*
SECONDE MORALITÉ
*
Cette sottie d’Amédée Porral fut créée le dimanche 14 février 1524 à Genève, « en la Justice », place de la Fusterie. Elle conclut la Première Moralité jouée l’année précédente par la même troupe : « Les Enfants de Bontemps estoyent habilléz de vestements de fil noir, et n’avoyent que l’oreille gauche, comme ils estoyent demeuréz l’an devant. »
Source : Manuscrit 916 Rés. de la Bibliothèque municipale de Grenoble1, folios 315 verso à 323 verso. (Ms. copié fin XVIe siècle ou début XVIIe.) Les éditions tardives sont mauvaises.
Structure : Rimes croisées, rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Seconde Moralité
*
LE PRESTRE estoit frère Mulet de Palude
LE MÉDECIN : Jehan Bonatier
LE CONSEILLIER : Claude Rolet
[LE MASSON]2
LE BONNETIER
LE COUSTURIER
LE SAVETIER : Claude « le Grec » Roset3
LE CUISINIER
GRAND-MÈRE SOTTIE : Maistre Pettreman4
LE MONDE : Antoine Le Dorier
*
LE PRESTRE commence SCÈNE I
L’homme propose et Dieu dispose.
LE MÉDECIN
Fol cuide d’un5, et l’autre advient.
[LE MASSON]6
Du jour au lendemain survient
Tout autrement qu’on ne propose.
LE BONNETIER
5 En folle teste, folle chose :
Point n’est vray tout ce que fol pense.
LE COUSTURIER
Au temps qui court n’y a fiance :
Maintenant joye et demain pleur.
LE SAVETIER
Aujourd’huy vous verrez Monsieur,
10 Et demain simple maistre Jehan7.
LE CUISINIER
Tel cuide vivre plus d’un an
Qui meurt dans trois jours.
LE MÉDECIN
À propos,
Nous som(me)s les pauvres enfants sots
Qui joyeusement, l’an passé,
15 Voyants que n’estoit trépassé
Nostre père Bontemps, soudain
Posâmes le deuil, et d’un train,
Reprîmes nos habits de Sots
Pour jouer. Mais (nottez les mots)
20 Pource que chasque habit estoit
Sans chaperon, tout demeuroit.
Toutesfois, nostre Mè[re] Sotte
Renversa vistement sa cotte,
Et du beau bout de sa chemise
25 Nous embéguina à sa guise.
Or en ces béguins, par merveilles,
Ne se trouvèrent les aureilles
Droittes ; mais se tenoyent à colle
Forte au cul de ladite Folle8.
30 Ainsi, à faulte de la droitte
Oreille, comme on peut cognoistre,
Tout demeura.
LE CONSEILLER
Vous dites vray.
Et là fut conclud, je le sçay,
Que nous attendrions le Bontemps,
35 Nostre père, en nous esbattants
À boyre.
[LE MASSON]9
Depuis ce temps-là,
Jamais teste ne nous parla
De Bon Temps.
LE COUSTURIER
Nous prétend[i]ons
De faire cinq cents millions
40 Passetemps pour esbattement.
LE SAVETIER
Sur cela, la Mort, promptement,
Au lieu de quelque allégement,
Nous a nostre mère emporté(e).
LE BONNETIER
En Paradis, au droit costé10,
45 Puisse estre colloquée son âme !
LE CUISINIER
Amen !
LE CONSEILLIER11
Amen !
LE PRESTRE
Amen ! La femme
Sotte n’estoit pas trop cassée.
LE MÉDECIN
Ainsi est-elle trépassée
En bon poinct12.
LE MASSON
Et aussi en grâce
50 De tout le monde. Dieu luy face
Mercy à l’âme !
LE BONNETIER
Ainsi [il soit]13 !
LE COUSTURIER
Par ainsi, comme chascun void,
Au lieu de faire esbattements,
Nous a fallu nos vestements
55 Teindre en noir.
LE SAVETIER
Et davantage,
Contrefaire nous fault le sage
Pour faire qu’on nous prise fort.
