POUR LES HABITANS D’AUXERRE
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SATYRE POUR LES
HABITANS D’AUXERRE
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L’auteur de cette pièce à la fois populaire et allégorique est Roger de Collerye ; pour de plus amples détails sur l’homme et son œuvre, voir la notice du Résolu. La table des matière de l’édition originale donne à ce texte énigmatique un titre qui ne l’est pas moins : Une Satyre pour l’entrée de la Royne à Auxerre. Or, l’entrée royale d’Éléonore de Habsbourg et de François Ier dans cette ville n’eut lieu qu’en 1541, cinq ans après la publication du livre.
Cette inclassable sottie fait, comme son nom l’indique, la « satire » du petit monde auxerrois. S’élevant jusqu’à la moralité, elle salue — non sans esprit critique — trois événements profitables au royaume : le 3 août 1529 fut signée à Cambrai la Paix des Dames, qui mit fin (provisoirement) aux hostilités entre la France et le Saint-Empire. Le 1er juillet 1530 furent libérés les deux enfants de François Ier ; le roi les avait livrés comme otages à Madrid, pour échapper lui-même aux geôles de Charles Quint, qui l’avait emprisonné après la défaite de Pavie. Le 7 juillet 1530, François Ier prit pour épouse Éléonore d’Autriche (ou de Habsbourg), sœur de Charles Quint, afin de mieux garantir la paix.
Le commanditaire de la sottie jugea peut-être qu’elle tardait trop à encenser la Paix enfin revenue : Collerye, après l’avoir écrite, ajouta les vers 4, 5 et 6, qui troublent l’immuable régularité des quintils ; dans sa hâte, il oublia même de faire rimer le vers 6 !
Source : Les Œuvres de maistre Roger de Collerye, publiées en 1536 à Paris, chez la veuve de Pierre Roffet. Collerye a sans doute donné ses manuscrits à l’éditeur, mais n’a certainement pas revu les épreuves, à en juger par le nombre et la gravité des fautes qui gâchent ce livre.
Structure : Quintils enchaînés (aabaa/bbcbb), rimes plates, quintils enchaînés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Satyre pour les
habitans d’Auxerre
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Les personnaiges :
PEUPLE FRANÇOIS
JOYEUSETÉ
LE VIGNERON
JÉNIN-MA-FLUSTE, Badin
BON TEMPS
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PEUPLE FRANÇOIS commence SCÈNE I
Puisqu’après grant mal vient grant bien…1
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Ainsi qu’on dit en brief langaige,
D’avoir soulcy n’est que bagage2.
Qu’il soit ainsi, je l’entens bien.
5 La paix nous avons ; mais combien
Que nous l’ayons, fault3 qu’on la garde.
Or, Prudence4 et Subtil Moyen
Ont bien joué leur personnaige :
Car tel qui a perte et dommage,
10 De brief recouvrera le sien5.
Puisqu’après grant mal vient grant bien…
Quant est de moy, sur toute rien6,
Désormais me veulx resjouyr ;
Et aussi, de va et de vien7,
15 Se je puis recouvrer le mien8,
Pourray de mon plaisir jouyr.
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JOIEUSETÉ 9 SCÈNE II
Peuple François se faict ouÿr
– Je l’entens bien à sa parolle –
D’autant qu’il veult soucy fouyr10
20 Et chagrin en terre enfouyr.
Il fault qu’i me baise et accolle11 :
Pour bien donner une bricolle12,
Il en sçait assez la manière.
Et puisqu’il fault que le récole13,
25 Il a fréquenté mainte escolle14
Sans tirer le cul en arrière.
Affin de gaigner la barrière15,
Je m’envoys16 à luy, somme toute.
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Dieu gard17, seigneur ! SCÈNE III
PEUPLE FRANÇOIS 18
[Et] vous, gorrière19 !
30 Que vous dit le cueur ?
JOYEUSETÉ
Bonne ch[i]ère20.
PEUPLE FRANÇOIS
Faire la convient, quoy qu’il couste.
JOYEUSETÉ
Avant qu’à parler je me boute21,
Et de vous dire où j’ay esté,
Et sans arrester grain ne gouste22,
35 Accollez-moy !
PEUPLE FRANÇOIS
Je vous escoute :
Qui estes-vous ?
JOYEUSETÉ
Joyeuseté.
PEUPLE FRANÇOYS
Joyeuseté ?
JOYEUSETÉ
En gayeté,
La plus plaisante soubz la nue,
Qui souvent vous ay regrecté
40 — Mais c’est en toute honnes[te]té.
PEUPLE FRANÇOIS
Vous soyez la trèsbien venue !
JOIEUSETÉ
Peuple Françoys : entretenu[e]
J’ay esté, gaillard23, brief et court,
Prisée, aymée et soustenue,
45 Et pour singulière24 tenue
Des plus grans seigneurs de la Court.
Les vestuz de long et de court25
Se sont devers moy retyréz
Aussi tost qu’ung poste26 qui court.
50 Brief, en effect chascun accourt
Vers moy comme gens inspiréz27.
PEUPLE FRANÇOIS
Les gens ne voit-on empiréz
Pour Joyeuseté maintenir.
