LE PÈLERINAGE DE MARIAGE
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LE PÈLERINAGE
DE MARIAGE
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Nous avons là une des satires antimatrimoniales les plus élégantes. Émile Picot1 nous révèle qu’en octobre 1556, la troupe exclusivement masculine de Pierre le Pardonneur2 donna des représentations à Rouen, mais que le parlement de cette ville les interrompit. Une des causes de cette interdiction tient au fait que les acteurs jouaient « la farce du Retour de Mariage ». Picot identifie ce Retour de Mariage à notre pièce, et présume que la censure lui reprochait de parodier les litanies du samedi saint.
Trois demoiselles (interprétées donc par des hommes) vont en pèlerinage au pays merveilleux de Mariage. Elles croisent un vieux pèlerin qui en revient déçu, et qui pourrait dire comme celui du Pèlerin et la Pèlerine 3 : « Je vien d’un pays bien sauvage / Que l’on appelle Mariage. » Le vieillard se gausse des futures épouses, mais ne tente pas de les dissuader, sachant bien que les femmes gagnent toujours à se marier. En revanche, il voudrait sauver de la catastrophe un jeune pèlerin, qui ne lui en sait d’ailleurs aucun gré, et qui assimile l’expérience du vieil homme au gâtisme. On devine que lui-même, un jour, tiendra le rôle du vieux pèlerin.
Source : Manuscrit la Vallière, nº 19.
Structure : Rimes plates, abab/bcbc, strophes aabba.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce à cinq personnages.
C’est à savoir :
le Pèlerinage
de Mariage
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LE [VIEL] PÈLERIN
LES TROYS PÈLERINES
et LE JEUNE PÈLERIN
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[LA PREMIÈRE]4 PÈLERINE com[m]ence
Or allons à nostre voyage5 SCÈNE I
Que l’on apelle Mariage !
Jeunes filles en ont désir.
LA IIe PÈLERINE
D’y aller m’est un grand plaisir ;
5 Et pour tant6, partons de ce lieu !
LA IIIe PÈLERINE
Puysque c’est le plaisir de Dieu,
Je m’y veulx mectre par chem[i]n,
Gardant [nect nostre]7 parchemin,
Moyennant volonté7 divine.
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LE VIEL PÈLERIN 9 SCÈNE II
10 Tant plus en ce monde chemine
— Povre pèlerin douloureux
De Mariage, langoureux10 —,
Moins11 je ne puys trouver la fin.
Et sy, ne sçay12 homme sy fin
15 Qui à cheminer n’en fust las.
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LA IIe PÈLERINE SCÈNE III
Ma mye, donnons[-nous] soulas13 :
Voécy un pèlerin qui vient.
L[A] PREMIÈRE
Quant je le voy, y me souvyent14
D’un homme qui est fort lassé.
20 Il a en quelque lieu passé,
Tant est rompu en ses habis.
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Bon soyer15, mon amy ! SCÈNE IV
LE VIEL PÈLERIN
Et vobis 16 !
LA IIe PÈLERINE 17
Cela est latin.
LE VIEL PÈLERIN
J’en faictz rage.
LA PREMIÈRE
Or çà, de quel pèlerinage
25 Venez-vous ?
[LE VIEL PÈLERIN] 18
Je viens de sy loing
Qu’i n’est de le19 dire besoing.
LA IIIe 20 PÈLERINE
Dictes-le-nous !
LE VIEL PÈLERIN
Le grand voyage
Que l’on apelle Mariage.
LA PREMIÈRE
Nous y allons.
[LE VIEL PÈLERIN]
Dieu vous convoye21 !
LA IIe PÈLERINE
30 Je vous pry(e), monstrez-nous la voye
Par où y nous y fault aller.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Y fault-y aller sans parler ?
LE VIEL PÈLERIN
Nénin ; les femmes pas, au moins22.
LA IIIe PÈLERINE
Et les hommes ?
LE VIEL PÈLERIN
Ne plus, ne moins.
35 Je ne m’y voulus consentir,
Et sy23, est permys de mentir
En y alant.
LA PREMIÈRE
En Mariage,
Y parle-l’en mauvais langage ?
Est-il mal aisé24 à comprendre ?
LE VIEL PÈLERIN
40 Nénin, vous le pourez aprendre
Incontinent ; je l’ay ouÿ.
LA IIe PÈLERINE
Et qu’i fault-y dire ?
LE VIEL [PÈLERIN]
« Ouÿ. »
Y n’y a aultre chose à dire
Que ce mot-là.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Escoustez, syre :
45 Y peult-on aler à cheval ?
LE VIEL PÈLERIN
Les uns y vont à grand déval25,
Cuydant trouver leur cas à poste26.
Mais tel, souvent, y court la poste27
Qui à pié eust esté trop tost.
50 Mais le voyage est sy dévost
Qu’i tarde à chascun qu’i n’y soyt.
LA IIIe PÈLERINE
Puysque tel bien s’y apersoyt,
Allons-y !
LE VIEL PÈLERIN
Alez, de par Dieu !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Le lieu est-il beau ?
LE VIEL PÈLERIN
C’est le lieu
55 Où il y a plus de débat28…
Que di-ge ? Non, non : plus d’esbat,
Qui s’y sçayt bien contretenir29.
LA IIe PÈLERINE
Je ne me séroys30 plus tenir
D’aller31 !
LE VIEL PÈLERIN
Alez à la bonne heure !
60 Se je vis avant que je meure,
Je vous verray32 en bonne encontre.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous s’il [s’]en rencontre33
Qui nous fist le chemin faillir.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! ouy bien, qui vouldroict saillir34
65 Dehors des termes de Raison.
Car y fault, en toute saison,
Aler tousjours le chemin droict :
Car qui aultre chemin tiendroict,
Au lieu d’aller à Mariage,
70 On s’en yroit en Malerage35,
Ou bien cent lieues36 par-delà.
LA IIIe PÈLERINE
Dieu nous gard d’aler jusques-là !
Cela37 fail[l]yroit nos journ[é]es.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Trouverons-nous pas des jonchées38 ?
LE VIEL PÈLERIN
75 Ouy, ouy, d’assez bien adjencées39.
LA IIe PÈLERINE
Et de quoy ?
LE VIEL PÈLERIN
De menu[e]s penc[é]es
Que femmes c[u]euilent, [et jalousie]40.
Et [des poyres de jalousie]41,
Chia brena42, tati tata,
80 Je veulx cecy, je veulx cela,
Tant de parolles ennuyeuses.
LA IIIe PÈLERINE
Cela sont poyres trop fascheuses :
Y ne sentent point43 leur framboyse.
LE VIEL PÈLERIN
Et ! mon Dieu, qu’i[l] y a de noyse(s),
85 Sans les noysilles44, les noysètes.
Non pas avec jeunes fillètes
Comme vous : poinct on n’y en menge45.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Est-il vérité ?
