MONSIEUR DE DELÀ ET MONSIEUR DE DEÇÀ
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MONSIEUR DE DELÀ
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ET MONSIEUR DE DEÇÀ
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Roger de Collerye1 composa ce dialogue en 1533. Les affinités avec son Dyalogue de Messieurs de Mallepaye et de Bâillevant sont nombreuses. Toutefois, messieurs de Deçà et de Delà sont moins dégourdis que leurs deux prédécesseurs. Ils ne sont là que pour délivrer un « message » au roi : ils veulent que ce dernier prête main forte à son rival Charles Quint, qui tente de protéger la civilisation contre les Turcs. Mais François Ier, allié des barbaresques, manquera ce rendez-vous avec l’Histoire comme il en a manqué tant d’autres. (Voir la note 19 des Sobres Sotz.) Dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre, Collerye réprouvait d’autres compromissions du triste Sire que fut François Ier.
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées en 1536 à Paris, chez la veuve de Pierre Roffet. Collerye a sans doute donné ses manuscrits à l’éditeur, mais n’a certainement pas revu les épreuves, à en juger par le nombre et la gravité des fautes qui gâchent ce livre.
Structure : Quintils enchaînés (aabaa/bbcbb).
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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S’ensuyt ung petit dialogue de
Monsieur de Delà &
de Monsieur de Deçà,
composé l’an mil cinq cens trente-troys.
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MONSIEUR DE DEÇÀ commence.
Monsieur de Delà !
MONSIEUR DE DELÀ
Qu’i a-il ?
MONSIEUR [DE] DEÇÀ
À vostre advis, plaisant babil
Est-il estimé ?
M. DE DELÀ
N’en doubtez !
M. DE DEÇÀ
J’ay esté long temps en exil,
5 Et en grant danger de péril
De ma personne.
M. DE DELÀ
[Or] escoutez :
Nous avons esté déboutéz
Par le moyen2 de tel et telle,
Monsieur de Deçà.
M. DE DEÇÀ
Les gens telz,
10 Qui ont rentes, chasteaux, hostelz,
Nous ont fort nuy3.
M. DE DELÀ
La chose est telle.
M. DE DEÇÀ
J’ay advisé une cautelle4.
[Ma belle]5 est de haulte entreprise ;
Se je me trouve de coste elle6,
15 Supposé qu’el(le) n’est immortelle7,
De mon amour sera surprise.
M. DE DELÀ
Une chose qui est bien prise
Doibt-on louer.
M. DE DEÇÀ
Et ! ce faict mon8.
C’est une Dame bien aprise,
20 Laquelle presque autant je prise
Que le sage roy Salomon.
M. DE DELÀ
J’oz9 voluntiers vostre sermon.
Est-elle dame de respec10 ?
MONSIEUR DE DEÇÀ
Voire ! Sans tirer au lymon11,
25 Dè[s] cinquante escuz, son12 moumon,
Elle le baille chault et sec13.
Elle a bon recueil et bon bec14,
Bon maintien et bonne manière.
De regrectz, el n’en compte ung zec15.
30 À la fleûte, au luc16, au rebec
Dance tous les jours.
M. DE DELÀ
Singulière
Est en ses faictz, et familière,
Comme je croy.
M. DE DEÇÀ
Il est ainsi.
Dueil et chagrin sont mis arière
35 Hors de son cueur ; et est ouvrière17
De laisser ennuy et soulcy.
MONSIEUR DE DELÀ
Ce sont grans choses.
M. DE DEÇÀ
Et aussi,
Pour bien diviser18 d’amourettes,
C’est la nompareille. Transy19
40 Je suis — il n’y a qua ne si20 —
De ses façons tant guillerettes.
MONSIEUR DE DELÀ
Ses grâces, quelles ?
M. DE DEÇÀ
Sadinettes21.
M. DE DELÀ
Son entretien22 ?
M. DE DEÇÀ
Délicieux.
Or brief : entre les godinettes23,
45 En ris et petites minettes24,
Elle a le bruyt25 jusques aux cieulx.
MONSIEUR DE DELÀ
Quel est son regart ?
M. DE DEÇÀ
Gracieux.
M. DE DELÀ
Et son racueil26 ?
M. DE DEÇÀ
Très excellent.
M. DE DELÀ
Son devis ?
M. DE DEÇÀ
Fort solacieux27.
M. DE DELÀ
50 Et son maintien ?
M. DE DEÇÀ
Moult précieux.
M. DE DELÀ
Son vouloir, quel ?
M. DE DEÇÀ
Bénivolant28.
M. DE DELÀ
Homme n’est point lasche29 ne lent,
Quant de telle dame jouyt ;
Et ne sçaroit estre dolent30
55 En la baisant et acollant31.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Ung jour passé, elle m’ouÿt
Joyeusement et sans grant bruyt
Luy faisant mes regrectz et plainctes.
MONSIEUR DE DELÀ
Le ravy d’amours s’esbluyt32,
60 Monsieur de Deçà, s’il ne fuyt
Du dangier d’amours les ataintes.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Peu vallent amours par contraintes,
Monsieur de Delà.
M. DE DELÀ
Pour certain.
J’en ay congneu [et] maints et maintes
65 Qui ne s’entr’aymoient que par faintes.
M. DE DEÇÀ
De vraye amour n’est pas le train33.
MONSIEUR DE DELÀ
Laissons ce propos.
M. DE DEÇÀ
Pour refrain,
Quel bruyt court en Court34 ?
M. DE DELÀ
Je ne sçay.
Or, d’or ne d’argent je n’ay grain35 ;
70 Et ronger maulgré moy mon frain
Me fault, comme mule à l’essay36.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Monsieur de Delà, bague37 j’ay
Qui vault (sans mentir) quelque chose.
MONSIEUR DE DELÀ
De caqueter trop mieulx qu’ung geay
75 Je sçay la façon ; mais je n’ay
Meuble n’argent, dire je l’ose.
M. [DE] DEÇÀ
En ce cas n’y a texte et glose
Qui vaille38, monsieur de Delà.
M. DE DELÀ
L’homme propose et Dieu dispose,
80 Monsieur de Deçà39.
M. DE DEÇÀ
Je suppose
Qu(e) avant-hyer on vous en parla40.
M. DE DELÀ
Il nous convient passer par là
Où noz ancestres ont passé.
M. DE DEÇÀ
Depuis que mon bruyt41 s’en alla,
85 De chanter « ré my fa sol la »,
Pour eulx42 je ne puis, n(e) in pacé 43.
M. DE DELÀ
Le bon temps n’est pas [tré]passé44,
Monsieur de Deçà45.
M. DE DEÇÀ
Et ! non, non,
Monsieur de Delà. Effacé
90 Et aussi aux gaiges cassé
Je suys46, et sans bruyt et renon.
MONSIEUR DE DELÀ
Dÿomédès, Agaménon47
Ne firent jamais les prouesses
Que faict nous avons, ne Ménon48.
MONSIEUR DE DEÇÀ
95 Cela est tout vray.
M. DE DELÀ
Nostre nom
Partout est co[n]gnu.
M. DE DEÇÀ
Noz largesses49
Nous font souffrir ennuyctz, tristesses,
Qui est ung courroux inhumain.
M. DE DELÀ
Et de noz parens les richesses :
100 Qui en [a donc]50 eu les adresses ?
MONSIEUR DE DEÇÀ
Ilz en donnoient à plaine main.
M. DE DELÀ
Noz cousins monsieur de Demain
Et monsieur d’Aujourdhuy trop plus51.
M. DE DEÇÀ
Le[ur] cueur estoit si très humain
105 Que mainct Lombart et maint Rommain
Les ont fort priséz52.
M. DE DELÀ
Au surplus,
Que demandions-nous ?
M. DE DEÇÀ
Je conclus
Qu’il53 fault avanturer noz corps
Sur ces meschans Mahommetz turcs54,
110 Et sur ces luthérïens55 durs
À la Foy.
M. DE DELÀ
Ce sont bons accords.
Mais premier, fault que les discords56
De nos princes soient aboliz.
M. DE DEÇÀ
En ce faisant57, miséricors
115 Dieu nous sera, j’en suis recors58.
MONSIEUR DE DELÀ
Ces voulloirs-là treuve joliz.
M. DE DEÇÀ
Riches harnoys et bien poliz
Fait bon voir, et courrir la lance59.
M. DE DELÀ
Trop mieulx beaucoup que ces couliz60
120 Pour les malades en leurs lictz,
Qu’on faict pour amolir leur61 pence.
M. DE DEÇÀ
Le très chrétïen roy de France,
Acompaigné de ses vassaulx
Et bons gendarmes62, en substance
125 Leur donnera (comme je pence),
De bien brief63, merveilleux assaulx.
MONSIEUR DE DELÀ
J’ay vouloir de faire mes saulx64
De cueur gay avant que je meure.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Nous n’avons mulectz ne chevaulx.
MONSIEUR DE DELÀ
130 Endurer je veulx les travaulx65
De la guerre.
M. DE DEÇÀ
Je vous asseure,
Monsieur de Delà : chose est seure
Que je désire batailler
Ces infidelles !
M. DE DELÀ
D’heure en heure
135 J’en66 ay le vouloir.
M. DE DEÇÀ
Sans67 demeure
Y voy[s]68, se g’y suis chevalier.
MONSIEUR DE DELÀ
Prouvende69, pour avitailler
Les gendarmes et pïétons70,
Il y fauldra.
M. DE DEÇÀ
Or sans railler,
140 Turcs nous y verrons détailler71
Par Françoys, Picards et Bretons !
MONSIEUR DE DELÀ
Harnoys, pourpoincts et hoquetons
Y seront coupéz, détranchéz.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Comme tourbes de hanetons72,
145 Turquins, laquetz73 et valetons
L’on voirra aux arbres branchéz74.
M. DE DELÀ
Avanturiers plus espanchéz75
Chez Jacques Bons-homs76 on ne voit.
MONSIEUR DE DEÇÀ
De bien près, fort escarmouchéz
150 On les a, et effarouchéz,
Ainsi que raison le debvoit.
MONSIEUR DE DELÀ
Dieu — qui tout sçait et tout pourvoit —
Les a pugniz ; et nous aussi77.
MONSIEUR DE DEÇÀ
Les gens qui sont bons Il pourvoit ;
155 Et les mauvais, Il les renvoit
À dueil, à tourment et soucy.
MONSIEUR DE DELÀ
Pour conclusion, tout ainsi
Nous nous y trouvons, [en ce point78].
MONSIEUR DE DEÇÀ
Or est le temps partir d’icy
160 Pour aller boire à Irency79
Et engager80 robbe et pourpoint.
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LA FIN
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1 Voir la notice du Résolu. 2 Par la faute. 3 Éd : nuyt. (Les riches nous ont beaucoup nui.) 4 Une ruse pour obtenir la femme que j’aime. 5 Éd : La quelle (Ma belle est difficile à conquérir.) 6 À côté d’elle. « Sans cautelle/ Je fuz surprins, devisant de coste elle. » Collerye. 7 À condition que ce ne soit pas une déesse indifférente à l’amour d’un humain. 8 C’est exact. Cf. le Porteur de pénitence, vers 239. 9 J’ois, j’entends. 10 Respectable. « Bergères de respec. » Clément Marot. 11 Sans se fatiguer. Les limons sont les deux branches d’une charrette que tire un cheval. L’imprimé intervertit ce vers et le suivant. 12 Éd : vng (Son sexe. « Il luy couvra son mommon : il la besongna. » Cotgrave.) 13 Elle le donne avec ardeur. Mais « chaud et sec » est à prendre au premier degré. Collerye utilise les mêmes rimes en -ec dans son Monologue du Résolu, vers 13-20. 14 Elle est accueillante et elle a une bonne bouche. 15 Elle n’en tient pas plus compte que d’une coquille de noix. « C’est tout ung, je n’en donne ung zec. » Collerye, le Résolu. 16 Au luth. Le rebec est un violon à trois cordes. « La fluste, le luc, le rebec. » Collerye, le Résolu. 17 Elle est habile. 18 Deviser, parler. 19 Transporté. « Je suys, de vostre amour, transy. » Lucas Sergent. 20 Déformation populaire de « ni quoi, ni si » : ni ceci, ni cela. « D’estre despit, il n’y a qua ne si. » Collerye. 21 Mignonnettes. 22 « L’amoureulx entretien. » La Pippée. 23 Les mignonnes. 24 En matière de risettes et de minauderies. 25 Elle est réputée. 26 Son accueil, notamment d’un point de vue sexuel. Idem vers 27. « En racueil excellente,/ Joyeuse en dict. » Collerye. 27 Plein de soulas, d’agrément. 28 Bienveillant. 29 Mou. « Un verd gallant bien ataché,/ Et qui ne soyt lâche amanché. » Le Trocheur de maris. 30 Il ne saurait être malheureux. 31 Ces deux verbes ont un sens érotique fort : « Baiser, acoller et fourbir [copuler]. » Le Cuvier. 32 Celui qui est emporté par l’amour est ébloui, aveuglé. 33 Ce n’est pas la coutume du véritable amour. 34 Collerye guettait les nouvelles de la Cour : « Que dict-on en Court ? » Satyre pour les habitans d’Auxerre. 35 Je n’ai pas du tout. 36 Il me faut ronger mon frein malgré moi, comme une mule qu’on met à l’épreuve, qu’on oblige à courir. 37 C’est la première chose que met en gage un homme qui a des dettes. « Engagez bagues et saintures. » Colin qui loue et despite Dieu. 38 Il n’y a pas de solution. 39 Éd : dela (Même inadvertance à 88.) 40 Deçà se moque de son interlocuteur, qui a l’air de découvrir ce proverbe antédiluvien. 41 Depuis que ma bonne réputation. Idem vers 46 et 91. L’imprimé intervertit ce vers et le suivant. 42 À cause de mes ancêtres, qui ont dilapidé mon héritage. 43 Et je ne peux même pas chanter requiescat in pace. « Vostre pouvoir est trespassé./ Chantez Requiescant in pace,/ Ou aprenez faire autre chose. » Discours sur les pions. 44 « Or est le bon temps trépassé. » Collerye, Dyalogue des Abuséz du temps passé. 45 Éd : dela 46 Je suis mis au rancart. « Que je ne soye cassé aux gaiges. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 47 Diomède et Agamemnon assiégèrent victorieusement la ville de Troie. 48 Ni Memnon, qui fut pourtant l’un des guerriers troyens les plus redoutables. 49 Notre magnanimité. 50 Éd : auoient (Qui en a eu le renfort, le secours ?) Nos héritiers de coffres vides poussent les mêmes plaintes que les Gens nouveaulx, vers 77-102. 51 Ces deux cousins donnaient encore plus leurs richesses que nos autres parents. 52 Les usuriers lombards ruinent les nobles : « Et les nobles emprunteront/ À belle usure des Lombars. » (Henri Baude.) L’Église romaine vend des indulgences et des pardons qui ruinent aussi les nobles. 53 Éd : Quid 54 Sur ces damnés musulmans turcs. Voir la note que consacre à l’expansion ottomane Sylvie LÉCUYER : Roger de Collerye. Un héritier de Villon. Champion, 1997, p. 510. 55 Éd : Lhuteriens (Le prêtre Collerye ne manque pas une occasion de dénoncer les « leuthérïens meschans et hérétiques ».) 56 Les discordes entre Charles Quint et François Ier. « Tant qu’en discord seront princes et roys. » Collerye, Rondeau contre discord. 57 Si nous faisons cela. 58 J’en suis informé, j’en suis sûr. Cf. le Fossoieur et son Varlet, vers 68. 59 Et jouter contre un cavalier ennemi. 60 Cela vaut bien mieux que ces sucs roboratifs. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 235. 61 Éd : leurs (Leur panse.) Pour combattre leur constipation. Dans les farces, la peur suffit à faire déféquer. 62 Gens d’armes, soldats. Idem vers 138. 63 Très bientôt. 64 Mes sauts, mes voltes de cavalier. Le vers 129 s’y oppose. 65 Les épreuves. 66 Éd : 𝖨e y 67 Éd : Mon (Sans tarder. « Allons-y sans demeure ! » Frère Frappart.) 68 J’y vais. « J’y voys sans songier [tarder]. » Le Pasté et la tarte. 69 Éd : Pourviure, (Provende, ravitaillement. « Prouvendes de pain. » Godefroy.) Les deux affamés comptent se faire nourrir par l’armée. 70 Les soldats et les fantassins. 71 Être taillés en pièces. 72 Comme des nuées de hannetons qui se posent sur les arbres. 73 Éd : laqueltz (Les Turcs, leurs laquais.) 74 Pendus. « Il les fit tous brancher aux arbres. » Godefroy. 75 Éd : espauchez (On ne voit pas d’aventuriers plus répandus chez les paysans.) Les aventuriers sont des mercenaires qui pillent la campagne : « Les avanturiers ont bon temps,/ Quant ilz sont parmy ces villages,/ Et font souvent de gros dommages. » Troys Gallans et Phlipot. 76 Jacques Bonhomme est le nom générique du paysan qui supporte tout. « Cessez, cessez, gendarmes et piétons [soldats et fantassins],/ De pilloter [piller] et menger le bon homme/ Qui de long temps Jaques Bon-homs se nomme,/ Duquel blédz, vins et vivres achetons. » (Collerye.) Nos deux utopistes se voient déjà vainqueurs des Turcs : ils troquent désormais le futur de l’hypothèse contre le présent de l’acte accompli. 77 Dieu nous a punis nous aussi. 78 Lacune comblée par Sylvie Lécuyer, p. 259. Nous sommes punis par Dieu autant que les mauvais. 79 Le village d’𝖨rancy, près d’Auxerre (où vivait Collerye), était déjà célèbre pour son vin de Bourgogne. 80 Donner en gage au tavernier.
DYALOGUE POUR JEUNES ENFANS
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DYALOGUE POUR
JEUNES ENFANS
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Roger de Collerye composa ce dialogue en 1512. Sur l’auteur et ses autres œuvres, voir la notice du Résolu. Le frère et la sœur auxquels il donne ici la parole ne sont pas si jeunes que le prétend le titre : la sœur traite son frère d’impuissant, et le frère traite sa sœur de nymphomane. Le congé donné au public (vers 83) prouve qu’il s’agit bien là d’un texte dramatique. Son format bref convenait sans doute aux processions entrecoupées de petits spectacles qu’organisait tous les ans l’Abbé des fous d’Auxerre. Collerye était l’un des fournisseurs de cette société joyeuse : voir son Cry pour l’Abbé de l’église d’Ausserre et ses suppostz.
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées à Paris en 1536.
Structure : Rimes plates, quintils enchaînés (aabaa/bbcbb).
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Dyalogue composé
l’an mil cinq cens douze
pour jeunes enfans
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LE FRÈRE commence
Pour oster toute fascherie…1
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Et ! Se trouver en la prairie,
Auprès d’ung boys, soubz la ramée2,
Avec sa chère et bien aymée,
5 Est ung amoureux entremetz.
LA SEUR
C’est bien rentré3 !
LE FRÈRE
N’est pas ?
LA SEUR
Ouy, mais
Le temps le doibt, et la saison4.
LE FRÈRE
Ces braga[r]s5, ces coqueplumectz
Transifz d’amours6, je les commetz
10 Pour s’i trouver7.
LA SEUR
C’est la raison.
LE FRÈRE
Ung bon pasté de venaison8
Acompaigné d’ung poupelin9
Vauldroit mieux, sans comparaison,
Pour enfans de bonne maison,
15 Que les finesses Pathelin10.
LA SEUR
À11 qui sent son damoyselin
Appartient d’en estre servie.
LE FRÈRE
Avaller aussi doulx que lin12
Cinq ou six crotes de belin13
20 Vous appartient.
LA SEUR
Fy de l’envye !
LE FRÈRE
À ce banquet je vous convye.
LA SEUR
Dictes-vous vray, maistre Accipé14 ?
LE FRÈRE
Pour mieulx démener15 bonne vie,
Vous serez gaillard16 assouvye
25 En prenant ce bon récipé17.
LA SEUR
Prenez-le pour vous, j’ay souppé.
(Mais escoutez ce gaudisseur18 !)
LE FRÈRE
Pourveu qu’il soit bien atriqué 19,
Et en vostre « gozier20 » apliqué,
30 Il vous fera grant bien, ma seur.
LA SEUR
Autant pour [autant soyez]21 seur
Que je vous payray, Fine Myne22 !
(Quel ouvrier23 ! Quel maistre brasseur !
Quel hume-brouet24 ! Quel dresseur
35 De saulce vert et cameline25 !)
LE FRÈRE
Il ne fault jà que je devine
Que vous estes bien affettée26.
LA SEUR
Annémane27 ! vous estes digne
Que vous ayez, avant qu’on dîgne28,
40 De pouldre de duc la tostée29.
LE FRÈRE
C’est raison que soyez traictée30
Tous les matins d’ung œuf molet.
