*
GAUTIER
ET MARTIN
*
.
Ce dialogue parisien fut écrit vers 1500. L’auteur pimente son texte d’argot. Il s’inspire, entre autres sources, des ballades en jargon de François Villon ; il connaît non seulement les six que comporte l’édition princeps de 1489, mais également les cinq autres, qui circulaient sous une forme manuscrite. (Elles nous sont parvenues grâce à un manuscrit conservé aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Stockholm1.) Ce cas n’est pas unique : vers 1458, les Vigilles Triboullet parlaient déjà du « bon jargon » de « maistre Françoys Villon ». Le public parisien comprenait et appréciait l’argot, si l’on en juge par le nombre de pièces qui en contiennent — que ce soient des farces, comme le Dorellot, des sotties, comme les Premiers gardonnéz, et même des Mystères, comme le Viel Testament, les Trois Doms, la Vie de sainct Christofle, les Actes des Apostres, ou le Mistère de la Passion.
On dit « Gautier et Martin » pour dire « tout un chacun » : « Vous allez / Puis chez Gaultier, puys chez Martin. » (Le Munyer.) « Sans craindre Gaultier ne Martin. » (Le Mirouèr des enfans ingratz 2.)
Nos personnages rivalisent de virtuosité verbale avec deux de leurs contemporains, Marchebeau et Galop (~1500) ; ils ne seront dépassés dans ce domaine que par Messieurs de Mallepaye et de Bâillevant (~1516). Leur philosophie de l’existence, « vivre sans rien faire », les apparente aux Maraux enchesnéz (1527). Leur satire des dandys faméliques semble calquée, parfois mot pour mot, sur le Monologue des Perrucques, attribué à Guillaume Coquillart (~1490), et sur la sottie de Folle Bobance (~1500).
Source : Archives de l’État de Fribourg3, en Suisse. Cote : CH AEF Littérature 9. Cette farce fut trouvée par Paul Aebischer4 dans la couverture d’une « grosse » (autrement dit, d’un registre de reconnaissance foncière) du bailliage de Saint-Aubin. Paul Aebischer découvrit au même endroit Jehan qui de tout se mesle, la Présentation des joyaux, la Nourrisse et la Chambèrière, et d’autres fragments plus ou moins importants. Le premier des douze feuillets, qui exposait le titre de la pièce, est perdu ; il nous manque au moins les trois premiers vers. Le papier est très abîmé : rognures en haut ou en bas, trous, déchirures, traces de colle. Je supplée ces lacunes en bleu clair, et je réserve les traditionnels [ ] aux omissions de l’éditeur.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 7 triolets, 2 poèmes en strophes aabBccbBddbB, 1 poème en strophes ababbcbC, un autre similaire dont le dernier vers de chaque strophe est repris au début de la suivante.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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*
GAUTIER SCÈNE I
…………………………………
C’est tout ung, ilz passent au bac5 :
Il n’y a plus ne clic ne clac6.
Joyeux esperit vit dehet7.
Argent ? Il est mys à basac8 :
5 On ne l’a jamais par souhet9.
L’ung l’espargne, l’autre le het ;
L’ung en a trop, l’autre en a pou10.
D’e[n] souhetter suys bien huet11 :
Je trouveroye plus tost ung pou.
10 Tenir tousjours bons termes12 ! Brou13 !
Rire à tous d’ung beau ris commung.
Que j’amasse argent ? Ouy dea, tou14 !
Tant15 me sont cent ducas comme ung.
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MARTIN SCÈNE II
Hoye16 !
GAUTIER
Hoye !
MARTIN
J’ay ouÿ quelc’un
15 De ma bende, je l’entens bien.
Le sang bieu ! je n’en voys pas ung…
Hoye !
GAUTIER
Hoye !17
MARTIN
J’é ouÿ quelc’un.
GAUTIER
Je viens pour resjouyr18 chascun
Sans demander « quant » ne « combien »19.
20 Hoye !
MARTIN
Hoye !
GAUTIER
J’ay ouÿ quelc’un
De [ma] bende, je l’entens bien.
Ne saroit-on trouver moyen
Que l’on sceût vivre sans rien faire20 ?
Hÿer, monseigneur le doyen21
25 Me fist coucher sans mon lit faire22.
.
Je voy bien, tout est à refaire, SCÈNE III
Car les porceaulx y ont esté.
Je seroye fol de m’en deffaire23 :
Non, non, vive joyeuseté !
MARTIN
30 À mau nourry24 !
GAUTIER
À trop tost né25 !
MARTIN
Acolle-moy !
GAUTIER
Que je t’embrasse !
MARTIN
Que dit le cueur ?
GAUTIER
Toust est dîgné26.
MARTIN
À mau nourry !
GAUTIER
À trop tost né !
MARTIN
J’ay, matin, tant mal desjeuné !
35 Mes boyaulx sont cours27 d’une brasse.
Au mau nourry !
GAUTIER
À trop tost né !
MARTIN
Acole-moy !
GAUTIER
Que je t’embrasse !
MARTIN
Il fault que la foule on rebrasse28 :
Il n’y a plus denier ne maille29 ;
40 Tout est riflé30 jusqu(e) à la paille,
Tout est vendangé sans cousteau.
GAUTIER
J’ay mengé ma part du gasteau
De hault jour31, en faisant grant chère.
Aussi, la chandelle est trop chère :
45 Je me couche de hault souleil32.
MARTIN
Je veulx [bien] qu’on me crève ung œil
Se je n’ay piautré33 sus la dure
Poste34, au cagnart ! Se ce temps dure,
Se la foulle n’est estoffée35,
50 Se l’eur36 ne vient de don de fée,
[Fy] de Mélusine ou de Morgue37 !
GAUTIER
Comme broue38 le gueux ?
MARTIN
Sus la drogue39.
GAUTIER
Et l’aubert40 ?
MARTIN
Il est descrié41.
GAUTIER
Le mien est jà piéçà42 trié.
55 Autant m’est layne que cotton.
Au sec43 je broue44, en hoquetton.
Gautier ne fut onc(ques) en tel point.
MARTIN
Et moy, je broue en beau pourpoint
(De peur du chault45) sur la chemise.
60 Autant m’est recepte que mise46.
En ceste planette47 suis né.
Je suis net48.
GAUTIER
Je49 suis affiné.
MARTIN
Et moy, defferré tout à plat50.
GAUTIER
J’estois l’autre jour en estat51,
65 Entremeslé en seignourie,
Où52 j’afronti par joncherie
Ung gallant bien garny d’aubert.
Mais je l’envoyé sans haubert53,
Foy que doy Dieu et sainte Croix54 !
70 Je le desbourré55.
MARTIN
Je t’en croy[s].
GAUTIER
J’euz deux andosses56, deux georgetz57,
Lesquelz j’empoigné mieulx qu’augetz58.
Et puis m’en broué de l’ospite59.
MARTIN
Pour cela, tous pipeurs despite60.
75 Ung jour, en venant de Millan61,
Deux desbourré62 sur le berlan.
Et si bien parvins à mes pointz63
Que les envoyé sans pourpoins ;
Et laissèrent toutes leurs plumes.
GAUTIER
80 Pouac64 ! cela sont65 mes coustumes :
Ne leur66 laisser gourpin ne hergne67.
Mais à Parouart68, la grant vergne69,
Ung ange70 mist sur moy la poue
Pour moy graffir71 ; et Gautier broue
85 Des quilles72 sur le dur terrant73 !
J’embrassé celi enarrant 74
En cherchant Domini terra 75.
