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JEHAN QUI DE
TOUT SE MESLE
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La polyvalence professionnelle des incapables qui prétendent pouvoir exercer tous les métiers sans les avoir appris est résumée dans le Cousturier et le Badin : « Stilé suys à tous métiers faire / Et plusieurs aultres. » Ils étalent leurs compétences illimitées dans Varlet à louer à tout faire, Wâtelet de tous mestiers, les Ditz de maistre Aliborum qui de tout se mesle, la farce du Valet à tout faire (de Jacques Corbin), etc. D’après le dictionnaire de Furetière, « on appelle un factotum un Jean qui de tout se mesle ». Ce nom est passé en proverbe sous le diminutif de Jennin : « C’est Génim-qui-de-tout-se-melle », dira la Mère de ville d’un fumiste qui s’intronise « garde-pot, / Garde-robe, garde-poupée, / Garde-bras, aussy garde-espée, / Garde-alebarde et garde-espieulx ». Un acteur qui jouait quatre rôles en même temps prévint son public : « Je ne suis pas tel bourdeur, non, / Que Jennin-qui-de-tout-se-mesle.2 »
Notre farce remonte au dernier quart du XVe siècle. Elle est nommée dans le Trocheur de maris sous le titre « Génin-qui-de-toult-se-melle ». Le rôle principal est tenu par un « badin », sorte de demi-sot3. La pièce repose tout entière sur la gestuelle de ce comédien. Nous avons là une espèce de vaudeville, avec des portes qui claquent et des personnages qui se croisent sans aucun temps mort ; la mise en scène devait être millimétrée.
Source : Archives de l’État de Fribourg4. Cote : CH AEF Littérature 2. Cette farce fut trouvée par Paul Aebischer5 dans la couverture d’une « grosse » (autrement dit, d’un registre de reconnaissance foncière) du bailliage de Saint-Aubin. Paul Aebischer découvrit au même endroit Gautier et Martin, la Présentation des joyaux, la Nourrisse et la Chambèrière, et d’autres fragments plus ou moins importants. Le papier est très abîmé : rognures en haut ou en bas, trous, déchirures, traces de colle. Je supplée ces lacunes en bleu clair, et je réserve les traditionnels [ ] aux omissions de l’éditeur.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce de
Jehan qui de
tout se mesle
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À six6 personnaiges, c’est assavoir :
AULTRUY
JEHAN-QUI-DE-TOUT-SE-MESLE
LA FEMME JEHAN
L’HOMME [À LA BARBE]
[LA PREMIÈRE FEMME]
LA SECONDE FEMME
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AULTRUY commence 7 SCÈNE I
Dieu gard, Jehan-qui-de-tout-se-mesle !
JEHAN-QUI-DE-TOUT-SE-MESLE
Bon jour, Aultruy ! Comment [te] va ?
AULTRUY
Besongnes-tu fort ?
JEHAN
Pelle-mesle8,
Tousjours haria-caria9.
AULTRUY
5 Par le sang que Dieu me donna !
Je suis contant de paier quarte10
Pour desjeuner.
JEHAN
Trop bien, cela !
(Ne m’en chault, mais qu’il n’y ait perte11.)
LA FEMME DE JEHAN
Tenez ! A-il la gorge ouverte,
10 Pour aller croquer ceste pie12 !
Que de [la] forte fièvre quarte13
Ayez-vous la teste farcie !
JEHAN
Entrez-vous en vostre estourdie14
Si matin ? [Riens je n’y entens]15 !
LA FEMME JEHAN
15 Va, paillart, va, tu ne vaulx riens !
C’est tout tant que tu fais que boire16.
JEHAN
Par le corps bieu ! c’est bon mémoire17 ;
Très voulentiers je m’y gouverne.
Oncq on ne vit cheoir le tonnoirre18
20 Au bourdeau19 ne à la taverne.
AULTRUY
Ma voisine, n’en parlons plus,
Je vous en prie de cueur fin ;
Et de ce débat, au seurplus,
Pensons de venir à la fin.
25 Je vous requiers que mon voisin
Viengne ung peu ma maison20 garder.
LA FEMME
Est-ce à moy à21 le demander ?
AULTRUY
Ouÿ : n’estes-vous pas la dame
De l’ostel22 ?
JEHAN
Ouÿ, par mon âme :
30 Elle est mieulx maistresse que moy !
AULTRUY
Et ! je vous prometz, par ma foy,
Que je suis bien fort destourbé23.