Et se vous estes desgoûtée,
Ou malade, ou débilitée,
45 Conseillez-vous à Jehan Colet31.
LA SEUR
Jehan Colet n’est qu’ung sotelet.
À Jehan Colet ? Vierge Marie !
LE FRÈRE
Il est gaillard et propelet32.
LA SEUR
Jehan Colet seroit bon varlet
50 Pour servir en quelque abbaye :
Et ! affin qu’il ne s’esbaÿe33,
Il faict bien peu, et meschamment34.
LE FRÈRE
Or, quelque chose que l’on dye,
Jehan Colet tousjours s’estudie
55 À bien « chevaulcher » hardiment.
LA SEUR
Laissons ce propos.
LE FRÈRE
Voirement,
Que dict-on de noz acouchées35 ?
LA SEUR
Qu’on en dict36 ? Tout premièrement,
Les unes sont trop longuement
60 En leur lict mollement couchées.
LE FRÈRE
El(le)s sont bouchées ?
LA SEUR
El(le)s sont touchées37.
LE FRÈRE
Il38 leur fault tant [de] mirlifiques39 !
LA SEUR
Elz sont visitées et preschées,
Et bien souvent, plus empeschées
65 Qu’on [n’]est à baiser les reliques40.
LE FRÈRE
Les brasserolles41 magnifiques,
LA SEUR
Riches carcans42,
LE FRÈRE
Tapisserye.
LA SEUR
De peur qu’elz ne soient fleumatiques43,
Ou trop mesgres, ou trop éticques,
70 On vous les sert d’espicerye44.
LE FRÈRE
L’ypocras45,
LA SEUR
La pâtisserye,
LE FRÈRE
Couliz de chapons46,
LA SEUR
Tant de drogues !
LE FRÈRE
Arrière la rôtisserie !
LA SEUR
Fy, fy ! ce n’est que mincerie47.
LE FRÈRE
75 En leur lict, pompeuses et rogues,
LA SEUR
Bendées48
LE FRÈRE
Comme les synagogues
Qu’on voit au portail de l’église49.
LA SEUR
Acouchées ont le temps,
LE FRÈRE
Les vogues50.
LA SEUR
Je n’ay51 dueil que des vielles dogues
80 Qui font les sucrées.
LE FRÈRE
C’est la guyse.
LA SEUR
Mon frère, il est temps qu’on s’avise
D’aller autre part caqueter.
LE FRÈRE
Prenons congié.
LA SEUR
Pour la remise52,
Regardons se la nappe est mise,
85 Et nous en allons banqueter.
*
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RONDEAU (1)
.
En un matin, en m’esbatant
À une fille qui a vogue53,
Seurvint une grant vielle dogue54
De laquelle ne fuz content.
.
5 En m’espiant et me guectant,
Elle se monstroit fière et rogue,
En ung matin.
.
Je ne la congnois ; mais d’autant
Qu’elle est mesgre, hydeuse et drogue55,
10 Je croy que c’est la Sinaguogue56
Que les Juïfz estiment tant,
En ung matin.
*
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RONDEAU (2)
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Affettées57, pipeuses, tricherresses :
Ne soyez plus si grandes pécherresses !
Trop vous trompez le sexe masculin.
Mais quelque jour, aussi doulx comme est lin58,
5 L’on vous aura, fines gaudisseresses59.
.
Caquetières, baveuses, menterresses :
Estre deussiez songneuses fillerresses60,
Sans abuser ne Martin, ne Colin,
Affettées.
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10 Le bruyt avez d’estre fourbisserresses61,
Membres ravir comme rapinerresses62
Pour les loger en vostre gibrelin63.
Par cueur sçavez les ruses Pathelin64
Mieulx que ne font ces recommanderresses65,
15 Affettées.
*
1 Cette chanson initiale semble correspondre au timbre d’une ballade du Jardin de Plaisance : Pour m’oster de mélancolie. 2 Sous les ramures. Ces innombrables chansons bucoliques se terminent toujours à l’horizontale : « Soubz la ramée,/ Tenant sa dame soubz le bras (…),/ Et puis la renverser en bas/ Comme amoureux font par esbatz. » Ou encore : « Ung jour, au bois, soubz la ramée,/ J’ay trouvé mon amy seullet,/ Auquel je dis sans demourée :/ “Faictes-moy le joly hochet !” » 3 Pénétré. Même réponse grivoise au vers 151 de la Satyre de Collerye. 4 C’est dans l’air du temps. « Le temps le veult, et la saison. » Collerye. 5 Ces élégants. Cf. le Pauvre et le Riche, vers 267. 6 Ces coquelets transis d’amour. « Maints gentils-hommes & autres qui (…) se monstrent vaillans coqueplumets sur le pavé de Paris. » Satyre Ménippée. 7 Je les somme de se trouver dans la prairie dont il est question au vers 2. 8 De la chair de gibier enrobée de pâte et cuite au four. 9 « Les popelins sont façonnéz de mesme fleur [de farine], pestrie avec laict, jaunes d’œufs et beurre frais. » Godefroy. 10 Que les ruses de maître Pathelin. Voir ci-dessous le 13e vers du Rondeau 2. 11 Éd. : Moy (Sentir son damoiselin = être issu de noblesse.) « –Et aux ouvriers ? –Le Pathelin./ –D’entretenir ? –Damoiselin. » Collerye. 12 Collerye mélange deux expressions : « aussi doux que lait » et « aussi blanc que lin ». Même confusion au 4e vers du Rondeau 2. 13 De mouton. 14 Faux savant. Cf. la Tour de Babel, vers 146 et note. 15 Mener. 16 Gaillardement. Cf. la Satyre de Collerye, vers 43. 17 Ce médicament. Cf. Maistre Doribus, vers 12, 81, etc. 18 Ce plaisantin. Cf. le Gaudisseur, et le 5e vers du Rondeau 2. La sœur s’adresse au public. 19 Pourvu que ce médicament soit bien préparé. « Atriqué » comporte un jeu de mots grivois sur trique [gros bâton]. « Les dames ayment bien le “droit”…./ Quant la dame est bien atriquée,/ Alors congnoist-on son courage. » Collerye. 20 Vagin. « Mais prendre à belle main un bon gros vit nerveux/ Et en remplir d’un con le gosier chaleureux. » Théophile de Viau. 21 Éd. : autanr soyes (Soyez sûr que je vous le paierai au centuple.) 22 Petit malin. Cf. Daru, vers 218. C’est un personnage des Sotz fourréz de malice et des Sotz triumphans. 23 Quel intrigant. Cf. le Roy des Sotz, vers 188. La sœur parle au public. Un brasseur est un maniganceur. 24 Quel avaleur de bouillon : quel pique-assiette. Cf. le Testament Pathelin, vers 133. L’un des Sergents s’appelle Humebrouet. 25 Quel touilleur de sauces : quel magouilleur. La sauce vert, piquante et acide, doit sa couleur au persil. La cameline contient de la cannelle, comme son nom l’indique, et du gingembre. 26 Nul besoin de se demander si vous faites preuve d’affectation, de fausse pruderie. Voir le 1er vers du Rondeau 2. 27 Vraiment ! Ce juron est réservé aux femmes. Cf. le Mince de quaire, vers 77. 28 Qu’on dîne. 29 Une tartine d’épices aphrodisiaques, pour guérir votre impuissance. « Il sçavoit une pouldre, laquelle si elle donnoit avec un bouillon ou une rostie, comme de pouldre de duc, à son mary, il luy feroit la plus grand chère du monde. » Marguerite de Navarre. 30 Soignée. Les œufs crus sont le principal ingrédient du chaudeau flamand, qui requinque les nouveaux mariés après leur nuit de noces. 31 Un Jean Collet doit être un imbécile, comme un Jean Farine, un Jean Lorgne ou un Jean Fichu. Possible calembour sur « j’encolais », j’accolais : « De joie l’encole et enbrace. » Godefroy. 32 Propre, gracieux. 33 Afin de ne pas débander. « (Hercules) dépucela les filles de Thespius en nombre de cinquante…. S’il luy eust fallu continuer, (il) eût, je m’asseure, joué à l’esbahy. » Nicolas de Cholières. 34 Et il le fait mal. 35 Les bourgeoises qui venaient d’accoucher se mettaient au lit tous les après-midi, parfois pendant plusieurs semaines, pour écouter les commérages de leurs visiteuses. Voir les Caquets de l’accouchée, composés un siècle après ce dialogue. 36 Ce qu’on en dit ? 37 Ce vers, si tant est qu’il soit juste*, n’est pas très clair. Par définition, des femmes qui ont eu un enfant ne sont pas « bouchées ». Elles ont été « touchées » par un homme neuf mois plus tôt. Collerye termine le Sermon pour une nopce avec un jeu de mots du même genre sur « couché » et « touché ». *Elles s’écrit elz, en une syllabe, aux vers 63 et 68. 38 Éd. : Ilz 39 De babioles, de fanfreluches. « Leur fault-il tant de mirlifiques,/ Tant de bagues et tant d’afiques [d’affiquets] ? » Éloy d’Amerval. 40 Il y a plus de monde autour d’elles qu’autour des reliquaires que les pèlerins viennent baiser. Cf. le Pèlerinage de Saincte-Caquette, dont les vers 41-52 dénigrent les visiteuses des accouchées. 41 La bracerole est une chemise de nuit que portent les accouchées. « L’accouchée est dans son lit, plus parée qu’une espousée…. Au regard des brasseroles, elles sont de satin cramoisi. » Godefroy. 42 Colliers. Cf. le Vendeur de livres, vers 87. 43 Flegmatiques, lymphatiques. 44 On leur fait manger des choses épicées. 45 L’hypocras est un vin médicinal. 46 Dans la 3ème des Quinze joyes de mariage, une accouchée contraint son mari à lui cuisiner « ung bon coulis de chappon au sucre ». 47 C’est une misère. « Cela, ce n’est que mincerie. » (Les Sotz ecclésiasticques.) Seules les viandes en sauce avaient une valeur culinaire. 48 Coiffées d’un béguin d’accouchée qui leur tombe sur les yeux. 49 Le personnage allégorique représentant la Synagogue a les yeux bandés en signe d’aveuglement. Gilles Corrozet décrit ainsi le portail de Notre-Dame de Paris : « Au portail de devant sont deux effigies : l’une tient une croix & représente l’Église. L’autre, tenant un livre, est bandée sur les yeux, & représente la Sinagogue. » Voir le 10e vers du Rondeau 1. 50 Elles ont du succès. Voir le 2e vers du Rondeau 1. 51 Éd. : nê (Une dogue est une duègne qui joue les chiennes de garde. Voir le 3e vers du Rondeau 1.) On peut comprendre « Je n’ai deuil », mais aussi « Je n’ai d’œil » : je ne suis épiée. 52 Pour remettre ça, pour continuer à caqueter. 53 Note 50. 54 Note 51. 55 Amère. 56 Note 49. 57 Note 26. 58 Note 12. 59 Note 18. 60 Vous devriez vous occuper de filer votre quenouille avec soin. 61 De vous faire fourbir par des hommes. 62 Comme des voleuses qui se livrent à des rapines. 63 Votre sexe. 64 Note 10. 65 Ces entremetteuses. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 375.
POUR LES HABITANS D’AUXERRE
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SATYRE POUR LES
HABITANS D’AUXERRE
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L’auteur de cette pièce à la fois populaire et allégorique est Roger de Collerye ; pour de plus amples détails sur l’homme et son œuvre, voir la notice du Résolu. La table des matière de l’édition originale donne à ce texte énigmatique un titre qui ne l’est pas moins : Une Satyre pour l’entrée de la Royne à Auxerre. Or, l’entrée royale d’Éléonore de Habsbourg et de François Ier dans cette ville n’eut lieu qu’en 1541, cinq ans après la publication du livre.
Cette inclassable sottie fait, comme son nom l’indique, la « satire » du petit monde auxerrois. S’élevant jusqu’à la moralité, elle salue — non sans esprit critique — trois événements profitables au royaume : le 3 août 1529 fut signée à Cambrai la Paix des Dames, qui mit fin (provisoirement) aux hostilités entre la France et le Saint-Empire. Le 1er juillet 1530 furent libérés les deux enfants de François Ier ; le roi les avait livrés comme otages à Madrid, pour échapper lui-même aux geôles de Charles Quint, qui l’avait emprisonné après la défaite de Pavie. Le 7 juillet 1530, François Ier prit pour épouse Éléonore d’Autriche (ou de Habsbourg), sœur de Charles Quint, afin de mieux garantir la paix.
Le commanditaire de la sottie jugea peut-être qu’elle tardait trop à encenser la Paix enfin revenue : Collerye, après l’avoir écrite, ajouta les vers 4, 5 et 6, qui troublent l’immuable régularité des quintils ; dans sa hâte, il oublia même de faire rimer le vers 6 !
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées en 1536 à Paris, chez la veuve de Pierre Roffet. Collerye a sans doute donné ses manuscrits à l’éditeur, mais n’a certainement pas revu les épreuves, à en juger par le nombre et la gravité des fautes qui gâchent ce livre.
Structure : Quintils enchaînés (aabaa/bbcbb), rimes plates, quintils enchaînés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Satyre pour les
habitans d’Auxerre
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Les personnaiges :
PEUPLE FRANÇOIS
JOYEUSETÉ
LE VIGNERON
JÉNIN-MA-FLUSTE, Badin
BON TEMPS
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PEUPLE FRANÇOIS commence SCÈNE I
Puisqu’après grant mal vient grant bien…1
.
Ainsi qu’on dit en brief langaige,
D’avoir soulcy n’est que bagage2.
Qu’il soit ainsi, je l’entens bien.
5 La paix nous avons ; mais combien
Que nous l’ayons, fault3 qu’on la garde.
Or, Prudence4 et Subtil Moyen
Ont bien joué leur personnaige :
Car tel qui a perte et dommage,
10 De brief recouvrera le sien5.
Puisqu’après grant mal vient grant bien…
Quant est de moy, sur toute rien6,
Désormais me veulx resjouyr ;
Et aussi, de va et de vien7,
15 Se je puis recouvrer le mien8,
Pourray de mon plaisir jouyr.
.
JOIEUSETÉ 9 SCÈNE II
Peuple François se faict ouÿr
– Je l’entens bien à sa parolle –
D’autant qu’il veult soucy fouyr10
20 Et chagrin en terre enfouyr.
Il fault qu’i me baise et accolle11 :
Pour bien donner une bricolle12,
Il en sçait assez la manière.
Et puisqu’il fault que le récole13,
25 Il a fréquenté mainte escolle14
Sans tirer le cul en arrière.
Affin de gaigner la barrière15,
Je m’envoys16 à luy, somme toute.
.
Dieu gard17, seigneur ! SCÈNE III
PEUPLE FRANÇOIS 18
[Et] vous, gorrière19 !
30 Que vous dit le cueur ?
JOYEUSETÉ
Bonne ch[i]ère20.
PEUPLE FRANÇOIS
Faire la convient, quoy qu’il couste.
JOYEUSETÉ
Avant qu’à parler je me boute21,
Et de vous dire où j’ay esté,
Et sans arrester grain ne gouste22,
35 Accollez-moy !
PEUPLE FRANÇOIS
Je vous escoute :
Qui estes-vous ?
JOYEUSETÉ
Joyeuseté.
PEUPLE FRANÇOYS
Joyeuseté ?
JOYEUSETÉ
En gayeté,
La plus plaisante soubz la nue,
Qui souvent vous ay regrecté
40 — Mais c’est en toute honnes[te]té.
PEUPLE FRANÇOIS
Vous soyez la trèsbien venue !
JOIEUSETÉ
Peuple Françoys : entretenu[e]
J’ay esté, gaillard23, brief et court,
Prisée, aymée et soustenue,
45 Et pour singulière24 tenue
Des plus grans seigneurs de la Court.
Les vestuz de long et de court25
Se sont devers moy retyréz
Aussi tost qu’ung poste26 qui court.
50 Brief, en effect chascun accourt
Vers moy comme gens inspiréz27.
PEUPLE FRANÇOIS
Les gens ne voit-on empiréz
Pour Joyeuseté maintenir.
Car dès lors que les « aspirez »,
55 S’ilz ont ennuytz, les respirez28
Pour en liesse les tenir.
JOYEUSETÉ
Or, je veulx dire et soustenir
Que d’engendrer mélencolye,
Il n’en peult jamais bien venir.
PEUPLE FRANÇOIS
60 Quant à moy, je veulx retenir
Que ce n’est que toute folye.
Or çà, Joyeuseté jolye,
Que dict-on en Court ?
JOYEUSETÉ
Qu’on y dit ?
Du tout29 Tristesse est abolye ;
65 Et Joyeuseté recueillye,
Quant on m’y voit, sans contredit.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui sont ceulx qui ont le crédit ?
JOYEUSETÉ
Noblesse pri[n]cipallement.
PEUPLE FRANÇOIS
Et puis, après ?
JOYEUSETÉ
Par ung esdit30,
70 Ceulx qui sont en faict et en dit
Loyaulx en cueur entièrement.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui triumphe ?
JOIEUSETÉ
L’entendement31
À peine le pourroit comprendre.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui a le bruyt32 ?
JOIEUSETÉ
Totalement
75 Et sans y mectre empeschement,
Bon Conseil33 (qui n’est à reprendre).
Peuple François, il fault entendre
Que possible n’est raconter
Ny en son entendement prendre
80 Du triumphe de Court le mendre34,
Ne de mot à mot le compter35.
PEUPLE FRANÇOIS
Monsieur le dauphin36 ?
JOIEUSETÉ
Surmonter
Pas-dessus tous le sang royal.
PEUPLE FRANÇOIS
Et monsieur d’Orléans37 ?
JOIEUSETÉ
Dompter
85 Coursiers devant luy, puis monter
Sur eulx d’ung cueur seigneurial.
PEUPLE FRANÇOIS
[Et] la royne38 ?
JOYEUSETÉ
En espécïal39,
Triumphe en beaulté et faconde.
Et croyez qu’amont et à val40,
90 Seule est41, tant à pied qu’à cheval,
Qui de beau maintien n’a seconde42.
PEUPLE FRANÇOIS
Le point où du tout je me fonde :
Nous avons paix ?
JOIEUSETÉ
Pour tout certain.
PEUPLE FRANÇOYS
Joieuseté, parolle ronde43,
95 Puisque paix avons en ce monde,
Fouyr debvons tout44 meschant train.
.
LE VIGNERON SCÈNE IV
Or, par le vray Dieu, j’ay grant fain45
De voir le bléd à bon marché !
J’ay regardé et remarché46
100 La façon de noz boulengiers
Qui vont – faignant estre estrangiers –
Au-devant des blédz qu’on amaine47.
Que pleust à Dieu qu’en male estraine48
Feussent entréz ! Quant les achèptent,
105 Ilz vont barguynant49, et puis guectent
S’on les regarde ou près ou loing.
Ha ! par ma foy, il est besoing
Qu’on y mette bonne police !
PEUPLE FRANÇOIS
Vigneron, vous n’estes pas nice50 ;
110 Çà ! voz propos sont de valleur.
LE VIGNERON
Et ! n’esse pas ung grant malheur
De souffrir telle deablerie ?
Il y a plus de mengerie51
(Par le vray Dieu) en ceste ville
115 Qu’à Paris, par monsieur sainct Gille !
Mais quoy ! c’est faulte de Justice.
Tous les jours, le pain appetice52,
Et n’est labouré bien ne beau53.
PEUPLE FRANÇOIS
Il dict vray. Et ne sent54 que l’eau,
120 De quoy le peuple est desplaisant.
LE VIGNERON
C’est pour le faire plus pesant.
Hé ! quelz gaultier[s]55 plains de malice !
JOYEUSETÉ
Je croy qu’ilz ressemblent l’escrevice56,
Qui va tousjours à reculons.
.
JÉNYN-MA-FLUSTE, acoustré en Badin.57
125 Il fault qu’ilz ayent supra culons 58, SCÈNE V
Ou on n’en viendra point à bout.
Faictes-les soustenir debout59 !
Entendez-vous, Peuple François ?
Ilz sont larrons comm’ Escossoys
130 Qui vont pillotant60 les villaiges.
PEUPLE FRANÇOYS
Boullengiers payéz de leurs gages
Seront, pour vray, quelque matin.
JÉNIN
Se je sçavoys parler latin
Ainsi que font ces Cordeliers61,
135 J’arois de blé les plains garniers ;
Et si, en ferois bon marché62.
Toutesfoys, si ont-ilz craché
Depuis peu de temps au bassin63,
Maulgré leurs dents64, pour leur larcin.
140 Mais quoy ! il font pis que devant.
PEUPLE FRANÇOIS
Laissons ce propos.
JÉNIN
T[r]out avant65 !
