LES FEMMES QUI FONT RENBOURER LEUR BAS

Boccace, Décaméron, BnF.
*
LES FEMMES QUI FONT
RENBOURER LEUR BAS
*
Cette farce normande fut écrite au début du XVIe siècle.
Un bât est une selle d’âne1 composée de deux couches de cuir, molletonnées avec du rembourrage. Lorsque ce rembourrage se tasse et rend le bât inconfortable, on le fait changer par un sellier. Voilà l’action qui est décrite au premier degré. Au second degré, le « bas » désigne le sexe des femmes, qu’un « rembourreur de bas » doit fourrer avec son bâton afin d’y répandre de la bourre.
Source : Recueil de Florence, nº 36.
Structure : Rimes plates, mêlées de rimes croisées. Avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Farce nouvelle des
Femmes qui font
renbourer leur bas
*
À quatre personnages, c’est assavoir :
LA PREMIÈRE FEMME
LA SECONDE FEMME
ESPOIR
DE MIEULX 2
*
LA PREMIÈRE FEMME commence SCÈNE I
Ma voisine, en cest esté,
Trop vivons sans esbatement3.
LA SECONDE FEMME
Vous en dites la vérité,
Ma voisine, en cest esté.
LA PREMIÈRE
5 C’est bien cas de nouvelleté
Que n’y ouvrez4 d’ente[n]dement.
Ma voisine, en cest esté,
Trop vivons sans esbatement.
LA SECONDE
« Besongner » nous fault autrement,
10 Et faire rembourrer noz bas5.
.
ESPOIR 6 SCÈNE II
Or escoutons tous ces débatz.
DE MIEULX
Il nous fault renoncer noblesse,
Disant que ne le sommes point7.
.
LA PREMIÈRE SCÈNE III
Par mon âme ! mon bas me blesse.
LA SECONDE
15 Par mon âme ! le mien me point
Merveilleusement8, tant est chault.
LA PREMIÈRE
Le mien me tue.
LA SECONDE
Il ne m’en chault.
LA PREMIÈRE
Mon mal vous ne sçavez, en somme.
LA SECONDE
Ne le baillez pas à ung homme
20 Vieil, qui ne le scéroit9 fourrer.
LA PREMIÈRE
Allons-m’en faire rembourrer ;
Prenez le vostre, j’ay le mien.
LA SECONDE
Aussi ay-je dessoubz mon bras.
LA PREMIÈRE
Il nous fault trouver le moyen
25 Qu’il nous face le cuir10 bien gras.
[LA SECONDE]
Regardez-moy, suis-je bien necte ?
Secouez ung peu ma cornette,
Et la mectez dessus mon front.
LA PREMIÈRE
Suis-je bien ?
LA SECONDE
Ouy.
LA PREMIÈRE
Or, alon donc
30 En faisant bonne contenance.
LA SECONDE
S’ung de ces seigneurs cy s’avance,
Il le nous fauldra saluer.
LA PREMIÈRE
Se nous avions ung [bon sellier]11,
Bien [il] nous feroit nostre ouvraige.
LA SECONDE
35 M’ai[t] Dieulx12 ! il ont beau parsonnage.
LA PREMIÈRE
Il sont au milieu de leur aige.
Je ne sçay s’il ont bons « outilz ».
.
ESPOIR SCÈNE IV
Il nous fault faire des motifs13
Et leur demander où elles vont.
DE MIEULX
40 Attens, elles nous saluront.
.
LA PREMIÈRE SCÈNE V
Jésus14 vous doint joye et santé,
Gentilz seigneurs, en équité !
ESPOIR
Et vous aussy, belles bourgoises !
DE MIEULX
Qu’elles sont doulces et courtoises !
ESPOIR
45 Qu’el ont le… cueur15 franc et entier !
DE MIEULX
Où allez-vous ainsi errant ?
LA PREMIÈRE
Nous allons serche[r] ung sellier
Pour embourer nos bas devant.
ESPOIR
Or n’alez plus nully serchant16,
50 Car nous sommes ce qu’il vous fault.
LA SECONDE
Certainement, sans nul deffault,
Mon seigneur, j’en suis trèsfort aise.
ESPOIR
Monstrez-les-nous !
LES DEULZ FEMMES ensemble
Ne vous desplaise17 !
ESPOIR
Il ont besoing de bien estendre18.
LA PREMIÈRE
55 Mon seigneur, le cuir est bien tendre :
Boutez-y le « baston » de mesure19.
DE MIEULX
Il fault icy bonne embourreure.
LA PREMIÈRE
Embourrez-le bien, quoy qu’il couste.
LA S[E]CONDE
Ung an eut à la Penthecouste
60 Que [le mien]20 ne fut rembouré21.
LA PREMIÈRE
Vrayment, c’est par trop demouré :
Je m’esmerveil(le) qu’il n’escorchoit.
LA SECONDE
N’osoyes : mon mary y estoit,
Qui me tenoit bien à destroit22.
65 Pour dire, le trou est estroit !
ESPOIR
La mort bieu ! g’y mectroy la verge23.
LA SECONDE
Gardez bien qu’il ne soit [trop] large !
Boutez-la dedans par mesure.
DE MIEULX
Il sera bien, je vous assure,
70 Car mon baston est bien petit.
LA PREMIÈRE
C’est trèstout cela qui me duist,
Mais qu’il soit gros à l’avenant.
DE MIEULX
Il est bien pointu par-devant,
Mais il est gros enprès le manche.
LA PREMIÈRE
75 Mais qu’il entre de croc ou de hanche24 !
Il soufist, mais qu’il soit dedans.
