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SERMON JOYEUX DES QUATRE VENS

Manuscrit La Vallière

Manuscrit La Vallière

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SERMON  JOYEUX

DES  QUATRE  VENS

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Cette parodie de sermon fut prêchée à Rouen vers 1520, par un acteur déguisé en moine Bénédictin. Examinons les quatre vents qu’il décrit :

1. Le « vent du vin », représenté par Zéphyr. Vers 118-175 (57 vers).

2. Le « vent des instruments » qui font danser, représenté par Éole. Vers 176-227 (51 vers).

3. Le « vent de chemise », qui génère la folie amoureuse. Il est représenté par Notus. Vers 236-313 (77 vers).

4. Le « vent de derrière » : le pet. Il est représenté par Borée. Vers 314-385 (71 vers).

Source : Manuscrit La Vallière, nº 4.

Structure : Rimes plates, abab/bcbc.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Sermon     joyeux

des   .IIII.   vens

*

        In nominé Patrix, et Fili,

        Et Spiritu Santy.1       AMEN !

        Quatuor ventus de mondo

        Faciunt mirabilia.2

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5      Je dis : in diverso modo3,

        Quatre vens au monde il y a,

        Prudente assistence. Il [fault jà]4,

        En ma brefve colation5,

        Vous donner l’exposition6

10    Pour endoctriner homme et femme.

.

        Aucuns7 vous preschent le Karesme,

        Les Quatre-temps8 et les Avens.

        Mais je diray9 des quatre vens,

        Lesquelz viennent10 (comme je gage)

15    Pour soufler les gens au visage

        En les faisant haster d’aler,

        Reculer et triquebaler11,

        Voller, tumber, saulter souvent.

        Et pour vous garder de tel vent,

20    J’e[n] diray les propriétés.

.

        Mais avant que d’icy partez

        Et que procède plus avant,

        Je vous recommande devant12

        Nostre couvent, qui est oyseulx13 :

25    Nous sommes bons religïeulx,

        Et bien povres moynes reiglés14,

        Aussy chanoynes desreiglés15.

        Vous congnoissez assez l’afaire !

        Et ne voulons jamais rien faire

30    Synon [de] boyre et chopiner16,

        Dîner, réciner, souper,

        Rire, danser, chanter, bouter17

        Soublz nostre nez, à nostre bouche ;

        Et puys dormir sur une couche

35    En blans draps, avec la fillète

        Belle, doulce et mygnonnète18.

        Et pour tant19, par humble manyère,

        Mectez la main à l’amônyère20 !

        Et nous regardez, par concorde21,

40    Des22 gros yeulx de Miséricorde !

        Voylà de quoy vous faictz requeste.

        Dam Phlipot23 vous fera la queste.

        Mais escoutez, sy vous povez :

        Car il convyent que vous ouez24

45    Bons25 Frères par commandement,

        Dont vouécy le commencement.

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               Prions pour marchans de chevaulx26

               Vendans vieux chevaulx et jumens :

               Que s’y ne sont27 trompeurs et faulx

50           — Combien qu’ilz facent des sermens —,

               La gouste28 les tienne en tourmens,

               Ou la forte fièvre quartaine,

               Qui les tienne bien fermement

               Tout du long de la quarantaine29,

55           Ou leur envoye la bosse30 à l’aine,

               La chaulde-pisse ou la [toux] forte,

               Affin qu’il n’en soyt de tel sorte !

.

               Nous prirons pour ces gens d[’É]glise

               Qui veulent femmes décepvoir31 :

60           Qu’on les puisse, soublz leur chemise,

               D’unes bonnes verges32 le cul fesser !

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               Pour ces boucher[s] à grosses lipes33,

               Prions qu’i puissent sans arês34

               Estre, de leurs plus ordes35 tripes,

65           Amerdés jusques [aux] jarés36 !

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               Nous prirons pour mu[n]iers37, munières,

               Qui desrobent sactz par les g[u]eulles38 :

               Qu’i puissent choir en leurs rivières39

               Ou qu’i trébuchent entre deulx meules40 !

.

70           Nous prirons pour ses barbiers [jurés41]

               Qui font la barbe à la moytié :

               Qu’ilz ayent tous les yeux crevés,

               Sans en avoir nule pityé !

.

               Nous prirons pour femmes enceintes,

75           Que quant viendra à enfanter,

               Que leurs fruictz sortent sans contraintes,

               [Aussy doucement qu’à l’entrer]42.

               Aussy, qu’ilz puissent enhorter43

               Leurs maris en telle manière

80           Qu’i leur(s) puissent le cul froter

               Plustost devant que par derière44.

.

               Nous prirons singulièrement

               Pour toute fille de village :

               Qu(e) on puisse trouver le moyen

85           Qu’el soyt bientost à mariage45

               [Pour perdre enfin son pucellage !]46

.

               ……………………………….

               D’un saq à chaulx et à cherbon47,

               Et d’un gros marteau de chéron48,

               D’un buleteau49 à la farine,

90           D’une braye50 et d’une estamine51,

               Et de la pate d’un griffon52

               Ayez tous la bénédictïon !         AMEN !

.

        Notez qu’in diverso modo53,

        Quatuor ventus de mo[n]do

95    Faciont myrabilia :

        Bonnes gens, je dis qu’il y a

        Quatre vens de mode dyverse

        Qui54, chascun, [un] homme renverse,

        Et font en ce monde merveille.

100  Et ! pour Dieu, que chascun s’esveille55 !

        Et n’entrons poinct en grandz argus56 !

        On dict qu’il y a Zéphyrus,

        [Éolus, Notus]57, Boréas ;

        Mais ces quatre vens ne sont pas

105  Bien suffisans pour raporter58

        À ceulx dont je vous veulx conter :

        [Le premier]59 est le vent du vin,

        Qui souvent souffle au chérubin60.

        Et le second, c’est des haultz-vens61,

110  Des flajotz62 et haultz instrumens

        Qui sonnent63, font muer la chèr,

        Marcher, troter, glasser64, glisser.

        Le tiers est du vent de chemise65,

        Qui vault pirs que le vent de bise.

115  Le quart est le vent de derière66,

        Dont on se doibt tirer arière

        À cause du vray sentement67.

.

        Dont — en fin que mon « fondement68 »

        Puisse [selon le vent]69 marcher —

120  Je vous vouldray premyer toucher70

        Du plus souef71 vent de l’anée :

        C’est Bacus, dieu de la vinée,

        Qui s’aproprye à Zéphirus72.

        À cela, n’y a poinct d’abus.

125  Et ce vin, tant plus est nouveau,

        De tant plus atainct le cerveau.

        Ce vent est moytié froid et chault ;

        Y sifle, y souffle, y faict un sault.

        Au premier73, y semble qu’i tonne :

130  Il enfondre quasy la tonne74,

        S’il n’a le passage à souhaict.

        Il rend un homme de bon hect75

        En sentant une odeur sy bonne ;

        Il réconforte la personne.

135  Ce vent à plusieurs choses duict76 :

        Il engendre joye et déduict77

        Et oste la mélencolye78.

        Il cause souvent qu’on s’alye79

        Et qu’on faict [des] enffans petis.

140  Il donne divers apétis.

        Y faict croistre bonnes humeurs

        Comme Zéphirus faict80 les fleurs.

        Quant y souffle modérément,

        Il aguise l’entendement.

145  Quant y faict les doulces virades81,

        Il réconforte les malades.

        Mais quant il n’est bien atrempé82,

        Homme n’est qui n’en soyt trompé :

        Il vous faict changer le vyaire83

150  Et faict troubler le lumynaire84 ;

        Y faict ung homme sy hideulx85

        Que, d’une chose, on en voyt deulx.

        Ung homme comme un Célestin86,

        Y vous en faict un chérubin87 !

155  Y faict [les] gens chanter, parler,

        Saulter, tripper88, tumber, baler,

        Abastre un huys89, rompre une porte.

        Y semble c’un deable l’emporte,

        Tant esmeult un térible orage !

160  Ce vent faict faire rouge rage90.

        Sy unne femme en est férue91,

        La clef de son con est perdue92 :

        Car il abat (c’est chose prompte)

        La femme en bas ; puys l’homme [y] monte.

165  Exemple en avon bien avant :

        Lo93 en fut frapé, de ce vent,

        Et en r[e]ceust tel passe-avant94

        Qu’on le veist derière et devant ;

        Et tèlement il chancela

170  Que ses95 deulx filles racola.

        Et tant d’aultres96 que c’est merveille !

        Et pour tant, don, je vous conseille :

        Ne prenez de ce vent qu’à poinct97.

        Et voylà pour mon premyer poinct,

175  Qui touche de ventus vinon98.

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        L’autre vent, c’est d’instrumenton99.

        Oyez, bonnes dévotes gens !

        Ce vent procède des haultz-vens100,

        Lesquelz n’ont poinct les sons hideulx

180  Mais trèsdoux ; tant, qu’au moyen d’eulx

        Sont jeunes et vieux resjouys.

        Il avint un jour que j’o[u]ÿs

        Ce vent de flûtes et de lus101,

        Que j’aproprye ad Éolus102 ;

185  Puys je m’en vins (pour chose honneste103)

        Tout droict en une grosse feste

        Où tout chascun faisoyt merveille.

        Ce vent leur souffla à l’horeille

        Et les faisoyt sail[l]ir en hault,

190  Faire un tour [et] ung souple sault104.

        Jamais — don j’aye souvenance105

        Ne vis plus lourde contenance

        Que ce vent la leur faisoyt faire.

        Un grand Sot, regardant l’afaire106,

195  Les vist aller puys reculler.

        Aucuns faisouent107 les bras branler ;

        L’un marche avant, l’autre s’avance

        Au loing : au meileu108 de la dance

        Se métoyt pour faire virades109.

200  Bien montrouent qu’i n’estouent malades110

        — Car pas n’avoyent esté batus —

        De ce vent ne de ses vertus.

        Tout autant de gens qu’i toucha,

        Chacun d’iceulx le cul haucha111.

205  L’un souffloyt et suet112 de peine,

        L’autre en estoyt [tout] hors d’alaine113 :

        Chacun en estoyt boutiflé114.

        S’il eust plus longuement souflé,

        C’estoyt pour prendre la brigade115

210  De ce vent qui faict ceste ambade116.

        Depuys l’entrée jusqu(es) à l’issue,

        Rend sy grand chaleur qu(e) on [en] sue :

        C’est un vent chault, en vérité,

        Plus que le soleil en esté.

215  Y vous faict esmouvoir les vaines117,

        Y faict suer entre deulx aines118.

        Ce vent est plaisant instrument,

        Car y faict faire ajournement119 ;

        Et bref, yl a120 (comme y me semble)

220  Faict metre homme et femme ensemble.

        De nuict, souvent, y faict merveille :

        Les jeunes filles y réveille121,

        Et sy, les faict toute nuict estre,

        Pour escouster, en la fenestre ;

225  Y les faict sortir hors du lict

        Pour entendre mieulx le déduict.

        Par quoy, c’est mirabilia !

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        Et pour tant, je dis qu’il y a

        Quatre vens en ce monde ycy,

230  Dont [en] voy(e)là deulx, Dieu mercy !

        Mais avant que soyons partys,

        Verrons122 les deulx aultres partys :

        Ces123 deulx aultres seront notés

        Bien deument124 et bien racomptés,

235  Comme nous avons de coustume.

.

        Et pour tant, en heure oportune,

        Parleron du vent de chemise,

        Aussy froid que le vent de bise :

        Car souvent faict haper l’onglée125,

240  Et faict la personne engelée,

        Qui126 s’en laisse fraper souvent.

        Car y fault noter que ce vent

        Premièrement frape au regard ;

        Et, du regard (se Dieu me gard),

245  Frape au cerveau, et puys au cœur.

        Et oste à l’homme sa127 rigueur,

        Sa franchise et son industrie,

        Et totalement le mestrie128.

        À tort & à travers, y rue,

250  Y faict l’homme courir en rue,

        Et passer, en une saison129,

        Cent foys devant une maison130 ;

        Et s’une foys il ne claquète131,

        Du moins il baise132 la cliquète.

255  Ce vent, souvent (sans soy débatre133),

        Faict soudain un homme s’embatre134,

        Fraper, cresmir135 par fantazie,

        Prendre fièvre par jalouzie.

        Car quiquonques en est souflé,

260  D’engaigne136 en devient boursouflé

        Et n’a, [ne] jour ne nuict, repos.

        Il est pensif à tous propos.

        S’y cuide un petit sonmiler137,

        Ce vent vous le faict réveiler

265  Et faire chasteaux en Espaigne138.

        Il se rapaise, y se rengaigne139.

        Puys s’il espoire aucun délict140,

        Ce vent le soufle sus son141 lict

        Et hors de la maison l’emporte ;

270  S’il ne peult sortir par la porte,

        Y saulte hors par la fenestre,

        Et ne séroyt en nul lieu estre142.

        Y143 le conduict, y le pourmaine,

        Et devant quelque hostel le maine144,

275  Là où il va compter le careau145.

        En lieu de panser146 son cerveau,

        Y menge des poyres d’engoysse147,

        Et soufre très mauvaise engoysse

        En craignant du vent l’accident148.

280  Y vous est tremblant dent à dent149,

        Tant qu’i fault que par force on l’oye150.

        Ce vent le faict chanter sans joye.

        Y va siflant avant le vent151 ;

        Y s’eslongne et revient souvent.

285  Y croquette du doy à l’uys152

        Ou contre une fenestre ; et puys

        S’y est nul qui met153 contreverse,

        Y vient quelqu(e) un154 [qui] luy renverse

        Ung pot à pisser sur la teste155.

290  Puys y jure [et] y se tempeste :

        « Le mal sur mal n’est pas sancté156 ! »

        Le voylà quasy despité.

        N’esse pas une grand pityé ?

        Ainsy, n’y a nule amytié157

295  À ce maudict vent de chemise ?

        Et ! sy a bien158, quant je m’avise :

        Non obstant, je dis qu’entre nous

        Aucuns159 le treuvent sy très doulx ;

        C’est quant y leur soufle au visage

300  En faisant le pèlerinage

        Et le voyage Sainct-Bézet160 :

        On trouve [à] la foys161 quelque esguet,

        Tandy[s] que se passe l’orage…

        Ce vent de chemise faict rage,

305  Pour finalle conclusion.

        Tel [en dict icy maldisson]162

        Qui en peult bien estre frapé.

        Virgille mesme en fut trompé163,

        David164, et son filz Salomon165,

310  Aristote166. Le fort Sanson

        [En traïson]167 fust « circonsit »,

        Et bientost après, on l’ocit.

        Et pour tant, n’en prenez qu’à poinct168.

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        Et voy(e)là, pour nostre aultre poinct,

315  De  la dernière colatïon :

        Seigneur[s], pour résolution

        De nostre partye dernière,

        Toucheron du vent de derrière,

        Que j’aproprye à Boréas.

320  Ce vent soufle tousjours en bas,

        Rendant souvent un bien lect ton169 ;

        Mais il revient vers le menton

        Fraper tout droict à la narine,

        Sentant plus fort que poix résine170,

325  Procédant de bruyne espoisse171.

        Ce vent a deulx noms : pet, et vesse.

        (D’autre172 pet, donc, n’a pas science.)

        Je vous diray la différence :

        Sachez qu’i produict173 d’un estroict

330  Bien chault, et qu’i tire vers le froit ;

        Et quant froid et chault sont ensemble,

        Voulontiers tonne174, ce me semble.

        Aussy, quant ce vent [chault] s’entonne,

        Y semble proprement qu’il tonne,

335  Ou y resemble à la trompète ;

        Adonc dict-on que ce vent « pète ».

        Mais quant y soufle doulcement

        Sans rendre son aucunement175,

        On l’apelle le vent de « vesse ».

340  Sy je nomme leur non, qu’en esse ?

        Les parolles ne sentent pas !

        Se, non obstant, soyt hault ou bas,

        Touches176 de ces deulx vens, pensez

        Qu’i sont tous deulx puans assez :

345  J’en eustz le sentement orains177 !

        Ce vent procède devers178 Rains,

        Tyrant devers Roye et Cuissy179.

        Entendez bien180 ? Il est, ainsy

        Que luy181, plain de layde bruyne.

350  En passant182 vient une ruyne

        Et une pluye mout espouesse183.

        Et pour cela, bonnes gens, esse

        Que sy [très] puant sentement184

        A, dont y soufle rudement.

355  Et s’esmeult un cruel orage

        Qui luy faict faire rouge rage.

        Mais la bruyne chet185 en bas

        Et cesse ainsy que Boréas.

        Et pour ce, dict-on bien souvent :

360  « Petite pluye abat grand vent.186 »

        Ce vent est doulx ; mais non obstant,

        Yl est sy fort et sy puant

        Que nous en sommes bien tennés187.

        Aussytost qu’i nous frape au nez,

365  L’un en dict « fy ! » et l’autre en crache.

        Entendez188 ? Je veulx bien c’on sache :

        S’y soufle en bonne compaignye,

        Quelc’un189 le faict, chascun le nye ;

        Et faict tirer les gens arière

370  Aussytost qu’i sort du derière.

        S’y soufle entre deulx amoureux,

        Chascun des deulx en est honteux.

        S’y soufle entre l’homme190 et la femme,

        Y répute[nt] l’un l’autre infâme191.

375  Et mesmement, sy c’est au lict,

        Yl  empesche l’amoureux délict192 :

        Car la femme, sentant ce vent,

        Eslongne son mary. Souvent,

        Elle boute du premier sault193

380  La teste hors194, le bec en hault.

        Et pour tant, sy ce vent sentez,

        Estoupez vos nez ! Et notez

        Que les quatre vens dessusdictz

        Sont dangereux — je le vous dictz —

385  À sentir oultrageusement.

.

        Et pour tant, au commencement

        De ceste prédication,

        Ay prins pour ma fondation :

        Quatuor ventus de mondo

390  Faciont myrabilia.

        Je dis qu’in diverso modo195,

        Quatre vens au monde il y a.

        Ainsy, vous sérez qu’il viendra196

        Quatre vens souflans à tous nez.

395  Gardez-vous-en, sy vous voulez :

        C’est cela que je vous conseilles.

        Je vous en ay compté les merveilles

        Et les maulx pour eulx197 avenus ;

        Je prye à Bacus et Vénus

400  Que d’iceulx soyons absentés198.

        Finablement, saulvez199, goustez,

        Notez et retenez mes dis !

        Que Dieu nous doinct son Paradis !

.