On scet bien qu’ilz66 ne valent rien.
Or je m’envois par bon moyen
Entretenir Joyeuseté.
145 La belle, où avez-vous esté,67
Depuis le temps que ne vous veiz ?
JOIEUSETÉ
Jénin-ma-Flûte, à ton advis,
Que te semble de ma personne ?
JÉNIN
Quant ce vient que la cloche sonne,
150 Je m’envois courir au moustier68.
JO[Y]EUSETÉ
C’est bien rentré69 !
JÉNIN
J’ay bon mestier70
D’avaller ung verre de vin.
Hé, hé ! J’ay esté au devin
Pour sçavoir quant Bon Temps viendra
155 En ce pays et s’i tiendra.
Ma foy, j’ay grant fain de le veoir !
Ha ! se Bon Temps je puis avoir,
Vous verrez bien Jénin-ma-Flûte
Tirer souvent contre la bute71…
160 J’entens au pot et au godet.
Jamais ce folâtre bodet72
Ne fut si brave que [je] suis.
Quantz chevilles en ung pertuys73
Y en fault-il ? Dictes-le-moy.
JOIEUSETÉ
165 Tu n’es74 qu’un sot !
JÉNIN
J’ay veu le Roy,
Et aussi la royne Aliénor75,
Qui est richement parée d’or,
Voire, vrayment, qui est bien fin ;
Et aussi, monsieur le daulphin
170 Et le petit duc d’Orléans.
LE VIGNERON
Tu les a[s] veuz ?
JÉNIN
J’estois léans76
Et vous y veiz, Joieuseté.
PEUPLE FRANÇOIS
Jénin, c’est assez caqueté ;
Parler nous fault d’autre matière.
JÉNIN
175 Je prins arsoir77 en ma ratière
Plus de quatre-vingts souriceaux.
PEUPLE FRANÇOIS
Taix-toy, ou tu aras les seaulx78 !
Entens-tu bien, Jénin-ma-Flûte ?
JÉNIN
Pour tirer d’une « hacquebute79 »,
180 Je n’en crains Martin ne Gaultier80.
LE VIGNERON
Il fault mectre sur le mestier81
Aucuns82 usuriers dépravéz,
Gros et gras, et plus détravéz83
Que [des] pourceaulx en la mengeoire.
JÉNIN
185 Coupper leur fault, comme à ung haire84,
La queue près du cul !
LE VIGNERON
C’est raison.
Car par finesse et traïson,
En se monstrant fier et rebarbe85,
Vont achepter le blé en herbe86,
190 En n’en font point de conscience87.
PEUPLE FRANÇOIS
Et par leur damnable science88,
Sur aucuns jeunes marjolletz89,
Sotz amoureux et nyvelletz90,
Preinent prouffit à grant mesure,
195 Leur prestant argent à usure
Affin de tenir en hommage91
D’iceulx usuriers.
LE VIGNERON
Davantage,
Pour contrefaire les bravars92,
Se laissent tumber aux hazars93
200 De malheureté infinie
Pour maintenir leur seigneurie94,
Et se treuvent mal appointés95.
PEUPLE FRANÇOIS
Jeunes gens se sont accointéz
De ces gras usuriers publiques.
205 Fins gaultiers – car plains de traffiques –
Sont par trop.
JÉNIN
Sainct Jehan ! ce sont mon96.
J’ay bien ouÿ dire, au sermon,
Que tous usuriers sont dampnéz.
LE VIGNERON
Aussi sommes97 gens condempnéz,
210 Maintenant que gens de pratique98
Sont larrons.
JOIEUSETÉ
Leur dit est éthique99,
Et trop sotement allégué.
PEUPLE FRANÇOIS
Long temps a qu’on a divulgué
– Et mesmement touchant ce cas100 –
215 Que procureux101 et advocas
Ont le bruyt d’estre grans larrons.
Mais ces propos là nous lerrons102.
Pour autant (ainsi qu’il me semble),
Bon larron est qui larron emble103,
220 N’est-il pas vray ?
JÉNIN
Et ouy, par Dieu !
Usuriers y a en ce lieu,
Lesquelz ne sçaroient eschapper
Que l’on ne les vienne happer
Au râtellier104, tous en ung tas,
225 Et105 procureurs et advocas,
Veullent ou non !
LE VIGNERON
Il est certain.
JOIEUSETÉ
Pour éviter leur mauvais train106
Et tous ces propos ennuyeulx,
Chanter nous fault107 de cueur joyeulz
230 Quelque gaillarde chanssonnète.
PEUPLE FRANÇOIS
Joieuseté, ma mignonnette,
Vous n’en serez jà escond(u)icte,
Et en sera la chanson dicte.
Chanson.
Par Joyeuseté,
235 En honnesteté,
Comme jà pensois,
Vivra en seurté 108
Yver et esté
Le Peuple Françoys.
240 Des princes et roys
Verra les arroys 109
Mieulx que bienvenu ;
Et sans désarroys
Et sans nulz desroys 110,
245 Tousjours soustenu.
.
BON TEMPS 111 SCÈNE VI
Vive le Roy ! Vive le Roy ! 112
Et tous bons compaignons ! Et moy !
Je suis Bon Temps qui, d’Angleterre113,
Suis icy venu de grant erre114
250 En ce pays de l’Auxerrois.
J’ay gouverné princes, ducs, roys,
Deçà, delà, en plusieurs lieux,
Et ay veu des cas mermeilleux115
Qu’i n’est jà besoing de vous116 dire.
PEUPLE FRANÇOIS
255 Approchez de nous !
BON TEMPS
Contredire
Je ne vous veulx aucu[ne]ment.
JOIEUSETÉ
Receu serez joieusement
De ma part.
PEUPLE FRANÇOIS
De la mienne [aussi].
LE VIGNERON
Ce ne sera qu’esbatement
260 [Que] de vivre amoureusement
Avec Bon Temps.
JOIEUSETÉ
[C’est] tout ainsi.
PEUPLE FRANÇOIS
C’est assez pour fouyr Soucy,
D’avoir Paix et Bon Temps ensemble.
LE VIGNERON
Tel a eu le cueur tout transy
265 Et de pouvreté endurcy
Qui s’esjouyra, ce me semble.
JÉNIN
Quant bon pain, bon vin je rassemble,
Et ces petis frians morceaulx,
De sanglante frayeur je tremble
270 Que quelque gaultier me les emble
Pour les envoyer aux pourceaulx.
PEUPLE FRANÇOIS
Tu es taillé d’avoir les seaulx,
Se tu ne te taix.
JÉNIN
Non feray !
Et si, diray des motz nouveaulx
275 Devant vous et ung tas de veaulx117.
Veullez ou non, je parleray.
BON TEMPS
Je croy que bienvenu seray118
De vous, et des grans et petis.
JOIEUSETÉ
Du bon du cueur119 vous baiseray
280 Par amour, et accoleray,
Gentil Bon Temps.
BON TEMPS
Voz appétis
Tant gracieux, doulz et trétis120,
Me plaisent fort, Jo[y]euseté.
………………………… 121
JOIEUSETÉ
Les vostres aus[s]i.
PEUPLE FRANÇOIS
Souhecté122
285 Peuple Françoys vous a souvent.
BON TEMPS
Jà piéçà123 me suis apresté
Pour venir icy.
LE VIGNERON
Arresté124
Vous y serez, dorénavant.
BON TEMPS
J’entens qu’i n’y court que bon vent,
290 Par quoy je m’y veulx bien tenir.
JÉNIN
Ne vous logez pas au couvent
Des Cordelliers, car on n’y vend
Pain ne vin pour vous soustenir125.
BON TEMPS
Peuple Françoys, entretenir
295 Je vous veulx cordiallement.
Et de moy devez retenir
Qu’autant126 que n’ay peu cy venir,
Il m’en a despleu longuement.
JOIEUSETÉ
Receu serez joieusement,
300 Se vous y voullez résider.
BON TEMPS
Je le veulx ainsi.
JOIEUSETÉ
Seurement
Ne me puis tenir127 bonnement
D’incessamment vous regarder.
PEUPLE FRANÇOIS
Puisqu’avons Bon Temps, sans tarder,
305 Il nous fault mener bonne vie,
Et dorénavant nous garder
[De gaudir et de brocarder,]128
De faire mal avoir envye129.
JOIEUSETÉ
Je suis en cueur presques ravye
310 De veoir Bon Temps devant mes yeulx.
Or, à tousjours je me convye130
De n’estre jamais assouvye
De vous aymer de mieulx en mieulx.
BON TEMPS
Demourer avec vous je veulx.
315 Mais ung mot vous diray, non plus :
Se vous n’estes bons (se131 m’eist Dieux !),
Je m’en iray en aultres lieux.
Vélà que je diz et conclus.
LA FIN
*
BON TEMPS 132
.
Or, qui m’aymera, si me suyve !
Je suys Bon Temps, vous le voyez.
En mon banquet, nul n’y arrive
Pourveu qu’il se fume ou133 estrive,
5 Ou ait ses espritz fourvoyéz.
Gens sans amour, gens desvoyéz
Je ne veulx, ne les y appelle ;
Mais qu’ilz soient gectéz à la pelle134 !
.
Je ne semons en mon convive135
10 Que tous bons rustres avoyéz136.
Moy, mes suppostz, à plaine rive137
Nous buvons d’une138 façon vive
À ceulx qui y sont convoyéz.
Danceurs, saulteurs, chantres : oyez !
15 Je vous retiens de ma chapelle
Sans estre gectéz à la pelle.
.
Grognars, fongnars, hongnars139 je prive140 :
Les biens leurs141 sont mal employéz.
Ma volunté n’est point rétive ;
20 Sur toutes est consolative,
Frisque142, gaillarde, et le croyez.
Jureurs, blasphémateurs noyez !
S’il en143 vient quelc’un, [j’]en appelle :
Qu’il me soit gecté à la pelle !
.
25 Prince Bacchus144 : telz gens sont rayez,
Car d’avec moy je les expelle145.
De mon vin clairet essayez146,
Qu’on ne doibt gecter à la pelle.
*
.
CRY POUR L’ABBÉ
DE L’ÉGLISE D’AUSSERRE
ET SES SUPPOSTZ 147
.
Sortez, saillez, venez de toutes pars,
Sottes et Sotz, plus promps que lÿépars148,
Et escoutez nostre Cry magnifique !
Lessez chasteaux, murailles et rampars,
5 Et voz jardins, et voz cloz et voz parcs,
Gros usuriers qui avez l’or qui clique !
Faictes fermer, marchans, vostre boutique !
Grans et petiz, destoupez149 voz oreilles !
Car par l’Ab[b]é, sans quelconque traffique,
10 Et ses suppostz, orrez150 demain merveille[s].
.
N’y faillez pas, Messieurs de la Justice !
Et vous aussi, gouverneurs de police !
Admenez-y voz femmes sadinettes151 ;
En voz maisons, lessez-y la nourrice
15 Qui aux enfans petis leur est propice
Pour les nourir de ses deux mamellettes.
Jeunes tendrons, gaillardes godinettes152,
Vous y viendrez sans flacons et bouteilles153 :
Car par l’Abbé (sans porter ses lunettes)
20 Et ses suppostz, orrez demain merveilles.
.
Marchans, bourgeoys, vous, gens de tous mestiers
— Bouchers, barbiers, cordonniers154, savetiers,
Trompeurs, flateurs, joueux de chalumeaux155 —
Trouvez-vous-y ! Aussi ménestrïers,
25 Hapelopins156, macquereaux, couratiers !
Et apportez de voz bons vins nouveaulx,
Badins, touyns157 aussi mondains que veaulx !
Vous, vignerons, laissez vignes et treilles !
Car par l’Abbé, sans troubler voz cerveaux,
30 Et ses suppostz, orrez demain merveilles.
.
Faict et donné en ung beau jardinet158,
Tout au plus prèz d’un joly cabinet159
Où bons buveurs ont planté maint rosier160.
Scellé161 en « queue » et signé du signet162,
35 Comme il appert, de Desbride-gozier163.
*
1 Ce refrain de chanson est exclu du schéma des rimes, de même qu’au vers 11. 2 Qu’une chose encombrante. Cf. le Résolu, de Collerye, vers 125. 3 Éd. : cest 4 Cette entité allégorique représente Louise de Savoie, mère du roi et cosignataire de la Paix des Dames. Subtil Moyen désigne le roi lui-même : subtil veut dire fourbe, traître, un qualificatif qui décrit bien François Ier, lequel ne respectera pas mieux le traité de Cambrai qu’il n’avait respecté celui de Madrid trois ans plus tôt. 5 Retrouvera vite les biens qu’il avait perdus. Allusion à la remise en liberté des deux fils aînés du roi. 6 Quant à moi, par-dessus tout. 7 En glanant de-ci et de-là. « Pasteurs y vont (ne demandez combien),/ Portant présens et de va et de vien. » Jehan Daniel. 8 L’argent que les impôts royaux m’ont fait perdre : Charles Quint avait revendu ses deux petits otages à leur père pour la somme de 2 millions d’écus d’or. 9 Elle entre derrière Peuple Français, qui ne la voit pas encore. 10 Fuir. Idem vers 96 et 262. 11 Joyeuseté veut se faire baiser et accoler par tous les hommes qu’elle rencontre : vers 35, 279, 280. « Homme n’est point lasche ne lent/ Quant de telle dame jouyt,/ Et ne sçaroit estre dolent/ En la baisant et acollant. » Collerye, Delà et Deçà. 12 Pour coïter. « Il me baise, et si, m’accolle…./ Il me donne une briscolle/ Quatre coups sans desbrider. » Mon père mariez-moy. 13 Que je le rappelle. 14 En matière de sexe, il a été à la bonne école. 15 Pour réussir mon coup. Cette expression militaire passa, comme tant d’autres, dans le jargon érotique. Joyeuseté mêle ces deux nuances, comme l’avait fait Jehan Cabaret : « Et feirent les gens du duc de Bourbon, devant la porte, la plus belle barrière [barricade] que l’on veist piéçà, & la nommèrent “la barrière amoureuse”…. Les Anglois s’advancèrent pour cuider gaigner la barrière. » 16 Je m’en vais. Idem vers 143 et 150. 17 Éd. : gar le (Que Dieu vous garde. « –Dieu gard ! –Et à vous, sire ! » Le Pauvre et le Riche.) 18 Voulant économiser le plus de place possible, l’éditeur abrège souvent les noms, et les imprime sur la même ligne que les mots qui précèdent, comme on peut le voir ici. 19 Et vous aussi, femme à la mode. Cf. la Folie des Gorriers, vers 63. 20 Je fais bonne figure. Double sens : j’ai envie de plaisir. « Je te veux donner un maistre qui fait bonne chère : tu es encores jolie. » Agrippa d’Aubigné. 21 Avant que je me mette à parler. 22 Sans tarder une seconde. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 539. 23 Gaillardement. « Vous serez gaillard assouvye. » (Collerye.) Bref et court = en peu de mots. 24 Pour une amie intime. 25 Les professions libérales sont de robe longue, et la Noblesse est de robe courte. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 105 et note. 26 Aussi vite qu’un messager. « Par-devers moy on faict courir ung poste. » Collerye. 27 Illuminés par une inspiration divine. 28 S’ils ont des ennuis, vous leur rendez le souffle, la vie. On se demande si elle leur fait un bouche-à-bouche ou un tête-à-queue… 29 Totalement. Idem vers 92. 30 À la demande de la cour. « Vous demandez, par voz esditz,/ Une qu’aymez de cueur entier. » Collerye. 31 La raison. Joyeuseté botte en touche pour ne pas répondre. Elle doit faire allusion aux flatteurs, qui avaient tout pouvoir sur François Ier. Collerye leur a décoché une Ballade contre les flateurs de Court et un rondeau Contre les flateurs. 32 La meilleure réputation. 33 Antoine Duprat, principal conseiller du roi et organisateur de la Paix des Dames. 34 Le moindre faste de la cour. 35 Ni de le raconter en détail. 36 François, le fils aîné du roi. Âgé de 12 ans, il venait de rentrer en France, après quatre ans de captivité en Espagne. Collerye en reparle au vers 169. 37 Le futur Henri II, alors âgé de 11 ans, libéré en même temps que son frère. On en reparle au vers 170. 38 La reine Éléonore, la nouvelle épouse de François Ier. 39 En particulier, elle… 40 En haut et en bas : ici et là. 41 Allusion perfide au fait que le roi la laissait seule et préférait la compagnie de sa favorite, Anne de Pisseleu. 42 N’a pas sa pareille. 43 En un mot. Cf. Frère Frappart, vers 134. 44 Éd. : tous (Nous devons fuir toute mauvaise conduite.) 45 Grande envie. Une des principales préoccupations du peuple est le prix et la qualité du pain, et par conséquent du blé qui le compose. 46 Remarqué, observé. Cf. la Folie des Gorriers, vers 62. 47 Ils vont à la rencontre des livreurs de grains des Halles, pour être servis avant tout le monde et monopoliser la marchandise. C’est pourtant interdit : voir la note 49. 48 Qu’en mauvaise fortune. Cf. le Testament Pathelin, vers 267. 49 Éd. : daguynant (Ils barguignent : ils marchandent.) La loi défend que les « meusniers & boulengiers (…) n’allent au-devant desdicts grains, n’iceux marchandent, barguinent ou enerrent [ne versent des arrhes] ». Ordonnances de tous les roys de France. 50 Bête. 51 D’exactions. 52 Devient de plus en plus petit, pour le même prix. « Boulengers font le petit pain. » Troys Galans et un Badin. 53 Il n’est pas fabriqué selon les règles. « Labourer le pain. » Godefroy. 54 Éd. : scent (Le pain étant vendu au poids, les boulangers l’imbibent d’eau pour qu’il pèse plus lourd.) 55 Quels compagnons (péjoratif). Idem vers 205 et 270. « Colin Guarguille, ce bon gautier. » Noël Du Fail. 56 Cet animal qui marche dans le sens inverse des autres est une monture idéale pour les Fols. « Ne cheminez ainsi que l’escrevice. » Collerye. 57 En demi-Sot ; le Badin des Sobres Sotz nous détaille la spécificité de son emploi. Maistre Mymin qui va à la guerre est lui aussi « habillé en Badin d’une longue jacquette, et enbéguyné d’ung béguin ». De même, Colinet « est abillé en Badin » ; et le clerc d’Ânerie, dans Science et Asnerye, est « en Badin ». 58 Prononciation à la française du latin supra culum : (des coups de verges) sur le cul. « Vous avez eu supra culum/ Quant la leçon vous ne sçavez ? » Les Femmes qui se font passer Maistresses. 59 Faites-les pendre. 60 Pillant : « Cessez, gendarmes et piétons [soldats et fantassins],/ De pilloter et menger le bon homme ! » (Collerye.) Les archers de la garde écossaise au service de nos rois ne se comportaient pas toujours mieux que les soldats français. Pour la petite histoire, c’est un de leurs chefs qui blessera mortellement Henri II (note 37) au cours d’un tournoi. On dit que 38 ans plus tôt, son père, capitaine de la garde écossaise de François Ier, avait brûlé le roi au visage, l’obligeant dès lors à porter la barbe. 61 Les greniers (et les caves) des monastères avaient la réputation d’être toujours bien garnis, et la charité chrétienne des moines laissait à désirer. Collerye, qui était prêtre, se gausse encore de la gourmandise des Cordeliers aux vers 291-293. 62 Et aussi, je ne le vendrais pas cher. 63 Les boulangers ont payé pour leurs fraudes. (Cf. Pour le cry de la Bazoche, vers 145. Nous disons toujours : « Cracher au bassinet. ») Chaque fois qu’on réitérait une ordonnance contre les boulangers indélicats, on condamnait quelques-uns d’entre eux pour l’exemple ; les autres s’abstenaient de frauder pendant trois semaines, puis ils recommençaient impunément jusqu’au prochain édit. Voir la notice des Sotz qui remetent en point Bon Temps. 64 Malgré eux. Cf. les Queues troussées, vers 303. 65 Allons ! « Trout avant ! » Farce des Coquins, F 53. 66 Éd. : quelz 67 Ce vers étant mis en exergue, Émile Picot se demande si nous n’avons pas là le début d’une chanson. Bonne question. 68 Quand je suis en rut, je cours au monastère : les lieux de culte servent aux rendez-vous galants, et abritent même des prostituées, comme celle du Dorellot (vers 108-109). Ce personnage de Badin aime les sous-entendus graveleux, comme son nom l’indique : Jénin = cocu ; Flûte = pénis. 69 C’est bien envoyé ! Double sens : rentrer = pénétrer. Même réponse grivoise au vers 6 du Dyalogue pour jeunes enfans, de Collerye. 70 J’ai bien besoin. 71 Contre le monticule auquel on adosse la cible. Double sens : contre votre mont de Vénus. 72 Un baudet est un âne, symbole phallique bien connu. 73 Combien de verges dans un trou. « Vous cuidez bien, par voz engins,/ À tous pertuis trouver chevilles. » Charles d’Orléans. 74 Éd. : nest 75 La reine Éléonore. 76 Là-dedans : à la Cour, où se trouvait Joyeuseté, d’après les vers 63-66. 77 Hier soir. Les souriceaux désignent les courtisans, ces nuisibles qui rongent tout ce qu’ils attrapent. Le Dit du Ratz porteur les traite de « ratons de Court ». 78 Déformation de sauts. « Bailler les seaux : Prendre une personne par les bras & les jambes, & luy faire donner du cul en terre. » (Antoine Oudin.) Menace identique au vers 272. 79 Avec mon arquebuse : ma verge. 80 Je ne crains personne. 