ESPOIR
Il fault tirer ce cuir aux dens25,
Pour le faire ung petit croistre.
LA SECONDE
Par celuy Dieu qui nous fist naistre,
80 Vous le met[e]z trop coup à coup !
ESPOIR
Est-il bien ?
LA SECONDE
Encore ung coup !
ESPOIR
Il ne reste qu’à l’embourer ;
Quel bourre y voullez[-vous] fourrer ?
LA SECONDE
Vrayment, sire, pour le plus seur,
85 Je voys demander à ma seur26
De quoy fait embourrer le sien.
Seur, quel bourre metz-tu au tien ?
LA PREMIÈRE
Nostre Dame ! je n’en sçay rien,
Quant est à moy ; avisez-y.
DE MIEULX
90 La boure d’ung estronc moysi
Bonne seroit : elle est souesve27.
LA SECONDE
Par mon âme, je croy qu’il resve !
Et ! voicy ung trop bon raillard !
LA PREMIÈRE
Mais de la bourre d’ung couillart28 :
95 Il n’y a rien plus advenent.
LA SECONDE
Rien n’y a plus adoulcissant ;
Boutez-y-en, je vous en prie !
ESPOIR
Ho, dame, vous serez servye !
LA PREMIÈRE
Au mien, boutez-y-en aussi,
100 Je vous en pry, ung bon loppin.
DE MIEULX
Aura-il assez de cecy ?
LA PREMIÈRE
Ha ! s’aura mon, par sainct Gobin !
Or avez-vous trèstout parfait ?
[DE MIEULX]29
Ouy dea, tout cecy est parfait.
105 Au moins tantost, que je ne mente.
Fault-il point couldre ceste fente ?
LA PREMIÈRE
Il est trèsbien, je m’en contente.
Nous faisons [cy] trop longue atente,
Ma seur ; estes-vous despeschée ?
LA SECONDE
110 L’euvre sera tost achevée,
Il ne fault que ung peu bouter.
LA PREMIÈRE 30
Ha, dea ! je vous ve[u]il contenter
De vostre peine, c’est raison ;
Que vous fault-il ?
DE MIEULX
Sans achoison31,
115 Ce que vouldrez, je vous pardonne.
LA PREMIÈRE
Tenez, vélà que je vous donne ;
Estes-vous bien de moy content ?
DE MIEULX
J’en vouldroye [bien] avoir autant
De tous ouvrayges32 que je foiz !
120 Au moins, baisez-moy une foiz
Ains que départez de ce lieu.
LA PREMIÈRE
Voulentiers, pour [vous] dire adieu.
Ne vous chaille : dor[é]navant,
Je vous viendray voir plus souvent.
DE MIEULX
125 Quant vous plaira, tout à commant33.
LA PREMIÈRE
Certeinement je m’en vois voir
Que ma voisine peut tant faire.
DE MIEULX
Vous ferez bien vostre debvoir.
LA PREMIÈRE
[Il est]34 bien temps de nous retraire,
130 [Ma] seur ; av’ous payay vostre homme ?
LA SECONDE 35
Il ne [me] reste pas grant somme ;
Or tenez, vélà vostre compte.
Se n’est assez, dites sans honte.
ESPOIR
J’en ay as[s]ez, je m’en contente.
135 Ne m’espargnez36, mignone gente.
LA SECONDE
Certes, je suis bien conseill[é]e37.
[ESPOIR]
À tout le moins, une acollée
Me fault avoir et ung baiser.
LA SECONDE
Pas ne le vous doibs refuser.
140 Adieu vous dy jusqu(es) au reveoir38 !
ESPOIR
Je pry à Dieu de mon pover
Qu(e) il vous doint [tout] vostre désir39 !
LA PREMIÈRE
Adieu jusques au revenir,
Qui sera bien-tost, pour vous veoir40.
DE MIEULX
145 Ce que ferez sera debvoir41.
Adieu vous dy, la belle fille !42
.
LA PREMIÈRE SCÈNE VI
Ce mignon-là sçait bien le stille43 :
Il « besongne » bien sans cesser.
LA SECONDE
[Et] l’autre m’a fait chose utille.
LA PREMIÈRE
150 Le mien44 n’a garde de me blesser,
Ma foy : il est bien45 eslargy !
LA SECONDE
Le mien ne l’estoit qu’à demy ;
Mais présent, est oultre mesure.
LA PREMIÈRE
Onc46 ne fut si bon[ne] embourreure
155 Qu’il m’y a mis, à mon advis…
Il est bas[se] heure47 ; je vous pleuvis48 :
Allons-nous-en hastivement.
LES DEULX FEMMES ensemble
Mes seigneurs, à Dieu vous command49 !
.
ESPOIR SCÈNE VII
Certes, j’ay eu trèsbon pay(e)ment.
160 Aussy50 estoit nostre adventure.
DE MIEULX
J’ay bien ouvert son bas devant.
ESPOIR
Certes, j’ay eu trèsbon payment.
DE MIEULX
Porté m’y suis honnestement :
Je luy ay51 fait bel[le] ouverture !
ESPOIR
165 Certes, j’é eu trèsbon payment.
[Aussy] estoit nostre adventure.
DE MIEULX
Mon compaignon, sans nul murmure,
Il nous fault aller pionner52
En quelque lieu de cest argent.
ESPOIR
170 Or, alon au Lion d’Argent53
Toute la nuyt bien chopiner54.
DE MIEULX
Il est temps de nous en aler,
Car il est tard. Disons adieu.
