LES FEMMES QUI APRENNENT À PARLER LATIN
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LES FEMMES QUI
APRENNENT À
PARLER LATIN
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Cette farce développe la même histoire que les Femmes qui se font passer Maistresses, écrite elle aussi pour un collège parisien, et dont les personnages sont extrêmement proches des nôtres. D’ailleurs, le compilateur du recueil de Florence a regroupé les deux pièces.
Nous avons donc là une farce de collège : les six acteurs que compte la distribution n’auraient pas été gérables — et payables — par une troupe itinérante, alors que de nombreux collégiens ne demandaient pas mieux que de se moquer gratuitement de leurs professeurs. Enfin, cette farce est jonchée de grivoiseries, comme les autres pièces jouées par des escoliers. Les tournures picardes qu’elle contient en grand nombre semblent accuser les élèves du collège de Beauvais, à Paris ; voir la notice du Mince de quaire.
Source : Recueil de Florence, nº 17.
Structure : Rimes abab/bcbc, avec 2 triolets enchaînés. Beaucoup de vers ont été ajoutés a posteriori, et d’autres ont disparu ad vitam æternam, quand ils n’ont pas été déplacés manu militari.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à six
personnages des
Femmes qui aprennent
à parler latin
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C’est assavoir :1
LE PROVINCIAL
ROBINET 2
GUILLEMETTE
ALISON
BARBETTE
[MARION]
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LE PROVINCIAL 3 commence SCÈNE I
Robin, vien çà, mon amy [bon4] !
Va-t’en vistement attacher
Au Palais5 et là environ,
Et aux églises, ce papier !
5 Et n’oublie pas à décliner6
En plus de cent lieux en Paris
Que le Provincïal, dès hier,
Est descendu en son logis.
Et au[x] Parisïennes, dis
10 — Que j’ayme de tout mon couraige7 —
Que j’ay voué et entreprins
Leur apprendre ung nouveau langaige.
ROBINET
Ha, monseigneur, ce seroit dommaige :
On ne les pourroit maistriser8.
LE PROVINCIAL
15 Allez, mastin9 et villain paige !
Je le vueil ; fault-il répliquer ?
ROBINET
Je vois donc aux Carmes premier10
Attacher ce petit brevet.
LE PROVINCIAL
Acoup11, de là, [va] sans tarder
20 À la Montaigne12.
ROBINET
Il sera fait.
Je ne cesseray en effait
Tant que j’auray point[es]13 en main.
LE PROVINCIAL
Parisïennes, il me plaist
Que vous sachiez ung nouveau tra[in]14.
25 Je ne saiche riens plus humain
Que vous, mes mignonnes doulcet[tes].
ROBINET
Par Dieu ! Provincïal hautain15,
Vous regardez mal que16 vous faictes.
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LE PROVINCIAL SCÈNE II
[Çà, çà, venez]17, mes doulcinettes !
30 Mes parisïennes gorgettes18,
Viendrez-vous pas à la lesson ?
Ouy, mes petites rig[o]lettes,
Soyez subtilles, mignonnettes.
Venez tost, il en est saison !
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GUILLEMETTE 19 SCÈNE III
35 Johannès20, sire, mon mignon :
Qu’esse-là ? Qué[rez-]vous service21 ?
ROBINET 22
Se je vueil servir23 ? Nennin non !
Suis-je « Johannès », vielle lisse24 ?
GUILLEMETTE
Vous avez tort !
ROBINET
On m’en punisse !
40 Lisez ces motz : ilz sont escripz.
Mais fault-il que [je] les vous disse25 ?
GUILLEMETTE
Ouy [dea], s’il vous plaist, jeune filz26.
ROBINET
Or bien, de par Dieu ! Je vous dis :
« Que toutes femmes en général
45 Qui vouldront mettre leurs esp(e)ritz
Parler latin orné, exquis,
Viengne[nt] veoir le Provincïal,
Adèz27 le plus espécïal
Maistre qui soit jusques à Romme28. »
GUILLEMETTE
50 Latin ? C’est ung bien principal.
Il fault donc qu’il soit vaillant homme.
ROBINET
Vaillant, puissant, triumphant comme
Fut jamais Hector et Pâris29.
GUILLEMETTE
[Il veult faire parler, en somme,]30
55 Latin aux femmes de Paris ?
Latin ? Monseigneur saint Denis31 !
ROBINET
Aussi vray que32 je le devise.
GUILLEMETTE
Chascun en doit estre esjouys.
ROBINET
Ce sera bien nouvelle guise33.
GUILLEMETTE
60 C’est bien donc raison qu’on le prise,
Quant aux34 dames ainsi s’aquitte.
Par Dieu ! autre ordre sera mise
Au monde35, et meilleur[e] conduite.36
.
Ma commère, venez çà ! Dicte(s) : SCÈNE IV
65 Quel(le)s nouvelles ?
ALISON
Han, je ne sçay, moy.
GUILLEMETTE
Comment ? [Je sçay]37 des biens l’éliste.
ALISON
Dictes-moy, qu’esse ?
GUILLEMETTE
C’est…38
ALISON
[Et] quoy ?
Vous me mettez en grant esmoy
Que je n’entens ceste parolle.
GUILLEMETTE
70 C’est (je vous prometz, par ma foy)
Ung si saige maistre d’escolle
(Et est vray, ce n’est pas frivolle),
Qui arriva hier au matin,
Qui veult que vif on le décolle39
75 S’il ne nous fait parler latin
[Autant au soir comme au matin,]40
Argüer par façon légière,
Lire en papier ou en parchemin
Et entendre toute matière.
ALISON
80 Parler latin ?
GUILLEMETTE
Vray est, par sainct Pere41 !
Ne pensez point que je me faigne42.
ALISON
Vous semble-il point qu’il nous affière43 ?
Le sçavoir, esse chose estraigne44 ?
Latin, esse chose qu’on craigne ?
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BARBETTE 45 SCÈNE V
85 [Bénédicité ! qu’esse-cy]46 ?
GUILLEMETTE
Dont venez-vous ?
BARBETTE
De la Montaigne.
ALLISON
Mais venez çà !
GUILLEMETTE
Et acoup !
BARBETTE
Ouy ?
Dea, mais qu’esse ?
GUILLEMETTE 47
N’avez-vous pas ouÿ,
[Commère48], parler de ce maistre
90 [Qui nous veult enseigner ?]
BARBETTE
Nenny.
[Le désir vous me faictes naistre]49
De [le] voir.
ALISON
Son engin50 pénètre
Tout aultre51, riens n’est plus bégnin.
Il a dit que confus veult estre
95 S’il ne nous fait parler latin.
BARBETTE
Nous viendrons donc à nostre fin.
Je ne sçay, moy, par quel chemin.
Il nous est cellé si long temps52.
ALISON
[L’ont cellé ces]53 hommes, affin
100 Qu’ilz ayent audivi 54 plus grans.
GUILLEMETTE
Ha, les villains !
BARBETTE
Mais les meschans !
ALISON
Riglés55 seront.
GUILLEMETTE
Je m’y consens.
BARBETTE
Ilz sont orguilleux comme paons.
ALISON
Nous les chasserons comme enfans
105 Par fine force d’argumens.
GUILLEMETTE
Il fault qu’ilz [n’]en soient innocens56 :
Or57, estudïons ce langaige !
ALISON
Aultrement ne seront contens.
BARBETTE
Quant je vois hors58, le mien enrage.
GUILLEMETTE
110 Soubz l’ombre de pèlerinage,
Jusqu(e) à Notre-Dame-des-Champs59
Nous yrons.
BARBETTE
C’est le voir60.
ALISON
[Que sai-ge]61 ?
Ces moiens sont fort souffisans.
BARBETTE
Devant qu’il soit jamais deux ans62,
115 On verra nos maris changer63.
GUILLEMETTE
Nous yrons à la ville, aux champs.
ALISON
Publicquement.
GUILLEMETTE
Sans nul dangier.
BARBÈTE
Porteront-ilz point le pannier64 ?
ALISON
Ouy dea !
GUILLEMETTE
Et les petis poupars65.
BARBETTE
120 Et nous yrons estudïer66.
ALISON
Clergesses serons.
GUILLEMETTE
Et eulx, coquars67.
BARBETTE
Serons-nous pas maistresses aux Ars68
Aussi bien qu’eux ?
ALISON
Et pourquoy non ?
GUILLEMETTE
Et régnerons en toutes pars.
BARBETTE
125 Ha ! ma seur, ce sera raison.
ALISON
Alons-m’en quérir Marïon,
Puis nous yrons veoir monseigneur.
GUILLEMETTE
Nostre voisine ?
BARBETTE
Et comment donc !
ALISON
Elle a « engin69 » de grant ardeur.
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ROBINET 70 SCÈNE VI
130 Provincïal, soyez tout seur71
Que j’ay fait voz besongnes bonnes.
LE PROVINCIAL
Vient-il riens ?
ROBINET
Riens ? Vécy la fleur
Des Parisïennes mignonnes.
LE PROVINCIAL
Te semble-il qu’elles sont ydoines72
135 À comprendre ce qu’on lira ?
ROBINET
Vous y ferez73 si grant aulmosne
Que jamais tel bien n’aviendra.
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GUILLEMETTE 74 SCÈNE VII
[Hau !] Marïon !
MARION
Et qu’esse-là ?
GUILLEMETTE
Et ! escoutez çà, ma voisine !
MARION
140 Hé ! ma voisine, comment va ?
Comment se porte ma cousine ?
GUILLEMETTE
Bien.
ALISON
Viendrez-vous ?
MARION
Où ?
BARBETTE
Quelle myne !
Veoir ce maistre de grant proesse75 :
Il fait merveille.
ALISON
Il [dé]termine76
145 Ce que ne fist jamais [ru]desse77.
Et de fait, il a fait promesse
De vouloir latin78 enseigner.
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ROBINET 79 SCÈNE VIII
Monseigneur, regardez cy !
LE PROVINCIAL
Qu’esse ?
ROBINET
Vécy des femmes ung millier.
LE PROVINCIAL
150 El(le)s ont gant fain d’estudïer,
Je le voy bien. Fay-leur grant feste.
ROBINET
Vous les verrez tantost plaidier :
Ce semblera une tempeste !
Recevoir les fault ?
LE PROVINCIAL
Tais-toy, beste !
155 Elles ne diront plus que ce mot.
ROBINET
Mais raige !
Elles mettent chascun à mette80,
De plaider à ung seul langaige81.
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GUILLEMETTE 82 SCÈNE IX
Alons recevoir83 l’héritage
De nostre maistre.
ALISON
Le vélà !
BARBETTE
160 Guillemette, comme la plus saige,
Parlez devant.
GUILLEMETTE
Mais vous !
BARBETTE
Moy ? Dea !
Marïon, sus !
MARION
Pourquoy cela ?
C’est à faire aux plus ancïennes84.
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LE PROVINCIAL SCÈNE X
Or çà, çà, mes Parisïennes :
165 Vous régente[re]z85 bas et hault.
ROBINET
Chascune fera bien des siennes86…
ALISON
Il dit d’or.
GUILLEMETTE
C’est ce qu’i nous fault.
BARBETTE
Alons près !
GUILLEMETTE 87
Devant !
MARION
Ne m’en chault :
[J’ayme mieulx demourer derrière.]88
LE PROVINCIAL
170 Se la mémoire ne me fault89,
Vous aurez science plain[ièr]e90.
ALISON
Dieu gard, monseigneur !
LE PROVINCIAL
M’amye chière,
Bien vegniez, [gracieuse et tendre]91 !
ALISON
Nous monstrerez-vous la matière
175 Du latin ?
LE PROVINCIAL
Ouy ; et [sans attendre]92.
Comment vous le pourrez comprendre.
BARBETTE
Nous le voulons trèsbien entendre.
[Monstrez-nous à]93 parler aussi.
LE PROVINCIAL
N’avez-vous point bon cueur d’aprendre ?
MARION
180 Ouy, sire.
LE PROVINCIAL
Or, n’aiez soucy.
Il me convient sçavoir cecy :
Quelle Faculté vous voulez suyvre ?
GUILLEMETTE
Nous voulons sçavoir…
LE PROVINCIAL
Quoy ? [ Hardy94 !
ALISON ]
Et ! pratique de sçavoir vyvre95.
LE PROVINCIAL
185 Voulez-vous ces volumes ensuyvre ?
ALISON
Et qu’esse ?
LE PROVINCIAL
Matière de Droit.
ALISON
Le droit 96 ? [Ouy] dea, c’est ung bon livre ;
Mieulx l’ayme que chose qui soit.
LE PROVINCIAL
À grant-peine ung homme croiroit97
190 Quel gaing en vient.
ROBINET
À plaine paulme98.
ALISON 99
Le droit ? Et ! on le nous celoit ;
Et si, duist100 si bien à la femme.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! Je vous diray, ma dame :
Il y a deux droitz.
ALISON
Çà, le bon !
LE PROVINCIAL
195 Ilz sont tous deux bons, sur mon âme !
L’ung est civil, l’autre est canon.
Le droit civil est par raison
Aux séculiers101 ; l’autre, à l’Église.
ALISON
Qui102 les veult tous deux, ne peut-on ?
200 Les entretenir ?
LE PROVINCIAL
Pourquoy non ?
Si fait, dea.
ALISON
Ha ! c’est bonne guise.
Au moins, se je trouve faintise103
Aucuneffois au droit civil,
Je recourray104 au fait d’Église,
205 Car j’entens bien qu’il est gentil105.
LE PROVINCIAL
Acoutez106 : Quant quelque soubtil
Clerc conse[i]l vous en demandera107
En disant : « Que vous en semble-il ? »
Ma dame, quel responce là ?
ALISON
210 Je [luy] diray : « Ouy ! »
LE PROVINCIAL
Mais « ita »,
En latin.
ALISON
Bien le sçauray dire.
LE PROVINCIAL
S’il dit mal, « non » dire [f]auldra.
ALISON
Et ! laissez-m’en faire, beau sire.
LE PROVINCIAL
Or sus, donc ! Je m’en vois produire108.
215 Plaidez109, ma dame l’advocate,
En parlant latin.
ROBINET
Or, sans rire ?
LE PROVINCIAL
Et gardez que je ne vous matte110 !
Séez-vous en mon lieu en haste.
Il fault les faits111 expédïer :
220 Un cas advint — ce fut la datte
Du .XV., jour de février —
Qu’il y eust ung jeune escuier
Puissant de nom et de linage112
Qui print fille de chevalier
225 (Ainsi qu’on fait) en mariage.
Quant ce vint113 après espousage
Et au mariage acomplir,
Il n’avoit pas…
ALISON
Quid ?
LE PROVINCIAL
Ce bagage114.
ALISON
Bénédicité !
LE PROVINCIAL
Soyez sage !
230 Et brief, il n’y pouvoit115 fournir.
La dame se voult116 repentir,
Et disoit : « Rien ne me sera117 ! »
Se devoit-elle consentir
À soy démarier ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
235 C’est bien respondu sus cela118 ;
Vous estes femme de façon119.
Vécy ung autre cas.
ALISON
Or çà !
LE PROVINCIAL
Naguère(s), il y eut ung mignon120
Qui trouva ung gentil garson
240 Avec sa femme dans121 son lit ;
Le deust-il tuer ?
ALISON
Certé non !
LE PROVINCIAL
Et [si]122, il faisoit…
ALISON
Sufficit !
LE PROVINCIAL
Non ? Pourquoy ?
ALISON
Natura dédit 123.
LE PROVINCIAL
Par le [saint] sanc que Dieu me fist !124
245 Je vous ay bien endoctriné.
Dame légiste, faicte[s] bruit125.
ALISON
Argentum téné 126 !
LE PROVINCIAL
C’est bien dit.
Vostre suis !
ALISON
Gratés, [dominé 127] !
ROBINET
Saint Jaques, c’est bien latiné !
250 Et ! ad Dominum 128 !
[ LE PROVINCIAL
Robin, tiens :
Recueille cest or, in finé. ]129
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BARBETTE 130 SCÈNE XI
Monseigneur, aprendrons-nous riens ?
LE PROVINCIAL
Demandez, car j’ay tous moyens
Pour vous aprendre sans soucy.
BARBETTE
255 Nous avons le droit sur tous biens131,
Comme Alison.
LE PROVINCIAL
Il m’est failly132…
BARBETTE
Failly isté 133 ? Sus !
LE PROVINCIAL
Mais134 vécy :
J’ay bien, pour vous, aultre doctrine.
BARBETTE
Le droit est bien bon.
LE PROVINCIAL
J’ay icy,
260 Pour vous, tout l’art de médecine135.
BARBETTE
Médecine ?
LE PROVINCIAL
Ha ! c’est la plus digne
Entre les sciences qui soi(en)t.
Car ce qui [n’]est sain, et décline136,
Par donner137 ung peu de racine,
265 On le138 fait relever tout droit.
Mais il fault sçavoir sur le doit139
Ypocras et aussi Galien.
BARBETTE
Certes, j’estudieray en droit !
LE PROVINCIAL
[La médecine fait grant bien.]140
270 Regardez : voicy le moyen
Par lequel on fait le couraige141
Revenir — vous m’entendez bien —,
Qui142 le pert.
BARBETTE
Comment ?
LE PROVINCIAL
Par oultraige143
S’il avoit beu [trop] de bruvaige144,
275 D’ung récipé 145 fait à demy
Vous luy verriez faire feu et raige :
On ne pourroit durer à luy146.
BARBETTE
Il fault siner147 ce fueillet-cy !
LE PROVINCIAL
Voyez-en ung aultre plus rade148 :
280 « Item 149, pour faire son mary
Devenir fol ou fort malade. »
BARBETTE
Mon Dieu, s’en auront une aubade150 !
Nous sont ces livres deffendus ?
LE PROVINCIAL
« Pour une vieille orde et fort fade151,
285 Reculer152 de ving[t] ans ou plus. »
BARBETTE
Vécy livres de grans vertus ;
Il n’est nul plus puissant trésor.
LE PROVINCIAL
Ha, dea ! latin ne parlez plus ?
BARBETTE
Quoy donc ?
LE PROVINCIAL
Latin.
BARBETTE
C’est mon vouloir.
LE PROVINCIAL
290 Quant vous irez, matin ou soir,
Pour mettre quelq’ung en santé,
Dictes [cler : « Homini]153 dolor ! »
O quantum commotus vité 154 !
Tenez-luy le pous155 in fronté.
295 Touchez s’il n’a point grant chaleur ;
Et s’il est ainsi eschoffé,
Faictes-le couchier.
BARBETTE
Soyez seur :
Si congnoistre puis la douleur156
En estudïant en l’orine157,
300 Je le remettray en vigueur.
LE PROVINCIAL
Que je vous appreigne en ung signe158 :
Regardez-moy quel médicine
Vous donrez cy159.
BARBETTE
Sancté Déus 160 !
LE PROVINCIAL
Il est en dangier qu’il ne fine161.
BARBETTE
305 Ipsé est multum commotus 162…
LE PROVINCIAL
Vélà bien spéculé [dessus].
BARBETTE
Vénéré 163 multum nocui[t] !
LE PROVINCIAL
C’est vray, car deux enfans ou164 plus
Il a forgé en une nuit :165
310 [Jamais nul n’a eu si grant bruit]166
À Monpellier167, où j’ay esté.
Ung homme cause de tel fruit168
Doit-il point recouvrer santé,
Belle Barbette ?
BARBETTE
Ita, certé !
LE PROVINCIAL
315 Vous pourrez régenter sans blâme.
Faictes-vous169 vaillant, ma beauté :
Hardiement, vous ne tu[er]ez âme170.
BARBETTE
Ad Dominum !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !171
ROBINET
Tuer âme ? J’en suis certain !
320 Médecine est douce, de femme ;
Médeciner, c’est bien leur train.
El(le)s ont beau parler172, doulce main :
La science leur est bien ydoyne173.
LE PROVINCIAL
Esse tout174 ?
ROBINET
Ouy dea. [À] demain !
325 Et175 ! c’est tout, le mal sainct Anthoine !
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GUILLEMETTE SCÈNE XII
Hélas, monseigneur, qu’on nous176 donne
Ung petit177 d’introduction.
LE PROVINCIAL
Quel est vostre nom, ma mignonne ?
GUILLEMETTE
Guillemette.
LE PROVINCIAL
Et vous ?
MARION
Marïon.
LE PROVINCIAL
330 Avez-vous Guillemette à nom ?
GUILLEMETTE
Ouy.
LE PROVINCIAL
Estes-vous Parisïenne ?
Guillemette, il me semble bon
Que vous deveniez Arcïenne178,
Car vous estes assez ancienne
335 Et saige pour estre régente179.
GUILLEMETTE
C’est ma voulenté.
LE PROVINCIAL
Et la mienne ;
Joyeux suis que je vous contente.
Mais qui n’y met toute s(on) entente180,
Cest labeur est [bien] inutille.
340 Et se ung coup estes prudente,
Vous prouverez par raison patente
De cent escus que ce sont mille181.
Affin que soiez plus habille182,
Je vous monstr[er]ay doble voye183.
GUILLEMETTE
345 Ne monstrez que la plus subtille.
LE PROVINCIAL
Je le vueil.
GUILLEMETTE
Et ! que je les voye.
LE PROVINCIAL
Regardez, dame simple et coye184 :
Vécy la voye des royaulx185.
GUILLEMETTE
Il n’est besoing qu’on les desploye.
LE PROVINCIAL
350 Voyez donc celle aux [Ars] nouveaux186.
Tenez les plus espécïaulx187
Qu(e) homme verra dedans ung an.
GUILLEMETTE
Certes, les livres sont fort beaux.
LE PROVINCIAL
Vécy la Logique d’Occan188,
355 Aristote d’or189, Buridan190.
Lisez-la et notez ces motz
Subtil[s] contre tout argument.
Et incorporez ces argotz191.
Et puis vous tenrez voz192 propos :
360 Concédez peu, nyez souvent,
Équivoque[z-]moy hardiement
Par les cautelles193 d’Aristote,
Desquelles on fait plainement
Entendre q’un mary radote
365 Et qu’il a [la] teste plus sotte,
Cent mille fois, qu(e) une brebis.
Et convient bien que tout on note.
GUILLEMETTE
Matéria[e] defficientis 194.
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MARION SCÈNE XIII
Monseigneur, je n’ay rien aprins :
370 Faictes-moy théologïenne195.
LE PROVINCIAL
M’amye, j’en seroye reprins196 :
Vous n’estes pas assez ancienne.
Je vous feray grant rectoricienne197,
Et aurez de(s) bonnes « leçons198 ».
375 Robinet, fay qu’elle convienne199
Avec toy à déclinaisons.
ROBINET
Çà, m’amye ! Que nous lisons
Quelque chose de bon.
MARION
Or sus !
ROBINET
Vécy déclinaisons de noms.
380 Qu’esse là ?
MARION
Féminéis 200 abus…
Sociabitur, ut dominabus.
LE PROVINCIAL
Passez oultre, ce sont abus
De demourer en ce point-là.
Regardez tout, [et] sus et jus201,
385 Sans estre guères en cela202.
Et ce que Robinet dira,
Faictes tout ung, et retenez bien.
Sic, sit 203 personna seconda ;
Aultremant, tout ne vauldroit204 rien.
MARION
………………………… 205
390 Je n’entens point bien ce sens.
LE PROVINCIAL
Non ?
Ha ! je trouveray bon moyen.
Tenez là mon Catholicon 206 :
Il n’y a mot, tant soit-il bon,
Qu(e) exposé ne soit par compas207.
395 Or lisez-moy là, Marïon :
Qu’esse-là, au premier ?
MARION
Abbas 208.
LE PROVINCIAL
Après ?
MARION
Abbatis, abbati.
Monseigneur(s), j’entens bien le cas :
Car, quant la fille fut à bas,
400 Ma foy, le galant la baty 209.
LE PROVINCIAL
C’est cela, il est tout ainsi.
L’autre fueillet !
MARION
Hé ! je l’entens :
Bacus 210.
LE PROVINCIAL
Et son génitif ?
MARION
Bachy,
Baco, Bacom 211. J’entens le sens.
405 Ceste matière je comprens
Facillement, et les proverbes212.
LE PROVINCIAL
Regardez ung peu plus dedens
Pour veoir la nature des verbes.
MARION
Da [h]ortandy 213 !
LE PROVINCIAL
Ce sont adverbes ;
410 Regardez ung petit214 plus bas.
Qu’esse-cy, Marion ?
MARION
C’est amo, amas.
LE PROVINCIAL
Et son prétérit ?
MARION
Amavit.
LE PROVINCIAL
Qu’esse à dire ?
MARION
La femme ama vit 215.
LE PROVINCIAL
Mais comment ?
MARION
Nescio 216.
GUILLEMETTE
Dicam 217 !
415 Vécy la raison en escript :
« Ut matéria appétit formam
[Sicut et fœmina marem]218. »
Vécy, Aristote le dit.
LE PROVINCIAL
[Et] puis ?
MARION
[Cibo, cibas, cibem]219.
LE PROVINCIAL
420 Et son prétérit ?
MARION
Cibavit 220.
LE PROVINCIAL
Or, faictes-nous ung petit [veoir221],
De françois en latin, deux motz,
Comme Dieu les pourez assavoir.
MARION
Dominus 222 cibavit agros.
LE PROVINCIAL
425 C’est bien respondu à propos ;
Vous estes une vaillant femme.
[………………………….. -os
…………………………… -ame.]223
MARION
Adieu, monseigneur !
LE PROVINCIAL
Adieu, ma dame !
MARION
Vélà deux escus pour vo224 paine.
LE PROVINCIAL
Je n’en prendray rien, par mon âme !
430 J’aymeroye mieulx estre en Sayne225 !
.
Or çà, [mon] Arsïenne humaine226 : SCÈNE XIV
Posé que soyes227 vostre mary,
Tenir vueil que, ceste sepmaine,
Prins avez228 encore ung amy.
GUILLEMETTE
435 Égo négo 229, et prouve ainsi
Que deux amans ne peux230 avoir.
Sed, probatum [a simily]231,
Je gaige de232 vous décevoir :
Impossible [il] est [de] sçavoir233
440 Mettre icy, en ce chandelier,
Deux chandelles234.
LE PROVINCIAL
Il est tout voir235.
GUILLEMETTE
Ergo, vray est, sans varier236 :
Femme mariée d’huy ou d’hier
Ne sçauroit par nulles cautelles
445 Avoir deux maris de légier237,
[Comme ung chandellier]238 deux chandelles.
LE PROVINCIAL
Vélà raisons fort naturelles,
Venans d’ung engin 239 magnifique.
Mais toutesfois, la fleur des belles,
450 Je vous feray une réplique :
Vous avez dit, dame autentique,
Non povoir deux chandelles [mettre] ?
GUILLEMETTE
Concédo vérum est 240, [mon maistre].
LE PROVINCIAL
[On n’en peut mettre qu’une, ainsi]241 ?
455 Pourquoy n’y peut, après la mienne
— Et a[u]près242, ex conséquenti 243 —
Ung autre y mettre [aussi] la sienne ?
GUILLEMETTE
À moy, comme Parisïenne,
Ceste matière n’est point haulte244.
LE PROVINCIAL
460 Et pourquoy ?
GUILLEMETTE
C’est par vostre faulte :
Sy fourbissiez245 le chandelier
Songneusement, sans le laisser,
Il n’est clerc (je vous vueil bien dire),
Tant sceust-il bien « estudïer »,
465 Qui y peût sa chandelle induire246.
LE PROVINCIAL
Maris ne sçauront247 contredire :
Ce sont argumens insolus248.
GUILLEMETTE
Non, dea. Ilz n’en feront que rire,
Disans : « Égo sum contentus 249. »
LE PROVINCIAL
470 Mesdieux250 ! ilz seront tous confus.
GUILLEMETTE
Et estonnéz comme Johannés251.
[ ROBINET
………………………… -us
………………………… -etz ! ]
LE PROVINCIAL
Dame, je vueil que désormais
Vous vous disiez estre clergesse252.
BARBETTE, MARION,
GUILLEMETTE, ALISON.
[Magister noster, noz bonnetz]253 !
LE PROVINCIAL
475 Mais je vueil que tenez promesse254,
Et qu(e) en toute vostre255 jeunesse
Vous soiez doulces en mon nom256.
Respondez, Barbette, Alison :
Servirez257-vous mes gens ?
GUILLEMETTE & MARION
Ita !
LE PROVINCIAL
480 Leur don(ne)rez-vous pain et vin bon ?
ROBINET 258
Respondez, Barbette, Alison !
LE PROVINCIAL
Aux grans259 ?
ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Et aux petis ?
BARBETTE
Non !
ALISON
[Vous verrez bien que]260 ce sera.
LE PROVINCIAL
Respondez, Barbette, Alison :
485 [Servirez-vous mes gens ?]
BARBETTE & ALISON
Ita !
LE PROVINCIAL
Or, adieu donc !
MARION
Bona vita261 !
.
GUILLEMETTE SCÈNE XV
O Marïa !
MARION
O Barbéta !
Or sçavons-nous parler latin.
ALISON
Je traicte le Droit dé causa 262,
490 O Marïa !
GUILLEMETTE
O Barbéta263 !
BARBETTE 264
Je tiens, de265 droit, Médicina.
GUILLEMETTE
Je me266 soustien par Art bégnin.
BARBETTE
O Marïa !
MARION
O Barbéta267 !
Nous sçavons bien parler latin.
BARBETTE
495 Aller pourrons268 en tout chemin
ALISON 269
Parler à tous,
GUILLEMETTE
Et par clergie,
ALISON
Par le Provincïal bégnin.
BARBETTE
Dieu luy doint faire bonne fin !
ALISON
Ainsi soit-il ! [Dieu le bénie !]
GUILLEMETTE
500 Amen !270
.