81 Sur la roue (instrument de torture). « Firent condamner ce pauvre malheureux à estre roué. Et auparavant, estant mis sur le mestier, il confessa le tout. » Godefroy. 82 Certains. 83 Déchaînés. 84 Un hère est un animal domestique dont on a coupé la queue. « Et luy avoit-on couppé la queue ; et pour ce, on l’appelloit “le hère”. » Bonaventure Des Périers. 85 Rébarbatifs, intraitables. 86 Avant qu’il ne soit mûr, pour empêcher leurs concurrents de l’avoir, et pour spéculer dessus. 87 N’en ont aucun remords de conscience. 88 « La vaine, impie & damnable science de magie. » (Pierre Le Loyer.) On soupçonnait les usuriers juifs de connaître la cabale. 89 Sur certains freluquets. Cf. Saincte-Caquette, vers 410. 90 Jeunes idiots. C’est le nom d’un Sot dans les Coppieurs et Lardeurs. 91 Afin qu’ils deviennent tributaires, comme des vassaux. On reprochait aux jeunes gens de bonne famille d’hypothéquer leur héritage : « Et les nobles emprunteront/ À belle usure. » (Henri Baude.) En 1398, on avait brûlé toutes les reconnaissances de dettes trouvées chez les usuriers juifs d’Auxerre. 92 Les gens à la mode. 93 Tombent dans des aléas. 94 Leur train de vie princier. 95 Mal en point, financièrement. 96 Ils le sont bien. « Mon » est une particule de renforcement : cf. la Seconde Moralité, vers 198. 97 Éd. : cõme (Nous sommes fichus.) 98 Que les hommes de loi. 99 Leur discours est étique, maigrichon. 100 Et surtout à ce sujet. 101 Que les procureurs. 102 Nous laisserons là. 103 Vole. Idem vers 270. 104 Sans qu’on ne vienne les prendre devant leur gamelle. 105 Éd. : Des (Ainsi que les.) 106 Leur mauvaise conduite. Idem vers 96. 107 Éd. : faulx 108 En sûreté. « The fact that characters from the play are mentioned in the text suggests that the words are newly written. » Brown, nº 332. 109 Il verra les arrangements. 110 Sans aucun désordre. 111 Ce personnage est central dans beaucoup de sotties, même et surtout quand il est absent. « Mais Bon Temps (qui tout bien compasse)/ Et Bonne Paix m’ont mis debout. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) L’identification de Roger de Collerye à Roger Bontemps est un anachronisme qui n’a plus lieu d’être ; voir la note 2 du Résolu. 112 D’innombrables chansons eurent pour incipit ou pour refrain « vive le Roy ». C’est peut-être celle-ci que Pierre Gringore fit chanter à la gloire de François Ier dans la Sotye des Croniqueurs, au vers 228. 113 Cette mention a fait couler beaucoup d’encre. Je pense qu’il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : Bon Temps résidait en Angleterre parce que les Anglais, après avoir pillé et rançonné la France, pouvaient se permettre de prendre du bon temps. Dans la Première Moralité de Genève, Bon Temps mène la dolce vita en Italie. 114 Au grand galop. 115 Merveilleux. Il pourrait s’agir d’une lubie de l’éditeur Roffet, qui fait encore dire à Collerye : « Et ung pourchatz bien mermeilleux. » Roffet imprimera dans les Vies des sainctz Pères : « Une soubdaine & mermeilleuse guerre. » Les poèmes de Collerye que son ami Pierre Grosnet inséra dans les Motz doréz de Cathon sont écrits normalement. 116 Éd. : les 117 Devant les spectateurs. 118 Que je serai bien accueilli. 119 De bon cœur. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 11. 120 Traitifs : agréables 121 Il manque deux vers en -tis et un vers en -té. 122 Souhaité, désiré. 123 Depuis longtemps. 124 Fixé définitivement. 125 Ironique : voir la note 61. 126 Éd. : Dautant (Que pendant tout le temps que je n’ai pu venir ici.) 127 Je ne peux me retenir. 128 Vers manquant. « [Le moyne] doibt estre lardé :/ Parquoy je croy que gaudi, brocardé/ Sera de brief. » (Collerye.) Ces deux verbes signifient railler, médire. 129 Et d’avoir envie de mal faire. 130 Pour toujours je me propose. 131 Éd. : Ce (Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Résolu, de Collerye, vers 244.) 132 On ignore si Collerye a composé cette ballade avant ou après la Satire. Bon Temps convie tous les joyeux compagnons à un banquet bien arrosé. 133 Éd. : au (S’il se fâche ou s’il se querelle.) 134 Rejetés à coups de pelle ? Cet ustensile sert à chasser les gens ou les animaux dont on veut se débarrasser : cf. le Testament Pathelin, vers 347-348. 135 Je n’invite en mon banquet. Cf. Jehan de Lagny, vers 149. 136 Qui suivent la bonne voie. 137 À ras bord. Les suppôts de Bon Temps ressemblent fort aux suppôts de l’Abbé des Fous dans la ballade qui suit. 138 Éd. : du’une (C’est la faute préférée de l’éditeur Roffet.) 139 Les grogneurs, les râleurs et les rouspéteurs. « Puis le mary, à sa fumelle/ Hongne, frongne, grongne, grumelle. » Collerye. 140 Je bannis. 141 Les biens à eux : leurs deniers. 142 Vigoureuse. 143 Éd. : vient (S’il en vient un, je fais appel contre lui. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 781.) 144 Dieu du vin. C’est le surnom d’un chanoine de l’église d’Auxerre, ami de Collerye, lequel célébra ce bon vivant dans une épître « à Monseigneur de Gurgy, nommé Bacchus,/ Par qui est régy le déduict des bas culz ». Roger composera son épitaphe dans le meilleur style bouffon : « Cy-gist Bachus, le vaillant champyon/ Qui en son temps, ainsi qu’un franc pyon [ivrogne],/ A mainct godet et mainct verre esgouté… » 145 Je les chasse. 146 Goûtez. « Ces vins cléretz de Beaulne et d’Auxerroys. » Collerye. 147 L’Abbé des Fous est le chef d’une confrérie joyeuse qui organise des spectacles parodiques difficilement tolérés par les autorités civiles et religieuses. Le prédicateur Gerson désapprouvait la Fête des Fous d’Auxerre : « Festum hoc Fatuorum a Deo approbatum esse sicut festum Conceptionis Virginis Mariæ. » (Sur ladite fête, voir les Preuves de l’histoire d’Auxerre, de l’abbé Lebeuf, pp. 310-313.) Cette ballade est un « cri » de sottie, une parade destinée à faire venir du monde au spectacle. Ce cri est très proche de celui qui annonce le Jeu du Prince des Sotz, de Gringore, dont Collerye possédait forcément un exemplaire. 148 Plus rapides que des léopards. « Venez avant, saillez de toutes pars !/ Esveillez-vous plus aspres que liépars,/ Sotz de bémol ! » Cri des Sotz triumphans. 149 Débouchez. « Destoupez vos oreilles ! » Le Chant des oyseaulx. 150 Vous entendrez, futur du verbe ouïr. 151 Gracieuses. 152 Mignonnes délurées. Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 84. 153 « Quelle différence est entre bouteille et flaccon ? Grande, car bouteille est fermée à bouchon, & flac con à vitz [un flasque con est fermé par des vits]. » Gargantua, 1e édition, chap. 4. 154 Éd. : cordanniers (Confusion avec la forme originale « cordouannier » : qui travaille le cordouan, le cuir de Cordoue.) 155 Joueurs de pipeau, de pénis, comme Jénin-ma-Flûte. « Son chalumeau, son gros bedon,/ Sa pièce de chair, son bidault. » Jodelle, Épitaphe du membre viril de frère Pierre. 156 Goinfres, pique-assiette. « Ces macquereaulx,/ Ruffiens, meschans lappereaulx,/ Happeloppins. » (Les Sotz fourréz de malice.) Les couratiers, ou courtiers, sont des entremetteurs : « Couratiers et gens de meschante vie, comme dansseurs, flateurs. » ATILF. 157 Villageois. « Un villageois l’a eue…./ Mais le touyn l’a faulcement déceue. » Collerye. 158 Un pubis de femme. « Cultivez tost mon joly jardinet,/ Et l’arrousez pour la semence espandre. » Fleur de poésie françoise. 159 D’un vagin. « Vive la jeune fillette/ Qui preste le cabinet/ Qui fait lever la brayette [la verge] ! » Chanson nouvelle. 160 Leur « tige ». Au 1er degré, planter un rosier = laisser des dettes : cf. Gautier et Martin, vers 222 et note. 161 Éd. : S’ellê (On scelle une lettre en appliquant un sceau sur la bande de parchemin qui se nomme la queue.) Sceller = coïter. « Je viens d’avecque la femelle :/ J’ay tant scellé que plus n’en puis. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 162 Marqué par le sceau qu’on enfonce dans la cire molle. 163 Qui libère son gosier de la soif. La signature au bas d’un acte est celle du secrétaire qui l’a écrit ; on peut donc voir dans celle-ci un pseudonyme de Collerye. Un émule de Rabelais apposera la même signature au bas de son Épistre du Lymosin de Pantagruel : « Ainsi signé : Desbride Gousier. »
SERMON POUR UNE NOPCE
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SERMON POUR
UNE NOPCE
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Roger de Collerye1, prêtre et secrétaire de l’évêque d’Auxerre, composa ce sermon joyeux vers 1530. Lors de certains banquets de noces, on embauchait un ou deux comédiens pour jouer des saynètes dénigrant l’institution du mariage : voir la notice de la Présentation des joyaux. Ce sermon parodique est ici déclamé par un acteur « habillé en femme2 » ; étant donné que les prêcheurs des sermons joyeux revêtaient un costume de prêtre ou de moine, on peut admettre que le nôtre est déguisé en religieuse. Il s’adresse à la nouvelle mariée, qui est présente (vers 102-103), et à toutes les futures épouses.
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées à Paris en 1536. Je laisse de côté les éditions ultérieures, qui datent au minimum de la fin du XVIe siècle.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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LE PRESCHEUR, habillé en femme.
THEUME3 :
Audi, filia, et vide !
Ce theume que j’ay dévidé4
Est escript d’une grosse plume
Aussi pesante qu’une enclume5 ;
5 Et d’ung vielz psaultier enfumé
Je l’ay extraict et escumé6
Affin d’en faire ung bon brouet.
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À propos, ung chartier sans fouet7
Qui ne dit « dea ! » ne « hurehau8 ! »
10 Pourroi[t-]il toucher9 son chevau10,
Sa jument, son asne et sa beste ?
Jamais, car ung homme sans teste11
N’a point besoing de chapperon12,
Ne de picquer de l’esperon13.
15 Qu’il soit ainsi, sans faire espreuve14,
Soubdainement je le vous preuve.
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Je prens le cas qu’une fillette
Frisque, gaillarde et guillerette
Veult estre aujourd’huy mariée
20 Et à ung masle appar[i]ée.
Assavoir mon15 s’il se peult faire,
Pour à son plaisir satisfaire.
Je veulx dire que ouy, pourveu
Que le marié soit pourveu
25 D’ung baston à feu16 et d’oultilz
Soudains, ligiers17, chaulx et hâtifz :
Sans instrumens, on ne faict rien
En telz cas, vous le sçavez bien.
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Laissons cela, et retournons
30 À nostre theume. Et revenons
Au point principal. Qui pourra
En face ainsi comme il18 vouldra ;
Car je suis bien seure et certaine
Qu’i joustera à la quintaine19
35 Avant qu’il soit demain matin.
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Sans trop escumer le latin20,
Je dy qu’on peult bien défricher
Ung terrouër21 sans dénicher
Le trou où estoient les oyseaulx22 :
40 « Tout soudain chaussa ses houseaulx23,
Puis après, monta à cheval24 ;
Et en courant à mont, à val,
Pour éviter les grans dangers25,
Cuydant arriver à Angiers26,
45 Il vint coucher à Carcassonne27… »
Or, avant que la cloche sonne,
De peur de perdre mon mémoire28,
Je vous prie, donnez-moy à boire !
(Elle boyt.)
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Beaucoup de gens treuvent estrange
50 De veoir ung dyable avec ung ange29.
Petis musequins30, fines trongnes,
Friqueliniques31 fatrillonnes,
Escoutez bien et retenez,
Oyez, entendez, aprenez
55 Le bien qu’on a en mariage.
Le premier an, de franc courage,
On s’entrebaise, on s’[entr’]acolle32,
On jaze, on caquète, on bricolle33,
On faict le dyable de Vauvert34.
60 Jamais il n’y a feu couvert35.
Tout va c’en36 dessoubz, pelle-melle.
S’il vient qu’el(le) soit belle fumelle37,
Le povre mary s’esvertue
De labourer38 tant qu’il s’en tue.
65 Puis à desfricher39 il s’aplique
Si fort qu’il en demeure éthique40.
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L’an d’après, jà escorniflé41,
Voyant qu’elle a le ventre enflé,
Il se commence à soucyer
70 Et à chagrin s’assocyer.
Il plaint42 la teste, puis les dents,
Et a les oreilles pendens43
Ne plus ne moins comme ung lymier44.
S’il advient qu’il soit coustumier
75 De faire ung enfant tous les ans,
Telz jeux ne luy sont plus plaisans.
Et bien souvent, pour leur entrée45,
Font deux enfans d’une ventrée.
Qui est lors esbaÿ ? C’est il,
80 En disant : « Mauldit soit l’ostil46,
Le fourneau, la forge et le moule47 ! »
On le faict tenir pied à boule48,
Et recommancer à l’ouvrage
Qui est subject à mariage49.
85 Et après qu’il a folâtré50,
Il vouldroit bien estre châtré,
Quant il voit que sa femme est grosse.
.
Si en arez-vous ceste endosse51,
Vous aultres, jeunes mariéz ;
90 Et serez tanséz, hariéz52
De voz femmes à tous propos.
Y cuydez-vous avoir repos,
En mariage, mes mignons ?
Ouy dea ! De beaulx bons compaignons
95 Ne s’en font au jourd’uy que rire.
Et puis à chacun ilz vont dire,
Quant quelc’un s’est apparié53 :
« Et ! voylà Trop-tost-maryé54
Qui en est Jobelin Bridé55 ! »
100 Audi, filia, et vide !
Pause.56
.
Avant qu’en ma matière entrer,
À genoulx il vous fault veautrer
Devant nostre belle espousée
En luy disant : « Doulce rosée,
105 Dieu te doint ung bien bon confort57,
S’il advient que trop grant effort
Te face, la nuyt, ton mary.
Et que ton cueur ne soit marry
De l’assault qu’il te donnera.
110 Car je croy qu’il s’adonnera,
Celle nuyt, entre deux blancs draps,
À58 t’acoller gay, bras à bras59 ;
Et te donra tel coup de lance60
Qu’elle entrera jusqu’à ta pance.
115 Il est vray, c’est ung point vuydé61.
Audi, filia, et vide ! »
.
Pour tant qu’il62 n’advient pas souvent
Qu’en ung monstier63 n’en ung couvent
On [oyt] ne veoit prescher les femmes64,
120 Je vous diray, seigneurs et dames,
Qu’il est bien de nécessité,
Autant en ville qu’en cité,
Que femmes preschent. La raison ?
Le temps le veult, et la saison65.
125 La femme retient à ung coup
Choses assez, et plus, beaucoup66,
Que ne faict l’homme en maintz endroitz,
Posé que67 les loix et les droitz
Soustiennent que l’homme comprent68
130 Plus que la femme. Mais el’ prent
À toutes mains69, quant on luy baille.
À celle fin que je ne saille70
Du coq à l’asne, somme toute,
Il est besoing que l’on escoute
135 Mon preschement et ma doctrine.
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Se l’espousé plaint71 la poitrine
Demain au matin, ou la teste,
Je suis d’avis qu’on luy appreste
Le beau petit chaudeau flamant72 ;
140 Et qu’il ne soit point si gourment
De le humer tout seul, sans [c]elle
Qu’il [a gardée]73 d’estre pucelle.
Si est-il bien à74 luy d’atendre
Jusqu’à troys jours sans y entendre,
145 Ainsi que fist le bon Thobie75.
Mais s’elle veult estre fourbye76
(Ainsi qu’il survient) en sursault77,
Sans luy livrer trop dur assault,
Je suis bien d’avis qu’il [l]a traicte
150 De trois bons coups tous d’une traicte78.
Et si le couraige luy croist,
Qu’elle ait des « verges sainct Benoist79 »,
Car l’Église80 l’a décidé.
Audi, filia, et vide !
.
155 Les œuvres de miséricorde
Vous recommande81. Je m’accorde,
Avant que plus loing procéder,
Qu’il vous plaise d’intercéder
Pour toutes femmes çà et là
160 Qui, par la faulte de cela82,
Meurent en grant affliction,
Comme on dict, sans confession83.
Seigneurs d’Esglise, pourvoyez
En leurs cas84, ainsi que voyez !
165 Congnoissant leur fragilité,
Secourez-les85 en charité.
Sans charité, nul n’entrera
En Paradis, ne montera86.
.
En après, je vous recommande
170 (Ainsi que la loy le commande)
Tous povres amoureux transifz87.
J’en congnois plus de trente-six
Qui chassent fort mais rien ne prennent.
Quant ilz voient que88 bien peu comprennent89
175 Avec leur dame, [ilz] vont, les nuyctz,
Baiser la cliquette de l’uytz90 ;
Bien souvent, quant on les y voit,
Quelqu’un la cliquète pourvoit91,
Autant les lundys que mardys,
180 De bran ou de dyamerdys92.
Voyant, les povres amoureux,
Qu’ilz sont trompéz, très douloureux
S’en vont coucher sans faire bruyt,
Et ne vont plus courir de nuyt.
185 En général et en commun,
Vous recommande tout chascun93.
Audi, filia, et vide !
.
Or ay-je assez bien procédé
Jusques ycy, comme il me semble94.
190 Pendant que nous sommes ensemble,
Je vous veulx apprendre et monstrer
Ung peu de bien, et remonstrer95
L’ignorance de ces fillettes
Qui ayment le jeu des billètes96 :
195 À97 plusieurs se laissent picquer
Sans riens gaigner, ne praticquer98.
Escoutez, dressez voz oreilles99 !
Nous avons veu de grans merveilles100,
Depuis certain temps. N’avons pas ?
200 Or disons, parlant101 par compas :
Esse raison, à vostre advis,
Que, pour quaquet ou pour devis102,
Pour promectre et riens ne tenir,
Ung monsieur doibve parvenir
205 Du premier coup à son ataincte103 ?
Je dy que non. Telle contraincte
Ne rend point la fille subjecte104.
Mais s’il advient qu’[onc] il luy gecte,
Pour acquérir sa bonne grâce,
210 Dix, douze escuz de prime face105,
La fillette, sans le surprendre,
Les doit empoigner et les prendre,
Car il n’est acquest que de don,
Ne dancer qu’au joly bedon106.
215 Mais de s’aller habandonner
Sans quelque chose luy donner107,
Je n’en suis pas d’oppinion108.
Jamais de son corps l’union
Ne doit consentir (s’ell’ est sage)
220 Sans or, ou argent, ou bon gage.
Et par ainsi, il est brydé109.
Audi, filia, et vide !
.
J’ay veu tel gallant, qu’il110 se vente
Que les filles luy doibvent de rente,
225 Et qu’il leur faict ung111 grant honneur
De les prier de déshonneur.
D’autant qu’il est plus fier qu’ung pet112,
Laissez-le là comme suspect
Et comme sot oultrecuydé.
230 Audi, filia, et vide !
.
Encor ung mot, et puis après
Nous ferons fin, car par exprès,
Je suis ycy pour tesmoingner
Et pour fillettes enseigner,
235 Qui ne sont fines ne ruzées,
Jusques à ce qu’i soient usées113.
Saint Jehan ! ce n’est pas la façon,
Car jeune chair et vielx poisson
Ont le bruyt114, pour le temps qui court.
.
240 J’ay autresfoys hanté la Court,
Où j’ay aprins et retenu,
Et maint bon gallant soustenu115.
