LE RETRAICT
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LE RETRAICT
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L’une des Cent Nouvelles nouvelles, que je publie en appendice, a inspiré cette farce normande. Toutefois, le dramaturge a eu le génie d’y ajouter un rôle de valet, et de le confier à l’un de ces « badins » bornés, goinfres, ivrognes et cupides qui tyrannisent leurs maîtres. Et de fait, le valet Guillot a de nombreux rapports avec les badins Janot ou Jéninot.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 54.
Structure : Rimes plates, avec 2 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse
À quatre personnages, c’est asçavoir :
LE MARY
LA FEMME
GUILLOT, [varlet]
et L’AMOUREULX [monsieur Lacoque]
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LA FEMME 1 commence SCÈNE I
Sy le myen cœur est remply d’ire ?
Las ! à bon droict je le puys dire.
J’ey bien raison de me complaindre,
Et de mon mauvais [sort] me plaindre2 :
5 Car mon mary me tient soublz las3
De grand rigueur, dont n’ay soulas4.
En luy, n’a poinct de passetemps.
Dont bien souvent mauldictz le temps,
Le jour, et l’heure de ma naissance.
10 Pensez-vous que prenne plaisance
En luy ? Non, non, je vous promais !
Sy le servirai-ge d’un mais5,
Par Dieu, dont pas il ne se doubte.
Car j’ey mys mon amytié toute
15 En un beau filz6 : voylà, je l’ayme.
Je mouray plustost à la payne
Que je ne face son désir.
J’ey espoir avec luy gésir7,
Sy mon mary s’en va aulx champs.
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GUILLOT, varlet8, en chantant : SCÈNE II
20 Hau ! les gans, bergère ! Hau ! les gans, les gans ! 9
LA FEMME
Par Dieu, voylà de très doulx chans !
Vien ç[à], Guillot !
GUILLOT
Plaist-il, Mêtresse ?
LA FEMME
Tu mes10 mon cœur en grand détresse,
Car tu n’es poinct…
GUILLOT
Je ne suys poinct ?
LA FEMME
25 Je ne t’ose dire le poinct,
Tant tu es léger du cerveau.
GUILLOT
Je ne suys pas bon maquereau :
Esse pas ce que voulez dire ?
LA FEMME
(Par mon âme ! il me faict [bien] rire.)
30 Ce n’est pas cela, malautru11 !
GUILLOT, en chantant :
Turelututu, tutu, tutu,
Turelututu, chapeau poinctu ! 12
LA FEMME
Ne chante plus, escouste-moy !
GUILLOT, en chantant :
C’est de la rousée de moy13.
LA FEMME
35 Vien çà, Guillot ! Es-tu tigneulx14 ?
Comment ! tu n’es poinct gratieulx15,
Que ne mes16 la main au bonnet.
GUILLOT, [en chantant :]
Y faict bon aymer l’oyselet 17.
Parlez-vous du bonnet de nuict ?
40 Quant je le frotes, il me cuyct ;
Y tient bien fort à mon tygnon18.
LA FEMME
Tant tu es [un] bon compaignon !
Sy je te pensoys sage et discret,
Je te diroys tout mon segret19 ;
45 Mais, par Dieu, tu n’es c’un lourdault.
GUILLOT
D’un baston rond20 comme un fer chault
Soyez[-vous] batue toulte nue !
« Lourdault21 » ?
LA FEMME
Voyre : [des]soublz la nue,
N’a poinct de plus lourdault que toy.
GUILLOT
50 Ha, ha ! « Lourdault » ?
LA FEMME
Escouste-moy !
Sy parfaire veulx mon désir,
Je te feray tant de plaisir
Qu’en toy jamais n’aura défault22.
GUILLOT
Vous m’avez apelé lourdault ;
55 Mais, par Dieu, le mot vous cuyra23 !
[LA FEMME]24
Guillot, laissons ces propos là :
Plus ne t’en fault estre mar[r]y.
Vien çà ! Tu sçays que mon mary,
Aujourd’uy, est alé aulx champs,
60 Ouïr des oysillons les chans25 ;
Pas ne doibt, ce jour, revenir.
Et mon amy doibt cy venir
Pour coucher entre mes deulx bras.
Tu auras ce que tu vouldras
65 Sy tu veulx guéter à la porte.
GUILLOT
Guéter ? Le deable donc m’emporte !
Je guèteray en bas, en hault,
Et vous m’apèlerez gros lourdault ?
Taisez-vous, c’est tout un !
LA FEMME
Guillot,
70 Sy j’ey dict quelque mauvais mot,
Pardonne-moy. Je te promais
Par la main qu’en la tienne mais26 :
Ne t’apelleray jà27 lourdault.
GUILLOT
Par Dieu ! vous fistes un lourd sault28,
75 Quant vous me dictes telle injure.
« Lourdault » ?
LA FEMME
Guillot, par Dieu j’en jure :
Je le disoys en me riant.
GUILLOT
Apelez-moy plustost Friant29.
LA FEMME
Et ! bien je te prye, au surplus :
80 Laissons cela, n’en parlons plus.
Vray est que ce mot ay lasché.
GUILLOT
Sainct n’y a30 qui n’en fust fasché,
De leur dire sy vilain nom31.
Ne m’y apelez plus !
LA FEMME
Non, non,
85 J’aymerois plus cher32 estre morte.
Guillot, va garder à la porte.
Veulx-tu, Guillot ?
GUILLOT
Et pour quoy faire ?
LA FEMME
Jésus ! n’entens-tu poinct l’afaire ?
Tant tu es un friant bémy33 !
GUILLOT
90 A ! j’entens bien : c’est vostre amy
Qui doibt venir.
LA FEMME
Ouy. Tu sourys34 ?
GUILLOT
Y vous ostera bien les sourys,
Tantost, du cul.
LA FEMME
Parle tout doulx !
GUILLOT
Or çà ! que me donnerez-vous ?
LA FEMME
95 Dy-moy en un mot : que veulx-tu ?
GUILLOT
Donnez-moy un bonnet35 poinctu,
Puys je garderay à la porte.
LA FEMME
Tien ! en voylà un de la sorte.
Es-tu content ?
GUILLOT
Par sainct Jehan, ouy !
100 Jésus, que je seray joly(s) !
LA FEMME
Sy ton maistre estoyt36, d’avanture,
Venant, ne luy fais ouverture
Sans nous advertir.
GUILLOT
Bien, bien, bien.
Y n’y viendra ny chat37, ny chien.
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L’AMOUREULX entre 38 SCÈNE III
105 Fy d’avoir, qui n’a son plaisir39 !
Fy d’or, fy d’argent ! Fy de richesse !
Hors de mon cœur toult déplaisir !
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Toult passetemps je veulx choisir,
110 Chassant de moy deuil et tristesse.
Fy d’avoir, qui n’a son plaisir !
Fy d’or, d’argent ! Fy de richesse !
Y fault aler voir ma mêtresse.
Car c’est mon plaisir et soulas.
115 C’est celle qui, de moy, tracas40
Faict évader.
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LA FEMME SCÈNE IV
Viendra poinct, las,
Celuy en qui je me conforte ?
Guillot, voys-tu rien en la porte ?
Ne voys-tu nul icy venir41 ?
GUILLOT 42
120 Deffendez-vous, car assaillir
On vous vient par cruel effort !
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L’AMOUREULX 43 SCÈNE V
Holà ! hau44 !
GUILLOT
Qui est là ? Vous buquez45 bien fort !
Quoy ? Que demandez-vous ?
L’AMOUREULX
La Dame.
GUILLOT
Monsieur, soyez sûr, par mon âme,
125 Que la Dame n’est pas céans.
L’AMOUREULX
Où est le maistre ?
GUILLOT
Il est léans46,
Là où il prépare la cuysine
Avec une sienne voysine47.
LA FEMME
Ouvre, Guillot ! Et ! tu te moque :
130 C’est mon amy monsieur Lacoque48.
Faictz-l(ay)49 entrer !
GUILLOT
Ouy, mais que je sache
Qu’il ayt quelque cas en besache50,
Aussy le vin pour le varlet51.
LA FEMME
Va, méchant ! Va, vilain ! Va, let52 !
135 Entrez, Monsieur.
GUILLOT
Quoy ? Voycy rage !
Je servyray de maquelerage53,
Et sy54, ne seray poinct payé ?
Et « Monsieur » sera apuyé
Avec Madame sur un lict
140 Où trèsbien prendra son délict55 ?
Et moy, un povre maquereau,
Feray la grue56 ainsy c’un veau ?
Non, non, je ne suys pas sy beste57 !
L’AMOUREULX
Ouvre, ouvre !
GUILLOT
Vous me rompez la teste !
145 Pensez-vous que vous laisse entrer
Sans argent en main me planter58 ?
A ! non, jamais !
L’AMOUREULX
Tien un escu.
GUILLOT 59
Sainct Jehan, voylà très bien vescu60 !
Je ne demandoys aultre chose.
LA FEMME
150 Guillot, que la porte soyt close !
Faict[z] bien le guet !
GUILLOT
Laissez-moy faire.
Monsieur, faictes-la-moy61 bien tayre :
N’avez62 garde de la fâcher.
Aportez-vous poinct à mâcher63 ?
155 Que je me sente64 du festin !
L’AMOUREULX
Acolez-moy, mon musequin65 !
Quant je vous voys, je suys transy66.
GUILLOT
Et67 mon Maistre qui n’est icy !
Mort bieu, comme il riroyt des dens !
LA FEMME
160 A ! mon Dieu amy, entrez dedens
Hardiment68 : mon mary est dehors
S’en est alé. Ne craignez fors69
Que de faire le « passe-temps70 ».