                                                   FINIS

*

1 Comme il est de règle dans les farces, le prédicateur ignore le latin. Même le début de la messe lui échappe. In nomine Patris, et Filii, et Spiritus Sancti : Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit.   2 Quatre vents, au monde, font des miracles.   3 LV : mondo  (Correction d’Émile PICOT : Romania, nº 16, 1887, pp. 462-4. Même faute aux vers 93 et 391.)  Cette locution plus italienne que latine signifie : De plusieurs manières, par différents moyens.   4 LV : y a  (À la rime.)  Il faut maintenant.   5 Dans mon bref sermon. Idem vers 315. Cf. le Sermon pour un banquet, vers 136.   6 LV : lexposision  (Le sujet du sermon.)   7 Certains. Idem vers 196 et 298. Le Carême est un jeûne de 40 jours. Dans les pièces normandes, « femme » rime parfois en -ème : « Sçaichez qu’il n’est homme ne femme/ Qui ne doit jûner en Caresme. » La Confession Rifflart.   8 Jeûne de 3 jours qui revient quatre fois par an. « Lors estoit le jeusne des Quatre-temps. ‟Je n’entens point (dit Panurge) cest énigme : ce seroit plustost le temps des quatre vens, car jeusnant, ne sommes farcis que de vent.” » (Rabelais, Vème Livre, 1.)  L’Avent est la période frugale qui précède Noël.   9 Je prêcherai. Le sermonneur fusionne « Quatre-temps » et « Avent » pour obtenir « quatre vents ».   10 LV : vens  (Correction suggérée par Jelle KOOPMANS : Recueil de sermons joyeux, Droz, 1988, pp. 508-528.)   11 Trinqueballer, chanceler.   12 D’abord. Lorsqu’ils font la quête, les moines mendiants recommandent leur couvent aux donateurs.   13 Oisif. L’oisiveté des moines est régulièrement dénoncée. Longtemps avant le célèbre Couvent des Oiseaux, il y eut donc un couvent des oiseux.   14 Le sermonneur porte le froc des Bénédictins, qui sont astreints à la Règle de saint Benoît.   15 Débauchés. Tout comme les Conards de Rouen, qui dénonçaient sur les planches les derniers scandales, notre sermonneur fait allusion à une « affaire » récente qui implique un chanoine : voir les vers 58-61.   16 D’engloutir des chopines de vin. Il existe un Sermon de la choppinerie.   17 Mettre un verre. « Ont-ilz bien bouté soubz le nez ? » Villon.   18 « Une trèsgente mignonnette/ Qui est belle, doulce et tendre. » Le Mariage Robin Mouton.   19 Pour cela. Idem vers 172, 228, 236, 313, 381, 386.   20 LV : lammayre  (L’aumônière, la bourse. « Je vos donrai amônière de soie. » Godefroy.)  À votre bourse pour en extraire une aumône.   21 Par amitié.   22 Avec les.   23 Le jeune clerc du moine. Le prêcheur du Sermon pour un banquet fait lui-même la quête, car son clerc est absent : « Sy j’avoye frère Alitrotin,/ Y s’en yroit fère la queste. » Émile Picot argumente que ce Phlipot pourrait être un comédien rouennais qui créa vers 1545 les Troys Gallans et Phlipot : Recueil général des sotties, t. III, pp. 171-172.   24 Que vous oyiez (verbe ouïr).   25 LV : vons  (« Je suys un bon frère Frapart. » Sermon pour un banquet.)   26 Les maquignons faisaient passer leurs vieux canassons pour de fringants coursiers ; voir la note 54 de Troys Galans et un Badin. Les vers 47-92, qui raillent des professionnels véreux à la manière des Conards de Rouen, ne font pas partie du sermon original.   27 Que s’ils ne sont pas. L’ironie consistant à feindre de récompenser des actes immoraux porte la signature des Conards : « Nous accordons aux meusniers/ Prendre la quarte pour myne [de confondre à leur profit les unités de poids]…./ Cousturiers,/ S’ilz ne sont fins ouvriers,/ Ne pourront faire bannière [voler du tissu]. » Ordonnances conardes, 1542.   28 La goutte.   29 Pendant 40 jours. C’est la durée du jeûne du Carême.   30 LV : bose  (Inflammation des ganglions due à la peste ou, en l’occurrence, à la syphilis. « Quelque gallant s’y fourrera,/ Qui en aura la boce en l’ayne :/ Et vélà (ce) qu’il y gaignera. » Parnasse satyrique du XVe siècle.)   31 Séduire. Décevèr rime avec fessèr, à la manière normande.   32 Avec des verges : « Unes verges trèsbien poignantes. » (Le Ribault marié.) Les supérieurs condamnent à la fustigation les moines fautifs : « Au couvent,/ Où (il) fut receu myeulx que devant/ Avec des verges et des fouetz. » (Pour le Cry de la Bazoche.) Mais cette proximité entre des verges et un cul peut faire jaser…   33 Les bouchers ont les lèvres enflées parce qu’ils « soufflent » la viande pour la faire paraître plus fraîche et plus grosse : « Ne porront les bouchers souffler ou faire souffler leurs chairs, ne les vendre soufflées. » Godefroy.   34 Sans arrêt : sans retard. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 415 et 703.   35 Merdeuses. Les tripiers, qui vendent des morceaux d’intestins plus ou moins propres, font l’objet d’insultes scatologiques : « Paillart tripier breneux ! » Trote-menu et Mirre-loret.   36 Pleins de merde jusqu’aux jarrets.   37 Meuniers. « Prions pour ces ‟loyaux” muniers,/ Que tous chascun disent larons. » Sermon pour un banquet.   38 Qui prélèvent dans les sacs un peu du blé qu’on leur apporte à moudre. Voir la note 184 du Munyier.   39 Dans la rivière qui actionne leur moulin à eau.   40 Qu’ils soient broyés par les meules de leur moulin. « Ou qu’il soit mis entre meules flotans/ En ung moulin ! » Villon.   41 Mot manquant : la rime est en -és. Les barbiers jurés représentent leur corporation. « Perrot Girard,/ Barbier juré du Bourg-la-Royne. » (Villon.) On leur reproche de prendre plusieurs clients à la fois, de commencer tout et de ne rien finir : cf. Jehan qui de tout se mesle.   42 LV : de leurs ventres sans mal porter  (Ces prières ne peuvent être que satiriques.)  J’emprunte ce vers au Sermon pour un banquet, dont les rapports avec le présent sermon sont multiples : « Prion Dieu pour femmes enseintes :/ Que l’enfant puisse desloger/ Aussy doucement qu’à l’entrer ! »   43 LV : en horter  (Qu’elles puissent exhorter.)   44 La sodomie était un efficace moyen de contraception, mais les femmes ne l’appréciaient pas beaucoup : cf. la Fille bastelierre, vers 177 et note.   45 Au changement de folio, le scribe a omis la fin de cette prière et le début de la suivante. Il a rajouté ce vers après coup au-dessus de la nouvelle colonne du fº 16 vº, mais n’avait plus de place pour noter son pendant, que je restitue d’après la rime et le sens probable. La lacune qui suit ne nous permet plus de savoir à qui s’adresse l’imprécation finale.   46 La jeune fille des Mal contentes rêve de se marier pour perdre le sien.   47 Charbon.   48 De charron, de fabricant de charrettes.   49 Le bluteau sert à tamiser la farine.   50 LV : blraye  (J. Koopmans lit « bleraye ou blaaye », mais le « r » un peu orné de blraye est celui de trompé au v. 148. On reconnaît ce « r » orné tout au long du ms. La Vallière.)  Villon conseille à ceux qui n’ont pas d’étamine ni de bluteau d’utiliser comme tamis des braies merdeuses : « Passez tous ces frians morceaulx/ —S’estamine, sas n’avez ou bluteaulx—/ Parmy le fons d’unes brayes breneuses. » Ballade des langues envieuses.   51 Gaze servant à filtrer des liquides. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 268-270.   52 Animal mythique aux griffes redoutables. « Quant au griffon coupit la pate. » (Le Capitaine Mal-en-point.) Le sermonneur compare donc cette patte prédatrice à la main d’un curé.   53 LV : mondo  (Note 3.)  Reprise, dans un ordre différent, des vers 3-5.   54 LV : que   55 Se mette en garde contre un tel danger.   56 Ce n’est pas le moment de tomber dans des querelles de langage.   57 LV : eleos nodue   58 Pour les comparer.   59 LV : la premiere  (Correction Picot.)  Le vent du vin désigne les vapeurs d’alcool ; on dit aussi l’esprit du vin, ou les fumées du vin.   60 Au visage. « À cestuy-cy qui a du vin,/ Et si, ne m’en veult point bailler/ Pour arrouser mon chérubin. » Vie de sainct Didier.   61 Le vent des hautbois. Idem vers 178. « Deux autres trompettes et trois hauvens. » ATILF.   62 Des flageolets : des flûtes champêtres.   63 Mes prédécesseurs lisent : souvent. « Icy sonnent les instrumentz. » (Pour le Cry de la Bazoche.)  Chair rime avec glissèr, à la manière normande.   64 LV : glaser  (Glisser comme sur de la glace. « Quant li uns des piés glace, li autre li aide tantost. » Godefroy.)   65 Un vent de folie qui renverse la raison. « Qui a du vent de la chemise,/ Il est tousjours de Dieu bénist. » (Ung Fol changant divers propos.) Le sermon réserve cette expression à la folie amoureuse, qui frigorifie les amoureux vêtus d’une simple chemise et exposés au vent : « En chemise, sur la perchette [dans le poulailler]/ Je fuz trois heures et demy. » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.   66 « Les quatre ventz auront discord,/ Car l’un doibt souffler par derrière. » Pronostication nouvelle, Montaiglon, XII, 165.   67 De sa senteur, de sa puanteur. Voir la farce du Pet, vers 291 et 304.   68 Donc, afin que le thème de mon sermon. Ce thème est nommé « fondation » au v. 388, comme il se doit ; mais ici, nous avons un jeu de mots sur le « fondement » qui laisse échapper des vents.   69 LV : secondement  (« On dit aussi ‟Aller selon le vent” pour dire : Régler sa navigation sur le vent. » Dict. de l’Académie françoise.)   70 Toucher un mot, parler. Idem vers 175, 318 et 343.   71 Suave, doux. J’ignore ce qu’avait bu Jelle Koopmans pour écrire que « souef » est la forme normande de « soif ». Les Normands disaient « sé », comme en témoignent une infinité de textes : « Il sont mortes de sai pour le trop peu de vin. » (La Muse normande.) Voir la note 33 de Troys Galans et un Badin.   72 Qui s’apparente à Zéphyr. Voir les vers 184 et 319.   73 Au premier saut : de prime abord. Voir le vers 379.   74 Il fait quasiment exploser le tonneau de vin, ou le ventre du buveur.   75 De bon hait : de bonne humeur.   76 Sert.   77 Plaisir.   78 « Se tu es en mérancolye,/ Boy bon vin ! » Sermon joyeux de bien boire.   79 Il fait qu’on s’allie, qu’on s’unit à une femme.   80 Fait croître. La pollinisation est en partie due au vent.   81 Quand il fait tourner la tête.   82 Coupé avec de l’eau. « Du vin molt bien atrempé d’eaue. » ATILF.   83 Le visage. Cf. les Brus, vers 110 et 186.   84 Il rend la vue trouble. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 328.   85 Il fait loucher si hideusement un homme.   86 Un moine paillard. « Ains que ces maistres Jacobins,/ Cordeliers, Carmes, Célestins/ Ne jouent de nature la basse. » Les Rapporteurs.   87 Un ange. Les chérubins, qui ont la figure aussi rouge* que les ivrognes, en sont parfois rapprochés : « –Où seroyent les bons biberons [buveurs] ?/ –Assis auprès des chérubins,/ Car y sont supôs de Bacus. » (Troys Galans et un Badin.)  *« Rouge comme un beau chérubin. » Sœur Fessue.   88 LV : triquer  (L’erreur est due à la proximité du verbe baller [danser] : au vers 17, nous avions triquebaler.)  Sautiller. « Quant je danse, je saulx, je tripes. » Les Menus propos.   89 Une porte, comme le fait l’ivrogne des Sotz fourréz de malice : « Deffait tu as cest huys : Tien ! tien ! »   90 Fait faire des étincelles. Idem vers 356. « Sy très bien que c’est rouge rage. » L’Arbalestre.   91 Frappée, atteinte.   92 Son con ne fermera plus à clé, sera ouvert au premier venu.   93 Loth, que ses deux filles ont enivré pour qu’il leur fasse un enfant.   94 Un tel coup. Cf. la Laitière, vers 263.   95 LV : ces  (Qu’il accola sexuellement ses deux filles. « Soudain se va dresser son chose./ ‟Ma femme sera racollée.” » La Fille bastelierre. Cependant, l’Invitatoyre bachique nous affirme que Loth « bacula » ses filles, qu’il leur martela le cul.)   96 Tant d’autres hommes ivres en ont fait autant.   97 Qu’avec modération. Idem vers 313.   98 Prononciation à la française de ventus vinum : vent du vin. Si le sermonneur avait su le latin, il eût employé le génitif vini.   99 Instrumentum. Les instruments à vent, eux non plus, ne sont pas sans danger pour la morale. D’ailleurs, le haut clergé voyait la danse d’un très mauvais œil.   100 Des hautbois (note 61).   101 De luths, qui sont des instruments à cordes.   102 Nouvelle faute du sermonneur, pour « ad Eolum ».   103 En tout bien, tout honneur. Cf. Deux jeunes femmes qui coifèrent leurs maris, vers 254.   104 Un soubresaut : une cabriole. Cf. le Bateleur, vers 16.   105 Pour autant que je m’en souvienne.   106 Les Sots sont de bons connaisseurs en matière d’instruments à vent et de danses débridées. Il faut dire que leur tête est pleine de vent.   107 Quelques-uns faisaient bouger leurs bras. Cette terminaison dont notre copiste a le secret revient au vers 200 mais pas ailleurs.   108 Au milieu.   109 Des pirouettes.   110 Ils montraient bien qu’ils n’étaient pas malades. Le Moyen Âge connut plusieurs épidémies de danse de saint Guy : sans raison, la population se mettait à danser convulsivement jour et nuit, jusqu’à s’écrouler de fatigue. Parmi les causes invoquées figurait l’influence du vent. Les vers 188-216 décrivent avec une précision clinique le phénomène qui s’abattit sur Strasbourg en 1518. Curieusement, cette source française n’a jamais été signalée, alors que l’auteur raconte ce qu’il a vu.   111 Hocha le cul, se trémoussa.   112 Suait.   113 Essoufflé. « Je suis quasi tout hors d’haleine. » Frère Fécisti.   114 « BOUTIFLÉ : Gros, gonflé, bouffi. » Jules Corblet, Glossaire du patois picard ancien et moderne.   115 J’aurais rejoint la compagnie des danseurs.   116 Cette farandole. « Je faictz petis saulz, gambades/ Et ambades. » Les Mal contentes.   117 Il vous réjouit sexuellement. « Je ‟luteray” corps à corps/ Et m’esmouvray bien les vaines. » Les Botines Gaultier.   118 Entre les cuisses. Saigner une femme entre deux aines, c’est lui faire l’amour : cf. Frère Phillebert, vers 119.   119 LV : laiournement  (Un ajournement de fesses : une promesse de coït. « Le baiser/ De chambrières ou de maistresses,/ C’est un adjournement de fesses. » Les Chambèrières qui vont à la messe.)   120 LV : la   121 Leur amoureux donne sous leur fenêtre une sérénade d’instruments à vent.   122 LV : fron  (Nous verrons les deux autres possibilités.)   123 LV : les   124 Dûment, comme il faut.   125 Il blanchit les doigts. Les hommes que ce vent a rendus fous d’amour passent leurs jours et leurs nuits devant la porte ou sous la fenêtre de leur belle, y compris en hiver.   126 Quand elle.   127 LV : la  (Corr. Leroux de Lincy et F. Michel.)   128 Le maîtrise.   129 En un moment.   130 Devant la maison de la femme qu’il aime.   131 Si l’amoureux ne claque pas des dents à cause du froid. « Et faire claqueter les dens. » Les Sotz fourréz de malice.   132 LV : baisse  (Les amoureux embrassent le heurtoir pendu à la porte de leur belle, en signe d’allégeance. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 167-175.)   133 Sans conteste.   134 LV : dbatre  (Corr. Koopmans. Le tilde remplace un « n » ou un « m ».)  Se précipiter. « Quant dueil sur moy s’embat. » Villon.   135 Craindre.   136 De dépit.   137 S’il compte sommeiller un peu.   138 Imaginer que sa maîtresse le trompe.   139 Il s’apaise et il se calme. Rengainer = remettre une arme dans son fourreau.   140 S’il espère que sa maîtresse lui donnera un peu de plaisir. Voir le vers 376.   141 LV : un  (Le soulève de son lit.)  « Ung autre vent s’engendrera entre les nuées, tant impétueux et de si grande activité qu’il sourprendra gens en leurs lictz, et transportera hommes et femmes en divers quartiers de ce monde. » Jehan Molinet, Prenostication des quatre vens.   142 L’amant ne saurait rester en aucun lieu loin de sa belle.   143 Ce vent de folie. Le sermonneur oublie de rappeler que ledit vent est représenté par Notus (vers 103).   144 Et le mène devant la maison de son amie.   145 Les pavés, sur lesquels il va faire les cent pas. En Normandie, « où il » se prononçait « wil » en 1 syllabe : voir la note 188 de la Folie des Gorriers.   146 LV : penser  (Au lieu de soigner.)   147 Au sens propre, instrument de torture qui écarte les mâchoires : « Mengier d’angoisse mainte poire. » (Villon.) Au sens figuré, on dirait aujourd’hui : il avale des couleuvres.   148 L’effet.   149 Il claque des dents. « Mon maistre tremble dent à dent. » Le Cousturier et Ésopet.   150 Tellement qu’il faut bien qu’on l’entende claquer des dents.   151 L’amoureux siffle de-ci, de-là. Cf. les Veaux, vers 209 et note.   152 Il toque plusieurs fois contre la porte de sa maîtresse avec son doigt. « Nous prendrons noz esbas/ À luy croqueter sur la teste. » ATILF.   153 LV : le  (Si un voisin engage une controverse parce qu’il fait du bruit.)   154 Le mari de la dame, ou sa gouvernante.   155 Les donneurs de sérénades s’exposent à recevoir sur la tête l’urine d’un pot de chambre, ou le pot lui-même : « J’ay chanté (le diable m’emporte)/ Des nuicts cent foys devant sa porte,/ Dont n’en veux prendre qu’à tesmoings/ Trois potz à pisser, pour le moins,/ Que sur ma teste on a casséz. » Clément Marot.   156 « Mal sur mal, ce n’est pas santé./ Se le mary dit ung seul mot,/ Elle vous prendra tout à coup/ Quelque tison, ou le vieux pot/ À pisser. » Les Secretz et loix de Mariage (Montaiglon, III, 188).   157 Il n’y a aucun avantage.   158 Il y a bien un avantage.   159 Que parmi les moines, certains…   160 Les femmes vont en pèlerinage sans leur mari, mais entourées d’hommes qui guettent une bonne occasion : les vers 219-230 de Régnault qui se marie rendent bien compte de cette promiscuité. Saint-Béset comporte un jeu de mots sur baiser : « À la feste/ De sainct Trotin et sainct Béset. » Tout-ménage.   161 À l’occasion : « C’est je ne sçay quel folye/ Qui à la fois le sang me ronge. » (Ung mary jaloux.)  Un esgait est une hutte d’oiseleurs : « Je me mis en esgais/ Où maint gentil oisel estoient. » (ATILF.) En résumé, les moines profitent d’un orage pour attirer des pèlerines sous une hutte.   162 LV : ne dict icy mal ne son  (Malédiction. « Et cent mille aultres mauldissons/ À chascun coup nous nous disons. » Deux hommes et leurs deux femmes.)   163 Victime de ce vent de folie amoureuse, Virgile resta suspendu dans une corbeille à cause de la femme qu’il allait rejoindre. C’est Folie — elle s’en vante — qui a fait « mectre Virgille en la corbeille,/ Sallomon chevaucher sans selle ». La Folie des Gorriers.   164 Victime de la coquetterie de Bethsabée, « David le roy, sage prophètes,/ Crainte de Dieu en oublia/ Voyant laver cuisses bien faites ». Villon.   165 LV : absalon  (Aucune frasque féminine concernant ce personnage falot ne nous est parvenue.)  Salomon, fils de David, est rangé parmi les victimes de la folie amoureuse : « Folles amours font les gens bestes :/ Salmon en ydolâtria. » Villon.   166 Le Lai d’Aristote, un des poèmes les plus connus du XIIIe siècle, raconte comment le philosophe tombe amoureux d’une allumeuse qui lui met une selle sur le dos et monte dessus pour qu’il la promène dans un verger. Le sage Aristote ne put empêcher « qu’Amour ne l’ait mis à folie ». La farce de Lordeau et Tart-abille lui a rendu justice : « Les hommes en sont bien vengiés :/ Car pour ung qui fut chevauchés/ Une fois par malle meschance,/ Ung seul homme, pour sa vangence,/ En ‟chevauche” deus cens [200 femmes dans] l’anée ! »   167 LV : sision en  (C’est toujours Folie qui a fait « par Dalida, en traïzon,/ Copper les cheveux de Sanxon ». La Folie des Gorriers.)  Circoncire = couper les cheveux : « Je veux circoncire ces cheveux. » Godefroy.   168 Pour cela, ne prenez du vent d’amour qu’avec modération.   169 Un son bien laid. « Et le let ton au cul des brenatiers [foireux]. » (J. Molinet.) « De quel métal est ung pet ? Il est de laiton. » Demandes joyeuses en manière de quolibetz.   170 Poix très odorante issue de la combustion des résineux. « Poix résine de pin. » (Godefroy.) Notons qu’en Normandie, « poix » se prononçait comme « pet ».   171 Épaisse. La bruine désigne un nuage gazeux, comme aux vers 349 et 357. On marque la diérèse : bru-ine.   172 LV : Lautre  (Il n’existe donc pas d’autre pet que ces deux-là.)   173 Que ce vent provient. « Ceulx dont peult produyre/ Et sourdre débat et envie. » (Le Roy des Sotz.)  Un étroit est une ouverture étroite : « Saintré (…) actaint le Turcq, de sa lance, par l’estroit de sa bavière [mentonnière]. » ATILF.   174 On expliquait déjà les orages par une rencontre d’air froid et d’air chaud.   175 Sans produire aucun son.   176 Je vous parle (note 70).   177 La puanteur tout à l’heure.   178 LV : vers les  (Jeu de mots banal sur la ville de Reims et les reins, qu’on prononçait de la même façon : « Il n’est ouvrage que de Rains. » Les Botines Gaultier.)   179 LV : cuysi  (Jeu de mots sur les cuisses féminines : « En la vallée de Cuissy,/ (Il) se lança comme ung estourdy/ Contre le con d’une tripière. » Le Tournoy amoureux.)  La ville de Roye et la raie des fesses avaient la même prononciation : « L’abbesse de Roye. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.   180 Le sermonneur fait un bruit de pet, comme à 366. Cf. le Bateleur, vers 35-37.   181 Ainsi que le vent dont je viens de vous régaler.   182 Quand il passe. Une ruine est un écoulement : « Il est tenu (…) de faire voye aux esgoux d’icelle bastide quand il vient ruine d’eaues par les conduis desdis esgoux. » ATILF.   183 Une pluie moult épaisse : une diarrhée.   184 LV : sentiment  (Puanteur : v. la note 67. Notre sermonneur ne fait pas dans le sentiment !)   185 Choit, retombe.   186 Rabelais donna lui aussi un tour scatologique à ce proverbe : « Mais ne pouvant Jénin dormir, en somme,/ Tant fort vesnoit [pétait] Quelot et tant souvent,/ La compissa. Puys : ‟Voylà (dist-il) comme/ Petite pluie abat bien un grand vent.” » (Quart Livre, 44 : Comment petites pluyes abattent les grans vents.)  Notre dramaturge, qui a pourtant lu Villon, nous épargne un autre proverbe : « Autant en emporte le vent. »   187 Tannés, incommodés.   188 Nouveau bruit de pet.   189 LV : chascun  (« Et quant est hors, chascun le nye./ Et si [pourtant, il] abreuve la compagnie :/ C’est une vesse toute née. » Adevineaux amoureux.)   190 Le mari. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes.   191 Ils s’accusent mutuellement de l’avoir fait, comme dans la farce du Pet.   192 L’amour. « Je la baiseray des foys trente/ En faisant l’amoureulx délict. » Le Poulier à sis personnages.   193 D’emblée.   194 Hors du lit.   195 LV : mondo  (Note 3.)  Reprise des vers 3-6.   196 LV : y a  (Rime du vers précédent.)  Vous sérez = vous saurez ; même normandisme à 272.   197 LV : elles  (Corr. Picot.)  Advenus à cause de ces vents.   198 Que de ces vents nous soyons éloignés. Il vaudrait mieux lire exemptés.   199 LV : saultes  (Sauvez de l’oubli.)

