SERMON POUR UN BANQUET
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SERMON POUR
UN BANQUET
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On ignore comment s’intitulait ce sermon joyeux ; son premier vers inspira au copiste du manuscrit un titre par défaut, Sermon d’un cartier de mouton, titre qu’il a d’ailleurs omis de noter dans la table des pièces. Jelle Koopmans1 l’a rebaptisé Sermon d’un cardier de mouton ; or, il n’y a jamais eu de cardiers de moutons : nous ne connaissons que les cardeurs de laine, et je ne sache pas qu’ils soient comestibles, contrairement aux quartiers de moutons. (Voir par exemple le Sermon de sainct Belin, qui narre les transformations culinaires d’un mouton tué par un boucher.) Notre sermon fut prêché au cours d’un banquet <vers 25> : je l’intitule donc Sermon pour un banquet, sur le modèle du Sermon pour une nopce, qui agrémenta un repas de mariage.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 5.
Structure : Rimes plates, rimes abab/cdcd.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Sermon d’un
cartier de mouton
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Au non d’un cartier de mouton
(Pour faire branler le menton2),
D’un[e] andouille à la cheminée3,
D’un hastelet4, d’une eschinée,
5 D’un bon pot de vin de Bourgongne
(Pour refaire, à tous, rouge5 trongne),
D’une brioche de deulx soublz6 :
Soyez-vous bénis et a[b]soublz !
Sy vous avez vos apétis,
10 [O vos omnes]7 qui soupatis :
[Prio vos quod]8 escoustatis,
Ouvrant grandos horeillibus9.
Ego monstrabo lardibus10,
De bonne11 grâce, vivendy.
15 Hec verba sunt alegandy12
Devant gentibus de bene13,
Et vobis [non denegandy]14.
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Après que j’ey [fort bien]15 dîné,
Peuple qui as icy soupé,
20 En joye et consolation
Escouste la prédication
Que veult faire frère Gaultier16 !
Je ne presche poinct au moutier17,
Car je n’y treuve poinct d’aquès18 :
25 Y n’est que prescher aux banquès,
Car on n’y pert poinct son latin.
Sy j’avoye frère Alitrotin19,
Y s’en yroit fère la queste ;
Car (par ma foy) sy je n’aqueste20,
30 Je ne presche poinct de bon cœur.
Je ne suys poinct ung recepveur21,
Ny un plaignart22 en une chaire.
Je veulx qu’on me face grand chère23
Sans espargner ne [quart, ne part]24 :
35 Je suys un bon frère Frapart25,
[Bon] compaignon [et bon]26 gaultier.
Mais à nous, c’est nostre mestier
Que d’aler parmy vos maisons
Pour vous demander des toysons27
40 Quant vient entour la Madalaine28.
J’ey tant jeûné la triolaine29
Et mengé la soupe au vinaigre
Que j’en suys demouré sy mesgre
Que je n’ay vie30 un jour entier.
45 Je veulx faire un sermon plénier31
Lequel contiendra deulx parti[e]s.
Mais premier32 que soyez parti[e]s,
Femmes, vous direz sans mentir
Que ma « doctrine » est à tenir33.
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50 Et pour mon « introduction34 »,
J’ey prins pour ma fondation35 :
O vos omnes qui soupatis,
Prio vos quod escoutatis,
Ouvrant grandis horeillibus36.
55 [Ego monstrabo lardibus,]37
De bonne38 grâce, vi[v]endy.
Or çà ! Messeigneurs, je vous dy
Que je suys bon granmairïen39
Pour prescher à bon escien :
60 Car (par ma foy) je suys le maistre
De tous ceulx de nostre cloestre40.
Les autres ne sont que maroufles41 ;
Je leur faictz porter mes pantoufles
Après moy42, comme serviteurs.
65 Un tas de petis preschoteurs,
De mÿauleurs43, de pÿolars
Qui contrefont les papelars44
Afin qu’on leur donne à souper.
Et sy, ne font que papïer45
70 Comme un chien prins en une bare46.
Que deable ! ne tiennent-y care47,
Ou bien la trongne d’un carleur48 ?
Y semblent à un oyseleur
Qui [contrefaict cy]49 la pipée :
75 « Ty, ty, ta, ta50 », à l’eschappée,
Font-y quant y parlent de Dieu.
Mais quant à moy (par le sang bieu),
Je desbagoule51 du latin
Plus dru c’un petit deablotin ;
80 Je le vous trousse par [la goule]52.
Sytost qu’icy [j’en desbagoule]53,
J’en tue un chien tout royde mort !