EXPLICIT
*
1 F ajoute dessous : Le principal (Ce personnage est partout nommé « le Provincial », sauf dans la première rubrique, qui a généré cette erreur.) Un provincial est le responsable universitaire d’une province. Dans les Drois de la Porte Bodés, il accorde aussi des privilèges exorbitants aux femmes : « Qui est le hault Provincial/ Qui a esté si libéral/ De vous donner telle franchise [liberté] ? » 2 Diminutif de Robin (vers 1). Mais le robinet véhicule une connotation phallique : le valet « bien envytaillé » que veut épouser la Veuve s’appelle Robinet. 3 F : principal (Note 1. Il est probable qu’un des collégiens a voulu épingler le Principal de l’établissement.) Le décor, identique à celui des Femmes qui se font passer Maistresses, représente une salle de classe ; le Provincial trône dans sa chaire. 4 « C’est grand péril à l’homme n’avoir rencontré amy bon & vertueux. » (Guterry.) Le Provincial donne à Robinet, son clerc, une liasse d’écriteaux qu’il va devoir placarder dans des lieux stratégiques. L’affichage publicitaire n’est pas un fléau moderne : voir les vers 43-44 de Maistre Mymin qui va à la guerre, ou le vers 9 de Saincte-Caquette. 5 Le Palais de Justice, dans l’île de la Cité, est un lieu de passage extrêmement couru. 6 De déclarer. Cf. Colin filz de Thévot, vers 297. 7 De tout mon cœur. 8 Même si vous leur enseigniez le latin, on ne pourrait pas leur accorder la maîtrise. Double sens : On ne pourrait plus les maîtriser, les tenir. 9 Un mâtin est un gros chien. 10 Je vais donc d’abord au couvent des Carmes. Robinet est sûr d’y trouver beaucoup de candidates : les Femmes qui se font passer Maistresses, pour se perfectionner en sexologie, vont « estudier aux Jacobins,/ Aux Carmes et aux Augustins ». 11 Immédiatement. Idem v. 87. 12 À la montagne Sainte-Geneviève (idem v. 86) : au Quartier latin, où grouillent les étudiants et, par conséquent, les prostituées professionnelles ou occasionnelles. 13 Des punaises. « Rivé à trois grosses pointes. » ATILF. 14 Mode de vie. Idem v. 321. 15 F : humain (à la rime.) Hautain = haut, respecté. Le Prince des Sotz escornéz se nomme Sot Haultain. 16 Ce que. Vous ne réfléchissez pas à vos actes. Robinet sort dans la rue, avec ses écriteaux et ses punaises. 17 F : Sa sa sa 18 Petites poitrines. Cf. Digeste Vieille, vers 56. C’est un surnom affectueux : cf. le Ramonneur de cheminées, vers 203. 19 Dans une rue du Quartier latin, elle racole des étudiants. Elle fait des avances à Robinet. 20 Surnom latin dont on affuble les clercs et les étudiants. Idem vers 38 et 471. Cf. Science et Asnerye, vers 221, 248, 289-291. 21 F : seuruice (« Que quérez-vous ? » Beaucop-veoir.) Cherchez-vous les services d’une femme ? 22 Il fait semblant de ne pas comprendre ce qu’on lui propose. 23 Si je cherche de l’emploi comme serviteur ? « Veulx-tu servir ? » Jéninot qui fist un roy de son chat. 24 Vieille lice, vieille chienne. C’est une insulte contre les prostituées. Cf. le Gallant quy a faict le coup, vers 269. 25 Que je vous les dise. Notre future latiniste ne lit pas couramment le français. 26 F : filze (Jeune homme.) 27 Toujours. 28 Le maître des Femmes qui se font passer Maistresses revient de Rome. 29 Deux héros de la guerre de Troie. 30 Vers manquant. 31 C’est le saint patron de Paris. F remonte ce vers sous le vers 50. 32 F : comme (Que je vous le dis.) 33 Une nouvelle mode. 34 Envers les. 35 Le monde tournera plus rond. « Ordre » était parfois féminin : cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 126 et note. 36 Guillemette abandonne Robinet, dont elle emporte un des écriteaux. Elle se dirige vers Alison, qui fait le trottoir dans la même rue. L’une des Femmes maistresses a aussi pour nom Alison. 37 F : cest (Je sais la meilleure des nouvelles.) 38 Guillemette, pour impatienter la curieuse, délaye son discours avec des suspensions et des incises. 39 Qu’on le décapite tout vivant. 40 Vers manquant. « Autant au soir comme au matin,/ Qu’ils ne parlent rien que latin. » Les Femmes qui demandent les arrérages. 41 Forme picarde de « saint Pierre ». 42 Que je feigne de dire la vérité. 43 Qu’il nous incombe (de parler latin). 44 F : estrange (« Estraigne, adj. : étranger, extraordinaire. » René Debrie, Glossaire du moyen picard.) 45 Arrivant par l’autre bout de la rue, elle aperçoit ses consœurs. 46 F : Et quesse benedicite 47 Elle lui met l’écriteau sous le nez. 48 Je tâche de combler les nombreuses lacunes de ce passage. « Commère, avez-vous rien ouÿ ? » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) F, qui n’est plus à une faute près, donne à la rime : maister 49 Vers manquant. « Ces désirs que vous me faictes naistre. » Honoré d’Urfé. 50 Son esprit. Jeu de mots phallique : cf. Maistre Mimin estudiant, vers 29. Aucune des femmes n’a encore vu le Provincial, mais chacune l’embellit de nouveaux détails ; le phénomène du bouche à oreille est bien retranscrit. 51 Pénètre l’« engin » des femmes, c.-à-d. leur sexe, dont il sera question aux vers 129 et 448. Bénin = bienveillant, doux. Idem vers 492 et 497. 52 Le latin nous est caché depuis si longtemps. 53 F : Sont estes ses 54 Un pouvoir. C’est déjà un mot latin ! Cf. les Sotz escornéz, vers 187. Les comédiens, désireux de prolonger une scène qu’ils croyaient drôle, l’ont gonflée avec 5 vers en -ans. 55 Frappés avec une règle, une latte en bois. Cette punition était bien connue des collégiens. 56 Il ne faut pas qu’ils l’emportent au paradis. 57 F : Que 58 Quand je vais dehors. 59 Ce pèlerinage parisien sert d’excuse aux femmes qui veulent sortir sans leur mari. « Puis à Nostre-Dame-des-Champs/ S’en vont avecques les gallans. » Le Povre Jouhan. 60 C’est la vérité. Idem v. 441. 61 F : Quel saige (« Que sai-ge ? » Le Villain et son filz Jacob, vers 70 et 74.) Alison cultive le doute, en bon précurseur de Montaigne. 62 Avant deux ans. « On leur fera bien changer poil/ Devant qu’il soit jamais dix jours. » Les Tyrans. 63 Nos maris changeront. Ou bien : On nous verra changer de maris, comme les Femmes maistresses (vers 316-321). 64 Cette expression vise les cocus complaisants qui, tandis que Madame reçoit son amant, « vont à la rôtisserie acheter eux-mesmes la viande, quérir le vin à la taverne, & porter le panier au marché ». (Mateo Aleman.) Nombre de farces les tournent en ridicule. 65 F : gars (Nos bébés. L’éditeur parisien n’a pas compris ce terme venu de Picardie. Cf. le Glossaire du moyen picard, de R. Debrie.) Le poupart désigne tout particulièrement l’enfant bâtard que le cocu reconnaît pour sien : « Je seray père du poupart. » Jolyet. 66 Double sens : copuler. Idem vers 150, 268 et 464. Cf. les Femmes maistresses, vers 188 et note. 67 Cocus. Cf. le Munyer, vers 144. 68 Le grade de maître ès Arts correspond à peu près au doctorat ès Lettres. Les Femmes maistresses le convoitent : « Yront-elles délibérer/ Mesme en la Faculté des Ars ? » 69 Un esprit. Mais aussi, un sexe ardent. Idem v. 448. Cf. Sœur Fessue, vers 85 et note. 70 Il rentre au collège. 71 Soyez sûr. (Debrie, Glossaire du moyen picard.) Idem v. 297. 72 Aptes. En Picardie, -oine se prononçait -one, comme aux vers 323 et 325. Voir « ydosne » dans le Glossaire du moyen picard, de Debrie. 73 Vous y gagnerez. Les élèves payaient leur professeur : vers 247, 368 et 428. 74 Elle frappe à la porte de sa cousine Marion. 75 De grande prouesse : de grande valeur. 76 Il accomplit. 77 Un châtiment corporel. 78 F : merueilles (Réminiscence du v. 144.) 79 Il regarde dehors et voit s’approcher les quatre femmes. 80 Elles réduisent les hommes à l’extrémité. « Par cinq manières de sophismes,/ La femme maine l’omme à methe. » ATILF. 81 Seulement en français. Sous-entendu : Qu’est-ce que ce sera quand elle plaideront en latin ! 82 Elle entre dans la salle de classe, avec ses trois commères. 83 F : nous veoir (L’héritage désigne la transmission du savoir.) 84 Aux plus âgées. Idem vers 334 et 372. Les quatre femmes se poussent mutuellement devant le professeur. Il manque un vers en -a et un vers en -iennes. 85 Vous enseignerez. Mais aussi : vous gouvernerez les hommes, comme les Femmes maistresses : « Vous estes dignes régenter/ Tout partout. » Idem v. 315. 86 En fera de belles. 87 Elle pousse Marion devant elle. 88 Vers manquant. « Ung peu est demouré derrière. » Légier d’Argent. 89 Ne me fait pas défaut. 90 Plénière, totale. 91 F : gracieux attendre (« Elle est gracieuse et tendre. » Ung jeune moyne.) 92 F : maniere 93 Monstrer a nous 94 Le Provincial encourage Guillemette, qui n’ose parler. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 115. 95 F : scauoir suyure (« Le général & principal chapitre de sçavoir vivre. » Montaigne, III, 12.) 96 Le pénis dressé. Idem vers 191, 255, 259 et 268. « (Les femmes) ayment mieux le droit que le tort. » La Fluste à Robin. 97 F : croira 98 Leur main en sera remplie. Au 1er degré : par de l’argent. Au 2e degré : par un pénis. 99 F : Robinet 100 On nous le cachait. Et pourtant, il convient… 101 F : secoliers (Aux laïcs.) 102 Si on. 103 Une déception, en l’occurrence sexuelle. 104 F : recouurere (J’aurai recours.) La cour d’Église jugeait les affaires de sexe, notamment les cas d’impuissance. 105 Viril. « C’est faict, hélas, du povre outil./ Vray Dieu ! il estoit si gentil. » Frère Guillebert. 106 Écoutez. Debrie, Glossaire du moyen picard. 107 Quand un jeune clerc subtil vous demandera conseil. 108 Je vais énoncer des causes. Ces « causes grasses », où les dames préféraient voir des « arrêts d’Amour », alimentent d’autres parodies juridiques : au théâtre, on peut citer les vers 193-304 du Pèlerin et la Pèlerine, de Claude Mermet. 109 F : Deuant vous 110 Prenez garde que je ne vous fasse échec et mat, que je ne vous cloue le bec. Le Provincial se lève et prête sa chaire à Alison. 111 F : autres (Il faut exposer les faits. « Mon fait vous veil expédïer. » ATILF.) 112 De lignage. 113 F : dont (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 251-267.) Quand on arriva après la noce et à la consommation du mariage. 114 « Le bagage : le membre viril. » (Antoine Oudin.) Le Provincial, qui est assis de profil par rapport au public, soulève sa robe face à Alison. 115 F : peut (Cf. le Nouveau marié qui ne peult fournir à l’appoinctement de sa femme.) 116 F : veult (La dame voulut revenir en arrière. « Il se voult repentir en sa viellesse, et voult faire restitucion à tous. » Colart Mansion.) 117 Il ne sera pas mon mari. 118 F : cetera (Formule judiciaire, qu’emploie le juge du Pauvre et le Riche : « Or me responds dessus cela. ») 119 De qualité. Cf. Resjouy d’Amours, vers 365. 120 Un courtisan. 121 F : en 122 Et pourtant. Idem v. 192. 123 Nature l’a donné, en est responsable. Alison — et Jelle Koopmans — citent un adage qui a vertu de loi : « Quod natura dedit, tollere nemo potest. » [Ce que la nature a donné, nul ne peut l’enlever.] Mais le dramaturge songe plutôt à Ovide, le poète chéri des collèges : « Vitiis quæ plurima menti femineæ natura dedit. » [Par les vices que la nature a donnés en grand nombre à l’esprit des femmes.] 124 Juron picard. « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval. 125 Faites parler de vous. 126 Prenez cet argent. 127 Merci, monseigneur. Calembour sur « grattez » : masturbez. Cf. Marchebeau et Galop, vers 73 et note. 128 Adieu. Idem v. 318. 129 F : roberte (« Sotin, tien, receuil[le] ces biens ! » ATILF.) Le Provincial confie l’argent à son clerc. Les grands seigneurs affectaient de ne pas porter de bourse : un page se chargeait de leurs menues dépenses. 130 Elle s’approche du Provincial, qui réintègre sa chaire, tandis qu’Alison s’éloigne un peu. 131 Nous plaçons le pénis droit au-dessus de tout. 132 Mon « droit » a quelques défaillances. 133 Ceci. Même en français, le « ceci » désigne le pénis : « & ce qui est encor pis au “cecy” d’un homme (…) est quand il a perdu les cymbales de concupiscence. » Béroalde de Verville. 134 F : Raige 135 F : madicine (Voir le vers suivant.) 136 F : deliure (Ce qui n’est pas en bonne santé, et penche vers le bas.) 137 F : donnes (Si on donne de la racine de mandragore à l’impuissant.) 138 F : la 139 F : droit (Sur le bout du doigt. Cf. Frère Fécisti, vers 474.) Hippocrate et Galien sont deux médecins grecs, traduits en latin pour le meilleur et pour le pire. 140 Vers manquant. Le Provincial montre à Barbette un recueil de formules pharmaceutiques qui énumère des aphrodisiaques et des produits de maquillage, semblable au « registre » de maître Doribus. 141 Le désir vénérien, la vigueur. 142 Chez celui qui. 143 Avec outrance, en excès. « Que de vin boire par outrage. » Godefroy. 144 De breuvage alcoolisé ; cf. le Badin qui se loue, vers 110. L’alcool nuit à l’érection. 145 De cette recette d’apothicaire : « Quelque récipé pour attraire/ À challeur leurs povres maris. » (Maistre Doribus.) Si l’aphrodisiaque fonctionne alors qu’il est fait « à moitié », il serait encore plus efficace s’il était fait à la perfection. 146 Une femme ne pourrait pas tenir contre lui. 147 Il faut mettre un signet, pour ne pas perdre une page aussi précieuse. 148 F : roide (Puissant. « Il est très fort et rade. » ATILF.) 149 Ce mot introduit une nouvelle formule pharmaceutique. 150 Nos maris en auront un bon tour. 151 F : sade (Le « f » <f> et le « s » long <ſ> sont presque identiques.) Sale et ternie. « Item, pour ces vieilles flestries/ Qui ont la coulleur sale et fade. » Maistre Doribus. 152 F : Recouurer 153 F : aux clers nomini (Dites clairement. « Parle cler ! » Les Coppieurs et Lardeurs.) « Homini dolor » vient d’Aristote : « Cum contigit homini dolor. » L’auteur en cite la traduction de Michaelus Scotus, comme il le fera aux vers 416-7. 154 F : vlte (Vitæ = de la vie. Mais la graphie vite nous autorise à comprendre : « Ô combien ému du côté du vit. ») 155 F : pouy (Le pouls se tâtait sur la tempe, au bord du front.) Ici, le front désigne le gland : « L’ithiphale gaillard qu’il ne faut amorcer (…),/ Et deux braves tesmoings [testicules] pour me certifier/ Qu’il est prest, bien en poinct, gonflé d’ardeur féconde./ Encores que sa forme enseigne sa valeur,/ Son chef [sa tête], son front, son nez : n’est-ce pas un beau cœur ? » Lasphrise. 156 Sa maladie. Idem v. 292. 157 En regardant ses urines. L’orine désigne également l’origine génétique, et donc le sperme : « Vous n’en ystriez [sortiriez] pas de l’orine/ Du père. » Farce de Pathelin. 158 Par un exemple concret. 159 F : icy (Le Provincial, toujours assis de profil, soulève sa robe face à Barbette.) 160 F : deux (Saint Dieu !) 161 Mon sexe risque de finir ses jours. 162 Lui-même est très ému. Commotus avait un sens positif au vers 293, mais il a maintenant un sens négatif : victime d’une commotion, blessé. 163 F : Vecine et (Venere est l’ablatif de Venus, déesse du plaisir charnel.) Pour Vénus il a beaucoup souffert. 164 F : ont 165 F met ce vers après 426. 166 Vers manquant. Bruit = réputation. « Qui eust pensé que l’avyron/ Eust eu sy grand bruyct ? » Les Sobres Sotz. 167 Célèbre faculté de médecine : cf. le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies, vers 4 et note. F met ce vers avant 315. 168 Qui a produit de tels fruits, de tels résultats. 169 Faieces vous (Vaillant = ardente au lit. Idem v. 426.) 170 Personne. Mais on reprochait aux avorteuses de tuer des âmes : voir le v. 319. 171 Barbette s’éloigne un peu. 172 Elles ont un discours séduisant. « Beau parler apaise les gens. » Marchebeau et Galop. 173 Leur va sur mesure. Cette tirade est très ironique. 174 N’y a-t-il pas d’autres candidates ? 175 Mécontent, Robinet voit s’approcher Guillemette, suivie par la timide Marion 176 F : me 177 Un peu. Aussi obsédée que ses devancières, Guillemette confond l’instruction avec l’introduction. 178 Maîtresse ès Arts. Voir le v. 122. 179 Professeur d’université. « Puisqu’aussi nous sommes régentes. » Les Femmes maistresses. 180 Si on n’y met pas toute son application. Devant le mot « entente », les Picards apocopent les pronoms mon et son : « En penser met toute s’entente. » Jardin de Plaisance. 181 Que 100 écus sont en réalité 1000 écus. La faculté des Arts enseigne les arguties rhétoriques, le syllogisme et le discours ambivalent. 182 Habile. 183 Deux voies. On peut comprendre : le double langage. 184 Tranquille. Debrie, Glossaire du moyen picard. 185 La voie royale. Mais les royaux sont des pièces de monnaie : cf. les Trois amoureux de la croix, vers 221. 186 La voie des innovations en matière de sophismes. N’oublions pas que art et artifice ont la même étymologie. « Des simples bergères/ Que, par des ars nouveaulx, ilz ont rendu sorcières. » Fronton Du Duc. 187 Les plus spécieux, les plus trompeurs. Le Provincial donne plusieurs livres à Guillemette. 188 F : dacan (Guillaume d’Occam, champion de la scolastique au XIVe siècle, séparait les mots de leur sens.) 189 D’après Cicéron, l’éloquence de ce philosophe grec est un flumen aureum [fleuve d’or]. 190 Élève puis adversaire d’Occam, et commentateur d’Aristote. Occam fut célèbre pour sa théorie du rasoir, Buridan pour sa théorie de l’âne. 191 Assimilez ce jargon captieux. 192 F : vng (Vous tiendrez. C’est un futur picard.) F met ce vers sous 356. À la suite, il semble manquer un vers en -ent et un vers en -otz. 193 Les finasseries, les arguments cauteleux. Idem v. 444. 194 Je n’ai pas d’argent à vous donner. Au sens propre, le défaut de matière est l’érosion du métal dans une monnaie : « Materiæ deficientis in pecunia. » (Martin Garrat.) Mais c’est aussi la maigreur, et en l’occurrence, celle de la verge du Provincial. Guillemette s’éloigne, laissant Marion à découvert. 195 L’une des Femmes maistresses veut aussi « estre avecques théologiens ». 196 Repris, blâmé. 197 Grammairienne. La grammaire était enseignée en latin. 198 De bons accouplements qui, à l’instar des leçons, requerraient deux intervenants. Cf. les Femmes maistresses, vers 198 et note. 199 F : connienne (Qu’elle dialogue.) Les traités de grammaire, et notamment le fameux Donat, sont écrits en questions/réponses : le maître interroge, et le disciple répond. La leçon se fait donc à deux. 200 F : Ceteris (Jelle Koopmans restitue cette phrase au Doctrinale puerorum, d’Alexandre de Villedieu.) La même phrase — débarrassée de sa faute initiale — introduit le Discours joyeux en façon de sermon, p. 173 de l’édition des Sermons joyeux publiée par Koopmans. 201 En haut et en bas. 202 Sans trop vous occuper de cela. 203 F : fit (« Præsentis nota tibi sit persona secunda. » Villedieu, Doctrinale puerorum.) Ainsi, qu’il soit le second interlocuteur du dialogue. 204 F : vouldroit (Correction envisagée par J. Koopmans.) C’est le vers 358 des Premiers gardonnéz. 205 Il manque 9 vers, dont F a rassemblé quelques bribes inutilisables : Mais mon amy a maistre certain 206 Le Provincial laisse tomber dans les bras de Marion l’énorme dictionnaire latin de Jean de Gênes. Et je peux vous confirmer qu’il est lourd ! 207 Qui ne soit exposé avec une prudence chichiteuse. 208 F : Sibas (Abbas [abbé] est déductible du vers suivant. Le Catholicon ignore sibas.) 209 Copula avec elle. 210 Inévitable jeu de mots sur Bacchus et bas cul. « Bacchus,/ Par qui est régy le déduict des bas culz. » Roger de Collerye. 211 Le Catholicon s’en tient à Bachus et Bachi ; il ne donne ni le datif Bacho, ni l’accusatif Bachum. Ce dernier mot se prononçait alors comme « bas con », qui désigne le sexe de la femme. 212 Les exemples. 213 Cite-moi des adverbes d’avertissement ! Cette injonction n’est pas tirée du Catholicon mais du Donat : « Da hortandi, pour advertir ! » Mais Marion dit en fait : « Da or, tandis ! » [Donne-moi de l’or, cependant.] Voir la note de J. Koopmans. 214 F : peu (« Dessendez ung petit plus bas. » Les Vigilles Triboullet.) Les entorses au schéma des rimes prouvent qu’il n’est pas commode d’y faire entrer une leçon de grammaire latine. 215 Aima le vit. 216 Je ne sais pas. Guillemette, en feuilletant un des livres que le Provincial lui a donnés au vers 351, tombe sur un précepte d’Aristote qu’elle souffle à sa camarade. 217 Je vais vous le dire. C’est la première de 4 rimes en -an, selon la prononciation à la française qui régnait alors. 218 F : Car pour ce faire nous fourmanan (« La matière recherche la forme comme la femme recherche le mâle. ») « Marem », accusatif de « mas », rimait en -an. 219 F : Ciba cibar cibam (« Cibo, -bas, -bavi : cibos dare. » Catholicon.) 220 On peut comprendre : Ici bat le vit. Ou bien : Un si bas vit. 221 Faites-nous voir un peu. 222 F : Deus (Le Seigneur a nourri les campagnes. « Dominus cibavit me. » Juan Fernandez.) Il faut comprendre : le Seigneur, si bas vit, a gros ; le vit si bas du Seigneur est gros. Tabourot consacre un chapitre des Bigarrures à ces « équivoques latins-françois ». 223 Sans rime ni raison, F a troqué ces deux vers manquants contre le vers 309. 224 Votre. Cette apocope est picarde. Les femmes sont devenues tellement viriles que c’est elles qui payent les hommes et eux qui font mine de refuser. L’auteur inverse le processus normal : « –Tenez, vélà deux beaux escuz./ –Sans faulte, je n’en auray plus ! » Le Povre Jouhan. 225 Être jeté dans la Seine. « Que fust-il en ung sac en Seine ! » (Martin de Cambray, F 41.) Clin d’œil du comédien : être en scène. Marion s’éloigne un peu. Le Provincial fait revenir son élève favorite, Guillemette, la maîtresse ès Arts. 226 Une femme humaine accepte de coucher le premier jour, contrairement à l’inhumaine, qui nous fait attendre jusqu’au lendemain. « Une mignonne fort humaine. » Le Résolu. 227 À supposer que je sois. Le Provincial joue le rôle du mari cocu pour juger le raisonnement de son écolière. 228 F : auec (Correction suggérée, mais non appliquée, par Koopmans.) Vous avez encore pris un amant. 229 Je le nie. 230 F : peut 231 F : assimily (Mais, cela étant prouvé par l’argumentum a simili. Cet argument étend une loi à un domaine plus éloigné ; on l’invoque par exemple pour qu’une fille bénéficie de droits réservés aux garçons.) 232 F : a (« Mais je gage de la tromper. » Godefroy.) Je suis sûre de vous donner tort. Guillemette empoigne le chandelier qui est posé sur la chaire ; il ne comporte qu’un seul orifice. 233 De pouvoir. Idem v. 466. Nos amis Belges ont laissé vivre ce sens. 234 Ces chandelles masculines, qu’on introduit dans un chandelier féminin, sont un symbole transparent. « Tous verds galans devroient, pour t’honorer,/ À deux genoux te venir adorer,/ Tenant au poing leurs flambantes chandelles. » Ronsard. 235 C’est bien vrai. 236 Sans hésiter. Encore un idiotisme picard. 237 Aisément. 238 F : Non plus comme au chandellier / Que vecy mettre (Comme un chandelier simple ne saurait accueillir deux chandelles.) 239 Note 69. 240 Je vous concède que c’est vrai. 241 F : Ainsi / En vela une le feu sailly (Ce passage est troublé, tant pour la versification que pour le sens.) 242 Auprès de votre vulve : dans votre anus. Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons et deffendent que on ne mette la pièce auprès du trou. Nos collégiens décrivent la posture en « sandwich », où la femme est entre deux hommes : « Il la carressoit par-derrière,/ Et je l’embrochois par-devant. » Chansons des comédiens françois. 243 Par voie de conséquence. 244 Difficile. Les Parisiennes se croyaient déjà plus malignes que les autres. « Aux dames parisiennes,/ De beau parler donnez le pris. » Villon, Ballade des femmes de Paris. 245 F : fournisse (« Baiser, acoller et fourbir. » Le Cuvier.) Dans les farces, les dames se font plus souvent fourbir la coquille ou le harnois que le chandelier. 246 Introduire dans notre « chandelier ». 247 F : scarons (Ne pourront.) 248 F : in salus (Irréfutables. « Deux arguments tant insolus. » ATILF.) 249 Je suis content. C’est la devise de nombreux cocus. 250 M’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! 251 C’est le surnom moqueur dont Guillemette affuble Robinet (vers 35). La riposte du clerc est perdue, ou l’éditeur n’a pas osé la reproduire. 252 « Car vous estes grandes clargesses. » Les Femmes maistresses. 253 F : Bone magister noster (Ayant réussi leur maîtrise, les femmes ont le droit de porter le bonnet rond des Docteurs. « Affin que vous nous baillissez/ Ung bonnet ront dessus la teste. » Les Femmes maistresses.) Le Provincial les coiffe solennellement d’un bonnet rond. 254 Que vous prêtiez serment. Cf. les Femmes maistresses, vers 274. 255 F : ma (Tant que vous êtes jeunes.) 256 En souvenir de moi. 257 F : Series (Servirez-vous mes collégiens ?) 258 F : Guillemette 259 Les collégiens se divisaient en deux groupes : les grands anciens, et les petits nouveaux. On devine que le théâtre était monopolisé par les grands. 260 F : Tous verres bien qua (Ce vers, tel que je le corrige, est le vers 274 du Roy des Sotz.) Ce que ça donnera. 261 Bonne vie ! Les quatre femmes sortent de la classe. 262 À juste titre. 263 F : barbara (Voir le refrain de ce triolet à 487.) 264 F : Marion (C’est Barbette qui a hérité de la médecine.) 265 F : le (« Quelz droictz te sont, de droict, eschus ? » La Mère de ville.) 266 F : le (Je me fonde sur les Arts.) 267 F : barbata 268 F : pourrez 269 F : Barbette (Corr. Koopmans.) 270 Ce n’est pas la seule pièce dont « Amen ! » constitue le dernier vers, au détriment de la mesure et de la rime : voir par exemple la Confession Margot.
LES BRUS
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LES BRUS
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En Normandie, une bru était une fille de joie : « Cherchez ailleurs vostre proye, / Faux pères grisards [sournois Cordeliers] ! / Et ! pensez-vous que je soye / La bru des caffards [des religieux hypocrites] ? » Deux amoureux du bransle.
Cette farce écrite vers 1536 nous montre deux brus qui viennent d’entrer dans la carrière, et qui accueillent religieusement les sages conseils d’une mère maquerelle que même des moines débauchés ne réussiront pas à détourner de ses devoirs.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 37.
Structure : Rimes plates, avec un rondel double, 3 triolets et 4 quatrains à refrain.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
À cinq personnages, c’est asçavoir troys Brus et deulx Hermites.
[ LA VIELLE BRU, Trétaulde
LA PREMIÈRE BRU
LA SECONDE BRU
LE PREMIER HERMITE, frère Ancelot
LE DEUXIESME HERMITE, frère Ancelme ]
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LA VIELLE BRU commence [en chantant 1].
Je suys nommée la vielle bru, SCÈNE I
De toutes aultres brus gouvernante.
Tant à Meulenc comment à Mante2,
Partout j’ay « moulu » orge et gru3.
5 J’ay eu l’esp[e]rit sy agu4,
J’ey porté « lance » sy mouvante5.
J’ey esté sy remuante.
Homme ne craignoys, plain d’argu.
Je suys nommée la vielle bru,
10 De toutes aultres brus gouvernante6.
Gouvernée me suys en temps deu.
J’ey partout « combat » atendu ;
J’ey esté à « l’assault » entrante
Sans poinct desmancher7, je me vante,
15 Ne doubtant 8 corps grand ne menbru.
Je suys nommée la vielle bru,
De toutes aultres brus gouvernante.
Tant à Meulenc comment à Mante,
J’ey partout moulu orge et gru.
20 Je suys nommée la vielle bru.
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Çà ! filles, parlez à moy dru !
Faictes record9 de vostre affaire.
Quel train voulez tenir et faire ?
Parlez, vous, la plus congnoissante10.
LA PREMIÈRE11 BRU
25 Ma foy, dame la Gouvernante,
Tant que je soys fille vivante,
Je tiendray l’estat de brurye12.
LA VIELLE BRU
Et vous ?
LA SECONDE BRU
Soublz vostre seigneurye,
De brus porteron le guydon13.
30 Mais à vous nous recommandon,
Qu’il vous plaise nous gouverner,
Nous instruyre et [nous] enseigner
Là où bien nous14 nous puissions [p]estre.
LA VIELLE BRU
Puysque vous voulez à moy estre,
35 Y fault que ce mot je relate :
Je seroys bien chiche et ingrate
Sy par moy n’estiez bien pourveu[e]s.
De plusieurs vous serez [bien veues]15,
Et de tous estas16 tâtonnés.
40 Mais jamais ne vous estonnez
Sy quelqu(e) un vous vient mugueter17 :
Ne le veuillez pas despiter18 ;
Gouvernez-lay à son estape19
Tant qu’il soyt prins à vostre atrape.
45 S’il est de vous bien alêné20,
Y sera à demy danné
Le jour qu’i ne vous aura veue21,
Pensant que22 serez devenue.
Cuydez-vous que dessoublz la nue
50 Il y a de[ulx] sortes de brus.
J’en ay veu tropes comme grus23,
Qui se faisoyent fraper et bastre
Pour suyvre un povre gentilastre24
Qui n’a25 rien au pays de Bray.
55 C’est mal entendu sa Guybray26,
C’est mal excersé son vacat 27.
J’ey congneu tel esperlucat28
Et tel griffeur29 de parchemin :
Quant ilz trouvoyent à leur chemin
60 Des brus, il[z] les vouloyent forcer.
LA PREMIÈRE BRU
Ne nous veuillez pas adresser
À leurs mains, au nom de sainct Gille !
