LES POVRES DEABLES
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LES POVRES
DEABLES
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Le manuscrit La Vallière contient trois sotties normandes qui, chronologiquement, se répondent l’une à l’autre, avec un scénario identique et des personnages analogues. La Mère de ville est une pièce protestante des années 1530 : la « merde vile », alias Mère Sotte, une usurpatrice catholique, tente vainement d’obtenir que ses pitoyables fidèles lui versent une dîme. Son valet, trop conciliant, l’aide mal dans cette tâche impossible. Le décor était posé. Vers la fin des années 1530, la Mère de ville fut réfutée selon le même schéma par une pièce catholique, les Povres deables. Cette dernière se moque allègrement du clergé, comme le faisaient beaucoup de catholiques, mais elle n’attaque pas le culte romain. Le personnage principal ne s’appelle plus la Mère de ville mais la Réformeresse, autrement dit, la réformatrice ; notre diablesse huguenote avoue qu’elle n’est autre que Proserpine1, déesse des enfers. Cette œuvre va susciter peu après 1540 une réplique protestante, nommée justement la Réformeresse, toujours sur le même modèle et avec des rôles équivalents. J’ignore si cette guerre de religion à coups de sotties a généré d’autres ripostes.
Les auteurs et interprètes des Povres deables sont les Conards de Rouen2, dont tous les Rouennais qui avaient quelque chose à cacher redoutaient les sarcasmes publics.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 16.
Structure : Rimes plates. Beaucoup de rimes sont groupées par 3 ou par 4, ce qui révèle des ajouts ultérieurs.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
À sept personnages, c’est assavoir :
LA RÉFORMERESSE [Proserpine]
LE SERGENT [Proserpin] 3
LE PREBSTRE
L’AVOCAT 4
LA FILLE ESGARÉE 5
L’AMOUREUX VÉROLLÉ 6
et LE MOYNNE
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LA FARCE DES POVRES DEABLES
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LA RÉFORMERESSE commence 7 SCÈNE I
« À bien [parlar, bien besongnar]8 »,
Dict l’Auvergnat Jehan de Souessons9.
En ce lieu veulx monstrer mon ard,
Dire ma harengue et raisons,
5 Et10 faire cent comparaisons.
Et des autres sérimonye[s]11,
J’en laisse à ma seur Symonye12,
À son degré, d’en usurper13.
Mais moy, je me veux acointer
10 (Selon ma reigle et mon compas)
À réformer gens, et non pas
Les bien vivans14 : en leur[s] estas15,
Je n’y touch[e]. Mais un grand tas
De razés, tondus et barbus16 :
15 Je veux qu’i me facent tribus17,
Car congnoys18 que sur tous on prend,
Et invention on aprend
De ronger, mordre, d’afiner19,
Enfondrer, abastre et myner,
20 Et du tout20 bouter en ruÿne
Pour nourir ma mère Propine21,
Aussy ma seur et ma cousine22,
Et moy, donc, qui suys Proserpine,
Nourisse du grand Astarot23.
25 Mes chevaulx et mon charïot24
Ne seront poinct entretenus ?
Je veulx, moy, qu’i ne passe nus25
De ceulx qui me doyvent hommage
Qu’i ne m’aportent mon havage26.
30 Où est27 Proserpin, mon sergent ?
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A[s-]tu pas esté diligent SCÈNE II
Faire, ce jourd’uy, mes contrainctes28
Pour avoir des décimes mainctes29 ?
Mes30 rentes, mes droictz, mes aveux
35 Des grans et des petis reveux31 :
As-tu faict tes sommations ?
LE SERGENT
J’en ay bien cent relations32,
Et autant de prinses de corps33.
Tenez, vouez-en cy34 les recors ;
40 Faictes-en ce qu’il vous plaira.
S’on veult, on les apèlera :
Je les ay ajournés à ban35,
Les mal espargneurs36 de Rouen.
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Follés mal complétionnés37, SCÈNE III
45 Je vous sommes que vous venez
Aporter à l’eure présente
Vostre d[éc]isme et vostre rente
À Proserpine, la déesse
D’enfer, d’Astarot la mêtresse !
50 El(le) tient aujourd’uy ses jours haulx38 :
Comparez-y sans nus défaulx39
Sur paine d’estre en forfaicture40 !
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LE PREBSTRE 41 SCÈNE IV
Je me veulx mectre à l’avanture
D’esviter l’inconvénient42.
55 Hélas ! j’ay esté sy [fay]nient43
Que je n’ay disme ne c[h]ampart44
Pour luy aporter, pour sa part,
Du droict qu’el dict sur nous avoir45.
