bien passé,

       [Puis] quatre ans, d’estre43 confessé.

       Et quant j’y44 suis, certainement,

       Si fais-je bien subtillement.

85   Je ne suis45 pas co[r]nart ne lourt :

       Pource que mon curé est sourd,

       Je m’en vois à luy voulentiers ;

       Je dy entre deulx motz le tiers46,

       Bien bas. Et quant je suis au bout,

90    Il le me demande se c’est tout ;

       Je dy : « Ouÿ. » Lors, il m’assault47.

       Comment que ce soit, ne m’en chault,

       S’on48 ne me puist traîner et pendre.

       Il veult sçavoir que j’ay au ventre49,

95   Mais encore ne m’a-il mie,

       Foy que je doy à saincte Marie !

       Il ne me fina, au50 jour d’huy,

       De dire : « As-tu rien de l’autruy51 ? »

       Il sembloit que je fusse lerre52.

100  Alors, je m’en party bon erre53.

                        RIFFLART

       Tu en as tant dit, par ma foy,

       Que g’y vueil aller comme toy,

       Et sça[u]ray qu’il [me] vouldra dire54.

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       Mon povre cueur forment55 souspire                          SCÈNE  IV

105  Quant je ne puis trouver séjour56

       Pour alléger ma grief doulour57

       Qui58 jour et nuyt si ne me fine.

       Je suis bien mis à discipline59.

       Sire, que Dieu vous doint sa joye !

110  Ma femme confesser m’envoye.

       (En ma vie, plus n’y entray60.)

                        LE  PRESTRE

       Parle plus hault et je t’orray61 :

       Il n’y a nul cy près de nous.

                        RIFFLART

       Sire, [si suis-je]62 près de vous.

115  Nous sommes cy en povre lieu63.

                        LE  PRESTRE

       Or, dy, bel amy, de par Dieu,

       Tout64 à loisir : t’as bonne espace65.

                        RIFFLART

       Mercy66, sire, sa vostre grâce67 :

       Car vous devez dire devant68 ;

120  À moy n’est pas appartenant69.

       Point ne doy avoir tel maistr[i]e70.

       Or tost, sire, je vous en prie,

       Dictes devant, délivrez-vous71.

                        LE  PRESTRE

       Se m’aïst Dieux72, mon amy doulx !

125  Je ne diray point devant toy,

       Beau filz, car je ne sçay de quoy

       Tu te veulx confesser à moy.

       Mon amy, vueilles abréger.

                        RIFFLART

       Sire, on vous doit honneur porter

130  À cause que vous estes prestre ;

       Encor(e) ne suis-je pas si beste,

       Si fol ne si oultre-cuidé.

       Je vous prie, ne soyez courcé.

       Se vous voulez, je m’en iray ;

135  Car devant vous, point ne diray.

       Si grant follie ne fis oncques !

                        LE  PRESTRE

       Puisqu’ainsy va, je diray doncques.

       Tu dois dire premièrement

       Tes meffais dont il te souvient.

                        RIFFLART

140  Sire, je suis bien souven[an]t

       Que j’ay ouvré73 huyt jours ou tant

       Sur deux clochers merveilles74 haux,

       Et n’ay eu, pour tout75, que deux solz76 :

       Je me repens, par saint Remy,

145  Que je n’en eus77 deux et demy,

       Car ç’a78 esté par ma follie.

                        LE  PRESTRE

       Ne dy plus ainsi, je te prie !

       Ce n’est pas ce que je disoye.

       Tu feis79 péché ?

                        RIFFLART

                                    Dieu80 me doint joye !

150  Mais c’est de la plante des piés81,

       Car j’ay chaussé des soulléz vielz82,

       Et tousjours quant voy en besongne83.

                        LE  PRESTRE

       Se m’es[t] Dieux84 ! je croy [que] c’est songne85,

       Ou autrement, t(u) es fol ou yvre !

155  Je te pri que tu te délivre,

       Car j’ay trèsgrant mal en ma teste.

                        RIFFLART

       On me [pende s’à jour de feste

       À personne je me bailloys]86 !

       Au prévost je [le menderoys]87,

160  Car il est de telle nature

       Qu’il n’espargnera créature,

       Se je ne vous dy vérité.