ESPOIR
Seigneurs qui estes en ce lieu,
175 Vous avez cy veu noz esbatz,
Et avez bien peu voir le stile
Com les femmes de ceste ville
Font devant embourrer leur bas.
Des bonnes55 nous ne parlons pas.
180 Cy56 avons fait nostre povoir.
Encore, elle[s aur]ont espoir
De mieulx en mieulx y procéder,
Donnant57 argent pour rembourrer,
[S’on se]58 voullus[t] habandonner
185 À bien leur faire courtoisie.
Vous plaise de59 nous pardonner
S’avons failly, je vous en prie !
EXPLICIT
*
1 Les bourgeoises se déplaçaient à dos d’âne. L’expression « bâter l’âne » a un sens érotique : « Pour parler en paroles couvertes, on a dit “ baster l’asne ” pour signifier faire, verminer, besongner. » Béroalde de Verville. 2 Espoir-de-mieux est une entité allégorique, ici fragmentée en deux personnages distincts. L’expression « espoir de mieux » apparaît comme une signature <voir la note 53> aux vers 181-182. Jelle Koopmans (Recueil de Florence, p. 506) croit reconnaître dans cette locution « la devise de François Girault, auteur du Moyen de soy enrichir », publié vers 1530. Mais avant d’être une devise assez commune, « espoir de mieux » est d’abord un cliché qui résume bien la mentalité médiévale, faite de nostalgie du passé, d’inquiétude face au présent, et d’espoir dans l’avenir. 3 Sans coït. « Par culz sont beaulx esbatemens. » XLI chansons. 4 F : ouures (Œuvrer d’entendement = faire preuve de bon sens.) 5 « Femme, pour embourer son bas,/ Perdra plainement la grant messe. » Guillaume Coquillart. 6 Les hommes sont à l’écart, mais ils entendent les femmes. Les deux groupes vont dialoguer séparément, avant de se rejoindre au vers 41. 7 Que nous ne sommes pas nobles, afin de nous faire passer pour de vulgaires selliers. 8 Me pique excessivement. 9 Saurait. C’est un des normandismes qui ont échappé à l’imprimeur, avec sercher (vers 47 et 49), av’ous (130), pover (141), plévir (156), et la rime -erge -arge aux vers 66-67. 10 Le sexe. « Vostre cuyr, qui si fort vous point [pique]. » (Jehan Molinet.) Comme dira Restif de La Bretonne, elles veulent avoir « la charnière graissée ». 11 F : collier (Cf. le vers 47.) 12 Que Dieu m’assiste ! 13 Nous devons jouer les résolus. « Colléricque,/ Hardy, motif et esveillé. » Les Femmes qui font refondre leurs maris, BM 6. 14 F : Dieu (Cf. les Rapporteurs, vers 107.) 15 Les deux hommes ne connaissent pas encore le cœur de ces dames, mais ils voient leur « cuir » symbolique, puisqu’elles le portent sous le bras (vers 22-23). 16 Le nobliau contrefait l’accent provincial de son interlocutrice. 17 Les femmes ne veulent pas montrer leur bas devant tout le monde. La première entraîne De Mieux derrière le rideau de fond, et la seconde y emmène Espoir. 18 F : entendre (Vos bâts ont besoin d’être étendus, dilatés : vers 78.) 19 De taille raisonnable. Ce bâton sert à enfoncer la bourre jusqu’au fond du bât. 20 F : la mienne 21 F : rembouraye (qui ne rime pas avec « demouré ».) 22 « Qui me surveillait étroitement. » Koopmans, note 18. 23 Le bâton de bourrelier. Dans sa note 19, Koopmans prétend que nous avons là une « rime dite parisienne ». Or, cette rime est tout aussi bien normande. Entre mille exemples, cf. le dialogue normand du Gentil homme et son page, où « charge » rime avec « per-ge ». Cf. la sottie normande de la Réformeresse, où « serge » est noté « sarge » et rime avec « charge ». 24 De gré ou de force. « Que l’ayez de croq ou de hanche. » Charles d’Orléans. 25 Métaphore du cunnilingus. 26 Ma commère. 27 Suave, douce comme le duvet qui couvre un étron moisi. « Qui est la plus douce plume du monde ? C’est celle d’un estront musy. » Joyeusetéz, XIII. 28 F : conillart (Vers trop long. Le « n » et le « u » étaient le même caractère d’imprimerie, ce qui généra d’innombrables coquilles ; voir la note 45.) La bourre d’un couillard est évidemment le sperme. Naguère, on souhaitait « bonne bourre » aux nouveaux mariés. 29 F : ESPOIR (Voir la note 17.) 30 Elle revient en scène, avec De Mieux. 31 Sans discussion. 32 F : ouuraygez (Pour tous les travaux que je fais. Les deux nobles <note 7> n’ont pas l’habitude d’être payés pour accomplir « l’ouvrage de reins ».) 33 Je suis à votre commandement. 34 F : Cest 35 Elle sort de derrière le rideau, avec Espoir, et elle s’adresse à lui. 36 « On dit Ne m’espargnez pas, pour dire : Employez-moy librement. » Dict. de l’Académie françoise. 37 Votre conseil est bon. 38 F : reuenir (Confusion avec le v. 143. La rime pouver [pouvoir] est typiquement normande.) 39 « Je prie Dieu qu’il vous doint tout vostre désir ! » Marie de Clèves. 