LA NOURRISSE ET LA CHAMBÈRIÈRE

British Museum

British Library

.

*

LA  NOURRISSE  ET

LA  CHAMBÈRIÈRE

*

.

Cette farce normande des années 1480 est qualifiée de « débat », mais dans le sens de pugilat. Les auteurs comiques ont rendu compte avec délectation des disputes musclées qui opposent traditionnellement les chambrières aux nourrices : les Chambèrières qui vont à la messe, les Chambèrières et Débat (vers 75-94), le Caquet des bonnes chambèrières (Montaiglon, V, 71-83), etc.

Les trois personnages de notre farce sont employés dans la même demeure bourgeoise : la chambrière est servante, la nourrice s’occupe du bébé, le clerc est secrétaire du maître de maison. Chacun se croit supérieur aux deux autres, et ils ne s’entendent que pour piller la cave et la cuisine du patron.

Sources : Recueil du British Museum, nº 49. Imprimé à Paris vers 1530. Comme d’habitude, l’éditeur parisien a « parisianisé » le texte qui, si l’on en juge par le manuscrit, relève plutôt du domaine normanno-picard.  —  Archives de l’État de Fribourg, cote CH AEF Littérature 24.1 Ces fragments manuscrits furent trouvés par Paul Aebischer2 dans la couverture d’une « grosse » (autrement dit, d’un registre de reconnaissance foncière) du bailliage de Saint-Aubin. Nous avons là deux « rôlets » d’acteurs3 ; le premier ne comporte que le texte dit par la Chambrière4. Le second, sur un manuscrit différent, ne comporte que le texte dit par Johannès. Le rôlet de la Nourrice n’a pas été retrouvé. Paul Aebischer découvrit à l’intérieur de cette même reliure le rôlet du Fol dans la Présentation des joyaux, celui de la Femme dans la Fontaine de Jouvence, et beaucoup d’autres – en français ou en patois fribourgeois – provenant de farces, de moralités ou de mystères qui n’ont pas survécu jusqu’à nous. Cela nous donne un aperçu du répertoire éclectique dont disposait l’acteur qui avait copié tous ces rôles.

Je prends pour base la version complète du British Museum <BM>, et je la corrige tacitement d’après le manuscrit de Fribourg <Ms.>, qui est plus ancien et donc un peu moins fautif, malgré l’orthographe très personnelle de l’acteur qui l’a écrit sous la dictée.

Structure : Rimes plates, abab/bcbc, avec cinq triolets.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

.

*

Le  Débat  de

la  Nourrisse  et

de  la  Chambèrière

.

À trois personnaiges, c’est assavoir :

       LA  NOURRISSE

       LA  CHAMBÈRIÈRE  [Jacquette]

       JOHANNÈS 5

.

*

                        LA  CHAMBÈRIÈRE 6  commence     SCÈNE  I

       O ! Nourrisse, quant je m’advise,

       De tant parler déportez-vous7 !

                        LA  NOURRISSE

       Sainct Jehan, voicy bonne devise8 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Ho ! Nourrisse, quant je m’advise…

                        LA  NOURRISSE

5     Dont vient ceste nouvelle guise ?

       Qu’est cecy ? À qui sommes-nous ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Ho ! Nourrisse, quant je m’advise,

       De tant parler déportez-vous !

                        LA  NOURRISSE

       Est-ce pour ris9, ou pour courroux ?

10   Pour quoy, ne pour quelle matière10 ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Des chambèrières11, tous les jours

       Tenez voz plaitz12, en la rivière ;

       La langue avez si trèslégière

       Qu’à peine vous sçavez vous taire.

15   Nourrisse, qu’avez-vous affaire

       De parler13 sur les chambèrières ?

       Mais au fort, ce sont les manières

       D’entre vous14, bavardes nourrisses.

                        LA  NOURRISSE

       Suis-je bavarde ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                   Et voz complisses15.

20   Jà n’est mestier16 que plus en die.

                        LA  NOURRISSE

       Me cuide-l’en estre assotie17 ?

       Tout vient à bon jeu, seurement.

       Fauldra-il donc que longuement

       J’endure de toy, dy, ordure ?

25   Je te prometz, et si18 te jure

       Que je feray…

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                 Et quoy ? la moue ?

       Je deffens bien qu’on ne se joue19

       De me frapper, sur toute rien20 !

       Hé ! va chier, va !

                        LA  NOURRISSE

                                    Mais vien çà, vien !

30   Ne sces-tu pas aultre chose dire ?

       Tu ne me peulx ayder ne nuire

       Pas d’ung senglant estronc de chien21.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Diray-je tout ?

                        LA  NOURRISSE

                                Ne celle rien22.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       J’avoue Dieu ! si ne feray-je23.

                        LA  NOURRISSE

35   Je suis blasmée par ton moyen24 :

       Vengée en seray à bon gage25.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Nourrisse, vien çà ! S’on m’outrage,

       Femme ne sçay si rigoureuse26

       Que je ne frappe à son visaige,

40   Tant soit-elle salle ou baveuse !

                        LA  NOURRISSE,  en menassant

       Hé ! paillarde, garse morveuse !

       Me viendras-tu cy marmoter27 ?

       Je te feray pillorier28,

       Par la croix bieu !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                    Feras, putain ?

45   Tu pourras sentir de ma main

       En despit29 du mot, truye30 infâme !

