SERMON POUR UN BANQUET
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SERMON POUR
UN BANQUET
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On ignore comment s’intitulait ce sermon joyeux ; son premier vers inspira au copiste du manuscrit un titre par défaut, Sermon d’un cartier de mouton, titre qu’il a d’ailleurs omis de noter dans la table des pièces. Jelle Koopmans1 l’a rebaptisé Sermon d’un cardier de mouton ; or, il n’y a jamais eu de cardiers de moutons : nous ne connaissons que les cardeurs de laine, et je ne sache pas qu’ils soient comestibles, contrairement aux quartiers de moutons. (Voir par exemple le Sermon de sainct Belin, qui narre les transformations culinaires d’un mouton tué par un boucher.) Notre sermon fut prêché au cours d’un banquet <vers 25> : je l’intitule donc Sermon pour un banquet, sur le modèle du Sermon pour une nopce, qui agrémenta un repas de mariage.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 5.
Structure : Rimes plates, rimes abab/cdcd.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Sermon d’un
cartier de mouton
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Au non d’un cartier de mouton
(Pour faire branler le menton2),
D’un[e] andouille à la cheminée3,
D’un hastelet4, d’une eschinée,
5 D’un bon pot de vin de Bourgongne
(Pour refaire, à tous, rouge5 trongne),
D’une brioche de deulx soublz6 :
Soyez-vous bénis et a[b]soublz !
Sy vous avez vos apétis,
10 [O vos omnes]7 qui soupatis :
[Prio vos quod]8 escoustatis,
Ouvrant grandos horeillibus9.
Ego monstrabo lardibus10,
De bonne11 grâce, vivendy.
15 Hec verba sunt alegandy12
Devant gentibus de bene13,
Et vobis [non denegandy]14.
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Après que j’ey [fort bien]15 dîné,
Peuple qui as icy soupé,
20 En joye et consolation
Escouste la prédication
Que veult faire frère Gaultier16 !
Je ne presche poinct au moutier17,
Car je n’y treuve poinct d’aquès18 :
25 Y n’est que prescher aux banquès,
Car on n’y pert poinct son latin.
Sy j’avoye frère Alitrotin19,
Y s’en yroit fère la queste ;
Car (par ma foy) sy je n’aqueste20,
30 Je ne presche poinct de bon cœur.
Je ne suys poinct ung recepveur21,
Ny un plaignart22 en une chaire.
Je veulx qu’on me face grand chère23
Sans espargner ne [quart, ne part]24 :
35 Je suys un bon frère Frapart25,
[Bon] compaignon [et bon]26 gaultier.
Mais à nous, c’est nostre mestier
Que d’aler parmy vos maisons
Pour vous demander des toysons27
40 Quant vient entour la Madalaine28.
J’ey tant jeûné la triolaine29
Et mengé la soupe au vinaigre
Que j’en suys demouré sy mesgre
Que je n’ay vie30 un jour entier.
45 Je veulx faire un sermon plénier31
Lequel contiendra deulx parti[e]s.
Mais premier32 que soyez parti[e]s,
Femmes, vous direz sans mentir
Que ma « doctrine » est à tenir33.
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50 Et pour mon « introduction34 »,
J’ey prins pour ma fondation35 :
O vos omnes qui soupatis,
Prio vos quod escoutatis,
Ouvrant grandis horeillibus36.
55 [Ego monstrabo lardibus,]37
De bonne38 grâce, vi[v]endy.
Or çà ! Messeigneurs, je vous dy
Que je suys bon granmairïen39
Pour prescher à bon escien :
60 Car (par ma foy) je suys le maistre
De tous ceulx de nostre cloestre40.
Les autres ne sont que maroufles41 ;
Je leur faictz porter mes pantoufles
Après moy42, comme serviteurs.
65 Un tas de petis preschoteurs,
De mÿauleurs43, de pÿolars
Qui contrefont les papelars44
Afin qu’on leur donne à souper.
Et sy, ne font que papïer45
70 Comme un chien prins en une bare46.
Que deable ! ne tiennent-y care47,
Ou bien la trongne d’un carleur48 ?
Y semblent à un oyseleur
Qui [contrefaict cy]49 la pipée :
75 « Ty, ty, ta, ta50 », à l’eschappée,
Font-y quant y parlent de Dieu.
Mais quant à moy (par le sang bieu),
Je desbagoule51 du latin
Plus dru c’un petit deablotin ;
80 Je le vous trousse par [la goule]52.
Sytost qu’icy [j’en desbagoule]53,
J’en tue un chien tout royde mort !
Ce n’est poinct petit latinor54,
Ne murmuron55, ne pietarom56 ;
85 C’est : « Grandibus asinorum57
À brides rouges58, [b]arba factes59 !
Mora difamus, vocat 60 ‟rates”. »
Voylà mon latin apresté.
Je me suys longtemps aresté
90 Pour aruner61 ce beau latin,
Mais ce n’est pas un picotin62
De la disme que63 ma science ;
Vous en vouérez l’expérience
Avant qu’aiez64 faict la soupée.
95 La pouétrine65 m’est sy enflée
Du savoir qui est là-dedens
Que se je ser[r]oys trop les dens,
Y me sortiroyt par-derière
Plus espois que n’est lye de bière ;
100 Ou je crèveroys par le ventre66.
J’ey deigà vescu des ans trente,
Mais jamais je ne vis prescheurs
Sy desnués ne sy jeûneurs67
Comme sont ceulx du temps présent :
105 Personne ne faict plus présent68
Au pauvre couvent, semydieux69 !
Et vrayment, un tas de « pourdieux70 »
Gaignent plus en une journée
Qu’on71 ne faison en une année ;
110 De quoy nous sommes mal contens.
Mais d’où vient, aussy, que le temps
A esté longuement sy cher ?
Et d’où vient, aussy, que la cher72
Et les ners sont sy courïaches73 ?
115 D’où vient, aussy, que les filaches74
Sont [huy75] sy courtes, mes amys ?
Pourquoy ne prend-on plus de nis76
Comme on faisoyt au temps jadis77 ?
C’est Dieu qui l’a ainsy permys.
120 On souloyt trouver des pÿars78,
Des moyssons79 ou des cornilars,
Ou des grives80 à fricasser ;
Maintenant, allez en chercher :
Vous y serez une sepmaine !
125 Pourquoy n’ont hommes plus de graine81 ?
Pourquoy sont les noix sy véreuses ?
Pourquoy sont filles sy fâcheuses,
Et ont les yeux sy cachieux82 ?
C’est pour cause qu’on ne faict myeux83
130 À entre nos povres prédicateurs
[Qui sont de bien dire amateurs.]84
N’est-il pas dict : « [À Frapabo]85
« Donate d’un pasté86, preschabo. »
Voylà du Monde la folye.
135 Et c’est la première partye
De ma87 belle colatïon.
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Mais devant nostre départye88,
Feron recomandation89.
Nous prirons pour tous roys et princes,
140 Qu’i puissent maintenir la90 paix
En tous pays, aussy provinces,
Et que guer[r]e n’ayon jamais.
Nous prirons pour ces bons vicaires
Qui ont ces grosses chambèrières
145 Secrètement, sans qu’on le sache91 :
[Qu’ils ayent]92, pour leur faire grand[s] chères,
De l’or tout plain une besache93 !
Vous érez pour recommand[é]es94
Femmes qui boyvent leurs fis[é]es95,
150 Et maris qui bastent leurs femmes,
Et toutes gracieuses dames
Qui font fourbir leurs babinières96 ;
Vous érez97 part en leurs prières.
Nous prirons pour ces taverniers
155 Qui sont [sy souvent]98 coustumiers
À brasser le [moust du raisin]99 :
Qu’i puissent estre, en leurs séliers100,
Noyés aveques leur brassin101 !
Prions pour ces loyaux muniers
160 Que tous chascun disent larons102 :
Qu’i puissent aller tous mitrés103
En Paradis à reculons !
Prions Dieu pour ces boulengers
Qui font souvent sy104 petit pain :
165 Qu’i puissent estre tous noyés105
En l’eau où trempe leur levain !
Nous prirons, sy le cuir est cher
Et qu’i ne tienne qu’aux tenneurs106,
Qu’on les puisse tous escorcher
170 Pour vestir les Frères mineurs107 !
Pour séruriers, [mareschaus-ferrans]108,
Qui sont sur terre tempestans109,
Qui jour et nuict font des tempestes :
Qu’i se puissent, de leurs marteaux,
175 L’un à l’autre rompre les testes,
Et fussent-y tous mareschaulx !
Nous prirons pour ces bons sergens
Qui sont aussy doulx qu’éléphans :
Que Dieu les loge en un cabas
180 En ung grenier, avec les ras !
Prion Dieu pour femmes enseintes,
Qui ont esté au « vif110 » atainctes :
Que l’enfant puisse desloger
Aussy « doucement111 » qu’à l’entrer !
185 Nous prirons pour tous cousturiers
Que, de l’ouvrage qu’on leur porte,
Qu’i112 en prennent tousjours le tiers,
Ou le grand deable les emporte !
Nous prirons généralement
190 — Aussy pour moy premièrement —
Que [vous n’ayez]113 jamais patart
Que nous n’y ayons nostre part. AMEN !
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O vos omnes qui soupatis :
Prio vos quod escou[ta]tis !
195 Or çà ! J’ey grand dévotion
De donner résolution
De nostre seconde partye :
De parler j’ey intention
De l’églentier114, et d’une ortye,
200 Et d’une ronche bien pointye115,
Et d’autres argumens plusieurs :
De ceulx qui font mal aux prescheurs,
Dont Margot l’Orage116 parla.
Et d’un homme qui dévala
205 En Enfer pour [voir son]117 grand-père,
Qui le vit en grand vitupère118 :
…………………………
Là où il estoyt tout estendu.
Peu s’en fault qu’i ne fût pendu !
Et ne tenoyt qu’à un arteil119,
210 Tant seulement pour un verteil120
Qu’i dérobit, devant121 la messe,
À122 une bonne fileresse
Qui filoyt pour nostre couvent.
–Y l’est123 ? –Il a le cul au vent.
215 –Mais [à] quel vent ? –Au « vent de bise124 » :
Yl a tant honny125 sa chemise
Qu’il n’a morcel du cul entier !
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Une aultre ystoyre, d’un potier126,
Lequel je127 rencontra[y] ouen
220 Entre Caudebec128 et Rouen,
Auprès du chesne Sainct-Ytasse129.
Je luy demanday une tasse130
Ou un pot à pisser. Un rustre,
Un vilain, un méchant robustre131 !
225 Sy me va dire vylennye :
« Or allez vouèr en Savignye132,
Monsieur, pour vouèr s’on les y donne ! »
« Et ! mon amy, faict[s] ton aumosne
(Luy di-ge) au piller133 de la Foy ! »
230 « Vouécy mon cul, fique-y ton doy134
(Dit-il) ! »
« Hélas, viel apostat ! »
Et je me mais en bon estat
Pour le maudire et conjurer.
Je viens tout beau, sans séjourner135,
235 Mectre la main sur sa jument.
Je le maudis sy fermement
Que les aureilles luy pelèrent.
Pos et térines trébuchèrent :
Tout s’en va bas, paty, pata136 !
240 La povre jument avorta
Et s’en ala tout droict mourir.
Le potier s’en cuydoit fuÿr137,
Mais il n’aloyt qu’à reculons.
La gouste le138 print aux talons,
245 Et demoura tout estoqué139
Du péché qu’i s’étoyt moqué
De moy luy demandant l’omosne.
Et ! n’est-il pas dict en un prosne :
« Volaveront 140 con potibus,
250 Terinis et testetibus141,
Gousta prisys142 in talonnys,
Et jumentas143 advortatys.
Pelaveront horeillibus144,
Et restantes145 borgnatibus,
255 Et brulantes in panistrum146,
Et [cassatis posteriorum]147. »
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Or çà ! Je demande148 responce :
Asçavoir mon149, sy une ronce
Et une ortye c’est tout ung.
260 Et certes, je n’en voys pas ung
Qui sceust ceste questïon souldre150.
Je voys argüer comme fouldre151,
Tout fin seulet, les deulx party[e]s :
Ronchat piquat ; sy font152 orty[e]s.
265 L’un et l’autre piquent-y pas ?
Ergo, je conclus sur ce pas
Que c’est tout un, sans plus huer153.
Or çà ! je m’en voys argüer
Le contraire de tout cela.
270 Regardons un peu… Or, voylà :
Des ronches qui ont piquans menus ;
Et une ortye, el n’en a nus154.
Par quoy il y a différence
Bien prouvée, et grand dessemblance155
275 — Ainsy qu’i me semble — entre eux deulx.
Je prouve tout ce que je veulx :
D’une ortye, j’en fais ung houx156.
Ma foy ! je suys trop clerq157 pour vous,
Puy[s]qu’i fault que vous le déclare.
280 Or, venez çà ! Se je vous hare158
Ung chien, lequel soyt noir ou blanc,
Me voulez-vous prouver pourtant
Qu’i soyt vert ? [Et !] je le vous nye !
A, dea ! S’il avyent qu’on fournye159,
285 Et qu’i se touille160 à la farine,
N’est-il pas tout blanc ? Or devine161 !
Y n’est ne jaulne ny bigaré162 ;
Et sy, n’est ne vert, ne baré163,
Comme l’on void en ung proverbe164.
290 Item, s’y se veautrouille165 à l’erbe
Et il en demeure couvert,
Par le sang bieu, c’est un chien verd !
C’est vraye prépositïon166.
Vouélà pour la conclusion
295 De nostre dernière partye.
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Y fault faire ma départye.
Je ne veulx poinct de patenostres167 ;
Mais vous jourez de vos menotes168
Envers moy. Et vous monstrez frans !
300 Vous me donrez .VII. ou .VIII. frans,
Ou huict ou .IX. gros de Mylen169.
Dieu vous en doinct la grâce ! Amen170 !
Celuy qui n’éra jamais fin171
Vous puisse octroyer telle grâce
305 Com(me) l’écoufle172 fit au poussin
Ou le regnard à une oue grace173 !
En vous priant, bon preu vous face174 !
Toute la noble compagnye,
Prenez en gré, je vous suplye !
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FINIS
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1 Quatre sermons joyeux. Droz, 1984, pp. 67-77. 2 Pour mettre les mâchoires en mouvement. 3 Au nom d’une andouille au gril. 4 D’une viande à la broche. L’échinée est une échine de porc. 5 LV porte un mot abrégé qui rappelle vaguement : nostre (« La rouge trongne/ D’un Silène ou d’un yvrongne. » Ronsard.) 6 De 2 sous. « Brioche » est un mot normand. 7 LV : os vos onnes (Même vers que 52 et 193. Parodie des Répons des Ténèbres : « O vos omnes qui transitis. ») Ô vous tous qui soupez ! Les amateurs de latin de cuisine vont être servis… 8 LV : pre vos qui (Même vers que 53 et 194.) Je vous prie d’écouter. 9 En ouvrant grand vos oreilles. Même vers que 54. 10 Je vais vous montrer avec du lard. 11 LV : bene (Même faute au vers 56.) De bonne grâce, à vivre. 12 Ces paroles ont été alléguées. 13 Devant des gens de bien. Tout au long du sermon, le prêcheur s’adresse aux « fidèles » que constituent les invités d’un banquet. 14 LV : sont da negandy (Et à vous, elles ne sont pas refusées.) 15 LV : formy 16 Ce Cordelier lascif et gourmand est un habitué de la littérature anticléricale, et même des chansons gaillardes : « N’allez plus au boys jouer,/ Frère Gaultier,/ Avec Jehanne la moynesse. » Pour s’en tenir aux sermons joyeux qui nous sont parvenus, on le nomme dans Ung Sermon plaisant. 17 Au couvent des Cordeliers de Rouen. 18 Rien à acquérir, à gagner. Les convives des banquets sont beaucoup plus généreux que les paroissiens, qui sont encore à jeun lorsqu’ils entendent la messe matinale. 19 C’est le clerc de frère Gautier, de même que dam Phlipot est celui du prédicateur du Sermon joyeux des quatre vens, ou que frère Jean est le clerc et l’âme damnée du Cordelier frère Frappart. Son nom désigne un de ces moines mendiants qui trottent par les rues. Les dames qui ne sont jamais chez elles disent qu’elles vont « prier saint Trottin » ; voir la note 80 de Tout-ménage. Alitrotin évoque l’exécuteur des basses œuvres Alibraquin : « Argent, qui en a ? » Les Tyrans au bordeau. 20 Si je n’acquiers pas d’argent. À la fin du sermon, le comédien fait effectivement la quête. On pourrait à la rigueur conserver la graphie du ms. : sy je naqueste [si j’accomplis une besogne qui ne rapporte rien]. « Un qui tout temps nacquète/ Ne s’enrichist jamais, et de grands biens n’acqueste. » Godefroy. 21 Un percepteur. 22 Les curés se plaignent toujours que leurs ouailles ne leur versent pas la dîme, le denier du culte. 23 LV : chaire (« Partout grant chère on me faisoit. » La Résurrection Jénin à Paulme.) 24 LV : fric ne fraq (Cette expression existe, mais ici, elle ne rime pas.) Sans rien épargner. « Il n’aura plus ny quart, ny part. » Poncette et l’Amoureux transy. 25 Un Cordelier débauché. Voir la notice de Frère Frappart. 26 LV : de frere (Frère Gautier est le nom du prêcheur.) Un bon compagnon et un bon gautier sont de joyeux drilles : « À moy n’est que honneur et gloire d’estre dict et réputé bon gaultier et bon compaignon. » Gargantua, prologue. 27 Des peaux de moutons avec leur laine. 28 Quand on approche de la Sainte-Madeleine, le 22 juillet. À cette date, on achète la laine nouvelle. « Me cousta, à la Magdalaine,/ Huit blans, par mon serment, la laine. » (Farce de Pathelin.) Voir la note de Jelle Koopmans, p. 96. 29 Trois jours de suite. « No[us] fera juner la triolaine. » La Muse normande. 30 LV : bien (Que je ne vivrai pas un jour entier. « Deux jours entiers en vie ne sera. » Octovien de Saint-Gelais.) 31 LV : entier (À la rime. Le sens est identique : un sermon en trois points.) 32 Avant. « Premier qu’il partent hors d’icy. » Le Cousturier et le Badin. 33 Est digne d’être suivie. Clin d’œil réservé aux femmes : Que ma verge est digne d’être tenue. « Socrate (…) lui insinuait sa doctrine par l’anus. » Le député cinique. 34 Nouveau clin d’œil aux dames : « Qu’on nous donne/ Ung petit [un peu] d’introduction ! » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 35 J’ai pris pour thème. Ce theume a déjà été exposé aux vers 10-14. 36 LV : horilibus (Voir le vers 12. Je corrige la même graphie divergente à 253. Le comédien parle à des gens du peuple : son intérêt est d’être compris quand il écorche du faux latin.) 37 Je vais vous montrer avec du lard. LV oublie cette reprise du vers 13, indispensable pour la rime. 38 LV : bene (Note 11.) 39 Rhétoricien, maître en éloquence sacrée. On prononçait grammairïan. 40 Je suis le plus fort de notre cloître, de notre monastère. 41 Que des hommes grossiers. 42 À ma suite. 43 De geignards (normandisme). « Piaulard : Pleurnicheur. » Louis Du Bois, Glossaire du patois normand. 44 Qui jouent les bigots. « Des gros moynes soûlars/ Qui contrefont des papelars. » Les Veaux. 45 Et même, ils ne font que pépier, balbutier. Cf. le Testament Pathelin, vers 172. 46 Derrière une barrière, une clôture. 47 N’ont-ils pas une solide carrure, une forte corpulence. 48 D’un carreleur de chaussures, d’un savetier. « Mestier de carleur. » (Godefroy.) Si l’on en croit les farces, le vin colore souvent la trogne des savetiers. Voir le vers 6. 49 LV : contrefacent (La pipée est une tactique de chasse où l’oiseleur imite le cri des passereaux pour les attirer. Voir la notice de la Pippée.) 50 Pépiements produits par l’appeau d’un oiseleur. À l’échappée = à la dérobée : « À l’eschappée,/ Voulissons faire une pippée. » La Pippée. 51 Je dégueule. Idem vers 81. 52 LV : goules (Par la gueule, normandisme. « Il nous fault eschauffer/ Par la goulle. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) 53 LV : desbagoules 54 LV : latinot (Du petit latin.) 55 LV : mirmyron (Prononciation à la française de murmurum. En bon latin, on dit simplement murmur.) 56 LV : pietrarom (Des paroles de piété.) 57 LV : grafitorum (Grands ânes. Festum asinorum = la Fête des ânes.) 58 LV : rogaste (Les ânes à bride rouge sont les prêtres tenus en laisse par des cardinaux. « C’est belle chose d’ouÿr braire/ Ung asne qui a rouge bride. » Les Menus propos.) 59 LV : frites (Ayez la barbe faite, rasez-vous ! Un clerc doit être imberbe. « Clerici qui comam & barbam nutriunt…. Nulla de barba facta mentione. » J. de Chevanes.) 60 LV : vacat (Les diffamés de mœurs, on les appelle des « rats ».) Les tonsurés sont des « ras », des rasés ; leur propension à ronger tout ce qu’ils trouvent les fit traiter de rats : « Les ‟ratz” ont fait à Dieu promesse/ Que jamais, sans ouÿr la messe,/ Ilz ne mengeront nulz fromages. » Les Rapporteurs. 61 Pour mettre en ordre. « Plusieurs mos arunés. » Le Monde qu’on faict paistre. 62 Une quantité négligeable. Le picotin est un pourcentage d’avoine qu’on verse pour l’impôt de la dîme. 63 LV : de 64 LV : qu ies (Avant que vous n’ayez fini votre souper.) 65 LV : poueterine (Ma poitrine. « C’est au cœur et à la pouétrine. » Frère Phillebert.) 56 Maistre Jehan Jénin, lui aussi, est tellement plein de science qu’on se demande pourquoi il « n’a crevé parmy sa boudine ». 