MARTIN
De vero 76 ?
GAUTIER
Il [le] comparra77 !
S’il m’eust pétrillé78 en ce coffre79,
90 Le gibet m’eust bien fait son80 offre.
Le tortuon j’eusse dancé81 ;
Le marieux82 m’eust advancé,
Tout au long83, les joncs84 verdoians.
MARTIN
Fy de l’enseigne !
GAUTIER
Se j’en mens,
95 Je suis content de paier carte85 !
MARTIN
À quel flouant86 fusse ?
GAUTIER
À la quarte87.
En flouant le gourpin plumé88,
J’en ay maint sire desplumé.
Je joue tousjours à passer douze89.
MARTIN
100 Lue au bec90, ferme de la m[o]uze91 !
Chante quatre92 pour ces becque[t]s93 !
GAUTIER
As-tu paour94 ?
MARTIN
Il se houze, houze95.
Lue [au bec]96, ferme de la mouze !
GAUTIER
Pensses-tu que je me déshouze97 ?
105 [Nyez, nyez]98, sans longs caque[t]s99 !
MARTIN
Lue au bec, ferme de la mouze !
Chante quatre pour ces béque[t]s !
Sus, sus ! icy n’y a aque[t]s100,
Car Fortune a tous tes paque[t]s101 ;
110 Nuyt et jour nous maine bataille.
GAUTIER
Pourquoy le dis ?
MARTIN
Son pour la caille102.
L’ung fait le haireux eschauffé103 ;
Et l’autre empoigne l’estoffé,
Et mengut104 tout jusqu’à la paille.
GAUTIER
115 Pourquoy le dys ?
MARTIN
Son pour la caille.
En quelque vergne que je soye,
J’arme tousjours quelc’un de soye105
Sans luy donner bonnet d’escaille106.
GAUTIER
Pourquoy le dis ?
MARTIN
Son pour la caille.
GAUTIER
120 Qui en ara, si nous en baille !
Le plus souvent, de fain je bâille ;
Jamais ne porte estat grigneur107.
MARTIN
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur108 !
[MARTIN]
Santé109 ?
[GAUTIER]
C’est le cry de la nuyt110.
125 À bonne enclume, bon fourgeur111.
MARTIN
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur !
MARTIN
T(u) es ung terrible vendengeur112
De roysin pellé113, jour et nuyt !
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur !
MARTIN
130 Santé ?
GAUTIER
C’est le cry de la nuyt.
MARTIN
Or et argent, cela nous nuyt :
Nous n’aymons que joye et déduyt.
Fy de Malleur114, qu’on le desloge !
GAUTIER
Tout par compas115 !
MARTIN
Just comme ologe116 !
GAUTIER
135 Tant aymons vente comme achat.
De ducas ne mailles au chat117,
Nous n’en faisons banque ne loge118.
MARTIN
Tout par compas !
GAUTIER
Just comme [olo]ge !
MARTIN
Nous passons temps joyeusement.
140 Nous rivons le bis119 gourdement120.
Gautier à la Lune121 se loge.
GAUTIER
Tout par compas !
MARTIN
Just comme [olo]ge !
GAUTIER
Nous sommes forgés d’une forge122 :
Nous vivons amoureusement,
145 Moitié debte,
MARTIN
Moitié payement.
GAUTIER
En quoy payerons-nous ?
MARTIN
En papier123.
GAUTIER
Nous payerons aussi loyaulment
Que Pathelin fist124 le drapier.
MARTIN
Qui dit125 ?
GAUTIER
Qui nous vient espier ?
MARTIN
150 Quel remède ?
GAUTIER
Chanter, bien dire.
MARTIN
Nully126 ne voulons copier127.
Tousjours sans soucy128 voulons rire.
GAUTIER
Regardons !
MARTIN
Quoy ?
GAUTIER
La lune luyre,
Joyeusement, sans estre esmeuz.
MARTIN
155 J’ay veu tel en hault estat bruyre,
Que129, depuis, ay veu bien camus.
GAUTIER
Grant chère !
MARTIN
Grant gaudéamus130 !
GAUTIER
Chéris131 de Gontier !
MARTIN
Mais d(e) Hélayne !
GAUTIER
Se nous avons des draps acreuz132,
160 Nous poyrons à la Magdalaine.
MARTIN
Joye ?
GAUTIER
C’est nostre chastelayne133.
MARTIN
Fy de joyaulx !
GAUTIER
Fy de rubis !
MARTIN
Faulte d’argent et134 draps de layne
Nous fait porter mauvais abis.
GAUTIER
165 L’ung veult du blanc,
MARTIN
L’autre du bis135.
GAUTIER
L’ung est bon,
MARTIN
L’autre desloyal.
GAUTIER
Je ne sçay comme me hubis136 :
J’ay autant amont comme à val137.
MARTIN
Que désirons-nous ?
GAUTIER
Vent d’aval138.
MARTIN
170 Que reste-il ?
GAUTIER
Qu’on s’entretiengne.
MARTIN
…………………………. -al
……………………. -engne.
GAUTIER
Qu’atendons-nous ?
MARTIN
Que Bon Temps139 viengne.
GAUTIER
Il met trop140.
MARTIN
Voire, à nostre gré.
Force est qu’à son [tour, dîme il prengne]141.
Attendre fault, bon gré, maulgré.
GAUTIER
175 C’est tout ?
MARTIN
C’est le pas du degré142.
GAUTIER
Autant nous sont milles que cens.
MARTIN
Tel fut monté en hault degré
Qui a bien failly à son sens.
GAUTIER
Nous n’avons ne rente, ne cens143.
MARTIN
180 Nous n’avons de quoy estre chiche144.
GAUTIER
Tel est garny de [ses cincq sens]145
Qui ne peut pas estre [aussi] riche.
MARTIN
Seigneur suis de la Vigne-en-friche,
Cappitaine du Pré-fauché,
185 Consierge de Bise-flamiche146
Et commis de l’Estanc-pesché147.
GAUTIER
L’ung est debout,
MARTIN
L’autre est couché.
GAUTIER
L’ung se taist,
MARTIN
L’autre parle hault ;
Quant il est au gibet perché,148
190 On luy baille le soubresault149.
GAUTIER
C’est la hart150.
MARTIN
C’est [par son]151 deffault.
GAUTIER
Qui152 a santé, il a assez.
Après la mort, rien ne nous fault153 ;
Que valent trésors amasséz ?
MARTIN
195 Telz ont le bruyt154,
GAUTIER
Telz sont cassés155.
MARTIN
Telz sont mal paiéz de leurs gaiges.
Telz sont gorrie[r]s156 et agensséz157
Qui n’ont de quoy nourrir leurs paiges158.
GAUTIER
Mal montéz159,
MARTIN
Misses160 de bagaiges.
GAUTIER
200 Cours vestus
MARTIN
D’une vielle soye.
GAUTIER
Je leur donne, pour tous potaiges,
L’ordonnance à la morte-poye161.
MARTIN
L’ung dit qu’il n’a point de monnoye,
GAUTIER
L’autre se vente qu’il en fine162.
205 Mais si sou[v]ant il se nestoye163,
Que sa robe n’est qu(e) estamine164.
MARTIN
L’ung porte la chemise fyne,
Mais corps et ha[n]ches je devyne.
210 L’autre monstre tout le fatras.167
GAUTIER
Pourpoins cours,
MARTIN
Larges par les bras168.
GAUTIER
Bas collet[z]169
MARTIN
Bordéz de sattin.