40 F : voeir 41 Vos désirs sont des ordres. 42 Les deux hommes s’éloignent. 43 Connaît son affaire. 44 Mon bât (vers 14). 45 F : bieu 46 F : Que 47 Il est tard (vers 173). « Il fut question de faire retraicte, car il estoit basse heure. » Vincent Carloix. 48 Je vous avertis. « Se ce ne faites, je plévis :/ Toutes vos gens seront occis ! » Renart le contrefait. 49 Je vous recommande. Ce congé s’adresse au public. Les femmes sortent, et leurs gigolos concluent la pièce. 50 F : Cy (Notre aventure fut aussi très bonne. Je corrige également le refrain 166.) 51 Koopmans : au — Cohen : ay 52 Boire du piot [du vin], en argot. Les nobles savaient déjà s’encanailler ! 53 Célèbre étuve rouennaise, qui eut la gloire de voir passer Jeanne d’Arc lorsqu’on la mena au bûcher, et l’honneur d’être fréquentée par les Conards de Rouen. Les Triomphes de l’Abbaye des Conards racontent que cette confrérie joyeuse, très impliquée dans le théâtre comique, organisa en 1540 une procession parodique à laquelle participait « un personnage nommé Espoir, [qui] tenoit en sa main une espoire ou sphère d’or » en déclamant des vers portant sa signature : « Qu’Espoir riant, aux jeunes favorable,/ Face revoir ce qu’on oste à vos yeux ! » Loin derrière, « Noblesse battoit le linge sur une selle. » Ce même opuscule nomme le Lyon d’argent et d’autres étuves de la ville parmi les « cartiers vénériens » et les « lieux dangereux ». 54 Boire des chopines. Mais aussi : culbuter, faire tomber d’une poussée. Les étuves étaient mixtes (les dames venaient notamment s’y faire « raser le pénil »), et elles comportaient des lits. On y passait la nuit à boire, à jouer aux dés, ou à copuler avec des filles louées par le tenancier raseur de pénil. Cependant, on n’y faisait pas de théâtre ; les Conards du Lion d’Argent préféraient les halles, plus spacieuses, « Pour recevoir des gens un million,/ Plus que n’avons de coustume au Lyon ». (Triomphes de l’Abbaye des Conards.) 55 Des femmes honnêtes. 56 F : Gy 57 F : Donnent 58 F : Sommes (Pour peu qu’on veuille s’abandonner.) 59 F : a
LE GENTIL HOMME ET SON PAGE

Manuscrit La Vallière
*
LE GENTIL HOMME ET SON PAGE
*
Ce dialogue normand, composé après le mois d’octobre 15251, campe un nobliau famélique et mythomane, contredit par un valet insolent qui a malgré tout de l’affection pour lui, oscillant entre Sancho Pança et Figaro. On trouvait le même couple bancal dans Légier d’argent (F 25), et des emprunts à cette farce fourmillent dans le présent dialogue.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 10.
Structure : Rimes plates, avec 1 triolet.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
*
Farce joyeuse à deulx personnages,
c’est asçavoir
ung Gentil homme
et son Page
lequel devient laquès
*
LE GENTIL HOMME commence
Mon page !
LE PAGE
Qui fut et n’est plus.
LE GENTIL HOMME
Pourquoy ?
LE PAGE
Je veulx changer de maistre2.
LE GENTIL HOMME
La raison ?
LE PAGE
Vous estes reclus3.
LE GENTIL HOMME
Mon page !
LE PAGE
Qui fut et n’est plus.
[………………………………. -us
……………………………….. -estre.
LE GENTIL HOMME
5 Mon page !
LE PAGE
Qui fut et n’est plus.]
LE GENTIL HOMME
Pour quoy cela ?
LE PAGE
Je veulx changer de maistre.
LE GENTIL HOMME
Beaucoup de bons tours puys congnoistre,
Que t’ay monstré le temps passé.
LE PAGE
Vous chûtes par une fenestre,
10 À la montre4, et fustes cassé.
LE GENTIL HOMME
Pource que j’estoys espassé5
Et hardy en une bataille,
On m’a cassé6 ; car on me baille,
Le temps avenir, plus grand charge.
LE PAGE
15 Vous avez beau mentir ; que per-ge7 ?
Car je cuyde, pour abréger,
Que vous estes hors de danger
De rien prendre8 à l’argent du Roy.
LE GENTIL HOMME
Tient-on pas grand conte9 de moy,
20 Quant je suys parmy les seigneurs ?
LE PAGE
Ouy dea. Mes ce sont les greigneurs10
Avec qui je vous vis jamais
Que le Fin-Vergus11 de Beauvais,
Monsieur du Croq, Hape-Gibet,
25 Qui ont tant usé de débet12
Et trouvé13 chose[s] non perdus :
Yl ont esté tous troys pendus
Par le prévost des mareschaulx.
LE GENTIL HOMME
Viençà, viençà !
Nombrerès-tu bien les monceaulx
30 Des cors que j’ey mys à [la] fin14 ?
LE PAGE
Ouy dea ! ouy dea ! Se j’avois un coffin15
Des poulx qu’avez mys à [la] mort16,
Yl en seroyt plain jusque au bort,
Et fût-y grand comme un boysseau.
LE GENTIL HOMME
35 M’a[s]-tu pas veu porter l’oyseau17,
Et tenir train de gentillesse18 ?
LE PAGE
[L’oyseau ?] Ouy dea, par hardiesse :
Mais c’estouent poulès19 dérobés.
LE GENTIL HOMME
Touchant joueurs de cartes et de dés,
40 En vis-tu onc[ques] en ta vye
Un mieulx prisé en seigneurye20,
N(y) un plus beau joueur que je suys ?
