L’AVEUGLE ET PICOLIN
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L’AVEUGLE
ET PICOLIN
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Dans sa Vie de sainct Christofle (~1510-1514), Claude Chevalet nous donne en exemple un clochard aveugle et son valet, qui profitent de la naïveté des chrétiens. Ce duo comique intervient dans beaucoup de farces et de mystères : voir la notice de l’Aveugle, son Varlet et une Tripière.
Source : La Vie de sainct Christofle, élégamment composée en rime françoise et par personnages par maistre Chevalet. Imprimé à Grenoble en 1530. Bibliothèque nationale de France, Rés. Yf. 116. Édition critique de Pierre SERVET : La Vie de sainct Christofle ; Droz, 2006.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Deux mendiants — un vieil aveugle et son valet — sont assis par terre, dans la rue. L’aveugle porte une vielle en bandoulière ; Picolin boit à une énorme bouteille, puis il la repose discrètement près de son maître.
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PICOLIN SCÈNE I
Nous deussions bien amasser mousse1 :
On ne bouge plus d’une place.
L’AVEUGLE
Que diable veulx-tu que je face ?
Tous les jours courons par ces portes2,
5 Mais les aulmosnes sont si courtes
Que vers nous ne peuvent venir.
PICOLIN
Vous voulez-vous icy tenir
Pour les avoir ? On les vous forge3 !
Ne faictes que bailler la gorge4 :
10 Vous aurez vostre compte rond
Pour avaller…
L’AVEUGLE
Quoy ?
PICOLIN
Ung estront,
Affin que bien vous le sachez !
Car (par Dieu !) si vous ne marchez,
Je ne sçay plus de quel boys tordre5.
L’AVEUGLE
15 Et ! comment ? N’avons-nous que mordre
Ne que boyre en la bouteille ?
Ce seroit une grant merveille
Qu’elle fust vuyde, somme toute !
PICOLIN
Il n’en y6 a pas une goutte :
20 Soyez seur qu’ell’ est despêchée.
L’AVEUGLE
Ta gorge l’a ainsi séchée ;
Elle porte ung mauvais vent.
PYCOLIN
Ou vous la baisez7 trop souvent,
Dont nous vient celle sécheresse.
25 Cuydez-vous que le vin y croisse,
De tousjours oster et rien mettre ?
L’AVEUGLE
C’est trop hault parlé à son maistre !
Pour te déclairer la teneur8,
Tu ne me porte point d’honneur,
30 Puisqu’il convient que je le die.
PICOLIN
Et quel honneur (maulgré ma vie !)
Voulez-vous donc que je vous face ?
Je vous ay servy long espace9 ;
Et si, n’ay ne denier ne maille10.
L’AVEUGLE
35 Je n’ay rien que je ne te baille,
Soit ou andoulle11 ou jambon.
Et qui nous donne rien de bon12,
Tu en as le premier lopin.
PICOLIN
Le premier ? Non ay, par Jupin !
40 Le premier n’a garde de choir :
Vous le prenez sur mon trenchoir13
Aulcuneffoys, par souspeçon14.
L’AVEUGLE
Tu es cault15 — j’entens bien le son —,
Et prens du meilleur qu’on me baille.
45 Mais allons avant, ne te chaille,
Pour sçavoir s’on nous donra rien16.
PICOLIN
A ! par Dieu, je vous entens bien !
Vous ne demandez que desbat17.
L’AVEUGLE
Je ne le dis que pour esbat18,
50 Puisque la matière est ouverte19.
Mais tu as la teste si verte20
Et si creuse que c’est pitié !
PICOLIN
Vous l’avez pire la moytié,
Et l’aurez tant que vous vivrez.
55 Despêchez-vous et me suyvez,
Ou (par Dieu) je vous laisseray.
L’AVEUGLE
Allons ! Car je ne cesseray
De faire sonner ma vïelle21
Tant que j[’en] aye ou pied ou hèle22
60 — Dont tu auras tousjours ta part.
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PICOLIN SCÈNE II
Si vostre vï[e]lle fust preste,
Nous eussions escus à milliers :
Ne voyez-vous ces chevaliers ?
Allez leur dire23 une note !
L’AVEUGLE
65 Comment dea, « voyr » ? Je n’y voy goutte
Autant du cul que de la teste24 !
Mais encores es-tu plus beste
De me dire que je le[s] voye.
PICOLIN
Disons quelque chançon qu’on oye,
70 Affin que nous ayons argent.
L’AVEUGLE
« Donnez au pouvre indigent
(Mes beaulx seigneurs) qui ne voit rien,
Une maille ! »
PICOLIN
[Ung] estront de chien !
Demandez plus grosse monnoye !
75 Et parlez hault — qu’on ne vous oye25 —,
Sans demander denier ne maille26 !
L’AVEUGLE
Et ! cuyde-tu bien qu’on nous baille
Escus ?
PICOLIN
Et pourquoy non, beau sire ?
Il n’en griève non plus à dire
80 « Ung ducat » qu’il fait « ung denier »27.
L’AVEUGLE
Dea ! si tu estois aulmonyer,
Je ne te cognois point si large
Qu’on eust de toy escu ne targe28 :
Tu es trop rouge à la taille29.
PICOLIN
85 Et s’il advient qu(e) escus on baille,
Maistre, les reffuserez-vous ?
L’AVEUGLE
Ce n’est pas monnoye pour nous,
Si tu entens le jobelin30.
PICOLIN
« En l’honneur du dieu Apolin,
90 Et d’Herculès le fort géant,
Donnez au pouvre non-voyant
— Qui a perdu le luminaire31
À la taverne pour trop boyre —
De voz ducatz une douzaine ! »
L’AVEUGLE
95 Mais ta forte fièbvre quartayne !
Tu me porte bien peu d’honneur !
Dy que je suis ung grant seigneur
Adveuglé par [la] tyrannye32
Des Turcs au siège d’Albanye :
100 Tu les en debvrois advertir.
PICOLIN
Que gaignerois-je de mentir ?
« Le vin l’a faict33, sans contredire !! »
L’AVEUGLE
Vérité n’est pas belle à dire
Tousjours : il y a temps et lieu.
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Les deux païens ont la chance de tomber sur des nouveaux chrétiens que leur conversion a rendus gâteux. Tous les quatre donnent leur bourse au mécréant Picolin.
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LE CONTE SCÈNE III
105 Tien, mon amy : prens cest[e] aulmosne !
GRACIEN
Et moy cela, que je te donne
En l’honneur de Jésus, mon maistre.
FLORIDÈS
Prens cela ! Pense de le mettre
En ton sac, pour te secourir.
BROADAS
110 Jésuchrist, qui voulut mourir34,
Veulle [ceste aumosne]35 en gré prendre !
L’AVEUGLE
Juppiter le vous veulle rendre,
Et Vénus, la belle déesse !36
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Je croy qu’il y a grant richesse ? SCÈNE IV
115 Regarde comme cecy poyse37 ;
Et affin qu’il n’y ai[t d]e noyse,
Ne me cache rien, somme toute.
PICOLIN
Jamais vous ne fustes sans doubte38
De moy et de voz compaignons.
120 Ce sont sachèz d’aulx39 et d’oignons
Qu’on vous a donné[z] pour bien boyre.
L’AVEUGLE
Le me cuyde-tu faire acroire ?
Encor n’a[s-]tu pas prou vescu40 !
Je cognoistray mieulx ung escu
125 Que tu ne feras ung patas41.
PICOLIN
Comment se fait cela ?
L’AVEUGLE
Au tas[t]42.
Car, combien que rien je n’y voye,
Je cognois la bonne monnoye
Comme le43 lièvre les brachetz.
130 Pour tant44, baille-moy ces sachetz,
Car je vueil garder le butin.
PICOLIN
Vous ne demandez que hutin45
Et noyse ! Pour vous advertir,
Si nous convient noz biens partir46,
135 Puisque n’avez en moy fiance.
L’AVEUGLE
Dea ! n’emporte point la finance !
As-tu entendu, mon varlet ?
Car si je te prens au collet,
Tu auras de moy la secousse47 !
140 Où es-tu, dis ? Hau48 !
PICOLIN
En Escosse !
Attendez-moy jusqu’à demain,
Car voicy ma dernière main49
Pour mon dé et pour ma chandelle50.
L’AVEUGLE
Approuche-toy, quant on t’appelle !
145 Me veulx-tu laisser tout seullet ?
PICOLIN
Tu as dit vray, Jehan de Nyvelle ! 51
L’AVEUGLE
Approuche-toy, quant on t’apelle !
PICOLIN
Par noz dieux ! il a la cervelle
Plus estourdie q’ung mullet.
L’AVEUGLE
150 Approuche-toy, quant on t’appelle !
Me veulx-tu laisser tout seullet ?
PICOLIN
À Dieu, maistre !
L’AVEUGLE
Hé, mon varlet !
Approuche-toy, et n’aye doubte52.
Tu scez bien que je n’y voy goutte
155 Nen plus53 q’une vielle lanterne.
Va me mener à la taverne :
Et là, nous burons ung tatin54,
Et partirons55 nostre butin
Ainsi que je deviseray56.
PICOLIN
160 Vous partirez ? Je choisiray !
Avez-vous ouÿ la teneur57 ?
Car à vous [n’]appartient l’honneur58 ;
La coustume [n’]est tousjours telle59.
L’AVEUGLE
Tu ne le dis que par cautelle60
165 Et pour me tromper, j’en suis seur.
PICOLIN
Comment ? M’appellez-vous « trompeur » ?
C’est pour recommencer la noyse !
L’AVEUGLE
Laissons cela, et que l’on voyse61
À la taverne, je le veulx !
170 Et là, nous despendrons62 tous deux
Tous les biens qu’on nous a donnéz.
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Deux prostituées, que nous avons découvertes dans les Tyrans au bordeau, reversent aux mendiants une partie de l’argent qu’elles ont gagné à la sueur de leur… front.
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NYCETTE SCÈNE V
Il nous63 fauldroit donner, m’amye,
L’aulmosne à ces [deux] pouvres gens.
AQUELINE
C’est bien dit, car telz indigens
175 Ne sçavent de quoy desjuner.
NYCETTE
Tien, mon amy ! C’est pour disner.
Prie pour moy qui le te donne.
L’AVEUGLE
Grant mercy !64
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Juppin, quelle aulmosne ! SCÈNE VI
PICOLIN
Mais qu’elle [soit] monnoye exquise65,
180 Elle doit bien estre de mise66,
Puisqu’elle vient de telle main.
L’AVEUGLE
Ma foy ! j’en vueil faire demain
Ung brevet67 pour guérir des fièbvres.
PICOLIN
Morbieu ! il feroit sallir68 chièvres
185 Avant qu’ilz69 eussent queue levée.
L’AVEUGLE
Allons ail[l]eurs faire levée70,
Et jouerons de tricherie.
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Le bourreau Morgalant et son valet Pascalet <voir L’Andureau et L’Andurée, vers 50-379> ont besoin d’aide pour charger une meule de moulin sur une claie tirée par deux chevaux. Ils aperçoivent les mendiants, au loin.
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PASQUALET SCÈNE VII
Çà, villain[s] ! Venez sans targer71
— Avant que je vous aille querre
190 Tous deux — pour charger ceste pierre !
Acoup ! Et soyez diligens !
L’AVEUGLE
A ! mon varlet, qui sont ces gens ?
J’ay paour que ce soient gens d’armes.
S’ilz nous preignent, ce sont les termes
195 De nous endosser de beau boys72 !
PYCOLIN, varlet de l’Aveugle.
Ce sont deux sergens (je les voys73)
Qui ont deux chevaulx, et la traŷne74
Dont au gibet souvent on meyne
Les larons. Av’ous entendu ?
MORGALANT
200 Vien çà ! Que tu soye pendu !
Me feras-tu mèshuy attendre ?
L’AVEUGLE
Hélas, nous veult-on mener pendre ?
Fuyons-nous-en, comment qu’il aille75 !
PASQUALET
Qu’en despit de la villennaille76 !
205 Vous fault-il tant de foys requerre77 ?
Venez, ou je vous iray querre,
Et tous deux prendray78 au collet !
PYCOLIN
C’est le bourreau et son varlet,
Mon maistre. Nous sommes perdus !
210 S’il nous prent, nous serons pendus,
Tant seullement pour la despoulle79.
L’AVEUGLE
Je vouldrois estre en la Poulle80,
Ou en mer, puis avoir bon vent !
MORGALANT
Avant, de par le Diable, avant,
215 Vostre seigneur et vostre maistre81 !
Et nous venez ayder à mettre
Ceste meulle sur ceste traŷne,
À celle fin que l’on la meyne
Au Roy, qui nous attent sans doubte82.
L’AVEUGLE
220 Hélas, Monsieur : je n’y voy goutte.
Laissez-moy, en l’honneur des dieux !
PASQUALET
Tu ne m(e) ayderas pas des yeulx83.
As-tu entendu, mon mignon ?
Prens delà, et ton compaignon !
225 Aultrement, il y aura noyse.
PYCOLIN
Ventre sainct Gris84, comme elle poise !
Je me suis quasi rompu l’anche85.
MORGALANT
Prenons chescum une gazanche86,
Et la bouterons en coulant87.
PASQUALET
230 C’est bien dict. Boutte, Morgalant,
Par cy, et chescum t’aydera.
Tenez, elle m’eschappera !
Que maulgré en ait Barratron88 !
MORGALANT
Vous ne valez pas ung estron !
235 Soustenez bien, et ne vous chaille !
Et ! voylà89 bien, vaille que vaille.
Mais j’ay cy rompu une veyne.
L’AVEUGLE
Or nous donnez, pour nostre peine,
Quelque chose en payement !
PASQUALET
240 Vous serez payé gayement
De la monnoye que je porte90 :
Tenez, tenez ! Voicy la sorte
Dont on paye telle canaille !
L’AVEUGLE
Pour Dieu, que plus on ne m’en baille !
245 Je vous quitte tout91, de ce pas !
PASCALET
Par noz dieux ! ne l’espargne92 pas :
Tout est à ton commandement93.
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L’AVEUGLE SCÈNE VIII
Voylà « payé » trop lourdement !
Nous avons esté bien batus.
PYCOLIN
250 Voyre ? [Mais] vous94, par mon serment !
L’AVEUGLE
Voylà « payé » trop lourdement !
Et toy ?
PYCOLIN
Je [m’en fuis]95 vaillamment,
Aussi hardiment comme Artus96.
L’AVEUGLE
Voylà « payé » trop lourdement !
255 Nous avons esté bien batus.
PYCOLIN
Vous estiez encor plus testus97
De leur demander de l’argent !
Car vous sçavez bien q’ung sergent
N’a rien acoustumé que prendre.
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1 Allusion au « proverbe commun qui dit que ‟pierre qui roule n’amasse mousse” ». (Jean Boyron.) « Nous n’amassons plus mousse. » St Christofle. 2 Nous mendions d’une porte à l’autre. Rime dauphinoise en -ourtes. 3 Réponse narquoise qu’on fait à une personne trop exigeante. Cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 189. 4 Vous vous contentez d’avancer votre gorge, comme un oisillon qui réclame la becquée. 5 De quel bois faire flèche. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 127. 6 Éd : ny 7 Baiser la bouteille = boire. « Me fault ma bouteille baiser. » Mystère de St Clément de Metz. 8 Le point principal. Idem vers 161. 9 Pendant un long espace de temps. 10 Et pourtant, je n’ai ni un denier, ni un centime. Chevalet fait dire le même vers au valet des Basteleurs. 11 De l’andouille. 12 Quand on nous donne quelque chose de bon. 13 Après un banquet, on distribue aux pauvres les tranchoirs (ou tailloirs), épaisses tranches de pain qui ont tenu lieu d’assiettes, et sur lesquelles on abandonne quelques reliefs. 14 En soupçonnant que j’ai raflé le meilleur morceau. 15 Cauteleux, rusé. J’entends le son = je connais la chanson ! 16 Si on nous donnera quelque chose. 17 Vous ne cherchez que des disputes. 18 Que pour plaisanter. « Je ne l’ay faict que par esbat. » Deux jeunes femmes. 19 Puisque le sujet est abordé. 20 Si peu mûre. Cf. l’Arbalestre, vers 152 et note. 21 Éd : uiolle (La viole est un instrument aristocratique, alors que la vielle est populaire : c’est l’instrument dont les mendiants aveugles s’accompagnent pour chanter dans la rue. Je corrige la même faute au vers 61.) Si votre vielle était accordée. Dans l’Aveugle, sa Chambèrière et son Varlet (F 45), le valet accorde la vielle de l’aveugle : « Cependant, Gauguelu refait la vielle. / Quant [maintenant que] vostre vielle est refaicte,/ Quelque plaisante chansonnette/ Disons ! » 22 Jusqu’à ce que j’en obtienne une cuisse ou une aile. « Pour Dieu, donnez-moy cuisse ou elle ! » (Conversion S. Denis.) Cette expression culinaire signifie : obtenir quelque chose, si peu que ce soit. « Il en apporte ou pied ou elle. » Gournay et Micet. 23 Leur chanter. Rime dauphinoise en -oute : « Qu’il vous plaise dire une no[u]tte !/ Adieu vous dy, trèstous et toute ! » Le Roy des Sotz. 24 Quand Daru se fait passer pour un aveugle, il chante ceci : « (Je) ne voy où le pied je metz/ Non plus du cul que de la teste. » 25 Renversement de la formule consacrée : « Or parlez bas, qu’on ne vous oye ! » Le Vilain et la Tavernière. 26 Une monnaie trop faible. 27 Cela ne coûte pas plus de demander un ducat qu’un vulgaire denier. 28 Je ne sache pas que tu sois assez généreux pour qu’on ait de toi la moindre monnaie. « Il n’a escu ne targe : s’entend de ceux qui n’ont aucune monnoie. » Claude Fauchet. 29 Trop roublard. « Vous estes trop rouges en la taille. » Les Tyrans. 30 Si tu me comprends à demi-mot. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 292. 31 La lumière, la vue. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 328. 32 Rendu aveugle par la barbarie des musulmans vis-à-vis des chrétiens. « Secourir les Christiens, oppresséz de la tyrannie des Turcz. » P. de Saint-Julien. 33 C’est le vin qui l’a rendu aveugle. 34 L’Église cautionne le suicide du Christ et celui des saints, mais elle condamne tous les autres. 35 Éd : laumosne (Veuille me tenir gré de l’aumône que je vous fais. La charité chrétienne n’est jamais désintéressée : on donne dans cette vie pour que ce don nous soit rendu au centuple dans l’autre vie.) 36 Les mendiants s’esquivent. C’est Picolin qui porte les quatre bourses. 37 Combien cela pèse, vaut. 38 Sans méfiance. 39 Des sachets d’ails. L’ail et l’oignon donnent soif : « L’oignon (…) est inflammatif & provoque la soif. » La Nef de Santé. 40 Tu n’as pas assez d’expérience pour me le faire croire. 41 Que tu ne reconnaîtrais un patac, une pièce de monnaie provençale qui avait cours jusqu’à Grenoble, où fut créé ce Mystère. « Deux deniers tournoys, ou ung patas. » Archives de l’Isère. 42 Au tact, au toucher. « Nostre sens du tast. » ATILF. 43 Éd : la (Comme le lièvre reconnaît les braquets, les chiens de chasse : à l’oreille.) 44 Pour cette raison. 45 Des affrontements. « Sans noyse et sans hutin. » ATILF. 46 Nous devons partager nos biens. Idem vers 158 et 160. 47 Je te pendrai. Dans ce Mystère, le roi dit au bourreau : « Ne luy donne point la secousse/ Jusqu’à ce qu’on donne l’assault./ Alors fais-luy prendre ung sault/ Au gibet. » 48 Interjection interpellative. « Où es-tu ? Hau ! » Les Basteleurs. 49 Mon ultime vol. « À l’insigne voleur, ô merveille profonde,/ Qui, compagnon d’honneur du Roy de tout le monde,/ Pour sa dernière main luy desroba les cieux. » César Nostradamus. 50 Pour mes menus plaisirs. Cf. Cuisine infernale, vers 38 et 152. 51 Étant donné que Picolin vouvoie toujours son maître, on peut conclure que nous avons ici le refrain d’une des chansons qui furent consacrées à Jean de Nivelle ; voir celle qui ouvre la farce du Pauvre et le Riche. Il en subsiste un vague écho dans le Démon travesti, du chanoine Jacques : « Tu n’es qu’un vray Jean de Nivelle. » 52 N’aie pas peur. Le vers suivant était prononcé par l’Aveugle de la Vie et passion de monseigneur sainct Didier, de Guillaume Flamang. 53 Pas plus. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 258. 54 Nous boirons un coup. Cf. les Basteleurs, vers 227. 55 Nous partagerons (note 46). 56 Comme je le déciderai. 57 Le point principal. 58 L’honneur de partager notre butin ne vous appartient pas. 59 La coutume n’est pas immuable. Louis XII était alors en train de simplifier le droit coutumier ; voir la notice de Digeste Vieille. 60 Par ruse. 61 Et allons. 62 Nous dépenserons. 63 Éd : vous (Correction de P. Servet.) Il faudrait que nous donnions. 64 Les prostituées s’en vont. L’aveugle soupèse l’argent (vers 126). 65 Pour peu que ce soit une monnaie recherchée, rare (lat. exquisita). « Partout est la monnoye exquise :/ Le peuple n’a plus maille ne denier. » Eustache Deschamps. 66 Elle doit avoir cours. La monnaie que gagnent les prostituées circule très vite et n’a pas le temps d’être décriée. 67 Je veux pendre cette bourse à mon cou, comme une amulette miraculeuse. « Brevet, ou autre chose, qu’on pend au col (…) pour préserver ou guarir de quelque maladie ou poison. » Godefroy. 68 Saillir, couvrir. Lors de la saillie, les quadrupèdes femelles lèvent leur queue pour que le mâle puisse s’introduire. Picolin sous-entend que l’aveugle va vite en besogne, et oublie encore de partager. 69 Qu’elles. 70 Jouer aux cartes. 71 Sans tarder. 72 C’est la certitude qu’ils nous chargeront le dos de coups de bâtons. 73 Picolin n’y voit pas beaucoup mieux que son patron : les sergents sont immédiatement reconnaissables parce qu’ils portent une « masse » ou une « verge », ce qui n’est pas le cas des bourreaux. 74 La claie. Idem vers 217. Sur la peine infamante de la claie, voir la note 24 de Massons et charpentiers. Le roi Danus, qui est un raffiné, prépare à saint Christophe un supplice plus personnel : « Luy estachez [attachez-lui] une grant meulle/ De moulin (ainsi je le veulx)/ Par le col et par les cheveulx,/ Et le traŷnez par monts et vaulx/ À belles queues de chevaulx ! » 75 Quoi qu’il en soit. 76 N’en déplaise à cette canaille. « Paix, qu’en despit de Saturnus ! » St Christofle. 77 Faut-il vous requérir tant de fois ? 78 Éd : prendre 79 Pour que les bourreaux prennent nos dépouilles, nos vêtements. Cf. Gournay et Micet, vers 468 et 505. 80 Dans la région italienne des Pouilles : loin d’ici. 81 Allons, de par le Diable, qui est votre seigneur et maître ! 82 Sans craindre que nous ne venions pas. 83 Tu ne m’aideras pas avec tes yeux mais avec tes bras. 84 Par le ventre de saint François d’Assise. Dans une circonstance analogue, le Fol du mystère a lui aussi recours à ce juron chrétien : « Ventre sainct Gris, comme tu poyse ! » 85 La hanche. 86 Un pieu en bois pour faire levier. « Pour six grosses pièces de chane [chêne] appeléz gazanches pour besoigner esdits fossés de St-Just. » Marthe PAQUANT : Réforme, Humanisme, Renaissance, 2007, nº 65, p.191. 87 En la glissant sous la meule. 88 Les Mystères attribuent ce dieu fantaisiste aux musulmans, et en règle générale aux païens. Βάραθρον = gouffre. « Maulgré Barratron et Mercure ! » St Christofle. 89 Éd : uoyle la (C’est bien.) La meule est installée sur la claie. 90 Pascalet, qui tient un des pieux du v. 228, en donne des coups aux mendiants. Picolin s’abrite derrière son maître, lequel reçoit toute la bastonnade. 91 Je vous tiens quitte de tout paiement. « Je vous quitte tout pour sauver ma vie. » Le Nouveau Panurge. 92 Éd : lespargnez (Ne ménage pas mon paiement. Les hommes généreux disaient toujours : « N’espargnez pas ma bourse ! ») 93 À ton entier service. Les mendiants s’enfuient. 94 Vraiment ? Surtout vous. 95 fais (Je pris la fuite.) 96 Le roi Arthur ne fuyait jamais. 97 Éd : natus (« Fussiez-vous encor plus testu. » Le Nouveau marié.)
DARU
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DARU
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Les bourreaux Gournay et Micet apportent une bonne dose d’humour noir au Mistère du Viel Testament ; de même, le bourreau Daru galvanise de son cynisme à toute épreuve les Actes des Apostres (~1470), de Simon Gréban. Voici quelques-unes de ses frasques, disséminées dans les quatre derniers livres du Mystère, qui en compte neuf.
Daru veut dire grossier1. Dans le Miracle de saint Ignace, un sergent cogne sur le saint : « Est-ce bien fort féru [frappé] ? / Ne say vilain, tant soit daru, / Qui n’en fust roupt [rompu]. » Jehan Du Prier, qui avait remanié les Actes des Apostres à la demande du roi René d’Anjou, nomma « Daru » un messager de son Mistère du Roy Advenir.
Sources : Le second volume du magnificque Mystère des Actes des Apostres. Édition parisienne d’Arnoul et Charles Les Angeliers, 15412. <Munich, Bayerische StaatsBibliothek, Res/2 P.o.gall. 27-2.> Je corrige tacitement d’après les éditions de 1538 et de 1540, qui sont beaucoup moins correctes et parfois incomplètes : voir les Bélistres.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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DARU
Qui a3 d’ung bon ouvrier à faire,
Voicy ung maistre du mestier.
Si nul de vous en a mestier4,
Vous voyez : je suis comparu5.
LE PREMIER PAYEN 6
5 Qui est ce gallant ?
DARU
C’est Daru,
Bon pendeur et bon escorcheur,
Bien bruslant homme, bon trencheur
De testes. Pour bailler ès fours7,
Trayner8, batre par carrefours,
10 Ne doubtez que meilleur s’appère9.
Le sire grant10 de mon grand-père
Fust pendu d’ung joly cordeau.
Ma grant-mère fut au bordeau11,
S’esbatant et menant grant chère,
15 La supellative12 sorcière
Dont on ouÿt jamais jangler13
Pour petis enfans estrangler.