LA FEMME
Pourquoy ?
AULTRUY
J’ay esté adjourné24
À l’encontre Robert Mytou25 :
35 Je luy doy de l’argent, ung pou26.
Il fault que voise27 à luy parler.
LA FEMME
Pour28 Jehan, il n’y pourroit aller,
Et je vous diray la raison :
Qui garderoit nostre maison ?
40 Entendez, que diable est cecy ?
AULTRUY
Ha ! ma voisine, je vous pry
Qu’il y viengne une demye-heure.
Et se plus avant29 il demeure,
Je suis contant de l’amender30
45 À vostre gré.
LA FEMME
Pour l’acorder,
Venez çà : que luy donrez-vous ?
AULTRUY
Mes chausses31 percées au[x] genoux
Et ma robe trouée au coute32.
JEHAN
(Ce sera pour la Penthecouste33.)
50 J(e) iray donc, foy que doy sainct Pol34 !
LA FEMME
Ha ! allez ! Que le sanglant col35
Vous puissez vous casser, tous deux !
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JEHAN 36 SCÈNE II
Voisin, c’est pour toy37, je le veulx :
Tu attraperas ceste offrande.
AULTRUY 38
55 Or, [viens] çà ! Je te recommande
Le four, les pastés39, ma cervoise,
Ma barberie40. Et que de noise
Tu gardes bien tout, hault et bas.
JEHAN
Du seurplus41 vous ne parlez pas :
60 Coucheray-je avec vostre femme ?
AULTRUY
Et ! nenny, que maulgré mon âme !
Garde bien tout jusques au retour42.
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JEHAN SCÈNE III
Il me fault regarder au four,
S’il est chault, ains que je retarde43.
65 Et puis je broieray la moustarde44.
De la cervoise, des pastés
Et d’estre barbier, ne doubtez
Que j’en feray [très] bien et beau45 !
« Çà, çà, j’ay bons46 pastés de veau !!
70 De la moustarde !! Des chandelles !!
De la cervoise !! » C’est merveilles
Pour ung homme qui a la foire47 ;
S’il en prétendoit48 beaucoup boire,
Il deviendroit, tout sus piéz49, yvre.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE IV
75 Je vous prie, [pour une livre]50,
Que vous me faciez ung gasteau ;
Nous voulons faire ung roy nouveau,
Aujourd’uy51, en nostre maison.
JEHAN
Sainct Jehan, vélà52 bonne raison !
80 Est-il aujourd’uy les Corps sains53 ?
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L’HOMME À LA BARBE SCÈNE V
Nostre maistre, Dieu gard ! Compains54,
Je vous pry, faictes-moy ma barbe.
JEHAN
Trèsvoulentiers, par saincte Barbe !
Je la vous feray bien et beau.
85 Or çà, que dit-on de nouveau55 ?
L’HOMME [À LA BARBE]
Tout est viel, tousjours telles quelles56.
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LA SECONDE FEMME SCÈNE VI
Holà ! Baillez-moy des chandelles,
Demie-livre de cinq deniers.
JEHAN
Vous les aurez trèsvoulentiers ;
90 Je voys à vous de belle tire57.
L’HOMME [À LA BARBE]
Pour Dieu, despêchez-moy58, beau sire !
JEHAN
Si feray-je, ne vous desplaise,
Ains que59 sortiez de ceste chaise ;
Mais s’il vous plaist, prenez en gré.
L’HOMME [À LA BARBE]
95 Je ne sçay quel gré ne mal gré60,
Mais je ne suis point aise, cy61.
JEHAN
Ne vous souciez, mon amy :
Sur piéz je vous despêcheray62.
Tenez, cy je vous mouilleray
100 Vostre groing bien et joliement.
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LA FEMME JEHAN 63 SCÈNE VII
Je voys64 sçavoir présentement
Pourquoy nostre mary demeure
Si longuement.
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JEHAN SCÈNE VIII
Je vous asseure
Que vous serez trèsbeau varlet65.
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LA FEMME JEHAN SCÈNE IX
105 Or çà ! aurez-vous mèshuy fait66 ?
Venez à l’ostel67 vistement !
JEHAN
Je ne puis, par mon sacrement :
Il n’est pas encores mydy68.
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE X
Dieu gard ! Mon gasteau est-il cuyt ?