Mon mary est alé aulx chans71 ;
165 Aujourd’uy pas ne reviendra.
Par quoy, amy, il vous plaira
Coucher ensemble entre deulx dras,
Tous nus, nous tenans par les bras.
Voulez-vous poinct ?
L’AMOUREULX
Ma doulce amye,
170 Vous obéir pas ne dénye72.
[GUILLOT]
Jamais n’us sy grand fain de boyre.
[L’AMOUREULX]
Baisez-moy !
LA FEMME
Acolez-moy !
GUILLOT
Et voyre !
« Fermy[n]73, sengles-moy le mulet ! »
L’AMOUREULX
Je suys maintenant à souhaict74 ;
175 Jamais ne fus sy à mon aise.
Venez, ma mye, que je vous baise !
Tousjours serez mon doulx tétin75.
GUILLOT
Tentost aura son picotin76.
Et ! ventre bieu, où est mon Maistre ?
180 Je croy qu’i vous envoyret pestre77.
Regardez bien s’y la mordra.
L’AMOUREULX
Nul, au78 monde, tel temps n’aura
Jamais, car j’ey tout à pouvoir79
Ce c’un amoureulx doibt avoir :
185 J’ey belle amye, j’ey or, monnoye,
J’ey jeunesse, sancté et joye.
GUILLOT
Il est bien vray ; mais j’ey grand peur
Qu’i n’y ayt tantost du malheur.
L’AMOUREULX
Menger nous fault ceste bécace80.
[LA FEMME]
190 Hélas ! que j’aporte [une casse81].
GUILLOT
Puysque je suys leur maquereau,
J’en mengeray quelque morceau,
Y n’est pas possible aultrement.
L’AMOUREULX
[Boyre du bon]82 pareillement.
195 Or sus, ma mye, faisons grand chère !
Chose je n’ay, tant fust-el chère,
Qu’elle ne soyt du toult83 à vous,
Il est ainsy, ma mye. Je boys84 à vous,
À Dieu, et à la Vierge Marye !
LA FEMME
200 Grand mercy, syre85 !
GUILLOT
El86 est mar[r]ye
D’estre vis-à-vis du galant.
[ L’AMOUREULX
Je boy à vous !
LA FEMME
Non pas d’aultant87 !
GUILLOT ]88
Or là couraige ! sus, ma Mêtresse !
Sang bieu, vous pétez bien de gresse89 !
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205 Monsieur, gardez-la un petit90 : SCÈNE VI
El a l’estomac fort petit,
[Trop] plus petit c’unne pucelle.
Moy, je vous plègeray pour elle91.
Or regardez : ay-je failly ?
210 Il est dedens, et non sailly
Au deable92. Laissez faire à moy.
L’AMOUREULX
Tu es bon garson, par ma foy !
LA FEMME
De boyre, jamais ne reboulle93.
GUILLOT
Monsieur, sy je faulx par la goulle94,
215 Ne vous fiez jamais en beste95.
Ne laissez poinct à96 faire feste,
Je voys en la porte.
LA FEMME
Or va !
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LE MARY commence 97 SCÈNE VII
Holà, hau ! Ouvrez l’uys !
GUILLOT
Qu(i) est là ?
LE MARY
Ouvrez ! Le deable vous emporte !
GUILLOT
220 Ce deable abastra [donc] la porte,
[Ou,] par la Mort, vous atendrez !
LE MARY
Ouvrez, de par le deable ! Ouvrez !
Ouvriras-tu, meschant folastre ?
GUILLOT
Atendez, je n’ay pas [grand] haste.
LE MARY
225 Par Nostre Dame d’Orléans !
Sy je [ne] puys entrer léans98,
Les os je te rompray de coulx99 !
GUILLOT
A ! Dieu gard(e) la lune100 des loups !
Mais pensez-vous qu’il est mauvais !
LE MARY
230 Ouvriras-tu, méchant punays101 ?
Par la Mort, je te tu[e]ray !
GUILLOT 102
Dis-moy ton nom103, puys j’ouvriray.
Pense-tu que je soy[e]s beste ?
LE MARY
Comment ! tu ne congnoys ton maistre ?
GUILLOT
235 Vrayment, vos blés sont bien saclés104 :
Mon Maistre, je voys quérir les clés.
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Ma Mêtresse, voy(e)cy mon Maistre ! SCÈNE VIII
L’AMOUREULX
Vray Dieu ! Où me pourai-ge mestre ?
Je suys perdu, je suys péry,
240 Puysque voycy vostre mary.
Conseillez-moy que105 je doy faire.
Jamais ne fus en tel afaire.
Hélas ! ma mye, voycy ma fin.
GUILLOT
Tantost arez du ravelin106,
245 Quatre ou cinq grans coups toult d’un traict.
LA FEMME
Tost mectez-vous en ce retraict107,
Mon amy. Ne vous soulciez.
Sy d’avanture vous toussiez,
Boutez la teste [en ce]108 pertuys.
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LE MARY SCÈNE IX
250 Et puys ? Hau ! Ouvriras-tu l’huys ?
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L’AMOUREULX SCÈNE X
Voycy, pour moy, piteux délict109.
Sy me métoys debsoublz le lict,
Ce seroyt le meilleur, ma mye.
LA FEMME
Hélas ! ne vous y mectez mye :
255 Car sy dessoublz le lict visoyt110
Et là caché vous advisoyt,
Mourir nous feroyt langoureulx111.
GUILLOT
Sus ! au retraict ! Sus, amoureulx !
Car je [luy] voys ouvrir la porte.
260 Encor j’ey peur qu’i ne me frote112.
Mais devant113 que céans il entre,
Ce vin je métray à mon ventre.114
L’AMOUREULX
Las115, Guillot !
GUILLOT
Monsieur, qu’on se cache !
Mêtresse, ostez-moy la bécache116.
265 Sy esse117 que j’auray cecy.
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LE MARY SCÈNE XI
An ! Nostre Dame, qu’esse-cy ?
De crier je me rons la voys118.
GUILLOT
Holà, mon Maistre, [à vous ge]119 voys.
Entrez ! Vous soyez bien venu !
270 Vous est-il nul mal avenu,
Depuys le temps [qu’estiez aux vignes]120 ?
LE MARY
Je vous romp[e]ray les échignes121 !
[Vous vous ferez]122 rompre la teste !
GUILLOT
Vous puissiez avoir male123 feste !
275 Rompu vous m’avez le serveau124.
LE MARY
Dictes-moy quelque cas nouveau :
Où est ma femme ?
LA FEMME
A ! mon mary,
Bien voys qu[e vous] estes mar[r]y :
Le marchant125 ne vous a payé ?
LE MARY
280 Non126.
LA FEMME
Ne s’est-il poinct essayé
De vous faire quelque raison127 ?
LE MARY
Raison ? Par ma foy, ma mye, non :
Car trouvé ne l’ay au logis.
Onques-puys que [je] le logys128,
285 [Je] ne l’ay veu.
LA FEMME
Vierge Marye !
Je ne fus jamais sy mar[r]ye.
À tous les deables soyent les meschans
Qui trompent ainsy les marchans,
Les gens d’honneur et gens de bien !
LE MARY
290 Et de nouveau y129 a-il rien ?
Que dict-on de bon ?
LA FEMME
Tout va bien.
GUILLOT
Tout va bien, puysque [on mect] la nappe130.
LA FEMME
Y fauldra [donc] que je te happe131 ?
GUILLOT
Mon Maistre, voicy la nape myse.
295 Il[z] ont bien levé la chemyse.
LE MARY
Qui, Guillot ?
GUILLOT
Qui ? Ma foy, personne.132
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LA FEMME SCÈNE XII
Guillot, que [plus] mot on ne sonne133 !
GUILLOT
Qui, moy ? Sy feray, par mon âme !
Que me donnerez-vous, ma Dame ?
300 Et je n’en diray rien.
LA FEMME 134
Guillot,
Voylà pour toy. Ne sonne mot !
GUILLOT
Voicy ce que je demandoys.
Et ! que l’amoureulx est courtoys135,
D’estre sy long temps au retraict !
LA FEMME
305 Tays-toy ! Auras-tu tant de plet136 ?
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Et puys, mon mary ? Comme[nt] esse SCÈNE XIII
Qu’il vous a joué de finesse,
Ce méchant, [ce] malureulx homme ?
GUILLOT
Y vouldroict bien [myeulx] estre à Romme,
310 Vostre amoureulx dont n’ose dire.
LA FEMME
J’ey le myen cœur tant remply d’ire
De ce sot qui ront137 nos propos !
Y s’en estoyt alé dehors,
Ce meschant ?
LE MARY
Ouy, [ne l’ay trouvé]138.
315 C’est un méchant laron prouvé139 !
Je suys fort las : j’ey tant troté !
GUILLOT
Hélas ! povre Amoureulx140 croté,
Tu es bien en [un] grand soulcy !
LE MARY
« [Povre] amoureulx » ? Dea ! qu’esse-cy ?
320 A-il un amoureulx céans ?
LA FEMME
A ! Nostre Dame d’Orléans !
Prenez-vous garde à ce qu’i dict ?
LE MARY
Je puisse estre de Dieu mauldict
Sy ne j’en sçay la vérité !
325 Vien ç[à ! Dy,] qui t’a incité
De parler d’un [povre] amoureulx ?
Je ne seray jamais joyeulx
Jusques à ce que le séray141.
GUILLOT
Que je l’ay dict, il n’est pas vray :
330 Jamais [je] n’en parlis, mon Maistre.
LE MARY
Vertu142 bieu ! Que peu[lt-]ce cy estre143 ?
Je l’ay ouÿ de mes horeilles144.
LA FEMME
Mon mary, [trop] je m’émerveilles
Que prenez garde à ce… lourdault.
LE MARY
335 Je l’ay ouÿ dire145 toult hault.
Vien çà, malhureulx ! Qu’as-tu dict ?