67 LV : hydeurs (Si affamés. « Car à présent sommes juneurs :/ Le pauvre monde n’a plus croix [argent]. » Regrets et complaintes des gosiers altéréz.) Dénué = qui vit dans le dénuement ; cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 276. 68 De présents, de cadeaux. 69 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Chauldronnier, vers 112. 70 De mendiants qui demandent l’aumône en prétendant que ce qu’on leur donne est « pour Dieu ». « C’est belle osmosne, sans doubtance,/ Donner pour Dieu aux souffretteux. » Frère Guillebert. 71 Que nous. Cette tournure est normande : « On ne la voullons poinct. » Troys Pèlerins et Malice. 72 La chair, la viande. 73 Coriaces. La chuintante est normande, comme à la rime. 74 La filasse, la laine autour de la quenouille. « Elle ne se soucie de tirer avec le fuzeau la fillace d’une quenouille. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 75 Aujourd’hui. « Ilz sont huy si parfont [profondément]. » (Éloy d’Amerval.) Dans les ménages pauvres, les femmes vendent leur ouvrage : « Si n’estoit que je file, (…)/ Vous mourriez de fain. » Calbain. 76 On prenait des oisillons dans les nids pour les manger. 77 Ce n’est plus le jeune prêcheur de trente ans (vers 101) qui parle, c’est l’auteur ; et il est aussi nostalgique que le vieillard réactionnaire du Tesmoing : « Comme on faisoyt au temps passé. » 78 On avait l’habitude d’y trouver de petites pies. « Vo sçavez bien coume y veut finement [par traîtrise]/ Mes petits piars avèr injustement. » La Muse normande : Le grand prochèz meu por un nid de pie. 79 LV : moysons (Des moineaux, normandisme. Cf. la Pippée, vers 94.) Les cornillards sont les petits de la corneille. 80 LV : tripes 81 De sperme. 82 Chassieux (normandisme). C’est un signe d’alcoolisme : « Sorcière de vin humeresse,/ Chassieuse ! » La Laitière. 83 Qu’on ne donne pas plus d’argent. 84 Vers manquant. « Des prescheurs/ Qui sont de mal dire amateurs. » Le Jeu du capifol. 85 LV : en cracabo (Un Frappabo est un frère Frappart. « Voécy deulx frères Frapabos. » Les Brus.) 86 LV ajoute : a frater (Au frère Frappart donnez un pâté et je prêcherai. Jeu de mots sur « pâté » et « Pater ».) 87 LV : nostre (Collation = sermon : cf. le Pardonneur, vers 145.) 88 Avant notre départ. Idem vers 296. 89 Nous recommanderons à Dieu ceux qui en ont besoin, grâce à nos prières. 90 LV : en 91 Beaucoup de religieux se contentent d’amours ancillaires, plus discrètes que les autres. « Le vicaire/ Eut fait tout ce qu’il vouloit faire/ De sa chambrière. » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) La sottie des Veaux dénonce les moines lubriques : « En derière [en secret],/ Ilz ont la grosse chambèrière,/ Laquelle y ‟senglent” jour et nuict. » 92 LV : qui lest 93 La besace est la sacoche des Frères mendiants. Chuintante normande : « De Frère portant la besache. » Les Brus. 94 Dieu, vous aurez en recommandation. 95 Les femmes qui se soûlent avec l’argent qu’elles gagnent en filant leur quenouille. Fisée = fusée, quantité de fil enroulée autour d’un fuseau : « Ce fust assez, en quinze jours,/ Que de filer une fisée. » Tout-ménage. 96 Leurs grandes lèvres, leur vulve. 97 Vous aurez. (Même normandisme à 148 et 303.) Elles vous consacreront une part de leurs prières. 98 LV : souuent sy 99 LV : goust du ressin (Le moût désigne le jus de raisin non fermenté : on reproche aux taverniers d’en mettre dans leur vin.) Sans grande originalité, le prêcheur s’en tient aux valeurs sûres de la satire : les hommes d’Église, les femmes, les maris, les taverniers, les meuniers, les boulangers, les tanneurs, les artisans bruyants, les sergents, les couturiers, les pauvres. 100 Dans leur cellier. 101 Leur mixture. 102 « Les meusniers, qui sont ordinairement larrons. » (Tiers Livre, 2.) « Nous prirons pour muniers, munières,/ Qui desrobent sacz par les gueulles. » Sermon joyeux des quatre vens. 103 Certains condamnés marchaient au supplice coiffés d’une mitre en papier sur laquelle était écrit le motif de leur condamnation. 104 LV : ce (Ils diminuaient la taille du pain, mais pas son prix. En désespoir de cause, on en faisait des chansons : « Je me plains fort des boulengiers,/ Qui font si petit pain. » Le Savetier Audin.) 105 LV : noyers (Voir le vers 158.) 106 Et que ce soit la faute des tanneurs. 107 L’ordre des Frères mineurs, ou Franciscains, auquel appartient notre Cordelier. « Deux vitz de prescheurs,/ Et deux grans de Frères mineurs. » Le Tournoy amoureux. 108 LV : et meschaus (Forgerons.) 109 Qui font un bruit de tempête avec leur marteau. On ne dira jamais assez à quel point la rue médiévale était bruyante. Boileau reprendra les mêmes termes au siècle suivant : « Un affreux serrurier, que le Ciel en courroux/ A fait, pour mes péchéz, trop voisin de chez nous,/ Avec un fer maudit qu’à grand bruit il appreste,/ De cent coups de marteau me va fendre la teste. » Satire VI. 110 Par un vit (même prononciation). « Entre deux jambes, le vif amble [trotte] ;/ Entre deux fesses, le vif tremble. » (Joyeusetéz, XI.) Ce sermon offre beaucoup d’analogies avec celui des Quatre vens : « Nous prirons pour femmes enceintes,/ Que quant viendra à enfanter,/ Que leurs fruictz sortent sans contraintes. » 111 Calembour de sages-femmes sur d’ossements. La mère d’une nouvelle mariée dit à son gendre : « ‟Mon amy, traittez-la doucement !” Vrament il le faisoit : il luy bailloit des oussements. Ainsi la traittoit-il d’oussements. Ainsi les sages-femmes l’entendent, quand elles disent aux premières groisses [grossesses] des autres : ‟Consolez-vous, m’amie ; il en sortira plus doucement qu’il n’y est entré.” » Béroalde de Verville. 112 Qu’ils. Idem vers 140, 157, 161, etc. Sur l’étoffe fournie par le client, les couturiers prélevaient discrètement une « bannière » ; cf. le Cousturier et le Badin, vers 16-21. Le prêcheur autorise donc les couturiers à poursuivre leurs exactions. De même, l’Abbé des Conards de Rouen n’interdisait ces abus qu’aux couturiers honnêtes : « Nous voulons que cousturiers,/ S’ilz ne sont fins [rusés] ouvriers,/ Ne pourront faire bannière. » Triomphes de l’Abbaye des Conards, 1542. 113 LV : tous nayons (Que vous n’ayez jamais une pièce de monnaie sans…) 114 Il ne sera plus question de ce rosier sauvage plein d’épines. 115 LV : քtye (Pointue. « Tétins poinctifz. » Frère Guillebert.) Ronche = ronce. Idem vers 264 et 271. 116 Peut-être un personnage de théâtre, comme Margot la Bénigne. Nota : Le tableau de Brueghel l’Ancien que nous appelons « Margot l’Enragée » a pour véritable nom Dulle Griet. 117 LV : voier (Jénin à Paulme, quant à lui, a vu en enfer sa grand-mère : « Je viens de veoir ma grande toye. ») 118 En grande honte. Jelle Koopmans suppose dessous une lacune de 2 vers, mais elle est beaucoup plus longue. 119 LV : rateuil (Orteil. « L’arteil du pié. » Jehan Lemaire de Belges.) Cela ne tenait qu’à un doigt de pied, qu’à un cheveu. 120 LV : vreteuil (À cause d’un anneau de fuseau. « De beaulx verteilz, quenouilles et fuseaulx. » Les Ditz de maistre Aliborum.) 121 Avant ; idem vers 137. On pouvait aller dans un couvent pour écouter la messe. « Je le vy l’autre jour, vrayment,/ Au moustier, en oyant la messe. » Le Dorellot. 122 LV : en (À une fileuse, une dame patronnesse qui vend ses ouvrages au profit du couvent.) 123 Il l’est, pendu ? L’acteur s’adonne à l’exercice préféré des comédiens, qui consiste à jouer deux personnages en même temps ; voir la notice d’Ung Fol changant divers propos. 124 Le vent de bise est un pet, en l’occurrence foireux, à cause de la peur d’être pendu. « Je sens icy du vent de bise ! » Trote-menu et Mirre-loret. 125 Sali, encrotté. 126 LV : postier (Voir le vers 242.) 127 LV : y (Ouan = cette année.) 128 Caudebec-en-Caux, dans l’actuelle Seine-Maritime. 129 Le chêne millénaire d’Allouville, près de Saint-Eustache-la-Forêt, non loin de Caudebec. En tant que reliquaire, il attirait des pèlerins et donc des marchands. 130 Le moine mendiant demande au potier de lui donner une de ses chopes en argile. Cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 195 et note. 131 Robuste, grossier. 132 À Savigny, dans l’actuel département de la Manche. L’acteur se livre à un nouveau dialogue, où le potier parle avec un fort accent normand. 133 Au pilier, au représentant. 134 Fiches-y ton doigt. Les gens mal élevés disent « ton nez » : cf. le Médecin qui guarist, vers 307. 135 Sans tarder. 136 Patatras ! Le potier dégringole de sa jument, ainsi que les poteries. Le potier de Cautelleux, Barat et le Villain, plus pauvre, ne possède qu’un âne ; mais on lui brise également sa marchandise. 137 Voulait s’enfuir. 138 LV : la (La goutte le prit.) 139 Il resta pétrifié à cause… « Ô cueurs en constance estocquiéz ! » ATILF. 140 Volaverunt = ils se sont envolés. Comprendre : ils ont effectué un vol plané, ils sont tombés de la jument. 141 LV : tetestibus (Testet = tesson de poterie. Test = pot de chambre : « Je pisserai/ Au test et ferai mon orine. » Lacurne.) Ils se sont écrasés au sol avec leurs pots, leurs terrines et leurs urinaux. Ce pastiche de l’Apocalypse traduit les vers 237-245. 142 LV : primys (La goutte s’étant prise à leurs talons. Voir le vers 244.) 143 LV : jumenton (Et leurs juments ayant avorté.) 144 LV : horilibus (Voir le vers 12.) Leurs oreilles ont pelé. 145 LV : testantes (Et ils sont restés borgnes.) Par distraction, le copiste va reproduire les vers 243-257 au début du feuillet suivant. La 2e fois, il a mieux lu son ms. de base, puisqu’il a noté ici borgnatibus, qu’il avait d’abord transcrit brigantibus. Cela démontre une fois de plus le peu de confiance qu’on peut accorder à ce copiste. 146 Et ils ont brûlé dans un four à pain. 147 LV : casatis postanerum (Et leur postérieur a été cassé.) Ces trois dernières punitions du Ciel ne figurent pas dans le texte français qui précède : il y manque peut-être des vers. 148 LV ajoute : une question / sy on me veult faire 149 Je cherche à savoir. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 21. 150 Résoudre. 151 Je vais argumenter, aussi vite que la foudre. 152 Aussi le font : les orties piquent aussi. 153 Vociférer, disputer. 154 Elle n’a nulle épine. 155 LV : aparence (Dissemblance. « Entr’eus, dessemblance n’avoit. » Godefroy.) 156 Les feuilles du houx sont piquantes. 157 Trop savant. Il est vrai que les clercs étaient imbattables en matière d’enfumage rhétorique. 158 Si j’appelle un chien. « Ses chiens hue et hare. » ATILF. 159 Fournier = mettre le pain au four : cf. le Cuvier, vers 107. La pâte, saupoudrée de farine, est salissante. 160 Que le chien se souille. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 226. 161 LV : deuigne (Devine donc ! C’est la conclusion dont les enfants ponctuent leurs devinettes. « –Dy que c’est ! –Or devine. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 162 Ni multicolore. 163 « BARRÉ : Tacheté, rayé. ‟C’est un chien barré…. Il a des taches noires sur un fond fauve.” » Dictionnaire du patois normand en usage dans le département de l’Eure. 164 « Je m’en riroye comme ung chien vert. » (Les Cris de Paris.) Voir le vers 292. 165 LV : vuautrouile (Si le chien se vautre dans l’herbe verte. « Un chien reprent aleine à se veautrouiller par terre. » Godefroy.) 166 LV : preposision (C’est une supposition exacte.) 167 Spectateurs, ne récitez pas de Pater noster pour moi. 168 Vos petites mains fouilleront dans votre bourse. 169 « Gros de Millan, appeléz testars [testons]. » Ordonnances des Roys de France. 170 Ce mot, prononcé à la française, rime en -an. Voir la note 160 de Régnault qui se marie. 171 Que Dieu, qui n’aura jamais de fin puisqu’il est éternel. Mais aussi : qui n’aura jamais faim. 172 Le milan, sorte d’oiseau de proie. « Il sera prins par bonne guise,/ Mieulx que poussin n’est d’une escouffle. » Le Pourpoint rétréchy. 173 Comme le renard fit à une oie grasse. « Regnars ne mengeront plus d’oyes. » (Les Rapporteurs.) Ces vœux sont tendancieux : on n’a jamais vu un milan ou un renard faire grâce à leurs proies. 174 Que cela vous fasse bon profit : Dieu vous le rendra. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 1179.
MAISTRE MIMIN ESTUDIANT
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MAISTRE MIMIN
ESTUDIANT
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Beaucoup de farces normandes nous jettent en pâture un garçon idiot dont les parents, braves fermiers, rêvent de faire un grand intellectuel. Mais pour cela, le petit gardeur d’oies est obligé d’apprendre le latin, un parcours du combattant que nous pouvons suivre par exemple dans Pernet qui va à l’escolle. Dans Maistre Mimin estudiant, l’élève a le cerveau si étroit que pour y loger quelques déclinaisons latines, il est contraint d’oublier le français, ou plutôt le patois normand. Son professeur est lui-même ignorant au point de croire que son petit génie est un nouvel Ovide.
Maître Mimin est le héros de tout un cycle : voir la notice de Maistre Mymin qui va à la guerre. Sa mère se nomme toujours Lubine, et son père, Raulet.
Source : Recueil du British Museum, nº 44. Cette farce écrite dans le dernier quart du XVe siècle fut imprimée à Paris par Nicolas Chrestien vers 1550. Deux éditions modernes méritent le détour : Emmanuel PHILIPOT : Trois farces du recueil de Londres, 1931, pp. 78-101 et 141-163. André TISSIER : Recueil de farces, t. 3, Droz, 1988, pp. 213-272.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 9 triolets et un rondel double.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse de
Maistre Mimin
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À six personnages, c’est assavoir :
LE MAISTRE D’ESCOLLE [le Magister]
MAISTRE MIMIN, estudiant
RAULET, son père
LUBINE, sa mère
RAOUL MACHUE
et LA FIANCÉE 1 MAISTRE MIMIN
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MAISTRE MIMIN ESTUDIANT
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RAULET commence 2 SCÈNE I
Lubine, hau !
[LUBINE]
Ouy ? Désbon jour3 !
[RAULET] 4
Ne craignez-vous point ceste main ?
D’où venez-vous ?
LUBINE
Je viens du four5,
Sçavoir se nous cuyrons demain.
5 Chascun si n’est pas aussi sain
Que vous6.
RAULET
Vous en dictes de belles !
Comment ! avez-vous mal au sain ?
Vous deullent7 encor les mamelles ?
LUBINE
Il y a terribles nouvelles
10 De nostre filz.
RAULET
Mais toutesfois8 ?
Et quelles sont-ilz ?
LUBINE
Ilz sont telles
Qu’il ne parle plus [en] françoys.
Son maistre l’a mis à ses loix :
Il s’i est fourré si avant
15 Qu’on n’entend non plus qu’un Angloys
Ce qu’il dit.
RAULET
À Dieu me command9 !
Et que ferons-nous ? Dieu devant10 !
LUBINE
Qu’on en fera11 ? Bon gré mon serment12 !
Vous sçavez [bien] qu’il est l’amant13
20 De la fille de Raoul14 Machue ;
Plus belle n’y a en sa rue,
Ne qui aux festes mieulx s’estricque15.
RAULET
C’estoit pour le mettre en praticque16
Que je l’ay tenu à l’escolle.
LUBINE
25 Mais c’estoit affin qu’il affolle17 !
Ne sçavoit-il pas tous ces livres
Qui nous ont cousté deux cens livres ?
J’ouÿs18 dire à maistre Mengin
Qu’il avoit le plus bel engin19
30 Que jamais enfant peust20 porter ;
Il ne s’en fault que rapporter
À son nez21 : voylà qui l’enseigne.
RAULET
Qu’i ne parle plus (je m’en seigne !) Icy fait le signe de la croix.
Mot de françoys, c’est un fort point22.
35 La fille23 ne l’entendra point,
Quand ilz deviseront ensemble.
LUBINE
Hélas ! non. Parquoy il me semble
Que nous allisson24 à l’escolle
Pour veoir s’il est en ceste cole25.
40 Car pensez que plus y sera,
Plus26 si grand latin parler[a]
Que les chiens n’y entendront rien.
RAULET
Lubine, vous dictes trèsbien.
Mais il [nous] fault prendre en passant
45 Raoul Machue avec27 son enfant,
La fiancée de nostre filz ;
Car je croy, en un mot préfix28,
Qu’il parlera françoys à elle.
LUBINE
Et ! par le[s] peulx de ma cotelle29 !
50 Vous m’avez toute resjouye,
Quand j’ay ceste parolle ouÿe.
Or, allons donc légièrement30 !
RAULET
Nous y serons présentement :
Il n’y a qu(e) un petit juppet31.
.
LUBINE hue 32 : SCÈNE II
55 « Hou ! hou ! » Cheminez bauldement33,
Nous y serons présentement.
RAOUL MACHUE
Mais qu’esse que j’os34 ?
LA FIANCÉE
Seurement
C’est Lubine. « Hou ! hou ! »
RAOUL MACHUE
Avant, pipet35 !
RAULET
Nous y serons présentement :
60 Il n’y a qu(e) un petit juppet.
Désbon nuyt36 ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet
Mon frère, avec ma seur Lubine !
RAULET
Et ! approuchez-vous, s’il vous plaist.
LUBINE
Désbon nuyt ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet !
RAULET
65 Que fait la fille ?
RAOUL MACHUE
El boult37 du lait.
LA FIANCÉE 38
J’ay fait, j’ay fait !
LUBINE
Çà, çà, ma godine39 !
RAULET
Désbon nuyt ! Hay !
RAOUL MACHUE
Dieu gard, Raulet
Mon frère, avec ma seur Lubine !
Mon Dieu ! et qui vous achemine40 ?
70 C’est grand nouveaulté de vous veoir.
LUBINE
Hélas, Dieu y vueille pourveoir !
RAOUL MACHUE
Qu’i a-il ?
RAULET
Ce n’est pas grand-chose.
Mais tirons-nous à part : je n’ose
En parler devant vostre fille.
RAOUL MACHUE
75 Comment ! Est le feu en la ville ?
Ou maistre Mimin trespassé ?
RAULET
Voicy tout : nous avons cessé
De le tenir au pidagogue41
Pour le faire un grand astrilogue42
80 Et un maistre praticien43,
Affin qu’il gardast mieulx le sien44
Qu’il peust hériter45 de nous deux.
Mais nous en sommes pou46 joyeulx,
Car il a tant prins et comprins,
85 Aprins, reprins et entreprins,
Et en47 grand latin publié,
Qu’il a le françoys oublié
Tant qu’il n’en sçauroit dire [un] mot.
Si me semble que le plus tost
90 Que pourrons aller et courir,
Qu’il nous le fault aller quérir
Affin que l’en y remédie.
RAOUL MACHUE
Et ! dictes-vous qu’il estudie
En ce point si fort et si ferme ?
95 C’est danger qu’il ne face un cherme48
Pour faire venir l’Ennemy !
LUBINE
Allons ensemble, mon amy,
Le quérir, affin qu’on l’avoye49.
RAOUL MACHUE
Or sus donc, mettons-nous en voye
100 Vistement ! Il n’y a qu(e) aller.
Habille-toy ! Feras, landroye50 ?
RAULET
Or sus donc, mettons-nous en voye !
LUBINE
Cuidez-vous qu’il aura de joye
De la [re]veoir ?
RAULET
Tant en parler !
105 Or sus donc, mettons-nous en voye
Vistement ! Il n’y a qu(e) aller.
RAOUL MACHUE 51
Mais d’où viens-tu ? De flagoller52 ?
Menez-la par la main, Lubine !
LA FIANCÉE
Je viens de quérir ma poupine,
110 Que maistre Mymin, mon amant53,
Me donna.
LUBINE
C’est entendement54.
Regardez que c’est que d’aymer !
.
LE MAGISTER 55 SCÈNE III
Que56 tu ne me faces blasmer,
Aussi que j’aye de toy honneur,
115 Et qu(e) une foys tu soys seigneur57,
Maistre Mymin, apprens et lis58 !
Respondé : quod librum légis 59 ?
En françoys.
MAISTRE MYMIN
Égo non siré 60 :
Franchoyson 61 jamais parlaré,
120 Car 62, égo oubliavérunt.
LE MAGISTER
Jamais je n’e[n] vy ainsi prompt,
Ne d’estudier si ardant.
Sans cesser, il est regardant
Tousjours en sentence ou ypistre63.
125 Or, me cherche où est le chapitre
(C’est une science parfonde)
Des adventureux qui du monde
Prennent ce qu’ilz en peuent64 avoir.
Car, puisqu’il [te] le fault sçavoir,
130 Je te feray un si grand homme
Que tous les clers qui sont à Rome,
Et à Paris et à Pavie,
Si auront dessus toy envie
Pource que tu sçauras plus qu’eulx.