LE CUISINIER
Nous n’avons à autre confort14,
Maintenant, qu’à nostre grand-mère.
LE CONSEILLIER
60 Non. Et si15, ne nous peut [pas] faire
Grosse aide, n’est-il pas ainsi ?
LA GRAND-MÈRE SOTTIE16
Ha ! mes enfants, je suis icy. SCÈNE II
Telle comme vous me voyez,
Il ne fault pas que vous soyez
65 Si sots que cuidiez que voussisse17
Estre tousjours vostre nourrisse,
Car je ne le pourroy[e] pas.
Guerroyé vous a le trespas
De vostre bonne mère, et l’absence
70 De vostre père ; sans doutance,
Bontemps ne vous y aide en rien.
Je pourroy bien manger mon bien
Sans vous.
LE PRESTRE
Ouÿ, et de belle heure !
LE MÉDECIN
Qu’est-ce donc de faire ?
LA MÈRE G[RAND]
Qu’on labeure18
75 Chascun trèsbien de son mestier.
LE MASSON
Nous n’y faisons pas volontier(s) ;
Toutesfois court une planette
Qui contrainct les Fols à cela.
LE BONNETIER
Nous ne soms plus soubs la comette
80 Qui régnoit quand gela19, vélà.
LE COUSTURIER
Le temps que Perrotin20 mesla
Et fit jouer clers et marchands
Est passé.
LE SAVETIER
Aussi est le temps
Que De Nanto21 et Du Villard(s)
85 Firent leurs nopces, au Molard,
De l’espousée du Sapey.
LE CUISINIER
Le temps n’est plus tel que je l’ay
Veu, pour toute conclusion.
LE CONSEILLIER
Pourtant suyvrons l’intention
90 De nostre grand-mère.
LE PRESTRE
Comment ?
LE MÉDECIN
Que nous travaillons roidement,
Ou nous aurons bien froid aux dents.
LE MASSON
Par ma foy, nous en soms contents :
Il ne nous fault que de l’ouvrage.
95 Qui nous en donra ?
LA GRAND-MÈRE
Qui ? le sage
Monde, mes enfants, largement.
LE BONNETIER
Voudroit-il point d’esbattement
Quelques fois de nous ?
LA GRAND-MÈRE
Ouÿ bien,
Mais qu’il ne luy [en] couste rien :
[………………………….. -ray.]
LE COUSTURIER
100 Bien tost vous en apporteray.
J’y vay, attendez-moy icy.
Pose.22
Voycy aureilles, Dieu mercy,
Et l’argent : prenez-en trèstous.
LE SAVETIER
[Gra]n-Mère [Sotti]e, menez-nous
105 [Mai]ntenant [vers le] Monde.
LA MÈRE
Allons !
Mais marchez droict sur vos talons
Sans fléchir ni faillir en rien ;
Encor ne sçaurez-vous si bien
Marcher qu’il n’y ait à redire23.
LE CUISINIER
110 Le Monde devient tousjours pire ;
Je ne sçay que24 sa fin sera.
LE CONSEILLIER
Nous ferons comme il nous fera.
Suyvons seulement la gran-mère.
Vadunt ad Mundum.25
.
LA MÈRE SCÈNE III
Dieu gard, Monde !
LE MONDE
Dieu gard, [grand-]mère !
115 Qu’est-ce qu’il y a de nouveau ?
LA MÈRE
Je vous ameine un beau troupeau
De Sots, Monde, pour vostre train.
LE MONDE
Quels sont-ils ?
LA MÈRE
Qu’ils sont ? Pour certain,
Orphelins, enfants de Bontemps,
120 Qu’est perdu, et, comme j’entends,
Fils de ma fille le Rousset26,
Qu’est trespassé.
LE MONDE
Voylà que c’est.