LES BRUS

Ms. La Vallière

Ms. La Vallière

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LES  BRUS

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En Normandie, une bru était une fille de joie : « Cherchez ailleurs vostre proye, / Faux pères grisards [sournois Cordeliers] ! / Et ! pensez-vous que je soye / La bru des caffards [des religieux hypocrites] ? » Deux amoureux du bransle.

Cette farce écrite vers 1536 nous montre deux brus qui viennent d’entrer dans la carrière, et qui accueillent religieusement les sages conseils d’une mère maquerelle que même des moines débauchés ne réussiront pas à détourner de ses devoirs.

Source : Manuscrit La Vallière, nº 37.

Structure : Rimes plates, avec un rondel double, 3 triolets et 4 quatrains à refrain.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce nouvelle

À cinq personnages, c’est asçavoir troys Brus et deulx Hermites.

    [ LA  VIELLE  BRU,  Trétaulde

       LA  PREMIÈRE  BRU

       LA  SECONDE  BRU

       LE  PREMIER  HERMITE,  frère Ancelot

       LE  DEUXIESME  HERMITE,  frère Ancelme ]

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                        LA  VIELLE  BRU  commence [en chantant 1].

        Je suys nommée la vielle bru,                                   SCÈNE  I

        De toutes aultres brus gouvernante.

        Tant à Meulenc comment à Mante2,

        Partout j’ay « moulu » orge et gru3.

5      J’ay eu l’esp[e]rit sy agu4,

        J’ey porté « lance » sy mouvante5.

        J’ey esté sy remuante.

        Homme ne craignoys, plain d’argu.

        Je suys nommée la vielle bru,

10    De toutes aultres brus gouvernante6.

        Gouvernée me suys en temps deu.

        J’ey partout « combat » atendu ;

        J’ey esté à « l’assault » entrante

        Sans poinct desmancher7, je me vante,

15    Ne doubtant 8 corps grand ne menbru.

        Je suys nommée la vielle bru,

        De toutes aultres brus gouvernante.

        Tant à Meulenc comment à Mante,

        J’ey partout moulu orge et gru.

20    Je suys nommée la vielle bru.

.

        Çà ! filles, parlez à moy dru !

        Faictes record9 de vostre affaire.

        Quel train voulez tenir et faire ?

        Parlez, vous, la plus congnoissante10.

                        LA  PREMIÈRE11  BRU

25    Ma foy, dame la Gouvernante,

        Tant que je soys fille vivante,

        Je tiendray l’estat de brurye12.

                        LA  VIELLE  BRU

        Et vous ?

                        LA  SECONDE  BRU

                        Soublz vostre seigneurye,

        De brus porteron le guydon13.

30    Mais à vous nous recommandon,

        Qu’il vous plaise nous gouverner,

        Nous instruyre et [nous] enseigner

        Là où bien nous14 nous puissions [p]estre.

                        LA  VIELLE  BRU

        Puysque vous voulez à moy estre,

35    Y fault que ce mot je relate :

        Je seroys bien chiche et ingrate

        Sy par moy n’estiez bien pourveu[e]s.

        De plusieurs vous serez [bien veues]15,

        Et de tous estas16 tâtonnés.

40    Mais jamais ne vous estonnez

        Sy quelqu(e) un vous vient mugueter17 :

        Ne le veuillez pas despiter18 ;

        Gouvernez-lay à son estape19

        Tant qu’il soyt prins à vostre atrape.

45    S’il est de vous bien alêné20,

        Y sera à demy danné

        Le jour qu’i ne vous aura veue21,

        Pensant que22 serez devenue.

        Cuydez-vous que dessoublz la nue

50    Il y a de[ulx] sortes de brus.

        J’en ay veu tropes comme grus23,

        Qui se faisoyent fraper et bastre

        Pour suyvre un povre gentilastre24

        Qui n’a25 rien au pays de Bray.

55    C’est mal entendu sa Guybray26,

        C’est mal excersé son vacat 27.

        J’ey congneu tel esperlucat28

        Et tel griffeur29 de parchemin :

        Quant ilz trouvoyent à leur chemin

60    Des brus, il[z] les vouloyent forcer.

                        LA  PREMIÈRE  BRU

        Ne nous veuillez pas adresser

        À leurs mains, au nom de sainct Gille !

                        LA  V[IELL]E  BRU

        Taisez-vous, ma petite fille :

        Je ne suys pas sy incensée

65    Que vous ne soyez bien pencée30,

        Cheulx l’oste31 où je vous logeray.

                        LA  SECONDE  BRU

        En tout lieu je vous suyviray32,

        Aussy, dame la Gouvernante.

                        LA  VIELLE  BRU

        Je suys assez recongnoissante

70    Pour vous bien loger, par sainct Bon !

        Moy, je sçay bien où il faict bon :

        J’ey esté bru en tout pays

        Là où les brus sont obaÿs33.

        [Car] j’ey esté bru gascongnante,

75    Bru bretonne, bru bretonnante,

        Bru espaignolle34, bru bourguygnonne,

        Bru de Berry, bru de Soulongne35,

        Bru canaise, bru pouétevyne36,

        Bru de Bessin, bru angevyne37,

80    Bru de Touraine et bru guespine38,

        Bru de Calais39 (on nous lopine !),

        Bru prouvencelle, bru lyonnoyse,

        Bru de Marceille, bru navaroyse,

        Bru loraine et bru bourbonnoyse,

85    [Bru beaulceronne et bru cauchoyse,]40

        Bru de [la] Brye et bru troyenne,

        Bru de la Bresse41 et de Rouenne,

        Bru de Melun42 qui est sur l’eau,

        Bru d’Harcourt43 et bru de Bordeau44,

90    Bru d’Évereulx45, de Dreulx, de Chartre,

        Bru de Paris et de Monmastre46,

        Bru de La Roche et de Vernom,

        Bru de Loviers et de Gaillon47,

        Bru de La Bouille et Moulineaulx,

95    Bru des isles par tout les eaulx48,

        Bru [de Sainct-Aubin]49, Dernétal ;

        Bru partout, tant amont qu’aval :

        Bru de Gournay, bru de Beauvais,

        Bru Sainct-Vivien50, bru Sainct-Gervais,

100  Bru de Dieppe, bru du Tréport,

        Bru d’Arques. Sans en dire tort51,

        De Rouen, je n’en parle poinct.

                        LA  PREMIÈRE  BRU

        Et pourquoy ?

                        LA  VIELLE  BRU

                         In Jen !  On [ne démesle]52 poinct

        Les brus d’avec les courtizainnes :

105  Car il font tant les bravouzainnes53

        Que les plus ruzés y54 sont prins,

        Quoy qu’ilz souent55 sages et bien aprins.

        J’ey veu bru demy trésallée56

        Qui, de craincte d’estre hallée57,

110  Portoyt cachenés58 sur son vyaire

        Ainsy c’une mille-souldière59.

        J’ey veu bru (non forte à congnoistre60)

        Qui, de l’amuche61 de son maistre,

        A faict reborder sa costelle62 ;

115  Et sy, contrefaict63 la pucelle.

        J’ey congneue bru garnye d’escus64

        Qui, d’un aful de monacus65,

        A faict abit qu’el portoyt bien ;

        Et sy, faict la femme de bien.

120  J’ey veu bru sy sientifique66 :

        Pour parler à un de pratique67,

        Portoyt procès soublz son esselle68

        Affin qu’il eust accès à elle69.

        Dieu ! qu’el estoyt, en parler, ferme !

.

                        LE  PREMIER  HERMITE                 SCÈNE  II

125  Et ! bonavita70, frère Ancelme !

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Bon adjournus71, frère Ancelot !

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Quant burons-nous jusqu(e) à la lerme72 ?

        Et ! bonavita, frère Ancelme !

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Aujourd’uy : ce n’est pas long terme73.

                        LE  PREMIER  HERMITE

130  Sans faulte, je boiray74 d’un pot.

        Et ! bonavita, frère Ancelme !

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Bonajournus, frère Ancelot !

        Que faictes[-vous] cy, mon valot75 ?

        Estes-vous de quelc’un en doubte76 ?

                        LE  PREMIER  HERMITE

135  Je fais le guet ; et sy, escouste

        Trétaulde77 qui instruict des brus.

        Et ! nous qui sommes fort membrus78,

        Au[r]ons-nous poinct l’invention79

        D’en avoir la possession

140  D’une, pour passer nostre envye ?

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Frère, ce seroyt bonne80 vye.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Nous sommes de vin sy œuillés81,

        Et dedens le corps sy rouillés,

        Que de nous n’est que pouriture.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

145  Faulte ?

                        LE  PREMIER  HERMITE

                        D’opérer de nature82.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Par monsieur sainct Bonne-Advanture !

        Frater méy, béné volo83.

        Mais el est sy faicte au haulo84

        Qu’el n’a ne pityé ne pitace85

150  De frère portant la besache86.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Alons saluer la bécace.

        Que fust-el87 au pas de Calais !

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Testor Déos immortalais88 !

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Frater, que venez-vous de dire ?

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

155  Je vouldroys qu’el fust à l’Empire89 !

        Par Testor Déos immortalays !

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Autant magistral90 que valés,

        Vous blasphesmez les dieulx estranges91.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Il n’y a séraphin ny anges92

160  Qui me seussent éberluer93

        Que je ne l’aille saluer,

        Et réciter94 ce que je pence.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Alons-y tous deulx d’atrempence95

        La saluer à nostre guise,

165  Faisant de la langue faintise96

        En donnant accès à noz mos97.

.

                        LA  VIELLE  BRU                                SCÈNE  III

        Voécy deulx frères Frapabos98

        Qui viennent à nous disputer.

        Nule ne se veuil[l]e haster

170  De parler ; car, par sainct Symon,

        Nous séron se99, sur leur poulmon,

        Il100 y a rien d’inestimable101.

.

                        LE  PREMIER  HERMITE                 SCÈNE  IV

        Ma Dame, soyez secourable

        Aulx pauvres frères hermytaulx

175  Qui n’ont pécunes ne métaulx102,

        Et boyvent de l’eau tous les jours103 !

                        LA  VIELLE  BRU

        Frère[s], il n’y a rien pour vous.

                        LE  DEUXIESME104  HERMITE

        A ! thésaurière105 de sancté,

        Je priray sancta et san[c]te106

180  Qu’i vous préserve de la toux.

                        LA  VIELLE  BRU

        Frère[s], il n’y a rien pour vous.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Hélas ! jenne107 bru crestïenne,

        Vous avez la chair tendre et jenne

        Pour faire roidir les… genoulx108.

                        LA  VIELLE  BRU

185  Frère[s], il n’y a rien pour vous.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Vous avez le viaire angélique.

        Quel109 embrasser, telle relique,

        Beau regard gratieulx et doulx.

                        LA  VIELLE  BRU

        Alez, il n’y a rien pour vous !

190  Vous estes fors110 à escondire.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Nous avons un mot à vous dire.

                        LA  VIELLE  BRU

        Et quel ?

                        LE  PREMIER  HERMITE

                        S’y vous venoyt à gré111,

        En payant à nostre degré112,

        N’arions-nous poinct une venue113

195  D’une de voz brus toute nue ?

                        LA  VIELLE  BRU

        Alez, grosse beste cornue !

        Alez, grisars114 ! Alez, sousdextre !

        Comment ? Esse à vous à congnoistre

        Que c’est que du fémi[n]in gerre115 ?

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

200  Dieu nous a mys dessus la terre,

        Hommes roydes, fors et puissans,

        Et de noz menbres joÿssans

        Comme [d’]aultres, en vérité.

                        LA  VIELLE  BRU

        Pourquoy vouez-vous chasteté116

205  (Faisans d’aultres sermens [c]assés117),

        Et tous voz veulx vous délaissez ?

        Alez, vous estes misérables !

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Telz estaz sont dissimulables

        Et dificilles à congnoistre.

                        LA  VIELLE  BRU

210  Retirez-vous en vostre clouestre118,

        Gens remplys de déception119 !

        O ! la malinne invention,

        Que le corps d’un hermite120 chainct

        Soyt [d’]un habit polu et faint121 !

215  Retirez-vous en vostre escorce122 !

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Nous aurons voz deulx brus par force !

                        LA  SECONDE  BRU

        Vous mentirez123, loups affamés !

                        LE  PREMIER  HERMITE

        S’il ne vous vient de la renforce,

        Nous aurons voz deulx brus par force.124

                        LA  VIELLE  BRU

220  Vaillante seray à la torche125 :

        [Par mes mains serez assommés !]

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Nous aurons vos deulx brus par force !

                        LA  PREMIÈRE  BRU

        Vous mentirez, loups affamés !

        Pensez-vous de nous estre aymés

225  Malgré la nostre volonté ?

                        LA  VIELLE  BRU

        Vous avez voué chasteté,

        Et semblez gens à demy sainctz.

        Vous estes de cautelles plains126

        Et voulez ravir ces deulx filles

230  Par voz actes ordes et villes127.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Quant nous som[m]es aulx bonnes villes,

        Ne128 faisons les frères Frapars ;

        Mais aux champs, [sommes droictz]129 liépars

        À poursuyvir filles et femmes.

                        LA  VIELLE  BRU

235  Voz actes sont donques infâmes.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Quant nous alons par les maisons,

        Nous sommes pâles et deffaictz,

        Disons130 salmes et oraisons

        Pour ceulx qui nous ont des biens faictz ;

240  Mais aulx champs, sommes contrefaictz131,

        Chantant chansons vindicatives

        Avecques paroles laccives.

        Dont, dame la Gouverneresse,

        Faictes-nous de voz brus largesse132,

245  Soyt par force ou par amytié.

                        LA  VIELLE  BRU

        Hermites estes sans pityé.

        Voulant user de félonnize,

        Vous avez sur nous la main mise.

        Enquestes de vous seront faictes133.

                        LA  PREMIÈRE  BRU

250  Nous vous pensions comme prophètes,

        Prédicans134 comme bons enseignemens ;

        Mais voz malingtz desreiglementz135

        Font vostre estat mal estimer136,

        Par quoy nul ne vous peult aymer.

                        LA  SECONDE  BRU

255  J’ay ouÿ dire aulx gentz antïens137

        Que toulx ceulx ne sont pas scïens138,

        Portant habit dissimulé139.

        Par quoy, vostre faict calculé140,

        Pour hermites frans141 je vous prens.

                        LA  VIELLE  BRU

260  De parler à vous j’entreprens,

        Gros grisars, grisons142 grisonniers,

        Gros mesles143, griffons144, gros âniers !

        Voulez-vous les brus gouverner ?

        Alez-vous-ent entavernerl45,

265  Et vous tenez en voz cavernes146,

        Et faictes de vessies147 lanternes !

        Adieu, mes frères cou[v]éteulx148 !

        Sy j’ey des brus, esse pour eulx ?

        Qu’on les149 maine toute la course !

270  Y me fault bien meilleure bourse

        Qu’à telz gens on leur habandonne150 :

        Et ! y n’ont rien, s’on ne leur donne.

                        [LE  DEUXIESME  HERMITE]

        Voy(e)là merveilleux argumens !

                        LE  PREMIER  HERMITE 151

        Poinct d’argent, marchande ? Tu mens !

275  Voy(e)là des escus à planté152 :

        Encor cent et un153, tout compté,

        Pour les payer de leur salaire,

        S’y veulent à noz154 deulx complaire.

        Mais premier qu’on en jouisson155,

280  Y fault c’un petit nous danson

        Un bran156 de quelque inve[n]tion.

                        LA  VIELLE  BRU

        Mectez-moy en possession

        De la bource pécunyeuse.

                        LE  PREMIER  HERMITE

        Tenez, la voy(e)là, plantureuse157.

285  Or çà, ma petite amoureuse,

        Y nous fault un peu piétonner158.

        Et puys nous irons desjuner

        D’un [ouéson à]159 la Petite Oye160.

                        LE  DEUXIESME  HERMITE

        Argent [nous] faict partout la voye161.

                        LA  VIELLE  BRU

290  Qui a argent, il a des brus.

                        LE  PREMIER  HERMITE162

        Tant en Piedmont comme en Savoye163,

        Argent [nous] faict partout la voye.

                        LA  SECONDE  BRU

        Qui porte argent, il porte joye,

        Autant esbarbés164 que barbus.

                        LE  PREMIER  HERMITE

295  Argent [nous] faict partout la voye.

                        LA  VIELLE  BRU

        Qui a argent, il a des brus.

        Aultre choze je ne conclus.

        Avant que partir de ce lieu,

        Un petit bran165 pour dire adieu.

300  Pourtant, s’on166 n’avon poinct musique,

        Pas ne diminuez vos167 don[s].

        À vous nous nous recommandon[s] :

        Jeu nouveau couste à qui l’aplicque168,

        C’est [là] une chose autenticque.

305  En prenant congé de ce lieu,

        Or dansons [bran] pour dire adieu !

.