Mon père fut tout vif bruslé.
Et mon frère fut décollé14.
20 Fut15 enfouy son aisné filz
En terre : la fosse luy feiz,
Et sur le ventre luy sailly16.
Mon autre frère fut bouilly
Pour ouvrer17 de faulse monnoye.
25 Et pour ce cas, là je venoye
Assavoir s’on avoit mestier
Du meilleur ministre au mestier18
Qui soit, en ma chair[e]19 occupée.
Or çà ! regardez mon espée,
30 Cordes, fouëtz et grésillons20.
J’enrage que nous n’assaillons
Quelque meschant, à ma venue !
……………………………..
DARU, assis.21
Ne viendra aucun m’enquérir22
Pour besongner ? Hé ! gentil corps23 !
35 Où sont bussines24, trompes, cors
Pour la Justice publier ?
J’ay peur du mestier oublier,
À moy reposer si long temps.
S’il fust aucuns seigneurs mettans
40 À Justice quelque gros bis25,
Je gaignasse tous ses habitz26 :
Pourpoinct, robe, tout seroit nostre.
Mais ung sermonneur, ung apostre,
Ung dessiré27, ung cayemant,
45 À tous les dyables les command28 !
De despescher telle quenaille29,
Je n’en donneroys une maille30,
Car je n’y sentz point de prouffit.
………………………………
Par ma foy, sire, je suis ung
50 Gentil-homme de basse main31.
Mon frère fut cousin germain
À l’oncle du nepveu au frère
De la fille à la seur du père
De la mère et de mon ayelle32.
55 Et la mienne portoit le voille33
Pour mieulx la Dame contrefaire.
………………………………
.
LE PRESTRE [DE LA LOY] 34
Bateras-tu bien cestuy-cy ?
DARU
Ouÿ, par Dieu ! Et vous aussi35,
Si monseigneur le me commande.
………………………………
L’ESCUYER DE ASTRAGÈS 36
60 Dea ! tu y mectz bien longuement,
Pour ung maistre comme tu dis.
Mais véritables sont les dictz :
Plus est ung homme grant vanteur,
Moins est véritable, et menteur37.
65 Daru, Daru, entendz ce mot !
DARU
Par Mars ! j’en auroye plus tost
Escorché une quarantaine,
Et bruslé une cinquantaine,
Et dix traynéz, et vingt pendus,
70 Et en quatre quartiers fendus
Ung cent38, de ce cousteau tout neuf,
Que tu n’auroys plumé ung œuf !
ASTRAGÈS 39
Il dict vray. Donne-luy à boire :
Bien l’a gaigné.
DARU
Par ma foy, voire !
L’ESCUYER
75 Ha ! comment il est empeschié40 !
C’est bien ouvré41 !
DARU
C’est bien chié42 !
Et ! beau sire, qu’as-tu affaire
De tant railler ? Laisse-moy faire !
Que Dieu te doint la mort amère !
ASTRAGÈS
80 Si tu es filz de bonne mère43,
Prens tost tes fouëtz, et le batz
Du long, du lé44, et hault et bas !
Acoup !
DARU. Il frappe sur sainct Bartholemy.
Tenez, pour moy esbatre :
Et ung ! Et deux ! Et trois ! Et quatre !
85 Et cinq ! Et six ! Et sept ! Et huyt !
Si je ne le rendz de sang vuyd45,
D’en avoir autant ne m’oppose46.
ASTRAGÈS
Es-tu lassé ?
DARU
Je me repose
Regardant ce costé deçà47.
L’ESCUYER
90 À luy, ribault !
DARU
Çà, maistre, çà !
Et zif ! Et zef ! Et zof ! Et zaf !
Et chic ! Et chec ! Et choc48 ! Et taf !
Et crocq ! Et cracq ! Et maille49 ! Et charge !
ASTRAGÈS
Prens à chascune main la verge,
95 Et autour du corps l’en accolle !
DARU
À l’escolle50, maistre, à l’escolle !
Juppin51, comme il a la peau dure !
………………………………
.
Je suys pied à pied les Apostres
À celle fin que ne les perde,
100 Comme une truye faict52 la merde.
………………………………
.
Mais…53 Mais… Que diroient mes amys
S’ilz me voyoient en ces habitz ?
Cecy : « Daru fait du gros bis54. »
Ha ! par Jupin, ilz n’en ont garde55 !
105 Car quant bien tous je les regarde56,
Qu’en feray-je ? Il le fault sçavoir57.
Que semble-il de moy, à me veoir ?
Ha ! mocque58 qui en ayt envie
— Soit homme mort ou soit en vie !
110 Je cacheray tous mes oultilz,
Cordes, cousteaulx, fouëtz gentilz ;
Et l’aveugle contreferay59.
En demandant mon pain, feray
Que quelque argent pourray acquerre60.
………………………………
115 Tenir me fauldra mes deux yeulx61
En ce poinct à demy ouvers,
Regardant les cieulx de travers :
Ce m’est advis, ainsi fait-on.
Ha ! voicy ung propre baston62
120 Pour les aulmosnes requérir.
………………………………
Sçavoir me fault comme il fault dire,
Et faire bien du marmiteux63 :
« Mes amys, voicy le piteux.
À voz aulmosnes me soubmetz.
125 Hé ! seigneurs, perdu j’ay les yeulx. »
(Aussi beaulx ne64 les euz jamais.)
« De demander je m’entremetz65,
Pour avoir66 ma vie. Et proteste
Que ne voy où le pied je metz
130 Non plus du cul que de la teste.67
Dieu le te68 rende en ses sainctz Cieulx,
Peuple, le bien que tu me faictz ! »
(Mon bien cacheray, c’est du mieulx ;
Ou mes propos seroient deffaictz69.)
135 « Las ! considérez les effectz
Dont fault que je porte moleste70 :
Je ne veoy tables ne buffectz
Non plus du cul que de la teste.
Hé ! bonnes gens jeunes et vieulx :
140 En voz maisons, en voz palays,
Mandez-moy [très bien]71, de voz lieux,
Par le moindre de voz varletz,
Du relief aucuns morceletz72
Dont le povre fera grant feste.
145 Je ne congnois73 beufz ne poulletz
Non plus du cul que de la teste.
Donnez-moy des petis brouetz
Que vous donriez à quelque beste !
Car veoir ne puis, [dont fais souhetz]74,
150 Non plus du cul que de la teste. »
.
L’HOSTE 75
Puisqu(e) avons nostre œuvre parfaicte,
Dieu vueille qu’elle nous soit bonne !
DARU
Hélas, vostre benoiste aulmosne !
Dieu vous saulve la claritat 76
155 Et vostre belle luminat,
Au nom de Dieu en qui je croy77 !
L’HOSTE
Venez, preud’homme ! Suyvez-moy,
Et je vous donray quelque crouste
De mon pain.
DARU
Et ! je n’y voy goutte.
L’HOSTE
160 Je vous mènray tout beau, présent78.
DARU
Dieu vous rende ce bon présent
Et le vous vueille remérir79 !
L’HOSTE
Séez-vous cy ! Je voys80 quérir
Ung peu de souppe.
DARU
Hé ! mon voisin :
165 Et ung petit just de raisin !
Non pas de bon vin, mais de trempe81,
Affin que mon pain dedans trempe.
L’HOSTE 82
Tenez, tenez, voylà du bon !
Et ung morcelet de jambon,
170 Car il n’y a point de potaige.
DARU
Grant mercis ! Puisque le pot ay-je,
Je boiray bien, ne vous desplaise.
L’HOSTE
Or me dictes — mais qu’il vous plaise —
Comment ceste adventure advint,
175 De voz yeulx.
DARU
Des jours n’a que vingt
Que j’estoye en trèsbel arroy83,
À gages, eschanson du Roy.
Et de nuyct, sans chandelle ou lune,
Comme cil va que nul n’alune84,
180 Dévalle en ce[rtain] creux concave.
L’HOSTE
Ung célier ?
DARU
C’estoit une cave :
J’allay quérir du vin vermeil
Pour le Roy. Ung ray de soleil85
Me vint réverbérer le front
185 (Près de86 la mâchouère, adonc),
Si fort que ne vy vin ny eau,
Et tombay sur ung grant tonneau ;
Et demouray là, tout confus87.
Puis l’endemain, si tost que sus88
190 Que le Roy estoit aveuglé…
L’HOSTE
Le Roy ?
DARU
[J’ay dit]89 ? Je suis janglé90 !
Vostre vin est fort comme fer ;
De moy, je ne sçauroye truffer91.
S(e) ung petit d’eaue j’y92 mettoye ?
195 Lorsque le Roy sceut que j’estoye
Aveuglé, j’euz tant de brouetz93…
L’HOSTE, voyant le bout des fouetz.
Que faictes-vous de ces fouëtz ?
DARU
Quoy ! les voyez-vous ? Je les tiens
Au poing, au chemin, pour les chiens ;
200 S’ilz m’abayoient94 soir ou matin,
Je fais ainsi : « Passe, mastin95 !
Arrière, arrière ! », quant il mord.
Icy, frappe l’hoste et l’hostesse de ses fouetz.
L’HOSTESSE
Que la malle sanglante mort
Ayt qui96 vous a mis en ce lieu !
L’HOSTE
205 Si ne feust pour l’amour de Dieu,
Ha croyez que l[’est]ourdisse bien97 !
DARU
Ay-je frappé dessus ung chien ?
Ha, Patault98 !
L’HOSTE
Voz fièbvres quartaines !
Or sus, sus, cherchez voz mitaines99 !
210 Prenez en gré100 ce peu de bien.
DARU
Et ! comment ? N’en payeray-je rien ?
L’HOSTE
Je n’ay de vostre argent mestier101.
DARU
À Dieu ! Voicy ung bon mestier ;
De le faire ne me repens.
215 Pendu soys-je si je despens
À voyage[r] denier ne maille !
Il est temps qu’en quelque lieu aille
M’adventurer.
L’HOSTE
Ha, Fine Myne102 !
Regardez comment il chemine,
220 Depuis que vin a englouty.
DARU, en soubzriant :
Le chemin sçay, de ce party103.
Voyez, le gallant est fringueux104.
L’HOSTE
Par le grant Dieu, c’est ung fin gueux105 !
DARU
Soubz ung gros manteau de bureau106,
225 On donne à boire à ung bourreau
Qui ung repas entretiendra107
Quant entre ses gens se tiendra.
L’HOSTE
Quel gros marault ! Faict-on ainsi ?
………………………………
DARU
À dormir me suis entremis108,
230 Après le vin du tavernier,
Qui cuyde estre ung fin lanternier109 ;
Mais je l’ay bien tost sceu avoir110.
À Dieu vous dy jusqu(e) au revoir !111
………………………………
Quant mon hoste s’esveillera,
235 Il se verra bien estonné
D’avoir à ung bourreau donné
Ung bancquet. Quelle fine espice112 !
………………………………
Seigneurs, s(e) on me vient demander,
Esveillez-moy tout doulcement :
240 Car je dors si très pesamment
Que, s’on ne me vient appeller,
On ne sçaura si bas parler
Que je ne les entendray jà113.
………………………………
Et ! je croy, si je ne m’esveille,
245 Que nully ne m’esveillera.
Qui pour soy ne travaillera114,
Mal yra, à ce que je voys.
………………………………
.
Et ! quel dyable pourroit entendre
Leurs chantz115 ? Ilz ne font que urler.
250 Ne sçav’ous116 autrement parler ?
On ne les entend peu ne pou117 :
L’ung urle en chien, et l’autre en lou ;
L’ung crye, l’autre parle hébrieu.
Je ne sçay que118 c’est. En ce lieu,
255 Ce sont dyables : je les conjure119 !
………………………………
.
Parlant aux veneurs : 120
Yray-je avec vous, messeigneurs ?
Je vous ayderay, si vous estes
Peu hardis à mener les bestes,
Si elles estoyent en chaleur.
260 Je fuz avec ung bastelleur121
Qui venoit de Sarrazinesme122 :
Mais nous deux — avecques sa femme —
Menasmes ung loup, ung regnard,
Quinze martinetz, ung pimart123,
265 Ung porc-espic, ung éléphant ;
À telz enseignes qu(e) ung enfant
Retraya124 au ventre sa mère !
Je suis, de les mener, le père125.
Et si, avions ung sagittaire126
270 Que nous faisions parler et taire
Ainsi qu’il estoit convenable.
Je feroye privé127 ung diable !
Et sans avoir beste battue,
Si je leur dy : « Sus, ribault, tue !
275 À ly128 ! », voylà ung homme mort.
………………………………
Icy, ameine le lyépart.129
Regardez, sire, le voicy !
Il est dehors, croyez ma voix130.
Ha ! par tous noz dieux, je m’en vois !
Je ne seray plus en ce lieu.
………………………………
.
ÉGÉE 131
280 Et que sçait-il faire ?
DARU
Bien pendre,
Rostir, brusler, escarteller132,
Batre de verges, descoller,
Trayner, escorcher, enfouyr ;
Et si on se combat, f[o]uÿr133
285 Aussi bien qu’oncques feist personne.
………………………………
.
ÉGÉE 134
Commectez Daru à la porte
De la prison où sont tenuz !
DARU
Voire, mais qu’il n’y vienne nulz135.
L’ESCUYER [DE] ÉGÉE
Comment ! es-tu si peu hardy ?
DARU
290 Ha ! dea, non pas ! Mais je le dy :
Quant des gens venir nous verrions,
Et trois ou quatre nous serions,
La chose yroit plus seurement.
LE PREMIER CHEVALIER [DE] ÉGÉE
Ne te chault ! Garde hardiment ;
295 Et s’il vient rien136, je t(e) ayderay.
DARU
Mais prenez les clefs seulement.
LE SECOND CHEVALIER [DE] ÉGÉE
Ne te chault, garde hardiment !
Où vas-tu ?
DARU
Gardez vaillamment,
Par le corps bieu ! Je reviendray.137
……………………………….
.
L’ESCUYER [DE] ÉGÉE
300 Quant ilz me vindrent requérir
Les clefz, pas je n’estoye asseur138.
DARU
Et de quoy ? En avoys-tu peur,
Pour veoir ung tas de ribauldaille,
De hurons139, ung tas de merdaille ?
305 Ba, ba ! il ne fault qu(e) ung revers140,
Ung montant, ung coup de travers,
Ung pas avant, deux en arrière.
Va ! tu n’entendz pas la manière
Comment en la guerre on s’esbat.
ÉGÉE
310 Mettons à demain ce débat,
Et nous retirons sans effroy.
DARU
Par Mahommet141 ! si Godeffroy
Venoit, et Rolland de Billon142,
Et Olyvier, ung papillon
315 N’en donneray143. Bouf ! Baf ! Bif ! Bou !
« Qui vive là144 ? Où sont-ilz, où ? »
………………………………
Par mon serment ! on dit bien voir145 :
Ung vaillant homme, où qu’il se treuve,
Quant en une guerre s’espreuve,
320 Il trouve tousjours à combatre146.
Mais toutesfois, quant vient à batre
— Posé qu’au combatre on s’esbat147 —,
Se, néantmoins, celluy qu’on bat 148,
Quoyqu’au batre s’est esbatu
325 (Le corps bieu !), quant il est batu149
Tant qu’il se fault rendre au batant 150,
Pas n’est jeu, pour estre151 esbatant.
Quant il y a quelque destour152,
Tousjours au batre fault153 l’amour,
330 Où est tout plaisir enfouy.
Et c’est pourquoy je m’en fouÿ154 :
Car sachez qu(e) ung coup, en bataille155,
Trop l’eschine156, soubz le bast 157, taille.
Pour tant158, en la combaterie
335 N’en lieu où y ayt baterie159,
Mauldit soit qui s’i embatra160 !
Tant qu’il sache, qu’on161 se batra,
V(e)ez là162 tout. V(e)ez là mon propos :
Batailler à voirres163 et potz,
340 À trippes, à pintes, à tasses,
À culz, à fesses164, à tétasses,
C’est bataille que je désire.
Mais toutesfois, il fault que tire
Vers Égée165, pour enquérir
345 S’il fera personne mourir :
À cela ne fault contredire.
………………………………
.
En chantant : 166
Dieu le vous myre167, myre, myre !
Dieu le vous myre, frère André !
Ha ! par ma foy, il me faict rire.
TOUS ENSEMBLE
350 Dieu le vous myre, myre, myre !
LE PREMIER CHEVALIER
Puisqu’il nous a tant voulu nuyre,
De le batre ne me faindray168.
LE SECOND [CHEVALIER]
Dieu le vous myre !
L’ESCUYER
Myre !
DARU
Myre !
ENSEMBLE
Dieu le vous myre, frère André !
………………………………
.
DARU 169
355 Et ! j(e) osteray ma heurte-bière170
Et habitz pour mieulx cheminer,
Et vers Rommanie trayner
Mes guestres, au partir d’icy.
………………………………
.
Et ! ne viendra quelque menteur
360 De ceulx qu’à nostre Loy171 s’opposent ?
Hélas ! mes oustilz se reposent
Et le maistre ne gaigne rien.
Je tempeste, je voys172, je vien,
Je travaille, je quiers, je trace :
365 Et si173, ne puis trouver la trace
De ceulx qu’à mettre à mort demande174.
Que faict Néron, qu’il ne commande
À mettre aucun meschant à mort ?
Ou Agrippe175, qu’il ne s’amort176
370 À enchercher et enquérir,
Pour sus quelque meschant courir ?
Comment despescher le pourrons177 ?
Où sont meurtriers ? Où sont larrons ?
Où sont hazardeurs178, crocheteurs,
375 Pendars d’homicides fauteurs179 ?
Je ne gaigne pas ma despense.
Venez çà ! Sçav’ous que je pense180 ?
Qu’à ces corbineurs181 de Justice
Ne soit venu à leur notice182
380 Quelque larron en jugement,
Qu’ilz ont perdu secrètement183
En quelque rue traversière ;
Aux pendans de leur gibessière
Seroit-il jamais advenu184 ?
………………………………
385 N’y aura-il personne prise185,
À celle fin que je m’esbatte
À les pendre, ou que je les batte ?
Que de Dieu chascun soit mauldict !
Chut ! Vous ne sçavez qu’on186 m’a dict ?
390 Par le grant dieu ! on m’a compté187…
Bien le sçay, je l’ay escouté.
Toutesfoys, je ne sçay pas bien
S’il est vray. Mais n’en dictes rien,
Voyez-vous ? Certes, si feriez ;
395 Et ! au fort, quand vous le diriez,
Je diroye à chascun, de vous,
Que vous auriez menty trèstous
Par le fin fons de la gargate188.
Dieu pry189 que le dyable m’abatte
400 S’on ne m’a dict (qui190 ? gens agus
Et subtilz) que Simon Magus
Feit l’aultre hier191 à Néron entendre
Qu’à la mort se faisoit estendre
Pour soy après ressusciter ;
405 Et sembloit qu’il se feist oster
La teste dessoubz le menton192,
Et ce n’estoit fors193 qu(e) ung mouton
Qu(e) ainsi feit à bon essïen
Sembler194, par art magicïen.
410 Et moy-mesmes je m’en doubtay :
Car quand la teste luy ostay,
Il sembloit qu’il n’y estoit point195
Comme chair d’homme, n’en tel point.
Il y a quelque chose à frire196.
415 Ne vous jouez pas à le dire,
Car à voz dictz contrediray
Et, par tous noz dieux, je diray
Que vous-mesmes avez ce dit197.
Nul n’y peult mectre contredict.
………………………………
.
420 Puisqu(e) à ce vostre vueil se fonde198,
Néron, puissant Impérateur,
Comme hardy opérateur,
D’elle vois faire la despesche199.
La vieille trop le monde empesche ;
425 Voylà son dernier sacrement200 ! Il l’assomme.
AGRIPPINE
Vrays dieux, je meurs injustement ;
Plaise vous me loger en gloire201 !
DARU
Plus ne jouera de la maschouère202 :
Elle est morte, la bonne dame.
………………………………
.
430 Quant à ma personne regarde,
J’estoye — si Dieu eust voulu
Avoir mon corps pour estre esleu203 —
Assez homme pour, en arroy204,
Estre prince, prélat ou roy,
435 Pour en triumphe avoir vescu.
J’ay les jambes jusques au cu,
J’ay la cuysse jusqu(e) au tallon205,
J’ay la barbe jusqu(e) au menton,
J’ay le ventre jusques au bout,
440 J’ay piedz et mains, et teste, et… tout206.
Ne suis-je donc homme formé ?
Et qui seroit207 bien informé
De la vaillance de mon corps,
Et seroit de mes faictz recordz208
445 (De209 par le grant dieu), je seroye
En des lieux où me trouveroye
Digne d’avoir beaucoup de charge.
Mais jà ne fault qu’on me descharge210 :
À ce ne seray-je trouvé.
………………………………
.
450 Et Daru, l’appelle-l’on point ?
Qu’est-ce à dire ? Dea ! demourray-je
Garder l’hostel211, le cul au siège ?
Non, non ! Car si à dire s’amord212
Chose dont on le mette à mort,
455 Quant je m’y vouldray occuper213,
Il me fauldra le col coupper
À quelque brebis morfondue214 ;
Et puis, si la peau est vendue,
J’en auray quelque peu d’argent.
460 Je ne vueil plus estre targeant215 :
Jupin au216 grant Conseil m’esleut.
………………………………
.
Ay-je tué une brebis,
Soubz l’ombre de son faulx prescher217 ?
Bien, donc : devenu suis boucher !
465 Aussi je ne croyoye point
Que Dieu l’eust218 laissé, pour nul poinct,
Entre les grandz et les petitz,
Décoller à ung apprentis ;
Je ne le croyray en nul lieu.
470 Or çà ! Et si j’ay tué Dieu,
Et s’est suscité219 par ses ditz,
Je suis bourreau de Paradis :
À ces parolles le voit-on.
Et si j’ay tué ung mouton
475 Tant bien qu(e) ung aultre laboureur220,
Je suis boucher de l’Empereur.
Que voulez-vous ? C’est adventure.
………………………………
.
Icy, doibvent tous sentir Pierre, &
puis faire ung cry et s’enfuir.221
DARU court après.
Hare222 ! hare ! Si me mordez,
Je le diray à l’Empereur.
480 Je suis le boucher monseigneur223 ;
Ce n’est pas moy que demandez.
………………………………
.
Est-ce par don ou flaterie224
Que Daru est tant ravallé
Qu’au mistère225 n’est appellé ?
485 Qu’est-ce à dire ? Qu’ay-je meffaict ?
Qu’i a-il ? Que diable ay-je faict,
Que ce déshonneur me faict-on ?
Si j’ay descollé ung mouton,
Or chut, de par le diable, chut !
490 Par le grant dieu ! il me meschut226,
En despit de la vanterie227.
………………………………
.
DARU soit en ung hault lieu monté.
Advisez où je suis monté
Pour regarder Simon Magus.
Mais je sens des cloux228 si agus
495 Que je n’y voy de secours nul,
Qui me mettent mon povre cul
À terrible exécution229.
………………………………
Allons voller ! Allons voller !
Ha, par le grant dieu ! Sans frivolle,
500 On m’a dict que Symon s’en volle230.
Ou (comme ay ouÿ réveller)
Avecq les grues va baller
En guise231 d’ung oyseau saulvage ;
Et qu’il n’aura corps ne visage
505 Que tout ne soit de plumes plain232.
Au Temple voys233 (pour tout certain)
Veoir s’il vollera gentement.
………………………………
.
Mais à quoy tient que l’on ne tire
De prison ces huyt loricquars234 ?
510 Il en y eust — que brusléz qu(e) ars235 —
Plus de cent, qui les m’eust livréz236 !
Les auroit Néron délivréz
Par quelque fallace incertaine237 ?
Que de forte fièvre quartaine
515 Soit espousé et relié
Celluy qui s’est humilïé
À les tenir en seure238 garde,
Et qui les print239, et qui les garde,
Et l’Empereur, et Mamertin,
520 Albinus, et sire Paulin,
Parthémïus, et Migestus,
Frita, Antipater, Cestus,
Blascus, Gérïon, Ravissant240 !
Du sens puisse estre hors yssant
525 Qui241 les garde si longuement !
Luy fault-il autre jugement
Que p[r]endre, tirer et mener,
Baisser la teste242, et ramener,
De la dolouère bien fermy243 ?
530 Me cuyde-l’on si endormy
Que ne leur liève les cheveulx244 ?
………………………………
.
Parlant à Mamertin 245 :
Et ces gallans qu’on feit bouter
En cage, ces prescheurs subtilz,
Mamertin : où dyable sont-ilz ?
535 Les veult-on tenir à séjour
Longuement ? Depuis l’autre jour,
On n’en a ouÿ nul mot dire.
MAMERTIN
Il n’y en a (par Dieu) nul, sire.
DARU
Pas ung ? De ton dict je me deulz246 !
540 Sont-ilz pas céans ?
MAMERTIN
Troys tous neufz247.
Et deux que sa mère luy garde.
DARU
Or, prens à ta parolle garde !
Ou troys tous neufz, ou quatre vieulx248 ?
Par noz dieux ! il te vauldroit mieulx
545 Mourir, si Justice on rompoit
Par toy ! Entens-tu ?
MAMERTIN
Elle poit249.
DARU
Par le grant dieu ! Je jure, en somme :
Si Néron, l’empereur de Romme,
Entend que hors s’en soient alléz,
550 Vous en aurez les os galléz250.
Car pour les garder esleu feustes251.
MAMERTIN
Aussi quarréz que belles flustes252.
Que demande ce lanternier253 ?
Il n’y a (par Dieu) prisonnier
555 En la prison, ne prisonnière
Demeuré.
DARU
Par quelle manière,
Mamertin ? Dis-moy le moyen.
MAMERTIN
Demande-le à Martinien
Et à son compaignon Procès.
DARU
560 Et quoy ! ont-ilz faict leur procès254,
Ou les ont vuidéz de cëans255 ?
MAMERTIN
Demande s’ilz sont chrestïens,
Et d’autre chose ne t’enquiers.
DARU
Le sont-ilz ?
MAMERTIN
Pour vray.
DARU
Je requiers
565 Que soyez à la mort livréz
Si je… Mais sont-ilz délivréz
De la prison ?
MAMERTIN
Tant de foys dire !
DARU
Le grant dieu me vueille mauldire
Si ung esclande256 n’en verras !
570 Mais sont-ilz tous dehors ?
MAMERTIN
Taras257 !
DARU
Ha ! tu me troubles la mémoire.
Mais s’en sont-ilz alléz ?
MAMERTIN
Encoire ?
DARU
Pas ne fault que le train258 je perde :
Par où vont-ilz, Mamertin ?