                        LA  NOURRISSE

       Tu mens : je me tiens preude femme,

       Voire, en despit de ton museau !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Par sainct Jehan ! c’est donc de nouveau31,

50   Se preude femme es devenue.

       Hé, Dieu ! qui ne t’auroit congneue32,

       Que tu feroys bien les gens paistre !

       Vien çà : où est allé ton maistre,

       De qui tu fus premier33 nourrisse ?

55   Et ! puisqu’il fault que je le disse,

       Gésir alla à l’Hostel-Dieu34.

.

                        JOHANNÈS  se bouche d’une

                         cornette le visaige.35                      SCÈNE  II

       Qu(e) homme ne bouge de son lieu !

       Ne dictes point que suis venu36 :

       Je ne vueil pas estre congneu.

60   La raison ? Il y a matière :

       Je lairray37 nostre chambèrière

       Débatre avecques la nourrisse.

       Je croy qu’on verra beau service38

       Bien tost, ou je suis abusé.

65   Escouter vueil, comme rusé39,

       De loing, ung peu l’esbatement.

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  III

       Me railles-tu si faulcement ?

       Te mocque-tu point, dy, de moy ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Mocquer ? Dea ! nenny, par ma foy !

70   Ce que j’en dis est tout certain.

                        LA  NOURRISSE

       Me tiendras-tu mèshuy ce train40 ?

       Respond[s] à ce mot, dy, bagasse41 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Va te musser, orde crevasse42 !

       Tu ne fus oncques mariée43 ;

75   Quant premièrement fus louée

       Pour nourrir l’enfant de céans,

       On cuidoit à bon essians

       Que tu fusses trèsvaillant44 femme.

                        LA  NOURRISSE

       Telle me tiens, et preude-femme.

80   Je te le dis et [le] maintien.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Par sainct Paul ! dame, il n’en est rien :

       Tu as plus couru l’éguillette45,

       Plus tempesté46, qu’oncques fillette

       De plain marché ne courut tant.

85   Tu faisoys acroire [pour]tant

       Que c’estoit de ton premier laict.

                        LA  NOURRISSE

       Aussi esse.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                          C’est ton gibet,

       Vieille manteresse47 puante !

       T(u) acouchas d’une fille à Nante,

90   Que tu conceus d’ung franc-archier48.

       Et puis angroissas, d’ung vachier49,

       D’ung filz. Mon Dieu, que t(u) es vilaine !

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  IV

       Sus, sus, reprenez vostre alaine,

       Nourrisse ! Il vous fault [vous] deffendre.

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  V

95   Cuides-tu que je puisse prendre

       Tes grosses50 parolles à jeu ?

       Tu t’en desdiras, ou, par bieu,

       Tu congnoistras qu’il m’en desplaira.

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  VI

       Sus, sus, couraige ! Qui l’aura51 ?

100  Laquelle restera maistresse ?

.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE                   SCÈNE  VII

       Tu ne fus oncques que prestresse52.

       Quant l’enfant tu portes jouer,

       Tout le jour, ne fais que jouer53

       Aux Cordeliers, Prescheurs et Carmes :

105  Tu vois54 là faire tes vacarmes

       Tous les lundis ; c’est ung voyage55 !

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  VIII

       Le corps bieu ! Jacquette dit rage.

       Raige ? dea : mais faict mieulx que bien !

       Sus, nourrisse, direz-vous rien ?

110  Demourrez-vous ainsi vaincue ?

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  IX

       Où, dis-tu, où c’est qu’on m’a veue ?

       Ordouze56 garse regratée !

       Toutes les fois qu’on t’a « frotée »,

       Tu ne me l’es pas venu dire.

115  Mais qui ton cas vouldroit escripre57,

       Tes miracles, tes fais, ta vie,

       Jamais ne te prendroit envie

       D’entreprendre rien sur nourrisse[s]58.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Il ne m’en chault, quoy que tu disses.

120  Voylà pour toy ! Fais-en du pis59 ;

       Or, dis ce que tu veulx, et puis

       Il ne m’en chault pas d’une maille60.

                        LA  NOURRISSE

       Ne t’en chault-il ? Or ne te chaille61 :

       Je te dresseray tel mestier62

125  Que bien tost te fauldra vuyder63

       Comme bannie et diffamée.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Hé ! ribaulde, louve64 affamée !

       As-tu blasmé les chambèrières

       En toutes façons et manières65

130  Que tu ne sçau[r]oys66 réparer

       Leur honneur ? Et veulx comparer

       Ton los67 à celuy des servantes ?

       Puis nous dis faulces et meschantes,

       Qui nous est ung desplaisir grief68 ?

135  Par Dieu ! il viendra du meschief69

       Du mot70. As-tu bien l’osé dire ?

                        LA  NOURRISSE

       La croix bieu ! tu ne me peulx nuyre,

       Orde puante baveresse71 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Va, va, infâme flateresse72 !

                        LA  NOURRISSE

140  Tu as menty parmy la gorge73 !

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  X

       Je ne demande, par sainct George,

       Aultre desduyt que les voir batre.

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  XI

       Je te donray des souffletz quatre,

       Si tu me dis pis que mon nom.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

145  Je ne te crains pas d’ung ongnon74,

       D’ung vieil estronc en ton museau !

.