MAISTRE MYMIN lyt 65 :
135 « Mundo variabilius 66.
Avanturosus haparé
Bonibus, et non gaignaré 67.
Non durabo, certanibus 68,
Et non emportabilibus
140 Que bienfaictas, au partiré. »
Capitulorum huyctaré
Dicatur.
LE MAGISTER
Voylà de grandz motz,
M’aist dieux69 ! Telz gens ne sont pas sotz,
Qui parlent ainsi haultement.
145 D’un mot n’en ment pas seullement ;
Et tout de luy, sans riens piller70.
Que ce sera un grand pillier,
Une foys, dedans ce royaulme !
Or, m’allez chercher la Pséaulme71
150 Pourquoy le monde et son honneur
Ne pend qu’à un fil.
MAISTRE MYMIN lyt.
Gaudémur 72,
In capitro tertiaré 73 :
« Pendavérunt (essé paré 74)
Mondibus et 75 honorandus
155 À un petitum filétus.
Vivabit 76 soubz advantura,
Mantellus in couvertura
Remportavérunt bonorum. »
LE MAGISTER
Tenez, quel maistre Aliborum77 !
160 Comme(nt) il fait ce latin trembler !
Et pert78 qu’il ne sçauroit troubler
L’eaue, à le veoir.
.
RAULET 79 SCÈNE IV
Çà, nous y sommes.
LUBINE
Allez devant entre vous, hommes,
Et nous vous suyv(e)rons, moy et elle.
165 Faictes bien la sage, ma belle.
LA FIANCÉE 80
Regardez, la fais-ge pas bien ?
RAULET
Vous yrez là devant.
RAOUL MACHUE
Rien, rien !
Tousjours le père de l’enfant
Va devant.
RAULET
Venez !
RAOUL MACHUE
Ennément81,
170 C’est à vous à aller.
LA FIANCÉE
Sus, sus !
Et ! que feroient les femmes plus82 ?
Comme vous faictes les rétis83 !
.
RAULET SCÈNE V
Dieu gard, Magister ! Et ! mon filz,
Comme vous portez-vous ?
MAISTRE MIMIN
Béné 84.
LE MAGISTER
175 Salue tes parens, Domine 85,
En françoys !
MAISTRE MIMIN
Égo non sira 86.
Parus, mérus 87, Raoul Machua,
Filla, douchétus poupinis 88
Donnaré à mariaris 89 :
180 Saluaré compagnia 90 !
RAULET
Nous n’entendons riens à cela.
LE MAGISTER
Et ! il vous salue, mes amys.
MAISTRE MIMIN
[Parus, mérus]91, Raoul Machua,
Filla, douchétus poupinis…
LUBINE
185 Parlez françoys ! Parlez ! [Qu’i a]92 ?
MAISTRE MIMIN
« Quia » ! Latina parlaris ?
LA FIANCÉE
Mon père, sur ma foy, je ris
De l(e) ouÿr.
RAULET
Il sçait beaucoup, dea !
MAISTRE MIMIN
Parus, mérus, Raoul Machua,
190 Filla, douchétus poupinis
Donnaré à mariaris :
Saluaré compagnia !
LUBINE
Et, Dieu93 ! De par sa mère, çà !
Levez-vous, vous estes trop sage.
RAULET
195 As-tu oublié le langage
Que ta mère si t’a aprins ?
El parle si bien !
LE MAGISTER
Sans mesprins94,
Il semble qu’il ayt l’engin95 rude ;
Mais il brusle et ard96 en l’estude,
200 Et parle aucunesfoys si hault
Que mon sens et le sien y fault97.
J’affolle quand il m’en souvient.
LUBINE
On scet bien d’où cela luy vient :
Ilz sont98 des maistres si pervers
205 Qu’i batent leurs clercs pour un vers.
Vous l’avez trop tenu soubz verge99,
Vous ne l’aurez plus !
LE MAGISTER
Et ! qu’i pers-je ?
Me baillez-vous cest entremetz100 ?
RAULET
[Dea !] le Magister n’en peult mais ;
210 Il a fait le mieulx qu’il a peu101.
MAISTRE MYMIN
Aprenatis, carissimés 102…
RAOUL MACHUE
[Dea !] le Magister n’en peult mais.
LUBINE
Parleras-tu françoys jamais ?
Au moins, dy un mot, joletru103 !
LA FIANCÉE
215 [Dea !] le Magister n’en peult mais ;
Il a fait le mieulx qu’il a peu.
LUBINE 104
Au moins, baise-la, entens-tu ?
Tant tu sçais peu d’honneur105 !
MAISTRE MYMIN la baise.
Baisas 106 ?
Couchavérunt à neuchias 107
220 Maistre Miminus anuitus 108.
Sa fama, tantost maritus,
Facéré petit enfanchon109.
RAULET
Le deable110 y ayt part, au laton !
[Çà,] Magister, que veult-il dire ?
LE MAGISTER
225 C’est une fantasie pour rire ;
Ces motz sentent un peu la chair.
RAOUL MACHUE
Et dit ?
LE MAGISTER
Qu’il vouldroit bien coucher
Avecq[ue] la fille en un lit,
Comme fait un homme la nuict
230 Première, et estre (Dieu devant !)
Avecq sa femme.
RAULET
Quel galand !
LUBINE
Il a le cueur à la cuysine111.
RAOUL MACHUE
Vous esbahissez-vous, Lubine ?
M’aist dieux ! quand j’estoye de son aage
235 Et je trouvoye mon advantage112,
Incontinent, sur pied sur bille113
C’estoit !
RAULET
Parlez bas, pour114 la fille :
Ilz sont maintenant si enclines115 !
Les parolles seroient bien fines
240 Qu’ilz n’entendissent en deux motz
Quand116 parlons. Laissons ce propos.
Magister, vous nous avez dit
Que nostre filz, sans contredit,
Sçait plus que vous ; c’est la parolle117.
245 Vous viendrez doncq à son escolle
Vostre foys118, car il s’en viendra
Quand et nous119.
LE MAGISTER
À moy ne tiendra120.
J’iray voluntiers, pour l’induire121
Et veoir s’on le pourra séduire
250 À parler françoys nullement122.
RAULET
Sçait-il plus chanter, voirement,
Pour nous resjouyr en allant ?
RAOUL MACHUE
La fille chante bien, vrayement.
LA FIANCÉE
Sçait-il plus chanter, voirement ?
LE MAGISTER
255 Si fait, si.
LUBINE
Allons baudement !
Sus, prenez la fille, galand !
RAOUL MACHUE
Sçait-il plus chanter, voirement,
Pour nous resjouyr en allant ?
LE MAGISTER
Il fait rage123 !
RAULET
Chantez ! Avant !
Ilz chantent quelque chanson à plaisir 124.
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RAULET
260 C’est assez, il nous fault parfaire125.
Çà, Magister126, qu’est-il de faire
Pour le rebouter en nature127
De parler françoys ?
LE MAGISTER
Sa lecture
L’a mis au point en quoy il est.
265 Et de le laisser tout seulet,
Ce seroit un trèsgrand danger :
Parquoy ne le fault estranger128
Qu’il ne soit jour et nuyt veill[é].
Et s’il dort, qu’il soit réveillé.
270 Et qu’il n’ayt livre ne livret,
Car cela du tout129 l’enyvroit
Et luy troubloit l’entendement.
LUBINE
Rien, [rien] ! Nous ferons autrement.
Pour luy raprendre son langage,
275 Nous le mettrons en une cage :
On y aprend bien les oyseaulx
À parler130.
RAULET
Les motz sont trèsbeaulx.
RAOUL MACHUE
C’est un trèsbon advis, Lubine.
LA FIANCÉE
Hé ! mon Dieu, que vous estes fine !
280 Vous passez trèstous noz voisins.
Dedans nostre cage à poussins,
N’y seroit-il pas bien à point ?
RAOUL MACHUE
Et ! je croy qu’il n’y pourroit point :
Il est si grand, si espaullu131,
285 Si formé et si potelu
Qu(e) à peine [y] pourroit-il entrer.
LA FIANCÉE
Attendez, je la vois monstrer132.
Mais133 que sa teste soit dedans,
Son nez, sa bouche avec ses dens,
290 Laissez aller le cul arrière,
Il suffist.
RAULET
Et puis ? Hay ! quel chère134 !
N’ayes point de paour135, mon varlet.
Moy qui suis ton père Raulet,
Et Magister, et Raoul Machue
295 T’apprendrons136 à parler. Il sue
De paour qu’il a ; c’est grand pitié !
MAISTRE MIMIN
Cagéa 137 emprisonnaré ?
Livras non estudiaré
Et latinus oubliaré ?
300 Magister non monstravérunt 138 ?
Et ! non recognossavérunt,
[Intro logéa]139 résurgant.
RAULET
Que dit-il ?
LE MAGISTER
Il est si ardant
À estudïer qu’il meurt tout.
LUBINE
305 Il fault commencer par un bout.
Or sus, maistre Mimin, entrez140 !
RAOUL MACHUE
Et ! homme de bien vous monstrez141,
Et faictes ce qu’on vous conseille !
LUBINE 142
Qu’il est sage ! Voicy merveille
310 Comme il y entre doulcement.
MAISTRE MIMIN
Anno 143 !
LUBINE
Il s’est blessé l’oreille.
RAULET 144
Qu’il est sage ! Voicy merveille !
LE MAGISTER
C’est une chose non pareille
Comme il est à commandement145.
LUBINE
315 [Qu’il est]146 sage ! Voicy merveille
Comme il [y] entre doulcement.
RAULET
Magister, tout premièrement,
Puisqu’en ce point assembléz sommes,
Parlons à luy entre nous, hommes.
320 Il me semble que c’est le mieulx.
Or, parlez à luy !
LE MAGISTER
Je le veulx.
Sans donner à aucuns nulz blasmes,
Noz parolles et ceulx des femmes,
Ce sont deux paires de boissons147,
325 Pource que plus nous cognoissons
Et portons plus grand conséquence148.
Dieu t’envoit parfaicte éloquence
En beau françoys, maistre Mimin ;
[En françoys, non pas en latin.]149
330 Or, parles [en homme150] !
LA FIANCÉE
Et ! non, non :
Femmes ont tousjours le regnom
De parler.
LE MAGISTER
Trop, aucunesfoys…
LA FIANCÉE
Nous avons trop plus doulces voix
Que ces hommes : ilz sont trop rudes.
335 Un enfant qui vient des estudes
Ne se doit point traicter tel voye151.
LUBINE
Et ! non, non. Or dictes, ma joye152 !
MIMIN respond comme une femme :
« [Et non non or dictes] majoye. »
LUBINE
« Ma mère, je vous crye mercy ! »
MAISTRE MIMIN pleure.
340 « Ma mère je vous crye mercy. »
LUBINE
« Et mon père Raulet aussi. »
MAISTRE MYMIN
« Et mon père Raulet aussi. »
LUBINE
« Et à mon sire Raoul Machue. »
MAISTRE MIMIN
« Et à mon sire Raoul Machue. »
345 Ostez-moy, ma mère, je sue.
On ne sent pas ce que je sens153.
LUBINE
N’a-il point parlé de bon sens ?
Il n’est dieutrine154 que de nous.
LA FIANCÉE
Sus, hommes, où en estes-vous ?
350 Qu’il parlast pour vous ? Ouy, tantost,
Mais plus en deviendroit-il sot !
Or, dictes : « M’amye, ma mignonne.155 »
MAISTRE MIMIN respond si cler 156 :
« Or dictes mamye mamignonne. »
LA FIANCÉE
« Mon cueur et m’amour je vous donne.157 »
MAISTRE MYMIN
355 « Mon cueur et mamour je vous donne. »
LA FIANCÉE
« Et à Magister, de158 cueur fin… »
MAISTRE MIMIN
Nennin : Magister, c’est latin.
Je n’ose parler que françoys,
Pour ma mère.
LA FIANCÉE
A-il belle voix !
360 Parle-il de bon entendement !
RAULET
C’est miracle !
RAOUL MACHUE
C’est mon159, vrayement !
LE MAGISTER
Aussi fault-il avoir regard
Que les femmes si ont un ard
Plus que160… Je ne vueil point pardire161.
LA FIANCÉE
365 Aussi n’y [a-t-il]162 que redire !
Ce ne sont pas les papegays,
Les pies, les estourneaulx, les gays
Que femmes, par leurs doulx langages,
Ne facent parler en leurs cages163 ;
370 Comme eux164 l’eussons-nous fait parler,
Mon amy.
LUBINE
Il s’en fault aller.
Faictes ce tour et payez pinte165 !
MAISTRE MIMIN sifle.
Escoutez, ma mère, je chuynte166
Comment167 un pinçon ardenoys :
375 « Hou hou hou hou hou hou hou [hou] ! »
Je vueil chanter à plaine voix.
Les oyseaulx y chantent si bien,
En cage.
RAULET le met dehors 168, et dit :
Mon filz, vien-t’en, vien !
Nous chanterons bien en allant.
MAISTRE MIMIN est dehors.
380 Je parle bien, bien, maintenant.
LE MAGISTER
Il n’est ouvrage que de femme169.
MAISTRE MIMIN
Ay ! mon père, Dieu vous avant170 !
Je parle bien, bien, maintenant.
Allons-nous-en boire d’autant
385 Trèstous. Ay ! m’amye, sur mon âme,
Je parle bien, bien, maintenant.
LE MAGISTER 171
Il n’est ouvrage que de femme ;
Je le dy sans que nul je blasme,
Mais pour parler, ilz ont le bruit172 !
RAULET
390 Or, allons ! Je vueil faire, ennuyt173,
Bonne chère à nostre maison.
MAISTRE MIMIN
Mengerons-nous le grand oyson
Qui me becquet174 dessus le nez ?
RAULET
Ouy dea !
LA FIANCÉE
Venez-vous-en, venez,
395 Que je vous meine bien, vrayement.
Mais allons trèstout bellement175,
Car je suis bien fort travaillée176.
MAISTRE MIMIN charge sa fiancée sur son col.
Vrayement, vous en serez portée
Présentement dessus mon col177.
RAULET
400 Tout bellement ! Estes-vous fol ?
Elle est tendre de sa forcelle178.
MAISTRE MIMIN
Chantez maintenant « ré, fa, sol179 » !
LUBINE
Tout bellement ! Estes-vous fol ?
MAISTRE MIMIN
Mon père, qu’elle a le cul mol !
RAOUL MACHUE
405 Si la vous plevis-ge180 pucelle.
LE MAGISTER
Tout bellement ! Estes-vous fol ?
Elle est tendre de la forcelle.
RAULET
Or chantons en allant, la belle,
Nous trèstous, bien honnestement.
LE MAGISTER
410 Au moins, on a bien veu comment
Femmes ont le bruyt pour parler.
RAULET
C(e) ont mon181, je prens sur mon serment !
Au moins, on a bien veu comment
Ilz parlent.
LE MAGISTER
Bien légèrement,
415 Aucunesfois, sans riens celer182.
RAOUL MACHUE
Au moins, on a bien veu comment
Femmes ont le bruit pour parler.
MAISTRE MYMIN
Il suffist, il s’en fault aller.
Chantons hault, à la bien-allée183,
420 Et adieu ! Vogue la galée184 !
Ilz chantent. Et FIN.
*
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Finissons donc avec une chanson normande du XVe siècle, notée dans le manuscrit de Bayeux. C’est Lubine qui chante : on la reconnaît à son patois et à ses lapsus, même si elle ne dit pas son nom. Elle va régler au Magister la pension de Mimin, dont elle déplore l’éloignement. Le vers 10 nomme Raulet, mais comme d’habitude, c’est sa femme qui s’occupe de tout. Emmanuel Philipot consacre à cette chanson les pages 63-68 de son livre.
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MYMY 185
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Mymy, Mymy, mon doulx enfant !
Reviendrez-vous jamaiz vers my186,
Mymy, My[my], mon doulx amy ?
.
J’en ay le cueur si très dollent
5 Qu’oncques-puis187, d’œil n’en [ay] dormy,
Mymy, Mymy, mon doulx amy.
.
Hellas ! mon amy socié 188 :
Nous vous avons assossié
O189 Mymy, nostre extendiant190.
.
10 Raoullet veult qu’il soit gardïé191,
Car il a tant extendié
Qu’il faict réux petits192 et grans.
.
Faictes qu’il se porte p[r]ésant193
Et qu’il aille ses motz pensant,
15 En faisant de l’asne parmy194 :
Hin han, [hin] han, hin han, hin han !
Hin han, hin han, hin han, hin han !
.
Or, tenez cent escutz contant ;
N’espargnez point le demourant
20 Pour dieutriner men fieux195 Mymy,
Mymy, Mymy, mon doulx amy.
