LE MAISTRE D’ESCOLLE
.
*
LE MAISTRE
D’ESCOLLE
*
.
Le manuscrit La Vallière contient plusieurs pièces rouennaises antiprotestantes : la Bouteille, les Povres deables… Mais aucune n’atteint la virulence du Maistre d’escolle. Cette pièce fait 200 vers tout rond, comme si l’auteur avait respecté scrupuleusement le cahier des charges imposé par un commanditaire. Cela expliquerait pourquoi ce modeste tâcheron ne se risque jamais sur le terrain glissant de la contradiction théologique : il n’en avait pas les moyens. À l’heure de la Contre-Réforme, la polémique était la chasse gardée de quelques bretteurs professionnels. Les commanditaires de pièces qui parodient l’enseignement sont presque toujours des collégiens, lesquels se donnaient en spectacle lors de certaines fêtes.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 69. Cette sottie moralisée fut sans doute écrite en 1563, ce qui explique qu’elle n’était pas trop abîmée quand on l’a copiée dans ce manuscrit, une douzaine d’années plus tard.
Structure : Rimes aabaab/bbcbbc, abab/bcbc, rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce joyeuse
À .V. personnages, c’est asçavoir :
LE MAISTRE D’ESCOLLE, [MAGISTER]
LA MÈRE
et LES TROYS ESCOLLIERS, [Socié, Amycé, Quandoqué 1]
*
LE MAISTRE commence 2 SCÈNE I
Je suys recteur3, grand orateur,
Remonstrant sans estre flateur
Que Folye4 [faict] les mal pensans.
Escolliers ne sont en dorteur5 :
5 Chascun d’eulx dispute en docteur.
Pendant que d’icy sont absens,
Avoir n’en veulx mill[i]ers ne cens6 :
Charge trèsgrande n’est pas sens ;
Moy seul ne les pouroys instruyre.
10 De ce que j’en ay me contens7.
Leur aprendre Donnest 8 et sens,
Principes et Caton9 construyre…
Trop10 sçavoir ne faict que destruyre
L’homme, s’il ne se veult conduyre
15 De son sçavoir faire debvoir11.
Sçavoir est bon quant on faict bruyre12
Le sens que l’homme doibt avoir.
.
LA MÈRE DES ESCOLLIERS entre 13
Maintenant me fault aler voir SCÈNE II
Mes enfans de beaulté compris14,
20 Afin que je puisse asçavoir
S’ilz ont profité et apris.
.
MAGISTER SCÈNE III
Je n’ay poinct peur d’estre repris
Ne chargé15, en ma concience :
Car bonne doctrine et science
25 À mes escolliers veulx monstrer.
.
LA MÈRE 16 SCÈNE IV
Dieu gard, Magister ! Peus-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Mes enfans veuillez-moy monstrer !
Dieu gard, Magister ! Peulx-je entrer ?
MAGISTER
30 Ne les av’ous sceu rencontrer17 ?
Ilz sont hors de ce lieu saultés18.
LA MÈRE
Dieu gard, Magister ! Puys-je entrer ?
MAGISTER
Ouy dea, entrez sy vous voulez.
LA MÈRE
Où sont vos escollie[r]s alés ?
MAGISTER
35 Je les ay envoyés aux19 champs
Coriger un tas de meschans ;
Mais y demeurent lo[n]guement.
LA MÈRE
Y les fault avoir vitement,
Car je veulx avoir congnoissance
40 S’ilz ont apris.
MAGISTER
À grand puissance20.
Pencez qu’ilz n’ont perdu leur temps.
LA MÈRE
A ! Magister…
MAGISTER
Je les entens :
Vous pourez voir bientost, au fort21,
Comme j’en ay faict mon effort.
LA MÈRE
45 De leur bien, Dieu soyt mercÿé !
.
SOCIÉ, premyer escollier, entre. SCÈNE V
Amycé !
AMYCÉ, IIe [escollier], Badin22, entre.
Placet 23, Socÿé ?
Le IIIe escollyer, QUANDOQUÉ24, entre.
Vénité ad scolam 25 !
AMYCÉ, Badin26
Non, non !
[Je ne] suys pas…
SOCIÉ
Quoy ?
AMICÉ
Licencié.
SOCIÉ 27
Amycé !
AMYCÉ, Badin
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ 28
50 Mais bien plus tost « incensié29 » !
AMYCÉ, B[adin]
Je n’ay ne veulx aintel regnon30.
SOCIÉ
Amycé !
AMYCÉ, B[adin]
Placet, Socïé ?
QUANDOQUÉ
Vénité !
AMYCÉ, B[adin]
Ad scolam ? Non, non !
LA MÈRE
Mon filz !
AMYCÉ, B[adin]
Ma mère ?
LA MÈRE
Mon mygnon,
55 Veulx-tu abandonner ton maistre,
Celuy qui se veult entremaistre
De t’aprendre toute science ?
AMYCÉ, Ba[din]
J’en sçay plus (sur ma concience)
Que vous, luy, toy, moy et nous31 deulx,
60 Vous le savez. Monstrer le veulx :
Car quant nous avons eu congé
D’aler jouer32, me suys rengé
En lieu où j’ey bien aperceu
Que le monde a esté déceu33.
65 Et premier qu’entrer en propos34,
Prenon un petit le repos35
De chanter, pour fère l’entrée36.
MAGISTER
Science soyt à tous monstrée :
Chantons37 !
QUANDOQUÉ
Tout sera révoqué38
70 Des39 escolliers de candoque.
Et pour estre myeulx esjouys,
Chantons des chansons du pays
D’où nous venons !40
SOCIÉ
Sans contredict,
Vous n’en serez en rien desdict.
Ilz chantent.
.
LA MÈRE
75 Magister, vous érez le pris41 :
Mes enfans avez bien apris42
En très grand science profonde.
MAGISTER
Toy, premyer, je veulx que te fonde43
De me déclarer sans rébus44
80 D’où tu viens.
AMYCÉ, Ba[din]
De voir les abus
Qui se font au monde sans doubte.
MAGISTER
Comme quoy45 ?
AMYCÉ, Ba[din]
Y sont une roulte46,
Ainsy comme y veulent prétendre.
Chascun d’eulx veulent faire entendre
85 Le faulx, mais je les feray reux47.
LA MÈRE
Il est plus grand clerq que vos48 deulx,
Mydieulx !
AMICÉ, Badin
Se suys mon49, se suys mon !
Or, entrons à nostre sermon
Plus avant. Mais sans long procès50,
90 Y fault déclarer51 le[ur]s excès,
Meschantetés, urbanités52,
Leurs façons, leurs mondanités53,
Qu’i font par grande déraison,
Dont on n’en faict poinct la raison
95 Justement54, ainsy qu’on doibt faire.
MAGISTER
À le dire, plus ne difère55.
Monstrez que suys maistre de sens,
Qui vous aprens vos petis sens56
Pour vous garder de ce danger.
SOCIÉ
100 Nul de nous n’en est estranger57.
Il ont faict en nostre pays
Ce qu’il convient58. Qu’ilz soyent haÿs !
Vélà le poinct de nos leçons.
AMYCÉ, B[adin]
Laissez-moy dire leurs façons :
105 En Karesme mengeüssent chèr59 ;
Sainctz, sainctes cuydent empescher
Que pour Dieu ne soyent dépriés60.
Sy d’eulx nous estions maistriés61,
Ce seroyt une grand horeur.
LA MÈRE
110 Et qui les maine ?
AMICÉ, B[adin]
C’est Erreur62.
Mais contre eulx me suys despité63,
Quant j’ey veu leur mondanité
Et leur méchant gouvernement.
MAGISTER
Il y fault pourvoir aultrement,
115 Car y nous en pouroyt mesprendre64.
AMICÉ, B[adin]
De leur sçavoir ne veulx aprendre ;
J’ayme myeulx vos enseignemens.
MAGISTER
Et toy ?
SOCIÉ
J’ey veu des garnemens65
Un grand tas, menteurs et flateurs,
120 Malveillans, grans adulateurs,
Qui preschent non pas l’Évangille
Mais ont leur(s) engin(s) fort agille66
De prescher toute abusion.
MAGISTER
Et toy, après ?
QUANDOQUÉ
J’ey veu confusion
125 — Qui mainte foys m’a faict seigner67 —
De voir les grans mal enseigner68.
Mais inspiration dyvine
Viendra (ainsy comme devyne),
Qui leur monstrera leur ofence,
130 Et fera à chascun deffence.
Afin que n’ayons nus69 débas,
Que leur mondanité soyt bas !
Lors nous aurons, selon ma guise70,
Bonne garde.
MAGISTER
Voyre, à l’église71…
AMYCÉ, Badin
135 Sommes-nous clers ?
LA MÈRE
Ouy, ju[s]ques aulx dens72 !
SOCYÉ
Nous avons veu leurs accidens73,
Leur estat, leurs condicions.
QUANDOQUÉ 74
Voyre, et prins des dis[s]encions75.
C’est raison qu’en ayons vengance.
AMICÉ, B[adin]
140 Aussy, pour avoir alégance76,
C’est bien raison que tout soyt dict.
Mais venez çà ! Abitavit 78
— Prenez qu’estes78 mon escollyère — :
Qu’esse, en françoys ?
LA MÈRE
Une brellyère79.
AMYCÉ, B[adin]
145 Habitaculum 80 ?
LA MÈR[E]
Unes brays81.
AMYCÉ, B[adin]
Sainct Jehan ! Aussy ces marabais82
Les ont acumulés ensemble83,
Tant que chascun d’iceulx resemble
À ceulx de Sodome et Gomore
150 Tellement que leur cas abore84.
N’esse pas chose trop infâme ?
MAGISTER
Leur mondanité n’est par femme85.
QUANDOQUÉ 86
Leur erreur n’est par bon mynistre87.
AMYCÉ, B[adin]
Leurs sismes88 et façons m’enflamme !
LA MÈRE
155 Leur mondanité n’est par femme.
MAGISTER
C’est le deable qui les afame
Du feu d’Enfer.
SOCYÉ
Et leur grand tiltre89.
QUANDOQUÉ
Leur mondanité n’est par femme.
AMYCÉ, B[adin]
Leur erreur n’est par bon mynistre.
160 Confusion tient leur chapitre90.
Et puys disent, tant sont naïs91,
Que c’est la mode du pays92.
Et pour estre plus promps et chaulx
En leur mal, usent d’artichaulx93.
165 Qu’eussent-il un estron de chien
Pour chascun mès94 !
MAGISTER
Tu dictz trèsbien
(Je suys d’avys) de ceste afaire.
SOCYÉ
Il en fault aultre chose faire.
QUANDOQUÉ
Et quoy ?
SOCIÉ
Pour en avoir le boult95,
170 Y fault faire du feu de tout.
Car ilz s’efforcent en leur guise
De vouloir rompre nostre Église,
Dont ce nous est grand punaisie96.
MAGISTER
Qu’on les brulle sans éfigie97 !
175 Car aultrement, s’on ne le faict,
Vous voyrez le peuple, en éfaict,
Qui poinct ne se contentera.
Et cependant qu’on chantera,
Targez-vous98 ! Vérez, par mistère,
180 Ce qu’on faict, dont je m’en veulx taire.
Et pour myeulx vous faire ententis99,
Tous maistres font bons aprentis100.
Ilz chantent : 101
De mal faire, on n’a nul repos…
.
AMYCÉ
Magister, donnez-nous quampos102
185 Vistement, et vous despeschez !
MAGISTER
Voycy de très vaillans supos103.
TOUS ENSEMBLE
Magister, donnez-nous quampos !
SOCYÉ
Neuf y en a104.
MAGISTER
C’est à propos105.
AMYCÉ, B[adin]
Troys vie[u]s.
QUANDOQUÉ
Troys neufz106.
SOCYÉ
Troys despeschés107.
TOUS ENSEMBLE
190 Magister, donnez-nous quampos
[Vistement, et vous despeschez !]108
MAGISTER
De bien changler109 vous empeschez !
QUANDOQUÉ
Magister, qui a men pényer110 ?
SOCYÉ
Magister, qui a ma pouquette111 ?
MAGISTER
195 Tu me sembles un gros ânyer112 !
Y n’en fault plus faire d’enqueste.
LA MÈRE
Magister, vous aurez le pris.
Priant Jésus de paradis
Qu’i préserve la compaignye113,
200 Une chanson, je vous suplye114 !
.