Puys donc qu’el46 nous faict assavoir
60 Que ce jour d’uy el nous réforme,
J’ey bien craincte qu’el ne m’assomme.
Chascun y plaidera sa cause.
Je m’y en voys47 sans faire pause ;
Le premyer seray eschauldé48.
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65 Monssieur, vous nous avez mandé, SCÈNE V
Sommé, et partout49 faict les cris
Que nous aportons les escrips,
Comptes, quictances et descharges
De ce que50 nous avons les charges.
70 Mais je ne m’ose présenter,
Car je n’ay de quoy contenter51
Vous ne la Mêtresse haultaine52.
LE SERGENT
Mon amy, elle est sy haultaine,
Sy colère, que c’est pityé !
75 Sans le tiers ou sans la moytié,
El sera de vous mal contente.
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Ma Dame, vouécy53 qui se présente, SCÈNE VI
Craintif, honteux et mal en ordre.
LA RÉFORMERESSE
Et pourquoy ?
LE SERGENT
Il y a désordre
80 À luy, en venant ad ordos 54.
LA RÉFORMERESSE
Quel estat ?
LE SERGENT
Povre sacerdos 55,
Povre prebstre peu prébendé56,
De vertu assez mal bendé57.
Y vous requiert, Dame honorable,
85 Congneu58 qu’il est un povre deable,
Que luy donnez encor un terme59.
LA RÉFORMERESSE
Lève la main et parle ferme ;
Jure : diras-tu vérité ?
LE PREBSTRE
Et ! ouy, par ma virginité60 !
LE SERGENT
90 Sans faire sy haultain serment,
Demandez-luy par exament61
S’il a poinct crainct sa consience
D’aler plusieurs foys, au dimence62,
À Sainct-Mor ou à Bansecours63
95 Chanter64, puys revenir le cours,
Le hault trot65, à Bonne-Nouvelle
Pour dire messe solennelle,
Prenant argent [ab utroque]66.
LA RÉFORMERESSE
Jure-moy : as-tu pratiqué
100 Deulx paymens pour une journée ?
LE PREBSTRE
Et ! ouy bien.67
LE SERGENT
[Pour une tournée]68,
Y n’est despesché qu’au matin…
Ma Dame, yl est bon deablotin.
LA RÉFORMERESSE
Deablotin ? Mais69 deable parfaict !
105 Et de ce gaing, qu’en as-tu faict ?
Çà, ma droicture, pour l’usurfruict70 !
LE SERGENT
Qu’il71 en a faict ? Il a tout frist :
Vous voyez qu’i n’a [plus] que frire72.
LE PREBSTRE
Je penseray myeulx me conduyre,
110 Se Dieu plaist, ma Dame, mèsouen73.
LA RÉFORMERESSE
Et quoy ! les prebstres de Rouen
Font-y euvres sy exécrables ?
LE SERGENT
Il y a de bons povres deables.
Cestuy-cy [il] ne fault casser74 ;
115 Plaise-vous le laisser passer.
Vérité dict, s’on luy demande.
LA RÉFORMERESSE
Va, et revient[s] mais qu’on te mande75 !
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L’AVOCAT 76 SCÈNE VII
Puysque ma Dame le commande,
Hélas, à Dieu je me commande77,
120 Tant je doubte78 cest exament.
En amende seray bien grande79,
Se n’y voy80 personnellement.
Ce jour, me fault estre honteux,
Et confesser publiquement
125 Ma turpitude devant eux.
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LE SERGENT SCÈNE VIII
Vouécy qui vault quatre foys myeux !
Ma Dame, tendez vostre bource,
Car c’est de finence81 la source.
Qu’i soyt de par vous réformé !
130 Pas ne fault qu’i soyt réformé82,
Quoyqu’i semble mélencolique.
LA RÉFORMERESSE
De quel estat ?
L’AVOCAT
D’art de pratique83 :
Je suys povre praticien.
LA RÉFORMERESSE
Et ! comment ? On dict qu’à Rouen,
135 Ilz ont pécunes84 innombrables.
LE SERGENT
Yl y a de bons povres deables
Qui n’ont pas escus à mill[i]ers.
L’AVOCAT
Depuys ces nouveaux conseillers,
Autrement nommés « accesseurs85 »,
140 Les pâticiers et rostisseurs
Ont plus gaigné que je n’ay faict.
LA RÉFORMERESSE
[Or,] racompte-moy par effaict
[Où est] ce que tu as tant gaigné
[Dans] le temps qu’as tant espargné.
145 Communique-le-moy par rolle86.
L’AVOCAT
Je n’ay gaigné que la vérolle87,
Ny espargné que des ulcères
Et des goustes qui sont faulcères88.
Mon parler est tout véritable.