Ce n’est poinct petit latinor54,
Ne murmuron55, ne pietarom56 ;
85 C’est : « Grandibus asinorum57
À brides rouges58, [b]arba factes59 !
Mora difamus, vocat 60 ‟rates”. »
Voylà mon latin apresté.
Je me suys longtemps aresté
90 Pour aruner61 ce beau latin,
Mais ce n’est pas un picotin62
De la disme que63 ma science ;
Vous en vouérez l’expérience
Avant qu’aiez64 faict la soupée.
95 La pouétrine65 m’est sy enflée
Du savoir qui est là-dedens
Que se je ser[r]oys trop les dens,
Y me sortiroyt par-derière
Plus espois que n’est lye de bière ;
100 Ou je crèveroys par le ventre66.
J’ey deigà vescu des ans trente,
Mais jamais je ne vis prescheurs
Sy desnués ne sy jeûneurs67
Comme sont ceulx du temps présent :
105 Personne ne faict plus présent68
Au pauvre couvent, semydieux69 !
Et vrayment, un tas de « pourdieux70 »
Gaignent plus en une journée
Qu’on71 ne faison en une année ;
110 De quoy nous sommes mal contens.
Mais d’où vient, aussy, que le temps
A esté longuement sy cher ?
Et d’où vient, aussy, que la cher72
Et les ners sont sy courïaches73 ?
115 D’où vient, aussy, que les filaches74
Sont [huy75] sy courtes, mes amys ?
Pourquoy ne prend-on plus de nis76
Comme on faisoyt au temps jadis77 ?
C’est Dieu qui l’a ainsy permys.
120 On souloyt trouver des pÿars78,
Des moyssons79 ou des cornilars,
Ou des grives80 à fricasser ;
Maintenant, allez en chercher :
Vous y serez une sepmaine !
125 Pourquoy n’ont hommes plus de graine81 ?
Pourquoy sont les noix sy véreuses ?
Pourquoy sont filles sy fâcheuses,
Et ont les yeux sy cachieux82 ?
C’est pour cause qu’on ne faict myeux83
130 À entre nos povres prédicateurs
[Qui sont de bien dire amateurs.]84
N’est-il pas dict : « [À Frapabo]85
« Donate d’un pasté86, preschabo. »
Voylà du Monde la folye.
135 Et c’est la première partye
De ma87 belle colatïon.
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Mais devant nostre départye88,
Feron recomandation89.
Nous prirons pour tous roys et princes,
140 Qu’i puissent maintenir la90 paix
En tous pays, aussy provinces,
Et que guer[r]e n’ayon jamais.
Nous prirons pour ces bons vicaires
Qui ont ces grosses chambèrières
145 Secrètement, sans qu’on le sache91 :
[Qu’ils ayent]92, pour leur faire grand[s] chères,
De l’or tout plain une besache93 !
Vous érez pour recommand[é]es94
Femmes qui boyvent leurs fis[é]es95,
150 Et maris qui bastent leurs femmes,
Et toutes gracieuses dames
Qui font fourbir leurs babinières96 ;
Vous érez97 part en leurs prières.
Nous prirons pour ces taverniers
155 Qui sont [sy souvent]98 coustumiers
À brasser le [moust du raisin]99 :
Qu’i puissent estre, en leurs séliers100,
Noyés aveques leur brassin101 !
Prions pour ces loyaux muniers
160 Que tous chascun disent larons102 :
Qu’i puissent aller tous mitrés103
En Paradis à reculons !
Prions Dieu pour ces boulengers
Qui font souvent sy104 petit pain :
165 Qu’i puissent estre tous noyés105
En l’eau où trempe leur levain !
Nous prirons, sy le cuir est cher
Et qu’i ne tienne qu’aux tenneurs106,
Qu’on les puisse tous escorcher
170 Pour vestir les Frères mineurs107 !
Pour séruriers, [mareschaus-ferrans]108,
Qui sont sur terre tempestans109,
Qui jour et nuict font des tempestes :
Qu’i se puissent, de leurs marteaux,
175 L’un à l’autre rompre les testes,
Et fussent-y tous mareschaulx !
Nous prirons pour ces bons sergens
Qui sont aussy doulx qu’éléphans :
Que Dieu les loge en un cabas
180 En ung grenier, avec les ras !
Prion Dieu pour femmes enseintes,
Qui ont esté au « vif110 » atainctes :
Que l’enfant puisse desloger
Aussy « doucement111 » qu’à l’entrer !
185 Nous prirons pour tous cousturiers
Que, de l’ouvrage qu’on leur porte,
Qu’i112 en prennent tousjours le tiers,
Ou le grand deable les emporte !