FINIS
*
1 Ces mots latins sont ici transformés en noms. SOCIE est le vocatif de socius : camarade. Les satiristes en font un latiniseur inculte ; cf. Science et Asnerye, vers 221 et note. AMICE est le vocatif d’amicus : ami. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 256. QUANDOQUE = de temps en temps ; ce terme dénigre les dilettantes, comme au vers 70. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 211. 2 Le décor représente une salle de classe. Le professeur trône dans sa chaire en attendant que ses élèves rentrent de récréation. 3 On songe au Livre de la Deablerie, d’Éloy d’Amerval, où Bélial est qualifié de « docteur, recteur, maistre d’escolle ». 4 Ce personnage allégorique intervient dans nombre de sotties, par exemple la Folie des Gorriers. 5 Ne restent pas cantonnés dans leur dortoir. Cf. Sœur Fessue, vers 225 et 235. Nous sommes donc bien dans un collège, et non chez un professeur indépendant. 6 LV : sens (Je vous dirai que je ne veux pas en avoir des mille et des cents.) 7 Je me contente. 8 Le manuel de grammaire latine de Donatus. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 69. 9 Les distiques moraux qu’on lui attribuait sont une des bases de l’enseignement médiéval. « Mes Principes, et mon Donnest,/ Aussi mon petit Chatonnet. » Maistre Jehan Jénin. 10 LV : tant (La curiosité intellectuelle mène au protestantisme ; voir les vers 116-7. « Nos dames calvinistes qui, curieuses de trop sçavoir, lizent les livres des ministres [pasteurs] & prédicans. » La Somme des péchéz.) 11 Ce précepte de Salomon fut beaucoup mieux rendu par Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Pantagruel, 8. 12 Quand on fait s’exprimer. 13 Elle entre en scène, et elle monologue avant de se diriger vers l’école. 14 Remplis. « Une église de Nostre Dame, de merveilleuse beaulté comprise. » Fierabras. 15 D’être blâmé ni critiqué. En ma conscience = selon moi. 16 Elle entre dans la salle de classe. 17 N’avez-vous pas pu les rencontrer en chemin ? « Av’ous » est la contraction normande d’« avez-vous ». 18 LV : a saulter (Ils sont saillis, ils sont sortis.) 19 LV : sur les 20 (Ils ont appris) de toutes leurs forces. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 331. 21 Au reste. 22 Amicé, le 2e écolier, est un rôle de Badin ; cela explique pourquoi c’est celui des trois qui a le plus de texte. La Bouteille, une autre pièce antiprotestante du ms. La Vallière, laisse également le premier rôle à un Badin moralisateur. 23 Plaît-il ? « –Guillerme ! –Placet, Magistrum ? » Guillerme qui mengea les figues. 24 LV : de quandoque (Les 3 écoliers portent un nom latin. Voir la note 1.) 25 Venez à l’école ! 26 LV : p b (= Premier Badin.) 27 LV : le iiie (C’est le 1er Écolier, Socié, qui appelle son frère, comme aux refrains 46 et 52.) 28 LV : le iie (Vu le nombre d’erreurs que le scribe a commises dans la numérotation des trois Écoliers, je me contenterai de donner leur nom, et pas leur numéro. Cependant, les trios de personnages numérotés sont caractéristiques des sotties.) 29 LV attribue ce mot à socie p. Tu es plutôt insensé que licencié. 30 Je n’ai, ni ne veux, un tel renom : la réputation d’être insensé. 31 Peut-être faut-il lire vous. 32 De sortir pour la récréation. 33 Trompé par la propagande luthérienne. 34 Et avant d’entrer dans le vif du sujet. 35 Prenons un peu la permission. 36 L’entrée en matière. 37 La musique était alors une science, comme au vers 77. Elle faisait partie du cursus universitaire : on ne pouvait devenir maître ès Arts sans être musicien. 38 LV : a ceste heure desuoque (Tous les arrêts favorables à la Réforme seront annulés.) En 1562, on tenta de révoquer les arrêts défavorables au calvinisme : « Tous édictz, ordonnances & arrests, faicts & publiéz sur le faict de la Religion jusques au jour présent, seront révoquéz & casséz comme de nul effect. » Or, la même année, les calvinistes avaient vandalisé Rouen, ce que les catholiques n’avaient aucune envie de leur pardonner : voir les vers 174-7. 39 Par les. « Escolier de quandoque: qui ne va pas souvent à l’escole. » (Antoine Oudin.) C’est le nom du 3e Écolier. 40 Sur la même ligne, LV anticipe la didascalie : Ilz chantent 41 Vous aurez le premier prix. Même vers que 197. 42 Éduqué. 43 Que tu te proposes. 44 Sans équivoque. 45 C’est-à-dire ? 46 Ils sont une ribambelle. « Vécy une grant route/ De gens. » L’Aveugle et Saudret. 47 Je les laisserai sans voix. « J’en ay fait reus cent fois les maistres/ De nostre escolle. » D’un qui se fait examiner. 48 Vous (normandisme). 49 Je le suis. « Mon » est une particule de renforcement qui étaye le verbe : cf. la Résurrection de Jénin Landore, vers 39. 50 Sans bavardages inutiles. 51 Dénoncer. 52 Leurs marques de politesse hypocrite. 53 Leur attachement aux choses profanes et aux plaisirs du monde. Idem vers 112, 132 et 152. 54 Dont on ne fait pas justice : qu’on ne punit pas assez. Cf. Digeste Vieille, vers 472. 55 Je n’hésite plus. 56 Vos modestes connaissances. « Et de faire en tout mon devoir selon mes petiz sens et puissance. » Jean du Chastel. 57 N’est à l’abri. Lors du Carnaval de 1562, les huguenots avaient agressé les Conards de Rouen et leur avaient jeté des pierres. 58 Ce qu’il leur convient de faire, ce qu’ils ont voulu. 59 Pendant le jeûne du Carême, ils mangent de la chair, de la viande. « Mangeüssent » est un présent de l’indicatif normand : cf. le Jeu du capifol, vers 98. 60 Ils veulent empêcher que les saints soient priés à la place de Dieu. 61 Gouvernés. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 247. 62 Les polémistes allégorisent souvent « l’erreur de Luther ». Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 34. 63 Révolté. 64 Car cela pourrait nous faire du tort. 65 LV : gouuernemens (Des mécréants. « Un garnement/ Blasmant de foy malsaine/ Le divin sacrement. » ATILF.) 66 L’esprit agile afin. 67 Signer, faire le signe de la croix. Cf. le Ribault marié, vers 376. 68 De voir les grands de ce monde être mal guidés. 69 Nuls, aucun. 70 À mon avis. 71 En 1562, les protestants avaient pillé ou détruit plusieurs églises de Rouen. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 174-6. 72 De la tête aux pieds. « J’ay tant fréquenté ces notaires/ Que j’en suis clerc jusques aux dents. » Première Moralité. 73 Leurs défauts. 74 LV : le iie (Quandoqué est le 3e Écolier.) 75 Mes prédécesseurs ont lu discucions. Prendre des dissensions = être en désaccord. « Karle, avers nous, a pris dissencion. » ATILF. 76 Allégement. Cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 132. 77 Habitavit = il a habité. (Ce verbe revient souvent dans les Écritures.) Calembour de collégiens sur « habit à vits », qui désigne la braguette. « Habitavit, c’est-à-dire une brayette, quasi “habit à vit”. L’on dira habitaculum, “habit à cul long”, à mesme raison. » Tabourot. 78 LV : gectes (Supposez, ma mère, que vous êtes mon écolière et que je suis votre professeur de latin. « Prenez que fussiez devenu/ Pauvre. » Le Pauvre et le Riche.) 79 Une braguette. (Mot normand.) « Y ne sera pas jusque z’o chambrière/ Qui ne viennent fiquer leu dais [ficher leurs doigts] dans ta breslière. » La Muse normande. 80 La demeure de l’âme. Calembour de collégiens, favorisé par la prononciation à la française, sur « habit à cul long », qui désigne l’arrière des braies. « Bon latin, habitaculum/ Veut dire : un habit à cul long. » Jacques Corbin. 81 Une paire de braies. « Parmy le fons d’unes brayes breneuses. » Villon. 82 Ces hypocrites. Un marrabais est un juif d’Espagne qui fait semblant d’être converti au christianisme. 83 Ont accolé ensemble leur braguette et l’arrière de leurs braies : ont pratiqué la sodomie. 84 Que j’abhorre leur cas. 85 Leur luxure est due à l’absence de femmes. L’auteur retourne la situation : les femmes étaient beaucoup mieux intégrées dans la nouvelle religion que dans l’ancienne. D’ailleurs, les scandales homosexuels n’éclaboussaient que le Vatican. Les cardinaux s’entouraient de mignons, et nul n’avait oublié l’éloge de la sodomie qu’avait fait paraître en 1537 l’archevêque Giovanni Della Casa : De Laudibus sodomiæ seu pederastiæ. Les catholiques n’ont pu reprocher aux calvinistes qu’un poème de jeunesse où Théodore de Bèze avoue qu’il préfère Germain Audebert, son ami brûlant de désir*, à une femme : « Sed postquam tamen alterum necesse est,/ Priores tibi defero, Audeberte. » Juvenilia (1548). *Sic Bezæ est cupidus sui Audebertus. 86 LV : le ii escollier 87 Est due au fait qu’ils n’ont pas un directeur de conscience catholique. 88 Leur schisme. On peut aussi comprendre : leur hérésie sexuelle. 89 C’est leur titre de noblesse. 90 Leur congrégation. 91 Naïfs. 92 Cette « mode » est la sodomie : « –Nous allons bien à reculons./ –C’est selon la mode moderne. » (Colin qui loue et despite Dieu.) Notre auteur voudrait faire oublier que cette mode venait de Rome, et non de Genève. 93 Le cœur d’artichaut — qu’on appelait le cul — était aphrodisiaque. « Pour l’artichaut, il m’enflamme/ Je ne vous dis pas comment./ Demandez-le à ma femme :/ Quand j’en mange, elle s’en sent ! » Gaultier-Garguille. 94 Pour tout mets. 95 Pour en voir le bout, pour en finir avec les huguenots. 96 Ce qui est pour nous une grande infamie. 97 Qu’on ne se contente pas de les brûler en effigie, comme ceux qui sont condamnés par contumace. 98 Protégez-vous d’une targe, d’un bouclier. « Soy targer, & ranger pour combattre. » (Antoine Canque.) Les trois écoliers s’arment avec ce qu’ils ont sous la main, pour mener leur croisade contre les hérétiques. Ces clercs déguisés en soldats d’opérette sont aussi ridicules que Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire. 99 Ententifs : pour mieux vous le faire entendre. 100 Je vais moi-même chanter avec vous. 101 LV répète dessous : magister. La chanson est inconnue. 102 Donnez-nous le champ libre. En jargon estudiantin, le campos est la récréation : cf. les Premiers gardonnéz, vers 5. 103 Les suppôts sont les piliers d’une religion. Mais ce sont également les fous de l’Abbé des Conards de Rouen : « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » Triomphes de l’Abbaye des Conards. 104 Il y a neuf protestants à massacrer. Les écoliers les ont vus pendant la récréation : vers 61-64. 105 Cela tombe bien, puisque vous êtes presque en nombre égal. 106 Trois jeunes. 107 Trois que nous avons expédiés tout à l’heure. « Y l’eust tué et despesché. » Le Poulier à quatre personnages. 108 LV a omis ce refrain B du triolet, identique à celui de 185. 109chanter (Forme normande de sangler : « Mais leu broudier [leur cul] fut changlay dièblement. » La Muse normande.) Efforcez-vous de bien les battre ! Sangler = fouetter un écolier à coups de sangles. « Cet escolier a eu bien le fouet, on l’a bien sanglé. » Furetière. 110 Mon panier. Mot normand : cf. la Fille bastelierre, vers 154. Les apprentis mercenaires vont transporter leurs armes dans un cabas. Ces armes sont probablement celles que le maître applique sur leurs fesses : les sangles, les verges, les règles en bois. 111 Ma pochette, mon sac. Encore un mot normand : cf. l’Aveugle, son Varlet et une Tripière, vers 30. Les farces rouennaises qui brocardent un écolier l’affligent toujours d’un accent villageois ; ici, plus on approche de la fin, plus les personnages deviennent risibles. L’auteur serait-il protestant ? 112 Un paysan mal dégrossi. Cf. Science et Asnerye, vers 298. 113 Le bataillon. 114 C’est le dernier vers d’une autre pièce normande du même manuscrit, le Poulier à sis personnages.
MAISTRE MIMIN ESTUDIANT
.
*
MAISTRE MIMIN
ESTUDIANT
*
.