                        LE  PRESTRE

       Bel amy, j’ay de toy pitié.

       Or vien ung peu plus près de moy88.

165  Et tout premier, confesse-toy,

       Je te prie, des sept péchéz

       Mortelz dont tu es empesché89.

       Et puis après, je te recorde90

       Des œuvres de miséricorde,

170  S’acomply les as nullement91.

       Et quant aux dix commandement[s],

       Tu as mesprins92, comme je croy.

       Et aux articles de la Foy93.

       Et se tu as communiqué

175  Avec nul excommunié94.

       Ainsi confesser tu te doys.

                        RIFFLART

       Sire, par Jhésus le doulx roys,

       J’acorde ce que dit m’avez.

       Et se plus riens vous y sçavez,

180  Je vous prie, dictes-le-moy

       Entre nous deux, cy à requoy95.

       Faictes-le tost, hardi[e]ment.

       Je me confesse largement

       De tant que dire me pourez96.

                        LE  PRESTRE

185  Beaux amys, de tous tes péchéz

       Dont tu as fait confession,

       Requiers-tu absolution97 ?

                        RIFFLART

       Ouÿ, sire, certainement.

                        LE  PRESTRE

       Et je t’en absoubz vrayement.

190  Absoluction[em] et remission[em] 98.

       Tu es absoubz présentement.

       Mais, mon doulx amy débonnaire,

       Il te fault pénitence faire.

                        RIFFLART

       Voire, sire, quel pénitence ?

195  N’ay-je pas assez de meschance99 ?

                        LE  PRESTRE

       Beaulx amys, il te fault jusner100.

                        RIFFLART

       Voulentiers, jusqu’à desj[u]ner101.

       Quant toute jour jusné102 j’auroys,

       Je ne sçay que je mengeroys103 !

                        LE  PRESTRE

200  Donc104, il te fault aller en lange.

                        RIFFLART

       Tousjours j’y105 suis jusqu’à la manche.

                        LE  PRESTRE

       Beau doulx amy, que veulx-tu faire ?

       Veulx-tu doncques vestir la haire106,

       Sans plus, tout au long de ton ventre ?

                        RIFFLART

205  Nenny, dea ! j’ay la chair trop tendre,

       Je seroye trop maltraicté ;

       Elle escorcheroit mon costé.

       Par les sainctz ! vécy107 grant merveille :

       Qui vous a ce mis en l’oreille108 ?

210  Mais que vous griefve109 ma chemise ?

                        LE  PRESTRE

       Or ne sçay plus110 en quelle guise

       Te servir, par sainct Pol l’apostre !

       Va-t’en, et dy troys patenostres111.

                        RIFFLART

       S’on ne me pent parmy la gueulle,

215  Je n’en sçay q’une toute seulle.

                        LE  PRESTRE

       Bien, de par Dieu ! Dy-la trois fois112 !

       Je croy que tu fais l’ententrais113 ;

       Va-t’en d’icy, il m’en114 desplaist !

                        RIFFLART

       Sire, se m’aïst Dieu, non fait !

220  Dolent et desplaisant seroye

       [S’à les compter]115 je mesprenoye.

                        LE  PRESTRE

       Je te vueil doncques commander

       – Sans plus me116 faire recorder –,

       Au soir, quant tu te vas coucher,

225  Que tu dies sans plus prescher117,

       Incessament, ta patenostre,

       En despoullant chemise et cotte118.

       Faire le pourras, ce me semble ?

                        RIFFLART

       Je ne119 despoulle tout ensemble,

230  Toutes les nuytz, quant vois coucher :

       Car je m’en sçay plustost lever

       Au matin, quant je me resveille.

                        LE  PRESTRE

       Je n’ay jamais [veu] tel merveille !

       Qu’est-ce à dire ? Esse mocquerie ?

235  Par la doulce Vierge Marie,

       Mèshuy120 à toy ne parleray !

                        RIFFLART

       Sire, par ma foy, je feray

       Tout ce que me commanderez.

       Jamais parler vous n’en orrez121.

240  Commandez ce qu’il vous plaira,

       Et incontinent fait sera.