Car certainnement, je poursuys
Tousjours le train des gentis hommes.
LE PAGE
45 Jamais vous n’y perdîtes grans sommes
En un jour de vostre vivant :
Car jamais je ne vous vis vailant
Troys soublz que vous n’en dussiez sis21.
LE GENTIL HOMME
Je ne sçay plus comme je suys ;
50 Mon varlet se moque de moy.
LE PAGE
Non fais, je vous promais ma foy.
Mais je ne me puys convertir22
À vous ouïr sy fort mentir
Et vous gorgier23 en ce poinct.
LE GENTIL HOMME
55 Or viençà ! Ne te souvient-y poinct
Que j’entris sans plus d’atente
Vailamment [de]dens une tente
Où je conquestis une enseigne24 ?
Et sy, je prins un capitaine
60 Et deulx pièces d’artillerye.
LE PAGE
[Et] où fusse ?
LE GENTIL HOMME
Dens une tente.
LE PAGE
Où ?
LE GENTIL HOMME
Dens une tente.
LE PAGE
[Où bien vite
Avez fuy ?
LE GENTIL HOMME ]
Une bonne fuyte
Vault mieulx c’une mauvaise atente25.
[LE PAGE]
65 Quant de cela, je n’en sçay rien.
Mais vrayment, y me souvient bien
Qu’à la Journée des Esperons26,
[………………………. -ons,]
Vous fuÿtes dens ung fossé.
Et puys quant tout fut [d]éblocé27,
70 Vous [ac]courûtes au pillage28.
LE GENTIL HOMME
Tant tu me fais de dommage,
De desplaisir et destourbier29 !
Et sy tu me vouloys un petit suplier
Et me coloquer30 en tous lieux,
75 Tu t’en trouverès beaucoup mieux :
Je te pourvoyerès devant tous.
LE PAGE
Je vous emprie, prenez pour vous
Des biens, sy en povez avoir31 ;
Garde n’avez de m’en bailler,
80 Ce croi-ge, sy n’en avez d’aultres.
LE GENTIL HOMME
Y fauldra que je vous épiaultres32,
Sy de bref vous ne vous changez !
LE PAGE
Y fauldra bien que vous rengez33,
Ou que vous vous servez vous-mesmes !
LE GENTIL HOMME
85 Tu sçays bien que tu es à mesmes34
De tout mon bien d’or et d’argent.
Tu congnoys tout entièrement,
Maistre et seigneur de mes mugos35
–Et tu m’entens bien en deulx mos36.
LE PAGE
90 Le deable emport qui [ne] vous vit
Jamais que des gros [sans crédit]
Qui courent parmy ces maraus37 !
Vous n’avez jumens, ne chevaus,
Ny habis qui ne souent en gage38 ;
95 Vostre chemyse est de louage.
Et sy39, vous fault ung serviteur !
LE GENTIL HOMME
Tu says bien que tu es menteur :
J’ay troys ou quatre nobles fieulx40,
Et de la terre en plusieurs lieux.
100 Parmy les dames, qui [m’en croyt41,
Quant auprès d’elles on me voyt,]42
Je ne say aux-quelles entendre.
LE PAGE
Il est bien vray que je vous vis prétendre,
En un soeir43, au cler de la lune,
105 De coucher avec[que] que[l]que une
Qui d’une main estoyt manquete44 ;
Et vous eng[ign]a d’une pouquete45
La galande, et revîntes tout nu46.
LE GENTIL HOMME
Voylà pour toy bien mal congneu
110 Le bon plaisir que je t’ay faict.
Je t’ay acoustré, en effaict,
Depuys l’espasse de dix ans.
Voylà le train des bons enfans,
Maintenant : ne congnoyssent rien.
LE PAGE
115 Sy vous ay-ge faict plus de bien
Que vous ne m’avez déservy47.
LE GENTIL HOMME
Ne soyons poinct icy messuy48.
As-tu poinct veu mon estan ?
LE PAGE
Ouy, ouy, [et] les neiges d’anten49 !
120 (Y n’a ny estan, ne clapier50 :
C’est ung grand fossé de bourbier
Où sont gregnouiles et mûrons51.)
LE GENTIL HOMME
Que dis-tu ?
LE PAGE
Je dis Monssieur que : « Les hérons
Vous [y] ont faict un grand dommage52. »
LE GENTIL HOMME
125 Vers quel costé ?
LE PAGE
Vers le rivage.
Yl ont gasté le petit fieu.
LE GENTIL HOMME
Je t’en croy bien, page, par Dieu :
Sy avoyt-y force pouesson53.
LE PAGE
Il y en y a autant c’un ouéson
130 Porteroyt bien dedans son bec.
LE GENTIL HOMME
Mon grand muret […….. sec],
Combien contient-y bien de tour ?
LE PAGE
Autant qu’on feroit, de ce jour,
À boyre chopine de vin.
135 (Y n’a terre, vigne, ne vin54 :
Je dis vray, par saincte Marye !)
LE GENTIL HOMME
Que dis-tu ?
LE PAGE
[Que] vostre prarye
Contient envyron quatre lieux55.
LE GENTIL HOMME
A ! tu as dict vray, semydieux56 :
140 Yl y sont à la grand mesure.
Quans herpens57 ay-ge de pasture ?
LE PAGE
Envyron III ou IIII cens.
LE GENTIL HOMME
Qui ne te croyt, y n’a pas sens.
LE PAGE
(Ouy, bien autant de sens, je dis,
145 Que sur la queue d’une souris.)
LE GENTIL HOMME
Tous mes grains, où seront-y mis ?