Beaucoup de farces normandes nous jettent en pâture un garçon idiot dont les parents, braves fermiers, rêvent de faire un grand intellectuel. Mais pour cela, le petit gardeur d’oies est obligé d’apprendre le latin, un parcours du combattant que nous pouvons suivre par exemple dans Pernet qui va à l’escolle. Dans Maistre Mimin estudiant, l’élève a le cerveau si étroit que pour y loger quelques déclinaisons latines, il est contraint d’oublier le français, ou plutôt le patois normand. Son professeur est lui-même ignorant au point de croire que son petit génie est un nouvel Ovide.
Maître Mimin est le héros de tout un cycle : voir la notice de Maistre Mymin qui va à la guerre. Sa mère se nomme toujours Lubine, et son père, Raulet.
Source : Recueil du British Museum, nº 44. Cette farce écrite dans le dernier quart du XVe siècle fut imprimée à Paris par Nicolas Chrestien vers 1550. Deux éditions modernes méritent le détour : Emmanuel PHILIPOT : Trois farces du recueil de Londres, 1931, pp. 78-101 et 141-163. André TISSIER : Recueil de farces, t. 3, Droz, 1988, pp. 213-272.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 9 triolets et un rondel double.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce joyeuse de
Maistre Mimin
*
À six personnages, c’est assavoir :
LE MAISTRE D’ESCOLLE [le Magister]
MAISTRE MIMIN, estudiant
RAULET, son père
LUBINE, sa mère
RAOUL MACHUE
et LA FIANCÉE 1 MAISTRE MIMIN
.
MAISTRE MIMIN ESTUDIANT
*
RAULET commence 2 SCÈNE I
Lubine, hau !
[LUBINE]
Ouy ? Désbon jour3 !
[RAULET] 4
Ne craignez-vous point ceste main ?
D’où venez-vous ?
LUBINE
Je viens du four5,
Sçavoir se nous cuyrons demain.
5 Chascun si n’est pas aussi sain
Que vous6.
RAULET
Vous en dictes de belles !
Comment ! avez-vous mal au sain ?
Vous deullent7 encor les mamelles ?
LUBINE
Il y a terribles nouvelles
10 De nostre filz.
RAULET
Mais toutesfois8 ?
Et quelles sont-ilz ?
LUBINE
Ilz sont telles
Qu’il ne parle plus [en] françoys.
Son maistre l’a mis à ses loix :
Il s’i est fourré si avant
15 Qu’on n’entend non plus qu’un Angloys
Ce qu’il dit.
RAULET
À Dieu me command9 !
Et que ferons-nous ? Dieu devant10 !
LUBINE
Qu’on en fera11 ? Bon gré mon serment12 !
Vous sçavez [bien] qu’il est l’amant13
20 De la fille de Raoul14 Machue ;
Plus belle n’y a en sa rue,
Ne qui aux festes mieulx s’estricque15.
RAULET
C’estoit pour le mettre en praticque16
Que je l’ay tenu à l’escolle.
LUBINE
25 Mais c’estoit affin qu’il affolle17 !
Ne sçavoit-il pas tous ces livres
Qui nous ont cousté deux cens livres ?
J’ouÿs18 dire à maistre Mengin
Qu’il avoit le plus bel engin19
30 Que jamais enfant peust20 porter ;
Il ne s’en fault que rapporter
À son nez21 : voylà qui l’enseigne.
RAULET
Qu’i ne parle plus (je m’en seigne !) Icy fait le signe de la croix.
Mot de françoys, c’est un fort point22.
35 La fille23 ne l’entendra point,
Quand ilz deviseront ensemble.
LUBINE
Hélas ! non. Parquoy il me semble
Que nous allisson24 à l’escolle
Pour veoir s’il est en ceste cole25.
40 Car pensez que plus y sera,
Plus26 si grand latin parler[a]
Que les chiens n’y entendront rien.
RAULET
Lubine, vous dictes trèsbien.
Mais il [nous] fault prendre en passant
45 Raoul Machue avec27 son enfant,
La fiancée de nostre filz ;
Car je croy, en un mot préfix28,
Qu’il parlera françoys à elle.
LUBINE
Et ! par le[s] peulx de ma cotelle29 !
50 Vous m’avez toute resjouye,
Quand j’ay ceste parolle ouÿe.
Or, allons donc légièrement30 !
RAULET
Nous y serons présentement :
Il n’y a qu(e) un petit juppet31.
.
LUBINE hue 32 : SCÈNE II
55 « Hou ! hou ! » Cheminez bauldement33,
Nous y serons présentement.
RAOUL MACHUE
Mais qu’esse que j’os34 ?
LA FIANCÉE
Seurement
C’est Lubine. « Hou ! hou ! »
RAOUL MACHUE
Avant, pipet35 !
RAULET
Nous y serons présentement :
60 Il n’y a qu(e) un petit juppet.
Désbon nuyt36 ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet
Mon frère, avec ma seur Lubine !
RAULET
Et ! approuchez-vous, s’il vous plaist.
LUBINE
Désbon nuyt ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet !
RAULET
65 Que fait la fille ?
RAOUL MACHUE
El boult37 du lait.
LA FIANCÉE 38
J’ay fait, j’ay fait !
LUBINE
Çà, çà, ma godine39 !
RAULET
Désbon nuyt ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet
Mon frère, avec ma seur Lubine !
Mon Dieu ! et qui vous achemine40 ?
70 C’est grand nouveaulté de vous veoir.
LUBINE
Hélas, Dieu y vueille pourveoir !
RAOUL MACHUE
Qu’i a-il ?
RAULET
Ce n’est pas grand-chose.
Mais tirons-nous à part : je n’ose
En parler devant vostre fille.
RAOUL MACHUE
75 Comment ! Est le feu en la ville ?
Ou maistre Mimin trespassé ?
RAULET
Voicy tout : nous avons cessé
De le tenir au pidagogue41
Pour le faire un grand astrilogue42
80 Et un maistre praticien43,
Affin qu’il gardast mieulx le sien44
Qu’il peust hériter45 de nous deux.
Mais nous en sommes pou46 joyeulx,
Car il a tant prins et comprins,
85 Aprins, reprins et entreprins,
Et en47 grand latin publié,
Qu’il a le françoys oublié
Tant qu’il n’en sçauroit dire [un] mot.
Si me semble que le plus tost
90 Que pourrons aller et courir,
Qu’il nous le fault aller quérir
Affin que l’en y remédie.
RAOUL MACHUE
Et ! dictes-vous qu’il estudie
En ce point si fort et si ferme ?
95 C’est danger qu’il ne face un cherme48
Pour faire venir l’Ennemy !
LUBINE
Allons ensemble, mon amy,
Le quérir, affin qu’on l’avoye49.
RAOUL MACHUE
Or sus donc, mettons-nous en voye
100 Vistement ! Il n’y a qu(e) aller.
Habille-toy ! Feras, landroye50 ?
RAULET
Or sus donc, mettons-nous en voye !
LUBINE
Cuidez-vous qu’il aura de joye
De la [re]veoir ?
RAULET
Tant en parler !
105 Or sus donc, mettons-nous en voye
Vistement ! Il n’y a qu(e) aller.
RAOUL MACHUE 51
Mais d’où viens-tu ? De flagoller52 ?
Menez-la par la main, Lubine !
LA FIANCÉE
Je viens de quérir ma poupine,
110 Que maistre Mymin, mon amant53,
Me donna.
LUBINE
C’est entendement54.
Regardez que c’est que d’aymer !
.
LE MAGISTER 55 SCÈNE III
Que56 tu ne me faces blasmer,
Aussi que j’aye de toy honneur,
115 Et qu(e) une foys tu soys seigneur57,
Maistre Mymin, apprens et lis58 !
Respondé : quod librum légis 59 ?
En françoys.
MAISTRE MYMIN
Égo non siré 60 :
Franchoyson 61 jamais parlaré,
120 Car 62, égo oubliavérunt.
LE MAGISTER
Jamais je n’e[n] vy ainsi prompt,
Ne d’estudier si ardant.
Sans cesser, il est regardant
Tousjours en sentence ou ypistre63.
125 Or, me cherche où est le chapitre
(C’est une science parfonde)
Des adventureux qui du monde
Prennent ce qu’ilz en peuent64 avoir.
Car, puisqu’il [te] le fault sçavoir,
130 Je te feray un si grand homme
Que tous les clers qui sont à Rome,
Et à Paris et à Pavie,
Si auront dessus toy envie
Pource que tu sçauras plus qu’eulx.
MAISTRE MYMIN lyt 65 :
135 « Mundo variabilius 66.
Avanturosus haparé
Bonibus, et non gaignaré 67.
Non durabo, certanibus 68,
Et non emportabilibus
140 Que bienfaictas, au partiré. »
Capitulorum huyctaré
Dicatur.
LE MAGISTER
Voylà de grandz motz,
M’aist dieux69 ! Telz gens ne sont pas sotz,
Qui parlent ainsi haultement.
145 D’un mot n’en ment pas seullement ;
Et tout de luy, sans riens piller70.
Que ce sera un grand pillier,
Une foys, dedans ce royaulme !
Or, m’allez chercher la Pséaulme71
150 Pourquoy le monde et son honneur
Ne pend qu’à un fil.
MAISTRE MYMIN lyt.
Gaudémur 72,
In capitro tertiaré 73 :
« Pendavérunt (essé paré 74)
Mondibus et 75 honorandus
155 À un petitum filétus.
Vivabit 76 soubz advantura,
Mantellus in couvertura
Remportavérunt bonorum. »
LE MAGISTER
Tenez, quel maistre Aliborum77 !
160 Comme(nt) il fait ce latin trembler !
Et pert78 qu’il ne sçauroit troubler
L’eaue, à le veoir.
.
RAULET 79 SCÈNE IV
Çà, nous y sommes.
LUBINE
Allez devant entre vous, hommes,
Et nous vous suyv(e)rons, moy et elle.
165 Faictes bien la sage, ma belle.
LA FIANCÉE 80
Regardez, la fais-ge pas bien ?
RAULET
Vous yrez là devant.
RAOUL MACHUE
Rien, rien !
Tousjours le père de l’enfant
Va devant.
RAULET
Venez !
RAOUL MACHUE
Ennément81,
170 C’est à vous à aller.
LA FIANCÉE
Sus, sus !
Et ! que feroient les femmes plus82 ?
Comme vous faictes les rétis83 !
.
RAULET SCÈNE V
Dieu gard, Magister ! Et ! mon filz,
Comme vous portez-vous ?
MAISTRE MIMIN
Béné 84.
LE MAGISTER
175 Salue tes parens, Domine 85,
En françoys !
MAISTRE MIMIN
Égo non sira 86.
Parus, mérus 87, Raoul Machua,
Filla, douchétus poupinis 88
Donnaré à mariaris 89 :
180 Saluaré compagnia 90 !
RAULET
Nous n’entendons riens à cela.
LE MAGISTER
Et ! il vous salue, mes amys.
MAISTRE MIMIN
[Parus, mérus]91, Raoul Machua,
Filla, douchétus poupinis…
LUBINE
185 Parlez françoys ! Parlez ! [Qu’i a]92 ?
MAISTRE MIMIN
« Quia » ! Latina parlaris ?
LA FIANCÉE
Mon père, sur ma foy, je ris
De l(e) ouÿr.
RAULET
Il sçait beaucoup, dea !
MAISTRE MIMIN
Parus, mérus, Raoul Machua,
190 Filla, douchétus poupinis
Donnaré à mariaris :
Saluaré compagnia !
LUBINE
Et, Dieu93 ! De par sa mère, çà !
Levez-vous, vous estes trop sage.
RAULET
195 As-tu oublié le langage
Que ta mère si t’a aprins ?
El parle si bien !
LE MAGISTER
Sans mesprins94,
Il semble qu’il ayt l’engin95 rude ;
Mais il brusle et ard96 en l’estude,
200 Et parle aucunesfoys si hault
Que mon sens et le sien y fault97.
J’affolle quand il m’en souvient.
LUBINE
On scet bien d’où cela luy vient :
Ilz sont98 des maistres si pervers
205 Qu’i batent leurs clercs pour un vers.
Vous l’avez trop tenu soubz verge99,
Vous ne l’aurez plus !
LE MAGISTER
Et ! qu’i pers-je ?
Me baillez-vous cest entremetz100 ?
RAULET
[Dea !] le Magister n’en peult mais ;
210 Il a fait le mieulx qu’il a peu101.
MAISTRE MYMIN
Aprenatis, carissimés 102…
RAOUL MACHUE
[Dea !] le Magister n’en peult mais.
LUBINE
Parleras-tu françoys jamais ?
Au moins, dy un mot, joletru103 !
LA FIANCÉE
215 [Dea !] le Magister n’en peult mais ;
Il a fait le mieulx qu’il a peu.