LE VIEL PÈLERIN
Poinct n’en men-ge46.
Oultre, il est ordonné de Dieu
90 Que pèlerin qui va au lieu
De Mariage et là s’encline47,
Y couche48 avec sa pèlerine.
Les ordonnances en sont telles.
LA IIe PÈLERINE
Or çà ! combien se vendent-elles49 ?
LE VIEL PÈLERIN
95 Combien ? Autant sotes qu’apertes50,
Quatre51 denyers.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Non plus ?
LE VIEL PÈLERIN
Non, certes,
Car ainsy est le traict merché52.
LA IIIe PÈLERINE
En bonne foy, c’est bon marché.
LE VIEL PÈLERIN
Selon les hommes le guerdon53 :
100 Aux uns « ouÿ », aux aultres « non ».
Selon54 qu’est la femme, je dis :
Les uns y treuvent paradis,
Les aultres enfer, par mon âme !
Et tel, souvent, y crye « à l’arme »
105 Qui l’aloyt assaillir d’emblée55.
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LE JEUNE PÈLERIN 56 SCÈNE V
Dieu gard ceste noble assemblée !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Et vous !
LE VIEL PÈLERIN
Et vous !
LA IIe PÈLERINE
Et vous !
[ LA IIIe PÈLERINE
Et vous ! ]
LE JEUNE PÈLERIN
Où allez-vous ?
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Mais dictes-nous
Où d’aller avez entreprins.
LE JEUNE PÈLERIN
110 J’ey, sans penser d’estre reprins57,
Entreprins le pèlerinage
D’aler tout droict en Mariage.
Voy(e)là où gist tout mon soulcy.
LA IIe PÈLERINE
Nous l’avons entreprins aussy,
115 Et du chemin nous enquérons,
Et au pèlerin requérons
— Qui en vient — qu’i nous die58 que c’est.
Mais je voys bien qu’i ne luy plaist
D’y avoir [entre]prins chemin59.
LE JEUNE PÈLERIN
120 C’est un brouilleur de parchemin60,
Un ras[s]oté qui n’en peult plus.
Alez prier Dieu ! Au surplus,
Nous passerons, doresnavant.
LE VIEL PÈLERIN
Hardy, mectez la plume [au vent]61 !
125 Jamais jour62 ne vous cessera.
Et maudict63 qui se lassera
Premier qu’i soyt troys ans passés !
LE JEUNE PÈLERIN
Ces vieulx sont rompus et cassés ;
On leur veoyt presque le cerveau saillir.
130 Non, non ! S’on me vient assaillir,
J’ey bon baston64 pour moy deffendre
Ferme et fort, pour piquer et fendre.
A ! je ne crains nul assaillant.
LE VIEL PÈLERIN
Il est roullant comme Vaillant65 !
135 Saincte Dame, qu’il est hardy !
Y sera tant acouardy66,
Mais que son « bourdon67 » soyt lassé.
Le mien est rompu et cassé,
Tout verdmoulu68 depuys long temps.
LE JEUNE PÈLERIN
140 Sy ces vieulx en sont mal contens,
Fault-il les jeunes desgouster ?
Non, non ! Y les fault débouster69
D’un coup !
LE VIEL PÈLERIN
Regardez que vous ferez70,
Gentil Hercules ! Demourez71,
145 Atendez jusques à demain.
LE JEUNE PÈLERIN
J’ey bon pié, bon œuil, bonne main
Pour bien sçavoir descroter cotes72 !
LE VIEL PÈLERIN
Olivier, baille-luy ses botes73 :
Y tura Karesme-prenant74.
LA IIIe PÈLERINE
150 A ! dea, nous avons maintenant
Qui nous asseure75.
LE JEUNE PÈLERIN
Ce viellart
Nous veult user de son viel art76 ;
Mais y luy fault monstrer les dens.
Que ne me fourrasse77 dedens ?
155 J’aymeroys myeulx avoir…
LE VIEL PÈLERIN
La taigne ?
Ô gentil78 Artus de Bretaigne,
Gentil Hector, miséricorde !
Gardez la noix79 de vostre corde :
Vous pouriez bien chermer le trect80.
160 S’y veult cheminer sy estroict81,
Y se lassera à82 complaire.
LE JEUNE PÈLERIN
Mariage à chascun doyt plaire ;
Car je dis que s’il eust despleu
À Dieu, y ne luy eust pas pleu
165 D’en faire le commendement83.
Aussy fist-il ce sacrement,
Au lieu84 de Paradis térestre.
Par quoy, je dis qu’il ne doibt estre
En cest estat vespérisé85.
LE VIEL PÈLERIN
170 Et ! s’il a esté sy prisé
De Dieu (ce que je ne crus onques),
Que ne se mariet-il donques ?
Ma foy, y n’estoyt pas sy nis[s]e86 !
LE JEUNE PÈLERIN
Tes-toy87, que Dieu ne te punisse !
175 C’est trop babillé et trop dict !
Que je soye de Dieu…
LE VIEL PÈLERIN
Mauldict ?
[Serez assez]88 de vostre femme.
LE JEUNE PÈLERIN
Garde-toy de sumer89 diffame,
Et n’en dis rien que bien apoinct90 !
LA PREMIÈRE PÈLERINE
180 Un cœur qui d’amour est espoinct91
Et peult mariage choisir,
Je croy que de douleur n’a poinct,
Y chantent :
Puysqu’il est beau à mon plaisir.92
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Quant on a le loisir,
185 Mariage est mygnon et gent ;
On ne séroyt meilleur choisir,
Y chantent :
Mais qu(e) on ne baillast 93 poinct d’argent.
LE JEUNE PÈLERIN
D’argent ne fault estre sergent 94.
Quant telle joye95 est avenue,
190 On prent un plaisir réfulgent96,
Y chantent :
Quant la nuict est venue.97
LE VIEL PÈLERIN
La nuyct ? Bien souvent, par la rue,
[Le mary en]98 sent la froidure ;
[Sa] femme, [au lict]99, regibe et rue
Y chantent :
195 Tant comme la nuyct dure.100
LA IIIe PÈLERINE
La nuyct, nul mal on n’y endure :
C’est de plaisir une montjoye101.
On n’y séroyt trouver laidure,
Y chantent :
Quant on y prent soulas et joye.102
LE VIEL PÈLERIN
200 Soulas et joye ? Mais rabat-joye !
Menasse103 le plaisir affolle.
Pensez-vous que croi(e)re on vous doye ?
Y chantent :
Nénin, je ne suys pas sy folle.104
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Sy folle ? C’est simple parolle105.
205 Jà à vostre dict n’entendray ;
C’est vérité ou parabolle106.