MAMERTIN
Merde !
575 Va y veoir et tu le sçauras !
………………………………
.
DARU luy couppe la teste.259
S(e) on dict que je chosme, c’est mon260 ?
Il n’est pas vray, je le proteste.
Tenez, Paulin261 : v(e)ez là la teste ;
Allez en faire des pastéz262 !
………………………………
580 Seigneurs, ay-je tort si j’ay soif263 ?
Ay-je pas ung grand coup baillé ?
N’ay-je pas assez travaillé
Pour aller boire choppinette ?
La tavernière est bien finette,
585 Mais je gage de la tromper ;
Et s’elle s’en peult eschapper,
La plus fine sera des femmes !
………………………………
.
Or çà ! S(e) on le mect à martire264,
Quoy ? Pourpenser fault sur ce pas265.
590 Premier266, on ne le pendra pas :
Il est roy267, et prévost aussi.
Le fera-on mourir ainsi268 ?
Si269, devant, le peuple proteste,
Jà ne luy osteray la teste,
595 Car trop il pourroit couster cher.
Çà ! le fauldra-il270 escorcher ?
Je le vouldroye bien sçavoir.
Ha ! nenny : il a trop d’avoir271.
Or çà ! pensez-vous qu’on le noye ?
600 Nenny : il a de la monnoye.
Je m’abuse. Telz prisonniers
Eschappent assez pour deniers.
J’en ay beau parler et beau dire272.
*
1 Ou ventru : cf. Louis Du Bois, Glossaire du patois normand, p. 405. 2 La même année, les mêmes éditeurs publièrent une suite des Actes des Apostres écrite par Loÿs Choquet : l’Apocalypse sainct Jehan Zébédée. On y retrouve Daru. Après la mort de Néron, il quitte Rome sans s’être enrichi « au joly mestier de bourreau », et sans avoir d’illusions : « Si mes faictz estoyent amasséz/ Et sur ung blanc papier trasséz,/ On en feroit une satire. » Il sera tué par deux bandits de grands chemins qu’il avait refusé de prendre comme valets. C’est eux qui le remplaceront auprès du nouvel empereur. 3 Si quelqu’un a. « Ou-vrier » compte pour 2 syllabes. 4 Si l’un de vous en a besoin. Idem vers 26 et 212. 5 Je suis là. 6 Éd : citoyen. (1538 et 1540 donnent à juste titre : payen.) 7 Éd : sours (Daru mettra saint Thomas dans un four chaud.) 8 Traîner un condamné sur une claie ; idem vers 69 et 283. Les carrefours sont les haltes où le bourreau fouettait le condamné, au cours d’une lente traversée de la ville. 9 Ne redoutez pas qu’un meilleur que moi se présente. Verbe s’apparoir. 10 Le grand-père. L’éd. de 1540, dans la marge, commente cette généalogie : « La belle lignée de Daru. » 11 Travailla dans un bordel. 12 La plus grande. 13 Plaisanter. « Tandis que cy avons janglé,/ Le fier lyépart l’a estranglé. » Actes des Apostres. 14 Décapité. Idem vers 282, 468 et 488. 15 Éd : Et (Son fils aîné fut enterré vivant. Voir le vers 283. « Je puisse estre vif enfouy ! » Les Queues troussées.) 16 J’ai sauté, pour tasser la terre. C’est donc Daru qui enterra vif son propre neveu. 17 Pour avoir œuvré. 18 Si l’on avait besoin du meilleur fonctionnaire dans ce métier. 19 Daru est assis dans la chaire où saint Barnabé vient de prêcher. Dès lors, le portier Barrian, qui le tutoyait, s’amuse à le traiter comme un prédicateur : « Maistre Daru, vers vous venons. » 20 Sortes de grilles où l’on coinçait les doigts des suppliciés. 21 Assis dans la chaire de St Barnabé. « Sus ! qu’il soyt en la chaire assis ! » Le Jeu du capifol. 22 Me chercher. 23 Beau gosse. Le bourreau interpelle ironiquement un des sergents d’Astragès qui gravitent autour de lui. 24 Les buccins. Pour faire venir le peuple, les crieurs publics qui annoncent une exécution prochaine soufflent dans un instrument à vent. 25 Un personnage important. Idem vers 103. 26 Le bourreau garde pour lui les vêtements du supplicié. 27 Un loqueteux dont les habits sont déchirés. En argot, un caïmant est un quémandeur, un mendiant : « Et ! faictes-vous le caÿmant ? » Le Mince de quaire. 28 Je les recommande. 29 Canaille, chiennaille. « Englois, quenaille,/ Pourquoy venez en noz pays ? » La Prise et deffaicte des Angloys. 30 Un seul centime. Idem vers 216. « Je n’en donray pas une maille. » (Guillerme qui mengea les figues.) Daru va changer d’avis, et va se spécialiser dans les apôtres (vers 98-100). 31 De basse extraction. Déformation populaire de « gentilhomme de parchemin ». Plus loin, Daru s’affirmera de nouveau « comme ung gentil-homme ;/ Je dy ‟gentil” de basse main. » 32 De mon aïeule. Ayelle rime avec vèle. 33 Ma mère portait le voile, était religieuse. « Je congnois au voile la nonne. » Villon. 34 Ce païen veut faire torturer saint Barthélemy. 35 Je vous battrai aussi. 36 Du roi des Indes. Il trouve que Daru ne ligote pas assez vite St Barthélemy à un pilier, afin de le fustiger. 37 Moins il est sincère et plus il est menteur. 38 Une centaine. 39 Éd : Lescuyer. 40 Occupé (à boire). « Bien empeschié à saouller et emplir son ventre. » ATILF. 41 Œuvré, travaillé. 42 C’est mal dit. Cf. le Mariage Robin Mouton, vers 30. 43 Daru est le fils d’une religieuse (vers 55) dans le genre de sœur Fessue. 44 De long en large. Cf. Lucas Sergent, vers 255. 45 Si je ne le vide pas de son sang. 46 Je ne m’oppose pas à subir autant de coups. Toutefois, Daru ralentit la cadence. 47 En ce qui concerne ce côté-ci. Le bourreau va s’attaquer à l’autre côté du saint, qui est encore intact. 48 Éd : chot (1538 et 1540 : sof) 49 Frappe à coups de maillet ! « On congne, on maille. » (Marchebeau et Galop.) Charger = charger de coups. « Mais de mes coups les chargeray ! » (Les Hommes qui font saller leurs femmes.) Pour la rime, on prononçait « cherge », qui est d’ailleurs la graphie adoptée par 1538 et 1540. 50 On assouplit le cerveau des écoliers en leur donnant des coups de verges sur les fesses. 51 Par Jupiter ! Idem vers 104 et 461. 52 Suit. Effectivement, Daru traverse tous les pays où prêchent les apôtres. Ce personnage capital est le fil rouge qui confère un semblant d’unité à la seconde moitié du Mystère. 53 Daru vient d’exécuter saint Philippe, dont le prévôt lui a donné les riches vêtements (note 26) : « Prens tous ses habitz, ilz sont tiens ! » Émerveillé, le bourreau les contemple un par un. 54 Fait le grand personnage. Idem vers 40. « Ne nous fay jà cy du gros bis ! » Le Capitaine Mal-en-point. 55 Ils ne risqueront pas de le dire. 56 Quand je regarde ces riches habits. 57 Daru enlève son manteau de bure, puis il revêt les habits de St Philippe. 58 Éd : mot que (Se moque de moi celui qui en a envie !) 59 Beaucoup de mendiants simulaient des infirmités. Pour gagner du temps, les fatistes réutilisaient dans leurs Mystères des œuvres plus anciennes, et en particulier des farces ; Gréban s’efforce donc — d’une manière fort peu convaincante — de refiler un vieux rôle de mendiant à son bourreau, qui n’a aucune raison de troquer un métier lucratif qu’il adore, contre un métier méprisable et dangereux. 60 Acquérir, gagner. Daru tente de cacher ses fouets dans un sac, mais ils débordent. 61 1538 et 1540 intitulent cette farce réchauffée : Daru contrefaict l’aveugle (en marge) ; ou : De Daru qui contrefaict l’aveugle demandant l’aumosne à l’hoste (dans la table des matières). 62 Un bâton propice : l’ancêtre de la canne blanche. 63 Le piteux, l’hypocrite. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 54. Daru chante une ballade : les aveugles gagnaient leur vie en poussant la chansonnette. 64 Éd : que (Ils n’ont jamais été aussi bien.) 65 Je m’emploie. Idem vers 229. 66 Pour gagner. 67 Je n’y vois pas plus avec mon cul qu’avec ma tête, où sont mes yeux. L’aveugle d’Ung biau miracle chante ceci : « Faites vostre aumosne au povre homme/ Qui ne voit, n’oncques ne vit goute/ Non plus des yeulx qu’il fait du coude. » 68 Éd : vous 69 Annulés. Pour dissimuler ses beaux habits, Daru s’enveloppe dans son grossier manteau de bure (vers 224). 70 Les désagréments. 71 Éd : des biens (Envoyez-moi vite, de votre cuisine.) 72 Quelques morceaux de vos restes. 73 Je ne reconnais. 74 Éd : dons ne iouetz — 1538 et 1540 : dont me tais (Ce que je souhaite. « Et les souhaitz qu’ils avoient faictz. » Les Souhaitz du Monde.) 75 Ce tavernier de Hiérapolis rentre chez lui en parlant avec son épouse. Ils pratiquent la charité chrétienne, et sont donc faciles à berner. 76 Clarita = clarté. Pour rassurer les deux chrétiens, Daru estropie du latin. Au vers suivant, lumina = lumière. 77 Le faux aveugle ne jure plus par Jupiter (vv. 97 et 104), par Mars (v. 66), ou par Mahomet (v. 312) : il jure maintenant par le Dieu auquel il ne croit pas. 78 Je vous mènerai bien, présentement. 79 Payer de retour. 80 Je vais. Idem vers 278, 363, 423 et 506. 81 Du vin mêlé d’eau, dans lequel on trempe du pain. « De vin pur sans trempe. » ATILF. 82 Il place un pot de vin entre les mains du faux aveugle, qui va le vider rapidement. 83 En très bon état. 84 Comme va celui que nul n’allume, n’éclaire. « La lune,/ Qui de sa clarté nous alune. » Mystère de saint Sébastien. 85 Le bourreau parodie la conversion de Saul (futur saint Paul) sur le chemin de Damas : « Alors descend une grande lumière qui faict trébuscher Saulus ; & devient aveugle. » Table indiciaire du premier volume des Actes des Apostres. 86 Éd : entre (Pour Daru, la mâchoire est le centre vital de l’homme, puisque c’est ce qui lui permet de manger. Voir le vers 428.) 87 « Et tout confuz demoure là. » Pour le cry de la Bazoche. 88 Éd : fus (Que je sus.) Ayant trop bu, Daru s’emmêle dans ses explications ; il va se reprendre aux vers 195-6. 89 Éd : Je dis (C’est ce que j’ai dit ?) 90 Éd : sangle (J’ai commis un lapsus. Cf. le vers 16.) 91 De moi-même, je ne pourrais plaisanter ainsi. Cf. Troys Galans et un Badin, vers 146. 92 Éd : ie ny (Et si j’y mettais un peu d’eau ? Daru se garde bien de le faire.) « Eau-e » compte pour 2 syllabes : cf. l’Amoureux, vers 117 et 174. 93 De bouillons reconstituants que l’on sert aux malades. Cf. le Testament Pathelin, vers 133. 94 S’ils aboyaient contre moi. 95 File, clébard ! Cette expression est surtout appliquée aux humains : cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 355. 96 Celui qui. Elle parle donc de son mari. 97 Que je l’assommerais avec plaisir. « Je l’estourdis comme ung poullet. » Les Tyrans. 98 Daru caresse la tavernière en feignant de la prendre pour un chien qu’il a fouetté sans le vouloir. Pataud est un nom de chien. 99 Ramassez vos affaires et allez-vous-en ! 100 Vous vous contenterez de. 101 Nul besoin. 102 Petit malin. « Soyez seur/ Que je vous payray, Fine Myne ! » (Dyalogue pour jeunes enfans.) C’est un personnage des Sotz fourréz de malice et des Sotz triumphans. 103 De ce côté : dans ce sens, pour sortir de chez vous. L’aveugle recouvre miraculeusement la vue. Il ôte son manteau de bure, sous lequel il porte le bel habit de St Philippe. 104 Élégant, bien fringué. « Ces fringueux/ Qui ont perrucques à l’envie. » Maistre Doribus. 105 C’est un faux mendiant. 106 De bure, laine grossière dont se couvrent les pauvres et les moines. Cf. le Povre Jouhan, vers 99. 107 Organisera. 108 Je me suis employé. 109 Un dégourdi. Idem vers 553. « Quel lenternier ! » Le Pardonneur. 110 Je l’ai bien eu ! 111 Ce vers, qui clôt le 6ème Livre, est un congé au public comme on en trouve à la fin des farces. È finita la commedia : Daru va réintégrer son rôle de bourreau. 112 Quelle fine mouche. « Il nous fault sçavoir en quel part/ Nous trouverons si fine espice. » La Pippée. 113 Ce n’est pas la première fois — ni la dernière ! — que Daru se gargarise avec des phrases dépourvues de sens. 114 Si on n’agit pas pour soi-même. 115 Un temple hindou s’effondre sur les fidèles ; dehors, Daru les écoute geindre au lieu de les secourir. 116 Ne savez-vous. Idem vers 377. 117 On ne les comprend ni un peu, ni un peu : pas du tout. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 150. 118 Ce que. 119 Le païen Daru fait un signe de croix. 120 Sur ordre d’Urinus, proconsul de Thessalonie, deux chasseurs ont capturé un sanglier monstrueux afin qu’il tue saint André. Le bourreau leur donne des conseils avisés, à la suite desquels l’animal tuera les chasseurs. Dans le Mistère du Roy Advenir (v. notice), le messager Daru est lui-même en relation avec deux veneurs. 121 Parmi les bateleurs, il y avait des montreurs d’animaux exotiques. 122 De Turquie, d’Arabie. « S’il eust esté de Sarrazinesme,/ Il eust payé six mille solz. » Colin filz de Thévot. 123 Éd : pinart (Un pivert. « Paons, pymars et lorios. » ATILF.) 124 Éd : Estrangla (Se retira, retourna. « Ilz se retrayèrent en Bourgoingne. » ATILF.) L’enfant eut si peur qu’il retourna dans le ventre de sa mère. « Un homme peut-il encore entrer au ventre de sa mère & naistre ? » Bible de Genève. 125 Un spécialiste. 126 Et aussi, nous avions un centaure. 127 J’apprivoiserais. 128 « À lui ! » : à l’attaque ! Idem vers 90. 129 Daru fait sortir un léopard de sa cage pour qu’il dévore saint André. Le « dompteur » va fuir, et le félin égorgera le fils du proconsul. 130 Contrepèterie : voyez ma croix. Le païen Daru se signe dès qu’il a peur. 131 C’est le prévôt de Patras. Après ses mésaventures zoologiques, Daru a jugé plus prudent de changer d’air. 132 Daru insistera plus loin : « Batre,/ Pendre, tirer, tuer, abatre,/ Rostir, brusler, escarteler. » Rôtir = brûler vif ; c’est une des spécialités (au sens culinaire) de notre bourreau, qui s’en vante : « Pour bien rostir ou fricasser,/ Voicy ung rôtisseur venu ! » 133 Fuir. Idem vers 331. 134 Il a fait mettre en prison des chrétiens, parmi lesquels saint André. 135 À condition qu’il ne vienne aucun chrétien pour libérer les autres. 136 Si un infidèle vient. 137 Daru s’enfuit. Ce qui ne l’empêche pas de venir jouer les matamores quand il n’y a plus de danger. 138 Quand ces chrétiens vinrent me demander les clés de la prison, je n’étais pas rassuré. 139 De sagouins : « Il n’y a sy villain huron,/ Sy lourdault ne sy vilageoys. » (Les Mal contentes.) Les merdailles sont des mendiants : « Il ne viendra/ À mon huis un tas de merdailles. » Les Esbahis. 140 Daru mime des gestes d’escrimeur, avec tellement de maladresse que tout le monde s’écarte. 141 Les païens des Mystères jurent indifféremment sur des dieux mythologiques, musulmans, ou fantaisistes. 142 Daru mélange Godefroid de Bouillon avec Roland et Olivier, les héros de Roncevaux. « Et par Godefray de Billon. » (Les Trois amoureux de la croix.) On reconnaît l’un de ces innombrables anachronismes dont les fatistes truffaient malicieusement leurs Mystères, pour le plus grand plaisir des spectateurs cultivés. 143 Je ne donnerais pas plus cher d’eux que d’un papillon. 144 Cri de sentinelle : cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 148. Une fois de plus, Daru se livre à un grotesque numéro de mime. 145 Vrai. 146 À battre un con [le sexe d’une femme]. « Il ne sçait pas qu’est-ce que de combatre,/ Cil qu’entreprend de plusieurs cons batre. » Gratien Du Pont. 147 En admettant qu’on prenne du plaisir à battre un con. 148 Ce con bas. « C’est laide beste que ce villain con bas. » G. Du Pont. 149 « Il y a maintz qu’ont tant de cons batuz/ Qu’en la fin sont vaincuz et combatuz. » G. Du Pont. 150 Au vainqueur. « Ceulx-là qui sont de plusieurs cons batans. » (G. Du Pont.) Ou bien : au battant de la cloche, au pénis. « O ! que vostre batail est trop mol pour ma cloche ! » J. de Schelandre. 151 Éd : sestre (Pour s’ébattre, prendre du plaisir.) 152 Un obstacle : une perte d’érection. 153 Pendant le coït défaille l’amour (verbe faillir). Au 1er degré, ce dicton vise les maris qui battent leur femme : « Je ne pourrois aimer celuy qui auroit mis divorce entre mon mary & moy, mesmement jusques à venir à coups, car au battre fault l’amour. » Marguerite de Navarre. 154 Je m’enfuis. 155 Lors du coït. « L’inconstant/ Jouvenceau le faict tant,/ Trop chaud à la bataille. » Ronsard. 156 Le pénis. « Et d’une eschine roide au combat préparée,/ (Mon vit) montre que sa colère est à l’extrémité. » Malherbe. 157 Le bas : le sexe de la femme. Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 158 Pour cela. 159 Un échange de coups. 160 Celui qui s’y fourrera. « Il lui embat jusqu’aus coillons/ Le vit au con. » De la pucelle qui vouloit voler. 161 Tant qu’il pourra, le con. Le Tournoy amoureux narre dans le style épique une guerre entre les cons et les vits ; les premiers gagnent facilement. 162 Voyez là : voilà. Idem vers 578. 163 Contre des verres de vin. « Il vouloit faire guerre/ Encontre ung pot ou contre ung verre. » Le Gaudisseur. 164 « Je ne veulx guerroier qu’aulx fesses. » (Troys Pèlerins et Malice.) « Les tétons deviennent tétasses. » Guillaume Coquillart. 165 Que j’aille vers le prévôt Égée. 166 Le bourreau et ses complices battent saint André en musique, laquelle n’adoucit pas toujours les mœurs. Dans le même genre, les Actes des Apostres contiennent deux chansons interprétées par des diables. 167 Vous le rende. Verbe mérir : « Dieu vous le myre ! » (Farce du pet.) Cette chanson non retrouvée était probablement grivoise, comme beaucoup de celles où apparaît un moine. 168 Je ne ferai pas semblant. « Mauldict soyt-il qui se faindra/ De fraper ! » Le Raporteur. 169 Suite à de nouvelles aventures peu glorieuses, Daru veut chercher refuge à Rome. 170 Mot inconnu, de même que le hurtebière de 1538 et 1540. On pourrait lire cordelière [ceinture] : cf. les Mal contentes, vers 99. Certains religieux arboraient une cordelière ; or, Daru porte toujours les vêtements de St Philippe. 171 Qui à notre religion. 172 Je vais. 173 Et pourtant. 174 De ceux que je voudrais mettre à mort. 175 Le prévôt Hérode Agrippa, destinataire malgré lui de la 2ème chanson des diables. 176 Qu’il ne s’évertue. Verbe s’amordre. Idem vers 453. 177 Comment pourrons-nous l’expédier ? Idem vers 46 et 423. 178 Les tricheurs, aux jeux de hasard : « Pipeur ou hazardeur de déz. » (Villon.) Les crocheteurs forcent les serrures : cf. les Tyrans, vers 10-12. 179 Les gibiers de potence faiseurs d’homicides. 180 Savez-vous ce que je pense ? Daru se rapproche des spectateurs et leur parle confidentiellement, tant ce qu’il va dire est grave. 181 Furetière dit qu’au palais de Justice, on appelait « corbineurs ceux qui tiroient la pièce [de l’argent] des plaideurs, & ruinoient des parties ». Daru vise les juges corrompus, comme il le fera encore aux vers 588-603. 182 À leur connaissance. « Lesdiz faiz et cas sont venuz à notice de Justice. » ATILF. 183 Qu’ils ont discrètement laissé fuir. 184 Auraient-ils perdu dans une rue leur bourse ? « Le chevalier avise la bourse, et la prent par le pendant [cordon]. » ATILF. 185 Capturée. 186 Ce qu’on. Sur ordre de Néron, Daru a décapité Simon le Magicien ; mais par un sortilège, ce dernier lui a fait décapiter un mouton à sa place, afin de pouvoir « ressusciter » et passer pour Dieu. L’honorable bourreau est donc devenu un vulgaire boucher ; il ne se remettra jamais d’une telle déchéance. 187 On m’a raconté que… Daru chuchote devant le public l’histoire du mouton de manière inaudible, en mimant la scène. 188 De votre gorge. « Ung estron de chien/ Au milieu de vostre gargate ! » L’Aveugle et Saudret. 189 Je prie Dieu. 190 Éd : ouy (Aigu = fin, intelligent.) 191 L’autre jour. 192 Il a semblé que Simon se faisait décapiter. 193 Rien d’autre. 194 Qu’il fit ressembler à lui-même. 195 Que cela n’était pas. 196 Éd : dire. (Gréban n’a jamais commis une rime du même au même avec un sens identique.) Il y a anguille sous roche. 197 Que vous avez dit cela (l’histoire du mouton). 198 Puisque c’est votre volonté. Néron veut faire tuer sa mère, Agrippine. Cette scène, qui manque dans 1538 et 1540, n’est visiblement pas de Simon Gréban. 199 Je vais la dépêcher, l’exécuter. 200 Éd : testament. (Voilà son extrême-onction. « Véci ton dernier sacrement ! » Trote-menu et Mirre-loret.) 201 Qu’il vous plaise de me loger aux champs Élyséens, le paradis des païens. 202 De la mâchoire : elle ne mangera plus jamais. « Allons jouer de la mâchouère ! » Le Chauldronnier. 203 Pour que je sois élu échanson des dieux, comme Ganymède, dont Jupiter avait eu le corps. 204 Avec prestige. 205 Daru s’embrouille : j’ai les cuisses jusqu’au cul, j’ai la jambe jusqu’au talon. 206 Daru a failli dire « bout », qui désigne le pénis : « C’est pourquoy les femmes sont si friandes de dire aux hommes : ‟Prestez-moy vostre bout pour boucher mon trou !” » Chansons folastres. 207 Si on était. 208 Et si on se souvenait de mes hauts faits. 209 Éd : Ou 210 On n’aura pas besoin de me démettre de ces hautes fonctions. 211 La maison. « Aussi ne me sers-tu de rien/ Qu’à garder l’hostel. » (Le Cousturier et Ésopet.) Le siège est peut-être encore la chaire de St Barnabé. 212 Car si Daru se met à dire. Le bourreau parle de lui à la 3e personne aux vers 450 et 483. 213 Quand je voudrai exécuter Daru. La scène est totalement surréaliste. 214 Malade. « Tousser comme brebis morfondues. » Satyre Ménippée. 215 Je ne veux plus m’attarder. 216 Éd : du (Quand je me serai exécuté moi-même, Jupiter m’intégrera au Conseil des dieux de l’Olympe. Bref, Daru se voit déjà assis à la droite du Père.) 217 À cause des prêches mensongers de Simon le Magicien. 218 Éd : se eust (1538 et 1540 : eust) Je ne crois pas que Dieu aurait laissé Simon être décapité par un novice. 219 Et qu’il s’est ressuscité. « Par miracles,/ En suscitant les trespasséz. » ATILF. 220 Aussi bien que n’importe quel autre paysan. 221 Des diables ayant pris l’apparence de chiens viennent flairer saint Pierre, qui les fait fuir. Daru les poursuit pour faire croire qu’il est responsable de leur fuite. 222 Cri par lequel on excite les chiens. Daru l’a déjà employé : « Hare, lévrier ! À luy ! à luy ! » 223 De Néron (génitif archaïque). Voir le vers 476. 224 Est-ce parce que ses ennemis ont répandu des dons financiers ou des flatteries. 225 Qu’aux affaires. Second degré : qu’il ne parle plus dans ce Mystère. 226 Ce fut pour moi une malchance. 227 Quoique je me vante du contraire. 228 Des furoncles aux fesses. Daru n’aurait pas dû s’asseoir dans la chaire de saint Barnabé… 229 Pour un bourreau, le mot est bien choisi. 230 Simon le Magicien va s’envoler, soutenu par des diables invisibles qui le laisseront choir. Daru lui dédiera une oraison funèbre lapidaire : « Bien a vollé, mais il s’est mal tenu :/ Car au tumber, s’est rompu le cerveau. » 231 Il va danser à la manière. 232 Trois des acteurs de la Pippée, qui jouent un rôle d’oiseau, sont eux aussi couverts de plumes. 233 Je vais. 234 Ces fanfarons. Cf. le Nouveau marié, vers 191. Il s’agit bien sûr de chrétiens, parmi lesquels saint Pierre, et saint Paul — que Daru nommera aussi : « le conard, le décepveur fol. » 235 Tant de brûlés que de réduits en cendres. « Il y en eut, que tuéz que brusléz, environ huit mille. » Bible de 1561. 236 Si on m’avait livré les 8 prisonniers, j’aurais brûlé plus de 100 d’entre eux. Décidément, Daru est un bourreau de travail ! 237 Par un stratagème douteux. 238 Sûre, vigilante. 239 Et celui qui les captura. 240 Ravisseur. C’est l’écuyer du prévôt Agrippe (vers 369). Tous les hommes susnommés travaillent pour Agrippe ou pour Néron. 241 Puisse-t-il sortir du sens, devenir fou, celui qui… 242 Incliner sur le billot la tête du condamné. Ramener = asséner un coup : « Entoisa [il leva] sa grosse masse, ramenant un coup foudroyant. » Lacurne. 243 Tenant la doloire [hache] d’une main ferme. 244 On relève ou on coupe les cheveux du condamné avant de le décapiter, pour qu’ils ne gênent pas la manœuvre. Il n’y a pas si longtemps, on coupait le col de sa chemise. 245 Chargé par Néron de surveiller les prisonniers St Paul et St Pierre, il les a libérés contre quelques deniers versés par les convertis Martinien et Procès. 246 Je me lamente. Verbe se douloir. 247 J’ai 3 écus tous neufs. On use de cette boutade pour dire qu’on n’a rien à donner. « Ouy dea, il en a troyz tout neufz ! » (La Pippée.) « J’en ay là trois/ Tous neufz, à compter riffle-à-riffle. » (Te rogamus audi nos.) Bref, Mamertin se moque du bourreau, et répond toujours à côté de la question. 248 Ou 3 écus neufs, ou 4 écus vieux. « Grant planté [quantité] d’escuz vieux. » La Confession du Brigant. 249 Elle pète. « S’il va, s’il vient, s’il dort, s’il poit. » Ung biau miracle. 250 Battus. Cf. Calbain, vers 339. 251 Vous fûtes élu, choisi. 252 « Aussi droit, par Dieu, comme gaulles !/ Quarray comme une belle fluste ! » (Les Coppieurs et Lardeurs.) Non seulement la réponse est absurde, mais en plus, elle dissimule un double sens érotique : aussi érigés que de beaux pénis. 253 Ce dégourdi. Idem vers 231. 254 Les ont-ils jugés puis acquittés ? 255 Ou les ont-ils libérés de cette prison ? « Cians » rime avec « chrétians », comme « escient » rime avec « magician » à 408. 256 Un esclandre. 257 Taratata ! 258 Leur trace. 259 Il décapite le converti Martinien (vers 558). 260 Est-ce vrai ? 261 Chevalier aux ordres de Néron (vers 520). Daru lui lance la tête de Martinien comme un ballon. 262 Plaisanterie de bourreaux : « Portez-le bouillir,/ Rostir, ou faire des pastéz ! » Mistère de la Conception. 263 Le bourreau vient d’exécuter plusieurs chrétiens. Mais il n’a pas besoin de cela pour avoir soif. 264 Daru parle d’Agrippe (vers 369) : le prévôt de Rome a osé anticiper un ordre de Néron, et risque donc d’être condamné à mort, s’il ne corrompt pas les juges. 265 Il faut réfléchir à cela. 266 D’abord. 267 Roi des Juifs. Pour ce qui est des prévôts, Gournay et Micet ont bel et bien pendu celui qui leur ordonnait de pendre les autres. 268 Le bourreau simule une décapitation. 269 Éd : Cy (Le peuple qui assistait aux exécutions prenait quelquefois le parti du condamné.) 270 Éd : fera il 271 D’argent : il pourra donc acheter les juges. « Son père qui, par plusieurs foiz,/ Du gibet l’avoit racheté. » Éloy d’Amerval. 272 J’ai beau râler et j’ai beau dire, ils sont au-dessus des lois. 1538 et 1540 commentent en marge : « Nota contre les mauvais justiciers. »
LE FOSSOIEUR ET SON VARLET
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LE FOSSOIEUR
ET SON VARLET
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Quand on évoque les différentes sortes d’humour qui animent le théâtre médiéval, on oublie toujours l’humour noir. Les danses macabres doivent pourtant beaucoup aux farces et aux Mystères. Voici les extraits les plus « gore » d’une scène de cimetière que nous détaille avec complaisance le Mistère du Viel Testament.