LUBINE 104
Au moins, baise-la, entens-tu ?
Tant tu sçais peu d’honneur105 !
MAISTRE MYMIN la baise.
Baisas 106 ?
Couchavérunt à neuchias 107
220 Maistre Miminus anuitus 108.
Sa fama, tantost maritus,
Facéré petit enfanchon109.
RAULET
Le deable110 y ayt part, au laton !
[Çà,] Magister, que veult-il dire ?
LE MAGISTER
225 C’est une fantasie pour rire ;
Ces motz sentent un peu la chair.
RAOUL MACHUE
Et dit ?
LE MAGISTER
Qu’il vouldroit bien coucher
Avecq[ue] la fille en un lit,
Comme fait un homme la nuict
230 Première, et estre (Dieu devant !)
Avecq sa femme.
RAULET
Quel galand !
LUBINE
Il a le cueur à la cuysine111.
RAOUL MACHUE
Vous esbahissez-vous, Lubine ?
M’aist dieux ! quand j’estoye de son aage
235 Et je trouvoye mon advantage112,
Incontinent, sur pied sur bille113
C’estoit !
RAULET
Parlez bas, pour114 la fille :
Ilz sont maintenant si enclines115 !
Les parolles seroient bien fines
240 Qu’ilz n’entendissent en deux motz
Quand116 parlons. Laissons ce propos.
Magister, vous nous avez dit
Que nostre filz, sans contredit,
Sçait plus que vous ; c’est la parolle117.
245 Vous viendrez doncq à son escolle
Vostre foys118, car il s’en viendra
Quand et nous119.
LE MAGISTER
À moy ne tiendra120.
J’iray voluntiers, pour l’induire121
Et veoir s’on le pourra séduire
250 À parler françoys nullement122.
RAULET
Sçait-il plus chanter, voirement,
Pour nous resjouyr en allant ?
RAOUL MACHUE
La fille chante bien, vrayement.
LA FIANCÉE
Sçait-il plus chanter, voirement ?
LE MAGISTER
255 Si fait, si.
LUBINE
Allons baudement !
Sus, prenez la fille, galand !
RAOUL MACHUE
Sçait-il plus chanter, voirement,
Pour nous resjouyr en allant ?
LE MAGISTER
Il fait rage123 !
RAULET
Chantez ! Avant !
Ilz chantent quelque chanson à plaisir 124.
.
RAULET
260 C’est assez, il nous fault parfaire125.
Çà, Magister126, qu’est-il de faire
Pour le rebouter en nature127
De parler françoys ?
LE MAGISTER
Sa lecture
L’a mis au point en quoy il est.
265 Et de le laisser tout seulet,
Ce seroit un trèsgrand danger :
Parquoy ne le fault estranger128
Qu’il ne soit jour et nuyt veill[é].
Et s’il dort, qu’il soit réveillé.
270 Et qu’il n’ayt livre ne livret,
Car cela du tout129 l’enyvroit
Et luy troubloit l’entendement.
LUBINE
Rien, [rien] ! Nous ferons autrement.
Pour luy raprendre son langage,
275 Nous le mettrons en une cage :
On y aprend bien les oyseaulx
À parler130.
RAULET
Les motz sont trèsbeaulx.
RAOUL MACHUE
C’est un trèsbon advis, Lubine.
LA FIANCÉE
Hé ! mon Dieu, que vous estes fine !
280 Vous passez trèstous noz voisins.
Dedans nostre cage à poussins,
N’y seroit-il pas bien à point ?
RAOUL MACHUE
Et ! je croy qu’il n’y pourroit point :
Il est si grand, si espaullu131,
285 Si formé et si potelu
Qu(e) à peine [y] pourroit-il entrer.
LA FIANCÉE
Attendez, je la vois monstrer132.
Mais133 que sa teste soit dedans,
Son nez, sa bouche avec ses dens,
290 Laissez aller le cul arrière,
Il suffist.
RAULET
Et puis ? Hay ! quel chère134 !
N’ayes point de paour135, mon varlet.
Moy qui suis ton père Raulet,
Et Magister, et Raoul Machue
295 T’apprendrons136 à parler. Il sue
De paour qu’il a ; c’est grand pitié !
MAISTRE MIMIN
Cagéa 137 emprisonnaré ?
Livras non estudiaré
Et latinus oubliaré ?
300 Magister non monstravérunt 138 ?
Et ! non recognossavérunt,
[Intro logéa]139 résurgant.
RAULET
Que dit-il ?
LE MAGISTER
Il est si ardant
À estudïer qu’il meurt tout.
LUBINE
305 Il fault commencer par un bout.
Or sus, maistre Mimin, entrez140 !
RAOUL MACHUE
Et ! homme de bien vous monstrez141,
Et faictes ce qu’on vous conseille !
LUBINE 142
Qu’il est sage ! Voicy merveille
310 Comme il y entre doulcement.
MAISTRE MIMIN
Anno 143 !
LUBINE
Il s’est blessé l’oreille.
RAULET 144
Qu’il est sage ! Voicy merveille !
LE MAGISTER
C’est une chose non pareille
Comme il est à commandement145.
LUBINE
315 [Qu’il est]146 sage ! Voicy merveille
Comme il [y] entre doulcement.
RAULET
Magister, tout premièrement,
Puisqu’en ce point assembléz sommes,
Parlons à luy entre nous, hommes.
320 Il me semble que c’est le mieulx.
Or, parlez à luy !
LE MAGISTER
Je le veulx.
Sans donner à aucuns nulz blasmes,
Noz parolles et ceulx des femmes,
Ce sont deux paires de boissons147,
325 Pource que plus nous cognoissons
Et portons plus grand conséquence148.
Dieu t’envoit parfaicte éloquence
En beau françoys, maistre Mimin ;
[En françoys, non pas en latin.]149
330 Or, parles [en homme150] !
LA FIANCÉE
Et ! non, non :
Femmes ont tousjours le regnom
De parler.
LE MAGISTER
Trop, aucunesfoys…
LA FIANCÉE
Nous avons trop plus doulces voix
Que ces hommes : ilz sont trop rudes.
335 Un enfant qui vient des estudes
Ne se doit point traicter tel voye151.
LUBINE
Et ! non, non. Or dictes, ma joye152 !
MIMIN respond comme une femme :
« [Et non non or dictes] majoye. »
LUBINE
« Ma mère, je vous crye mercy ! »
MAISTRE MIMIN pleure.
340 « Ma mère je vous crye mercy. »
LUBINE
« Et mon père Raulet aussi. »
MAISTRE MYMIN
« Et mon père Raulet aussi. »
LUBINE
« Et à mon sire Raoul Machue. »
MAISTRE MIMIN
« Et à mon sire Raoul Machue. »
345 Ostez-moy, ma mère, je sue.
On ne sent pas ce que je sens153.
LUBINE
N’a-il point parlé de bon sens ?
Il n’est dieutrine154 que de nous.
LA FIANCÉE
Sus, hommes, où en estes-vous ?
350 Qu’il parlast pour vous ? Ouy, tantost,
Mais plus en deviendroit-il sot !
Or, dictes : « M’amye, ma mignonne.155 »
MAISTRE MIMIN respond si cler 156 :
« Or dictes mamye mamignonne. »
LA FIANCÉE
« Mon cueur et m’amour je vous donne.157 »
MAISTRE MYMIN
355 « Mon cueur et mamour je vous donne. »
LA FIANCÉE
« Et à Magister, de158 cueur fin… »
MAISTRE MIMIN
Nennin : Magister, c’est latin.
Je n’ose parler que françoys,
Pour ma mère.
LA FIANCÉE
A-il belle voix !
360 Parle-il de bon entendement !
RAULET
C’est miracle !
RAOUL MACHUE
C’est mon159, vrayement !
LE MAGISTER
Aussi fault-il avoir regard
Que les femmes si ont un ard
Plus que160… Je ne vueil point pardire161.
LA FIANCÉE
365 Aussi n’y [a-t-il]162 que redire !
Ce ne sont pas les papegays,
Les pies, les estourneaulx, les gays
Que femmes, par leurs doulx langages,
Ne facent parler en leurs cages163 ;
370 Comme eux164 l’eussons-nous fait parler,
Mon amy.
LUBINE
Il s’en fault aller.
Faictes ce tour et payez pinte165 !
MAISTRE MIMIN sifle.
Escoutez, ma mère, je chuynte166
Comment167 un pinçon ardenoys :
375 « Hou hou hou hou hou hou hou [hou] ! »
Je vueil chanter à plaine voix.
Les oyseaulx y chantent si bien,
En cage.
RAULET le met dehors 168, et dit :
Mon filz, vien-t’en, vien !
Nous chanterons bien en allant.
MAISTRE MIMIN est dehors.
380 Je parle bien, bien, maintenant.
LE MAGISTER
Il n’est ouvrage que de femme169.
MAISTRE MIMIN
Ay ! mon père, Dieu vous avant170 !
Je parle bien, bien, maintenant.
Allons-nous-en boire d’autant
385 Trèstous. Ay ! m’amye, sur mon âme,
Je parle bien, bien, maintenant.
LE MAGISTER 171
Il n’est ouvrage que de femme ;
Je le dy sans que nul je blasme,
Mais pour parler, ilz ont le bruit172 !
RAULET
390 Or, allons ! Je vueil faire, ennuyt173,
Bonne chère à nostre maison.
MAISTRE MIMIN
Mengerons-nous le grand oyson
Qui me becquet174 dessus le nez ?
RAULET
Ouy dea !
LA FIANCÉE
Venez-vous-en, venez,
395 Que je vous meine bien, vrayement.
Mais allons trèstout bellement175,
Car je suis bien fort travaillée176.
MAISTRE MIMIN charge sa fiancée sur son col.
Vrayement, vous en serez portée
Présentement dessus mon col177.
RAULET
400 Tout bellement ! Estes-vous fol ?
Elle est tendre de sa forcelle178.
MAISTRE MIMIN
Chantez maintenant « ré, fa, sol179 » !
LUBINE
Tout bellement ! Estes-vous fol ?
MAISTRE MIMIN
Mon père, qu’elle a le cul mol !
RAOUL MACHUE
405 Si la vous plevis-ge180 pucelle.
LE MAGISTER
Tout bellement ! Estes-vous fol ?
Elle est tendre de la forcelle.
RAULET
Or chantons en allant, la belle,
Nous trèstous, bien honnestement.
LE MAGISTER
410 Au moins, on a bien veu comment
Femmes ont le bruyt pour parler.
RAULET
C(e) ont mon181, je prens sur mon serment !
Au moins, on a bien veu comment
Ilz parlent.
LE MAGISTER
Bien légèrement,
415 Aucunesfois, sans riens celer182.
RAOUL MACHUE
Au moins, on a bien veu comment
Femmes ont le bruit pour parler.
MAISTRE MYMIN
Il suffist, il s’en fault aller.
Chantons hault, à la bien-allée183,
420 Et adieu ! Vogue la galée184 !
Ilz chantent. Et FIN.
*
.
Finissons donc avec une chanson normande du XVe siècle, notée dans le manuscrit de Bayeux. C’est Lubine qui chante : on la reconnaît à son patois et à ses lapsus, même si elle ne dit pas son nom. Elle va régler au Magister la pension de Mimin, dont elle déplore l’éloignement. Le vers 10 nomme Raulet, mais comme d’habitude, c’est sa femme qui s’occupe de tout. Emmanuel Philipot consacre à cette chanson les pages 63-68 de son livre.
.
MYMY 185
.
Mymy, Mymy, mon doulx enfant !
Reviendrez-vous jamaiz vers my186,
Mymy, My[my], mon doulx amy ?
.
J’en ay le cueur si très dollent
5 Qu’oncques-puis187, d’œil n’en [ay] dormy,
Mymy, Mymy, mon doulx amy.
.
Hellas ! mon amy socié 188 :
Nous vous avons assossié
O189 Mymy, nostre extendiant190.
.
10 Raoullet veult qu’il soit gardïé191,
Car il a tant extendié
Qu’il faict réux petits192 et grans.
.
Faictes qu’il se porte p[r]ésant193
Et qu’il aille ses motz pensant,
15 En faisant de l’asne parmy194 :
Hin han, [hin] han, hin han, hin han !
Hin han, hin han, hin han, hin han !
.
Or, tenez cent escutz contant ;
N’espargnez point le demourant
20 Pour dieutriner men fieux195 Mymy,
Mymy, Mymy, mon doulx amy.