GAUTIER
On cuide que ce soit taffetas,
Mais ce n’est q’ung viel chevrotin170.
MARTIN
215 Ung myrouèr,
GAUTIER
Ung pigne,
MARTIN
Ung bassin171,
GAUTIER
La lécive clère172,
MARTIN
La [c]rucque173 :
GAUTIER
Vélà ce qu’il fault, au matin,
Aux gueux, pour laver la perruque174.
MARTIN
Pentofles au soir,
GAUTIER
Une hucque175,
MARTIN
220 Beaux draps blancs sentant le lorier176.
GAUTIER
Quant le gueux du logis desjucque177,
Au matin, plante ung [beau] rosier178.
MARTIN
L’ung est seigneur du Franc-gosier179,
Cappitaine de Mal-empoint180,
225 Ennobly de verges d’osier181 ;
[L’autre n’a]182 vaillant ung pourpoint.
GAUTIER
Fringans ?183
MARTIN
Pompeux ?
GAUTIER
En bruyt ?
MARTIN
En point ?
GAUTIER
Misses !
MARTIN
Drougue[t]s184 !
GAUTIER
[Près de la tune]185 !
MARTIN
Aux déz, ilz pardent pour ung point,
230 Puis dient que c’est par Fortune.
GAUTIER
Fins [afynés souvent on]186 plume,
MARTIN
Haultains,
GAUTIER
Bas de poil187, sans188 coulleur.
MARTIN
Mais qu’il ait189 une grande plume,
On dira : « Vélà Monseigneur ! »
GAUTIER
235 À gentillesse190 est deu honneur ;
MARTIN
À Noblesse, foy et hommage.
Mais telz gaudisseurs191, je suis seur,
Ne payent192 rien que de lengaige.
GAUTIER
Flater
[ MARTIN
En Court,
GAUTIER ]193
Trancher du saige194,
MARTIN
240 Les ungz gours195,
GAUTIER
Aultres, droguelle[t]s196.
MARTIN
Et si, vont –maugré leurs visaiges197–
À pié, par faulte de mulle[t]s198.
GAUTIER
Ilz n’ont servantes ne varle[t]z
(Fors, en la main, d’ung blanc bâton199),
245 Et portent sur leurs bas colle[t]z
Une chaîne de beau letton200.
Soule[r]z carréz201,
MARTIN
C’est le droit ton202.
GAUTIER
Gorgias203,
MARTIN
Mygnons,
GAUTIER
Perruquins204.
MARTIN
Quant la chausse a mauvais talon,
250 Il fault avoir de[s] brodequins205.
GAUTIER
Sus, sus ! parvenons à noz fins !
Laissons à chascun sa manière,
Laissons parler grossiers et fins.
Revenons à nostre matière.
MARTIN
255 Ayons tousjours ung pié arrière206
En démenant joye et liesse.
Laissons l’estandart et207 banière
De soucy et folle tristesse.
GAUTIER
Si vient nully qui nous oppresse,
260 Incontinent qu’on le trébuche !
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche208 !
MARTIN
En place !
GAUTIER
Sus, faisons devoir !
MARTIN
Qui vive209 ?
GAUTIER
« La joyeuse embûche210 ! »
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche !
MARTIN
265 Se Maleur vient, qu’on le trébuche !
GAUTIER
Nous ne luy voulons riens devoir.
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche !
MARTIN
En place !
GAUTIER 211
Sus, faisons devoir !
MARTIN
Qui nous maine ?
GAUTIER
Joyeux espoir.
MARTIN
270 Où tirons-nous212 ?
GAUTIER
Devers noblesse.
MARTIN
Par quel moyen ?
GAUTIER
Par bon arroy213.
MARTIN
Pourquoy ?
GAUTIER
Pour le bâs214 qui nous blesse.
MARTIN
Faulte d’argent ?
GAUTIER
Cela je lesse.
MARTIN
Ta voulenté ?
GAUTIER
Bonne et loyalle.
MARTIN
275 Que souhaites-tu ?
GAUTIER
Qu’en liesse
Vive, [en tout bruyt,] la fleur de liz royalle215.
MARTIN
Quel[s] gens sommes-nous ?
GAUTIER
Sans soucy.
MARTIN
À quoy pensons-nous ?
GAUTIER
À bien dire.
MARTIN
Sans mal penser ?
GAUTIER
Il est ainsi.
MARTIN
280 Rire et gaudir,
GAUTIER
Et sans mesdire.
MARTIN
Loyal du tout216
GAUTIER
Sans contredire.
MARTIN
Aymer chascun
GAUTIER
De bonne amour féalle217.
MARTIN
C’est bien vescu,
GAUTIER
Sans nully escond(u)yre.
Vive, en tout bruyt, la fleur de liz royalle !
MARTIN
285 C’est ung trésor,
GAUTIER
Mais ung bien magnificque.
MARTIN
Haultain séjour218
GAUTIER
Où tous biens sont eslis219.
MARTIN
Montjoye220 de bien,
GAUTIER
Ung regnon221 autentique.
MARTIN
Re[n]fort d(e) honneur,
GAUTIER
Plains de joyeux délis222.
MARTIN
Vray champ d’asur
GAUTIER
Garny de fleurs de lis223.
MARTIN
290 Sang très royal,
GAUTIER
Renommée férialle224.
MARTIN
Noble du tout225,
GAUTIER
En tous biens embellis.
Vive, en tout bruyt, la fleur de liz royalle !
MARTIN
Sus, sus ! D’une amour cordialle,
De chanter soyons diligens.
GAUTIER
295 Nous sommes gallans sans argens.
Chantons dehet, accordons-nous.
Ilz chantent :226
L’ort villain jaloux
Qui a batu sa femme,
[C’est] en despit de nous.
MARTIN
300 Tout doulx, tout doulx ! Entens ta game !227
Ilz chantent :
L’ort villain jaloux
Qui a batu sa femme,
[C’est] en despit de nous.
GAUTIER
Qu’esse-cy ? Quel[s] gens sommes-nous !
305 On en escriproit une bible228.
À cueur vaillant, rien impossible.
Qui meins a, meins a de soucy229.
MARTIN
Quant on part de ce monde icy,
On n’emporte, pour tout potaige,
310 Q’ung viel linseul.
GAUTIER
En brief langaige,
Nostre plaisance nous nourrist.
MARTIN
Ung songart230 qui jamès ne rist,
Si ne vault rien pour nostre bende.
GAUTIER
Nous sommes contens qu’on nous pende
315 Se amassons argent ny or !
Souffisant231 est nostre trésor ;
C’est assez, nous sommes contens.
MARTIN
Joyeusement passons le temps
En faisant chansons, ditz, ballades232.
320 S’il a[d]vient que soions malades,
Nous savons où nous recueillir.
GAUTIER
L’ospital ne nous peut faillir233 :
Au pis aller, c’est ung refuge.
MARTIN
S(e) aulcun mal234 nous vient assaillir ?
GAUTIER
325 L’ospital ne nous peut faillir.
MARTIN
Vivre dehet, chanter, saillir235 !
Nous n’avons pas paour du déluge236.
GAUTIER
L’ospital ne nous peut faillir :
Au pis aler, c’est ung refuge.
MARTIN
330 Nous nous en raportons au Juge237 :
Nous n’avons ny escu, ne targe238.
Quant j’é ung grant blanc239, il me targe
Que le tavarnier l’ait en bource,
Tant ay grant peur qu’on me d[e]strousse.
GAUTIER
335 Nous n’avons ne maison, ne tente240,
[Et] on ne nous doit rien de rente.