Un fossoyeur et son valet se livrent une concurrence particulièrement cynique. Plus loin, nous verrons la concurrence non moins éhontée que se livrent, dans ce même Mystère, un bourreau et son valet qui n’ont rien à envier au fameux Daru, le bourreau des Actes des Apostres.
Sources : Le passage que je conserve s’intitule « Du débat du Fossoieur et de son Varlet ». Je prends pour base le Très excellent & sainct Mystère du Viel Testament, imprimé par Jehan Réal en 1542 ; il reproduit — avec moins de fautes — le Mistère du Viel Testament par personnages, imprimé par Pierre Le Dru vers 1500. L’édition Trepperel, parue vers 1520, propose quelques corrections utiles.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Du débat du Fossoieur
et de son Varlet
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LE FOSSOIEUR SCÈNE I
Mon pic s(e) enrouille1, et si, se gaste ;
Et ma pelle est toute moysie.
De besongne[r] n’ay point de haste.
Mes varletz2 !
LE VARLET DU FOSSOIEUR
Le cul me frémie3 !
LE FOSSOIEUR
5 Cuydez-vous comme il s’en soucye ?
Viendras-tu ?
LE VARLET
Bénédicité !
Ma besongne est piéçà basie4 :
Besongner n’est nécessité.
LE FOSSOIEUR
Du temps de la mortalité,
10 Ma bourse d’argent estoit grosse5.
LE VARLET
Et ! aussi, c’est abilité6,
Maistre, de bien faire une fosse…
LE FOSSOIEUR
Où est le temps que Mort escosse7
Grans et petis, jeunes et vieulx,
15 Aussi drus comme pois en cosse ?
On s’en cource8, et j’en suis joyeulx.
LE VARLET
Bref, mon maistre est aussi piteux9
Comme ung chien mastin enragé :
Il les enterre deux et deux10.
LE FOSSOIEUR
20 Aussi, c’est le plus abrégé11.
LE VARLET
Je vouldroye qu’à mort fust jugé12,
Et qu(e) une fosse je luy feisse :
Il seroit bien avant13 plongé,
Affin que j’eusse son office14.
LE FOSSOIEUR
25 Tu es encore trop novice
Pour si grande charge entreprendre.
LE VARLET
Pourquoy ?
LE FOSSOIEUR
Tu n’as pas la notice15
Du fosso[y]aige, [à] bien comprendre16.
LE VARLET
Vray(e)ment, il est fort17 à apprendre !
30 Mon maistre, vous luy baillez belle18.
Il ne fault seullement que prendre
Une houe, ung pic, une pelle,
Et puis bêcher.
LE FOSSOIEUR
La chose est telle.
Toutesfois, il y a moyen
35 De la faire à façon nouvelle19.
LE VARLET
Il ne m’en fault apprendre rien20 :
Quant c’est ung grant homme de bien,
Il le fault bouter plus avant21
Q’ung povre homme.
LE FOSSOIEUR
Tu l’entens bien.
LE VARLET
40 Je suis ung maistre poursuyvant22.
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LE SECOND PARENT 23 SCÈNE II
Nostre maistre, Dieu vous avant24 !
LE FOSSOIEUR
Et vous aussi !
LE VARLET
Que dictes-vous25 ?
LE FOSSOIEUR
Tays-toy, ou tu auras des coups !
De quoy dyable te mesle-tu ?
45 C’est ung26 garson le plus testu
Que je veis oncques !
LE SECOND PARENT
Ne vous chaille…
LE VARLET
Se nous avons rien27 qui vous faille,
Ne l’espargnez point.
LE FOSSOIEUR
Se je metz
La main sur toy, je te prometz
50 Q’une bigne28 y viendra, bien grosse !
LE SECOND PARENT
Je viens commander une fosse ;
Dépescher se fault de la faire.
LE VARLET
De quel aage29…
LE FOSSOIEUR
Te sçais-tu taire ?
LE VARLET
Il fault bien sçavoir la grandeur,
55 La largeur et la profondeur.
Car à faire « pourpointz sans manches30 »,
Besongnons festes et dimanches ;
Et jamais ne sommes repris31.
Il ne fault point parler du pris32.
60 J(e) y besongne d’entendement33.
LE FOSSOIEUR
Et ! de quel aage, voirement,
Est cest homme ?
LE SECOND PARENT34
De soixante ans.
LE VARLET
Je m’en voys35 donc chausser mes gans
Pour besongner à forte main.
65 C’est follie d’attendre à demain
Ce qu’aujourd’huy on peult bien faire.
LE SECOND PARENT
Dépeschez-vous tost de la faire !
LE FOSSOIEUR
N’en parlez plus : j’en suis records36.
LE SECOND PARENT
Après, venez quérir le corps.
70 Et puis on vous contentera37.
LE FOSSOIEUR
Si bien on y besongnera
Que vous en serez tous contens.38
.
LE VARLET SCÈNE III
Mon maistre !
LE FOSSOIEUR
Quoy ?
LE VARLET
Voicy bon temps !
S’il en mouroit tous les jours quatre,
75 Nous nous [sç]aurions [plus] bel esbatre39
Et boire tousjours du meilleur.
LE FOSSOYEUR
Depuis que je suis fossoieur,
J’en ay enfouy plus de mille.
Besongne ! Feras40, malabille ?
80 Tenez : il semble qu’il n’y touche41.
LE VARLET
Attendez ung peu, je me mouche.
Vous estes mallement42 hastif !
LE FOSSOIEUR
Il n’est pas temps d’estre tardif :
Quant l’aquest43 vient, il le fault prendre.
85 Et si, ne fault rien entreprendre
Qu’on n’en vienne44 à son grant honneur.
…………………………………. 45
LE VARLET
Voicy une fosse jolye.
Se vous estiez mort, mon [doulx] maistre,
El seroit bonne pour vous mettre :
90 C’est droictement46 vostre mesure.
LE FOSSOIEUR
Par ma foy, varlet, je n’ay cure
D’y estre logé !
LE VARLET
Par raison,
Si aurez-vous une maison
De cinq47 piedz de long, une foys.
LE FOSSOIEUR
95 Vien-t’en avec moy !
LE VARLET
Bien j(e) y vois ;
Allez devant, je vous suyvray.
.
…………………………… 48. SCÈNE IV
LE FOSSOIEUR
Seigneur, la fosse est préparée.
Le corps mort quérir nous venons
À celle fin que l’enterrons,
100 Ainsi qu’on a acoustumé.
LE TIERS FILZ
Raison veult qu’il soit inhumé.
…………………………… 49
LE SECOND FILZ
Qu’il soit bouté en sa tesnière50 !
LE FOSSOIEUR
Soustien devant !
LE VARLET
Prenez derrière !
LE FOSSOIEUR
Hardy !
LE VARLET
Là, là !
Ilz le mettent en la fosse.
LE PREMIER FILZ
Qu’il soit couvert51 !
105 Dépesche-toy, hay, mal apert52 !
La pueur53 me vient jà au nez.
LE VARLET
Mon maistre !
LE FOSSOIEUR
Que veulx-tu ?
LE VARLET
Prenez
Ceste pelle, dépeschez-vous,
Et le couvrez !
…………………………..
LE FOSSOIEUR
110 Est-il enterré proprement ?
Il n’a garde de revenir54.
LE PREMIER FILZ
Nous ne voulons pas retenir
Ta vacation55 ne ta peine :
Voylà pour toy !
LE FOSSOIEUR
Trèsbonne estraine56
115 Vous vueille envoyer le grant Dieu !
LE VARLET
Vuydons, vuydons hors de ce lieu57 !
.
Argent avez, c’est le plus fort. SCÈNE V
Allons boire nous deux d’accord,
Car j’ay l’estomac tout haslé58.
LE FOSSOIEUR
120 Tantost y aura bien hallé59,
Mais que nous soyons sur le banc60.
De l’argent de61 nostre escot franc
Nous demourra, mon valetton.
.
…………………………… 62 SCÈNE VI
LE PREMIER PARENT
Où estes-vous ? Hay, Malhabille63 !
LE VARLET
125 Mon maistre, voicy du gaignage64
Qui nous vient.
LE FOSSOYEUR
Que la malle raige
Te puisse happer par les dens65 !
LE SECOND PARENT
Qui est céans ?
LE VARLET
Entrez dedans !
Il n’y a que moy et mon maistre.
LE FOSSOYEUR
130 Qu’esse qu’il y a ?
LE PREMIER PARENT
Il fault mettre
— Sur la peine66 d’amande grosse —
Cest homme mort hors de la fosse,
Et le porter devant le Roy.
LE FOSSOYEUR
Le déterrer ? Cause pourquoy67 ?
135 Vous vous mocquez !
LE SECOND PARENT
Sauf vostre grâce
— Car il est force qu’il se face68 —,
Bien et beau69 le déterrerez.
Soubz son arbre70 le porterez,
En vous payant71 de vostre peine.
.
LE FOSSOYEUR SCÈNE VII
140 Sus ! dépesche-toy, traîne gaine72 !
Il fault besongner ric-à-ric73.
LE VARLET
Prenez la pelle ; j’ay le pic.
Et regardez se je m’y fains74.
LE FOSSOYEUR
Besongne ! Hay, comme tu jains75 !
145 Est-il pansu, est-il enflé !
Voyez comme il est boursouflé !
Que fais-tu ?
LE VARLET
J’estouppe mon nez76.
LE FOSSOYEUR
Et ! prenez-le par là, prenez !
Paillart, vous ne sçaurez jà rien ?
LE VARLET
150 Il suffit, puisque je le tien.
LE FOSSOYEUR
Soustien fort !
LE VARLET
Aussi fais-je pas ?
LE PREMIER PARENT
Or, cheminons tout le beau pas77
Pour faire le vouloir du Roy !
.
…………………………… 78 SCÈNE VIII
SALOMON
Or sus ! faictes-le transporter
155 Au pied de l’arbre, entendez-vous ?
Metez-le debout devant nous !
Puis après, jugement ferons.
LE FOSSOYEUR
Vostre vouloir accomplirons,
[Il n’en fault point prendre d’ennuy.]79
160 Dresse !
LE VARLET
Haussez !
LE FOSSOYEUR
Tien bien !
LE VARLET
À luy !
À grant-peine le remuons.
LE FOSSOYEUR
Est-il pas bien ?
LE VARLET
Or, le lyons,
À celle fin qu’il se tienne mieulx.
Mais je suis mélencolieux
165 Que c’est que80 le Roy en veult faire.
LE FOSSOYEUR
Beau sire, pense à ton affaire !
Le voylà ainsi qu’il doit estre.
LE VARLET
C’est mon81. Vray(e)ment, vous estes maistre :
Ouvré avez d’entendement82.
.
…………………………. 83 SCÈNE IX
SALOMON
170 Gallans, devant84 qu’il soit plus tart,
Allez le corps sépulturer !
LE VARLET
Sire, l’irons-nous enterrer ?
SALOMON
Allez le remettre en son lieu !
LE FOSSOYEUR
Nous y allons. Çà, de par Dieu !
175 Mais voirement, qui me payera ?
LE PREMIER PARENT
Trèsbien on vous contentera.
LE VARLET
Qu’on ne nous tienne point sur fons85 !
LE PREMIER PARENT
Nenny non, je vous en respons.
Allez l’enterrer tout batant86,
180 Et puis je vous payray content.
LE FOSSOYEUR
Il suffit, je n’en parle plus.
*
.
.
GOURNAY
ET MICET 87
*
ATACH 88 SCÈNE I
Gournay, estes-vous cy dedans ?
GOURNAY, bourreau.
Ouy. Qui est là ?
ATACH
[C’est moy,] Atach.
GOURNAY
Et que te fault-il ? Ung vieil sac
Pour te getter en la rivière89 ?
ATACH
5 Que fais-tu, Gournay ?
GOURNAY
Quoy ? Grant chère
Avecques mon varlet Micet.
MICET, varlet du bourreau.
Vien boire avec nous, s’il te plaist ;
Et fais, comme nous, ton devoir.
ATACH
Pas n’ay soif mais, à dire voir90,
10 Content suis de boire une fois.
GOURNAY
Par noz dieux, tu es bon galloys91 !
Or, tien franc, Atach, et à tâche92 !
ATACH
Voulentiers.
MICET
Il a fait sa tâche93.
Ha, a ! quel avalleur94 de vins !
GOURNAY
15 Çà ! qu’i a-il, à toutes fins ?
ATACH
Voulez-vous que le cas desqueuvre95 ?
Gournay, il fault faire ung chief-d’euvre96.
GOURNAY
Et comment ? Quoy ? Je te supplie !
ATACH
Aller fault à la « torterie97 »,
20 C’est-à-dire au jolly gibbet.
MICET
Ha, ha !
GOURNAY
Y a-il point d’aquest98 ?
Ne le nous vueille point celer !
ATACH
Or çà ! que voulez-vous donner ?
Et je vous en diray la fin.
GOURNAY
25 Point ne fault de cela doubter :
Tu en auras quelque loppin.
MICET
Qui, Atach ? A ! il est si fin
Pour vif bailler ung coup de pelle99 !
Où il a sellé son Martin100,
30 Il en apporte ou pied, ou elle101.
ATACH
Gournay !
GOURNAY
Atach ?
ATACH
La chose est telle
Que deux hommes il vous fault pendre
[Sans] séjour102. N’y fault plus attendre.
Venez par-devers le prévost103 !
.
GOURNAY SCÈNE II
35 Nous avons gaigné nostre escot104.
Dépesche-toy ! Fais-tu le fol ?
MICET
Et ! je ne pourroye plus tost105,
Se je ne me rompoye le col.
GOURNAY
Garde d(e) oublier ung licol106 !
40 Il en fault bien estre songneux.
MICET
De moy jouez au capifol107 ?
Dea ! mon maistre, sont-ce beaulx jeux ?
GOURNAY
Pourquoy ?
MICET
Vous sçavez qu’il[z] sont deux.
GOURNAY
Ha ! que tu es ung rouge gueux108
45 Et ung fin [hoste, ce]109 me semble !
MICET
Les pendrez-vous tous deux ensemble,
Mon maistre Gournay, d’une corde110 ?
Il me plaist trèsbien, je l’accorde,
Se faire le voulez ainsi.
GOURNAY
50 Micet, vostre bonne mercy111,
Qui si bien d’accord voulez estre
Que de donner congé au maistre.
Et ! vous n’estes que le varlet.
Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Tost au gibet !
55 Il ne nous fault plus cy targier112.
.
MICET
Maistre, vous irez le premier ;
Et puis après, vostre varlet.
L’honneur humerez113, s’il vous plaist.
Quant à ce cas seigneurïeux114,
60 S’il nous115 y fault aller tous deux,
J’en suis d’accord : car, il me semble,
Si belle perte n’est, que ensemble116.
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ATACH 117 SCÈNE III
Dépeschez-vous !
.
GOURNAY SCÈNE IV
Je vois Atach.
Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
As-tu le sac ?
MICET
65 Nenny, je n’ay que la besace.
GOURNAY
Noz dieux te donnent malle grâce118 !
MICET
À vous je suis prest d(e) obéyr.
GOURNAY
Or te garde bien de faillir
D(e) oublier les cordes, Micet !
MICET
70 Ne m’en souvenoit, sans mentir ;
Je ne portoye que du fouet.
GOURNAY
Que tu es ung fin mitouflet119 !
MICET
Mais vous me raillez en tous temps,
Gournay.
GOURNAY
N(e) oublie point mes gans :
75 Tu sçais bien qu’ilz sont nécessaires.
MICET
Mon maistre, il [vous] en fault deux paires :
Et ! ne pendez-vous pas deux hommes ?
GOURNAY
Cecy120 ! Je ne sçay où nous sommes !
Tu me veulx, ce croy, faire paistre121 ?
80 Allons légièrement122 !
MICET
[Mon] maistre,
Rien seulement qu’une demande,
Voire bien honneste.
GOURNAY
Demande !
MICET
L’accordez-vous ?
GOURNAY
Content en suis123.
MICET
Je vous requiers tant que je puis,
85 Par ma loy124 !
GOURNAY
Que de preschement !
À coup dis125 !
MICET
Hélas, Gournay !
GOURNAY
Quoy126 ?
MICET
Ha, [ha], mon maistre !
GOURNAY
Seurement
Demande tost, je te l’octroy.
Mais…
MICET
Mais quoy ?
GOURNAY
Porte-moy honneur127.
MICET
90 Comment diray-je ?
GOURNAY
« Monseigneur. »
Et tu auras…
MICET
Quoy ?
GOURNAY
Une belle office128.
MICET
Hélas !
GOURNAY
Bien tost129 !
MICET
Et ! que je feisse…
GOURNAY
Sus !
MICET
Vous m’escondirez.
GOURNAY
Non feray.
Hardiment !
MICET
Haa !
GOURNAY
Que tu es nice130 !
95 Demande tost, je le t’octroy.
MICET
Par ma loy131 ! vous m’escondiriez.
GOURNAY
Non feray, non.
MICET
[Et !] si feriez.
GOURNAY
Et ! non feray, de par le dyable !
La requeste ?
MICET
Elle est raisonnable.
100 Héé, héé !
GOURNAY
Je me cour[rou]ceray.
MICET
Par tous noz dieux !
GOURNAY
Est-elle notable ?
Demande tost, je le t’octroy.
MICET
Hé ! me vouldriez-vous escondire ?
GOURNAY
Ce follastre-cy132 me fait rire.
MICET
105 M(e) octroyez-vous donc ma demande ?
GOURNAY
Dépesche-toy, à coup demande !
Je suis icy tout ennuyé.
MICET
Ou au gibet soyez lié !
GOURNAY
Tu me tennes133, à dire voir.
MICET
110 Ou qu’il vous134 puist du corps mescheoir !
GOURNAY
Se je te prens, je me fais fort…
MICET
Ou que le dyable vous emport !
GOURNAY
Par noz dieux, ce coquart est fol !
MICET
Ou qu’on vous puist rompre le col !
GOURNAY
115 Je suis icy tout tempesté.
MICET
Ou que jamais n’ayez santé !
GOURNAY
Ce follastre est en ses fumées135.
MICET
Ou qu(e) unze mille charretées
De dyables, aussi de dyablesses,
120 Se vous ne tenez voz promesses,
Vous emportent136 et corps et âme !
GOURNAY
Et va, va, va, paillart infâme !
Encor ne t’ay-je rien promis.
MICET
Je vous requier tant que je puis,137
125 À joinctes mains et à genoux,
Affin que j’apprengne de vous,
Que l’ung en pendez, et moy l’autre.
GOURNAY
Que tu y feroys ung beau peaultre138 !
Tays-toy, tays, pas ne sommes là139 !
MICET
130 A, dea ! Je dis, quant là viendra,
Que j’apprengne vostre labeur140.
GOURNAY
Et ! bien, bien, on y pensera,
Pour veoir qui sera le meilleur.
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…………………………. 141 SCÈNE V
GOURNAY
Sire, je les vois dépescher142.
135 Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Sans tant prescher,
Monte en hault veoir s’il y fault rien143 ;
Et regarde se tout est bien,
Tandis que les appointeray144.
MICET
J(e) y voys. Au moins, j’e[n] apprendray
140 Petit à petit le mestier.
Ceste eschelle si eust mestier145
D’avoir de plus fors eschellons ;
Car quant telz happars eschellons146,
Il y chiet147 ung trèsgrant dangier.
GOURNAY
145 Dépesche-toy ! Tant langagier !
Dieu te met148 en fièvres quartaines !
MICET
Maistre, pour vous, voicy des chaînes
Qui sont seurement149 enchaînées.
…………………………… 150
Maistre, je vous prie
150 En tant151 que je vous puis prier,
Que vous me laissez dépescher
Cest homme-cy de bonne tire152.
GOURNAY
Et va, [va], paillart, va !
MICET
Beau sire !
GOURNAY
Tu ne t’y congnoys nullement.
MICET
155 Je vous prie si humblement !
GOURNAY
Mais regardez ce coquibus153 !
MICET
Jamais ne vous requerray plus154.
GOURNAY
Que dyable ! tu ne t’y congnois.
MICET
Tant seulement pour ceste fois !
160 Au moins, quant de vous j’apprendray,
Après vostre mort, je diray
Que je tiens de vous le mestier.
Au besoing, s’il estoit mestier155
— Dont noz dieux vous vueillent garder ! —,
165 Je vous feroye deffiner156
La vie tout doulx en ce gibet.
Que je le pende, s’il vous plaist !
Ne faictes point tant de fatras !
GOURNAY
Çà ! je verray que157 tu feras
170 Pour ung homme158, ne plus ne moins.
MICET
Premier, il fault lyer les mains ;
Cela, ce n’est pas de nouveau159.
GOURNAY
Va, va, va, va, paillart bourreau !
Va, va, tu ne sçais que tu fais !
175 Je te donray tant de souffletz
Que je te rompray le museau.
MICET
Ha ! il ne tient [qu’à ung]160 noyau.
(Que maudis soient les fouëtz !)
GOURNAY
Et va, va, va, paillart bourreau !
180 Va, va, tu ne sçais que tu fais !
MICET 161
Fais-je bien ?
GOURNAY
A, que tu es veau !
MICET
N’ay-je pas bien serré les traitz162 ?
GOURNAY
Nenny non, ilz sont trop estroictz163.
MICET
Il fault les rongner d’ung cousteau.
GOURNAY
185 Va, va, va, va, paillart bourreau !
Va, va, tu ne sçais que tu fais !
Je te donray tant de souffletz
Que je te rompray le museau.
MICET
Par noz dieux ! il164 est bien et beau,
190 Et mieulx que ne le sçauriez faire.
GOURNAY
Va, va, je te feray bien taire !
Mais me cuyde-tu faire paistre ?
MICET
Voylà de quoy : puisqu’il est maistre,
Il n’en fera qu(e) à son plaisir.
………………………….. 165
.
GOURNAY
195 Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Liève166 mes gans !
Fièvres te puissent espouser167 !
MICET
Pour vous je les vouldray[s] garder :
On ne sçait de quel tuille on queuvre168.
Ou, quant je feray mon chef-d’euvre169,
200 Ilz me viendront trèsbien à goust170.
GOURNAY
Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Or, serre tout171
Et allons boire ! C’est la somme172.
MICET
Gournay, vous estes trèsbon homme.
Aussi est faicte la journée.
.
…………………………….. 173 SCÈNE VI
GOURNAY
205 [Hau], Micet ! Hau, Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Il faulsist174 ces meschans despendre.
MICET
Je suis tout fin prest d’y entendre175.
Iray-je ?
GOURNAY
Ouy, mais va bien tost
Demander congé176 au prévost :
210 Car sans congé, je n’oseroye.
MICET
Par mon serment, j’en ay grant joye !
Et n’y sçavez-vous autre chose ?
GOURNAY
Pourquoy, Micet ?
MICET
Je présuppose
Que j’en viendray à mon attainte177.
GOURNAY
215 Par quel moyen ?
MICET
Par une fainte :
Par ung beau joncher178 évident,
Luy diray que chascun passant
Se complaignent de ces pendus.
Quant mes cas aura entendus,
220 En tant qu’ilz sont du chemin près,
[J’en auray]179 (ne vous souciez)
Incontinent le mandement180.
G’y voys.
GOURNAY
À coup !