*
1 BM : bru (En Normandie, une bru est une fiancée. « De » est sous-entendu.) Dans les rubriques destinées aux acteurs, le mot « bru » apparaît 10 fois, et le mot « fiancée » revient 8 fois. Dans le dialogue destiné aux spectateurs, on ne trouve que « fiancée » ; j’ai donc harmonisé les rubriques en généralisant « la Fiancée », pour qu’on ne croie pas qu’il y ait un personnage supplémentaire. 2 Il est à la maison. Sa femme arrive, en retard. Comme trop souvent, le 1er folio du manuscrit de base devait être abîmé : il manque deux rubriques. 3 Déformation normande très vulgaire de « doint bon jour » : que Dieu vous donne une bonne journée. Voir le vers 61. 4 Il menace de la gifler. 5 Quand on souhaite faire cuire un pâté, on va réserver son tour au four du village, où s’échangent les dernières nouvelles : cf. Saincte-Caquette, vers 24 et note. Dans les Sotz nouveaulx farcéz (une sottie normande écrite vers 1513), un des personnages dit : « J’ay esté couvé au pignon/ Du four à ma mère Lubine. » Et plus loin, il joue sur une expression qui est à prendre au sens propre et au sens figuré, comme toujours avec les Sots : « Je vueil qu’on m’appelle Mymin/ Se ne luy fait bien ses raisons ! » Le Badin de notre farce a donc fait le Sot dans une sottie. 6 Tout le monde n’est pas en aussi bonne santé que vous. Au four, Lubine a appris des nouvelles inquiétantes sur la santé mentale de son fils. 7 Encore vous font mal, verbe douloir. Les bavardes avaient une recette infaillible contre ce désagrément : « Quant à une femme vient mal au sain, il ne fault sinon que son mary luy face de son membre ung cercle autour par trois fois, et il guérira tantost. » Évangiles des Quenouilles. 8 Vraiment ? 9 Je me recommande. Les hommes de la pièce ne sont bons qu’à se lamenter ou à tergiverser ; ce sont les femmes qui réfléchissent et qui agissent. 10 Déformation populaire de « Dieu m’avant » : que Dieu m’assiste. Cf. Jolyet, vers 212. Le Magister commettra le même barbarisme à 230. 11 Ce qu’on fera ? 12 BM : peche (Ce jurement est injustifiable : voir Philipot, p. 79. « Qu’esse-cy, bon gré mon serment ? » Les Sotz triumphans.) L’éditeur a modifié cette rime pour pouvoir modifier la suivante. 13 BM : fiance (L’éditeur parisien ne sait pas qu’en Normandie, un amant est un fiancé, comme au vers 110.) 14 Ce mot compte pour 1 syllabe. En Normandie, machue = massue. 15 S’attife, pour émoustiller les hommes. Cf. le Cousturier et le Badin, vers 41. 16 À l’apprentissage (du latin). 17 Mais c’était plutôt pour qu’il devienne fou. Idem vers 202. 18 BM : Jay ouy (Maître Mengin est le maître d’école qui enseigna la lecture et l’écriture à Mimin.) 19 Entendement. La fermière ne se rend pas compte que sa phrase est ambiguë. Le professeur tombera dans le même piège à 198. 20 BM : peult (Pût, puisse. Idem vers 82.) 21 La taille du nez préfigure celle du pénis : « À la forme du nez/ On congnoist ceux qui sont arméz/ Le mieux de cette grande tente [sonde]/ Qui les bonnes dames contente. » Jacques Tahureau. 22 C’est une affaire grave. 23 Sa fiancée. 24 Que nous devrions aller. 25 Dans une telle disposition. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 186 et 250. 26 BM : Que (Le français de la fermière est approximatif, quoi qu’en dise son époux au vers 197.) 27 BM : et (« Raoul » compte partout pour 1 syllabe : vers 20, 177, 294, 343.) « Avec » au lieu de « et » est normand, comme à 62. 28 Définitif. 29 Par la fourrure de ma cotte, de ma tunique ! En normand, les peux sont les poils : « J’ey tous les peulx du cul dressés. » La Mère de ville. 30 Rapidement. 31 Nous sommes à portée de voix. « Interrogés sur la distance d’un lieu à un autre, les paysans répondent souvent au voyageur : “Il n’y a qu’une jûpée.” » Louis Du Bois, Glossaire du patois normand. 32 Hulule comme un chat-huant. « Le chahuan est un oysel qui hue et crie de nuit. » (Godefroy.) Avec les mêmes onomatopées, Mimin chuintera comme cet oiseau à 375. Les campagnards se hèlent à distance pour annoncer leur venue, et pour recevoir en retour (vers 58) le même signal indiquant que la voie est libre. Trois siècles plus tard, les Chouans [chats-huants] de Basse-Normandie utiliseront le même code pour se rencontrer la nuit sans craindre les embuscades des ennemis du Royaume. 33 Hardiment. Idem vers 255. Le couple s’approche de la maison de Machue, qui est veuf et vit avec sa fille. 34 Que j’ois, que j’entends. 35 Pipeau : c’est un appeau que les oiseleurs emploient pour imiter le cri d’une chouette afin d’attirer les passereaux qu’ils veulent prendre à la glu : voir la notice de la Pippée. « Alors le geai jazard et la pie criarde,/ Volants, viennent au bruit ; la corneille ne tarde/ À venir au pippet. » (Godefroy.) Machue sort de sa maison. 36 Que Dieu vous donne une bonne nuit (note 3). Sur la confusion qui règne, dans ce genre de vœux, entre bonjour, bonsoir et bonne nuit, voir Philipot, pp. 81-82. 37 Elle fait bouillir. Je n’exclus pas un verbe bouduler, synonyme oral et familier de bouder. « Il me semble que l’on me boult du laict : on me fasche quand on me parle de la sorte. » Antoine Oudin. 38 Elle arrive après s’être pomponnée. 39 Ma mignonne. Cf. Lucas Sergent, vers 266. 40 Qu’est-ce qui vous amène ? 41 Déformation de « pédagogue ». Nous avons retiré Mimin à son maître d’école, Mengin (vers 28), pour le placer chez un professeur de latin, un magister. 42 Déformation de « astrologue ». La mère d’un autre étudiant tout aussi doué, Maistre Jehan Jénin, proclame le génie de son fils en matière « de trologie et merdecine ». 43 Juriste. Le latin était la base de toutes les sciences, qu’on enseignait dans cette langue. 44 Son argent. Cf. le Moral de Tout-le-monde, vers 172. 45 BM : susciter (Dont il puisse hériter.) Philipot préconise « succéder », qui a le même sens. 46 Peu. 47 BM : un (Correction proposée par Tissier.) Et déclamé en bon latin. 48 Un charme, un sortilège pour faire venir le diable. « Et ceulx qui font chermes et sors. » (Vie et hystoire de ma dame saincte Barbe.) Une trop grande érudition sentait le soufre. Quiconque s’exprime autrement qu’en français, fût-ce dans la langue officielle de l’Église, ne parle pas chrétien. Pantagruel (chap. 6) dit à l’écolier limousin qui l’abreuve de français macaronique : « Que diable de langaige est cecy ? Par Dieu, tu es quelque hérétique !…. Je croys qu’il nous forge icy quelque langaige diabolique et qu’il nous cherme comme enchanteur. » 49 BM : le voye. (Pour qu’on le remette sur la bonne voie. C’est une redite des vers 91-92.) « Car elle m’avoie/ En la droite voie/ D’onneur. » ATILF. 50 BM : lidraye. (Landroie n’a pas été consigné dans les glossaires normands, qui s’en tiennent à landore : fainéant, lambin. Mais en wallon, une landroie est une paresseuse ; et en lorrain, une landrauye est une femme lente et paresseuse.) Machue adresse ces mots à sa fille ; du coup, elle se précipite dans la maison. 51 À sa fille, qui revient avec une poupée de chiffon. 52 De flageoler, de perdre ton temps à des bavardages. « Plus ne tarde,/ Car tu ne faictz que flagoler. » Envye, Estat et Simplesse, LV 11. 53 Mon amoureux, mon fiancé (note 13). Mais il se peut que Mimin soit déjà son amant, et qu’il ait « emprunté un pain sur la fournée » : voir les notes 109 et 176. Mario Longtin, dans la Farce comme on l’a voulue, a tordu le cou au mythe de cette « première ingénue du théâtre français », comme l’ont naïvement baptisée Hankiss et Philipot. 54 Elle a de la jugeote. 55 Il est à l’école, dans sa chaire de professeur. Assis sur la paille, Mimin tient un livre. 56 Afin que. 57 Et pour qu’un jour tu deviennes un grand personnage. Le Magister veut faire de son élève un grand homme (vers 130) et un pilier du royaume (vers 147). 58 BM : les. 59 Réponds : quel livre lis-tu ? Si le professeur avait su le latin, il aurait dit : « Quem librum legis ? » Il parle presque aussi mal le français : vers 124, 149 et 230. 60 Moi pas savoir (parler français). Le verbe scire [savoir] est encore plus malmené au vers 176. 61 Les Normands disaient franchais au lieu de françois. L’éditeur parisien a laissé plus de normandismes dans le texte latin, qu’il ne comprend pas, que dans le texte français. 62 Quare = c’est pourquoi. Je comprends : « Ici, je ne parle jamais le français,/ c’est pourquoi je l’ai oublié. » On prononçait à la française : oubliavéron. 63 Déformation de « épître ». 64 Peuvent. Cette forme normande tient en 1 syllabe. Cf. la Fille bastelierre, vers 54. 65 Tous les cancres qui lisent, récitent ou chantent du latin ont un point commun : ils le hurlent. Voir les vers 144, 160 et 200. 66 Le -us final rime avec eux, que les Normands prononçaient presque « u » : voir la note 72. André Tissier propose courageusement une traduction de cette bouillie latino-rouennaise : « Le monde est variable ;/ l’aventureux s’empare/ des biens de ce monde au lieu de les gagner ;/ mais il ne durera certainement pas ;/ et il n’emportera/ en quittant ce monde que ce qu’il a pu accomplir comme bienfaits./ C’est au chapitre huitième que/ cela est dit. » 67 BM : gaignard 68 BM : certambus 69 Que Dieu m’assiste ! Idem vers 234. 70 Sans plagier personne. 71 Forme provinciale et périmée de : le psaume. « Se regardasses la pséaulme/ Et l’escript de sainct Ancéaulme. » (Le Livre du Champ d’or.) Le sujet que propose le Magister est inconnu des Psaumes. Tiré de la même épître d’Ovide que la lecture précédente, il a joui d’un énorme succès tout au long du Moyen Âge. Philipot cite la version qu’en donne le Resveur avec ses resveries : « L’heur et la félicité du monde/ Pent en ung petit fillet menu./ Et aujourd’huy, chascun si se fonde/ À aquérir ung groz revenu ;/ Tout si s’en yra dont est venu./ De ce monde-cy, riens n’emporterons/ Sinon les biens et maulx que nous ferons. » 72 BM : A gaudeno (Peut-être Mimin croit-il citer le Gaudémus in Domino, un chapitre des Décrétales de Grégoire IX où les plaisantins voyaient une autorisation de la bigamie.) Gaudémur rime avec honneur ; en Normandie, le son « eu » était proche du son « u » : « Un malur ne va jamais sans l’autre. » La Muse normande. 73 BM : tertialy (Au chapitre troisième.) Cette correction et celle de la rime suivante sont suggérées par Jonathan Beck : Dissimilation consonantique et le pseudo-latin « esse paly » dans Maistre Mimin Estudiant, p. 116, note 22. 74 BM : paly (Esse paret = il paraît être. J. Beck traduit : Semble-t-il.) 75 BM : ei (Voici la traduction à laquelle se risque A. Tissier : « Le monde et son honneur/ pendent (…)/ à un petit fil./ Celui qui vivra à l’aventure/ n’emportera comme biens/ qu’un manteau en guise de couverture. ») 76 BM : Viualit (Il vivra.) 77 Quel grand savant. Mais aussi : quel licencié ès âneries. Voir la note 8 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Dans cette sottie de 1462, et n’en déplaise à ceux qui reportent le rapprochement entre l’âne et l’aliboron au XVIIe siècle, un mauvais plaisant propose à maître Aliborum un licol pour attacher un âne qu’il n’a pas, étant sous-entendu qu’il s’attachera lui-même (vers 172-175). 78 Il semble (verbe paroir). On croirait qu’il n’a pas inventé l’eau tiède. « Il ne sçait pas seulement troubler l’eau : il n’a point de malice. » Oudin. 79 Devant l’école. 80 Elle adopte un air prude et modeste qu’elle n’a pas en temps normal. 