                        JOHANNÈS 75  [à part]                SCÈNE  XII

       Sus, sus ! N’est-il rien de nouveau ?

       Quelque bon mot qu’on n’a point dit ?

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  XIII

       Tu m’as dit pire qu’Antécrist76 !

150  Que [je] ne fus onc mariée ?

       T(u) as menty, dyablesse enraigée !

       Mais mon mary est trespassé,

       Dieu en ayt l’âme !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                      Tout pensé77,

       En toy n’a mot de vérité :

155  Car ton maistre si fut cité78

       Pource qu’il t’avoit engrossée.

                        LA  NOURRICE

       Tu es tant traînée et brassée79

       Que t(u) en es toute abhominable.

       Désormais tu sens ton estable,

160  L’ordinaire à palleferniers80 ;

       À souillars81 et [à] cuysiniers,

       Peu [à] peu, te fauldra réduire82.

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  XIV

       Sang bieu ! je n’ouÿs onc mieulx dire.

       Toutes deux parlent bon latin,

165  Et fust83 pour mettre en parchemin.

       Si disent-elles bien leur faict.

.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE                  SCÈNE  XV

       As-tu dit que ma seur l’a fait84 ?

       T(u) en as esté donc macquerelle ?

       Se tu maintiens ceste querelle,

170  J’aymerois mieulx que fusse[s] arse85.

       Qu’elle l’a fait !?

                        LA  NOURRISSE

                                   Hé ! va, va, garce !

       Chascun cognoist assez tes faictz.

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  XVI

       Le corps bieu ! je deffens la « paix86 » :

       Voicy beau service divin !

.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

175  Va, va, larronnesse87 de vin !

                        LA  NOURRICE  la bat

       Larronnesse ? Tu mens, truande88 !

       Or tiens ! Tu auras cest[e] offrande

       Tout au fin plus hault de te[s] biens89 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       M’as-tu frappé ? Pour nulle riens

180  L’endurray90 que n’en sois vengée !    Elle la bat.

       Or prens cela, orde enraigée !

       Veulx-tu commencer à frapper ?

                        LA  NOURRISSE

       Le dyable m’en puisse emporter,

       Se je ne te le rens, [vieille lisse]91 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

185  Bren pour toy, breneuse nourrisse92 !

       Fais du pis que tu sçauras faire !

.

                        JOHANNÈS,  [à part]                   SCÈNE  XVII

       Le sergent me fault contrefaire

       [Ce] pendant qu’elle presche à l’autre.

       Et se je les vois entrebatre,

190  Plustost aujourd’huy que demain,

       Sur elle[s] je mettray la main,

       Et vous verrez belle93 risée.

.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE                  SCÈNE  XVIII

       Voicy la nourrisse enragée

       À qui fault94 boire les matins,

195  Pour mieulx disposer ses tétins

       À dégouter95 force de lait.

       El n’en cessera jà [son] plait96,

       S’elle n’a boudins [ne] saulcisses97,

       Pain blanc ou d’aultres fresches miches.

200  En effect, c’est le plus d’affaire98

       Que l’on ayt que de luy complaire.

       Aujourd’huy, dans nostre maison,

       On ne luy sçait rendre raison,

       N’argument99 propre à son mestier100.

                        LA  NOURRISSE

205  Je te feray « mercy » crier

       Pour101 tes parolles controuvées !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Va, va ! ce n’est ne d’huy, ne d’hier.

       Il est bien de plus grans havées

       De102 parolles tant desgorgées103 :

210  C’est le faict d’entre vous, nourrisses.

.

                        JOHANNÈS,104  [à part]              SCÈNE  XIX

       Bien serois aise que les veisses

       Bien entrebatre encore ung coup.

.

                        LA  NOURRISSE                         SCÈNE  XX

       As-tu tout dit, Desclicque-tout105 ?

       Garde de rien laisser derrière.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

215  De tencer es trop coustumière,

       Et d’oultrager à tous propos.

                        LA  NOURRISSE

       Langue serpentine, loudière106,

       Me viens-tu charger107 de telz motz ?

       Je te battray tant teste et dos

220  Que je te froisseray les rains !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Par la croix bieu ! de mes deux mains

       Je t’arracheray les deux yeulx !

.

                        JOHANNÈS  parle à elles 108       SCÈNE  XXI

       Nostre Dame, voicy beaulx jeux !

       J’e[n] prise trop bien les manières.

225  Toutes deux vous fais prisonnières.

       Sus devant ! Troussez en prison !

       Ouvre109 de faict est deffendue.

                        LA  NOURRISSE

       Nous n’avons point fait mesprison110.

                        JOHANNÈS

       Sus devant ! Troussez en prison !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

230  Et pourquoy, n’à quelle achoison111 ?

       C’est elle, Dieu, qui m’a batue !

                        JOHANNÈS

       Sus devant ! Troussez en prison !

       Ouvre de faict est deffendue.

       Acoup devant ! Qu’on ne m’arguë112 !

                        LA  NOURRISSE

235  C’est elle qu’a tout cecy faict.

                        JOHANNÈS

       Le juge s’enquerra113 du faict ;

       À luy en est la cognoissance.

       En prison, tost ! Et qu’on s’avance

       Légèrement ! Despeschons-nous !

                        LA  NOURRISSE

240  Feray ? Non feray, pas pour vous !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Et ! pardieu, ne feray-je, moy !