                               FINIS

*

1 Il est d’usage qu’un poème à forme fixe au début d’une farce soit chanté ; ce rondel double (amplifié tardivement de 4 vers) devait l’être comme les autres. Les trois brus sont sur une place ; tapi dans un coin, le 1er ermite les observe.   2 À Meulan comme à Mantes. Ces deux communes des actuelles Yvelines sont limitrophes de la Normandie. Comment = comme : cf. Maistre Mimin estudiant, vers 374.   3 Et du grain mondé. L’action répétitive du moulin fournit une métaphore du coït : « Ilz s’en allèrent tous deux coucher, & en jouant ensemble & passant le temps, commencèrent à moudre fort & ferme. » Pierre de Larivey.   4 Le désir si aigu. Jeu de mots sur épris : enflammé par le désir. « Elle a l’esperit sy souldain/ Qu’il ne luy fault paille ne grain,/ Mais que souvent on la “baculle”. » Rondeau.   5 Qui bougeait tant. Nous abordons maintenant le registre érotico-militaire.   6 Qu’une même faute soit reproduite dans tous les refrains prouve que le copiste précédent n’a noté que le début des redites, et que le copiste actuel les a complétées d’après un 1er refrain fautif ; c’est encore le cas pour les refrains de 292 et 295, qui reproduisent la faute de 289. Voir la note 91 de Maistre Mimin estudiant, et la note 23 de Régnault qui se marie.   7 LV : desmarcher  (Sans être désarmée.)  Sans perdre le « manche » de mon client. « Soudain que la gouge on emmanche,/ Luy rebailler le picotin,/ Si l’instrument ne se desmanche. » Guillaume Coquillart.   8 Ne redoutant aucun. Membru = bien membré. Idem vers 137.   9 Le récit.   10 La plus âgée des deux.   11 LV : iie  (Pour plus de lisibilité, je numéroterai les personnages en toutes lettres.)   12 Le métier de la prostitution.   13 L’étendard.   14 LV : pour  (L’endroit où nous pourrons bien nous repaître, nous enrichir. « Où nous puissions nous paistre de contes. » Jacques Faye.)   15 LV : veuz   16 Par des hommes de toutes conditions.   17 Conter fleurette.   18 Dédaigner.   19 Prenez-le au piège amoureux. « Amour (…),/ Rends-le-moy pris à ton estappe ! » Antoine Le Maçon.   20 Piqué comme par une alêne, un poinçon. « Ceulx qui par avant l’acolloient (…)/ En sont picqués et alênés. » Moralité à cincq personnages.   21 LV : veuee  (Le jour où il ne vous aura pas vue.)   22 Se demandant ce que vous.   23 Des troupes aussi nombreuses qu’un vol de grues.   24 Gentilhomme de bas étage. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 139.   25 LV : nauoyt  (Le pays de Bray sépare la Normandie de la Picardie.)  Double sens : Qui n’a rien dans ses braies, dans sa culotte.   26 Cette foire normande donna lieu à quelques expressions : « Trotter (…)/ Plus dru qu’à la Guibray ne courent les mazettes [les canassons]. » (La Muse normande.) Mais celle-ci n’est pas connue. Émile Picot l’interprète : « C’est faire un mauvais marché. » Recueil général des sotties, t. III, pp. 79-97.   27 Sa vacation, son service.   28 Un porteur de perruque, un juge. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 70 et note.   29 LV : griffon  (Tel clerc de justice, dont la plume mal taillée griffe le papier. C’est l’origine du verbe griffonner.)  Le parchemin désigne aussi le pubis d’une femme : cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note.   30 Bien pansée, bien traitée.   31 Chez l’hôte : dans la maison de passe.   32 Suivrai (normandisme). Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 179.   33 Obéies, respectées.   34 Basque : la bru n’a jamais officié à l’étranger.   35 De Sologne.   36 De Caen (en Normandie), du Poitou.   37 Du pays Bessin (en Normandie), d’Anjou.   38 Orléanaise. On comparait les habitants d’Orléans à des guêpes : « Une dame d’Orléans, gentile et honneste encores qu’elle fust guespine. » Bonaventure Des Perriers,   39 LV : gallere  (Calais était encore occupé par les Anglais ; c’était donc, pour le pouvoir, un sujet tabou que la censure théâtrale expurgeait : voir par exemple la note 29 de Pour le Cry de la Bazoche. En remplaçant Calais par les galères, nos acteurs ont contourné la censure avec une belle insolence.)  On nous lopine = les Anglais vendent la France à la découpe, parcelle après parcelle. « LOPINER : To cut into gobbits, part into cantles, divide into lumps. » Cotgrave.   40 Vers manquant, que chacun remplira selon ses accointances géographiques.   41 LV : bresle  (Rouenne = Roanne.)   42 LV : mil un  (Le cœur médiéval de Melun est une île.)   43 LV : de court  (Harcourt est une commune normande, comme les deux suivantes.)   44 LV : bleau  (Bordeau, dans l’actuel département de Seine-Maritime. Voir le vers 119 de la Fille bastelierre, une pièce de la même époque et de la même région qui égrène souvent les mêmes localités normandes.)  Et n’oublions pas l’inévitable calembour sur Bordeau et le bordeau [le bordel] : « Des femmes de Bordeau. » Les Sotz fourréz de malice.   45 D’Évreux, dans l’Eure.   46 Montmartre était encore un village indépendant de Paris.   47 Louviers et Gaillon, dans l’Eure. Cf. la Fille bastelierre, vers 153.   48 Des îles normandes de la Seine. « À La Bouille et à Moullineaux,/ Et à toutz ceulx d’entour les eaux. » La Fille bastelierre.   49 LV : par tout a  (Saint-Aubin-sur-Mer et Darnétal sont en Seine-Maritime.)  « Tout partout, à mont et à val,/ À Sainct-Aubin, à Dernétal. » La Fille bastelierre.   50 LV : sainct julien  (Saint-Vivien et Saint-Gervais sont deux paroisses populaires de Rouen. Voir le v. 206 des Sobres Sotz, le v. 127 de la Fille bastellière, et le v. 72 du Clerc qui fut refusé.)   51 LV : mot  (Sans en dire de mal.)   52 LV : nen parle  (Contamination du vers précédent.)  On ne distingue pas. « On ne démesle pas aisément le vray dévot d’avec l’hypocrite. » Dict. de l’Académie françoise.   53 Elles font tellement les braves, les élégantes. « Cest habit-là fut coint, joly et court,/ Ainsi qu’on voit aux bravousins de Court. » Le Passetemps et songe du Triste.   54 LV : ilz  (L’expression exacte est : « Que les plus rouges y sont pris. » La Pippée.)   55 Soient. Cf. les Povres deables, vers 264.   56 À moitié morte de vieillesse. Cf. la Mère de ville, vers 177. Nous entrons dans la critique des mœurs rouennaises, telle que la pratiquaient les Conards de Rouen : on leur défendait de nommer leurs victimes, mais ils s’arrangeaient pour qu’elles soient reconnaissables.   57 D’être hâlée, brûlée par le soleil. En fait, elle veut dissimuler ses rides.   58 « Un cache-nez : Un masque de femme. » (Antoine Oudin.) On disait aussi un cache-laid. Viaire [visage] se retrouve à 186 ; cf. Frère Frappart, vers 128.   59 Qu’une riche veuve qui peut dépenser 1000 sous par jour. « Ne connoissez-vous point une vefve apellée Géronte ? Tous ces gens du menu peuple disent qu’elle est mille-soudière, c’est-à-dire, en leur langage, qu’elle a cinquante francs de rente par jour. » Charles Sorel.   60 Pas très difficile à reconnaître. Voir la note 56.   61 En recyclant l’aumusse [le capuchon fourré] du prêtre avec lequel elle couche. « Baillant une amuche au Badin. » Science et Asnerye.   62 A fait border de fourrure sa petite cotte [son jupon].   63 LV : contrefaisoyt  (Le vers 119, sur le même modèle, est lui aussi au présent.)  Et pourtant, elle joue les pucelles.   64 C’est bien ce qu’on lit dans le ms. Les trois éditions modernes ont lu dessus, ou même dessous. « Un gros coquin garny d’escus. » Les Caquets de l’accouchée.   65 Avec le froc d’un moine.   66 Savante.   67 À un juriste. Cf. les Povres deables, vers 132.   68 Elle portait sous son bras les pièces d’un procès.   69 Pour qu’il ait une occasion de l’aborder.   70 Bonne vie ! Les deux ermites, qui sont en fait des moines cordeliers*, pratiquent le jargon de ces anciens collégiens que sont les clercs. Ancelot, qui est en train d’espionner les brus, salue Anselme qui vient vers lui.  *Dans le même manuscrit, le Porteur de pénitence met en scène deux ermites qui sont de « vrays Frères myneurs », c’est-à-dire des Cordeliers. On les traite d’ailleurs selon leur rang : « Ce sont deulx convers ypocrites…./ Quelz fripelipes [goinfres] ! »   71 Bonjour ! On peut lire cette salutation de collégiens sous une forme à peine plus tolérable au vers 21 de la Résurrection de Jénin Landore.   72 Quand boirons-nous jusqu’à ce que les larmes nous en viennent aux yeux ? « Il avoit beu par tel compas/ Qu’il avoit les larmes à l’ueil. » Le Gaudisseur.   73 Nous boirons aujourd’hui, ce n’est pas un délai trop long.   74 LV : donray   75 Mon compagnon.   76 Avez-vous peur de quelqu’un, pour vous être caché de la sorte ?   77 C’est le nom de la maquerelle. Et c’est également le nom d’une fille facile dans Jehan de Lagny.   78 Sur le grand manche des Cordeliers, voir la Folie des Gorriers, vers 267 et note.   79 Le moyen. Cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 407.   80 LV : demy  (C’est la traduction du bona vita de 125. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 178.)   81 Aouillés : remplis jusqu’à l’œil [jusqu’à la bonde], en parlant de tonneaux. « Qui aoillé furent de vin. » Godefroy.   82 Faute de copuler. « Ainsi n’est-il de ton bragmard [braquemart] : car par discontinuation de officier et par faulte de opérer, il est, par ma foy, plus rouillé que la claveure d’un vieil charnier. » Rabelais, Tiers Livre, 23.   83 Mon frère, je veux bien (copuler).   84 Trétaude est si habituée à commander. « Ilz sont tous à la poste [aux ordres] de la dame, qui les a faits au holo. » XV joyes de Mariage.   85 Augmentatif plaisant de pitié. « Je n’en ay pitié ne pytasse. » ATILF.   86 Les moines des ordres mendiants mettent ce qu’on leur donne dans une besace.   87 Si elle pouvait être chez les Anglais ! Il n’y avait « pas de Calais », puisque cette ville n’appartenait plus à la France ; voir la note 39.   88 Testor deos immortales !  [J’en atteste les dieux immortels.] Cette invocation quelque peu païenne de Sénèque réjouissait les collégiens de France et d’Italie.   89 Chez l’empereur Charles Quint, qui était alors le pire ennemi de François Ier.   90 LV : magistraulx  (Aussi maître en théologie qu’un valet.)   91 Étrangers, païens. « Dieu dit en ce lieu : “Tu n’auras point de dieux estranges !” » Jean de Lavardin.   92 Dessous, le copiste a noté puis biffé les vers 187-191. Ils sont d’ailleurs moins fautifs dans cette version, que je garderai plus bas. Ces variantes prouvent une fois de plus que le scribe du La Vallière ne respectait pas l’orthographe de son manuscrit de base.   93 Qui puissent m’éblouir au point. « La clarté (…)/ L’aveugle et l’esberlue. » Godefroy.   94 Et lui dire.   95 En douceur.   96 LV : faintisse  (Des feintes, des fausses promesses.)   97 En libérant nos paroles.   98 Des frères Frapparts, comme au vers 232 ; c’est-à-dire des moines paillards. Cette injure vise principalement les Cordeliers : voir la notice de Frère Frappart.   99 LV : que  (Nous saurons si, dans l’aumônière qui pend à leur col, à hauteur de leur poumon.)  « Nous en sérons très bien l’usage. » Sottie normande de Troys Galans et un Badin.   100 LV : sil   101 LV : disnimable  (S’il y a quelque chose de précieux.)   102 Ni pièces de métal précieux.   103 Et n’ont pas de quoi s’offrir du vin. Par chance, les brus n’ont pas entendu les vers 127-130 et 142. Les Normands amuïssaient le « r » de jou(r)s.   104 LV : p   105 Trésorière, dispensatrice. La Vierge Marie était la « thésorière de grâce ».   106 Anselme veut latiniser l’expression « prier saintes et saints ». Mais il s’empêtre dans une formule qui signifie « sainte, et saintement » : « Matrimonium est res sancta, et sancte tractadum. »  « Ista sancta, et sancte pudica domus. »   107 Prononciation normande de « jeune », comme à la rime du vers suivant. Voir la note 51 de la Résurrection de Jénin Landore.   108 Ancelot a failli dire « les plus mous ».   109 Tel. À telle relique, tel baiser. Les pèlerins embrassaient les reliques des saints : cf. le Dyalogue pour jeunes enfans, vers 65.   110 Difficiles. Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 213 et note.   111 LV : grey  (Je corrige la même fantaisie du copiste à la rime.)  Si vous l’acceptiez.   112 Selon nos moyens.   113 LV : estendue  (Un coït. « N’aurai-ge poinct une venue/ De la femme de mon mounyer ? » Le Poulier à sis personnages.)  Cf. la Fille bastelierre, vers 21.   114 LV : grissars  (Grisard est une insulte contre les Cordeliers, qui sont vêtus de gris. Idem vers 261.)  Un soudestre est un soudard, un mufle : cf. le Trocheur de maris, vers 44.   115 Ce qu’est le genre féminin, ce qu’est une femme. « Où plusieurs se sont acoustrés/ En estat de fémynin gerre. » Troys Pèlerins et Malice.   116 Faites-vous vœu de chasteté.   117 Rompus, non tenus. « Qui tant de sermens ont casséz. » ATILF.   118 Dans votre cloître, votre monastère.   119 De fourberie.   120 LV : habit  (Anticipation du vers suivant.)  Soit ceint, soit revêtu. La prononciation chuintante est normande : « Vostre robe (…) chainte ou troussée. » Le Gentil homme et Naudet.   121 LV : sainct  (Correction d’Émile Picot. Le « f » gothique [f] est souvent confondu avec le « s » long [ſ].)  Impur et hypocrite.   122 Dans votre coquille, comme les Sots, qui naissent dans des œufs.   123 Vous n’aurez pas dit la vérité.   124 LV intervertit ces 3e et 4e vers du triolet. Et il oublie le 6e.   125 À vous donner des coups. « Si ne craignois d’avoir la torche,/ Je vous dirois quelque finesse. » (Le Badin, la Femme et la Chambrière, BM 16.) J’ajoute dessous un vers pour compléter le triolet ABaAabAB.   126 LV : plainctz  (Pleins de ruse.)   127 Sales et vils.   128 LV : nous  (Nous ne nous comportons pas comme des satyres.)  « Hermite suis, frère Frapart / Qui maint “connin” broche sans lard. » Les Triomphes de l’Abbaye des Conards.)   129 LV : droictz demy  (Ce vers sert de modèle au vers 240.)  Nous sommes de véritables léopards. Cf. les Sotz triumphans, vers 9.   130 LV : en disant  (Ce vers suit le modèle du vers 232.)  Nous disons des psaumes. Les moines mendiants quémandaient la charité en échange de prières.   131 Fourbes. LV répète dessous le vers 239.   132 Offrande.   133 Vos supérieurs enquêteront sur vous.   134 Prêchant.   135 LV : enseignementz  (à la rime.)  Vos diaboliques débordements. « Des désordres et desreiglemens qui se commettoient dans les monastères. » Archives de Reims.   136 LV : enseigner  (« Qui le face mal estimer & priser. » Christine de Pizan.)  Font mal juger votre statut de moines.   137 Aux anciens. La diérèse est obligatoire : « Aux ancïens n’appartient plus. » Les Gens nouveaulx.   138 Que ces moines ne sont pas tous sages.   139 Qui portent un habit trompeur. En somme, l’habit ne fait pas le moine.   140 Ayant considéré vos actes.   141 Affranchis de votre Règle, défroqués.   142 LV : grissars grissons  (Cordeliers <note 114>, étalons aux cheveux gris. Dans Ung jeune moyne, le vieux rival du moine se compare à un grison qui peut encore « trotter » avec une femme.)   143 Merles : diseurs d’obscénités, comme les merles qu’on met en cage pour leur apprendre à dire « maquereau ».  « Tu parles aussy droyt c’un mesle/ Qui est en la cage. » Messire Jehan.   144 Ravisseurs. « Tendans les mains comme un griffon/ Qui veut ravir quelque pasture. » Vie de sainct Mathurin.   145 LV : en tauerner  (Allez vous cloîtrer dans une taverne. « Mais dame Gloutenie [gourmandise] se fait ore maistresse :/ Gens fait entavrener. » ATILF.)   146 Certains ermites vivaient dans une grotte.   147 LV : vesis  (Transformez votre vessie en lanterne.)   148 Convoiteux (normandisme). Trétaude va s’adresser au public.   149 LV : leur  (Qu’on les emmène au pas de course.)  « Luy-mesme, à l’hospital s’en va toute la course. » Du Bellay.   150 Que celles qu’on abandonne à ces gens.   151 Il sort une bourse.   152 En quantité.   153 101 écus d’or pour deux prostituées, c’est une plaisanterie de l’auteur ou une faute du copiste. Le Mince de quaire loue deux filles pour « ung escu d’or fin » et quatre pommes.   154 Nous (normandisme).   155 Avant que nous jouissions d’elles.   156 Un branle de Normandie. Idem vers 299. « Qui no fezet danser des courante nouvelle,/ Des gavotte et des brans. » (La Muse normande.) Le branle est une danse lubrique parce que les femmes troussent leur robe : cf. le Savatier et Marguet, vers 75 et note.   157 Bien garnie d’argent. Cf. le Résolu, vers 309.   158 Piétiner sur place, danser.   159 LV : gras ouesson  (L’oison est le petit de l’oie. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 392.)   160 LV : ouee  (Je corrige ici et aux 5 rimes attenantes un des tics du copiste de ce ms., qui consiste à redoubler le « e » de la désinence féminine.)  La Petite Oie est une taverne de Rouen. Mais cette locution désigne aussi les caresses préliminaires : cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 213 et note.   161 LV : voyee  (Nous ouvre partout la voie, y compris dans une acception érotique : cf. les Botines Gaultier, vers 137 et note.)   162 LV : hru   163 « Le style général de la composition ne permettant guère de la placer après le règne de François Ier, il est probable qu’il y a ici une allusion à la conquête de la Savoie et du Piémont par ce prince au commencement de l’année 1536. » Émile Picot, p. 80.   164 Aussi bien les rasés [les ecclésiastiques] que les amoureux. Cf. les Povres deables, vers 14.   165 Un branle à danser, comme au vers 281. Double sens, confirmé par le fait que Trétaude retrousse sa robe pour mieux danser : un petit excrément. Cf. le Munyer, vers 490.   166 Si nous (normandisme). La troupe n’a pas les moyens de s’offrir un musicien. Notre farce n’a donc pas été jouée par les Conards de Rouen, qui ne faisaient rien sans musique.   167 LV : nostre  (Ne soyez pas moins généreux quand nous allons passer parmi vous pour faire la quête.)  Les comédiens du Bateleur quêtent eux aussi parmi le public : « De vos dons, riens ne comprenons…./ Sy on donne peu, c’est tout un. »   168 Une création dramatique coûte cher à ceux qui la montent : il faut faire copier le livret en plusieurs exemplaires, organiser suffisamment de répétitions, se procurer des costumes et créer le décor.

POUR LE CRY DE LA BAZOCHE

Bibliothèque municipale de Soissons

Bibliothèque municipale de Soissons

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POUR  LE  CRY  DE

LA  BAZOCHE

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Les clercs de justice qui composaient la Basoche de Paris ne se contentaient pas de griffonner des attendus et des sentences en latin de bureaucrate : à l’occasion de certaines fêtes, ils écrivaient des pièces comiques, véritables revues satiriques où les initiés pouvaient reconnaître les pontes du Palais de justice, les fins stratèges de la politique internationale, ou des voisins qui s’étaient récemment ridiculisés. Les représentations se tenaient sur une longue table de marbre noir qui meublait la grand-salle du Palais, dans l’île de la Cité.

Les suppôts de dame Basoche, Mireloret1 et Rapporte-nouvelle, ont la dent dure ; et sous le prétexte de rendre le monde plus moral, ils jettent en pâture à leurs congénères toutes les histoires de fesses qui parviennent à leurs oreilles de Sots : « Pareille liberté se logea en ceste ville de Paris, soubz le nom de la Bazoche, aux clercs tant du Palais que du Chastelet, lesquels jouant à certains jours — les uns à la table de marbre, au Palais, les autres au siège du Chastelet —, introduysoient ordinairement sur l’eschafaut [sur la scène] trois d’entre eux, habillés en Sotz que l’on apelloit vulgairement mirelorets ou soteletz, dont l’un, nommé Rapporte-nouvelles, interrogé par ses compaignons, leur rapportoit soubz équivoque de noms tous ceux ou celles qu’ils pensoient estre marqués de quelque vice ». (Estienne Pasquier.) Une chanson basochienne, Escoutez la nouvèle, dénonce par exemple un marchand de bouillottes auquel une de ses clientes a donné la syphilis ; en voici la fin : « Ceste chanson fut faicte/ Au Palais, à Paris,/ Prise sur la sonnette/ D’un des joyeux devis/ Que racontoient les joueurs de Bazoche/ Lorsqu’à chacun jettoient leur lardon de reproche. »

Pour le cry de la Bazoche se compose de deux sotties mises bout à bout : la première, assez convenue, renferme des allusions aux grands de ce monde2 ; la deuxième, beaucoup plus vivante, déballe toute la chronique scandaleuse du quartier. Malheureusement, ces ragots n’ont pas eu la chance d’intéresser les historiens de l’époque. Mars et Justice, une autre pièce due aux basochiens de Paris, fut aussi agrémentée d’une sottie finale où les racontars le disputent aux commérages : Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout.

Notre sottie s’intitule « Cri » parce qu’elle s’achève sur une convocation publique des suppôts de la Basoche afin d’élire leur nouveau roi. Elle fut jouée lors des festivités du Mardi gras, le 5 mars 1549 (nouveau style).

Source : Bibliothèque municipale de Soissons, manuscrit 0199 (ancien 187), copié dans la seconde moitié du XVIe siècle. Folios 14 verso à 25 verso.

Structure : Dizains, sizains, quintils, rimes plates, huitains, rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Pour le cry de la Bazoche

ès jours gras mil cinq cens quarante-huict

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    [ LA  BAZOCHE

       LE  PREMIER   SUPPOST,  Mireloret

       LE  DEUXIESME  SUPPOST,  Rapporte-nouvelle

       MONSIEUR  RIEN ]

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                        LA  BAZOCHE  commance 3                SCÈNE  I

        Non sans propos, l’on dict que la Justice

        A faict et faict régner princes et roys.

        Non sans raison, fault que force juste isse4

        Pour corriger les rebelles desroys5

5      Et mectre aux champs les martiaulx arroys6,

        Pour secourir le droict d’obéissance

        Trop opprimé par la folle arrogance

        D’aucuns mutins7 fiers et audatieulx

        Qui ont ausé eslever leur puissance

10    Contre honneur deu8 à la terre et aulx cieulx.

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        Ô combien grandz sont les biens de Prudence,

        Soubz qui se tient en paix la républicque !

