CUISINE INFERNALE

Bibliothèque nationale de France

Bibliothèque nationale de France

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CUISINE

INFERNALE

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Les diables des Mystères sont anthropophages. Quatre siècles et demi avant la Cuisine cannibale de Roland Topor, Claude Chevalet nous met l’eau à la bouche avec leurs recettes les plus savoureuses.

Source : La Vie de sainct Christofle, élégamment composée en rime françoise et par personnages par maistre Chevalet. Imprimé à Grenoble en 1530. Bibliothèque nationale de France, Rés. Yf. 116. Édition critique de Pierre SERVET : La Vie de sainct Christofle ; Droz, 2006. L’édition Servet comporte 19 920 vers ; la mienne en présente le dixième, soit 1 942 vers répartis en six farces : Cuisine infernale, l’Aveugle et Picolin, les Tyrans au bordeau, L’Andureau et L’Andurée, le Fol et la Folle, les Basteleurs.

Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Lucifer, enchaîné devant la gueule béante de l’enfer1, ne peut se déplacer. Il passe donc son temps à faire venir près de lui ses diables (voir la Chanson des dyables), pour leur confier des missions grotesques, et pour les faire corriger par leurs rivaux lorsque lesdites missions échouent. Pour l’instant, il appelle Cerbère ; ce dernier revient de la terre, où il a fourré dans son grand sac l’âme de plusieurs pécheurs.

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                        CERBÉRUS                                              SCÈNE  I

        Que te fault, beste abhominable ?

        J’ay logé dedans ton estable

        Une vieille jument2 prebstresse

        Que j’estranglay hier d’ung gros câble,

5      Comme3 le prebstre disoit messe.

        Si ay, pour luy chauffer la fesse,

        Appresté de fin feu grégoys4,

        Pour luy faire fondre la gresse

        Du cropïon autour du joys5.

10    Et ainsi que je revenoys,

        Ung musnier alla à basac6 ;

        Je le griffay7, comme tu voys,

        Et le fourray dedans mon sac.

        Et puis, pour faire du bo[u]ssac8,

15    Deux bigards9, une papelarde.

        Et encor, au fons du bissac,

        Une grosse putain paillarde :

        Il ne fault jà que l’on la larde10,

        Car ell’ est [bien] grosse et espesse.

20    Le rouge fin feu d’Enfer l’arde,

        L’orde puant lo[u]dière yvresse11 !

        Elle a tant fait la « haulce-besse12 »

        Qu’elle en a le ventre pelé.

        La glace fust d’ung pied espesse13

25    Avant qu’ell’ eust le cul gelé !

                        LUCIFER

        Sanglant clabaud14 démuselé,

        Porte-moy le sac et l’espice15

        Au feu, pour estre desgelé16 !

        Car je vueil que tout se rôtisse

30    Pour Proserpine, celle lysse17,

        Et pour sa belle nourriture :

        Car tu sces bien qu’ell’ est nourrisse18.

        Donne-luy cela pour pasture !

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                        CERBÉRUS 19                                           SCÈNE  II

        Empoigne cela sans demeure,

35    Beste serpentine20 cruelle !

        Ce sera une bonne cure

        Pour toy conserver la cervelle.

                        PROSERPINE

        C’est pour mon dé et ma chandelle21

        Que j’auray ces frians morceaulx.

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40    Venez tost, quant je vous appelle,                                SCÈNE  III

        Pour riffler22 trippes et boyaulx !

        Tenez, mes petitz diableteaulx

        Que je tiens et nourris si cher23,

        Esperits faulx24 et desloyaulx :

45    Mengez-moy les otz25 et la chair !

                        MAMMONA

        Nous l’avalerons sans mascher,

        Puis que nous sommes en besoigne26.

        Je n’ay garde de rien lascher,

        Quant je me tiens à la charoigne.

                        ASMODÉUS

50    Je rechigne, je mors, je groigne,

        Quant je me treuve à la pasture ;

        Mais Mammona tousjours me hoigne27

        Quant je vueil faire ma morsure.