110 Pour Dieu, qu’il me soit avancé69 !
JEHAN
Nenny, pardieu, pas commencé.
Je m’en vois voir [à] vostre paste70.
L’HOMME [À LA BARBE]
Pour mettre ung pié de beuf en paste
Avec la cuisse d’une ostarde,
115 Pour barbïer71 ung homme en haste,
Voycy ung beau barbier de merde !
LA SECONDE FEMME
Holà ! Que j’aye de la moustarde,
Mon bel amy, pour ung denier !
L’HOMME [À LA BARBE]
Et ! voycy bien pour enraiger
120 De celle belle barberie72 !
Je vouldroie, par saincte Marie,
Qu’il fust au fons de la rivière !
LA PREMIÈRE FEMME
Il me fault retourner arrière ;
Je demeure trop, j’auray noise73.
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LA SECONDE FEMME SCÈNE XI
125 Holà ! Çà tost, de la cervoise !
………………………………… 74
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JEHAN SCÈNE XII
[Avez-vous ouï]75 noz voisines,
Qui ont bien chanté leurs matines76 ?
L’une a crié, l’autre hué :
À bien peu que ne m’a tué77,
130 Et cest homme de bien aussy78.
AULTRUY
Dit-il vray ?
L’HOMME [À LA BARBE]
Oncques je ne vy
Femme[s] de plus mauvaise sorte.
Le diable d’enfer les emporte !
Oncques ne vis telle estampie79.
135 [Iray-je, par saincte Marie]80,
Tout parmy la ville en ce point ?
AULTRUY
Et ! pour Dieu, ne vous courcez81 point.
Séez-vous, je vous achèv(e)ray82.
L’HOMME [À LA BARBE]
De fièvre soit-il espousé,
140 Qui se serra huy83 ! Je m’en vois.
C’est dommaige, par saincte Croix84,
Que l’on ne vous paye trèsbien.
Adieu, adieu !85
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LA PREMIÈRE FEMME SCÈNE XIII
Or çà ! Je vien
Sçavoir si ferez une tartre86,
145 Moitié couverte et descouverte,
Et de beau sucre par-dessus.
JEHAN
Par ma foy ! je n’en feray plus,
Je le vous dy du premier sault87.
AULTRUY
C’est ung tel varlet qu’i me fault88 !
LA PREMIÈRE FEMME
150 Il aura fait du premier pas89.
AULTRUY
Sa90 femme si ne le dit pas…
LA PREMIÈRE FEMME
Je m’en voys. À Dieu vous comment91 !
JEHAN
Allez tost, vous avez bon vent92 !
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LA FEMME JEHAN SCÈNE XIV
Viendrez-vous tailler une93 robe ?
JEHAN
155 Il fault que de céans ne hobe94,
Mon bon maistre Aultruy l’a dit.
LA FEMME JEHAN
Et ! par l’ymaige que Dieu fist95,
Vous verrez qu’il vous mescherra96 !
Vostre nièpce espousera97,
160 Dimenche ; c’est ung bel honneur.
Vous luy ferez grant déshonneur,
Se vous y venez en ce point98.
AULTRUY
Et ! pour Dieu, ne vous coursez point,
Car il en aura vraiement une
165 Qui est belle et de couleur brune.99
Regarde, tourne-toy deçà.
JEHAN
Sang bieu, elle est bien de piéçà100 !
Elle a veu maintes belles neiges101.
Il fauldroit bien deux mille cierges102
170 Pour y trouver ung fil entier !
AULTRUY
Elle vous fera bien mestier103
Pour vous servir en vostre hostel.
JEHAN
Par le sacrement de l’autel !
J’auroie plus chier104 perdre dix frans
175 Que la porter !
AULTRUY
Je suis offrans105
De paier ce que je luy doy.
LA FEMME JEHAN
Il n’en fera rien106, par ma foy !
JEHAN
J’auroie plus chier perdre ung escu !
AULTRUY
Ung escu ? Soufle-moy au cul107 !
180 Il tiendra ce qu’il m’a promis108 !
LA FEMME JEHAN
Dis-tu vray, Autruy, beaulx amis ?
AULTRUY
Il achèvera son service !
LA FEMME JEHAN
Par Dieu, tu es ung peu trop nice109 !
AULTRUY
J’ay dessus luy bonne action110.