Car dès lors que les « aspirez »,
55 S’ilz ont ennuytz, les respirez28
Pour en liesse les tenir.
JOYEUSETÉ
Or, je veulx dire et soustenir
Que d’engendrer mélencolye,
Il n’en peult jamais bien venir.
PEUPLE FRANÇOIS
60 Quant à moy, je veulx retenir
Que ce n’est que toute folye.
Or çà, Joyeuseté jolye,
Que dict-on en Court ?
JOYEUSETÉ
Qu’on y dit ?
Du tout29 Tristesse est abolye ;
65 Et Joyeuseté recueillye,
Quant on m’y voit, sans contredit.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui sont ceulx qui ont le crédit ?
JOYEUSETÉ
Noblesse pri[n]cipallement.
PEUPLE FRANÇOIS
Et puis, après ?
JOYEUSETÉ
Par ung esdit30,
70 Ceulx qui sont en faict et en dit
Loyaulx en cueur entièrement.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui triumphe ?
JOIEUSETÉ
L’entendement31
À peine le pourroit comprendre.
PEUPLE FRANÇOIS
Qui a le bruyt32 ?
JOIEUSETÉ
Totalement
75 Et sans y mectre empeschement,
Bon Conseil33 (qui n’est à reprendre).
Peuple François, il fault entendre
Que possible n’est raconter
Ny en son entendement prendre
80 Du triumphe de Court le mendre34,
Ne de mot à mot le compter35.
PEUPLE FRANÇOIS
Monsieur le dauphin36 ?
JOIEUSETÉ
Surmonter
Pas-dessus tous le sang royal.
PEUPLE FRANÇOIS
Et monsieur d’Orléans37 ?
JOIEUSETÉ
Dompter
85 Coursiers devant luy, puis monter
Sur eulx d’ung cueur seigneurial.
PEUPLE FRANÇOIS
[Et] la royne38 ?
JOYEUSETÉ
En espécïal39,
Triumphe en beaulté et faconde.
Et croyez qu’amont et à val40,
90 Seule est41, tant à pied qu’à cheval,
Qui de beau maintien n’a seconde42.
PEUPLE FRANÇOIS
Le point où du tout je me fonde :
Nous avons paix ?
JOIEUSETÉ
Pour tout certain.
PEUPLE FRANÇOYS
Joieuseté, parolle ronde43,
95 Puisque paix avons en ce monde,
Fouyr debvons tout44 meschant train.
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LE VIGNERON SCÈNE IV
Or, par le vray Dieu, j’ay grant fain45
De voir le bléd à bon marché !
J’ay regardé et remarché46
100 La façon de noz boulengiers
Qui vont – faignant estre estrangiers –
Au-devant des blédz qu’on amaine47.
Que pleust à Dieu qu’en male estraine48
Feussent entréz ! Quant les achèptent,
105 Ilz vont barguynant49, et puis guectent
S’on les regarde ou près ou loing.
Ha ! par ma foy, il est besoing
Qu’on y mette bonne police !
PEUPLE FRANÇOIS
Vigneron, vous n’estes pas nice50 ;
110 Çà ! voz propos sont de valleur.
LE VIGNERON
Et ! n’esse pas ung grant malheur
De souffrir telle deablerie ?
Il y a plus de mengerie51
(Par le vray Dieu) en ceste ville
115 Qu’à Paris, par monsieur sainct Gille !
Mais quoy ! c’est faulte de Justice.
Tous les jours, le pain appetice52,
Et n’est labouré bien ne beau53.
PEUPLE FRANÇOIS
Il dict vray. Et ne sent54 que l’eau,
120 De quoy le peuple est desplaisant.
LE VIGNERON
C’est pour le faire plus pesant.
Hé ! quelz gaultier[s]55 plains de malice !
JOYEUSETÉ
Je croy qu’ilz ressemblent l’escrevice56,
Qui va tousjours à reculons.
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JÉNYN-MA-FLUSTE, acoustré en Badin.57
125 Il fault qu’ilz ayent supra culons 58, SCÈNE V
Ou on n’en viendra point à bout.
Faictes-les soustenir debout59 !
Entendez-vous, Peuple François ?
Ilz sont larrons comm’ Escossoys
130 Qui vont pillotant60 les villaiges.
PEUPLE FRANÇOYS
Boullengiers payéz de leurs gages
Seront, pour vray, quelque matin.
JÉNIN
Se je sçavoys parler latin
Ainsi que font ces Cordeliers61,
135 J’arois de blé les plains garniers ;
Et si, en ferois bon marché62.
Toutesfoys, si ont-ilz craché
Depuis peu de temps au bassin63,
Maulgré leurs dents64, pour leur larcin.
140 Mais quoy ! il font pis que devant.
PEUPLE FRANÇOIS
Laissons ce propos.
JÉNIN
T[r]out avant65 !
On scet bien qu’ilz66 ne valent rien.
Or je m’envois par bon moyen
Entretenir Joyeuseté.
145 La belle, où avez-vous esté,67
Depuis le temps que ne vous veiz ?
JOIEUSETÉ
Jénin-ma-Flûte, à ton advis,
Que te semble de ma personne ?
JÉNIN
Quant ce vient que la cloche sonne,
150 Je m’envois courir au moustier68.
JO[Y]EUSETÉ
C’est bien rentré69 !