Du temps qu’estoye en [mon] jeune aage,
Il n’y avoit varlet ne page
245 Qu’il ne fust joyeulx de me voir.
Mais depuis qu’on m’a veu avoir
Les grans rydes que j’ay au fronc116,
On ne m’a prisé[e] ung estronc117.
Et par ainsi, mes jeunes filles,
250 Ne faictes fourbir vos coquilles118
À seigneurs ny à coquibus119
S’ilz ne vous baillent des quibus120.
Ce pendant que vous estes jeunes,
Ne gardez121 ne festes ne jeûnes.
255 Toutesfois, ne vous laissez pas
Tumber plus viste que le pas122.
Mais si quelqu’un de vous s’abuse123,
Monstrez que vous sçavez la ruze
Comment on se doibt gouverner,
260 Affin de le bien yverner124 :
Qu’il me soit mené et guydé125 !
Audi, filia, et vide !
.
Qui sera, sans dilation126,
De nostre prédication
265 L’achèvement, et bien couché127,
Ainsi que je vous ay touché128.
.
*
1 Voir la notice de son Monologue du Résolu. 2 Sur les monologues joués par des travestis, voir la notice de la Fille esgarée. 3 Le « thème » est la citation biblique qui ouvre un sermon et lui sert de fil rouge. Celui-ci est tiré du Psaume 44 : « Écoute, ma fille, et vois. » 4 Que j’ai mis à plat. 5 « Escrit à la main, d’une plume/ Légère ainsy comme une enclume. » Sermon de sainct Frappecul. 6 Ce n’est plus un sermon, c’est une recette de cuisine ! Écumer le latin = écorcher le latin. (L’Escumeur de latin des Coppieurs et Lardeurs ne fait pas autre chose.) Voir le vers 36. 7 Cette strophe accumule les métaphores érotiques. Fouet = pénis : « (Il) avoit son fouet en tel poinct que, sans fléchir, il eust pu percer une muraille. » Les Joyeuses adventures. 8 Ordres qu’un charretier donne à son cheval pour qu’il tourne à gauche ou à droite. Cf. Guillerme qui mengea les figues, vers 56. 9 « Piquer » sa monture : « S’estant plaincte de son mari, qui couchoit avec elle trente-deux fois tant de jour que de nuict (…), le roy arresta et ordonna qu’il ne la toucheroit que six fois. » Brantôme. 10 Son cheval ; on dit toujours un chevau-léger. « Car autant en faict ung chevau. » Sermon joyeux de bien boire. 11 Sans gland. « En levant les rains et en serrant les fesses, (elle) luy serra tellement la teste que la cervelle [le sperme] en sortit hors. » Nicolas de Troyes. 12 De prépuce. « Ell’ avoit la teste bien rouge devant,/ Et ung chapperon. » La Confession Margot. 13 « Sy vostre esperon/ Faisoyt tant que la pance dresse [que je me retrouve enceinte]. » Le Gallant quy a faict le coup. 14 Sans tester sa valeur, comme on fait l’épreuve de l’or sur une pierre de touche. 15 Je cherche à savoir, je vous demande. Cf. la Pippée, vers 684. 16 D’un pénis. « Bastons à feu roydes et chaulx. » Guillaume Coquillart. 17 Légers : qui se dressent facilement. 18 Éd. : el (Que celui qui en aura la puissance sexuelle fasse comme il voudra.) 19 Que notre nouveau marié cognera contre la partie adverse. Cf. Ung jeune Moyne et ung viel Gendarme, vers 133 et note. 20 Sans aller jusqu’à nommer le coitus interruptus, méthode de contraception condamnée par les théologiens. 21 On peut se frotter contre les poils d’un pubis féminin sans le pénétrer. « Va t’y fourrer : tu trouveras un terrouër tant reposé, que jour & nuict il ne te faudra faire autre chose que le labourer. » Pierre de Larivey. 22 Sans déflorer la fille. On représente toujours le pucelage comme un oiseau qui rêve de quitter sa cage ou son nid. Un mari, s’apercevant que la fille qu’il vient d’épouser n’est plus vierge, s’écrie : « Les oyseaux s’en sont alléz. » Bonaventure Des Périers (cité par Jelle Koopmans dans son Recueil de sermons joyeux, Droz, 1988, p. 420). La citation qui suit sort du cerveau de Collerye, et non pas de la Bible. 23 Un houseau est un vagin trop large. « (Elle est) large com ung vieil houzeau. » Resjouy d’Amours. 24 Il chevaucha sa femme. 25 Le danger d’une grossesse. 26 Croyant qu’il allait éjaculer dans le vagin. Enger = engendrer. (ATILF.) Aller à Angers : Aller se livrer à des rapports sexuels. (ATILF.) « Ongier une femme, l’étreindre, avoir commerce avec elle. » (Godefroy.) 27 Il la sodomisa. Le mot Carcassonne est doublement scatologique. D’abord, le comédien peut faire entendre Cacassonne, comme l’ont imprimé par erreur les frères Colomiès en 1568, dans l’Histoire des Albigeois, fo 39 vo. Ensuite, sonne est synonyme de pète : « Et nos brodiers [culs] sonnent hault comme cloches. » (Parnasse satyrique du XVe siècle.) D’où la « cloche » qui sonne au vers suivant. 28 Ce mot était souvent masculin. Le vin est censé être bon pour la mémoire : « En lairrai-ge pour tant le boire ?/ Je n’en perdré jà mon mémoire. » Massons et charpentiers. 29 Un satyre avec une jeune fille. 30 Museaux, minois. « Hélas, quel petit musequin ! » Le Povre Jouhan. 31 Éd. : Friquelimiques (Cabotines. Un histrion du XVIIe siècle adoptera le pseudonyme de Fricquelin.) Une fatrillonne est une fille vive et bavarde : « C’est la plus gente fatrillonne/ Et la plus gaye esmerillonne/ Qu’on veit onc. » Collerye. 32 « Si cela est déshonneste de s’entrebaiser, de s’entr’accoler devant des estrangés. » Godefroy. 33 On coïte. « Et n’a-on cure de vostre huys de derrière [de votre anus],/ Car désormais, il est trop bricollé. » (Le Vergier d’Honneur.) Cf. les Hommes qui font saller leurs femmes, vers 103. 34 On fait le diable à quatre. « Je suis contant que tout vif on m’enterre/ Se je ne fais le deable de Vauvert ! » ATILF. 35 On ne laisse jamais le feu s’éteindre : on ne dort jamais. 36 Éd. : sen (C’en dessus dessous. Cf. Raoullet Ployart, vers 200.) 37 S’il advient que ce soit en plus une belle fille. 38 Cf. le Povre Jouhan, vers 315. 39 À aplatir les friches du pubis de sa femme. Idem vers 37. 40 Étique : maigre et fiévreux pour avoir trop fait l’amour. « Que fera le mary, éthique et sans humeur ?/ Pourra-il de sa femme esteindre la chaleur ? » T. Sonnet de Courval. 41 Écorné. 42 Il se plaint de. 43 Les couilles pendantes. Voir le vers 197. « Le membre de Colin, deffaict,/ Se retira, penchant l’oreille. » Cabinet satyrique. 44 Qu’un grand chien. 45 Pour leurs débuts. 46 Éd. : lostel (L’outil viril du vers 25.) 47 Ces trois mots symbolisent le ventre de la femme. 48 Résister fermement (Colin filz de Thévot, vers 112). Pied = pénis : « [Francisquine,] tu as un si beau “pot” ! S’il n’y a point de pied, il y en faut mettre un. » (Tabarin.) Boules = testicules : « Encore qu’il soit desgarni de boules, si peut-il néanmoins jouer à la fossette. » (Bruscambille, Des Chastréz.) 49 L’ouvrage subordonné au mariage est « l’ouvrage de reins ». 50 Éd. : folarrê 51 Ce fardeau. « Grosse ? Jésuchrist, quel endosse ! » Sœur Fessue. 52 Harcelés. 53 S’est mis en couple. Idem vers 20. Deux « bons compagnons » se gaussent de Régnault qui se marie à La Vollée. 54 Sur ce personnage proverbial, voir par exemple les Dictz & Complainctes de Trop-tost-marié. 55 Personnage proverbial de mari trompé. « L’autre n’a rente ne héritage,/ Et en est Jobelin Bridé. » (Collerye.) Le jeune Gargantua aura pour précepteur « un aultre vieux tousseux nommé maistre Jobelin Bridé ». 56 Éd. : Prinse (J. Koopmans a publié dans son Recueil de sermons joyeux une édition tardive du Sermon pour une nopce qui donne ici : pause.) Notre prêcheuse fait comme les Sotz nouveaux farcéz, qui profitent des pauses indiquées aux vers 112 et 116 pour boire un coup de vin. 57 Un con fort, qui va résister aux assauts de la nuit de noces. « Je ne hante femme ne fille,/ Tant soit plaine de bon confort,/ Qui ne culette bien et fort. » (Collerye.) Cf. Frère Phillebert, vers 14. 58 Éd. : Et (À t’accoler gaiement.) 59 « Se vous tenoye entre deux draps/ À ceste heure-cy, bras à bras. » Le Povre Jouhan. 60 « Ma mye, je vous pry qu’il vous plaise/ Endurer trois coups de la lance. » Frère Guillebert. 61 Réglé. 62 Parce qu’il. 63 Un moutier, un monastère. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 116 et note. 64 C’était la terreur du haut clergé catholique : « En pleine esglise (elles) prescheront,/ Et auront voz mitres et crosses. » Clément Marot. 65 C’est dans l’air du temps. Luther, dont Collerye a dit beaucoup de mal*, était favorable au clergé féminin. « Les femmes feront les offices des évesques, & les évesques les offices des femmes ; car elles prescheront la Saincte Escriture, & les esvesques broderont en chambre avecques les demoiselles. » (Étienne Le Court.) *Voir Monsieur de Delà et monsieur de Deçà, vers 110 et note. 66 De beaucoup. 67 Bien que. 68 Prend des cons. L’édition tardive publiée par Koopmans donne ici : « Et posé qu’ils soient a con-prendre/ Fort habiles, nous savons prendre. » 69 De tous les côtés. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 71. On peut aussi traduire : elle prend avec ses mains. 70 Afin que je ne saute pas. 71 Se plaint de. C’est la suite du vers 71. 72 Une boisson chaude reconstituante à base de jaunes d’œufs, qu’on servait protocolairement aux nouveaux mariés après — ou même pendant — leur nuit de noce. 73 Éd. : la gardé (Qu’il a préservée de rester vierge.) 74 Éd. : en (C’est bien qu’il attende trois jours sans recommencer, pour que l’irritation s’apaise.) 75 Tobie et son épouse passèrent leurs trois premières nuits à prier. Cf. la Bouteille, vers 172-175. 76 « S’il y a quelque mariée/ Mal fourbie. » Sermon joyeux des Friponniers. 77 Tout de suite. 78 L’un à la suite de l’autre. 79 Un coup de sa verge. « Verges saint Benoist, il n’en faut qu’un brin pour en faire une poignée : Le membre viril. » (Antoine Oudin.) Voir aussi le chapitre 15 du Moyen de parvenir, de Béroalde de Verville. En outre, le benoît, ou benêt, désigne le pénis : « Et que après que elle auroit manié son benest pour sçavoir la vérité, que il coucheroit avecques elle. » Les Joyeuses adventures. 80 Le mariage devait être consommé pour que l’Église le juge valable, et l’époux devait s’acquitter régulièrement de son devoir conjugal. 81 Je vous recommande les œuvres de miséricorde. (Cf. la Confession Rifflart, vers 169.) Donner du plaisir aux femmes n’en fait pas partie. 82 Par manque de plaisir sexuel. Cf. Frère Guillebert, vers 33. 83 Sans qu’un con fesseur ait pu con fesser. Cf. Gratien Du Pont, vers 417-440. 84 À leur sexe. Voir le v. 71 de Chagrinas, et le v. 38 de la Fille esgarée. 85 Secourre = secouer. « L’un des clercs la secouoit, dis-je [je veux dire] la secouroit au besoin. » Des Périers. 86 Et n’y montera. Le prêtre Collerye, tel le curé de la Confession Margot, prône que c’est en donnant du plaisir qu’on gagne le Paradis. 87 Voir la farce de Poncette et l’Amoureux transy. 88 Éd. : qui (Cette chasse érotique est décrite dans le Faulconnier de ville.) 89 Cons prennent. (Cf. Gratien Du Pont, vers 245-254.) Le con représente le connil ou le connin, qui désignent à la fois un lapin et le sexe de la femme. 90 De l’huis. Les amoureux embrassaient le marteau de la porte de leur belle en signe d’allégeance et d’amour. « Et puis, s’on en ayme quelc’une,/ Baiser la cliquette de l’huis. » (La Vraye médecine qui guarist de tous maulx.) Cf. Troys Pèlerins et Malice, vers 171. 91 Quelqu’un enduit le marteau. 92 D’excréments ou de merde. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 457. « Diamerdis : Confection de sauge sauvage…. Il signifie aussi “excrément”. » Lacurne. 93 Chacun d’entre eux, comme aux vers 169 et 171. 94 La prêcheuse s’abuse : elle n’observe absolument pas les règles très strictes de la rhétorique oratoire. Collerye veut démontrer qu’une femme, fût-elle luthérienne, est incapable de prêcher. 95 Corriger. 96 Des testicules. « Ils feront la beste à deux dos,/ Car c’est le chef [la tête] à deux billètes/ Qui pent auprès des ayguillètes [de la braguette]. » Jeu à VIII personnages. 97 Par. Piquer = pénétrer : « La picqueriez-vous pas ? La perceriez-vous pas comme on perce les femmes ? » P. de Larivey. 98 Ni négocier. « Pratique n’est en ma bourse esprouvée. » Collerye. 99 Pour qu’elles ne soient plus pendantes, comme elles le sont au vers 72. « Mon quinault dresse les oreilles et lève le groin. » Guillaume Des Autels. 100 Éd. : mermeilles (Des choses étonnantes.) 101 Éd. : parlons (Parlant avec prudence. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 359.) 102 Qu’en faisant à une fille de beaux discours. 103 À son but : coucher avec cette fille. 104 Liée à ce monsieur par contrat. 105 De prime abord. 106 Au son du tambour. Mais « danser » veut dire copuler, et un bedon est un pénis : « Mon flajollet ne vault plus rien,/ Et mon bedon ne veult plus tendre…./ La basse-danse doulce et tendre/ Est hors de mon commandement. » Jehan Molinet. 107 Sans qu’il lui ait donné quelque chose. 108 Je ne suis pas de cet avis. 109 Son amant est coincé. 110 Un galant tel, qu’il se vante que… Même utilisation de « qu’il » au vers 245. 111 Éd. : tel 112 Outre qu’il est plus fier qu’un pet qu’on fait dans une baignoire. « –Et fiers ? –Comme ung beau pet en baing ! » (Mallepaye et Bâillevant, attribué à Collerye.) L’expression complète s’étant perdue, on en est venu à remplacer « fier (ou glorieux) comme un pet » par « fier comme un pou », c’est-à-dire comme un poul [un coq]. Or, nous ne trouvons ni pou ni coq dans cette locution avant l’époque moderne. 113 Qu’elles soient aguerries. « Putain usée ! » Les Chambèrières et Débat. 114 Sont à la mode. « Jeune chair & vieil poisson ; signifie que la chair des jeunes bêtes est ordinairement meilleure à manger que celle des autres, & que les vieux poissons sont au contraire plus excellens que les jeunes. » (Dictionnaire des proverbes françois.) Collerye parle à mots couverts de la chair fraîche [des jeunes filles], et des vieux maquereaux. Ce qui nous conduit tout droit à la Cour. 115 Entretenu. 116 Notre prêcheuse partage avec la belle heaumière, de Villon, l’apparence physique (« le front ridé »), les regrets sexuels (« la haulte franchise/ Que beaulté m’avoit ordonné/ Sur clers, marchans et gens d’Église »), et la morale pratique : « Prenez à destre et à sénestre ;/ N’espargnez homme. » 117 Pas plus qu’un étron. 118 Votre vulve. Cf. Jehan de Lagny, vers 43 et 373. 119 À des imbéciles. Cf. le Pauvre et le Riche, vers 252. 120 De l’argent. « Nous chanterons maulgré tous coquibus./ Le Général a assez de quibus. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) Cf. Maistre Doribus, vers 50. 121 Ne faites abstinence ni les jours de fêtes religieuses (où on ne devait pas travailler), ni les jours maigres (où on devait se ménager). 122 Ne cédez pas trop vite aux hommes. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 420. 123 S’entiche de vous. 124 De bien l’endormir, comme une marmotte qui hiberne. 125 Mené par la bride, comme un cheval. 126 Voilà qui sera, sans délai, la fin du sermon. 127 Couché par écrit : « Je congnoys bien que ne suis pas égal/ Aux orateurs Cicéro et Ovide,/ Pour bien coucher, car de sçavoir suis vuyde. » (Les Fleurs et antiquitéz des Gaules.) Allusion à la couche nuptiale. 128 Comme je vous en ai touché un mot. L’acteur finit sur une ultime gauloiserie.
MONOLOGUE DU RÉSOLU
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MONOLOGUE
DU RÉSOLU
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Roger de Collerye1 naquit à Paris en 1468 et mourut après 1536. En tant que prêtre, il fut secrétaire des évêques d’Auxerre. Sous le pseudonyme de Desbride-gozier2, il tint le même rôle auprès de l’abbé des fous de l’Église d’Auxerre, une société joyeuse, bachique et théâtrale3. En effet, beaucoup de ses œuvres sont dramatiques : le Dyalogue de Messieurs de Mallepaye et de Bâillevant, le Dyalogue pour jeunes enfans, le Dialogue de Monsieur de Delà et de Monsieur de Deçà, la Satyre pour les habitans d’Auxerre, le Sermon pour une nopce (un réjouissant déballage d’obscénités dites par un travesti), etc.
Le Monologue du Résolu, écrit après 1532,4 brocarde la coquetterie des jeunes galants sans le sou. Par sa grivoiserie et sa vivacité, il est très proche des monologues de Guillaume Coquillart5 qui, lui, travaillait pour l’archevêque de Reims. L’acteur joue trois rôles : celui du Résolu, celui d’une femme, et celui d’un mari. Rappelons que Verconus, l’auteur et interprète du Monologue auquel sont introduictz deux advocatz et ung juge6, n’expédia pas moins de quatre rôles en même temps !
D’après le dictionnaire de Furetière, un résolu est « un homme brave, hardy, déterminé, qui ne craint aucun péril, qui est capable de tout entreprendre ».
Les 25 premiers vers jouent sur des rimes cliquetantes (-uc, -oc, -ic, -ec, -ac), qui amusaient beaucoup les Grands Rhétoriqueurs et leurs héritiers. Dans Monsieur de Delà et monsieur de Deçà, Collerye case cinq rimes en -ec. Pour que les rimes cliquetantes libèrent tout leur pouvoir comique, il faut les dire à haute voix, ou les chanter ; ce fut le cas des six poèmes que je publie sous le monologue.
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées en 1536 chez la veuve de Pierre Roffet, à Paris.
Structure : Quintils enchaînés (aabaa/bbcbb), rimes plates, quintils enchaînés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Qu’i vault le songer7 ? Pas le truc8 !
Tant au soir, la nuyct qu’au desjuc9,
Prompt, prest, preux10 d’actendre le choc,
Bon pied, bon œil, frès comme ung suc11,
5 Acoustré comme ung petit duc,
Asseuré, plus ferme qu’ung roc,
Donnez du taillant, de l’estoc12 !
Gardez-vous d’estre prins au bric13.
Baillez14, comptez, payez en bloc,
10 Tousjours joyeulx, franc comme ung coq,
Aussi esveillé qu(e) ung aspic15.
S’on vous menasse, dictes : « Pic16 ! »
À tout propos ayez bon bec17.
Ne soyez longuement au nic18,
15 Mais poursuyvez-moy ric-à-ric19
Voz amourettes chault et sec20.
La fluste, le luc21, le rebec ;
Quant et quant, vostre petit trac22.
Parlez françoys, hébrieu ou grec23 :
20 C’est tout ung, je n’en donne ung zec24.
Vous entrerez, patic patac25,
Bon cueur, bon corps, bon esthommac.
À bien babiller qu’on s’aplique !
Baisez, fatroullez26, tric[que]-trac27,
25 [Torches estainctes]28 ric[que]-rac ;
Montez, grimpez : c’est la pratique29.
Le déduyct finy30, l’or qui clique
Vous leur fourrerez au poignet31.
Se quelque cornart en réplique32,
30 Je suis d’advis qu’on luy aplique
Ung beau soufflet en ung quignet33 !
.