[Il fault que les emportiez loing]
De moy, femme : je n’en prens point
Qui ne sache quelque mestier.
LA MÈRE
125 Bien sçavent : l’un est savetier,
L’autre prestre, l’autre masson.
Voyez bien là ce viellasson27 :
Il est cousturier28. Cestuy-ci,
Bon bonnetier, la Dieu mercy !
130 L’autre est sçavant, bon conseiller,
Qui vous conduira volontier(s)
Ainsi comme il appartiendra.
LE MONDE
Tout cela bien me conviendra.
Or bien, je les retiens trèstous.
LA MÈRE
135 À Dieu, donc.
LE PRESTRE
Et ! nous lairrez-vous
Au Monde ?
LA MÈRE
Ouÿ, mes enfants.
Souffrez en attendant Bontemps.
À Dieu !
LE MÉDECIN
À Dieu29 !
LE MASSON
À Dieu soyez !
LE MONDE SCÈNE IV
Or sus, maistre[s] Sots ! Vous voyez
140 À peu près tout ce qu’il me fault.
Cousturier, faites-moy à hault
Collet une robbe bien faitte.
LE COUSTURIER
La voulez-vous large ou estroitte ?
LE MONDE
Que sçay-je ?
[LE] COUSTURIER
Voyez ceste-cy :
145 Elle est trèsbien.
LE MONDE
Encores [ si
Elle ]30 fust, d’un peu, plus large,
Je l’aimeroy mieux.
LE COUSTURIER
De vostre aage,
Vous n’en portastes de31 mieulx faitte
Que ceste-cy.
LE MONDE
Ha ! trop estroitte32 !
150 Ostez, ostez. Faittes-m’en une
À mon gré.
LE COUSTURIER
Ce sera fortune
Si je luy fais. Par Ste Gille33,
Monde, vous estes difficile
Par trop !
LE MONDE
Venez çà, savetier34 !
155 Servez-moy de vostre mestier,
Et je vous contenteray bien.
LE SAVETIER35
Tenez, Monsieur.
LE MONDE
Ce ne dit rien36.
Faites-m’en d’autres à mon plaisir.
LE [SAVETIER]
J’ay beau les faire à mon loisir,
160 Bien cousus, de bonne matière :
Encore(s) en seray-je en arrière.
Monde, vous estes dégousté.
LE MONDE
Masson, il nous fault remonter
Les fenestrages.
[ LE MASSON
…………. -ants ?
LE MONDE
165 Un peu plus bas.
LE MASSON ]
Ainsi estants,
Seront-ils bien à vostre gré ?
LE MONDE
Je les veux plus hauts d’un degré.
LE MASSON
Ainsi ?
LE MONDE
Non, mais un peu plus bas.
LE MASSON
Vostre vouloir n’accorde pas
170 Avec le mien pour maintenant.
LE MONDE
Bien, à demain. Çà, vistement,
Bonnetier, baillez un bonnet !
LE BONNETIER
Si cestuy-cy bon ne vous est37,
Je renonceray au mestier.
LE MONDE
175 C’est un bonnet de ménestrier38 !
Comment ? te moques-tu de moy ?
LE BONNETIER
Tenez cestuy-cy : sur ma foy,
Il est bon.
LE MONDE
Il est…39 Ton gibet !!
Va, va, trouve-m’en un plus net !
180 Conseiller !
LE CONSEILLER
Que vous plaist, Monsieur ?
LE MONDE40
Que vous [en] semble ? Suis-je seur
D’avoir la sentence pour moy ?
LE CONSEILLER
Je croy bien qu’ouÿ.
LE MONDE
Et pourquoy ?
LE CONSEILLIER
Pource que vous avez déduict
185 Trèsbien vostre cas, et conduict
Le reste tout comme il falloit.
LE MONDE
Mais, par ma foy, ne m’en challoit41.
LE CONSEILLIER
Je le crois. […………… -ray
………]
LE MONDE
Certes non feray !