JÉNIN
J’ay bon mestier70
D’avaller ung verre de vin.
Hé, hé ! J’ay esté au devin
Pour sçavoir quant Bon Temps viendra
155 En ce pays et s’i tiendra.
Ma foy, j’ay grant fain de le veoir !
Ha ! se Bon Temps je puis avoir,
Vous verrez bien Jénin-ma-Flûte
Tirer souvent contre la bute71…
160 J’entens au pot et au godet.
Jamais ce folâtre bodet72
Ne fut si brave que [je] suis.
Quantz chevilles en ung pertuys73
Y en fault-il ? Dictes-le-moy.
JOIEUSETÉ
165 Tu n’es74 qu’un sot !
JÉNIN
J’ay veu le Roy,
Et aussi la royne Aliénor75,
Qui est richement parée d’or,
Voire, vrayment, qui est bien fin ;
Et aussi, monsieur le daulphin
170 Et le petit duc d’Orléans.
LE VIGNERON
Tu les a[s] veuz ?
JÉNIN
J’estois léans76
Et vous y veiz, Joieuseté.
PEUPLE FRANÇOIS
Jénin, c’est assez caqueté ;
Parler nous fault d’autre matière.
JÉNIN
175 Je prins arsoir77 en ma ratière
Plus de quatre-vingts souriceaux.
PEUPLE FRANÇOIS
Taix-toy, ou tu aras les seaulx78 !
Entens-tu bien, Jénin-ma-Flûte ?
JÉNIN
Pour tirer d’une « hacquebute79 »,
180 Je n’en crains Martin ne Gaultier80.
LE VIGNERON
Il fault mectre sur le mestier81
Aucuns82 usuriers dépravéz,
Gros et gras, et plus détravéz83
Que [des] pourceaulx en la mengeoire.
JÉNIN
185 Coupper leur fault, comme à ung haire84,
La queue près du cul !
LE VIGNERON
C’est raison.
Car par finesse et traïson,
En se monstrant fier et rebarbe85,
Vont achepter le blé en herbe86,
190 En n’en font point de conscience87.
PEUPLE FRANÇOIS
Et par leur damnable science88,
Sur aucuns jeunes marjolletz89,
Sotz amoureux et nyvelletz90,
Preinent prouffit à grant mesure,
195 Leur prestant argent à usure
Affin de tenir en hommage91
D’iceulx usuriers.
LE VIGNERON
Davantage,
Pour contrefaire les bravars92,
Se laissent tumber aux hazars93
200 De malheureté infinie
Pour maintenir leur seigneurie94,
Et se treuvent mal appointés95.
PEUPLE FRANÇOIS
Jeunes gens se sont accointéz
De ces gras usuriers publiques.
205 Fins gaultiers – car plains de traffiques –
Sont par trop.
JÉNIN
Sainct Jehan ! ce sont mon96.
J’ay bien ouÿ dire, au sermon,
Que tous usuriers sont dampnéz.
LE VIGNERON
Aussi sommes97 gens condempnéz,
210 Maintenant que gens de pratique98
Sont larrons.
JOIEUSETÉ
Leur dit est éthique99,
Et trop sotement allégué.
PEUPLE FRANÇOIS
Long temps a qu’on a divulgué
– Et mesmement touchant ce cas100 –
215 Que procureux101 et advocas
Ont le bruyt d’estre grans larrons.
Mais ces propos là nous lerrons102.
Pour autant (ainsi qu’il me semble),
Bon larron est qui larron emble103,
220 N’est-il pas vray ?
JÉNIN
Et ouy, par Dieu !
Usuriers y a en ce lieu,
Lesquelz ne sçaroient eschapper
Que l’on ne les vienne happer
Au râtellier104, tous en ung tas,
225 Et105 procureurs et advocas,
Veullent ou non !
LE VIGNERON
Il est certain.
JOIEUSETÉ
Pour éviter leur mauvais train106
Et tous ces propos ennuyeulx,
Chanter nous fault107 de cueur joyeulz
230 Quelque gaillarde chanssonnète.
PEUPLE FRANÇOIS
Joieuseté, ma mignonnette,
Vous n’en serez jà escond(u)icte,
Et en sera la chanson dicte.
Chanson.
Par Joyeuseté,
235 En honnesteté,
Comme jà pensois,
Vivra en seurté 108
Yver et esté
Le Peuple Françoys.
240 Des princes et roys
Verra les arroys 109
Mieulx que bienvenu ;
Et sans désarroys
Et sans nulz desroys 110,
245 Tousjours soustenu.
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BON TEMPS 111 SCÈNE VI
Vive le Roy ! Vive le Roy ! 112
Et tous bons compaignons ! Et moy !
Je suis Bon Temps qui, d’Angleterre113,
Suis icy venu de grant erre114
250 En ce pays de l’Auxerrois.
J’ay gouverné princes, ducs, roys,
Deçà, delà, en plusieurs lieux,
Et ay veu des cas mermeilleux115
Qu’i n’est jà besoing de vous116 dire.
PEUPLE FRANÇOIS
255 Approchez de nous !
BON TEMPS
Contredire
Je ne vous veulx aucu[ne]ment.