Y chantent :
Ne me chault, mon plaisir prendray.107
LE VIEL PÈLERIN
Vostre plaisir ? Je respondray :
Que noyse n’y vault rien sans débat108.
210 Autant vauldroict estre enfondré109,
Y chantent :
Sy j’estoys alé à l’esbat.110
LA IIIe PÈLERINE
À l’esbat on y va sans sabat111.
Mais un tas de mal gratieux
Veulent tous servir au rabat112,
Y chantent :
215 Dont y n’en séroyent valoir myeulx.113
LE VIEL PÈLERIN
Valloir myeulx ? Et ! compaignon vieulx114,
L’Ordre de ménage115 est souldaine.
Je tiens pour fol et glorieulx116
Y chantent :
Celuy qui la tient pour certainne.117
LA IIe PÈLERINE
220 Pour certaine ? Et ! au [sien] démainne118
Et au jardin, a bonne chose119 :
Florist ermerye120, marjolainne,
Y chantent :
Et aussy faict la passeroze.121
LE VIEL PÈLERIN
La passeroze ? Et ! je propoze
225 Qu’i122 soyt vray : le dirai-ge ? Ita !
Tant d’espines, dont chanter n’ose123,
Y chantent :
[Consumo la mia vita]124.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc bon cœur ne s’en despita,
Au moins s’y se veult faire veoir125.
230 Qui y entre, son délict a126
Y chantent :
Comme un amoureulx doibt avoir.127
LE VIEL PÈLERIN
Avoir mariag’ [il] faict beau veoir ;
Mais du ménaig’ n’a poinct d’envye.128
Tousjours donner sans recepvoir,
Y chantent :
235 Je croys que j’en perdray la vye.129
LA PREMIÈRE PÈLERINE
La vie en vient, on s’en desvye.
Mon cœur en a [joyeulx esté]130 :
Car quant l’Ordre est bien [des]servye131,
Y chantent :
Y raverdist en132 joyeuseté.
LE VIEL PÈLERIN
240 Joyeuseté ? Tout133 est frété :
Chagrin y est, je vous promays.
Sy j’en sors, yver ou esté,
Y chantent :
Jamais ne m’aviendra, jamais134 !
LE JEUNE PÈLERIN
Jamais ? C’est un gracieulx mès
245 Que de ris135, à n’en doubte[r] mye ;
Car g’y chanteray désormais :
Y chantent :
« Mais omblier ne la puys mye. »136
LE VIEL PÈLERIN
Mye ? Et sy ta femme te maistrye137,
Va-t’en : jà n’yra après toy.
250 Et n[’ay]es pas peur qu’elle te dye :
Y chantent :
« Mon bel amy, atendez-moy ! »138
LA IIe PÈLERINE
N’esse pas plaisir, par ta foy,
Que mariage ? On ne peult myeulx.
Telle léesse139 au monde je ne voy
Y chantent :
255 Pour en avoir son petit cœur joyeulx.140
LE VIEL PÈLERIN
Joyeulx ? Joyeulx ? Voy(e)re, jusques aulx cieulx !
« Hély, hély, [lama sabacthany]141 ? »
Pauvre, sans142 bien et thésor gracieulx
E[s]t mon las cœur143, de tout plaisir bany.
260 Et ! je vous pry(e), n’en parlez plus hüy144,
Vous, ny elle, [ou] elle, ne luy.
On n’y tient pas ce qu’on promect.
Car de grand folye s’entremect
Qui se chastye par aultruy145.
LE JEUNE PÈLERIN
265 Sans mariage, on ne feroyt
Jamais146. Tout bien se desferoyt ;
On n’auroyt amys ne parens.
Ce sont termes bien aparens ;
Qui diroyt que non, fol seroyt !
LE VIEL PÈLERIN
270 Les uns y vivent à souhaict :
C’est un mignotis, un jouect147.
Aultres y vont à la traverse148.
Contre Fortune la diverse149,
Un charestier rompt son fouet.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
275 Escoustez que dire je veulx150 :
Pourquoy fistes-vous donc des veulx151
Pour, en fin, vous en repentir ?
[Comme Absalon, sans vous mentir,]152
Tel fuict qui tient par les cheveulx.
LE VIEL PÈLERIN
280 [Aucun n’y]153 faict plus qu’i ne peult :
L’un y est aise154, l’aultre s’y deult ;
Grison155 y rue, doulx est Moreau.
Car entre cy et Sainct-Marceau156,
Chascun n’a pas argent qui veult.
TOUTES III ENSEMBLE
285 Alons, alons, laissons-lay157 dire !
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous en veulx pas desdire.
[LE JEUNE PÈLERIN] 158
Or ne m’en viens donc plus parler !
LE VIEL PÈLERIN
Et ! sy vous y voulez aller,
Alez-y donc, n’y alez pas,
290 Courez-y159, marchez petit pas,
Reculez, avancez-vous fort,
Fuyez, mectez-vous en effort,
Et aportez le « pot au laict160 ».
LA IIe PÈLERINE
Voécy un térible poullaict161 !
295 Nous yrons en pèlerinaige
Maintenant !
LE VIEL PÈLERIN
Vous ferez que saige162.
Mais regardez quelle promaisse
Vous ferez devant qu(e) ouïr messe,
À la grand porte de l’église.
LE JEUNE PÈLERIN
300 Et ! je promectray à la guise163
Des aultres.
LE VIEL PÈLERIN
Sans tendre gluotz164,
Y s’y prend beaucoup de dÿotz,
De coqus et de pauvres buses165.
Il y fault penser.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Tu t’abuses !
305 Pour mariage entretenir,
Ne pouroyt[-il] pas bien tenir
Foy et loyaulté ?
LE JEUNE PÈLERIN
À jamais,
Car je tiens ce que je promais
Sans rompre.
LE VIEL PÈLERIN
Luy, jà n’aura courage
310 D’aler rompre son mariage ;
Garde n’avez qu’i s’y efforce.
Mais de luy donner quelque estorse166,
Ou le ployer, je ne dis pas.
LA IIIe PÈLERINE
En toy, n’a reigle ne compas167.
315 Sa femme ne fault estranger168 :
Ne [soys] sy hardy d’en169 changer
Ne pour pire, ne pour meilleure.
LE VIEL PÈLERIN
Changer ? Vray Dieu, à la male heure !
S’on les changeoyt comme les mulles170,
320 Que de contras et que de bulles171 !
Les taverniers auroyent bon temps172.
LE JEUNE PÈLERIN
[Paix ! C’est]173 trop babillé, entens ?
[Et !] tu me faictz fol devenir.
LE VIEL PÈLERIN
Puys voécy Ménage174 venir,
325 Qui chantera de belles notes :
Avoir fault175 des robes, des cotes,
Habis de testes et gorgères176,
Chaînes qui ne sont pas légères,
Bordures, carquens177, pierreryes,
330 Et toute[s] belle[s] orfavre[r]yes.
Y n’y fault pas faillir à cela.