LE PAGE
Où y seront ?
LE GENTIL HOMME
Ouy, ouy.
LE PAGE
Cheux vos amys58 !
Et me semble qu’i seroyt bon
De les mectre en un mulon59,
150 Près du grenier où est le foing.
(Par ma foy ! y n’a pain ne grain
Qu’i séroyt60 mectre en sa gorge.
Je dis vray, par monsieur sainct George !)
[ LE GENTIL HOMME
Mon avoynne61 est-elle battue ?
LE PAGE
Par] ma foy, je ne l’ay poinct veue.
155 (El est d’une estrange couleur !
D’avoynne ? Vouélà grand douleur.
Je ne say qui luy eust baillée :
Y n’en a pas une escullée62,
De cela je suys bien certain.)
LE GENTIL HOMME
160 Et du reste de l’autre grain,
Nous en avon à grand foyson ?
LE PAGE
Ouy dea, assez et de raison,
Ma foy, Monsieur, pour nostre année.
LE GENTIL HOMME
Viençà, page ! Ceste journée,
165 As-tu pas veu mes grans chevaux63 ?
LE PAGE
Ouy, ma foy, Monssieur : y sont beaux.
Y les faict bon vouèr à l’estable.
(Des grans chevaulx ? Yl a le deable !
Y n’a que de vielles jumens
170 Qui n’ont aux g[u]eulles nules dens :
Vouélà tous les chevaux qu’il a.)
LE GENTIL HOMME
Page, viençà ! Qui me bailla
Ce cheval qui est à ma femme ?
LE PAGE
Ce fust le roy, Monssieur. (Mon âme !
175 Comme y baille de la bigorne !
C’est un viel cheval qui est borgne,
Et n’est c’une vielle carongne
De jument à qui les os percent ;
Le cul et les jambes luy herchent64
180 De malle fine povreté.)
LE GENTIL HOMME
Viençà, page ! Suy-ge monté,
À ton advis, à l’avantage65 ?
LE PAGE
Ouy Monssieur, [ainsy] comme [un] page
Qui va à pié le plus66 du jour.
LE GENTIL HOMME
185 Je ne doibtz pas avoir de pa[o]ur67,
Quant je me trouve en quelque assault.
Page !
LE PAGE
Monssieur ?
LE GENTIL HOMME
Pren mon courtault68 :
Je te le donne pour ton étrène ;
Le tien te faict par trop de peine,
190 Car y me semble par trop las.
LE PAGE
Grand mercy, Monssieur ! Et ! quel soulas !
Je me doys bien réconforter.
(S’il en avoyt pour le porter
Luy-mesmes, le povre cocu,
195 De XX soublz69 ou d’un povre escu,
Pensez-vous qu’i feroyt du maistre ?)
LE GENTIL HOMME
Page !
LE PAGE
Monssieur ?
LE GENTIL HOMME
Y te fault estre
Dedens un moys en Angleterre.
LE PAGE
Et pour quoy faire ?
LE GENTIL HOMME
Tu m’iras querre
200 Douze haquenés70 à Hantonne,
Que le roy [des] Engloys me donne ;
Y valent bien, chascun, cent frans.
Tu luy mairas71 mes chiens courans
Pour coupler avec ses lév(e)riers.
LE PAGE
Ouy, par ma foy !
205 (Y n’a que des chiens à bergers,
Tous aussy velus c’une vache ;
Et sy, ont l’oreille aussy flache
Et aussy mole c’une trippe.)
LE GENTIL HOMME
Que dis-tu ?
LE PAGE
Que c’est [de] la tippe72,
210 Monssieur ? Voulez-vous qu’on luy maine ?
LE GENTIL HOMME
Laquelle esse ?
LE PAGE
C’est Marjollaine,
[C’est] la plus belle du tropeau.
(Par ma foy ! on luy voyt73 la peau,
Tant est morfondue et rongneuse.)
LE GENTIL HOMME
215 Que dis-tu ?
LE PAGE
Elle est plaisante y amoureuse74,
Ceste chienne, la plus du monde.
LE GENTIL HOMME
Et ! c’est cela où je me fonde.
LE PAGE
Voulez-vous qu’el y soyt menée ?
LE GENTIL HOMME
Ouy dea !
LE PAGE
[Sy elle n’est]75 traînée,
220 Ceste chienne va sy à loysir
Qu’à peine poura’le suyvir76
Un cheval sy tost que le pas
–Entendez-vous ? je ne mens pas–,
Tant [elle] est vilaine, orde et salle.)
LE GENTIL HOMME
225 Page !
LE PAGE
Monssieur ?
LE GENTIL HOMME
Dedens ma salle77,
Y faict-y pas maintenant beau ?
LE PAGE
Ouy de[a], Monssieur, tout de nouveau78
[Vous] l’avez faict paindre, pour seur.
(Mais quelle salle ! c’est hideur :
230 Il n’en a poinct, que sa chemise79 ;
C’est celle-là dont y devise
Et de quoy il entent80 parler.)
LE GENTIL HOMME
Page !
LE PAGE
Monssieur ?
LE GENTIL HOMME
Va-moy seller
Mon courtault, qui est à l’estable !
LE PAGE
235 Vostre courtault81 ? (De par le deable !
Je n’en sache poinct qui vous hète82,
Que celuy de vostre brayète,
Qui vous donne bien du tourment…)
LE GENTIL HOMME
Page !
LE PAGE
Monssieur ?
LE GENTIL HOMME
Aproche-toy légèrement !