GUILLOT
Rien, ou je soys de Dieu mauldict !
LE MARY
Rien ? Et de quoy parlès-tu donques ?
GUILLOT
Escoustez que je [dis adonques]146 :
340 Je parloys de la haquenée147,
Qui a esté bien chevauchée
D’un aultre bien myeulx que de vous.
LE MARY
Je prye à Dieu que les maulx loups148
Te puisse[nt] le gosier ronger !
[LA FEMME]
345 Ce fol ne faict [cy] que songer ;
Laissez cela.
[LE MARY]
Avez-vous rien
À menger ? Je mengeroys bien :
Je n’ay mengé puys que partys.
GUILLOT
Quoy ! voulez-vous d’une perdris149 ?
350 Baillez-moy, sans plus enquérir,
De l’argent : je l’iray quérir.
LE MARY
Tient, voylà cinq soublz150.
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GUILLOT 151 SCÈNE XIV
Voylà la beste.
A ! mort bieu, je leur en apreste152 !
Je prens argent à toutes mains153.
355 Voycy pour moy, c’est pour le moins ;
Je le métray dedens ma bource.154
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Mon Maistre cher155, qu’on ne se course156 ! SCÈNE XV
Voicy la perdrys, que j’aporte.
LE MARY
Où l’as-tu prise ?
GUILLOT
Où157 ? En la porte.
LE MARY
360 La portoyt-il toute rôtye ?
GUILLOT
Ouy. Et avec [est] la rostye158,
Que vous voyez icy dessoublz.
LE MARY
Combien couste-elle ?
GUILLOT
Cinq soublz159.
LE MARY
Sus, sus, mengeons ! Qu’on s’esjouisse !
365 Comment ! qu’est devenu la cuisse ?
LA FEMME
Par Nostre Dame ! je ne sçay160.
LE MARY
Qu’en as-tu faict ?
GUILLOT
Je [la laissay]161
Tumber, puys le chat l’a mengée.
LE MARY
L’auroys-tu162 poinct bien vendengée ?
370 Tu as esté, par Dieu, le chat !
LA FEMME
C’est pour la paine de l’achat ;
Cela luy a faict un grand bien.
GUILLOT
Sy mengée l’ay, je n’en sçay rien ;
Plus ne m’en souvyent, par la mort !
LE MARY
375 Mengez, ma femme ! Tiens, Guillot :
Mors163 ! Puys après, nous verse à boyre !
GUILLOT
Buvez donc tout [fin] plain le voyr[r]e164,
Puys après, je vous plègeray165.
Atendez, je commenceray.
380 Je boys à vous, tous deulx ensemble166 !
Et puys, mon Maistre : que vous en semble167 ?
Ay-ge failly ?
LE MARY
A ! par Dieu, non !
LA FEMME
Guillot est un bon compaignon.
GUILLOT
À bien « sifler168 », ne faulx jamais.
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L’AMOUREULX SCÈNE XVI
385 Je suys servy d’un piteulx mais169.
Hélas ! je ne séroys issir170.
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LE MARY SCÈNE XVII
Qu[i] esse là que j’os171 toussir ?
GUILLOT
Que c’est ? C’est vostre bidouart172
Qui a la toux…
LE MARY
Dieu y ayt part173 !
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LA FEMME 174 SCÈNE XVIII
390 Mon amy, vous nous gasterez175.
Je vous prye, quant vous toussirez,
Afin qu’on ne vous oye, [de faict]176,
Métez la teste [en ce]177 retraict.
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L’AMOUREULX SCÈNE XIX
Voycy des mos fort rigoureulx.
395 Hélas ! fault-il c’un Amoureulx
Mète la teste en sy ort178 lieu ?
Et ! qu’esse-cy ? Hélas, vray Dieu !
Las ! je ne puys [r]avoir179 ma teste.
Voicy, pour moy, dure tempeste.
400 Et oultre plus, la puanteur,
Hélas, me faict faillir le cœur.
J’ey le visage plain d’ordure.
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GUILLOT,180 [en chantant :] SCÈNE XX
Endure, povre Amoureulx, endure ! 181
Parlez plus bas, de par le deable !
L’AMOUREULX
405 Voicy un cas fort pitoyable.
Fault-il que je meures icy ?
GUILLOT
Par la chair bieu ! il a vessy182,
Au moins, ou183 ne sent guère bon.
Et vous faisiez du compaignon,
410 Naguères, avec ma Mêtresse.
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LE MARY 184 SCÈNE XXI
Guillot !
GUILLOT 185
Qu’esse ?
LE MARY
Sy grand détresse
M’est venu[e] empongner sy fort
Au petit ventre186 ! Que nul confort
Trouver ne puys. Y fault d’un traict
415 M’aler esbatre à mon retraict,
Afin que mon mal s’amolice.
GUILLOT
Et moy, un peu fault que je pisse.
Et ! je vous tiendray compagnye.
LE MARY
Hélas, le ventre !
GUILLOT
Et ! la vessye !
LE MARY
420 Je croy que tu faictz de la beste.
L’AMOUREULX
Las ! y me chiront sur la teste.187
LE MARY 188
Et ! qu’esse-cy ? Las ! je suys mort !
L’AMOUREULX
Brou ! [Brou !] Ha ! Ha189 !
GUILLOT
Et ! fuyons fort !
Gardez bien qu’i ne vous emporte !
LA FEMME
425 A ! Nostre Dame, je suys morte !
L’AMOUREULX
Je vous porteray en Enfer
Avec le maistre Lucifer,
Lequel vous romp[e]ra la teste !
GUILLOT
Et ! aportez de l’eau bénoiste190 !
430 Asperges me, Domyne191 !
Mon Maistre, vous estes danné :
[L’afreux]192 deable vous vient quérir.
LE MARY
Et ! doulx Dieu !193
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L’AMOUREULX SCÈNE XXII
Et ! de [tant] courir,
De la grand peur, y sont fuÿs.
.
LA FEMME SCÈNE XXIII
435 De courir, hors d’alaine suys.
GUILLOT
Et moy aussy.
LE MARY
A ! Nostre Dame,
En vostre garde ayez194 mon âme !
GUILLOT
Et moy la mienne ! Où est-il alé ?
Je croy qu’i soyt redévalé
440 Là-bas, au grand [puits] infernal195.
LA FEMME
Qu’i m’a faict de peur et de mal !
LE MARY
Hélas196 ! doulx Dieu, que pouroit-ce estre ?
GUILLOT
A ! je sçay bien que c’est197, mon Maistre.
LE MARY
Et quoy ?
GUILLOT
Au deable les jaloux198 !
445 Il199 vous eust e[n]traîné trè[s]toulx200
En Enfer, se n’eust esté moy201.
Escoustez la raison pourquoy :
C’est que tantost, par cas difame202,
Avez esté vers203 vostre femme
450 Jaloux, sans cause ny raison.
Et n’ust esté mon oraison204,
Le deable des jaloux porté205
Vous eust là-bas, et transporté.
Or, ne soyez jamais jaloux.
455 Métez-vous donc à deulx genoulx ;
Cryez mercy206 à vostre espouse.
LE MARY
La fièbvre cartaine m’espouse
Sy jamais je [ne seray]207 jaloux !
GUILLOT
Métez[-vous donc à deulx]208 genoulx.
LE MARY
460 Je pry Dieu que ravissans loups209
M’estranglent se plus je marmouse210 !
GUILLOT
Mectez-vous donc à deulx genoulx ;
Criez mercy à vostre espouse.
[LA FEMME] 211
Me voylà.
GUILLOT
Sus ! que l’on ne bouge212 !
465 Ne luy criez-vous pas mercy ?
LE MARY
Ouy, et me mes213 à [sa] mercy.
Du toult, à elle m’abandonne.
GUILLOT
Pardonnez-luy !
LA FEMME
Je luy pardonne.
GUILLOT
Voylà vescu honnestement.
470 Vous luy pardonnez ?
LA FEMME
Ouy, vraiment.
GUILLOT
Or sus ! Mon Maistre, levez-vous.
Vous ne serez jamais jalous,
Ores214 ?
LE MARY
Que je soys donq bany !
GUILLOT
(Voylà un bon Jehan de Lagny215,
475 [La] mort bieu ! Il en a bien d’une216.)
.
L’AMOUREULX SCÈNE XXIV
J’ey eschapé belle fortune217 !
Sans ma218 finesse, j’estoys mort.
Ce n’est pas tout que d’estre fort ;
Mais c’est le tout (pour abréger),
480 Quant l’on est en quelque danger,
[Que] trouver fault manyère et stille219
D’en eschaper, et estre abille220
En évytant la mort et blâme.
Messieurs, de peur qu’on ne nous blâme,
485 Disons, au partir de ce lieu,
Une chanson pour dire adieu !
.
FINIS
*
.
..
D’UNG GENTIL HOMME DE PICARDIE 221
.
…Le douloureux222 mary, plus jaloux que nul homme vivant, fut contrainct d’abandonner le mesnaige & aller aux affaires, qui tant luy touchoient que, sans y estre en personne, il perdoit une grosse somme de deniers…. En laquelle gaignant, il conquist bien meilleur butin, comme d’estre nommé coux223, avec le nom de jaloux qu’il avoit auparavant. Car il ne fut pas si tost sailli de l’ostel224, que le gentil homme, qui ne glatissoit225 après aultre beste, vint pour se fourrer dedans ; & sans faire long séjour, incontinent exécuta ce pour quoy il venoit, et print de sa dame tout ce que ung serviteur en ose ou peut demander….
Ce dyable de mary (…) revint le soir, dont la belle compaignie — c’est assavoir de noz deux amoureux — fut bien esbahie….