Et sy241, nous devons conte ront242 ;
Ceulx à qui nous devons mouront,
Ou nous : et puis nous serons243 quittes.
MARTIN
340 Nous les payrons en pommes cuittes,
Noz debteurs244 ; ou en pastenostres.
GAUTIER
Ne sont telz abis que les nostres245 ;
Nous ne sommes que trop vestus.
MARTIN
Vive gallans, joyeux Fébus246
345 Par qui liesse est démenée !
GAUTIER
C’est vray.
MARTIN
C’est nostre destinée.
GAUTIER
Nostre mort n’est point machinée247
Pour trésor que nous amassons248.
MARTIN
S’en cest article nous pensons249,
350 Je prie à Dieu qu’il nous confonde !
GAUTIER
Gens dehet,
MARTIN
Gens de l’autre monde250,
GAUTIER
Nous ne prestons rien à usure.
MARTIN
Que nous fault-il ?
GAUTIER
Parolle ronde251.
MARTIN
Gens dehet,
GAUTIER
Gens de l’autre monde.
MARTIN
355 En effet, je veul qu’on me tonde252
Se j’amasse rien par mesure253 !
GAUTIER
Gens dehet,
MARTIN
Gens de l’autre monde,
GAUTIER
Nous ne prestons riens à usure.
MARTIN
Qui fera la desconfiture254
360 De nous deux ?
GAUTIER
La mort.
MARTIN
La mort ?
GAUTIER
Voire.
MARTIN
De cela aye bien mémoire :
Autre ne nous peut desconfire.
GAUTIER
Qui sommes-nous ?
MARTIN
Qui ? Gens pour dire255.
GAUTIER
Nostre cry256 ?
MARTIN
C’est : « Vive liesse ! »
GAUTIER
365 Qui grongne, qui ?
MARTIN
Qui nous rancune ?257
GAUTIER
Dehors, grongneux !
MARTIN
Saillez258, tristesse !
GAUTIER
Eschec259, argent !
MARTIN
Vuidez260, richesse !
GAUTIER
De qui tenons-nous ?
MARTIN
De la lune261.
GAUTIER
Au surplus ?
MARTIN
Pour toute promesse,
370 Nous ne tenons riens de Fortune.
GAUTIER
Tenir nous fault rigle262 comune :
Nous sommes assez grans seigneurs.
MARTIN
Pas ne voulons estre grigneurs263.
(Vélà ung mot bien compassé.)
GAUTIER
375 Quant ung homme a[ura] amassé
D’or et d’argent en une masse264,
Et puis quant sera trépassé :
L’emportera-il en sa tasse265 ?
MARTIN
Pour tous tribus, on luy compasse266
380 Sept piedz de terre massonnéz267.
Légièrement le temps nous passe268.
Telz nous voiez, telz nous prenez.
GAUTIER
Telz nous voiez, telz nous prenez.
Nous portons tout, de peur du feu269.
385 Quant nous feusmes sur terre néz,
Nous n’y apportasmes q’ung peu.
Se sommes povres270, de par Dieu,
Vive la pascience Job271 !
Nous n’avons maistre ny adveu272.
390 Se nous avons santé, c’est trop273.
MARTIN
Se nous avons santé, c’est trop.
Autrement ne nous soussions274.
Qui nous dit « bap ! », nous disons « bop ! »275 :
Vélà noz occupations.
395 Pour toutes rétributions,
Souffisance avons planière276.
Point n’alons aux processions :
Nous n’avons ne croix277, ne banière.
GAUTIER
Nous n’avons ne croix, ne banière,
400 Nemplus278 que ceulx de l’Observance ;
Et pour tenir de leur manière,
Nubz-piedz279 allons, par pénitance.
.
Si, prenez en gré la substance
De nostre Jeu, tel comme il est,
405 En supportant nostre ignorance ;
Et nous pardonnez, s’il vous plaist.
.
EXPLICIT
*
1 Les six ballades de l’édition Levet datent de 1461, et les cinq ballades du ms. de Stockholm datent d’avant 1456, d’après Thierry Martin : VILLON, Ballades en argot homosexuel, Mille et une nuits, 1998, pp. 6-8. 2 Cette Moralité fait parler l’argot à deux mendiants prénommés Gaultier. 3 Nous remercions vivement les Archives de l’État de Fribourg, en Suisse, et M. David Blanck, pour l’obligeance et la célérité qu’ils ont mises à nous fournir une copie numérique de cet imprimé, malgré le confinement que nous subissons. La bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg étant fermée, nous n’avons pu consulter le mémoire de licence de CHRISTINE DEMIERRE : Dialogue de Gautier et Martin : étude philologique, 2005. 4 Il l’a transcrite dans : Trois farces françaises inédites trouvées à Fribourg. « Revue du Seizième siècle », t. XI, 1924, pp. 157-192. 5 Mes écus sont finis, ont fait leur temps. « Il passe au bac,/ Maistre Pierre. » Le Testament Pathelin. 6 Plus rien ne cliquette dans ma bourse. 7 Gaiement. (Idem vers 296, 326, 351.) « –Tousjours dehet. –Esprit nouveau. » Marchebeau et Galop. 8 Il est au plus bas. Cf. J’ay veu le temps que j’estoye à bazac. 9 Quand on le souhaite. 10 Peu. 11 Bête. 12 Tenir tête à l’ennemi. « En danger d’avoir ung assault,/ Nous tiendrons bons termes. » Les Sotz escornéz. 13 Hurlement que poussent les diables, comme Lucifer dans le Munyer : « Brou ! je suis tout enpuanti. » 14 Cette onomatopée transcrit le bruit que fait Gautier en crachant par terre pour mieux afficher son mépris de l’argent. 15 Autant. Idem vers 135. 16 Ohé ! Cet appel suscite toujours une réponse en écho : « –Haye ! –Haye ! » Les Coppieurs et Lardeurs. 17 L’imprimé intervertit cette réplique et la suivante. Voir les refrains 14 et 20. 18 Éd. : iesionyr (J’écris la 1ère syllabe de « chascun » en bleu clair parce qu’elle n’apparaît plus sur le papier : voir ma notice.) 19 Sans poser de questions. 20 « –Penses-tu vivre sans rien faire ?…./ –Y me fault trouver quelque lieu/ Où pouray vivre sans rien faire. » Troys Gallans et Phlipot. 21 Sergent, lieutenant du maire. 22 Dans les cachots, une paillasse tenait lieu de lit. Gautier, qui sort donc de prison, revient à son « cagnard », le recoin où il dort d’habitude. Mais Martin s’y est installé. 23 De me tuer pour si peu. 24 Je bois au mal nourri, au rachitique. 25 Je bois à celui qui est né avant terme, à l’avorton. « Désadvoues cet avorton, ce trop tost né ! » La Barillère. 26 Il n’y a plus rien à manger. 27 Sont trop courts. 28 On trousse. 29 La maille vaut un demi-denier. Idem vers 136. 30 Bouffé, comme au vers 114. « Menger, riffler et transgloutir. » (Pates-ouaintes.) Ici commence la partie en jargon ; Paul Aebischer fut conseillé par LAZARE SAINÉAN, l’auteur des Sources de l’argot ancien, t. I, 1912. 31 En plein jour, quand le soleil était haut. 32 En plein jour, n’ayant pas les moyens d’acheter des chandelles pour veiller le soir. 33 Couché. Le peautre est une paillasse : « De nuyt couchéz à nostre peaultre. » Les Maraux enchesnéz. 34 Sur la dure planche. « Cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, exposé au soleil, où les vaut-riens & fainéants s’assemblent à rien faire & estre le ventre au soleil. » (Jean Nicot.) Le Gueux des Souhaitz du monde parle du sien : « Soubz le caignart où je faitz mon repaire. » Cf. les Bélistres, vers 98. 35 Riche. Idem vers 113. 