JOIEUSETÉ
Receu serez joieusement
De ma part.
PEUPLE FRANÇOIS
De la mienne [aussi].
LE VIGNERON
Ce ne sera qu’esbatement
260 [Que] de vivre amoureusement
Avec Bon Temps.
JOIEUSETÉ
[C’est] tout ainsi.
PEUPLE FRANÇOIS
C’est assez pour fouyr Soucy,
D’avoir Paix et Bon Temps ensemble.
LE VIGNERON
Tel a eu le cueur tout transy
265 Et de pouvreté endurcy
Qui s’esjouyra, ce me semble.
JÉNIN
Quant bon pain, bon vin je rassemble,
Et ces petis frians morceaulx,
De sanglante frayeur je tremble
270 Que quelque gaultier me les emble
Pour les envoyer aux pourceaulx.
PEUPLE FRANÇOIS
Tu es taillé d’avoir les seaulx,
Se tu ne te taix.
JÉNIN
Non feray !
Et si, diray des motz nouveaulx
275 Devant vous et ung tas de veaulx117.
Veullez ou non, je parleray.
BON TEMPS
Je croy que bienvenu seray118
De vous, et des grans et petis.
JOIEUSETÉ
Du bon du cueur119 vous baiseray
280 Par amour, et accoleray,
Gentil Bon Temps.
BON TEMPS
Voz appétis
Tant gracieux, doulz et trétis120,
Me plaisent fort, Jo[y]euseté.
………………………… 121
JOIEUSETÉ
Les vostres aus[s]i.
PEUPLE FRANÇOIS
Souhecté122
285 Peuple Françoys vous a souvent.
BON TEMPS
Jà piéçà123 me suis apresté
Pour venir icy.
LE VIGNERON
Arresté124
Vous y serez, dorénavant.
BON TEMPS
J’entens qu’i n’y court que bon vent,
290 Par quoy je m’y veulx bien tenir.
JÉNIN
Ne vous logez pas au couvent
Des Cordelliers, car on n’y vend
Pain ne vin pour vous soustenir125.
BON TEMPS
Peuple Françoys, entretenir
295 Je vous veulx cordiallement.
Et de moy devez retenir
Qu’autant126 que n’ay peu cy venir,
Il m’en a despleu longuement.
JOIEUSETÉ
Receu serez joieusement,
300 Se vous y voullez résider.
BON TEMPS
Je le veulx ainsi.
JOIEUSETÉ
Seurement
Ne me puis tenir127 bonnement
D’incessamment vous regarder.
PEUPLE FRANÇOIS
Puisqu’avons Bon Temps, sans tarder,
305 Il nous fault mener bonne vie,
Et dorénavant nous garder
[De gaudir et de brocarder,]128
De faire mal avoir envye129.
JOIEUSETÉ
Je suis en cueur presques ravye
310 De veoir Bon Temps devant mes yeulx.
Or, à tousjours je me convye130
De n’estre jamais assouvye
De vous aymer de mieulx en mieulx.
BON TEMPS
Demourer avec vous je veulx.
315 Mais ung mot vous diray, non plus :
Se vous n’estes bons (se131 m’eist Dieux !),
Je m’en iray en aultres lieux.
Vélà que je diz et conclus.
LA FIN
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BON TEMPS 132
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Or, qui m’aymera, si me suyve !
Je suys Bon Temps, vous le voyez.
En mon banquet, nul n’y arrive
Pourveu qu’il se fume ou133 estrive,
5 Ou ait ses espritz fourvoyéz.
Gens sans amour, gens desvoyéz
Je ne veulx, ne les y appelle ;
Mais qu’ilz soient gectéz à la pelle134 !
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Je ne semons en mon convive135
10 Que tous bons rustres avoyéz136.
Moy, mes suppostz, à plaine rive137
Nous buvons d’une138 façon vive
À ceulx qui y sont convoyéz.
Danceurs, saulteurs, chantres : oyez !
15 Je vous retiens de ma chapelle
Sans estre gectéz à la pelle.
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Grognars, fongnars, hongnars139 je prive140 :
Les biens leurs141 sont mal employéz.
Ma volunté n’est point rétive ;
20 Sur toutes est consolative,
Frisque142, gaillarde, et le croyez.
Jureurs, blasphémateurs noyez !
S’il en143 vient quelc’un, [j’]en appelle :
Qu’il me soit gecté à la pelle !
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25 Prince Bacchus144 : telz gens sont rayez,
Car d’avec moy je les expelle145.
De mon vin clairet essayez146,
Qu’on ne doibt gecter à la pelle.
*
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CRY POUR L’ABBÉ
DE L’ÉGLISE D’AUSSERRE
ET SES SUPPOSTZ 147
.
Sortez, saillez, venez de toutes pars,
Sottes et Sotz, plus promps que lÿépars148,
Et escoutez nostre Cry magnifique !
Lessez chasteaux, murailles et rampars,
5 Et voz jardins, et voz cloz et voz parcs,
Gros usuriers qui avez l’or qui clique !
Faictes fermer, marchans, vostre boutique !
Grans et petiz, destoupez149 voz oreilles !
Car par l’Ab[b]é, sans quelconque traffique,
10 Et ses suppostz, orrez150 demain merveille[s].
.