Nous prirons généralement
190 — Aussy pour moy premièrement —
Que [vous n’ayez]113 jamais patart
Que nous n’y ayons nostre part. AMEN !
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O vos omnes qui soupatis :
Prio vos quod escou[ta]tis !
195 Or çà ! J’ey grand dévotion
De donner résolution
De nostre seconde partye :
De parler j’ey intention
De l’églentier114, et d’une ortye,
200 Et d’une ronche bien pointye115,
Et d’autres argumens plusieurs :
De ceulx qui font mal aux prescheurs,
Dont Margot l’Orage116 parla.
Et d’un homme qui dévala
205 En Enfer pour [voir son]117 grand-père,
Qui le vit en grand vitupère118 :
…………………………
Là où il estoyt tout estendu.
Peu s’en fault qu’i ne fût pendu !
Et ne tenoyt qu’à un arteil119,
210 Tant seulement pour un verteil120
Qu’i dérobit, devant121 la messe,
À122 une bonne fileresse
Qui filoyt pour nostre couvent.
–Y l’est123 ? –Il a le cul au vent.
215 –Mais [à] quel vent ? –Au « vent de bise124 » :
Yl a tant honny125 sa chemise
Qu’il n’a morcel du cul entier !
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Une aultre ystoyre, d’un potier126,
Lequel je127 rencontra[y] ouen
220 Entre Caudebec128 et Rouen,
Auprès du chesne Sainct-Ytasse129.
Je luy demanday une tasse130
Ou un pot à pisser. Un rustre,
Un vilain, un méchant robustre131 !
225 Sy me va dire vylennye :
« Or allez vouèr en Savignye132,
Monsieur, pour vouèr s’on les y donne ! »
« Et ! mon amy, faict[s] ton aumosne
(Luy di-ge) au piller133 de la Foy ! »
230 « Vouécy mon cul, fique-y ton doy134
(Dit-il) ! »
« Hélas, viel apostat ! »
Et je me mais en bon estat
Pour le maudire et conjurer.
Je viens tout beau, sans séjourner135,
235 Mectre la main sur sa jument.
Je le maudis sy fermement
Que les aureilles luy pelèrent.
Pos et térines trébuchèrent :
Tout s’en va bas, paty, pata136 !
240 La povre jument avorta
Et s’en ala tout droict mourir.
Le potier s’en cuydoit fuÿr137,
Mais il n’aloyt qu’à reculons.
La gouste le138 print aux talons,
245 Et demoura tout estoqué139
Du péché qu’i s’étoyt moqué
De moy luy demandant l’omosne.
Et ! n’est-il pas dict en un prosne :
« Volaveront 140 con potibus,
250 Terinis et testetibus141,
Gousta prisys142 in talonnys,
Et jumentas143 advortatys.
Pelaveront horeillibus144,
Et restantes145 borgnatibus,
255 Et brulantes in panistrum146,
Et [cassatis posteriorum]147. »
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Or çà ! Je demande148 responce :
Asçavoir mon149, sy une ronce
Et une ortye c’est tout ung.
260 Et certes, je n’en voys pas ung
Qui sceust ceste questïon souldre150.
Je voys argüer comme fouldre151,
Tout fin seulet, les deulx party[e]s :
Ronchat piquat ; sy font152 orty[e]s.
265 L’un et l’autre piquent-y pas ?
Ergo, je conclus sur ce pas
Que c’est tout un, sans plus huer153.
Or çà ! je m’en voys argüer
Le contraire de tout cela.
270 Regardons un peu… Or, voylà :
Des ronches qui ont piquans menus ;
Et une ortye, el n’en a nus154.
Par quoy il y a différence
Bien prouvée, et grand dessemblance155
275 — Ainsy qu’i me semble — entre eux deulx.
Je prouve tout ce que je veulx :
D’une ortye, j’en fais ung houx156.
Ma foy ! je suys trop clerq157 pour vous,
Puy[s]qu’i fault que vous le déclare.
280 Or, venez çà ! Se je vous hare158
Ung chien, lequel soyt noir ou blanc,
Me voulez-vous prouver pourtant
Qu’i soyt vert ? [Et !] je le vous nye !
A, dea ! S’il avyent qu’on fournye159,
285 Et qu’i se touille160 à la farine,
N’est-il pas tout blanc ? Or devine161 !
Y n’est ne jaulne ny bigaré162 ;
Et sy, n’est ne vert, ne baré163,
Comme l’on void en ung proverbe164.
290 Item, s’y se veautrouille165 à l’erbe
Et il en demeure couvert,
Par le sang bieu, c’est un chien verd !