MICET
Premièrement,
Mon maistre Gournay, tu m’accordes181
225 Que vous me délivrez les cordes,
Les fouëtz, et tous les licolz
Dont ilz sont penduz par les colz.
Aussi, vous vous donnez au dyable182
Que vous n’aurez cordes ne châbles183,
230 Car tout cela me sera bon.
GOURNAY 184
Je le vueil bien.
MICET
Encor ung don
Je vous requier, il m’est propice.
GOURNAY
Et quel ?
MICET
C’est que je face l’office
De despendre ces malheureux.
GOURNAY
235 Va quérir congé, je le veulx185 !
J’ay en toy ung trèsbon varlet186 !
MICET
Ho, ho ! J’y voys187.
.
Vive Micet ! SCÈNE VII
Vive Micet ! J’auray honneur :
Je vois parler à Monsïeur188,
240 Il m’orra189 parler. S’il luy plaist,
Je luy bailleray d’ung touchet190,
Ainsi que je l’ay devisé191.
Micet, tu te es bien advisé.
Par tous les dieux qui m’ont faict naistre !
245 Je seray, l’autre année192, maistre ;
J’auray l’office de Gournay.
.
Cerbérus vous garde d’ennoy193 ! SCÈNE VIII
Et dame Juno, monsïeur,
Si vous accroisse vostre honneur !
AMAN
250 Micet, qu’i a-il de nouveau ?
MICET
Il n’y a rien que bien et beau.
Mon maistre, monsïeur, Gournay,
A entendu (comme je croy),
Et moy aussi, que les passans
255 Se complaignent que194 ces pendans
Qui sont penduz à ce gibet
Sont infectz et puant[z]. De faict,
S’il vous plaist qu’ilz soient despendus,
En terre les mettray, tous nudz.
260 S’il vous plaist, congé195 !
AMAN
À comprendre
Ce que me donnes à entendre,
Je le vueil bien. Or, va bon erre196 !
Qu’ilz soient ostéz et mis en terre,
Et que plus on n’en face frime197.
MICET
265 (Par noz dieux ! Gournay198, une mine
Fera199 longue jusque[s] aux piedz.)
Monsïeur, à noz dieux soyez !
Je voys acomplir mon office.
.
Gournay ! SCÈNE IX
GOURNAY
Micet ?
MICET
Quoy ! suis-je nice ?
270 J’ay congé — et n’en parlez plus ! —
De despendre ces deux pendus
Qui sont mors à honte villaine.
GOURNAY
Et ! tu as ta fièvre quartaine !
MICET 200
Prenez cela ! Vous m’aiderez,
275 À ce coup, et me servirez.
Ne voulez-vous pas que j(e) apprengne ?
GOURNAY
Quel follastre !
MICET
Se je m’engaigne201…
GOURNAY
Que feras-tu ?
MICET
J’ay aliance202 :
M’avez-vous pas donné puissance,
280 Avec le congé du prévost,
Que hastivement et bien tost
Soient de par moy despendus ?
G’y voys bref, et n’en parlons plus.
GOURNAY
Et ! tu feras ton senglant dyable !
MICET
285 Sans songer, baillez-moy ung châble203 !
GOURNAY 204
Tu auras ung coup de fouët !
MICET
Que ce neu205 est serré estroit !
Tirez fort, tirez, qu’il n’eschappe !
GOURNAY
Par le grant dieu ! se je te happe,
290 Il y aura ung grant bissestre206.
MICET
A, je regny207 ! Je seray maistre,
Quelque chose qu’alliez208 brouillant.
Il est à terre, le gallant.
Sus ! à l’autre, qu’il n’y ayt noyse209.
GOURNAY
295 Ennuyt sçauras que ma main poise210 !
Fault-il que serve ce coquin ?
MICET
Ouÿ, vray(e)ment. Je suis bien fin.
GOURNAY
Tu n’entens à demy ton cas211.
MICET
Je suis maistre. Descendez bas
300 Et tirez fort, comment qu’il soit212 !
Vive le bon maistre Micet,
Qui est des pendus despendeur !
GOURNAY
Vive Gournay !
MICET
J’en ay l’honneur213.
Sus tost ! il les fault enterrer.
GOURNAY
305 Dépesche-toy sans plus tarder !
Prens cela ! Je te vueil aider :
Il ne nous fault plus cy baver214.
MICET215
À ce coup, revestu seray216.
.
…………………………. 217 SCÈNE X
ATACH
Gournay, il te fault labourer218 ;
310 Dépesche-toy bien tost !
GOURNAY
Ha, ha !
Et qu’i a-il de bon, Atach,
Ma gracieuse et gente trongne ?
ATACH
O ! il y a grosse besongne.
GOURNAY
Comme quoy ? Dy-le à ung mot.
ATACH
315 Il te fault pendre le prévost
Aman.
GOURNAY
Haro, que de fredaines !
Et ! il fait tes fièbvres quartaines !
Te cuydes-tu railler de moy ?
ATACH
Je te dis tout vray, par ma loy !
320 Ainsi Assuaire le veult.
MICET
Ne nous chault, non. Vienne qui peult219 !
De ce, ne nous fault entremettre220.
Mais221 que nous gaignons bien, mon maistre,
Il souffit bien.
GOURNAY
La chose est clère.
325 Par noz dieux ! Fust son propre père222,
Puisqu(e) ainsi est, il le fault faire.
Trèstout ce qui est nécessaire,
Apporte-le en ta besace !
MICET
Gournay, allez saulter en place223 !
330 Cuydez-vous que soye apprentis ?
.
GOURNAY 224 SCÈNE XI
Honneur soit partout !
ÉGÉUS 225
Beaux amys,
Cest homme fault exécuter.
Il n’y fault point dissimuller :
Il le convient, propos final.
GOURNAY
335 Par ma loy, il m’en fait bien mal !
Çà, des cordes pour le lier !
MICET 226
De cella ne vous soucïez !
Manteau227 gaudy, Gournay, tenez :
Esse assez ?
GOURNAY
Or me pardonnez
340 Vostre mort, et je vous en prie.
AMAN
Et ! me fault-il perdre la vie
À mon hostel228 ? Hélas, ouÿ.
Fortune229 — noz dieux la mauldie ! —,
Fault-il que je deffine ainsi ?
345 Mardochée, ce gibet-cy
J’ay fait faire tout neuf pour toy ;
Hélas ! quel douloureux party :
J’ay fait faire ung gibet pour moy.
GOURNAY 230
Or montez ! Les dieux de la Loy
350 Dépriez, si ferez science231.
Mon seigneur, prenez en pascïence232,
Vous en mourrez beaucoup plus ayse.
AMAN
Il [le] convient, plaise ou non plaise ;
Contre je ne puis.
GOURNAY
Monseigneur,
355 Se vous avez rien233 sur le cueur,
Si le dictes tost, pour le mieulx.
Recommandez-vous à noz dieux,
Qu’ilz facent de vous leur plaisir.
ÉGÉUS
Gournay, ne le fais point mourir
360 (Entens-tu bien ?) sans congnoissance234.
GOURNAY
Estes-vous à vostre plaisir235 ?
ATACH
(Quel plaisir !)
AMAN
Ouy.
GOURNAY
N’ayez doubtance236.
AMAN
Promothéus, aye237 bienvueillance !
Et vous aussi, Deucalïon,
365 Pareillement Démogorgon,
Où j’ay eu parfaicte fiance238 !
GOURNAY
Noz dieux priez en doléance,
Qu(e) aux infernaulx soyez propice239.
ÉGÉUS
Il fault faire de la justice
370 Rapport au Roy, j’en ay la charge.240
.
GOURNAY
Micet !
MICET
Gournay ?
GOURNAY
Happe la charge241
Et entonne ce ront au creux242 !
MICET
Mon maistre, attendez, se tu veulx243.
Que dyable tu avez grant haste !
375 Nous pierons, en ceste grant mate,
Gourdement244, voicy chose grosse.
GOURNAY
Or, taillé avons quelque endosse245 ;
Elle n’est point de juiverie246.
MICET
Gournay, c’est toute [gourde pie]247 :
380 Voicy bon fons pour la pience248.
GOURNAY
Est-il homme de congnoissance
Où nous le [peussons mettre en plant]249 ?
MICET
Vous soucïez-vous ? Hay avant !
De ce, point je ne me soucie.
GOURNAY
385 Où vas-tu ?
MICET
À la frèperie250 :
J(e) y trouveray Martin Marchant251.
La fourrure en sera gaudie252.
GOURNAY
Où vas-tu ?
MICET
À la frèperie.
(Au gibet veulx perdre la vie
390 Se je n’en ay ung grain253 content,
Gournay, que vous ne sçaurez mie :
Je ne le vous diray pas, pour tant.)
GOURNAY
Où vas-tu ?
MICET
À la frèperie :
G’y trouveray Martin Marchant.
GOURNAY
395 À butin254 ?
MICET
Qui en est doubtant ?
GOURNAY
Revien bien tost !
MICET
J(e) y voys de tire255.
GOURNAY
Or va, n’arreste point, beau sire !
Si yrons croquer ceste pie256.
MICET
À ce, je ne failliray mie :
400 Quant je puis croquer de ce moust257
Qui me semble de si bon goust,
Je suis guéry de la pépie258.
.
Je voys vendre ma marchandie259, SCÈNE XII
Et ne seray pas si cosnart260
405 Que je n’en mette ung grain261 à part,
De quoy Gournay n’en sçaura rien.
Et au retourner, je sçay bien
— Ou entré [je] soye en mal an262 —,
Se j’en ay le georget263 d(e) Aman
410 (Dont ma feulle sera gaudie264)
Et les tirandes265, sur ma vie,
Je le feray266, et sans mot dire.
………………………… 267
Il est temps de faire le guet :
N’y268 a âme entour la Justice ?
415 Je seroye bien tenu pour nice269
Se je n’avoye le demourant,
S’il a aux doys quelque brocant270
Et que de moy soit entendu271.
Après qu(e) auray trèstout vendu,
420 Gaultier272 en sera souldoyé.
Aussi, d’autre part, j’ay congé
D’estre despendeur ceste année.
Se Gournay sçavoit la traînée273,
J’auroye de luy ung tour de pelle274.
425 Il fault monter en ceste eschelle
Et prendre garde au compaignon.
Ce sera « l’escot du mignon275 ».
Je croy qu’il [n’]en demourra ung276.
Ô Aman, comment le commun
430 Tient maintenant de toy son plait277 !
.
GOURNAY 278 SCÈNE XIII
(Mais regardez nostre varlet !
Fièvres le puissent espouser !
Ha, ha ! me cuyde-il abuser ?
J’attendray encor ung tantet279.)
MICET
435 Par noz dieux ! ta mort me desplaist,
Aman. Mais pour venir au point,
Bien gourt280 me sera ce pourpoint.
Se Gournay sçavoit ce labour281,
Il me pourroit jouer d’ung tour.
440 Mais nenny, car la chose est seure.
Regarder fault, à l’adventure,
Qu’on ne me voye de quelque part282.
O nenny !!
GOURNAY
Héé ! maistre coquart283,
Me jouez-vous de ce jeu-là ?
445 Sçavez-vous bien faire cela ?
Quel marchant284 !
MICET
Venez-moy ayder !
GOURNAY
Ha, ha !
MICET
Fault-il tant commander285 ?
Aydez-moy !
GOURNAY
Héé, quel dorellot286 !
MICET
N’ay-je pas congé du prévost ?
450 Si ay. Et vous tenez tout seur
Que je suis maistre despendeur,
Et ne vous en courroucez point.
GOURNAY
Voulez-vous avoir le pourpoint ?
Ha, ha ! quel vaillant serviteur !
455 Par tous noz dieux ! maistre beffleur287,
Vous venez à la blefflerie288.
Et ! cuydez-vous, par tromperie,
Confoncer ceste aumuce gourde289 ?
MICET
Gournay, ne cuydez que me bourde290.
460 Vous sçavez que vous ay servy
Bien loyaulment jusques icy,
Tant, que suis maistre despendeur.
De pendre vous avez l’honneur ;
Au moins ne puis-je que despendre.
465 Et pour vous donner à entendre,
Content suis de perdre ma peine291.
GOURNAY
Et ! tu es ta fièvre quartaine !
MICET
Pour vous292 le voulloye despouiller,
Vrayment. Mais ung tout seul denier
470 Je n’en eusse pris, sans doubtance :
Car je croy, sur ma conscience,
Que tout ce qu’il a est à vous.
GOURNAY
Hélas, Micet, que tu es doulx !
Quel ouvrier, quel amïelleur293 !
MICET
475 Je vous dy vray.
GOURNAY
Et ! quel seigneur294 !
MICET
Seurement…
GOURNAY
Je [te] congnois trop.
Encore en eusses eu295 beaucop,
Se dessus n’eusse296 mis la poue.
C’est ung poisson ; mais quoy, il noue297.
480 Ne me jonche298 point ! Quel preudhomme !
MICET
A, dea ! mon maistre, c’est la somme
Que ce jolly georget299 joyeulx,
Au vray, appartienne300 à nous deux,
Et les tirandes301. Sans attendre,
485 Il le302 convient bientost despendre.
(Souffle303, coquardeau304 ! [Quoy qu’auray]305,
[Tout en sera bien enfermé]306
Tant que l’huys en pourra souffrir307.)
Pour à nostre ayse desvestir
490 Ce corps mort, il le fault despendre.
Vueillez à ceste eschelle entendre308,
Et m’aydez tost à l’abréger309.
GOURNAY
Descens, paillart ! Je vueil monter.
MICET
Non ferez, dea, sauf vostre honneur !
495 Se je suis vostre serviteur,
Si feray-je aujourd’huy le maistre.
GOURNAY
À mau gibet310 te puist-on mettre !
MICET
Maistre, tenez le bout du châble !
GOURNAY
Dépesche-toy, de par le dyable,
500 Qui te puisse rompre le col !
MICET
Se, sera pour vous ce licol311.
Tirez fort, il est près de terre !…
Il est bas312.
GOURNAY
La fièvre te serre !
Descens tost, il le fault oster313.
MICET
505 Vive Micet !
GOURNAY
Et despouiller
Il [le] nous convient sans attendre.
MICET
À cela je suis prest d’entendre314.
Je suis Micet, ce gracïeulx « seigneur315 ».
Je suis Micet, despendeur bas et hault.
510 Je suis Micet, maistre bourreau d’honneur.
Je suis Micet, ce gracieulx lourdault.
Je suis Micet, pour flestrir d’ung fer chault 316.
Je suis Micet, pour coupper une oreille317.
Je suis Micet, pour faire ung escharfault 318.
515 Je suis Micet, qui point ne se traveille319.
Je suis Micet, qui jamais ne sommeille.
Je suis Micet, bateur sur les carreaulx320.
Je suis Micet, qui à mal s’appareille321.
Je suis Micet, le varlet des bourreaulx.
GOURNAY
520 Je suis Gournay, ouvrier espécïaulx322.
Je suis Gournay, à la haulte-œuvre prêt 323.
Je suis Gournay, qui ay fait maintz assaulx324.
Je suis Gournay, pour pendre à ung gibet.
Je suis Gournay, où beffleur[s] vont d’aguet 325.
525 Je suis Gournay, pour coupper une teste.
Je suis Gournay, pour les brigans [de guet] 326.
Je suis Gournay, où n’a nulle conqueste327.
Je suis Gournay, qui fais fouldre et tempeste.
Je suis Gournay, pour boullir et ardoir328.
530 Je suis Gournay, qui de mal maine feste.
Je suis Gournay, pillorieux329, de voir,
Dont maint homme n’est guère resjouy.
*
1 Se rouille, parce que je n’ai plus l’occasion de m’en servir. Les deux fossoyeurs au chômage sont assis sur des tombes. 2 Le fossoyeur oublie que, par ces temps de vaches maigres, il n’a plus qu’un seul valet. 3 Tremble, pète sous l’effet de la peur. 4 Éd : bastie (Les valets de farces font souvent appel à l’argot, comme au vers 56. Basi = mort. « Le bon maistre Pierre est basy. » Le Testament Pathelin.) Affirmer que le métier de fossoyeur est mort depuis longtemps relève de l’humour noir. 5 Pendant la dernière épidémie de peste, ma bourse était enceinte d’argent. 6 C’est une question d’habileté, que vous ne possédez pas. « Cela n’est qu’abilité. » Les Enfans de Borgneux. 7 Dépouille. La Mort est personnifiée, comme dans les danses macabres. 8 Le peuple s’en courrouce. 9 A autant de pitié pour les morts. 10 Deux par deux. 11 C’est plus rapide. 12 Il soit condamné. 13 Profondément. Idem vers 38. 14 Sa charge de fossoyeur. Le moindre valet d’artisan rêve de remplacer son patron : ce Mystère nous fournira ensuite une querelle encore plus cynique entre un maître bourreau et son assistant. 15 La connaissance. 16 Tout bien considéré. « À bien comprendre et la matière entendre,/ Chascun doit tendre à tenir cest usaige. » La Condamnacion de Bancquet. 17 Cela est bien difficile (ironique). 18 Le valet adapte une locution proverbiale : « Tu luy bailles belle, Michault ! » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. 19 Selon la dernière mode. « Ung chaperon faitis/ Qui soit de nouvelle façon. » Les Femmes qui plantent leurs maris. 20 Je n’ai plus rien à apprendre. 21 Il faut l’enterrer plus profondément, pour que les intempéries ou les chiens ne le déterrent pas. 22 Un bon candidat pour devenir maître fossoyeur. 23 Il vient embaucher les fossoyeurs pour enterrer son cousin. 24 Que Dieu vous aide. Cf. Maistre Mimin estudiant, vers 382 et note. 25 Que désirez-vous ? Dans les farces, les valets d’artisans ont le défaut de répondre à la place de leur patron. 26 Le. « C’est un homme le plus testu. » Le Trocheur de maris. 27 Quelque chose. « Si vous avez rien qu’il luy faille. » Farce du Pet. 28 Qu’une bosse. 29 En ces temps de forte mortalité infantile, l’âge du défunt est une indication pour la grandeur de la fosse. 30 Expression argotique pour désigner les suaires. 31 Réprimandés. L’Église interdit de travailler les dimanches et jours de fête ; mais elle est moins sévère pendant les épidémies, où les cadavres contagieux doivent disparaître le plus tôt possible. 32 Du prix : de notre salaire. On trouve ce vers proverbial dans la Pippée, Serre-porte, la Mauvaistié des femmes, etc. 33 Avec bon sens. Idem vers 169. 34 Éd : cousin 35 Vais. Idem vers 95. 36 J’en suis informé. « J’en suis maintenant bien recors. » Le Capitaine Mal-en-point. 37 On vous paiera. Idem vers 176. 38 Le client s’en va. Il n’a pas dit où se trouve le corps : c’est là une convention théâtrale qui permet de gagner du temps. 39 Nous pourrions plus agréablement nous divertir. « Et ne sçavent lieu où ilz s’aillent/ Plus bel esbatre ne desduire. » Bestiaire d’amour rimé. 40 Le feras-tu ? Cette question qui confirme un ordre est souvent suivie d’une insulte : « Habille-toy ! Feras, landroye ? » (Maistre Mimin estudiant.) « Malhabile » est le surnom du valet : voir le vers 124. À 105, on le traite de « malapert » : maladroit. 41 On croirait qu’il n’y connaît rien. Nous dirions : il ne touche pas sa canette. 42 Terriblement. 43 De l’argent à acquérir. 44 Sans qu’on ne s’en tire. 45 Je saute les disputes entre héritiers, qui se déroulent dans la maison du défunt ; mon numérotage des vers n’en tient pas compte. Les fossoyeurs ont fini de creuser. 46 Exactement. 47 Éd : sept (Les fosses individuelles mesuraient généralement 5 pieds [1,62 m], et non 7 pieds [2,27 m] ! C’est d’autant plus vrai que les gens du peuple n’avaient pas de cercueil, et qu’on leur pliait les genoux pour gagner de la place.) 48 Les fossoyeurs entrent dans la maison du défunt. 49 Les fossoyeurs emportent la dépouille enveloppée d’un linceul, sans cercueil. 50 Dans sa tanière, dans son trou. 51 Recouvert de terre. Idem vers 109. 52 Éd : a part (Maladroit. Ce qualificatif s’adresse au valet : la chambrière du Gallant quy a faict le coup se nomme Mal-aperte.) 53 La puanteur du cadavre. 54 Il ne risque pas de se transformer en revenant. « Qu’il fût pendu, sans revenir ! » L’Arbalestre. 55 Te retenir ton salaire. Il donne de l’argent au fossoyeur. 56 Bonne fortune. 57 Vidons les lieux. Les fossoyeurs quittent le cimetière. 58 Hâlé, desséché. « Et boyre tousjours ung tatin, (…)/ Car ilz ont l’estomach hallé/ Comme la gueulle d’ung four chault. » Actes des Apostres. 59 Haler du vin = tirer du vin. « Je tire, je hale sans blasme/ D’un verre. » La Veuve. 60 Pour peu que nous soyons assis dans une taverne. 61 Éd : et (L’écot franc est la part que chaque client paye au tavernier. « Ou bien d’un escot franc payé à la taverne. » F. Remi.) 62 Le roi Salomon, dans sa grande sagesse, ordonne que le corps soit exhumé. Les cousins du défunt vont chercher les fossoyeurs à la taverne. 63 Les cousins, à la porte de la taverne, aperçoivent d’abord le valet, que son patron surnomme « Malhabile » : note 40. Les tavernes, que leurs clients baptisent les « trous », sont des lieux obscurs où on économise la chandelle. Il est donc normal que les gens qui viennent de la rue n’y voient rien. Voir ci-dessous le premier vers de Gournay et Micet. 64 Un gain. 65 Puisses-tu avoir une mauvaise rage de dents ! Le fossoyeur n’aime pas être dérangé quand il boit. 66 Sous peine. « Sur peine de très grosse amende. » Les Drois de la Porte Bodés. 67 Pour quelle raison ? 68 Car il faut que cela se fasse. 69 Bel et bien vous… 70 Sous l’arbre qu’il a planté dans son jardin, et qui est à l’origine de la querelle entre ses héritiers. 71 Vous serez payés. Même vers dans Jehan de Lagny. Les fossoyeurs et les cousins retournent au cimetière. 72 Éd : gaigne (La gaine est le fourreau d’une épée. Un traîne-gaine est un tire-au-flanc. « Rien-ne-vaulx [vauriens], rustres, challans [compères], hapelopins [pique-assiette], trainne-guainnes. » Gargantua, 25.) 73 Avec une grande rigueur. Cf. le Résolu, vers 15 et note. 74 Si je feins de travailler, si je fais semblant. 75 Tu geins, tu gémis. 76 Je me bouche le nez, à cause de l’odeur de charogne. « Estoupez vos nez ! » Sermon joyeux des quatre vens. 77 D’un bon pas. 78 Les fossoyeurs et leur macabre chargement retournent chez le défunt. Salomon les y attend, avec Bananyas, et ordonne qu’on attache le corps à l’arbre que les héritiers se disputent. 79 Ce vers manque dans toutes les éditions, à moins que le suivant ne soit un ajout d’acteurs. Je lui supplée le vers 477 des Sobres Sotz. 80 Je me demande avec inquiétude ce que… 81 C’est mon avis. Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 58. 82 Vous avez œuvré avec discernement. « Que n’y ouvrez d’entendement. » Les Femmes qui font renbourer leur bas. 83 Salomon rend son jugement, puis ordonne aux fossoyeurs de reconduire le mort au cimetière. 84 Avant. 85 Qu’on ne nous prenne par pour des enfants, comme ces bébés qu’on tient sur les fonts baptismaux. « De tenir sur fons son enfant. » ATILF. 86 Tout droit. Cf. Chagrinas, vers 245. 87 J’utilise là encore l’imprimé de Jehan Réal, celui de Pierre Le Dru, et celui de Trepperel. Le passage que je conserve s’intitule : De Gournay et Micet. 88 L’homme à tout faire du roi de Perse Assuérus ouvre la porte d’une taverne obscure (note 63) qui est le quartier général du bourreau. Ces deux filous se connaissent bien, puisqu’ils partagent les bénéfices de leurs exactions (vers 23-26). « Atach » se prononce Atak ou Ata, selon la rime. 89 On enfermait les gêneurs dans un sac qu’on jetait à l’eau. « Que fust-il, en ung sac, en Seine ! » Martin de Cambray, F 41. 90 Vrai. Idem vers 109 et 531. 91 Un joyeux compagnon. 92 Tenir à tâche = prendre à tâche, s’efforcer de. Jeu homophonique entre Atak et à tâque : ce Mystère provient de Normandie, où « ch » pouvait se prononcer « k » : « Y me vint une taque [tache] oprès le bout du day [doigt]. » La Muse normande. 93 Il a fini son travail, il peut donc manger. « Quant on a achevé sa tâche,/ Doit-on pas prendre son repas ? » Saoul-d’ouvrer et Maudollé. 94 Éd : malleur (« Je suis bon avalleur de vins. » Les Sotz escornéz.) 95 Que je vous découvre l’affaire. 96 On ne peut devenir maître dans sa profession qu’en accomplissant un chef-d’œuvre. À 199, l’apprenti songe déjà au sien. 97 À la potence (mot d’argot), où l’on emploie des cordes tortes, tressées. « Et que point, à la turterie,/ En l’hurme ne soiez assis. » Villon, Ballades en jargon, 6. 98 Un gain à acquérir. 99 Un coup dans le dos. Idem vers 424. « Or, luy baillez troys cops de pelle ! » La Pippée. 100 Son âne. Cf. le Médecin qui guarist, vers 69 et note. 101 Un pied ou une aile : il parvient à resquiller quelque chose. Cf. le Roy des Sotz, vers 58. 102 Sans délai. Cf. le Raporteur, vers 228. 103 Le vizir, l’officier principal du roi. Atach sort de la taverne. 104 Nos frais de taverne. 105 Je ne pourrais aller plus vite. Le valet porte les sacs contenant le matériel du bourreau. 106 Une corde courte munie d’un nœud coulant. Idem vers 226 et 501. Le maître a tort de réclamer une seule corde alors qu’il y aura deux pendus. 107 Vous me prenez pour un imbécile. Cf. le Jeu du Capifol. 108 Un malin. Sur cette locution argotique, voir le Capitaine Mal-en-point, vers 185 et note. 109 Éd : arbre se (Un fin renard. « Ma foy, que tu es ung fin hoste ! » Les Enfans de Borgneux.) 110 Avec une seule corde. 111 Merci à vous. 112 Tarder. Les bourreaux quittent la taverne sans payer : encore une convention théâtrale. 113 Vous goûterez. « Il humera d’honneur/ Largement. » Le Capitaine Mal-en-point. 114 En ce qui concerne cette affaire royale. 115 Éd : vous (Correction de ROTHSCHILD et PICOT : Le Mistére du Viel Testament, t. VI, 1891, pp. 75-177.) 116 On ne perd pas autant de temps et d’énergie quand on est deux. 117 Il est déjà sous le gibet, avec les officiels, et exhorte les deux traînards. 118 Une disgrâce. « En la malle grâce des dieux. » Les Premiers gardonnéz. 119 Hypocrite. C’est le nom d’un personnage du Roy des Sotz. 120 Ça, par exemple ! Cf. la Laitière, vers 337. 121 Tu veux me faire marcher ! Idem vers 192. 122 Rapidement. 123 Je suis d’accord. 124 Par ma religion, le paganisme. Idem vers 96, 319 et 335. 