LA V[IELL]E BRU
Taisez-vous, ma petite fille :
Je ne suys pas sy incensée
65 Que vous ne soyez bien pencée30,
Cheulx l’oste31 où je vous logeray.
LA SECONDE BRU
En tout lieu je vous suyviray32,
Aussy, dame la Gouvernante.
LA VIELLE BRU
Je suys assez recongnoissante
70 Pour vous bien loger, par sainct Bon !
Moy, je sçay bien où il faict bon :
J’ey esté bru en tout pays
Là où les brus sont obaÿs33.
[Car] j’ey esté bru gascongnante,
75 Bru bretonne, bru bretonnante,
Bru espaignolle34, bru bourguygnonne,
Bru de Berry, bru de Soulongne35,
Bru canaise, bru pouétevyne36,
Bru de Bessin, bru angevyne37,
80 Bru de Touraine et bru guespine38,
Bru de Calais39 (on nous lopine !),
Bru prouvencelle, bru lyonnoyse,
Bru de Marceille, bru navaroyse,
Bru loraine et bru bourbonnoyse,
85 [Bru beaulceronne et bru cauchoyse,]40
Bru de [la] Brye et bru troyenne,
Bru de la Bresse41 et de Rouenne,
Bru de Melun42 qui est sur l’eau,
Bru d’Harcourt43 et bru de Bordeau44,
90 Bru d’Évereulx45, de Dreulx, de Chartre,
Bru de Paris et de Monmastre46,
Bru de La Roche et de Vernom,
Bru de Loviers et de Gaillon47,
Bru de La Bouille et Moulineaulx,
95 Bru des isles par tout les eaulx48,
Bru [de Sainct-Aubin]49, Dernétal ;
Bru partout, tant amont qu’aval :
Bru de Gournay, bru de Beauvais,
Bru Sainct-Vivien50, bru Sainct-Gervais,
100 Bru de Dieppe, bru du Tréport,
Bru d’Arques. Sans en dire tort51,
De Rouen, je n’en parle poinct.
LA PREMIÈRE BRU
Et pourquoy ?
LA VIELLE BRU
In Jen ! On [ne démesle]52 poinct
Les brus d’avec les courtizainnes :
105 Car il font tant les bravouzainnes53
Que les plus ruzés y54 sont prins,
Quoy qu’ilz souent55 sages et bien aprins.
J’ey veu bru demy trésallée56
Qui, de craincte d’estre hallée57,
110 Portoyt cachenés58 sur son vyaire
Ainsy c’une mille-souldière59.
J’ey veu bru (non forte à congnoistre60)
Qui, de l’amuche61 de son maistre,
A faict reborder sa costelle62 ;
115 Et sy, contrefaict63 la pucelle.
J’ey congneue bru garnye d’escus64
Qui, d’un aful de monacus65,
A faict abit qu’el portoyt bien ;
Et sy, faict la femme de bien.
120 J’ey veu bru sy sientifique66 :
Pour parler à un de pratique67,
Portoyt procès soublz son esselle68
Affin qu’il eust accès à elle69.
Dieu ! qu’el estoyt, en parler, ferme !
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LE PREMIER HERMITE SCÈNE II
125 Et ! bonavita70, frère Ancelme !
LE DEUXIESME HERMITE
Bon adjournus71, frère Ancelot !
LE PREMIER HERMITE
Quant burons-nous jusqu(e) à la lerme72 ?
Et ! bonavita, frère Ancelme !
LE DEUXIESME HERMITE
Aujourd’uy : ce n’est pas long terme73.
LE PREMIER HERMITE
130 Sans faulte, je boiray74 d’un pot.
Et ! bonavita, frère Ancelme !
LE DEUXIESME HERMITE
Bonajournus, frère Ancelot !
Que faictes[-vous] cy, mon valot75 ?
Estes-vous de quelc’un en doubte76 ?
LE PREMIER HERMITE
135 Je fais le guet ; et sy, escouste
Trétaulde77 qui instruict des brus.
Et ! nous qui sommes fort membrus78,
Au[r]ons-nous poinct l’invention79
D’en avoir la possession
140 D’une, pour passer nostre envye ?
LE DEUXIESME HERMITE
Frère, ce seroyt bonne80 vye.
LE PREMIER HERMITE
Nous sommes de vin sy œuillés81,
Et dedens le corps sy rouillés,
Que de nous n’est que pouriture.
LE DEUXIESME HERMITE
145 Faulte ?
LE PREMIER HERMITE
D’opérer de nature82.
LE DEUXIESME HERMITE
Par monsieur sainct Bonne-Advanture !
Frater méy, béné volo83.
Mais el est sy faicte au haulo84
Qu’el n’a ne pityé ne pitace85
150 De frère portant la besache86.
LE PREMIER HERMITE
Alons saluer la bécace.
Que fust-el87 au pas de Calais !
LE DEUXIESME HERMITE
Testor Déos immortalais88 !
LE PREMIER HERMITE
Frater, que venez-vous de dire ?
LE DEUXIESME HERMITE
155 Je vouldroys qu’el fust à l’Empire89 !
Par Testor Déos immortalays !
LE PREMIER HERMITE
Autant magistral90 que valés,
Vous blasphesmez les dieulx estranges91.
LE DEUXIESME HERMITE
Il n’y a séraphin ny anges92
160 Qui me seussent éberluer93
Que je ne l’aille saluer,
Et réciter94 ce que je pence.
LE PREMIER HERMITE
Alons-y tous deulx d’atrempence95
La saluer à nostre guise,
165 Faisant de la langue faintise96
En donnant accès à noz mos97.
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LA VIELLE BRU SCÈNE III
Voécy deulx frères Frapabos98
Qui viennent à nous disputer.
Nule ne se veuil[l]e haster
170 De parler ; car, par sainct Symon,
Nous séron se99, sur leur poulmon,
Il100 y a rien d’inestimable101.
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LE PREMIER HERMITE SCÈNE IV
Ma Dame, soyez secourable
Aulx pauvres frères hermytaulx
175 Qui n’ont pécunes ne métaulx102,
Et boyvent de l’eau tous les jours103 !
LA VIELLE BRU
Frère[s], il n’y a rien pour vous.
LE DEUXIESME104 HERMITE
A ! thésaurière105 de sancté,
Je priray sancta et san[c]te106
180 Qu’i vous préserve de la toux.
LA VIELLE BRU
Frère[s], il n’y a rien pour vous.
LE PREMIER HERMITE
Hélas ! jenne107 bru crestïenne,
Vous avez la chair tendre et jenne
Pour faire roidir les… genoulx108.
LA VIELLE BRU
185 Frère[s], il n’y a rien pour vous.
LE DEUXIESME HERMITE
Vous avez le viaire angélique.
Quel109 embrasser, telle relique,
Beau regard gratieulx et doulx.
LA VIELLE BRU
Alez, il n’y a rien pour vous !
190 Vous estes fors110 à escondire.
LE PREMIER HERMITE
Nous avons un mot à vous dire.
LA VIELLE BRU
Et quel ?
LE PREMIER HERMITE
S’y vous venoyt à gré111,
En payant à nostre degré112,
N’arions-nous poinct une venue113
195 D’une de voz brus toute nue ?
LA VIELLE BRU
Alez, grosse beste cornue !
Alez, grisars114 ! Alez, sousdextre !
Comment ? Esse à vous à congnoistre
Que c’est que du fémi[n]in gerre115 ?
LE DEUXIESME HERMITE
200 Dieu nous a mys dessus la terre,
Hommes roydes, fors et puissans,
Et de noz menbres joÿssans
Comme [d’]aultres, en vérité.
LA VIELLE BRU
Pourquoy vouez-vous chasteté116
205 (Faisans d’aultres sermens [c]assés117),
Et tous voz veulx vous délaissez ?
Alez, vous estes misérables !
LE PREMIER HERMITE
Telz estaz sont dissimulables
Et dificilles à congnoistre.
LA VIELLE BRU
210 Retirez-vous en vostre clouestre118,
Gens remplys de déception119 !
O ! la malinne invention,
Que le corps d’un hermite120 chainct
Soyt [d’]un habit polu et faint121 !
215 Retirez-vous en vostre escorce122 !
LE DEUXIESME HERMITE
Nous aurons voz deulx brus par force !
LA SECONDE BRU
Vous mentirez123, loups affamés !
LE PREMIER HERMITE
S’il ne vous vient de la renforce,
Nous aurons voz deulx brus par force.124
LA VIELLE BRU
220 Vaillante seray à la torche125 :
[Par mes mains serez assommés !]
LE DEUXIESME HERMITE
Nous aurons vos deulx brus par force !
LA PREMIÈRE BRU
Vous mentirez, loups affamés !
Pensez-vous de nous estre aymés
225 Malgré la nostre volonté ?
LA VIELLE BRU
Vous avez voué chasteté,
Et semblez gens à demy sainctz.
Vous estes de cautelles plains126
Et voulez ravir ces deulx filles
230 Par voz actes ordes et villes127.
LE PREMIER HERMITE
Quant nous som[m]es aulx bonnes villes,
Ne128 faisons les frères Frapars ;
Mais aux champs, [sommes droictz]129 liépars
À poursuyvir filles et femmes.
LA VIELLE BRU
235 Voz actes sont donques infâmes.
LE DEUXIESME HERMITE
Quant nous alons par les maisons,
Nous sommes pâles et deffaictz,
Disons130 salmes et oraisons
Pour ceulx qui nous ont des biens faictz ;
240 Mais aulx champs, sommes contrefaictz131,
Chantant chansons vindicatives
Avecques paroles laccives.
Dont, dame la Gouverneresse,
Faictes-nous de voz brus largesse132,
245 Soyt par force ou par amytié.
LA VIELLE BRU
Hermites estes sans pityé.
Voulant user de félonnize,
Vous avez sur nous la main mise.
Enquestes de vous seront faictes133.
LA PREMIÈRE BRU
250 Nous vous pensions comme prophètes,
Prédicans134 comme bons enseignemens ;
Mais voz malingtz desreiglementz135
Font vostre estat mal estimer136,
Par quoy nul ne vous peult aymer.
LA SECONDE BRU
255 J’ay ouÿ dire aulx gentz antïens137
Que toulx ceulx ne sont pas scïens138,
Portant habit dissimulé139.
Par quoy, vostre faict calculé140,
Pour hermites frans141 je vous prens.
LA VIELLE BRU
260 De parler à vous j’entreprens,
Gros grisars, grisons142 grisonniers,
Gros mesles143, griffons144, gros âniers !
Voulez-vous les brus gouverner ?
Alez-vous-ent entavernerl45,
265 Et vous tenez en voz cavernes146,
Et faictes de vessies147 lanternes !
Adieu, mes frères cou[v]éteulx148 !
Sy j’ey des brus, esse pour eulx ?
Qu’on les149 maine toute la course !
270 Y me fault bien meilleure bourse
Qu’à telz gens on leur habandonne150 :
Et ! y n’ont rien, s’on ne leur donne.
[LE DEUXIESME HERMITE]
Voy(e)là merveilleux argumens !
LE PREMIER HERMITE 151
Poinct d’argent, marchande ? Tu mens !
275 Voy(e)là des escus à planté152 :
Encor cent et un153, tout compté,
Pour les payer de leur salaire,
S’y veulent à noz154 deulx complaire.
Mais premier qu’on en jouisson155,
280 Y fault c’un petit nous danson
Un bran156 de quelque inve[n]tion.
LA VIELLE BRU
Mectez-moy en possession
De la bource pécunyeuse.
LE PREMIER HERMITE
Tenez, la voy(e)là, plantureuse157.
285 Or çà, ma petite amoureuse,
Y nous fault un peu piétonner158.
Et puys nous irons desjuner
D’un [ouéson à]159 la Petite Oye160.
LE DEUXIESME HERMITE
Argent [nous] faict partout la voye161.
LA VIELLE BRU
290 Qui a argent, il a des brus.
LE PREMIER HERMITE162
Tant en Piedmont comme en Savoye163,
Argent [nous] faict partout la voye.
LA SECONDE BRU
Qui porte argent, il porte joye,
Autant esbarbés164 que barbus.
LE PREMIER HERMITE
295 Argent [nous] faict partout la voye.
LA VIELLE BRU
Qui a argent, il a des brus.
Aultre choze je ne conclus.
Avant que partir de ce lieu,
Un petit bran165 pour dire adieu.
300 Pourtant, s’on166 n’avon poinct musique,
Pas ne diminuez vos167 don[s].
À vous nous nous recommandon[s] :
Jeu nouveau couste à qui l’aplicque168,
C’est [là] une chose autenticque.
305 En prenant congé de ce lieu,
Or dansons [bran] pour dire adieu !
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FINIS
*
1 Il est d’usage qu’un poème à forme fixe au début d’une farce soit chanté ; ce rondel double (amplifié tardivement de 4 vers) devait l’être comme les autres. Les trois brus sont sur une place ; tapi dans un coin, le 1er ermite les observe. 2 À Meulan comme à Mantes. Ces deux communes des actuelles Yvelines sont limitrophes de la Normandie. Comment = comme : cf. Maistre Mimin estudiant, vers 374. 3 Et du grain mondé. L’action répétitive du moulin fournit une métaphore du coït : « Ilz s’en allèrent tous deux coucher, & en jouant ensemble & passant le temps, commencèrent à moudre fort & ferme. » Pierre de Larivey. 4 Le désir si aigu. Jeu de mots sur épris : enflammé par le désir. « Elle a l’esperit sy souldain/ Qu’il ne luy fault paille ne grain,/ Mais que souvent on la “baculle”. » Rondeau. 5 Qui bougeait tant. Nous abordons maintenant le registre érotico-militaire. 6 Qu’une même faute soit reproduite dans tous les refrains prouve que le copiste précédent n’a noté que le début des redites, et que le copiste actuel les a complétées d’après un 1er refrain fautif ; c’est encore le cas pour les refrains de 292 et 295, qui reproduisent la faute de 289. Voir la note 91 de Maistre Mimin estudiant, et la note 23 de Régnault qui se marie. 7 LV : desmarcher (Sans être désarmée.) Sans perdre le « manche » de mon client. « Soudain que la gouge on emmanche,/ Luy rebailler le picotin,/ Si l’instrument ne se desmanche. » Guillaume Coquillart. 8 Ne redoutant aucun. Membru = bien membré. Idem vers 137. 9 Le récit. 10 La plus âgée des deux. 11 LV : iie (Pour plus de lisibilité, je numéroterai les personnages en toutes lettres.) 12 Le métier de la prostitution. 13 L’étendard. 14 LV : pour (L’endroit où nous pourrons bien nous repaître, nous enrichir. « Où nous puissions nous paistre de contes. » Jacques Faye.) 15 LV : veuz 16 Par des hommes de toutes conditions. 17 Conter fleurette. 18 Dédaigner. 19 Prenez-le au piège amoureux. « Amour (…),/ Rends-le-moy pris à ton estappe ! » Antoine Le Maçon. 20 Piqué comme par une alêne, un poinçon. « Ceulx qui par avant l’acolloient (…)/ En sont picqués et alênés. » Moralité à cincq personnages. 21 LV : veuee (Le jour où il ne vous aura pas vue.) 22 Se demandant ce que vous. 23 Des troupes aussi nombreuses qu’un vol de grues. 24 Gentilhomme de bas étage. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 139. 25 LV : nauoyt (Le pays de Bray sépare la Normandie de la Picardie.) Double sens : Qui n’a rien dans ses braies, dans sa culotte. 26 Cette foire normande donna lieu à quelques expressions : « Trotter (…)/ Plus dru qu’à la Guibray ne courent les mazettes [les canassons]. » (La Muse normande.) Mais celle-ci n’est pas connue. Émile Picot l’interprète : « C’est faire un mauvais marché. » Recueil général des sotties, t. III, pp. 79-97. 27 Sa vacation, son service. 28 Un porteur de perruque, un juge. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 70 et note. 29 LV : griffon (Tel clerc de justice, dont la plume mal taillée griffe le papier. C’est l’origine du verbe griffonner.) Le parchemin désigne aussi le pubis d’une femme : cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note. 30 Bien pansée, bien traitée. 31 Chez l’hôte : dans la maison de passe. 32 Suivrai (normandisme). Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 179. 33 Obéies, respectées. 34 Basque : la bru n’a jamais officié à l’étranger. 35 De Sologne. 36 De Caen (en Normandie), du Poitou. 37 Du pays Bessin (en Normandie), d’Anjou. 38 Orléanaise. On comparait les habitants d’Orléans à des guêpes : « Une dame d’Orléans, gentile et honneste encores qu’elle fust guespine. » Bonaventure Des Perriers, 39 LV : gallere (Calais était encore occupé par les Anglais ; c’était donc, pour le pouvoir, un sujet tabou que la censure théâtrale expurgeait : voir par exemple la note 29 de Pour le Cry de la Bazoche. En remplaçant Calais par les galères, nos acteurs ont contourné la censure avec une belle insolence.) On nous lopine = les Anglais vendent la France à la découpe, parcelle après parcelle. « LOPINER : To cut into gobbits, part into cantles, divide into lumps. » Cotgrave. 40 Vers manquant, que chacun remplira selon ses accointances géographiques. 41 LV : bresle (Rouenne = Roanne.) 42 LV : mil un (Le cœur médiéval de Melun est une île.) 43 LV : de court (Harcourt est une commune normande, comme les deux suivantes.) 44 LV : bleau (Bordeau, dans l’actuel département de Seine-Maritime. Voir le vers 119 de la Fille bastelierre, une pièce de la même époque et de la même région qui égrène souvent les mêmes localités normandes.) Et n’oublions pas l’inévitable calembour sur Bordeau et le bordeau [le bordel] : « Des femmes de Bordeau. » Les Sotz fourréz de malice. 45 D’Évreux, dans l’Eure. 46 Montmartre était encore un village indépendant de Paris. 47 Louviers et Gaillon, dans l’Eure. Cf. la Fille bastelierre, vers 153. 48 Des îles normandes de la Seine. « À La Bouille et à Moullineaux,/ Et à toutz ceulx d’entour les eaux. » La Fille bastelierre. 49 LV : par tout a (Saint-Aubin-sur-Mer et Darnétal sont en Seine-Maritime.) « Tout partout, à mont et à val,/ À Sainct-Aubin, à Dernétal. » La Fille bastelierre. 50 LV : sainct julien (Saint-Vivien et Saint-Gervais sont deux paroisses populaires de Rouen. Voir le v. 206 des Sobres Sotz, le v. 127 de la Fille bastellière, et le v. 72 du Clerc qui fut refusé.) 51 LV : mot (Sans en dire de mal.) 52 LV : nen parle (Contamination du vers précédent.) On ne distingue pas. « On ne démesle pas aisément le vray dévot d’avec l’hypocrite. » Dict. de l’Académie françoise. 53 Elles font tellement les braves, les élégantes. « Cest habit-là fut coint, joly et court,/ Ainsi qu’on voit aux bravousins de Court. » Le Passetemps et songe du Triste. 54 LV : ilz (L’expression exacte est : « Que les plus rouges y sont pris. » La Pippée.) 55 Soient. Cf. les Povres deables, vers 264. 56 À moitié morte de vieillesse. Cf. la Mère de ville, vers 177. Nous entrons dans la critique des mœurs rouennaises, telle que la pratiquaient les Conards de Rouen : on leur défendait de nommer leurs victimes, mais ils s’arrangeaient pour qu’elles soient reconnaissables. 57 D’être hâlée, brûlée par le soleil. En fait, elle veut dissimuler ses rides. 58 « Un cache-nez : Un masque de femme. » (Antoine Oudin.) On disait aussi un cache-laid. Viaire [visage] se retrouve à 186 ; cf. Frère Frappart, vers 128. 59 Qu’une riche veuve qui peut dépenser 1000 sous par jour. « Ne connoissez-vous point une vefve apellée Géronte ? Tous ces gens du menu peuple disent qu’elle est mille-soudière, c’est-à-dire, en leur langage, qu’elle a cinquante francs de rente par jour. » Charles Sorel. 60 Pas très difficile à reconnaître. Voir la note 56. 61 En recyclant l’aumusse [le capuchon fourré] du prêtre avec lequel elle couche. « Baillant une amuche au Badin. » Science et Asnerye. 62 A fait border de fourrure sa petite cotte [son jupon]. 63 LV : contrefaisoyt (Le vers 119, sur le même modèle, est lui aussi au présent.) Et pourtant, elle joue les pucelles. 64 C’est bien ce qu’on lit dans le ms. Les trois éditions modernes ont lu dessus, ou même dessous. « Un gros coquin garny d’escus. » Les Caquets de l’accouchée. 65 Avec le froc d’un moine. 66 Savante. 67 À un juriste. Cf. les Povres deables, vers 132. 68 Elle portait sous son bras les pièces d’un procès. 69 Pour qu’il ait une occasion de l’aborder. 70 Bonne vie ! Les deux ermites, qui sont en fait des moines cordeliers*, pratiquent le jargon de ces anciens collégiens que sont les clercs. Ancelot, qui est en train d’espionner les brus, salue Anselme qui vient vers lui. *Dans le même manuscrit, le Porteur de pénitence met en scène deux ermites qui sont de « vrays Frères myneurs », c’est-à-dire des Cordeliers. On les traite d’ailleurs selon leur rang : « Ce sont deulx convers ypocrites…./ Quelz fripelipes [goinfres] ! » 71 Bonjour ! On peut lire cette salutation de collégiens sous une forme à peine plus tolérable au vers 21 de la Résurrection de Jénin Landore. 72 Quand boirons-nous jusqu’à ce que les larmes nous en viennent aux yeux ? « Il avoit beu par tel compas/ Qu’il avoit les larmes à l’ueil. » Le Gaudisseur. 73 Nous boirons aujourd’hui, ce n’est pas un délai trop long. 74 LV : donray 75 Mon compagnon. 76 Avez-vous peur de quelqu’un, pour vous être caché de la sorte ? 77 C’est le nom de la maquerelle. Et c’est également le nom d’une fille facile dans Jehan de Lagny. 78 Sur le grand manche des Cordeliers, voir la Folie des Gorriers, vers 267 et note. 79 Le moyen. Cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 407. 80 LV : demy (C’est la traduction du bona vita de 125. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 178.) 81 Aouillés : remplis jusqu’à l’œil [jusqu’à la bonde], en parlant de tonneaux. « Qui aoillé furent de vin. » Godefroy. 82 Faute de copuler. « Ainsi n’est-il de ton bragmard [braquemart] : car par discontinuation de officier et par faulte de opérer, il est, par ma foy, plus rouillé que la claveure d’un vieil charnier. » Rabelais, Tiers Livre, 23. 83 Mon frère, je veux bien (copuler). 84 Trétaude est si habituée à commander. « Ilz sont tous à la poste [aux ordres] de la dame, qui les a faits au holo. » XV joyes de Mariage. 85 Augmentatif plaisant de pitié. « Je n’en ay pitié ne pytasse. » ATILF. 86 Les moines des ordres mendiants mettent ce qu’on leur donne dans une besace. 87 Si elle pouvait être chez les Anglais ! Il n’y avait « pas de Calais », puisque cette ville n’appartenait plus à la France ; voir la note 39. 88 Testor deos immortales ! [J’en atteste les dieux immortels.] Cette invocation quelque peu païenne de Sénèque réjouissait les collégiens de France et d’Italie. 89 Chez l’empereur Charles Quint, qui était alors le pire ennemi de François Ier. 90 LV : magistraulx (Aussi maître en théologie qu’un valet.) 91 Étrangers, païens. « Dieu dit en ce lieu : “Tu n’auras point de dieux estranges !” » Jean de Lavardin. 92 Dessous, le copiste a noté puis biffé les vers 187-191. Ils sont d’ailleurs moins fautifs dans cette version, que je garderai plus bas. Ces variantes prouvent une fois de plus que le scribe du La Vallière ne respectait pas l’orthographe de son manuscrit de base. 93 Qui puissent m’éblouir au point. « La clarté (…)/ L’aveugle et l’esberlue. » Godefroy. 94 Et lui dire. 95 En douceur. 96 LV : faintisse (Des feintes, des fausses promesses.) 97 En libérant nos paroles. 98 Des frères Frapparts, comme au vers 232 ; c’est-à-dire des moines paillards. Cette injure vise principalement les Cordeliers : voir la notice de Frère Frappart. 99 LV : que (Nous saurons si, dans l’aumônière qui pend à leur col, à hauteur de leur poumon.) « Nous en sérons très bien l’usage. » Sottie normande de Troys Galans et un Badin. 100 LV : sil 101 LV : disnimable (S’il y a quelque chose de précieux.) 102 Ni pièces de métal précieux. 103 Et n’ont pas de quoi s’offrir du vin. Par chance, les brus n’ont pas entendu les vers 127-130 et 142. Les Normands amuïssaient le « r » de jou(r)s. 104 LV : p 105 Trésorière, dispensatrice. La Vierge Marie était la « thésorière de grâce ». 106 Anselme veut latiniser l’expression « prier saintes et saints ». Mais il s’empêtre dans une formule qui signifie « sainte, et saintement » : « Matrimonium est res sancta, et sancte tractadum. » « Ista sancta, et sancte pudica domus. » 107 Prononciation normande de « jeune », comme à la rime du vers suivant. Voir la note 51 de la Résurrection de Jénin Landore. 108 Ancelot a failli dire « les plus mous ». 109 Tel. À telle relique, tel baiser. Les pèlerins embrassaient les reliques des saints : cf. le Dyalogue pour jeunes enfans, vers 65. 110 Difficiles. Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 213 et note. 111 LV : grey (Je corrige la même fantaisie du copiste à la rime.) Si vous l’acceptiez. 112 Selon nos moyens. 113 LV : estendue (Un coït. « N’aurai-ge poinct une venue/ De la femme de mon mounyer ? » Le Poulier à sis personnages.) Cf. la Fille bastelierre, vers 21. 114 LV : grissars (Grisard est une insulte contre les Cordeliers, qui sont vêtus de gris. Idem vers 261.) Un soudestre est un soudard, un mufle : cf. le Trocheur de maris, vers 44. 115 Ce qu’est le genre féminin, ce qu’est une femme. « Où plusieurs se sont acoustrés/ En estat de fémynin gerre. » Troys Pèlerins et Malice. 116 Faites-vous vœu de chasteté. 117 Rompus, non tenus. « Qui tant de sermens ont casséz. » ATILF. 118 Dans votre cloître, votre monastère. 119 De fourberie. 120 LV : habit (Anticipation du vers suivant.) Soit ceint, soit revêtu. La prononciation chuintante est normande : « Vostre robe (…) chainte ou troussée. » Le Gentil homme et Naudet. 121 LV : sainct (Correction d’Émile Picot. Le « f » gothique [f] est souvent confondu avec le « s » long [ſ].) Impur et hypocrite. 122 Dans votre coquille, comme les Sots, qui naissent dans des œufs. 123 Vous n’aurez pas dit la vérité. 124 LV intervertit ces 3e et 4e vers du triolet. Et il oublie le 6e. 125 À vous donner des coups. « Si ne craignois d’avoir la torche,/ Je vous dirois quelque finesse. » (Le Badin, la Femme et la Chambrière, BM 16.) J’ajoute dessous un vers pour compléter le triolet ABaAabAB. 126 LV : plainctz (Pleins de ruse.) 127 Sales et vils. 128 LV : nous (Nous ne nous comportons pas comme des satyres.) « Hermite suis, frère Frapart / Qui maint “connin” broche sans lard. » Les Triomphes de l’Abbaye des Conards.) 129 LV : droictz demy (Ce vers sert de modèle au vers 240.) Nous sommes de véritables léopards. Cf. les Sotz triumphans, vers 9. 130 LV : en disant (Ce vers suit le modèle du vers 232.) Nous disons des psaumes. Les moines mendiants quémandaient la charité en échange de prières. 131 Fourbes. LV répète dessous le vers 239. 132 Offrande. 133 Vos supérieurs enquêteront sur vous. 134 Prêchant. 135 LV : enseignementz (à la rime.) Vos diaboliques débordements. « Des désordres et desreiglemens qui se commettoient dans les monastères. » Archives de Reims. 136 LV : enseigner (« Qui le face mal estimer & priser. » Christine de Pizan.) Font mal juger votre statut de moines. 137 Aux anciens. La diérèse est obligatoire : « Aux ancïens n’appartient plus. » Les Gens nouveaulx. 138 Que ces moines ne sont pas tous sages. 139 Qui portent un habit trompeur. En somme, l’habit ne fait pas le moine. 140 Ayant considéré vos actes. 141 Affranchis de votre Règle, défroqués. 142 LV : grissars grissons (Cordeliers <note 114>, étalons aux cheveux gris. Dans Ung jeune moyne, le vieux rival du moine se compare à un grison qui peut encore « trotter » avec une femme.) 143 Merles : diseurs d’obscénités, comme les merles qu’on met en cage pour leur apprendre à dire « maquereau ». « Tu parles aussy droyt c’un mesle/ Qui est en la cage. » Messire Jehan. 144 Ravisseurs. « Tendans les mains comme un griffon/ Qui veut ravir quelque pasture. » Vie de sainct Mathurin. 145 LV : en tauerner (Allez vous cloîtrer dans une taverne. « Mais dame Gloutenie [gourmandise] se fait ore maistresse :/ Gens fait entavrener. » ATILF.) 146 Certains ermites vivaient dans une grotte. 147 LV : vesis (Transformez votre vessie en lanterne.) 148 Convoiteux (normandisme). Trétaude va s’adresser au public. 149 LV : leur (Qu’on les emmène au pas de course.) « Luy-mesme, à l’hospital s’en va toute la course. » Du Bellay. 150 Que celles qu’on abandonne à ces gens. 151 Il sort une bourse. 152 En quantité. 153 101 écus d’or pour deux prostituées, c’est une plaisanterie de l’auteur ou une faute du copiste. Le Mince de quaire loue deux filles pour « ung escu d’or fin » et quatre pommes. 154 Nous (normandisme). 155 Avant que nous jouissions d’elles. 156 Un branle de Normandie. Idem vers 299. « Qui no fezet danser des courante nouvelle,/ Des gavotte et des brans. » (La Muse normande.) Le branle est une danse lubrique parce que les femmes troussent leur robe : cf. le Savatier et Marguet, vers 75 et note. 157 Bien garnie d’argent. Cf. le Résolu, vers 309. 158 Piétiner sur place, danser. 159 LV : gras ouesson (L’oison est le petit de l’oie. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 392.) 160 LV : ouee (Je corrige ici et aux 5 rimes attenantes un des tics du copiste de ce ms., qui consiste à redoubler le « e » de la désinence féminine.) La Petite Oie est une taverne de Rouen. Mais cette locution désigne aussi les caresses préliminaires : cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 213 et note. 161 LV : voyee (Nous ouvre partout la voie, y compris dans une acception érotique : cf. les Botines Gaultier, vers 137 et note.) 162 LV : hru 163 « Le style général de la composition ne permettant guère de la placer après le règne de François Ier, il est probable qu’il y a ici une allusion à la conquête de la Savoie et du Piémont par ce prince au commencement de l’année 1536. » Émile Picot, p. 80. 164 Aussi bien les rasés [les ecclésiastiques] que les amoureux. Cf. les Povres deables, vers 14. 165 Un branle à danser, comme au vers 281. Double sens, confirmé par le fait que Trétaude retrousse sa robe pour mieux danser : un petit excrément. Cf. le Munyer, vers 490. 166 Si nous (normandisme). La troupe n’a pas les moyens de s’offrir un musicien. Notre farce n’a donc pas été jouée par les Conards de Rouen, qui ne faisaient rien sans musique. 167 LV : nostre (Ne soyez pas moins généreux quand nous allons passer parmi vous pour faire la quête.) Les comédiens du Bateleur quêtent eux aussi parmi le public : « De vos dons, riens ne comprenons…./ Sy on donne peu, c’est tout un. » 168 Une création dramatique coûte cher à ceux qui la montent : il faut faire copier le livret en plusieurs exemplaires, organiser suffisamment de répétitions, se procurer des costumes et créer le décor.