81 Machue a tellement peur du professeur qu’il emploie un juron exclusivement féminin ; voir la note 43 du Résolu. 82 Des femmes feraient-elles plus de chichis que vous ? 83 Les rétifs, les peureux. Poussés par les femmes, les deux hommes entrent dans l’école. 84 Bien. Jeu de mots involontaire sur « benêt ». 85 Monsieur. 86 Moi pas savoir. 87 Père, mère. Comme c’est sa mère qui porte la culotte, il la décline au masculin. « Raoul » fait toujours 1 syllabe. 88 Fille, douce poupée. « Douchette » est une prononciation normande. 89 Que je t’ai donnée en cadeau de fiançailles. Cf. la Présentation des joyaux. 90 Je salue la compagnie. 91 BM : Patrius Merius (Voir le refrain original de ce rondel double au vers 177. Je corrige la même variante à la reprise de 189. Les copistes notaient la 1ère apparition du refrain, puis abrégeaient les autres.) 92 BM : quia (Qu’y a-t-il ? Dans cette formule bien française –voir le vers 72–, Mimin va reconnaître la conjonction latine quia : parce que.) 93 BM : ca (De par la mère de Dieu = au nom de la Vierge Marie. « –Dieu vous doint oye, monseigneur !/ –Et ! couvrez-vous, de par sa Mère ! » Pour porter les présens.) Mimin est assis sur la paille aux pieds de son professeur, dans une attitude soumise ; Lubine veut qu’il se relève, physiquement et moralement. 94 Sans méprise, sans risque d’erreur. 95 L’esprit. Mais voir la note 19. 96 BM : art (Il est ardent.) 97 Y fait défaut, s’y perd. 98 Il y a. 99 Les coups de verges résumaient la pédagogie de l’époque. Mais cette verge au singulier est aussi suspecte que l’engin des vers 29 et 198 (cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 66) : certains pensionnaires hébergés par leur précepteur dormaient parfois dans le même lit que lui. 100 Un tel divertissement. Cf. Frère Frappart, vers 238. 101 Qu’il a pu. Sur la prononciation du « eu » en « u », voir la note 72. 102 BM : carismedes (Apprenez, mes chers amis.) 103 Blanc-bec. Cf. le Trocheur de maris, vers 190. 104 À son fils. 105 De courtoisie. 106 Que je la baise ? On songe au « baiseray-je ? » proféré par le piètre latiniste Thomas Diafoirus quand il va rencontrer sa fiancée, dans le Malade imaginaire. 107 En normand, neuche = noce. 108 BM : amitus (Je traduis : « Pendant la nuit de noces, maître Mimin couchera avec elle. ») 109 BM : enfanthon (Normandisme.) Je traduis : « Sa femme, sitôt mariée, fera un petit enfant. » C’est effectivement la mésaventure dont se plaint le Normand Jolyet. Il n’est d’ailleurs pas impossible que notre « pucelle » soit enceinte : voir la note 176. 110 BM : gibet (« Le deable y ayt part, à la pierre ! » Messire Jehan.) Laton = latin : « Qui li a apris à parler laton ? » Godefroy. 111 Il ne pense qu’à la gaudriole. C’est le vers 569 de la Pippée. 112 Et que j’en trouvais l’occasion. 113 Séance tenante. Mais pied et bille [bâton] ont un double sens phallique. L’auteur a pu trouver ce vers chez Martial d’Auvergne en 1493, à moins que Martial n’ait trouvé le sien dans notre farce. 114 À cause de. 115 Elles sont si portées sur la chose. 116 BM : Or 117 Ce sont vos paroles. 118 À votre tour. 119 Avec nous. 120 Il ne tiendra pas à moi de refuser. 121 Pour l’inciter (à parler français). 122 Tant soit peu. 123 Il fait merveille de chanter. 124 À leur libre choix. Tout le monde se met en route pour reconduire Mimin chez lui, mais on fait une halte devant la maison de Machue, qui est sur le chemin. 125 Conclure. 126 BM : maistre 127 Pour le remettre en état. 128 Il ne faut pas le laisser à l’écart sans. 129 Totalement. 130 On mettait un oiseau parleur en cage, et on lui « serinait » un mot – généralement maquereau – qu’il finissait par répéter. (Voir la note 13 de la Mauvaistié des femmes.) Il était tentant, pour les dramaturges, d’appliquer cette méthode aux humains : « S’on veult qu’il parle, maintenant/ Il le vous fault boutter en caige. » (Le Roy des Sotz.) « –Vous perdez vostre langaige./ –Que faire elle n’a d’estre en caige/ Pour apprendre à bien parler. » (Moralité du Lymon et de la Terre, T 19.) 131 Si large d’épaules. 132 Je vais vous la montrer. La fiancée apporte une cage en osier dépourvue de fond. 133 Pourvu. 134 Quelle figure sinistre fait Mimin ! 135 BM : poaur (Peur, en 1 syllabe comme à 296. C’est « n’ai-e » qui est dissyllabique.) Un valet est un jeune homme : Lubine appelle son fils « mon varlet » au vers 191 de Maistre Mymin qui va à la guerre. 136 BM : Tapprendront 137 BM : Cageatus (M’emprisonner dans une cage.) 138 Le maître ne me montrera plus les leçons ? 139 BM : Intrologea (Il ne me reconnaîtra plus, si je ressuscite dans cette cage.) 140 Mettez votre tête dans la cage. 141 Montrez-vous courageux. 142 Elle pose la cage sans fond sur la tête de son fils, comme un casque. 143 Latinisation du juron « anné ! ». « Anné !/ Le péché est tout pardonné. » (Deux hommes et leurs deux femmes.) Ce juron, comme sa variante « ennément » (vers 169), est en principe réservé aux femmes. 144 BM ajoute dessous, au détriment du triolet : B.mi. 145 Comme il se laisse commander. 146 BM : Quest il (Voir ce refrain aux vers 309 et 312.) 147 Ce sont deux choses bien différentes, comme le cidre et le vin. 148 Et que nous sommes plus importants que les femmes. 149 Vers manquant. J’emprunte à l’Aveugle et le Boiteux son vers 235, qui semble taillé sur mesure. 150 Je comble une lacune. Parle comme un vrai homme. « Boy seulement (…), & parles en homme ! » (Jean Baudoin.) Au vers 338, Mimin va parler « comme une femme ». 151 De telle manière. 152 Maintenant parlez, ma douce joie. Cf. les Cris de Paris, vers 358. 153 « Tu ne vois pas ce que je sens. » Farce de Pathelin. 154 Déformation de « doctrine » : enseignement. Voir le vers 20 de la chanson que je publie sous la farce. 155 Ces 3 mots sont chantés : « Allons, allons gay,/ M’amye, ma mignonne ! » On reconnaît ce refrain dans le Savetier qui ne respond que chansons (F 37). Brown (nº 11) ne l’a pas repéré dans notre farce, mais Philipot et Tissier non plus. 156 Clairement. 157 La chanson qui réunissait tous ces éléments dans cet ordre n’est pas arrivée jusqu’à nous. 158 BM : du (De bon cœur. Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 22.) 159 C’est mon avis. Cf. Lucas Sergent, vers 172. 160 « La femme scet ung art plus que le diable. » Nicolas de Troyes. 161 Je ne veux pas en dire plus. 162 BM : ait 163 Il n’est pas de perroquets, de pies, d’étourneaux ou de geais que les femmes ne fassent parler. 164 BM : ne 165 Une pinte de vin. Nous avons sans doute là un vers proverbial. 166 BM : truynte (Mot inconnu, y compris en Normandie.) Le cri « du pinson d’Ardennes est rauque et dur et a quelque rapport avec le miaulement d’un chat ». (Dict. univ. d’hist. nat.) Ce n’est pas le pinson qui chuinte, c’est le chat-huant, et Mimin va bel et bien imiter le cri de ce rapace : voir la note 32. 167 Comme. Cf. Jénin filz de rien, vers 468. 168 Hors de la cage. 169 Comme Lubine l’avoue orgueilleusement : « Il n’est finesse que de femme. » Maistre Mymim qui va à la guerre. 170 Vous aide. C’est une forme populaire du verbe avancer. « J’eusse bien dict : “Dieu vous avant !”,/ Mais c’eust esté faict en village. » Le Monde qu’on faict paistre. 171 BM remonte cette rubrique au-dessus du vers précédent. 172 Elles ont leur réputation. Idem vers 411. 173 Anuit, aujourd’hui. Nous l’avons eu en pseudo-latin au vers 220. 174 Qui me donnait des coups de bec, quand je gardais les oies. Pernet, cet autre écolier normand, est aussi un gardeur d’oies : cf. D’un qui se fait examiner, vers 59-61. 175 Doucement. 176 Fatiguée. Mais aussi : plongée dans les douleurs de l’enfantement. « En l’enfantant, elle trespassa, tant fut travaillée de douleurs. » (Alain Bouchart.) Voir la note 109. 177 C’est ainsi que les paysans portent les veaux : cf. le Roy des Sotz, vers 82 et note. 178 Ce mot désigne tout le devant des femmes, depuis la poitrine jusqu’au bas-ventre. « Se (je) la despucelle,/ Je seroys en bien grand dangier/ De luy rompre ventre et forcelle. » Tout-ménage. 179 Trois notes prises au hasard représentent n’importe quel chant d’église. La mère de Maistre Jehan Jénin dit de son petit prodige : « Tant chante hault son “my fa la”,/ Il fait tout trembler çà et là. » 180 Pourtant, je vous la garantis (cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 203). Le père, fermier lui aussi, vante la marchandise à son futur gendre. Il est vrai que les filles qui ont le cul tendre ne restent pas vierges longtemps : « Ah ! je le sçavois bien qu’elle a la fesse molle,/ La paillarde qu’elle est, et que mon vit batteur/ À son con effondré ne feroit point de peur ! » (É. Jodelle.) Voir Deux hommes et leurs deux femmes, dont l’une a malle teste et l’aultre est tendre du cul. Le beau-père de Mimin, tout comme le beau-père de Jolyet, prend le parti de sa fille. 181 Elles l’ont bien ! « Mon » est une particule de renforcement, comme à 361. 182 Quelquefois, pour ne rien vous cacher. 183 Pendant le trajet. 184 La galère. Cf. les Sotz triumphans, vers 194. 185 La partition sépare ces deux syllabes parce qu’on les chante sur des notes différentes. 186 Vers moi. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 623. 187 Ms. : Que oncqz puis (Que jamais, depuis.) 188 Lubine s’adresse au Magister. Dans le jargon estudiantin, socié désigne un pédant inculte. C’est le nom d’un des écoliers du Maistre d’escolle. « Pour farcer ygnares sociéz. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) « Un socié / Qui ne sçayt pour toute devise/ Dire, quant il est à l’église,/ Seulement un Per omnya. » (Science et Asnerye.) 189 Avec. « Voulez-vous demourer o moy ? » (Les Esbahis.) Dans l’enseignement privé, le contrat liant le maître et les étudiants qui le payent relève d’une forme d’association. 190 Déformation de « étudiant ». Voir la déformation de « étudié » au vers 11. 191 Déformation de « gradué » : diplômé. « Raou-let » [Raulet] compte pour 2 syllabes, comme « Raoul » comptait pour 1 syllabe dans la farce. 192 Ms. : petils (Faire quelqu’un réus, ou reux, c’est le laisser sans voix.) « J’en ay fait reus cent fois les maistres/ De nostre escolle. » D’un qui se fait examiner. 193 Qu’il soit présent aux cours. 194 En même temps. Et Lubine chante le cri de l’âne, ce maître Aliboron que la farce identifie à Mimin au vers 159. 195 Pour endoctriner mon fils.
PERNET QUI VA À L’ESCOLLE
.
*
PERNET QUI VA
À L’ESCOLLE
*
.
Écrite au début du XVIe siècle, cette pochade d’écoliers servira de socle à une farce beaucoup plus fine, D’un qui se fait examiner pour estre prebstre : on y reconnaît un grand nombre de vers, dits par les mêmes personnages. Il est probable que ces deux pièces d’auteurs différents étaient au répertoire d’un collège rouennais.
Source : Recueil du British Museum, nº 46. Édité à Paris vers 1532, par Pierre Sergent. L’imprimeur, tout comme celui de Légier d’Argent, a mélangé les folios de son manuscrit de base sans même s’en rendre compte (voir l’illustration) ; il a disposé les vers dans cet ordre : 1-25, 191-205, 45-190, 26-44, un folio sauté, 206-218. La farce de Pernet qui va au vin, nº 12 du même recueil, n’a aucun lien de parenté avec celle-ci.
Structure : Rimes plates. Les farces où les acteurs ont gonflé leur texte présentent des rimes identiques, et des troisièmes rimes, c’est-à-dire des groupes de trois vers qui riment ensemble.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
.