LA PREMIÈRE PÈLERINE
Va, va, viellard jamais tant ne parla178.
Fuy-t’en de nous sans plus atendre !
LE VIEL PÈLERIN
Puys y fault au[x] repas entendre179 :
335 Pain, vin, chèr, pouesson et cherbon180,
Boys, poys, fèbves et du lard bon,
Tables, scabelles et traicteaulx181,
Chandelles, torches [et] flambeaulx.
Entendez-vous bien ce que je dix ?
TOUS ENSEMBLE
340 Et ! va, va ! C’est un paradix182.
LE VIEL PÈLERIN
Ouy, sy Dieu y estoyt, et ses anges.
LE JEUNE PÈLERIN
Onc ne vis choses sy estranges.
Tes-toy [donc] !
LE VIEL PÈLERIN
Rien je ne vous celle :
Y fault avoir de la vesselle,
345 Pouelles, pouellons, gates, chauldières183,
Cramill[èr]es et chandelièr[e]s184,
Escuelles, plas, pintes, ég[ui]ères,
Trencheur[s], garde-napes185, salières,
Et la mengeure des chevaulx.
LE JEUNE PÈLERIN
350 Jà je n’y auray telz travaulx186,
Ne m’en vien pas cy tracasser !
Jamais ne me séroyt lasser187,
J’en suys certain et asseuré.
LE VIEL PÈLERIN 188
Je l’avoys en ce poinct juré,
355 Mais…
TOUS ENSEMBLE
Quel mais ?
LE VIEL PÈLERIN
Je ne vous dis rien.
LA IIe PÈLERINE
Rien ? C’est un [très] souverain bien
Que d’aller en pèlerinage
— À jeunes gens — en Mariage ;
Nous irons, il [en] est conclus189 !
LE VIEL PÈLERIN
360 Et je ne vous en parleray plus.
Et tout ce que vous en ay dict,
Ce n’a pas esté par médit190
Mais affin de vous advertir :
Sy vous y voullez convertir,
365 Il y a des empeschemens,
Bien souvent, aulx entendemens191.
Mais il se fault tourner vers Dieu
Et, premyer192 qu’entrer au sainct lieu
De Mariage, il fault crier
370 Et à haulte voix Dieu prier ;
Et pour prendre possession193,
Faire bonne194 procession
Sonnée à très belles sonnètes195.
Puys nous dirons noz chansonnètes.
Ilz chantent tous ensemble une chanson.
.
LE JEUNE PÈLERIN
375 La procession est sonnée.
Ceulx qui ont leur amour donnée
En mariage, entendez bien
Le profit, l’honneur et le bien
Qui en ce bel Ordre est requis.
380 Il a assez, qui l’a acquis196.
LE VIEL PÈLERIN. La procession commence.197
Entre nous tous, joyeulx yrons198.
Entre nous tous, tant las serons.
Puys après, nous le [maul]dirons.
Puys aprèz, nous en repentirons.
385 Sancta Bufecta,
TOUS ENSEMBLE, en tournant à la salle.
Reculez de nobis199 !
Sancta Sadinèta200, aprochez de nobis !
Sancta Quaquèta201, ne parlez de nobis !
Sancta Fâchosa202, ne faschez poinct nobis !
Sancta Grondina203, ne touchez [à] nobis !
390 Sancta Fumèta, ne mesprisez204 nobis !
Sancta Tempestata, ne tempestez pas nobis !
Sancta Gloriosa205, alez loing de nobis !
Sancta Mignardosa206, reculez de nobis !
Sancta Bouffecta207, aprochez de nobis !
395 Sancta Jalousia, reculez de nobis !
Sancta Chiabréna208, ne fâchez pas nobis !
Sancta Mérencolia209, n’aprochez de nobis !
OMNES, sancti[s] freneticis 210
Libéra nos, Dominé 211 !
De femme plaine de tempeste,
400 Qui a une mauvaise teste
Et le cerveau embéguiné212,
ENSEMBLE
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui vont, au matin,
Aulx tavernes parler latin,
405 Et ont soublz la table uriné,
Libéra noz, Dominé !
De femme qui [çà et là]213 court,
Et tient son mary de sy court
Comme un Sot enjobeliné214,
410 Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par jeulx215 meschans,
Vendent leurs robes aulx marchans
Pour estre au jeu trop obstiné,
Libéra nos, Dominé !
415 De « femme qui a les doys menus,
Courte[s] mamelles, et nés camus »216,
Le faict bien sans lict encourtiné217,
Libéra nos, Dominé !
Des hommes qui, par un mistère
420 Trop souldain, font leur femme tère
Et ont le cerveau obstiné,
Libéra nos, Dominé !
De femme[s] trenchant du gros bis218,
Qui despendent tant219 en abis
425 Que le mary est mal dîné220,
Libéra nos, Dominé !
D’un homme qui à droict[e] « chevauche »
Et sa femme « chevauche » à gauche
(C’est tout à rebours cheminé),
430 Libéra nos, Dominé !
D’aller sans chandelle aulx retrais221
Et s’assouèr sus un estron frais
(C’est pour estre bien embrené),
Libéra nos, Dominé !
Oresmus.222
435 Que nous ayons tous bon courage
Contre tourmens de mariage,
Entre nous qui y som[m]es enclos !
Te rogamus, audi nos 223 !
Quant la femme tempeste et tence,
440 Que le mary ayt pacience
Et quelque petit224 de repos !
Te rogamus, audy nos !
Que [ces bragueurs]225 esperlucas,
Coureurs, fringans, esperlucas226,
445 Qui font rage de caqueter,
Pour bien du tout les arester
De bref puissent estre des nos227 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nos femmes nous tenceront,
450 Qu’aux228 injures qu’ilz nous diront
Qu’il y ayt quelque peu de repos !
Te rogamus, audi nos !
Qu’aultres ne leur(s) batent les cus
Et facent leurs maris coqus
455 En faisant la beste à deulx dos229 !
Te rogamus, audi nos !
Quant nous viendrons de quelque afaire230,
Que nos femmes se puissent taire
Et qu’ilz ayent toutes le bec clos !
460 Te rogamus, audi nos !
Deffens-nous de leur malle231 teste,
Mulerye232, tenson et [t]empeste,
De leur bec, grys233, ongle & ergos !
Te rogamus, audi nos !
465 Que les deulx nouveaulx espousés
Se trouvent sy bien disposés
Qu’ilz puissent, en leur mariage,
Produyre bon et beau lygnage
Et vivre ensemble longuement !
470 Puys, en la fin, ayent234 saulvement
Avec Dieu, en céleste enclos235 !