LÉGIER D’ARGENT
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LÉGIER D’ARGENT
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Être léger d’argent, c’est être pauvre. Le public adore qu’on lui montre des pauvres, même et surtout s’il n’est guère plus fortuné qu’eux. Le fin du fin, c’est l’ancien riche, et en particulier le noble qui a tout perdu au jeu ou à la Cour1 : on rit de ces nouveaux pauvres dans Marchebeau et Galop, Mallepaye et Bâillevant, le Capitaine Mal-en-point, etc. La farce parisienne de Léger d’Argent, écrite en 1512, oppose un nobliau ruiné qui veut passer pour ce qu’il n’est plus, et son valet, qui démonte avec une cruauté jubilatoire la comédie que joue son maître. Ce couple inséparable servira de modèle au Gentil homme et son Page.
Source : Recueil de Florence, nº 25. J’ai dû faire un peu de ménage entre les vers 66 et 332 inclus : l’éditeur, tout comme celui de Pernet qui va à l’escolle, nous a légué un puzzle dont nous devons remettre les pièces dans l’ordre sous peine de ne rien comprendre à l’action. Et nous découvrons alors que l’auteur est un dramaturge aguerri qui file comme une flèche, et non plus un tâcheron poussif qui fait un pas en avant et deux pas en arrière, comme on l’a cru jusqu’à présent.
Structure : 2 rondels doubles consécutifs. Tercets aab aab, rimes plates. Un triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle à
quatre parsonnaiges de
Légier d’Argent
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C’est assavoir :
JAQUET
LÉGIER D’ARGENT
LA VIEILLE
et LE PAIGE
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JAQUET commence [en chantant] 2
Arrière, arrière, arrière, arrière 3 ! SCÈNE I
Monsieur est, à présent4, descendu.
Et, sur peine d’estre pendu,
Chascun desc[u]euvre sa testière5 !
5 Chascun lui face bonne chière6,
Et par Dieu luy sera rendu7.
Arrière, arrière, arrière, arrière !
Monsieur est, à présent, descendu.
[Légier d’Argent]8, tout morfondu,
10 Vous vient veoir, dans9 sa grant banière.
Ung peu est demouré derrière ;
Pour tant10, je vous dy en temps deu :
Arrière, arrière, arrière, arrière !
Monsieur est, à présent, descendu.
15 Et, sur paine d’estre pendu,
Chascun desc[u]euvre sa testière !
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LÉGIER D’ARGENT SCÈNE II
Je suis nommé Légier d’Argent11.
Et si, suis maistre de Jaquet,
Lequel me servoit d’ung naquet12 ;
20 Encor(e) me sert-il à présent !
J’ay de l’honneur plus que n’ont cent,
Sans penser point à mon acquet13.
Je14 suis nommé Légier d’Argent,
Et suis le maistre de Jaquet.
25 Je fuz, premier, porte15 bacquet,
Serviteur au pape Innocent16.
Et aprèz, je fuz président17.
Tant que, pour finer mon caquet18,
Je suis nommé Légier d’Argent,
30 Et suis le maistre de Jaquet,
Lequel me servoit d’un nasquet,
Et encor me sert à présent.
JAQUET
(Et par deffault d’une jument,
Il va à pié le plus souvent19.)
LÉGIER D’ARGENT
35 J’ay veu, moy, de[pui]s mon enfance,
Qu’i n’y avoit que moy en France
Pour supperlatif et fringart20.
JAQUET
(Et j’ay veu, moy, [pour] sa meschance,
Batre ce villain à puissance21
40 Pource qu’il avoit mengé le lard22.)
LÉGIER D’ARGENT
Hélas ! où sont les Damoyselles
Qu’estoient si cointes23 et si belles,
De qui j’estoie maistre d’autel24 ?
JAQUET
(Hélas ! où sont les coups de pelles25
45 Qu’il a porté soubz ses esselles,
Dessus26 son dos jusqu(e) à l’hôtel ?)
LÉGIER D’ARGENT
C’est grant fait que d’ung gentil27 cueur,
Lequel, pour venir à honneur,
A esté tant entreprenant.
JAQUET
50 (C’est grant fait que d’ung maleuseur28,
Lequel a tousjours déshonneur
Et, en la fin, n’est q’un truant29.)
LÉGIER D’ARGENT
[Quand fus]30 à mon commencement,
Pour[ce] qu’estoy beau garnement,
55 Chascun, de moy avoit envie31.
JAQUET
(Mall[e] encontre [ait de Dieu]32 qui ment !
Car chascun voit bien clèrement
Qu’il est fait comme une vessie33.)
LÉGIER D’ARGENT
Je fuz, premier34, au roy d’Escosse,
60 [À qui]35 je donnay une endosse,
Parquoy je fis département36.
JAQUET
(Et maintenant, porte la croce37,
[Qu’il eut] en crossant38 une fosse
Illec39 dedens Saint-Innocent.)
LÉGIER D’ARGENT
65 En après, m’en allay à Romme,
Servir en Court ung gentilhomme,
Là où j’eux de l’honneur à flac40.
JAQUET
(Et portoit des bulles grant somme41
Dedans ce compaignon qu’on nomme,
70 En ce temps, le « Colin Bisac42 ».)
LÉGIER D’ARGENT
Mais quoy ? J’ay veu le temps passé43.
Sang bieu ! Mort bieu ! [Dea !] J’ay cassé44
Cent lances, [ce temps]45, à Millan !
JAQUET
(Vécy droictement desbrassé46
75 Jénin des Paulmes47, qu’est trespassé.
Veez-le cy48, le Povre Jouen.)
LÉGIER D’ARGENT
Qu’esse que d’ung bon esperit
Qui par bon vouloir est conduit ?
Au cueur vaillant, riens impossible49 !
JAQUET
80 (Qu’esse que d’ung Jénin Patin50,
Lequel n’a beu que du papin51,
Et maintenant fait du trèssaige ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Moy, dea, je porte bon52 crédit :
« Monsieur53 l’a fait. Monsieur l’a dit. »
85 Chascun me congnoist, en ung mot.
JAQUET
(Vécy, par le sang Antécrist54,
Encore plus meschant esprit
Que jamais si ne fut Thévot55 !)
LÉGIER [D’ARGENT]
Jaquet, tire ung peu mes brodequins56 !
JAQUET
90 Ilz sont de bon drap, et bien fins ;
Et si, sont de belle couleur…
Tenez-vous bien ferme, monsieur !
Tendez57 ung peu sur le devant.
(Vélà ung beau58 gentil gallant !
95 [Dictes,] messieurs : n’est pas mon maistre
Di[g]ne de mener les asnes paistre,
Ou [bien] de garder les pourceaulx ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qui a de l’argent à monceaux,
Ne peult-il pas gaudir59 et rire,
100 Bruire, seigner, dancer et rire,
Faire du sadinet60 mignon
En faisant les « coquilles » bruire61,
Soy démonstrant bon compaignon ?
JAQUET
(Et qui n’a rien, c’est bien du pire !
105 Et ne peult-il62 avoir regnon.)
LÉGIER D’ARGENT
Et qu’esse que d’ung franc couraige,
Et ung homme de grant lignage ?
Et ! n’esse riens, à vostre advis ?
Le sang bieu ! Une foys, je vis,
110 Ce pendant qu’estoye à la Court,
Qu’il63 n’y avoit borgne ne sourd
Qui ne criast : « Vélà Monsieur ! »
Ne vault doncques riens tel honneur ?
Et n’esse pas chose honorable ?
JAQUET
115 (Et ! ilz cri[o]yent : « [Sus] le grant Dyable ! »
Il met autrement en registre64.
Ilz cr[io]yent sur luy : « Au bélistre65 ! »
Il (y) avoit bien des enfans cent
À le batre, à66 Sainct-Innocent.
120 N’esse pas donc(ques) ung bel honneur ?)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qu’esse ?
JAQUET
Ilz cri[oy]ent tous : « Monsieur, Monsieur ! »
LÉGIER D’ARGENT
Mais vien çà ! [Dis :] au déballer67,
N’as-tu point [donc] ouÿ parler
[Des escus d’or et de l’argent]
125 Que j’ay(e) pardu au changement68,
Avec beaucoup d’autre monnoye,
Comme [mes] gra[n]s blancs69 de Savoye ?
Et ! ces grans blancz, qui sont au feu70…
JAQUET 71
Il les fault oster, qu’i ne fondent !
LÉGIER D’ARGENT
130 Demeure [icy, tu es]72 déceu !
[Que tous les dyables te confondent !]
Ilz ne sont pas au feu proprement73.
JAQUET
Je cuidoye certainement
Qu’ilz fussent au feu embraséz.
135 A, vous y avez perdu assez,
Sans tous voz aultres escus74 d’or.
Messïeurs, dictes : son trésor
En est gramment75 amenuisé,
Il en est fort appetissé.
140 Mais, mon Maistre, ne vous en chaille76 !
(Et77 ! jamais il [n’]y perdit maille.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Jaquet, on dit [en bref]78 languaige
Q’un grant et puissant parsonnage
Qu’on appelle maistre Enfumé 79
145 [A pris]80, comme a acoustumé,
[Jusqu’aux os.] Si81 ont fait les chiens.
Mais82, par Dieu, je ne perdray rien[s] :
J’ay bien de quoy83, chascun l’antende !
Et si, puis bien avoir du bien.
JAQUET
150 (Pour [vous] parler de sa prébende84,
Par saincte Marie, il n’a rien !)
LÉGIER D’ARGENT
J’ay des escus plus de cent mille.
JAQUET
(Il n’a, par Dieu, ne croix ne pille85.)
LÉGIER D’ARGENT
Et si, suis yssu de Noblesse.
JAQUET
155 (Il est vray [filz d’une diablesse]86 :
Il est villain87 de tous costés.)
Dea, [Messïeurs : de vray]88, notez
Qu’il est noble [de nom]89, mon maistre !
Ne porte-il pas bien la guestre,
160 [Pour estre]90 ung vaillant gentilhomme ?
Messïeurs, il fault qu’on le nomme
« Gentilhomme », c’est ung beau tiltre.
(Ne dictes pas qu’il est bélistre,
Vous luy feriez grant desplaisir.)
LÉGIER D’ARGENT
165 Jaquet, tu me fais [grant] plaisir
Des biens que vas disant de moy.
JAQUET
Messïeurs, il vault bien ung roy,
C’est une chose bien91 certaine !
(Il vault sa grant92 fièvre quartaine !)
LÉGIER D’ARGENT
170 Et ma femme, [dis], que vault-elle ?
JAQUET
[Que vault-elle]93, ma Damoiselle ?
[Vrayment,] elle vault trop de bien !
(Et ! elle ne vault, par Dieu, rien,
Pour brève résolution94.)
LÉGIER D’ARGENT
175 Je te feray gentil garson95.
JAQUET
J’aloys, devant-yer96, en la ville :
Mais on vous tient97 le plus habille
Que homme de[dans] ceste cité.
LÉGIER D’ARGENT
Jaquet, [dea, tout bien médité]98,
180 Par Dieu, je te feray du bien99.
JAQUET
(Par mon âme ! on n’en disoit rien100.)
LÉGIER D’ARGENT
Tu sces bien qu’en tout[e] la province101,
[Si j’en excepte nostre Prince,]102
Il n’(y) a que moy qui soit puissant.
JAQUET
185 (Je sçay bien qu’il est ung meschant103,
Mais encore ne luy vueil dire.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Que dis-tu ?
JAQUET
[Je dis] qu’à l’Empire104,
Qu’il n’y a que vous, pour tout potaige105.
LÉGIER [D’ARGENT]
Sang bieu ! je feray encor raige.
190 [Pourtant]106, scès bien que hallebardes
Sont à présent hors de mes gardes107.
Jaquet !
JAQUET
Quoy108 ? Dy-je : « Que vous plaist109 ? »
LÉGIER [D’ARGENT]
Où est madame ma femme ?
JAQUET
[Et !]
Elle est au temple110, elle est au temple.
LÉGIER [D’ARGENT]
195 Quant toute sa beaulté contemple,
Je suis ravi de son amour.
JAQUET
Aussi, elle porte l’autour111.
Et si, est de puissant renom.
(Pensez, c’est ung beau lorpidon112 !
200 Quoy113 ! sa femme [est aussi] ma Dame114,
[Mais] ma Dame [n’est pas] ma femme !
C’est ung grant cas que de son fait,
Car tout le pays est refait115
Comme est, du trésor, le116 masçon.
205 Elle est mignonne, et lui mignon :
C’est [là] une belle assemblée.
C’est une vieille gratelée117,
Laquelle n’a mais118 dent devant ;
En effet, c’est cabas119 puant,
210 Qui est laide comme une truye.
Devant que façons120 départie,
On la verra [cy] devant tous.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Qu’esse, Jaquet ? Que dictes-vous ?
Yrez-vous point quérir ma femme ?
JAQUET
215 Ouy, mon maistre, par Nostre Dame !121
Je la voys querre incontinent.
.
[Hau !] venez-vous, vieille jument ? SCÈNE III
Vous dis-je122 : « Venez en présent
Parler à monsïeur mon Maistre. »
LA VIELLE
220 Que veult-il ? [Se] veult-il repaistre123 ?
Je ne sçay qu’il veult ne demande124.
.
[JAQUET] 125 SCÈNE IV
(Tenez : à tel sainct, tel offrende126 !
Vécy de qui vous ay parlé.
S’el(le) n’est bien laide et luy bien lait,
225 Je vueil [bien] pardre mon office !)
[LÉGIER D’ARGENT] 127
Avant, monsieur de la Justice !
Qu’a-il128 à disner de friant
Pour ma Dame ? [Vite,] ung faisant,
Ung lappereau ou ung lièvre !
JAQUET
230 (Mais plustost la sanglante fi[è]vre,
Qui les puisse tenir tous deux !
Les voyez-vous, les malheureux,
Comment il font de la merdaille129 ?)
Ma Dame, et de [ceste poulaille]130,
235 En voulez-vous [pas] ung petit131 ?
LA VIEILLE
Je ne v[u]eil riens que d’appétit132.
[JAQUET] 133
(Légier d’Argent [est mauvais maistre :
Il luy] fait porter mainte guestre
Et mainte chausse dessirée134.)
LA VIEILLE
240 Que dictes-vous ?
JAQUET
Qu’estes135 désirée
De tous les nobles de la Court.
LA VIEILLE
Encore en vis je hier, sur le gourd136,
Qui me faisoyent trèsbonne ch[i]ère137 :
« Dieu gar[d] monsieur de la Paucadière138 !
245 Et [si, monsieur]139 Pasque de Sole ! »
Quant je le treuve, il me consolle140.
Si fait bien141 monsieur de Sic-Sac.
J’euz l’autre jour ung bon patac142,
Qu’il me donna en ung mardy.
LÉGIER [D’ARGENT]
250 Ce fut le jour que [je m’ardy]143,
Et me laissâtes descouvert.
LA VIEILLE
Dea ! le feu si estoit couvert144.
………………………………
[LÉGIER D’ARGENT]
Comment advint ceste fortune145 ?
JAQUET
(Elle jouoit dessus la « brune146 »
255 En passant par-dessus la corde147.
Mais mon maistre tousjours s’acorde148 :
C’est le plus fort149 de la journée.)
.
LE PAIGE commence en chantant 150
Il est en grant pencée, SCÈNE V
Monsieur Légier d’Argent,
260 Car n’a plus demourée 151.
.
Dieu gard, monsieur Légier d’Argent ! SCÈNE VI
Je viens à vous légièrement 152,
[Et parle pour vostre avantaige.]153
Il (y) a ung homme de paraige154
265 Nommé monsïeur de Sic-Sac,
Lequel a des escutz à flac.
Et faire veult ung petit banquet,
Mais il veult qu’il y ait caquet
D’aucunes femmes de la155 ville ;
270 Et comme [estant] la plus habille156,
Veult que luy prestez vostre femme.
LÉGIER [D’ARGENT]
Y voulez-vous aller, ma Dame157 ?
LA VIEILLE
Je ferai ce qu’il vous plaira.
LÉGIER [D’ARGENT]
Dea ! j’espoire qu’il vous donra
275 Quelque chose pour vostre peine.
JAQUET
(Pencez : s’on frappe [à la quintaine]158,
Il y aura quelque hutin159 !)
LÉGIER D’ARGENT
Partirai-ge pas160 au butin,
Puisque vous donne le congé161 ?
LA VIELLE
280 Rien ne vous sera eslongé162 ;
Pencez que riens ne vous tiendray163.
LÉGIER [D’ARGENT]
Et reviendrez ?
LA VIELLE
Quant je vouldray ;
Et ne m’attendez pas plus tost.
JAQUET
(Envoyez-luy ung bout164 de rost,
285 Et le bon homme sera content.
C’est la façon de maintenant165,
De prester à chascun sa femme.)
LA VIELLE
Et s’il me prioit d’aucun blasme166,
Mon amy, le lerray-je faire167 ?
JAQUET
290 (Et ! faictes semblant de vous taire,
Ou que vous soyez endormie.)
LÉGIER [D’ARGENT]
Dea ! [ouy, ne] l’escondissez mye168.
[ LE PAIGE
Monsieur de Sic-Sac sera saige ;
Il ne vous fera nul oultraige.
LÉGIER D’ARGENT ]
295 Je le sçay bien, mon cueur le dit.
Je n’ay point meschant esperit169,
Et je m’en croy bien170 à ma femme.
Qu’en dictes-vous ? [Et ! quoy]171, ma Dame :
Avez-vous soin172 de mon honneur ?
LA VIELLE 173
300 Ouÿ, par ma foy, mon seigneur !
Car chascun dit : « Légier d’Argent
Est [ung grant maistre et est puissant]174. »
JAQUET
Elle175 vous parloit du secret.
LÉGIER D’ARGENT
[Du secret ?] Vertu bieu, quel trait176 !
305 Est-elle ainsi à l’abandon177 ?
[JACQUET]
(Monsieur178 repaistra du jambon,
Après qu’il aura son formaige…)
LA VIEILLE
Et quant je viendray179, que feray-je ?
JAQUET
(Et ! faictes du sadinet groing180.
310 [Et s’il en estoit jà besoing,]
Criez comme… une beste morte181.)
LÉGIER D’ARGENT
Vous conduiray jusqu’à la porte
[Du lieu,] ma Dame.
LA VIEILLE
Nenny pas.
Mais venez demain jusqu(e) en bas,
315 — Entendez-vous ? — à la cuisine182.
LÉGIER D’ARGENT
[Et !] j’entens assez bien ce signe :
Assez, de ce, rusé je suis183.
LA VIEILLE
Ne venez pas frapper à l’uys
De la chambre qui est en hault184 !
JAQUET
320 (Il est assez loyal marault185 :
Ne pensez pas qu’il soit si Sot.)
LÉGIER D’ARGENT
Et se Monsieur dort ?
LA VIEILLE
Ne dictes mot.
[LE] PAIGE
Qu’el(le) se despesche, [on n’attent pas] !
JAQUET
Elle met son [grant] gorgias186 ;
325 Incontinent sera en point187.
(Pensez [qu’on luy frappe]188 au [mau]joint !
Mais Monsieur, par foy189, lui pardonne.)
LA VIEILLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
Besongnez pour vous et pour moy.
JAQUET
330 El(le) ne porte point sa quelongne190.
[ LA VIEILLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
JAQUET
D’autre outil fault qu’elle besongne, ]
Car il y a cause pourquoy191.
LA VIELLE
Adieu, monsieur !
LÉGIER D’ARGENT
Adieu, ma mignonne !
335 Besongnez pour vous et pour moy. 192
.
JAQUET
Vous voiez doncques clèrement
Qu’à193 ung chascun, Légier d’Argent
Preste sa femme, se m’aist Dieux194 !
Riens ne concluons aultrement.
340 Prenez en gré l’esbastement,
Car l’autre année195, nous ferons mieulx.
.
EXPLICIT
*
1 Le Dit du Ratz porteur traite de « ratons de Court » les « gens légiers d’argent ». 2 Nous sommes à Paris, dans une maison délabrée. Ses habitants portent plusieurs couches de vêtements parce qu’il n’y a pas de feu. 3 C’est le cri public que chantent les bateleurs, devins et autres escrocs qui annoncent des choses extraordinaires. Voir le 1er vers du Bateleur, qui lui aussi « commence en chantant », le vers 62 du Pardonneur, ou le vers 240 de Jénin filz de rien. 4 Forme elliptique de « à présent ». Le maître de Jacquet, Léger d’Argent, est descendu de l’étage, mais il est encore derrière le rideau de fond : l’auteur ménage ses effets. 5 Découvre sa tête, enlève son chapeau. Mais la têtière est aussi le bonnet des « Sotz ligiers de sens, ligiers d’argent », qui portent « oreilles, testières et marottes ». (Les Sotz escornéz.) Léger d’Argent, qui est une sorte de fou, fut probablement joué par un Sot : plusieurs indices plaident en faveur de cette hypothèse. 6 Un visage avenant, comme au vers 243. Mais Léger d’Argent étant quelque peu famélique, on peut comprendre : Un bon repas. 7 Dieu le lui rendra. « Dieu vous le rendra ! » est le remerciement que les mendiants accordent à leur bienfaiteur. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 1144. 8 F : Monsieur le grant (Morfondu = enrhumé, car la cheminée est éteinte ; cf. les Maraux enchesnéz, vers 3.) 9 F : a (Ayant froid, il s’enveloppe dans cette large bannière comme dans une cape.) 10 Pour cela. En temps dû = au moment opportun, juste avant son entrée. 11 « Léger » est son prénom (on fête saint Léger* le 2 octobre), et « d’Argent » est son nom précédé d’une particule nobiliaire. *C’est le patron des gens qui ont faim : cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 219 et note. 12 F : iaquet (Voir ce refrain au vers 31.) Un naquet est un jeune messager qui transmet des rendez-vous galants, comme le Page qui débarque au vers 258. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 136. 13 F : caquet (À la rime au vers 28.) Sans penser à acquérir des biens. 14 F : Et (Voir ce refrain aux vers 17 et 29.) 15 F : poure (Un porte-baquet est un valet de cuisine. « Porte-baquet ou tourne-brocque. » Les Menus propos.) Premier = premièrement ; idem vers 59. 16 Innocent VIII était mort en 1492. Ses serviteurs avaient la dure tâche de lui fournir des maîtresses et des amants. 17 Peut-être faut-il lire « prédicant » : prêcheur d’Apocalypse, marchand de pardons, trafiquant d’indulgences. Le vers 68 confirme cette coupable activité. 18 Pour finir mon bavardage. 19 Au vers 184 du Gentil homme et son page, le valet du noble désargenté fait la même remarque. Jacquet commente les vantardises de son patron en aparté, pour le public : je place tous ses apartés entre parenthèses. 20 F : fringant (Élégant. « Si quelque fringart s’en advise (…),/ Nous en verrons courir la guise [mode]. » Guillaume Coquillart.) Superlatif = supérieur. Les vers 35-88 profitent de la structure aab aab, qui se prête admirablement à la thèse et à l’antithèse : voir la notice du Gaudisseur. 21 Énergiquement. Vilain ≠ noble, comme à 156. 22 Léger a volé du lard dans une des cuisines qu’il fréquente (vers 315). Il n’est pas le seul, d’après ce vieux proverbe : « Au derrenier, sçaira-on qui a mengé le lart. » Jean de la Véprie. 23 Élégantes. 24 À cette époque, la prononciation parisienne ne distinguait plus l’hôtel de l’autel. « Vous, maistre de nostre hostel et maistre et conterolleur de nostre chambre aux deniers…. Vous, maistre d’autel, et vous, maistre et conterolleur. » Le Grant stile et prothocolle de la Chancellerie de France. 25 Cet instrument servait à punir les vauriens. « Or, luy baillez troys cops de pelle ! » La Pippée. 26 F : Depuis (Jusqu’à sa maison.) 27 Noble. Idem vers 94 et 175. 28 F : malheureux (Un maluseur est un abuseur. « Gens diffamateurs,/ Maleuseurs, larrons, décepveurs. » ATILF.) 29 Qu’un gueux. 30 F : Que ie fis (À mes débuts.) 31 Dans l’entourage du pape, un physique avantageux ne pouvait pas nuire… 32 F : enuoy dieu a (Que celui qui ment reçoive la malédiction de Dieu.) 33 F : truye (Au vers 210, c’est la Vieille qui est faite comme une truie.) Une vessie de porc est informe par nature, comme celle que tient ce Fou. 34 Premièrement. Jacques IV régna de 1488 à 1513. 35 F : Et puis (Une endosse est un coup, physique ou moral. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 34.) 36 Je partis. 37 La béquille, indispensable aux mendiants, qui l’utilisent pour émouvoir les donateurs et pour éloigner les chiens et les enfants. 38 En creusant. Il se fit mal aux reins en exerçant le plus vil des métiers : il creusait des tombes dans un cimetière. Les Maraux enchesnéz, qui creusent des fossés, ont eux aussi mal au dos (vers 144). 39 Là-bas. Jacquet accompagne ce mot d’un geste en direction du cimetière des Saints-Innocents. 40 Où on me fit honneur largement. À flac [en abondance] revient au vers 266. 41 F : sommes (En quantité. Jeu de mots : Pour une grosse somme.) Les porteurs de bulles sont des trafiquants d’indulgences. « Car ou soies porteur de bulles,/ Pipeur ou hazardeur de déz. » Villon. 42 Personnification du mendiant, qui fourre dans un bissac la nourriture qu’on lui jette. « Nous sommes réduits au bisac…. Nous sommes voléz et ruinéz. » (Adrien de Monluc.) Colin Bissac fut probablement un personnage de farce, comme tous ceux qu’on va nommer par la suite. 43 J’ai connu le bon vieux temps. 44 F : cosse (Les jurons de soudards reviennent dans la bouche de l’ancien capitaine.) 45 F : ceste annee (En ce temps-là. Les Français occupèrent Milan en 1499-1500.) 46 F : le brasie (Écrasé, anéanti. « Viellesse, qui tout desbrasse. » ATILF.) 47 Jénin à Paulme est un affabulateur qui prétend être mort et ressuscité. 48 Voyez-le ici. Le Povre Jouhan est cocu, et battu par sa femme. 49 On reconnaît la devise du richissime Jacques Cœur, et des clochards Gautier et Martin (vers 306). Il manque un tercet en -it -it -ible, puis un autre en -in -in -age. 50 Encore un titre de farce. Mais celle-ci est perdue, à moins qu’il ne faille lire « Jénin badin » : presque tous les personnages nommés Jénin furent joués par des badins. Voir par exemple la Résurrection Jénin à Paulme, la Résurrection de Jénin Landore, ou Jénin filz de rien. 51 De la bouillie : c’est encore un enfant, comme Jénin, le badin du Clerc qui fut refusé à estre prestre. 52 F : mon (J’inspire confiance. « Car j’ey envers luy bon crédict. » Troys Gallans et Phlipot.) 53 Monseigneur. Idem vers 112 et 121. 54 De l’Antéchrist. Mais l’Antéchrist est un personnage de farce que deux harengères battent jusqu’au sang. 55 Thévot est un pleutre, et un juge corrompu. C’est le sixième personnage théâtral qu’on nomme en 19 vers ; la troupe se fait-elle de la publicité gratuite ? 56 Remonte-les-moi, car j’ai froid aux mollets. Ces bottines hautes dissimulent les chausses déchirées (vers 239). « Ces fringans mondains/ Qui portent ces beaux brodequins/ Dessus la chausse dessirée. » Ung Fol changant divers propos. 57 F : Pendez (Tendez votre jambe en avant.) 58 F : peu (Contamination du vers précédent.) 59 F : gaudit (Se réjouir.) Les comédiens rallongent souvent les énumérations, d’où les rimes proliférantes de 99 à 105. 60 Le gracieux. Idem vers 309. Ce mot désigne aussi le mont de Vénus ; voir la note 2 du Dorellot. 61 On rythmait les danses avec des sistres qui se composaient parfois de coquilles. Mais la « coquille » est également le sexe de la femme : cf. le Sermon pour une nopce, vers 250. 62 F : peult on (Il ne peut avoir une bonne renommée.) 63 F : Mais il 64 Il écrit l’histoire autrement. 65 Gare au mendiant ! Idem vers 163. Cf. les Bélistres. 66 F : iusques (Les enfants harcelaient les fous : « Mauvais garsons luy faisoient de la peine/ Et luy gectoient force boue et de terre. » Vie et trespassement de Caillette.) Notre fossoyeur a travaillé au cimetière des Saints-Innocents (vers 64). 67 F : per aller (Le déballer, ou l’étaler, c’est l’heure où, de bon matin, les vendeurs des Halles sortent leurs marchandises, et donnent ce qui est pourri aux pauvres, qui s’attroupent nombreux en échangeant les dernières nouvelles.) 68 Au change, lorsque l’État a racheté au-dessous de leur valeur les pièces décriées. Allusion à l’ordonnance du 5 décembre 1511 : « Toutes les anciennes monnoyes, tels que escus viels, royaux, francs à pied et à cheval, sont décriées. » La Sotte Commune s’en plaint elle aussi dans le Jeu du Prince des Sotz, contemporain de notre farce. Léger veut faire croire qu’il est ruiné parce que son trésor n’a plus de valeur, alors qu’il n’a jamais eu de trésor. Le vers précédent est perdu. 69 Le grand blanc vaut 13 deniers. Celui de Savoie vaut 2 blancs. 70 L’État récupéra la monnaie décriée pour la refondre. 71 Il fait mine de courir vers la cheminée éteinte. 72 F : iaquet tu est (Tu es abusé, tu te trompes. Cf. le Ribault marié, vers 476.) Le vers suivant a été sacrifié par l’imprimeur, qui continue au vers 66. 73 Ils ne sont pas réellement dans le feu. 74 F : pieces 75 Grandement. 76 Ne vous en faites pas. 77 F : Se (Il n’y a jamais perdu un seul sou, puisqu’il n’avait déjà plus rien.) 78 F : par ung (À demi-mot. « Pour le vous dire en brief langaige,/ Ilz vous veullent porter nuysance. » Les Sotz escornéz.) 79 Jeu de mots sur Adam Fumée, un proche conseiller du roi. Dans le Jeu du Prince des Sotz, la Sotte Commune l’égratigne également (vers 333, 609, et note 135). Comme elle, Léger d’Argent lui impute ses déboires financiers. Il assimile Adam Fumée à maître Enfumé, c’est-à-dire au diable : « C’est à faire à maistre Enfumé ! » Ung Fol changant divers propos. 80 F : Apres tout (A prélevé sur nos gains. « Partout où sont les tailles et imposts, (…) il n’y aura celui qui ne crie qu’on est rongé jusques aux os. » Calvin.) 81 Ainsi. 82 F : Que 83 De l’argent. Cf. Poncette et l’Amoureux transy, vers 4. 