L’autrier au soir, mon œil guignet34
Une mignonne fort humaine,
Qui contre moy se desdaignoit35
35 Ou, à tout le moins, se faignoit
D’une face[tte] assez mondaine36.
Devant son huys je me pourmaine37,
Soubz l’espoir de parler à elle.
Son mari vient, qui se démaine38,
40 Et me dict :
« – Galant, qui vous meine
En ce cartier ? Tirez de l’elle39 ! »
Pour garder l’honneur de la belle,
Je n’y feiz pas longue demeure40.
Puis le mary, à sa fumelle41
45 Hongne, frongne, grongne, grumelle42
Par l’espace d’une grosse heure.
Près la maison, je vous asseure,
Mot à mot j(e) ouÿz leur devis.
Le mari brait ; et la femme pleure :
50 « – Enné43 ! si Dieu ne me sequeure44,
Je mourray d’ennuy45 se je vis46.
Vous avez trèsmauvais advis,
Car sans cesser me tourmentez.
Si mignons sont d’amours raviz
55 Et leurs espritz joyeulx et vifz,
Qu’en puis-je mais ?
– Brief, vous mentez !
– Mon mary, si vous y sentez
Quelque chose, si le me dictes.
– Ouy, par Dieu ! Car vous les temptez47
60 D’ung tas de souhaictz créantés48,
Et voz yeulx en font les poursuictes ! »
Après plusieurs autres redictes
Proférées par ledict mari,
Tost après se trouvèrent quictes
65 De leurs parolles trop despites49,
De quoy je ne fuz pas marry.
Ung mot fut dict (dont je me ry)
Par la mignonne, fort propice,
Moult bien taillé et escarry,
70 Qu’elle avoit aprins en Berry50 :
C’estoit ung mot de haulte lice !
Qu’il y ait cautelle51 ou malice
En elle ? Non, comme je pence.
Aussi ne suis-je pas si nice52
75 Ne, pareillement, si novice
D’en dire mal en son absense ;
Encores moins à sa présence.
S’ainsi estoit, je mentiroye.
Elle est belle et bonne en substance,
80 Je le prens sur ma conscience.
Dire autrement, je ne sçauroye.
Or en effect, je me feroye
Tuer pour elle, et assommer,
Batre, navrer53 jusqu’à grant playe,
85 Foy de mon corps ! Elle est tant gaye
Que je suis contrainct de l’aymer.
Si quelc’un m’en venoit blasmer,
Contrefaisant le loriquart54,
Je luy dirois tost, sans chommer,
90 En ung brief mot, et le sommer55,
En faisant taire le coquart56 !
.
Tantost, je me tire à l’escart57
(La nuyct survint), puis je me couche.
De soupper ? J’en donne ma part :
95 Le Résolu, comme il appart58,
N’est pas fort subject à sa bouche59…
.
Le jour venu, je me descouche60.
Fus-je acoustré, fus-je agencé61,
Bien pigné, miré62. Je me mouche,
100 Je sors, je pars. Puis je m’approuche
Près son huys où je fuz tensé63,
Pour en estre récompensé.
Fortune envoya le milourt64
Jouer aux champs, maisgre, eslencé,
105 Triste et pensif, presque insensé
De jalouzie, sot et lourt.
La Dame me veit, sur le gourt65,
Gay et gaillard selon la mode.
Elle m’appelle brief et court.
110 J’entre gayment dedans sa court,
Aussi fier [comme ung]66 roy Hérode.
Je vous estoys ceinct, sur la brode67,
D’ung beau baudrier riche et plaisant.
Tant soy[t] peu ne sentoys ma gode68.
115 Alors à jazer je m’amode69,
Comme beau parlant bien disant.
La petite tocque duisant70
Sur ma teste, la belle image71,
Pourpoint de satin reluysant,
120 Le saye72 gaillard, non nuysant,
Robbe faicte selon l’usaige,
Bonne trongne[tte]73 et bon visage,
La courte dague, la rapière74,
Bien délibéré, bon courage.
125 D’argent ? Point : ce n’est que bagage75 ;
Aussi, je ne m’en charge guyère…
Quant la mignonne, la gorrière76
Me veit, acoustré en falot77,
El me dist en ceste manière :
130 « – Ennémen, je me tiens bien fière
D’estre aymée d’ung tel dorelot78 ! »
J’estoys faict comme u[ng a]ngelot
Que l’on voit painct en une église.
Demandez au page Chalot79
135 Et à la chambrière Mélot80
S’il n’est pas vray, je m’en advise81.
Dessoubz le pourpoint, la chemise
Froncée ; puis le chappelet82.
Et davantage, quant g’y vise83,
140 Je portoys sur moy, pour devise,
Le gris et bleu84, qui n’est pas let.
« – Hé ! que vous estes propelet85 !
Tout vous siet tant bien !
– Aa ! ma Dame,
Vous le dictes ; mais sotelet86.
145 – Ennémen non, mais gentelet ;
Je le prens sur Dieu et mon âme87 ! »
Lors, el(le) me mist en telle game88
Que je cuidé, de prime face89,
Jouyr de son corps droit et ferme.
150 Et pensant90 faire mon vacarme91,
Elle me dit :
« – Sauf vostre grâce !
Mais cuidez-vous que bien j’osasse
Brizer ainsi mon mariage ?
Nenny, jamais ! »
Lors, sans fallace92,
155 Je cheuz tout pasmé en la place,
Tant fuz navré en mon couraige93.
.
Tantost après, en brief langage,
Pensant la prier d’aultre sorte94,
Le mary revient du vilage.
160 Fût-il détenu95 pour ostage !
Je me cache derrièr’ la porte96.
Ung point y a qui me conforte :
Car je croy que la créature,
De mon ennuy, se desconforte,
165 Et qu’el ne sera plus si forte97
À convertir, par adventure.
Elle est de si bonne nature
Qu’à mon advis, el(le) pensera
Que je n’ay point, par conjecture,
170 Icy esleu ma sépulture98,
Et de ce danger m’ostera.
Le mary vient, tary tara99,
Qui ne faict que brayre et crier.
Corps de moy ! il m’advisera…
175 Non fera… Par Dieu, si fera !
Je suis pis que [je] n’estois hyer100.
Tantost, pour me mieulx ennuyer,
Le mary murmure et quaquète
Puis de Gaultier, puis de Jacquette,
180 De son varlet, de sa chambrière101,
Du chaud[e]ron102, de la chauldière,
De son cheval, de ses houseaux,
Des potz, de la cruche, des seaulx,
De la maison et du mesnage,
185 Du pain, du vin et du potage103,
Du foing, de l’avoyne, du blé…
Sang bieu ! je seroys acablé104,
S’il me trouvoit en ce lieu-cy.
« – Quant vous prenez quelque soucy,
190 Ma femme, c’est bien sur le tard105.
Puis mon varlet n’est qu’ung fétard106,
Ma chambrïère ne vault guyère :
Vous n’avez façon ne manière
De parler franc à leur visage107. »
195 Or pensez alors quel courage
Ses propos me povoient donner,
De l’ouÿr ainsi blazonner !
Eust-il108 bien cryé, bien presché,
Et mon cerveau bien empesché,
200 « – Sus ! acoup, qu’on mette la nappe ! »
Le corps de moy Dieu109 ! s’il attrappe
Le povre gorrier résolu,
C’est faict, il a cuyct et moulu110,
De par Dieu ! La nappe fut mise,
205 Le seigneur et la dame assise,
Et furent servis de leurs mectz.
Lors, le mary, pour l’entremetz111,
[Veult et]112 commande expressément
Que la porte légèrement
210 (Où j’estoys caché) fust fermée.
« – Vous arez cy tant de fumée,
Mon mary !
– Est-il vray, ma femme ?
Je ne veulx donc pas qu’on la113 ferme,
Puisqu’ainsi est.
– Il le vault mieulx :
215 Elle114 est mauvaise pour les yeulx ;
Ennémen, je la crains beaucoup. »
Or suis-je eschappé pour ce coup,
Posé que je soye en malaise115,
Presque aussi plat qu’une punaise.
220 J’eusse voulu, par mon blazon116,
Estre saulté117 en la maison
De mon compaignon118 sans respit,
Tant estoys marry et despit.
Eurent-il disné, grâces dictes119,
225 Le mary, sans autres redictes,
S’en reva monter à cheval
Pour aller à mont et à val120.
.
Est-il party, est-il vuydé ?
Comme ung amoureux bien guydé,
230 Derrièr’ la porte, d’une tire121,
Gaillardement je me retire.
Et pour mon ennuy compenser,
Je vous vins ma Dame embrasser
Et la baise[r] falotement122,
235 Ung petit coup tant seulement.
Pour mieulx à la foy me réduyre123,
En soupirant, el me va dire :
« – Depuis l’heure que je fuz née,
Ne me trouvé aussi tennée124
240 De vous [sça]voir derrièr’ la porte.
– Ma Dame, le dyable m’emporte !
Pour l’amour de vous, sans mentir,
Vouldroys mourir comme ung martyr.
– Enné ! vous estes (se m’eist Dieux125)
245 Le plus doux, le plus gracieux
Que je rencontré de ma vie. »
Et sur ce point126, j’eux grant envye
De luy donner à descouvert,
Joyeusement, la cotte vert127.
250 Mais je différé ung petit128,
Pour tant que129 j’avo[i]s l’appétit
De la prier, premièrement130
Qu’en jouyr tout soudainement.
Car vous sçavez qu’avant [qu’]aymer131,
255 La Dame seroit à blasmer
S’el ne congneust132 l’amant discret,
Léal133 amoureux et secret.
Sur ce point, elle me va dire :
« – Disons quelque chose pour rire,
260 Ainsi que le sçavez bien faire. »
Pour à son plaisir satisfaire,
Tantost me prins à barbeter134,
Deviser, gaudir, caqueter
En faisant ung tas de mynettes135
265 Et façons assez sadinettes136.
Car je congno[i]ssoys la mignote
Estre bien frisque et dorelote137.
Pour tousjours mieulx l’entretenir,
Je luy voys138 telz propos tenir :
270 « – L’ung va, l’ung court et l’autre vient,
L’ung est party, l’autre revient,
L’ung est joyeulx, l’aultre est coursé139,
L’ung est gaudy, l’aultre est farsé140,
L’ung est plaisant, l’aultre advenant,
275 L’ung est franc et l’aultre tenant141 ;
Ceste-cy ayme cestuy-là142,
L’ung va par-cy, l’autre par-là,
L’ung va devant, l’autre derrière,
Ceste-cy n’est pas fort gorrière,
280 Ceste-là s’acoustre gaillard143,
L’ung est moqueur, l’autre raillard.
Ma Dame, il est bruyt par la ville
Que l’ung est lourt, l’autre est habille144,
L’ung est pesant comme une enclume,
285 L’autre est léger comme une plume,
L’ung est trop gras, l’autre trop mesgre,
L’ung est reffait145, l’autre est allègre.
On faict cecy, on faict cela,
L’ung va deçà, l’autre delà146,
290 L’ung est à cheval, l’autre à pié,
L’ung est guecté, l’autre espyé,
L’ung va le pas, l’autre le trot,
L’ung en a peu, l’autre en a trop ;
Puis l’ung dict : “ Vaille que vaille,
295 Je l’aymeray, quoy qu’il en aille ! ” »
Tous ces petitz propos disoye,
Et puis la prier m’advisoye
Estre de son corps jouyssant147.
Par aucuns coups148, je soupiroye
300 Et son doulx maintien aspiroye
D’ung regart de mes yeulx issant149,
Comme Dame bien congnoissant
Par ung soupir fort savoureux
D’ung voulloir gay et florissant.
305 Elle me dist en se150 baissant :
« – Vous estes léal amoureux,
Hélas, voire ; mais malheureux
Se vous me faillez151 au besoing !
À ung tel mignon plantureux152,
310 Résolu et avantureux,
Je ne veulx faillir près ne loing153. »
Lors, je torche mon petit groing154
En luy présentant le déduyt.
Et fut faict à ung joly coing155
315 Le « coup156 » amoureux, en grant soing,
Bien délibéré, bien conduict.
.
Suis-je façonné157 ? Suis-je duict ?
Me fault-il riens158 ? Vous le voyez :
J’ay mes despens159, j’ay mon pain cuyt160.
320 À la « voye161 » je suis tout réduit.
Il est ainsi que vous l’oyez.
Or, Messieurs, soyez avoyéz
De dire à ung mot absolu162
Qu’on vous a icy envoyéz
325 Nompas comme gens desvoyéz
Pour escouter le Résolu.
.
*
[ SOTTE ] BALLADE 163
Se je porte en ma devise coac164,
Et se d’Amours j’ay frappé sur le pec165,
Et je despens tous les jours ung patac166,
Ou se je suis faitis comme ung gros-bec167,
5 Ce sont amours qui, par hic ou par hec 168
(La leur mercy !) m(e) ont si bien prins au bric169
Que j’ayme et sers la belle ric-à-ric170,
Qui mieulx me tient qu’à corde ny [qu’à croc]171.
Souvent, s’en va chantant de blic en bloc172 :
10 Oncques n’oÿstes [ung] si très terrible huc173 !
Amours, Amours, benoît soit ton afroc174 !
S’il n’y a gaing, au moins y a-il pluc175.
.
Elle a le corps aussi wide qu’ung sac176,
Et a le cul aussi plat comme ung hec177 ;
15 Dedens son ventre a des tripes le plain bac,
Et a la barbe aussi longue qu’ung Grec.
Elle ressemble, de visage et de bec,
À ung vielz singe qui put comme ung aspic178.
Quant elle a soif, la gueule baye [à cric]179,
20 Et puis y tumbe de servoise plain broc.
Et pette et rote, et dit :
« Eschec et roc180 !
Beau doulx amy, enuy[t] m’aras au juc181,
Car plus vous ayme de taille que d’estoc182 !
S’il n’y a gaing, au moins y a-il pluc. »
.
25 Puis se rebrasse183 jusques à l’estomac,
Et voit son cuir de gratelle tout blec184 ;
Et puis piss’-elle ung grant desrivé185, flac186,
Tout aussi cler comme l’eaue de Robec187.
En son pertuys188 se musseroit l’espec,
30 Car il fut fait ou de hache ou de pic.
En ses jambes a [tant] gratelle et fic189
Qu’on en feroit morseaulx à haricoc190.
Les yeulx a vairs191 comme ung moyne a [le] froc.
Bien devroit [cy] ung roy, ou prince ou duc
35 Se contempter d’amours sur l’establoc192 :
S’il n’y a gaing, au moins y a-il pluc.
.
Prince : vermeil comme creste de coq
A le brodier193, aussi large qu’ung soc ;
Ung compaignon qui y seroit au cruc194
40 Pourroit bien dire (et feust195 de Languedoc) :
« S’il n’y a gaing, au moins y a-il pluc. »
.
*
BALLADE POUR UNG VIEIL
GAUDISSEUR CADUCQUE
Jehan Molinet (1435-1507) 196
.
Adieu, Vénus et Mars197 ! De moy est pic198 ;
Je suis proscript, et jà passé au bac199 :
Car quant je veulx, à bauldryer200 ou à cric201,
Tendre l’engin, j’ay mal en l’esthomac.
5 Les reins me tuent, les nerfz me dient « crac ».
Je décline par hic et hec et hoc 202.
J’en lairray faire à Lancelot203 du Lac,
Car plus ne puis, de taille ny d’estoc204.
.
Pour vous servir, j’ay passé ric-à-ric205
10 De maint dangier, qui bien sçauroit mon trac206 ;
Et qui m’eust sceu207, j’eusse esté pris au bric
Et dépecé comme chair en boussac208.
Ores, ne suis Bourguignon n(e) Armaignac209 ;
Tout autant m’est Flandres que Languedoc.
15 J’en lairray faire à Lancelot du Lac,
Car plus ne puis, de taille ny d’estoc.
.
Plus je ne quiers q’un beau feu et le glic210,
Force bon vin, dragée et codoignac211 ;
Car Amour hait gens vieulx comme ung aspic212,
20 Ainsi que dit maistre François Pétrac213.
Je suis mouillé, et retraict comme ung sac214 ;
Et n’y voy tour, de hanche ne de croc215.
J’en lairray faire à Lancelot du Lac,
Car plus ne puis, de taille ne d’estoc.
.
25 Prince d’amours : je ne compte ung patac216 ;
Car je voy bien, selon mon armanac217,
Qu(e) aage m’a jà donné eschec et roc218.
J’en lairray faire à Lancelot du Lac,
Car plus ne puis, de taille ny d’estoc.
.
*
BALLADE DE CHAMP ROYAL
FINISSANT TOUTE PAR .C.
André de La Vigne (~1470-~1526) 219
.
SATHAN
Prodigue220 infect portant d’Enfer le froc,
Corps invoqué221, de tous venins le broc222 :
Que te fault-il, lupardin appostac223 ?
Puys224 infernal, dampné gouffrineux225 roc !
5 Deable d’Enfer, que vault ton villain croc,
Quant ton parler ne prisons ung patac226 ?
Tu va[s] hurlant, cryant « patic, patac227 ».
Que malle bosse, malle[s] poisons228, maultac
Et malle grayne te puisse prandre au bric229,
10 Ort, vil, villain, puant coquodrillac230,
Loup rabissant231 pour lequel je dys : « Gnac ! »
Que te fault-il, paillart, puant aspic ?
.
La malle mort –soit de taille ou d’estoc–
Te puisse brief serrer le palletoc232,
15 Bricqueboiller233, et broiller234 en ung lac !
Le feu d’Enffer te présente le choc235
Pour te brusler (soit en tâche ou en bloc236)
Et boursouffler au charonnyeux bac237,
Ou t’emporter, soit d’aboc ou d’abac238,
20 Au paludin239 sulphureux Bulcibac !
Désespéré, superbe porc-espic,
Sot plus doubteux que bosse ny entrac240 :
Je viens le cours241 vers toy, faisant tric-trac.
Que te fault-il, paillart, puant aspic ?
BURGIBUS
25 Gresle, tempeste, en faisant « tic, tac, toc »
Te puisse prandre d’abac, aussi d’aboc !
Prince portant de tous tourmens le sac,
Orrible monstre, loupineux242 sennédoc,
Dragon pugnais243, ort bazelique-coc244 :
30 Pourquoy bray-tu ? J’aporte mon bissac245.
Vécy Bérith (le seigneur de Boussac246)
Et Astaroth (qui va disant « sic-sac247 »),
Courans, brouans plus tost qu’on ne dit « pic »248
Soubz ton obscur, trémébundeux249 tillac,
35 Affin qu’Enfer ne s’en voise à basac250.
Que te fault-il, paillart, puant aspic ?
BÉRITH
Prince dampné, […] scrupuleux coac251,
Germe mauldit, corps d’infernal eschac252,
Insaciable cornu, tigre estopic253,
40 Becjaulne254 infect, téméraire ypodrac255,
Fol enraigé : qu’as-tu mengé ? Poac ! poac256 !
Que te fault-il, paillart, puant aspic ?
.
*
NOËL EN FORME DE BALLADE
SUR LE CHANT « J’AY VEU LE
TEMPS QUE J’ESTOYE À BAZAC »
Clément Marot (1496-1544) 257
.
Or est Noël venu son petit trac258.
Sus doncq ! aux champs, bergères de respec259 !
Prenons chascun panetière et bissac,
Fluste, flageol260, cornemuse et rebec.
5 Ores n’est pas temps de clorre le bec :
Chantons, saultons et dansons ric-à-ric261 !
Puis allons veoir l’Enfant au pouvre nic262,
Tant exalté d’Hélye, aussi d’Énoc263,
Et adoré de maint grant roy et duc.
10 S’on nous dit « nac264 », il fauldra dire « noc265 ».
Chantons Noël, tant au soir qu’au desjuc266 !
.
Colin, Georget, et toy, Margot du Clac267 :
Escoute ung peu, et ne dors plus, illecq268.
N’a pas long temps, sommeillant près d’un lac,
15 Me fut advis qu’en ce grant chemin sec,
Ung jeune enfant se combatoit avec
Ung grant serpent et dangereux aspic ;
Mais l’enfanteau, en moins de dire « pic »269,
D’une grant croix luy donna si grant choc,
20 Qu’il l’abbatit et luy cassa le sucq270.
Garde n’avoit de dire, en ce desroc271 :
« Chantons Noël tant au soir qu’au desjucq ! »
.
Quant je l’ouÿ frapper (et ticq ! et tacq !),
Et luy donner si merveilleux eschec,
25 L’ange me dist :
« D’un joyeulx estomach,
Chante Noël en françoys ou en grec,
Et de chagrin ne donne plus ung zecq272 ;
Car le serpent a esté prins au bricq273. »
Lors m’esveillay. Et, comme fantasticq274,
30 Tous mes troupeaux je laissay près ung rocq.
Si m’en allay, plus fier q’un archeduc,
En Bethléem. Robin, Gaultier et Roch275 :
Chantons Noël, tant au soir qu’au desjucq !