N’y faillez pas, Messieurs de la Justice !
Et vous aussi, gouverneurs de police !
Admenez-y voz femmes sadinettes151 ;
En voz maisons, lessez-y la nourrice
15 Qui aux enfans petis leur est propice
Pour les nourir de ses deux mamellettes.
Jeunes tendrons, gaillardes godinettes152,
Vous y viendrez sans flacons et bouteilles153 :
Car par l’Abbé (sans porter ses lunettes)
20 Et ses suppostz, orrez demain merveilles.
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Marchans, bourgeoys, vous, gens de tous mestiers
— Bouchers, barbiers, cordonniers154, savetiers,
Trompeurs, flateurs, joueux de chalumeaux155 —
Trouvez-vous-y ! Aussi ménestrïers,
25 Hapelopins156, macquereaux, couratiers !
Et apportez de voz bons vins nouveaulx,
Badins, touyns157 aussi mondains que veaulx !
Vous, vignerons, laissez vignes et treilles !
Car par l’Abbé, sans troubler voz cerveaux,
30 Et ses suppostz, orrez demain merveilles.
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Faict et donné en ung beau jardinet158,
Tout au plus prèz d’un joly cabinet159
Où bons buveurs ont planté maint rosier160.
Scellé161 en « queue » et signé du signet162,
35 Comme il appert, de Desbride-gozier163.
*
1 Ce refrain de chanson est exclu du schéma des rimes, de même qu’au vers 11. 2 Qu’une chose encombrante. Cf. le Résolu, de Collerye, vers 125. 3 Éd. : cest 4 Cette entité allégorique représente Louise de Savoie, mère du roi et cosignataire de la Paix des Dames. Subtil Moyen désigne le roi lui-même : subtil veut dire fourbe, traître, un qualificatif qui décrit bien François Ier, lequel ne respectera pas mieux le traité de Cambrai qu’il n’avait respecté celui de Madrid trois ans plus tôt. 5 Retrouvera vite les biens qu’il avait perdus. Allusion à la remise en liberté des deux fils aînés du roi. 6 Quant à moi, par-dessus tout. 7 En glanant de-ci et de-là. « Pasteurs y vont (ne demandez combien),/ Portant présens et de va et de vien. » Jehan Daniel. 8 L’argent que les impôts royaux m’ont fait perdre : Charles Quint avait revendu ses deux petits otages à leur père pour la somme de 2 millions d’écus d’or. 9 Elle entre derrière Peuple Français, qui ne la voit pas encore. 10 Fuir. Idem vers 96 et 262. 11 Joyeuseté veut se faire baiser et accoler par tous les hommes qu’elle rencontre : vers 35, 279, 280. « Homme n’est point lasche ne lent/ Quant de telle dame jouyt,/ Et ne sçaroit estre dolent/ En la baisant et acollant. » Collerye, Delà et Deçà. 12 Pour coïter. « Il me baise, et si, m’accolle…./ Il me donne une briscolle/ Quatre coups sans desbrider. » Mon père mariez-moy. 13 Que je le rappelle. 14 En matière de sexe, il a été à la bonne école. 15 Pour réussir mon coup. Cette expression militaire passa, comme tant d’autres, dans le jargon érotique. Joyeuseté mêle ces deux nuances, comme l’avait fait Jehan Cabaret : « Et feirent les gens du duc de Bourbon, devant la porte, la plus belle barrière [barricade] que l’on veist piéçà, & la nommèrent “la barrière amoureuse”…. Les Anglois s’advancèrent pour cuider gaigner la barrière. » 16 Je m’en vais. Idem vers 143 et 150. 17 Éd. : gar le (Que Dieu vous garde. « –Dieu gard ! –Et à vous, sire ! » Le Pauvre et le Riche.) 18 Voulant économiser le plus de place possible, l’éditeur abrège souvent les noms, et les imprime sur la même ligne que les mots qui précèdent, comme on peut le voir ici. 19 Et vous aussi, femme à la mode. Cf. la Folie des Gorriers, vers 63. 20 Je fais bonne figure. Double sens : j’ai envie de plaisir. « Je te veux donner un maistre qui fait bonne chère : tu es encores jolie. » Agrippa d’Aubigné. 21 Avant que je me mette à parler. 22 Sans tarder une seconde. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 539. 23 Gaillardement. « Vous serez gaillard assouvye. » (Collerye.) Bref et court = en peu de mots. 24 Pour une amie intime. 25 Les professions libérales sont de robe longue, et la Noblesse est de robe courte. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 105 et note. 26 Aussi vite qu’un messager. « Par-devers moy on faict courir ung poste. » Collerye. 27 Illuminés par une inspiration divine. 28 S’ils ont des ennuis, vous leur rendez le souffle, la vie. On se demande si elle leur fait un bouche-à-bouche ou un tête-à-queue… 29 Totalement. Idem vers 92. 30 À la demande de la cour. « Vous demandez, par voz esditz,/ Une qu’aymez de cueur entier. » Collerye. 31 La raison. Joyeuseté botte en touche pour ne pas répondre. Elle doit faire allusion aux flatteurs, qui avaient tout pouvoir sur François Ier. Collerye leur a décoché une Ballade contre les flateurs de Court et un rondeau Contre les flateurs. 