       Laissez cela, tenez-vous quoy114 !

       Et si, vuidez sans arrester115.

                        JOHANNÈS

       Se je vous y devoye porter

245  Ou traîner, si vous y merray-je116 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Je t’affolleray117 le visaige,

       Par la croix bieu, larron118 sergent !

                        JOHANNÈS

       Sus, allons ! Et marchez devant

       Sans faire icy tant de fredaines !

                        LA  NOURRISSE

250  Nous ferons tes fièvres quartaines !

       Et ! par bieu, nous serions infâmes !

       Q’ung seul sergent maine deux femmes

       Ainsi meschamment en prison ?

                        JOHANNÈS

       Vous y viendrez, vueillez ou non !

255  Mort bieu, je feray mon office !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Frappons dessus ! Os-tu119, nourrisse ?

       Te lerras-tu120 mener, paillarde ?

                        LA  NOURRISSE

       [Que] le feu sainct Anthoine m’arde121

       Se je ne luy baille sa part !     Elle le bat.

260  Tien ! tien, meschant sergent coquart !

       [Tien !] voylà le coup d’une femme.

                       JOHANNÈS

       À l’ayde au122 Roy ! Je suis infâme123.

       Corps bieu, il te coustera cher !

       As-tu frappé ung officier ?

265  Je t’en feray couper le poing.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE  le bat

       Tu prendras cela sur ton groing !

       Tien ! tien ! Cognois-tu124 point Jacquette ?

                        LA  NOURRISSE

       Deffubler luy fault sa cornette :

       Si cognoistrons mieulx cest ouvrier.    Elle le defflube.125

270  Nostre Dame, quel espicier126 !

       Qu’il est péneux, qu’il est niès127 !

       Par mon serment ! c’est Johannès,

       Si semble, à tout128 son escriptoire.

       Tu m’as faict presque avoir la foire129,

275  De freyeur que j’ay de toy eue.

                        JOHANNÈS

       Se d’huy130 je ne vous eusse veue,

       Je n’eusse point esté batu.

       Va tirer à boyre, entens-tu ?131

       Laissons en paix tous ces débatz.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

280  Ce broullis132 ne vault ung festu.

                        LA  NOURRISSE

       Va quérir à boire, entens-tu ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Au moins133 en as-tu, mallostru,

       Receu deux bons coups de mon bras.

                        JOHANNÈS

       Va quérir à boyre, entens-tu ?

285  Laissons en paix tous ces débatz.

                        LA  NOURRISSE

       Sces-tu quoy ? Descens au plus bas134,

       Et nous apporte du meilleur.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE  va au vin

       De celuy que boit Monseigneur135 ;

       Mauldit soit qui d’aultre en bura136 !

.

                        JOHANNÈS                                  SCÈNE  XXII

290  Ce pendant, l’autre amendera137.

                        LA  NOURRISSE

       Mais qui est-ce qui cuyderoit,

       Maintenant, tenir noz dégois138 ?

                        JOHANNÈS 139

       Mauldit soit-il qui s’enfuiroit,

       Pour ung assault140, d’entre nous trois !

.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE 141 verse à boire

295  Vous n’en beustes il (y) a ung moys142             SCÈNE  XXIII

       De meilleur : tenez !

                        LA  NOURRISSE

                                        Mais duquel ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       C’est ung vin pour donner à roys,

       Par ma foy : c’est du muscaldel143.

                        JOHANNÈS  boit

       Ha, bon gosier !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                  Ha, franc cadel144 !

300  Bruyt145 auront varletz et servantes.

                        LA  NOURRISSE

       C’est ung passetemps solemnel.

       Ha, bon gosier !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

                                  Ha, franc cadel !

                        JOHANNÈS  boit

       Il n’est point ung déduyt [i]tel146,

       À telz gens qui n’ont pas grans rentes.

                        LA  NOURRISSE  boyt

305  Ha, bon gosier !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE  boit

                                  Ha, franc cadel !

       Bruyt auront varletz et servantes.

                        JOHANNÈS

       Disons quelques choses plaisantes,

       Par manière de digestion.

                        LA  NOURRISSE

       Or çà ! je fais une question.

                        JOHANNÈS

310  Sans courroux ?

                        LA  NOURRISSE

                                  Que toute lyesse !

       Se nostre maistre et la maistresse

       Ont si bon temps que nous avons ?

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Et ! n’on[t] pas gens deçà les mons147,

       Tant soyent-ilz riches et plains148.

                        JOHANNÈS

315  Jamais telz gens ne font que plains149 ;

       Tousjours sentent quelque douleur.

                        LA  NOURRISSE

       Et craignent150 de perdre le leur,

       Qu’ilz ont si chèrement151 acquis.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Tousjours songent à leur malheur,

320  Vivant comme demy-languis152.

                        LA  NOURRISSE

       Sur tous plaisirs, déduyt exquis

       Que nourrisses, entr’ elles, font,

       Gouges153, varletz des plus requis :

       Quant tout y est, la mer sans154 fond !

                        JOHANNÈS

325  Volée ne craignent, ne bont,

       Ne hazard qui soit en fortune155.

       Crainte n’ont d’estre prins au bont156,

       Car telz gens n’ont pas grant pécune.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Quant à moy, tousjours je desjune157

330  Avant que la Dame s’esveille,

       Qui dort de sa malle rancune158.