*
Farce nouvelle trèsbonne
et fort joyeuse à trois
personnaiges, de
Pernet qui va
à l’escolle
*
C’est assavoir :
PERNET
LA MÈRE
LE MAISTRE
.
PERNET.
*
PERNET commence [en chantant] SCÈNE I
Per omnia sécula séculorum ! Amen ! 1
Sursum corda ! Habémus papam 2 !
Qu’en dictes-vous : suis-je curé ?
Et ! par mon serment, je ne sçay.
LA MÈRE DE VILLAIGE 3
5 [Tel père, tel filz]4, on dit bien vray :
Mon filz chante desjà la messe.
Et ! par bieu, il sera desjà évesque
(Je le sçay bien certainement),
Voire, s’il vit bien5 longuement.
10 Aussi l’avois-je bien songé6.
Regardez comme il est changé,
Depuis qu’il fut mis à nourrice.
Tout ce qu’il faict luy est propice,
Et si, faict [desjà fort]7 de l’homme.
15 Je cuyde que d’icy à Romme,
Il n’y a ne beste ne gent
Qui ayt si bel entendement
Comme il a, [vous] le voyez tous8.
[Çà], Pernet, que je parle à vous !
20 Il vous fault aller à l’escolle9.
PERNET
Regardez, ceste poire est elle molle ;
Ma mère, ne vault-elle rien ?
LA MÈRE
Au fort, estudiras-tu bien ?
Mon filz, par ta foy, qu’en dis-tu ?
PERNET
25 Ouÿ, en parchemin velu. 10
Vous m’y verrez bien tost clargon11.
Mais que j’aye mon chat Mignon12,
Je le mèneray avec my13.
LA MÈRE
Par ma foy ! mon filz, si tu vy,
30 Je te feray14 une fois saige.
Ne seroit-ce pas grant dommaige
S(i) ung si beau petit filz mouroit ?
PERNET
Par bieu, ma mère, si seroit !
Il me convient avoir ung livre15.
LA MÈRE
35 [Et l’]16 escriptoire pour escripre,
Comme ont les clargons17 du Palays.
PERNET
Et ! ne suis-je pas johannès18,
Ma mère, aussi bien comme ilz sont !
LA MÈRE
Ouÿ, mon filz. Or, allons donc !
40 Il fault19 aller estudïer.
PERNET
Or que j’aye pour porter à disner
Ma mère, pour moy et pour mon animal20.
LA MÈRE 21
Sainct Copin ! tu ne dis pas mal.
[Or] tien, mon filz : voicy du pain.
45 Menge[-le] quant tu auras fain.
Voylà des pommes trois ou quatre.
PERNET
Ma mère, donnez-moy du lart :
Mignon en [menge avec]22 son pain.
LA MÈRE
Certes, il en aura demain.
50 Car j’en mettray encor ennuyt cuire.
PERNET 23
Or çà ! Me ser[vi]ray-je [d’ung] bas[ton]
Pour estudïer ma leçon ?
[Dea] ! je le sçauray tout courant24.
LA MÈRE
Voylà le Maistre là-devant.
55 Or sçais-tu quoy ? Fay bien du saige.
PERNET
Vous deussiez avoir ung fourmaige
Pour luy donner, [comme il convient]25.
LA MÈRE
J’en f(e)ray la sepmaine qui vient,
Et puis tu luy en porteras deux.
PERNET
60 Par ma foy ! ma mère, je le veulx
Que demourez ung tantinet26 :
[Jà verrez si grant clerc il est]27
Et si sçaura bien sa leçon.
LA MÈRE
Si feray je, ne te chaille28, non.
65 Il te fauldra parler latin.
PERNET
C’est de quoy j’ay si grant [be]soing29 ;
Mais je ne sçay comme il fault dire.
LA MÈRE
Et puis fault apprendre à escripre,
Car ces deux choses sont communes.
70 De quoy trancheras-tu tes plumes,
Que tu as prinses sur30 la nape ?
PERNET
De quoy ? Par mon serment ! la serpe
Me servira de canivet31.
LA MÈRE
Or allons doncques, c’est bien faict.
75 Il me fault tost parler à luy.
.
Dieu vous gard, Maistre ! SCÈNE II
LE MAISTRE D’ESCOLLE 32
Et vous aussi !
Qu’i a-il, m’amye, qui vous maine ?
LA MÈRE
Voicy mon filz, que vous ameine
Affin que [vous] le facez prebstre.
PERNET
80 Sainct Jehan, je ne le veulx pas estre !
Or allez, dame, j’ay33 despit !
M’avez[-vous] pas une fois dit
Que vous me voulez faire évesque ?
LE MAISTRE
Dea ! mon filz, [vous le serez, mais que]34
85 [Vous] estudïez de couraige35.
PERNET
N’aymez-vous pas bien le fourmaige ?
Ma mère vous en f(e)ra demain.
Et ! l’en vécy dedans mon sain36 :
En voulez-vous ung morcelet ?
LA MÈRE
90 Vrayement, tu es ung fol parfaict !
Il te fault dire ta leçon37.
Que [feras-tu]38 de ce baston ?
Certes, je croy que tu es yvre.
PERNET laisse son baston.
C’est pour toucher dessus mon livre ;
95 Que sçav’ous que c’est [que] de bien39 ?
LE MAISTRE
Laissez, mon filz, il40 ne vault rien ;
Il souffira bien de cecy.
[Il luy donne] ung festu.41
Où est vostre leçon ?
PERNET
Icy.
[Il monstre son livre] tout au fin commencement.42
LE MAISTRE 43
Or, dictes doncques ! [Que lisez ?]
PERNET
100 « Croisette de par Dieu44. »
LE MAISTRE
Après ?
PERNET
« A. »
LE MAISTRE
Après ?
PERNET
« A. »
LE MAISTRE
Encor ung.
PERNET
« A. »
Et ! que dyable il y en y a45 !
[Long temps a]46 que je le sçay bien.
Je le sçavoye desjà bien
105 Quant je fuz batu de mon père ;
Je crioye : « A ! A ! [A !] ma mère,
Je vous prie, venez-moy deffendre ! »
LE MAISTRE
Çà, mon filz, achevez de rendre47.
PERNET
Et ! que vous ay-je desrobé ?
LE MAISTRE
110 (Me voicy trèsbien arrivé48 !)
Parachevez vostre leçon.
PERNET
Ma foy ! je ne suis point larron,
Je le vous dy à ung brief49 mot.
LE MAISTRE
Quel(le) lettre esse-là ?
PERNET
Je [n’oys mot]50 ;
115 Demandez-le donc à ma mère.
LE MAISTRE
« B 51. »
PERNET
Sainct Jehan ! il ne m’en chault, voyre,
[Car] je viens tout fin droit52 de boire ;
Je ne puis boire si souvent.
LA MÈRE
A ! il dit vray, par mon serment !
120 Maistre, monstrez-luy en son livre53.
Je ne vueil point que [le] facez yvre :
Il boit assez avec[ques] nous54.
LE MAISTRE
Non feray[-je], non, taisez-vous.
Mais me voulez-vous faire acroire
125 Que je le vueil prier de boire ?
Dictes ceste lettre, icy : « B. »
PERNET dict 55 ceste lettre icy :
« B. »
LE MAISTRE
Après, [encore avez] « C 56 ».
PERNET
Et ! j’ay le dyable si j’ay soif !
Je ne sçay, moy, où vous pensez.
LA MÈRE
130 Ha ! Maistre, vous le me gastez :
Ne luy parlez que de boisson57.
LE MAISTRE
Non fais-je, bon gré sainct Symon !
Depuis le temps de sainct Martin,
Je ne vey aussi dur engin
135 Comment58 il a, par mon serment !
LA MÈRE
Ha ! il a bel entendement59,
Il (y) a long temps que le60 congnois.
Aulcunesfois, [si] je m’en vois61
Et laisse [mon filz] à l’hostel62,
140 Il faict de la table ung autel
Et chante le Per omnia.
Vous diriez, [en voyant]63 cela,
Qu’il s[er]oit digne d’estre pape.
[Mais] il met aussi bien la nappe
145 À l’heure qu’il [nous] fault disner64.
LE MAISTRE
Laissons tout, c’est assez jase[r].
Quel(le) lettre esse-là, [s’il vous plaist] ?
PERNET
Illa65 ?
LE MAISTRE
Voyre, là.
PERNET
C’est un…
LE MAISTRE
« D 66 ! »
PERNET
Et ! sainct Jacques, il n’est pas vray !
150 Ma mère, il dit que c’est ung doy.
Mais vous semble-il qu’il n’est pas vray ?
Il n’est pas ainsi faict que le mien.
LA MÈRE
Nostre Dame ! Maistre, il dit très bien ;
Il congnoist mieulx que vous ne faicte(s).
LE MAISTRE
155 Vrayement, il la baille bien verte67 !
Or bien, après, j’en suis content68.
[Dictes ceste lettre, à présent :]69
« E. »
PERNET
« E. »
LE MAISTRE
Après ?
PERNET
« F. »
LE MAISTRE
« G. »
PERNET
« G. »
LE MAISTRE
« H. »
PERNET
Elle est à l’hostel, nostre hache :
160 Mon père en veult70 fendre du boys.
LE MAISTRE
Je suis content pour ceste foys.
[Dictes après !]
PERNET
« I 71. »
LE MAISTRE
« K. »
PERNET
Ung cat72 ?
Par bieu, vous mentez de cela !
Il n’est pas faict ainsi comme le myen :
165 Mignon [parle], et [c]il73 ne dit rien ;
Il ne sçait point menger de lart.
LE MAISTRE
Or dictes après, maistre Quoquart74 !
« L. »
PERNET
Une aelle75 ? Mais de quel oyseau ?
Ce n’est pas celle [d’ung moineau]76.
LE MAISTRE
170 Voicy bien pour devenir moine77 !
Or çà quel(le) lettre esse icy ?
PERNET
« M. »
LE MAISTRE
« N. »
PERNET
Ung78 asne ? Et où sont les oreilles ?
Par bieu, vous me dictes merveilles !
Mais qui en veit onc ung ainsi faict ?
LE MAISTRE
175 Je suis content qu(e) ainsi [il] soit79.
Disant 80 tousjours :
« O. »
PERNET
Et quel os81 est-ce ? De mouton ?
LE MAISTRE
Après, après ! Ce pas passon82.
[« P. »]
PERNET
P[et83 ? Je ne l’ay entendu.]
LE MAISTRE
« Q. »
PERNET
Fy ! il y parle du cul :
180 Ma mère, il dit la paillardise !
LA MÈRE
Par bieu ! quelque chose qu’il dise84,
Maistre, vous estes ung ort villain !
LE MAISTRE
(Certes, je respondray en vain ;
Il fault trop mieulx85 que je me taise.)
185 Mon filz, sans faire [plus] grant noyse,
Allez [là embas vous asseoir]86.
PERNET
[À mon chat donray]87 à menger,
Pour88 qu’il ne m’esgratigne point.
LA MÈRE
À vostre advis, aprent-il point
190 Suffisamment, pour son jeune aage ?
LE MAISTRE
Il aprent si bien que c’est raige89 !
Voyez vous bien comment il prent grant peine.
LA MÈRE
Adieu jusqu(es) à l’autre sepmaine,
Maistre ! Je le vous re(s)commande.
LE MAISTRE
195 J’en prendray peine si trèsgrande
Qu’il deviendra homme de bien.
.
PERNET SCÈNE III
Sainct Jehan ! je m’en vois aussi bien90 :
Ma mère, dea, attendez-nous91 !
LE MAISTRE
Se g’y vois92, vous aurez des coups !
200 Venez rendre la seconde foys93.
PERNET
Ma leçon ?
LE MAISTRE
Vous parlez françoys ;
Mais, Dieu, il fault parler latin94 !
PERNET
Égo, vultis95 ? Par sainct Copin !
Eccé desjà librus méus96.
LE MAISTRE
205 Or avant, doncques ! Dicamus97 !
PERNET
………………………………….. 98
……………
LE MAISTRE
« Z. »
PERNET
« Et 99. »
LE MAISTRE
« Cum 100. »
PERNET
Allez, villain ! Par sainct Symon,
Vous estes plain de vitupère !
Av’ous parlé du con ma mère101 ?
210 Mais, par sainct Jehan, je luy vois dire102 !
.
LE MAISTRE SCÈNE IV
Sainct Jehan ! ce lourdault me faict rire.
Mais ne regard[er]ez-vous pas
Comment il est fort103 à instruire ?