*
1 BM : bru (En Normandie, une bru est une fiancée. « De » est sous-entendu.) Dans les rubriques destinées aux acteurs, le mot « bru » apparaît 10 fois, et le mot « fiancée » revient 8 fois. Dans le dialogue destiné aux spectateurs, on ne trouve que « fiancée » ; j’ai donc harmonisé les rubriques en généralisant « la Fiancée », pour qu’on ne croie pas qu’il y ait un personnage supplémentaire. 2 Il est à la maison. Sa femme arrive, en retard. Comme trop souvent, le 1er folio du manuscrit de base devait être abîmé : il manque deux rubriques. 3 Déformation normande très vulgaire de « doint bon jour » : que Dieu vous donne une bonne journée. Voir le vers 61. 4 Il menace de la gifler. 5 Quand on souhaite faire cuire un pâté, on va réserver son tour au four du village, où s’échangent les dernières nouvelles : cf. Saincte-Caquette, vers 24 et note. Dans les Sotz nouveaulx farcéz (une sottie normande écrite vers 1513), un des personnages dit : « J’ay esté couvé au pignon/ Du four à ma mère Lubine. » Et plus loin, il joue sur une expression qui est à prendre au sens propre et au sens figuré, comme toujours avec les Sots : « Je vueil qu’on m’appelle Mymin/ Se ne luy fait bien ses raisons ! » Le Badin de notre farce a donc fait le Sot dans une sottie. 6 Tout le monde n’est pas en aussi bonne santé que vous. Au four, Lubine a appris des nouvelles inquiétantes sur la santé mentale de son fils. 7 Encore vous font mal, verbe douloir. Les bavardes avaient une recette infaillible contre ce désagrément : « Quant à une femme vient mal au sain, il ne fault sinon que son mary luy face de son membre ung cercle autour par trois fois, et il guérira tantost. » Évangiles des Quenouilles. 8 Vraiment ? 9 Je me recommande. Les hommes de la pièce ne sont bons qu’à se lamenter ou à tergiverser ; ce sont les femmes qui réfléchissent et qui agissent. 10 Déformation populaire de « Dieu m’avant » : que Dieu m’assiste. Cf. Jolyet, vers 212. Le Magister commettra le même barbarisme à 230. 11 Ce qu’on fera ? 12 BM : peche (Ce jurement est injustifiable : voir Philipot, p. 79. « Qu’esse-cy, bon gré mon serment ? » Les Sotz triumphans.) L’éditeur a modifié cette rime pour pouvoir modifier la suivante. 13 BM : fiance (L’éditeur parisien ne sait pas qu’en Normandie, un amant est un fiancé, comme au vers 110.) 14 Ce mot compte pour 1 syllabe. En Normandie, machue = massue. 15 S’attife, pour émoustiller les hommes. Cf. le Cousturier et le Badin, vers 41. 16 À l’apprentissage (du latin). 17 Mais c’était plutôt pour qu’il devienne fou. Idem vers 202. 18 BM : Jay ouy (Maître Mengin est le maître d’école qui enseigna la lecture et l’écriture à Mimin.) 19 Entendement. La fermière ne se rend pas compte que sa phrase est ambiguë. Le professeur tombera dans le même piège à 198. 20 BM : peult (Pût, puisse. Idem vers 82.) 21 La taille du nez préfigure celle du pénis : « À la forme du nez/ On congnoist ceux qui sont arméz/ Le mieux de cette grande tente [sonde]/ Qui les bonnes dames contente. » Jacques Tahureau. 22 C’est une affaire grave. 23 Sa fiancée. 24 Que nous devrions aller. 25 Dans une telle disposition. Cf. Deux hommes et leurs deux femmes, vers 186 et 250. 26 BM : Que (Le français de la fermière est approximatif, quoi qu’en dise son époux au vers 197.) 27 BM : et (« Raoul » compte partout pour 1 syllabe : vers 20, 177, 294, 343.) « Avec » au lieu de « et » est normand, comme à 62. 28 Définitif. 29 Par la fourrure de ma cotte, de ma tunique ! En normand, les peux sont les poils : « J’ey tous les peulx du cul dressés. » La Mère de ville. 30 Rapidement. 31 Nous sommes à portée de voix. « Interrogés sur la distance d’un lieu à un autre, les paysans répondent souvent au voyageur : “Il n’y a qu’une jûpée.” » Louis Du Bois, Glossaire du patois normand. 32 Hulule comme un chat-huant. « Le chahuan est un oysel qui hue et crie de nuit. » (Godefroy.) Avec les mêmes onomatopées, Mimin chuintera comme cet oiseau à 375. Les campagnards se hèlent à distance pour annoncer leur venue, et pour recevoir en retour (vers 58) le même signal indiquant que la voie est libre. Trois siècles plus tard, les Chouans [chats-huants] de Basse-Normandie utiliseront le même code pour se rencontrer la nuit sans craindre les embuscades des ennemis du Royaume. 33 Hardiment. Idem vers 255. Le couple s’approche de la maison de Machue, qui est veuf et vit avec sa fille. 34 Que j’ois, que j’entends. 35 Pipeau : c’est un appeau que les oiseleurs emploient pour imiter le cri d’une chouette afin d’attirer les passereaux qu’ils veulent prendre à la glu : voir la notice de la Pippée. « Alors le geai jazard et la pie criarde,/ Volants, viennent au bruit ; la corneille ne tarde/ À venir au pippet. » (Godefroy.) Machue sort de sa maison. 36 Que Dieu vous donne une bonne nuit (note 3). Sur la confusion qui règne, dans ce genre de vœux, entre bonjour, bonsoir et bonne nuit, voir Philipot, pp. 81-82. 37 Elle fait bouillir. Je n’exclus pas un verbe bouduler, synonyme oral et familier de bouder. « Il me semble que l’on me boult du laict : on me fasche quand on me parle de la sorte. » Antoine Oudin. 38 Elle arrive après s’être pomponnée. 39 Ma mignonne. Cf. Lucas Sergent, vers 266. 40 Qu’est-ce qui vous amène ? 41 Déformation de « pédagogue ». Nous avons retiré Mimin à son maître d’école, Mengin (vers 28), pour le placer chez un professeur de latin, un magister. 42 Déformation de « astrologue ». La mère d’un autre étudiant tout aussi doué, Maistre Jehan Jénin, proclame le génie de son fils en matière « de trologie et merdecine ». 43 Juriste. Le latin était la base de toutes les sciences, qu’on enseignait dans cette langue. 44 Son argent. Cf. le Moral de Tout-le-monde, vers 172. 45 BM : susciter (Dont il puisse hériter.) Philipot préconise « succéder », qui a le même sens. 46 Peu. 47 BM : un (Correction proposée par Tissier.) Et déclamé en bon latin. 48 Un charme, un sortilège pour faire venir le diable. « Et ceulx qui font chermes et sors. » (Vie et hystoire de ma dame saincte Barbe.) Une trop grande érudition sentait le soufre. Quiconque s’exprime autrement qu’en français, fût-ce dans la langue officielle de l’Église, ne parle pas chrétien. Pantagruel (chap. 6) dit à l’écolier limousin qui l’abreuve de français macaronique : « Que diable de langaige est cecy ? Par Dieu, tu es quelque hérétique !…. Je croys qu’il nous forge icy quelque langaige diabolique et qu’il nous cherme comme enchanteur. » 49 BM : le voye. (Pour qu’on le remette sur la bonne voie. C’est une redite des vers 91-92.) « Car elle m’avoie/ En la droite voie/ D’onneur. » ATILF. 50 BM : lidraye. (Landroie n’a pas été consigné dans les glossaires normands, qui s’en tiennent à landore : fainéant, lambin. Mais en wallon, une landroie est une paresseuse ; et en lorrain, une landrauye est une femme lente et paresseuse.) Machue adresse ces mots à sa fille ; du coup, elle se précipite dans la maison. 51 À sa fille, qui revient avec une poupée de chiffon. 52 De flageoler, de perdre ton temps à des bavardages. « Plus ne tarde,/ Car tu ne faictz que flagoler. » Envye, Estat et Simplesse, LV 11. 53 Mon amoureux, mon fiancé (note 13). Mais il se peut que Mimin soit déjà son amant, et qu’il ait « emprunté un pain sur la fournée » : voir les notes 109 et 176. Mario Longtin, dans la Farce comme on l’a voulue, a tordu le cou au mythe de cette « première ingénue du théâtre français », comme l’ont naïvement baptisée Hankiss et Philipot. 54 Elle a de la jugeote. 55 Il est à l’école, dans sa chaire de professeur. Assis sur la paille, Mimin tient un livre. 56 Afin que. 57 Et pour qu’un jour tu deviennes un grand personnage. Le Magister veut faire de son élève un grand homme (vers 130) et un pilier du royaume (vers 147). 58 BM : les. 59 Réponds : quel livre lis-tu ? Si le professeur avait su le latin, il aurait dit : « Quem librum legis ? » Il parle presque aussi mal le français : vers 124, 149 et 230. 60 Moi pas savoir (parler français). Le verbe scire [savoir] est encore plus malmené au vers 176. 61 Les Normands disaient franchais au lieu de françois. L’éditeur parisien a laissé plus de normandismes dans le texte latin, qu’il ne comprend pas, que dans le texte français. 62 Quare = c’est pourquoi. Je comprends : « Ici, je ne parle jamais le français,/ c’est pourquoi je l’ai oublié. » On prononçait à la française : oubliavéron. 63 Déformation de « épître ». 64 Peuvent. Cette forme normande tient en 1 syllabe. Cf. la Fille bastelierre, vers 54. 65 Tous les cancres qui lisent, récitent ou chantent du latin ont un point commun : ils le hurlent. Voir les vers 144, 160 et 200. 66 Le -us final rime avec eux, que les Normands prononçaient presque « u » : voir la note 72. André Tissier propose courageusement une traduction de cette bouillie latino-rouennaise : « Le monde est variable ;/ l’aventureux s’empare/ des biens de ce monde au lieu de les gagner ;/ mais il ne durera certainement pas ;/ et il n’emportera/ en quittant ce monde que ce qu’il a pu accomplir comme bienfaits./ C’est au chapitre huitième que/ cela est dit. » 67 BM : gaignard 68 BM : certambus 69 Que Dieu m’assiste ! Idem vers 234. 70 Sans plagier personne. 71 Forme provinciale et périmée de : le psaume. « Se regardasses la pséaulme/ Et l’escript de sainct Ancéaulme. » (Le Livre du Champ d’or.) Le sujet que propose le Magister est inconnu des Psaumes. Tiré de la même épître d’Ovide que la lecture précédente, il a joui d’un énorme succès tout au long du Moyen Âge. Philipot cite la version qu’en donne le Resveur avec ses resveries : « L’heur et la félicité du monde/ Pent en ung petit fillet menu./ Et aujourd’huy, chascun si se fonde/ À aquérir ung groz revenu ;/ Tout si s’en yra dont est venu./ De ce monde-cy, riens n’emporterons/ Sinon les biens et maulx que nous ferons. » 72 BM : A gaudeno (Peut-être Mimin croit-il citer le Gaudémus in Domino, un chapitre des Décrétales de Grégoire IX où les plaisantins voyaient une autorisation de la bigamie.) Gaudémur rime avec honneur ; en Normandie, le son « eu » était proche du son « u » : « Un malur ne va jamais sans l’autre. » La Muse normande. 73 BM : tertialy (Au chapitre troisième.) Cette correction et celle de la rime suivante sont suggérées par Jonathan Beck : Dissimilation consonantique et le pseudo-latin « esse paly » dans Maistre Mimin Estudiant, p. 116, note 22. 74 BM : paly (Esse paret = il paraît être. J. Beck traduit : Semble-t-il.) 75 BM : ei (Voici la traduction à laquelle se risque A. Tissier : « Le monde et son honneur/ pendent (…)/ à un petit fil./ Celui qui vivra à l’aventure/ n’emportera comme biens/ qu’un manteau en guise de couverture. ») 76 BM : Viualit (Il vivra.) 77 Quel grand savant. Mais aussi : quel licencié ès âneries. Voir la note 8 des Sotz qui corrigent le Magnificat. Dans cette sottie de 1462, et n’en déplaise à ceux qui reportent le rapprochement entre l’âne et l’aliboron au XVIIe siècle, un mauvais plaisant propose à maître Aliborum un licol pour attacher un âne qu’il n’a pas, étant sous-entendu qu’il s’attachera lui-même (vers 172-175). 78 Il semble (verbe paroir). On croirait qu’il n’a pas inventé l’eau tiède. « Il ne sçait pas seulement troubler l’eau : il n’a point de malice. » Oudin. 79 Devant l’école. 80 Elle adopte un air prude et modeste qu’elle n’a pas en temps normal. 81 Machue a tellement peur du professeur qu’il emploie un juron exclusivement féminin ; voir la note 43 du Résolu. 82 Des femmes feraient-elles plus de chichis que vous ? 83 Les rétifs, les peureux. Poussés par les femmes, les deux hommes entrent dans l’école. 84 Bien. Jeu de mots involontaire sur « benêt ». 85 Monsieur. 86 Moi pas savoir. 87 Père, mère. Comme c’est sa mère qui porte la culotte, il la décline au masculin. « Raoul » fait toujours 1 syllabe. 88 Fille, douce poupée. « Douchette » est une prononciation normande. 89 Que je t’ai donnée en cadeau de fiançailles. Cf. la Présentation des joyaux. 90 Je salue la compagnie. 91 BM : Patrius Merius (Voir le refrain original de ce rondel double au vers 177. Je corrige la même variante à la reprise de 189. Les copistes notaient la 1ère apparition du refrain, puis abrégeaient les autres.) 92 BM : quia (Qu’y a-t-il ? Dans cette formule bien française –voir le vers 72–, Mimin va reconnaître la conjonction latine quia : parce que.) 93 BM : ca (De par la mère de Dieu = au nom de la Vierge Marie. « –Dieu vous doint oye, monseigneur !/ –Et ! couvrez-vous, de par sa Mère ! » Pour porter les présens.) Mimin est assis sur la paille aux pieds de son professeur, dans une attitude soumise ; Lubine veut qu’il se relève, physiquement et moralement. 94 Sans méprise, sans risque d’erreur. 95 L’esprit. Mais voir la note 19. 96 BM : art (Il est ardent.) 97 Y fait défaut, s’y perd. 98 Il y a. 99 Les coups de verges résumaient la pédagogie de l’époque. Mais cette verge au singulier est aussi suspecte que l’engin des vers 29 et 198 (cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 66) : certains pensionnaires hébergés par leur précepteur dormaient parfois dans le même lit que lui. 100 Un tel divertissement. Cf. Frère Frappart, vers 238. 101 Qu’il a pu. Sur la prononciation du « eu » en « u », voir la note 72. 102 BM : carismedes (Apprenez, mes chers amis.) 103 Blanc-bec. Cf. le Trocheur de maris, vers 190. 104 À son fils. 105 De courtoisie. 106 Que je la baise ? On songe au « baiseray-je ? » proféré par le piètre latiniste Thomas Diafoirus quand il va rencontrer sa fiancée, dans le Malade imaginaire. 107 En normand, neuche = noce. 108 BM : amitus (Je traduis : « Pendant la nuit de noces, maître Mimin couchera avec elle. ») 109 BM : enfanthon (Normandisme.) Je traduis : « Sa femme, sitôt mariée, fera un petit enfant. » C’est effectivement la mésaventure dont se plaint le Normand Jolyet. Il n’est d’ailleurs pas impossible que notre « pucelle » soit enceinte : voir la note 176. 110 BM : gibet (« Le deable y ayt part, à la pierre ! » Messire Jehan.) Laton = latin : « Qui li a apris à parler laton ? » Godefroy. 111 Il ne pense qu’à la gaudriole. C’est le vers 569 de la Pippée. 112 Et que j’en trouvais l’occasion. 113 Séance tenante. Mais pied et bille [bâton] ont un double sens phallique. L’auteur a pu trouver ce vers chez Martial d’Auvergne en 1493, à moins que Martial n’ait trouvé le sien dans notre farce. 114 À cause de. 115 Elles sont si portées sur la chose. 116 BM : Or 117 Ce sont vos paroles. 118 À votre tour. 119 Avec nous. 120 Il ne tiendra pas à moi de refuser. 121 Pour l’inciter (à parler français). 122 Tant soit peu. 123 Il fait merveille de chanter. 124 À leur libre choix. Tout le monde se met en route pour reconduire Mimin chez lui, mais on fait une halte devant la maison de Machue, qui est sur le chemin. 125 Conclure. 126 BM : maistre 127 Pour le remettre en état. 128 Il ne faut pas le laisser à l’écart sans. 129 Totalement. 130 On mettait un oiseau parleur en cage, et on lui « serinait » un mot – généralement maquereau – qu’il finissait par répéter. (Voir la note 13 de la Mauvaistié des femmes.) Il était tentant, pour les dramaturges, d’appliquer cette méthode aux humains : « S’on veult qu’il parle, maintenant/ Il le vous fault boutter en caige. » (Le Roy des Sotz.) « –Vous perdez vostre langaige./ –Que faire elle n’a d’estre en caige/ Pour apprendre à bien parler. » (Moralité du Lymon et de la Terre, T 19.) 131 Si large d’épaules. 132 Je vais vous la montrer. La fiancée apporte une cage en osier dépourvue de fond. 133 Pourvu. 134 Quelle figure sinistre fait Mimin ! 135 BM : poaur (Peur, en 1 syllabe comme à 296. C’est « n’ai-e » qui est dissyllabique.) Un valet est un jeune homme : Lubine appelle son fils « mon varlet » au vers 191 de Maistre Mymin qui va à la guerre. 136 BM : Tapprendront 137 BM : Cageatus (M’emprisonner dans une cage.) 138 Le maître ne me montrera plus les leçons ? 139 BM : Intrologea (Il ne me reconnaîtra plus, si je ressuscite dans cette cage.) 140 Mettez votre tête dans la cage. 141 Montrez-vous courageux. 142 Elle pose la cage sans fond sur la tête de son fils, comme un casque. 143 Latinisation du juron « anné ! ». « Anné !/ Le péché est tout pardonné. » (Deux hommes et leurs deux femmes.) Ce juron, comme sa variante « ennément » (vers 169), est en principe réservé aux femmes. 144 BM ajoute dessous, au détriment du triolet : B.mi. 145 Comme il se laisse commander. 146 BM : Quest il (Voir ce refrain aux vers 309 et 312.) 147 Ce sont deux choses bien différentes, comme le cidre et le vin. 148 Et que nous sommes plus importants que les femmes. 149 Vers manquant. J’emprunte à l’Aveugle et le Boiteux son vers 235, qui semble taillé sur mesure. 150 Je comble une lacune. Parle comme un vrai homme. « Boy seulement (…), & parles en homme ! » (Jean Baudoin.) Au vers 338, Mimin va parler « comme une femme ». 151 De telle manière. 152 Maintenant parlez, ma douce joie. Cf. les Cris de Paris, vers 358. 153 « Tu ne vois pas ce que je sens. » Farce de Pathelin. 154 Déformation de « doctrine » : enseignement. Voir le vers 20 de la chanson que je publie sous la farce. 155 Ces 3 mots sont chantés : « Allons, allons gay,/ M’amye, ma mignonne ! » On reconnaît ce refrain dans le Savetier qui ne respond que chansons (F 37). Brown (nº 11) ne l’a pas repéré dans notre farce, mais Philipot et Tissier non plus. 156 Clairement. 157 La chanson qui réunissait tous ces éléments dans cet ordre n’est pas arrivée jusqu’à nous. 158 BM : du (De bon cœur. Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 22.) 159 C’est mon avis. Cf. Lucas Sergent, vers 172. 160 « La femme scet ung art plus que le diable. » Nicolas de Troyes. 161 Je ne veux pas en dire plus. 162 BM : ait 163 Il n’est pas de perroquets, de pies, d’étourneaux ou de geais que les femmes ne fassent parler. 164 BM : ne 165 Une pinte de vin. Nous avons sans doute là un vers proverbial. 166 BM : truynte (Mot inconnu, y compris en Normandie.) Le cri « du pinson d’Ardennes est rauque et dur et a quelque rapport avec le miaulement d’un chat ». (Dict. univ. d’hist. nat.) Ce n’est pas le pinson qui chuinte, c’est le chat-huant, et Mimin va bel et bien imiter le cri de ce rapace : voir la note 32. 167 Comme. Cf. Jénin filz de rien, vers 468. 168 Hors de la cage. 169 Comme Lubine l’avoue orgueilleusement : « Il n’est finesse que de femme. » Maistre Mymim qui va à la guerre. 170 Vous aide. C’est une forme populaire du verbe avancer. « J’eusse bien dict : “Dieu vous avant !”,/ Mais c’eust esté faict en village. » Le Monde qu’on faict paistre. 171 BM remonte cette rubrique au-dessus du vers précédent. 172 Elles ont leur réputation. Idem vers 411. 173 Anuit, aujourd’hui. Nous l’avons eu en pseudo-latin au vers 220. 174 Qui me donnait des coups de bec, quand je gardais les oies. Pernet, cet autre écolier normand, est aussi un gardeur d’oies : cf. D’un qui se fait examiner, vers 59-61. 175 Doucement. 176 Fatiguée. Mais aussi : plongée dans les douleurs de l’enfantement. « En l’enfantant, elle trespassa, tant fut travaillée de douleurs. » (Alain Bouchart.) Voir la note 109. 177 C’est ainsi que les paysans portent les veaux : cf. le Roy des Sotz, vers 82 et note. 178 Ce mot désigne tout le devant des femmes, depuis la poitrine jusqu’au bas-ventre. « Se (je) la despucelle,/ Je seroys en bien grand dangier/ De luy rompre ventre et forcelle. » Tout-ménage. 179 Trois notes prises au hasard représentent n’importe quel chant d’église. La mère de Maistre Jehan Jénin dit de son petit prodige : « Tant chante hault son “my fa la”,/ Il fait tout trembler çà et là. » 180 Pourtant, je vous la garantis (cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 203). Le père, fermier lui aussi, vante la marchandise à son futur gendre. Il est vrai que les filles qui ont le cul tendre ne restent pas vierges longtemps : « Ah ! je le sçavois bien qu’elle a la fesse molle,/ La paillarde qu’elle est, et que mon vit batteur/ À son con effondré ne feroit point de peur ! » (É. Jodelle.) Voir Deux hommes et leurs deux femmes, dont l’une a malle teste et l’aultre est tendre du cul. Le beau-père de Mimin, tout comme le beau-père de Jolyet, prend le parti de sa fille. 181 Elles l’ont bien ! « Mon » est une particule de renforcement, comme à 361. 182 Quelquefois, pour ne rien vous cacher. 183 Pendant le trajet. 184 La galère. Cf. les Sotz triumphans, vers 194. 185 La partition sépare ces deux syllabes parce qu’on les chante sur des notes différentes. 186 Vers moi. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 623. 187 Ms. : Que oncqz puis (Que jamais, depuis.) 188 Lubine s’adresse au Magister. Dans le jargon estudiantin, socié désigne un pédant inculte. C’est le nom d’un des écoliers du Maistre d’escolle. « Pour farcer ygnares sociéz. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) « Un socié / Qui ne sçayt pour toute devise/ Dire, quant il est à l’église,/ Seulement un Per omnya. » (Science et Asnerye.) 189 Avec. « Voulez-vous demourer o moy ? » (Les Esbahis.) Dans l’enseignement privé, le contrat liant le maître et les étudiants qui le payent relève d’une forme d’association. 190 Déformation de « étudiant ». Voir la déformation de « étudié » au vers 11. 191 Déformation de « gradué » : diplômé. « Raou-let » [Raulet] compte pour 2 syllabes, comme « Raoul » comptait pour 1 syllabe dans la farce. 192 Ms. : petils (Faire quelqu’un réus, ou reux, c’est le laisser sans voix.) « J’en ay fait reus cent fois les maistres/ De nostre escolle. » D’un qui se fait examiner. 193 Qu’il soit présent aux cours. 194 En même temps. Et Lubine chante le cri de l’âne, ce maître Aliboron que la farce identifie à Mimin au vers 159. 195 Pour endoctriner mon fils.
LES HOMMES QUI FONT SALLER LEURS FEMMES
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LES HOMMES QUI
FONT SALLER
LEURS FEMMES
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Face au théâtre médiéval, le prétendu « Grand Siècle » fut moins obtus qu’on ne le dit : en témoignent le Recueil de Copenhague (1619), qui comprend neuf pièces des XVe et XVIe siècles, ou le Recueil Rousset (1612), qui en compte sept, et ne parlons pas du Porteur d’eau, composé au XVe siècle et publié en 1632 ! La farce des Hommes qui font saller leurs femmes, caractéristique du début du XVIe siècle, fut sauvée un siècle plus tard, après avoir subi une cure de rajeunissement qui ne la défigure pas trop. Cette pièce est la contrepartie masculine d’une farce de la même époque, les Femmes qui font refondre leurs maris.
Je publie sous la farce un poème inédit concernant des femmes qui salent leur mari.
Sources : Discours facétieux des Hommes qui font saller leurs femmes. (Bibliothèque nationale de France, Rothschild 1087.) Publié entre 1598 et 1605 à Paris, chez Pierre Ménier. — Discours facétieux des Hommes qui font saller leurs femmes. (Bibliothèque nationale de France, Rés. Ye. 2029.) Publié au plus tard en 1628, à Rouen, chez Abraham Cousturier. Les éditions de 1829 et 1830, la thèse inédite de Michel Rousse en 1974, la délicieuse traduction américaine de Jody Enders1 en 2017 et l’édition critique de Tess Wensink (université d’Utrecht) en 2020 s’appuient toutes sur le texte de Rouen ; par esprit de la contradiction, je m’appuierai donc sur celui de Paris, que personne n’a lu. Cousturier l’a plagié d’une manière très fidèle, mais il y a introduit 11 fautes.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets, indissociables du théâtre médiéval.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Discours facétieux des
Hommes qui font
saller leurs femmes
à cause qu’elles sont trop douces.
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À cinq personnages, à sçavoir :
MARCEAU
JULLIEN
GILLETTE, femme de Marceau
FRANÇOISE, femme de Jullien
MAISTRE MACÉ, philosophe de Bretaigne 2
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MARCEAU commence SCÈNE I
Et puis, Jullien, que dit le cœur ?
JULLIEN
Marceau, mon amy : le malheur,
À présent, plus ne me dépitte.
Je suis un second Démocrite3.
MARCEAU
5 Comment, voisin ?
JULLIEN
Je ry sans cesse,
Loing de fascherie et tristesse,
Le plus heureux en son4 mesnage
Qui5 jamais se vid [de son âge]6.
MARCEAU
Par ma foy ! j’en suis tout ainsi,
10 Mon voisin Jullien : le soucy
Ne fait point avec moy demeure.
Et suis obéy à toute heure
De ma femme mieux que jamais.
JULLIEN
Je vy joyeusement en paix.
15 Ce que je veux ma femme veut.
Elle fait plus qu’elle ne peut
Envers moy. Et si je la baise7,
Affin de me tenir à l’aise8,
El’ me donne mil accollades.
MARCEAU
20 Mes faits ne gisent qu’en bravades,
Qu’en pïaphes9, qu’en volupté.