Nostre povre gentil homme ne sceut aultre chose que faire, ne où se mussier226, sinon que de soy bouter dedens le retraict de la chambre…. Le povre gentil homme rendoit bien gaige227 du bon temps qu’il avoit eu ce jour, car il mouroit de fain, de froit et de paour. Et encores, pour plus engrégier228 son mal, une toux le va prendre, si grande et si horrible que merveille…. La dame, qui avoit l’œil et l’oreille tousjours à son ami, l’entre-ouÿt d’aventure, dont elle eut grant frayeur au cueur, doubtant229 que son mary ne l’ouÿst aussi. Si treuve manière, tantost après souper, de soy bouter seulette en ce retraict ; et dist à son amy, pour Dieu, qu’il se gardast ainsi de toussir….
Quant ce bon escuier se vit en ce point assailly de la toux, il ne sceut aultre remède, affin de non estre ouÿ, que de bouter sa teste au trou du retrait, où il fut bien ensensé (Dieu le sçait !) de la confiture de léans230…. La toux le laissa. Et se cuidoit tirer hors ; mais il n’estoit pas en sa puissance de se retirer, tant estoit avant et fort bouté léans…. Il se força tant, qu’il esracha l’ais percé231 du retrait, et le raporta à son col. Mais en sa puissance ne eust esté de l’en oster….
À tout l’ais232 du retraict à son col, l’espée nue en sa main, la face plus noire que charbon, commença à saillir233 de la chambre. Et de bonne encontre, le premier qu’il trouva, ce fut le dolent234 mary, qui eut de le veoir si grant paour — cuidant que ce fust le dyable — qu’il se laissa tumber du haut de luy235 à terre (que à peu qu’il ne se rompît le col), & fut longuement pasmé236. Sa femme, le voyant en ce point, saillit avant, monstrant plus de semblant d’effrey qu’elle ne sentoit beaucoup237…. Il dist, à voix casse238 et bien piteuse : « –Et ! n’avez-vous point veu ce deable que j’ay encontré ? –Certes, si ay (dist-elle). À peu que je n’en suis morte de la frayeur que j’ay eue de le veoir ! –Et dont peult-il venir céans (dist-il), ne qui le nous a envoyé ?…. »
Et depuis, continua arrière le dyable dessusdit, le mestier que chascun fait si volentiers, au desceu239 du mary et de tous aultres, fors de une chambèrière secrète.
*
1 Chez elle, seule. 2 LV : complaindre (à la rime.) 3 Sous ses lacs, sous son joug. 4 Plaisir. Idem vers 114. 5 Aussi, je le servirai d’un mets, d’un plat à ma façon. Idem vers 385. 6 Dans un beau garçon. 7 De coucher avec lui. 8 Il entre par le rideau de fond, et accomplit une quelconque tâche ménagère en chantant. 9 Chanson inconnue. Brown, nº 143. 10 Tu mets. Cette graphie du verbe mettre, qui revient aux vers 37 et 466, est propre au copiste. 11 Imbécile. Un Sot des Coppieurs et Lardeurs se nomme Malostru. 12 Les versions actuelles de cette comptine reflètent mal ce que devait être la version originale, certainement beaucoup moins innocente. Le très rabelaisien Philippe d’Alcripe s’en souviendra en 1579 : « Descharge, tu as vendu ! Turlututu, chappeau pointu ! » Le Mistère du Viel Testament en a tiré un personnage ridicule, monsieur Turelututu. 13 Cette chanson normande a pour titre : C’est de la rosée de mai. La « rosée de moi » qu’évoque Guillot s’apparente à la « douce rosée de Nature » que Béroalde de Verville fait couler du « manche de Priape ». 14 Es-tu atteint de la teigne, que tu gardes ton bonnet sur la tête ? 15 Poli. 16 De ne pas mettre. Il faut enlever son bonnet quand on parle à des gens qui nous sont supérieurs. Dans Messire Jehan, on prie un autre badin de s’adresser au curé en ayant toujours « la main au bonnet ». 17 Le petit oiseau. Chanson d’Antoine de Févin, mort en 1512. Le vers 195 du Pèlerinage de Mariage en est tiré. Brown, nº 173. 18 À mon chignon. Mais aussi : à mes plaques de teigne, ce qui répond au vers 35. 19 Mon secret, mon projet. 20 LV : ronge (« Mais si j’empoigne un baston rond,/ Bien te feray tirer tes guestres ! » Le Cousturier et Ésopet.) 21 Guillot s’indigne de ce mot bénin, alors que sa patronne l’a précédemment traité de cerveau léger, de malotru et de teigneux, et qu’elle va encore le traiter impunément de friand bémi [de glouton niais], de méchant, de vilain, de laid, de sot, de fou, et de… lourdaud (vers 334). Mais Guillot, qui est un grand amateur de chansons, a peut-être en mémoire celle qui s’intitule Lourdault, lourdault, lourdault : je l’ai publiée dans la notice de Régnault qui se marie. 22 Que tu ne manqueras jamais de rien. 23 Vous le regretterez. « Par Dieu, la chanson vous cuyra ! » Le Ribault marié. 24 LV : guillot 25 En fait, il est allé se faire payer les fournitures dont il a fait crédit à un autre marchand. 26 Je te promets sur ma main, que je mets dans la tienne en guise de gage. 27 LV : jamais 28 Un faux pas. 29 Appétissant. C’est bien ce que fera sa patronne au vers 89, mais elle donnera au mot « friand » son autre sens : goinfre. LV ajoute dessous : que lourdault 30 Il n’y a aucun saint, aussi saint soit-il. 31 LV : non 32 LV : chere (J’aimerais mieux. « J’aymeroye plus cher estre à Romme. » Raoullet Ployart, et l’Aveugle et Saudret.) 33 Un glouton niais. Cf. Lucas Sergent, vers 69. 34 LV : soublz rys 35 Les Badins sont coiffés d’un béguin [bonnet de nourrisson]. Rien ne leur fait plus plaisir que de pouvoir empiler un bonnet d’adulte par-dessus. « Et un bonnet te donneray. » C’est ce que promet au Badin qui se loue l’amant de sa patronne ; voir la note 87 de ladite farce. Notons que le bonnet pointu est l’apanage des juifs, des astrologues et des médecins, trois catégories qui prêtaient à rire. 36 LV : venoyt (Être venant = venir. « Bien soyez venant ! » ATILF.) 37 LV : chast (Sous ce vers, il manque un vers en -sir pour amorcer le triolet.) 38 Il est dans la rue, et s’approche de la maison. 39 Peu importe l’argent, si on n’a pas de plaisir. 40 LV : est metresse (à la rime.) C’est celle qui fait sortir de mon cœur les soucis. 41 On songe à la Barbe bleue, de Charles Perrault : « Ma sœur Anne, ne vois-tu rien venir ? » 42 Par la porte entrouverte, il voit venir l’amoureux. Il se dépêche de refermer. 43 Il toque à la porte, chargé d’une besace pleine de victuailles. 44 LV : hola (Voir le vers 218.) 45 Vous frappez à la porte. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 25. 46 Là-dedans. Idem vers 226. 47 LV : voyesine 48 La femme invente ce sobriquet pour ne pas compromettre le noble, qui doit avoir un nom à particule. Dans les Cent Nouvelles nouvelles, le patronyme du gentilhomme picard n’est pas davantage révélé. À tout hasard, on trouvait en Normandie des sieurs de La Cocquerie. 49 Fais-le. Ce pronom normand peut s’élider devant une voyelle : « Alons-nous-en, laisson–l(ay) en pais. » Troys Gallans et Phlipot. 50 À condition que je sache s’il a de la nourriture dans sa besace. 51 Du vin en guise de pourboire : ce mot vient de là. 52 Laid. « Soit bel ou let. » L’Aveugle et Saudret. 53 Prononcer « maclerage ». Cette forme métathétique de maquerellage est bien attestée : « Une de ses femmes, qui sçavoit parfaictement le mestier de macqueleraige. » (Anthoine Le Maçon.) La forme contractée est plus souvent macrelage : « De faire ung secret macrelaige/ Pour ung gueux bien anvitallié. » (Jehan Molinet.) 54 Et pourtant. 55 Son plaisir. Idem vers 251. « Coucher dedens quelque beau lit./ Et là prendrez vostre délit. » Régnault qui se marie. 56 Je ferai le pied de grue, je monterai la garde. Un veau est un imbécile. 57 Guillot vient de se métamorphoser lui-même en trois bêtes : un poisson, un oiseau, un ruminant. 58 Sans que vous me mettiez de force de l’argent dans la main. 59 Il laisse entrer l’amoureux, et il met l’écu dans sa bourse. 60 Voilà de bonnes manières. Idem vers 469. 61 LV : faictes le moy (Faites-lui l’amour. « Pour la bien faire taire,/ Il luy fault prendre ung bon “clystère”…./ S’el prent médecine par “bas”,/ Jamais tu n’auras nulz débas. » Deux hommes et leurs deux femmes.) Guillot, près de la porte, se livre à des commentaires qui prennent à témoins les spectateurs ; le couple est trop loin pour l’entendre. 62 LV : vous maues (Vous ne risquez pas.) 63 Quelque chose à manger. 64 Que je me ressente, que je profite. 65 Museau, minois : jolie fille. Cf. les Tyrans, vers 202. 66 LV : transye (Je suis transporté. Cf. Lucas Sergent, vers 282.) 67 LV : ou est (Et dire que mon maître n’est pas là !) 68 Pénétrez-moi, puisque mon mari en est sorti. 69 Ne vous souciez pas d’autre chose. 70 « L’amoureux passe-temps. » La Ruse et meschanceté des femmes. 71 Aux champs : dans un lointain village. C’est la litote qu’emploient les marchands qui ont rendez-vous avec un gros client : voir les vers 48-49 et la note 79 d’Ung Mary jaloux. 