190 Or allez mieux estudier !
Çà, prestre, venez deslier42
Icy vos messes, que je voye
Comme elles sont.
LE PRESTRE
Dieu vous doint joye,
Monde ! Comment les voulez-vous ?
LE MONDE
195 Ainsi que les demandent tous.
LE PRESTRE
Courtes ?
LE MONDE
Ouÿ.
LE PRESTRE. Il monstre les messes escriptes.
Or tenez donc
De celles de dom Ami Bon43 :
Elles sont belles.
LE MONDE
Ce sont mon44 ;
Mais longues sont comme un sermon.
200 Baillez-m’en d’autres de L’Huillier45.
LE PRESTRE
Ceux-cy sont de dom Rattelier46 ;
En voulez-vous ?
LE MONDE
Non, mettez là ;
Elles sont trop courtes.
LE PRESTRE
Voylà :
Vous ne sçavez que vous voulez.
205 Il vous en fault qui soyent meslé(e)s,
Et jetté(e)s au molle47, sans peine,
Des pierres d’une sarbataine.
LE CONSEILLIER
Certes, Monde, il n’est supposé48
Que ne soyez mal disposé.
LE MONDE
210 Pourquoy ?
LE CONSEILLIER
Au texte de la Bible,
Qu[i] est chose irrépréhensible,
Vous n’y trouverez pas bon goust.
LE COUSTURIER
Croyez, Monde, qu’il n’est si fou
Qui ne le cognoisse.
LE MONDE
Est-il vray ?
LE MASSON
215 Ouÿ.
LE MONDE
Qu’on sache tost que j’ay !
Sus, sus, portez de mon urine
Au médecin !
LE SAVETIER, en la regardant
Bien a la mine
D’une maladie de teste.
LE CONSEILLIER
Allez tost ! Vous estes une beste.
220 Faittes cela que l’on vous dit.
LE SAVETIER
J’y vay.
LE CONSEILLIER dat ipsi pecuniam.49
Si vous n’avez crédit,
Boutez-lui en la main ceci.
Vadit cum urinâ ad Medicum.50 Pose.
[LE SAVETIER] SCÈNE V
Monsieur, je vous apporte ici
De l’urine de nostre maistre,
225 Afin que vous puissiez cognoistre
Quel mal il a.
LE MÉDECIN
Il est blessé
Du cerveau.
LE SAVETIER
Que je soye laissé
[Dessus le carreau]51 s’il n’est vray ! Dat Medico pecuniam.52
[LE MÉDECIN]
Or çà, bene, il fault que j’ay(e)
230 Un peu avec luy conférence.
LE SAVETIER
Allons donc, car j’ay espérance
Que vous serez bien contenté.
LE MÉDECIN
Tanto melius, silete ! 53
Bonsoir, Monde ! SCÈNE VI
LE MONDE
Monsieur, bonsoir !
LE MÉDECIN
235 Comment vous va ? Çà, monstrez voir
Vostre main54… Vous estes perclus55.
Qu’est-ce qui vous fait mal le plus ?
LE MONDE
La teste. Je suis tout lassé,
Tout troublé, et tant56 tracassé
240 De ces folies qu’on a dit
Que j’en tombe tout plat au lict.
LE MÉDECIN
Quelles folies ?
LE MONDE
Qu’il viendroit
Un déluge, et que l’on verroit
Le feu en l’air57, par-cy, par-là.
LE MÉDECIN
245 Et te troubles-tu pour cela ?
Monde, tu ne te troubles pas
De voir ces larrons attrapards
Vendre et achepter bénéfices58 ?
Les enfants èz bras des nourrices
250 Estre abbéz, évesques, prieurs,
Chevaucher trèsbien les deux sœurs59,
Tuer les gents pour leur plaisir,
Jouer le leur60, l’autruy saisir,
Donner aux flatteurs audience,
255 Faire la guerre à toute oultrance,
Pour un rien, entre les chrestiens ?