84 De son revenu. Un métier qui ne rapportait rien, comme celui de fossoyeur, était qualifié de « prébende de Saint-Innocent ». Les Sotz ecclésiasticques. 85 Pas un sou. 86 F : il est le diable (Correction envisagée par Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 367-375.) 87 Roturier. 88 F : monsieur dea (« Messieurs » désigne le public, comme aux vers 95, 137, 161 et 167.) 89 F : dea (Noble de naissance. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 227.) 90 F : Destre (Les guêtres couvrent le dessus de la chaussure et le bas de la jambe. Cf. le Roy des Sotz, vers 340.) 91 F : toute 92 F : forte 93 F : Qui elle 94 En conclusion. 95 Je te ferai anoblir. 96 Avant-hier. Il allait sans doute au déballer des Halles (vers 122), avec les autres gueux. 97 F : tiens (On vous considère comme le plus habile.) 98 F : iaquet tost bien dite (Tout bien considéré. « Bien médité,/ Tout yra bien s’il court bonne justice. » Les Esbahis.) 99 Je t’enrichirai. Le hobereau déchu du Capitaine Mal-en-point abreuve son valet de la même promesse au v. 264. 100 Personne ne parlait de lui. 101 Dans tout le royaume des Sots. « Trèsredouté Prince,/ Qui entretenez la province/ Des Sotz. » Jeu du Prince des Sotz. 102 Vers manquant. Léger d’Argent est un des suppôts du Prince des Sots : dans le Jeu du Prince des Sotz, plusieurs d’entre eux, qui sont nobles, portent un nom de clochard. On y évoque même un abbé de Saint-Léger. 103 Un médiocre. 104 Jelle Koopmans (p. 374) évoque les confréries joyeuses de l’Empire de Galilée et de l’Empire d’Orléans. Il aurait même pu ajouter l’Empire du Gras Conseil des Conards de Rouen. Sur ces parodies d’empires, voir la note 24 des Veaux. 105 En tout et pour tout. Mais comparer ce crève-la-faim à un potage, c.-à-d. à une potée grasse, est un abus de langage. 106 F : Car 107 Que je ne commande plus de régiment. Le vieux noble du Gentil homme et son Page avoue lui aussi que l’armée l’a révoqué (vers 13). Jeu de mots : la « hallebarde » est en outre une monnaie flamande. Voir la note de J. Koopmans, p. 370. 108 F : Qui est (« Quoi ? » est impoli. D’où l’autocorrection qui suit : « Je veux dire : “Que vous faut-il ?” » Cf. Messire Jehan, vers 129.) 109 F ajoute : il 110 Au retrait, aux toilettes. 111 F : le atour (Les nobles, y compris les femmes, chassaient en portant un autour [épervier] sur leur poing. « Mais nous sommes de noble gent,/ Dignes de porter les autours. » Marchebeau et Galop.) 112 Une ribaude. « Lorpidon,/ Vieille ribaude et maquerelle ! » Eustache Deschamps. 113 F : Quay 114 Ma patronne. Ces 2 vers sont très lacunaires. 115 A les yeux rassasiés. « Je cuiday si estre refaiz/ De veoir une foiz ta face. » ATILF. 116 F : de (Comme le maçon qui découvre un trésor en restaurant une vieille bicoque.) « Ne sçavons en quel lieu/ Estoyent leurs trésors souverains…./ Massons qui vielles maisons font/ En trouvent souvent à plains potz. » Les Gens nouveaulx. 117 F : garpelee (Gratteleuse, galeuse.) 118 Plus aucune. 119 Un vieux cul. Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 55 et note. 120 Que nous fassions, que nous nous séparions. 121 Il va vers les latrines. 122 Je veux dire. Jacquet réitère la formule d’autocorrection du vers 192. En présent = tout de suite : cf. Grant Gosier, vers 261. La Vieille sort du retrait en remontant son haut-de-chausses (vers 239). 123 Veut-il dîner ? Mais aussi : Veut-il copuler ? 124 Ce qu’il veut ni ce qu’il demande. 125 Il revient, avec la Vieille, et s’adresse au public. 126 Tel mari, telle femme. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 40. 127 Il passe sa tête derrière le rideau de fond, et donne des ordres au cuisinier : c’est un ancien bourreau, qui continue donc à découper de la viande. Mais existe-t-il ailleurs que dans l’imagination de notre schizophrène ? 128 Qu’y a-t-il. 129 De la mendicité : ils sont en train de vider leur bissac par terre. Une merdaille est un mendiant ; cf. les Esbahis, vers 184. 130 F : pouloille (Jacquet lui montre un croûton de pain. On songe aux trois affamés du Capitaine Mal-en-point, auxquels un valet sadique nomme des plats inexistants qu’ils vont manger en théorie.) 131 Un peu. 132 Que quand j’aurai faim. 133 F : Legier 134 Déchirée. Pour avoir plus chaud et pour épargner sa dernière robe, la Vieille s’attife avec les loques de son mari. L’acteur joue donc une femme qui est habillée en homme. Les Rapporteurs et le Fol changant divers propos se moquent eux aussi des pauvres qui portent des chausses déchirées. 135 F : Que vous estes 136 Vêtus à la mode. Cf. le Résolu, vers 107 et note. 137 Note 6. La Vieille fait une révérence à son mari, puis à son valet. 138 Ce nom semble combiner « Pasquedienne », atténuation du juron « Pâques Dieu », et « Paucquedenaire », qualificatif de ceux qui ont peu de deniers. 139 F : aussi (Autre atténuation du juron Pâques Dieu : « Pasques de Soles ! respondit Panurge. » Pantagruel, 14.) 140 Jeu de mots : soûler un con, c’est rassasier un vagin. « Et trop est malheureux qui, pour soy consoler,/ Cuide, à force de coups, jamès ung con sôler. » Gratien Du Pont. 141 Aussi me « console » bien. Faire zic-zac = faire l’amour : cf. Frère Guillebert, vers 13. 142 F : patart (Correction suggérée par J. Koopmans.) Un patac est une pièce de monnaie provençale. « Et je despense tous les jours ung patac. » Sotte ballade. 143 F : le mardy (Ardre = brûler : « Je m’ardy, mardy, la main. » Gabriel Meurier.) Le jour où je me suis brûlé en essayant de faire du feu dans notre cheminée qu’on ne ramone plus. 144 Éteint : vous ne risquiez plus rien. Et la Vieille l’a donc planté là pour aller à son rendez-vous galant chez M. de Sic-Sac. Dessous, il y a une lacune de plusieurs vers à propos de la cheminée récalcitrante. 145 Ce malheur. La Vieille s’est peut-être donné un lumbago en copulant avec un de ses clients. 146 La verge, dont la couleur est toujours plus sombre que le reste du corps. 147 Terme du jeu de paume, synonyme de « mettre dessus ». C’est une posture érotique où la femme se place au-dessus de l’homme. Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 168. L’allusion est d’autant plus claire que la corde désigne le pénis : « Oncques-puis corde ne tendy/ Sus tamburin [sur une vulve]. » Jehan Molinet. 148 Est accommodant. 149 Le plus difficile à avaler, pour lui. 150 Le page de M. de Sic-Sac est dans la rue. Il improvise des paroles de circonstance sur l’air de « Je suys en grand pensée », qu’on chante aussi dans le Savatier et Marguet et dans les Bâtars de Caulx (LV 48). 151 De demeure habitable. Le page entre dans la masure dépourvue de porte. 152 Rapidement. Jeu de mots sur Léger. 153 Vers manquant. « Il parle pour nostre avantaige [dans notre intérêt]. » Le Capitaine Mal-en-point. 154 De haute naissance. 155 F : ceste (De quelques femmes.) Sur le danger de ces banquets pour les femmes seules, voir Régnault qui se marie, vers 131-135. 156 Habile pour caqueter, ou pour autre chose ? 157 F : femme (À la rime.) 158 F : dens la plaine (La quintaine est un mannequin contre lequel les cavaliers frappent avec leur lance.) Expression érotique courante : « Qui frappera à la quintaine. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) 159 Combat, y compris au sens érotique. Cf. Frère Guillebert, vers 133 et note. 160 Ne participerai-je pas. 161 La permission d’y aller. 162 F : eslongne (Éloigné, tenu à l’écart.) 163 Je ne retiendrai rien sur vos gages : c’est ce qu’on dit à un domestique quand on l’embauche. 164 F : morceau (Une extrémité de rôti, qui est généralement dure et sèche.) 165 F : la gent (C’est la nouvelle mode, qui ne vaut pas l’ancienne. « Leur habit n’est pas convenant./ C’est la façon de maintenant. » Les Enfans de Maintenant, BM 51.) 166 D’une chose honteuse. 167 Le laisserais-je faire ? 168 Ne l’éconduisez pas. Les deux vers suivants ont été sacrifiés par l’imprimeur, qui continue au vers 132. Je ne garantis pas la solution que je propose. 169 Je n’ai pas l’esprit mal tourné. 170 Je fais confiance. « Je m’en croys aulx femmes de bien. » Jehan de Lagny. 171 F : de moy 172 F : point (« Vous avez soing de mon honneur. » Ronsard.) 173 Elle retire peu à peu ses haillons masculins, puis elle enfile une vieille robe échancrée. 174 F : puissant et est ung grant maistre 175 F : Si (Le secret, c’est l’acte conjugal, où Léger ferait donc preuve d’une grande puissance sexuelle.) 176 Quel sarcasme. 177 Est-elle si délurée ? « Mettre son corps à l’abandon : Se prostituer. » Antoine Oudin. 178 Monsieur de Sic-Sac, comme au vers 322. Les jambons sont les cuisses d’une dame : « Nous aymons mieulx (respond une nourrice)/ Ung pié d’andouille entre les deux jambons. » (Parnasse satyrique du XVe siècle.) Le fromage est le sexe de ladite dame : « Avoir/ Faict aler le “chat” au fourmage. » La Fille esgarée. 179 Quand je serai venue chez M. de Sic-Sac. 180 Faites-lui une gracieuse figure. « De ce gentil sadinet groing. » (Le Faulconnier de ville.) Mais voir la note 60. Le vers suivant est perdu. 181 Appelez à l’aide, mais silencieusement, pour que nul ne vienne interrompre un acte si lucratif. 182 C’est dans ce lieu chauffé que les domestiques, les fournisseurs et les mendiants attendent le bon vouloir du maître. Notre affamé ne s’en formalise pas, sachant qu’il y trouvera toujours quelque chose à picorer. 183 Je suis assez malin pour comprendre (que je devrai y remplir mon bissac). « Je suis tout rusé de ce fait. » Trote-menu et Mirre-loret. 184 La Vieille connaît déjà les lieux : nous savons depuis le vers 247 que Sic-Sac est un de ses clients réguliers. 185 Les maraudeurs vont toujours par paire, et entre eux, la loyauté est une question de survie. Cf. les Maraux enchesnéz, Gautier et Martin, le Pasté et la tarte, etc. 186 Une toile transparente qui laisse voir les seins. « (Elles) ont icy ung grant gorgias ;/ S’elz ne monstrent tout le fatras,/ Par mon âme, tout n’en vault rien. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 187 Elle sera bientôt prête. 188 F : quelle frappera (Voir le vers 276.) Le maujoint – ou mal joint – est le sexe de la femme : « Il a donc heurté au maujoint. » Les Queues troussées. 189 Par sa confiance. 190 F : quenoulle (Quelogne = quenouille. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 160.) Si la Vieille n’a pas sa quenouille, elle ne pourra pas besogner ; à moins qu’on ne prenne ce verbe dans son sens érotique. 191 Il y a une bonne raison à cela. Le 5ème vers du triolet a disparu en même temps que le refrain qui le précédait. 192 Après ce triolet, il manque un vers de retombée en -oy. 193 F : Que (Voir le vers 287.) 194 Que Dieu m’assiste ! La Somme des péchéz n’encourage pas le prêt des épouses : « Le mary ne peut prester sa femme…. Un citoyen chrestien d’Antioche pécha quand, pour se délivrer d’une grosse somme d’argent pour laquelle il estoit en prison, il permist à sa femme de coucher avec un gentil-homme fort riche. » 195 L’année prochaine. « Je seray, l’autre année, maistre. » Gournay et Micet.
LES QUEUES TROUSSÉES
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LES QUEUES
TROUSSÉES
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La queue dont il est question dans cette farce parisienne n’est autre que la traîne que les femmes à la mode cousent derrière le col de leur robe. En cette fin du XVe siècle, les élégantes la laissent traîner par terre, au grand dam des maris : « –Vostre queue est bien fort crottée !/ –Me veulx-tu garder de cela,/ De traisner ma queue çà et là ? » (Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris.1) Mais les rieurs, eux, s’en donnent à cœur joie : « –De quoy servent (…) ces queues à ces damoiselles ?/ Esse pour ballayer le plastre ?/ –Pourquoy c’est que ces damoiselles/ Portent grans queues ? Pour s’esmoucher/ Plus près des oreilles.2 » (Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) Quand Madame ne veut pas salir cette queue, elle la « trousse » ; autrement dit, elle l’enroule par-derrière en forme de coquille, et elle en coince le bout sous la ceinture : « Et quand y voyt la queue troussée,/ Que dict-il ? » Les Mal contentes.
Source : Recueil de Florence, nº 6.
Structure : Rimes abab/bcbc.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Queues troussées
*
À cinq personnaiges, c’est assavoir :
MACÉ, lenternier [mari de la Première Femme]
MICHAULT, savetier [mari de la Seconde Femme]
LA PREMIÈRE FEMME
LA SECONDE FEMME
MAISTRE ALIBORUM 3
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LES QUEUES TROUSSÉES
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MACÉ commence en chantant, SCÈNE I
faisant ses lenternes.4
Oncques depuis mon cueur n’eut joye5
Que fuz marié de nouveau.
MICHAULT, en cousant ses souliers.
Hé ! que vécy mauvaise soye6 :
Elle vient d’ung mauvais pourceau.
5 Qu’esse-ci, bon gré sainct Marceau ?
Comment ce paillart fil7 se [p]lie !
Ha ! j’entens bien : c’est cuir de veau8 ;
C’est la cause qu’i s(e) amolie.
Et ! vécy terrible folie !
10 Ceci ne vault pas ung denier.
MACÉ, en chantant :
Crocque-la-pie9 se marie
À la fille d’ung poissonnier.
MICHAULT
Voysin !
MACÉ
Que te fault-il, gaultier10 ?
MICHAULT
Et ! je ne sçay, par Nostre Dame !
15 Si fois11 : dy-moi, je te requier,
Se tu sces où est12 allée ma femme.
MACÉ
Ta femme ? Nenny, par mon âme !
Je croy bien qu’elle se devise
Et qu’elle estudie sa game13
20 Avec les clercs de nostre église.
MICHAULT
Elle leur fait une chemise
Ou des mouchouèrs en leur maison.
MACÉ
Mais qu’il [y ait]14 nouvelle prise,
Ce leur est fresche venoison15.
MICHAULT
25 Et la tienne ?
MACÉ
En toute saison
À l’hostel16. Où pourroit-elle estre ?
MICHAULT
Elle est, par bieu, en garnison
En la chambre de quelque prestre,
Et on ne la sçauroit mieulx « mectre ».
MACÉ
30 Mais la tienne, tu n’en dis basme17 ?
[MICHAULT]
Elle fait le lit de son maistre18 :
Elle n’y peult avoir nul blasme.
C’est ce qui la fait preude femme.
[MACÉ]
Elle va « jouer19 », que veulx-tu !
MICHAULT
35 Foy que doy [Dieu],20 vertu mon âme !
Si21, ne fus-je jamais coqu.
MACÉ
Hé ! dea, comment tu es testu !
MICHAULT
Et puis ?
MACÉ
N’es-tu pas bien rebelle ?
Il semble que tout soit perdu,
40 Aussitost qu’on te parle d’elle.
MICHAULT
Que maudicte soit la femelle !
Ce n’est que meschant cuir de veau22.
MACÉ chante :
Baille-luy, baille, baille-luy belle,23
Baille-luy, baille, baille-luy beau.
MICHAULT chante :
45 Tarabin, tarabas,24 tarabinelle,
Tarabin, tarabas, tarabineau.
MACÉ
J’è frapé ung coup de marteau
Par trop ; je ne sçay que je brouille25.
MICHAULT
Vécy de la soye de pourceau
50 Aussi molle comme ma couille26.
MACÉ
Que cecy est dur !
MICHAULT
Si, le mouille27 !
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LA PREMIÈRE 28 FEMME, ayant la queue de sa
robe longue et traînant à terre [qu’elle aura] 29 levée.
Macé ! SCÈNE II
MACÉ
Qu(i) est là ?
LA PREMIÈRE FEMME
Vous vous faignez30 !
LA SECONDE FEMME, ayant queue pareille que
la première, et levée.
Vous aurez ung coup de queno[u]ille31,
Aussi, se vous ne besongnez !
MICHAULT
55 Mais vous, tousjours vous [vous] pignez32,
Ou voz saintures vous saignez33.
Mais ce ne sont pas [belles manières]34.
MACÉ
Ma femme, aussi vous groignez.
L’on m’a bien dit que vous baignez
60 Avec d’autres que mes commères35.
LA [PREMIÈRE FEMME] 36
On fait souvent de bonnes chères
– Mais c’est sans pencer à malice –,
Quant on est avec ces compères37.
MICHAULT 38
Que vous estes bonne(s) à l’office39 !
LA SECONDE 40 FEMME
65 Ne vous chaille, c’est ung novice41 :
Au monde, n’est rien plus rebelle.
LA [PREMIÈRE FEMME] 42
Se j’estoye vostre nourrice,
Je vous froteroye bien soubz l’elle43 !
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MACÉ SCÈNE III
Je m’en raporte bien à elle44,
70 Mais je sçay bien ce qu’on m’a dit.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IV
Le jeu ne vault pas la chandelle45.
LA SECONDE FEMME
Or n’en parlons plus, il suffist !
Le grand monsïeur46 qui nous fist
L’autre jour si [très]bonne chère
75 Si m’a mandé, par son petit
Gars47, que nous ne demourions guière48.
LA PREMIÈRE FEMME
Et de partir, par quel manière ?
LA SECONDE FEMME
Ennémenne49 ! je n’en sçay rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Par quelque excusance légière50
80 En fauldra trouver le moyen.
LA SECONDE FEMME
Pensez que nous y ferons bien,
Ennuyt51, la compaignie françoise !
.
LA PREMIÈRE FEMME 52 SCÈNE V
Hau, mon mary !
MACÉ
Estront de chien53 !
LA PREMIÈRE FEMME
Voulez-vous pas bien que je voise
85 Ung petit sur une bourgoise54,
Tandis qu’il ne fet pas trop let55 ?
MACÉ
Affin que [je] n’aye point de noise,
Par Dieu, allez où [il vous plêt]56 !
LA PREMIÈRE FEMME
C’est pour luy tailler ung collet,
90 Pource que le sien est trop hault57.
MACÉ
Fust pour luy couper le sifflet58,
Par mon serment, il ne m’en chault !
.
LA SECONDE FEMME SCÈNE VI
Mon amy, tandis qu’il fait chault
Et qu’i ne fait pas trop croté59,
95 Il me fault, mon mary Michault,
Aller jusques à la Cité60.
MICHAULT
Qui vous a si tost invité ?
Le macquereau, ouy, par ma foy !
LA SECONDE FEMME
C’est une dame, en vérité,
100 Laquelle suyt la court du Roy61.
MICHAULT
Voire. Mais tous les jours, je voy
Ung grant tas de ratisserie62 :
Par quoy j’ay grant peur, par ma foy,
Qu’il y ait de la tromperie.
105 N’allez pas don[c] en riblerie63 !
LA SECONDE FEMME
Que cela je vous feisse acroire !
Et ! c’est, par la Vierge Marie,
Pour enfiller des parlettes64.
MICHAULT
Voire !
Je vous en croy ! Il est notoire
110 Que ce mot-là j’avoys songé.
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LA SECONDE FEMME 65 SCÈNE VII
J’ay esté en grant ancessoire66,
Ains67 que j’ay[e] peu avoir congié68 ;
Mais à la fin, je l’ay rangé
En luy faisant acroire songes :
115 Je cuide que luy ay forgé69
Plus de cinq cens milles mensonges !
LA PREMIÈRE FEMME
Nous leur referons [bien] leur[s] longes70,
Et fussent-ilz ung droit milier71 !
LA SECONDE FEMME
Nous les ferons doulx come esponges,
120 Quant les voul[dr]ons humilier.
LA PREMIÈRE FEMME
Pensons au prouffit singulier,
Pour tenir au[x] plus ruséz serre72.
LA SECONDE FEMME
De noz queuës nous fault deslier73,
Et les abaisser jusqu’à terre.
LA PREMIÈRE FEMME
125 Nous envoirons noz mariz braire74.
LA SECONDE FEMME
Par bieu, nous les ferons infâmes !
Allons-nous-en voir ces gens de guerre75,
Qui contentent si bien leurs dames.
*
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MACÉ 76 SCÈNE VIII
Michault !
MICHAULT
Macé ?
MACÉ
Disons noz games77,
130 Et puis chantons, et ferons raige.
MICHAULT
Je suis si aise que noz dames
Sont allées en pèlerinage !
MACÉ
Ils sont allées en garouage78 ;
Cuides-tu qu’ilz soient [au moustier]79 ?
LA PREMIÈRE FEMME, qui laisse traîner sa
queue à terre.
135 Nous sommes vostre malle rage,
Ort vilain, paillart lanternier !
LA SECONDE FEMME laisse traîner sa queue à
terre, et dit :
Et ! fault-il, pour ung soufletier80,
– Veu qu’e[n] mal [jà nul]81 ne nous vit –,
Et aussi pour ung savetier,
140 Que nous ayons tant de despit ?
[MICHAULT]
Et !…
[LA SECONDE FEMME]
En parlez-vous ? Il suffist !
Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?
MICHAULT
Et ! vrayement, je ne l’ay pas dit :
Ç’a esté Macé, par mon âme,
145 Qui m’a dit que, par Nostre-Dame82,
Vous estiez toutes deux soubz83 forge.
MACÉ
Croiez-vous ce paillart infâme ?
Il a menty parmy la gorge84 !
MICHAULT, en se esbatant des queues de leurs
femmes :
Mais qu’esse-cy, bon gré sainct George ?
150 [Et !] que vécy longue traînée !
MACÉ
El(le)s sont [poudrées comme ung pain]85 d’orge.
LA PREMIÈRE FEMME
C’est la façon de ceste année.
MACÉ
Vous estes bien habandonnée86,
D’une si longue queuë prendre !
MICHAULT
155 Qui a la façon amenée87,
Je prie à Dieu qu’on le puist pendre !
MACÉ
Voisin, scez-tu où veulx prétendre88,
À quel fin et à quel moyen ?
Coupons ces queuës pour les vendre,
160 Car cest estat-cy89 ne vault rien.
LA PREMIÈRE FEMME
Vous, coquin, bourreau, ruffien,
Dictes-vous que les couperez90 ?
Ha ! nous vous en garderons bien !
Par sainct Jacques, vous mantirez91 !
MICHAULT
165 Et ! par Dieu, dont92, vous sortirez
Plus viste que vent de janvier93 !
LA SECONDE FEMME
Vous, paillart, vous me fraperez ?
Mais regardez quel vieilz rotier94 !
.
LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IX
Ma voisine, il nous est mestier95
170 De trouver qui y remedira.
LA SECONDE FEMME
Charchons quelque bon conseillier96 ;
Je ne sçay, moy, qui97 ce sera.
LA PREMIÈRE FEMME
Nous irons voir, qui m’en croira98,
Maistre Aliborum ung petit99 :
175 Incontinant il nous dira
Ce que nous ferons.
LA SECONDE FEMME
C’est bien dit.
LA PREMIÈRE FEMME
[Or] n’en parlons plus, il souffist100.
Il nous ostera hors d’esmoy.
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MACÉ 101 SCÈNE X
Par le [sainct] sang que Dieu me fist102 !
180 Je meurs de soif.
MICHAULT
Si fois-je moy.
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LA PREMIÈRE FEMME 103 SCÈNE XI
Vélà Monsïeur, que je voy.
LA SECONDE FEMME
Allons compter nostre maintien104.
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MACÉ 105 SCÈNE XII
Je suis [bien] aise quant je boy.
MICHAULT
Voire, et qu’i ne te couste rien.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE XIII
185 Monsïeur, devers vous je vien
Car mon mari m’a voulu batre.
LA SECONDE FEMME
Enné ! aussi a fait le mien.
S’on ne [leur eust sassé du]106 plastre…
MAISTRE ALIBORUM
Et ! c’est trop compté sans rabatre107.
190 Ilz sont trop aises, seurement !
S’il fault que leur baille une emplastre,
Ilz en maudiront l’ongnement108.
Et ! fault-il tant de hongnement109 ?
Les fièvres les espouseront110 !
LA PREMIÈRE FEMME
195 Ilz nous ont juré [grant serment]111
Que noz queuës ilz coupperont.
MAISTRE ALIBORUM
Taisez-vous, taisez : non feront.
LA SECONDE FEMME
Faictes-les don[c] tenir en paix.
MAISTRE ALIBORUM
Plus longues encores y seront
200 Et plus larges, se je m’y metz.
[LA PREMIÈRE FEMME]
Pource qu’ilz ne finent112 jamais,
On ne peult faire bonne chère113.
[MAISTRE ALIBORUM]
Je leur serviray d’ung tel metz114
De quoy on ne se doubte guère.
205 Macé a bonne femme entière115
Et belle ; qu’esse qu’il luy fault ?
LA SECONDE FEMME
Il m’appelle « vieille trippière ».
MAISTRE ALIBORUM
Voire, vostre mary Michault ?
LA PREMIÈRE FEMME
Nos mariz chantant aussi hault.
MAISTRE ALIBORUM
210 Je les feray chanter plus bas !
LA SECONDE FEMME
Mais de cela il ne m’en chault,
S’il ne m’apelloit « vieil cabas116 ».
MAISTRE ALIBORUM
Ne vous courcez117, pour tous débas,
Puisque n’estes point affollée118.
215 Vrayement, ilz jouront au rabas ;
[Plus ne jouront]119 à la vollée.
LA SECONDE FEMME
Mon mary m’a tousjours foullée120.
De Dieu puist-il estre mauldit !
MAISTRE ALIBORUM, en levant leurs queues.121
Vous aurez la queuë troussée
220 En despit de ce qu’ilz ont dit.
LA SECONDE FEMME
Incessamment le mien mesdit
Sur moy ; ay-je tort se m’en course122 ?
Oncques, depuis qu’il se sentit
Avoir deux blans123 dedans sa bourse,
225 Je n’euz bien à luy124.
MAISTRE ALIBORUM
Pourquoy ?
LA SECONDE FEMME
Pour ce.
MAISTRE ALIBORUM
Dont vient cela qu’i n’est plus doulx ?
Vous luy faictes trop la rebource125
Quant il se vient jouer à vous ?
LA SECONDE FEMME
Sauf vostre grâce, il est jaloux :
230 Et si, est plus despit126 q’ung chien.
MAISTRE ALIBORUM
Et ! aussi, vous le faictes coux127 !
LA SECONDE FEMME
Dea ! voire, mais il n’en scet rien128.
MAISTRE ALIBORUM
Saint Jehan ! vous serez tantost bien.
LA PREMIÈRE FEMME
Si bien qu’il n’y aura que frire129.
MAISTRE ALIBORUM
235 Ce mirouèr130 si sera moyen
De faire vostre queuë luire131.
J’ai bien besongné d’une tire132 :
Il est plus cler q’une verrière.
Regardez133 : y a-il que redire ?
240 Fait-il pas beau veoir leur derrière134 ?
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MACÉ SCÈNE XIV
[Se] ceste corne135 fût entière,
J’auroye [fait ouvraige de prix]136.
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LA SECONDE FEMME SCÈNE XV
Que ma queue [est belle, derrière]137 !
LA PREMIÈRE FEMME
J’ay la plus belle [de Paris]138.
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MICHAULT SCÈNE XVI
245 Ha, ha, ha, ha ! Macé, je me ris
De noz femmes, qui sont sy bestes.
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MAISTRE ALIBORUM SCÈNE XVII
Retournez devers voz maris,
Et parlez bien à leurs barrettes139.
Voz queuës sont assez honnestes140.
250 Despêchez-vous, av’ous ouÿ141 ?
Dieu mercy, vous avez deux testes142
De femmes, n’avez pas ?
LES DEUX ENSEMBLE
Ouÿ !!
LA PREMIÈRE FEMME
Nous avons cy par trop rouy143.
À Dieu !
MAISTRE ALIBORUM
À Dieu, gentes galoises !
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MACÉ 144 SCÈNE XVIII
255 Je puisse estre vif enfouy
Se ne revécy noz bourgoises !
MICHAULT
Ce ne sera pas, dont, sans noises.
MACÉ
Je croy que ce ne sera mon145.
MICHAULT
El(le)s sont, par Dieu, aussi courtoises
260 Comme une ortie ou ung chardon.146
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LA PREMIÈRE FEMME 147 SCÈNE XIX
Macé, nous venons du pardon148.
MACÉ
Du pardon ? Ha ! ne mentez point !
LA SECONDE FEMME
Et d’avec maistre Aliborum,
D’apprendre nostre contrepoint149.
MICHAULT
265 Et quoy faire ?
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous a apoint150
Ung petit noz queuës plus hault.
MACÉ
Il a dont heurté au maujoint151,
Car c’en est un maistre brifault152 !
LA SECONDE FEMME
Il nous a mys, pour faire ung sault153,
270 La queuë de bonne manière.
MICHAULT
Et esse pour avoir plus chault
Qu’il a descouvert le derrière ?
MACÉ
Vous a-il lavées à la rivière154 ?
Vous a-il menées à l’abrevouèr ?
LA SECONDE FEMME
275 C’est une chose singulière
Des biens qu’i nous a fait avoir.