O ! qu’à la mienne volonté10
J’eusse plus tost pris telle femme,
Qui est plus douce, par mon âme,
25 Que n’est le succre ou l’ambroisie !
JULLIEN
Je suis mieux à ma fantasie11
Servy que n’est un petit roy.
Ma femme a si grand soin12 de moy
Qu’estant une heure sans me veoir,
30 Elle entre en un tel désespoir
Que souvent on la tient pour morte.
Puis sitost que suis à la porte,
Pour me recevoir elle avance
Une si grande révérence
35 Que chacun me tient, pour le seur13,
Quelque conte14 ou quelque seigneur.
MARCEAU
La mienne me chauffe, au dimanche,
Humblement ma chemise15 blanche ;
Puis en la baisant, me la baille.
40 Elle me chausse, elle travaille
À me pigner et testonner16.
Brief, el(le) ne sçait que me donner
De peur que je ne me courrouce.
Et me dit d’une voix si douce :
45 « Bon jour, mon grand amy Marceau !17 »
Pense-tu que cela est beau ?
JULLIEN
Beau ? Je te dis qu’en faits et dits,
Cela est un vray paradis18.
Je n’en ment[s] de rien, mon mignon.
50 Toutesfois, il n’est pas trop bon
Qu’une femme soit si doucette.
MARCEAU
Que ce propos l’on m’interprette :
Pourquoy cela ?
JULLIEN
Et ! vertu bieu !
Si quelqu’un venoit en ce lieu
55 – Ainsi que nous voyons tousjours –
La supplier du jeu d’amours,
Elle se le laisseroit faire.
MARCEAU
Tu entends fort bien cet affaire19.
Elle seroit en grand danger,
60 Voirement, si quelque estranger
De l’aimer luy faisoit requeste.
JULLIEN
Il n’en faut point faire d’enqueste,
Car il n’est pas à son pouvoir
De résister.
MARCEAU
Il faut pourveoir
65 À si grande incommodité.
JULLIEN
Tu ne dis que la vérité.
Mais qu’est-ce que nous y ferons ?
MARCEAU
Tout de ce pas, nous en irons
À maistre Macé, lequel est
70 Grand philosophe20. S’il luy plaist,
Aigres21 les fera toutes deux.
JULLIEN
Ma foy, nous serions bien-heureux
Si cela pouvoit advenir.
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MAISTRE MACÉ 22 SCÈNE II
Tout homme qui veut parvenir,
75 Il doit apprendre la magie
Avec[ques] la philosophie23 ;
Ou pour le moins, en toute affaire,
Le philosophe contrefaire,
Pour faire aux petits enfans peur.
80 Car par ce point, l’on est tout seur
D’avoir force argent amassé.
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MARCEAU SCÈNE III
Le bien trouvé24, maistre Macé !
MAISTRE MACÉ
Et à vobis, compéribus25 !
JULLIEN
Nous venons à vous sans abus
85 Pour sçavoir si, sans nuls diffames,
Vous pourriez bien guarir nos femmes
Malades d’une estrange sorte.
MAISTRE MACÉ
Ouy. Que leur urine on m’apporte26 !
Toutes deux les rendray guaries,
90 « Saines comme pommes pourries27 »,
Eussent-ils28 vos fièvres quartaines.
MARCEAU
Maistre Macé, j’ay les mains pleines29 :
Ser[r]ez fort !
MAISTRE MACÉ
Prenez30 tout pour vous,
Et me dictes cy, entre nous,
95 Que peuvent vos femmes avoir31.
JULLIEN
De le dire ferons devoir :
Elles sont trop douces ; et si
Quelque mignon prenoit soucy
De les prier de déshonneur,
100 Elles n’y pourroient, de malheur,
Résister.
MARCEAU
Voilà le vray mot :
Nous craignons que dans leur « tripot32 »,
Quelques-uns viennent bricoller33.
MAISTRE MACÉ
Ce seroit pour vous affoller !
105 Elles sont trop douces, n’est pas ?
JULLIEN
Nous vous avons compté34 le cas
Touchant les fascheries nostres.
MAISTRE MACÉ
Elles passent donc beaucoup d’autres35,
Qui ont la teste diabolique.
MARCEAU
110 Mais que faut-il qu’on leur applique ?
MAISTRE MACÉ
Il les faut saller seulement.
JULLIEN
Saller ? Que dictes-vous ? Comment
Seroient-el(le)s aigres par ce point ?
MAISTRE MACÉ
Qui36 leur bailleroit sel à point,
115 On les amenderoit37 vrayment.
Sçavez-vous pas certainement
Que quand les vivres38 sont trop doux
– Soit en chair, potages ou choux –
Il les faut saller bravement ?
JULLIEN
120 Mais comment les saller ?
MAISTRE MACÉ
Comment ?
Et ! c’est bien demandé, beau sire.
Maintenant n’ay-je à le vous dire,
Et non pas vous à m’en parler39.
MARCEAU
Or çà ! les sçauriez-vous saller,
125 Qui bon argent vous donneroit ?
MAISTRE MACÉ
Ouy, qui me les amèneroit.
Je fay40 si bien qu’el(le)s garderont,
Quand par moy sallées seront,
Leur droict41 encontre tous venans.
JULLIEN
130 Maistre Macé, voilà dix frans.
Sallez (suivant vostre manière)
La mienne devant et derrière,
Si bien – sans luy faire douleur –
Qu’elle ayt un peu moins de douceur.
MAISTRE MACÉ
135 Amenez-les-moy, amenez !
MARCEAU
Quérir vois42 la mienne. Tenez,
Maistre Macé : voilà pour boire43.
MAISTRE MACÉ
Dépeschez ! De fresche mémoire,
Je m’en vois mon sel apprester44.
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JULLIEN SCÈNE IV
140 À ce coup aurons, sans douter,
Des femmes douces et à point.
MARCEAU
Mais ne se mocquera-on point
De nous ? Que t’en semble ?
JULLIEN
Non, non.
Maistre Macé a le renom
145 D’avoir un notable cerveau.
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MARCEAU 45 SCÈNE V
Gillette !
GILLETTE
Que vous plaist, Marceau,
Amy parfaict et singulier46 ?
MARCEAU
(Sçauroit-on mieux s’humilier ?
Sa contenance est trop douçastre.)
150 Venez avec moy vous esbatre
Icy près.
GILLETTE
À vostre plaisir !
Vostre vouloir est mon désir ;
Avec vous n’auray jamais noise47.
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JULLIEN 48 SCÈNE VI
Où estes-vous, dame Françoise ?
FRANÇOISE 49
155 Me voicy, mon amy Jullien.
JULLIEN
Venez tost (entendez-vous bien ?)
Avec moy chez un certain maistre
Qui m’a promis sans rien obmettre
Que bien vous médecinera.
FRANÇOISE
160 Je feray ce qu’il vous plaira ;
Mes faits vous sont assez cognus50.
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MARCEAU SCÈNE VII
Maistre, nous sommes revenus,
Et amenons icy nos femmes.
JULLIEN
Nous vous prions faire des dames
165 Comme vous nous avez promis.
MAISTRE MACÉ
Ne vous souciez, mes amis :
Fort bien mon devoir j’en feray51…
Dames, entrez ! Je vous verray
Tantost52.
MARCEAU
Nous vous laissons seulettes.
170 Ce que le maistre dira faictes,
Sans en rien luy contrarier.
GILLETTE
Nous le ferons sans varier ;
Fiez-vous à nous hardiment.53
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MAISTRE MACÉ SCÈNE VIII
Despouillez cet habillement
175 Sans faire icy les éperdues ;
Car si vous n’estes toutes nues,
À vous besongner je ne puis54.
FRANÇOISE
Ce n’est pas ce que je poursuis55 !
Quel « besongner » ?
MAISTRE MACÉ
Despouillez-vous,
180 Et ne vous mettez en courroux.
Tost, dépeschez !
GILLETTE
Et ! qu’est-ce-cy ?
FRANÇOISE
Rien n’en feray !
GILLETTE
Ny moy aussi :
Pas je ne me despouilleray.
MAISTRE MACÉ
Comment donc est-ce que pourray
185 Vous saller ?
GILLETTE
Quoy, saller ?
FRANÇOISE
Saller ?
De ce, jamais n’oÿ parler.
Vous me contez un nouveau cas.
MAISTRE MACÉ
Et ! vos marys vous ont-ils pas
Pour cela fait icy venir ?
GILLETTE
190 De ce, vueillez vous abstenir ;
Ne soyez si outrecuidé.
MAISTRE MACÉ
Par la morbieu ! j’ay marchandé56 :
Par quoy, vous saller je désire.
FRANÇOISE
Mais sçachons ce qu’ils veulent dire.
195 Tels faits ne nous semblent honnestes.
MAISTRE MACÉ
Parce que trop douces vous estes,
Et pour oster ceste douceur,
Saller vous convient, pour le seur57.
GILLETTE
Et ! comment, voisine ? Nous sommes
200 Donc trop douces pour nos deux hommes ?
Voyez la belle resverie !
FRANÇOISE
Pour les fascher, je vous en prie :
Que nous soyons doresnavant
Plus aigres, contre eux estrivant58
205 Sans aucune miséricorde !
GILLETTE
Voisine, je le vous accorde :
Désormais, plus rude seray,
Et mon mary bien chastieray,
Puisque je l’ay mis en ma teste59.
FRANÇOISE
210 Maistre Macé, je vous proteste
Que de nous-mesmes tant ferons
Qu’assez bien nou[s] nous sallerons60
Sans que vous y mettiez la… main.
GILLETTE
Au demeurant, de cœur humain,
215 Pour le vin vous aurez cecy61.
MAISTRE MACÉ
Mais sallez-vous si bien, aussi,
Que soyez aigres, je vous prie ;
Ou il faudra que vous manie62.
GILLETTE
Ne vous chaille, pas n’y faudrons63.
FRANÇOISE
220 Jamais céans ne reviendrons,
Quelque chose qu’il en advienne.64
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MARCEAU SCÈNE IX
Voicy ta femme avec la mienne,
Qui reviennent drues et saines.
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GILLETTE SCÈNE X
Sont vos fortes fièvres quartaines,
225 Vilains et gaudisseurs65 infâmes !
Faictes-vous donc saller vos femmes,
Pour acquérir du66 déshonneur ?
FRANÇOISE
Malheureux, estes-vous sans cœur ?
Estes-vous sans entendement,
230 De nous bailler vilainement,
Comme des trippes, à saller67 ?
MARCEAU
Nous vous prions, à bref parler,
Supporter un peu nostre offence.
JULLIEN
Elle est de peu de conséquence :
235 Nous le fais[i]ons sans mal penser.
GILLETTE
Et ! pour nous en récompenser68,
Voisine, sans plus arrester,
Il nous faut dessus eux jetter69
Et les rebatre, dos et ventre !
FRANÇOISE
240 Puisqu’en ma fantasie il entre70,
Ils seront si bien bastonnés
Qu’en leur vie plus estonnéz71
Ils ne furent pour leur forfaict !
GILLETTE 72
Par ma foy, ce sera bien faict !
245 Sus ! allons, Marceau !
FRANÇOISE
Çà, Jullien !
Par mes coups, recognoissez bien
Si je suis bien sallée ainsi !
JULLIEN
Ma femme, faictes-moy mercy73 !
Jamais saller ne vous feray.
GILLETTE
250 Marceau, vous en aurez aussi !
MARCEAU
Ma femme, faictes-moy mercy !
FRANÇOISE
Ha ! les vilains, ils ont vessi74 !
Mais de mes coups les chargeray75.
JULLIEN
Ma femme, faictes-moy mercy !
255 Jamais saller ne vous feray.
FRANÇOISE
Encor ces coups leur donneray,
Pour les faire plus murmurer !
GILLETTE
Faisons-les crier et plorer :
Ils ont eu fort beau passe-temps.76
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MARCEAU SCÈNE XI
260 Je suis, ce coup, des mal-contens.
Le diable emporte le sallage !
JULLIEN
Ce triacleur77, à bref langage,
Les a gast[é]es meschamment.
MARCEAU
Allons vers luy légèrement78,
265 Et luy remonstrons telle chose79.
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JULLIEN SCÈNE XII
Maistre Macé, à quelle cause
Avez-vous mal sallé nos femmes ?
MARCEAU
Ce sont pour vous de grands diffames,
Car je vous dy certainement
270 Qu’elles nous ont extrêmement
Battus, ce que pas ne voulons.
MAISTRE MACÉ 80
Il faut que nous les resallons ?
JULLIEN
El(le)s le sont trop, de par le diable !
MARCEAU
C’est une chose véritable :
275 Encor oyons-nous81 leurs goullées.
MAISTRE MACÉ
Quoy ! sont-elles trop peu sallées ?
JULLIEN
Au contraire, el(le)s le sont beaucoup !
Par quoy vous prions, à ce coup,
Qu’elles se puissent amender.
MAISTRE MACÉ
280 Il leur faut doncques demander.
MARCEAU
Par trop nous couste la follie ;
Nostre liesse est abolie.
Ainsi ne nous deviez82 tromper !
MAISTRE MACÉ
Si vous les pouviez détremper83,
285 Je croy qu’elles adouciroient.
JULLIEN
Ha ! jamais ne le souffriroient84.
[MARCEAU]
En la maison n’ozons aller.
MAISTRE MACÉ
Les douces je sçay bien saller ;
Mais touchant de désaller, point.
JULLIEN
290 Le diable vous en fit mesler !
MAISTRE MACÉ
Les douces je sçay bien saller.
MARCEAU
Mais dictes-nous, à bref parler :
Demour[r]ons-nous85 donc en ce point ?
MAISTRE MACÉ
Les douces je sçay bien saller ;
295 Mais touchant de désaller, point.
JULLIEN
Nous voicy donc en piteux point.
Or, bien il nous faut endurer
Sans aucunement murmurer.
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Ainsi, [qui oncq]86 ne se contente
300 D’une femme douce et plaisante
Qui faict un honneste devoir,
Mérite (comme avez peu veoir)
D’en avoir une fort fascheuse,
Mal plaisante et mal gracieuse.
305 Et vous en vueille souvenir !
À Dieu jusques au revenir87 !
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Il y a encore la Farce de Pied-à-boulle,
où les hommes font venir leurs femmes à jubé88.
FIN
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LES FEMMES SALLENT LEURS MARIS
POUR DU DOUX LES RENDRE GUÉRIS.
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Vers 1557, les Hommes qui salent leurs femmes furent détrônés par les Femmes qui salent leurs maris. Cette réponse du « sexe faible » tient dans quatre dizains décasyllabiques, qui entourent une gravure89 où l’on voit des femmes répandre du sel sur les fesses et les organes génitaux de leurs maris trop doux, afin de leur rendre un peu de vigueur. À croire qu’elles ont lu ce que Plutarque disait du sel : « Il provocque, par sa chaleur, ceulx qui en usent à luxure & à se mesler avec les femmes. » Voici la première édition critique de cette mini-farce :
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LE SOT LIBRE 90
1 Encor n’est-il qu’estre91 garson toujours
Pour éviter un fâcheux coqüage ;
Ou – pour garder92 des femmes les faux tours –
Se93 monstrer maistre en son chétif ménage94.
Car si trop doux vous estes95 en vostre aage,
Incontinant la femme abusera
De la douceur, et lors vous sallera96
Comme ceux-cy, qui ne me vouloient97 croire :
Sont tant saléz que le corps leur cuira.
Gardez-vous doncq de semblable accessoire98 !
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LA VIEILLE
11 Dames, avant99 ! Prenez voz maris tous !
Despouillez-les100 comme sçavez l’usage !
Salez-les bien101, [puis]qu’ilz vous sont trop doux
Et humblement ilz vous rendent102 hommage.
Pour mon regard103, avec vous feray rage
De les saller (sans craindre aucun méchef)
Depuis le bout des piedz jusque[s] au chef.
Tant que le[ur] cul – tant soit puant – s’esvente104,
Sallez, sallez, je le dy derechef.
À si beaux faictz, je veux estre présente.
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LES DAMES QUI SALLENT LEURS MARIS
21 Nos maris sont si doux et débonnaires
Qu’ilz souffrent tout ce que faire voullons.
Comme varlets, en nos105 privés affaires,
Pour nous servir sont près106 de nos tallons.
Voilà pourquoy ainsi nous les sallons
En ce salloir, par-devant et derrière107,
Affin de vœir leur nature108 plus fière,
Et les ranger si bien dessoubz nos loix.
Que de ce sel109 la vertu singulière
Confond[e] tout ce qui est trop110 courtoys !
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LES MARIS SALLÉZ
31 Prennez pitié de ces douleureux hommes
Qu’en ce salloir vous tenez enserréz !
Vous voyez bien qu’assez salléz nous sommes ;
D’oresnavant, plus aygres111 nous verrez.
Si, sottement, nous sommes égaréz112
Pour estre doux à vostre ingrat service113,
Dames, pensez que ce n’est [point par vice]114
Ains115 pour complaire à vostre grand beauté.
Puis donq qu’avez la rig[u]eur plus propice116,
Nous n’aurons plus en nous que cruauté.