240 Et ! tout le temps que me83 servy[s],
–Je me croy bien à ton avis84,
[Dis-moy le vray, par ton serment]–,
T’ai-ge pas payé ton paiment
Vaillamment, par chascun cartier85 ?
LE PAGE
Y n’a poinct falu de papier
245 Pour en escripre la quictance !
(J’en tiens86 encores sans doubtance
Tout ce qu[e j’]en receus jamais.)
LE GENTIL HOMME
Gens qui ont serviteurs parfaictz
Les doibvent bien entretenir.
LE PAGE
250 Mais leur laisser tout leur[s] aquestz
Vailamment, sans rien retenir.
Je vous suplye, alons-nous-ent87
Bien tost ; parton légèrement,
Et laissez ceste vanterye
255 Dont estes plain : c’est moquerye
[Que] de vous et de vostre affaire.
Adieu, ne vous veuile desplaire88 !
FINIS
*
1 André Tissier : Recueil de farces, tome 10, pp. 187-189. Droz, 1996. 2 D’après le titre, il veut devenir laquais [valet d’armée]. Un page ne restait jamais dix ans <vers 112> dans cette fonction peu lucrative, et surtout, réservée aux enfants : car un page devait être le modèle réduit de son maître, comme en témoigne l’eau-forte de Jacques Callot intitulée un Gentilhomme et son Page (1617). 3 Cloîtré : la misère lui interdit toute vie sociale. 4 En regardant défiler la troupe. Il faisait donc partie des badauds, et non des soldats qui paradaient. 5 Loin de mes camarades (qui étaient restés en arrière). 6 Cassé aux gages, révoqué sans solde. Il fait semblant de mal comprendre le « cassé » du vers 9, qui se rapportait à ses fractures. 7 Vous mentez pour rien ; qu’ai-je à perdre ? 8 LV : perdre (Vous ne risquez pas d’être payé par l’État, contrairement aux militaires.) 9 Jeu de mots involontaire sur « tenir compte » et « tenir des contes » [se livrer à des racontars]. 10 Les plus importants. 11 Fin-verjus est un savetier alcoolique et roublard (F 33, T 11). Le croc est le crochet des tireurs de bourses, et un outil pour crocheter les serrures : « Successeurs de Villon en l’art de la pinse et du croq. » (Marot.) Happe-gibet est synonyme de brigand, meurtrier et voleur (les Épithètes de M. de la Porte). Bref, le Gentilhomme ne fréquente que du gibier de potence. 12 Des reconnaissances de dettes. (Lat. debet = il doit.) 13 Euphémisme pour « volé ». 14 Parviendrais-tu à compter les ennemis que j’ai tués ? « Je ne cognois deux ne trois tant soyent puissans hommes que (il) ne les eust bien mys à la fin. » A. de La Sale. 15 Un couffin, une corbeille. 16 Forme attestée : « Furent jugés & mys à la mort. » Brut. Cf. Troys Gallans et Phlipot, vers 422. 17 Le faucon, que les nobles portaient sur leur poing quand ils chassaient. Cf. le Faulconnier de ville. 18 Le train de vie de la Noblesse (vers 43-44). 19 C’étaient des poulets. 20 Parmi les seigneurs, qui jouaient gros jeu. 21 Vous n’avez jamais eu trois sous vaillants sans en devoir six. 22 Résoudre. 23 Vous rengorger, vous vanter. 24 Un étendard dans une tente de l’ennemi. 25 « Le proverbe qui dict qu’une bonne fuitte vaut mieux qu’une mauvaise attente. » (Straparole.) Pour garder ce proverbe intact, notre auteur a dû introduire un quatrain abba. 26 LV : alemans Le 20 mai 1525, la « guerre des Boures » (ou des Rustauds) donna lieu à la bataille de Scherwiller : les soldats lorrains (renforcés par quelques gentilshommes français) battirent l’armée des paysans luthériens allemands. Mais aucune « Journée des Allemands » n’est connue sous ce nom. La seule « journée » qui avait marqué les esprits, c’est la Journée des Éperons (bataille de Guinegatte, 16 août 1513), lors de laquelle les soldats français avaient pris la fuite, à l’instar de notre Gentilhomme : cf. l’Avantureulx, vers 408 et note 114. Remarquons d’ailleurs que ce vers 67 n’a pas de pendant : on ignore s’il rimait en -ans ou en -ons. Il est probable qu’un des premiers copistes a modifié ce vers en songeant au traité de Moore (30 août 1525), sur lequel la France comptait encore en octobre pour établir une paix durable avec la perfide Albion ; plutôt que de rappeler aux Normands, déjà furieux contre ce traité, qu’Henri VIII d’Angleterre était en plus le vainqueur de Guinegatte, il valait mieux détourner l’attention populaire sur des vaincus allemands. 27 Quand le blocus fut levé. « Les habitans commencèrent à débloquer et sortir. » Godefroy. 28 Comme un vulgaire troupier : « Plusieurs soldats accoururent de tous costéz, (…) chacun accourant au pillage. » (Le Mercure françois.) Les combattants français de Guinegatte guerroyèrent surtout contre des poules : « Actes de batailles/ Font contre poulailles/ Noz gens. » (G. Cretin, Lascheté des gensd’armes de France à la Journée des Esperons.) 29 De contrariété. 