C’est vraye prépositïon166.
Vouélà pour la conclusion
295 De nostre dernière partye.
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Y fault faire ma départye.
Je ne veulx poinct de patenostres167 ;
Mais vous jourez de vos menotes168
Envers moy. Et vous monstrez frans !
300 Vous me donrez .VII. ou .VIII. frans,
Ou huict ou .IX. gros de Mylen169.
Dieu vous en doinct la grâce ! Amen170 !
Celuy qui n’éra jamais fin171
Vous puisse octroyer telle grâce
305 Com(me) l’écoufle172 fit au poussin
Ou le regnard à une oue grace173 !
En vous priant, bon preu vous face174 !
Toute la noble compagnye,
Prenez en gré, je vous suplye !
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FINIS
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1 Quatre sermons joyeux. Droz, 1984, pp. 67-77. 2 Pour mettre les mâchoires en mouvement. 3 Au nom d’une andouille au gril. 4 D’une viande à la broche. L’échinée est une échine de porc. 5 LV porte un mot abrégé qui rappelle vaguement : nostre (« La rouge trongne/ D’un Silène ou d’un yvrongne. » Ronsard.) 6 De 2 sous. « Brioche » est un mot normand. 7 LV : os vos onnes (Même vers que 52 et 193. Parodie des Répons des Ténèbres : « O vos omnes qui transitis. ») Ô vous tous qui soupez ! Les amateurs de latin de cuisine vont être servis… 8 LV : pre vos qui (Même vers que 53 et 194.) Je vous prie d’écouter. 9 En ouvrant grand vos oreilles. Même vers que 54. 10 Je vais vous montrer avec du lard. 11 LV : bene (Même faute au vers 56.) De bonne grâce, à vivre. 12 Ces paroles ont été alléguées. 13 Devant des gens de bien. Tout au long du sermon, le prêcheur s’adresse aux « fidèles » que constituent les invités d’un banquet. 14 LV : sont da negandy (Et à vous, elles ne sont pas refusées.) 15 LV : formy 16 Ce Cordelier lascif et gourmand est un habitué de la littérature anticléricale, et même des chansons gaillardes : « N’allez plus au boys jouer,/ Frère Gaultier,/ Avec Jehanne la moynesse. » Pour s’en tenir aux sermons joyeux qui nous sont parvenus, on le nomme dans Ung Sermon plaisant. 17 Au couvent des Cordeliers de Rouen. 18 Rien à acquérir, à gagner. Les convives des banquets sont beaucoup plus généreux que les paroissiens, qui sont encore à jeun lorsqu’ils entendent la messe matinale. 19 C’est le clerc de frère Gautier, de même que dam Phlipot est celui du prédicateur du Sermon joyeux des quatre vens, ou que frère Jean est le clerc et l’âme damnée du Cordelier frère Frappart. Son nom désigne un de ces moines mendiants qui trottent par les rues. Les dames qui ne sont jamais chez elles disent qu’elles vont « prier saint Trottin » ; voir la note 80 de Tout-ménage. Alitrotin évoque l’exécuteur des basses œuvres Alibraquin : « Argent, qui en a ? » Les Tyrans au bordeau. 20 Si je n’acquiers pas d’argent. À la fin du sermon, le comédien fait effectivement la quête. On pourrait à la rigueur conserver la graphie du ms. : sy je naqueste [si j’accomplis une besogne qui ne rapporte rien]. « Un qui tout temps nacquète/ Ne s’enrichist jamais, et de grands biens n’acqueste. » Godefroy. 21 Un percepteur. 22 Les curés se plaignent toujours que leurs ouailles ne leur versent pas la dîme, le denier du culte. 23 LV : chaire (« Partout grant chère on me faisoit. » La Résurrection Jénin à Paulme.) 24 LV : fric ne fraq (Cette expression existe, mais ici, elle ne rime pas.) Sans rien épargner. « Il n’aura plus ny quart, ny part. » Poncette et l’Amoureux transy. 25 Un Cordelier débauché. Voir la notice de Frère Frappart. 26 LV : de frere (Frère Gautier est le nom du prêcheur.) Un bon compagnon et un bon gautier sont de joyeux drilles : « À moy n’est que honneur et gloire d’estre dict et réputé bon gaultier et bon compaignon. » Gargantua, prologue. 27 Des peaux de moutons avec leur laine. 28 Quand on approche de la Sainte-Madeleine, le 22 juillet. À cette date, on achète la laine nouvelle. « Me cousta, à la Magdalaine,/ Huit blans, par mon serment, la laine. » (Farce de Pathelin.) Voir la note de Jelle Koopmans, p. 96. 