MICHAULT
Et, dea ! je vouldroye bien sçavoir
Une chose, que vous vois dire155 :
Mais dequoy [vous] sert ce mirouèr ?
LA PREMIÈRE FEMME
280 Pour faire nostre queuë luire156.
MICHAULT
Ha ! ma femme : que je me mire,
Ou, par Dieu, je n’en verray157 rien !
LA SECONDE FEMME
Aprochez-vous ! (Vécy pour rire.)
Mirez-vous fort, je le veulx bien.158
MACÉ, en soy mirant.
285 Je me mire par bon maintien159 ;
Mais, par bieu, je ne suis pas beau !
LA PREMIÈRE FEMME
Pour ung mary parisien160,
Vous estes plus lourt q’ung taureau161.
Nota que les .II. hommes doivent avoir soubz leurs
chappeaux, chacun, ung bonnet à oreil[l]es de
veau.162
MICHAULT, en ostant son chapeau de la teste, dit
en soy mirant :
Quoy ! se je n’ouste163 mon chappeau,
290 Je ne me puis mirer icy.
LA SECONDE FEMME
Pource qu’ilz ont teste de veau,
Ilz n’entendent pas bien cecy.
MACÉ, en ostant pareillement son chappeau, dit en
soy mirant :
Michault, je suis en grant soucy
De ce miroèr : j(e) y voy merveilles164.
MICHAULT, soy mirant.
295 Au miroèr ma femme165, vécy
Une teste à deux grans oreilles,
Serrée comme raisins en treilles.
Que puisse estre ? J(e) y pers mon sens.
MACÉ, soy mirant.
Il me souvient de ces bouteilles,
300 Quant je me mire icy dedans166.
LA PREMIÈRE FEMME
Pour faire noz maris contens,
Nous les faisons bien follier167.
LA SECONDE FEMME
Si sont-ilz veaux maugré leurs dens168 ;
Ilz ne le sçauroient regnier169.
MICHAULT
305 De la queuë que portiez hier,
Par ma foy, je n’en auroys cure.
MACÉ
Ilz servoient pour baloyer170
De la terre toute l’ordure.
LA PREMIÈRE FEMME
Noz mariz, pour toute adventure,
310 Laissons-les songer le moron171.
Et se contre nous l’on murmure,
Allons veoir maistre Aliborum.
LA SECONDE FEMME
Se quelque chasseur à « furon172 »
Venoit, ne [luy] soions rebelles :
315 Car il donra ung chapperon173,
Puisque les queuës sont si belles174.
LA PREMIÈRE FEMME
Il nous fault sçavoir des nouvelles
Entre nous, mignonnes, pour rire.
MICHAULT
Jamais je ne vy queuës telles
320 Que ceulx-ci, ne si bien reluire.
MACÉ, en soy mirant derechef.
Je suis joyeulx, quant je me mirre
En ung miroèr qui est si beau.
Je ne sçay, moy, que c’est à dire175 :
J(e) y voy deux oreilles de veau.
325 N’esse pas ung miroèr nouveau176 ?
Puis doit remectre son chappeau sur sa teste, en soy
mirant comme tout esbahy, et dit :
Mais je n’entens rien au surplus :
Pource qu’ay mis mon grant chapeau,
Ces deux oreilles n’y sont plus.
MICHAULT
Et ! je m’en voys, comme conclus177,
330 Aussi, par bieu, mectre le mien.
Lors doit mectre son chappeau dessus sa teste en soy
mirant.
[De ce miroèr, il est]178 conclus
Que je n’entens point le moyen.
Et quoy ! vécy chose de bien179 :
Que sont-ilz si tost devenu[e]s180 ?
335 Des oreilles, je n’en voy rien ;
Je croy, moy, qu’elles sont perdues.
LA PREMIÈRE FEMME
Tousjours seront entretenues
Noz queuës, car el(le)s sont honnestes.
LA SECONDE FEMME
Quant noz maris les ont tenues,
340 Ilz s’i sont miréz comme bestes181.
LA PREMIÈRE FEMME
Si en fera bien ses grans festes,
Encores, quelque homme de bien.
LA SECONDE FEMME
Ma[r]is, en despit de leurs testes,
Sont veaulx ; et si, n’en sçavent rien.
.
345 Nous retour[n]ons après les festes. 182
Adieu, messeigneurs !
LA PREMIÈRE
Adieu vous command !
.
EXPLICIT
*
1 Pour les rapports flagrants qui lient cette farce à la nôtre, voir sa notice. 2 Cette réplique est prononcée par maître Aliboron, qui est aussi l’un des personnages de notre farce. 3 Ce personnage de faux savant apparaît dans beaucoup de farces et de sotties : voir la note 8 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Ici, nous avons plutôt affaire à une espèce d’alchimiste, un Dapertutto dont les miroirs magiques capturent plus souvent des veaux que des alouettes. 4 Tout comme dans Grant Gosier, un fabricant de lanternes et un savetier partagent la même échoppe. Les petits artisans qui avaient peu de moyens recherchaient ces cohabitations professionnelles : dans Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, un couturier a pour colocataire un chaussetier. 5 Cette chanson illustre également la Résurrection Jénin à Paulme et la sottie des Deulx Gallans et Sancté (LV 12). Voir H. M. Brown, Music in the french secular theater, nº 319. 6 La soie est le poil dur et long du porc. Sous le nom de ligneul, les cordonniers l’utilisaient pour coudre le cuir. 7 Ce foutu ligneul. On le durcit avec de la poix pour l’empêcher de se plier. 8 La chaussure que je répare est en cuir de veau, plus tendre que le cuir de vache. 9 Boit le vin : « Quelque part il crocque la pye. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Croquepie est un personnage des Vigilles Triboullet. Cette chanson n’a pas été conservée ; cf. Brown, nº 67. On songe cependant à la chanson initiale de Jolyet : « Jolyet est marié/ À la fille d’un abbé. » 10 Compagnon. « Colin Guarguille, ce bon gautier. » Noël Du Fail. 11 Si fais = si ! Idem vers 180. 12 Les Parisiens fusionnaient « wé » en 1 syllabe. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 38, 51, 60, et note 19. 13 F : legende (Correction de Jelle Koopmans : Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 109-119.) Étudier sa gamme = faire l’amour. « À ma femme,/ Messire Jehan aprenoit sa game. » Les Trois nouveaulx martirs, F 40. 14 F : est (Pour peu qu’il y ait une nouvelle femme prise dans leurs filets.) 15 C’est pour eux de la chair fraîche. « Produyre fresche venaison. » Pour le Cry de la Bazoche. 16 Elle est à la maison. 17 F : blasme (à la rime. Correction de J. Koopmans.) Dire baume de quelqu’un = en dire du bien. « On y dict basmes. » Marchebeau et Galop. 18 La Seconde Femme est donc chambrière, ce qui n’est certes pas une preuve de vertu ! L’une des Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures se nomme Troussetaqueue. 19 Copuler. « Ma femme va tousjours jouer. » Deux jeunes femmes… 20 Par la foi que je dois à Dieu. « Foy que doy Dieu ! » Serre-porte. 21 Cependant. 22 Michaud se remet donc au travail. À moins qu’il ne traite son épouse de cuir de veau ; l’insulte misogyne la plus banale était « vieux houseau » : vieille botte en cuir. 23 « Baille-luy belle : cela se respond à qui nous dit quelque sottise. » (Antoine Oudin.) Voir Brown, p. 94. 24 Le recueil de Florence contient une farce intitulée Tarabin, Tarabas (F 13). Brown, au nº 385, n’a pas compris que la réponse de Michaud est la suite de la même chanson. 25 Ce que je fais. Les artisans qui employaient un marteau frappaient selon le rythme de la chanson qu’ils scandaient. « En oyant les marteaux fraper,/ Je leur veux aprendre à chanter. » L’Âge d’or, LV 17. 26 Du ligneul aussi mou que ma verge. Cf. la Confession Margot, vers 86 et note. 27 Alors, mouille-le. Sauf que Macé n’est pas en train de découper du cuir, qui s’attendrit quand on le mouille, mais de la corne. 28 F : .I. (Les rubriques des deux femmes étant aussi capricieuses qu’elles, j’ai partout généralisé LA PREMIÈRE FEMME et LA SECONDE FEMME. J’ai aussi harmonisé les rubriques de MAISTRE ALIBORUM.) 29 F : quil auront (Elle a troussé sous la ceinture la queue traînante de sa robe.) 30 F : saignez (Rime intervertie avec celle du vers 56.) Vous faites semblant de travailler. 31 Dans les Drois de la Porte Bodés, tout comme ici, une épouse menace son mari savetier avec une quenouille : « –Tu sentiras se ma quelongne/ Porte bon son, pour toy esbatre !/ –Haro ! ma femme me veult batre. » 32 Au lieu de travailler, vous passez votre temps à vous peigner. 33 F : faignez (Vous ceignez autour de votre taille vos ceintures en métal précieux.) Ce passage est brouillé par des ajouts d’acteurs, comme c’est toujours le cas dans les pièces qui ont beaucoup circulé. 34 F : beaux mestiers (La rime est en -ères.) Ce ne sont pas des manières dignes d’une femme honnête. 35 Les femmes allaient aux étuves ensemble, mais les hommes pouvaient en profiter pour faire bonne chère avec elles (on y servait à boire et à manger), ou pour faire bonne chair (il y avait des lits). « –L’envie de le voir, avec son grand & gros que-je-n’ose-nommer qui baloque entre ses jambes, me feist estre des vostres pour en assovir mon désir, tant c’est un beau gros mambre. –Si faut-il que toy, qui le gouvernes & qui a pris tant de peine pour luy, le fasses trouver à l’assemblée que nous avons proposée de faire aux Estuves, pour rendre la feste parfaite. » La Resjouissance des harangères. 36 F : .II. (C’est la Première Femme qui est l’épouse de Macé.) Macé discute avec la 1ère Femme dans un coin de l’atelier, et Michaud discute avec la 2ème Femme dans un autre coin. L’auteur a très habilement imbriqué les deux dialogues, mais l’éditeur a tout gâché en mélangeant les rubriques. 37 « Elles sont allées à la feste/ Voir leurs cousins et leurs compères./ Hélas, qu’ils font de bonnes chères ! » Deux jeunes femmes… 38 F : Mace 39 Michaud reconnaît que sa femme –chambrière– est experte en ce qui concerne l’office [le garde-manger]. Mais son patron étant un homme d’église, elle fait aussi preuve de bonté pendant l’office. Enfin et surtout, elle est bonne à l’office : à l’acte amoureux. 40 F : .I. 41 Un religieux : « Allez-vous-en, maistre novice,/ Chanter la messe en vostre église ! » (Ung jeune moyne et ung viel gendarme.) Mais l’épouse manie elle aussi le double sens : un novice est un puceau, ou un giton. « De filles n’avons nul besoin :/ Car avons-nous pas noz novices,/ Avecques lesquels prenons soin/ De trouver toutes noz délices ? » Ms. fr. 22560. 42 F : .II. (Elle parle à son époux, Macé.) 43 Sous l’aile : Je vous casserais les côtes. Les hommes reprennent leur travail, et les femmes vont discuter à l’écart. 44 Je me fie à sa parole. 45 Le peu qu’on gagne à ce jeu ne vaut pas la peine qu’on y gaspille des chandelles. 46 C’est un de ces riches aristocrates qui achetaient le commandement d’un bataillon. 47 Par l’intermédiaire de son estafette. 48 Que nous ne tardions pas trop à venir. 49 Vraiment ! Cette interjection féminine se rencontre plutôt sous la forme ennément : « Ennément, je n’en sçay rien ! » (Le Povre Jouhan.) On trouve la variante « enné ! » au vers 187. 50 Grâce à une bonne excuse. 51 Ce soir. La « compagnie française » peut être une compagnie militaire, mais c’est d’abord une compagnie galante et amoureuse : cf. les Chambèrières et Débat, vers 455 et note. 52 Elle va câliner Macé, tandis que sa complice va câliner Michaud. 53 Merde ! (Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 30.) La femme est arrivée par-derrière, faisant sursauter le fabricant de lanternes, qui a cassé une lamelle de corne (vers 241). 54 Que j’aille un instant chez une bourgeoise. 55 Tandis que le temps n’est pas trop laid. 56 F : vous vouldrez (La rime est en -let.) Le Povre Jouhan dit à sa coquette : « Or allez où il vous plaira. » 57 La mode était alors aux cols bas : « Bas colletz bordéz de sattin. » Gautier et Martin. 58 Pour l’égorger. 59 Qu’il n’y a pas trop de boue dans les rues. 60 L’île de la Cité, en plein cœur de Paris. 61 Elle y occupe l’office (rétribué sur la cassette royale) de « dame des filles », c.-à-d. de mère maquerelle de la cour de France. « À Olive Sainte, dame des filles de joye suivant la cour du Roy : 90 livres, par lettres données à Watteville le 12 May 1535, pour lui aider, & auxdites filles, à vivre & supporter les dépenses qu’il leur convient faire à suivre ordinairement la Cour. » Du Cange. 62 De malhonnêtetés. 63 Dans un lieu où on se livre à des pilleries. 64 Des parlotes. Ou des perlettes : « Vostre beauté sans seconde/ Vous fait de tous appeler/ “La perle unique du monde” :/ Il vous faut donc enfiler. » François Maynard. 65 Les deux femmes sortent, et parlent dans la rue en allant à leur rendez-vous avec le capitaine. 66 Tracas. « Quel tourment ! Quel dur assessoire ! » Marchebeau et Galop. 67 F : Auant (Avant que j’aie pu obtenir la permission de sortir.) 68 F : rongie 69 F : songe (« Forger fault une menterie. » Tout-ménage.) 70 Les brides qui nous permettent de les mener comme des chevaux de labour. « Bel Acueil a trop longue longe. » Roman de la Rose. 71 Même s’ils étaient un bon millier. 72 Tenir serre = tenir la bride haute. Cf. l’Avantureulx, vers 465. 73 F : traigner (La rime est en -lier.) 74 Nous les métamorphoserons en ânes. 75 Notre généreux capitaine. 76 Acte II. Les femmes reviennent de leur rendez-vous. Elles entrent dans l’atelier sans faire de bruit. Les maris, qui leur tournent le dos, ne les voient pas. 77 Buvons un coup pour nous éclaircir le gosier. Il sort une bouteille de sa cachette. 78 En vadrouille. « Garder/ Ma femme d’aller en guarrouage. » (Ung Mary jaloux.) Ici et au vers suivant, l’auteur s’amuse à désigner par le pronom « ils » les deux comédiens travestis en femmes. Voir les notes 134 et 142. 79 F : a leglise (Correction suggérée par J. Koopmans.) Qu’elles soient au monastère. 80 Elle traite Macé de fabricant de soufflets, ce qui est une insulte pour un faiseur de lanternes : le lanternier produit de la lumière, le souffletier du vent. 81 F : iamais (Vu que nul ne nous vit jamais dans la débauche.) 82 Du côté de la cathédrale Notre-Dame, dans l’île de la Cité (vers 96). 83 F : a la (En train de vous faire marteler sous un homme.) 84 Avec sa bouche. « Tu as menty parmy la gorge ! » La Nourrisse et la Chambèrière. 85 F : appres come ung grain (Elles sont poussiéreuses, à force de traîner par terre.) On cuisait parfois le pain d’orge sous la cendre : « Usant à table du pain d’orge, & cuit sous les cendres. » (Pierre Viel.) On saupoudrait aussi le pain avec de la farine pour l’empêcher de moisir. 86 Dévergondée. « Sa femme est abandonnée. » Le Povre Jouhan. 87 Celui qui a amené cette mode. 88 À quoi je pense. 89 Leur statut social trop élevé. 90 F : comperes 91 Vous n’aurez pas dit la vérité. 92 Donc. Idem vers 257 et 267. 93 Vous sortirez d’ici à la vitesse d’une bourrasque. Michaud lève la main sur son épouse. 94 Ce vieux soudard. Les deux femmes sortent. 95 Besoin. 96 F : sauetier (« L’autre est sçavant, bon conseiller. » Seconde Moralité.) 97 F : que 98 Si l’on m’en croit. 99 Un peu. Idem vers 85 et 266. 100 Même octosyllabe que le vers 72. 101 Les deux hommes restent dans l’atelier et débouchent leur bouteille. Par convention théâtrale, seul le public les entend parler. 102 Tel que je l’ai complété, ce vers apparaît notamment dans la Mauvaistié des femmes. 103 Les deux femmes s’approchent de l’étal où le marchand d’orviétan guette les naïfs « pour métridal et triacle* esprouver », comme le stipulent les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle. *Mithridate et thériaque. 104 F : moyen (Même faute au vers 285, due au fait que l’imprimeur a mal résolu l’abréviation manuscrite de la syllabe main.) Allons lui raconter notre situation. « Et que tout compté lui auray/ Vostre maintien. » ATILF. 105 Il verse du vin dans deux chopes. 106 F : les eust chassez au (Si nous ne les avions pas fait taire. Cf. le Dictionnaire de l’Académie françoise, 1694.) Confusion avec « chasser au peautre » : envoyer au diable. « On te debvroit, présent, chasser au peaultre ! » ATILF. 107 Sans soustraire les remises. « Vous comptez sans rabatre ! » Farce de Pathelin. 108 La pommade. Pathelin en lègue une boîte à son apothicaire, Aliboron : « Et à vous, maistre Aliborum,/ [Je donne] d’oingnement fin plain une boiste. » Testament Pathelin. 109 De grognements. 110 Les saisiront. « De fièvre soit-il espousé ! » Jehan qui de tout se mesle. 111 F : grans sermens (Rime irrégulière. « Icellui bailli avoit juré grant serment que ledit procès seroit scellé. » Du Cange.) Un interpolateur est intervenu entre les vers 194 et 196, en dépit du sens, de la rime et de la métrique :MACE / Noz femmes ont des chaperons / Affin quon die qui sont gaillardes / LA PREMIERE FEMME / Il me semble de ses lucanes / Qui sont au faiste de ses maisons / Ilz nous ont iure grans sermens / Quant au regard des chapperons / Cest la maniere de maintenant 112 Cessent. 113 Dans des étuves, avec des « compères » : voir les vers 61-63. 114 Je leur jouerai un tour. « Sert-on, à Paris, de telz metz ? » Mahuet. 115 Intègre. Mais aussi : non châtrée (note 142). 116 Vieille prostituée au sexe trop large. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 380 et note. 117 F : couroucez (Ne vous courroucez pas. Idem vers 222.) 118 F : affollees (Aliboron répond à la seconde femme.) Affolé = assommé de coups : cf. Serre-porte, vers 243. 119 F : Ilz ne iouront plus (Le rabat et la volée sont deux termes du jeu de paume qui entrent dans de nombreuses expressions.) Je leur rabattrai leur caquet, ils ne triompheront plus. 120 Foulée aux pieds. Cf. Pates-ouaintes, vers 8. 121 Et en tripotant le postérieur de leurs propriétaires. Aliboron est obsédé par les fesses : voir les vers 240 et 272. Dans le Testament Pathelin, on lui lègue « du pur diaculum/ Pour exposer supra culum/ De ces fillettes ». Dans les Sotz qui corrigent le Magnificat, il disserte en spécialiste sur les « culz fourréz » des bourgeoises, qui « entendent bien les finesses/ Affin qu’on ne voye que leurs fesses/ Soient trop flétryes ou trop molles./ Pour ce le font, car l’on s’affolles/ Et picque, s’on y met la main ! » 122 Si je m’en courrouce. 123 Deux sous. 124 Je n’eus du plaisir avec lui. 125 La revêche. Se jouer à = copuler avec : cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 238 et 240. 126 Plus mauvais. « Plus dépiz sont que chiens. » Mistère du Siège d’Orléans. 127 Cocu. Un autre charlatan, maître Doribus, a mis au point un « récipé pour gens qui sont coux ». 128 Aliboron semble particulièrement bien placé pour savoir que Michaud est cocu… 129 F : redire (à la rime de 239.) Qu’il n’y aura plus rien à faire. On lit ce vers proverbial dans les Actes des Apostres, notamment : « Nous leur rostirons leurs museaulx/ Si bien qu’il n’y aura que frire. » 130 Avec ses mains baladeuses, Aliboron accroche un miroir sous la traîne (enroulée vers le haut) des deux femmes, afin que la lumière qui frappe ce miroir éclaire la traîne par-dessous et la fasse luire. On eût aimé qu’une des nombreuses didascalies qui détaillent le jeu des acteurs nous expliquât comment s’y prend Aliboron pour que ce miroir puisse tenir à l’horizontale pendant que les dames marchent. 131 F : reluire (Dans toute la partie versifiée, à 13 reprises, le mot « queu-e » est dissyllabique.) L’auteur joue sur l’expression « voir sa queue luire » : bénéficier d’une occasion favorable. « [Ils] cuident le Roy destruire quant ils verront leur queue luire. » (Guillaume de Machaut.) Mais on songe aussi à « un paon qui faict sa queue reluyre ». (Le Lazare, LV 42.) 132 Sans m’y reprendre à deux fois, ce qui eût créé un défaut dans le verre. 133 Aliboron s’adresse au public : y a-t-il quelque chose à redire ? 134 La traîne étant relevée, le faux cul que ces dames portent sous leur robe est outrageusement moulé. (Voir la note 42 du Povre Jouhan.) Il l’est d’autant plus que les acteurs qui jouent ces rôles de femmes exhibent une « féminité » débordante. 135 Les lanterniers tranchaient la « paille de corne » très finement pour qu’elle devienne translucide ; par voie de conséquence, elle se brisait souvent. « Ma vieille lanterne sans corne. » (Les Tyrans.) Notons que cette corne ponctue à point nommé une tirade sur le cocuage. « Les cornes croistront sur leur front ;/ Lors, lanterniers auront bon temps ! » Pronostication nouvelle. 136 F : ung couraige de poix (Un chef-d’œuvre. « Si un orfèvre, après avoir achevé quelque ouvrage de prix. » Jean Cordier.) 137 F : seroit belle trainant (La rime est en -ière.) 138 F : dorleans (On adaptait les indications de lieu aux villes dans lesquelles on jouait. Voir la note 147 des Femmes qui font refondre leurs maris.) 139 À leur bonnet : à eux. « Il a bien parlé à sa barette : Il luy a parlé aigrement. » Oudin. 140 Présentables. Idem vers 338. 141 Avez-vous entendu ? Cette contraction est normande, mais les auteurs parisiens l’adoptaient pour raccourcir un vers trop long. Voir par exemple les vers 3 et 23 de la Résurrection Jénin à Paulme, qui fut écrite pour un collège du Quartier latin. 142 Jeu de mots sur les testicules (lat. testes). « Ung homme a deux testes, et la femme n’en a qu’une. » Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge. 143 Macéré. Cf. les Enfans de Borgneux, vers 56. 144 Il entend les femmes jacasser dans la rue. Un exemple de ce bavardage hors texte a survécu : voir la note 146. 145 « Mon » est une particule de renforcement qui étaye un verbe. 146 Dans la rue, les épouses piaillent n’importe quoi : LA .I. / Ma queue mon chaperon / Est fait a la facon qui court / LA .II. / Il y fault du parchemin pour / Le faire tenir debout 147 Les femmes entrent dans l’atelier. 148 D’une messe qui permet de gagner des indulgences. Cf. le Povre Jouhan, vers 289. 149 De prendre un cours de solfège. Double sens érotique : cf. Ung jeune moyne, vers 236. 150 F : recourt (Il a cousu notre queue un peu plus haut. « Commencèrent lors à apoindre/ Et à nouer, et à lyer. » Godefroy.) 151 À votre « mal joint », à votre sexe. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 567. 152 Il en est gourmand. Voir la note 121. 153 On troussait déjà la queue des chevaux sauteurs. Or, nos deux pouliches sont sauteuses. 154 Ces deux vers hypermètres prolongent la métaphore équestre du vers 269. De plus, Macé n’ignore pas qu’on trousse la queue des juments à vendre, pour que l’acheteur puisse tâter leur croupe : « Elle porte sa queue troussée,/ Comme la jument de Macée/ De quoy on veult argent avoir. » (Jehan d’Ivry.) Or, les deux juments de la pièce sont à vendre, ou du moins à louer. 155 Que je vais vous demander. 156 F : reluire (Note 131.) 157 F : feray 158 Les maris s’agenouillent devant les fesses de leurs femmes. 159 F : moyen (Note 104.) Je me mire convenablement. « Tenant l’espée nue en main, & couvert de son escu par bon maintien. » Guillaume Landré. 160 F : orelien (Orléanais. Voir la note 138.) 161 F : boureau (Aggravation de l’insulte ordinaire « plus lourd qu’un veau » : « Les bragardes/ Ne voudront plus d’habits nouveaulx (…)/ Que leurs coquus, plus lours que veaux,/ Permettent nuict et jour porter. » Moyens pour faire revenir le Bon Temps.) 162 Le bonnet à oreilles des Sots. On a traité les deux maris de canassons (v. 117), d’ânes (v. 125) et de taureaux (v. 288) ; ils intègrent maintenant leur avatar définitif : les veaux. Ce mot désigne les imbéciles : cf. Frère Fécisti, vers 179 et note. À la fin des Deux jeunes femmes, en guise de chapeau, les maris sont affublés d’une coiffe féminine. 163 Si je n’ôte pas. La large toque du savetier l’empêche d’approcher son visage du miroir. 164 Des choses étonnantes. 165 De ma femme. Sur ce génitif archaïque, voir la note 1 du Clerc qui fut refusé à estre prestre. 166 Cet ivrogne a l’habitude de voir son reflet dans le verre d’une bouteille. 167 Devenir fous furieux. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 341. 168 Malgré eux. Cf. Jehan de Lagny, vers 206. 169 Nier. 170 Ces traînes servaient à balayer. « Ne les faisoit-il pas bon voir quand elles avoyent les grandes queues troussées, ou quand d’icelles traînantes elles balioyent les églises ? » Henri Estienne. 171 Être hors de la réalité : « Il nous songe cy le moron :/ Noz faiz ne luy semblent que truffes. » (ATILF.) En grec, μωρόν = fou. 172 Ayant un furet, un pénis ; voir la note 5 du Faulconnier de ville. 173 C’est souvent le salaire des prostituées occasionnelles. « Je vous donray ung chapperon. » (Le Dorellot aux femmes.) Cf. Grant Gosier, vers 107. 174 Puisque nous sommes des femmes si distinguées. Il va de soi qu’une bourgeoise élégante coûtait plus cher qu’une humble paysanne. Voir les vers 341-342. 175 Ce que ça veut dire. 176 Qui sort de l’ordinaire. 177 F : reclus (Comme je le conclus.) Jeu de mots sur « être conclus » : s’être fait clouer le bec par une femme. « [Le mari] sera conclus et vaincu, en la parfin. » XV Joyes de Mariage. 178 F : Par se miroer ie (Il est certain que je ne comprends pas le principe de ce miroir.) 179 Voilà une chose extraordinaire. 180 Que sont devenues mes oreilles de veau ? 181 Comme de vulgaires paons. « On dit qu’un paon se mire dans sa queue, en parlant d’un sot glorieux qui fait vanité de sa bonne mine, ou des autres bonnes qualitéz qu’il croit avoir. » Le Roux. 182 Nous reviendrons après les festivités du Carnaval. La troupe orléanaise se fait de la réclame à peu de frais.
GRANT GOSIER
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GRANT GOSIER
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Les auteurs de farces s’aident parfois d’une contrainte qui consiste à mettre en scène au premier degré un proverbe ou une expression. Dans cette farce parisienne, deux harengères font prendre des vessies pour des lanternes à leur époux1. Les vessies en question ne sont pas théoriques : les comédiens les montrent aux spectateurs. On s’interroge alors sur la nature de cet objet dans lequel on peut introduire une chandelle. En fait, il s’agit tout bêtement d’une vessie de chimiste : cette cornue métallique2 possède un goulot dans lequel on insère non pas une chandelle, mais le bout de l’alambic. « Il faut tirer du vaisseau toute la matière, & la mettre dans la vessie d’airain, y adaptant l’alembic. » (Pharmacopée de Bauderon.) Cette vessie était employée pour distiller l’eau de vie ; par conséquent, nos harengères l’utilisent pour boire. La sobriété de ces paisibles commerçantes, que ce soit en matière de boisson, de mœurs ou de langage, est détaillée dans la farce de l’Antéchrist.
Le titre court de la pièce est Grant Gosier3. Rien à voir avec le Grandgousier de la geste gargantuine ; le seul point commun entre le savetier de notre farce et le géant rabelaisien est leur amour du vin.
Source : Recueil de Florence, nº 15. Pour des raisons dramaturgiques, le chef de troupe a voulu commencer par la dispute des harengères ; il a donc décalé la première scène, plus banale, aux vers 73-96. Pour affirmer cela, je m’appuie sur quatre arguments. 1> L’index personæ dispose toujours les personnages dans leur ordre d’entrée ; on peut conclure de cet index que les deux hommes ouvraient le feu. 2> Dans un livret de théâtre, la rubrique initiale se termine toujours par le mot commence : ce n’est pas le cas de celle qui en tient lieu ici. 3> L’actuel 1er vers, en -is, rimait avec un vers précédent qui a disparu au montage. 4> Beaucoup de farces débutent par une chanson : par exemple Serre-porte, où « le Savetier commence en chantant », tout comme le savetier qui « commence en chantant » au début du Pauvre et le Riche, ou celui qui « commence en chantant » au début du Savatier et Marguet, etc. Dans Grant Gosier, la chanson inaugurale se trouve bel et bien à l’entrée du savetier, mais au vers 73, alors que dans les autres farces, elle est au vers 1.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse des
Femmes qui font
acroire à leurs
maris de vécies que
ce sont lanternes
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À .V. personnages, c’est assavoir :
[JEHAN MARION] 4
GRANT GOSIER
LA PREMIÈRE HARANGIÈRE [Thyphaine, femme de Jehan Marion]
LA SECONDE HARENGIÈRE [Jehanne, femme de Grant Gosier]
LA VIEILLE
.
GRANT GOSIER
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*
LA PREMIÈRE POISSONNIÈRE 5 SCÈNE II
Ilz sont tous vifz6, tous vifz, tous vifz !
Je l’ay, je l’ay la marée fresche7 !
LA SEGONDE [POISSONNIÈRE]
Je l’ay, je l’ay, la grande sèche8 !
La grant, la grant, c’est la grant roye9 !
5 Je fais marché10 pour la monnoye :
Je donne cinq11 pour ung grant blanc.
Là, là ! Auray-je [nul chalant]12
Pour expédie[r] mon panier13 ?
LA PREMIÈRE
Çà, çà, çà ! Elle n’est que d(e) hier14 !
10 Ilz sont tous vifz, tous vifz, tous vifz !
LA SEGONDE
J’ay bon15 merlus, à mon advis !
Venez prendre ma marchandise !
LA PREMIÈRE
La mienne vault mieulx qu’el devise16 :
La mienne est plus fresche dix foys !