                        LE  PRESTRE

       Pour les péchéz que tu as faitz,

       Sans en tenir longuement plaitz,

       Fault que tu voises à Boulongne122

245  (Et ne le tiens point pour mensongne)

       Ainçois123 qu’il soit deux jours passés.

                        RIFFLART

       Sire, il me souffit, [c’est] assez.124

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       Or suis-je de tous mes péchéz                                 SCÈNE  V

       – De quoy j’estoye moult chargéz –

250  A[b]soubz, et ay rémission

       [De] par ce prestre, et vray pardon.

       Si, vueil chanter à chière lye125,

       Sans plus faire chière mar[r]ie,

       Une [très] joyeuse chançon :

255  Pour l’amour de Marion…126

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                        Rifflart retourne au prestre.                    SCÈNE  VI

       Sire, je suis cy revenu

       Car il ne m’estoit souvenu

       De vous demander de l’argent,

       Car je n’en ay point. Vrayement,

260  Je ne soustiens denier ne maille127.

                        LE  PRESTRE

       Et cuides-tu que je t’en baille ?

       Nennin, par Dieu, une poujoyse128 !

                        RIFFLART

       Cuidez-vous doncques que je voise129,

       Se vous ne payez mes despens ?

                        LE  PRESTRE

265  Se Dieu m’aïst ! Je me repens

       Quant au jourd’uy te confessay !

                        RIFFLART

       Et ! par le sang bieu, je ne sçay

       Quelle sottie130 m’y mena.

       Ma femme si m’y envoya.131

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270  Il n’est nul qui croye132 sa femme                            SCÈNE  VII

       Qu’il n’en ait133, en fin, honte ou blasme.

                        ROGIER

       Dea, voysin, tu as creu ta femme ?

       Se tu eusse[s] fait comme moy,

       Courcé ne fusses pas, je croy.

275  Or va, et retourne à ta femme.134

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       Seigneurs, ne prenez en diffame                               SCÈNE  VIII

       Nostre petit esbatement.

       Nous prirons Dieu du firmament

       Qu’il vueille vous et135 nous garder,

280  Et mieulx que Rifflart confesser.

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                                    FINIS