       Tous les matins, vélà ma seille159 ;

       Et boy d’autant, vueille ou non vueille,

       Tant que la larme en vient à l’œil160.

                        LA  NOURRISSE

335  Il n’est point plaisance pareille

       Au monde, ne de plus bel acueil,

       Quant ung serviteur a bon vueil

       À « guerroyer » à la meschine161.

       On n’y besongne point d’orgueil162,

340  Car on n’espargne rains n’eschine163.

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Entendons à164 nostre cuysine :

       Je m’en vois veoir se le pot boult.

                        LA  NOURRISSE

       Allons, et faisons bonne mine165 !

                        JOHANNÈS

       Entendons à nostre cuysine.

                        LA  NOURRISSE

345  Sans qu’on se chancelle ou trépigne166,

       Vuydons la place. [Il] a bon goust167 !

                        LA  CHAMBÈRIÈRE

       Entendons à nostre cuysine :

       Je m’en vois veoir se le pot boult.

                        JOHANNÈS

       Telz escotz n’ont pas de grant coust168,

350  D’entre nous, varletz et servantes,

       Quant chascun a bauffré169 son bro[u]st.

       Plus vault avoir pourchas que rentes170.

.

       S’aulcunes choses desplaisantes

       Avons prononcé, ne171 desplaise :

355  Content suis, et elles contentes,

       D’amender présens et présentes172

       D’ung pot de vin ou de cervoise.

.

       Et po[u]rtant, sans [plus] faire noy[se,]173

       Partir voullons de cestuy [lieu,]

360  En priant de bon cueur à Di[eu]

       Et aussy la vierge Marie

       Que sauve et gard la comp[agnie !]

.

                                          EXPLICIT

.

                 Cy fine le Débat de la Nourrisse

                          et de la Chambèrière.