36 L’heur, la chance. Dans Villon 3, « Faisons/ La fée » se traduit par : Tendons un piège. 37 De la fée Morgane. 38 Comment va. 39 Je m’adonne à la mendicité. « As-tu jamais esté en drogue en ce pasquelin [pays] de Berry ? » Ollivier Chéreau, le Jargon, ou langage de l’Argot réformé. 1630. 40 « Ilz appellent argent aubert. » (Jehan Rabustel, procureur de Dijon qui mena l’interrogatoire des Coquillards, en 1455, et qui est par conséquent l’auteur du tout premier dictionnaire d’argot.) Idem vers 67. 41 Il n’a plus cours, comme une monnaie bonne pour la refonte. 42 Éd. : piece a (Depuis longtemps.) « Ne feust l’aide du noble Mardigras (…), Quaresmeprenant les eust jà piéçà exterminées de leur manoir. » Rabelais, Quart Livre, 29. 43 Éd. : bec (Je viens me mettre au sec, vêtu seulement d’un corset.) 44 Je cours, je m’enfuis. (Idem vers 58, 73, 84.) « Brouez au large, et vous esquarrissez ! » Villon 8. 45 Je sors sans manteau, de peur d’avoir trop chaud. On connaît plusieurs variantes de cette vieille plaisanterie : « L’un son soulier persoit,/ De peur du chaud. » Le Resveil des Chrestiens. 46 « Riens en recepte, tout en mise. » Mallepaye et Bâillevant. 47 Sous cette planète : c’est ma destinée. « Orbastie (…) n’ayma oncques elle ny aultre, tant estoit née en mal gracieuse planette. » Nicolas de Herberay. 48 Nettoyé, ruiné. « En la fin, je l’afine/ Ainsi net que quant il fut né. » Le Dorellot. 49 Éd. : Le (Je suis purifié, débarrassé de mon argent.) 50 Ruiné. « Il est defferray tout à plat./ Vous le voyez eschec et mat. » Le Dorellot. 51 Bien habillé. « Robbe doublée de tafetas./ Chascun d’eux, si, n’a de quoy vivre,/ Et veulent porter telz estas. » Guillaume Coquillart, Monologue des Perrucques. 52 Éd. : Mais (Où j’affrontai aux dés, par tricherie. « Joncheurs jonchans en joncherie. » Villon 5.) 53 Il n’avait même pas une cotte de mailles pour se couvrir. Ce vers est recyclé à 78. Nos deux tricheurs prétendent gagner au jeu les vêtements de leurs victimes, mais ils n’ont rien à se mettre : ou ils trichent mal, ou ils se vantent. 54 Aebischer comble cette détérioration avec « saint Éloy » ; or, l’auteur privilégie les rimes riches. « Saincte Croix !/ A ! garde-t’en, se tu m’en croyx ! » (Le Porteur de pénitence.) La croix étant le côté face d’une monnaie, « sainte Croix » désigne facétieusement la patronne de ceux qui ont — ou qui cherchent — de l’argent : « C’est dommaige, par saincte Croix,/ Que l’on ne vous paye trèsbien. » (Jehan qui de tout se mesle.) 55 Je lui ôtai sa bourre, son argent. Idem vers 76. 56 Deux capes. « Il foncera [paiera], se je puis,/ Ou il y laissera l’endosse. » Le Dorellot. 57 « Georget : pourpoint. » Péchon de Ruby, la Vie généreuse des mercelots, gueuz et boësmiens, contenant leur façon de vivre, subtilitéz & gergon [jargon]. 1596. 58 Plus volontiers qu’un auget. Ainsi se nomme la pelle en bois qu’empoignaient les vagabonds condamnés à nettoyer les alentours de la prison du Châtelet ou les fossés parisiens : « Trois haies de sapin pour faire les augetz à gecter l’eaue des fondemens du bolevart. » (Godefroy.) Voir l’usage parcimonieux qu’en font les Maraux enchesnéz. 59 Je m’enfuis de chez mon hôte. Prononciation argotique de l’italien ospite. 60 Je mets au défi tous les pipeurs de dés. « Ung pipeur, c’est ung joueur de déz et d’aultres jeux où il y a advantaige et décepcion [tricherie et tromperie]. » Jehan Rabustel. 61 Martin a donc fait les guerres d’Italie. Les Français occupèrent le duché de Milan de 1499 à 1513. 62 Éd. : desbourte (Note 55.) Le brelan est la table des joueurs de dés. 63 À avoir plus de points qu’eux. 64 Bruit qu’on fait en crachant par terre pour exprimer son dégoût. « Pouac ! vous avez vessy [pété]. » (Calbain.) Cf. la Ballade de champ royal, vers 41. 65 Ce sont là. 66 Éd. : les (Gourpin semble être une déformation argotique de pourpoint. D’après le vers 97, celui-ci est rembourré avec des plumes, ce qui n’était pas rare : voir la note 123 de la Pippée.) 67 Éd. : hargne (Herme = petite monnaie de bronze.) Ce mot rime en -erne : « Car je n’ay ne pion ne herme/ De quoy je peusse, en la taverne,/ Avoir du vin une choppine. » ATILF. 68 À Paris. « À Parouart, la grant mathe gaudie. » Villon 1. 69 « Vergne : ville. » (Péchon de Ruby.) Idem au vers 116. « En ceste fameuse vergne de Paris, au lieu qu’on appelle le Port-au-Foin. » Response et complaincte au Grant Coësre sur le “Jargon de l’argot réformé”. 1630. 70 Un sergent : « Par les anges suivans la paillardie/ Sont greffiz et prins. » (Villon 1.) La poue = la patte. 71 Pour me griffer, m’empoigner. « Seroit-ce point le marieux [bourreau]/ Qui vient icy pour nous graffer ? » Les Tyrans au bordeau. 72 « Les jambes, ce sont les quilles. » (Jehan Rabustel.) Gautier joue des jambes, s’enfuit. « Poussez de la quille, et brouez ! » (Villon 5.) 73 Sur le territoire. « Se treuve point quelque Laurence [prostituée]/ Aulcuneffoiz sur le terrant ? » Les Premiers gardonnéz. 74 Cæli enarrant : Les cieux racontent. (Psaume 19.) 75 La terre du Seigneur. (Deutéronome.) Gautier veut dire qu’en cherchant la terre, il a trouvé le ciel, la liberté. 76 Du vrai. Martin, qui est moins bon latiniste que son compère, veut sans doute dire : En vérité ? 77 Ce sergent me le paiera. « Bien le comparrez,/ Car demain le matin mourrez ! » ATILF. 78 Aebischer propose de lire « péteillé », qui a le sens de « piler, écraser ». 79 Ce cachot. « Enmahés en coffres, en gros murs. » (Villon 1.) Nous avons toujours le verbe coffrer. 80 Éd. : mon 81 Je me serais tortillé sous les coups de verges. 82 Le bourreau, qui marie le supplicié à la Mort. « Qui est en plant en ce coffre joyeulx,/ Pour ces raisons, il a, ains qu’il s’escroue,/ Jonc verdoiant, havre du marieulx. » Villon 10. 83 Tout au long de la voie. Attaché torse nu « au cul de la charrette », le condamné était fustigé à tous les carrefours : lui et son bourreau arpentaient donc les rues. « Car qui est grup [condamné], il a, mais c’est au mieulx,/ Par la vergne [ville], tout au long de la voue [voie],/ Jonc verdoiant, havre du marieulx. » Villon 10. 84 Éd. : ioues (Les verges. « Se j’en debvoys avoir le jonc/ Et bastue. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) 85 Une double pinte de vin : « Je suis contant de paier quarte/ Pour desjeuner. » Jehan qui de tout se mesle. 