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1 Comme les Veaux, Jehan de Lagny, le Cousturier et le Badin, le Cousturier et son Varlet, etc.   2 T : Mehault  (Ce prologue appelant les paroissiens à venir se confesser ne peut être dit que par le curé de la pièce, laquelle « commence » véritablement au vers 14.)   3 T : souffrir grif  (Qui souffris de graves douleurs. Voir le vers 106.)  « Dieu (…)/ Qui pour nostre rédempcion/ En croiz souffri grief passïon. » Miracle de saint Valentin.   4 T : vostre  (Le curé prêche devant ses fidèles, autrement dit, devant le public.)  Paroisse, en Normandie, se prononçait paraisse : « Critofle Malingreux, clerc de nostre paraisse. » (La Muse normande.) « Appren bien ta lichon [leçon], afin que tu pisse estre/ Un jour à ste paresse, ainsi que maistre Jean. » (Id.)   5 T : aproche  (« Hélas, hélas ! l’heure s’apresse/ Qu’il fault son dernier sacrement. » Farce de Pathelin.)   6 Il fallait se confesser au moins une fois par an, avant Pâques. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 183 et note.   7 Qui s’appelle Rifflard. C’est également le nom d’un autre mari gouverné par son épouse dans la Mauvaistié des femmes. Mais ce pourrait être le surnom d’un goinfre qui aime bien « rifler », s’empiffrer : voir les vers 198-199. De toute manière, ce nom fait rire : « “–Comme as-tu nom ? –J’ay nom Rifflart.”/ Mais ilz rirent tant de ce nom !/ Comme fins folz faisoyent leurs ris. » Mistère de la Conception.   8 Il est chez lui, avec son épouse Méhaut, c’est-à-dire Mahaut, comme au vers 67.   9 Le proverbe dit : « En petit ventre, gros cueur. »   10 T : doint  (Qui te donne ce mauvais chagrin ?)   11 Au vers 192, le curé emmiellera Rifflard dans la même circonvolution.   12 Ce que j’ai sur la conscience.   13 Jamais je ne me courroucerai de cela. Même acronyme aux vers 133 et 274.   14 Mon compagnon, mon ami.   15 T : que  (Que depuis, vous ne vous êtes plus confessé.)   16 Tant qu’il n’y a pas foule à l’église. Dans les farces, quand une femme veut éloigner son époux, c’est qu’elle attend son amant : voir par exemple les Femmes qui font baster leurs maris aux corneilles (F 29). Or, il se trouve que le voisin Roger s’approche de la maison…   17 T : dont  (Avez-vous donc dit cela.)  Les gens superstitieux considéraient que la confession était réservée aux mourants, et que se confesser en bonne santé pouvait faire mourir.   18 Ma façon de vivre.   19 Y a-t-il là de quoi me condamner ?   20 Mahaut tient son goinfre de mari par la bouche. Le comportement infantile de Rifflard est propre à tous les rôles de Badins.   21 Ce que. Tous les personnages de farces qui se confessent ont un point commun : ils ignorent ce qu’ils doivent faire et dire devant le curé.   22 T : beste  (Vous n’avez pas plus de bon sens qu’une ânesse. « S’y n’est trop plus sot c’une ânesse. » Troys Gallans et Phlipot.)   23 Dans les pièces normandes, « femme » rime parfois en -ème. « Pour endoctriner homme et femme,/ Aucuns vous preschent le Karesme. » Sermon joyeux des quatre vens.   24 Respecter le jeûne, dont Rifflard n’est visiblement pas un adepte.   25 T : prens si pres garde   26 Que nous autres (normandisme). Sur les Conards de Rouen, voir ma notice et la note 1.   27 Faux dévots. Leur « abbaye », gouvernée par un « abbé », parodie l’ordre clérical. Voir les Triomphes de l’Abbaye des Conards.   28 Besoin.   29 Au moutier, au monastère. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 116.   30 T : giray veoir  (L’imprimeur a fusionné ce vers avec celui qui suivait.)  Finir notre plaid = trouver une solution à notre querelle ; voir le vers 243.   31 Le Père, le curé. « Laditte religieuse cognut qu’elle s’estoit enamourée follement de leur pater, qui l’administration avoit de leurs âmes. Le bon pater (…) se absenta du lieu totalement. » (Jehan Molinet.) Pater rime avec déconfortèr. Rifflard sort de chez lui et se dirige vers l’église.   32 Moi qui.   33 T : prie  (Les marchands des rues crient « À l’ail ! » et « À l’oignon ! ».) Je réclame à cor et à cri.   34 T : puissez  (Rifflard tombe sur son voisin Roger, qui vient voir Mahaut.)   35 Que nul homme (archaïsme). « La plus belle figure/ Que nulz homs puist de ses yeux regarder. » Eustache Deschamps.   