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                        FLÉGÉAS,  à tout [une hotte]28.               SCÈNE  IV

        Lucifer, monstre-moy ta hure,

55    Fronce ton horrible museau !

        J’ay prins ung villain plain d’usure29,

        Qui est plus puant q’ung méseau30 ;

        Mais harsoir31, ainsi qu’ung oyseau,

        J’empoignay32 la caille d’ung vol.

60    Je le vous serray comme ung veau,

        De nuyct, et luy tordis le col !

        Si sera mengé, dur ou mol33,

        Qui m’en croyra34, à la moustarde,

        Avec ung marran35 espaignol

65    Qui est aussi dur q’une oustarde36.

        Ou, s’on les rôtist, qu’on les larde

        Du lart de ce paillart gourmant

        Qui mourust avec sa paillarde

        La nuyt passée, en [son] dormant37 !

70    Ou qu’ilz soient, en grief38 tourment,

        Tous par menus morseaulx hachéz,

        Là où ilz vivront en mourant

        Sans jamais estre relâchéz39 !

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                        ASTAROT                                                  SCÈNE  V

        J’en apporte deux, attachéz

75    Ensemble a[vec] une cordelle40 :

        Ung ruffien (que vous le sachez),

        Et une vieille macquerelle

        Qui vendit sa fille pucelle

        À ung milor[t]41, argent content,

80    Contre toute amour naturelle

        Quant la mère vent son enfant.

        Mais Dieu — qui tout péché deffent42

        Permist que la vieille mauldicte,

        Plus venimeuse q’ung serpent,

85    Mourust harsoir de mort subite43.

        Si, conseille qu’elle soit fricte

        — Puisqu’ainsi est qu’ell’ est griffée44

        Et, comme des Cieulx interdicte,

        [Soit] mise à la galimafrée45,

90    Et de tous les diables briffée46

        Dedans nostre noire maison.

        Et le ruffien sera, d’entrée,

        Rousty ainsi comme ung oyson.

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                        BELZÉBUTH                                            SCÈNE  VI

        Lucifer, voicy venoison47

95    Qui ne veult que vin et vinaigre48.

        Je ne sçay s’ell’ est de saison49 :

        C’est ung bigard50 qui est bien maigre.

        Je l’ay empoigné à ce vespre51.

        Si luy fault faire sa raison52,

100  Puisqu’on le tient, le maistre prebstre :

        Car il est pire que poison,

        Pour chanter « Kiriélèyson53 »

        Sur le cul de quelque truande,

        Fust54 Gu[i]llemette ou Alyson.

105  Il ne demandoit55 autre offrande,

        Et disoit nocturne56 et légende

        Tousjours en « parchemyn velu57 »,

        Et tenoit la beste en commande58

        En sa maison, le goguelu59 !

110  De chanter estoit résolu60

        Sur la plume61, soubz les courtines,

        Voyre sur le « livre fendu62 »,

        En lieu de cloches les tétines,

        Dont il sonnoit souvent matines

115  Quant il estoit à son privé63.

        Fussent commères64 ou cousines,

        Tout estoit coigné et rivé !

        Là, despendoit à cul levé65

        Les biens de Dieu et sa prébende.

120  Si le fault[-il] mettre au civé,

        Ainsi que veneyson demande66.

                        LUCIFFER

        Allez, paillars ! Que l’on le pende

        En la grant roue circulaire

        De rouge feu67, chaulde et friande68 !

125  Et luy baillez là ung « clistère69 » !

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                        BÉLIAL                                                      SCÈNE  VII

        Voicy l’âme d’ung faulx notaire70,

        Rongeur de la Court des excès71,

        Qui scet bien ung seing72 contrefaire

        Et falsifier ung procès73.

130  Il avoit plain sac de procèz74,

        Dont il prenoit à toutes mains75.

        Mais harsoir, d’ung soudain décèz,

        Il se laissa choir en mes mains.

        Il a commis cas inhumains

135  Plus que Judas Ascarïot76 !

        Mais je l’ay serré par les rains

        Et amené sans charïot77.

                        LUCIFER

        Allez-moy acoup78 ce magot

        Par menus morceaux découpper !

140  Et m’en apportez ung gigot

        Farcy de beaux aux79, pour soupper !