125 Dis-le vite. 126 Les imprimés portent Micet ou Gournay. Correction de Rothschild et Picot. 127 Désigne-moi par un titre honorifique, en l’occurrence « Monseigneur ». Le patron de Saudret exige aussi que son valet l’appelle « Monseigneur mon Maistre ». 128 Micet réclame un office de bourreau ; on ne lui propose qu’une office, le garde-manger d’une cuisine : « Que vous estes bonne à l’office ! » Les Queues troussées. 129 Exprime-toi vite. 130 Éd : mice (Bête. Idem vers 269 et 415.) 131 Éd : foy (Note 124.) 132 Ce fou. Idem vers 117 et 277. 133 Tu me tannes, tu me fatigues ; cf. le Sermon joyeux des quatre vens, vers 363. À dire voir = à vrai dire (note 90). 134 Les imprimés portent me ou puis. (Corr. Rothschild et Picot.) « Il me puisse meschoir du corps/ Se ne commist son bon désir. » Guillerme qui mengea les figues. 135 Dans les vapeurs de l’alcool. Cf. Deux jeunes femmes, vers 101 et note. 136 « Que mille charretées/ De dyables te puissent emporter ! » Ung mary jaloux. 137 Même vers que 84. Le suivant figure dans le Ribault marié. 138 Un mauvais alliage d’étain et de plomb. 139 Nous n’en sommes pas encore là. 140 Votre métier. 141 Les bourreaux s’approchent de la potence, où l’on amène les condamnés. 142 Monsieur le Prévôt, je vais les expédier. 143 Monte en haut de l’échelle pour voir s’il ne manque rien. 144 Pendant que je préparerai les condamnés. 145 Aurait besoin. On fait grimper le condamné sur cette échelle, on lui passe autour du cou une corde extrêmement courte, puis on le pousse dans le vide pour lui rompre les vertèbres cervicales. Une pendaison nécessite la présence d’au moins deux bourreaux. 146 Quand nous faisons monter à l’échelle de tels gibiers de potence. Happer = voler. 147 Il choit, il advient. 148 Subjonctif réservé aux imprécations, pour faire croire qu’elles sont déjà réalisées. « Dieu te met en fièvre quartaine ! » Trote-menu et Mirre-loret. 149 Solidement. Ces chaînes joignent les poteaux du gibet à la poutre horizontale. 150 Gournay pend le premier condamné. Micet exprime à nouveau son amour du travail bien fait et son louable désir d’apprendre un si beau métier. 151 Autant. Idem vers 220. 152 Tout de suite. 153 Ce sot. Cf. le Pasté et la tarte, vers 113. 154 Après, je ne vous demanderai plus rien. 155 S’il en était besoin : si vous étiez condamné vous-même à être pendu. 156 Finir. Idem vers 344. On comparera cette attention délicate avec celle du valet du Fossoyeur qui voudrait que son maître soit pendu pour avoir l’honneur de l’enterrer (vers 21-24). 157 Ce que. Le bourreau cède à son valet. 158 Pour ce seul et unique condamné. 159 Au lieu de tirer du sac une ficelle pour attacher dans le dos les mains du condamné, il en sort un fouet (vers 71). Les vers 173-188 constituent un rondel double. 160 Éd : que a ce (Cela tient à peu de chose, il s’en faut de peu.) 161 Ayant trouvé la ficelle, il attache les mains du condamné, puis ses chevilles. 162 Les treuils, les entraves qui lient les chevilles du condamné. 163 Trop serrés : il ne pourra pas monter les échelons. 164 Cela : le résultat de mon travail. 165 C’est finalement Gournay qui pend le second condamné. 166 Retire-moi. Micet met les gants du bourreau dans sa propre poche. 167 Saisir. Idem vers 432. 168 Avec quelles tuiles on couvre un toit : on ne sait pas si on aura du bon matériel. 169 Ma plus belle exécution capitale. Note 96. 170 Vos gants me conviendront bien. « Quel train nous viendroit mieulx à goust. » Mallepaye et Bâillevant. 171 Enferme tout notre matériel dans les sacs. 172 C’est l’aboutissement normal. Idem vers 481. 173 Le bourreau veut décrocher les pendus, sans expliquer pourquoi : convention théâtrale. 174 Il faudrait. 175 De m’en occuper avec vous. Idem vers 491 et 507. 176 Une autorisation pour que nous puissions tous deux décrocher les pendus. Micet demandera cette autorisation pour lui-même. 177 À mon but : convaincre le prévôt. Cf. le Faulconnier de ville, vers 133. 178 Une tromperie (mot d’argot). Voir le vers 480. 179 Éd : Je lauray (J’aurai de lui.) 180 Le commandement, l’ordre. 181 Se croyant déjà l’égal de son maître, le serviteur introduit un peu de tutoiement dans son vouvoiement. Il récidivera aux vers 373-4. 182 Vous me jurez sous serment. 183 Câbles : filins servant à dépendre les corps. Idem vers 285 et 498. J’explique leur utilisation à la note 203. 184 Il croit que Micet va, comme d’habitude, porter les sacs contenant tout ce matériel. 185 Je veux que tu ailles chercher notre autorisation. Micet comprend : Je veux que tu dépendes les corps. 186 Ironique : quel mauvais valet ! 187 J’y vais. Micet court chez le prévôt. 188 Je vais parler à monseigneur le prévôt. 189 Il m’écoutera. Verbe ouïr. 190 Je lui toucherai la main. 191 Décidé. 192 L’année prochaine. 193 D’ennui, de contrariété. Dans le Mistère du Viel Testament, Cerbère n’est plus le chien qui gardait l’Enfer gréco-romain : c’est un authentique diable. Micet s’adresse au prévôt, Aman. 194 Éd : de (Corr. Rothschild et Picot.) 195 Accordez-moi cette permission. 196 Vas-y d’un bon pas. 197 De grimace. « Mais tout portoit paciamment/ Sans en faire semblant ne frime. » ATILF. 198 Éd : iauray 199 Éd : Qui sera (Gournay fera « une moue longue d’une aune » : sa figure s’allongera.) 200 Il jette à Gournay ses gants. 201 Si je m’énerve. 202 J’ai un allié, le prévôt. 203 Sans perdre de temps, donnez-moi un câble, un filin. Micet grimpe à l’échelle. Il attache le filin sous les aisselles du pendu, et jette l’autre bout par-dessus la poutre principale, afin qu’il retombe par terre de l’autre côté. Gournay n’aura plus qu’à tirer sur ce filin pour que le pendu remonte et que Micet puisse alors défaire le nœud coulant de son cou. Ensuite, il n’y aura plus qu’à dérouler ledit filin pour que le corps descende jusqu’au sol. 204 Il obéit aux ordres de son apprenti, non sans rechigner. 205 Le nœud coulant du pendu. 206 Un grand revers, un malheur. Cf. Ung mary jaloux, vers 252 et note. 207 Je renie nos dieux. 208 Éd : que aillez (Quoi que vous alléguiez.) Micet parvient à défaire le nœud du pendu, que Gournay peut alors laisser choir. 209 Pour qu’ils ne se disputent pas. 210 Tu vas savoir aujourd’hui combien pèse ma main. « Ce coup auras auparavant,/ Pour sçavoir ce que ma main poise ! » L’Antéchrist. 211 Tu ne sais pas la moitié de ce qu’il faut savoir. Gournay monte le filin à son serviteur, et l’aide à attacher le buste du second pendu. 212 Quoi qu’il en soit. Gournay redescend et tire sur le filin. Micet défait le nœud coulant du pendu, que Gournay laisse alors tomber par terre. 213 C’est moi qui ai l’honneur d’avoir dépendu ces deux hommes. 214 Bavarder. 215 Trepp. : Aman 216 Je serai revêtu des insignes de maître compagnon. 217 Dans ce vaste jeu de dupes, le prévôt lui-même finit par être condamné à mort. Une fois de plus, l’homme à tout faire du roi Assuérus va chercher les bourreaux à la taverne, leur quartier général. 218 Faire ton labeur, travailler. 219 Peu nous importe, advienne que pourra. 220 Nous ne devons pas nous mêler des bisbilles entre le roi et son prévôt. 221 Pourvu. 222 Fût-ce notre propre père. 223 Allez faire le bouffon ; cf. les Vigilles Triboullet, vers 174. Le serviteur se prend pour un maître, il ne veut plus obéir. 224 Atach et les bourreaux arrivent devant le gibet que le prévôt a fait ériger sous sa fenêtre : il comptait y pendre Mardochée (vers 345), mais c’est ce dernier qui va l’y faire pendre. « D’Aman suis esperdu,/ Qui devant son huis fut pendu/ Au propre gibet qu’il fist faire. » Les Esbahis. 225 Cet eunuque est le gardien du sérail d’Assuérus. 226 Comme cela se faisait toujours, il retire au prévôt son riche manteau, qui gênerait la pendaison à cause de son poids et de son col fourré. Les bourreaux se partageaient légalement les effets du supplicié. 227 Éd : Maistre (Gaudi = riche. Idem vers 387 et 410. « À Parouart [Paris], la grant mathe [ville] gaudie. » Villon, Jargon, 1.) Vous tenez déjà un riche manteau. 228 Devant ma maison. Note 224. 229 La roue de Fortune élève ou rabaisse les mortels. 230 Il fait monter le prévôt à l’échelle. Note 145. 231 Priez, vous ferez sagement. 232 Supportez. « Amys, prenez en pacience ! » L’Aveugle et Saudret. 233 Quelque chose. 234 Sans le lui faire savoir au préalable. 235 Êtes-vous préparé ? 236 N’ayez crainte. Gournay passe la corde au cou du prévôt. 237 Éd : en (Prométhée, aie pitié de moi !) 238 Confiance. Démogorgon fut inventé par Boccace au milieu du XIVe siècle. 239 Pour que vous soyez bien vu des dieux de l’Enfer. « Leurs âmes/ Sont maintenant aux infernaulx. » (Viel Testament.) Gournay pousse le prévôt dans le vide. 240 Les officiels s’en vont. Les bourreaux évaluent le manteau du supplicié. Leurs bas instincts revenant pour l’occasion, ils se chamaillent dans l’argot des truands. Lazare SAINÉAN consacre à ce dialogue les pages 266-269 des Sources de l’argot ancien, tome 1, 1912. Son glossaire est dans le t. 2, pp. 264-468. Je ne suis pas toujours d’accord avec lui, et encore moins avec Francisque MICHEL, qui étudiait en 1856 ce même dialogue aux pages xl-xli de ses Études de philologie comparée sur l’argot. 241 Prends le manteau du prévôt. 242 Enferme ce manteau à la maison. Ront = manteau : « Le ront est pelé et tondu. » (Les Tyrans au bordeau.) Creux = maison : « Il avoit débridé la lourde [fracturé la porte] du creux d’un rastichon [curé]. » Response et complaincte au grand Coesre. 243 Le valet recommence à mélanger le tutoiement et le vouvoiement. Note 181. 244 Nous boirons beaucoup, dans cette grande ville. Pier = boire de la pie, du vin ; cf. Grant Gosier, vers 81. Mathe = ville : « Bignez [visez] la mathe sans targer [tarder]. » (Villon, Jargon, 5.) Gourdement = beaucoup ; cf. Gautier et Martin, vers 140. 245 Nous avons taxé son manteau. Cf. le Dorellot, vers 153. Tailler = soumettre à l’impôt de la taille ; l’argot moderne connaît toujours « taxer un objet » dans le sens de « le voler ». 246 Éd : miuerie (« Ju » s’écrivait « iu », d’où la confusion avec « m ».) Il ne vient pas de chez un tailleur juif. Le prévôt détestait les juifs, et notamment Mardochée, qui a eu sa peau. 247 Éd : gourderie (C’est parfait pour avoir du bon vin. « Ma bouteille n’est point remplie/ De gourde pie, à ce matin./ Trois jours a que ne beuz de vin. » La Tour de Babel.) 248 Un bon capital pour payer la boisson. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 291. 249 Éd : penson mettre en plaint. (Connais-tu un fripier chez qui nous puissions l’écouler ?) 250 À la friperie, avec le manteau du prévôt. Les vers 385-394 constituent un « rondel doublé en la fin », qui réunit l’art des Rhétoriqueurs et celui des truands. 251 Nom générique des marchands, comme Martin Garant est celui des commerçants qui font crédit. 252 Le commerce de la fourrure en sera enrichi. 253 « Grain : un escu. » (Le Jargon de l’argot réformé.) Idem vers 405. 254 Vas-tu au butin, au gain ? « À butin tous noz prisonniers ! » Turelututu et Granche-vuyde. 255 J’y vais tout de suite. 256 Puis nous irons boire du vin. Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 10. 257 Boire de ce vin nouveau. Cf. le Brigant et le Vilain, vers 250. 258 De la soif. Cf. Pernet qui va au vin, vers 214. 259 Éd : marchandise (« Vivoit de l’honeste présent/ Qu’on luy donnoit par courtoisie/ Pour débit de la marchandie. » J.-A. de Baïf.) 260 Si sot. « Faire d’un tel conard un prestre ! » Science et Asnerye. 261 Un écu d’or. Note 253. 262 Ou que je sois entré dans une mauvaise année. « Ha ! qu’il soit entré en mal an ! » Le Pardonneur. 263 Le pourpoint. Même terme argotique au vers 482. « J’euz deux andosses [manteaux], deux georgetz. » Gautier et Martin. 264 Dont ma feuille [ma fouille, ma bourse] sera enrichie. « Jehan, mon amy, qui les fueilles desnoue. » Villon, Jargon, 10. 265 Ses chausses. Même terme argotique au vers 484. « Il n’a tirandes, ne endosse [manteau]. » Les Tyrans. 266 J’irai les vendre. C’est la suite du vers 403, et une anticipation du vers 419. 267 Au retour de la friperie, Micet revient discrètement vers le pendu. 268 Éd : Sil y (N’y a-t-il personne autour du gibet ? « Il n’y a âme/ Autour de ce jardin. » Viel Testament.) 269 Niais. Note 130. 270 Bague (argot). « Gros braceletz, signetz [chevalières], boucles, brocans. » ATILF. 271 Et que je sois habile. « C’est à toy très bien entendu. » L’Antéchrist. 272 Sans doute un fonctionnaire. On lit ce nom dans quantité de textes en argot ; cf. Gautier et Martin. 273 Mes raisons. « J’entens, à ce coup, la traisnée. » Chagrinas. 274 Des coups. Note 99. 275 La rétribution qu’une femme riche verse à son jeune amant. Micet grimpe à l’échelle, puis il fouille le pendu. 276 Qu’il ne restera plus un bijou à voler. 277 Se livre à des cancans, te maltraite. « Des chambèrières, tous les jours/ Tenez voz plaitz. » La Nourrisse et la Chambèrière. 278 Il vient dépouiller le pendu. Voyant Micet qui tente de défaire le magnifique pourpoint du prévôt, il se cache derrière un poteau du gibet. 279 Un tantinet, un peu. 280 Bon. Même terme argotique aux vers 379 et 458. 281 Ce travail, ce trafic. 282 Micet regarde par terre et aperçoit Gournay. Sous l’effet de la surprise, ses pieds glissent de l’échelle et il se cramponne à la poutre horizontale. 283 L’apprenti voulait devenir « maistre Micet » (vers 301), mais il n’est plus qu’un maître sot : « Je me rys d’ung maistre coquart,/ Le plus follas que je viz oncques. » La Pippée. 284 « C’est un bon marchand : par raillerie, un bon compagnon, un fin drolle. » Antoine Oudin. 285 Tant vous commander, vous supplier. 286 Quel morveux. Cf. le Dorellot. 287 Tricheur. Même terme argotique au vers 524. « Là sont beffleurs au plus hault bout assis [pendus]. » Villon, Jargon, 7. 288 Tricherie. Cette graphie est autorisée par Villon et Claude Chevalet, qui écrivent « bléfleurs ». 289 Confisquer ce riche capuchon. « Confoncer » n’existe ni en argot, ni ailleurs. 290 Ne croyez pas que je plaisante. 291 Je veux bien vous donner ce que j’ai pris la peine de voler. 292 À votre profit je… 293 Quel répandeur de miel pour attirer les mouches : cf. le Prince et les deux Sotz, vers 145-8. 294 Compliment très ironique. « Mais regardez-moy quel seigneur ! » Le Povre Jouhan. 295 Éd : tu (Tu en aurais eu beaucoup, des bijoux.) 296 Éd : eussez (Si je n’avais pas mis la patte sur toi. « Ung ange [sergent] mist sur moy la poue. » Gautier et Martin.) 297 Il nage, il nous file entre les doigts. « Et voit poissons par mer nouer. » (Godefroy.) Jeu de mots sur « nouer » : faire un nœud de pendu. 298 Trompe. « Joncheurs jonchans en joncherie,/ Rebignez [regardez] bien où joncherez. » Villon, Jargon, 5. 299 C’est normal que ce pourpoint. Note 263. 300 Éd : appartient 301 Ainsi que ses chausses. Note 265. 302 Éd : les (Il faut dépendre le prévôt bien vite. Voir le vers 490.) 303 Éd : Huffle (Cause toujours ! « Souffle, Michault ! » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Nous avons là les deux vers les plus difficiles, sur les 49386 que compte ce Mystère. Je ne garantis pas mes corrections, et encore moins celles de mes prédécesseurs. 304 Éd : coquart de (Naïf. « C’est la nature/ De tous ces jeunes coquardeaux. » Beaucop-veoir.) 305 Éd : quoqueree (Quoi que je puisse avoir.) 306 Éd : Vous en serez bien enfermee 307 Tant que la porte du coffre pourra résister à vos coups. 308 Occupez-vous de cette échelle pour que je puisse me rétablir. 309 À en finir avec lui. Gournay remet l’échelle d’aplomb, puis il jette un filin à Micet pour qu’il attache le corps (note 203). 310 Sur un mauvais gibet. Le valet s’y trouve déjà… 311 Plutôt, cette corde vous rompra le vôtre. Gournay tire sur le filin, et Micet défait le nœud du pendu. 312 Le pendu est au sol. 313 Il faut l’enlever de là pour l’enterrer. 314 Cette fois, je suis prêt à vous écouter. Le finale est en décasyllabes, sans doute chantés. 315 Jeu de mots sur saigneur : bourreau. « Seigneur, ‟saigneurs”, ce sont barbiers [les chirurgiens]. » Le Faulconnier de ville. 316 Pour imprimer au fer rouge une marque de flétrissure. 317 On coupait une oreille aux voleurs. 318 Pour dresser un échafaud. 319 Éd : trauaille (Qui ne se fatigue pas trop. « Le chemin est long à merveille ;/ Si crains que trop ne se traveille. » ATILF.) 320 Qui bat le carreau, le pavé : qui marche beaucoup. 321 Qui s’apprête à faire le mal. Son maître n’est pas en reste : voir le vers 530. 322 Spécial, extraordinaire. Ce pluriel est une licence poétique. « Il fault ouvriers espécïaulx. » (Viel Testament.) Les bourreaux sont fiers de leur art : « C’est moy, c’est moy qui faiz merveilles :/ Je bas de verges, couppe oreilles,/ Je couppe testes, j’escartelle ;/ Et pour monter sur une eschelle/ Quant on veult que je pende ung homme,/ Je croy qu’il n’a, d’icy à Romme,/ Ung tel ouvrier comme je suis. » Pierre Gringore, la Vie monseigneur sainct Loÿs. 323 Éd : faire (Un bourreau porte le titre de « maistre des haultes-œuvres ». ATILF.) 324 Des assauts sexuels. « Pensez qu’il y a maints assaulx. » Les Premiers gardonnéz. 325 Vers qui les tricheurs ne vont qu’avec une extrême vigilance. 326 Éd : daguet (À la rime.) Pour punir ces brigands que sont les « guetteurs de chemins » : cf. les Tyrans, vers 78 et note. 327 Avec qui il n’y a rien à gagner. 328 Pour faire bouillir les faux-monnayeurs, et pour mettre les criminels sur le bûcher. 329 Pilorieur, en vérité. Il expose au pilori les délinquants.
GAUTIER ET MARTIN
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GAUTIER
ET MARTIN
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Ce dialogue parisien fut écrit vers 1500. L’auteur pimente son texte d’argot. Il s’inspire, entre autres sources, des ballades en jargon de François Villon ; il connaît non seulement les six que comporte l’édition princeps de 1489, mais également les cinq autres, qui circulaient sous une forme manuscrite. (Elles nous sont parvenues grâce à un manuscrit conservé aujourd’hui à la Bibliothèque royale de Stockholm1.) Ce cas n’est pas unique : vers 1458, les Vigilles Triboullet parlaient déjà du « bon jargon » de « maistre Françoys Villon ». Le public parisien comprenait et appréciait l’argot, si l’on en juge par le nombre de pièces qui en contiennent — que ce soient des farces, comme le Dorellot, des sotties, comme les Premiers gardonnéz, et même des Mystères, comme le Viel Testament, les Trois Doms, la Vie de sainct Christofle, les Actes des Apostres, ou le Mistère de la Passion.
On dit « Gautier et Martin » pour dire « tout un chacun » : « Vous allez / Puis chez Gaultier, puys chez Martin. » (Le Munyer.) « Sans craindre Gaultier ne Martin. » (Le Mirouèr des enfans ingratz 2.)
Nos personnages rivalisent de virtuosité verbale avec deux de leurs contemporains, Marchebeau et Galop (~1500) ; ils ne seront dépassés dans ce domaine que par Messieurs de Mallepaye et de Bâillevant (~1516). Leur philosophie de l’existence, « vivre sans rien faire », les apparente aux Maraux enchesnéz (1527). Leur satire des dandys faméliques semble calquée, parfois mot pour mot, sur le Monologue des Perrucques, attribué à Guillaume Coquillart (~1490), et sur la sottie de Folle Bobance (~1500).
Source : Archives de l’État de Fribourg3, en Suisse. Cote : CH AEF Littérature 9. Cette farce fut trouvée par Paul Aebischer4 dans la couverture d’une « grosse » (autrement dit, d’un registre de reconnaissance foncière) du bailliage de Saint-Aubin. Paul Aebischer découvrit au même endroit Jehan qui de tout se mesle, la Présentation des joyaux, la Nourrisse et la Chambèrière, et d’autres fragments plus ou moins importants. Le premier des douze feuillets, qui exposait le titre de la pièce, est perdu ; il nous manque au moins les trois premiers vers. Le papier est très abîmé : rognures en haut ou en bas, trous, déchirures, traces de colle. Je supplée ces lacunes en bleu clair, et je réserve les traditionnels [ ] aux omissions de l’éditeur.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 7 triolets, 2 poèmes en strophes aabBccbBddbB, 1 poème en strophes ababbcbC, un autre similaire dont le dernier vers de chaque strophe est repris au début de la suivante.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
GAUTIER SCÈNE I
…………………………………
C’est tout ung, ilz passent au bac5 :
Il n’y a plus ne clic ne clac6.
Joyeux esperit vit dehet7.
Argent ? Il est mys à basac8 :
5 On ne l’a jamais par souhet9.
L’ung l’espargne, l’autre le het ;
L’ung en a trop, l’autre en a pou10.
D’e[n] souhetter suys bien huet11 :
Je trouveroye plus tost ung pou.
10 Tenir tousjours bons termes12 ! Brou13 !
Rire à tous d’ung beau ris commung.
Que j’amasse argent ? Ouy dea, tou14 !
Tant15 me sont cent ducas comme ung.
.
MARTIN SCÈNE II
Hoye16 !
GAUTIER
Hoye !
MARTIN
J’ay ouÿ quelc’un
15 De ma bende, je l’entens bien.
Le sang bieu ! je n’en voys pas ung…
Hoye !
GAUTIER
Hoye !17
MARTIN
J’é ouÿ quelc’un.
GAUTIER
Je viens pour resjouyr18 chascun
Sans demander « quant » ne « combien »19.
20 Hoye !
MARTIN
Hoye !
GAUTIER
J’ay ouÿ quelc’un
De [ma] bende, je l’entens bien.
Ne saroit-on trouver moyen
Que l’on sceût vivre sans rien faire20 ?
Hÿer, monseigneur le doyen21
25 Me fist coucher sans mon lit faire22.
.
Je voy bien, tout est à refaire, SCÈNE III
Car les porceaulx y ont esté.
Je seroye fol de m’en deffaire23 :
Non, non, vive joyeuseté !
MARTIN
30 À mau nourry24 !
GAUTIER
À trop tost né25 !
MARTIN
Acolle-moy !
GAUTIER
Que je t’embrasse !
MARTIN
Que dit le cueur ?
GAUTIER
Toust est dîgné26.
MARTIN
À mau nourry !
GAUTIER
À trop tost né !
MARTIN
J’ay, matin, tant mal desjeuné !
35 Mes boyaulx sont cours27 d’une brasse.
Au mau nourry !
GAUTIER
À trop tost né !
MARTIN
Acole-moy !
GAUTIER
Que je t’embrasse !
MARTIN
Il fault que la foule on rebrasse28 :
Il n’y a plus denier ne maille29 ;
40 Tout est riflé30 jusqu(e) à la paille,
Tout est vendangé sans cousteau.
GAUTIER
J’ay mengé ma part du gasteau
De hault jour31, en faisant grant chère.
Aussi, la chandelle est trop chère :
45 Je me couche de hault souleil32.
MARTIN
Je veulx [bien] qu’on me crève ung œil
Se je n’ay piautré33 sus la dure
Poste34, au cagnart ! Se ce temps dure,
Se la foulle n’est estoffée35,
50 Se l’eur36 ne vient de don de fée,
[Fy] de Mélusine ou de Morgue37 !
GAUTIER
Comme broue38 le gueux ?
MARTIN
Sus la drogue39.
GAUTIER
Et l’aubert40 ?
MARTIN
Il est descrié41.
GAUTIER
Le mien est jà piéçà42 trié.