86 Éd. : floc (« Flouant : jeu. » Ollivier Chéreau.) 87 Aux cartes. « Jouer aux déz, aux quartes. » Jehan Rabustel. 88 En extorquant un pourpoint rembourré de plumes. 89 Aebischer évoque le « passe dix », un « jeu à trois dés où l’on peut amener plus de dix ». Mais cela n’a aucun rapport avec les cartes. Le Roux écrit dans son Dictionnaire : « Un homme en fait passer quinze pour douze à un autre, quand il trompe celui qui a en lui quelque confiance. » 90 Surveille ton bec, tais-toi. Cf. les Tyrans, vers 179. « Luez au bec, que ne soiez greffiz. » Villon 1. 91 Du museau. Jehan Rabustel a consigné l’expression originale : « Ferme en la mauhe, c’est celluy qui se garde bien de confesser riens à Justice etc., lorsqu’il est prins et interrogué. » 92 Chanter quatre, ou chanter trois : dire des mensonges. « Chantez-leur trois sans point songer. » Villon 5. 93 Les becquets sont probablement des rapporteurs, qui ont « bon bec ». 94 Peur. Idem vers 327. 95 On chantonne ce refrain pour signifier qu’on n’est pas concerné par ce qui vient d’être dit. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 163. 96 Éd. : aubet (Voir les refrains 100 et 106.) L’imprimé distribue le reste du vers à Gautier. 97 Que je baisse mes houseaux, que je me déculotte. 98 Éd. : Nyues nyues (Tout ce passage est une incitation à nier lors des interrogatoires.) 99 Sans bavardages. « Sans faire plus long caquet. » Les Repues franches de maistre Françoys Villon. 100 Il n’y a rien à acquérir, à gagner. 101 Tout ce que tu possèdes est à la merci du hasard. « Risquer le paquet : Hazarder, courir hazard, risque, fortune. » Le Roux. 102 Miroir aux alouettes. « –Bon guet ! –Son pour la caille ! » (Mystère des Trois Doms.) On capture les cailles sauvages en produisant un son avec un appeau nommé caillier. « [Il] le maine com l’oiselier/ Fait la caille au son du caillier. » (ATILF.) « En avril, prenoie les cailles…./ En venant au son du caillier,/ [Elles] se laissoient prendre. » (ATILF.) « Au premier son on ne prent pas la caille. » (ATILF.) 103 Le pauvre hère échauffé par l’alcool. Beaucoup de voleurs opéraient en duo : l’un des deux détournait l’attention de la victime, et l’autre la détroussait. Voir les Repues franches. 104 Mange, vole. 105 Je lui couvre la tête avec un foulard de soie, pour qu’il ne voie pas que je triche. 106 Sorte de casque. « J’ay mon bonnet d’escaille/ Et ma belle cote de maille. » Mistère de la Passion. 107 Meilleur. Idem vers 373. 108 C’est bon pour un changeur de monnaies, pour un usurier. 109 « Fy de thrésor ! Je ne désire,/ En ce monde, qu’avoir Sancté. » (Deulx Gallans et une femme qui se nomme Sancté, LV 12.) Gautier réaffirme l’importance de la santé aux vers 192 et 390. Cette scène est du plus haut comique : les deux mendiants qui jouissent d’une si bonne santé exhibent de fausses blessures, de faux ulcères, de fausses gangrènes et de fausses infirmités pour apitoyer les passants. Le chirurgien Ambroise Paré dénonça les artifices des gueux et « leur meschanceté et imposture ». 110 Le mot de passe, le sésame qui ouvre toutes les portes. « Non ayant autre moyen pour s’entrecongnoistre, sinon par le cry de la nuyt en le demandant l’ung à l’autre. » Claude de Seyssel. 111 Forgeron. Ou faux-monnayeur : Jehan Rabustel découvrit chez l’un d’entre eux « ung petit enclumeau à pampes aiant une pointe pour le fischer sur un plot de bois et forger dessus ». 112 « Ung vendengeur, c’est ung coppeur de bourses. » (Jehan Rabustel.) « Car vendengeurs, des ances circoncis [on coupait les oreilles aux voleurs],/ S’en brouent du tout à néant. » (Villon 1.) 113 De raisin pelé : de marchandises impossibles à revendre. 114 Tout comme Fortune, Malheur est une personnification allégorique. Idem vers 265. 115 Avec prudence. « Et le suivez tout par compas. » Frère Frappart. 116 Éd. : aloige (Je corrige la même bizarrerie aux refrains 138 et 142.) Le mot horloge n’avait pas encore acquis sa forme et son genre définitifs. « Je suys juste comme ung reloge. » La Pippée. 117 Et de pièces de monnaie frappées d’un léopard. 118 Ni dépôt. 119 « River : foutre…. Bis : con…. La chambrière (…) se vient mettre contre moy. Je fuz tout estonné, comme n’ayant jamais rivé le bis. » Péchon de Ruby. 120 « Gourdement : beaucoup. » Ollivier Chéreau. 121 À l’auberge du clair de lune : il couche à la belle étoile. 122 Nous avons été coulés dans un même moule. 123 En signant des reconnaissances de dettes, comme Marchebeau et Galop (vers 74), ou Mallepaye et Bâillevant (vers 126). 124 Paya. Comme tous les filous, Mallepaye et Bâillevant ont eux aussi la farce de « Pathelin en main ». 125 Qui y trouve à redire ? « Qui dit ? Qui grongne ? Qui grumelle ? » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 126 Nul ; personne. Idem vers 259 et 283. 127 Railler. « C’est le mestier de mainte gent/ Que de coppier. » Les Coppieurs et Lardeurs qui sont copiéz et farcéz. 128 Comme des « Enfants sans souci ». Dans la sottie de la Réformeresse, la pingrerie des mécènes est déplorée par des « Enfans sans soucy ». Gautier et Martin revendiqueront de nouveau ce titre : « –Quels gens sommes-nous ? –Sans soucy. » La joyeuse « bande » dont ils se réclament (vers 15 et 313) rappelle la « bende friande galande » qui, dans la Réformeresse, se gargarise des abus qu’elle commet. Tous ces profiteurs assument la même paresse, le même attrait des plaisirs faciles, du jeu et des chansons. 129 Éd. : Qui (Les caprices de la roue de Fortune sont encore dénoncés aux vers 177-8.) Camus = piteux. 130 Réjouissons-nous. C’est le refrain des chansons d’étudiants. On prononçait godéamu. 131 Éd. : Cherie (« Franc-Gontier et sa compaigne Hélaine » inspirèrent à Villon les Contreditz de Franc-Gontier.) 132 Si on nous a prêté des draps. Nouvelle allusion au drapier de Pathelin : « Me cousta, à la Magdalaine,/ Huit blans, par mon serment, la laine…./ Je n’ay point aprins que je donge/ Mes draps…./ Je ne les eusse point acreus. » 133 C’est elle qui nous héberge. 134 Et de : le manque d’argent et de beau tissu. 135 Du pain blanc, réservé aux riches, ou du pain mal raffiné. 136 Comment je me réjouis. « Huby et gay, gent et gaillart. » Le Povre Jouhan. 137 En haut comme en bas, d’un côté que de l’autre. 