JEHAN
185 Je feray, avant, cession111,
Et vous abandonne mes biens.
AULTRUY
Je n’en auray donc jamais riens.
Adieu, donc !
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JEHAN 112 SCÈNE XV
Je n’ay riens gaigné.
LA FEMME JEHAN
Vous estes trèsbien engaigné113.
190 Aussi sont ceulx, je vous affy,
[Qui ont fait]114 plaisir à Aultruy :
Souvent ont robbe dessirée115.
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JEHAN SCÈNE XVI
Seigneurs trèstous, s’il vous agrée,
Prenez en gré l’esbatement.
195 Vous avez cy bien veu comment
Au bon Jehan-qui-de-tout-se-mesle
En est prins116. Ne soiez rebelle :
Mettez-le trèstous en mémoire.
Et puis si, vous en allez boire
200 Ensemble, par joieulx esbas.
Recepvez en gré noz esbas !
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Cy finist la farce de
Jehan-qui-de-tout-se-mesle
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2 Monologue fort joyeulx auquel sont introduictz deux advocatz et ung juge. Montaiglon, XI, p. 179. 3 Voir la notice de Troys Galans et un Badin. 4 Nous remercions vivement les Archives de l’État de Fribourg et M. David Blanck pour la copie numérique qu’ils nous ont fournie. 5 Il l’a transcrite dans : Trois farces françaises inédites trouvées à Fribourg. « Revue du Seizième siècle », t. XI, 1924, pp. 131-140. 6 Éd. : cinq (La 1ère Femme, qui entre au vers 75, a été omise dans la liste des personnages.) 7 Ce voisin entre chez Jean et sa femme, avec un cruchon de vin à la main. 8 Avec la plus grande confusion. 9 Tumultueusement, en produisant beaucoup de bruit et peu d’effet. « Ung grant haria-caria,/ Ung plaid, ung débat, ung procès. » Guillaume Coquillart. 10 De t’offrir cette double pinte de vin. C’est le vers 95 de Gautier et Martin. 11 Cela m’est égal, du moment que je ne perds pas d’argent. 12 Boire ce vin. « Quelque part il crocque la pye. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 13 Éd. : quartaine (Depuis le vers 6, nous avons la rime « parisienne » -erte / -arte. Elle revient aux vers 144-145 et, sous la forme -erde / -arde, aux vers 116-117.) 14 Confusion mentale. 15 Éd. : ie ny entens riens (Rime du même au même.) 16 Boire, c’est tout ce que tu fais. « C’est tout tant que nous désirons. » Froissart. 17 Ce mot était souvent masculin. Le vin est censé être bon pour la mémoire. « Me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. 18 Jamais on ne vit tomber la foudre. 19 Au bordel. Les hommes s’y retrouvaient pour manger, boire et jouer à des jeux de hasard ; ils n’avaient pas forcément recours aux prostituées. 20 Ma boutique. 21 À qui il faut. 22 La maîtresse de maison. 23 Bien embêté. 24 Convoqué au tribunal. 25 Éd. : my toie (Correction d’Aebischer.) Un mitou est un usurier : « Ces gros mitous assis en leurs contoirs. » Godefroy. 26 Un peu. Cf. Maistre Doribus, vers 4 et 94. 27 Que j’aille. 28 Éd. : Sainct (En ce qui concerne.) 29 Si plus longtemps. 30 De le défrayer. 31 Mes collants. « Les chausses trouées aux genoux. » Le Capitaine Mal-en-point. 32 Au coude. 33 La Pentecôte est un des termes annuels pour le paiement des sommes dues. « Rente, ferme ou pension, à paier chacun an aux termes de Penthecoste et de la mi-aoust. » (Archives du Loiret.) Vu l’avarice d’Autrui, on peut comprendre : Il me donnera cette robe à la saint-glinglin. Jean accepte malgré tout, pour fuir les querelles de sa femme. 34 Par la foi que je dois à saint Paul. 35 Que votre maudit cou. 36 Il sort de sa maison, avec Autrui. 37 Cette imprécation de ma femme est pour toi. 38 Les deux hommes entrent dans la boutique d’Autrui. C’est une espèce de drugstore pourvu de deux salles communicantes, ouvertes sur le public : dans la première, équipée d’un four, on prépare des gâteaux, on vend de la bière, des épices et des chandelles ; la seconde est un salon de rasage. 