*

1 Nous remercions vivement ces Archives suisses, et M. David Blanck, qui nous ont fourni une copie numérique de leurs manuscrits. Le dossier « Littérature 24 » réunit dans le plus grand désordre 33 fragments. Dix d’entre eux concernent la présente farce.   2 Voir la notice de la Présentation des joyaux. Voir aussi, de Graham Runnalls : The medieval actors’ roles found in the Fribourg Archives. (Pluteus, t. 4-5, 1986-7.)   3 Le rôlet de la Chambrière occupe les fragments 4, 5, 25, 6, 1, 10, 12, et un petit rectangle qui est malencontreusement collé en haut du fragment 9. Le relieur suisse a rogné 17 vers qui se trouvaient au haut ou au bas des feuillets. Le rôlet de Johannès occupe les fragments 7, 9 et 8. Le relieur en a rogné 8 vers.   4 Pour que le comédien sache où intervenir, les deux ou trois dernières syllabes prononcées par le partenaire qui vient de parler sont écrites au milieu d’une ligne vide. Comment l’acteur reconnaissait-il la bonne rime mnémonique alors que certaines d’entre elles reviennent plusieurs fois dans une même pièce ? Des hommes de théâtre m’ont affirmé qu’il est rigoureusement impossible d’apprendre un rôle par cœur quand on ne sait pas à quoi ni à qui on répond, et qu’on ignore combien d’interventions précèdent la nôtre. Il faut donc admettre que les rôlets sont des « antisèches » que l’acteur consultait lorsqu’il avait un trou de mémoire.   5 C’est le prénom Jean latinisé. On attribue ce nom péjoratif aux clercs qui maîtrisent mal leur érudition. « Quand on dit “C’est un Joannès”, cela vaut autant que ce que maintenant on appelle un pédant. » (Henri Estienne.) Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 37.   6 Les deux employées sont dans la pièce principale de la maison. Leurs maîtres sont absents.   7 Cessez. BM répétera ce 2e refrain du triolet après le vers 4.   8 Un bon discours.   9 Pour rire.   10 À quel sujet.   11 Contre les chambrières.   12 Vos plaids, vos critiques. Quand elles lavent les langes à la rivière, les nourrices en profitent pour échanger des médisances à propos de la maison où elles travaillent.   13 De déblatérer.   14 De vous autres. Ce normandisme revient aux vers 210, 294, 350.   15 Ms : Et vous compisseuse  (Le lapsus est joli, mais pour une fois, c’est BM qui a raison.)   16 Il n’est pas besoin.   17 Me prend-on pour une sotte ?   18 Et même.   19 Que tu ne t’amuses à.   20 Sur toute chose.   21 Tu ne peux me faire ni du bien, ni du mal.   22 Ne cache rien.   23 Je renie Dieu (les Rapporteurs, vers 148) ! Je ne cacherai rien de tes turpitudes.   24 À cause de toi.   25 BM et rime mnémonique du ms. : passage  (À mon profit. « Qui sert bien Dieu en a bon gaige. » Mistère du Viel Testament.)   26 Je ne connais pas de femme si dure.   27 Me maudire entre tes dents.   28 Exposer au pilori. Cf. Jehan Le Happère, vers 133.   29 À cause du mot pilorier. « Cestui-cy espargnier ne vueil,/ En despit [à cause] du mot qu’il a dit. » (Mystère de saint Crespin.) BM distribuera ces deux vers à la Nourrisse, les deux suivants à la Chambèrière, et les autres à la Nourrisse.   30 BM+Ms : truande   31 C’est tout nouveau.   32 Si on ne te connaissait pas.   33 Premièrement, avant d’être embauchée par notre maître actuel.   34 Il finit à l’hôpital à cause d’une maladie vénérienne que tu lui avais refilée. Certains concluent de ce vers que la pièce est parisienne. Or, il y avait un Hôtel-Dieu à Rouen : « Et à l’Hostel-Dieu de Rouen. » Testament Pathelin.   35 Voulant sortir de la cuisine, il passe la tête par le rideau de fond. Il s’arrête en voyant les belligérantes, qui lui tournent le dos, et il dissimule son visage avec l’écharpe de son chaperon de clerc. Il s’adresse au public jusqu’au vers 225.   36 Que je suis là.   37 Je laisserai.   38 Comme au jeu de paume, dont Johannès est un amateur : vers 327-330.   39 Étant rusé.   40 Me traiteras-tu ainsi, maintenant ?   41 La rime mnémonique du ms. donne : bagasse  (BM : becasse) « BAGASSE : Une putain, une garce, & même une maquerelle. » Le Roux.   42 Va te cacher, sale fente. « Dedans la crevasse/ Je mis mon “furet”. » Les Sept marchans de Naples.   43 Une nourrice devait impérativement être mariée : on n’aurait pas confié son enfant à une « fille mère ».   44 Une très honnête.   45 L’aiguillette est le lacet qui ferme la braguette des hommes. « Courir l’aiguillette : Se dit d’une femme qui va se prostituer deçà & delà. » Le Roux.   46 Tu t’es plus agitée.   47 Menteuse. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 225.   48 Les francs-archers furent supprimés en 1481. On les rétablit en 1523, mais le manuscrit de Fribourg fut inséré dans une reliure entre 1518 et 1525, et il n’était déjà plus de première main quand on l’a copié.   49 Tu engrossas, à cause d’un vacher.   50 Grossières.   51 Qui l’emportera ?   52 Concubine d’un prêtre. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 229 et 369.   53 Se jouer à = copuler avec. « Vous luy faictes trop la rebource [la revêche],/ Quant il se vient jouer à vous. » Les Queues troussées.   54 Tu vas y faire l’amour. « Mais aux assaulx et aux vacarmes/ D’amours, une dame en vault dix. » (Roger de Collerye.) BM donne la coquille «vicarmes », qui sera reprise inconsidérément par l’éditeur des Chambèrières et Débat, au vers 314. Notons que cet éditeur s’est copieusement servi dans notre farce et dans d’autres.   55 Un pèlerinage. Cf. le Grant voiage et pèlerinage de Saincte-Caquette.   56 Ordeuse est un normandisme qui signifie merdeuse : cf. Saincte-Caquette, vers 238. Regrattée = de seconde main.   57 Si on voulait écrire ton hagiographie. BM décale ce vers entre 125 et 126.   58 Contre des nourrices. « Sans en rien, sur nul, entreprendre. » Le Temps-qui-court.   