29 Trois jours de suite. « No[us] fera juner la triolaine. » La Muse normande. 30 LV : bien (Que je ne vivrai pas un jour entier. « Deux jours entiers en vie ne sera. » Octovien de Saint-Gelais.) 31 LV : entier (À la rime. Le sens est identique : un sermon en trois points.) 32 Avant. « Premier qu’il partent hors d’icy. » Le Cousturier et le Badin. 33 Est digne d’être suivie. Clin d’œil réservé aux femmes : Que ma verge est digne d’être tenue. « Socrate (…) lui insinuait sa doctrine par l’anus. » Le député cinique. 34 Nouveau clin d’œil aux dames : « Qu’on nous donne/ Ung petit [un peu] d’introduction ! » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 35 J’ai pris pour thème. Ce theume a déjà été exposé aux vers 10-14. 36 LV : horilibus (Voir le vers 12. Je corrige la même graphie divergente à 253. Le comédien parle à des gens du peuple : son intérêt est d’être compris quand il écorche du faux latin.) 37 Je vais vous montrer avec du lard. LV oublie cette reprise du vers 13, indispensable pour la rime. 38 LV : bene (Note 11.) 39 Rhétoricien, maître en éloquence sacrée. On prononçait grammairïan. 40 Je suis le plus fort de notre cloître, de notre monastère. 41 Que des hommes grossiers. 42 À ma suite. 43 De geignards (normandisme). « Piaulard : Pleurnicheur. » Louis Du Bois, Glossaire du patois normand. 44 Qui jouent les bigots. « Des gros moynes soûlars/ Qui contrefont des papelars. » Les Veaux. 45 Et même, ils ne font que pépier, balbutier. Cf. le Testament Pathelin, vers 172. 46 Derrière une barrière, une clôture. 47 N’ont-ils pas une solide carrure, une forte corpulence. 48 D’un carreleur de chaussures, d’un savetier. « Mestier de carleur. » (Godefroy.) Si l’on en croit les farces, le vin colore souvent la trogne des savetiers. Voir le vers 6. 49 LV : contrefacent (La pipée est une tactique de chasse où l’oiseleur imite le cri des passereaux pour les attirer. Voir la notice de la Pippée.) 50 Pépiements produits par l’appeau d’un oiseleur. À l’échappée = à la dérobée : « À l’eschappée,/ Voulissons faire une pippée. » La Pippée. 51 Je dégueule. Idem vers 81. 52 LV : goules (Par la gueule, normandisme. « Il nous fault eschauffer/ Par la goulle. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) 53 LV : desbagoules 54 LV : latinot (Du petit latin.) 55 LV : mirmyron (Prononciation à la française de murmurum. En bon latin, on dit simplement murmur.) 56 LV : pietrarom (Des paroles de piété.) 57 LV : grafitorum (Grands ânes. Festum asinorum = la Fête des ânes.) 58 LV : rogaste (Les ânes à bride rouge sont les prêtres tenus en laisse par des cardinaux. « C’est belle chose d’ouÿr braire/ Ung asne qui a rouge bride. » Les Menus propos.) 59 LV : frites (Ayez la barbe faite, rasez-vous ! Un clerc doit être imberbe. « Clerici qui comam & barbam nutriunt…. Nulla de barba facta mentione. » J. de Chevanes.) 60 LV : vacat (Les diffamés de mœurs, on les appelle des « rats ».) Les tonsurés sont des « ras », des rasés ; leur propension à ronger tout ce qu’ils trouvent les fit traiter de rats : « Les ‟ratz” ont fait à Dieu promesse/ Que jamais, sans ouÿr la messe,/ Ilz ne mengeront nulz fromages. » Les Rapporteurs. 61 Pour mettre en ordre. « Plusieurs mos arunés. » Le Monde qu’on faict paistre. 62 Une quantité négligeable. Le picotin est un pourcentage d’avoine qu’on verse pour l’impôt de la dîme. 63 LV : de 64 LV : qu ies (Avant que vous n’ayez fini votre souper.) 65 LV : poueterine (Ma poitrine. « C’est au cœur et à la pouétrine. » Frère Phillebert.) 56 Maistre Jehan Jénin, lui aussi, est tellement plein de science qu’on se demande pourquoi il « n’a crevé parmy sa boudine ». 67 LV : hydeurs (Si affamés. « Car à présent sommes juneurs :/ Le pauvre monde n’a plus croix [argent]. » Regrets et complaintes des gosiers altéréz.) Dénué = qui vit dans le dénuement ; cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 276. 