138 Du vent arrière, qui nous pousse en avant. 139 Le retour de Bon Temps est le sujet de beaucoup de pièces ; voir par exemple la Première Moralité jouée à Genève. Bien sûr, Mallepaye et Bâillevant l’attendent eux aussi : « Quant reviendra le bon temps ? » 140 Trop de temps à revenir. 141 Éd. : estime pugne (Il faut qu’il règne à son tour.) 142 C’est la première marche de l’escalier : c’est un bon début. « En montant les pas du degré. » La Muze historique. 143 Éd. : sens (On ne nous verse aucune rente, ni l’impôt du cens.) 144 Avares. 145 Éd. : ces cinqc ns (Tel a tous ses sens en éveil.) 146 Galette faite avec de la farine bise, mal raffinée. Mais ce vers devrait contenir un nom de lieu. On a peut-être expurgé une allusion aux souteneurs des prostituées qui occupaient la rue Brise-miche, à Paris. 147 De l’étang dont on a pêché tous les poissons. Le noble désargenté du Gentil homme et son Page en possède un semblable. 148 Quand il est pendu pour avoir trop parlé. L’argot servait surtout à mettre en garde les bavards ; voir le vers 100. 149 On le pousse dans le vide. « Sa rançon sera au gibet…./ On luy donra ung soubressault. » Vie de sainct Christofle. 150 La corde. 151 Éd. : le (C’est par sa faute. Ou, en terme de droit : C’est parce qu’il n’était pas présent à son procès pour se défendre.) 152 Celui qui. 153 Ne nous manque : on n’a plus besoin de rien. 154 Sont en bonne réputation. « Nous trouverons la voie/ D’avoir le bruit. Nous serons les plus grans. » Les Sotz escornéz. 155 Sont cassés de gages, sont tombés en défaveur. 156 Élégants avec ostentation. Cf. la Folie des Gorriers. Nous arrivons à la satire des pauvres qui veulent passer pour riches en suivant des modes ridicules. 157 Bien attifés. « Fus-je acoustré, fus-je agencé,/ Bien peigné. » Le Résolu. 158 Cf. le Gentil homme et son Page. 159 Ils ont une mauvaise monture. Cf. Mallepaye, vers 176. 160 Minces, mal fournis. Idem vers 228. « Tu es bien mince de pécune. » (Les Bélistres.) La forme misse est attestée : « –Il fust bien temps que je disgnisse [dîne]./ –Vostre mesnage est si très misse/ Qu’il n’y a céans pain ne miche. » (Le Pont aux asnes, BM 25.) 161 Le service dans une place forte gardée par de vieux soldats qui ne touchent qu’une demi-solde. « Rendre me fault, par mes aveaux,/ En quelque vieille morte-paye :/ Mon pourpoint est de vieille soye,/ Dérompu et tout décassé. » G. Coquillart, Monologue des Perrucques. 162 Se vante qu’il peut en trouver. 163 Il lave ses habits, faute d’en avoir de rechange. 164 N’a plus que la trame. 165 Les élégants arborent une chemise froncée : « Dessoubz le pourpoint, la chemise/ Froncée. » (Le Résolu.) Fron-ci-e et gor-gi-as comptent chacun pour 3 syllabes. 166 Éd. : gorgeas (Forme correcte à 248.) Le gorgias couvre la gorge des femmes : « Elz ont icy ung grant gorgias ;/ S’elz ne monstrent tout le fatras,/ Par mon âme, tout n’en vault rien ! » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 167 « S’elz ne monstrent tout le fratras. » Note 166. 168 Avec de larges manches. « De satin, pourpoins à grans manches,/ Et hocquetons pareillement,/ Bien cours, qui ne passent les hanches. » Folle Bobance, BM 40. 169 Idem vers 245. Les galants veulent un col bas pour qu’on voie leurs colliers : « Chaînes d’or, colliers d’abondance/ Pour porter sur ses bas colletz. » (Folle Bobance.) Les hommes qui sont un peu « collet monté » le préfèrent haut : « Cousturier, faites-moy, à hault/ Collet, une robbe bien faitte. » (Seconde Moralité de Genève.) 170 De la peau de chevreau. 171 Un miroir, un peigne, une cuvette. 172 Le shampooing à base d’oignon pour faire blondir les cheveux. 173 La cruche d’eau pour se rincer la tête. « Une aiguière d’argent doré, et une grande cruque d’argent pour mectre de l’eau. » Jehan de Vandenesse. 174 Leur tignasse. « À Paris, ung tas de béjaunes/ Lavent trois fois le jour leur teste,/ Affin qu’il aient leurs cheveulx jaunes…./ Hector se pourmaine au soleil/ Pour faire sécher sa perrucque. » Coquillart, Perrucques. 175 Une cape munie d’un capuchon. 176 On plaçait dans les armoires à linge des sachets de plantes odoriférantes. Cf. la Pippée, vers 354. 177 Déguerpit de l’auberge. 178 Il laisse des dettes. « Planter ung beau rosier chez l’oste. » (Coquillart, Perrucques.) « [Je le] convie/ D’aller en quelque morte-poye,/ Et luy commande qu’à sa voye [en chemin]/ Il me plante de beaux rosiers. » (Folle Bobance.) 179 Du gosier inemployé : il meurt de faim. 180 Encore un affamé, d’après la farce du Capitaine Mal-en-point. 181 Le bourreau s’en servait pour fustiger publiquement certains condamnés. C’est le « jonc verdoyant » du vers 93. 182 Éd. : Et nont pas (Voir le balancement entre l’un et l’autre aux vers 6, 7, 112, 165, 166, 187, 188, 203, 207.) 183 Élégants, qui aiment se fringuer. Le rythme de ce vers sera repris dans Mallepaye et Bâillevant : « –Fringans, –bruyans, –allans, –parlans. » 184 Contraints à la mendicité. Idem vers 240. Voir la note 39. 185 Éd. : Prestz de la turne (La rime est en -une.) « La thune : l’aumosne…. En cette vergne [ville], fiche-on la thune gourdement ? » (Ollivier Chéreau.) En argot moderne, la thune désigne toujours l’argent ; et nous avons gardé l’expression « Être près de ses sous ». 186 Éd. : a fynes souuent ont (On plume les fines mouches. « Fine affinée et pleine de finesse. » Rondeau.) 187 Pauvre. Cf. les Tyrans, vers 68. « –Il ne vault rien, non, pour foncer [payer]./ –Pourquoy ? –Il est trop bas de poil. » Le Dorellot. 188 Éd. : pour 189 Pour peu qu’il ait sur son chapeau. 190 Aux gens de la Noblesse. 191 Jouisseurs, plaisantins. Cf. la Ballade pour ung vieil gaudisseur caducque et la sottie du Gaudisseur. 192 Éd. : pensent (Ne nous payent que de mots. « Payant seulement de langage. » Marchebeau et Galop.) 193 Éd. : en court / Martin 194 Contrefaire le sage. « Trenchant du sage. » Repues franches. 195 Bons, habiles. « Il a de l’aubert [de l’argent] et du caire [’’]./ Il est gourt ; si, scet son mestier. » Maistre Doribus. 196 Contraints à la mendicité. Idem vers 228. « N’espargnez trésor ne chevance [richesses],/ Combien que soyez droguelès. » Folle Bobance. 197 Malgré eux. Il existe de nombreuses variantes de cette imprécation : « Y fault que vous venez/ Malgré vos dens et vostre cœur ! » Jehan de Lagny. 