59 Fais-moi ce que tu peux me faire de pire. Idem vers 186. Jeu de mots sur le pis, les mamelles de la nourrice.   60 Ça m’est bien égal. Une maille est une petite pièce de monnaie.   61 Ne t’inquiète pas.   62 Je te tendrai un tel piège. « Y nous luy fault dresser métier. » Marchebeau et Galop.   63 Vider les lieux.   64 « LOUVE : Femme débauchée, putain, ou maquerelle. » Le Roux.   65 De telle manière.   66 Que tu ne pourrais. Le ms. donne d’ailleurs le normandisme « séray » ; cf. la Pippée, vers 57 et 518.   67 Ta réputation.   68 Grave.   69 Une issue fâcheuse pour toi.   70 Du mot « méchantes » [mauvaises], au vers 133.   71 Baveuse, bavarde. « Pense-tu que sois bavaresse ? » Les Chambèrières et Débat.   72 Les nourrices passaient leur temps à intriguer auprès de leur maîtresse : « Ces nourices tant flateresses/ Sont tousjours auprès des maistresses. » (Les Chambèrières et Débat.) BM reprendra la rime précédente : baueresse   73 Avec ta bouche. « Tu as menty parmy ta gorge ! » Le Ramonneur de cheminées.   74 Pas plus qu’un oignon.   75 BM : la chamberiere  (Dans le ms., les noms des intervenants n’apparaissent pas, mais ce distique est noté sur le rôlet de Johannès.)   76 La farce de l’Antéchrist est bâtie sur le même modèle que la nôtre : deux femmes en viennent aux mains, puis se réconcilient en frappant un sergent.   77 Tout bien considéré.   78 Cité à comparaître. C’est celui qui a fini à l’hôpital au vers 56.   79 Les hommes t’ont tellement tripotée.   80 Tu sers de paillasse aux palefreniers. C’est une déchéance réservée aux femmes vieilles et laides : « Catin (…)/ Aujourd’hui se vante partout/ Que mon palefrenier la fout ;/ Et mon palefrenier le nie. » François de Maynard.   81 Aux garçons de cuisine.   82 Tu devras te limiter.   83 Fût-ce. Pour un clerc, le latin et le parchemin sont les références absolues.   84 As-tu dit, lorsque tu médisais à la rivière (vers 12), que ma jeune sœur a déjà fait l’amour ?   85 Que tu sois brûlée.   86 Je protège la paix. Non pas la paix entre les deux furies, car Johannès aimerait bien jeter de l’huile sur le feu, mais la « paix », i.e. la patène précieuse que baisent les fidèles pendant le service divin. Cf. Saincte-Caquette, vers 340.   87 Voleuse. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 226 et 368.   88 Misérable. « Menteresse,/ Grosse truande, larronnesse. » Les Chambèrières et Débat.   89 Sur le sommet de ta tête. « Il eut deux cops d’espée, l’un au plus hault de ses biens et au milieu de sa couronne [tonsure]. » Jehan de Roye.   90 BM : Landure  —  Ms : lendure  (Pour rien au monde je ne l’endurerai sans en être vengée. « Je suy des premiers escosséz./ Si l’endurray paciemment. » Eustache Deschamps.)  Le futur contracté, qu’on retrouve aux vers 61, 110, 245 et 257, est normand : « Regardez à qui vous lairrez :/ Je demourray povre et seullette. » Testament Pathelin.   91 BM : vieillesse  —  La rime mnémonique du ms. donne : lisse  (« LICE : Femme débauchée & de mauvaise vie, putain, garce, chaude comme une chienne. » Le Roux.)  « Car je me repentois d’avoir logé mon “train”/ Sur ceste vieille lice et dans ce trou vilain. » L’Espadon satyrique.   92 Cf. les Chambèrières et Débat, vers 92.   93 BM : bien  (Les vers 190-192 du ms. ont été rognés.)  Johannès retourne dans la cuisine, derrière le rideau de fond.   94 Qui a besoin de.   95 À laisser couler. « Il faut du vin pour la nourrisse, affin qu’elle ayt plus de laict. » Pierre de Larivey.   96 Son plaid, sa plainte. La goinfrerie des nourrices est un sujet rebattu.   97 Ces deux charcuteries sont des métaphores phalliques.   98 C’est l’affaire la plus difficile.   99 Pénis. « Asseurez-vous, Mesdames, qu’il n’y a pas un de nostre “bande” qui ne se sentist trop heureux d’avoir le moyen de vous faire entendre clairement l’argument de la comédie et, par manière de dire, vous le mettre dans la main. » Odet de Turnèbe.   100 BM : entier  (Les vers 196-204 ont été rognés dans le ms.)  Suffisant à son besoin ; cf. le vers 20. Mais métier = prostitution : voir la maquerelle Faicte-au-mestier, dans le Dorellot aux femmes.   101 BM : Par  (Pour tes paroles mensongères.)   102 BM+Ms : A  (De grandes poignées de paroles.)  Pantagruel attrape par poignées les paroles gelées : « [Il] nous jecta sur le tillac plènes mains de parolles gelées…. Il en jecta sur le tillac troys ou quatre poignées. » Quart Livre, 56.   103 Sorties de la gorge d’un dragon. « Desgorgier feu et venin sus nous. » ATILF.   104 Il entre derrière les deux femmes, qui ne le voient pas encore. Il a un grand pot d’étain sur la tête en guise de casque, et il tient une broche comme une baguette de sergent à verge. Sa figure est toujours masquée par l’écharpe de son chaperon.   105 Un déclique-tout est quelqu’un qui parle mal de tout le monde. « Langars, souliars, décliqtout, longues langues. » (Godefroy.) C’est le nom d’un Sot dans Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout.   106 Langue de vipère, femme de mauvaise vie. Cf. le Mince de quaire, vers 170, 179, 221 et 255.   107 BM : chercher   108 Il prend une grosse voix. Généralement, les acteurs qui jouaient ces « gasconnades » imitaient l’accent gascon.   109 « Œuvre de fait » est synonyme de « voie de fait », qui est d’ailleurs la modernisation adoptée par BM. « User de force et d’œuvre de fait. » ATILF.   110 De faute.   111 Pour quelle raison.   112 Ne me contredisez pas.   113 Ms : sans quera  (Plusieurs notations phonétiques de ce genre me font croire que le texte a été dicté au copiste.)   114 Coi, silencieux.   115 Et même, videz les lieux sans attendre. Jeu de mots : sans nous arrêter.   116 Je vous y mènerai, en prison.   117 Je t’assommerai.   