Si bien les astrologiens
Ont dit que tu auras prou maulx,
Tu n’en dois pas estre esbahy[s].
LE MONDE
260 Ce sont des propos du pays
De Luther, réprouvéz si faulx !
LE MÉDECIN
Parlez61 maintenant des défaults,
Vous serez à Luther transmis…
Monde, veux-tu estre remis
265 En bonne santé ?
LE MONDE
Ouÿ [bien] !
LE MÉDECIN
Passe, et ne t’arreste[s] en rien
À ces pronostications.
Ainçois62, pense aux abusions
Qui se font tous les jours chez toy ;
270 Mets-y ordre selon la loy,
Car je prens bien dessus ma vie63
Que tu n’as autre maladie.
LE MONDE
Si ay en ma bource, qu’est nette64.
LE MÉDECIN
Pource, tien-toy telle diette :
275 Despens peu ; là où tu souloie
Manger perdrix, mange d’une oye.
À Dieu, Monde !
[ LE MONDE
À Dieu soyez ! ]
LE CONSEILLIER, Medico discedendo.65
Monsieur, maintenant vous voyez SCÈNE VII
Et cognoissez sans fiction
280 Du Monde la complexion.
Comment luy pourrions-nous tout faire
À son gré ?
LE MÉDECIN
Pour bien luy complaire,
Soyez bavards, ruffien[s], menteurs,
[……………………….., délateurs,]66
Rapporteurs, flatteurs, meschants gents,
285 Et vous aurez chez luy bon temps.
À Dieu, à Dieu !
LE CONSEILLIER
À Dieu, Monsieur,
Et grand mercy !
Pose.
LE MONDE, à ses Fols. SCÈNE VIII
Cet affronteur67
De médecin a bon propos !
Il est bien sot [parmy les Sotz]68
290 Que de m’avoir presché en lieu
De me médeciner.
LE MASSON
Mon Dieu,
Est-il vray ?
LE MONDE
Ouÿ, seurement.
Mais bren69, bren pour son preschement !
Je me gouverneray plustost
295 À l’apétit de quelque Sot70
Que d’un prescheur.
LE SAVETIER
Vous ferez bien.
Vivez selon vos apétits.
LE MONDE
Aussi veux-je : prenez du mien71 !
Icy, fault habillier le Monde en Fol.
LE CUISINIER
Or sus ! Monde, es-tu braguard72,
300 Maintenant ?
LE MONDE
Ha ! je suis galliard
Et en point73, la vostre mercy !
Ibi, ponendum velum super Mundi caput.74
LE COUSTURIER
Marchons, et nous ostons d’icy ;
C’est trop demeuré en un lieu.
LE CONSEILLIER
Pour mettre fin à nostre jeu,
305 Messieurs, vous notterez ces mots
Qu’à l’appétit d’un tas de Sots
(Comme l’on void bien sans chandelle),
Le fol Monde s’en va de voile75.