39 Pâte fourrée de viande ou de poisson et cuite au four. Cervoise = bière. 40 Mon salon de rasage. Idem vers 120. 41 Du restant. « Du surplus, je n’en diré rien. » (Ung Fol changant divers propos.) Jean, qui devient le subalterne d’Autrui, se met à le vouvoyer. 42 C’est le vers 88 du Testament Pathelin. Autrui s’en va. 43 Pour que je ne prenne pas de retard. Les fours à bois mettaient longtemps à chauffer. 44 On broie les graines de sénevé dans un mortier ou dans un moulin à moutarde, avant d’y ajouter du moût, du vinaigre ou du verjus. 45 « Très bien et beau il vous advient/ À parler la langue françzoise. » La Pippée. 46 Éd. : vous (Correction d’Aebischer.) Jean imite les crieurs publics qui vendent leur marchandise dans la rue. Les Cris de Paris, de Clément Janequin, énumèrent effectivement les pâtés, la moutarde et les chandelles. 47 De la diarrhée : la bière a un effet laxatif. « Je n’ose boire servoise ;/ Quant j’en boy, elle fait tel noise/ En mon ventre que c’est merveille. » (Les Drois de la Porte Bodés.) Jean, qu’on a traité d’ivrogne aux vers 9 et 16, ne lâchera plus la chope de bière, dont il avale une gorgée de temps à autre. 48 Ce mot est couvert de colle. Prétendre = vouloir : « Le Prince des Sotz ne prétend/ Que donner paix à ses suppôtz. » Jeu du Prince des Sotz. 49 Sur-le-champ. Idem vers 98. 50 Éd. : sire (Pri-e compte pour 2 syllabes, comme au vers 22.) Pour le prix d’une livre tournois. On n’achetait pas une certaine quantité de marchandise : on en achetait pour une certaine somme. Aux vers 117-118, une cliente réclame de la moutarde pour la valeur d’un denier. 51 Le 6 janvier, jour de l’Épiphanie, on tirait les rois. C’est un des jours de l’année où les troupes joyeuses — basochiens, collégiens, etc. — jouaient du théâtre comique. Voir la notice de Pour porter les présens à la feste des Roys. Notre farce pourrait provenir de la Basoche : elle contient quelques termes de droit (vers 33, 184, 185), et d’après le vers 193, elle fut jouée devant un public masculin. 52 Éd. : de la (Voilà une.) 53 Une fête en l’honneur des reliques d’un saint. Jeu de mots sur « ceints d’une couronne ». La cliente repart, et croise un barbu qui entre. 54 Compagnon. 55 C’est chez le barbier que se colportaient les dernières nouvelles. Jean pousse le client vers le salon de rasage et le fait asseoir. 56 Tout est vieux, tel quel, sans changement. 57 Je vais à vous d’un bon pas. À partir d’ici, Jean va se mettre à courir d’une salle à l’autre, avec les bras chargés d’une chope de bière, de savon à barbe, de chandelles, et bientôt de moutarde. 58 Finissez-en avec moi. 59 Avant que. Le client est assis dans une « chaize à barbier, laquelle est close tout à l’entour, garnye d’un coffre et de dossier ». (Edmond Bonnaffé.) 60 Quel bon gré ni quel mauvais gré. 61 Cette « chaère basse à barbayer » (Godefroy) n’est pas confortable. Le client refusera de s’y rasseoir au vers 140. 62 Je vais m’occuper de vous sur-le-champ. Jean badigeonne la figure du client avec du savon à barbe. 63 Elle sort de chez elle et se dirige vers la boutique. 64 Je vais. Idem vers 90, 112, 140, 152. 65 Que vous serez beau comme un page. 66 Aurez-vous bientôt fini ? 67 À la maison. 68 Éd. : mynuyt (La pièce commence le matin <vers 14>, avant le repas de midi <vers 7>, et Jean doit tenir la boutique plus d’une demi-heure <vers 42> pour obtenir une rétribution.) L’épouse de Jean retourne chez elle, et croise la 1ère Femme, qui entre dans la boutique. 69 Apporté. 70 Je vais m’occuper de votre pâte (jeu de mots sur « patte » : cuisse). Jean, toujours aussi chargé, se précipite vers le four. 71 Pour raser. 72 Éd. : barbiere (De ce beau salon de rasage. Voir le vers 57.) 