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Appartenant somme toute au genre femelle, Proserpine s’occupe de la cuisine ; Lucifer, qui est pourtant un fin gourmet, le lui reproche parfois : « Sortiras-tu de la cuysine, / Crapaude ? » Proserpine fait un usage très personnel de sa poêle, comme elle va le démontrer sur le pauvre Satan.

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                        LUCIFFER                                                 SCÈNE  VIII

        Apporte, faulce80 Proserpine,

        La grant poyle de la cuysine,

        Toute rouge81, friande et chaulde !

145  Despêche-toy, acoup, crapaulde !

        Et que nul de vous ne reculle !

        Prenez Sathan ! Qu’on le baculle82

        Acoup, desloyaulx esperitz !

        Que tous puissez estre péritz,

150  Car l’on vous en deust autant faire !

                        CERBÉRUS

        Sathan, ce sera ton sallaire

        Pour ton dé et pour ta chandelle.

                        PROSERPINE

        Tenez ! Empoignez ceste poyle,

        Et luy faictes son petit pain83 !

155  Car c’est ung faulx84 filz de putain :

        J’ay grant joye qu’il soit batu.

                        ASTAROT

        Empoigne delà85 ! M’entens-tu,

        Cerbérus, et toy, Bélïal ?

        Et je jouray, ce86 férïal,

160  De ceste « poyle87 » sur ses fesses.

                        FLÉGÉAS

        Tien ferme, car si tu le laisse[s],

        Tu seras bo[u]tté88 en sa place !

                        BELZÉBUTH

        Tu as beau faire la grimace89,

        Car il te fault par là passer.

                        ASTAROT

165  Tenez bien ! Je voys90 commencer,

        Et compteray sans rien rabatre :

        Ampreux91 ! Et deux ! Et troys ! Et quatre !

        Cinq ! Six ! Sept ! Est-ce point assez ?

                        SATHAN

        A ! traistres !

                        LUCIFFER

                              Sus, recommencez !

170  Et vous gardez bien qu’il n’eschappe !

                        PROSERPINE

        Tenez ferme, que je le frappe,

        Le sanglant yvroigne gourmant !

        Tien, voylà pour ton payement !

        À ce coup, je m’en vengeray.

                        SATHAN

175  Traistres, je vous estrangleray !

        Et deust Luciffer enrager92,

        J’en auray ung93 pour me venger,

        Et le mengeray d’ung morceau !

                        BÉLIAL

        Fuyons tous devant ce pourceau,

180  Car je cuyde qu’il est en ruyt94 !

        S’il entre, il fera beau bruyt !

        En Enfer, si, se fault retraire95.

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L’âme de deux prostituées vient d’échapper à nos diables. Ces faux jetons accusent Satan d’être responsable du gâchis.

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                        LUCIFFER                                                SCÈNE  IX

        Usez-vous bien de voz praticques,

        D’avoir laissé hors noz lÿens

185  Aller ces putains malléficques

        Qui n’avoient esbat que des reins ?96

                        FLÉGÉAS

        Si l’on a perdu ces putains,

        Sathan en est cause du faict,

        Qui nous a donné ung banquet,

190  Au relever97 de Proserpine,

        D’ung mès à la saulce Robert98

        Sur ung moyne de grace myne99.

                        CERBÉRUS

        Mais à la saulce cameline100

        En fust la pluspart acoustrée101 ;

195  Et de s[es] piedz, à la dodine102,

        Nous en fîmes belle levée103.

                        BÉLIAL

        « Le saupicquet104, la gratonnée,

        Le haricot105, la sallemine106… »

        De trippes frictes, à l’entrée

200  Mengeasmes, avec pouldre fine107.

                        ASTAROT

        Nous n’avallasmes pas chopine108,

        Mais du meilleur à grans plains potz,

        Qui a tant faict prendre repos109

        À Sathan, ce meschant yvroigne,

205  Lequel tousjours contre nous hoigne110

        Quant nous parlons à Proserpine.

                        BELZÉBUTH

        Nous gardasmes tant la cuysine

        Que fusmes ensaincts d’esthomac111.

        Tous noz potz en sont à basac112.