36 Mangeât : tant qu’il eût bon appétit (ce qui est le cas de Rifflard).   37 Au moment de mourir.   38 C’est un constat que les auteurs de farces mettent régulièrement dans la bouche des Badins. « (Je) ne sçay rien faire/ Qui plaise ne qui soyt utile/ À ma femme sage Sébile. » (L’Arbalestre.) Cf. Régnault qui se marie, vers 51.   39 Respecter la coutume.   40 T : veult   41 T : ie  (J’y vais.)  À l’instar de Mahaut, la femme de Roger se débarrasse de lui en l’envoyant se confesser.   42 Si le curé ne veut pas m’écouter tout de suite. Le vers suivant est perdu.   43 T : sans estre   44 T : ie   45 T : fais  (Cornard = imbécile. « Pauvre cornart,/ J’ay eu ta robbe et ton argent ! » Le Pauvre et le Riche.)   46 Le troisième mot, celui qui pourrait me valoir une pénitence. Roger donne ici la définition de l’entend-trois, nommé au vers 217.   47 T : ma sault  (Il m’absout.)   48 Du moment qu’on.   49 Ce que j’ai dans le ventre.   50 T : du  (Il ne cessa pas, aujourd’hui, de me dire…)  Roger fait croire qu’il vient de se confesser, pour que Rifflard aille en faire autant et lui laisse le champ libre.   51 T : loutruy  (En me disant : n’as-tu rien qui appartienne à autrui ? « Avez-vous eu rien de l’autruy ? » Testament Pathelin.)   52 T : larre  (Un larron, un voleur. « Malebouche le lerre. » ATILF.)   53 D’un bon pas. « Et venez après moy bonne erre. » (Frère Frappart.) La confession est vue comme un jeu d’échecs où chacun tente de tromper son adversaire.   54 Ce que le curé voudra me dire. Rifflard s’éloigne, et Roger entre chez Mahaut. En beuglant une chanson d’amour, Rifflard pénètre dans l’église.   55 Fortement. (Cf. les Rapporteurs, vers 26.) Ces cinq vers lyriques et archaïques proviennent d’une quelconque chanson du XIVe siècle. « De plus en plus ma grief dolour empire,/ Dont moult souvent mes cuers souspire et pleure. » Guillaume de Machaut.   56 De repos.   57 T : douleur  (Modernisation due à l’éditeur.)  « Alégier/ La grief dolour/ Qui tient mon cuer en tristesse et en plour. » G. de Machaut.   58 T : Que  (Qui ne me laisse en paix ni jour ni nuit.)  « Faites cesser ma grief dolour,/ Que j’endure pour vostre amour/ Nuit et jour. » Guillaume Dufay.   59 En tourment. Rifflard s’agenouille près du curé.   60 Je n’était plus entré dans une église (depuis mon mariage). Rifflard dit cela en aparté : le curé, qui est dur d’oreille, n’a pas compris.   61 Je t’entendrai.   62 T : ie suis si  (Si, il y a moi !)   63 Votre église n’est pas terrible. Constatation doublement maladroite : les prêtres ne cessent de marteler que « Jésus Christ est nay en povre lieu » (Anthoine Fromment).   64 T : Tant  (« Mais devisons tout à loysir. » Le Poulier à sis personnages.)   65 Tu as le temps.   66 T : Marie  (Non, merci.)   67 Déformation populaire de « sauf votre grâce » : avec votre permission. Cf. la farce normande du Trocheur de maris : « Sa vostre grâce, deulx hermytes/ Le trouvèrent en un tesnyer. »   68 Parler avant moi. Idem vers 123, 125, 135.   69 Il ne m’appartient pas de parler le premier.   70 Cette dignité réservée à un maître.   71 Délivrez-vous de vos péchés. Idem vers 155.   72 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 153, 219, 265.   73 Œuvré, travaillé. Rifflard exerce la profession de couvreur.   74 T : merueilleurs  (Hauts à merveille.)   75 T : iour  (En tout.)   76 T : saulx  (Que 2 sous. Les Normands prononçaient « so ».)   77 T : os   78 T : sa   79 T : fais   80 T : Jay bien fait se dieu  (Que Dieu me donne joie : Dieu me pardonne !)   81 On devait se confesser pour plusieurs parties du corps, et en l’occurrence pour les pieds, comme dans la confession du Testament Pathelin : « Et venons à parler des piedz,/ Qui ès faulx lieux vous ont portéz. »   82 De vieux souliers.   83 Quand je vais au travail. Les couvreurs portaient de vieux godillots qui ne craignaient plus d’être lacérés par les ardoises.   84 Que Dieu m’assiste (note 72). « Ha ! point ne l’auras, se m’est Dieux ! » Le Pauvre et le Riche.   85 Un songe : je crois que je rêve !   86 T : puis pendre a iour de feste / Sa personne ie me failloye  (Qu’on me pende si je me louais à un employeur un jour férié ! « Je me bailleray à l’essay/ Deux ou trois jours. » Chambrière à louer.)  