68 De présents, de cadeaux. 69 Si m’aid Dieu : que Dieu m’assiste ! Cf. le Chauldronnier, vers 112. 70 De mendiants qui demandent l’aumône en prétendant que ce qu’on leur donne est « pour Dieu ». « C’est belle osmosne, sans doubtance,/ Donner pour Dieu aux souffretteux. » Frère Guillebert. 71 Que nous. Cette tournure est normande : « On ne la voullons poinct. » Troys Pèlerins et Malice. 72 La chair, la viande. 73 Coriaces. La chuintante est normande, comme à la rime. 74 La filasse, la laine autour de la quenouille. « Elle ne se soucie de tirer avec le fuzeau la fillace d’une quenouille. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 75 Aujourd’hui. « Ilz sont huy si parfont [profondément]. » (Éloy d’Amerval.) Dans les ménages pauvres, les femmes vendent leur ouvrage : « Si n’estoit que je file, (…)/ Vous mourriez de fain. » Calbain. 76 On prenait des oisillons dans les nids pour les manger. 77 Ce n’est plus le jeune prêcheur de trente ans (vers 101) qui parle, c’est l’auteur ; et il est aussi nostalgique que le vieillard réactionnaire du Tesmoing : « Comme on faisoyt au temps passé. » 78 On avait l’habitude d’y trouver de petites pies. « Vo sçavez bien coume y veut finement [par traîtrise]/ Mes petits piars avèr injustement. » La Muse normande : Le grand prochèz meu por un nid de pie. 79 LV : moysons (Des moineaux, normandisme. Cf. la Pippée, vers 94.) Les cornillards sont les petits de la corneille. 80 LV : tripes 81 De sperme. 82 Chassieux (normandisme). C’est un signe d’alcoolisme : « Sorcière de vin humeresse,/ Chassieuse ! » La Laitière. 83 Qu’on ne donne pas plus d’argent. 84 Vers manquant. « Des prescheurs/ Qui sont de mal dire amateurs. » Le Jeu du capifol. 85 LV : en cracabo (Un Frappabo est un frère Frappart. « Voécy deulx frères Frapabos. » Les Brus.) 86 LV ajoute : a frater (Au frère Frappart donnez un pâté et je prêcherai. Jeu de mots sur « pâté » et « Pater ».) 87 LV : nostre (Collation = sermon : cf. le Pardonneur, vers 145.) 88 Avant notre départ. Idem vers 296. 89 Nous recommanderons à Dieu ceux qui en ont besoin, grâce à nos prières. 90 LV : en 91 Beaucoup de religieux se contentent d’amours ancillaires, plus discrètes que les autres. « Le vicaire/ Eut fait tout ce qu’il vouloit faire/ De sa chambrière. » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) La sottie des Veaux dénonce les moines lubriques : « En derière [en secret],/ Ilz ont la grosse chambèrière,/ Laquelle y ‟senglent” jour et nuict. » 92 LV : qui lest 93 La besace est la sacoche des Frères mendiants. Chuintante normande : « De Frère portant la besache. » Les Brus. 94 Dieu, vous aurez en recommandation. 95 Les femmes qui se soûlent avec l’argent qu’elles gagnent en filant leur quenouille. Fisée = fusée, quantité de fil enroulée autour d’un fuseau : « Ce fust assez, en quinze jours,/ Que de filer une fisée. » Tout-ménage. 96 Leurs grandes lèvres, leur vulve. 97 Vous aurez. (Même normandisme à 148 et 303.) Elles vous consacreront une part de leurs prières. 98 LV : souuent sy 99 LV : goust du ressin (Le moût désigne le jus de raisin non fermenté : on reproche aux taverniers d’en mettre dans leur vin.) Sans grande originalité, le prêcheur s’en tient aux valeurs sûres de la satire : les hommes d’Église, les femmes, les maris, les taverniers, les meuniers, les boulangers, les tanneurs, les artisans bruyants, les sergents, les couturiers, les pauvres. 100 Dans leur cellier. 101 Leur mixture. 102 « Les meusniers, qui sont ordinairement larrons. » (Tiers Livre, 2.) « Nous prirons pour muniers, munières,/ Qui desrobent sacz par les gueulles. » Sermon joyeux des quatre vens. 103 Certains condamnés marchaient au supplice coiffés d’une mitre en papier sur laquelle était écrit le motif de leur condamnation. 104 LV : ce (Ils diminuaient la taille du pain, mais pas son prix. En désespoir de cause, on en faisait des chansons : « Je me plains fort des boulengiers,/ Qui font si petit pain. » Le Savetier Audin.) 