210  Mais si toy, grant prince des chiens113,

        Fusses [du convive]114, je tiens

        Que nous eussions maint boyau vuyde115 !

                        SATHAN

        Nous pense-tu tenir la bride,

        Vieulx mastin116, contrefaict dragon ?

215  Si nous portons la venaison

        Pour fournir le gouffre infernal,

        Je veulx — estant117 le principal —

        Avoir118 la première lippée.

                        LUCIFFER

        Harou, teste démuselée !

220  Me veulx-tu du Règne119 expulser ?

                        SATHAN

        Te fault-il tant braire et prescher

        Pour la perte de deux putains ?

        S’ilz ont esté souvent à « Rains120 »,

        Elles veullent ores121 repos.

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1 Pierre Servet explique (note 5983) : « Lucifer attend les diables sur la scène, hors de l’enfer. On peut penser que ceux-ci vont sortir de la gueule d’enfer pour se placer ‟devant”, c’est-à-dire sur l’espace scénique situé devant les structures fixes du décor. »   2 Une femme qui se laisse chevaucher par n’importe qui ; cf. Légier d’Argent, vers 217.  Une prêtresse est la concubine d’un prêtre ; cf. les Chambèrières et Débat, vers 229, 369 et 373.   3 Pendant que.   4 J’ai préparé du feu grégeois. Ce mélange est si corrosif qu’on l’utilise comme bombe incendiaire.   5 Du sexe. « Aussi chault comme feu grégoys,/ Pour t’ardre [te brûler] le trou et le joys. » L’Andureau et L’Andurée.   6 Mourut. « Maladye/ Qui te puisse mettre à basac. » (Digeste Vieille.) Les meuniers commettent tant d’exactions qu’ils sont damnés. La farce du Munyer montre un diable qui recueille dans son sac l’âme d’un meunier pour l’apporter à Lucifer.   7 Je l’agrippai. Idem vers 87.   8 Préparation contenant des épices et du verjus <note 98>.   9 Voici deux bigots, deux hypocrites qui se font passer pour dévots. Idem vers 97. « Bigars et ypocrites. » (ATILF.)  La papelarde est leur version féminine.   10 Il n’est pas nécessaire de la barder avec du lard pour la faire rôtir.   11 La brûle, cette sale pute alcoolique.   12 La hausse-baisse : le va-et-vient du coït.   13 Elle a tellement le feu au cul qu’il faudrait qu’elle s’assoie sur de la glace de 32 cm d’épaisseur…   14 Maudit aboyeur. Les Grecs représentaient Cerbère en chien à trois têtes : voir la note 113.  Démuselé = sans muselière ; idem vers 219.   15 Et son précieux contenu.   16 Déglacé, dégraissé.   17 Cette lice, cette chienne.   18 Qu’elle est enceinte : elle a donc besoin de manger pour deux, elle qui mange déjà comme quatre.   19 Il donne son sac à Proserpine, qui vient d’entrer. Le comédien qui la joue est affublé d’un énorme ventre.   20 Depuis la tentation d’Ève, le serpent est l’animal diabolique par excellence. Proserpine lui est souvent comparée, malgré son abondant système pileux : « Faulce lisse [sournoise chienne],/ Beste hideuse, serpentine. » St Christofle.   21 Pour mes menus plaisirs. Idem vers 152. Cf. l’Aveugle et Picolin, vers 143. Proserpine n’aime que la viande baptisée : « Mais d’ung chrestïen, d’ung ermite,/ Ce seroit viande appétissant…./ Car cela seroit venayson/ Que j’aymerois plus cher que cresme [sperme]. » St Christofle.   22 Bâfrer. Proserpine appelle ses charmants bambins, Mammon et Asmodée, pour qu’ils viennent s’empiffrer. Les deux diablotins sont emmaillotés de langes, et coiffés d’un béguin d’où dépassent leurs cornes ; ils se frappent mutuellement avec un hochet.   23 Tenir cher = chérir. « Estes-vous cy, ma chier tenue ? » St Christofle.   24 Sournois. Idem vers 126, 142 et 155. Un peu plus tôt, ces deux trompeurs se faisaient passer pour les pages de Satan.   