        Ô que trop grandz sont les maulx d’Ignorance,

        Qui contre Droict cherche la voye oblicque !

15    L’esprit heureulx, celluy qui ne s’applicque

        À la suyvir, mays ensuict la raison,

        Pour en user en temps, lieu et saison,

        Et de son Tout la congnoyssance avoir,

        Affin que Rien 9, qui vient par desraison,

20    Soit annullé soubz provident10 sçavoir.

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        Voyant le Temps en tranquille repos,

        Le Monde en paix (du moins en l’espérance),

        Je suys icy attendant mes suppostz

        Acoustuméz, ces jours11, faire apparence

25    Pour m’esjouyr par gaye révérence.

        J’espère d’eulx ouÿr propoz nouveaulx

        Qui causeront plaisir à noz cerveaulx.

        Au bon esprit chose bonne est plaisante ;

        Et aux fascheux, rudes et tristes veaulx,

30    Chose joyeuse est en tout desplaisante,

        Et (pour mon faict12) ennuyeuse et nuysante.

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                     LE  PREMIER  SUPPOST,  Mireloret.13     SCÈNE  II

        N’est-il temps de se resveiller,

        Et sur joyeusetéz veiller

        Pour dancer et motz joyeulx dire ?

                     LE  DEUXIESME  SUPPOST,  Rapporte-nouvelle.

35    N’est-il temps de s’esmerveiller14,

        Et plus que jamays travailler

        Pour lamenter au lieu de rire ?

                        LE  PREMIER  S[UPPOST] 15

        Qui peult à plaisir contredire,

        Ny les gaillardz suppostz desdire

40    De triumpher, ces jours joyeulx ?

                        LE  DEUXIESME  SUPPOST

        Qui peult, qui sçayt ou qui désire,

        Se voyant cheoir de mal en pire,

        Qu’i ne soyt mélencolieulx16 ?

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        [Il nous en va de myeulx en myeulx :]17

45    Nous voyons temps neuf, nouveaulx lieulx,

        Nouvelles gens, nouvelle guyse.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Plus ne veoyons le Bon Temps vieulx,

        Les vieilles gens non envyeulx.

        Vieillesse en jeune se desguyse.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

50    Tout nous rid : le temps, la fortune,

        L’honneur, l’amour et le surplus.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Tout 18, en tout le peuple importune,

        Le temps, les gens ; dont la commune19

        Est tant faschée que riens plus.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

55    [Jà ne]20 fut plus gratieulx temps,

        Les gens, et Tout pareillement.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Jamays aussi, comme j’entendz,

        Il ne fut tant de mal contens

        Comme il est ; c’est tout aultrement.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

60    Tout n’est-il pas suffisamment

        Bien gouverné entièrement,

        Et pourveu comme raison veult ?

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Tout est beau au commancement,

        Et a faict du bien largement.

65    Mays…

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                         Quel mays ?

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                                                Si chacun se deult21,

        Croyez que ce n’est point sans cause.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Espérons !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                            Tel veult qui ne peult.

        On n’ose dire qui l’esmeult

        À se plaindre, entendez la clause.

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                        LA  BAZOCHE 22                                 SCÈNE  III

70    Je trouve bien estrange chose

        De vostre devis, mes suppostz.

        L’un rid, l’aultre ung grief dueil expose :

        E[s]t la cause en vous si fort-clause23

        Qu’entendre n’en puys les dispos24 ?

                        LE  PREMIER  SUPPOST

75    De cent milliers de bons propos,

        Nostre princesse la Bazoche,

        Ayez-vous repas et repos !

                        LA  BAZOCHE

        Suppostz, Dieu vous gard de reproche !

        J’ay faict de voz devys approche,

80    Qui sont certes fort différentz.

        Y a-il quelques différendz

        Entre vous ?

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                              Nenny non, ma Dame.

                        LA  BAZOCHE

        Il m’est à rebours25 (sur mon âme !)

        Que vous, de rire acoustuméz,

85    Les plaisirs désacoustumez

        Pour propos contraires tenir.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Non pour soucy entretenir.

        Nous devisions du temps, des gens,

        Du commung26 foullé, des sergentz,

90    De paix, des amours, de la guerre

        Qu’on veoyt préparer sur la terre27,

        Des oyseaulx, de leur chant ramaige,

        De ceulx qui ont changé de caige28 ;

        De ceulx [qui], pour avoir [cas laidz]29,

95    Ont esté faictz [jà roiteletz]30.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Des bien heureulx, des malheureux,

        Des vieillardz qui sont amoureux,

        Des jeunes gens devenuz chiches,

        Des pauvres qui ne sont pas riches ;

100  De ces jeunes filz de Paris

        Cocquus avant qu’ilz soient maris,

        Comme sont ceulx du Pont-au-Change31 ;

        D’une privée, d’une estrange32.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Bref ! de tout qu’on peult adviser33,

105  Nous prétendons en deviser,

        Et laisser le feu sainct Anthoine34

        Au ladre Cardinal Le Moyne35

        Et au Bourguygnon enfumé

        (Nostre ennemy maistre Enrymé36) !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

110  Voyre, qu’i les puisse brusler !

                        LA  BAZOCHE

        Je crève d’en ouÿr parler,

        Tant les parolles sont puantes,

        Ordes, villaines et cuysantes.

        Fy des villains ! Laissez-les là,

115  N’en parlez plus, fy !

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                              C’est cela.

                        LA  BAZOCHE

        Or sus, mes suppostz ! Regardons

        (Et de trop parler nous gardons)

        Que37 c’est qu’on dict, qu’on veoit, qu’on faict,

        Et qui c’est qui faict ou deffaict

120  Ses affaires, au temps présent.

        Et le tout soubz joyeulx présent38,

        Sans taxer ou blasmer personne,

        Ne dire chose qui39 mal sonne :

        Car l’estat des bazochïens

125  Gist sur honneur qu’i ne dict riens40

        S’il n’est prouffitable et louable.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Le temps présent est admirable.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Le passé a faict grandes choses.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Qu’est devenu le pot aux roses41 ?

130  Long temps a qu’il ne fut ouvert.

                        LA  BAZOCHE

        Quelque jour sera descouvert

        Pour démonstrer à l’advenir

        Combien de causes42 peult tenir,

        Qui sont, au temps présent, cachées.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

135  Combien de personnes faschées

        Qu’en publicq ne se peult ouvrir !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        [Nul ne]43 l’oseroyt descouvrir,

        Car il tient soubz main par trop forte44.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Si fault-il ung jour qu’il en sorte

140  Des choses qu’on veult trop celler.

                        LA  BAZOCHE

        Mes suppostz, gardez de parler

        Trop avant !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                              Mot45 !

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                              La bouche close !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        N’est-ce grand dommaige qu’on n’ose

        Monstrer son mal au médecin,

145  Et faire cracher au bassin46

        Ceulx-là que tant je n’oze dire ?

                        LA  BAZOCHE

        Ne parlez sinon que pour rire,

        Mes supostz !

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                 Je diz à propos.

        L’Aigle47, en somme, prend ung repos.

150  Et comme… Mays je ne sçays quoy.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Tel se mect souvent en requoy48

        Qui ne prétend repos avoir.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Le Phœnix49, pour son Aigle veoir,

        A prins son vol bien diligent,

155  Non desgarny d’or et d’argent.

        Je ne sçay pas s’il reviendra.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Et s’il revient, on le prendra,

        Et l’Aigle aussi, par bonne chère.

                        LA  BAZOCHE

        La chère50 me fut ung jour chère ;

160  Mays51, c’est tout ung. Et si, regarde

        Me tenir tousjours sur ma garde

        Pour obvier à la surprinse.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Je ne sçay par quelle entreprise

        De ce Paris on a osté

165  L’ung des grandz esbatz de l’esté.

                        LA  BAZOCHE  vacabat per Curiam.52

        Or diz-nous comment, sotte trongne !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        On a cloz le Boys de Boulongne53,

        Si bien qu’on n’y sçayt plus entrer.

                        LA  BAZOCHE

        As-tu aultre cas à monstrer

170  Ou dire ? Parle, sot cerveau !

        Tu ne nous diz rien de nouveau :

        Il est cloz, voyre, en double sorte ;

        Et d’une closture si forte

        Que tous ceulx-là qui sont dedans

175  N’oseroient plus monstrer les dentz54.

        Car pour résister aux effortz,

        Il y a des gens fortz ès fortz55

        Qui sçavent trèsbien ung bien faire.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Ceulx qui sont cause de l’affaire,

180  Ne sçay s’ilz s’en trouveront bien.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        De Bourdeaulx56 nous ne dirons rien ;

        La prudente espée a bien dict.

                        LA  BAZOCHE

        C’est trop à raison contredict57,

        S’eslever encontre son prince.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

185  Il n’y a si grande province

        Dont le plus grand et le plus riche,

        Le plus pauvre homme ou le plus chiche

        Ne soit au Roy de corps et biens,

        Et quant luy plaira, peu ou riens58,

190  Tant soit-il de grant et hault pris59.

                        LA  BAZOCHE

        C’est trop follement entrepris,

        Dont en fin ne peult que mal prendre.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Pour l’advenir, l’on peult comprendre

        Tout bon heur60.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                      Par noble alliance,

195  Le sang françoys au sang de France

        S’est61 conjoinct par vraye unité.

                        LA  BAZOCHE

        Dieu garde ceste affinité

        Cent milliers d’ans et cent encore(s) !

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Je cuydoys l’Ours toute forlore62,

200  Car l’Aigle faisoit sa menasse

        De luy faire changer de place,

        Ou l’enchesner comme subject.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Il est survenu quelque object

        Qui a empesché le passaige.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

205  Le Léopard63 faict du sauvaige

        Encontre le Lyon rampant ;

        Mays le franc Coq64 sa force espand,

        Qui le gardera de moleste.

                        LA  BAZOCHE

        Sainct-Jacques65, avec(ques) sa mallette,

210  A laissé Espaigne ; et dict-on

        Qu’il vient avecques son baston66

        Pour veoir s’il fera quelque chose

        On sçayt bien où…

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                           Pendant, repose

        L’Ytalye, et Sainct-Pierre67 aussi,

215  Qui avec Sainct-Marc prent soucy

        D’entretenir son alliance.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Je croy, en ma sotte fiance68,

        Que cest an nous verrons merveilles,

        Voire, et des choses nompareilles,

220  Qui les vouldra bien retenir69.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Tout cela qui doit advenir

        Adviendra.

                        LA  BAZOCHE

                             Mes joyeulx suppostz,

        Pour faire changer de propos,

        Faictes sonner les instrumentz,

225  Récréant noz entendemens.

                        Icy sonnent les instrumentz.

                                   *

                        MONSIEUR  RIEN                               SCÈNE  IV

        N’enquérez poinct que70 je sçays faire,

        Qui je suys, ne quel est mon nom :

        Je sçay tout parfaire et défaire,

        Et transmuer « ouÿ » en « non ».

230  J’ay par le monde grand renom.

        Aussi, suis-je grand terrïen.

        Ne demandez point mon surnom.

        Je peulx tout, et si71, je suys Rien.

.

        Je suys Rien, et si, l’ay esté ;

235  Et puys je suys devenu Tout.

        Rien fuz, et pour l’honnesteté,

        Tout m’a mis dessus le bon bout72.

        Ce Rien, ce Tout n’est à mon goust :

        De mon heur ne suys qu(e) aux faulx-bourgs73.

240  Je veulx faire, du tout en tout,

        Tout le monde aller au rebours.

.

        Je puys faire ung sot estre saige,

        Ou au moins il le semblera ;

        Une vieille belle en grand aage :

245  Du moins, aymée elle sera.

        La maistresse serve74 on croyra ;

        La bourgeoyse, une Damoyselle75.

        Ung souldart évesque on verra,

        Et une nourrice pucelle.

.

250  Bref ! je faictz les choses possibles,

        Soubz ma grande philosophie,

        Ressembler quasi impossibles.

        Toutesfoys, fol est qui s’y fie.

        J’estudye en cosmographie

255  Et tiens Tout en commandement.

        J’escriptz, je liz, j’orthographie76,

        Et ay partout l’entendement.

                        LA  BAZOCHE

        Voylà parler estrangement !

        Qui est-il, suppostz ?

                        LE  PREMIER  SUPPOST

                                            Je ne sçay.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

260  Ne moy aussi.

                        LA  BAZOCHE

                                Faict-il l’essay

        De nous congnoystre, ou nous surprendre ?

        Sachez, suppostz !

                        MONSIEUR  RIEN

                                       On peult comprendre

        – Au moins si vous avez espritz –

        Que je suys homme de hault pris,

265  Qui sçayt, qui faict et qui deffaict,

        Qui contrefaict et qui parfaict,

        Qui prend, comprend et entreprend.

        Et celluy qui de moy apprend,

        Il peult grandes choses sçavoir.

                        LA  BAZOCHE

270  Je loue en tout le grand sçavoir

        Qu’i nous faict entendre estre en luy.

                        MONSIEUR  RIEN

        Demandez-moy77, je suys celuy.

        Vous ay-je pas dict une foys

        Que je fays plus que Tout, et voys78

275  Où aucun ne sçauroit aller ?

        Quoy ! fault-il plus avant parler ?

                        Monstre ung sac, et [des] pappiers.79

        Je veulx monstrer en évidence

        Des receptes que ma prudence

        A faictes par grand appareil80

280  Pour ceulx qui venuz au conseil

        Sont à moy de leurs entreprises81,

        Qui ont esté en tout bien prises,

        Et ne leur est venu que bien.

                        LA  BAZOCHE

        Vostre nom, monsieur ?

                        MONSIEUR  RIEN

                                                Monsieur Rien,

285  Qui ne veult user de déceptes82.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Monsieur Rien, quant à voz receptes

        (Dont vous nous donnez l’apparence),

        Sont-elles par expérience

        Aprouvées83, et de vertuz fortes ?

                        MONSIEUR  RIEN

290  Ouÿ. Et en cent mille sortes

        De cas nouveaulx et joyeulx tours

        Despendant du grand dieu d’Amours,

        Je84 donne conseil et remedde.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Je veulx doncq requérir vostre ayde,

295  Monsieur Rien, pour ung pauvre amant

        Aux faictz de Vénus si gourmand

        Qu(e) ung jour, luy faisant sacriffice,

        Fut surprins dans une Escrevisse 85,

        En la rue de la Huchette,

300  Auquel lieu souvent se délecte

        Avec sa dame bien aprinse86.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Ung oncle sot fit la surprinse87,

        À qui cousta plus d’un ducat ;

        Et le surpris est advocat,

305  Des nostres assez bien congneu.

                        MONSIEUR  RIEN

        Récipé 88 : S’en fuÿr tout nud,

        Se cacher dedans une estable,

        Et endurer par faict notable

        (Pour luy conforter le cerveau89)

310  Estre attaché comme ung gros90 veau

        Deux heures de grande froydure,

        Voyre au temps de la grand froydure91,

        Pour luy appayser sa challeur.

                        LA  BAZOCHE

        Voylà recepte de valleur,

315  Monsieur Rien. Et monstrez vrayment

        Qu’avez du sçavoir largement.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Sçavez-vous le moyen vollaige92

        Faire d’une ville ung villaige ?

        C’est ung faict quasi impossible.

                        MONSIEUR  RIEN

320  Mays rien au monde plus possible,

        Le moyen facille : j’entendz

        Que vous verrez dedans bref temps

        (Cela promect[z] sans faulte aulcune)

        Le cours et dispos93 de la lune.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

325  Pour payer les fraiz et boissons

        D’un escot faict aux Troys Poissons 94,

        À Sainct-Marceau ?

                        MONSIEUR  RIEN

                                           En attendant,

        Vous baillerez pour respondant95

        Le Cordelier bien esprouvé

330  Lequel fut tout debout trouvé

        Besongnant madame l’hôtesse.

                        LA  BAZOCHE

        Le Cordelier chault de la fesse

        Luy faisoit-il cela par mal ?

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Je croy que non !

                        MONSIEUR  RIEN

                                         Propos final,

335  J(e) advoue96 le faict en tout lieu,

        Car ce n’est en despit de Dieu.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        À ce propos, mays aultrement :

        De quoy sçaurez-vous, ne comment,

        Faire, de malle chose, bonne97 ?

                        MONSIEUR  RIEN

340  Faveur, par avarice, ordonne

        Le moyen, faisant fricassée98

        Dont les docteurs99 rendent cassée

        Raison et le Droict tout ensemble.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Mays, monsieur Rien : que vous en semble,

345  De l’argent au[x] pauvres donné ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Par statut, il est ordonné

        Recepte100 en chacune parroisse,

        Affin que la somme apparoysse

        Justement, sans aucune tache.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

350  En la parroisse Sainct-Eustache,

        Deux dames plaines de sçavoir,

        Commises iceulx recepvoir

        Et les bailler soubz bonne foy

        Au saige primat de la Foy,

355  Qui veult les sommes calculler101

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Il sçayt bien les dames culler102

        Premier que de bailler quictance103 !

                        LA  BAZOCHE

        Sur aultre cas donnons sentence,

        Pour rendre noz espritz contens.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

360  Monsieur Rien, en combien de temps

        Peult devenir ung marchant riche ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Selon qu’il est fin104 et qu’il triche,

        Les ungs plus et les aultres moins :

        Les affineurs prenz105 pour tesmoings,

365  Riches en ung an ou en deux.

        Si des aultres sçavoir tu veulx,

        Ce sont usuriers qui attendent

        Plus long temps, car leurs deniers rendent

        Prouffit, mays c’est à plus longs termes ;

370  Exceptéz ceulx, d’espritz bien fermes,

        Qui prestent les plus grosses sommes,

        Comme trésoriers, et telz hommes

        Qui106 baillent les deniers du Roy

        À intérest : c’est leur arroy107.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

375  Combien d’argent vouldriez-vous prendre

        Pour ung procès tout instruict rendre

        Concernant confisca[ti]on ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Pour myeulx faire telle action

        Et rendre ennemys108 plus vaincuz,

380  Je veulx cinquante mil escuz.

        Moyennant lesquelz, forgeray

        Des tesmoings, et m’obligeray

        Vous rendre la sentence au poing109.

                        LA  BAZOCHE

        De faulce monnoye, faulx coing110,

385  C’est bien entendu le dispos.

        Venons à plus joyeulx propos

        Et à matière plus civille.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Ung gaillard officier de ville,

        De deux advocatz compaigné,

390  N’a point ung escu espargné

        À une masque111 (ou macquerelle)

        Qui, pour la chose de laquelle,

        Promect en secrette maison

        Produyre fresche venaison112.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

395  De faict, fist telle diligence,

        Avec sa bonne intelligence,

        Qu’elle ameine pour troys ducatz

        La femme d’un des advocatz

        Qui estoit en la compaignie.

400  Cependant, la chaulde mesgnye113

        Disputent et sont en débat

        Qui auroit le premier « combat ».

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Enfin fut dict, d’accord facond114,

        Que le mary seroit second.

405  La dame, en secrette manière,

        Entre par [un huys]115 de derrière,

        Sans que personne la peult116 veoir.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Après du premier le « debvoir »,

        Le mary dedans la chambre entre,

410  Prest de donner ventre sur117 ventre,

        Fort esbahy de veoir sa femme ;

        Qui118 dict lors : « Ha ! putain infâme !

        Es-tu icy ? »  « Non (ce dict-elle) :

        J(e) y suis venue par cautelle119,

415  Et sçavoys bien que j’espiroys120

        Le lieu où, meschant, tu seroys.

        C’est assez ! » Ainsi s’en alla.

                        LA  BAZOCHE

        Or, quel remedde sur cela,

        Monsieur Rien ?

                        MONSIEUR  RIEN

                                     Je diz, pour celluy

420  Récipé : Qui121 te faict, faiz-luy !

        Il n’est vaincu, n’elle vaincue ;

        S’il est cocu, elle est cocue.

        Et voylà la conclusion.

                        LA  BAZOCHE

        C’est trèsbonne décision

425  De propos.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                             Rue Sainct-Denys

        (Où sont plus d’oyseaulx que de nidz122),

        A une dame, vigoureuse

        De cueur et de corps, amoureuse

        D’un des moynes de Sainct-Magloyre.

430  Laisse cheoir en son oratoire123

        Ung billet du lieu, heure et jour

        D’accomplir « l’amoureux séjour ».

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Cela veu de bonnes façons

        Par troys ou quatre bons garsons

435  Qui n’estoient là pour prier Dieu ;

        Espient la dame et le lieu

        Où vint le monachus 124 crotté.

        Mays Dieu sçayt s’il fut bien frotté

        Et servy de boys et coups lours,

440  Au lieu de baiser ses amours125

        Et faire ce qu’il prétendoit !