118 Les vers 134-140 des Rapporteurs justifient cette leçon de BM. Toutefois, le vers 224 des Premiers gardonnéz justifie la leçon du ms. : palliar [paillard].   119 Ois-tu, entends-tu.   120 Te laisseras-tu.   121 Que le mal des ardents [l’ergotisme] me brûle. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 352.   122 BM : du  (Ms : A larme je…)  « À l’aide au roi ! » est le cri des sergents royaux en difficulté : « Le sergent crioit : “À l’ayde au Roy !” » (Parlement de Poitiers.) « Il oÿt cryer à haulte voix par pluseurs noz sergens : “À l’aide au Roy !” » (Charles VII.)   123 Déshonoré. Idem vers 251.   124 Ne connais-tu.   125 Elle lui enlève son écharpe. La métathèse du « l » est fréquente : « Et se defflube de son manteau. » ATILF.   126 Quel impuissant. Cf. les Sotz nouveaulx, vers 230.   127 Penaud et niais. La nourrice reconnaît le secrétaire du patron.   128 Avec. Le clerc porte son écritoire pendue à sa ceinture, comme Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire. « À Dieu, Joannès !/ N’oublie pas ton escriptoire ! » Guillaume Coquillart.   129 La diarrhée, la trouille.   130 Si de tout aujourd’hui.   131 Il s’adresse à la chambrière, qui a les clés de la cave, puisque c’est elle qui sert à table. « Les chambèrières, qui portent la clef de la cave, peuvent bien abbreuver les varletz. » Gilles d’Aurigny.   132 Cette brouille. Cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 136.   133 Le ms. donne le normandisme mains.   134 Au fond de la cave.   135 Notre maître.   136 Celui qui en boira un autre. Jacquette prend le pot d’étain qui sert de casque à Johannès, et va derrière le rideau de fond, où est censé être l’escalier de la cave. Le ms. ajoute une didascalie anticipée : Verse du vin   137 Le vin que nous aurons laissé vieillir jusqu’à notre prochaine razzia s’améliorera.   138 Qui penserait avoir autant de plaisirs que nous ?   139 Il pelote la nourrice.   140 Si on nous assaillait. Mais aussi : À cause d’un assaut sexuel. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 163.   141 Elle revient avec le pot d’étain rempli.   142 Depuis un mois. Ce qui prouve que les trois serviteurs visitent la cave assez souvent.   143 Du vin muscat. « Vin d’Allican, muscaldel, malvoysie,/ Vin de Gascoigne, bon vin de Romménie. » La Complainte des bons vins.   144 Vin doux de Madère, proche de la malvoisie grecque. Nous arrivons au fragment 10 du manuscrit ; je ne crois pas inutile de montrer ce confetti, pour qu’on sache dans quelles conditions les malheureux médiévistes exercent leur apostolat. Le vers barré n’est autre que le vers 303, que le copiste avait mal placé dans le triolet. Juste au-dessus et plus bas, la rime mnémonique gousier, prononcée par la Nourrice aux vers 302 et 305.   145 Beaucoup d’éclat.   146 Un plaisir tel que le nôtre. « Jehan du Houx est itel qu’il est. » Le Ramonneur.   147 De ce côté-ci des Alpes.   148 Rassasiés. Cf. l’Antéchrist, vers 227.   149 Que des plaintes.   150 BM : craindre  (Le leur = leur bien : Colin filz de Thévot, vers 321.)   151 BM : clerement   152 Comme affaiblis par leur état de langueur : demi-morts.   153 Servantes.   154 BM et rime mnémonique du ms. : se  (C’est une mer sans fond !)  « On dit, des choses qui sont au-dessus de la portée de l’esprit humain, que “C’est une mer sans fond & sans rive”. » Dict. de l’Académie françoise.   155 La volée, le bond, le hasard et la fortune font partie du vocabulaire des joueurs de paume. « Vertu craingnoit fort les azars/ De Fortune…./ La vollée –nottez bien ce point–/ Faict faire des coups bien divers./ Vertu joue des bonds bien à point. » Maistre Antitus, Une partie en jeu de paulme.   156 BM : bout  (Ce mot manque dans le ms., qui est rogné du côté droit, mais seul BM a fait cette erreur à 325.)  Être pris au bond : être pris sur le fait. N’étant pas solvables, nos chapardeurs n’auront alors rien à rembourser.   157 Je prends mon petit-déjeuner.   158 De la mauvaise rancune qu’elle a contre son mari : elle fait semblant de dormir pour ne pas être obligée de copuler avec lui. L’une des Chambèrières qui vont à la messe raconte que sa patronne, « par fâcherie,/ Ne vouloit point aller coucher/ Avec Monsieur ».   159 Ms : regle  —  BM : taille  (Mon seau de vin. « 3 seilles à porter le vin. » Comptes de l’archevêché de Rouen.)   160 « Que qui bien boit, dire le vueil,/ Tant que la lerme vient à l’œil. » Sermon joyeux de bien boire.   161 A bon vouloir de sabrer la servante.   162 Avec des vantardises.   163 Ni les reins, ni l’échine. « Et à toutes nonnains, le jeu/ Qui se faict à force d’eschines. » Testament Pathelin.   164 Occupons-nous de. Après avoir bien bu, il est temps de bien manger.   165 Ayons bon appétit.   166 Sans qu’on chancelle ou qu’on titube sous l’effet de l’alcool. « Comme homme beu [ivre] qui chancelle et trespigne. » François Villon.   167 La nourrice vide son verre avant d’aller dîner à la cuisine. « Et ! je te requier que je taste/ De ton vin, voir s’il a bon goust. » Actes des Apostres.   168 Nous ne paierons pas notre écot, comme nous le ferions à la taverne : nous sommes nourris gratuitement par nos maîtres.   169 Bâfré, normandisme. (Ms : soupe) Cf. le Cousturier et Ésopet, vers 182. Le brout est ce qu’on broute, ce qu’on mange : cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 273 et note.   170 Il vaut mieux se servir soi-même plutôt qu’attendre que ça vienne tout seul. « On dit d’un écornifleur que ses pourchas lui valent mieux que ses rentes. » Le Roux.   171 BM+Ms : que  (Que cela ne vous déplaise pas.)   172 De dédommager les spectateurs.   173 Cette péroraison apocryphe et maladroite ne se lit que dans le manuscrit, dont le bord droit est rogné.

Laisser un commentaire