32 La meilleure réputation. 33 Antoine Duprat, principal conseiller du roi et organisateur de la Paix des Dames. 34 Le moindre faste de la cour. 35 Ni de le raconter en détail. 36 François, le fils aîné du roi. Âgé de 12 ans, il venait de rentrer en France, après quatre ans de captivité en Espagne. Collerye en reparle au vers 169. 37 Le futur Henri II, alors âgé de 11 ans, libéré en même temps que son frère. On en reparle au vers 170. 38 La reine Éléonore, la nouvelle épouse de François Ier. 39 En particulier, elle… 40 En haut et en bas : ici et là. 41 Allusion perfide au fait que le roi la laissait seule et préférait la compagnie de sa favorite, Anne de Pisseleu. 42 N’a pas sa pareille. 43 En un mot. Cf. Frère Frappart, vers 134. 44 Éd. : tous (Nous devons fuir toute mauvaise conduite.) 45 Grande envie. Une des principales préoccupations du peuple est le prix et la qualité du pain, et par conséquent du blé qui le compose. 46 Remarqué, observé. Cf. la Folie des Gorriers, vers 62. 47 Ils vont à la rencontre des livreurs de grains des Halles, pour être servis avant tout le monde et monopoliser la marchandise. C’est pourtant interdit : voir la note 49. 48 Qu’en mauvaise fortune. Cf. le Testament Pathelin, vers 267. 49 Éd. : daguynant (Ils barguignent : ils marchandent.) La loi défend que les « meusniers & boulengiers (…) n’allent au-devant desdicts grains, n’iceux marchandent, barguinent ou enerrent [ne versent des arrhes] ». Ordonnances de tous les roys de France. 50 Bête. 51 D’exactions. 52 Devient de plus en plus petit, pour le même prix. « Boulengers font le petit pain. » Troys Galans et un Badin. 53 Il n’est pas fabriqué selon les règles. « Labourer le pain. » Godefroy. 54 Éd. : scent (Le pain étant vendu au poids, les boulangers l’imbibent d’eau pour qu’il pèse plus lourd.) 55 Quels compagnons (péjoratif). Idem vers 205 et 270. « Colin Guarguille, ce bon gautier. » Noël Du Fail. 56 Cet animal qui marche dans le sens inverse des autres est une monture idéale pour les Fols. « Ne cheminez ainsi que l’escrevice. » Collerye. 57 En demi-Sot ; le Badin des Sobres Sotz nous détaille la spécificité de son emploi. Maistre Mymin qui va à la guerre est lui aussi « habillé en Badin d’une longue jacquette, et enbéguyné d’ung béguin ». De même, Colinet « est abillé en Badin » ; et le clerc d’Ânerie, dans Science et Asnerye, est « en Badin ». 58 Prononciation à la française du latin supra culum : (des coups de verges) sur le cul. « Vous avez eu supra culum/ Quant la leçon vous ne sçavez ? » Les Femmes qui se font passer Maistresses. 59 Faites-les pendre. 60 Pillant : « Cessez, gendarmes et piétons [soldats et fantassins],/ De pilloter et menger le bon homme ! » (Collerye.) Les archers de la garde écossaise au service de nos rois ne se comportaient pas toujours mieux que les soldats français. Pour la petite histoire, c’est un de leurs chefs qui blessera mortellement Henri II (note 37) au cours d’un tournoi. On dit que 38 ans plus tôt, son père, capitaine de la garde écossaise de François Ier, avait brûlé le roi au visage, l’obligeant dès lors à porter la barbe. 61 Les greniers (et les caves) des monastères avaient la réputation d’être toujours bien garnis, et la charité chrétienne des moines laissait à désirer. Collerye, qui était prêtre, se gausse encore de la gourmandise des Cordeliers aux vers 291-293. 62 Et aussi, je ne le vendrais pas cher. 63 Les boulangers ont payé pour leurs fraudes. (Cf. Pour le cry de la Bazoche, vers 145. Nous disons toujours : « Cracher au bassinet. ») Chaque fois qu’on réitérait une ordonnance contre les boulangers indélicats, on condamnait quelques-uns d’entre eux pour l’exemple ; les autres s’abstenaient de frauder pendant trois semaines, puis ils recommençaient impunément jusqu’au prochain édit. Voir la notice des Sotz qui remetent en point Bon Temps. 64 Malgré eux. Cf. les Queues troussées, vers 303. 65 Allons ! « Trout avant ! » Farce des Coquins, F 53. 66 Éd. : quelz 67 Ce vers étant mis en exergue, Émile Picot se demande si nous n’avons pas là le début d’une chanson. Bonne question. 68 Quand je suis en rut, je cours au monastère : les lieux de culte servent aux rendez-vous galants, et abritent même des prostituées, comme celle du Dorellot (vers 108-109). Ce personnage de Badin aime les sous-entendus graveleux, comme son nom l’indique : Jénin = cocu ; Flûte = pénis. 