                        MONSIEUR  RIEN

        Qui plus hault monte qu’il ne doibt,

        Il veoit de plus loing ung clocher126.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Suyvant ce propos, fault toucher

445  D’un aultre127, à Sainct-Martin-des-Champs,

        Désirant les « amoureulx chantz »

        D’une dame de la grand rue ;

        Et tellement poursuict et rue

        Que sa requeste elle luy signe128.

450  Et pour l’accomplir, jour assigne.

        Mays en attendant ces mistères,

        La dame en advertist ses frères,

        Qui conseillent son mary mectre

        Soubz le lict, et pour myeulx congnoystre

455  Quant le moyne sera venu,

        Affin qu’il soit par eulx congneu,

        Qu’elle dira : « Belin129, belin ! »

        Le mary, faict au jobelin130,

        Respondra en mouton : « Bêz, bêz ! »

                        LE  PREMIER  SUPPOST

460  Sans faire plus longs collibetz131,

        Ainsi fut faict, ainsi fut dict.

        Le moyne, po[u]rsuyvant le dict

        D’amour fainct à luy présenté,

        Y vint à sa malle santé132.

465  « Belin » dict et « bêz » respondu,

        Dessus son doz fut estandu

        Ung millier de coups de bastons,

        Et remené non en bas tons133

        Par deux tabourins134 au couvent,

470  Où fut receu myeulx que devant

        Avec des verges et des fouetz.

                        LA  BAZOCHE

        C’est assez dict pour ceste foys.

        Il convient aultre cas comprendre.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        À [tout moyne]135 en puisse ainsi prendre,

475  Et à tous les jeunes maris

        Du Pont-au-Change !

                        MONSIEUR  RIEN

                                             Je m’en ridz :

        Ilz méritent bien telle offrande.

                        LA  BAZOCHE

        Monsieur Rien, je vous faictz demande

        Pourquoy le royaulme de France

480  N’est jamays en paix n’asseurance.

                        MONSIEUR  RIEN

        Je vous respondray, sur ce pas :

        Pource qu’on ne la cherche pas.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        La raison ?

                        MONSIEUR  RIEN

                             Paix, où tout bien sonne,

        Ne destruict ou gaste personne,

485  Et n’est possible qu’homme chiche

        Ou avare devienne riche

        Premier136 qu(e) ung aultre n’apauvrisse.

        Or voyons-nous régner ce vice,

        Et fault qu(e) ung perde et l’aultre gaigne.

490  Par quoy guerre, à tous maulx compaigne,

        Est meilleure (il le fault penser)

        À gens qui veullent s’advancer,

        Que la paix.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                             Donnez-nous conseil

        Si, par grand ardeur du soleil,

495  Le plomb peult devenir argent.

                        MONSIEUR  RIEN

        Ouy da, et tout par ung art gent,

        Qui bien le bon moyen contemple137.

        Et qu’i soit vray, du plomb du Temple138

        On ne faict argent seullement,

500  Mays du fin or139 pareillement.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Est-il temps que le sac on lie140.

        De la rue de Saccalye,

        Chassé est qui le mal apporte.

        Mays de celluy qui bien rapporte,

505  Amoureux de sa chambèrière,

        Qui trouva façon et manière

        De se fascher hors tout diffame141

        De coucher avecques sa femme ;

        Luy estant esmeu par le membre142,

510  Feist faire troys lictz en sa chambre :

        Les deux pour sa femme et sa serfve,

        Le tiers pour luy seul il réserve.

        Et de nuict, sans avoir sommeil,

        Va donner l’amoureux resveil

515  À la servante, en telle sorte

        Et d’une chaleur si trèsforte

        Qu’i luy a faict enfler la pence.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Quel remedde, pour récompence

        De l’intérest de la maistresse143,

520  Qui en porte grande destresse

        Quant les faictz luy sont apparentz ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Récipé : Mander les parens,

        Ausquelz elle en fera complaincte.

        Et le mary, en voix non faincte,

525  À genoulx trop myeulx qu’estre assiz,

        Cryera à sa femme mercys,

        Promectant n’y retourner plus144.

        Lors, la faulte et tout le surplus

        Sera pardonné et remys145.

                        LA  BAZOCHE

530  Au besoing on veoit146 ses amys.

        À cela on le peult congnoystre.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Ung practicquant147, assez bon maistre,

        Qui aux forestz d’Amours arpente148,

        En la rue de la Serpente

535  Il a sa servante engrossée.

        Ce voyant, tout d’une poussée,

        Le maistre à son clerc persuade

        De donner « l’amoureuse aubade »

        À la pauvre pucelle grosse,

540  Affin que le clerc eust l’andosse149

        D’espouser la mère et l’enfant150.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Le clerc guières ne se défend,

        Mays faict d’une volunté grande

        Ce que son maistre luy commande,

545  Joinct qu’il avoit en cest affaire

        Acoustumé de cela faire :

        Et sans que son maistre en sceût rien,

        De long temps151 se congnoyssoient bien.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Quant est de la fille espouser,

550  Le clerc ne s’i veult disposer

        Et dict : « Nego 152 ! » Remède quel ?

                        MONSIEUR  RIEN

        C’est que le maistre de l’hostel153,

        Ainsi comme vray successeur,

        Demourra154 l’entier possesseur

555  De l’enfant du clerc et la mère,

        Qui se joueront sans chose amère

        Ensemble tout à ses despens,

        Eust-il des chappons et des paons155.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Avez-vous moyens nécessaires

560  Que les estatz des commissaires156

        Vaillent plus que le temps passé ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Ouÿ, le tout bien compassé157.

        Et fault de toutes choses une :

        C’est faire la bourse commune,

565  Et la signer158 comme l’on faulche159

        Du bon signe de la main gaulche,

        Pour les garder de parjurer.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        On faict aux officiers jurer

        N’avoir baillé or ny avoir

570  Pour office de juge avoir ;

        Pourquoy, veu que toutes se vendent,

        À faire ce serment entendent ?

                        MONSIEUR  RIEN

        Affin de s’acoustumer d’heure160

        À avoir bonne bouche et seure161,

575  Et ne descouvrir les secretz

        Qui sont cachéz soubz leurs décretz.

                        LA  BAZOCHE

        De dire point ne me repens

        Que c’est grand mal d’estre en suspendz162

        De sa femme ou quelque aultre chose.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

580  Comme ung quidam qui ne repose

        Jour ne nuict, mays de corps et biens

        S’employe et cherche les moyens

        Pour trouver comme il est cocu.

        Car on se joue à « broche-en-cul163 »

585  Avec sa femme : on luy a dict.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Ung jour entend que par édict

        L’amoureux est en sa maison,

        Et faict aprester grand foyson

        De vïandes pour le bancquet164.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

590  Le mary trousse son pacquet

        Et s’en va chez ung pâticier.

        Pour myeulx son faict assocyer,

        Se charge de pâtisserye

        Et s’habille (sans menterie)

595  En pâticier. Puys se transporte

        En sa maison, frappe à sa porte,

        Parle en voix fainte ; mays je croys

        Qu’il fut bien congneu à sa voix :

        Car l’amoureulx, desjà caché,

600  Sort et s’enfuyt. Bien empesché,

        Le « pasticier » entre, trèsbien

        Fouille, cherche et ne trouve rien,

        Et tout confuz demoure là.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

        Dedans deux ou troys jours delà165,

605  Trouve l’amoureulx, et luy dict

        Que sa maison luy interdict.

        « Et pourquoy ? »  « Pour ung cas infâme :

        Je sçay (dict-il) qu’avec ma femme

        Vous besongnez. Pour ce, au surplus,

610  Mon amy, n’y revenez plus

        Si ne voulez gouster des vins

        De la rue des Poictevins166 ! »

                        LE  .IIe.  SUPPOST

        Comment peult-on venir, sans guerre,

        Plus riche qu(e) homme de la terre ?

                        MONSIEUR  RIEN

615  Il fault avoir le cueur plus dur,

        Plus ferme et asseuré qu’un mur,

        Ne que dure pierre d’aymant167.

        Par ce moyen, facillement

        Il tirera à luy tout l’or

620  Et l’argent de chacun.

                        LE  .IIe.  SUPPOST

                                            Encor

        Je demande comme est possible

        D’avoir tel cueur ?

                        MONSIEUR  RIEN

                                        Rien impossible

        N’est à homme qui laisse Dieu,

        Son amour et crainte en tout lieu,

625  Pour168 mectre son esprit soubdain

        À aymer tout honneur mondain

        Et ses plaisirs.

                        LA  BAZOCHE

                                 C’est grand simplesse

        À l’homme, pour vaine richesse,

        Laisser Dieu, honneur et vertu.

                        LE  PREMIER  SUPPOST

630  Le temps présent est abatu

        Et aveuglé par avarice :

        Tout y va, tout tire à ce vice ;

        Dont le commung ne se peult taire,

        Car il est destruict.

                        MONSIEUR  RIEN

                                         J’ay affaire

635  Aultre part. Si n’estoit cela,

        Je desployerois, tant cy que là,

        Cent aultres milliers de receptes

        Propres à monstrer des déceptes

        Du monde. Or, à Dieu ! Je m’en voys169.

                        LA  BAZOCHE

640  C’est assez dict pour ceste foys.

        Grand sçavoir en vous s’assocye,

        Monsieur Rien. L’on vous remercye

        Du bien qu’avons aprins170 de vous.

.

        Bazochïens, entendez tous !                                      SCÈNE  V

645  Je veulx, en triumphant arroy,

        Eslire et faire ung nouveau Roy,

        Comme il est coustume de faire.

        Pour tant171, chacun pense à l’affaire,

        Autant les grandz que les petitz,

650  Et faire les préparatifz.

        Car, ainsi comme libéralle,

        Je tendz à monstre172 généralle

        Qui, l’esté qui vient, sera faicte

        En honneur, en triumphe et feste.

655  Ne faillez monstrer voz bons cueurs

        Qui font de la vertu approche,

        Tant que l’on dye173 par honneurs :

        Vive l’excellente Bazoche !

.

                                             FIN

*

.

                     CRY  CONTRE  LES  CLERS

                                        DE  CHASTELLET 174

.

                             LA  BAZOCHE

       Dormez-vous ? Quoy ! est-il vray ? Je m’en plains.

       Sus, mes suppostz ! Gectez regrectz et plains175 :

       Ou aultrement, je n’en seray contente.

       Est-il saison, par chemins et par plains176,

5     De songer creux ? Non, non ! Je me complains,

       Tout à part moy, de vostre longue attente.

       Bazochïens, qu’on ne se mescontente :

       Car il est dict, sans faire grant hahay177,

       Que vous jourrez ce joly moys de may178.

.

10   Laissez courir gensdarmes et leurs trains,

       Postes, héraulx179. S’il vient qu’ilz soient contrains

       De desmarcher ainsi180 que le vent vente,

       Que voz esbas ne soient jamais estains.

       De lascheté ne fustes onc attaint[s] :

15   Il est tout vray, j’en ay lectre patente.

       Continuez, vous arez vostre rente.

       Grans et petis s’actendent de cueur gay

       Que vous jourrez ce joly moys de may.

.

       Suppostz gentilz, ayméz, doubtéz181 et crains,

20   Empoignez-moy ces tripiers à beaulx crains182 !

       Dès aujourd’huy, contre eux je me présente.

       Ce sont poissars183, pipereaulx mal mondains,

       Punectz184 infectz et puans comme dains185 ;

       Qui ne me croit, qu’on les expérimente186.

25   Du Cardinal187, jà ne fault que j’en mente :

       S’il n’est papa, papelart, papegay188,

       Si jourrez-vous ce joly moys de may.

.

       Prince : Je dis, comme Dame et Régente,

       Et pour oster tout ennuy et esmay189,

30   Veu et congnu vostre manière gente,

       Que vous jourrez ce joly moys de may.

*

1 C’est le nom d’un Sot dans la sottie parisienne de Trote-menu et Mirre-loret.   2 Mes deux prédécesseurs en ont résolu beaucoup. Adolphe FABRE : Les Clercs du palais. La farce du Cry de la Bazoche. 1882, pp. 1-36. Émile PICOT : Recueil général des sotties, t. III, 1912, pp. 233-267. Contrairement à une idée reçue, l’édition Fabre comporte moins de fautes graves que l’édition Picot, dont tous les médiévistes ont le tort de se servir.   3 Elle est dans la salle, parmi les spectateurs : voir la note 52.   4 Sorte, se manifeste.   5 Les dérèglements.   6 Les colonnes de soldats.   7 Des protestants, que poursuivait depuis 1547 la Chambre ardente du Parlement de Paris, siège des basochiens.   8 Dû.   9 Monsieur Rien apparaît au vers 226. Les jeux entre Rien et Tout polluent la littérature morale de l’époque, et ne peuvent entrer dans aucune catégorie figée ; les auteurs jouent sur des mots vides de sens, et donc susceptibles d’accaparer tous les sens. Pour souligner l’extériorité de ce rien, le manuscrit le place entre parenthèses, de même que tout au vers précédent.   10 Prudent.   11 Pendant les jours gras du Carnaval. Idem vers 40. Faire apparence = faire leur apparition.   12 En ce qui me concerne.   13 Ce Sot est un optimiste qui ne voit que des raisons de se réjouir. Son camarade est un pessimiste pour qui tout va mal. Les deux suppôts de dame Basoche discutent sur la table de marbre.   14 De s’étonner que tout aille si mal.   15 Le ms. abrège souvent les noms des personnages ; je ne le suivrai pas.   16 Ne pas être mélancolique.   17 Vers manquant. « –Comme vous va ? –De mieulx en mieulx. » Le Monde qu’on faict paistre.   18 Dans les Sotz qui remetent en point Bon Temps, ce personnage allégorique symbolise l’abondance.   19 Le peuple. C’est un personnage du Jeu du Prince des Sotz.   20 Ms : Jamays   21 Se plaint, verbe douloir.   22 Elle est au pied de la table sur laquelle bavardent ses suppôts.   23 Si secrète, comme une lettre cachetée. Cf. Ung Mary jaloux, vers 172.   24 Les dispositions. Idem vers 324 et 385.   25 Cela me contrarie.   26 Du peuple. Idem vers 633.   27 « Dès la fin de l’année 1548 le connétable de Montmorency, qui dirigeait la politique royale, avait commencé des préparatifs de guerre contre l’Angleterre, en vue de reprendre Boulogne. » (Émile Picot.) Si l’on en juge par tous les thèmes que les suppôts disent avoir traités, la 1ère des deux sotties a subi de grosses coupures.   28 Des hommes qui ont changé de parti.   29 Ms : leurs cas netz  (Magnifique exemple de la censure qu’on imposait aux basochiens, dont on expurgeait les manuscrits avant la représentation : les deux vers que le censeur a modifiés sont grammaticalement faux et n’ont plus aucun sens.)  Le pouvoir n’aimait pas trop qu’on lui rappelle que les Anglais occupaient toujours Calais, qui ne sera libéré qu’en 1558. Le jeu de mots sur « cas laids » ne pouvait pas tromper des auditeurs : « Les trois Leopards [Anglais, v. 205], craignant d’estre brusléz,/ Doubtent fort ardre, et renforcent cas laids. » Barthélemy Aneau.   30 Ms : chardonneretz  (Le roitelet, Arthur Plantagenêt, fils illégitime d’Édouard IV, fut gouverneur de Calais. Il venait de mourir en 1542.)   31 Ceux qui pratiquent l’échangisme, qui louent leur femme à d’autres hommes. Idem vers 476. « Maintes damoiselles/ Qui, en Paris, vont au Change souvent. » Claude Chappuys.   32 D’une femme proche de nous, ou d’une étrangère. Cf. le Moral de Tout-le-Monde, vers 283.   33 De tout ce que nous avons le droit d’évoquer.   34 Le mal des ardents, l’ergotisme.   35 Le collège parisien du Cardinal-Lemoine entretenait avec la Basoche un long jeu de dénigrement dont beaucoup de pièces ont rendu compte avec délectation. Voir la notice de Ung Fol changant divers propos. Je publie ci-dessous une ballade où ledit collège est encore pris à partie, au vers 25.   36 Henry, du collège de Bourgogne, est une autre tête de Turc des basochiens. « Ce faulx [sournois] maistre Enrimé,/ Infâme Bourguignon salé. » Ung Fol changant divers propos.   37 Ce que.   38 Sous forme de cadeau.   39 Ms : que   40 Met un point d’honneur à ne rien dire.   41 Le tiroir où le Parlement cache les affaires gênantes qu’il n’a pas le droit de traiter.   42 Ms : cas il  (Un terme juridique féminin est nécessaire pour aller avec l’adjectif « cachées ».)   43 Ms : Nulluy   44 Sous la main du roi.   45 Plus un mot !   46 Faire payer. Cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 137-138.   47 La symbolique animalière évoque les pays d’Europe et leurs dirigeants. On trouve à peu près la même dans les sotties des Cronicqueurs et de l’Astrologue. L’Aigle allemand représente l’empire de Charles Quint.   48 En recoi, en retrait.   49 « Le Phénix est le prince d’Espagne, le futur Philippe II, qui, en 1548, passa d’Espagne en Italie et traversa ensuite l’Allemagne pour se rendre en Flandre. » É. Picot.   50 La chaire, l’Université.   51 Désormais.   52 « Vaquait parmi sa Cour. » Elle est donc toujours dans la grand-salle.   53 Ce bois parisien était devenu parc. La clôture gênait les viticulteurs, qui furent indemnisés en 1545, mais aussi les couples qui venaient s’y livrer aux « ébats de l’été ». Les ébats en question ne différaient guère de ceux que connaît l’actuel Bois de Boulogne : voir les vers 260-265 du Faulconnier de ville.   54 Les garenniers du Bois ne devaient pas être plus tendres avec les couples adultères qu’avec les braconniers.   55 Parmi les forts.   56 Jeu de mots banal sur la ville de Bordeaux, et sur les bordeaux : les bordels. Cf. les Sotz fourréz de malice, vers 284. Les Bordelais s’étant révoltés contre l’impôt de la gabelle, l’épée du connétable de Montmorency les avait remis au pas en octobre 1548.   57 C’est trop outrager la raison, que de…   58 Quand il plaira au roi, cet homme ne sera plus rien.   59 Prix. Idem vers 264.   60 Beaucoup de chance, car les nouvelles matrimoniales du royaume sont rassurantes.   61 Ms : Cest  (Le 20 octobre 1548 avait eu lieu le « mariage d’Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, et de Jeanne d’Albret, héritière du royaume de Navarre. » Picot.)   62 Perdue ; all. verloren. « Dès la mort de François Ier, l’Empire (l’Aigle) avait fait des efforts pour prendre pied du côté de la Suisse (l’Ours). » Picot.   63 « Le Léopard désigne l’Angleterre, et le Lion rampant, l’Écosse. La petite reine Marie Stuart avait été amenée en France au mois d’août 1548. Un des premiers soins d’Anne de Montmorency, en prévision de la guerre avec l’Angleterre, avait été d’envoyer des secours à M. d’Essé en Écosse. » Picot.   64 Le Coq gaulois représente la France.   65 Saint-Jacques-de-Compostelle représente l’empire espagnol, c’est-à-dire l’incontournable Charles Quint. Sa mallette de pèlerin contient de l’argent pour acheter les uns et les autres : les mallettes d’argent étaient déjà une des clés de la diplomatie.   66 Le redoutable bâton ferré dont les pèlerins de Compostelle ne se séparent jamais.   67 Le pape Paul III, qui s’était allié avec la république de Venise.   68 Dans ma confiance aveugle. Sotte Fiance est un personnage du Jeu du Prince des Sotz.   69 Si on veut bien en prendre bonne note.   70 Ne demandez pas ce que.   71 Et pourtant.   72 M’a mis en bon état. « Pour me mettre sur le bon bout. » Les Enfans de Borgneux.   73 Mon ascension ne fait que commencer.   74 Servante. Idem vers 511.   75 Une dame de la Noblesse.   76 Les simplificateurs de l’orthographe (Meigret, Peletier du Mans) s’agitaient beaucoup, et leurs excès les faisaient prendre pour des fous.   77 Le ms. distribue Demandez à la Basoche. Je suis celui = je suis la bonne personne. C’est ce que répond Jésus aux juifs qui le cherchent pour l’arrêter : « Je vous dy que je suys celuy. » Mistère de la Passion de Troyes.   78 Et que je vais.   79 Le sac à procès cher aux basochiens renferme des pièces de procédure. Ici, nous avons plutôt des recettes et des formules d’apothicaire, comme celles du charlatan Maistre Doribus.   80 Avec de grands préparatifs.   81 Qui sont venus me demander conseil au sujet de leurs affaires.   82 De tromperies. Idem vers 638.   83 Éprouvées.   84 Ms : Jen   85 Enseigne d’une auberge. « Une maison de la ruë de la Huchette où pend pour enseigne l’escrevice. » Jacques du Breul.   86 Bien apprise : habituée à venir le retrouver dans cette auberge.   87 Les surprit ensemble, après avoir soudoyé l’aubergiste.   88 Voici le remède. Idem vers 420 et 522. Le charlatan Maistre Doribus (vers 12, 81, 85, 128) vante lui aussi de tels récipés.   89 Pour lui rafraîchir les idées.   90 Ms : gris  (Cf. les Veaux, vers 85 et 110.)  L’amant restera attaché dans l’étable comme un veau. Notons que l’Écrevisse n’avait pas d’étable, mais une écurie pour les chevaux des voyageurs.   91 Même en plein hiver.   92 Rapide.   93 La disposition. Cela se produira quand les astres le voudront.   94 Enseigne de cabaret. « Au petit cabaret des Trois Poissons, au faubourg Sainct-Marceau de Paris, à ce bon vin d’Orléans. » Noël Du Fail.   95 Vous donnerez comme garantie.   96 Je reconnais.   97 Faire, d’une mauvaise chose, une bonne.   98 Une tambouille.   99 Ms : aucteurs  (Les docteurs en droit, les juristes.)   100 La perception d’une quête.   101 Le suppôt insinue que les deux quêteuses ont payé l’archevêque pour coucher avec lui.   102 Besogner à coups de cul. « Et jà montoit dès son jeune aage/ Sur les filles de son village,/ Et les culoit et les fouloit./ Si bien qu’on vit bien qu’il falloit/ Hors du monde le reculer,/ Pource qu’il eust pu trop culer. » Estienne Jodelle.   103 Avant de leur donner un reçu.   104 Malin.   105 Je prends les trompeurs.   106 Ms : Et   107 Leur manière.   108 Les parties adverses.   109 Une sentence favorable.   110 Un faux coin sert à frapper de la fausse monnaie.   111 « Une masque : vulgairement, une macquerelle. » Antoine Oudin.   112 Fournir à ses clients de la chair fraîche : une jeune fille. « Ce leur est fresche venoison. » Les Queues troussées.   113 La compagnie excitée.   114 Verbal.   115 Ms : lhuys   116 La pût, la puisse.   117 Ms : contre  (Corr. Picot.)   118 Lequel : c’est le mari qui parle.   119 Par ruse.   120 Que j’épierais.   121 À celui qui.   122 Il y avait déjà des maisons de rendez-vous dans cette rue : cf. les Rapporteurs, vers 55 et note.   123 Elle fait exprès de laisser tomber une lettre à l’endroit où son amant fait semblant de prier.   124 Le moine. On prononçait moine à cul crotté : voir la note 138 d’Ung jeune moyne. La forme française, qui a fini par triompher, est moins drôle : « Attache-moy une sonnette/ Sur le front d’un moyne crotté,/ Une oreille à chaque costé/ Du capuchon de sa caboche :/ Voylà un Sot de la Bazoche/ Aussy bien painct qu’il est possible. » Clément Marot.   125 Son amoureuse.   126 Les Sots confèrent à ce dicton une valeur érotique. Voir la note 112 des Cris de Paris.   127 Il faut parler d’un autre moine.   128 Elle lui accorde.   129 Mouton.   130 À la ruse. Maître Pathelin, qui est un « droit joueur de jobelin » (Testament Pathelin), conseille à un gardeur de belins convoqué par le juge : « Tu ne respondras nullement/ Fors “bêê !”. » La scène ici évoquée n’est pas d’une grande logique : où sont cachés les frères ? Pourquoi le moine ne s’enfuit-il pas lorsqu’il entend bêler le mari ? On songe à la scène de Tartuffe où Elmire tousse pour que son époux, caché sous la table, vienne interrompre les tripotages du faux dévot.   131 Tergiversations.   132 Pour son malheur.   133 Non pas à voix basse.   134 Deux joueurs de tambourin, qui font le plus de bruit possible.   135 Ms : tous moynes   136 Sans.   137 Si on en considère le moyen.   138 La tour et les quatre tournelles de l’hôtel des Hospitaliers étaient couvertes de plomb.   139 Certaines parcelles du quartier du Temple étaient louées à prix d’or.   140 Il est temps de refermer le sac à procès, au sens propre et au sens figuré.   141 Sans que sa femme l’ait mérité.   142 Alors qu’il était en érection.   143 Du dommage de la maîtresse de maison.   144 Une telle scène est décrite dans le Ribault marié, ou dans Tripet : « El eut ung mary devant vous ;/ Mais elle le fist, à genoulx,/ Crier mercy plus de cent foiz. »   145 On lui en fera rémission.   146 C’est dans le besoin qu’on reconnaît.   147 Un praticien, un homme de loi.   148 Qui lutine à droite et à gauche. « Les bestes/ Qu’on va chassant en la forest d’Amours. » Marot.   149 Le fardeau.   150 On disait plus couramment : « Prendre la vache & le veau. » Oudin.   151 Depuis longtemps, le clerc et la servante…   152 Je refuse. Le basochien trouve plus sérieux de répondre en latin.   153 Le maître de maison.   154 Demeurera.   155 Même si les enfants qu’ils lui donneront étaient des chapons et des paons.   156 Des fonctionnaires que le Parlement nomme pour accomplir une seule mission.   157 Bien organisé.   158 Faire un signe de croix sur cette bourse, mais avec la main du diable, pour que les commissaires n’osent pas se parjurer.   159 Les faucheurs tiennent l’extrémité haute de leur faux dans la main gauche.   160 De bonne heure. Cf. le Poulier à quatre personnages, vers 107.   161 Une bouche discrète et sûre.   162 Dans l’incertitude vis-à-vis.   163 Ce jeu d’enfants est détaillé dans l’Aveugle et Saudret. Mais ici, nous en avons la version pour adultes.   164 L’amant qui va chez sa maîtresse apporte toujours à boire et à manger. Cf. l’Amoureux, vers 82.   165 Plus tard.   166 Sur cet unique exemple, Huguet traduit : « Être maltraité. »   167 Confusion courante avec le diamant.   168 Ms : Et   169 Ms : veoys  (Je m’en vais.)   170 Appris. Monsieur Rien s’en va. Le « Cri » proprement dit va commencer.   171 Pour cela, que.   172 J’envisage une montre, une parade festive.   173 Tant et si bien qu’on dise.   174 Cette ballade est de Roger de Collerye. Par la voix de la Basoche, les clercs du Palais s’y attaquent à leurs concurrents du Châtelet, qui jouaient sous le nom d’Empire de Galilée. Sans doute mal payé de ses services, Collerye composa un Cry pour les clercs de Chastellet contre les Bazochiens : « Bazochïens ne prise une groseille ;/ Certain je suis que leur bourse est mallade. »   175 Rejetez vos regrets et vos plaintes.   176 Par plaines.   177 Tumulte.   178 Le dernier samedi de mai, les basochiens plantaient un « may », c’est-à-dire un arbre, dans la cour du Palais de justice. La fête n’eût pas été complète si le théâtre n’était venu la solenniser.   179 Les messagers et les hérauts d’armes.   180 D’entrer en guerre aussi vite.   181 Redoutés.   182 Par les crins, par les cheveux. Tripier est une injure : cf. Trote-menu et Mirre-loret, vers 215.   183 Des voleurs, des trompeurs mal éduqués.   184 Punais : qui puent.   185 Les daims lâchent des pets particulièrement nauséabonds. « Puys sault et poicte comme ung dain. » Parnasse satyrique du XVe siècle.   186 Qu’on aille les sentir.   187 Sur le collège du Cardinal-Lemoine, voir la note 35.   188 Cocu, hypocrite et perroquet. Ces trois mots font référence au pape, que « le cardinal Le Moyne » ira consulter dans Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout.   189 Émoi.