L’Église interdit de travailler le dimanche et les jours de fêtes, où l’on doit chômer les saints : « Dieu n’a rien commandé plus estroitement que chommer le jour du repos. » Godefroy.   87 T : la menderoye  (Je le ferais savoir au juge.)   88 Pour que je t’entende mieux.   89 Chargé. Rifflard succombe pour le moins au péché de paresse et au péché de gourmandise.   90 Je te fais souvenir. « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouÿ, certes, sans riens laisser/ Dont conscience vous recorde/ Des œuvres de miséricorde. » Testament Pathelin.   91 Si tu les as bien accomplies.   92 Tu as mépris, tu as fauté.   93 « –Se fault-il de tout confesser ?/ –Ouy, certainement ; et penser/ Aux douze articles de la Foy. » Testament Pathelin.   94 Il ne fallait pas adresser la parole aux excommuniés. Cf. le Povre Jouhan, vers 373-374 et note.   95 À l’abri des oreilles indiscrètes.   96 De tous les péchés que vous pourrez me dire.   97 « Se j’ay péché,/ J’en requiers absolution. » La Confession Margot.   98 « Absolutionem et remissionem omnium peccatorum vestrorum. » Prononcé à la française, rémissionan rime avec présentement.   99 De malheur.   100 Jeûner. Cette forme est surtout normande : « Ma pénitenche n’est jusner si longuement. » (La Muse normande.) Cf. le Bateleur, vers 32.   101 Jusqu’à l’heure du déjeuner.   102 T : iusuer   103 T : mengeroye  (Je serais capable d’avaler n’importe quoi.)   104 T : Dout  (Tu dois donc revêtir une chemise de pénitence en laine grossière. « Aler en divers pèlerinages nus piés et en langes. » Godefroy.)   105 T : ie  (Je suis vêtu de lange [de laine] jusqu’aux poignets.)   106 Une chemise de crin que les pénitents portent à même la peau.   107 T : dieu iay  (« Vostre part ? Voicy grans merveilles ! » Jolyet.)   108 Qui vous a mis cela dans la tête ? Allusion au fait que le prêtre est dur d’oreille.   109 En quoi vous gêne.   110 T : ie  (Je ne sais plus de quelle manière…)   111 Récite trois fois le Pater noster.   112 La rime est juste, car les Normands prononçaient et écrivaient « trais fais » : « Je me mis tant à baire [boire]/ Que je cudis trais fais tumber dans le canel. » La Muse normande.   113 Prononciation normande d’entend-trois : « Équivoques à deux ententes, que nos bons pères ont surnommé des Entend-trois. Dont nous avons encor ce proverbe ordinaire que quand quelqu’un feint de ne pas entendre ce que l’on luy propose, & respond d’autre, on dit qu’il fait de l’entend-trois. » Estienne Tabourot.   114 T : ten   115 T : Sa les comptes  (Si, en comptant les patenôtres avec des grains de chapelet, je me trompais. Rifflard insinue qu’il ne sait même pas compter jusqu’à 1.)   116 T : le  (Sans que tu me fasses répéter davantage.)   117 T : cesser  (« Incontinant, sans plus prescher,/ Chargeay dessus à tour de bras. » Les Maraux enchesnéz.)   118 Puisque Rifflard est incapable de compter son Pater noster avec des grains de chapelet, il devra le réciter pendant qu’il enlève sa chemise et sa tunique : le temps qu’il y passera équivaut à la longueur d’une prière. Inversement, la durée d’une patenôtre servait à mesurer le temps lorsqu’on n’avait pas de sablier ; quand les personnages de la Condamnacion de Bancquet se battent, une didascalie précise : « Et pourra durer ce conflict le long de une patenostre ou deux. »   119 T : me  (Je n’enlève pas tous mes vêtements.)   120 Désormais.   121 Jamais plus vous ne m’entendrez contester. Nouvelle allusion à la surdité du curé.   122 En pèlerinage à l’église Notre-Dame-de-Boulogne, à Boulogne-Billancourt. Cf. le Povre Jouhan, vers 338.   123 Avant.   124 Rifflard s’en va, tout guilleret.   125 Avec un visage épanoui. Cf. Maistre Doribus, vers 183.   126 Au logis de Cupidon est une de ces vieilles chansons que Gaultier-Garguille modernisera au XVIIe siècle (v. la note 1 de Jolyet). « Je brusle comme un tison/ Pour l’amour de Marion./ Et quand j’ay mangé mes navets,/ Je luy compose des sonnets. » La transition avec la scène qui suit est abrupte : manque-t-il des vers ?   127 Je n’ai pas un sou. Cf. la Confession du Brigant, vers 4.   128 Pas même un quart de denier.   129 Que j’y aille, en pèlerinage.   130 Quelle folie.   131 Rifflard retourne à sa maison. Il croise Roger, qui en sort.   132 Qui croie, qui obéisse à.   133 Sans en recevoir.   134 Rifflard rentre chez lui.   135 T : es