.
Prince276 dévot, souverain catholicq :
35 Sa maison277 n’est de pierre ne de bricq,
Car tous les vens y soufflent à grant floc.
Et qu’ainsi soit, demandez à sainct Luc278.
Sus doncq, avant ! Pendons soucy au crocq !
Chantons Noël, tant au soir qu’au desjuc !
.
*
J’AY VEU LE TEMPS
QUE J’ESTOYE À BAZAC 279
.
Hé ! J’ay veu le temps que j’estoye à bazac280,
Et qu’avec moy chevauchoit le Soudenc281.
Je282 mys le siège tout droict devant Uzac,
Où il y a troys milliers de hazenc283
En garnison, et autant d’espélenc284,
5 Ung chascun d’eulx bon[ne] arbalestre au poing ;
De tirer fort ilz prenoient moult grant soing.
Quant est à moy, j’en eux mainct horion285,
Dont jamaiz jour je n’en seray vengé.
Regardez donc se l’on doibt dire ou non :
10 « Le pain au fol est le premier mengé.286 »
.
Hé ! Il n’y a point, d’ici en Armignac287,
Ne par-delà la duché de Millenc288,
Ung si beau nedz que celuy Jehan Sénac :
Il me semble d’ung duc ou chambrelenc289,
15 Car il y a mille rubis de renc290,
Bien arrunéz291, pendant jusq[ue]z au groing292,
Tant qu’on le voit de cinquante lieux loing,
Plus reluysant que ne faict ung poupon293.
Pleust ore à Dieu qu’au jour d’huy fust logé
20 Dedens Brun-val294, au cul de Mouquandum295 !
Le pain au fol est le premier mengé.
.
Hé ! Je m’en alloys l’aultre jour à Lussac,
Et rencontray, au chemin de Hodenc,
Hé ! Une fillette qui portoit ung bissac ;
25 Laquelle avoit sus moy l’œil et la dent296.
[………………………………….. -ent.]
À tant s’arta297, me tirant en ung coing.
Couart je fus : me retiray au loing,
Dont elle enfla plus gros qu(e) ung scorpion,
Et, de grant deuil, m’eust voluntiers mengé !
30 Ce nonobstant, m’en allay mon tré[t]on298.
Le pain au fol est le premier mengé.
.
*
LA FIÈBVRE QUARTE 299
.
La fièbvre quarte assaillit Lohéac300
Par le morceau d’un harenc célerin301.
La fièbvre quarte assaillit Lohéac,
Qui piéçà fût envoyé en basac302,
5 Se Dieu n’eust eu pitié du pèlerin :
Il n’est sirop, plantain303 ne mestridac,
Ne vin qu’on boit à long trait ou grant flac304
(Soit de Beaulne, ou d’Aus[s]erre, ou de Rin305),
Ne médecin (pour quelque bon florin)
10 Qui [onc] le sceust restaurer en son trac306.
Prendre puist-on l’ort, vil, meschant marin307
Qui luy baillast si mortiféreux drac308
Par le morceau d’un harenc célerin !
.
*
1 Pour sa biographie et ses œuvres complètes, voir : Sylvie Lécuyer : Roger de Collerye. Un héritier de Villon. Champion, 1997. 2 On lui prête aussi le surnom de Roger Bon Temps. Dans une ballade intitulée Bon Temps, il écrit : « Je suys Bon Temps, vous le voyez. » Dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre, un personnage nommé Bon Temps dit : « Je suis Bon Temps, qui d’Angleterre/ Suis icy venu. » Ces deux seuls éléments ont suffi pour créer une légende. Roger Bon Temps, qui vécut au XIVe siècle, était proverbial au XVe : René d’Anjou lui donna la parole en 1457 dans le Cuer d’Amours espris, et nous offrit même son portrait. Voir aussi le Prince et les deux Sotz (vers 10). Toutefois, les suppôts de l’Abbé des Fous ont sans doute fait un lien entre le prénom Roger et le personnage de Bon Temps, même s’il n’en reste aucune preuve écrite. 3 Son Cry pour l’abbé de l’Église d’Ausserre et ses suppostz imite les « cris » qu’on déclame au début des Sotties. 4 Clément Marot fit parvenir à Collerye un exemplaire de l’Adolescence clémentine dans l’édition de 1532. (Voir Sylvie Lécuyer, p. 15.) On y trouve un Noël dont Collerye s’est inspiré pour écrire les 27 premiers vers du Résolu. Je publie ce poème en appendice. Voir l’article magistral de Jean-Charles Monferran : Chantons Noël, et en l’occurrence sa note 31. 5 ŒUVRES. Suivies d’œuvres attribuées à l’auteur. Édition critique de Michael John Freeman. Droz, 1975. 6 Ou le Bien et le mal des Dames. Montaiglon, t. XI, pp. 178-191. 7 (Pour séduire une femme,) que vaut l’hésitation ? « Je m’y en voys sans plus tarder,/ Car riens n’y vault le songer. » (Le Badin qui se loue.) Les 31 premiers vers du Résolu constituent un poème satirique dans lequel un vieux dragueur enseigne le métier à un jeune galant. Collerye eut la bonne idée d’illustrer ce poème avec le monologue qui suit. On remarque une légère inadvertance : dans le poème, c’est l’amant qui paye, alors que dans le monologue, c’est la maîtresse. 8 Cela ne vaut pas la ruse. « En lui n’eut nule fiction,/ Barat [tromperie], truc ne décepcion. » ATILF. 9 Au lever. Voir Marot, vers 11. 10 « Prestz, prins, promps, preux. » (Collerye, Mallepaye et Bâillevant.) Le choc = l’assaut : voir La Vigne, vers 16. 11 Comme un jus de fruit. 12 Frappez d’estoc et de taille, employez tous les moyens. Double sens érotique : cf. le v. 68 du Tournoy amoureux, et le v. 8 de Molinet. 13 D’être pris au piège (par le mari). Voir le v. 6 de la Sotte Ballade, le v. 11 de Molinet, le v. 9 de La Vigne, le v. 28 de Marot. 14 Donnez de l’argent à votre dulcinée. Voir les vers 27-28. 15 Qu’une vipère. 16 C’en est fait de vous. « Il est prins au bric,/ Il est perdu, il en est pic. » (Arnoul Gréban.) V. Molinet, vers 1. 17 Ayez une grande gueule. « Elle a bon recueil et bon bec. » Collerye, Delà et Deçà. 18 Au nid. Voir Marot, vers 7. 19 Rigoureusement. « Allons partir [partager] notre butin/ Ric-à-ric, à chacun sa pièce. » (A. Gréban.) Voir le v. 7 de la Sotte Ballade, et le v. 6 de Marot. 20 Avec ardeur. « Elle le baille chault et sec. » Collerye, Delà et Deçà. 21 Le luth. Le rebec est un violon à 3 cordes. « À la fleute, au luc, au rebec/ Dance tous les jours. » (Collerye, Delà et Deçà.) Pour séduire sa belle, un galant doit lui donner la sérénade. 22 En même temps, votre chasse érotique. « Grant femme seiche, noire et mesgre,/ Qui veult d’amour suivre le trac. » (Guillaume Coquillart.) Voir le v. 348 du Faulconnier, et le v. 10 de Molinet. 23 Voir Marot, vers 26. 24 Pas même une coquille de noix. « De regrectz, el n’en compte ung zec. » (Collerye, Delà et Deçà.) Voir Marot, vers 27. 25 En disant patati, patata. Chez G. Coquillart, cette expression désigne les futilités qu’on roucoule avant le coït : « Nous entre-tendismes le bec./ Patic, patac, boutez illec [là-dedans] ! » (Monologue du Baing.) Voir La Vigne, vers 7. 26 Farfouillez sous la robe de votre amie. « Après baiser et fatrouller,/ Dire adieu par l’huys de derrière. » Le Monologue Coquillart (dont Collerye s’inspire). 27 Faites vos manœuvres d’approche. « Je vous fays mon beau trique-trac. » Le Faulconnier. 28 Éd : Torchez,estraictes (Une fois les torches éteintes. « Maint mignon perruquet/ Frappe du billart au tiquet/ Quant on a les torches soufflées. » Régnault qui se marie à la Vollée.) « Riqueraque : Throughly, wolly. » Cotgrave. 29 Montez sur la femme, c’est ainsi qu’on doit faire. « (Il) monta dessus pour veoir de plus loing, et luy fit ung bon “coup” sans que sa femme en sceût oncques rien. » Nicolas de Troyes. 30 Une fois le coït terminé. « Bailler aux dames le déduyt,/ Ferme comme ung sanglier en rut. » (Monologue Coquillart.) Idem vers 313. 31 Dans leur poing. 32 Si le cocu se plaint. 33 Sur le coin de la figure. 34 L’autre soir, mon œil lorgnait. 35 Faisait la dédaigneuse. 36 Me montrait une figure distante. « Sa facète vermeillète/ Come rosier floris. » Godefroy. 37 Je me promène. Le Résolu est particulièrement visible, puisque la maison est à l’écart du village (vers 159). 38 Qui s’agite. 39 Envolez-vous, partez ! 40 Le Résolu fait semblant de partir, mais il s’embusque derrière un arbre de la cour, face à la porte ouverte. 41 À sa femme. Cf. Frère Frappart, vers 368. 42 Il rouspète, se renfrogne, grogne, grommelle. « Grongnars, fongnars, hongnars. » Collerye, Bon Temps. 43 Vraiment. « Enné » et « ennément » sont des interjections féminines : voir Ung jeune moyne (vers 187), et le Povre Jouhan (vers 199 et passim). Ces jurons réapparaissent aux vers 145, 216 et 244, ce qui démontre que lesdits vers sont prononcés par la femme. 44 Ne vient à mon secours. 45 De tourment. On retrouve ce sens fort aux vers 164, 177 et 232. 46 Si je vis jusque-là. Trait d’humour comparable à celui de Rabelais : « Et vesquit jusques à la mort. » (Gargantua, 21.) Ou de Jehan d’Abundance : « Nous vivrons jusques à la mort. » (Testament de Carmentrant.) 47 Vous les tentez. 48 Éd : crectes (De souhaits dont vous leur garantissez l’accomplissement. La rime est en -antés.) 49 Agressives. 50 Bren est la forme berrichonne de bran [merde]. Littré en donne l’étymologie : « Berry, bren, prononcé brin, ordure. » Cf. la Seconde Moralité, vers 293. 51 De la ruse. 52 Si naïf. 53 Blesser jusqu’au sang. 54 Le fanfaron. Cf. le Nouveau marié, vers 191. 55 Et je le sommerais de se taire. Ce « bref mot » pourrait bien être celui que la femme a lâché devant son mari. 56 Cet imbécile. 57 Bientôt, je rentre chez moi. 58 Comme cela est visible : l’acteur qui joue ce meurt-de-faim doit être maigre. 59 N’est pas très porté sur la nourriture. 60 Je me lève. 61 Bien attifé. « Pigner, mirer ou s’agencer. » Monologue Coquillart. 62 Bien peigné, miré dans une glace. Tous ces verbes s’appliquent aux femmes : « Pluseurs femmes, en leur atour,/ Mectent grant paine et grant labeur…./ Dès le matin au point du jour,/ Pignent et mirent. » Jean Dupin. 63 Réprimandé par son mari. 64 Le milord : son mari. « L’une, pour ung millourt saisir,/ De l’oueil gettera mainte larme. » Coquillart, Monologue des Perrucques. 65 Vêtu à la mode. « De ces varlès dymencherés [endimanchés]/ Qui sont vestus sur le gourt. » Coquillart, Monologue du Puys. 66 Éd : qu’ung (« Marchant fier comme ung roy Hérode. » Mellin de Saint-Gelais.) « L’acteur qui jouait ce personnage dans les Mystères était somptueusement habillé. » Sylvie Lécuyer, p. 513. 67 Sur le brodier, sur le cul. « Seinctures floctant sur la brode. » (Saint-Gelais.) Les snobs laissaient glisser leur ceinture au-dessous de la taille ; la femme de Martin de Cambray (F 41) oblige son époux à porter sa ceinture très bas, pour qu’il en soit « ceint sur le cul ». Cette expression était devenue fort péjorative, comme en témoigne Pathelin : « Le meschant villain challemastre/ En est saint sur le cul ! » 68 Aucunement je ne sentais la brebis. « J’ay trois vaches, une chèvre et une noire gode. » (Huguet.) Sentir son = puer : « Un homme laid, sentant mieux son bouc puant, ord et lascif, que son homme. » Brantôme. 69 Je me mets à jaser. 70 Éd : duissant (Comme il convient, c’est-à-dire penchée sur l’oreille : v. la note suivante.) 71 Médaille ou petit portrait fixé à la coiffure. « Bonnet renversé de guingant [de guingois],/ La belle ymaige sur l’oreille. » Monologue Coquillart. 72 Sayon, manteau léger. « Pour son saie furent levéz dix-et-huyt cens aulnes de velours bleu. » (Gargantua, 8.) Sai-e compte pour 2 syllabes. 73 Petit visage. « Vous le sçaurez, doulce trongnecte,/ Vous le sçaurez, ma mignonnecte. » (ATILF.) Pour se rajeunir et s’embellir, le Résolu se décrit avec beaucoup de diminutifs : vers 5, 132, 144, 264, 265… 74 L’épée. 75 Qu’une chose encombrante. « D’avoir soulcy n’est que bagage. » Collerye. 76 Gorrier = élégant. Idem vers 202 et 279. 77 En galant. « Ton dorelot,/ Ton mignon, ton petit fallot. » Le Dorellot aux femmes. 78 Mignon. « Je me fis dorelot/ Et mignon. » (Coquillart, Monologue du Baing.) Cf. le Dorellot aux femmes. 79 Ce page et cette chambrière servent la dame et son mari. On reparle d’eux aux vers 180 et 191-192. Dans le Monologue Coquillart, « Charlot le paige » et la chambrière sont également au service de la bien-aimée. 80 André de La Vigne, dans la Farce du Munyer, donne à une voisine le nom de « Mélot ». 81 Maintenant que j’y pense. 82 Le bracelet de tissu. « J’avoye le pourpoint de satin (…),/ Et aux manches le chappelet/ Joyeulx, en la manche attaché,/ De velours. » Monologue Coquillart. 83 Et en plus, maintenant que je m’en avise. 84 Le gris symbolise l’espérance, le bleu symbolise l’amour. « Le gris me plaist, le bleu vous est décent [vous convient] ;/ Telles couleurs tousjours porter je vueil. » Collerye, L’Amy. 85 Propre, gracieux. « Il est gaillard et propelet. » Collerye. 86 Je suis plutôt un sot. 87 Je vous le jure. 88 À un tel niveau. « Et me mist-on en telle game/ Que la dame et la chambèrière/ Me jonchièrent. » Monologue Coquillart. 89 Que je pensai, de prime abord. 90 Alors que je pensais. Même tournure à 158. 91 Un assaut sexuel. « Mais aux assaulx et aux vacarmes/ D’amours, une dame en vault dix. » Collerye, Dyalogue des Abuséz du temps passé. 92 Sans mentir. 93 Atteint dans mon cœur. En principe, les évanouissements sont réservés aux femmes. 94 Alors que je pensais le lui demander autrement. 95 Éd : descendu (Que ne l’a-t-on gardé en otage ! « Il estoit détenu en ostage. » Gabriel Chappuys.) Les deux fils de François Ier, détenus en otages par Charles Quint, avaient été libérés en 1530. Collerye salua leur retour dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre. 96 Le Résolu est caché entre le mur et la porte d’entrée, qui va rester grande ouverte. On retrouve la graphie « derrier » aux vers 230 et 240. 97 Si difficile. 98 Que je n’ai pas l’intention de passer l’éternité derrière cette planche. 99 Ceci, cela. Cette onomatopée imite le bavardage, comme « patic patac » au vers 21. « Nous parlasmes, tarin, tara. » Monologue Coquillart. 100 La veille, quand l’époux avait fait fuir le soupirant de sa femme. Chez Collerye, « hier » est presque toujours monosyllabe, d’où mon insertion. 101 « Il caquette/ Puis de Gaultier, puis de Jacquette,/ Il tance puis la chambèrière. » Monologue Coquillart. 102 Collerye écrit dans un décasyllabe : « Chauderonnier de dueil esvanouy. » (À Monsieur le lieutenant civil.) Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 103 De la potée. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 645. 104 Terrassé. Le mari est certainement plus fort que ce freluquet. 105 Quand vous vous occupez de quelque chose, c’est trop tard. 106 Qu’un paresseux. « On ne luy sceût pot des mains arrachier :/ De bien boire ne fut oncques fétard. » (Villon.) Étymologiquement, le fait tard est l’égal du fait néant. 107 Vous ne savez pas les commander. 108 Quand il eut. Même tournure à 224. 109 Même juron dans le Cousturier et le Badin, vers 118. 110 C’en est fini de lui. Dans le Monologue Coquillart, l’amant caché dit : « Le corps bieu ! j’estoye résolu,/ J’avoye tout cuyt et moulu. » C’est dans cette phrase que Collerye a dû piocher le nom du Résolu. Voir Sylvie Lécuyer, p. 84. 111 Au milieu du repas. 112 Éd : Il (« Dieux veult et commande expressément que on aime son anemi. » Christine de Pizan.) 113 Éd : le (Ferme se prononce farme, comme à 149, et rime avec femme.) 114 La fumée de la cheminée. 115 Bien que je sois inconfortablement installé. « Ung bon coquin (…)/ Ne s’en va point, posé qu’on le menace. » Collerye, Complaincte d’ung povre homme infortuné. 116 Par un tour de passe-passe. 117 Transporté. 118 De mon compère. Mais de la part d’un jeune homme si efféminé, on ne peut pas exclure une allusion homosexuelle, d’autant que « être sauté » est l’exact synonyme de « être sailli ». 119 Quand ils eurent dîné et récité les grâces. 120 « Puis après monta à cheval/ Et en courant à mont, à val. » Collerye, Sermon pour une nopce. 121 De derrière la porte, d’un seul coup. 122 Plaisamment. « N’est-ce falotement mourir, quand on meurt le caiche [le pénis] roidde ? » Rabelais. 123 Pour mieux m’apaiser. 124 Tannée, tourmentée. « De ma vie, ne fus plus tenné/ Que je fus à ceste heure-là. » Les Maraux enchesnéz. 125 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! « Se vous n’estes bons, se m’eist Dieux,/ Je m’en iray en aultres lieux. » Collerye. 126 À ce moment. Idem vers 258. 127 « Donner la cotte-verte, c’est baiser quelque fille ou femme sur l’herbe. » Dictionaire comique, satyrique. 128 Un peu. 129 Parce que. 130 Avant. Par galanterie, le Résolu ne violera pas sa bien-aimée. 131 Qu’avant de faire l’amour. « Mais je vous tiens si saige & si experte/ Que vous voulez, sans personne blasmer,/ Pour le plus seur, congnoistre avant qu’aymer. » Collerye, Épistre. 132 Éd : congnoist (Si elle n’était pas sûre que son amant fût discret.) 133 Loyal. Le Résolu est agréé comme loyal amoureux au vers 306. 134 Je me mis à bavarder futilement. Ce verbe s’applique surtout aux femmes. 135 De minauderies. « Tant de propos, tant de minettes,/ Et tant de façons sadinettes/ Que, par sa parolle mignote,/ J’en cuidoye jouyr. » Monologue Coquillart. 136 Gracieuses. « Admenez-y voz femmes sadinettes. » Collerye, Cry pour l’abbé. 137 Éd : dorolote (Vive et mignonne. Voir le vers 131.) 138 Vais. D’habitude, ces propos insignifiants sont tenus par des femmes. L’acteur doit se livrer à un numéro de mime pour camper tous les personnages dont il parle. 139 Courroucé. 140 L’un est réjoui, l’autre est moqué. 141 L’un est généreux et l’autre est avare. « (Il) me fault estre chiche et tenant. » Collerye, Rondeau. 142 Celui-là aime celle-ci. Le sujet et le complément sont inversés. 143 Gaillardement, audacieusement. 144 Habile. 145 Rassasié. 146 Le passage 270-293 démarque le Monologue Coquillart : « On faict cecy, on faict cela,/ On va par-cy, on va par-là. » 147 Je m’avisai de la prier de me laisser jouir de son corps. 148 Souvent. 149 Sortant de mes yeux. La tirade 299-304 parodie le discours amoureux : elle aligne tous les poncifs obligatoires, mais elle est vide de sens. Comble de la dérision, le cérémonial courtois est déployé par une mauviette et une petite bourgeoise. 150 Éd : ce (Le Résolu est à genoux devant elle.) 151 Si vous me faites défaut. 152 Fastueux. 153 De près ou de loin. L’amant a débité le discours protocolaire ; la maîtresse, convaincue légalement, peut donc s’offrir à lui sans passer pour une femme facile. 154 Je m’essuie la bouche. Double sens : Je la frappe avec mon gland. « Mon quinault [pénis] dresse les oreilles et lève le groin. » Guillaume Des Autels. 155 Dans son joli sexe. « Ung gentil gorgias de Court (…)/ Qui luy frapperoit sus son coing/ D’ung gros martel pesant et lourt. » Jehan Molinet. 