55 Autant m’est layne que cotton.
Au sec43 je broue44, en hoquetton.
Gautier ne fut onc(ques) en tel point.
MARTIN
Et moy, je broue en beau pourpoint
(De peur du chault45) sur la chemise.
60 Autant m’est recepte que mise46.
En ceste planette47 suis né.
Je suis net48.
GAUTIER
Je49 suis affiné.
MARTIN
Et moy, defferré tout à plat50.
GAUTIER
J’estois l’autre jour en estat51,
65 Entremeslé en seignourie,
Où52 j’afronti par joncherie
Ung gallant bien garny d’aubert.
Mais je l’envoyé sans haubert53,
Foy que doy Dieu et sainte Croix54 !
70 Je le desbourré55.
MARTIN
Je t’en croy[s].
GAUTIER
J’euz deux andosses56, deux georgetz57,
Lesquelz j’empoigné mieulx qu’augetz58.
Et puis m’en broué de l’ospite59.
MARTIN
Pour cela, tous pipeurs despite60.
75 Ung jour, en venant de Millan61,
Deux desbourré62 sur le berlan.
Et si bien parvins à mes pointz63
Que les envoyé sans pourpoins ;
Et laissèrent toutes leurs plumes.
GAUTIER
80 Pouac64 ! cela sont65 mes coustumes :
Ne leur66 laisser gourpin ne hergne67.
Mais à Parouart68, la grant vergne69,
Ung ange70 mist sur moy la poue
Pour moy graffir71 ; et Gautier broue
85 Des quilles72 sur le dur terrant73 !
J’embrassé celi enarrant 74
En cherchant Domini terra 75.
MARTIN
De vero 76 ?
GAUTIER
Il [le] comparra77 !
S’il m’eust pétrillé78 en ce coffre79,
90 Le gibet m’eust bien fait son80 offre.
Le tortuon j’eusse dancé81 ;
Le marieux82 m’eust advancé,
Tout au long83, les joncs84 verdoians.
MARTIN
Fy de l’enseigne !
GAUTIER
Se j’en mens,
95 Je suis content de paier carte85 !
MARTIN
À quel flouant86 fusse ?
GAUTIER
À la quarte87.
En flouant le gourpin plumé88,
J’en ay maint sire desplumé.
Je joue tousjours à passer douze89.
MARTIN
100 Lue au bec90, ferme de la m[o]uze91 !
Chante quatre92 pour ces becque[t]s93 !
GAUTIER
As-tu paour94 ?
MARTIN
Il se houze, houze95.
Lue [au bec]96, ferme de la mouze !
GAUTIER
Pensses-tu que je me déshouze97 ?
105 [Nyez, nyez]98, sans longs caque[t]s99 !
MARTIN
Lue au bec, ferme de la mouze !
Chante quatre pour ces béque[t]s !
Sus, sus ! icy n’y a aque[t]s100,
Car Fortune a tous tes paque[t]s101 ;
110 Nuyt et jour nous maine bataille.
GAUTIER
Pourquoy le dis ?
MARTIN
Son pour la caille102.
L’ung fait le haireux eschauffé103 ;
Et l’autre empoigne l’estoffé,
Et mengut104 tout jusqu’à la paille.
GAUTIER
115 Pourquoy le dys ?
MARTIN
Son pour la caille.
En quelque vergne que je soye,
J’arme tousjours quelc’un de soye105
Sans luy donner bonnet d’escaille106.
GAUTIER
Pourquoy le dis ?
MARTIN
Son pour la caille.
GAUTIER
120 Qui en ara, si nous en baille !
Le plus souvent, de fain je bâille ;
Jamais ne porte estat grigneur107.
MARTIN
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur108 !
[MARTIN]
Santé109 ?
[GAUTIER]
C’est le cry de la nuyt110.
125 À bonne enclume, bon fourgeur111.
MARTIN
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur !
MARTIN
T(u) es ung terrible vendengeur112
De roysin pellé113, jour et nuyt !
Argent ?
GAUTIER
Fy, c’est pour ung changeur !
MARTIN
130 Santé ?
GAUTIER
C’est le cry de la nuyt.
MARTIN
Or et argent, cela nous nuyt :
Nous n’aymons que joye et déduyt.
Fy de Malleur114, qu’on le desloge !
GAUTIER
Tout par compas115 !
MARTIN
Just comme ologe116 !
GAUTIER
135 Tant aymons vente comme achat.
De ducas ne mailles au chat117,
Nous n’en faisons banque ne loge118.
MARTIN
Tout par compas !
GAUTIER
Just comme [olo]ge !
MARTIN
Nous passons temps joyeusement.
140 Nous rivons le bis119 gourdement120.
Gautier à la Lune121 se loge.
GAUTIER
Tout par compas !
MARTIN
Just comme [olo]ge !
GAUTIER
Nous sommes forgés d’une forge122 :
Nous vivons amoureusement,
145 Moitié debte,
MARTIN
Moitié payement.
GAUTIER
En quoy payerons-nous ?
MARTIN
En papier123.
GAUTIER
Nous payerons aussi loyaulment
Que Pathelin fist124 le drapier.
MARTIN
Qui dit125 ?
GAUTIER
Qui nous vient espier ?
MARTIN
150 Quel remède ?
GAUTIER
Chanter, bien dire.
MARTIN
Nully126 ne voulons copier127.
Tousjours sans soucy128 voulons rire.
GAUTIER
Regardons !
MARTIN
Quoy ?
GAUTIER
La lune luyre,
Joyeusement, sans estre esmeuz.
MARTIN
155 J’ay veu tel en hault estat bruyre,
Que129, depuis, ay veu bien camus.
GAUTIER
Grant chère !
MARTIN
Grant gaudéamus130 !
GAUTIER
Chéris131 de Gontier !
MARTIN
Mais d(e) Hélayne !
GAUTIER
Se nous avons des draps acreuz132,
160 Nous poyrons à la Magdalaine.
MARTIN
Joye ?
GAUTIER
C’est nostre chastelayne133.
MARTIN
Fy de joyaulx !
GAUTIER
Fy de rubis !
MARTIN
Faulte d’argent et134 draps de layne
Nous fait porter mauvais abis.
GAUTIER
165 L’ung veult du blanc,
MARTIN
L’autre du bis135.
GAUTIER
L’ung est bon,
MARTIN
L’autre desloyal.
GAUTIER
Je ne sçay comme me hubis136 :
J’ay autant amont comme à val137.
MARTIN
Que désirons-nous ?
GAUTIER
Vent d’aval138.
MARTIN
170 Que reste-il ?
GAUTIER
Qu’on s’entretiengne.
MARTIN
…………………………. -al
……………………. -engne.
GAUTIER
Qu’atendons-nous ?
MARTIN
Que Bon Temps139 viengne.
GAUTIER
Il met trop140.
MARTIN
Voire, à nostre gré.
Force est qu’à son [tour, dîme il prengne]141.
Attendre fault, bon gré, maulgré.
GAUTIER
175 C’est tout ?
MARTIN
C’est le pas du degré142.
GAUTIER
Autant nous sont milles que cens.
MARTIN
Tel fut monté en hault degré
Qui a bien failly à son sens.
GAUTIER
Nous n’avons ne rente, ne cens143.
MARTIN
180 Nous n’avons de quoy estre chiche144.
GAUTIER
Tel est garny de [ses cincq sens]145
Qui ne peut pas estre [aussi] riche.
MARTIN
Seigneur suis de la Vigne-en-friche,
Cappitaine du Pré-fauché,
185 Consierge de Bise-flamiche146
Et commis de l’Estanc-pesché147.
GAUTIER
L’ung est debout,
MARTIN
L’autre est couché.
GAUTIER
L’ung se taist,
MARTIN
L’autre parle hault ;
Quant il est au gibet perché,148
190 On luy baille le soubresault149.
GAUTIER
C’est la hart150.
MARTIN
C’est [par son]151 deffault.
GAUTIER
Qui152 a santé, il a assez.
Après la mort, rien ne nous fault153 ;
Que valent trésors amasséz ?
MARTIN
195 Telz ont le bruyt154,
GAUTIER
Telz sont cassés155.
MARTIN
Telz sont mal paiéz de leurs gaiges.
Telz sont gorrie[r]s156 et agensséz157
Qui n’ont de quoy nourrir leurs paiges158.
GAUTIER
Mal montéz159,
MARTIN
Misses160 de bagaiges.
GAUTIER
200 Cours vestus
MARTIN
D’une vielle soye.
GAUTIER
Je leur donne, pour tous potaiges,
L’ordonnance à la morte-poye161.
MARTIN
L’ung dit qu’il n’a point de monnoye,
GAUTIER
L’autre se vente qu’il en fine162.
205 Mais si sou[v]ant il se nestoye163,
Que sa robe n’est qu(e) estamine164.
MARTIN
L’ung porte la chemise fyne,
Mais corps et ha[n]ches je devyne.
210 L’autre monstre tout le fatras.167
GAUTIER
Pourpoins cours,
MARTIN
Larges par les bras168.
GAUTIER
Bas collet[z]169
MARTIN
Bordéz de sattin.
GAUTIER
On cuide que ce soit taffetas,
Mais ce n’est q’ung viel chevrotin170.
MARTIN
215 Ung myrouèr,
GAUTIER
Ung pigne,
MARTIN
Ung bassin171,
GAUTIER
La lécive clère172,
MARTIN
La [c]rucque173 :
GAUTIER
Vélà ce qu’il fault, au matin,
Aux gueux, pour laver la perruque174.
MARTIN
Pentofles au soir,
GAUTIER
Une hucque175,
MARTIN
220 Beaux draps blancs sentant le lorier176.
GAUTIER
Quant le gueux du logis desjucque177,
Au matin, plante ung [beau] rosier178.
MARTIN
L’ung est seigneur du Franc-gosier179,
Cappitaine de Mal-empoint180,
225 Ennobly de verges d’osier181 ;
[L’autre n’a]182 vaillant ung pourpoint.
GAUTIER
Fringans ?183
MARTIN
Pompeux ?
GAUTIER
En bruyt ?
MARTIN
En point ?
GAUTIER
Misses !
MARTIN
Drougue[t]s184 !
GAUTIER
[Près de la tune]185 !
MARTIN
Aux déz, ilz pardent pour ung point,
230 Puis dient que c’est par Fortune.
GAUTIER
Fins [afynés souvent on]186 plume,
MARTIN
Haultains,
GAUTIER
Bas de poil187, sans188 coulleur.
MARTIN
Mais qu’il ait189 une grande plume,
On dira : « Vélà Monseigneur ! »
GAUTIER
235 À gentillesse190 est deu honneur ;
MARTIN
À Noblesse, foy et hommage.
Mais telz gaudisseurs191, je suis seur,
Ne payent192 rien que de lengaige.
GAUTIER
Flater
[ MARTIN
En Court,
GAUTIER ]193
Trancher du saige194,
MARTIN
240 Les ungz gours195,
GAUTIER
Aultres, droguelle[t]s196.
MARTIN
Et si, vont –maugré leurs visaiges197–
À pié, par faulte de mulle[t]s198.
GAUTIER
Ilz n’ont servantes ne varle[t]z
(Fors, en la main, d’ung blanc bâton199),
245 Et portent sur leurs bas colle[t]z
Une chaîne de beau letton200.
Soule[r]z carréz201,
MARTIN
C’est le droit ton202.
GAUTIER
Gorgias203,
MARTIN
Mygnons,
GAUTIER
Perruquins204.
MARTIN
Quant la chausse a mauvais talon,
250 Il fault avoir de[s] brodequins205.
GAUTIER
Sus, sus ! parvenons à noz fins !
Laissons à chascun sa manière,
Laissons parler grossiers et fins.
Revenons à nostre matière.
MARTIN
255 Ayons tousjours ung pié arrière206
En démenant joye et liesse.
Laissons l’estandart et207 banière
De soucy et folle tristesse.
GAUTIER
Si vient nully qui nous oppresse,
260 Incontinent qu’on le trébuche !
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche208 !
MARTIN
En place !
GAUTIER
Sus, faisons devoir !
MARTIN
Qui vive209 ?
GAUTIER
« La joyeuse embûche210 ! »
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche !
MARTIN
265 Se Maleur vient, qu’on le trébuche !
GAUTIER
Nous ne luy voulons riens devoir.
MARTIN
Debout, debout !
GAUTIER
À l’escarmouche !
MARTIN
En place !
GAUTIER 211
Sus, faisons devoir !
MARTIN
Qui nous maine ?
GAUTIER
Joyeux espoir.
MARTIN
270 Où tirons-nous212 ?
GAUTIER
Devers noblesse.
MARTIN
Par quel moyen ?
GAUTIER
Par bon arroy213.
MARTIN
Pourquoy ?
GAUTIER
Pour le bâs214 qui nous blesse.
MARTIN
Faulte d’argent ?
GAUTIER
Cela je lesse.
MARTIN
Ta voulenté ?
GAUTIER
Bonne et loyalle.
MARTIN
275 Que souhaites-tu ?
GAUTIER
Qu’en liesse
Vive, [en tout bruyt,] la fleur de liz royalle215.
MARTIN
Quel[s] gens sommes-nous ?
GAUTIER
Sans soucy.
MARTIN
À quoy pensons-nous ?
GAUTIER
À bien dire.
MARTIN
Sans mal penser ?
GAUTIER
Il est ainsi.
MARTIN
280 Rire et gaudir,
GAUTIER
Et sans mesdire.
MARTIN
Loyal du tout216
GAUTIER
Sans contredire.
MARTIN
Aymer chascun
GAUTIER
De bonne amour féalle217.
MARTIN
C’est bien vescu,
GAUTIER
Sans nully escond(u)yre.
Vive, en tout bruyt, la fleur de liz royalle !
MARTIN
285 C’est ung trésor,
GAUTIER
Mais ung bien magnificque.
MARTIN
Haultain séjour218
GAUTIER
Où tous biens sont eslis219.
MARTIN
Montjoye220 de bien,
GAUTIER
Ung regnon221 autentique.
MARTIN
Re[n]fort d(e) honneur,
GAUTIER
Plains de joyeux délis222.
MARTIN
Vray champ d’asur
GAUTIER
Garny de fleurs de lis223.
MARTIN
290 Sang très royal,
GAUTIER
Renommée férialle224.
MARTIN
Noble du tout225,
GAUTIER
En tous biens embellis.
Vive, en tout bruyt, la fleur de liz royalle !
MARTIN
Sus, sus ! D’une amour cordialle,
De chanter soyons diligens.
GAUTIER
295 Nous sommes gallans sans argens.
Chantons dehet, accordons-nous.
Ilz chantent :226
L’ort villain jaloux
Qui a batu sa femme,
[C’est] en despit de nous.
MARTIN
300 Tout doulx, tout doulx ! Entens ta game !227
Ilz chantent :
L’ort villain jaloux
Qui a batu sa femme,
[C’est] en despit de nous.
GAUTIER
Qu’esse-cy ? Quel[s] gens sommes-nous !
305 On en escriproit une bible228.
À cueur vaillant, rien impossible.
Qui meins a, meins a de soucy229.
MARTIN
Quant on part de ce monde icy,
On n’emporte, pour tout potaige,
310 Q’ung viel linseul.
GAUTIER
En brief langaige,
Nostre plaisance nous nourrist.
MARTIN
Ung songart230 qui jamès ne rist,
Si ne vault rien pour nostre bende.
GAUTIER
Nous sommes contens qu’on nous pende
315 Se amassons argent ny or !
Souffisant231 est nostre trésor ;
C’est assez, nous sommes contens.
MARTIN
Joyeusement passons le temps
En faisant chansons, ditz, ballades232.
320 S’il a[d]vient que soions malades,
Nous savons où nous recueillir.
GAUTIER
L’ospital ne nous peut faillir233 :
Au pis aller, c’est ung refuge.
MARTIN
S(e) aulcun mal234 nous vient assaillir ?
GAUTIER
325 L’ospital ne nous peut faillir.
MARTIN
Vivre dehet, chanter, saillir235 !
Nous n’avons pas paour du déluge236.
GAUTIER
L’ospital ne nous peut faillir :
Au pis aler, c’est ung refuge.
MARTIN
330 Nous nous en raportons au Juge237 :
Nous n’avons ny escu, ne targe238.
Quant j’é ung grant blanc239, il me targe
Que le tavarnier l’ait en bource,
Tant ay grant peur qu’on me d[e]strousse.
GAUTIER
335 Nous n’avons ne maison, ne tente240,
[Et] on ne nous doit rien de rente.
Et sy241, nous devons conte ront242 ;
Ceulx à qui nous devons mouront,
Ou nous : et puis nous serons243 quittes.
MARTIN
340 Nous les payrons en pommes cuittes,
Noz debteurs244 ; ou en pastenostres.
GAUTIER
Ne sont telz abis que les nostres245 ;
Nous ne sommes que trop vestus.
MARTIN
Vive gallans, joyeux Fébus246
345 Par qui liesse est démenée !
GAUTIER
C’est vray.
MARTIN
C’est nostre destinée.
GAUTIER
Nostre mort n’est point machinée247
Pour trésor que nous amassons248.
MARTIN
S’en cest article nous pensons249,
350 Je prie à Dieu qu’il nous confonde !
GAUTIER
Gens dehet,
MARTIN
Gens de l’autre monde250,
GAUTIER
Nous ne prestons rien à usure.
MARTIN
Que nous fault-il ?
GAUTIER
Parolle ronde251.
MARTIN
Gens dehet,
GAUTIER
Gens de l’autre monde.
MARTIN
355 En effet, je veul qu’on me tonde252
Se j’amasse rien par mesure253 !
GAUTIER
Gens dehet,
MARTIN
Gens de l’autre monde,
GAUTIER
Nous ne prestons riens à usure.
MARTIN
Qui fera la desconfiture254
360 De nous deux ?
GAUTIER
La mort.
MARTIN
La mort ?
GAUTIER
Voire.
MARTIN
De cela aye bien mémoire :
Autre ne nous peut desconfire.
GAUTIER
Qui sommes-nous ?
MARTIN
Qui ? Gens pour dire255.
GAUTIER
Nostre cry256 ?
MARTIN
C’est : « Vive liesse ! »
GAUTIER
365 Qui grongne, qui ?
MARTIN
Qui nous rancune ?257
GAUTIER
Dehors, grongneux !
MARTIN
Saillez258, tristesse !
GAUTIER
Eschec259, argent !
MARTIN
Vuidez260, richesse !
GAUTIER
De qui tenons-nous ?
MARTIN
De la lune261.
GAUTIER
Au surplus ?
MARTIN
Pour toute promesse,
370 Nous ne tenons riens de Fortune.
GAUTIER
Tenir nous fault rigle262 comune :
Nous sommes assez grans seigneurs.
MARTIN
Pas ne voulons estre grigneurs263.
(Vélà ung mot bien compassé.)
GAUTIER
375 Quant ung homme a[ura] amassé
D’or et d’argent en une masse264,
Et puis quant sera trépassé :
L’emportera-il en sa tasse265 ?
MARTIN
Pour tous tribus, on luy compasse266
380 Sept piedz de terre massonnéz267.
Légièrement le temps nous passe268.
Telz nous voiez, telz nous prenez.
GAUTIER
Telz nous voiez, telz nous prenez.
Nous portons tout, de peur du feu269.
385 Quant nous feusmes sur terre néz,
Nous n’y apportasmes q’ung peu.
Se sommes povres270, de par Dieu,
Vive la pascience Job271 !
Nous n’avons maistre ny adveu272.
390 Se nous avons santé, c’est trop273.
MARTIN
Se nous avons santé, c’est trop.
Autrement ne nous soussions274.
Qui nous dit « bap ! », nous disons « bop ! »275 :
Vélà noz occupations.
395 Pour toutes rétributions,
Souffisance avons planière276.
Point n’alons aux processions :
Nous n’avons ne croix277, ne banière.
GAUTIER
Nous n’avons ne croix, ne banière,
400 Nemplus278 que ceulx de l’Observance ;
Et pour tenir de leur manière,
Nubz-piedz279 allons, par pénitance.
.
Si, prenez en gré la substance
De nostre Jeu, tel comme il est,
405 En supportant nostre ignorance ;
Et nous pardonnez, s’il vous plaist.
.