FIN
*
1 Nous remercions vivement les conservateurs de cette bibliothèque pour leur aimable autorisation. 2 Ms : Lorphèvre (Il n’y a pas d’orfèvre dans la pièce, mais il y a un maçon, dont le rôle devait être tenu par l’orfèvre Gallion, qui jouait aussi dans la 1° Moralité.) 3 Voir le Recueil des sotties françaises de Jelle Koopmans, Marie Bouhaïk-Gironès et Katell Lavéant <Classiques Garnier, 2014, tome I>, p. 343, note 1. 4 Le prologue précise que ce comédien travesti était un « grand joueur d’espée ». 5 Le fou croit qu’une chose va arriver. Ces 12 premiers vers sont des « menus propos » qui, à l’instar du « cri », servent à attirer les amateurs de Sotties. Cf. les Sotz escornéz, et surtout les Menus propos (Émile Picot, Recueil général des Sotties, I, p. 65). 6 Ms : L’orphevre 7 En un jour, un grand personnage peut devenir un simple quidam. 8 Ms : sotte 9 Ms : Lorphevre 10 À la droite du Père. 11 À partir de là jusqu’au vers 143, les rubriques remplacent Le Prêtre par Le 1e, Le Médecin par Le 2e, Le Masson par Le 3e, Le Bonnetier par Le 4e, Le Couturier par Le 5e, Le Savetier par Le 6e, Le Cuisinier par Le 7e, et Le Conseiller par Le 8e. Pour que ce soit plus lisible, je rétablis les noms. Dans les Sotties, les Sots, qui sont des entités impersonnelles et interchangeables, sont presque toujours numérotés. 12 Ce médecin digne de Chamfort affirme qu’elle est morte guérie. 13 Ms : soit il 14 Ms : recours (Avoir confort = avoir de l’aide, du soutien. « Sans avoir confort ne aide d’aucune personne. » Jehan Phélipot.) 15 Et cependant. 16 Ms : folie 17 Pour penser que je veuille. 18 Travaille. 19 L’hiver, qui n’était pas encore fini, resta comme un des plus froids qu’aient connus les Genevois. 20 Farceur genevois qui « composoit des gaillardises ». Il est nommé au vers 20 de la 1° Moralité. 21 Ms : Denanto (On connaît à Genève les familles De Nanto et Du Villard, ainsi que la place du Molard <où fut jouée la 1° Moralité>. Le Sappey est un village savoyard proche de Genève. Mais quel rapport entre tous ces noms ?) 22 Pendant cette pause musicale, il va chercher (on se demande bien où) les fameuses oreilles droites qui manquaient aux Sots jusque-là, et de l’argent pour que le Monde leur fasse bon accueil. Dessous, le ms. ajoute en vedette Idem, c’est-à-dire le Couturier. 23 Ils doivent marcher « sans courir trop rebèlement/ Comme les fols ». (L’Arbalestre.) On a souvent brocardé la démarche fantasque du Sot : « Quant il trote parmy la rue,/ Il court, il mort, regimbe et rue. » L’Arbalestre. 24 Ce que ; comment. 25 Ils vont vers le Monde. 26 Ms : sobret (Voir la note 2 de la 1° Moralité. Antoine Sobret joue ici le rôle du Monde sous son pseudonyme « Antoine Le Dorier » : cf. Henri Naef, les Origines de la Réforme à Genève, I, p. 445, n. 2.) 27 Ledit vieillard est son petit-fils ! 28 Ms : cordonnier (Le savetier est déjà nommé à 125.) 29 Le médecin dit adieu à ses frères, puis il part avec grand-mère Sottie. Il réapparaîtra au vers 223. 30 Ms : selle (Pour la métrique, on pourrait remplacer d’un peu par un petit : « Trois listaulx ung petit plus larges que les devant-dits. » Histoire de la cathédrale de Beauvais.) 31 Ms : la 32 Ms : petite (Étroite rime avec faite : vers 142-3.) 33 On comprend pourquoi les Sots invoquent cette sainte suisse du XIIIe siècle : elle était domestique comme eux. 34 Ms : cordonnier (Savetier rime mieux avec métier : vers 124-5.) 35 Ms : Cordonnier (Idem v. 159.) 36 Ces souliers ne me disent rien. 37 La rime originale était sans doute équivoquée : bon n’est. « De nos bons devanciers, cecy trouvé bon n’est,/ Quand jeune, au docte et vieil, ne met main au bonnet. » Les Omonimes. 