198 « À pié par faulte de cheval. » Coquillart, Perrucques. 199 Branche d’arbre dépouillée de son écorce, et servant de canne aux mendiants. « Me voilà réduit au baston blanc. » (Godefroy.) On nommait peut-être cette canne un « valet », comme le manche d’une faux. 200 De loin, le laiton peut passer pour de l’or. « Fringueurs à huitaines/ Ont chaînes (…)/ De beau laton. » Coquillart, Perrucques. 201 Les souliers carrés, alors à la mode, étaient si larges que les moqueurs les appelaient « souliers à dormir debout ». 202 C’est de bon ton, selon la mode en vigueur. 203 Élégants. « –Entre les gorgias ? –Mignons ! » Mallepaye. 204 Porteurs de perruques. « Ilz se pourmainent hault et bas,/ Fringans, faisans les perruquins./ Quant la chausse est rompue par bas,/ Ilz chaussent ungz vielz brodequins. » Coquillart, Perrucques. 205 Quand les bas sont déchirés, il faut les dissimuler sous des bottines montantes. « Que je voy porter brodequins/ À ces povres frans musequins,/ Par-dessus leurs chausses persées ! » (Les Rapporteurs.) « Ces fringans mondains/ Qui portent ces beaux brodequins /Dessus la chausse déchirée. » (Ung Fol changant divers propos.) 206 « Faire le pié-derrière : Saluer, faire la révérence à quelqu’un. » (Le Roux.) « Humble, je fis le pié derrière. » (La Muze historique.) C’est aussi un terme du jeu de quilles. 207 Éd. : ou la 208 À l’attaque ! Les vers 257-268 exploitent le registre militaire. 209 Question que pose la sentinelle, et à laquelle on doit répondre en donnant le mot de passe. (Cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 154-6.) « –Qui vive ? –Qui ? Mondain plaisir./ Vuydez, Maleur ! » Folle Bobance. 210 L’embuscade galante. 211 Un mastic a fait tomber cette rubrique au-dessus de celle de Martin, au vers 270. 212 Où allons-nous ? 213 En bon ordre. 214 Le bât, la selle qui écorche le dos de l’âne. « Je sçay mieulx où le bâs m’en blesse/ Que vous n’ung aultre ne sçavez. » Pathelin. 215 À la suite d’Aebischer, je complète ce décasyllabe d’après les refrains 284 et 292. 216 Totalement loyaux. 217 Fidèle. Nous passons en décasyllabes jusqu’au vers 292. 218 Un paradis. 219 Élus, prédestinés. 220 Abondance. Allusion au cri de guerre des rois de France : « Montjoie ! Saint Denis ! » 221 Une renommée. 222 Plaisirs. 223 Les trois fleurs de lis d’or sur champ d’azur sont les armes des rois de France. Les argotiers, qui avaient leur propre royaume, ne les oubliaient pas dans leurs prières à Dieu : « En te priant aussi de tousjours conserver/ La noble Fleur de Lys. » Ollivier Chéreau. 224 Digne d’être fêtée. 225 Totalement, parfaitement. Idem vers 281. 226 Cette chanson de Ninot le Petit venait d’être composée. Gautier chante horriblement faux. 227 L’imprimé scinde cet octosyllabe en deux. 228 On pourrait en faire un roman. 229 Celui qui possède le moins a le moins de soucis. 230 Un songeur, un mélancolique. « Songears ne soiez pour dorer. » Villon 1. 231 Éd. : Souffisance 232 Dans la Réformeresse, on fait ce reproche aux Enfants sans souci : « Faictes-vous poinct quelque dizain,/ Quelque rondeau, quelque huictain/ Pour envoyer à vostre amye ? » 233 Ne nous abandonnera pas. « Quand nous avons vidié nos potz (de vin),/ À l’hospital prenons repos. » Jehan Molinet, Chanson sur l’ordre de Bélistrie [mendicité]. 234 Si une maladie. 235 Danser. 236 Nous nous moquons des menaces de l’Église. 237 Au juge suprême, le jour du Jugement dernier. 238 La targe est une monnaie. Étant pauvres, nous entrerons au royaume des cieux, contrairement aux riches. 239 Pièce de monnaie qu’on dépensait souvent à la taverne : « Tu me verras tantost humer [boire]/ Ce grant blanc à la Bonne Pie. » (Trote-menu et Mirre-loret.) Targer = tarder. 240 Éd. : tour (Correction d’Aebischer.) 241 Éd. : cy (En revanche.) 242 Un compte rond. 243 Éd. : seront 244 Nos débiteurs. Les patenôtres sont des prières. 245 Il n’y a pas d’habits aussi rapiécés que les nôtres. 246 Phébus, soleils. « Quand elle vous verra, brillant comme un Phébus. » Scarron. 247 Provoquée. Nous ne risquons pas d’être tués par des voleurs. 248 « Pour trésor que j’aye amassé,/ Laron ne se fera jà pendre. » Coquillart, Perrucques. 249 Si nous songeons à amasser des trésors. 250 Incroyables. « Deux gaudisseurs de l’autre monde. » Les Maraux enchesnéz. 251 Un simple mot. 252 Je veux bien qu’on me traite de fou. Sur la tonsure en croix qu’on infligeait aux fous, voir la note 31 des Sotz triumphans. 253 Si j’acquiers de l’argent en quantité suffisante. 254 La déroute. 255 Des gens à dire avec insolence « D’où venez-vous ? », comme Mallepaye et Bâillevant aux vers 35 et 164. « Ung homme/ Franc pour dire : “Dont venez-vous ?” » Coquillart. 256 Notre devise. « –Vostre cry, quel ? –“Nouvelle guise !” » Mallepaye. 257 Qui nous querelle ? 258 Sortez. 259 Gare ! « Eschec qu’acolléz ne soiez/ Par la poue du marieux [par la patte du bourreau] ! » Villon 5. 260 Videz les lieux ! 261 Nous sommes lunatiques. « Mignons qui tenez de la lune. » (Jeu du Prince des Sotz.) Mais voir le vers 141. 262 Une règle, une façon de vivre. 263 Meilleurs. 264 En quantité. 265 Dans sa bourse. « Prens dix escus en ma tasse. » Le Ramonneur. 266 On lui mesure. 267 Surmontés par un caveau. 268 Pour nous, le temps passe vite. 269 Nous avons sur nous tout ce que nous possédons : dans une maison, cela risquerait de brûler. 270 Éd. : pourres 271 Ce personnage biblique devint « pauvre comme Job », mais il supporta patiemment sa pauvreté. Un Mystère s’intitule la Pacience Job. 272 Ni seigneur dont nous serions les vassaux. « Vagabonds, gens sans maistre ny adveu. » ATILF. 273 C’est déjà beaucoup. 274 Nous n’avons aucun autre souci : nous sommes des Enfants sans souci (note 128). 275 « Qui me dit “sap !”, je luy dis “soup !”. » L’Avantureulx. 276 Nous en avons pleine suffisance, nous en avons largement assez. 277 Jeu de mots : la croix est une pièce de monnaie. 278 Non plus, pas plus. Les cordeliers de l’Observance avaient plutôt une réputation de débauche que de piété. 279 Contrairement aux carmes déchaux, les cordeliers n’allaient pas pieds nus, sauf quand ils voulaient passer pour des saints : « L’an 1517, vint à Genève prescher ung cordellier pieds deschaux, nommé frère Thomas. » François de Bonnivard.