72 Je ne refuse pas de vous obéir. 73 Firmin. « Fermyn de Mésan. » (Débat de deux gentilz hommes espagnolz.) Sangler une femme, c’est la besogner : cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 88. « Mulet » joue sur le latin mulier [femme] : « Sanglée comme ung beau mulet. » Le Povre Jouhan. 74 J’ai tout ce que je souhaite. 75 Terme affectueux. Cf. Jolyet, vers 57. 76 Le mulet du vers 173 aura bientôt sa ration d’avoine. Mais la femme aura bientôt sa ration de sperme : cf. le Jeu du Prince des Sotz, vers 15 et note. 77 Qu’il vous enverrait paître, avec le même sens qu’aujourd’hui. Cf. le Raporteur, vers 72. Les amants s’embrassent. 78 LV : en ce 79 LV : souhaict (J’ai à mon entière disposition.) 80 L’amoureux tire de sa besace un papier dans lequel est enveloppée une volaille rôtie, pour la collation qui précède traditionnellement le coït : « J’aporteray pour le repas/ Un gras chapon avec une oie. » (Le Poulier à sis personnages.) LV ajoute dessous : ma mye 81 Il faut que j’apporte une casserole. (Cf. le Munyer, vers 437 et note.) La femme en prend une et pose le gibier rôti dedans. LV reporte le mot casse au début du vers suivant. 82 LV : voyre du don (Il nous faut aussi boire du bon vin. « Que je perds les biens et la veue/ À force de boire du bon. » Olivier Basselin.) Le galant tire de sa besace une bouteille. 83 Totalement. Idem vers 467. 84 LV : vous (« Je bois à vous, à vostre santé. » Furetière.) 85 Tout comme dans les Cent Nouvelles nouvelles, l’amant est un gentilhomme : « –Je boys à vous ! –Grand mercy, sire ! » Le Poulier à sis personnages. 86 LV : quel 87 Pas autant que moi. « Maistre, je bois à vous d’autant ! » L’Aveugle et Saudret. 88 LV met ce fragment sous le vers 204. 89 Vous pétez de santé. L’enfant Gargantua <chap. 11> « pettoyt de gresse » et, comme au vers 228, « gardoyt la lune des loups ». Guillot abandonne la porte et rejoint les deux buveurs. 90 Épargnez-la un peu. 91 Je vous ferai raison à sa place, en vous portant des toasts. Idem vers 378. Guillot boit le verre de sa patronne. 92 Le vin n’est pas ressorti de mon estomac. 93 LV : reculle (Jamais il ne rechigne. « Et ce firent sans rebouler. » Godefroy.) 94 La gueule (normandisme). « Il nous fault eschauffer/ Par la goulle. » (Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.) Faillir par la gueule, ou par le bec, c’est être à court d’arguments. Mais Guillot sous-entend : si ma bouche a une défaillance au moment de boire. 95 En aucune créature. Ou bien : En aucun idiot. 96 Ne cessez pas de. 97 Il tape à la porte, derrière laquelle se trouve Guillot. Le couple est trop loin pour entendre leur dialogue. 98 LV : dedens (Là-dedans.) 99 De coups. « Coux » signifie cocu, comme dans les Cent Nouvelles nouvelles. 100 LV : quenee (Que Dieu nous protège ! « Les enfans de Dieu peuvent bien dire à tous leurs ennemis ce qu’on dit en commun proverbe : Dieu gard la lune des loups ! » Pierre Viret.) 101 Puant. 102 LV : le mary guillot 103 LV : non (Feignant de n’avoir pas reconnu la voix de son patron, Guillot en profite pour le tutoyer.) 104 Sarclés. « Sacler blés. » (Godefroy.) Vos affaires vont bien. 105 Ce que. « Conseillez-moy que faire doy. » Jeu du Prince des Sotz. 106 Vous aurez du ravaut, du bâton. Voir la note d’André Tissier : Recueil de farces, t. I, 1986, pp. 179-242. 107 Dans les cabinets, qui sont fermés par une porte. 108 LV : dens le (Je corrige de même le vers 393.) 109 Un pitoyable plaisir. 110 S’il regardait sous le lit. 111 Bien malheureux. Cf. Poncette et l’Amoureux transy, vers 81. 112 Qu’il ne me frotte les reins avec un bâton. L’auteur normand amuït le « r » de « po(r)te », comme celui de « sa(r)clé » à 235 ; ce phénomène d’amuïssement explique les rimes des vers 30, 145, 223, 234, 313, 374. 113 Avant. 114 Guillot boit le verre de l’amoureux. 115 LV : helas 116 La bécasse (prononciation normande). 117 Il est certain. Guillot arrache une cuisse et la mange. La femme pose la casserole compromettante sur le bord extérieur de la fenêtre. 118 Je me casse la voix. 119 LV : gy (Je vais à vous. « À vous je vois. » L’Aveugle et Saudret.) Guillot ouvre la porte. 120 LV : que ne vous vimes (Les vignes représentent un village campagnard, comme les champs des vers 19, 59 et 164.) 121 L’échine. « Rom-pe-rai » compte pour 3 syllabes, grâce au « e » svarabhaktique normanno-picard, comme à 428. « Je te romperay le museau ! » Jéninot qui fist un roy de son chat, et les Chambèrières et Débat. 122 LV : me faictes vous (« Vous vous ferez bien batre ! » Le Mince de quaire.) Le maître tape sur la tête de son valet. 123 Une mauvaise. 124 Ce n’est pas une grosse perte : Guillot était déjà « léger du cerveau » (vers 26). 125 LV : mechant (Le mari, qui est grossiste, avait rendez-vous avec un commerçant qui devait lui payer des marchandises achetées à crédit ; mais ce dernier lui a posé un lapin.) 126 LV : nom 127 N’a-t-il pas essayé de vous faire réparation ? 128 Depuis que je l’ai logé ici. Sur la route des foires, les commerçants trouvaient plus économique — et moins risqué — de loger chez un confrère. 129 LV : et (Le copiste a confondu le « y » du manuscrit de base avec une esperluette « & ».) Y a-t-il quelque chose de nouveau ? 130 « On dit aussi qu’on met la nappe, quand on reçoit la compagnie chez soy, lorsque les autres apportent de quoy manger. » Furetière. 131 Que je t’attrape. Cf. le Pardonneur, vers 226. 132 Le mari va chercher ses bagages, qu’il a laissés devant la porte. 133 Ne dis plus rien. « O ! que plus mot on ne me sonne ! » L’Arbalestre. 134 Elle donne de l’argent au valet, qui le met dans sa bourse. 135 LV : je croys (Cette remarque est ironique : il était discourtois de monopoliser les toilettes.) 136 De plaids, de bavardages. Le mari revient. 137 Qui interrompt. 138 LV : pour vray (Au vers 283, le mari disait déjà : « Car trouvé ne l’ay au logis. ») 139 Un fieffé voleur. « Tu sembles bien larron prouvé ! » Le Brigant et le Vilain. 140 Extrait d’une chanson non identifiable que Guillot reprend au vers 403. 141 Jusqu’à ce que je le sache. Même forme normande à 386. 142 LV : vert tu (« Vertu bieu ! qu’esse à dire ? » Le Poulier à quatre personnages.) 143 Qu’est-ce donc ? « Que peult-ce estre ? » Frère Guillebert. 144 Quoi qu’on en dise, ce « h » initial est bien attesté : voir par exemple le v. 257 des Povres deables, le v. 93 de la Mère de ville, ou le v. 15 de l’Aveugle, son Varlet et une Tripière. 145 LV : y disoyt 146 LV : vous comptes (Ce que je dis maintenant.) 147 De votre jument. Mais aussi : De votre femme. Voir la ballade intitulée Une haquenée atout le doré frain, dont le refrain est : « Ainsi que dient ceulx qui l’ont chevauchée. » Poésie homosexuelle en jobelin, GKC, 2007, pp. 98-100. 148 Que les maudits lupus, que les ulcères. « Les loups luy mangent les jambes : il a les jambes mangées d’un mal que l’on appelle loups. » Antoine Oudin. 149 C’est encore une perdrix au vers 358, mais c’était une bécasse aux vers 189 et 264. Les versificateurs étaient soumis à la tyrannie de la rime… 150 5 sous. 151 Il sort, et prend sur la fenêtre la casserole où se trouve la volaille, amputée d’une cuisse. 152 LV : baille (Confusion avec « apprêter des bayes [des moqueries] ». « Et luy apprestois bien des bayes. » Frère Fécisti.) En apprêter à quelqu’un = lui préparer un mauvais tour. 153 De tous les côtés : cf. les Povres deables, vers 166. 154 Guillot met les 5 sous dans sa bourse, et porte la casserole dans la maison. 155 LV : grand chere 156 Ne vous courroucez pas. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 237. 157 LV : cy (Le rôtisseur ambulant passait devant notre porte.) 158 La tranche de pain grillé sur laquelle coule la graisse de la volaille. C’est encore la recette de la caille sur canapé. 159 Guillot va donc garder pour lui les 5 sous, en plus de l’écu qu’il a extorqué au galant comme droit d’entrée (vers 147), de l’argent grâce auquel l’épouse a acheté son silence (vers 301), du bonnet dont elle lui a fait cadeau pour le soudoyer (vers 96). Et je ne compte pas la nourriture et la boisson, ni le plaisir qu’il a dû prendre à se moquer de tous ces gens supérieurs qui le traitent de lourdaud. 160 LV : scays (Voir les vers 324, 373 et 443.) 161 LV : lay laissee (Cf. l’Avantureulx, vers 56.) 162 LV : laires tu (Vendanger = voler. Le Badin Guillerme, qui a gobé une des deux figues que le curé lui a confiées, lui montre la dernière, s’attirant cette remarque : « Il n’y en a qu’une ?