15 Va, va aux Halles17, vielz harnois !
Ta marée si ne vault rien !
Mon poisson vault mieulx que le tien,
Voy-tu, sanglante18 harangière ?
LA SEGONDE
Va, vieille, va à la rivière
20 Laver ton baquet19, [car] il put !
LA PREMIÈRE
Enné20 ! il ne sent que le fust21 ;
Seurement il est plus honneste22
Que le tien !
LA SEGONDE
Orde23 déshonneste !
La croix bieu, vous avez menti !
25 Va, [va], paillarde !
LA PREMIÈRE
Et toy aussy !
Ne sçay-je pas bien tout ton cas24 ?
Va, truende25 ! Va, vielz cabas !
J’é meilleure marée que toy !
LA SEGONDE
Que tu l’as plus fresche que moy ?
30 Je fairé [marquer ta]26 marée,
Et diray où tu es alée,
Par Dieu, se tu me dis huy mot !
[LA PREMIÈRE]
Mais toy, se descouvres le pot27,
Par Dieu, ton mari le sçaura !
LA SEGONDE
35 Que diras-tu ?
LA PREMIÈRE
On le voirra.
Fus-tu pas, devant-hier, au[x] Carmes28 ?
LA SEGONDE
Et toy, avecques les gens d’armes29 ?
LA PREMIÈRE
Et ! je fus tes fièvres quart[ain]es30 !
Me vien-tu dire ces fredaines31,
40 Très orde vilaine32 loudière ?
LA SEGONDE
Vous [en] avez menty, commère !
Les coquins de Sainct-Innocent33
N’auroi[e]nt c[ur]e de ton harenc
Tout pu[an]t34, et vilain, et ord !
.
LA VIEILLE 35 SCÈNE III
45 Ho ! commères, vous avez tort.
Vous fault-il ainsy entrebatre ?
LA PREMIÈRE
Je la batré plus que vieulz plastre36,
La croix bieu, s’elle me dit mot !
Ne sçay-je pas tout le tripot37,
50 Et là où tu prens challandise38 ?
LA VIEILLE
Et ! vendez vostre marchandise
Sans vous débastre nullement.
LA PREMIÈRE
S’elle dit mot, par mon serment,
Je décliqueray le cliquet39 !
LA SEGONDE
55 Tu feras ton sanglant gibet !
Ne suis-je mye preude femme ?
LA PREMIÈRE
Tu en as menty, par mon âme !
LA SEGONDE
Et ! me di[ra]s-tu celle injure ?
Je te defferay la figure
60 Se me prends à toy, maquerelle40 !
LA PREMIÈRE
T’y prendras-tu41 ?
LA VIEILLE
Baillez-luy belle !
Par Dieu, voicy trop combatu !
Mais ne cesserez-vous mèshuit42 ?
LA PREMIÈRE
Tu auras des coups plus de huit,
65 Truande, paillarde, mastine43 !
Je te chanteray ta matine44,
Par Dieu ! Grant Gosier le sçaura !
LA VIEILLE
Et ! taisez-vous, taisez, hen dea !
Ne craignez-vous point vos maris ?
[LA SEGONDE]
70 Je suis marchande de Paris
Et tu me viens [cy] dire injure ?
LA VIELLE
N’en parlez plus à l’aventure.
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GRANT GOSIER, en chantant 45 SCÈNE IV
Comment le buvroys-je,
Ce vin qui est si bon, don, don ?
75 Plus boire ne pourroye.
JEHAN [MARION]
Hé ! franc pion46 plus franc q’une oye :
Buras-tu point, à ce matin,
De vin de Beaulne ou [vin] de Rin47 ?
Se ne boy, jamais n’auray joye :
80 Grant Gosier, prenons le chemin,
Beau sire, pour aller pier48.
GRANT GOSIER
Il me fault, avant, taconner49
Mes souliers, pour avoir [du caire]50.
JEHAN [MARION]
Sang bieu ! je buvray [bien] au verre51,
85 Mais52 que ma lenterne soit faicte.
Ha ! je te prie, plus n’arreste53,
Despeschons-nous sans plus tarder :
Je ne m’en pourroye plus garder54.
GRANT GOSIER
Où yrons-nous ?
JEHAN [MARION]
Aux Pourcelectz55 :
90 Il y a, je le te promectz,
Du vin qui est le plus friant,
Qu’on a crié56 tout maintenant.
GRANT GOSIER
Laisser fault donc savèterie57.
Et si, prendrons (n’oublie mie)
95 Chacun ung haren58 à sa femme.
JEHAN [MARION]
C’est bien dit !59
.
LA PREMIÈRE SCÈNE V
Orde vieille paillarde infâme,
Par Dieu, je te torcheray : tien60 !
LA SECONDE
Sainct Jehan ! aussy feray-je bien.
Et ! m’as-tu appellée ribaude ?
.
JEHAN [MARION] 61 SCÈNE VI
100 Le sanc bieu ! nous l’avons bien cha[u]lde62 :
Escoutez ung petit63 nos femmes.
GRANT GOSIER
Je croy64 que ces vielles infâmes
S’entreturont, n’est-il pas vray ?
.
LA PREMIÈRE SCÈNE VII
Par la croix bieu ! je luy diray
105 Que [t’]as esté aux Cordeliers65,
Et qu’il y eust deux cousturie[r]s
Qui t’ont donné ton chaperon.
LA SEGONDE
De qui euz-tu ce cotillon ?
N’a-ce pas esté ung vieulz moyne
110 Qui te l’a donné ?
.
JEHAN MARION SCÈNE VIII
Sainct Anthoine !
Nous en avons au long des rains66.
[GRANT] GOSIER
Je te requiers à joinctes mains,
Beau sire : oyons la quirïelle67.
.
LA PREMIÈRE SCÈNE IX
Ceste orde vieille maquerelle
115 Me vient tousjours injurier.
LA SEGONDE
Mais toy, ne fus-tu pas, hier,
Porter68 harenc dedans le cloistre ?
LA VIEILLE
Tanserez-vous huy en cest estre69 ?
Voz maris viennent, assoti[e]s70 !
LA PREMIÈRE
120 Çà71 ! je croy qu’i nous ont ouÿ[e]s.
.
JEHAN MARION SCÈNE X
Sans bieu, vécy bonnes vies !
Et ! par Dieu, il les fault bien batre !
[GRANT] GOSIER
Sainct Jehan ! il ne fault point débatre :
Ilz seront torchés72 à l’ostel.
JEHAN MARION
125 Jamais je ne vis cas ytel73 ;
C’est grant chose que d’escouter.
Allons-nous-en sans caqueter,
Et ne disons mot maintenant.74
.
LA PREMIÈRE 75 SCÈNE XI
Hélas, ma bonne mère-grant,
130 Donnez-moy quelque bon conseil !
Le cas est advenu ytel
Par toy, orde vieille paillarde !
LA SEGONDE
Le feu sainct Anthoine vous arde76 !
C’est par vous !
LA PREMIÈRE
Vous avez menty :
135 Par vous est venu tout cecy,
Paillarde, coquine77, truande !
LA VIEILLE
Taisez-vous, je vous le comande !
Je vous en donneré bon remède.
Avant que plus loing on procède,
140 Prenez chacunne sa vessie78.
LA PREMIÈRE
Hellas, que ferons-nous, m’amie(s) ?
LA VIEILLE
Faictes-leur trèsbien acroire
Qu’ilz [verront mal]79 de si bien boire ;
Et leurs faiz, après80, escoutez.
145 Et puis après, vous leur direz
Que ce sont icy deux lantarnes81 ;
Et leur monstre[re]z les lucarnes82
Par où on boute la chandelle.
LA PREMIÈRE
C’est bien dit, la façon est belle.
LA VIEILLE
150 Et puis, pour confirmacion,
Leur diray mon oppinion
En affermant83 ce que direz.
LA SEGONDE
Certes, m’amie, hélas, feriez ?
Et ! vous seriez trèsbonne femme.
LA VIEILLE
155 Ouy, foy que doy à Saincte Dame84 !
LA PREMIÈRE
Je m’en [re]voys85 à nostre hostel
[Avec Jehanne, s’il luy est bel.]86
.
Dieu gard, J[e]han ! SCÈNE XII
JEHAN [MARION]
Ha ! vieille paillarde,
Le feu sainct Anthoine vous arde !
160 Me faictes-vous telles menées87 ?
GRANT GOSIER
Sommes-nous ainsy gouvernés ?
LA PREMIÈRE
[Que voullez-vous dire ?]88 Quoy ? Qu’esse ?
JEHAN MARION
Vous et Jehanne la [ja]ngle[re]sse89,
Qu’avez-vous dit, à ce matin ?
LA PREMIÈRE
165 Qu’avons-nous dit ?
JEHAN MARION
[Par] sainct Martin !
Vous en aurez ung passe-avant90 !
LA PREMIÈRE
Estes-vous ivres maintenant91 ?
Comment sommes-nous arrivées92 !
JEHAN [MARION]
N’avez-vous pas estés « rivées » ?
170 Ne luy as-tu pas reprouché93 ?
GRANT GOSIER
Sans94 bieu, on vous a encoché95 !
Ha ! je le voy bien seurement.
LA PREMIÈRE
Vous estes yvres, vrayement !
Dea, voire, que voullez-vous dire ?
175 Regarde-moy ce vaillent sire :
Il est tant beau96 que plus ne peult.
LA SEGONDE
Il ne voit pas le point qui deult97,
Et si, ne scet-il qu’i fatroulle98.
JEHAN [MARION]
Que dictes-vous ? Vous estes soûle99 !
180 Je ne beuz ennuit100.
LA PREMIÈRE
C’est bien dit !
Dictes-moy icy vostre dit101 :
Qu’esse-là ?
JEHAN [MARION]
C’est une vessie.
LA SEGONDE
Une vessie ? Vierge Marie !
Et là, qu’esse102 ?
GRANT GOSIER
Et ! c’en est une.
LA SEGONDE
185 Une vessie ? Quelle fortune103 !
Regardez : c’est une lanterne.
JEHAN [MARION]
Sans bieu, comment on me gouverne !
Une lenterne, vertu bieu ?
Par le sang bieu, voicy beau jeu !
190 [Une lanterne ? Par quelz chermes ?]104
Nous voullez-vous faire telz termes105
Que de vessie[s] ce sont lanternes ?
LA SEGONDE
Dea ! il[z s’en] vienent des tavernes :
Ilz ont encores les yeulz troubles106.
JEHAN MARION
195 Belle dame, plus ne me troubles :
Mes lanternes sont-elle telles107 ?
LA PREMIÈRE 108
Voicy où on met les chandelles ;
Demande-le à ma voisine.109
.
JEHAN [MARION] SCÈNE XIII
Venez çà110 ! Dit[es], ma cousine :
200 Qu’esse-cy, par vostre serment ?
LA VIEILLE
Que c’est ? Il est bien évident :
Ce sont lanternes.
JEHAN [MARION]
Lanternes ? C’est bien dit !
[Se peult-il] qu(e) acroire on me fist
Que de lanternes fussent vessies ?
LA PREMIÈRE
205 Par la croix bieu ! quoy que tu dies,
On congnoist bien que tu es yvre.
LA VIEILLE
Voisin, que voullez-vous pour[su]ivre111 ?
Sont-ce pas lanternes icy ?
JEHAN [MARION]
Maulgré qu’en ait bieu ! qu’esse-cy ?
210 Sommes-nous ainsy gouvernéz ?
Nous en sommes bien lanternéz112 !
Nous ouaint-on113 de telles parolles ?
LA PREMIÈRE
Voyci de bonnes parabolles !
Dea ! ilz ne scevent où ilz sont.
215 Allons, lessons-les telz qu’ilz sont.
Le grant diable nous en délivre !
LA SEGONDE
Ort vieil paillart, tant tu es yvre,
Tu ne me verras de sepmaine.
LA PREMIÈRE
La sanglante fièvre quartaine
220 Relie qui leur en bauldra114 !
Jehan Marion si ne gaigna
Denie[r] il y a plus d’ung moys.
LA SEGONDE 115
Non fit Grant Gosier, par la croix
De Dieu ! Dea, j’en puis bien jurer :
225 Nous leur quérons116 boire [et] menger
Sur le gain que nous povons faire.
LA PREMIÈRE
Ma voisine, il [nous fault bien]117 taire ;
Mais s(e) une fois [y a jugé]118,
Jà ne demanderons congé119
230 D’aller où bon nous semblera.120
.
JEHAN [MARION] SCÈNE XIV
Dictes, voisine, venez là :
Ce ne sont pas lenternes, cy ?
LA VIEILLE
Et ! si sont, par la Dieu mercy !
Voicy merveilleuse fortune.121
235 Regardez, vez-en cy une.
Voicy où on met la chandelle.
JEHAN [MARION]
Ma lanterne est-elle telle ?
Ho ! je le croy, puisque le dictes.
[LA VIEILLE]
Et pour Dieu, que vous soyez quictes,
240 [À voz]122 femmes faictes la paix.
GRANT GOSIER
Et ! nous n’en parlerons jamais.
S’avons123 mal dit, pardonnez-nous !
LA VIELLE
Et ! cuidez-vous [donc] estre cou[x]124 ?
[Par mon serment], vous n’avez garde125 !
JEHAN [MARION]
245 Or, par Dieu, quant bien je126 regarde,
Cecy me semble une vessie.
N’y pensons plus, non, c’est folie.
Je croy bien que c’est une lanterne.
LA VIEILLE
Or me dictes icy quel(z) terme(s)127
250 Voullez vous à voz femmes tenir.
JEHAN [MARION]
Je ne sçay, ou puisse mourir !
Conseilliez-nous que nous ferons,
Et comment nous en chevirons128
Pour les apaiser, entre nous.
[GRANT] GOSIER, [en chantant] 129
255 Escoute, mon fin cueur doulx130…
Nous deux leur cri[e]rons « mercy »
À deulx genoulx, en ce lieu-cy,
Sans jamais sur elles parler131.
LA VIEILLE
Or çà, je m’en vueil donc aller
260 Pour faire vostre132 appointement :
Je voys à elles en présent133.
Attendez-moy cy, je revien !134
.
Çà, mes commères, je fais bien SCÈNE XV
De voz maris ce que je veulx.
LA PREMIÈRE
265 Qu’avez-vous fait ?
LA VIEILLE
Se m’aïd Dieux135 !
Prestz sont de vous crier mercy.
LA SECONDE
Dictes-vous vray ?
LA VIEILLE
N’aiez soucy :
Ilz feront ce que [vous] vouldrez.
D’ore-en-avant136, vous en irez137
270 Partout où bon vous semblera ;
Portez voz raies138 çà et là :
Jamais ilz ne vous en diront parolle.
LA SEGONDE
Vous vallez139 ung maistre d’escolle,
Pour bien monstrer une leçon.
275 Conseillez-nous140 que nous feron(s)
Pour les tenir tousjours en serre.
LA VIEILLE
Ne vous chaille, venez grant erre141 !
Je leur diray, je vous assure,
Que vous [faictes si grant murmure]142
280 Qu’à peine vous apaiserez143.
Venez-vous-en sans demourés :
Ilz sont gluéz144, je vous affye.
LA SEGONDE
Si ferons-nous, ma doulce amye.
Allez devant incontinent.
.
LA VIEILLE 145 SCÈNE XVI
285 Grant Gosier, j’é [faict parlement]146
Pour vous et pour Jehan Marion.
Venez avant147, par saint Symon !
Vous me donnez beaucoup de peine.
GRANT GOSIER
Bien venez, commère Thyphaine148 !
290 Et vous aussy semblablement,
M’amye ! Se j’ay nullement
Dit quant [à] vous chose qui touche149,
Pardon vous requiers humblement,
Car j’é menti parmi ma bouche.
JEHAN MARION
295 Aussi ay-je fait somme toute.
Je me repens, par mon serment !
Jamais, en jour de mon vivant150,
Ne vous diray telles parolles.
LA PREMIÈRE
Cuidez-vous que nous soyons [si] folles151
300 Que vous pensez à vostre advis ?
Par Dieu ! il n’y a en Paris
Plus preudes femmes que nous sommes.
GRANT GOSIER
Sainct Jehan ! vous dictes vray. Nous, hommes152,
Sur ce cas sommes153 abuséz.
305 Pour ce, v[u]eillez nous pardonner
Ceste fois, je vous [en] suplie !
LA SEGONDE
Sommes-nous aises qu’on s’en rie154,
Des parolles que dit avez ?
[JEHAN MARION]
Vrayment, il n’en fault plus parler ;
310 Laissons tout cecy, maintenant.
Allez et derrière et devant155 :
Par Dieu, nous en sommes d’acord !
LA PREMIÈRE
Se jamais en faictes effort156,
Par Dieu, nous nous rebell[er]ons !
315 Vous sçavez bien que nous avons
Des challans157 en beaucoup de lieux,
Qui nous mandent, voire ce m’aïd158 Dieux,
Pour leur porter de noz harens.
JEHAN MARION
C’est bien fait de faire [leurs grans]159
320 Plaisir[s] à ceulx que vous aymez :
Ilz vous font tous les jours gaigner,
Et feront au temps advenir.
Pour tant160, je ne vueil plus tenir
Parolles161, jamais, nullement.
LA SEGONDE
325 C’est trèsbien dit, par mon serment !
Tout cecy nous vous pardonnons.
Et sur ce point, nous concluons
Que plusieurs femmes de Paris
Font acroire telles façons,
330 Le plus souvent, à leurs maris.
.
EXPLICIT
*
1 Ces Femmes qui font acroire à leurs maris de vécies que ce sont lanternes sont les proches cousines des Femmes qui font baster leurs maris aux corneilles (F 29). 2 Les vessies de chimiste sont en cuivre ou en airain, mais celles qu’on voit sur la scène sont en verre, pour que leur ressemblance avec des lanternes vitrées soit plus crédible. 3 Voir l’édition de Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 221-231. 4 F : Jenin (C’est probablement par hasard que ce fabricant de lanternes parisien porte le même nom qu’un poète nivernais et qu’un éditeur lyonnais contemporains.) Jean Marion partage son échoppe avec un savetier, Grand Gosier. On trouve exactement le même duo professionnel dans les Queues troussées, où le lanternier Macé cohabite avec le savetier Michault. 5 La scène I est devenue la scène IV, comme je l’explique dans ma notice. Nous sommes à Paris, sur le Petit-Pont (voir la note 4 des Sotz escornéz). Deux harengères ont dressé leurs stands côte à côte, et se chamaillent comme celles des Laudes et complainctes de Petit-Pont, de Jehan Le Happère. 6 On prononçait : « Tous vits ! » « Les femmes n’ont cure de danser aveuc les mors, mais très bien aveuc les vifs. » (Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge.) Les crieurs publics ne reculaient devant aucun calembour pour attirer les clients. Par exemple, les vendeuses ambulantes de harengs saurs criaient : « Harengs sots ! » La grivoiserie n’est jamais loin, comme le prouvent notamment les cris des ramoneurs, qui promettent de bien ramoner la cheminée des jeunes femmes. 7 Comprendre : « Je l’ai là, ma raie fraîche. » Voir le vers 4. 8 Seiche. La grande sèche = la grande dure. 9 La grande raie. « Ta raye put : ne la metz plus en vente. » Laudes et complainctes. 10 Je me vends. Nous verrons plus loin que ces dames se vendent contre de la lingerie. 11 On prononçait comme « seins ». Le grand blanc est le salaire des prostituées de bas étage : « Ung beau grand blanc –qui n’est pas trop grant somme–/ Fist le marché. » (Les Sept marchans de Naples.) Cf. Jehan de Lagny, vers 358. 12 F : nulz chalans (Idem vers 316.) Ce mot désigne un client, y compris un client de prostituée. « CHALAND : Celui qui se divertit d’une manière libertine avec des femmes qui aiment ce négoce. » (Le Roux.) Cf. Frère Phillebert, vers 122. 13 Mon postérieur. « Marion, qu’avez-vous à rire ?/ Avez-vous “hoché le prunier” ?/ Je voy bien ce gracieux sire/ Qui veult percier vostre panier. » (Vie et passion de monseigneur sainct Didier.) Nous disons toujours : « Mettre la main au panier. » 14 Ma marée fraîche (vers 2) a été pêchée hier. 15 F : bou (L’imprimé contient 10 autres « n » ou « u » à l’envers, que je corrige tacitement.) 16 Qu’elle ne le dit : que la sienne. 17 Sur l’antagonisme qui régnait à Paris entre les poissonnières des Halles et les poissonnières indépendantes, voir la note 3 de l’Antéchrist. « Vieux harnais » [vieille vulve] est une injure fréquente. 18 Maudite. Idem vers 55 et 219. Le mot « harengère » était devenu péjoratif ; « poissonnière » était plus chic. 19 Ton sexe. « [Elle] aura, pour sa plaisance,/ À Pièrequin ou à Jacquet (…)/ Mille foiz presté son bacquet. » (Sermon plaisant.) Cf. Laudes et complainctes, vers 121. 20 Interjection féminine. Cf. le Résolu, vers 50 et note. 21 Le chêne. Mais aussi : le pénis. « La dame (…) s’escrye, disant que son escu n’estoit assez puissant pour recevoir les horions de si gros fust. » Cent Nouvelles nouvelles, 86. 22 Plus propre. 23 Sale. Contre des poissonnières, c’est une insulte banale : voir les vers 40, 96, 114, 132. 24 Tous tes trafics. 25 Misérable. Idem vers 65 et 136. Un « vieux cabas » est une vieille prostituée au sexe trop large ; cf. les Chambèrières et Débat, vers 380 et note. 26 F : marchandise de (Je la ferai saisir. Cf. l’Antéchrist, vers 29-34.) 27 Si tu découvres le pot aux roses, si tu me trahis. 28 Au couvent de ces moines paillards. « Vits de prescheurs,/ De carmes, de frères myneurs. » Le Tournoy amoureux. 29 À la caserne des soldats. 30 Voir le vers 219. 31 F : procardes (qui n’a aucun sens.) « L’une dit ung tas de fredaines,/ Et l’autre, qu’il n’en estoit rien. » (Guillaume Coquillart.) Le synonyme trudaines est aussi envisageable. 32 F : vieilles (La loudière est une femme de mauvaise vie : cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 217.) 33 Même les gueux qui vivent dans le cimetière des Saints-Innocents. Voir la note 58 des Premiers gardonnéz. 34 Cf. les vers 9 et 29 de l’Antéchrist, ainsi que le vers 116 des Laudes. 35 C’est une voisine des deux couples. 36 Nous disons toujours : « Battre comme plâtre. » Cf. Deux Jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 41-42. 37 Tous les tripotages auxquels tu te livres. Cf. les Povres deables, vers 228. 38 Dans quels lieux tu vas chercher ta clientèle. 39 Je débloquerai la roue du moulin à paroles. 40 On accorde souvent ce titre aux vendeuses de maquereaux : cf. le v. 251 de l’Antéchrist, et le v. 124 des Laudes. 41 T’en prendras-tu à moi ? 42 Maishui : bientôt. 43 Chienne (femelle du mâtin). 44 « Avez-vous ouï noz voisines,/ Qui ont bien chanté leurs matines ?/ L’une a crié, l’autre hué. » Jehan qui de tout se mesle. 45 F : chantent (Voici l’ancien début de la pièce.) Les deux artisans sont dans l’échoppe qu’ils partagent. Le savetier, qui ne se nomme pas « Grand Gosier » pour rien, passe son temps à chanter, comme toujours dans les farces : voir la notice du Savatier et Marguet. Cette chanson à boire n’est point parvenue jusqu’à nous. 46 Bon buveur. « Et qui est ce vuideur de potz ?…./ Or est-il le plus franc pyon/ Qui soit point d’icy en Bourguoigne ! » (Sermon joyeux de bien boire.) Ce n’est pas difficile d’être plus franc qu’une oie, qui est réputée pour sa sournoiserie. 47 Du Rhin. F intervertit ce vers et le suivant. 48 Boire (argot parisien). Cf. Tout-ménage, vers 193. 49 Rapiécer. 50 F : aubert (Aubert et caire sont deux mots d’argot parisien qui désignent l’argent. « Il a de l’aubert et du caire. » Maistre Doribus.) 51 F : voire 52 Pour peu. Jean Marion fabrique des lanternes (note 4). 53 F : narrestons (Correction suggérée par J. Koopmans.) Ne traîne plus. 54 Je ne peux m’abstenir plus longtemps de boire. 55 Cabaret parisien. « Jouer aux Pommes de Pin, se retirer sur le Bœuf, se deffendre au Pourcelet. » Lettre d’escorniflerie. 56 Les taverniers envoyaient dans les rues des crieurs de vin : « L’on a crié du moûlt de Rin :/ En voulez-vous avoir ung pot ? » (Le Clerc qui fut refusé à estre prestre.) Jean sait que ce vin est « friand » parce que le crieur lui en a fait goûter un échantillon : « L’on crie vin nouveau et vieulx,/ Duquel l’on donne à taster. » (Les Crys d’aucunes marchandises que l’on crye parmy Paris.) 57 Mon activité de savetier. 58 Les buveurs avaient coutume de manger salé, comme l’autre Grandgousier (Gargantua, 3). 59 Les deux hommes se dirigent vers le Petit-Pont. 60 F : bieu (Bien est à la rime.) Torcher = frapper : cf. Colin filz de Thévot, vers 148. 61 Les deux hommes s’arrêtent à quelques pas pour écouter leurs femmes. 62 On nous la baille belle. « Mais quant (…) je voulu mon sallaire/ De luy avoir, j’avoye beau braire (…) :/ Dieu scet qu’il me la bailla chaude ! » ATILF. 63 Un peu. 64 F : cuide (Vers 120, 238 et 248.) 65 Au couvent de ces moines considérés comme les plus lubriques de tous. « Carmes et cordelliers de vostre con joïssent. » Jehan Molinet. 66 Des reins, comme si nous recevions des coups de bâton. 67 La kyrielle, la suite. 68 F : Proter du (Les poissonnières livraient à domicile : voir les vers 315-8.) 69 En ce lieu. « Être » rime avec « cloêtre ». La Vieille aperçoit les deux époux. 70 Sottes ! Cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 21. 71 F : Sans faulte 72 F : couches (Elles seront rossées à la maison. Voir le vers 97.) Ce masculin est un jeu extrêmement courant sur le fait que les rôles de femmes sont joués par des hommes travestis. Voir la note 142 des Laudes. 73 Tel que celui-ci. Idem vers 131. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 143. 74 Les deux hommes retournent à l’atelier au lieu d’aller boire à la taverne. 75 Elle s’adresse d’abord à la Vieille, puis à sa rivale. 76 Que le mal des ardents (l’ergotisme) vous brûle ! Même vers que 159. 77 Mendiante, avec une nuance érotique. « Vous estes tant coquine/ De ces vitz que c’est grant pitié ! » Mystère d’ung Jeune enfant que sa mère donna au dyable. 78 Votre gourde d’eau de vie (voir notice). 79 F : venront (Qu’ils auront la vue troublée par l’alcool.) 80 F : aues (Ensuite, écoutez leurs récriminations.) 81 Faites-leur croire qu’ils sont tellement soûls qu’ils prennent des lanternes pour des vessies, et que par conséquent, ils se sont aussi trompés quand ils ont cru entendre vos aveux. Les Parisiens pouvaient prononcer ar au lieu de èr, et inversement. 82 Le trou du goulot. 83 F : afferment (En confirmant.) 84 F : anne (À Notre Dame. Cf. Sœur Fessue, vers 318.) 85 Je m’en retourne à l’atelier de nos maris. Le vers suivant est perdu. 86 Si elle veut bien. « S’il luy plaist et il luy est bel,/ Il entreprendra ceste charge. » (François Villon.) Les deux épouses entrent dans l’échoppe, et la Vieille attend dehors, en plaquant son oreille contre la porte. 87 De tels agissements. La rime est irrégulière, à moins qu’on n’attribue le vers suivant à la 2ème harengère pour qu’il rime en gouvernées. Mais le vers 210, qui est identique à celui-ci, est déclamé par un homme. 88 Je comble cette lacune d’après le vers 174. 89 La médisante. « À Ysabeau la jangleresse. » Béranger de La Tour. 90 Un coup. Cf. la Laitière, vers 263. « Pour bailler ung soufflet/ À aucun, ou ung passe-avant. » Les Menus propos. 91 Si tôt : nous sommes en fin de matinée (vers 164). 92 F : auiues (Nous sommes bien tombées ! « Nous sommes tous privéz :/ Sommes-nous pas bien arrivéz ? » Le Capitaine Mal-en-point.) 93 N’as-tu pas reproché à Jeanne d’avoir été « rivée » par des Cordeliers et des couturiers (vers 105-6) ? 94 Ici, comme aux vers 121 et 187, pour éviter de jurer sur le sang de Dieu, on en vient à dire « sans Dieu ». Beau résultat ! 95 « Plusieurs fois [il] l’encoche ;/ Dont, pour certain bien l’avoir encochée,/ Dedans neuf mois se trouva accouchée. » Charles de Bourdigné. 96 Soûl. 97 F : seult (Le point qui fait mal, du verbe douloir : l’endroit où le bât blesse.) 98 Ce qu’il bredouille. Cf. Colin filz de Thévot, vers 156. 99 F : folle 100 Je n’ai pas bu aujourd’hui. 101 Votre opinion. Elle lui montre la vessie d’eau de vie. 102 Elle montre la sienne à son mari. 103 Quelle malchance. 104 Vers manquant. Charme = sortilège, enchantement : « Et ceulx qui font chermes et sors. » (Vie et hystoire de ma dame saincte Barbe.) Les Parisiens prononçaient cherme : « Cherme félon. » Villon, Testament, 946. 105 Voulez-vous nous faire croire. Jean Marion connaît bien les lanternes, puisqu’il en fabrique. La Farce de Pathelin rend à cette locution son sens figuré : « Me voulez-vous faire entendant/ De vécies que sont lanternes ? » 106 F : rouges (Ils ont la vue trouble, ils ne voient pas clair.) 107 Ressemblent-elles à la vessie que tu tiens. 108 Elle montre le goulot de la vessie. 109 La Vieille, qui écoutait derrière la porte, se précipite dans l’échoppe. 110 F : ce 111 Que cherchez-vous à obtenir ? 112 « Lanterner une personne : la fascher, la tourmenter de discours, la divertir. » Antoine Oudin. 113 F : saint on (Oindre de paroles = embobiner. « Vous flatte et vous oint de parolles. » George Chastellain.) 114 F : fauldra (Celui qui leur baillera de l’argent.) 115 F : premiere 116 Nous leur acquérons. Pour un mari, se faire entretenir par sa femme était une humiliation. 117 F : vous fault (Nous sommes bien obligées de nous taire.) 118 F : i y a jure (S’il y a un jugement qui les condamne. « Duquel procès ensuyrent plusieurs sentences ou jugiéz contre ledit exposant. » Godefroy.) 119 Leur permission. 120 Les deux épouses quittent les lieux, mais elles écoutent à travers la porte. 121 F : foutrine (Ces 4 vers inutiles et boiteux reprennent les vers 184-6 et 196-7.) 122 F : Et noz (Avec vos femmes.) 123 F : Jauons (Si nous avons. « Vous plaise de nous pardonner/ S’avons failly. » Les Femmes qui font renbourer leur bas.) 124 Cocus. Cf. Maistre Doribus, vers 81. 125 Vous ne risquez pas de l’être. La Vieille, en bonne entremetteuse, alterne la sévérité avec la flatterie. 126 F : te 127 Quelle conduite. 128 Nous en viendrons à bout. 129 Le chanteur Grand Gosier compte apaiser sa femme en lui roucoulant un refrain courtois. Cette chanson en heptasyllabes n’a pas été conservée. 130 Cette niaiserie se rencontre notamment dans les Femmes qui font refondre leurs maris (vers 3) et dans Serre-porte (vers 371). 131 Déblatérer contre elles. 132 F : un (Votre réconciliation.) 133 Je vais à elles tout de suite. 134 Elle sort, en renversant les deux épouses qui avaient leur oreille contre la porte. 135 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! (Idem vers 317.) Cf. la Confession Rifflart, vers 124, 219, 265. 136 F : De rien auant (Cf. Gratien Du Pont, vers 243.) 137 F : iries 138 F : raiez (Même double sens qu’au vers 4.) 139 F : voullez 140 F : Conseillez vous (Même vers que 252.) Dites-nous ce que nous ferons. 141 Peu vous importe, venez en grande hâte. 142 F : estes si tresmarries (Une si grande protestation. « Tantost y eut grant murmure dedens Paris. » Pierre de Fénin.) 143 Que vous vous apaiserez à grand-peine. 144 Ils sont pris tels des oiseaux englués, comme dans la Pippée. 145 Elle rentre dans l’échoppe, suivie de loin par les deux boudeuses. 146 F : fais je me vant (J’é = j’ai, comme aux vers 28 et 294.) J’ai parlementé. 147 Avancez-vous vers elles. 148 Grand Gosier salue obséquieusement Tiphaine (la femme de Jean Marion), puis sa propre épouse, Jeanne. Tous les commentateurs ont cru que Tiphaine était le nom de la Vieille : ils ont pris cette jeune vessie pour une vieille lanterne. 149 Si j’ai dit à votre propos une chose blessante. Le schéma des rimes devient aberrant, comme si un mauvais versificateur avait modifié la fin de la pièce. 150 Tant que je vivrai. 151 Si débauchées, comme les femmes folles de leur corps. 152 F : sommes (« Nous sommes » est à la rime.) 153 F : cy bien (Les rimes irrégulières en -er / -és, ici et plus bas, prouvent qu’un ignare a transformé la fin de la pièce.) 154 Sommes-nous contentes que le public rie ? 155 Allez partout où vous voudrez. 156 Si vous résistez. 157 Des clients (note 12). 158 F : main (Vers 265.) 159 F : voz rans (Faire ses grands plaisirs à quelqu’un : le satisfaire entièrement.) 160 Pour cela. 161 Des paroles désagréables.