69 C’est bien envoyé ! Double sens : rentrer = pénétrer. Même réponse grivoise au vers 6 du Dyalogue pour jeunes enfans, de Collerye. 70 J’ai bien besoin. 71 Contre le monticule auquel on adosse la cible. Double sens : contre votre mont de Vénus. 72 Un baudet est un âne, symbole phallique bien connu. 73 Combien de verges dans un trou. « Vous cuidez bien, par voz engins,/ À tous pertuis trouver chevilles. » Charles d’Orléans. 74 Éd. : nest 75 La reine Éléonore. 76 Là-dedans : à la Cour, où se trouvait Joyeuseté, d’après les vers 63-66. 77 Hier soir. Les souriceaux désignent les courtisans, ces nuisibles qui rongent tout ce qu’ils attrapent. Le Dit du Ratz porteur les traite de « ratons de Court ». 78 Déformation de sauts. « Bailler les seaux : Prendre une personne par les bras & les jambes, & luy faire donner du cul en terre. » (Antoine Oudin.) Menace identique au vers 272. 79 Avec mon arquebuse : ma verge. 80 Je ne crains personne. 81 Sur la roue (instrument de torture). « Firent condamner ce pauvre malheureux à estre roué. Et auparavant, estant mis sur le mestier, il confessa le tout. » Godefroy. 82 Certains. 83 Déchaînés. 84 Un hère est un animal domestique dont on a coupé la queue. « Et luy avoit-on couppé la queue ; et pour ce, on l’appelloit “le hère”. » Bonaventure Des Périers. 85 Rébarbatifs, intraitables. 86 Avant qu’il ne soit mûr, pour empêcher leurs concurrents de l’avoir, et pour spéculer dessus. 87 N’en ont aucun remords de conscience. 88 « La vaine, impie & damnable science de magie. » (Pierre Le Loyer.) On soupçonnait les usuriers juifs de connaître la cabale. 89 Sur certains freluquets. Cf. Saincte-Caquette, vers 410. 90 Jeunes idiots. C’est le nom d’un Sot dans les Coppieurs et Lardeurs. 91 Afin qu’ils deviennent tributaires, comme des vassaux. On reprochait aux jeunes gens de bonne famille d’hypothéquer leur héritage : « Et les nobles emprunteront/ À belle usure. » (Henri Baude.) En 1398, on avait brûlé toutes les reconnaissances de dettes trouvées chez les usuriers juifs d’Auxerre. 92 Les gens à la mode. 93 Tombent dans des aléas. 94 Leur train de vie princier. 95 Mal en point, financièrement. 96 Ils le sont bien. « Mon » est une particule de renforcement : cf. la Seconde Moralité, vers 198. 97 Éd. : cõme (Nous sommes fichus.) 98 Que les hommes de loi. 99 Leur discours est étique, maigrichon. 100 Et surtout à ce sujet. 101 Que les procureurs. 102 Nous laisserons là. 103 Vole. Idem vers 270. 104 Sans qu’on ne vienne les prendre devant leur gamelle. 105 Éd. : Des (Ainsi que les.) 106 Leur mauvaise conduite. Idem vers 96. 107 Éd. : faulx 108 En sûreté. « The fact that characters from the play are mentioned in the text suggests that the words are newly written. » Brown, nº 332. 109 Il verra les arrangements. 110 Sans aucun désordre. 111 Ce personnage est central dans beaucoup de sotties, même et surtout quand il est absent. « Mais Bon Temps (qui tout bien compasse)/ Et Bonne Paix m’ont mis debout. » (Les Sotz qui remetent en point Bon Temps.) L’identification de Roger de Collerye à Roger Bontemps est un anachronisme qui n’a plus lieu d’être ; voir la note 2 du Résolu. 112 D’innombrables chansons eurent pour incipit ou pour refrain « vive le Roy ». C’est peut-être celle-ci que Pierre Gringore fit chanter à la gloire de François Ier dans la Sotye des Croniqueurs, au vers 228. 113 Cette mention a fait couler beaucoup d’encre. Je pense qu’il ne faut pas chercher midi à quatorze heures : Bon Temps résidait en Angleterre parce que les Anglais, après avoir pillé et rançonné la France, pouvaient se permettre de prendre du bon temps. Dans la Première Moralité de Genève, Bon Temps mène la dolce vita en Italie. 114 Au grand galop. 115 Merveilleux. Il pourrait s’agir d’une lubie de l’éditeur Roffet, qui fait encore dire à Collerye : « Et ung pourchatz bien mermeilleux. » Roffet imprimera dans les Vies des sainctz Pères : « Une soubdaine & mermeilleuse guerre. » Les poèmes de Collerye que son ami Pierre Grosnet inséra dans les Motz doréz de Cathon sont écrits normalement. 116 Éd. : les 117 Devant les spectateurs. 118 Que je serai bien accueilli. 119 De bon cœur. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 11. 120 Traitifs : agréables 121 Il manque deux vers en -tis et un vers en -té. 122 Souhaité, désiré. 123 Depuis longtemps. 124 Fixé définitivement. 125 Ironique : voir la note 61. 126 Éd. : Dautant (Que pendant tout le temps que je n’ai pu venir ici.) 127 Je ne peux me retenir. 128 Vers manquant. « [Le moyne] doibt estre lardé :/ Parquoy je croy que gaudi, brocardé/ Sera de brief. » (Collerye.) Ces deux verbes signifient railler, médire. 