/ Je croy que l’autre est vendangée. ») 163 LV : mort (Le mari donne à Guillot l’os de la seconde cuisse pour qu’il morde dedans.) 164 Ce verre bien plein. 165 Je vous ferai raison (note 91). 166 Guillot boit les verres de ses patrons. 167 « Et puis, m’amour, que vous en semble ? » Deux hommes et leurs deux femmes. 168 Boire. « Siffler le vin en abondance. » (Parnasse des Muses.) Nous disons toujours : Siffler un verre. 169 D’un pitoyable aliment. 170 Je ne saurais sortir. Le galant tousse. 171 Que j’ois, que j’entends tousser. 172 LV : haquenee (Un bidouard est un petit cheval : cf. le Gaudisseur, vers 86. Mais c’est également un des noms du pénis, qui tousse quand il est trop vieux.) 173 Que Dieu lui vienne en aide ! 174 Elle entre dans les toilettes. 175 Vous nous ferez découvrir par mon mari. 176 LV : en efaict (En pratique. « De faict,/ Y me fault aler au retraict. » Lucas Sergent.) 177 LV : dens le (Note 108.) La femme retourne à table. 178 Sale. L’amoureux plonge sa tête dans le trou. 179 Récupérer. Mahuet, aux vers 117 et 220, ne peut « ravoir » sa main, qu’il a coincée dans un bocal de crème. 180 Il entre dans les toilettes, en chantant pour couvrir les plaintes de l’Amoureux. 181 Voir la note 140. Nous ne possédons plus cette rengaine, qui a dû finir dans un retrait, mais des quantités d’autres serinent les mêmes clichés ; voir par exemple celle qui figure aux vers 28-35 du Povre Jouhan. 182 Il a vessé, pété. 183 LV : on 184 En se tenant le ventre, il essaie d’ouvrir la porte des toilettes, que Guillot a fermée de l’intérieur. 185 Sans ouvrir la porte. 186 Au bas-ventre. Cf. les Chambèrières qui vont à la messe, vers 23. 187 L’amoureux se relève en arrachant la planche, qu’il porte autour de son cou comme un pilori. Sa figure est noire d’excréments. Pour ce genre de « maquillage », on utilisait du son mouillé, qui a la consistance et la couleur voulue ; voir la note 204 du Munyer. 188 Il parvient à ouvrir la porte, et tombe nez à nez avec un diable noir qui brandit son épée en hurlant. Voir l’illustration des Cent Nouvelles nouvelles. John Harington, le poète (car il en fallait bien un pour cela) qui inventa la chasse d’eau en 1596, publia une gravure où le diable fuit un homme assis sur un retrait. Nous devons cette trouvaille à Jody Enders, la traductrice américaine de notre farce : Holy Deadlock and further ribaldries. University of Pennsylvania Press, 2017, pp. 59-99. 189 Dans les Mystères, c’est le hurlement traditionnel des diables. « Brou ! Brou ! Ha ! Ha ! Puissans deables iniques ! » (Mystère de saint Martin.) Dans les Trois amoureux de la croix, un amoureux déguisé en diable profère ce cri au vers 429. 190 De l’eau bénite, pour l’exorciser. Les Normands prononçaient « bénète » : « Dame nonnète,/ Vous voulsissiez que l’eau bénoiste.» Les Mal contentes. 191 Tu m’aspergeras, Seigneur ! (Psaume 51.) Même vers dans les Chambèrières qui vont à la messe de cinq heures pour avoir de l’eaue béniste. 192 LV : lamoureulx (La confusion tient au fait que c’est l’Amoureux qui fait le diable.) 193 Le mari, la femme et Guillot s’enfuient de la maison. Le mari a complètement oublié son besoin pressant ; il s’est peut-être conchié de peur, comme tant d’autres personnages de farces. 194 LV : prenes 195 « Puys infernal, dampné gouffrineux roc !/ Deable d’Enfer, que vault ton villain croc ? » (Mystère de saint Martin.) Là-bas = en bas, en enfer. Idem vers 453. 196 LV : et 197 Ce que c’est, de quoi il retourne. 198 Quand on voue les jaloux au diable, il les emporte en enfer. 199 LV : qui (Le diable.) 200 Tout entier. 201 Si je n’avais pas été là pour le faire fuir à coup de latin (vers 430). 202 Infâme. 203 Envers. 204 Ma conjuration latine. 205 LV : emporte (Voir le vers 426.) 206 « À jointes mains et à genoux,/ (Ton mari) te crira mercy. » Le Ribault marié ; ledit ribaud, du moins, implore à genoux le pardon de son épouse parce qu’il l’a trompée, et non pas parce qu’elle l’a trompé avec la complicité intéressée du confesseur. 207 LV : suys (Voir le vers 472.) Dans Martin de Cambray <F 41>, un amoureux déguisé en diable emporte la femme d’un jaloux, qui promet alors de ne plus l’être : « M’amye, je vous cri mercy !/ Jamais, nul jour, ne le seray ! » Le vers précédent, qui provient des Chambèrières et Débat, perturbe le triolet. 208 LV : metes vous a (Même refrain que 455 et 462.) 209 Des loups ravisseurs. « De ces loups ravissans remplis de cruauté. » La Chasse du loup. 210 Si je grogne encore. Cf. les Coquins, vers 297. 211 LV : le mary 212 La rime est anormalement faible, sauf si Guillot prononce « bouse », pour se moquer du peureux qui s’est chié dessus. 213 Et je me mets. 214 LV : or non (Désormais.) 215 Un homme velléitaire, qui n’a aucune suite dans les idées. Voir la notice de Jehan de Lagny. 216 On lui en a fait une bien bonne. « Tu m’en bailles bien d’une ! » D’un qui se fait examiner. 217 Je l’ai échappé belle. 218 LV : la (Sans ma présence d’esprit.) 219 Style. Qu’il faut trouver l’art et la manière. 220 Habile. 221 Voici des extraits de la 72e des Cent Nouvelles nouvelles, qui a fourni le sujet de la farce. 222 Le fâcheux. 223 Cocu. 224 Sorti de sa maison. 225 Qui ne chassait. 226 Se musser, se cacher. 227 Remboursait avec les intérêts. 228 Aggraver. 229 Redoutant. 230 Qui était là-dedans. 231 Qu’il arracha la planche percée sur laquelle on s’assied. Ladite planche, qu’on appelle aujourd’hui la lunette, se nommait l’anneau : voir la 11e nouvelle de l’Heptaméron, de Marguerite de Navarre. 232 Avec la planche. 233 À sortir. 234 Le fâcheux. 235 De toute sa hauteur. 236 Évanoui. 237 Affichant plus d’effroi qu’elle n’en éprouvait. 238 Faible (féminin de l’adjectif cas). « J’ay la voix, dit-il, ung peu casse. » ATILF. 239 À l’insu.
LA MAUVAISTIÉ DES FEMMES
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LA MAUVAISTIÉ
DES FEMMES
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Certaines femmes poussent l’obstination jusqu’à refuser de céder devant l’obstination de leur époux. Leur « mauvaiseté1 » s’exprime dans des joutes verbales et parfois physiques dont témoigne ce dialogue normand2 écrit au début du XVIe siècle.
Les deux époux n’ont aucune chance de s’entendre, car ils ne sont pas de la même étoffe : la femme se nomme Finette. Ce mot désigne un tissu de coton très fin. Le mari se nomme Rifflard ; ce mot désigne la laine la plus longue et la plus grossière d’une toison. Nos deux tourtereaux se volent dans les plumes en échangeant des noms d’oiseaux, pour savoir lequel des deux va mettre l’autre en cage. Et la gagnante est… ?
Sources : Recueil de Florence, nº 48, peut-être imprimé à Paris vers 1517,3 sous le titre : « La Mauvaistié des femmes. » Recueil du British Museum, nº 3, imprimé à Lyon entre 1532 et 1550 sous le titre : « L’Obstination des femmes. » (Cette farce n’a pas de rapport avec celle qui s’intitule la Ruse, meschanceté et obstination d’aucunes femmes.) J’utilise l’édition F <Florence>, et je la corrige tacitement sur l’édition BM <British Museum>.
Structure : Rimes plates, avec six triolets dont les 30 refrains, par leur côté itératif et obsessionnel, matérialisent les rabâchages du couple.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
à deux personnages
C’est assavoir :
RIFFLART
et FINETTE 4
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LA MAUVAISTIÉ DES FEMMES
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RIFLART 5 commence [en chantant] :
Gens mariéz ont assez paine, SCÈNE I
À bien considérer leur cas.
Par chascun jour de la sepmaine,
Gens mariéz ont assez peine.
5 L’ung tracasse, l’autre pourmaine 6
De nuit, de jour, vélà le cas.
Gens mariéz ont assez peine,
À bien considérer leur cas.
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À besongner ne fauldray pas7 :
10 Car se ma femme survenoit,
Certainement el me batroit.
Nuit et jour ne fait que hongner8.
Il me fault aller besongner
Pour éviter son hault langaige.
15 Je vueil assouvir9 ceste cage ;
Ce sera pour mectre une pie.
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FINETTE SCÈNE II
Que fait Riflart ?
RIFLART
Quoy ? Dea, m’amye,
Je remetz à point ceste cage.
FINETTE
Esse tout ? Que la malle rage
20 Te doint Dieu, villain malostru !
Or dy : comme gaigneras-tu
Ta vie ? Tu ne veulx riens faire.
Du mal monseigneur saint Aquaire10
Puisse-tu estre tourmenté !
25 Et aussi, que malle santé
Te doint Celuy qui te forma11 !
RIFLART
Me mauldissez-vous ? Qu’esse-là ?
Dea, Finète, quant je me mis
En mesnage, tu me promis
30 Que feroye mon commendement ;
Et tu me maulditz, maintenant.