SERMON POUR UNE NOPCE
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SERMON POUR
UNE NOPCE
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Roger de Collerye1, prêtre et secrétaire de l’évêque d’Auxerre, composa ce sermon joyeux vers 1530. Lors de certains banquets de noces, on embauchait un ou deux comédiens pour jouer des saynètes dénigrant l’institution du mariage : voir la notice de la Présentation des joyaux. Ce sermon parodique est ici déclamé par un acteur « habillé en femme2 » ; étant donné que les prêcheurs des sermons joyeux revêtaient un costume de prêtre ou de moine, on peut admettre que le nôtre est déguisé en religieuse. Il s’adresse à la nouvelle mariée, qui est présente (vers 102-103), et à toutes les futures épouses.
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées à Paris en 1536. Je laisse de côté les éditions ultérieures, qui datent au minimum de la fin du XVIe siècle.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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LE PRESCHEUR, habillé en femme.
THEUME3 :
Audi, filia, et vide !
Ce theume que j’ay dévidé4
Est escript d’une grosse plume
Aussi pesante qu’une enclume5 ;
5 Et d’ung vielz psaultier enfumé
Je l’ay extraict et escumé6
Affin d’en faire ung bon brouet.
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À propos, ung chartier sans fouet7
Qui ne dit « dea ! » ne « hurehau8 ! »
10 Pourroi[t-]il toucher9 son chevau10,
Sa jument, son asne et sa beste ?
Jamais, car ung homme sans teste11
N’a point besoing de chapperon12,
Ne de picquer de l’esperon13.
15 Qu’il soit ainsi, sans faire espreuve14,
Soubdainement je le vous preuve.
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Je prens le cas qu’une fillette
Frisque, gaillarde et guillerette
Veult estre aujourd’huy mariée
20 Et à ung masle appar[i]ée.
Assavoir mon15 s’il se peult faire,
Pour à son plaisir satisfaire.
Je veulx dire que ouy, pourveu
Que le marié soit pourveu
25 D’ung baston à feu16 et d’oultilz
Soudains, ligiers17, chaulx et hâtifz :
Sans instrumens, on ne faict rien
En telz cas, vous le sçavez bien.
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Laissons cela, et retournons
30 À nostre theume. Et revenons
Au point principal. Qui pourra
En face ainsi comme il18 vouldra ;
Car je suis bien seure et certaine
Qu’i joustera à la quintaine19
35 Avant qu’il soit demain matin.
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Sans trop escumer le latin20,
Je dy qu’on peult bien défricher
Ung terrouër21 sans dénicher
Le trou où estoient les oyseaulx22 :
40 « Tout soudain chaussa ses houseaulx23,
Puis après, monta à cheval24 ;
Et en courant à mont, à val,
Pour éviter les grans dangers25,
Cuydant arriver à Angiers26,
45 Il vint coucher à Carcassonne27… »
Or, avant que la cloche sonne,
De peur de perdre mon mémoire28,
Je vous prie, donnez-moy à boire !
(Elle boyt.)
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Beaucoup de gens treuvent estrange
50 De veoir ung dyable avec ung ange29.
Petis musequins30, fines trongnes,
Friqueliniques31 fatrillonnes,
Escoutez bien et retenez,
Oyez, entendez, aprenez
55 Le bien qu’on a en mariage.
Le premier an, de franc courage,
On s’entrebaise, on s’[entr’]acolle32,
On jaze, on caquète, on bricolle33,
On faict le dyable de Vauvert34.
60 Jamais il n’y a feu couvert35.
Tout va c’en36 dessoubz, pelle-melle.
S’il vient qu’el(le) soit belle fumelle37,
Le povre mary s’esvertue
De labourer38 tant qu’il s’en tue.
65 Puis à desfricher39 il s’aplique
Si fort qu’il en demeure éthique40.
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L’an d’après, jà escorniflé41,
Voyant qu’elle a le ventre enflé,
Il se commence à soucyer
70 Et à chagrin s’assocyer.
Il plaint42 la teste, puis les dents,
Et a les oreilles pendens43
Ne plus ne moins comme ung lymier44.
S’il advient qu’il soit coustumier
75 De faire ung enfant tous les ans,
Telz jeux ne luy sont plus plaisans.
Et bien souvent, pour leur entrée45,
Font deux enfans d’une ventrée.
Qui est lors esbaÿ ? C’est il,
80 En disant : « Mauldit soit l’ostil46,
Le fourneau, la forge et le moule47 ! »
On le faict tenir pied à boule48,
Et recommancer à l’ouvrage
Qui est subject à mariage49.
85 Et après qu’il a folâtré50,
Il vouldroit bien estre châtré,
Quant il voit que sa femme est grosse.
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Si en arez-vous ceste endosse51,
Vous aultres, jeunes mariéz ;
90 Et serez tanséz, hariéz52
De voz femmes à tous propos.
Y cuydez-vous avoir repos,
En mariage, mes mignons ?
Ouy dea ! De beaulx bons compaignons
95 Ne s’en font au jourd’uy que rire.
Et puis à chacun ilz vont dire,
Quant quelc’un s’est apparié53 :
« Et ! voylà Trop-tost-maryé54
Qui en est Jobelin Bridé55 ! »
100 Audi, filia, et vide !
Pause.56
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Avant qu’en ma matière entrer,
À genoulx il vous fault veautrer
Devant nostre belle espousée
En luy disant : « Doulce rosée,
105 Dieu te doint ung bien bon confort57,
S’il advient que trop grant effort
Te face, la nuyt, ton mary.
Et que ton cueur ne soit marry
De l’assault qu’il te donnera.
110 Car je croy qu’il s’adonnera,
Celle nuyt, entre deux blancs draps,
À58 t’acoller gay, bras à bras59 ;
Et te donra tel coup de lance60
Qu’elle entrera jusqu’à ta pance.
115 Il est vray, c’est ung point vuydé61.
Audi, filia, et vide ! »
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Pour tant qu’il62 n’advient pas souvent
Qu’en ung monstier63 n’en ung couvent
On [oyt] ne veoit prescher les femmes64,
120 Je vous diray, seigneurs et dames,
Qu’il est bien de nécessité,
Autant en ville qu’en cité,
Que femmes preschent. La raison ?
Le temps le veult, et la saison65.
125 La femme retient à ung coup
Choses assez, et plus, beaucoup66,
Que ne faict l’homme en maintz endroitz,
Posé que67 les loix et les droitz
Soustiennent que l’homme comprent68
130 Plus que la femme. Mais el’ prent
À toutes mains69, quant on luy baille.
À celle fin que je ne saille70
Du coq à l’asne, somme toute,
Il est besoing que l’on escoute
135 Mon preschement et ma doctrine.
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Se l’espousé plaint71 la poitrine
Demain au matin, ou la teste,
Je suis d’avis qu’on luy appreste
Le beau petit chaudeau flamant72 ;
140 Et qu’il ne soit point si gourment
De le humer tout seul, sans [c]elle
Qu’il [a gardée]73 d’estre pucelle.
Si est-il bien à74 luy d’atendre
Jusqu’à troys jours sans y entendre,
145 Ainsi que fist le bon Thobie75.
Mais s’elle veult estre fourbye76
(Ainsi qu’il survient) en sursault77,
Sans luy livrer trop dur assault,
Je suis bien d’avis qu’il [l]a traicte
150 De trois bons coups tous d’une traicte78.
Et si le couraige luy croist,
Qu’elle ait des « verges sainct Benoist79 »,
Car l’Église80 l’a décidé.
Audi, filia, et vide !
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155 Les œuvres de miséricorde
Vous recommande81. Je m’accorde,
Avant que plus loing procéder,
Qu’il vous plaise d’intercéder
Pour toutes femmes çà et là
160 Qui, par la faulte de cela82,
Meurent en grant affliction,
Comme on dict, sans confession83.
Seigneurs d’Esglise, pourvoyez
En leurs cas84, ainsi que voyez !
165 Congnoissant leur fragilité,
Secourez-les85 en charité.
Sans charité, nul n’entrera
En Paradis, ne montera86.
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En après, je vous recommande
170 (Ainsi que la loy le commande)
Tous povres amoureux transifz87.
J’en congnois plus de trente-six
Qui chassent fort mais rien ne prennent.
Quant ilz voient que88 bien peu comprennent89
175 Avec leur dame, [ilz] vont, les nuyctz,
Baiser la cliquette de l’uytz90 ;
Bien souvent, quant on les y voit,
Quelqu’un la cliquète pourvoit91,
Autant les lundys que mardys,
180 De bran ou de dyamerdys92.
Voyant, les povres amoureux,
Qu’ilz sont trompéz, très douloureux
S’en vont coucher sans faire bruyt,
Et ne vont plus courir de nuyt.
185 En général et en commun,
Vous recommande tout chascun93.
Audi, filia, et vide !
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Or ay-je assez bien procédé
Jusques ycy, comme il me semble94.
190 Pendant que nous sommes ensemble,
Je vous veulx apprendre et monstrer
Ung peu de bien, et remonstrer95
L’ignorance de ces fillettes
Qui ayment le jeu des billètes96 :
195 À97 plusieurs se laissent picquer
Sans riens gaigner, ne praticquer98.
Escoutez, dressez voz oreilles99 !
Nous avons veu de grans merveilles100,
Depuis certain temps. N’avons pas ?
200 Or disons, parlant101 par compas :
Esse raison, à vostre advis,
Que, pour quaquet ou pour devis102,
Pour promectre et riens ne tenir,
Ung monsieur doibve parvenir
205 Du premier coup à son ataincte103 ?
Je dy que non. Telle contraincte
Ne rend point la fille subjecte104.
Mais s’il advient qu’[onc] il luy gecte,
Pour acquérir sa bonne grâce,
210 Dix, douze escuz de prime face105,
La fillette, sans le surprendre,
Les doit empoigner et les prendre,
Car il n’est acquest que de don,
Ne dancer qu’au joly bedon106.
215 Mais de s’aller habandonner
Sans quelque chose luy donner107,
Je n’en suis pas d’oppinion108.
Jamais de son corps l’union
Ne doit consentir (s’ell’ est sage)
220 Sans or, ou argent, ou bon gage.
Et par ainsi, il est brydé109.
Audi, filia, et vide !
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J’ay veu tel gallant, qu’il110 se vente
Que les filles luy doibvent de rente,
225 Et qu’il leur faict ung111 grant honneur
De les prier de déshonneur.
D’autant qu’il est plus fier qu’ung pet112,
Laissez-le là comme suspect
Et comme sot oultrecuydé.
230 Audi, filia, et vide !
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Encor ung mot, et puis après
Nous ferons fin, car par exprès,
Je suis ycy pour tesmoingner
Et pour fillettes enseigner,
235 Qui ne sont fines ne ruzées,
Jusques à ce qu’i soient usées113.
Saint Jehan ! ce n’est pas la façon,
Car jeune chair et vielx poisson
Ont le bruyt114, pour le temps qui court.
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240 J’ay autresfoys hanté la Court,
Où j’ay aprins et retenu,
Et maint bon gallant soustenu115.
Du temps qu’estoye en [mon] jeune aage,
Il n’y avoit varlet ne page
245 Qu’il ne fust joyeulx de me voir.
Mais depuis qu’on m’a veu avoir
Les grans rydes que j’ay au fronc116,
On ne m’a prisé[e] ung estronc117.
Et par ainsi, mes jeunes filles,
250 Ne faictes fourbir vos coquilles118
À seigneurs ny à coquibus119
S’ilz ne vous baillent des quibus120.
Ce pendant que vous estes jeunes,
Ne gardez121 ne festes ne jeûnes.
255 Toutesfois, ne vous laissez pas
Tumber plus viste que le pas122.
Mais si quelqu’un de vous s’abuse123,
Monstrez que vous sçavez la ruze
Comment on se doibt gouverner,
260 Affin de le bien yverner124 :
Qu’il me soit mené et guydé125 !
Audi, filia, et vide !
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Qui sera, sans dilation126,
De nostre prédication
265 L’achèvement, et bien couché127,
Ainsi que je vous ay touché128.
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1 Voir la notice de son Monologue du Résolu. 2 Sur les monologues joués par des travestis, voir la notice de la Fille esgarée. 3 Le « thème » est la citation biblique qui ouvre un sermon et lui sert de fil rouge. Celui-ci est tiré du Psaume 44 : « Écoute, ma fille, et vois. » 4 Que j’ai mis à plat. 5 « Escrit à la main, d’une plume/ Légère ainsy comme une enclume. » Sermon de sainct Frappecul. 6 Ce n’est plus un sermon, c’est une recette de cuisine ! Écumer le latin = écorcher le latin. (L’Escumeur de latin des Coppieurs et Lardeurs ne fait pas autre chose.) Voir le vers 36. 7 Cette strophe accumule les métaphores érotiques. Fouet = pénis : « (Il) avoit son fouet en tel poinct que, sans fléchir, il eust pu percer une muraille. » Les Joyeuses adventures. 8 Ordres qu’un charretier donne à son cheval pour qu’il tourne à gauche ou à droite. Cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 56. 9 « Piquer » sa monture : « S’estant plaincte de son mari, qui couchoit avec elle trente-deux fois tant de jour que de nuict (…), le roy arresta et ordonna qu’il ne la toucheroit que six fois. » Brantôme. 10 Son cheval ; on dit toujours un chevau-léger. « Car autant en faict ung chevau. » Sermon joyeux de bien boire. 11 Sans gland. « En levant les rains et en serrant les fesses, (elle) luy serra tellement la teste que la cervelle [le sperme] en sortit hors. » Nicolas de Troyes. 12 De prépuce. « Ell’ avoit la teste bien rouge devant,/ Et ung chapperon. » La Confession Margot. 13 « Sy vostre esperon/ Faisoyt tant que la pance dresse [que je me retrouve enceinte]. » Le Gallant quy a faict le coup. 14 Sans tester sa valeur, comme on fait l’épreuve de l’or sur une pierre de touche. 15 Je cherche à savoir, je vous demande. Cf. la Pippée, vers 684. 16 D’un pénis. « Bastons à feu roydes et chaulx. » Guillaume Coquillart. 17 Légers : qui se dressent facilement. 18 Éd. : el (Que celui qui en aura la puissance sexuelle fasse comme il voudra.) 19 Que notre nouveau marié cognera contre la partie adverse. Cf. Ung jeune Moyne et ung viel Gendarme, vers 133 et note. 20 Sans aller jusqu’à nommer le coitus interruptus, méthode de contraception condamnée par les théologiens. 21 On peut se frotter contre les poils d’un pubis féminin sans le pénétrer. « Va t’y fourrer : tu trouveras un terrouër tant reposé, que jour & nuict il ne te faudra faire autre chose que le labourer. » Pierre de Larivey. 22 Sans déflorer la fille. On représente toujours le pucelage comme un oiseau qui rêve de quitter sa cage ou son nid. Un mari, s’apercevant que la fille qu’il vient d’épouser n’est plus vierge, s’écrie : « Les oyseaux s’en sont alléz. » Bonaventure Des Périers (cité par Jelle Koopmans dans son Recueil de sermons joyeux, Droz, 1988, p. 420). La citation qui suit sort du cerveau de Collerye, et non pas de la Bible. 23 Un houseau est un vagin trop large. « (Elle est) large com ung vieil houzeau. » Resjouy d’Amours. 24 Il chevaucha sa femme. 25 Le danger d’une grossesse. 26 Croyant qu’il allait éjaculer dans le vagin. Enger = engendrer. (ATILF.) Aller à Angers : Aller se livrer à des rapports sexuels. (ATILF.) « Ongier une femme, l’étreindre, avoir commerce avec elle. » (Godefroy.) 27 Il la sodomisa. Le mot Carcassonne est doublement scatologique. D’abord, le comédien peut faire entendre Cacassonne, comme l’ont imprimé par erreur les frères Colomiès en 1568, dans l’Histoire des Albigeois, fo 39 vo. Ensuite, sonne est synonyme de pète : « Et nos brodiers [culs] sonnent hault comme cloches. » (Parnasse satyrique du XVe siècle.) D’où la « cloche » qui sonne au vers suivant. 28 Ce mot était souvent masculin. Le vin est censé être bon pour la mémoire : « En lairrai-ge pour tant le boire ?/ Je n’en perdré jà mon mémoire. » Massons et charpentiers. 29 Un satyre avec une jeune fille. 30 Museaux, minois. « Hélas, quel petit musequin ! » Le Povre Jouhan. 31 Éd. : Friquelimiques (Cabotines. Un histrion du XVIIe siècle adoptera le pseudonyme de Fricquelin.) Une fatrillonne est une fille vive et bavarde : « C’est la plus gente fatrillonne/ Et la plus gaye esmerillonne/ Qu’on veit onc. » Collerye. 32 « Si cela est déshonneste de s’entrebaiser, de s’entr’accoler devant des estrangés. » Godefroy. 33 On coïte. « Et n’a-on cure de vostre huys de derrière [de votre anus],/ Car désormais, il est trop bricollé. » (Le Vergier d’Honneur.) Cf. les Hommes qui font saller leurs femmes, vers 103. 34 On fait le diable à quatre. « Je suis contant que tout vif on m’enterre/ Se je ne fais le deable de Vauvert ! » ATILF. 35 On ne laisse jamais le feu s’éteindre : on ne dort jamais. 36 Éd. : sen (C’en dessus dessous. Cf. Raoullet Ployart, vers 200.) 37 S’il advient que ce soit en plus une belle fille. 38 Cf. le Povre Jouhan, vers 315. 39 À aplatir les friches du pubis de sa femme. Idem vers 37. 40 Étique : maigre et fiévreux pour avoir trop fait l’amour. « Que fera le mary, éthique et sans humeur ?/ Pourra-il de sa femme esteindre la chaleur ? » T. Sonnet de Courval. 41 Écorné. 42 Il se plaint de. 43 Les couilles pendantes. Voir le vers 197. « Le membre de Colin, deffaict,/ Se retira, penchant l’oreille. » Cabinet satyrique. 44 Qu’un grand chien. 45 Pour leurs débuts. 46 Éd. : lostel (L’outil viril du vers 25.) 47 Ces trois mots symbolisent le ventre de la femme. 48 Résister fermement (Colin filz de Thévot, vers 112). Pied = pénis : « [Francisquine,] tu as un si beau “pot” ! S’il n’y a point de pied, il y en faut mettre un. » (Tabarin.) Boules = testicules : « Encore qu’il soit desgarni de boules, si peut-il néanmoins jouer à la fossette. » (Bruscambille, Des Chastréz.) 49 L’ouvrage subordonné au mariage est « l’ouvrage de reins ». 50 Éd. : folarrê 51 Ce fardeau. « Grosse ? Jésuchrist, quel endosse ! » Sœur Fessue. 52 Harcelés. 53 S’est mis en couple. Idem vers 20. Deux « bons compagnons » se gaussent de Régnault qui se marie à La Vollée. 54 Sur ce personnage proverbial, voir par exemple les Dictz & Complainctes de Trop-tost-marié. 55 Personnage proverbial de mari trompé. « L’autre n’a rente ne héritage,/ Et en est Jobelin Bridé. » (Collerye.) Le jeune Gargantua aura pour précepteur « un aultre vieux tousseux nommé maistre Jobelin Bridé ». 56 Éd. : Prinse (J. Koopmans a publié dans son Recueil de sermons joyeux une édition tardive du Sermon pour une nopce qui donne ici : pause.) Notre prêcheuse fait comme les Sotz nouveaux farcéz, qui profitent des pauses indiquées aux vers 112 et 116 pour boire un coup de vin. 57 Un con fort, qui va résister aux assauts de la nuit de noces. « Je ne hante femme ne fille,/ Tant soit plaine de bon confort,/ Qui ne culette bien et fort. » (Collerye.) Cf. Frère Phillebert, vers 14. 58 Éd. : Et (À t’accoler gaiement.) 59 « Se vous tenoye entre deux draps/ À ceste heure-cy, bras à bras. » Le Povre Jouhan. 60 « Ma mye, je vous pry qu’il vous plaise/ Endurer trois coups de la lance. » Frère Guillebert. 61 Réglé. 62 Parce qu’il. 63 Un moutier, un monastère. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 116 et note. 64 C’était la terreur du haut clergé catholique : « En pleine esglise (elles) prescheront,/ Et auront voz mitres et crosses. » Clément Marot. 65 C’est dans l’air du temps. Luther, dont Collerye a dit beaucoup de mal*, était favorable au clergé féminin. « Les femmes feront les offices des évesques, & les évesques les offices des femmes ; car elles prescheront la Saincte Escriture, & les esvesques broderont en chambre avecques les demoiselles. » (Étienne Le Court.) *Voir Monsieur de Delà et monsieur de Deçà, vers 110 et note. 66 De beaucoup. 67 Bien que. 68 Prend des cons. L’édition tardive publiée par Koopmans donne ici : « Et posé qu’ils soient a con-prendre/ Fort habiles, nous savons prendre. » 69 De tous les côtés. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 71. On peut aussi traduire : elle prend avec ses mains. 70 Afin que je ne saute pas. 71 Se plaint de. C’est la suite du vers 71. 72 Une boisson chaude reconstituante à base de jaunes d’œufs, qu’on servait protocolairement aux nouveaux mariés après — ou même pendant — leur nuit de noce. 73 Éd. : la gardé (Qu’il a préservée de rester vierge.) 74 Éd. : en (C’est bien qu’il attende trois jours sans recommencer, pour que l’irritation s’apaise.) 75 Tobie et son épouse passèrent leurs trois premières nuits à prier. Cf. la Bouteille, vers 172-175. 76 « S’il y a quelque mariée/ Mal fourbie. » Sermon joyeux des Friponniers. 77 Tout de suite. 78 L’un à la suite de l’autre. 79 Un coup de sa verge. « Verges saint Benoist, il n’en faut qu’un brin pour en faire une poignée : Le membre viril. » (Antoine Oudin.) Voir aussi le chapitre 15 du Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville. En outre, le benoît, ou benêt, désigne le pénis : « Et que après que elle auroit manié son benest pour sçavoir la vérité, que il coucheroit avecques elle. » Les Joyeuses adventures. 80 Le mariage devait être consommé pour que l’Église le juge valable, et l’époux devait s’acquitter régulièrement de son devoir conjugal. 81 Je vous recommande les œuvres de miséricorde. (Cf. la Confession Rifflart, vers 169.) Donner du plaisir aux femmes n’en fait pas partie. 82 Par manque de plaisir sexuel. Cf. Frère Guillebert, vers 33. 83 Sans qu’un con fesseur ait pu con fesser. Cf. Gratien Du Pont, vers 417-440. 84 À leur sexe. Voir le v. 71 de Chagrinas, et le v. 38 de la Fille esgarée. 85 Secourre = secouer. « L’un des clercs la secouoit, dis-je [je veux dire] la secouroit au besoin. » Des Périers. 86 Et n’y montera. Le prêtre Collerye, tel le curé de la Confession Margot, prône que c’est en donnant du plaisir qu’on gagne le Paradis. 87 Voir la farce de Poncette et l’Amoureux transy. 88 Éd. : qui (Cette chasse érotique est décrite dans le Faulconnier de ville.) 89 Cons prennent. (Cf. Gratien Du Pont, vers 245-254.) Le con représente le connil ou le connin, qui désignent à la fois un lapin et le sexe de la femme. 90 De l’huis. Les amoureux embrassaient le marteau de la porte de leur belle en signe d’allégeance et d’amour. « Et puis, s’on en ayme quelc’une,/ Baiser la cliquette de l’huis. » (La Vraye médecine qui guarist de tous maulx.) Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 171. 91 Quelqu’un enduit le marteau. 92 D’excréments ou de merde. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 457. « Diamerdis : Confection de sauge sauvage…. Il signifie aussi “excrément”. » Lacurne. 93 Chacun d’entre eux, comme aux vers 169 et 171. 94 La prêcheuse s’abuse : elle n’observe absolument pas les règles très strictes de la rhétorique oratoire. Collerye veut démontrer qu’une femme, fût-elle luthérienne, est incapable de prêcher. 95 Corriger. 96 Des testicules. « Ils feront la beste à deux dos,/ Car c’est le chef [la tête] à deux billètes/ Qui pent auprès des ayguillètes [de la braguette]. » Jeu à VIII personnages. 97 Par. Piquer = pénétrer : « La picqueriez-vous pas ? La perceriez-vous pas comme on perce les femmes ? » P. de Larivey. 98 Ni négocier. « Pratique n’est en ma bourse esprouvée. » Collerye. 99 Pour qu’elles ne soient plus pendantes, comme elles le sont au vers 72. « Mon quinault dresse les oreilles et lève le groin. » Guillaume Des Autels. 100 Éd. : mermeilles (Des choses étonnantes.) 101 Éd. : parlons (Parlant avec prudence. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 359.) 102 Qu’en faisant à une fille de beaux discours. 103 À son but : coucher avec cette fille. 104 Liée à ce monsieur par contrat. 105 De prime abord. 106 Au son du tambour. Mais « danser » veut dire copuler, et un bedon est un pénis : « Mon flajollet ne vault plus rien,/ Et mon bedon ne veult plus tendre…./ La basse-danse doulce et tendre/ Est hors de mon commandement. » Jehan Molinet. 107 Sans qu’il lui ait donné quelque chose. 108 Je ne suis pas de cet avis. 109 Son amant est coincé. 110 Un galant tel, qu’il se vante que… Même utilisation de « qu’il » au vers 245. 111 Éd. : tel 112 Outre qu’il est plus fier qu’un pet qu’on fait dans une baignoire. « –Et fiers ? –Comme ung beau pet en baing ! » (Mallepaye et Bâillevant, attribué à Collerye.) L’expression complète s’étant perdue, on en est venu à remplacer « fier (ou glorieux) comme un pet » par « fier comme un pou », c’est-à-dire comme un poul [un coq]. Or, nous ne trouvons ni pou ni coq dans cette locution avant l’époque moderne. 113 Qu’elles soient aguerries. « Putain usée ! » Les Chambèrières et Débat. 114 Sont à la mode. « Jeune chair & vieil poisson ; signifie que la chair des jeunes bêtes est ordinairement meilleure à manger que celle des autres, & que les vieux poissons sont au contraire plus excellens que les jeunes. » (Dictionnaire des proverbes françois.) Collerye parle à mots couverts de la chair fraîche [des jeunes filles], et des vieux maquereaux. Ce qui nous conduit tout droit à la Cour. 115 Entretenu. 116 Notre prêcheuse partage avec la belle heaumière, de Villon, l’apparence physique (« le front ridé »), les regrets sexuels (« la haulte franchise/ Que beaulté m’avoit ordonné/ Sur clers, marchans et gens d’Église »), et la morale pratique : « Prenez à destre et à sénestre ;/ N’espargnez homme. » 117 Pas plus qu’un étron. 118 Votre vulve. Cf. Jehan de Lagny, vers 43 et 373. 119 À des imbéciles. Cf. le Pauvre et le Riche, vers 252. 120 De l’argent. « Nous chanterons maulgré tous coquibus./ Le Général a assez de quibus. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Cf. Maistre Doribus, vers 50. 121 Ne faites abstinence ni les jours de fêtes religieuses (où on ne devait pas travailler), ni les jours maigres (où on devait se ménager). 122 Ne cédez pas trop vite aux hommes. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 420. 123 S’entiche de vous. 124 De bien l’endormir, comme une marmotte qui hiberne. 125 Mené par la bride, comme un cheval. 126 Voilà qui sera, sans délai, la fin du sermon. 127 Couché par écrit : « Je congnoys bien que ne suis pas égal/ Aux orateurs Cicéro et Ovide,/ Pour bien coucher, car de sçavoir suis vuyde. » (Les Fleurs et antiquitéz des Gaules.) Allusion à la couche nuptiale. 128 Comme je vous en ai touché un mot. L’acteur finit sur une ultime gauloiserie.