Par bieu, c’est ung terrible cas !
215 Nous vous prions [que], hault et bas104,
Pardonnez aux gentilz enfans105
De ceste ville qui ces esbatz
[Qu’]ont voulu faire en passant temps.
.
FINIS
*
1 Par tous les siècles des siècles. Pernet chantera encore ce Per omnia dans D’un qui se fait examiner, vers 141. Je ne signale les nombreux vers communs aux deux farces que dans la seconde, qui les emprunte à la première. 2 BM : a domine (« Sursum corda ! Habemus ad Dominum. » Élevons nos cœurs ! Nous les élevons vers le Seigneur.) Habemus papam = Nous avons un pape. Cette proclamation annonce qu’un nouveau pape est élu. Pernet mélange deux exclamations différentes. Papam et amen riment en -an. 3 La mère parle au public. Dans Colinet et sa Tante, qui exploite le même thème que notre farce, la tante est elle aussi « habillée en femme de village », c’est-à-dire en fermière. 4 BM : Et par mon ame (D’un qui se fait examiner nous révélera que Pernet est le fils du curé.) Sur le phénomène des troisièmes rimes, voir ma notice. 5 BM : guere — D’un qui se fait : bien (S’il vit assez longtemps pour réussir à apprendre le latin.) 6 La mère de Maistre Jehan Jénin a elle aussi des songes prémonitoires concernant son petit génie : « –Puis j’ay songé (…) que j’avois mittres et croces/ Tout enmy mon ventre…./ –Je seray évesque, c’est fait ! » 7 BM : fort desia — D’un qui se fait : desia fort 8 BM : vous 9 Afin de rentabiliser ce don de Dieu. Les écoles étaient tenues par des hommes d’Église. 10 Sur un pubis féminin. « J’ay hanté les escoles,/ Et souvent visité et leu/ Le livre au parchemin velu. » (Sermon de sainct Frappecul.) Ce vers et le précédent sont des ajouts d’acteurs : Pernet ne s’intéresse pas encore au sexe. 11 BM : aprins (Clergeon, petit clerc. Idem vers 36.) BM, s’apercevant qu’il est perdu, répète au-dessus la rubrique : pernet 12 BM : meaulin (Beaucoup de Sots et de Badins possèdent un chat ; voir la note 20 de Tout-ménage.) Le chat de Pernet s’appelle Mignon <vers 48 et 165>, qui dérive de minon. « Minon, minon : voix pour appeller un chat. » (Antoine Oudin.) Ce mot a donné « minou ». 13 Forme normanno-picarde de « moi ». 14 Je te rendrai. 15 La mère donne à Pernet un abécédaire : grâce à l’imprimerie, on en trouvait un dans presque toutes les maisons. 16 BM : Il a (Elle lui donne l’écritoire de son père, le curé. Dans Jénin filz de rien, le curé offre lui-même son écritoire à son fils.) 17 Les clergeons, les clercs des procureurs du Palais de Justice. 18 C’est le prénom Jean latinisé. On attribue ce nom péjoratif aux clercs qui maîtrisent mal leur érudition. Le clerc de la Nourrisse et la Chambèrière porte ce nom : « C’est Johannès,/ Si semble, à tout son escriptoire. » 19 BM : te vault 20 BM : chat 21 Elle garnit la musette de son fils. 22 BM : mengera auecques (Voir les vers 165-6.) 23 La mère, le fils et le chat quittent la maison. En chemin, Pernet ramasse un énorme bâton qu’il veut utiliser pour suivre les lignes de son livre : voir les vers 92-94. 24 Très vite. La mère, son fils et le chat entrent dans la classe aussi pieusement que dans une église. Le professeur trône en chaire. Les cours étant collectifs, il est possible qu’une poignée de collégiens aient tenu leur propre rôle en tant que figurants muets. 25 BM : du commencement (Cf. D’un qui se fait examiner, vers 90-91.) 26 Que vous restiez un peu avec moi pendant la leçon. 27 BM : Je verray bien sil est grant clerc (Vous verrez alors s’il est savant.) 28 Ne t’inquiète pas. 29 « Aussi en ay-je bon besoing. » Les Frans-archiers qui vont à Naples. 30 BM : soubz (Pernet écrit avec les plumes d’une oie qu’il a mangée à table. D’un qui se fait examiner rappelle que c’est lui qui menait au champ la vieille oie de la ferme.) 31 De canif pour tailler le bec de mes plumes. Cf. D’un qui se fait examiner, vers 193-6. Sarpe rime avec nape. 32 Dans la sottie du Maistre d’escolle, une mère vient constater les progrès scolaires de ses fils. 33 BM : par (Je suis déçu.) 34 BM : sera mesque (Pour peu que.) Dans ces rimes en paroxyton mises à la mode par les Grands Rhétoriqueurs, l’avant-dernier mot est tonique, et le dernier ne compte pas dans la mesure : « Du débat d’entre vous et elle./ Je le vous diray, mais tenez-le/ Sûr et secret. » (Le Pasté, F 19.) Voir la note 51 de Folconduit. 35 De bon cœur. 36 Pernet tire un vieux morceau de fromage de sa musette. Tant qu’il y est, il sort un litron et en boit quelques gorgées (vers 93 et 117). 37 Pernet a donc révisé dans son livre avant de venir en cours. Il ouvre ce livre, et applique son bâton sur la page. 38 BM : veulx tu faire (Voir la note 23.) 39 Que savez-vous de ce qui est bien ? « Tu ne sçaurois sçavoir que c’est que de mal si tu ne l’as gousté. » Bénigne Poissenot. 40 Cela. 41 On suit les lignes du livre avec un des fétus de paille dont le sol de la classe est jonché. 42 Au tout début. L’éditeur semble avoir intégré des didascalies au texte. 43 Il montre à Pernet la première page, où est dessinée une croix. 44 La « Croix de par Dieu » est un abécédaire : cf. Troys Galans et un Badin, vers 62 et note. Le lecteur de l’abécédaire doit d’abord prononcer les mots « croisette de par Dieu » tout en se signant. 45 Qu’il y en a ! Ces trois « A » correspondent à une majuscule gothique, à une minuscule gothique et à une lettre ronde. 46 BM : Il y a long temps (Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 424.) Il y a longtemps que je connais bien cette lettre. 47 De restituer votre leçon. Idem vers 200. Cf. Folconduit, vers 63. Pernet comprend : De rendre ce que vous m’avez volé. 48 Je suis vraiment bien tombé ! Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 689. 49 BM : brife (En peu de mots. Cf. les Sotz escornéz, vers 347.) 50 BM : ne scay: (Je ne peux en ouïr un seul mot : je n’y comprends rien.) L’auteur scande toujours « quel lettre ». 51 En normand, -oi se prononce -é , d’où les calembours qui vont s’accumuler : B = bois (impératif du verbe boire). C = soif. D = doigt. À la note 33 de Troys Galans et un Badin, je publie un triolet normand où les monosyllabes sont remplacés par des lettres qui ont la même prononciation qu’eux. 52 En droite ligne ; voir la note 36. « Il m’ira tout fin droit tuer. » (Les Frans-archiers qui vont à Naples.) En Normandie, « baire » rime avec « vaire » et avec « mère ». Sur le phénomène des troisièmes rimes, voir ma notice. 53 Contentez-vous de ce qui est dans son livre. 54 À la maison. 55 BM : Dictes (L’éditeur répète le vers précédent.) 56 Pernet comprend : Après, vous avez encore soif. 57 BM : sa lecon. (Boisson = alcool. « Voylà de la boisson :/ N’espargnez pas ce vin cléret. » Jéninot qui fist un roy de son chat.) 58 Comme. Engin = esprit. Mais ce « dur engin » devait faire pouffer les collégiens, tout comme le « bel engin » de Maistre Mimin estudiant. 59 Ce mot qui symbolisait le pénis ne devait pas calmer les rires des collégiens : « Je les mettray en ma braguette…./ J’ay un si bel entendement ! » L’Amoureux. 60 BM : ie (Que je le sais.) 61 Si une fois je m’en vais. 62 À la maison. Idem vers 159. Le gag de l’autel dressé sur la table avec du linge de maison et des ustensiles de cuisine sera mis en pratique dans D’un qui se fait examiner. 63 BM : quant a 64 Il ne met pas la nappe sur la table seulement pour en faire un autel : nous dînons dessus. 65 Mot latin signifiant : « Par là. » Cf. la Farce du Pet, vers 45. 66 Pernet et sa mère comprennent « un doigt ». Ils savent que le dé à coudre n’est rien d’autre qu’un doigt à coudre. 67 Il me la baille belle. « Ung tour nous a baillé trop vert. » Le Munyer. 68 Je m’en contenterai. Même soupir résigné aux vers 161 et 175. 69 Vers manquant. Je le reconstitue d’après le vers 126. 70 On pourrait lire « seult », du verbe souloir : Il a l’habitude de. « Femme qui fornique/ Seult faire à son mary la nique. » Jehan Le Fèvre. 71 Le I latin représente à la fois le « i » et le « j ». 72 BM : cas (En Normandie, cat = chat : « Un cat qui guaite un plat de tripes. » La Muse normande.) 73 Celui-ci. « Cil ne dit mot. » Du Fotéor. 74 Personnification de l’imbécile. Cf. la Pippée, vers 34, 185 et 419. Dans le Prince et les deux Sotz, le prince porte ce nom. 75 Une aile. 76 BM : de nostre veau 77 BM : fol (Se faire moine : Quitter ce monde de fous.) Jeu de mots sur le moineau du vers précédent. 78 BM : Une (Le N se prononçait comme « âne », y compris dans la région parisienne.) 79 Qu’il en soit ainsi. 80 BM : Disons 81 Les Normands disaient « un o », comme nous disons au pluriel « des o ». Cf. Jehan de Lagny, vers 36. 82 Laissons de côté ce mauvais pas. 83 Il n’est pas envisageable que l’auteur ait omis une lettre aussi tentante. D’ailleurs, l’imprimé comporte une lacune à cet endroit. 84 Quoi que dise mon fils. 85 Il vaut bien mieux. 86 BM : vous seoir la embas (Assoèr rime avec mangèr, à la manière normande : « Qu’il fault mortiférer sa chair./ Ne me venez plus tant preschair. » Moral joyeulx, LV 32.) Les élèves s’assoient par terre, au bas de la chaire magistrale. 87 BM : Bien ie donneray a mon chat (Pernet ouvre sa musette, boit un bon coup, et donne du pain à son chat.) Nous savons que de véritables chiens jouaient dans certaines pièces ; mais le chat étant moins docile, on le remplaçait probablement par une peluche. 88 BM : Affin 89 Que c’est un prodige. Le professeur flatte la mère parce que c’est elle qui le paye et qu’il n’a pas envie de perdre une cliente. Cela explique la patience résignée dont il fait preuve pendant les cours. 90 Je m’en vais aussi. 91 Nous : mon chat et moi. Pernet voudrait rejoindre sa mère, mais elle est déjà partie. 92 Si je vais vers vous. 93 Venez réciter (note 47) la seconde partie de votre leçon. Le vers est trop long. 94 Un maître d’école est censé donner le bon exemple, quand il n’est pas trop ignorant. 95 Moi, vous voulez (que je parle latin) ? 96 Voici déjà mon livre. 97 Disons = Parlez ! 98 L’imprimeur a sauté un folio du ms. de base au moment d’attaquer la dernière colonne de son édition. Nous étions à la lettre Q, nous voici à la lettre Z. 99 BM imprime ici l’abréviation de la conjonction latine « et ». J’ignore si Pernet la prononce à la française, « et », ou s’il accommode à sa sauce le mot « esperluette », qui désigne chez nous cette ligature. 100 BM imprime ici l’abréviation de la préposition latine « cum ». Cette fois, on est sûr que Pernet ne lui donne pas son nom officiel, 9 tironien, mais qu’il la prononce à la française : « con ». Le con désigne le sexe de la femme : cf. D’un qui se fait examiner, vers 278. Voici les abréviations de « et » et de « cum » telles que BM les imprime. 101 Génitif archaïque : du con de ma mère. 102 Je vais le lui dire. Pernet récupère son livre, son chat, sa musette, sa serpe et son bâton, puis il retourne chez lui. 103 Difficile. « Tant le Monde est fort à congnoistre ! » Le Monde qu’on faict paistre. 104 Que vous soyez sur une chaire comme les professeurs, ou assis par terre (vers 186) comme les élèves. 105 Aux collégiens. Ou, s’ils ont repris cette farce, aux Conards de Rouen, qui se qualifient eux-mêmes d’ « enfants de ville » dans leurs Deulx soupiers de Moville (LV 66).