Te rogamus, audi nos !236
*
1 Nouveau recueil de farces françaises des XVe et XVIe siècles, Paris, 1880, pp. LXII-LXVI. — Recueil général des sotties, t. III, Paris, 1912, pp. 269-299. 2 Cf. le Bateleur, vers 184 et note. Michel Rousse a publié les documents qui touchent cette affaire : Archives et documents datés, Rennes, 1983, pp. 235-236. N’étant pas en France, je n’ai pas pu consulter mes antiques photocopies de la thèse non éditée de M. Rousse concernant le Pèlerinage de Mariage. 3 Cette pièce de Claude Mermet s’inspire occasionnellement de la nôtre, ou d’une source commune. 4 LV : le viele (Nous avons là trois jeunes filles, comme le stipulent les vers 3 et 86, et elles sont encore célibataires.) En costume de voyage, les pèlerines se mettent en route vers le pays de Mariage. 5 Notre pèlerinage. Cf. le Grant voiage et pèlerinage de Saincte-Caquette. 6 Pour cela. 7 LV : nostre nect (Gardant lisible le sauf-conduit que nous a donné le curé. Cf. Colin filz de Thévot, vers 267-304.) On peut aussi comprendre : Gardant intact notre pucelage. Le parchemin désigne le pubis des femmes : Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note. 8 LV : la verite (Voir le v. 6.) La volonté de l’Église était que les filles arrivent vierges au mariage. 9 Vêtu d’un habit de pèlerin très usé, il revient de Mariage. 10 Atteint de langueur, malheureux. 11 LV : dont (La négation explétive moins ne est admise : « [La plaie causée par la flèche de Cupidon] en est si profonde/ Que d’en trouver la fin ne peux,/ Et la guarir moins je ne veux. » Je n’avois onc senty le dard.) 12 Et même, je ne connais aucun. 13 Accordons-nous un divertissement. « Mi-e » compte pour 2 syllabes. 14 Il me rappelle. 15 Bonsoir ! 16 LV : a vobis (Et vous aussi ! Le Pèlerin, qui s’est marié à l’église, en a retenu la langue.) 17 À partir d’ici, LV abrège Pèlerin et Pèlerine en p. Je ne le suivrai pas. 18 LV : la vielle p (Je corrige la même bévue à la rubrique du v. 29.) 19 LV : la (Je corrige la même faute de lecture au 2e mot du vers suivant.) 20 LV : ii (Entre les vers 10 et 149, le copiste oublie qu’il y a une 3e Pèlerine, à laquelle je vais donc rendre la parole de temps en temps.) 21 Fidèle à ses lubies, le copiste du ms. La Vallière accroche un double « e » à la fin du mot. Je corrige tacitement cette idiotie aux vers 30, et 197-202. 22 Elles ne sont pas logées à la même enseigne que les pèlerines qui se rendent à Sainte-Caquette, lesquelles n’ont pas le droit de parler en chemin, « car c’est ung tel pèlerinage/ Qu’en le faisant, mot on ne sonne ». 23 Et pourtant. 24 LV : esse (Même bizarrerie à 281.) 25 LV : cheual (à la rime.) En dévalant au galop. 26 Au mieux. 27 S’y précipite à cheval. 28 De disputes. Mais le vieux Pèlerin se reprend. 29 Si on sait bien se défendre. 30 Saurais, pourrais. Même normandisme aux vers 186, 198, 215, 352. 31 LV : dy aller (Mais on peut comprendre : Je ne saurais me retenir plus longtemps d’aller uriner. C’est bel et bien ce qui arrive à la pèlerine de Saincte-Caquette, vers 179-186.) 32 LV : veoray (Je vous verrai dans une bonne situation.) 33 Si nous risquons de rencontrer un homme. « Il s’en rencontre mesme qui (…) vont jusqu’à proférer ces mots. » Louis Abelly. 34 Si on voulait sortir. 35 « La MALLERAGE : Château de France en Normandie, au pays de Caux. » (Dictionnaire de Trévoux.) La « male rage » et le « mariage » sont plaisamment confondus : « Jamais n’ouÿ, de mon bon eur,/ Sy bien parler de malle rage…/ Dy-je [je veux dire], Sathan, de mariage. » Éloy d’Amerval. 36 LV : lieux (« Lieu-es » compte pour 2 syllabes.) 37 LV : ca la (Cela fausserait nos journées de marche.) 38 LV : monnoys (Fleurs dont on jonchait le sol avant le passage de la mariée. « L’autre amassoit des fleurs et en faisoit jonchées. » La Curne.) 39 LV : adiensses (Agencées, apprêtées. « Chacun taschoit à s’adgencer. » Guillaume Coquillart.) 40 LV : un petivt (Cueillent, et des œillets. Sur le double sens floral de « jalousie », voir Saincte-Caquette, vers 317.) « Pensée » cache aussi un double sens : fleur, et idée triste. 41 LV : tant poyres de chiot (« –Que mangera, par fantasie ?/ –Poires, poires de jalousie. » Les Cris de Paris.) Une épouse sert également à son mari des poires d’angoisse : « Amy, garde bien d’y aller (te marier) !/ Car l’on t’y fera avaller/ Souvent mainte poire d’angoisse/ Toute succrée de tristesse. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 42 Dénomination doublement scatologique (chier + brenner) des embarras causés par les femmes ; voir le v. 396. « Le chiabrena des pucelles. » (Pantagruel, 7.) « Tati tata » exprime le bavardage féminin : cf. les Botines Gaultier, vers 25. 43 LV : pomc (Les fruits étaient bons s’ils avaient goût à framboise. « Y [mes pommes] sentent comme la framboyse. » Le Marchant de pommes.) 44 LV noys aussy (Noisille et noisette sont des diminutifs de noise. « Ces petites noisettes, ces riottes qui, par certain temps, sourdent entre les amans. » Rabelais, Tiers Livre, 12.) 45 Avec vous, on ne mange pas ce genre de « noisettes ». 46 Je ne mens pas. « Se ne dis vray, au moins ne men-ge mye. » Jehan Molinet. 47 S’incline dévotement. 48 Au-dessus de ce mot, qui n’est pas biffé, le copiste a écrit : achete 49 Les ordonnances, ou les pèlerines ? 50 Qu’elles soient sottes ou intelligentes. Les ordonnances, ou les pèlerines ? 51 LV : quatorz e 52 Le trait est marqué : le barème est fixé. 53 On récompense les gens selon leur mérite. 54 LV : synon (Suivant comment est l’épouse.) 55 Qui allait assaillir le pays de Mariage par surprise. 56 Il arrive derrière les femmes, vêtu d’un habit de pèlerin flambant neuf. 57 Repris, blâmé. 58 LV : dict (Voir le v. 250.) Qu’il nous dise ce que c’est. 59 « Trop est personne aventureuse,/ Qui tel chemin ose entreprendre. » ATILF. 