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1 Holy Deadlock and further ribaldries. (University of Pennsylvania Press, Philadelphia.) Je remercie vivement Jody Enders, qui m’a communiqué la thèse de M. Rousse, dont la copie a mystérieusement disparu d’Internet. 2 Maître Macé est un faux savant, un mauvais latiniste, un alcoolique et un trousseur de jupons. Son nom fait croire qu’il est maître passé : qu’il est passé maître apothicaire. (Notons la contrepèterie sur maître passé et prêtre Massé.) « [Nous] ordonnons à tous les nostres/ De ne faire grande despense pour estre maistre passé :/ Pour estre maistre Massé,/ Ut omnes reficiat,/ L’on fera proficiat. » (Ordonnances conardes.) « De Bretagne » indique une forte propension à l’alcoolisme : « –Je y suis maistre passé ! –A brum ! A brum ! Je suis prebstre Macé ! –O les beuveurs ! O les altéréz !…. –Diriez-vous q’une mousche y eust bu ? –À la mode de Bretaigne ! » Gargantua, 5. 3 Philosophe grec qui riait de tout. « Démocritus (…) ne sortoit en public qu’avec un visage moqueur et riant. » Montaigne. 4 Éd : mon 5 Éd : Que 6 Éd : personnage. (En son temps.) « La plus grand traÿson (…)/ Que vous ouÿstes de vostre âge. » Le Tesmoing. 7 Même sens qu’aujourd’hui. Voir la note 130 du Povre Jouhan, et la note 29 du Trocheur de maris. 8 En érection. Cf. le Tesmoing, vers 300. 9 En esbroufes. « Certaine vaillance (…) laquelle ne consiste qu’en bravades, piaffes, injures de paroles. » (François de La Noue.) Ce terme du jargon équestre a conquis les littérateurs dans les années 1560, mais il devait être connu des cavaliers depuis longtemps. Toutes ces expressions un peu « cavalières » appartenaient de droit au registre érotique. 10 Si mes parents me l’avaient permis tout de suite. Les deux éditeurs ont soudé « plustost », comme cela ce faisait ; mais du coup, le sens est différent. Voir la note 13 de Jody Enders, p. 511. 11 À mon gré. 12 Souci. 13 D’après M. Rousse, « on peut avancer l’hypothèse que cette farce aurait été composée dans une région normanno-picarde ». Il en donne pour preuves la rime seur [sûr] ici et au vers 80, pigner pour peigner (v. 41), ils pour elles (v. 91), et varier dans le sens d’hésiter (v. 172). 14 Me prend à coup sûr pour un comte. 15 Cf. le Cuvier, vers 86. 16 Elle me peigne et me bichonne. 17 « Jamais [elle] ne me dira sinon :/ “Mon amy, bien soyez venu !” » Deux hommes et leurs deux femmes. Le second mari de cette farce vante dans les mêmes termes que Jullien et Marceau les joies du bonheur conjugal au côté d’une épouse agréable. Malheureusement, cette dernière est un peu « tendre du cul » et collectionne les amants. C’est d’ailleurs ce que les maris de notre farce vont craindre de leur trop douce moitié. Voir la préface de M. Rousse, p. 4. 18 « C’est/ Ung vray paradis que d’y estre ! » Deux hommes et leurs deux femmes. Voir la note 17. 19 Originellement, le mot « affaire » était masculin. Le féminin l’a emporté vers le milieu du XVIe siècle. Nos deux éditeurs l’ont féminisé –et donc modernisé– au vers 77, mais ils ont laissé passer plusieurs autres tournures révolues. Michel Rousse, qui milite pour une datation récente de l’œuvre, y reconnaît lui-même « un certain nombre d’archaïsmes » : à la mienne volonté (v. 22), les fascheries nostres (v. 107), sans en rien luy contrarier (v. 171), le subjonctif resallons (v. 272). J’en signalerai d’autres, qui prouvent que l’original était bien antérieur aux réfections du XVIIe siècle. 20 Alchimiste, qui cherche la pierre philosophale. Idem vers 78. Cf. la Pippée, vers 475. 21 Rébarbatives vis-à-vis des galants. 22 À la devanture de son officine, il distille de l’eau de vie avec son alambic et la goûte de temps en temps. 23 « L’art d’alchymie, qui est la plus subtille partie de philosophie naturelle. » (Nicolas de Grosparmy.) Les deux éditeurs ont modernisé « avecques », au détriment de la mesure, mais ils ont laissé passer un vieux « doncques » au vers 280. 24 Heureux de vous trouver ici ! 25 Et vous aussi, mes compères ! Tous les charlatans écorchent du latin pour qu’on les prenne au sérieux (voir la note 2). « Bref, comme dit maistre Macé :/ Dès que chacun fut “in pace”. » D’Assoucy. 26 Le diagnostic reposait sur l’examen des urines, même en l’absence du malade. « Portez de mon urine/ Au médecin ! » Seconde Moralité. 27 Figure dans la liste des proverbes du Jardin de récréation : « Ilz sont sains comme pommes pourries. » 28 Même si elles avaient. Le pronom féminin « ils » était encore usité dans la première moitié du XVIe siècle. Partout ailleurs, nos éditeurs l’ont remplacé par « elles », quitte à rendre le vers trop long. 29 Pleines de pièces de monnaie. 30 Gardez. Cet argent, le guérisseur « le prend très-bien, en le refusant quelque peu après l’avoir en sa main, à la façon des médecins ». (Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe.) Il en acceptera d’autre sans faire autant de manières aux vers 130 et 137. 31 Ce que peuvent bien avoir vos femmes comme maladie. 32 Dans leur sexe. « Nous sommes six chasseurs portant balle et raquette [testicules et pénis],/ Qui voulons, s’il vous plaist, jouer en vos tripots, / Mes dames…./ Et nous tiendrons tousjours nos balles toutes prestes/ Afin de bricoler aux trous mieux défendus. » Le Labyrinthe d’amour. 33 Copuler. « Allons toute nuit/ Prester nostre habit-à-vit [notre vagin]/ À quelque bon drosle/ Qui bien nous bricolle. » (Ma femme m’a tant batu.) Cf. le Sermon pour une nopce, vers 58 et note. 34 Conté. Les éditeurs moderniseront cette vieille graphie au vers 187. 35 Elles sont supérieures aux autres femmes, qui sont de vraies diablesses. Parmi les personnages de farces, Gillette et Françoise sont des cas presque uniques d’épouses obéissantes et fidèles ; on ne voit guère que Marguet pour leur faire concurrence, dans le Savatier et Marguet. L’auteur, qui sait bien que le théâtre repose sur un conflit, n’introduit ces deux nunuches que dans la seconde moitié de la pièce, et il se hâte de corrompre leur caractère idyllique. 36 Si on. Idem vers 125 et 126. 37 On les améliorerait. Idem vers 279. 38 Les mets. Doux = fade. « Doux de sel : qui n’est pas assez salé. » Antoine Oudin. 39 L’apothicaire veut garder ses secrets de fabrication. Ou plutôt, il ne sait pas encore comment il va s’y prendre pour saler des femmes. 40 Éd : dy 41 Leur droiture, leur honneur. 42 Je vais. 43 Voici vos honoraires. Mais le pourboire convient mieux à un ivrogne, comme le précise le vers 215. 44 Tant que j’y pense, je vais préparer le sel. Il compte saler des femmes comme on sale des tripes (vers 231) : en les mettant dans une vasque nommée le saloir, et en les saupoudrant de gros sel. Voir la gravure que j’étudie en appendice. 45 Il rentre chez lui. 46 Unique. 47 De dispute. Dans Deux hommes et leurs deux femmes, l’épouse idéale fait la même remarque : « Jamais de noyse/ Nous n’avons en nostre maison. » 48 Il rentre chez lui. 49 Elle lui fait une grande révérence (vers 32-36). 50 Connus. Les deux couples vont chez l’apothicaire. Les bourgeoises qui veulent passer pour bonnes ménagères emportent toujours leur quenouille quand elles vont en visite. 51 Sous-entendu : Je les besognerai bien ! « Car vostre puissance est trop vaine/ Pour bien faire vostre devoir. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme. 52 Cette réplique s’adresse aux deux hommes, que Macé veut faire partir. 53 Les maris vont attendre dans la rue. 54 Je ne peux pas travailler sur vous. Le double sens grivois de « besogner » n’échappe pas à Françoise. Saler une femme paraphrase l’expression érotique seller une femme : la chevaucher. « –Chacun la tient pour pucelle./ –Et ! que voullez-vous : on la selle. » Le Ribault marié. 55 Ce n’est pas le but que je recherche. 56 J’ai conclu un marché pour lequel on m’a payé. 57 Il faut vous saler, c’est plus sûr. « Car n’estant si salée, elle sera plus douce. » Capitaine Lasphrise. 58 Contestant. « Partons, affin que plus n’estrive/ Contre nous. » Les Cris de Paris. 59 Même vers dans la Mauvaistié des femmes, une farce contemporaine de celle-ci. 60 Nous aurons un caractère plus épicé sans avoir besoin de votre sel. 61 Voici un pourboire (note 43). 62 Que je vous prenne en mains médicalement… et sexuellement : « Après moy vinstes peu à peu/ Me manier en mon lict. » Le Badin, la Femme et la Chambrière, BM 16. 63 Nous n’y manquerons pas. 64 Les deux femmes sortent avec un air furieux, et foncent sur leurs époux, qui attendent dehors. 65 Plaisantins. Cf. le Gaudisseur. 66 Éd : vn 67 « Qui voudroit des tripes saller. » Les Cris de Paris. 68 Pour nous venger. 69 Nous devons nous jeter sur eux. 70 Puisque je l’ai dans l’idée. 71 Frappés par la foudre, ou en l’occurrence, par la quenouille de leur femme. 72 Les deux épouses tapent sur leur mari, comme dans beaucoup de farces de cette époque. 73 Grâce. 74 Un homme qui reçoit des coups sur les fesses a tendance à péter : cf. Frère Fécisti, vers 498. 75 Éd : armeray (« Armer de coups » n’existe pas, contrairement à « charger de coups ».) « L’achepteur estoit par terre, chargé de coups de poing. » Bonaventure Des Périers. 76 Les femmes rentrent à la maison. 77 Ce vendeur de thériaque, de contrepoisons : ce charlatan. Cf. la Farce d’un Pardonneur, d’un Triacleur et d’une Tavernière. 78 Vivement. 79 Reprochons-lui cela. 80 Il est tellement soûl qu’il comprend tout de travers. 81 Éd : auons nous (Nous entendons encore leurs gueulantes.) « Chascun a getté sa goulée,/ Parlant sur nous à la volée. » ATILF. 82 Éd : conuient (Vous n’auriez pas dû nous tromper ainsi.) 83 Les faire tremper. Après avoir voulu saler ces pauvres femmes comme des tripes, on veut maintenant les dessaler comme de la morue. 84 Quand les Femmes qui font refondre leurs maris demandent au charlatan de remettre ces messieurs dans leur état primitif, elles obtiennent une réponse analogue : « Ilz diroyent/ Que jamais n’y consentiroyent. » 85 Demeurerons-nous (ancienne forme du futur). « Demourrons-nous icy ? » Guillaume Le Heurteur. 86 Éd : quiconque (Modernisation intempestive des éditeurs.) Celui qui jamais. 87 Jusqu’à ce que notre troupe revienne jouer. Ces deux vers concluent la farce des Femmes qui demandent les arrérages de leurs maris, non pas dans l’édition ancienne (BM 8), mais dans la version remaniée en 1612 (Rousset, p. 117). 88 Venir à jubé = se soumettre : cf. les Veaux, vers 87. Notre farce était donc suivie par une autre, aujourd’hui perdue. S’agissait-il d’une suite comprenant les mêmes personnages ? Ce complément de programme n’est même pas mentionné par le plagiaire rouennais. Tenir pied à boule = résister fermement : cf. Colin filz de Thévot, vers 112. 89 Cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale. Tf 2, Réserve, folio 96 verso. 90 Célibataire. La littérature morale confie souvent à des fous le discours le plus sensé. 91 Éd : que destre (Il n’y a qu’à rester vieux garçon.) 92 Pour se garder de leurs mauvais tours. 93 Encore n’est-il que se = il n’y a qu’à se. 94 Emprunt à la farce : « Le plus heureux en son mesnage. » 95 Emprunt à la farce : « Parce que trop douces vous estes. » 96 Emprunt à la farce : « Comment donc est-ce que pourray/ Vous saller. » 97 Éd : veulent 98 Complication. 99 En avant ! À l’attaque ! 100 Emprunt à la farce : « Despouillez-vous ! » 101 Emprunt à la farce : « Assez bien nous nous sallerons. » 102 Éd : tendent (Et qu’ils vous rendent leurs hommages conjugaux trop modestement.) 103 En ce qui me concerne. 104 Est nu, exposé à l’air. 105 Éd : uos (Le « n » est à l’envers.) Même quand nous allons aux toilettes. 106 Éd : prests (Ils sont juste derrière nous.) 107 Emprunt à la farce : « Sallez, suivant vostre manière,/ La mienne devant et derrière. » 108 Leur verge. « La créature/ Se venoit assoir à ses piéz/ Pour luy eschauffer la nature. » Guillaume Coquillart. 109 Éd : Cel (On jetait du sel sur la queue d’un oiseau pour l’empêcher de s’envoler. Nos dames prêtent-elles la même « vertu singulière » au sel qu’elles jettent sur la queue de leur mari ?) 110 Éd : de (Trop respectueux, trop platonique.) 111 Emprunt à la farce : « Que nous soyons doresnavant/ Plus aigres. » 112 Nous nous sommes détournés de ce que nous aurions dû faire. 113 Les époux ne sont visiblement pas guéris du radotage courtois : « Le commencement/ De vostre ingrat service est la fin de la vie. » Constant désir de mourir d’Amour pour sa Dame. 114 Éd : vice Ains pour 115 Mais. 116 Puisque donc vous préférez la rigueur.
LES COPPIEURS ET LARDEURS
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LES COPPIEURS
ET LARDEURS
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Comme le Roy des Sotz et les Vigilles Triboullet, cette sottie est de Triboulet, qui la signe au vers 298. Surtout connu pour avoir été le bouffon de René d’Anjou, Triboulet fut également comédien, chef de troupe, et auteur dramatique1. La sottie date à peu près de 1462. Au cours de la même représentation et dans le même décor2, les mêmes acteurs jouèrent les Sotz qui corrigent le Magnificat.
Source : Recueil Trepperel, nº 8. Les fautes sont innombrables.
Structure : Ballade, aabaab/ccdccd, lai [strophes 3 et 4 en « arbre fourchu »], abab/bcbc, rimes plates, triolet (E. Droz n’a pas vu qu’il s’agit d’un triolet : elle en a supprimé 4 vers).
Cette édition : Cliquer sur Préface. (Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.) J’emprunte beaucoup à l’édition de Thierry Martin3 pour l’établissement du texte, et un peu à celle d’Eugénie Droz4 pour les notes.
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Sotie nouvelle très-excellente des
Coppieurs et Lardeurs
qui sont copiéz et farcéz
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À cinq personnages 5, c’est assavoir :
MALOSTRU 6 LE COPPIEUR
NYVELET 7 LE LARDEUR
TESTE CREUSE 8
SOTIN 9
L’ESCUMEUR DE LATIN 10
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MALOSTRU LE COPPIEUR 11 commence
Quel temps court-il12, là, soubz voz marche[s] ? SCÈNE I
NYVELET LE LARDEUR
Il y a tousjours ung fer qui loche13.
MALOSTRU
Où fait-il bon ?
NYVELET
Où ? Dessoubz les arches14,
Il fait bon estre tourne-broche.
MALOSTRU
5 De quoy sers-tu ?
NYVELET
Je mectz en coche15
Mes lardons.
MALOSTRU
Tu ne t’y fains mye16 !
NYVELET
Et toy, Malostru17 ?
MALOSTRU
Je coppie18.
NYVELET
[Tu] coppie ?
MALOSTRU
Pour parolle ronde19,
Je coppie cy Dieu et le monde.
NYVELET
10 Affin que mieulx mon mestier sçaiches,
Je larde chascun,…
MA[LO]STRU
Sans reproche,
Je coppie tout.
NYVELET
…Veaulx et vaches.
MALOSTRU
Trèstout passe par une broche ?
NYVELET
Mes gros lardons partout je broche.
15 Et toy ?
MALOSTRU
Les fais d’aultruy espie20.
NYVELET
[Tu] espie ?
MALOSTRU
Ne le croys-tu mie ?
NYVELET
Fais tu d’aultruy ?
MALOSTRU
C’est où je me fonde :
Je coppie cy Dieu et le monde.
NYVELET
Vive qui pla[n]cte21 !
MALOSTRU
Quelz attaches22 !
NIVELET
20 Vive qui bruit23 !
MALOSTRU
Quel espinoche24 !
NYVELET
Fy de villains !
MALOSTRU
Quelles desmarches !
NYVELET
Parle, cler25.
MALOSTRU
Comme eau[e]26 de roche.
NYVELET
Il n’est pas boiteux, qui ne cloche27.
Qu’en dis-tu ?
MALOSTRU
J’en requiers coppie.
NYVELET
25 Es-tu coppieur ?
MALOSTRU
Quoy qu’on die.
De coppie[r] tiens table ronde :
Je coppie ci Dieu et le monde.
NYVELET
Qui28 sera morveulx, qu’il le die.
Je larde tousjours.
MALOSTRU
Je coppie.
NIVELET
30 C’est ma vocacion parfonde29.
MALOSTRU
Je coppie cy Dieu et le monde.
NIVELET 30
Pour larder lard en larderie31
— Tant qu’en lardant le lard[é], rie32 —
Je larde lardons bien lardéz33.
MALOSTRU
35 Et pour coppier en coppie34
(Coppieur coppiant), coppie
Les coppieux bien coppiéz35.
NIVELET
Quant lardeurs ung larderay lardent36,
De lard l’ardissent37 et [le] lardent ;
40 Lard enlardissent38 en lourdoys.
MALOSTRU
Quant coppistres39 coppians couppent
— Leurs coppes coppiars sincopent40 —,
Coppiés coppient en coquoys41.
NYVELET
Et ! par mon lardant lardement42,
45 Larderé lardons lourdement43,
Tant que lardars s’en larderont44.
MALOSTRU
Par mon [coppiant] copiement
(Où coppieuse coppie45 ment),
Enco(r) pis coppies copperont46.
NYVELET
50 Les lardans lardars,
Lardéz de leurs dars47,
Larderont leurs ars48.
En l’art de larder
Lardeusement lars,
55 Ont quinze et leurs ars49 !
Plus que les malards50
On doibt raffarder51.
MALOSTRU
Je coppie et couppe
Coppieuse coulpe52.
60 Mon coupperet53 couppe
Coppieusement
Ce qu’au54 pié on couppe.
Coup à coup descouppe55,
Et le cou56 recouppe
65 Par mon couppement.
NYVELET
Lardez lardons ! De lard lardé57,
Je lardé lard en[t]relardé.
Je lardé
Lard lardoux ainsi lardatif.
70 De lardouères je suis lardé58 :
Le lourd lardant en est lardé,
Raffardé59.
De telz lardons suis lardatif.
MALOSTRU
Quant coppieux coupperont coupes60,
75 Coppiars coppieront leurs coulpes61,
Que tu couppes62.
Mes coppis coppiers je coppie.
Je fais coppiantes simcoppes63.
Les coppes64 couppes et recouppes,
80 Apocoppes65.
En coppiant, dis enco(r) : « Pie66 ! »
NYVELET
Chascun, par noz ars67 si nouveaulx,
Sera lardé et coppié68.
MALOSTRU
Je coppiray mains cocardeaulx69.
NYVELET
85 Maint lardon sera desployé.
MALOSTRU
Il sera trop bien employé !
NYVELET
C’est le vray.
MALOSTRU
Aussi le doibt-on.
NYVELET
Puis, quant on a bien follié…70
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TESTE CREUSE SCÈNE II
Qui est céans ? Hau !! Que dit-on ?
90 Où dyable sont mes compaignons ?
MALOSTRU 71
Que vendez-vous livre d’ognons ?
TESTE CREUSE
Livre et demie.
NIVELET
C’est bon pris72.
MALOSTRU
Ho ! ho !
NIVELET
Les plus rouges73 y sont prins.
MALOSTRU
(Je le voys74 coppier de près.)
TESTE CREUSE
95 Pour ung Jeu nouveau tout fin frès75,
Ne76 sçauroit-on avoir mémoire ?
MALOSTRU
(Avant, ung lardon !)
NIVELET
Venez boire77.
MALOSTRU
Il est aultre part occuppé78.
NYVELET
Veu qu’il est patté79 et huppé80,
100 Il deveroit estre privé81.
MALOSTRU
(Quel lardon pour faire cyvé !)
NYVELET
C’est bien coppié sur le vif.
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TESTE CREUSE 82 SCÈNE III
Je suis terriblement pensif
Que je ne voy icy personne.
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SOTIN, en chantant SCÈNE IV
105 Par où m’en iray-je ? 83
TESTE CREUSE
Ho !!
SOTIN
Qui tonne84 ?
TESTE CREUSE
106 [Cesse ce chant !]85
SOTIN, en chantant
Mâchez 86…
TESTE CREUSE
Houp ! [Rien !]
SOTIN [en chantant]
107 [Mâchez] estront, estront [de chien 87] !
TESTE CREUSE
108 [Cesse ce chant, et] mot [ne sonne88] !
SOTIN
109 Vécy ung terrible crestien89 !
TESTE CREUSE
110 Ha ! ha !
SOTIN
B ! b !
TESTE CREUSE
Se t(u) y…
SOTIN
Et ! rien, rien !
TESTE CREUSE
111 Haye !
SOTIN
Haye !
TESTE CREUSE
Ilz sont ychy90.
SOTIN
Et bien ?
TESTE CREUSE
112 Pousse91 !
SOTIN
Hen !
TESTE CREUSE
Dieux ! [tant faire !]
SOTIN
Tant dire !
TESTE CREUSE
113 Hé bon !
SOTIN
C’est [ung] droit ancien.
TESTE CREUSE
114 Y ! y ! y ! y ! y !
SOTIN
Vécy bien pour rire92 !
TESTE CREUSE
115 Bref !
SOTIN
Hardy !
TESTE CREUSE
[Et ! c’est…]93
SOTIN
[ Quoy, messire ?
TESTE CREUSE
116 C’est… c’est… c’est…
SOTIN ]
Dieu vous aid94, beau sire !
TESTE CREUSE
117 C’est…
SOTIN
Tout ung.
TESTE CREUSE
Tencé ?
SOTIN
Tencé.
TESTE CREUSE
[ Las !
SOTIN
118 ………….
TESTE CREUSE ]
Homp ! homp !
SOTIN
Comment ?
TESTE CREUSE
Bas !
SOTIN
119 Ha ! sang bieu ! Laisse-moy, pardine95 !
TESTE CREUSE
120 Mais… Mais, mais…
SOTIN, en chantant
Estront, estront, las las las,
121 Mâchez, mâchez, dea !
TESTE CREUSE
Dea ! dea ! dea !
SOTIN
Mais tant de fatras !
TESTE CREUSE
122 On a96…
SOTIN
Dy que c’est.
TESTE CREUSE
Or devine.97
SOTIN, en chantant
123 Ce n’est que ruse, la pappine.98
TESTE CREUSE
124 Le grant Dea…
SOTIN, en chantant
Faictes bonne mine,
125 Et ne riez point [comme un fol] !
TESTE CREUSE
126 …ble te puisse rompre le col !
SOTIN
127 [Et !] Qu’i a-il ?
TESTE CREUSE
Par sainct…
SOTIN
Quoy ?
TESTE CREUSE
…Pol !
128 Tu réveilles le « chat99 » qui dort !
SOTIN
129 Qu’esse à dire ?
TESTE CREUSE
Tel rid qui mord100…
SOTIN 101
130 Esse tout ?
TESTE CREUSE
C’est tout, voirement.
SOTIN
Ne sçau[r]oyes-tu…
TESTE CREUSE
Nenny, vrayement.
SOTIN
Pour si peu, doibt plutost respondre :
En chantant :
Faictes-le tondre, tondre, tondre,
Faictes-le tondre, il est trop grant !
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MALOSTRU SCÈNE V
135 Par saint Jehan, vélà trèsbeau chant !
NYVELET
Voire, mais qu’il fust bien hersé102.
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SOTIN SCÈNE VI
C’est103 l’art de foller renversé104.
TESTE CREUSE
[Ne] scès-tu rien de bon qu’on face ?
[SOTIN]
Se j’avoys quelque vieille Farce,
140 Par le sang bieu, nous la jourion.
TESTE CREUSE 105
Regardons bien106 que nous diron :
Vélà ne sçay quelz appliquans107
Qui pourroi[e]nt estre répliquans,
Se nous disons rien108 de travers.
SOTIN 109
145 Je voy là des livres ouvers ;
Sçaichons se les congnoissons point.
.
TESTE CREUSE SCÈNE VII
Dieu gard les gallans !
MALOSTRU
Et vous doint
À ung chascun cent mile escus !
NYVELLET
(Ilz [s’yroient tost]110 rendre reclus
150 Ou111 cordeliers de l’Observance.)
SOTIN
N’avez-vous point céans la Dance
De Macabré par parsonnaiges112 ?
MALOSTRU
Vous meslez-vous de telz ouvraiges ?
TESTE CREUSE
Aultre foys, m’en suis desmenté113.
NYVELET 114
155 Je sçay juste vostre santé.
Vous me semblez ung dorelot
Sade, faictis115, propre et mignot :
Ung droit petit dimenchereau116 !
TESTE CREUSE
Se vous avez rien117 de nouveau,
160 Pour Dieu, que point on ne le celle.
MALOSTRU 118
J’ay la Basse dance 119 nouvelle.
SOTIN
Et vous ?
NYVELET
J’ay ce120 rosty boully.
[TESTE CREUSE] 121
En viendrez-vous bien au [fai]t ?
NIVELET
Luy-
Voyez seullement les tallons122 !
SOTIN
165 Allons-m’en !
TESTE CREUSE
Ilz n’ont rien.
SOTIN
Allons !
TESTE CREUSE
Vous n’avez point chose qui monte123 ?
MALOSTRU
Si ay, mais vous n’en tenez compte.
TESTE CREUSE
J’entens assez bien jobelin124.
MALOSTRU
J’ay la Farce 125 de Patelin,
170 Poitrasse, et le Pouvre Jouhan.
SOTIN
Ilz sont trop vieilles, mésouen126 ;
Ce n’est pas [là] ce qu’il nous fault.
MALOSTRU
Voullez-vous farce d’eschauffault127 ?
TESTE CREUSE
Non128.
MALOSTRU
Farce de nopces129 ?
SOTIN
Jamais !
MALOSTRU
175 Ou de collièges130 ?
TESTE CREUSE
Pour tous metz,
Nous demandons farce de bande131.
MALOSTRU
Vostre cause trèsbien s’amende :
La Fillerie 132 est bonne farce.