LES VEAUX

Ms. La Vallière

Ms. La Vallière

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LES  VEAUX

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En 1550, Rouen eut l’honneur d’accueillir Henri II, et sa femme Catherine de Médicis. L’organisation des spectacles qui accompagnaient cette entrée royale fut confiée à la confrérie des Conards de Rouen1 : ils s’efforcèrent, « par nouvelles inventions, subtilz problèmes [énigmes] et dictons, et par plaisantes Moralitéz2, donner entière récréation au Roy et à toute la suyte de sa Court. » Le 9 octobre 1550, les Veaux furent donc au menu. En février 1559, la pièce fut redonnée à Paris, au collège de Beauvais, sous le haut patronnage d’Henri II : voir la note 16 de Rouge-affiné, Bec-affillé et Décliquetout.

Source : Manuscrit La Vallière, nº 34.

Structure : Rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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*

La  farce  des

Veaux

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jouée  devant  le  Roy

en  son  entrée  à  Rouen

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       [ LE  RECEPVEUR

       L’OFICIAL

       LE  PROMOTEUR

       LE  BADIN

       LE  MALOTIN ]

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                             LE  RECEPVEUR 3  commence           SCÈNE  I

         Monssieur, je me viens plaindre4 à vous

         Que les veaux [s]ont mengé[s] des5 loups,

         Qui est, pour l’Abbé, un(e) grand sisme6.

         Nous n’avons aucuns veaux de disme7,

5       Quoyque tous estas8 nous en doybvent ;

         Dont l’Abbé et couvent9 reçoyvent

         Grand fain, grand perte et grand dommage.

         L’Abbé n’auroyt pas un fourmage10

         Pour cent escus prês à compter11.

10     On lesse les veaulx tant téter

         Qu’i sont quasy demy-toreaulx12.

         C’est pourquoy nous n’avons nus veaulx13

         À nostre Abbaye excellente.

         Et sy14, on nous en doibt de rente

15     Plus qu’i n’est de vaches au monde.

         Metez-y ordre, ou que tout fonde :

         Je suys povre, et l’Abbé destruict.

                             L’OFICIAL 15

         Promoteur16 ! Estes-vous instruict

         De la plaincte du Recepveur ?

         [N’est-ce point bien icy malheur,]17

20     De laisser perdre sy grand fruict18,

         Qui tant à nostre couvent duict19 ?

         Ce seroyt nostre déshonneur.

         Il luy fault bien porter faveur20,

         Afin que nos veaulx souent dismés21.

                             LE  PROMOTEUR

25     Sus, Recepveur ! Icy nommez

         Qui22 sont à l’Abbé redevables.

         Commencez aux plus honorables,

         Et n’espargnez grans ne petis.

                             LE  RECEPVEUR

         Je feray à voz apétis,

30     Messieurs, c’est ce que je désire.23

.

         « Les veaux de disme de l’Empire24

         Du Gras25 Conseil, premièrement. »

                             LE  PROMOTEUR

         Ilz sont grand nombre ?

                             LE  RECEPVEUR

                                                   A ! ouy, vrayment.

                             L’OFICIAL

         [Où se]26 veulent-ilz contenir ?

35     Qui les a gardés de venir

         Dismer leurs veaux ? Sçavoir le veux !

                             LE  RECEPVEUR

         C’est à raison de leurs beaux jeux27,

         Qu’ilz ont faictz au couronnement

         De leur Empereur, sotement,

40     Le28 cernant (à leur honte et blasme)

         De la couronne Nostre-Dame

         À [Ponthoise, ces]29 jours passés.

                             LE  PROMOTEUR

         Y nous est dû des veaux assez30 :

         Pas n’est31 que quelc’un n’en aporte.

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                             LE  BADIN 32                                SCÈNE  II

45     Holà ! hau !

                             L’OFICIAL

                               On heurte à la porte ;

         Ouvrez, c’est quelque cas nouveau.

                             LE  BADIN

         Monsieur, j’aporte ce33 gras veau,

         Pour34 l’Empereur du Gras35 Conseil.

         En pesanteur n’a son pareil :

50     Y m’a rompu tout l’estomac.

                             LE  RECEPVEUR

         Pourquoy l’as-tu mys dens ce sac ?

                             LE  BADIN

         Craignant [qu’il me fist]36 trop d’excès ;

         Car il est noury de procès :

         Y m’eust bien peu37 menger ou mordre.

                             L’OFICIAL

55     L’Abbé et moy y métrons ordre.

         Recepveur, suyvez vos escriptz38 !

                             LE  RECEPVEUR

         « Les veaux des badaux de Paris39,

         Qui baill[oi]ent leurs femmes et cons

         À garder aux souldars gascons,

60     Lorsque sans cause ne raisons

         Habandonnèrent leurs maisons

         (Pour la peur) de cent lieues40 loing. »

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                             LE  MALOTIN 41                          SCÈNE   III

         Ma foy ! [me voicy]42 à ce coing,

         Voire. Que dictes-vous du veau ?

65     Sainct Anthoine ! yl a gros mureau43.

         Y vault bien tras frans, tras dourains44,

         Ares45. Il est beau, mes courains46.

         Vous prendrez en gré47, s’y vous plaist.

                             L’OFICIAL

         Or après, voyons quel il est…48

70     O ! qu’il est fessu, gros et gras !

                             LE  MALOTIN

         Y m’a tant chié sur les bras,

         Com(me) je revenoys de la foyre49

         Et [que] j’aliens50 à Sainct-Magloire51 !

         Mais je vous jure par sainct Pierre :

75     Y m’a pensé ruer par terre52.

         Voyez comme je suys breneux.

                             LE  BADIN

         Ce nom demourera pour eux53 :

         Foureux54 et badaulx tout ensemble.

                             L’OFICIAL

         Après, que le reste on assemble,

80     Et les apelez en briefz mos !

                             LE  RECEPVEUR

         « Le gras veau du Prince des Sos55,

         Qui sa femme a bien acoustrée

         Pour du Roy venir veoir l’entrée :

         Luy par terre, l’autre par eau. »

85     Esse pas le faict d’un gros veau,

         Pour un des subjectz de l’Abbé56 ?

                             LE  PROMOTEUR

         Y fault bien qu’i vienne à jubé57,

         D’estre party sans congé prendre

         Du couvent, et à l’Abbé rendre

90     L’hommage tel qu’i luy est deu58.

                             L’OFICIAL

         Despeschez, c’est trop atendeu !

         Où est ce veau ? Qu’i soyt dismé !

                             LE  MALOTIN 59

         Monssieur, qu’i ne soyt pas blasmé ;

         Le voicy dedens ceste hotte.

                             LE  RECEPVEUR 60

95     Il est [plus sot que Mère Sotte]61,

         Qui n’a poinct de cerveau en teste.

                             LE  MALOTIN

         Pourtant esse une grosse beste62 ;

         Le veau luy pouroyt ressembler.

                             L’OFICIAL

         Les aultres courez63 assembler !

100   Par-devant nous apelez-les !64

.

                             LE  RECEPVEUR                         SCÈNE  IV

         « Les veaux du régent du Palais65,

         Lesquelz ont esté sy dÿos66

         De paindre douze charios67,

         Pensant à l’Entrée estre veus68. »

105   Mais il estoyent sy despourveus

         D’argent, que tous leurs beaux pourtrais

         Ne servent plus qu’à leurs retrais69,

         Qui est une grosse reproche

         À ce régent de la Basoche.

                             LE  BADIN 70

110   Voi(e)cy le plus gros veau du monde :

         […………………….. -onde.]

         Dismé est pour une douzaine71.

         De l’engresser on a prins paine,

         Du labeur des soliciteurs72.

                             LE  RECEPVEUR

         « Les veaux de noz conars Messieurs

115   Du73 Chapitre. »

                             [L’OFICIAL]

                                       Qu’ilz se comparent74,

         Et que la disme tost préparent

         Sans délay et sans intervalle !

                             LE  BADIN 75

         En voi(e)cy un en ceste malle,

         Où je l’ay par craincte cla[n]ché76,

120   Craignant payer le pié fourché77,

         Comme on faict payer par la voye78.

                             LE  PROMOTEUR

         Ouvre la malle, qu’on le voye,

         S’il est tel qu’il est ordonné 79.

                             LE  RECEPVEUR

         Y a-il long temps qu’il est né ?

125   Dy-le-nous.

                             LE  BADIN

                               Il fust né ce aoust 80.

                             LE  PROMOTEUR

         Sang bieu ! il a chié partout,

         Et a gasté malle et habis.

                             L’OFICIAL 81

         Et ces gros raminas grobis82,

         Quant pairont-il le demourant ?

                             LE  BADIN

130   Contentez-vous, pour maintenant ;

         Les aultres s’engressent tousjours.

                             LE  RECEPVEUR

         « Les veaux des souveraines cours

         Et finances de l’Abbaye,

         Qui trop ont rendue esbaÿe

135   Nostre conarde république. »

                             LE  PROMOTEUR

         Y mérite[nt] bien qu’on les pique83 !

         Car il ont très mal besongné,

         D’atendre que tout fût ruyné

         Pour garder l’honneur de leur prince.

                             LE  BADIN 84

140   En voécy un.

                             LE  RECEPVEUR

                                 Dieu ! qu’il est minse,

         Pour donner à85 sy gros prélat !

                             LE  BADIN

         Qu’il a le ventre vide et plat !

         Y n’est pas noury à demy.

                             LE  PROMOTEUR

         Chascun tire à soy86, mon amy.

                             LE  BADIN

145   Cela procède d’Avarice,

         Dont y sont de mère nourice87 ;

         Chascun le peult apercepvoir.

         Y ne font de dismer debvoir88,

         En tous lieux ny en toutes places.

                             L’OFICIAL 89

150   Chascun congnoist bien leurs falaces90,

         Par les chans, aussy par les voyes91.

                             [LE  RECEPVEUR]

         « Les [veaulx généraux]92 des Monnoyes,

         Maintenant riches du billon93. »

                             LE  BADIN 94

         J’en ay un à mon corbillon95 :

155   C’est un veau de l’an des merveilles96.

                             LE  RECEPVEUR 97

         Et ! comment ? Y n’a poinct d’oreilles98 :

         En tel estat ne le veulx poinct !

                             LE  BADIN

         Rongner99 l’ont faict à leur apoinct100.

         Tel qu’il est y le vault mieux prendre.

                             LE  PROMOTEUR

160   Y n’en sont pas moingtz à reprendre101.

         À la fin, tout se congnoistra.

                             L’OFICIAL 102

         Aveq les aultres ne sera ;

         Métez-lay103 hors de nostre compte.

         C’est un veau dismé de grand honte,

165   Tout escourté104, ort, sale et ville.

                             [LE   RECEPVEUR]

         « Les veaux non dismés de la Ville105. »

                             LE  PROMOTEUR

         Réservez-les jusques à cras 106.

                             L’OFICIAL

         Je les remés à nos jours gras107.

                             LE  RECEPVEUR

         Or sus, or sus ! prenons courage.

170   [Re]prenons :

                                  « Les veaux du108 Bailliage. »

                             LE  BADIN

         Il y en y a un sy grand nombre

         Tout partout, qui nous font encombre !

         Laissez-les entrer en bonté109.

                             LE  RECEPVEUR

         Après :

                       « Les veaux de Viconté110,

175   Crians et bellant tous encemble,

         Sy fort qu’aux bonnes gens [il] semble

         Que leur cause doibt estre bonne. »

                             L’OFICIAL

         Laissez-les là jusqu(e) à l’autonne ;

         Et durant ceste mession111,

180   N’en faictes poinct de mention.

         Car ilz sont trop mesgres et sès112.

                             LE  BADIN

         On ne les a que par procès :

         C’est leur façon, au temps qui court.

                             LE  RECEPVEUR

         « La disme des veaulx de [la] Court,

185   S’estimans113 savans sans sçavoir. »

                             LE  BADIN

         On n’en peult congnoissance avoir,

         Pource qu’i contrefont114 les sages.

         Mais on voyt bien à leurs visages

         Qu’i sont veaulx parfaictz, de nature.

                             LE  PROMOTEUR 115

190   Tenez, voécy pour leur droycture116.

         Contentez-vous, c’est pour le myeux.

                             LE  BADIN 117

         Que ce beau veau 118 est glorieux,

         Brave d’estomac et gentil119 !

         Mais je croy qu’il est peu subtil,

195   Couard, et foyble120 de courage.

                             LE  RECEPVEUR

         « Les veaulx des gens de labourage

         Anoblys121 par force d’argent. »

         [Ilz sçavent bien leur entregent]

         Pour leur possession acroistre.

                             LE  PROMOTEUR

         Y sont petis, laissons-les croiestre

200   Et alecter cheux122 le bouvier.

                             LE  BADIN

         On ne faict poinct d’un esprevier

         Un busart123, en ville ne champs…

                             L’OFICIAL

         Poursuyvez124 !

                             LE  RECEPVEUR

                                      « Les veaulx des marchans,

         Lesquelz ayment mieux trop cher vendre

205   Que bailler à crédict, ne prendre

         De crédict, car CRÉDICT NE VAULT RIEN ;

         SY LE COMPTANT125. Vous sçavez bien. »

         Aucune foys126, le plus souvent,

         Cela s’en va avant le vent127.

210   Et [sy, sont]128 povres somme toute.

                             LE  BADIN

         De leurs veaulx vous font banque-route129 :

         Cherchez voz dismes aultre part.

                             L’OFICIAL

          Au reste, abrégez : il est tard.