EXPLICIT
*
1 Les six ballades de l’édition Levet datent de 1461, et les cinq ballades du ms. de Stockholm datent d’avant 1456, d’après Thierry Martin : VILLON, Ballades en argot homosexuel, Mille et une nuits, 1998, pp. 6-8. 2 Cette Moralité fait parler l’argot à deux mendiants prénommés Gaultier. 3 Nous remercions vivement les Archives de l’État de Fribourg, en Suisse, et M. David Blanck, pour l’obligeance et la célérité qu’ils ont mises à nous fournir une copie numérique de cet imprimé, malgré le confinement que nous subissons. La bibliothèque cantonale et universitaire de Fribourg étant fermée, nous n’avons pu consulter le mémoire de licence de CHRISTINE DEMIERRE : Dialogue de Gautier et Martin : étude philologique, 2005. 4 Il l’a transcrite dans : Trois farces françaises inédites trouvées à Fribourg. « Revue du Seizième siècle », t. XI, 1924, pp. 157-192. 5 Mes écus sont finis, ont fait leur temps. « Il passe au bac,/ Maistre Pierre. » Le Testament Pathelin. 6 Plus rien ne cliquette dans ma bourse. 7 Gaiement. (Idem vers 296, 326, 351.) « –Tousjours dehet. –Esprit nouveau. » Marchebeau et Galop. 8 Il est au plus bas. Cf. J’ay veu le temps que j’estoye à bazac. 9 Quand on le souhaite. 10 Peu. 11 Bête. 12 Tenir tête à l’ennemi. « En danger d’avoir ung assault,/ Nous tiendrons bons termes. » Les Sotz escornéz. 13 Hurlement que poussent les diables, comme Lucifer dans le Munyer : « Brou ! je suis tout enpuanti. » 14 Cette onomatopée transcrit le bruit que fait Gautier en crachant par terre pour mieux afficher son mépris de l’argent. 15 Autant. Idem vers 135. 16 Ohé ! Cet appel suscite toujours une réponse en écho : « –Haye ! –Haye ! » Les Coppieurs et Lardeurs. 17 L’imprimé intervertit cette réplique et la suivante. Voir les refrains 14 et 20. 18 Éd. : iesionyr (J’écris la 1ère syllabe de « chascun » en bleu clair parce qu’elle n’apparaît plus sur le papier : voir ma notice.) 19 Sans poser de questions. 20 « –Penses-tu vivre sans rien faire ?…./ –Y me fault trouver quelque lieu/ Où pouray vivre sans rien faire. » Troys Gallans et Phlipot. 21 Sergent, lieutenant du maire. 22 Dans les cachots, une paillasse tenait lieu de lit. Gautier, qui sort donc de prison, revient à son « cagnard », le recoin où il dort d’habitude. Mais Martin s’y est installé. 23 De me tuer pour si peu. 24 Je bois au mal nourri, au rachitique. 25 Je bois à celui qui est né avant terme, à l’avorton. « Désadvoues cet avorton, ce trop tost né ! » La Barillère. 26 Il n’y a plus rien à manger. 27 Sont trop courts. 28 On trousse. 29 La maille vaut un demi-denier. Idem vers 136. 30 Bouffé, comme au vers 114. « Menger, riffler et transgloutir. » (Pates-ouaintes.) Ici commence la partie en jargon ; Paul Aebischer fut conseillé par LAZARE SAINÉAN, l’auteur des Sources de l’argot ancien, t. I, 1912. 31 En plein jour, quand le soleil était haut. 32 En plein jour, n’ayant pas les moyens d’acheter des chandelles pour veiller le soir. 33 Couché. Le peautre est une paillasse : « De nuyt couchéz à nostre peaultre. » Les Maraux enchesnéz. 34 Sur la dure planche. « Cagnard, qui est un lieu à l’abri du vent, exposé au soleil, où les vaut-riens & fainéants s’assemblent à rien faire & estre le ventre au soleil. » (Jean Nicot.) Le Gueux des Souhaitz du monde parle du sien : « Soubz le caignart où je faitz mon repaire. » Cf. les Bélistres, vers 98. 35 Riche. Idem vers 113. 36 L’heur, la chance. Dans Villon 3, « Faisons/ La fée » se traduit par : Tendons un piège. 37 De la fée Morgane. 38 Comment va. 39 Je m’adonne à la mendicité. « As-tu jamais esté en drogue en ce pasquelin [pays] de Berry ? » Ollivier Chéreau, le Jargon, ou langage de l’Argot réformé. 1630. 40 « Ilz appellent argent aubert. » (Jehan Rabustel, procureur de Dijon qui mena l’interrogatoire des Coquillards, en 1455, et qui est par conséquent l’auteur du tout premier dictionnaire d’argot.) Idem vers 67. 41 Il n’a plus cours, comme une monnaie bonne pour la refonte. 42 Éd. : piece a (Depuis longtemps.) « Ne feust l’aide du noble Mardigras (…), Quaresmeprenant les eust jà piéçà exterminées de leur manoir. » Rabelais, Quart Livre, 29. 43 Éd. : bec (Je viens me mettre au sec, vêtu seulement d’un corset.) 44 Je cours, je m’enfuis. (Idem vers 58, 73, 84.) « Brouez au large, et vous esquarrissez ! » Villon 8. 45 Je sors sans manteau, de peur d’avoir trop chaud. On connaît plusieurs variantes de cette vieille plaisanterie : « L’un son soulier persoit,/ De peur du chaud. » Le Resveil des Chrestiens. 46 « Riens en recepte, tout en mise. » Mallepaye et Bâillevant. 47 Sous cette planète : c’est ma destinée. « Orbastie (…) n’ayma oncques elle ny aultre, tant estoit née en mal gracieuse planette. » Nicolas de Herberay. 48 Nettoyé, ruiné. « En la fin, je l’afine/ Ainsi net que quant il fut né. » Le Dorellot. 49 Éd. : Le (Je suis purifié, débarrassé de mon argent.) 50 Ruiné. « Il est defferray tout à plat./ Vous le voyez eschec et mat. » Le Dorellot. 51 Bien habillé. « Robbe doublée de tafetas./ Chascun d’eux, si, n’a de quoy vivre,/ Et veulent porter telz estas. » Guillaume Coquillart, Monologue des Perrucques. 52 Éd. : Mais (Où j’affrontai aux dés, par tricherie. « Joncheurs jonchans en joncherie. » Villon 5.) 53 Il n’avait même pas une cotte de mailles pour se couvrir. Ce vers est recyclé à 78. Nos deux tricheurs prétendent gagner au jeu les vêtements de leurs victimes, mais ils n’ont rien à se mettre : ou ils trichent mal, ou ils se vantent. 54 Aebischer comble cette détérioration avec « saint Éloy » ; or, l’auteur privilégie les rimes riches. « Saincte Croix !/ A ! garde-t’en, se tu m’en croyx ! » (Le Porteur de pénitence.) La croix étant le côté face d’une monnaie, « sainte Croix » désigne facétieusement la patronne de ceux qui ont — ou qui cherchent — de l’argent : « C’est dommaige, par saincte Croix,/ Que l’on ne vous paye trèsbien. » (Jehan qui de tout se mesle.) 55 Je lui ôtai sa bourre, son argent. Idem vers 76. 56 Deux capes. « Il foncera [paiera], se je puis,/ Ou il y laissera l’endosse. » Le Dorellot. 57 « Georget : pourpoint. » Péchon de Ruby, la Vie généreuse des mercelots, gueuz et boësmiens, contenant leur façon de vivre, subtilitéz & gergon [jargon]. 1596. 58 Plus volontiers qu’un auget. Ainsi se nomme la pelle en bois qu’empoignaient les vagabonds condamnés à nettoyer les alentours de la prison du Châtelet ou les fossés parisiens : « Trois haies de sapin pour faire les augetz à gecter l’eaue des fondemens du bolevart. » (Godefroy.) Voir l’usage parcimonieux qu’en font les Maraux enchesnéz. 59 Je m’enfuis de chez mon hôte. Prononciation argotique de l’italien ospite. 60 Je mets au défi tous les pipeurs de dés. « Ung pipeur, c’est ung joueur de déz et d’aultres jeux où il y a advantaige et décepcion [tricherie et tromperie]. » Jehan Rabustel. 61 Martin a donc fait les guerres d’Italie. Les Français occupèrent le duché de Milan de 1499 à 1513. 62 Éd. : desbourte (Note 55.) Le brelan est la table des joueurs de dés. 63 À avoir plus de points qu’eux. 64 Bruit qu’on fait en crachant par terre pour exprimer son dégoût. « Pouac ! vous avez vessy [pété]. » (Calbain.) Cf. la Ballade de champ royal, vers 41. 65 Ce sont là. 66 Éd. : les (Gourpin semble être une déformation argotique de pourpoint. D’après le vers 97, celui-ci est rembourré avec des plumes, ce qui n’était pas rare : voir la note 123 de la Pippée.) 67 Éd. : hargne (Herme = petite monnaie de bronze.) Ce mot rime en -erne : « Car je n’ay ne pion ne herme/ De quoy je peusse, en la taverne,/ Avoir du vin une choppine. » ATILF. 68 À Paris. « À Parouart, la grant mathe gaudie. » Villon 1. 69 « Vergne : ville. » (Péchon de Ruby.) Idem au vers 116. « En ceste fameuse vergne de Paris, au lieu qu’on appelle le Port-au-Foin. » Response et complaincte au Grant Coësre sur le “Jargon de l’argot réformé”. 1630. 70 Un sergent : « Par les anges suivans la paillardie/ Sont greffiz et prins. » (Villon 1.) La poue = la patte. 71 Pour me griffer, m’empoigner. « Seroit-ce point le marieux [bourreau]/ Qui vient icy pour nous graffer ? » Les Tyrans au bordeau. 72 « Les jambes, ce sont les quilles. » (Jehan Rabustel.) Gautier joue des jambes, s’enfuit. « Poussez de la quille, et brouez ! » (Villon 5.) 73 Sur le territoire. « Se treuve point quelque Laurence [prostituée]/ Aulcuneffoiz sur le terrant ? » Les Premiers gardonnéz. 74 Cæli enarrant : Les cieux racontent. (Psaume 19.) 75 La terre du Seigneur. (Deutéronome.) Gautier veut dire qu’en cherchant la terre, il a trouvé le ciel, la liberté. 76 Du vrai. Martin, qui est moins bon latiniste que son compère, veut sans doute dire : En vérité ? 77 Ce sergent me le paiera. « Bien le comparrez,/ Car demain le matin mourrez ! » ATILF. 78 Aebischer propose de lire « péteillé », qui a le sens de « piler, écraser ». 79 Ce cachot. « Enmahés en coffres, en gros murs. » (Villon 1.) Nous avons toujours le verbe coffrer. 80 Éd. : mon 81 Je me serais tortillé sous les coups de verges. 82 Le bourreau, qui marie le supplicié à la Mort. « Qui est en plant en ce coffre joyeulx,/ Pour ces raisons, il a, ains qu’il s’escroue,/ Jonc verdoiant, havre du marieulx. » Villon 10. 83 Tout au long de la voie. Attaché torse nu « au cul de la charrette », le condamné était fustigé à tous les carrefours : lui et son bourreau arpentaient donc les rues. « Car qui est grup [condamné], il a, mais c’est au mieulx,/ Par la vergne [ville], tout au long de la voue [voie],/ Jonc verdoiant, havre du marieulx. » Villon 10. 84 Éd. : ioues (Les verges. « Se j’en debvoys avoir le jonc/ Et bastue. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) 85 Une double pinte de vin : « Je suis contant de paier quarte/ Pour desjeuner. » Jehan qui de tout se mesle. 86 Éd. : floc (« Flouant : jeu. » Ollivier Chéreau.) 87 Aux cartes. « Jouer aux déz, aux quartes. » Jehan Rabustel. 88 En extorquant un pourpoint rembourré de plumes. 89 Aebischer évoque le « passe dix », un « jeu à trois dés où l’on peut amener plus de dix ». Mais cela n’a aucun rapport avec les cartes. Le Roux écrit dans son Dictionnaire : « Un homme en fait passer quinze pour douze à un autre, quand il trompe celui qui a en lui quelque confiance. » 90 Surveille ton bec, tais-toi. Cf. les Tyrans, vers 179. « Luez au bec, que ne soiez greffiz. » Villon 1. 91 Du museau. Jehan Rabustel a consigné l’expression originale : « Ferme en la mauhe, c’est celluy qui se garde bien de confesser riens à Justice etc., lorsqu’il est prins et interrogué. » 92 Chanter quatre, ou chanter trois : dire des mensonges. « Chantez-leur trois sans point songer. » Villon 5. 93 Les becquets sont probablement des rapporteurs, qui ont « bon bec ». 94 Peur. Idem vers 327. 95 On chantonne ce refrain pour signifier qu’on n’est pas concerné par ce qui vient d’être dit. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 163. 96 Éd. : aubet (Voir les refrains 100 et 106.) L’imprimé distribue le reste du vers à Gautier. 97 Que je baisse mes houseaux, que je me déculotte. 98 Éd. : Nyues nyues (Tout ce passage est une incitation à nier lors des interrogatoires.) 99 Sans bavardages. « Sans faire plus long caquet. » Les Repues franches de maistre Françoys Villon. 100 Il n’y a rien à acquérir, à gagner. 101 Tout ce que tu possèdes est à la merci du hasard. « Risquer le paquet : Hazarder, courir hazard, risque, fortune. » Le Roux. 102 Miroir aux alouettes. « –Bon guet ! –Son pour la caille ! » (Mystère des Trois Doms.) On capture les cailles sauvages en produisant un son avec un appeau nommé caillier. « [Il] le maine com l’oiselier/ Fait la caille au son du caillier. » (ATILF.) « En avril, prenoie les cailles…./ En venant au son du caillier,/ [Elles] se laissoient prendre. » (ATILF.) « Au premier son on ne prent pas la caille. » (ATILF.) 103 Le pauvre hère échauffé par l’alcool. Beaucoup de voleurs opéraient en duo : l’un des deux détournait l’attention de la victime, et l’autre la détroussait. Voir les Repues franches. 104 Mange, vole. 105 Je lui couvre la tête avec un foulard de soie, pour qu’il ne voie pas que je triche. 106 Sorte de casque. « J’ay mon bonnet d’escaille/ Et ma belle cote de maille. » Mistère de la Passion. 107 Meilleur. Idem vers 373. 108 C’est bon pour un changeur de monnaies, pour un usurier. 109 « Fy de thrésor ! Je ne désire,/ En ce monde, qu’avoir Sancté. » (Deulx Gallans et une femme qui se nomme Sancté, LV 12.) Gautier réaffirme l’importance de la santé aux vers 192 et 390. Cette scène est du plus haut comique : les deux mendiants qui jouissent d’une si bonne santé exhibent de fausses blessures, de faux ulcères, de fausses gangrènes et de fausses infirmités pour apitoyer les passants. Le chirurgien Ambroise Paré dénonça les artifices des gueux et « leur meschanceté et imposture ». 110 Le mot de passe, le sésame qui ouvre toutes les portes. « Non ayant autre moyen pour s’entrecongnoistre, sinon par le cry de la nuyt en le demandant l’ung à l’autre. » Claude de Seyssel. 111 Forgeron. Ou faux-monnayeur : Jehan Rabustel découvrit chez l’un d’entre eux « ung petit enclumeau à pampes aiant une pointe pour le fischer sur un plot de bois et forger dessus ». 112 « Ung vendengeur, c’est ung coppeur de bourses. » (Jehan Rabustel.) « Car vendengeurs, des ances circoncis [on coupait les oreilles aux voleurs],/ S’en brouent du tout à néant. » (Villon 1.) 113 De raisin pelé : de marchandises impossibles à revendre. 114 Tout comme Fortune, Malheur est une personnification allégorique. Idem vers 265. 115 Avec prudence. « Et le suivez tout par compas. » Frère Frappart. 116 Éd. : aloige (Je corrige la même bizarrerie aux refrains 138 et 142.) Le mot horloge n’avait pas encore acquis sa forme et son genre définitifs. « Je suys juste comme ung reloge. » La Pippée. 117 Et de pièces de monnaie frappées d’un léopard. 118 Ni dépôt. 119 « River : foutre…. Bis : con…. La chambrière (…) se vient mettre contre moy. Je fuz tout estonné, comme n’ayant jamais rivé le bis. » Péchon de Ruby. 120 « Gourdement : beaucoup. » Ollivier Chéreau. 121 À l’auberge du clair de lune : il couche à la belle étoile. 122 Nous avons été coulés dans un même moule. 123 En signant des reconnaissances de dettes, comme Marchebeau et Galop (vers 74), ou Mallepaye et Bâillevant (vers 126). 124 Paya. Comme tous les filous, Mallepaye et Bâillevant ont eux aussi la farce de « Pathelin en main ». 125 Qui y trouve à redire ? « Qui dit ? Qui grongne ? Qui grumelle ? » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 126 Nul ; personne. Idem vers 259 et 283. 127 Railler. « C’est le mestier de mainte gent/ Que de coppier. » Les Coppieurs et Lardeurs qui sont copiéz et farcéz. 128 Comme des « Enfants sans souci ». Dans la sottie de la Réformeresse, la pingrerie des mécènes est déplorée par des « Enfans sans soucy ». Gautier et Martin revendiqueront de nouveau ce titre : « –Quels gens sommes-nous ? –Sans soucy. » La joyeuse « bande » dont ils se réclament (vers 15 et 313) rappelle la « bende friande galande » qui, dans la Réformeresse, se gargarise des abus qu’elle commet. Tous ces profiteurs assument la même paresse, le même attrait des plaisirs faciles, du jeu et des chansons. 129 Éd. : Qui (Les caprices de la roue de Fortune sont encore dénoncés aux vers 177-8.) Camus = piteux. 130 Réjouissons-nous. C’est le refrain des chansons d’étudiants. On prononçait godéamu. 131 Éd. : Cherie (« Franc-Gontier et sa compaigne Hélaine » inspirèrent à Villon les Contreditz de Franc-Gontier.) 132 Si on nous a prêté des draps. Nouvelle allusion au drapier de Pathelin : « Me cousta, à la Magdalaine,/ Huit blans, par mon serment, la laine…./ Je n’ay point aprins que je donge/ Mes draps…./ Je ne les eusse point acreus. » 133 C’est elle qui nous héberge. 134 Et de : le manque d’argent et de beau tissu. 135 Du pain blanc, réservé aux riches, ou du pain mal raffiné. 136 Comment je me réjouis. « Huby et gay, gent et gaillart. » Le Povre Jouhan. 137 En haut comme en bas, d’un côté que de l’autre. 138 Du vent arrière, qui nous pousse en avant. 139 Le retour de Bon Temps est le sujet de beaucoup de pièces ; voir par exemple la Première Moralité jouée à Genève. Bien sûr, Mallepaye et Bâillevant l’attendent eux aussi : « Quant reviendra le bon temps ? » 140 Trop de temps à revenir. 141 Éd. : estime pugne (Il faut qu’il règne à son tour.) 142 C’est la première marche de l’escalier : c’est un bon début. « En montant les pas du degré. » La Muze historique. 143 Éd. : sens (On ne nous verse aucune rente, ni l’impôt du cens.) 144 Avares. 145 Éd. : ces cinqc ns (Tel a tous ses sens en éveil.) 146 Galette faite avec de la farine bise, mal raffinée. Mais ce vers devrait contenir un nom de lieu. On a peut-être expurgé une allusion aux souteneurs des prostituées qui occupaient la rue Brise-miche, à Paris. 147 De l’étang dont on a pêché tous les poissons. Le noble désargenté du Gentil homme et son Page en possède un semblable. 148 Quand il est pendu pour avoir trop parlé. L’argot servait surtout à mettre en garde les bavards ; voir le vers 100. 149 On le pousse dans le vide. « Sa rançon sera au gibet…./ On luy donra ung soubressault. » Vie de sainct Christofle. 150 La corde. 151 Éd. : le (C’est par sa faute. Ou, en terme de droit : C’est parce qu’il n’était pas présent à son procès pour se défendre.) 152 Celui qui. 153 Ne nous manque : on n’a plus besoin de rien. 154 Sont en bonne réputation. « Nous trouverons la voie/ D’avoir le bruit. Nous serons les plus grans. » Les Sotz escornéz. 155 Sont cassés de gages, sont tombés en défaveur. 156 Élégants avec ostentation. Cf. la Folie des Gorriers. Nous arrivons à la satire des pauvres qui veulent passer pour riches en suivant des modes ridicules. 157 Bien attifés. « Fus-je acoustré, fus-je agencé,/ Bien peigné. » Le Résolu. 158 Cf. le Gentil homme et son Page. 159 Ils ont une mauvaise monture. Cf. Mallepaye, vers 176. 160 Minces, mal fournis. Idem vers 228. « Tu es bien mince de pécune. » (Les Bélistres.) La forme misse est attestée : « –Il fust bien temps que je disgnisse [dîne]./ –Vostre mesnage est si très misse/ Qu’il n’y a céans pain ne miche. » (Le Pont aux asnes, BM 25.) 161 Le service dans une place forte gardée par de vieux soldats qui ne touchent qu’une demi-solde. « Rendre me fault, par mes aveaux,/ En quelque vieille morte-paye :/ Mon pourpoint est de vieille soye,/ Dérompu et tout décassé. » G. Coquillart, Monologue des Perrucques. 162 Se vante qu’il peut en trouver. 163 Il lave ses habits, faute d’en avoir de rechange. 164 N’a plus que la trame. 165 Les élégants arborent une chemise froncée : « Dessoubz le pourpoint, la chemise/ Froncée. » (Le Résolu.) Fron-ci-e et gor-gi-as comptent chacun pour 3 syllabes. 166 Éd. : gorgeas (Forme correcte à 248.) Le gorgias couvre la gorge des femmes : « Elz ont icy ung grant gorgias ;/ S’elz ne monstrent tout le fatras,/ Par mon âme, tout n’en vault rien ! » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. 167 « S’elz ne monstrent tout le fratras. » Note 166. 168 Avec de larges manches. « De satin, pourpoins à grans manches,/ Et hocquetons pareillement,/ Bien cours, qui ne passent les hanches. » Folle Bobance, BM 40. 169 Idem vers 245. Les galants veulent un col bas pour qu’on voie leurs colliers : « Chaînes d’or, colliers d’abondance/ Pour porter sur ses bas colletz. » (Folle Bobance.) Les hommes qui sont un peu « collet monté » le préfèrent haut : « Cousturier, faites-moy, à hault/ Collet, une robbe bien faitte. » (Seconde Moralité de Genève.) 170 De la peau de chevreau. 171 Un miroir, un peigne, une cuvette. 172 Le shampooing à base d’oignon pour faire blondir les cheveux. 173 La cruche d’eau pour se rincer la tête. « Une aiguière d’argent doré, et une grande cruque d’argent pour mectre de l’eau. » Jehan de Vandenesse. 174 Leur tignasse. « À Paris, ung tas de béjaunes/ Lavent trois fois le jour leur teste,/ Affin qu’il aient leurs cheveulx jaunes…./ Hector se pourmaine au soleil/ Pour faire sécher sa perrucque. » Coquillart, Perrucques. 175 Une cape munie d’un capuchon. 176 On plaçait dans les armoires à linge des sachets de plantes odoriférantes. Cf. la Pippée, vers 354. 177 Déguerpit de l’auberge. 178 Il laisse des dettes. « Planter ung beau rosier chez l’oste. » (Coquillart, Perrucques.) « [Je le] convie/ D’aller en quelque morte-poye,/ Et luy commande qu’à sa voye [en chemin]/ Il me plante de beaux rosiers. » (Folle Bobance.) 179 Du gosier inemployé : il meurt de faim. 180 Encore un affamé, d’après la farce du Capitaine Mal-en-point. 181 Le bourreau s’en servait pour fustiger publiquement certains condamnés. C’est le « jonc verdoyant » du vers 93. 182 Éd. : Et nont pas (Voir le balancement entre l’un et l’autre aux vers 6, 7, 112, 165, 166, 187, 188, 203, 207.) 183 Élégants, qui aiment se fringuer. Le rythme de ce vers sera repris dans Mallepaye et Bâillevant : « –Fringans, –bruyans, –allans, –parlans. » 184 Contraints à la mendicité. Idem vers 240. Voir la note 39. 185 Éd. : Prestz de la turne (La rime est en -une.) « La thune : l’aumosne…. En cette vergne [ville], fiche-on la thune gourdement ? » (Ollivier Chéreau.) En argot moderne, la thune désigne toujours l’argent ; et nous avons gardé l’expression « Être près de ses sous ». 186 Éd. : a fynes souuent ont (On plume les fines mouches. « Fine affinée et pleine de finesse. » Rondeau.) 187 Pauvre. Cf. les Tyrans, vers 68. « –Il ne vault rien, non, pour foncer [payer]./ –Pourquoy ? –Il est trop bas de poil. » Le Dorellot. 188 Éd. : pour 189 Pour peu qu’il ait sur son chapeau. 190 Aux gens de la Noblesse. 191 Jouisseurs, plaisantins. Cf. la Ballade pour ung vieil gaudisseur caducque et la sottie du Gaudisseur. 192 Éd. : pensent (Ne nous payent que de mots. « Payant seulement de langage. » Marchebeau et Galop.) 193 Éd. : en court / Martin 194 Contrefaire le sage. « Trenchant du sage. » Repues franches. 195 Bons, habiles. « Il a de l’aubert [de l’argent] et du caire [’’]./ Il est gourt ; si, scet son mestier. » Maistre Doribus. 196 Contraints à la mendicité. Idem vers 228. « N’espargnez trésor ne chevance [richesses],/ Combien que soyez droguelès. » Folle Bobance. 197 Malgré eux. Il existe de nombreuses variantes de cette imprécation : « Y fault que vous venez/ Malgré vos dens et vostre cœur ! » Jehan de Lagny. 198 « À pié par faulte de cheval. » Coquillart, Perrucques. 199 Branche d’arbre dépouillée de son écorce, et servant de canne aux mendiants. « Me voilà réduit au baston blanc. » (Godefroy.) On nommait peut-être cette canne un « valet », comme le manche d’une faux. 200 De loin, le laiton peut passer pour de l’or. « Fringueurs à huitaines/ Ont chaînes (…)/ De beau laton. » Coquillart, Perrucques. 201 Les souliers carrés, alors à la mode, étaient si larges que les moqueurs les appelaient « souliers à dormir debout ». 202 C’est de bon ton, selon la mode en vigueur. 203 Élégants. « –Entre les gorgias ? –Mignons ! » Mallepaye. 204 Porteurs de perruques. « Ilz se pourmainent hault et bas,/ Fringans, faisans les perruquins./ Quant la chausse est rompue par bas,/ Ilz chaussent ungz vielz brodequins. » Coquillart, Perrucques. 205 Quand les bas sont déchirés, il faut les dissimuler sous des bottines montantes. « Que je voy porter brodequins/ À ces povres frans musequins,/ Par-dessus leurs chausses persées ! » (Les Rapporteurs.) « Ces fringans mondains/ Qui portent ces beaux brodequins /Dessus la chausse déchirée. » (Ung Fol changant divers propos.) 206 « Faire le pié-derrière : Saluer, faire la révérence à quelqu’un. » (Le Roux.) « Humble, je fis le pié derrière. » (La Muze historique.) C’est aussi un terme du jeu de quilles. 207 Éd. : ou la 208 À l’attaque ! Les vers 257-268 exploitent le registre militaire. 209 Question que pose la sentinelle, et à laquelle on doit répondre en donnant le mot de passe. (Cf. les Frans-archiers qui vont à Naples, vers 154-6.) « –Qui vive ? –Qui ? Mondain plaisir./ Vuydez, Maleur ! » Folle Bobance. 210 L’embuscade galante. 211 Un mastic a fait tomber cette rubrique au-dessus de celle de Martin, au vers 270. 212 Où allons-nous ? 213 En bon ordre. 214 Le bât, la selle qui écorche le dos de l’âne. « Je sçay mieulx où le bâs m’en blesse/ Que vous n’ung aultre ne sçavez. » Pathelin. 215 À la suite d’Aebischer, je complète ce décasyllabe d’après les refrains 284 et 292. 216 Totalement loyaux. 217 Fidèle. Nous passons en décasyllabes jusqu’au vers 292. 218 Un paradis. 219 Élus, prédestinés. 220 Abondance. Allusion au cri de guerre des rois de France : « Montjoie ! Saint Denis ! » 221 Une renommée. 222 Plaisirs. 223 Les trois fleurs de lis d’or sur champ d’azur sont les armes des rois de France. Les argotiers, qui avaient leur propre royaume, ne les oubliaient pas dans leurs prières à Dieu : « En te priant aussi de tousjours conserver/ La noble Fleur de Lys. » Ollivier Chéreau. 224 Digne d’être fêtée. 225 Totalement, parfaitement. Idem vers 281. 226 Cette chanson de Ninot le Petit venait d’être composée. Gautier chante horriblement faux. 227 L’imprimé scinde cet octosyllabe en deux. 228 On pourrait en faire un roman. 229 Celui qui possède le moins a le moins de soucis. 230 Un songeur, un mélancolique. « Songears ne soiez pour dorer. » Villon 1. 231 Éd. : Souffisance 232 Dans la Réformeresse, on fait ce reproche aux Enfants sans souci : « Faictes-vous poinct quelque dizain,/ Quelque rondeau, quelque huictain/ Pour envoyer à vostre amye ? » 233 Ne nous abandonnera pas. « Quand nous avons vidié nos potz (de vin),/ À l’hospital prenons repos. » Jehan Molinet, Chanson sur l’ordre de Bélistrie [mendicité]. 234 Si une maladie. 235 Danser. 236 Nous nous moquons des menaces de l’Église. 237 Au juge suprême, le jour du Jugement dernier. 238 La targe est une monnaie. Étant pauvres, nous entrerons au royaume des cieux, contrairement aux riches. 239 Pièce de monnaie qu’on dépensait souvent à la taverne : « Tu me verras tantost humer [boire]/ Ce grant blanc à la Bonne Pie. » (Trote-menu et Mirre-loret.) Targer = tarder. 240 Éd. : tour (Correction d’Aebischer.) 241 Éd. : cy (En revanche.) 242 Un compte rond. 243 Éd. : seront 244 Nos débiteurs. Les patenôtres sont des prières. 245 Il n’y a pas d’habits aussi rapiécés que les nôtres. 246 Phébus, soleils. « Quand elle vous verra, brillant comme un Phébus. » Scarron. 247 Provoquée. Nous ne risquons pas d’être tués par des voleurs. 248 « Pour trésor que j’aye amassé,/ Laron ne se fera jà pendre. » Coquillart, Perrucques. 249 Si nous songeons à amasser des trésors. 250 Incroyables. « Deux gaudisseurs de l’autre monde. » Les Maraux enchesnéz. 251 Un simple mot. 252 Je veux bien qu’on me traite de fou. Sur la tonsure en croix qu’on infligeait aux fous, voir la note 31 des Sotz triumphans. 253 Si j’acquiers de l’argent en quantité suffisante. 254 La déroute. 255 Des gens à dire avec insolence « D’où venez-vous ? », comme Mallepaye et Bâillevant aux vers 35 et 164. « Ung homme/ Franc pour dire : “Dont venez-vous ?” » Coquillart. 256 Notre devise. « –Vostre cry, quel ? –“Nouvelle guise !” » Mallepaye. 257 Qui nous querelle ? 258 Sortez. 259 Gare ! « Eschec qu’acolléz ne soiez/ Par la poue du marieux [par la patte du bourreau] ! » Villon 5. 260 Videz les lieux ! 261 Nous sommes lunatiques. « Mignons qui tenez de la lune. » (Jeu du Prince des Sotz.) Mais voir le vers 141. 262 Une règle, une façon de vivre. 263 Meilleurs. 264 En quantité. 265 Dans sa bourse. « Prens dix escus en ma tasse. » Le Ramonneur. 266 On lui mesure. 267 Surmontés par un caveau. 268 Pour nous, le temps passe vite. 269 Nous avons sur nous tout ce que nous possédons : dans une maison, cela risquerait de brûler. 270 Éd. : pourres 271 Ce personnage biblique devint « pauvre comme Job », mais il supporta patiemment sa pauvreté. Un Mystère s’intitule la Pacience Job. 272 Ni seigneur dont nous serions les vassaux. « Vagabonds, gens sans maistre ny adveu. » ATILF. 273 C’est déjà beaucoup. 274 Nous n’avons aucun autre souci : nous sommes des Enfants sans souci (note 128). 275 « Qui me dit “sap !”, je luy dis “soup !”. » L’Avantureulx. 276 Nous en avons pleine suffisance, nous en avons largement assez. 277 Jeu de mots : la croix est une pièce de monnaie. 278 Non plus, pas plus. Les cordeliers de l’Observance avaient plutôt une réputation de débauche que de piété. 279 Contrairement aux carmes déchaux, les cordeliers n’allaient pas pieds nus, sauf quand ils voulaient passer pour des saints : « L’an 1517, vint à Genève prescher ung cordellier pieds deschaux, nommé frère Thomas. » François de Bonnivard.