38 Un bonnet de Sot musicien, orné de grelots pour battre la mesure avec la tête. À la fin de la pièce, les Sots parviendront à vêtir le Monde en Fol. 39 Il est taché d’excréments. Le bonnetier lui a refilé un des béguins breneux de la 1° Moralité (vers 232-235). 40 Il donne au conseiller juridique les pièces d’un procès. 41 Je ne m’en inquiétais pas. 42 Dénouer le ruban qui maintient les sermons enroulés. Frère Mulet tenait déjà son propre rôle l’année précédente. 43 Non identifié. Ami est l’abréviation d’Amédée : l’auteur de notre sottie signait toujours « Ami Porral ». Mais il y a peut-être un jeu de mots sur Bonamy, qui était un patronyme courant. 44 C’est mon avis. 45 Ms : millier (Philippe L’Huillier fut un des prédicateurs les plus réputés de Genève.) 46 Dom Jehan Ratellier. Sa fille bâtarde sera jugée pour paillardise. 47 Dans le même moule que les pierres de grosseur identique qu’on projette avec une sarbacane. 48 Ms : possible (Il n’est pas supposé que = ce n’est pas une supposition, on ne peut nier que. « C’est cette même tradition qui nous asseure que l’Écriture est un Livre divin, qu’il n’est point supposé, qu’il n’est point apocriphe. » Bernard Lamy.) 49 Lui donne de l’argent. 50 Le savetier va vers le médecin avec l’urine du Monde. (Leur dialogue se déroulera sur une autre partie de l’estrade.) Le Monde a uriné dans un flacon en tournant le dos au public, comme le Fol de la Condamnacion de Bancquet, qui « prent ung coffinet en lieu de orinal, & pisse dedans ; et tout coule par bas ». Voir aussi les vers 338-351 de Jénin filz de rien, les vers 196-201 de l’Amoureux, ou les vers 255-260 du Gallant quy a faict le coup. Cet acte naturel n’avait rien de choquant, lorsqu’il était commis par un homme. 51 Ms : du cerveau (Que je meure si ce n’est pas vrai !) 52 Il donne de l’argent au médecin. 53 Tant mieux, taisez-vous ! (Les médecins abusaient du latin pour impressionner leurs patients.) 54 Il lui prend le pouls. 55 Ms : au dessus (Perclus = faible. « Tu n’as plus/ Ny force, ny pouvoir quelconque ;/ Tu es foible, tu es perclus. » Chanson spirituelle.) 56 Ms : tout 57 Des prêcheurs publics brandissant l’Apocalypse annonçaient quotidiennement la fin du… Monde. 58 Des charges cléricales. Cf. la Sotie des Sotz ecclésiasticques qui jouent leurs bénéfices au content. Le duc de Savoie refusa d’assister à la représentation de notre sottie « pour ce qu’on disoit que c’estoient Huguenots qui jouoyent ». 59 Les fesses (Guiraud, Dictionnaire érotique). L’Église pratiquait la sodomie jusqu’au plus haut niveau : le pape Clément VII, qui régnait alors, appréciait les jolis pages. 60 Perdre leur propre argent au jeu. 61 Ms : Parler (Parlez des défauts de l’Église, et on vous traitera de luthérien.) 62 Mais plutôt. 63 Je réponds sur ma vie. 64 J’en ai une dans ma bourse, qui est vide. 65 S’écartant vers le médecin (pour ne pas être entendu par le Monde). 66 Ms : Rapporteurs (qui figure au vers suivant.) 67 Imposteur. 68 Vers complété par Émile Picot (Recueil, II, p. 345). 69 Merde ! 70 Ms : fol 71 Prenez mon argent. 72 D’une élégance ostentatoire. À la fin du Moral de Tout-le-Monde et du Temps-qui-court, le Monde est aussi habillé en fou. 73 Gaillard et bien habillé. 74 Ici, on doit poser un voile sur la tête du Monde. 75 Au gré du vent, à la dérive. (Jeu de mots sur le voile et la voile.) Voile rime en -èle. Le Recueil des sotties françaises (p. 368) cite « la pronostication genevoise Merveilles advenir, de 1524 : “Enfin le Monde, avec ses rêveries,/ En va de voele, conduict par tricheries,/ Comme a Genefve ces jours chescun a vehu.” »