105 LV : noyers (Voir le vers 158.) 106 Et que ce soit la faute des tanneurs. 107 L’ordre des Frères mineurs, ou Franciscains, auquel appartient notre Cordelier. « Deux vitz de prescheurs,/ Et deux grans de Frères mineurs. » Le Tournoy amoureux. 108 LV : et meschaus (Forgerons.) 109 Qui font un bruit de tempête avec leur marteau. On ne dira jamais assez à quel point la rue médiévale était bruyante. Boileau reprendra les mêmes termes au siècle suivant : « Un affreux serrurier, que le Ciel en courroux/ A fait, pour mes péchéz, trop voisin de chez nous,/ Avec un fer maudit qu’à grand bruit il appreste,/ De cent coups de marteau me va fendre la teste. » Satire VI. 110 Par un vit (même prononciation). « Entre deux jambes, le vif amble [trotte] ;/ Entre deux fesses, le vif tremble. » (Joyeusetéz, XI.) Ce sermon offre beaucoup d’analogies avec celui des Quatre vens : « Nous prirons pour femmes enceintes,/ Que quant viendra à enfanter,/ Que leurs fruictz sortent sans contraintes. » 111 Calembour de sages-femmes sur d’ossements. La mère d’une nouvelle mariée dit à son gendre : « ‟Mon amy, traittez-la doucement !” Vrament il le faisoit : il luy bailloit des oussements. Ainsi la traittoit-il d’oussements. Ainsi les sages-femmes l’entendent, quand elles disent aux premières groisses [grossesses] des autres : ‟Consolez-vous, m’amie ; il en sortira plus doucement qu’il n’y est entré.” » Béroalde de Verville. 112 Qu’ils. Idem vers 140, 157, 161, etc. Sur l’étoffe fournie par le client, les couturiers prélevaient discrètement une « bannière » ; cf. le Cousturier et le Badin, vers 16-21. Le prêcheur autorise donc les couturiers à poursuivre leurs exactions. De même, l’Abbé des Conards de Rouen n’interdisait ces abus qu’aux couturiers honnêtes : « Nous voulons que cousturiers,/ S’ilz ne sont fins [rusés] ouvriers,/ Ne pourront faire bannière. » Triomphes de l’Abbaye des Conards, 1542. 113 LV : tous nayons (Que vous n’ayez jamais une pièce de monnaie sans…) 114 Il ne sera plus question de ce rosier sauvage plein d’épines. 115 LV : քtye (Pointue. « Tétins poinctifz. » Frère Guillebert.) Ronche = ronce. Idem vers 264 et 271. 116 Peut-être un personnage de théâtre, comme Margot la Bénigne. Nota : Le tableau de Brueghel l’Ancien que nous appelons « Margot l’Enragée » a pour véritable nom Dulle Griet. 117 LV : voier (Jénin à Paulme, quant à lui, a vu en enfer sa grand-mère : « Je viens de veoir ma grande toye. ») 118 En grande honte. Jelle Koopmans suppose dessous une lacune de 2 vers, mais elle est beaucoup plus longue. 119 LV : rateuil (Orteil. « L’arteil du pié. » Jehan Lemaire de Belges.) Cela ne tenait qu’à un doigt de pied, qu’à un cheveu. 120 LV : vreteuil (À cause d’un anneau de fuseau. « De beaulx verteilz, quenouilles et fuseaulx. » Les Ditz de maistre Aliborum.) 121 Avant ; idem vers 137. On pouvait aller dans un couvent pour écouter la messe. « Je le vy l’autre jour, vrayment,/ Au moustier, en oyant la messe. » Le Dorellot. 122 LV : en (À une fileuse, une dame patronnesse qui vend ses ouvrages au profit du couvent.) 123 Il l’est, pendu ? L’acteur s’adonne à l’exercice préféré des comédiens, qui consiste à jouer deux personnages en même temps ; voir la notice d’Ung Fol changant divers propos. 124 Le vent de bise est un pet, en l’occurrence foireux, à cause de la peur d’être pendu. « Je sens icy du vent de bise ! » Trote-menu et Mirre-loret. 125 Sali, encrotté. 126 LV : postier (Voir le vers 242.) 127 LV : y (Ouan = cette année.) 128 Caudebec-en-Caux, dans l’actuelle Seine-Maritime. 129 Le chêne millénaire d’Allouville, près de Saint-Eustache-la-Forêt, non loin de Caudebec. En tant que reliquaire, il attirait des pèlerins et donc des marchands. 130 Le moine mendiant demande au potier de lui donner une de ses chopes en argile. Cf. le Sermon joyeux de bien boire, vers 195 et note. 131 Robuste, grossier. 