SOTIN
Nous n’en voullons point de si grasse !
MALOSTRU
180 J’ay la Farce des trois Coquins 133.
TESTE CREUSE
Ce sont ouvrages trop badins.
Nous demandons Jeux plus nouveaux.
MALOSTRU
Ha ! j’ay la Farce des Oyseaulx 134 :
Esse chose de bien ?
[SOTIN
C’est basme !
MALOSTRU] 135
185 Vous en jourez trèsbien la femme :
Vous avez le corps tant faictifz136,
Les yeulx rians, le nez traitifz137 ;
Il semble que vous soyez fard[é]e.
NYVELET
Qu’el soit coppi[é]e !
MALOSTRU
Mais lardée !
[TESTE CREUSE] 138
190 Et moy, quoy ?
NIVELET
Tenez-vous illec139…
Vous jouriez bien le Jaune Bec140.
Ou au besoing, la Damoiselle,
Aussi doulcet q’une pucelle.
MALOSTRU
(Voire, ou comme ung meurtrier de boys141.)
TESTE CREUSE
195 J’ay ung petit trop grosse voix142.
MALOSTRU
Ne la sçauriez-vous ung peu faindre ?
On ne sçauroit au monde paindre
Plus beau visage de val(le)ton143.
NYVELET
La belle foussette au menton,
200 Les yeulx verds,
MALOSTRU
Petite bouchette,
[NYVELET]
Et la manière tant doulcette,
MALOSTRU
Les joes vermeilles,
NYVELET
Le nez tortu144.
MALOSTRU
(Larde, Nyvelet !)
NIVELET
(Malostru,
Coppie !)
SOTIN
Et moy, [quoy145], par-derrière ?
NIVELET
205 Vous jouriez bien la bachelière146.
SOTIN
Ay-je point trop larges espolles ?
MALOSTRU
Aussi droit, par Dieu, comme gaulles !
NYVELET
Quarray comme une belle fluste147 !
TESTE CREUSE
Semblé-je ung amoureux ?
MALOSTRU
[Tout] juste148.
NIVELET
210 Voire amoureux de Portingal149.
MALOSTRU
(Quel lardon !)
NYVELET
Il n’a150 rien de mal.
TESTE CREUSE 151
Cheminé-je point bonne alleure ?
MALOSTRU
Tout beau, la terre n’est pas seure !
SOTIN
Et moy ?
NYVELET
(Qu’il me soit coppié !)
MALOSTRU
215 À veoir seullement vostre pié,
Je vous jugeroys pour tout seur
Estre ung trèshabille152 danceur.
NYVELET
Danceur ? Par mon seigneur sainct Pierre !
Il yroit sur patins de voirre153,
220 Tant marche mignon le pavé.
MALOSTRU
(Oncques vieil poullain destravé154
Ne tumba cul155 par-dessus teste,
Comme feroit la povre beste156,
S’il oyoit sonner ung bedon157.)
NYVELET
225 Quel Allemant !
MALOSTRU
[Mais] quel godon158 !
NYVELET
Cr(oy)ez qu’il est vaillant quant il tonne159.
TESTE CREUSE
Que vous semble de ma personne ?
MALOSTRU
Ung petit seigneur, sur mon âme !
SOTIN 160
Qu’esse-là ?
NYVELET
[Ne vous chault : c’est basme.]161
SOTIN 162
230 Rouge raige163 !
MALOSTRU 164
(Est-il coppié !)
NYVELET
Hélas, qu’il est bien appuyé165
[De lardons ! Ne s’en peult cacher166.]
MALOSTRU
Il ne peult mieulx sans trébucher167.
SOTIN
Ne moy.
TESTE CREUSE
Qu’esse qu(e) escripvez cy ?
MALOSTRU
Je coppie les fais d’aultruy.
SOTIN
235 En estes-vous si fort engrans168 ?
MALOSTRU
Il y a, par Dieu, bien deux ans
Que je ne cesse de coppier.
TESTE CREUSE
Pas n’y voullons tant employer,
Il nous cousteroit trop d’argent.
MALOSTRU
240 C’est le mestier de mainte gent
Que de coppier.
SOTIN
Et vous, là,
Que faictes-vous ?
NYVELET
[Que je fais ? Dea !
Pour le gallant qui ne s’en garde,
Je m’esbatz, je raille, je larde,]169
245 Je sers de[s] lardons et brocards :
C’est ce que fault ad ces coquars
Qui veullent trencher du gros bis170.
TESTE CREUSE
Çà, çà ! Proficiat vobis 171 !
Vous n’avez point bien nostre sorte.
.
MALOSTRU SCÈNE VIII
250 Pour garder quelque vieille porte172,
Avons173 raillons à plaine bouche,
NYVELET
Tout fin près d’aultruy174 mettre en broche,
Mieulx lardé qu’oncques fut connyn175.
MALOSTRU
Quel glorieulx sot !
NYVELET
Quel jényn176 !
255 Est-il coppié ?
MALOSTRU
Dieu le scet !
Et de lardons ?
NYVELET
Ouy, plus de sept :
Aussi bien garny que de bourre177.
MALOSTRU
Ilz ne cherront point pour escourre178.
NYVELET
Point ne s’en guectent179 les gallans.
.
SOTIN SCÈNE IX
260 Ha ! saincte sang bieu, quelz chalans180 !
TEST[E] CREUSE
Comment ?
SOTIN
Il181 y pert, par-derrière.
TESTE CREUSE
Qu’esse ?
SOTIN
J’entens bien la manière :
Pour neant n’est-on plus182 regardé.
TESTE CREUSE
La cause ?
SOTIN
Ilz [t’]ont au vif lardé.
TESTE CREUSE
265 Lardé ?
SOTIN
Voire, lardé.
TESTE CREUSE
De quoy ?
SOTIN
De lard.
TESTE CREUSE
C’est bien dit, par ma foy !
Lardé ?
SOTIN
Lardé de tous costéz.
TESTE CREUSE
Lardé, dea, lardé ?
SOTIN
N’en doubtez ;
De grans183 lardons gros et espais.
270 Et moy ?
TESTE CREUSE
Par le sang bieu ! tu l’es.
Tenez : quelz lardons !
SOTIN
Pour certain ?
TESTE CREUSE
Taste, boute[s] icy la main…
SOTIN
Ilz nous ont lardéz jusqu(es) au vif.
TESTE CREUSE
Quel remède ?
SOTIN
Je suis pensif.
TESTE CREUSE
275 Voyoyes-tu point qu’on te lardoit ?
SOTIN
Mais toy-mesmes qu’on coppioit ?
TESTE CREUSE
Coppieurs sont-ilz en usaige ?
SOTIN
Lardeurs jouent[-ilz] leur parsonnaige184 ?
TESTE CREUSE
Coppie-on maintenant le monde ?
SOTIN
280 Lardeurs tien[n]ent-ilz table ronde ?
TESTE CREUSE
Sommes-nous ainsi coppiéz ?
SOTIN
Lardeurs nous ont-ilz espyéz ?
TESTE CREUSE
En coppiant, on se jouoit.
SOTIN
En lardant, hume-on son brouet185 ?
TESTE CREUSE
285 Que copieurs fussent si fins !
SOTIN
Que lardeurs eussent telz engins186 !
TESTE CREUSE
M’a-t-on coppié si à coup187 ?
SOTIN
M’a-on lardé tout à ung coup ?
TESTE CREUSE
Lequel l’est le plus, de nous deux ?
SOTIN
290 Ha ! je changeray, se tu veulx.
TESTE CREUSE
Tu l’es le plus.
SOTIN
Sauf vostre grâce.
TESTE CREUSE
Je ne sçay quel maigre ne quel grasse188 :
Je suis aussi gras q’ung huillier.
SOTIN
On m’a bien gardé au [moins d’huiller]189 ;
295 Tu es engressay daventaige.
TESTE CREUSE
N’esse pas grant despit ?
SOTIN
Mais raige !
TESTE CREUSE
Je cuidoyes faire ung190 bon varlet.
SOTIN
Où sont les Sotz de Triboulet,
Pour nous venger de cest erreur ?
TESTE CREUSE
300 Il fault avoir son Escumeur
De latin, s’on le peut trouver.
SOTIN
Par ce point, pourrons recouvrer
Nostre honneur.
TESTE CREUSE
Fais-moy bonne myne,
Et va sçavoir en la cuisine191
305 S’on en peust finer nullement192.
SOTIN
G’y voys193.
.
TESTE CREUSE SCÈNE X
Lardéz si vivement !
Lardéz de lardons si quarréz,
Gros lardons qui vous sont ferréz194 !
Lardéz sans s’en appercevoir !
310 Les lardeurs font bien leur devoir.
Sommes-nous lardéz de tel lard ?
.
SOTIN 195 SCÈNE XI
Il fault que nous apprenez l’art
De la cuisine, s’il vous plaist.
TESTE CREUSE
Mon seigneur, vous voyez que c’est196 :
315 Nous sommes lardéz tout à plain.
Tenez : j’ay le dos tout fin plain
De lardons poignans et agus197.
L’ESCUMEUR DE LATIN
Je veux relai[n]quer voz argus198,
Ce n’est pas moderne négoce199.
320 D’où pulule ce paradoce
D’incommodité tant varie200 ?
SOTIN
Je ne sçay, par saincte Marie !
En parlant à ces deux coquars,
Nous ont donné tant de brocquars
325 Et de lardons de tous costéz,
Sans que nous en soyons doubtéz !
Il y fault pourvoir, quoy qu’on face.
L’ESCUMEUR DE LATIN
Je conseille, moy, qu’on les farce201.
SOTIN
Qu’on les farce par quel(le) façon ?
[L’ESCUMEUR DE LATIN] 202
330 Ainsi que l’on farce ung cochon.
Qui le peust faire scet203 assez.
SOTIN
Les coppieurs seront farcéz.
TESTE CREUSE
Et les lardeurs tout pesle-mesle.
SOTIN
C’est une science nouvelle.
TESTE CREUSE
335 Il fait bon vivre et rien sçavoir204.
On apprent tousjours.
SOTIN
Tu dis voir205.
Mais de la manière, quel[z] pars206 ?
L’ESCUMEUR DE LATIN
Cavons de remaner207 dispars,
Et immictez bien mes vestiges208 ;
340 Et nous involviron noz liges209
Pour les dissipper210 [tout] subit.
TESTE CREUSE
À grant-peine sçay-je qu’il dit.
SOTIN
J’entens ung petit211 son patoys.
TESTE CREUSE
Mais où prendre212 herbes, touteffois,
345 Pour ceste farce composer ?
SOTIN
Il fault des choses d’ung chosier213,
Et d’aultres choses ung grant tas.
L’ESCUMEUR DE LATIN
Pour élucider214 vostre cas
Sans magna ambiguïtaté215,
350 J’ay icy une humidité216,
Ung saulpiquet et une salse217
(Laquelle se fait voquer218 « farce »)
Pour [farcer ygnares]219 sociéz.
TESTE CREUSE
Pour certain ?
L’ESCUMEUR DE LATIN
N’en soyez dubiéz220 :
355 On en a farcy maint cochon.
TESTE CREUSE
J’en prise beaucoup la façon.
SOTIN
Allons noz coppieurs farcer !
TESTE CREUSE
Allons noz lardeurs renverser !
L’ESCUMEUR
Pergez221 prieurs.
SOTIN
Qu’esse qu’il dit ?
TESTE CREUSE
360 Prieurs ? En portons-nous l’abit ?
L’ESCUMEUR
Ambulez222 !
SOTIN
Faisons bonne myne.
TESTE CREUSE
Vécy de la farce aussi fine
Que l’en sçauroit jamais finer223.
.
L’ESCUMEUR SCÈNE XII
Pour le nostre effect dés[i]gner224,
365 Bonna dïès 225 !
MALOSTRU
Et vous aussi !
NYVELET
Quel Vaspasien226 esse-cy ?
Il le fault coppier.
MALOSTRU
Trop bien.
SOTIN
Puisque vous sçavez le moyen
De coppier ainsi partout,
370 Ne sçavez-vous venir à bout
De nous coppier ce gallant ?
[ TESTE CREUSE
Qu’il soit coppié maintenant ! ]227
MALOSTRU
Comment ! est-il borgne d’ung œil228 ?
Il semble qu(e) ouy, dont j’ay grant dueil ;
375 Ou s’il contrefait cy le lousche ?
SOTIN
Quant vous luy ferez229 cy la bouche,
Faictes-la de bonne mesure.
MALOSTRU
Ne vous chault, la besongne est seure.
TESTE CREUSE
Et les joes aussi, regardez,
380 Sur ce point que bien entendez,
De les luy faire si enflées230.
SOTIN
Ces231 choses-cy soient eslevées !
MALOSTRU
Sang bieu, que vous estes hâtif !
NIVELET
Coppiay sera sur le vif.
TESTE CREUSE
385 Il a plus large fronc que vous232.
MALOSTRU
Je le vous feray à deux coups.
SOTIN
Et si, a cecy plus quarray233.
MALOSTRU
Ne vous en chaille, g’y asserray
La pourtraicture234 droictement.
L’ESCUMEUR DE LATIN 235
390 Maculez-les festinement236
Au brodié de la coquine237 !
NIVELET
Il fait une terrible mine !
TESTE CREUSE
Il porte ung terrible visaige !
MALOSTRU 238
Regardez-moy cy son ymaige :
395 Est-il coppié proprement ?
Vélà son menton droictement,
Vélà son nez aussi poinctu,
Vélà son front aussi nervu,
Vélà ses sourcilz aussi noirs,
400 Et vélà ses yeulx aussi vers.
On ne sçauroit myeux coppier.
L’ESCUMEUR DE LATIN 239
Pergez ! Il nous fault revier240,
Et fréquenter le domicille241.
Et formide242 fort et vacille
405 Que l’eure ne soit prétérite243.
TESTE CREUSE
Puisque la chose est si subite,
À Dieu, seigneurs !
NYVELET
À Dieu, chaslans !
.
MALOSTRU SCÈNE XIII
Ilz sont coppiéz, les gallans.
NYVELET
C’est le cas.
MALOSTRU
Il est tout notoire.
NYVELET
410 Qui t’a fait la face si noire ?
MALOSTRU
Mais qui t’a ainsi barboullié ?
NYVELET
Bénédicité !
MALOSTRU
Saint Grégoire !
NYVELET
Qui t’a fait la face si noire ?
MALOSTRU
Tu te mocques !
NYVELET
Encores, [voire,]
415 Onc(ques) homme ne fut mieulx soullié.
MALOSTRU
Qui t’a fait la face si noire ?
NYVELET
Mais qui t’a ainsi barboullié ?
MALOSTRU
C’est bien dit !
NYVELET
C’est bien gargoull[i]é244 !
MALOSTRU
Mais me cuides-tu faire paistre ?
NYVELET
420 On [m’]a jouay ung tour de maistre.
MALOSTRU
Nous a-on telz brouetz brasséz245 ?
.
SOTIN SCÈNE XIV
Or sont les coppieurs farcéz.
TESTE CREUSE
Et les lardeurs en ont leur part.
SOTIN
Lardéz ont esté de leur lard.
TESTE CREUSE
425 C’est la fasçon.
SOTIN
C’est le s[e]tille246.
TESTE CREUSE
Or voisent coppieurs de ville247
Maintenant coppier assez !
Car ilz sont les premiers farcéz,
On le voit.
SOTIN
Et ces rauderaulx248
430 Qui contreffont [cy] les bourreaux,
Lardant249 les aultres hardiement :
Car ilz sont farcéz vivement,
Ilz ne s’en sçauroient excuser250.
.
NIVELET SCÈNE XV
T’es-tu laissay tant abuser ?
MALOSTRU
435 T’es-tu laissay tout abestir251 ?
NYVELET
Ne m’en sçavoys-tu advertir ?
MALOSTRU
Ne m’en sçavoyes-tu faire saige252 ?
NYVELET
Qui sont-ilz, ces gallans ?
MALOSTRU
Que sçay-je !
NIVELET
Au vray, nous sommes bien trompés.
MALOSTRU
440 Au vray, nous sommes attrappéz.
NYVELET
En coppiant, on te farçoit.
MALOSTRU
Et en lardant, on te lardoit.
NYVELET
C’est assez dit pour une fois.
MALOSTRU
Vous, applicquans, gentilz galloys
445 Qui coppiez Dieu et le monde :
Gardez que sur vous ne redonde253
Vostre coppiement, désormais.
NYVELET
Et vous qui lardez, pour tous metz,
De lardons poignans et faictis254 :
450 Ne soiez point si abestis
Qu’on vous larde de vostre lard.
Adieu vous dy, il est jà tard.
.