73 Je serai grondée par mon mari. Comme l’acheteuse s’apprête à sortir, sa concurrente fait irruption. 74 Une partie du texte est perdue, soit une bonne centaine de vers : on n’embauchait pas six acteurs pour jouer une piécette de 200 vers (voir la note 101 de la Réformeresse). Les scènes perdues se résument ainsi : Les deux clientes se montrent de plus en plus agressives envers Jean — dont elles déchirent la robe — et envers l’homme à la barbe — qu’elles coiffent du bol de savon. La femme de Jean vient ajouter son grain de sel. L’arrivée d’Autrui fait fuir les trois mégères. 75 Éd. : Qui 76 Qui ont bien vociféré contre nous. 77 Il s’en faut de peu qu’elle ne m’ait tué. 78 Éd. : icy 79 Éd. : estompie (Un tel tapage.) 80 Éd. : Mais iroye parmy la ville (Anticipation du vers suivant. L’homme jurait déjà par sainte Marie au vers 121.) Le client a sur la tête un bol de savon renversé. 81 Éd. : courroucez (Voir le vers 163.) 82 Ce verbe n’est pas très rassurant, lorsqu’il est prononcé par un homme qui brandit un rasoir… Au futur, on peut élider le « e » muet. « Je ne puis plus poursuivre ce propos, et ne le puis achever ; si l’achèvray-je pourtant. » Cyrus de la Coudrière. 83 Celui qui s’assiéra aujourd’hui. 84 La croix étant le côté face d’une monnaie, « sainte Croix » désigne facétieusement la patronne de ceux qui ont — ou qui cherchent — de l’argent. Voir le vers 69 de Gautier et Martin, et le vers 54 des Sotz qui remetent en point Bon Temps. 85 Il sort, et croise la 1ère Femme, qui entre. 86 Une tarte. « Tartres couvertes communes : Soit broié le fromage & talemose, fin fromage billeté ; & mis les mistions d’eufz. & pareillement les tartres descouvertes. » Taillevent. 87 De prime-saut, tout de suite. 88 Pour me protéger contre ces furies. 89 Il aura bientôt fait cela. 90 Éd. : Ma (Ce n’est pourtant pas ce que dit sa femme. Double sens grivois du verbe faire : cf. le Tesmoing, vers 4.) 91 Je vous recommande à Dieu. Même vers dans le Messager et le Villain. 92 Et bon vent, bon débarras ! La 1ère Femme sort, et croise l’épouse de Jean, qui entre. 93 Éd. : vue (Jean, qui se mêle de tout, est aussi couturier. Sa robe ayant été déchirée par les deux clientes, il a besoin d’une robe intacte pour assister au mariage de sa nièce.) 94 Il ne faut pas que je bouge d’ici, pour gagner la rétribution qu’Autrui m’a promise. 95 Au nom du Christ ! 96 Que cela tournera mal pour vous. 97 Se mariera. 98 Dépenaillé comme vous l’êtes. 99 Autrui décroche une robe mitée. 100 Elle date de longtemps. 101 Elle a vu passer de nombreux hivers, de nombreuses années. 102 Afin d’y voir assez clair. 103 Bien assez d’usage. 104 J’aimerais mieux. Vers analogue à 178. 105 Je lui offre. Autrui s’adresse à la femme de Jean. 106 Jean ne prendra pas cette loque. 107 Mon cul ! 108 Jean finira d’abord le travail qu’il m’a promis de faire. 109 Naïf. 110 J’ai le droit d’intenter contre lui une action en justice. « Sy aucun veult intanter action contre autre, il le doit faire adjourner davant son juge. » (ATILF.) Autrui revient du tribunal, dont il a retenu le jargon. 111 Je vous abandonnerai mes biens. « Il ne sçauroit à présent paier ses créanciers sans faire vile cession de ses biens. » (ATILF.) Cf. les Femmes qui demandent les arrérages, vers 220. Les biens de Jean n’ont aucune valeur. 112 Il retourne chez lui avec sa femme. 113 Trompé. « L’amorce est ce qui engaigne le poisson. » Godefroy. 114 Éd. : Ponr faire (Autrui est donc un personnage allégorique qui représente l’autre, l’altérité.) 115 Déchirée. Un proverbe disait : « Robbe d’aultruy ne proffite à nulluy. » (Recueil de sentences notables.) La femme rentre chez elle, tandis que son époux récite le congé. 116 En est advenu.