60 Un faiseur d’embrouilles. « Messaiger sûr, dont congnoissance avez,/ Debvez plustost envoyer par chemin/ Que ung estrange brouilleur de parchemin. » Guillaume Crétin. 61 LV : auant (Allez au gré du vent. Cf. Mallepaye et Bâillevant, vers 341 et 347.) 62 LV : jouee (Nul jour. « Et jamais jour ne cessera,/ Comme faict le las Sisiphus. » Roman de la Rose, éd. 1529.) Votre mariage ne cessera jamais. Le lien du mariage était indissoluble, et les divorces, vendus par l’Église, pouvaient coûter fort cher. 63 LV : mon dieu (Que soit maudit celui qui se lassera avant 3 ans passés.) 64 Les pèlerins portent un bâton ferré, le « bourdon ». Voir le v. 137. 65 Inversion ironique — et confirmée par la rime riche — du proverbe : Être vaillant comme Roland. Le neveu de Charlemagne est encore évoqué au vers 148. 66 LV : a couardy (Privé de coue, de queue. « –Va-t’en coucher emprès la belle !/ –Rien, rien ! –Es-tu acouardi ? » Le Mariage Robin Mouton.) 67 Son bâton de pèlerin. Au second degré : son pénis. « En la main de madame la nonnain (il) mist son bel et trèspuissant bourdon, qui gros et long estoit. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 68 Vermoulu, délabré. 69 Il faut débouter les vieux pèlerins, les repousser. 70 Prenez garde à ce que vous allez faire. 71 LV : desires (Restez ! « Demourez là jusques à demain ! » La Condamnacion de Bancquet.) 72 Les lavandières nettoient les cottes en les frappant avec un battoir. Ici, nous devons lire « vos côtes ». 73 Donne ses bottes de cavalier à notre nouveau Roland ! La Chanson de Roland fait d’Olivier le compagnon de Roland, mais pas son valet. 74 Le Carême-prenant est le Carnaval, qu’on tue symboliquement pour qu’il laisse la place au Carême. Émile Picot signale un Coq-à-l’âne attribué à Marot : « Quand l’espée au costé j’ay ceincte,/ Je turoy Caresme-prenant. » 75 Quelqu’un qui nous défend. 76 C’est une des rimes équivoquées les plus courantes. Elle se combine avec « viel lart » : vieux pénis. 77 LV : fourmasse (Que je n’aille pas me fourrer dans le mariage ? « Il n’eut autre loisir que de se aller fourrer dedans. » ATILF.) Double sens érotique : « (Le) bon bergier se fourre dedens…. Tout ce qu’il avoit (il) ensevelit jusques au manche. » Cent Nouvelles nouvelles, 82. 78 Noble, valeureux. Idem vers 144. Le roi Arthur est un parangon du guerrier, de même que le héros troyen Hector. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 555 et 605. 79 Surveillez la partie mobile de votre arbalète, qui tire la corde en arrière. Cf. l’Arbalestre, vers 466. 80 Dévier votre tir. « Pour ce, nous fault le trait charmer/ Et de traïson nous armer. » (ATILF.) Double sens : Boire d’un trait. « (J’)yroye droit à l’avantgarde chez le tavernier pour charmer le traict. » Pierre Fabri. 81 LV : estroiet (Si fort. « [Il] gela sy estroict que les résins estant jà meurz flestrirent. » Raymond d’Austry.) 82 LV : pour (Vers obscur et sans intérêt, à moins qu’il ne recèle un calembour grivois : « De perdre honneurs et biens pour vouloir à con plaire. » Jehan Molinet.) 83 LV : coḿencement 84 En son royaume. 85 LV : vesperisse (Bafoué.) 86 Si nice, si bête. 87 Tais-toi. Idem vers 343. Le jeune insolent commence à tutoyer son aîné, suivi par les femmes au vers 304. 88 LV : car cest ases (Vous serez assez maudit par votre femme. « Elle me maudict comme un chien. » L’Arbalestre.) 89 De semer. Cf. la Veuve, vers 22. 90 N’en parle que pour de bonnes raisons. 91 Piqué. 92 Extrait de la chanson On a mal dict de mon amy. Voir Howard Mayer BROWN : Music in the french secular theater, Harvard University Press, 1963. Nº 318. 93 Pourvu qu’on ne donne. Chanson inconnue. LV intervertit ce vers et le vers 191. 94 Serviteur. Même chanson au vers 19 du Savatier et Marguet. 95 LV : joẽe 96 Éclatant. 97 2e vers de la chanson Il fait bon fermer son huis. Brown nº 174. 98 LV : tout mary on (Le mari se gèle dans la rue quand il guette l’arrivée de l’amant de son épouse, ignorant que celui-ci est déjà dans la maison.) 99 LV : mule (Sa femme regimbe [rue] et fait des ruades avec son amant.) 100 Extrait d’une chanson d’Antoine de Févin, Il fait bon aimer l’oyselet, qui est chantée dans le Retraict. Brown nº 173. 101 LV : mont joyee (C’est un monceau de plaisir.) 102 Extrait de la chanson Réveillez-vous, réveillez. Brown nº 366. 103 La menace de voir le mari débarquer à l’improviste. 104 Refrain de la chanson Je voys, je viens, mon cueur s’en volle. Brown nº 228. 105 Ce sont des mots en l’air. 106 Ou mensonge. 107 Chanson inconnue. 108 Même proverbe dans Guillerme qui mengea les figues et dans Le Sourd, son Varlet et l’Yverongne. La sagesse du vieux pèlerin s’exprime sous forme de proverbes. 109 Être au fond de la rivière. 110 Extrait de la chanson Je le lesray puisqu’il m’y bat. Brown nº 206. 111 Sans bruit. 112 Au jeu de paume, servir au rabat c’est feinter l’adversaire en rabattant l’éteuf vers le sol. « Je le serviray au rabat. » L’Aveugle et Saudret. 113 Chanson inconnue. 114 Mon vieil ami. « Affin aussy que dire adieu je voyse [j’aille]/ À mes amys et mes compaignons vieulx. » (Clément Marot.) Cette incise est narquoise, venant d’un vieillard qui s’adresse à un jeune homme. 115 Le mariage est considéré comme un Ordre monastique. Idem vers 238 et 379. « Entre nous autres, pauvres gens,/ Qui estions si mignons et gents/ Devant qu’en l’Ordre fussions mis. » (Les Ténèbres de Mariage.) Soudaine = impulsive, changeante. 116 Présomptueux. 117 Chanson inconnue. 118 Dans son domaine. 119 Il y a de bonnes choses. 120 L’armerie [l’œillet] fleurit. 121 Extrait de la chanson L’Amour de moy si est enclose. Voir la note 97 du Savatier et Marguet. 122 En supposant que cela. Ita = oui ; le vieux pèlerin est féru de latin (vers 23). 123 LV : nosses (Dont je n’ose parler.) 