Fault-il qu’endure ? Qu’esse-cy ?
Je feray ceste cage icy,
Et deussiez-vous vive enrager !
FINETTE
35 Mais pour quoy faire ?
RIFFLART
Pour loger
Une pie : c’est ung bel oyseau.
FINÈTE
Et que dira-(e)lle12 ?
RIFFLART
« Maquereau13 !
Va hors ! Va, larron ! »
FINETTE
Que vous estes14 !
Hé ! Dieu, qu’il est de sottes testes !
RIFFLART
40 Je ne suis point macquereau, non.
FINETTE
Se la pie par vostre nom
Vous appelle, vous l’orrez15 bien.
RIFFLART
Je suis aussi homme de bien
Qu(e) homme qui soit, dessus16 mes piedz.
45 Et vueil bien que vous le saich[i]ez :
Puisque je l’ay mis en ma teste,
Ce ne sera pour autre beste
Que pour une pie, je le vueil !
FINETTE
Se17 vous en aviez plus grant dueil
50 – Et deussiez de courroux crever
Et de male rage enrage[r] –,
Par la tocque bieu18, non sera !
Ung cocu19 on y boutera,
Entendez-vous bien ?
RIFFLART
Ung cocu ?
55 J’aymeroye mieux perdre ung escu !
Comment ! en serez-vous maistresse20 ?
Je mourroye plustost de destresse !
[Certe,] une pie y sera mise.
FINETTE
Certes, j’en feray à ma guise,
60 Vueillez ou non !
RIFFLART
Voire, Finette,
Que jamais on ne m’en quaquette21 :
G’y mettray une pie.
FINETTE
Vous, paillart !
Vueillez ou non, par Dieu, Rifflart,
Je mettray ung cocu dedans !
RIFFLART
65 Vous en mentirez par les dens22 !
Par le sainct sang que Dieu me fist23 !
Puisque je l’ay dit, il souffist,
Finette, n’en quaquetez plus !
Ou, foy que doy au roy Jésus,
70 Ung coup aurez sur la narrine !
FINETTE
Foy que doy saincte Katherine !
Vous ne le porterez pas loing24.
Je vous bailleray sur le groing,
Entendez-vous, villain jaloux ?
RIFFLART
75 Et ! belle dame, taisez-vous !
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit25 !
FINETTE
Pour ung loudier26 ? Pour ung yvrongne ?
RIFFLART
Encore ?
FINETTE
Fy-fy27 !
RIFFLART
C’est trop dit !
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit !
FINETTE
80 Me tairé-ge pour ung [ mauldit,
Pour ung homme qui tousjours grongne ?28
RIFFLART
Paix !
FINETTE
Pour qui ?
RIFFLART
Taisez-vous, mèshuit !
FINETTE
Pour ung loudier ? Pour ung ] yvrongne ?
RIFFLART
Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
85 De qui ? De vous ?
RIFFLART
Et de qui doncques ?
FINETTE
Faictes, faictes vostre besongne !
RIFFLART
Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
Par Nostre Dame de Boulongne !
Je ne vous crains en rien quiconques29.
RIFFLART
90 Avoir pourrez sur vostre trongne !
FINETTE
De qui ? De vous ?
RIFFLART
Et de qui doncques ?30
Par la mort bieu ! je ne vy oncques
Femme qui eust telle caboche !
Mais que j’aye cy mis une broche31,
95 Ma cage sera assouvie32.
FINETTE
Et qu’i mettra-l’en33 ?
RIFFLART
Une pie.
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Mais ung estronc34 !
Laissez-moy faire35 !
FINETTE
Quel folie !
Mais qu’i mettra-l’en ?
RIFFLART
Une pie.
100 Elle sera cointe36 et jolie ;
Et si, sera à demy ront37.
FINETTE
Mais qu’i mettra-l’en ?
RIFFLART
Une pie.
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Mais ung estronc !
Aussi tost que les gens l’orront
105 Appeler38 « macquereau ! », siffler,
Par mon âme, ce sera fer39 !
Il n’en fault point parler du pris40.
FINETTE
Ung cocu dedens sera mis,
Qui est ung oyseau de grant bien.
RIFFLART
110 Par ma foy, il n’en sera rien !
Et ne m’en parlez plus, Finette !
Aussi tost qu’elle41 sera faicte,
G’iray une pie acheter.
FINETTE
Pour quoy faire ?
RIFFLART
Pour y bouter.
FINETTE
115 Saint Jehan ! mais ung cocu jolis.
RIFFLART
Si sur vous je gecte mes gris42,
Vous direz « une pie43 ».
FINETTE
Feray ?
Par Dieu, ennuit44 ne me tairay !
[Dictes « ung cocu »]45, oyez-vous ?
RIFFLART, en frappant
120 La chair bieu ! vous aurez des coups,
Tenez ! Dictes « une pie ». Ferez ?
FINETTE
Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez
Plus de cent coups, n’en doubtez mye,
Ou « une pie » vous nommerez46.
FINETTE
125 Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez !
FINETTE
C’est pour neant47 : avant, me tuerez.
RIFFLART
Dictes « une pie », je vous prie.
FINETTE 48
Mais ung cocu !
RIFFLART
Vous en aurez
Plus de cent coups, n’en doubtez mie !
130 Cuidez-vous que soit mocquerie ?
Il fault que je vous serve49 à bon.
FINETTE
Me tueras-tu, traistre larron,
Méseau50 pourry ? Que veulx-tu faire ?
Je conteray tout ton affaire
135 Au maire51 de nostre village.
Tu ne te vis52 que de pillage,
Sanglant bougre53 d’un vieil thoreau !
Je te donray54 sur le museau,
Se tu me frappes aujourd’uy !
RIFFLART
140 Par Dieu ! si vous parlez mèshuy
De cocu ne de tel oyseau,
Je vous casseray le museau,
Tant vous donray de horions55 !
Taisez-vous donc, et ne disons,
145 Chascun, mot56 ; et je vous en pry.
F[I]NETTE
Que je me taise ? Je t’affy
Que c’est bien envis57, par ma foy !
RIFFLART
Certes, Finette, je t’en croy…
Or dy doncques, je te supplye,
150 Que ma caige est pour une pie ;
Car je l’ayme bien58, entens-tu ?
FINETTE
Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !
Jamais ce propos ne lerray59.
RIFFLART
Mais pour une pie !
FINETTE
[Quel testu !]60
155 Et ! par Dieu, c’est pour ung cocu !
RIFFLART
Je te donneray ung escu,
Et le dy61.
FINETTE
Sainct Jehan, non feray !
[Et !] par bieu, c’est pour ung cocu :
Jamais ce propos ne lerray.
RIFFLART
160 (Au fort, tout luy accorderay,
Je n’y voy point de meilleur62 voye.
Le sang bieu ! avant la turoye
Qu’elle changast [d’]oppinion63.)
FINETTE
Par saint Jehan ! ce ne feray mon64,
165 Car jà pie n’y sera mise.
J’en feray tout à ma devise65.
Tu m’as rompu tout le(s) costé(s)66.
Ung cocu y sera bouté,
Et ne m’en tiens plus de langaige ;
170 Ou, en despit de ton visaige,
[Se mettre y veulx nul]67 contredit,
Je la brûleray68 par despit !
Entens-tu, [Rifflart] ?
RIFFLART
Belle dame,
Je suis bien mari69, par mon âme,
175 Que vous avez si malle70 teste.
Les gens si me tiendroyent pour beste
Se n’estoye maistre en ma maison ;
Aussi esse droit et raison,
Aultrement ne seroye pas saige.
FINETTE
180 Cela n’est pas à nostre usaige71,
Et ne sert72 point à mon propos.
Femmes n’ont jamais le bec clos,
Et ce n’est pas de maintenant73 !
En ta caige, certainement,
185 Y mettré ung joli cocu.
Or dy : le m’achetteras-tu,
Ou se je l’iray acheter ?
RIFFLART
J’ayme mieulx le vous apporter,
Car j’en trouveray mieux que vous…
FINETTE
190 À quoy dea[b]le congnoistrez-vous
S(e) il est mâle ou [s’il est] fumelle74 ?
RIFFLART
Regarder luy fault soubz l’esselle75,
Finette : là le congnoist-on.
FINETTE
Entour Noël76, en la saison,
195 [Ilz] chantent soubz la cheminée77 ;
C’est [là] une chose esprouvée.
RIFFLART
Or allons, vous et moy, chercher
Se ung [nous] en pourrons trouver
– Pour bouter dedens vostre78 cage –,
200 Qui gouvernera le mesnage79
Tandis que g’irons80 au marché.
.
Bonnes gens, vueillez prendre en gré.
Nous en allons par-cy le pas,
Ung chascun selon son degré81.