132 À Savigny, dans l’actuel département de la Manche. L’acteur se livre à un nouveau dialogue, où le potier parle avec un fort accent normand. 133 Au pilier, au représentant. 134 Fiches-y ton doigt. Les gens mal élevés disent « ton nez » : cf. le Médecin qui guarist, vers 307. 135 Sans tarder. 136 Patatras ! Le potier dégringole de sa jument, ainsi que les poteries. Le potier de Cautelleux, Barat et le Villain, plus pauvre, ne possède qu’un âne ; mais on lui brise également sa marchandise. 137 Voulait s’enfuir. 138 LV : la (La goutte le prit.) 139 Il resta pétrifié à cause… « Ô cueurs en constance estocquiéz ! » ATILF. 140 Volaverunt = ils se sont envolés. Comprendre : ils ont effectué un vol plané, ils sont tombés de la jument. 141 LV : tetestibus (Testet = tesson de poterie. Test = pot de chambre : « Je pisserai/ Au test et ferai mon orine. » Lacurne.) Ils se sont écrasés au sol avec leurs pots, leurs terrines et leurs urinaux. Ce pastiche de l’Apocalypse traduit les vers 237-245. 142 LV : primys (La goutte s’étant prise à leurs talons. Voir le vers 244.) 143 LV : jumenton (Et leurs juments ayant avorté.) 144 LV : horilibus (Voir le vers 12.) Leurs oreilles ont pelé. 145 LV : testantes (Et ils sont restés borgnes.) Par distraction, le copiste va reproduire les vers 243-257 au début du feuillet suivant. La 2e fois, il a mieux lu son ms. de base, puisqu’il a noté ici borgnatibus, qu’il avait d’abord transcrit brigantibus. Cela démontre une fois de plus le peu de confiance qu’on peut accorder à ce copiste. 146 Et ils ont brûlé dans un four à pain. 147 LV : casatis postanerum (Et leur postérieur a été cassé.) Ces trois dernières punitions du Ciel ne figurent pas dans le texte français qui précède : il y manque peut-être des vers. 148 LV ajoute : une question / sy on me veult faire 149 Je cherche à savoir. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 21. 150 Résoudre. 151 Je vais argumenter, aussi vite que la foudre. 152 Aussi le font : les orties piquent aussi. 153 Vociférer, disputer. 154 Elle n’a nulle épine. 155 LV : aparence (Dissemblance. « Entr’eus, dessemblance n’avoit. » Godefroy.) 156 Les feuilles du houx sont piquantes. 157 Trop savant. Il est vrai que les clercs étaient imbattables en matière d’enfumage rhétorique. 158 Si j’appelle un chien. « Ses chiens hue et hare. » ATILF. 159 Fournier = mettre le pain au four : cf. le Cuvier, vers 107. La pâte, saupoudrée de farine, est salissante. 160 Que le chien se souille. Cf. le Gentil homme et Naudet, vers 226. 161 LV : deuigne (Devine donc ! C’est la conclusion dont les enfants ponctuent leurs devinettes. « –Dy que c’est ! –Or devine. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 162 Ni multicolore. 163 « BARRÉ : Tacheté, rayé. ‟C’est un chien barré…. Il a des taches noires sur un fond fauve.” » Dictionnaire du patois normand en usage dans le département de l’Eure. 164 « Je m’en riroye comme ung chien vert. » (Les Cris de Paris.) Voir le vers 292. 165 LV : vuautrouile (Si le chien se vautre dans l’herbe verte. « Un chien reprent aleine à se veautrouiller par terre. » Godefroy.) 166 LV : preposision (C’est une supposition exacte.) 167 Spectateurs, ne récitez pas de Pater noster pour moi. 168 Vos petites mains fouilleront dans votre bourse. 169 « Gros de Millan, appeléz testars [testons]. » Ordonnances des Roys de France. 170 Ce mot, prononcé à la française, rime en -an. Voir la note 160 de Régnault qui se marie. 171 Que Dieu, qui n’aura jamais de fin puisqu’il est éternel. Mais aussi : qui n’aura jamais faim. 172 Le milan, sorte d’oiseau de proie. « Il sera prins par bonne guise,/ Mieulx que poussin n’est d’une escouffle. » Le Pourpoint rétréchy. 173 Comme le renard fit à une oie grasse. « Regnars ne mengeront plus d’oyes. » (Les Rapporteurs.) Ces vœux sont tendancieux : on n’a jamais vu un milan ou un renard faire grâce à leurs proies. 174 Que cela vous fasse bon profit : Dieu vous le rendra. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 1179.