124 LV : consommo lamiee victa (Chanson composée sur un poème italien par Johannes Prioris. Brown nº 64.) 125 LV : valloir (S’il veut se montrer sous son meilleur jour. « Un cœur généreux ne doit point desmentir ses pensées ; il se veut faire voir jusques au dedans. » Montaigne, II, 17.) 126 Celui qui y entre y a son plaisir. On faisait la liaison : « délita ». 127 4e vers de la chanson Franc cœur qu’as-tu à soupirer, chantée aux vers 22-25 du Gallant quy a faict le coup. Voir la note 101 de Marchebeau et Galop. 128 Ces deux vers aux élisions suspectes pourraient provenir d’une chanson en vers de 4 syllabes. 129 Chanson inconnue. 130 LV : joyeussete (À la rime de 239. Voir les rimes 47 et 49 de Marchebeau et Galop.) 131 Quand l’ordre de Mariage a de bons serviteurs. « Ordre » était souvent féminin, comme au vers 217. 132 LV : franc (Mon cœur reverdit en. « Il les voit reverdir en bonté. » Æmar Hennequin.) Chanson inconnue. 133 LV : tant (Fraité = accablé de frais. Un prêtre normand qui « requéroit plusieurs femmes mariées de leur déshonneur » les faisait citer à comparaître dans une autre juridiction « pour les plus fraitier et dommaiger ». Lettre de rémission, 1450.) 134 Ce dernier mot remplace abusivement ma mère. Brown nº 191. 135 Le riz est un gracieux mets, à n’en pas douter. Jeu de mots sur le « ris » : le rire. 136 Je ne puis l’oublier. Cet extrait de la chanson Les Regretz que j’ay de m’amye est chanté au vers 55 du Savatier et Marguet. Brown nº 266. 137 Te maîtrise, fait la loi. Cf. le Maistre d’escolle, vers 108. 138 Extrait de la chanson Vostre beaulté, belle cointe et jolie. Brown nº 405. 139 Une pareille liesse, joie. Nous avons maintenant 7 décasyllabes, sans doute pour cadrer avec la chanson du vers 255 et avec l’emprunt biblique de 257. 140 Chanson inconnue. 141 LV : lassama bethany (« Eloï, Eloï, lama sabactani ? » Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?) Rabelais fit de ce psaume 22 un usage beaucoup plus galant : une Parisienne, outrée que Pantagruel l’ait quittée sans lui dire adieu, lui envoie un anneau d’or. « Lors, le regardant, trouvèrent escript par-dedans, en hébrieu : LAMAH HAZABTHANI…. C’estoyent motz hébraïcques signifians : Pourquoy me as-tu laissé ? » Pantagruel, 24. 142 LV : grand (Thésor = trésor.) 143 Ce cliché traîne dans plusieurs chansons : « Plus chauld que feu ne que métal en fonte/ Est mon las cueur qu’Amours contrainct et dompte. » Plus chauld que feu. 144 Aujourd’hui. 145 Le Sot des Cris de Paris, refusant de se marier, objecte le même proverbe (vers 404-5). 146 On ne viendrait à bout de rien. Mais « faire » = faire l’amour, comme au vers 417. 147 C’est une mignardise, un jouet. 148 De travers. 149 L’inconstante. 150 Ce que je veux vous dire. 151 Pourquoi avez-vous prononcé les vœux lors de la cérémonie du mariage ? Voir les vers 297 et 300. 152 Vers manquant. Dans sa fuite, Absalon accrocha malencontreusement sa longue chevelure à un arbre et fut tué. « Absalon se pendit par les cheveux. » Gargantua, 42. 153 LV : saucun y 154 LV : esse (Heureux.) Se douloir = souffrir. 155 LV : grisson (Grison est le nom habituel des chevaux gris : cf. le Badin qui se loue, vers 73 et note.) Moreau est le nom des chevaux noirs : cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 515. 156 S’agit-il d’un proverbe parisien ? 157 Laissons-le (pronom normand). 158 LV : la jeune p 159 LV : coures ny 160 C’est le « cri » des laitières ambulantes. Mais le pot au lait désigne les testicules : « Saulve, Tévot, le pot au laict (ce sont les couilles) ! » Tiers Livre, 8. 161 Billet doux. « De ce mesme papier où il vient d’escrire l’arrest de condemnation contre un adultère, le juge en desrobe un lopin pour en faire un poulet à la femme de son compaignon. » Montaigne, III, 9. 162 Vous ferez sagement. Cf. le Savetier Audin, vers 186. 163 À la manière. 164 Les gluaux sont des branchettes qu’on enduit de glu pour capturer les passereaux. Voir la Pippée. 165 LV : bestes (De pauvres imbéciles.) Les diots sont des étourneaux et des idiots : cf. l’Arbalestre, vers 67. Les cocus sont des coucous et des maris trompés : v. la note 38 des Mal contentes. 166 LV : escorse (Une torsion, une entorse. « Solérius a donné une estorse au texte de Dioscoride. » Godefroy.) 167 Ni prudence. « Sans tenir règle ny compas. » Folconduit. 168 Chasser. 169 LV : de la (N’aie pas l’audace. « Ne soyez/ Si hardy de le vouloir faire. » Les Femmes qui se font passer maistresses.) 170 « Je permétroys changer les femmes/ Comme les chevaulx et les mules. » Troys Galans et un Badin. 171 De certificats. 172 Ils vendraient beaucoup de vin pour ces nouvelles noces. 173 LV : tire (Voir le v. 175.) « Paix ! C’est trop babillé. » L’Homme à mes pois. 174 Ce personnage très négatif prélude toujours à l’énumération de tout ce que le pauvre fiancé va devoir acheter, partant du principe qu’il ne possédait jusque-là ni meubles, ni vaisselle, ni linge, et qu’il ne mangeait jamais. La liste que déroulent les Ténèbres de Mariage <Montaiglon, I, pp. 20-21> est très proche de la nôtre : « Mesnage nous vient assaillir…./ Il faut robbes et chapperons. » 175 LV : hault 176 LV : gorgeretes (Fichus dont les femmes couvrent leur poitrine, non pas pour la dissimuler mais pour la mettre en valeur. « Gorgières de Behaigne pour l’atour de la dite dame. » Godefroy.) 177 Bandeaux précieux, colliers. Cf. Moral de Tout-le-Monde, vers 220. 178 LV : regna 179 Songer. 180 Viande, poisson, et charbon pour faire cuire tout cela. « Il faut du pain, du vin, des noix,/ Du lard, des fèbves et des poix,(…) / Des fagots, chandelles, du bois. » Ténèbres de Mariage. 181 Des tabourets, et des tréteaux pour soutenir les planches qui tiennent lieu de tables. 182 Le mariage est un vrai paradis. 183 Des poêles, des poêlons, des jattes, des chaudrons. 