205 Vueillez prendre en gré nos esbatz !
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FINIS
*
1 Que Jean de Marconville étudiera en 1564 dans De la bonté et mauvaistié des femmes. 2 Plusieurs tournures normanno-picardes ont résisté aux éditeurs parisiens et lyonnais : vers 23, 37, 66, 93, 96, 105, 116, 191, 201, etc. 3 D’après Jelle Koopmans : le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 673-680. 4 Une jeune fille porte ce nom dans la farce des Femmes qui vendent amourettes (F 38). 5 Il est seul dans son atelier d’artisan. Au lieu de travailler, il répare une cage en osier. Il chante un rondel (que le ms. Phillipps 3644 baptise Rondeau). Dans la Confession Rifflart, le personnage éponyme obéit lui aussi aux volontés de son épouse. 6 Le mari se décarcasse, la femme va et vient. 7 Je ne m’abstiendrai pas de travailler. 8 Elle ne fait que grogner. 9 Finir de rafistoler. Idem vers 95. 10 « On appeloit ceux qui acquèrent, qui gagnent : pèlerins de St Aqaire. » La Curne de Sainte-Palaye. 11 Que le Créateur te donne une mauvaise santé. 12 L’aphérèse du « e » de (e)lle après un futur confirme l’origine normanno-picarde de la pièce. « Sy en sera-’lle resjouye. » Marchebeau et Galop. 13 On dressait des oiseaux parleurs pour qu’ils insultent les visiteurs, notamment ceux qui venaient voir la maîtresse de maison. Clément Marot se plaint que les femmes de Paris traitent quelqu’un de « maquereau,/ Comme une pie en cage injurieuse ». Voir aussi la Résurrection de Jénin Landore : « –Quand on met une pie en cage,/ Que luy aprent-on de nouveau/ À dire ? Parle ! –“Macquereau.” » 14 Maquereau vous-même ! 15 F : lornez — BM : lorres (Orrez est le futur du verbe ouïr.) Vous entendrez bien que vous êtes un maquereau. 16 Leçon BM. F : sur (Quand je suis debout : quand je ne suis pas ivre.) 17 Même si. 18 De Dieu. Pour ne pas jurer sur le corps de Dieu, on jure sur ses vêtements. « Par les patins bieu ! » Te rogamus audi nos. 19 Un coucou. « Cocu » est le second degré traditionnel : « J’ay une autre forest/ Où tous les jours le cocu chante. » (Le Faulconnier de ville.) La femme veut mettre en cage un cocu semblable à son mari, lequel veut y mettre une pie qui passe son temps à jacasser, comme son épouse. 20 Est-ce vous qui commanderez ? 21 La femme caquette, comme une pie. De même au vers 68. 22 Votre bouche n’aura pas dit la vérité. « Vous y mentirez par les dens ! » Actes des Apostres. 23 « Par le sainct sang que Dieu me fist/ (Puisqu’il fault jurer en piquart) ! » Éloy d’Amerval. 24 Vous ne l’emporterez pas au Paradis. 25 Maishui, à présent. 26 Pour un vaurien comme vous. Cf. le Mince de quaire, vers 229. 27 F et BM : Fy fy fy (Voir la note 193 du Munyer.) La femme traite son époux de Fy-fy, de merdeux. On comprend la réplique offusquée de Rifflard. 28 Un « bourdon » a mutilé ce triolet. Je reconstitue le vers qui a sauté en m’inspirant de Raoullet Ployart, qui, d’après sa femme, « tousjours tence, riotte ou grongne ». 29 En rien du tout. « –Or ne riez point. –Rien quiconques,/ Mais pleureray à chaudes larmes. » Pathelin. 30 F répète dessous : Par la mort bieu / Et de qui donques 31 Lorsque j’aurai mis ici une tige pour obstruer l’ouverture. 32 Terminée. 33 Qu’y mettra-t-on ? « L’en » est surtout employé en Normandie : cf. Pates-ouaintes, vers 66, 77, 94, 210, 313, 401, 522. 34 Cet étron virtuel met fin aux contestations. « –Malade suis. –Mais ung estront ! » Le Povre Jouhan. 35 Laissez-moi finir ma cage. 36 Gracieuse. « Ma femme sera coincte et jolie comme une belle petite chouette. » Rabelais. 37 Et aussi, elle aura « les plumes de sa queüe estalées en demy rond », comme celles du paon dans les armoiries. Voir le Trésor héraldique ou Mercure armorial. 38 L’entendront crier. 39 Ce sera grandiose. « À ceste foys, nous ferons fer ! » (ATILF.) Fer rime avec sifflèr, à la manière normande. Vaugelas déplorera qu’en Normandie, on prononce l’infinitif aller « tout de mesme que si l’on escrivoit allair ». 40 Peu importe son prix. 41 Que la cage. 42 Mes griffes. Cf. Tout-ménage, vers 61. Ce normandisme désigne également les serres d’un oiseau. 43 Il n’y a là aucun rapport avec l’expression « dire pie » ; v. la note 66 des Coppieurs et Lardeurs. 44 Anuit, aujourd’hui. 45 F : Dung cocu — BM : Dictes pie 46 F : mommeres (Les vers 123-125 manquent dans BM.) Un fragment de sottie qui suit la moralité de Digeste Vieille fait allusion à ce passage, à moins que notre farce ne s’inspire de ladite sottie : « On luy livre sy durs assaulx/ Qu’i n’ose nommer une pie…./ Et vous plaise de prendre en gré,/ Se le coqu gaigne la pie. » 47 Ça ne sert à rien. (« Nian » compte pour 1 syllabe.) Vous me tuerez avant que je ne capitule. 48 F et BM intercalent un vers dans le triolet ABaAabAB : Non feray par sainte marie 49 Leçon BM. F : fine (« Servir au bond » est une action du jeu de paume.) 50 Lépreux. Ce mot ne servait plus que d’insulte : cf. la Laitière, vers 265. 51 Le maire est officier de justice. Cf. Colin, filz de Thévot le maire, vers 23-24. 52 Tu ne te nourris. « Que les loups se vivent de vent. » François Villon. 53 Homme qui copule avec des animaux. « Bougre à chièvres. » (Scarron.) Cette accusation n’était pas anodine : la bestialité était punie de mort. Jody Enders, qui a eu la bonne idée d’adapter notre farce en américain, traduit ce vers ainsi : « Fuck you and bugger off, you crook ! » (Holy Deadlock and further ribaldries, pp. 118-134.) 54 Leçon BM. F : donneray (Je corrige le même défaut à 143.) Je te donnerai un coup. 55 De coups. Avec la diérèse, ho-ri-ons fait 3 syllabes. 56 Et qu’aucun de nous ne dise un mot. Dans le Chauldronnier et dans les Drois de la Porte Bodés, un couple s’écharpe jusqu’au moment où il décide de se taire, le premier qui parle ayant perdu. 57 Je t’affirme que c’est bien malgré moi. Dans le Chauldronnier, la femme avoue : « Et moy, qui me tais bien envys. » 58 Aimer la pie = aimer boire du vin. Cf. le Roy des Sotz, vers 222. Rifflard est porté sur la boisson : vers 44, 77. 59 Je ne laisserai. 60 F : Ay non feray (L’éditeur a mélangé ce 3e vers du triolet, qui rime en -u, avec la rime de 157. « Un mary testu et génin. » Le Trocheur de maris.) BM omet les vers 154-159. 61 Si tu dis qu’on y mettra une pie. 62 F et BM : meilleure (« J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. « Dedans la meilleur de noz chambres. » La Confession Margot.) 63 Elle se laisserait tuer plutôt que de changer d’avis. 64 Jamais je ne changerai de langage. Finette, qui n’a pas entendu l’aparté de Rifflard, complète sa tirade 157-159. 65 Selon ma volonté. « Là où jouë l’obstination des femmes, elles veulent tousjours vaincre & emporter le dessus. » Pierre de Larivey. 66 La rime est au singulier, comme dans BM : tout rompu le couste. À partir de maintenant, les rôles, ou plutôt les genres, sont inversés : Finette tutoie son mari, qui se met à la vouvoyer. 67 F : Se mtttre y veulx — BM : Ce mettrcy veulx (« Je n’y mectray nul contredict. » Sœur Fessue.) 68 Je brûlerai cette cage en osier. 69 Marri, fâché. Jeu de mots banal sur « mari ». 70 Si mauvaise. L’auditoire pouvait comprendre : si mâles testes [des testicules si masculins]. Voir la note 99 du Faulconnier. 71 Dans nos habitudes (que vous portiez la culotte). 72 Leçon BM. F : seroit (« Ostez hardiement ceste clause,/ Elle ne sert pas au propos. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.) 73 Cela remonte à Ève. Finette parle du « bec » des femmes : on ne quitte pas l’ornithologie. 74 Femelle (normandisme). V. la note 159 de Frère Frappart. Finette veut un mâle, car c’est lui qui chante le fameux « cou-cou ». Des marchands de coucous arpentaient les rues en criant : « Je fais le coqu, moy ! » On peut en entendre un dans les Cris de Paris, de Clément Janequin. 75 Si le coucou est épilé sous les ailes, c’est une femelle. Dans les étuves, les femmes se faisaient épiler, ou raser. « Qui oste le poil des aiscelles à ceuls qui vont aux estuves. » Robert Estienne. 76 Ce dialogue fut peut-être joué un 28 décembre, à l’occasion de la Fête des Fous. 77 Le coucou est un migrateur qui revient en France au printemps ; si on l’installe en hiver sous le large manteau d’une cheminée (seul endroit chaud et lumineux de la maison médiévale), il croit que le printemps est de retour, et se met à chanter. Mais on peut s’interroger sur ce cocu qui chante devant une cheminée, alors que le mot « cheminée » est synonyme de vagin : cf. le Ramonneur de cheminées. 78 La cage appartient désormais à la femme, comme tout le reste. 79 La maison. 80 Que nous irons. C’est du moins l’avis de John Palsgrave qui, en 1530, a cité les vers 39 et 201 de notre pièce, et qui reproche aux Français de dire : « Hee Dieu, qu’il est de sottes testes, for : Il y a de sottes testes. And : Faictez-le ce pendant que g’yrons au marché, for : Nous yrons. » (L’Esclarcissement de la langue françoyse.) La réalité est plus ambiguë, et bien souvent, le provincialisme « j’irons » se traduit par « j’irai » : « J’irons, pour vous, courir la prétentaine. » (Hauteroche.) On peut en conclure que, désormais, c’est Rifflard qui fera les courses à la place de Finette. 81 Chacun marchant à la place qui lui revient ; en l’occurrence, la femme devant et l’homme derrière. Même vers dans Pour porter les présens, et dans les Femmes qui font escurer leurs chaulderons.