EXPLICIT
*
1 Voir Bruno Roy : Pathelin : l’hypothèse Triboulet. Paradigme, 2009. 2 Nous sommes dans la Grande Salle du château d’Angers, au bas de marches qui symbolisent le parvis d’une église. La cheminée monumentale va être utilisée, de même qu’une porte censée conduire aux cuisines. 3 TRIBOULET : la Farce de Pathelin et autres pièces homosexuelles. Bibliothèque GKC, 2011, pp. 237-306. 4 Le Recueil Trepperel. Les Sotties. Slatkine, 1974, pp. 179-183. 5 Une version postérieure – ou antérieure – comportait 6 personnages : Rossignol jouait avec les deux jeunes Sots, comme il l’affirme dans les Sotz qui corrigent le Magnificat (vers 29-38). 6 Imbécile. « Ce folz malostruz. » ATILF. 7 Imbécile. Voir la note 169 de Marchebeau et Galop. 8 « Teste creuse, ou cerveau creux : fol, fantastique, resveur. » (Antoine Oudin.) Ce jeune comédien joue le même rôle dans les Sotz qui corrigent le Magnificat. 9 Ce jeune comédien joue dans Magnificat. Beaucoup plus tard, on le retrouvera dans le Prince et les deux Sotz, dont il est probablement l’auteur. 10 En 1529, Geoffroy Tory dira de la langue française : « Il y a trois manières d’hommes qui s’esbastent & efforcent à la corrompre & difformer : ce sont Escumeurs de latin, plaisanteurs, & jargonneurs. » (Champ fleury.) Rabelais reprendra sans le nommer les exemples de Tory –avec un peu plus d’humour que lui– au chapitre 6 de Pantagruel, où un écolier limousin « escorche le latin » à bride abattue. 11 Malotru et Nivelet font connaissance. Ils ont dressé leur étal respectif au pied des marches d’une église (les parvis se prêtaient au commerce). Malotru est assis à une table couverte de livrets de théâtre, et il en copie un. Au second degré, copier = se moquer. Voir le v. 25 de Frère Frappart, ou le v. 158 de Troys Gallans et Phlipot. 12 Comment vont les affaires ? Nivelet, qui est rôtisseur, enfile des lardons sur une broche, devant la cheminée, qui tient lieu de braséro. Au second degré, larder = se moquer. Lardon = moquerie. « Quels lardons/ Pour larder ung jeune follet ! » Farce des Oyseaulx. 13 Une broche qui tourne sur le gril. 14 Sous le porche de cette église. 15 Je prépare. On attendrait « mettre en broche » ; mais la locution « mettre en coche » s’applique aux archers qui positionnent leur flèche avant de la décocher. 16 Tu ne fais pas semblant. Cf. le Ribault marié, vers 576. 17 Nivelet connaît le nom de Malotru parce qu’il est inscrit sur le côté de la table qui fait face au public. Au théâtre, le nom des personnages allégoriques était parfois écrit : voir par exemple celui de Folie, dans la Folie des Gorriers. Cette coutume vient des phylactères, ces ancêtres des bulles de bandes dessinées, qui nomment les personnages des illustrations. 18 Pour se moquer des passants, Malotru dessine leur portrait. 19 En un mot. Cf. Frère Frappart, vers 134. 20 En bon caricaturiste, Malotru espionne les faits et gestes de ses contemporains. 21 Vive celui qui plante des lardons sur une broche. Ou plutôt : celui qui pique ses victimes. Cette expression apparaît dans la Vie et Passion de monseigneur sainct Didier ; il ne faut donc pas la confondre avec « Vienne qui plante : arrive ce qu’il pourra. » Antoine Oudin. 22 Quelles attaques, quels coups de pique. Cf. Trote-menu et Mirre-loret, vers 212. 23 Celui qui est renommé. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 76. 24 L’épinoche est un poisson hérissé d’épines. 25 Les copistes sont en général des clercs. Malotru fait semblant de comprendre « clair ». Même calembour au vers 228 de Magnificat. 26 « Eau-e » compte pour 2 syllabes. « Ceste eaue distillée qui estoit clère comme eaue de roche. » Le Parangon de nouvelles. 27 Celui qui ne boite pas. 28 Que celui qui. Le proverbe exact est dans Pates-ouaintes : « Qui sera morveux,/ Si se mouche. » L’envoi de cette ballade aurait dû commencer par le mot « Prince ». 29 Profonde. 30 Les vers 32-81 sont représentatifs de la folie verbale des Sots. Ils ont un sens, mais leur débit de mitraillette produit un effet comique indépendant du sens. Inutile de dire que Trepperel n’y a rien compris. 31 Pour décocher des flèches en moquerie. 32 De sorte que je rie en raillant le raillé. 33 Je décoche des flèches bien décochées. 34 Pour railler en raillerie. 35 Railleur raillant, je raille les raillables bien raillés. Les copieux –c’est-à-dire les copiés– sont les victimes des railleurs, comme à 74. 36 Se moquent d’un niais. 37 De moqueries ils le brûlent. On barde la viande avec du lard avant de la mettre sur le feu. C’est ce qui advient à Panurge quand des Turcs veulent le faire cuire : « Les paillars Turcqs m’avoient mys en broche, tout lardé comme un connil. » (Pantagruel, 14.) 38 T : enlargissent (Ils décochent leurs moqueries.) En lourdois = grossièrement. Cf. les Vigilles Triboullet, vers 312. 39 Les copistes. Quand les moqueurs taquins piquent. 40 Les railleurs coupent le panache qui orne leur casque (note 64). 41 Ils raillent les raillés en catimini. « Que je ne m’en suis pas allé/ Avecques ma femme, en coquoys. » Chagrinas. 42 Par mes railleuses railleries. 43 T : lourdemement (Je décocherai des flèches fortement.) 44 Tellement que même les railleurs en seront raillés. 45 T : coppies (Où ment une abondante raillerie.) 46 Mes moqueries piqueront encore plus. 47 Les raillants railleurs, équipés de leur flèche. 48 En muniront leurs arcs. 49 Ils sont vainqueurs. Cf. l’expression « avoir 15 et ses as » : « Je luy donne quinze et ses ars,/ S’il emporte le beau du jeu. » ATILF. 50 Les canards. (Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 211.) Le canard, avec son coin-coin nasillard, a l’air de se moquer. 51 On doit les brocarder. (Idem vers 72.) « Larder,/ Mocquer, despriser, raffarder. » ATILF. 52 Je raille et je déchire un grand péché. Cf. « battre sa coulpe ». Idem vers 75. 53 T : coupperent 54 T : quen (qui détruit la paronomase qu’au pied / copié.) Couper au pied = fouler aux pieds. 55 T : destouppe (Je lacère.) 56 T : coup 57 Muni de moqueries. Ce distique annonce André de La Vigne : « Car pour larder on vous donne lardon./ Lardez donc bien, ou vous serez lardée,/ Et de gras lart si bien entre-lardée,/ Qu’en bien lardant porterez le guydon. » 58 Je suis muni de lardoires (de piques). 59 Moqué (note 51). 60 Quand les raillés briseront leurs coupes. 61 Les railleurs railleront leur faute. 62 Que tu lacères. 63 De moqueuses coupures. Au v. 42, on syncope [on coupe] le panache des victimes. 64 T : coppies (La coppe, ou la coupe, est l’ornement du cimier d’un casque. « [Il] prit ledit Anglois par la coupe de son bassinet. » ATILF.) 65 T : a pou couppes (Apocoper = abréger. Aux vers 49 et 81, « encore » subit l’apocope du « e », puis l’amuïssement du « r ».) 66 Les archers faisaient des concours consistant à mettre leur flèche dans une pie en bois. Le gagnant devenait « roi de la pie ». Celui qui pensait avoir mis dans le blanc disait « pie ! ». Sous forme de proverbe, cette expression est toujours négative : ce n’est pas parce qu’on disait « pie ! » qu’on devenait automatiquement roi de la pie. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 129 et note. 67 Nos arts, nos procédés. 68 T : couppie 69 Crétins. Cf. le Vendeur de livres, vers 115. 70 T ajoute dessous : Je coppie beurre rire se dit on 71 Il fait semblant de croire que ce jeune braillard est un crieur d’oignons. 72 Prix. Une livre d’oignons coûte beaucoup moins cher que la somme d’une livre et demie : « Je vens oignons et eschallotte !/ Mes acquestz y sont si petis ! » Les Cent et sept cris que l’on crie journellement à Paris. 73 Malins. « Que les plus roges y sont pris. » Farce des Oyseaulx. 74 T : voyes (Je vais le brocarder.) 75 Pour jouer une comédie récente. 76 T : Nen 77 Le vin était censé développer la mémoire. « Il n’eust eu ne sens ne mémoire,/ S’il n’eust eu chascun coup à boire. » Vigilles Triboullet. 78 Il est préoccupé, il pense à autre chose. 79 T : pacte (Se dit d’un pigeon qui a de hautes pattes. « Nul ne peut nourrir pigeons patéz et non patéz dedans la ville de Melun. » Godefroy.) 80 Ses cheveux coiffés à la dernière mode ressemblent à la huppe d’une aigrette. On lui proposera plus loin de jouer dans la farce des Oyseaulx, où l’on peut lire : « –Tu as maints jaunes-becs trompés,/ Despuis vingt ans ? –Des plus huppés. » 81 Apprivoisé, comme les oiseaux de proie qu’on utilise pour la chasse. « Mais quant il viendra quelque oyseau/ Soit privé, saulvage ou bocaige. » Farce des Oyseaulx. 82 Il s’éloigne, à la recherche de ses amis les Sots. 83 « Dicte-moy, bergère,/ Par où passerai-ge/ Et par où m’en irai-ge. » On connaît ce poème tel qu’il a été mis en musique au XVIe siècle par Josquin Des Prés ou Pierre de La Rue. Apparemment, un compositeur du XVe siècle l’avait déjà utilisé. H. M. Brown (nº 75) signale une chanson franco-italienne du XIVe siècle : « Per ont m’en iroye, ma douse dame,/ Se aler m’en voldroie ? » 84 Qui fait ce boucan ? Tête Creuse vient encore de pousser un hurlement. 85 T : Se cecech (Correction de Jean-Claude Aubailly : le Monologue, le dialogue et la sottie, p. 262.) La joute verbale de Sotin et Tête Creuse rappelle un peu celle des hérauts Sotin et Coquasse, dans le Tournoi de Chauvency, de Jacques Bretel, en 1285. 86 T : ma chere (« –Étron ! –Mâche ! » est l’équivalent de l’actuel « –Merde ! –Mange ! » Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 285. Cette chanson non identifiée continue aux vers 120-121.) Toute cette scène, en fort mauvais état, est nettement scatologique. Pour Thierry Martin, les deux garçons jouent à touche-pipi. 87 Encore un grand classique de l’imprécation : « Un gros vilain estron de chien/ Luy puisse estouper les babines ! » Le Tesmoing. 88 Ne dis plus un mot ! « Je me tais, mot ne sonne. » Pour porter les présens. 89 T : homme (Chrétien = individu.) 90 T : y chy y y (Prononciation picarde de « ici ». Jeu de mots sur « i(l) chie ».) 91 T : Pouffe (Le « s » gothique est semblable au « f ».) Nous sommes toujours dans le registre scatologique. 92 Il y a bien de quoi rire ! 93 T : Esceust 94 On récitait cette formule aux roteurs, aux éternueurs, et en l’occurrence aux bègues, pour les encourager à finir leur phrase. 95 T : pardu (Pardine, comme pardienne, est une atténuation de « par Dieu ». Voir le Glossaire des patois et des parlers de l’Anjou, II, 84.) 96 J’ai. Tête Creuse cache quelque chose dans sa main. D’après T. Martin, il s’agit de son pénis. 97 T ajoute dessous : Sen que cest 98 Chanson inconnue. En revanche, l’imprécation qui commence au vers suivant et se conclut à 126 est courante : « Le col luy puisse ung grant diable casser ! » Le Vergier d’Honneur. 99 Mon pénis. « C’est un petit manchon fourré/ Où nostre chat se jouë. » (La Muse folastre.) Même vers dans Magnificat, vers 15 et 24. 100 Celui qui montre ses dents risque de mordre. « Les chiens si mordent en riant. » Estourdi et Coquillart, T 2. 101 Il découvre le petit objet que Tête Creuse cachait dans sa main. 102 À condition qu’il soit bien labouré. (Cf. Frère Guillebert, vers 139.) Jeu de mots sur chant et champ. (Cf. Ung jeune Moyne, vers 248.) 103 T : Esse 104 T : renuerser (L’art de folâtrer à la renverse. « À la renverse/ Vous l’avez sus son lict jectée. » Le Poulier.) 105 Petit à petit, les deux jeunes se sont rapprochés des stands de Malotru et Nivelet. 106 Prenons bien garde à ce. 107 Gaillards. Idem vers 444. Cf. la Réformeresse, vers 131. 108 Quelque chose. 109 Il se dirige vers la table du copiste. 110 T : se yroient tantost 111 Aux. Ils entreraient aussitôt dans les Ordres, au lieu de profiter de leurs écus. 112 « Je fis de Macabré la Dance. » (Jehan Le Fèvre.) « Ilz ont joué la Danse Maquabré et plusieurs farses devant mondit seigneur. » (Paris, 1451. Michel Rousse, Archives et documents datés, p. 55.) Attiré par le genre funèbre, Triboulet fit le mort dans ses Vigilles, et il composa un débat où il dialogue avec la Mort. 113 J’en étais fou. Cf. les Gens nouveaulx, vers 2. 114 Pendant toute cette scène, il va discrètement coller des lardons dans le dos des jeunes gens. Brusquet, le fou d’Henri II, fit une pareille blague au maréchal Strozzi : « Brusquet luy larda quasy tout son manteau de ces lardons par-derrière, sans qu’il s’en advisast. » Brantôme. 115 Un minet charmant et bien fait. Cf. le Dorellot aux femmes. 116 Un vrai endimanché. Cf. Magnificat, vers 128. Les deux adultes se raillent de la coquetterie des jouvenceaux. 117 Quelque chose : une pièce de théâtre récente que nous pourrions jouer (vers 139-140). 118 Pendant toute cette scène, il va copier sur une feuille de parchemin la physionomie des garçons. 119 La partition d’une danse chantée. Second degré sexuel : « Mon “flajollet” ne vault plus riens…./ La basse danse doulce et tendre/ Est hors de mon commandement. » Jehan Molinet. 120 T : ee (Ce rôti bouilli : n’oublions pas que Nivelet est rôtisseur. Droz signale cependant la musique d’un Rôty boully joyeulx dans le ms. des Basses danses de la bibliothèque de Bourgogne.) 121 T : malostru 122 Regardez ses talons, vous en conclurez que c’est un danseur. « Une basse dance au talon. » (Rabelais.) Voir les vers 215-217. 123 Une pièce qui a du succès. Les adultes font semblant de comprendre : une chose qui bande. « Dieu luy doinct chose qui se dresse ! » (Frère Phillebert.) Le registre de la moquerie est souvent priapique. Ainsi, un lardon désigne également un pénis : « Dedans sa lèche-fritte j’ay trempé mon lardon. » (Chansons folastres.) 124 T : bobelin (Le jobelin est le double langage des trompeurs. « Les hoirs [héritiers] de deffung Pathelin,/ Qui savez jargon jobelin. » <Les Repues franches.> Selon T. Martin, ce jargon développe un double sens homosexuel qui parasite les 3 pièces nommées aux vers suivants.) 125 T : force (« Et commença dire la Farce / De Pathelin et de Poitrasse. » Vigilles Triboullet.) Pathelin et le Povre Jouhan existent encore, mais la farce scatologique de Poitrasse est perdue. 126 Désormais. Ces trois pièces datent des années 1450-1457. 127 Qu’on joue à l’extérieur sur un échafaud, sur un tréteau. 128 T : Nenny 129 Une farce grivoise qu’on joue à l’occasion d’un mariage, comme la Présentation des joyaux, ou le Sermon pour une nopce. 130 Une farce jouée par des collégiens dans leur établissement, comme les Sotz escornéz, la Résurrection Jénin à Paulme, ou les Premiers gardonnéz. 131 Jouée par une troupe professionnelle, comme c’était le cas des pièces de Triboulet. 132 Les fileries sont des veillées au cours desquelles les fileuses dévident leur fuseau et leurs potins. (Cf. les Évangiles des Quenouilles.) « Et les farces des amoureux,/ Comme la Filerie. » Vigilles. 133 Mendiants. Cette pièce est perdue, et les tentatives d’identification qu’on a proposées ne sont pas cohérentes. 134 Dans cette sottie qu’on appelle également la Pippée, les Sots sont couverts de plumes. La Femme du v. 185 (ou la Damoiselle du v. 192) est Plaisant Follie. Malotru et Nivelet joueront Bruyt d’Amours et Cuider, deux trompeurs qui plument les oiseaux. 135 T : malostre / Cest banlme (C’est du baume : c’est parfait. Cf. Vigilles, vers 22.) 136 Si bien fait (vers 157). On continue à féminiser les adolescents. De ce point de vue, notre pièce n’est pas sans rapport avec les Sotz fourréz de malice. 137 Bien dessiné. Effectivement, Plaisant Follie a « ung nez mignot assez tratis ». Les Oyseaulx. 138 T : Sotin 139 Là, sans bouger. 140 Le blanc-bec qui se fait plumer par Plaisant Follie. 141 Un brigand qui attaque les voyageurs sur les chemins forestiers. « Quelz brigans de boys/ Pour despescher ung bon marchant ! » Actes des Apostres. 142 J’ai la voix un peu trop grave. 143 De page. 144 Tordu, aquilin. 145 Quel sera mon rôle ? Je comble cette petite lacune d’après le vers 190. 146 T : chamberiere (Plaisant Follie est une jeune fille, pas une chambrière. « À elle et à ses bachelières. » Villon.) 147 La gaule du vers précédent inspire à Nivelet un nouveau dérapage sexuel. Quarré = érigé : « Il portoit le plus beau membre, le plus gros et le plus quarré qui fust. » (Cent Nouvelles nouvelles.) La flûte désigne le pénis : « En quel temps est ung con plus joyeux ? Quant il a la fleute au bec. » (Demandes joyeuses en forme de quolibet.) 148 Très exactement. Sous-entendu : à peine. 149 Un sodomite. Jeu de mots sur la porte [l’anus]. « Environ portingal, c’est-à-dire environ les portes des fesses. » (Parangon de Nouvelles honnestes & délectables.) « Portugal, c’est-à-dire les portes des fesses. (Tiel Ulespiegle.) En 1581, Montaigne évoquera, dans son Journal de voyage en Italie, « certains Portuguais » qui, à Rome, « s’espousoient masle à masle à la messe, aveq mesmes sérimonies que nous faisons nos mariages (…), & puis couchoient & habitoient ensamble ». 150 T : n ya 151 Il fait quelques mètres en se dandinant. 152 Très habile 153 Il pourrait marcher avec des semelles en verre. « Et quant par les rues yroit,/ Il marcheroit si bellement/ Qu’on cuideroit tout bonnement/ Qu’il ne touchast du pied en terre,/ Et qu’il eust des patins de voirre. » Les Femmes qui plantent leurs maris. 154 Désentravé : qui n’est pas attaché. 155 T : c nl 156 Comme le ferait ce pauvre idiot. 157 Un tambour, dont le bruit, lors des parades militaires, faisait cabrer les chevaux mal tenus. 158 Surnom des Anglais, qui juraient par God. « Ces paillars godons d’Angleterre. » (Godefroy.) Les soudards allemands et britanniques étaient connus pour leur rustrerie. 159 Qu’il est courageux quand il y a un coup de tonnerre. Second degré scatologique : Il est vaillant quand il pète. 160 Il s’aperçoit que Tête Creuse a le dos couvert de lardons. 161 T : Baulme (V. note 135.) 162 T : malostru 163 Cri de colère. Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 262. 164 T : nyuelet 165 Étayé. « La mine (…) est en mauvais estat, et mal apuyée de boys. » ATILF. 166 Il ne peut pas le nier. J’ai reconstitué ce vers perdu. 167 Il ne peut en porter davantage sans trébucher sous leur poids. 168 Désireux. 169 T : Pour le gallant que fais dea / Qui ne sen garde / Je mesbatz / Je raille / Je larde 170 Qui veulent faire les importants. Cf. le Testament Pathelin, vers 372. 171 Que cela vous soit profitable. De cette formule de bienvenue, les garçons font une formule d’adieu : ils s’éloignent. 172 La nuit, des bourgeois armés gardaient les portes des villes fortifiées. 173 T : Ilz ont (Les raillons sont des traits d’arbalète ; l’archer les tient entre ses dents parce qu’il a besoin de ses deux mains pour tendre le guindal. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 92.) Les raillons sont également des traits d’esprit qu’on décoche aux nigauds. 174 T : de 175 Que ne le fut jamais un lapin. Ou le sexe d’une femme : « [Re]gardez se l’atellier est net,/ Devant que larder le connin. » Frère Guillebert. 176 Idiot. Cf. le Prince et les deux Sotz, vers 174. 177 Second degré sexuel : de sperme. « Mais de la bourre d’ung couillart. » Les Femmes qui font renbourer leur bas. 178 Ces lardons ne tomberont pas, même si on les secoue. 179 Ne se méfient. 180 Compagnons. Idem vers 407. Cf. Magnificat, vers 354 et 362. 181 T : ilz (Cela apparaît, du verbe paroir. « Il y pert bien à vo[tre] fasson. » Les Oyseaulx.) Ça se voit quand on regarde ton dos. 182 T : puls (Nous ne sommes plus considérés. « Niant » compte pour 1 syllabe.) 183 T : gros 184 Jouent-ils leur rôle de trompeur. Mais aussi : font-ils des farces aux gens. Cf. le Monde qu’on faict paistre, vers 122. 185 Boit-on son bouillon : s’engraisse-t-on. Cf. le Testament Pathelin, vers 133. 186 De telles ruses. Sotin commet involontairement un double sens sexuel. 187 Si brusquement. 188 Calembour grâce / grasse. 189 T : moint de huiller (On ne m’a pas enduit avec de l’huile, comme le gibier qu’on va rôtir.) 190 T : du (Tête Creuse devait jouer le rôle de Jaune Bec, le valleton du vers 198.) 191 L’Écumeur est cuisinier ; il s’exprime donc en latin de cuisine. D’ailleurs, l’adjectif « macaronique » se rapporte à un confectionneur de macaronis. 192 Si on peut l’avoir. 193 J’y vais. Sotin sort par la porte qui mène aux cuisines du château. 194 T : serrez 195 Il revient, accompagné de l’Écumeur de latin qui, en guise de marotte, brandit une écumoire pour écumer le latin. 196 Ce que c’est. 197 Piquants et aigus. 198 Laisser de côté vos discussions. « De relinquer l’opime pour le maigre. » Épistre du Lymosin de Pantagruel. 199 Une affaire d’actualité. 200 D’où provient ce conflit de préjudices si contradictoires ? 201 Qu’on les farcisse. Au second degré, farcer = se moquer (Vigilles, vers 72). Une farce est une moquerie : « Il ne passe si grosse garsse/ Qui n’èt son lardon ou sa farse. » Les Oyseaulx. 202 T : teste creuse 203 T : cest (Sait.) 204 En sachant quelque chose. Ce proverbe existe avec une négation : « Il fait bon vivre & ne rien sçavoir, on apprend tousjours quelque chose. » Antoine Oudin. 205 Tu dis vrai. 206 Quel parti prendre. 207 T : ramonner (Ce mot n’est aucunement latin. Remanere = rester : ce verbe a donné l’ancien verbe remanoir.) Prenons garde à ne pas rester séparés. 208 Suivez mes traces : faites comme moi. 209 Nous roulerons nos sujets. 210 Les disperser, les mettre en fuite. 211 Un peu. 212 T : prins (La farce contient des herbes : dans celle des œufs farcis, Taillevent met « sauge, marjolayne, poulieul [pouliot], mente et toutes aultres bonnes herbes ».) 213 « Il y a bien des choses en un chosier…. Un chosier : mot fait à plaisir ; comme qui diroit, un arbre qui produit des choses. » Antoine Oudin. 214 T : clucider (Pour éclairer votre cas.) 215 T : ambignite (Sans grande ambiguïté.) 216 Un liquide. L’Écumeur donne aux jeunes Sots deux bocaux contenant un liquide noir. 217 Une sauce piquante et une sauce. « Faictes-vous saulpiquet, ou saulce ? » Le Cousturier et le Badin. 218 Appeler. En fait, ce n’est pas de la farce, mais une sauce noire destinée à « farcer », à salir la figure des deux moqueurs. Dans Mahuet, un plaisantin veut noircir le visage d’un jeune naïf : « Croyez qu’il sera bien farsé ! » 219 T : forces ygnores (Pour nous moquer des pédants ignorants.) Cf. Mymy, vers 7 et note. 220 N’en doutez pas. Dessous, T ajoute en vedette : Sotin 221 T : Pargez (Pergere = aller. Idem vers 402.) Allez-y les premiers. 222 Avancez ! 223 Qu’on puisse trouver. 224 Pour vous déclarer notre but. 225 Bonjour. Cf. les Sotz triumphans, vers 202. 226 Quel olibrius. Cf. les Sotz triumphans, vers 165. 227 T : malostru / Ouy bien / Testecreuse / Trestout maintenant / Quil soit coppie 228 L’Écumeur ferme un œil. Il modifie sans arrêt sa physionomie pour ne pas être « copié » facilement. 229 Dessinerez. Pendant que l’Écumeur étire ses lèvres, Sotin touche celles de Malotru et y dépose discrètement de la sauce noire. 230 L’Écumeur gonfle ses joues, et Tête Creuse noircit celles de Nivelet. 231 T : Cest (L’Écumeur hausse les sourcils ; Sotin met du noir sur ceux de Malotru.) 232 Tête Creuse noircit le front de Nivelet. 233 Sotin noircit le menton de Malotru. 234 Je fixerai son portrait. 235 Il parle aux deux Sots. 236 T : festiuement (Rapidement.) 237 Au cul <Gaudisseur, v. 15> du pot <Lacurne, IV 260>. Ce pot, qui mijotait pendant des heures dans la cheminée, avait toujours le cul tapissé d’une couche de suie. 238 Il montre son portrait de l’Écumeur, qui est fort peu ressemblant, et qui pourrait bien faire de Malotru l’inventeur du cubisme. 239 Aux deux Sots. 240 T : renier (Une fois de plus, l’imprimeur a mis le « u » à l’envers.) Reviare = revenir en arrière. Voir le Glossarium de Du Cange. 241 Et rentrer chez nous. 242 T : sormide (Formidare = craindre.) 243 Je crains fort et je tremble que l’heure ne soit passée. 244 Gargouillé, bredouillé. « Comment il guergouille ! » Pathelin. 245 Nous a-t-on trompés à ce point. Cf. le Povre Jouhan, vers 193. 246 Le style. « Car je ne sçay pas le setille. » Les Oyseaulx. 247 Que ces moqueurs de bas étage aillent… 248 Ces plaisantins. 249 T : Lardent 250 Ils ne pourraient le nier. 251 Rendre bête. 252 Ne pouvais-tu me rendre prudent ? Un Sage est le contraire d’un Fol, dont Malotru est un beau spécimen. 253 Ne rejaillisse. 254 Des flèches piquantes et bien tournées.