184 Crémaillères, et grands chandeliers. 185 Des tranchoirs [planches à couper la viande ou le pain], des dessous-de-plat. 186 Autant de peines. 187 Le mariage ne saurait me lasser. 188 LV note au-dessus : * tous ensemble * (Les signes qui bordent cette mention indiquent qu’elle doit être supprimée : elle concerne le vers 355.) 189 L’affaire est conclue. Cf. la Folie des Gorriers, vers 551. 190 Par médisance. 191 Aux ententes, aux accords financiers entre les deux familles. 192 Avant. Idem vers 127. 193 Pour prendre possession de sa femme, il faut. 194 LV : unne 195 Contrairement aux cloches, les sonnettes sont les attributs des fous : « Attache-moy une sonnette/ Sur le front d’un moyne crotté (…) :/ Voylà un Sot de la Bazoche. » (Marot.) Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 186 et note. 196 Celui qui l’a adopté. 197 Les 5 comédiens parodient une procession en défilant tout autour de la salle. La troupe du Pardonneur jouait « en la salle et maison où pend pour enseigne le Port de Salut » : il s’agit d’un cabaret, au nom prédestiné puisque l’auteur d’un discours à la gloire des tavernes de Rouen <Montaiglon, XI, 78>, exactement contemporain de la pièce, nous livre cette contrepèterie : « Changer fault le Port de Salut / Et le nommer Sort de Pallut. » Sortir du palud = sortir de l’enfer. 198 Nous irons joyeusement au pays de Mariage. Puis nous nous en lasserons. Puis nous le maudirons. Puis nous nous repentirons d’y être allés. Toute une vie conjugale est résumée en 4 vers ! 199 Sainte Buffette, éloignez-vous de nous ! Buffeter = harceler. La formule officielle des Litanies est : « Ora pro nobis » [prie pour nous] ! 200 Sadinette = gracieuse. Dans le Dorellot, c’est le nom d’une prostituée. 201 Patronne des femmes bavardes. Cf. le Pèlerinage de Saincte-Caquette. 202 Fâcheuse. 203 Grondeuse. 204 LV : mesprisses de (Se fumer = se mettre en colère.) 205 Glorieuse, orgueilleuse. 206 Qui mignarde devant les hommes. 207 La bouffette est un nœud de soie que les élégantes font bouffer dans leur coiffure. 208 Faiseuse d’embarras. Voir la note 42. 209 Mélancolie. 210 LV : frenastises (Tous ensemble, saisis d’une sainte frénésie, comme les sibylles qui prophétisent. On comprend qu’un tel délire orgiaque ait pu indisposer la censure.) Mes prédécesseurs font de cette didascalie un vers à part entière. 211 Libère-nous, Seigneur ! Les vers 112-119 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en quatrains aabB, et le même refrain. On détournait facilement ces Litanies ; voir par exemple la Letania minor de Jehan Molinet, ou la Létanie des bons compaignons <Montaiglon, VII, 66-69>. 212 LV : contamine (Enveloppé dans un béguin, i.e. un bonnet d’enfant, ou de Badin de farce : « Habillé en Badin (…) et enbéguyné d’ung béguin. » Maistre Mymin qui va à la guerre.) « De femme pleine de tempeste,/ Qui a une mauvaise teste/ Et le cerveau embéguiné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. ma notice>. 213 LV : sa la et 214 Abruti par des flatteries. « De femme qui, par sotte guise,/ Veut faire chauffer sa chemise/ Par son sot enjobelliné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 215 LV : jeutz (Par la faute des jeux de cartes ou de dés.) 216 « Femme qui a les doigts menuz,/ Courtes mammelles, nez camus,/ Basse motte, petites mains,/ Joue volontiers du bas des reins. » Ms. fr. 22565. 217 Qui fait l’amour sans avoir besoin d’un lit : qui consomme dehors. 218 Faisant les importantes. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 247. « De femme tranchant du grobis,/ Qui dépend tant en ses habits/ Que son mary est mal disné. » Le Pèlerin et la Pèlerine <v. notice>. 219 LV : tout (Qui dépensent tant d’argent en habits.) 220 N’a rien à manger. 221 Aux toilettes. Cf. le Retraict. La farce de Guilliod est moins scatologique : « D’aller de nuict sans lanterne/ Et sans argent à la taverne,/ Et d’estre trop tost marié,/ Libera nos, Domine ! » 222 Prions ! L’orémus est la conclusion des Litanies ; cf. la Létanie des bons compaignons, p. 69. 223 [Seigneur,] nous t’implorons, écoute-nous ! Les quatrains 100-111 de Te rogamus audi nos offrent la même structure en aabB et le même refrain. 224 Et un peu. 225 LV : ses braqueurs (« Bragueur : as bragard. » Cotgrave.) Ces frimeurs emperruqués. 226 Ces élégants, ces porteurs de perruque. Esperlucat est ici un substantif : cf. la Veuve, vers 95. C’est un adjectif au vers précédent : cf. le Trocheur de maris, vers 133. 227 Des nôtres. « Qu’elle soit des noz. » (Digeste Vieille.) Qu’ils puissent être cocus comme nous. 228 LV : tant aux (Ce couplet fait double emploi avec celui de 439-441. Dans ce genre d’accumulations, les ajouts d’acteurs sont fréquents.) 229 Ce sont les vers 110-111 de Te rogamus audi nos. Voir aussi la Létanie des bons compaignons : « Donnes-nous bon pain, bonne chair,/ Et la belle fille au coucher/ Pour faire la beste à deux doz !/ Te rogamus, audi nos ! » 230 Quand nous aurons participé à une affaire douteuse. 231 Mauvaise. Idem vers 70 et 318. 232 Bouderie faite par une tête de mule ; c’est un mot normand. Tançon = querelle ; voir le v. 449. 233 Forme normande de griffes. Cf. la Veuve, vers 6. 234 LV : est 235 Au paradis. 236 Fin de la pièce. Mais le scribe note ici : L’oraison de ceste farce est au costé de ce feuillet premyer qu’i fault tourner, et aussy y est le nombre des lignes qui sont en ladite farce. Or, le recto du folio 95 est entièrement blanc, et son verso comporte un poème sans titre de 24 vers à la gloire du fil à coudre. Ce poème non dramatique se clôt pourtant sur le nombre de lignes — et non de vers — que comporte la pièce (573, un chiffre qui ne tient pas compte du poème), et sur le congé personnel du copiste : En prenant congé de ce lieu, / Unne chanson pour dire adieu ! / FINIS