156 Même sens que dans la note 29. Voir encore le v. 388 d’Ung jeune Moyne, et le v. 90 de Frère Guillebert. 157 Formé aux choses de l’amour. « Qui se façonne/ Joyeusement de complaire à sa Dame. » (Collerye, Épistre.) « Duit » a le même sens. 158 Me manque-t-il quelque chose ? 159 Ma cliente me rembourse mes frais. 160 Villon emploie cette expression pour dire qu’il est entretenu par la Grosse Margot : « J’ay mon pain cuit./ Je suis paillart, la paillarde me suit. » Collerye évoque un autre gigolo dans le Sermon pour une nopce : « J’ay veu tel gallant, qu’il se vente/ Que les filles luy doibvent rente,/ Et qu’il leur faict tel grant honneur/ De les prier de déshonneur. » 161 À son vagin. 162 Je vous engage à dire d’un mot définitif. 163 Comme les 25 premiers vers du Résolu, ce poème — qui fut abusivement attribué à Octovien de Saint-Gelais — joue sur des rimes cliquetantes, aussi appelées « rimes rauques » (v. Jean-Charles Monferran). Outre la finale en « c », l’auteur s’impose deux autres contraintes : presque toutes les rimes sont des monosyllabes, et leurs voyelles suivent l’ordre alphabétique : a, e, i, o, u. Ces contraintes furent adoptées par Marot. La grossièreté des rimes s’accorde bien à celle du contenu, comme l’avait déjà compris le troubadour Arnaut Daniel, dont un sirventés hautement scatologique commence par 9 rimes en -ècs. J’utilise le ms. Vu 22 de la Bibliothèque royale de Stockholm, qui est plus correct et plus complet que les mss. de Paris et de Berlin. 164 Si mon blason représente un crapaud (voir La Vigne, vers 37). Certains lisent : crac — Paris donne : coac — Berlin donne : cohac — La Chasse et le départ d’Amours donne : quoac 165 Le pieu, à interpréter comme la flèche du dieu Amour, Cupidon. 166 Ms : pastac (Une pièce de monnaie provençale.) Voir le v. 25 de Molinet et le v. 6 de La Vigne. 167 Beau comme un passereau. 168 D’une manière ou d’une autre. Voir Molinet, vers 6. 169 Au piège. 170 Rigoureusement (note 19). On ignore si cette ballade a été composée avant celle de la Grosse Margot, qui débute ainsi : « Se j’ayme et sers la belle de bon hait. » Les deux ballades, très proches par leur thème et par leur style, voisinent d’ailleurs dans le ms. de Stockholm et dans celui de Berlin. 171 Ms : anoc (Le ms. fr. 1719 de la BnF donne ici : qua crocq ) 172 À gros traits. « Nous avons en bloc et en blic/ Marchandé. » Pierre Gringore. 173 Cri. Cf. Pates-ouaintes, vers 411. 174 Béni soit ton règne. « Et qui mis l’Archiduc en pitoyable affroc. » Première Balade sur la naissance de la Fronde contre le Mazarin (elle est entièrement bâtie sur des rimes cliquetantes). 175 En argot, rétribution qu’on accorde aux prostituées. Voir le v. 31 de la Résurrection Jénin à Paulme, et le v. 155 du Dorellot. 176 Aussi fripé qu’un sac vide. Voir Molinet, vers 21. 177 Qu’une porte. 178 Ms : hasic (Qui pue comme un serpent. Voir le « puant aspic » de La Vigne, vers 12.) 179 Stockholm : aglic — Paris : aclic — La Chasse et le départ d’Amours : a tric (Elle ouvre la bouche en grand, comme si un cric d’arbalète l’écartait. Voir Molinet, vers 3.) 180 Échec et mat. Voir Molinet, vers 27. 181 Cette nuit, tu m’auras sur ton perchoir. « Et quand Hacquin fut juché, elle luy fist tout mettre (…), & ne voulut oncques lâcher Hacquin qu’il n’eust faict trois fois sans déjucher. » Les Joyeuses adventures. 182 J’aime mieux la taille de votre braquemart que sa pointe. « Femme n’est vivant qui me vaille/ Pour combatre en ceste bataille/ Où l’on fait son mary coqu ;/ Car j’ay harnoys, targe et escu/ Qui moins craint l’estoc que la taille. » Rondel. 183 Elle retrousse sa robe. 184 Blet. « Pommes blecques. » (Godefroy.) La femme a la peau rougie à force de se gratter. 185 Un débordement. 186 Onomatopée imitant le bruit de l’eau qui coule. « Et ma bouteille a fait flac. » (Godefroy.) Voir la Fièbvre quarte, vers 7. 187 Cette rivière qui traversait Rouen était particulièrement peu limpide, à cause des rejets provenant des teintureries. « Et à Robec, qui est tant ord. » La Muse normande. 188 Dans son trou. Cf. le Poulier, vers 599. Un espec est une épeiche, un pivert, qui se niche dans les trous des arbres. 189 De verrues autour de l’anus. 190 Le haricot est un ragoût composé de morceaux de viande. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 647. 191 Verts. Le froc des moines est de la couleur de la crasse : cf. les Rapporteurs, vers 182. 192 De faire l’amour sur l’établi. « (Il) coucha sur l’establit d’un cousturier. » (ATILF.) Tous les métiers relevant du compagnonnage avaient leur propre jargon. Aujourd’hui encore, les finales en -oc sont naturellement argotiques : vioc (vieux), médoc (médicament), pédoque (pédé)… 193 Elle a le cul (v. la note 67). « Il a le brodier et la pance/ Plus pesantz que nostre jument. » Le Gaudisseur. 194 Pendu comme à un crochet, en argot. « Je le vous grupperay au cruc ! » Rabelais, Tiers Livre, 12. 195 Fût-il. Mais il aurait alors parlé la langue d’Oc, et non l’argot. 196 Le jouisseur impuissant est un des thèmes favoris de Molinet. J’utilise le Ms. fr. 1717 de la BnF. 197 Je renonce au plaisir et à la guerre. 198 C’en est fait de moi (note 16). 199 J’ai traversé le fleuve de l’Enfer dans la barque de Charon (note 237). Voir le v. 124 des Sotz qui remetent en point Bon Temps, et le v. 53 du Testament Pathelin. 200 Large ceinture contre laquelle on appuie l’arbalète pour la bander. 201 Crémaillère servant à tendre une arbalète. 202 De toutes les manières (note 168). 203 Je laisserai faire Lancelot. Possible jeu de mots sur lance l’eau : éjacule. 204 Note 12. 205 De justesse. 206 Si on connaissait mon comportement amoureux (note 22). 207 Si on m’avait repéré. Bric = piège. 208 Comme des morceaux de viande en sauce. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 557. 209 Le poète flamand avait soutenu les Bourguignons contre les Armagnacs. 210 Un jeu de cartes. 211 Cotignac, confiture de coing. 212 Comme il haïrait une vipère. Le peu fiable ms. fr. 2375 remplace les vers 19-21 par : « Et oultre plus une pelle ou ung picq/ Sans jamais plus faire patisq patacq,/ D’y behourder ny tempester à flacq. » 213 Le poète italien Pétrarque était mort en 1374, mais son influence perdurait. 214 Je suis en sueur, et aussi fripé qu’un sac vide (note 176). 215 Je ne me vois pas faire un bon tour, d’une manière ou d’une autre. « Qu’il entre, de croc ou de hanche !/ Il soufist, mais qu’il soit dedans. » Les Femmes qui font renbourer leur bas. 216 Je ne vaux plus un sou (note 166). 217 Les almanachs contenaient des prévisions astrologiques. 218 Que la vieillesse m’a désormais donné échec et mat (note 180). 219 Cette ballade (qui n’est pas un chant royal, en dépit de son titre) se trouve au début du Mystère de saint Martin (1496), où les diables répondent à Lucifer. J’utilise le Ms. fr. 24332 de la BnF, qui contient aussi la Farce du Munyer de qui le Deable emporte l’âme en Enffer, du même auteur et avec les mêmes diables. Dans le Vergier d’Honneur, La Vigne décrit de la sorte une ballade enchaînée qu’il est en train de composer : « Chaŷne enchaŷnée tant d’aboc que d’abic,/ Faicte et forgée fut par moy sur ung sac/ Sans martelet, sans charbon et sans pic./ Ainsi, toute la fis passer au bac./ S’elle ne vault le vaillant d’un patac,/ Autant y mis de taille que d’estoc :/ Partir ne peult du fons de l’estomac/ Que ce qui est, vous le sçavez par hoc. » 220 Fils prodigue : Lucifer est un ange déchu, d’où l’apostat du vers 3. 221 Auquel les sorciers adressent des invocations. 222 Toi qui verses aux hommes tous les venins. 223 Apostat cruel comme un léopard. 224 Puits : l’Enfer était situé dans les entrailles de la terre. « Au puis d’Enfer telles gens confondront. » Gratien Du Pont. 225 Caverneux. « Ceste gouffrineuse lice. » Le Munyer. 226 Alors que de tes paroles nous ne donnons pas un sou (note 166). 227 Patati, patata. (Note 25.) 228 Ce mot était féminin : « Que malle poyson et venin/ Vous crève ! » (Le Povre Jouhan.) La mauvaise bosse est le bubon de la peste. Le mautac est une inflammation syphilitique : « Fuyez ce trou que le mau tac confonde ! » (Rondeau de la vérolle.) La mauvaise graine est la « grayne de Naples », comme l’appelle La Vigne dans ce même Mystère. 229 Au piège. 230 Crocodile. « Hideux cocodrilles,/ Vieulx aspis, orribles dragons. » ATILF. 231 Jeu de mots sur « rabi » (enragé), et « ravissant » (ravisseur). On accolait toujours une de ces deux épithètes aux loups. (Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 330.) « Gnac ! » transcrit, de nos jours encore, le bruit d’une morsure. 232 Le paletot. 233 Te faire bouillir. « Divers métaulx bricqueboillans et chaulx. » La Vigne, St Martin. 234 Te remplir d’eau, comme le vin que brouillent les taverniers. 235 L’assaut (note 10). 236 « En gros & sans entrer en discussion du détail…. Acheter des marchandise en bloc & en tasche. » Dict. de l’Académie françoise. 237 Et pour te couvrir de cloques dans la barque de Charon, qui fait traverser le fleuve des Enfers (note 199). 238 Ici ou là. (Idem vers 26.) « Tripiers en triperie/ Seront mis à bazac ;/ Trompeurs en tromperie/ Iront passer au bac,/ Soit d’aboc ou d’abac. » La Vigne, Complaintes et épitaphes du Roy de la Bazoche. 239 Paludéen, marécageux. Bulcibac = Bucifal, c’est-à-dire Bucéphale, le cheval d’Alexandre le Grand. Au Moyen Âge, il porte des cornes et il est anthropophage. Le Roman d’Alexandre met en valeur son caractère diabolique : « C’est une bête moult fière ; jamais de telle ne vit-on, félonnesse et hideuse. Cheval l’appelle-t-on. [Il a] la tête d’un bœuf, et les yeux d’un lion, et le corps d’un cheval ; pour cela, il a pour nom Bucifal. Quand on prend en ce royaume un traître ou un larron, jamais nul n’en fera justice sinon lui : à la bête on le livre, et il en fait destruction ; il en occirait bien 80 de suite. » <Je modernise le texte.> 240 Qu’un bubon ou un anthrax. 241 J’accours. Tric-trac imite le bruit des semelles en bois : « Ilz chaussent ungz vielz brodequins :/ Tric, trac, on traisne les patins. » Coquillart. 242 Ms : loubineux (Loupin = digne d’un loup. « Violence loupine. » Godefroy.) Dans ces 2 vers consacrés aux animaux monstrueux, le sennédoc doit être la sénédecte, une baleine qu’on accusait de couler les bateaux : « L’énorme sénédette/ Qui (…) verse tant de flos sur les prochains bateaus/ Qu’ils s’enfondrent soudain sous les baveuses eaus. » Du Bartas. 243 Punais, puant. 244 Sale basilic [serpent dont le regard tuait]. « Le basilicoc est li rois de toz les serpenz. » Godefroy. 245 Le sac dans lequel les diables emportent l’âme des pécheurs. « Quant l’âme vouldra desloger,/ En mon sac je la pourray prandre. » Le Munyer. 246 Possible jeu de mots sur « bout sac » : les diables font bouillir les âmes qu’ils tirent de leur sac. Cf. le Munyer, vers 452-453. 247 Faire zic-zac = faire l’amour. Cf. Frère Guillebert, vers 13. Astaroth est l’amant de l’exigeante Proserpine : voir la note 5 du Munyer. 248 Accourant en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Voir Marot, vers 18. 249 Le copiste a d’abord noté cremebundeux, puis il a biffé le « c » avec la barre verticale d’un « t ». Trémébundeux est un latinisme : qui fait trembler. « Tromperesse,/ Trémébundeuse. » (La Vigne.) Sous ton tillac : à fond de cale, où on enchaîne les mutins. « Fons de cale est l’espace qui est soubs le tillac inférieur. » (Georges Fournier.) « Les Mores enferméz soubz le tillac. » (Nicolas de Grouchy.) 250 Ne s’en aille à vau-l’eau. Voir la Fièbvre quarte, vers 4, et J’ay veu le temps que j’estoye à bazac. 251 Crapaud (note 164). Il manque après la césure un mot de 2 syllabes. 252 Échec. Il y a peut-être un jeu de mots sur « eschaque » : teigne. 253 Éthiopique ? 254 Béjaune : blanc-bec. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 191 et 253. 255 Hippodraco : cheval-dragon. En 2010, un dinosaure fut baptisé hippodraco. 256 Bérith fait semblant de vomir en songeant à ce que Lucifer a pu manger. Cf. Gautier et Martin, vers 80. 257 Voici le texte dont découle le début du Résolu. Il se trouve dans l’Adolescence clémentine. J’utilise l’édition que Collerye a connue : celle de 1532, publiée par son futur éditeur, Pierre Roffet. Dans l’édition de 1538, la ballade s’intitulera : Du Jour de Noël. On peut constater que les mêmes rimes conviennent aux diables et aux anges, à la luxure et à la piété. Voir l’article de J.-C. Monferran. 258 Son petit bonhomme de chemin. Voir la Fièbvre quarte, vers 10. 259 Respectables. Dans ses épigrammes, Marot a glissé des bergères un peu moins respectables. 260 Flageolet, pipeau. Le rebec est un violon à trois cordes. 261 En mesure (note 19). 262 Jésus dans la crèche (le nid : note 18). 263 Élie et Hénoch sont des prophètes. 264 (Donnez-nous) une étoffe précieuse. « Deux chapes de nac vermeil. » Godefroy. 265 (Donnez-nous) votre con. « De Luc et Noc [du cul et du con] le bel assault ! » Le Vendeur de livres, vers 181 et note 91. Jean-François Sarrasin décrira en rimes cliquetantes une transaction de ce genre : « (Je) la priai qu’à moi, n’étant suspec,/ Baillât en main l’anagramme d’ÉNOC ;/ Non pas de l’É, mais seulement du NOC,/ Et prît en don chaperon de satin. » 266 Qu’au lever. 267 Ce sont des bergers. Marot a mis en scène une bergère prénommée Margot : « Un jour, Robin vint Margot empoigner/ En luy monstrant l’oustil de son ouvraige,/ Et sur le champ la voulut besongner… » Le surnom Clac nous ramène au verbe claquer : « Mon povre courtault (…) est recreu sus le sable ;/ De servir plus en cro[u]pe ne luy chault./ Las ! je l’ay veu porter la teste hault,/ Et claquer culz roidement en soursault. » Ms. fr. 1719. 268 Ici. Le durcissement du « c » par un « q » démontre que les rimes cliquetantes étaient sonores, à une époque où l’amuïssement de la consonne finale était de règle : nous disons encore un bro(c), ou un estoma(c). 269 En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire (note 248). 270 La tête. (Cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 32.) Il s’agit là d’une lecture protestante ; pour les catholiques, c’est Marie qui écrase le serpent. De toute manière, cette légende n’est aucunement biblique : elle est païenne et concerne Héraclès (Hercule). 271 Le serpent ne risquait pas de dire, en étant ainsi détruit. 272 Une coquille de noix (note 24). 273 Au piège. 274 Comme un fou. 275 Encore des bergers. 276 L’envoi s’adresse à François Ier. 277 L’étable de Jésus. 278 Évangile selon saint Luc, II, 1-20. Voir J.-C. Monferran. 279 Marot a repris cette chanson normande pour écrire le Noël ci-dessus. Il en adopte la musique et le schéma métrique. Cependant, la chanson ne contient qu’une douzaine de rimes cliquetantes, et il manque l’envoi. J’utilise le Manuscrit de Bayeux. 280 En mauvais point. 281 Le sultan, un des personnages grotesques du carnaval de Rouen. Voir Jean-Pierre Legay, Vivre en ville au Moyen Âge, p. 264. 282 Ms : He (Cette interjection purement musicale émane de la lettrine.) 283 De harengs. 284 D’éperlans. Dans les batailles qui font rage à la fin du Carnaval, les poissons armés sont les soldats de Carême ; ils combattent Mardi-gras. Le messager de la Bataille de Caresme et de Charnage est un hareng. Un des guerriers du Testament de Carmentrant se nomme Haren Soret. Dans la Bataille de sainct Pensard à l’encontre de Caresme, ce dernier utilise comme armes des « harens bien picquans » et des « flesches/ Empénées de harens soretz ». 285 J’en reçus plusieurs coups. « Regardez ce paillart haren,/ Comme il m’a marqué sur le nez ! » Bataille de sainct Pensard. 286 Ce proverbe signifie que les fous épuisent leurs provisions tout de suite. 287 En Armagnac. 288 Le duché de Milan. Les Français le gouvernèrent entre 1499 et 1513 ; notre chanson date de cette période. 289 Les ducs et les chambellans sont décorés de médailles, tout comme le nez de cet ivrogne est décoré de pustules rouges. 290 Mille pustules rouges à la suite. « Le dieu Bacchus, au nez plein de rubis,/ Verse le vin. » Gilles Corrozet. 291 Bien rangés. 292 La bouche. 293 Luisant plus qu’un melon. « Melons que l’en appelle poupons. » ATILF. 294 Cette « vallée brune » désigne le sexe de la femme, comme Valparfont [vallée profonde] dans le Tournoy amoureux. 295 Ce faux mot latin rime en -don. En bas latin, il pourrait venir de mœchari [commettre un adultère] : « Inflammentur ad concupiscendum & mœcandum. » (Hervæus.) Mais en très bas latin, il pourrait se traduire par musqué ou moussu, et désignerait alors la raie des fesses. 296 Avoir la dent sur : convoiter. « Il n’y a eu guères de roys en Portugal qui n’ayent eu la dent dessus. » Léon l’Africain. 297 Alors elle s’arrêta (normandisme). 298 Au trot. « Venir le tréton. » Godefroy. 299 Terminons avec cette autre chanson, dont Pierre Attaingnant publia la partition en 1528. Elle comporte 6 rimes en -ac. 300 Le maréchal de Lohéac mourut de vieillesse en 1486. L’anecdote mineure ici narrée doit être mise au compte d’un de ces soldats qui chansonnaient les hauts faits d’armes de leurs chefs, mais également leurs ridicules. (Un autre maréchal, Bugeaud, sera plus connu pour sa casquette que pour ses états de service.) 301 Par l’intermédiaire d’un morceau de hareng. « Harenc célerin ne doit point de coustume [de taxe]. » (Godefroy.) La marchandise des harengères n’avait pas une grande réputation de fraîcheur, et on pense aujourd’hui que beaucoup de ces maladies qu’on baptisait « fièvres » faute de mieux, étaient des intoxications alimentaires : « Harens frais & semblables sortes de poissons qui sont extrêmement doux & gras, lesquels se corrompent facilement & engendrent des fièbvres. » Angelo Sala. 302 Qui depuis longtemps aurait été mis à bas. 303 L’eau de plantain servait pour les gargarismes. Le métridat est un contrepoison dont on attribuait la formule au roi Mithridate. Cf. Tout-ménage, vers 86. 304 Onomatopée imitant le bruit de l’eau qui coule (note 186). 305 Du Rhin. 306 Qui aurait pu le remettre en train. 307 Pécheur. 308 Ce mot qui signifie dragon (v. ypodrac, note 255) est mis pour venin.