25 Mangez ces os. Proserpine tend le sac de Cerbère à ses rejetons, qui s’en disputent violemment le contenu.   26 Maintenant que nous sommes à l’ouvrage.   27 Grogne contre moi. Idem vers 205.   28 Éd : ung mõstre  (Anticipation du vers suivant.)  Avec une hotte sur le dos, pour emporter les âmes damnées. « S’enporteray ceste curie/ D’âmes dampnées en ceste hotte,/ Affin que Lucifer, mon hoste,/ Les festoie de grants tourmens. » Mistère de saint Adrien.   29 Les usuriers ne sont pas damnés pour des raisons morales, mais parce qu’ils spéculent sur le temps, qui n’appartient qu’à Dieu.   30 Qu’un lépreux.   31 Hier soir. Idem vers 85 et 132.   32 Éd : Empoigne  (Tel un oiseau de proie, je pris cette « caille » en plein vol. « Car qui n’entent le jobelin/ N’a garde de prendre la caille. » Les Tyrans au bordeau.)   33 Bon an, mal an. Mais Phlégias prend cette expression au premier degré : qu’il soit dur ou qu’il soit tendre.   34 Si l’on m’en croit.   35 Un marrane est un juif d’Espagne qui fait semblant de se convertir au catholicisme pour ne pas être expulsé.   36 L’outarde est un échassier.   37 Pendant son sommeil, donc sans avoir reçu l’absolution. « La nuit passée, en mon dormant. » (Les Sotz escornéz.) La mort en état de péché mortel est encore évoquée aux vers 85 et 132.   38 Grave, pénible.   39 Sans connaître de relâche, de répit.   40 En des temps plus anciens, les adultères, attachés l’un à l’autre par le sexe, devaient traverser la ville entièrement nus.   41 À un milord, un richard. Cf. Digeste Vieille, vers 274. « Sa mère mesmes la vendra. » Éloy d’Amerval.   42 Défend, interdit. Astaroth prêche la morale chrétienne, sans laquelle l’enfer n’aurait aucune raison d’être. De la même façon, Dieu n’est rien sans les diables : c’est eux qui font régner la justice divine en punissant les pécheurs. Le camp du Bien et le camp du Mal collaborent pour défendre leurs intérêts communs ; dans le Mystère de sainte Agathe, deux anges vont chercher les diables aux enfers pour qu’ils châtient des hommes qui ont « grandement mespris envers Dieu », que Satan s’empresse d’aller venger : « G’y feray tel dilligence/ Qu’ilz reconnoistront bien l’offence ! » L’ambiguïté du discours diabolique s’affiche tout au long du Livre de la deablerie, d’Éloy d’Amerval, où Lucifer et Satan combattent verbalement l’immoralité comme de vieux théologiens.   43 Donc, sans confession <note 37>.   44 Puisqu’elle est entre mes griffes.   45 Cuisinée en fricassée <note 98>.   46 Bouffée.   47 De la venaison, du gibier humain. Idem vers 121 et 215.   48 Ce gibier sera préparé en civet (vers 120) avec du vin rouge, et les épices seront délayées « de verjus et de vin aigre », comme le préconise la recette du « civé de lièvres » de Taillevent.   49 Si elle est opportune.   50 Un bigot <note 9>.   51 Ce soir.   52 Aussi, il faut lui régler son compte. « On leur fera leur raison. » Digeste Vieille.   53 Kyrie eleison. Voir la note 41 du Clerc qui fut refusé.   54 Que ce soit.  Les peu farouches Guillemette et Alison sont deux des Femmes qui aprennent à parler latin.   55 Éd : demãde   56 L’office de nuit. La légende est le récit de la vie d’un saint.   57 Sur le pubis de sa maîtresse. Cf. les Tyrans au bordeau, vers 519-520.   58 La commende est un bénéfice ecclésiastique, tel celui que s’est arrogé l’abbé de Plate Bource dans le Jeu du Prince des Sotz : « Je vueil bien que chascun entende/ Que tiens [l’abbaye de] la Courtille en commande. »   59 Ce godelureau. Cf. la farce de Goguelu, F 45.   60 Il était résolu à dire la messe. « Ton père chante la grant-messe. » Les Miraculés.   