30 Me mettre en bonne place. Il demande à son page de le valoriser devant les gens, comme le gentilhomme de Légier d’argent (v. notice) : « Jaquet, tu me fais plaisir/ Des biens que vas disant de moy. » 31 Rime normande avèr / baillèr. 32 Fracasse. « Courbatu, espaultré et froissé. » Rabelais, Quart Livre, 14. 33 Que vous vous corrigiez. 34 Gérant. « Je vous mettray à mesme mes biens, où vous pourrez puiser et prendre tant de richesse comme il vous plaira. » Amyot. 35 LV : tresors (En Normandie, mugot = trésor <cf. Godefroy>. « Nous trouvasmes force trésors inutiles ; nous descouvrismes (…) le beau et ample mugot de Molan. » Satyre Ménippée.) 36 À demi-mot : je n’en dis pas plus pour ne pas révéler où ils sont cachés. 37 Des pièces dévaluées qui ont cours chez les vauriens que vous fréquentez. « De toutes receptes,/ Je ne sache c’un gros qui court. » Le Poulier à sis personnages (LV 27). 38 Qui ne soient hypothéqués. 39 Pourtant. 40 Fiefs. Idem à 126. 41 Si vous m’en croyez. Cf. le vers 143. 42 LV : plus est / ne me croyent pas la on y me vouent 43 Un soir. 44 Manchote. 45 Elle vous escroqua d’une bourse. 46 Sans argent. Galande = galante : cf. la Réformeresse, vers 89. 47 Payé de retour. « Jamais je ne pourroye/ Vous desservir les biens que me donnez. » Charles d’Orléans. 48 Maishui, indéfiniment. « Despeschez donques !/ Je ne veuil estre icy messuy. » (L’Oficial, LV 22.) Entre la rubrique et le vers 117, LV a intercalé des pattes de mouches sans rime ni rythme : Vienca nen parle iamais 49 De l’an passé. Clin d’œil à Villon : « Mais où sont les neiges d’antan ? » 50 Ni étang, ni monceau de pierres. Les vers 118-161 sont à rapprocher de ceux où Messieurs de Mallepaye et de Bâillevant font l’état des lieux de leurs domaines en ruines (vers 247-249). Beaucoup d’autres thèmes sont communs à ces deux dialogues. 51 Des grenouilles et des mûriers-ronces. 52 En exterminant les grenouilles dont vous vous nourrissez. 53 Beaucoup de poisson. 54 Rime dupliquée, qu’on pourrait remplacer par « grain » ou « foin ». 55 4 lieues normandes = 17,7 km. 56 Atténuation de « si m’ait Dieu » [si Dieu m’aide]. 57 Combien d’arpents. 58 Chez les affamés avec qui vous frayez. La formule annonce le « cheulx mes amys » des Troys Gallans et Phlipot, v. 442. 59 D’en faire une meule : « Deux petiz mullons de blé. » (Godefroy.) Mais le page parle-t-il des grains, ou des amis de son maître ? 60 Qu’il saurait, qu’il pourrait. 61 À la place du fragment que j’ajoute entre crochets, le copiste a écrit puis biffé : davoynne 62 De quoi emplir une écuelle. 63 Ceux qu’on utilisait à l’armée. De là vient l’expression : « Monter sur ses grands chevaux. » 64 Se traînent. 65 Ai-je une bonne monture ? M. de Mallepaye (vers 176) s’en inquiétait déjà. 66 La plus grande partie. Cf. Légier d’argent (v. notice) : « Et par deffault d’une jument,/ Il va à pié le plus souvent. » 67 De peur, puisque j’ai un bon destrier. 68 Cheval de selle. Idem vers 234. 69 Pour 20 sous : lorsqu’il a un peu d’argent. 70 Montures réservées aux femmes : « Ils sont suivis des litières & des hacquenés de Sa Sainteté. » (Du Mont.) Hantonne = Southampton : « [Ils] singlèrent devers Angleterre ; puis arrivèrent et prirent terre à Hantonne. » (Froissart.) 71 Mèneras. Henri VIII n’aurait jamais abâtardi ses lévriers greyhounds ! On rapproche les vers 199-204 du Journal d’un bourgeois de Paris : « Au dict an 1525, environ le huictiesme octobre, passèrent parmy la ville de Paris vingt ou vingt-cinq hacquenées d’Angleterre que le roy d’Angleterre envoyoit à monsieur le Daulphin estant à Bloys ; et envoia aussi un grand nombre de chiens de chasse, comme cent ou plus, où y avoit grandz dogues d’Angleterre. » Si la référence aux chevaux paraît convaincante, la référence aux chiens l’est beaucoup moins, puisque c’est les chiens français que le page doit conduire en Angleterre, et non l’inverse. 72 « Que doit-on faire de la tippe ? » Mot inconnu ; c’est peut-être un de ces normandismes dont la pièce regorge. 73 LV : vord 74 Digne d’être aimée. « La plus belle dame du roiaulme d’Engleterre, et la plus amoureuse. » Froissart. 75 LV : quelle 76 Pourra-t-elle suivre. 77 La salle principale du château. 78 Tout récemment. 79 Jeu de mots : il n’a de « sale » que sa chemise. 80 Il veut. 81 Le Gentilhomme oublie qu’il vient de le donner au page (vers 187-188). Ce dernier se venge en dénigrant son autre courtaud, c’est-à-dire son pénis : cf. la Complainte d’ung Gentilhomme à sa dame, note 94. 82 Qui puisse vous faire plaisir. 83 LV : mas 84 LV : serment (Je me fie à ton avis.) 85 Chaque trimestre. 86 Je retiens de mémoire. 87 Rime attestée : Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 193. 88 Ce congé s’adresse-t-il au public, comme il se doit, ou au Gentilhomme ?