129 Et d’avoir envie de mal faire. 130 Pour toujours je me propose. 131 Éd. : Ce (Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Résolu, de Collerye, vers 244.) 132 On ignore si Collerye a composé cette ballade avant ou après la Satire. Bon Temps convie tous les joyeux compagnons à un banquet bien arrosé. 133 Éd. : au (S’il se fâche ou s’il se querelle.) 134 Rejetés à coups de pelle ? Cet ustensile sert à chasser les gens ou les animaux dont on veut se débarrasser : cf. le Testament Pathelin, vers 347-348. 135 Je n’invite en mon banquet. Cf. Jehan de Lagny, vers 149. 136 Qui suivent la bonne voie. 137 À ras bord. Les suppôts de Bon Temps ressemblent fort aux suppôts de l’Abbé des Fous dans la ballade qui suit. 138 Éd. : du’une (C’est la faute préférée de l’éditeur Roffet.) 139 Les grogneurs, les râleurs et les rouspéteurs. « Puis le mary, à sa fumelle/ Hongne, frongne, grongne, grumelle. » Collerye. 140 Je bannis. 141 Les biens à eux : leurs deniers. 142 Vigoureuse. 143 Éd. : vient (S’il en vient un, je fais appel contre lui. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 781.) 144 Dieu du vin. C’est le surnom d’un chanoine de l’église d’Auxerre, ami de Collerye, lequel célébra ce bon vivant dans une épître « à Monseigneur de Gurgy, nommé Bacchus,/ Par qui est régy le déduict des bas culz ». Roger composera son épitaphe dans le meilleur style bouffon : « Cy-gist Bachus, le vaillant champyon/ Qui en son temps, ainsi qu’un franc pyon [ivrogne],/ A mainct godet et mainct verre esgouté… » 145 Je les chasse. 146 Goûtez. « Ces vins cléretz de Beaulne et d’Auxerroys. » Collerye. 147 L’Abbé des Fous est le chef d’une confrérie joyeuse qui organise des spectacles parodiques difficilement tolérés par les autorités civiles et religieuses. Le prédicateur Gerson désapprouvait la Fête des Fous d’Auxerre : « Festum hoc Fatuorum a Deo approbatum esse sicut festum Conceptionis Virginis Mariæ. » (Sur ladite fête, voir les Preuves de l’histoire d’Auxerre, de l’abbé Lebeuf, pp. 310-313.) Cette ballade est un « cri » de sottie, une parade destinée à faire venir du monde au spectacle. Ce cri est très proche de celui qui annonce le Jeu du Prince des Sotz, de Gringore, dont Collerye possédait forcément un exemplaire. 148 Plus rapides que des léopards. « Venez avant, saillez de toutes pars !/ Esveillez-vous plus aspres que liépars,/ Sotz de bémol ! » Cri des Sotz triumphans. 149 Débouchez. « Destoupez vos oreilles ! » Le Chant des oyseaulx. 150 Vous entendrez, futur du verbe ouïr. 151 Gracieuses. 152 Mignonnes délurées. Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 84. 153 « Quelle différence est entre bouteille et flaccon ? Grande, car bouteille est fermée à bouchon, & flac con à vitz [un flasque con est fermé par des vits]. » Gargantua, 1e édition, chap. 4. 154 Éd. : cordanniers (Confusion avec la forme originale « cordouannier » : qui travaille le cordouan, le cuir de Cordoue.) 155 Joueurs de pipeau, de pénis, comme Jénin-ma-Flûte. « Son chalumeau, son gros bedon,/ Sa pièce de chair, son bidault. » Jodelle, Épitaphe du membre viril de frère Pierre. 156 Goinfres, pique-assiette. « Ces macquereaulx,/ Ruffiens, meschans lappereaulx,/ Happeloppins. » (Les Sotz fourréz de malice.) Les couratiers, ou courtiers, sont des entremetteurs : « Couratiers et gens de meschante vie, comme dansseurs, flateurs. » ATILF. 157 Villageois. « Un villageois l’a eue…./ Mais le touyn l’a faulcement déceue. » Collerye. 158 Un pubis de femme. « Cultivez tost mon joly jardinet,/ Et l’arrousez pour la semence espandre. » Fleur de poésie françoise. 159 D’un vagin. « Vive la jeune fillette/ Qui preste le cabinet/ Qui fait lever la brayette [la verge] ! » Chanson nouvelle. 160 Leur « tige ». Au 1er degré, planter un rosier = laisser des dettes : cf. Gautier et Martin, vers 222 et note. 161 Éd. : S’ellê (On scelle une lettre en appliquant un sceau sur la bande de parchemin qui se nomme la queue.) Sceller = coïter. « Je viens d’avecque la femelle :/ J’ay tant scellé que plus n’en puis. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 162 Marqué par le sceau qu’on enfonce dans la cire molle. 163 Qui libère son gosier de la soif. La signature au bas d’un acte est celle du secrétaire qui l’a écrit ; on peut donc voir dans celle-ci un pseudonyme de Collerye. Un émule de Rabelais apposera la même signature au bas de son Épistre du Lymosin de Pantagruel : « Ainsi signé : Desbride Gousier. »