                             LE  RECEPVEUR

         « Les veaulx de ces maris coqus

215   Qui, soublz ombre130 de vieux escus,

         [Ou qu’on]131 donne ou disne[r ou] bague,

         Endurent détacher la brague132

         Pour estre veaux coqus parfaictz. »

                             LE  PROMOTEUR

         Ostez ces veaulx, y sont infaictz !

220   Car tant133 a de telz sur la terre

         Qu’ilz font l’un contre l’autre guerre.

         Leur punaisye134 infaicte en l’air.

         Y ne valent pas en parler.

         Leurs veaulx desplaisent aux Conars.

                             LE  RECEPVEUR

225   « Les veaux des gros moynes soûlars135,

         Qui contrefont des papelars136

         Devant les gens ; et en derière,

         Ilz ont la grosse chambèrière137,

         Laquelle y senglent138 jour et nuict. »

                             L’OFICIAL

230   Apelez-les ! Sans faire bruict139

         L’Abbé ceste chose supporte ?

                             [LE  BADIN] 140

         Tenez, monssieur : cétuy141 j’aporte,

         Qui en vault plus de dixseneuf.

         Un jour, sera aussy gros beuf

235   Que nostre Abbé, n’en faictes doubte.

                             LE  PROMOTEUR

         Pas n’est besoing qu’on le reboutte142 :

         Il est de prinse143, et recepvable.

                             LE  RECEPVEUR

         C’est mon144, ou je vous donne au deable,

         Monssieur, pour la disme des veaulx145 !

                             LE  PROMOTEUR

240   Puysqu’en avez de bons et beaulx,

         Contentez-vous pour le présent.

                             L’OFICIAL

         L’Abbé est maintenant exempt

         D’avoir des veaulx nécessité146 ;

         Car au monde n’y a cité

245   Où il ne prenne le dîmage.

         Et sy147, en aura davantage

         Et de plus gras pour l’avenir.

                             LE  BADIN

         Tous Conars, ayez à subvenir

         À l’Abbé et ses conardeaux :

250   Payez148 la disme de voz veaux.

         Sy n’estes de payer dispos,

         Vous serez c[e]rtes contra nos 149.

.

                                   FINIS

*

1 Voir MICHEL ROUSSE : La Confrérie des Conards de Rouen. Textes de farces, documents d’archives. Rennes, 1983. (La sottie des Veaux y est retranscrite aux pages 140-149.)   2 Les sotties étaient souvent cataloguées parmi les moralités parce que, pour donner le change, l’auteur concluait sa pièce avec une maxime hautement morale. La Première Moralité jouée à Genève est incontestablement une sottie.   3 Le décor représente une salle de l’abbaye des Conards. Le trésorier de ladite abbaye discute avec son Official, sous le regard de son Promoteur. Ils sont habillés en Sots.   4 LV : prendre  (Voir le vers 19.)   5 LV : les  (Être mangé des loups : être en voie de disparition. Cf. Troys Galans et un Badin, vers 108.)   6 Schisme, sujet de querelle. Sur l’Abbé des Conards de Rouen, voir les Triomphes de l’Abbaye des Conards.   7 La dîme est une redevance que les paroissiens versent à l’église sous la forme d’un veau gras. À l’abbaye des Conards, ces veaux de dîme sont des imbéciles : « [Ils] n’estoyent que gros veaulx de disme, ignorans de tout ce qu’est nécessaire à l’intelligence des loix. » (Pantagruel, 10.) Les « veaux » en question vont représenter chacun une catégorie sociale.   8 Toutes les classes de la société.   9 L’abbaye des Conards. « Gentilz Conardz tous remplis de noblesse (…),/ Si vostre Abbé, aussi tout le couvent,/ Passent poingtz cloz. » Triomphes de l’Abbaye des Conards.   10 Pas même un fromage.   11 Même en payant 100 écus. Mes prédécesseurs ont lu « pas » au lieu de « pour » : voir la copie du ms. ci-dessus.   12 Qu’ils sont presque aussi grands que des taureaux. « Cy-gist le jeune Jehan Le Veau/ Qui, en sa grandeur et puissance,/ Fust devenu Bœuf ou Taureau ;/ Mais la mort le print dès enfance :/ Il mourut Veau. » Clément Marot.   13 Nul veau.   14 Et pourtant.   15 Le juge de l’abbaye des Conards.   16 Il tient le rôle du ministère public au tribunal de l’abbaye des Conards.   17 Vers manquant. J’emprunte le vers 390 de Frère Guillebert.   18 Profit.   19 Est bénéfique.   20 Nous devons répondre favorablement au Receveur.   21 Nous soient payés.   22 Ceux qui.   23 Le Receveur ouvre son registre et lit à haute voix.   24 Les confréries joyeuses n’hésitaient pas à se qualifier d’empires, et leurs chefs d’empereurs. Les clercs des procureurs de la Chambre des Comptes rivalisaient avec les clercs du Palais (les Basochiens) sous la dénomination d’Empire de Galilée. On connaît aussi l’Empire d’Orléans : « Le terme s’approche/ Qu’Empiriens, par-dessus la Bazoche/ Triumpheront. » (Marot : Cry du Jeu de l’Empire d’Orléans.) Les Conards n’étaient pas plus modestes que leurs rivaux : « L’Abbé, qui n’a que frire,/ Viendra soupper avec ses suscepots [suppôts ¦ suce-pots]/ Dedans l’Escu, où il tient son Empire. » (Triomphes…)   25 LV : grand  (Même correction inadéquate à 48.)  « Le Gras Conseil des Conardz & l’Abbé. » (Triomphes…) Sur ce Gras Conseil, voir la note 132 de Jehan de Lagny.   26 LV : ouy  (Où se tiennent-ils ? « Il se contint en son Dauphiné. » ATILF.)   27 De leurs frasques.   28 LV : se  (Couronnant ce nouvel Empereur : v. la note 24.)   29 LV : ponthoisse ses  (L’église Notre-Dame, à Pontoise, près de Rouen. Cette couronne était probablement un des ex-voto qui ornaient la chapelle de la Vierge.)   30 Beaucoup.   31 Il n’est pas permis.   32 Il frappe à la porte.   33 LV : un  (Le prétendu veau est enfermé dans un grand sac de toile. On ne verra aucun des « veaux » mentionnés.)   34 De la part de.   35 LV : grand  (Voir les vers 31-32.)   36 LV : luy fere  (Ce « veau » est un avocat : ces derniers fourraient les actes des procès dans un sac. Cf. le Testament Pathelin, vers 10.)   37 Pu. Les avocats dévoraient la fortune de leurs clients.   38 Poursuivez votre lecture.   39 « Le peuple de Paris est tant sot, tant badault et tant inepte de nature. » (Gargantua, 17.) Idem vers 78.   40 LV : lieux  (Correction de Michel Rousse. Lieu-es compte pour 2 syllabes.)  Rousse voit ici une allusion aux troupes de Charles Quint qui assiégèrent Paris en 1544 ; or, elles n’y entrèrent pas, et il n’y avait aucun Gascon parmi elles. D’après moi, il faut remonter en 1415. Beaucoup de partisans des Bourguignons avaient alors fui la capitale, par peur des Armagnacs, qui en avaient pris possession, et qui en avaient confié la garde à des capitaines Gascons et à leurs soudards : « Paris estoit gardé par gens estrangers ; et estoient leurs cappitaines ung nommé Rémonet de la Guerre, Barbasan, et autres, tous mauvais et sans pitié ». (Journal d’un bourgeois de Paris.) Cet épisode resta dans les mémoires ; en 1534, Étienne Dolet reviendra sur l’inconduite de ces Gascons vis-à-vis des Parisiennes : « Quis Lutetiæ (…) vitium virginibus adferre dicitur ? Vasco ! »   41 Les Normands traitaient les Parisiens de maillotins. Voir la note 93 du Cousturier et son Varlet. Ce personnage à l’accent ridicule est vêtu et coiffé à la mode de Paris ; il porte sur son épaule un grand sac.   42 LV : le voiecy   43 Museau. « Les Parisiens prononcent une r au lieu d’une s, & une s où il faut une r”. » (Tabourot.) Clément Marot caricature ce snobisme verbal dans l’Épistre du biau fys de Pazy [du beau fils de Paris] : « je vous aime » devient « je vous raime », une « joyeuse chose » devient une « joyeure chore », un « visage » devient un « virage », etc. Bref, ce Maillotin est l’ancêtre des Inc’oyables et des Me’veilleuses.   44 3 francs et 3 douzains. Pour les snobs parisiens, le chiffre « 3 » se prononçait « tras » : voir la note 4 du Dorellot.   45 Présentement.   46 Mes cousins.   47 Vous l’accepterez.   48 Les trois notables regardent dans le sac.   49 D’acheter ce veau à la foire du Pardon. Double sens : foire = diarrhée.   50 Et que nous allions, le veau et moi. Le fys de Pazy dit « j’estien » au lieu de « nous étions ».   51 Le Maillotin confond l’abbaye parisienne de Saint-Magloire avec l’église rouennaise de Saint-Maclou. Ce détail a dû beaucoup faire rire les spectateurs locaux ; quant aux courtisans venus de Paris, attifés comme le Maillotin et parlant comme lui, ont-ils seulement compris qu’on se moquait d’eux ?   52 Il a failli me faire tomber.   53 Pour les Parisiens.   54 Foireux (normandisme) : cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 202. Sur les Parisiens badauds, v. ci-dessus, note 39.   55 C’est un concurrent de l’abbé des Conards. Les Triomphes ne l’épargnent pas : « L’Abbé veut que des Sots le Prince/ Vienne en la normande province/ Se noyer dans les marins flots ! » « L’Abbé (…)/ Se fournit en hyver de moufles/ Pour nifler [moucher] le Prince des Sots. »   56 LV : la ville be  (Pour quelqu’un qui est un suppôt de l’Abbé des Conards.)  Ce vers semble répondre à l’Épistre des enfans de Paris envoiée aux enfans de Rouen, qui menace les Conards « de rescripre, pour le Prince des Sotz,/ Aux Rouennois, lesquelz, par maintz assaulx,/ Faintisement luy veullent faire injure./ C’est trop mal faict : vous estes ses vassaulx ! » M. Rousse a publié cette épître de 1532.   57 Qu’il se soumette. Cf. les Sotz escornéz, vers 423.   58 Dû.   59 Il pousse une hotte à couvercle au milieu de la scène.   60 Il regarde dans la hotte.   61 LV laisse en blanc ce passage autocensuré ; je le comble sans aucune garantie. Dans le Jeu du Prince des Sotz, Pierre Gringore –poète d’origine normande– avait représenté le pape Jules II sous le costume de Mère Sotte.   62 Mère Sotte est une grosse bête. Elle symbolise n’importe quel pape ; en l’occurrence, le pontife régnant, Jules III. Ce dernier n’était pas stupide, mais velléitaire et paresseux.   63 LV : courent  (Rousse corrige : convient)   64 Le Maillotin sort pour trouver d’autres veaux. Il ne reparaîtra plus.   65 Du Roi de la Basoche. Le Palais de Justice de Rouen, comme celui de Paris, abritait une troupe de basochiens qui s’adonnaient au théâtre et faisaient concurrence aux Conards.   66 Si idiots. « Tous foulz et diotz sont vrays sainctz. » ATILF.   67 Lors du Carnaval et d’autres festivités joyeuses, on faisait défiler des chars peints sur lesquels on représentait des scènes satiriques. Henri II voulut voir « la triumphante et joyeuse chevauchée des Conardz », qui comprenait une « traŷnée de chars de triumphes ». (Voir M. Rousse.) Une gravure des Triomphes nous montre l’abbé des Conards : il trône sur un char, coiffé de sa mitre, et jette au peuple un de ces libelles tant redoutés. Il tient dans la main gauche une ramure de cerf. (Étymologiquement, les conards sont très proches des cornards : « Cornudz Conardz qui portez cornudz corps. » Triomphes…) Des musiciens et des porteurs de flambeaux le précèdent.   68 Être vus à l’occasion de cette entrée royale. Dès le mois de juillet, les basochiens avaient intrigué pour pouvoir participer aux cérémonies, ce qui leur fut refusé : « Deffenses seront faictes à toutes personnes de faire théâtres sans la licence et permission des conseillers de ladite ville. » (Voir M. Rousse.)   69 Ils ont mis leurs affiches peintes dans leur cabinet, pour se torcher avec. Le ms. La Vallière contient une farce du Retraict, passablement scatologique.   70 Il traîne un énorme sac.   71 Il en vaut bien 12.   72 Les solliciteurs de bénéfices ou de pensions lui ont graissé la patte.   73 LV : de  (Le chapitre de la cathédrale Notre-Dame de Rouen est une assemblée de chanoines. Un de ses membres, le chanoine de Boisrobert, composera une Requeste à Messieurs du Chapitre de Rouen.)   74 Qu’ils comparaissent devant nous. « De provocquer maint jeune Conard à comparer en bon esquipaige à la monstre du sieur Abbé. » Triomphes…   75 Il pousse une malle close.   76 Correction de M. Rousse. Clencher = fermer une porte avec la clenche, le loquet.   77 Ce veau d’église a les pieds fourchus, comme le diable.   78 À l’entrée des villes, l’octroi faisait payer le « droit du pied fourché » aux paysans qui venaient vendre du bétail aux pieds fendus.   79 S’il est tonsuré, puisqu’il a été ordonné prêtre.   80 Il y a gros à parier que les Conards, selon leur redoutable habitude, jouent ici sur le nom d’un personnage réel. « Aoust » se prononçait « ou ». Quatre ans plus tôt, le Parlement avait condamné les Conards parce qu’ils s’en étaient pris à un chanoine du chapitre de Rouen. Il se nommait « de la Houssaie » ; or, une houssaie est un lieu planté de houx. Les Conards avaient la rancune tenace, et une allusion à ce saint homme était encore assez fraîche pour être comprise par leurs admirateurs.   81 LV : le recepueur  (Il est douteux que l’Official ne dise plus un mot entre les vers 100 et 168.)   82 Ces gens qui font les importants. (Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 141.) Il s’agit probablement des docteurs de l’Université, car on voit mal pourquoi ils seraient les seuls que ce jeu de massacre épargnerait.   83 Avec un pique-bœuf, pour les faire avancer.   84 Il porte un sac très léger.   85 LV : en  (Le gros prélat est l’Abbé des Conards, qui est obèse : vers 234-235.)   86 Œuvre pour son profit personnel.   87 Qui a été leur mère nourricière.   88 Ils ne s’acquittent pas de la dîme.   89 LV : le recepueur  (Note 81.)   90 Leurs fourberies.   91 LV : voeys  (Par les champs et par les rues. Calembour : par nos chants et par nos voix.)   92 LV : generaux veaulx  (Les veaux des généraux des Monnaies du Roi.)   93 Le billon, alliage de métal précieux et de métal ordinaire, donne des monnaies de valeur moindre. Or, le roi venait juste de faire frapper une monnaie de billon, le « gros de Nesle ». L’effronterie de notre auteur dépasse celle de P. Gringore qui, dans le Jeu du Prince des Sotz (vers 604-619), attaquait les généraux des Monnaies sans le dire explicitement.   94 Il pousse une corbeille fermée.   95 Dans ma corbeille.   96 D’une année que les financiers nous promettent exceptionnelle. « Il est l’an des merveilles :/ Actes voyons dont n’en fust de pareilles. » (Triomphes…) Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 6.   97 Il regarde dans la corbeille.   98 On coupait les oreilles des voleurs. Les généraux des Monnaies sont donc accusés de prévarication. En plus, n’ayant pas d’oreilles, ils restent sourds aux malheurs du peuple.   99 Essoriller. Mais on rognait les monnaies pour récupérer illégalement du métal précieux.   100 À leur convenance.   101 Ils n’en sont pas moins à réprimander.   102 LV : le recepueur  (Note 81.)   103 Mettez-le (normandisme). Cf. le Vendeur de livres, vers 19 et 195.   104 Aux oreilles coupées, comme un chien courtaud.   105 De la municipalité.   106 Jusqu’à demain (mot latin).   107 On mange les veaux gras pendant les jours gras qui précèdent le Carême.   108 LV : de  (Le bailliage est la juridiction du bailli, qui donnait aux Conards l’autorisation de manifester ou d’imprimer.)  Le Receveur reprend sa lecture.   109 Devenir meilleurs, au sens moral plus qu’au sens culinaire. « Pour vous sui en houneur monté ;/ Jou qui iere [moi qui étais] adont ahonté,/ Sui par vous entrés en bonté. » Roman de Tristan en prose.   110 La Vicomté de l’Eau, à Rouen, s’ingérait dans les disputes concernant les poids et mesures. Cf. le Cousturier et son Varlet, vers 170.   111 Pendant la période de vacance des tribunaux. « Tous les justiciers de Normendie se régleront sur le temps de la mession. » ATILF.   112 Maigres et secs.   113 LV : cestimans  (Qui se croient informés des secrets d’État.)  Henri II admettait qu’on se moquât des courtisans, et il était le premier à rire des sales blagues que leur jouait Brusquet. Ledit bouffon profita de l’entrée royale pour se livrer à des pitreries devant les dames de la Cour (dont la reine de France et la reine douairière d’Écosse) : en plein tribunal, il parodia un invraisemblable procès dont il mimait tous les intervenants. (Voir M. Rousse. Le document qu’il produit nomme par erreur la reine d’Espagne au lieu de la reine d’Écosse.)   114 Parce qu’ils imitent. C’est un des thèmes des sottties : « Contrefaire nous fault le sage. » (Seconde Moralité.) « Il vous fault contrefaire/ Du saige et du bon entendeur. » (Les Sotz triumphans.)   115 Il apporte un sac orné d’un blason. On attaque maintenant la Noblesse.   116 Leur redevance.   117 Il regarde dans le sac.   118 Faut-il voir là une pique contre René II de Beauvau, qui venait de mourir ?   119 Rengorgé et noble.   120 Faible. Les nobles étaient souvent vus comme des lâches.   121 LV : a nobtys  (Correction de Le Roux de Lincy et F. Michel, 1837.)  Le vers suivant est perdu.   122 Croître et allaiter chez. Nouvelle allusion à un personnage réel. Le patronyme « Le Bo(u)vier » était commun en Normandie : Fontenelle se nommait Le Bovier.   123 Renversement carnavalesque d’un proverbe : « L’on ne sçauroit faire d’un busart un esprevier. » (Triomphes…) L’épervier est l’oiseau que les nobles utilisent pour la chasse ; le busard n’est bon qu’à attraper des poules.   124 LV : poursuys  (L’Official invite le Receveur à poursuivre sa lecture.)   125 Le paiement comptant, si !   126 Bien des fois.   127 De-ci, de-là, avant que le vent n’imprime une direction. « Je suys variable et muable/ Comme une plume avant le vent. » (Mestier et Marchandise, LV 73.) Les Conards ont employé cette expression : « Et puis du demeurant, tout va avant le vent. » Triomphes…   128 LV : se font  (Et pourtant, ils sont pauvres. Dans LV, le « f » est exactement la même lettre que le « s », avec une petite barre transversale au milieu.)   129 Ils vous privent.   130 Sous prétexte.   131 LV : ont  (L’auteur griffe les maris complaisants qui se laissent acheter par l’amant de leur épouse. Voir la note 75 du Povre Jouhan.)   132 Acceptent que l’amant baisse ses braies pour copuler avec leur épouse. « Dame Proserpine/ Fust espinée de l’“espine”/ Qui est en ta brague cachée. » Rabelais.   133 LV : trop  (Ils sont si nombreux qu’ils se font concurrence.)   134 Leur puanteur morale.   135 Soûlards. (Cf. le Poulier, vers 460.) On a peut-être censuré coullars [couillards]. « Se Vénus nudz nous tient en ses lacs, las,/ Par Bacchus ! culz sçauront du coullart l’art. » Guillaume Crétin.   136 Qui jouent les bigots. C’est le vers 67 du Sermon pour un banquet.   137 Accusation récurrente. « Ces bons vicaires/ Qui ont ces grosses chambèrières/ Secrètement. » Sermon pour un banquet.) Dans la sottie des Povres deables, qui appartient au répertoire des Conards de Rouen, la Réformeresse tente de se faire verser une dîme par de pauvres diables ; un moine lui dénonce l’hypocrisie de ses supérieurs, qui prônent la vertu la plus ascétique alors qu’ « ilz ont chambres toutes propices,/ Femmes secrètes et nourices ».   138 Qu’ils sanglent, qu’ils besognent. Cf. le Cousturier et son Varlet, vers 219.   139 Sans protester.   140 Il roule un énorme sac au milieu de la scène.   141 LV : setuy  (Celui-ci : ce veau.)   142 Qu’on le repousse.   143 C’est une bonne prise.   144 C’est mon avis. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 151.   145 En tant que « veau », vous servirez pour payer la dîme du diable.   146 Il est maintenant à l’abri d’une pénurie de « veaux ».   147 Et même, il y aura de plus en plus d’imbéciles, et ils seront de plus en plus bêtes.   148 LV : payer   149 Contre nous (mots latins). Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 23.