61 Sur le lit. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 449.   62 Sur la fente de sa maîtresse. « Ma belle, à ce concert, gentille,/ Ouvrit son livre allaigrement. » Ung jour que j’accollois m’amie.   63 Chez lui.   64 Que ce soient ses voisines.  Cogner et river = coïter.   65 Il dépensait à coups de cul. « Ces bonnes femmes (…) ont joué du serre-cropière à cul levé à tous venans. » Pantagruel, 17.   66 Aussi, il faut le préparer en civet <note 98>, comme ce gibier l’exige.   67 La mythologie chrétienne ne s’est pas contentée de transformer les faunes et les satyres en diables ; elle a également recyclé Proserpine (l’épouse de Pluton, auquel Lucifer doit beaucoup), Phlégias, Cerbère et quelques autres. Quant à la présente roue enflammée, elle n’est autre que celle du supplice d’Ixion dans les Enfers grecs.   68 Adjectif formé sur le verbe frire. Nous avons à peu près le même vers à 144. « Et luy allez bailler/ Ung clistère chault et friant ! » St Christofle.   69 P. Servet voit là une « allusion à l’empalement ». Mais on pourrait y voir une allusion à la sodomie, comme aux vers 179-180. Sur l’intérêt que Claude Chevalet porte à cette pratique, voir la note 244 des Tyrans au bordeau.   70 D’un officier de justice véreux. En tant que procureur et avocat des Enfers, Bélial fréquente le milieu juridique, où un démon a fort à faire.   71 Cette cour tentait de mettre bon ordre aux excès commis par les clercs. « Son procès/ Plaidoit à la Court des excès./ Et après son tort [sa condamnation], pour refuge,/ Alla monstrer son cul au juge. » La Grant malice des femmes.   72 Une signature, un sceau.   73 Un procès-verbal.   74 Éd : faulcez  (« On appelle sac de procèz un sac où l’on met les pièces d’un procèz. » Dict. de l’Académie françoise.)  L’éditeur a voulu éviter ce qu’il prenait pour une rime du même au même, alors que les deux sens sont différents.   75 De tous les côtés. « Je prens argent à toutes mains. » Le Retraict.   76 Judas Iscariote.   77 Sans recourir à un corbillard : en le portant dans mon sac.   78 Tout à coup ; idem vers 145 et 148.  Un magot est un singe : cf. les Tyrans au bordeau, vers 73.   79 Truffé d’ail.   80 Sournoise <note 24>.   81 Chauffée au rouge.  Friante = bouillante <note 68>.   82 Qu’on lui frappe sur le cul. « Baculer/ Et frapper culs. » Sermon joyeux des Frappe-culs.   83 Faites-lui du tort. « Pour leur faire leur petit pain. » St Christofle.   84 Sournois <note 24>.   85 Tiens-le par là !   86 Éd : du  (En ce jour de fête.)   87 On prononçait pelle. Chevalet transporte à la cuisine l’expression « frapper la pelle au cul » : flanquer une fessée. « Et luy frappa au cul la pelle. » François Villon.   88 Tu seras mis à sa place. Chevalet ne dit jamais « botter les fesses », mais « écorcher d’un patin » (les Basteleurs, vers 197).   89 Satan, tu fais inutilement la grimace.   90 Je vais. Astaroth empoigne la poêle que Proserpine lui tend obligeamment.   91 Et un ! Le même décompte accompagne des bastonnades aux vers 787-791 de l’Aveugle et Saudret, aux vers 226-237 de la Veuve, etc.   92 Et même si Lucifer devait enrager encore plus que d’habitude.   93 J’attraperai l’un d’entre vous. Satan échappe à l’étreinte de ses tortionnaires, et se met à les poursuivre tout autour de Lucifer.   94 En rut : il risque de nous sodomiser. Voir la note 69.   95 Nous devons nous réfugier dans les enfers. Jusque-là, les diables étaient à l’extérieur, auprès de Lucifer ; voir la note 1. Ils sautent donc dans leur terrier, et abandonnent au « rut » de Satan leur chef enchaîné.   96 Il semble manquer un vers en -ains, et un autre en -et.   97 Une accouchée reprenait sa vie ordinaire et sa vie paroissiale après le « banquet de relevailles ». Proserpine, qui était enceinte au vers 32, a donc pondu un nouveau diablotin, dont on ne connaîtra jamais le père.   98 Un mets en sauce épicée ; voir la note 214 du Capitaine Mal-en-point. La rime est faible parce que Chevalet emprunte ce passage culinaire à la Condamnacion de Bancquet (publiée en 1507), qu’on attribue au poète Nicole de la Chesnaye : « –Voz saulces sont-elles bien faictes,/ Escuyer ? –Ma dame honnorée,/ Veez-en cy de trop plus parfaictes/ Que cyvé ne galimaffrée./ Tout premier vous sera donnée/ Saulse Robert et cameline,/ Le saupiquet, la crétonnée,/ Le haricot, la salemine (…),/ Boussac montée avec dodine. »   99 De grasse apparence.   100 Sauce à la cannelle et au gingembre <note 98>.   101 La plus grande partie de son corps fut accommodée.   102 Sauce à l’oignon et au pain grillé <n. 98>.   103 Nous en avons prélevé une belle tranche. D’habitude, le vorace Cerbère n’attend pas que la sauce soit prête et que la viande soit cuite : « Et Cerbérus, ce faulx mâtin [ce perfide chien],/ A mengé le rost en la broche. » St Christofle.   104 La sauce piquante. La crétonnée est à base de grattons de porc. Chevalet recopia ces deux vers dans la Condamnacion de Bancquet : voir ma note 98.   105 Ragoût composé de morceaux de viande harigotés, c.-à-d. coupés en morceaux <n. 98>.   106 Éd : sallequine  (Voir Marthe PAQUANT : Réforme, Humanisme, Renaissance, 2007, nº 65, p.190.)  Plat composé de divers poissons <n. 98>.   107 Mélange d’épices réduites en poudre. Mais dans le Mystère des trois Doms, auquel avait collaboré Claude Chevalet, Pouldrefine est la « putain du bourreau » ; voyant un homme éventré, elle s’écrie telle une diablesse cannibale : « Ha ! quels boyaux à composer andouilles ! » Et devant un autre supplicié : « Bon seroyt pour le mettre au jus. » Quelques spectateurs devaient s’en souvenir, car les Trois Doms furent créés en 1509 à Romans-sur-Isère, et St Christofle en 1527 à Grenoble, non loin de Romans. Notons que dans ce mystère, Proserpine apportait déjà la preuve de ses talents culinaires : voir la note 173 des Trois amoureux de la croix.   108 Une petite chope de vin.   109 Somnoler.   110 Grogne.   111 Nous sommes restés à table si longtemps que notre estomac gonfla.   112 Sont vides. « Voylà nostre bourse à basac. » St Christofle.   113 Ailleurs, ce titre désigne Cerbère : « Toy, Cerbérus, prince des chiens. » Or, le portier des Enfers était présent au banquet de relevailles, comme il le confirme aux vers 193-6. Le seul qui ne pouvait y être à cause de ses chaînes, c’est ce goinfre de Lucifer, qui est donc ici visé ; on le traite d’ailleurs de chien quatre vers plus bas.   114 Éd : de conuoyes  (Lucifer, si tu avais été de ce banquet, glouton comme tu l’es. « Je ne semons [n’invite] en mon convive/ Que tous bons rustres avoyés. » Bon Temps.)   115 Que nous aurions le ventre vide. « Je n’ay mangé que tout à point ;/ Encor y a-il ung boyau vuyde. » La Condamnacion de Bancquet.   116 Un mâtin est un gros chien. Les révoltes contre Lucifer sont fréquentes mais brèves.   117 Éd : estre  (Satan est le diable principal, après Lucifer — dont il est le lieutenant, et qu’il voudrait bien évincer.)   118 Éd : Dauoir  (Je veux en avoir la première bouchée.)   119 Du royaume infernal.   120 Si elles ont été souvent à Reims. Calembour sur les reins du vers 186. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 467.   121 Désormais.

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