LE SERGENT
150 Laissez passer le povre deable,
Par ma foy ! J’ay pityé de luy.
LA RÉFORMERESSE
Et je n’aray donc droict de nuly89 ?
À ce compte, je pers mon temps.
L’AVOCAT
Réformeresse, je prétemps,
155 Devant qu’i soyt troys moys passés90,
Que des tribus arez assez91 :
La pratique sera plus grande92.
LA RÉFORMERESSE
Va, et revient[s] mais qu’on te mande !
LE SERGENT 93
Soys-moy un petit plus pillard !
160 Ayme94 les chiens, ayme le lard.
Pren-moy argent de ta partye95 ;
Sytost qu’elle sera partye,
Va-moy signer le faict contraire96.
Petit et grand pouras atraire.
165 Ne congnoys parens ne germains97 :
Pren-moy argent de toutes mains98
Et me le serre de tes mains.
Faictz-toy envoyer galons99 plains.
Ne semons cousins, entens-tu ?
170 Par ce poinct pratiqueras-tu.100
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LA FILLE ESGARÉE entre 101. SCÈNE IX
J’ey entendu par estatu102
Qu’i fault que je soys réformée.
Pour nyen103 ay grande renommée
Et le bruict d’estre fort mondaine :
175 Jamais ne vis ma bource plaine
Que l’endemain el104 ne fût vide.
Je pence bien, moy, et sy cuyde
Qu’on parlera bien à mes bestes105 !
J’ey bien faict à d’aultres leurs restes106 ;
180 Mais icy, y fault que j’aquiesse.
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LE SERGENT SCÈNE X
A ! vouécy quelque bonne pièce
Qui vient pour avoir son absoulte.
Hau ! ma Dame, [n’]oyez-vous gouste ?
Parlez à ceste créasture.
185 Pensez qu’el a vostre droicture
Dedens son mouchoueur amassé107.
LA FILLE [ESGARÉE]
Tost gaigné et tost despencé,
C’est l’estatu108 d’entre nos seurs.
Puys un an, les frères Fesseurs109,
190 Y ne nous ont guère enrichys ;
Le temps les a tant enchichys110
Que la celle qui le myeux double111
N’a pas vaillant un rouge double112,
Tant [soyt plaine]113 d’abilité.
LA RÉFORMERESSE
195 Viens çà ! Dy-moy la vérité :
De quel estat est ta pratique ?
LA FILLE [ESGARÉE]
De la religion publique,
Observantine de Cuissy114.
LA RÉFORMERESSE
Le droict m’en est eschu aussy :
200 Çà, ma disme, sans jouer finesse !
LE SERGENT
Je croy que la povre deablesse
N’en a pas, Dame, grandement.
Demandez-luy par exament
Et par la « foy » qu’elle soutient
205 La [cause vraye]115 à quoy y tient
Que leur gaigne ne vault plus rien.
LA FILLE [ESGARÉE]
Ma foy, je le vous diray bien,
[Car ceste cause est trop congneue :]116
Ma Dame, y n’y a guère rue
210 Où y n’y ayt des seurs segrètes117.
Cela retarde que nos debtes
Ne sont bien pay[é]es en temps dû.
LA RÉFORMERESSE 118
N’a-y pas esté deffendu
— Et par l’estatu de Justice —
215 Que chascun[e], endroict soy119, sortisse ?
Et se retire au grand Couvent120 ?
LA FILLE [ESGARÉE]
Les commandeurs121, le plus souvent,
Eux-mesmes les vont visiter,
Recourir122 et soliciter.
220 Voy(e)là de quoy je me mutine.
LE SERGENT
Je t’en croy, povre deablotine.
Ma foy, tu as bon cœur, o, va !
Jamais la pye qui te couva123
Ne fut brullée de feu grégoys124.
LA FILLE [ESGARÉE]
225 Les moynes et filz de bou[r]goys,
Les sergens et gens de pratique125
Les vont vouèr jusqu(e) à leur boutique,
Au souèr, et faire leur tripot126.
LE SERGENT
Il y vont à « muche ten pot127 »,
230 De peur qu’i n’y ayt trop grand presse.
Et, passe, passe, povre deablesse :
Va-t’en avec les deabloteaux.128
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L’AMOUREUX VÉROLLÉ entre. SCÈNE XI
En quelques paines et travaulx129
Que j’aille, présenter me fault130,
235 [Ou je seray mys en défault.]131
Avez-vous tous ratiffyé132 ?
Prest je suys et édiffyé,
Sans sou133, sans targe et sans escu,
Quoyque le tiers du nez [m’est] cu134,
240 De me vouloir examyner.
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LE SERGENT SCÈNE XII
Vous ne povez plus chemyner
Sans avoir le baston au poing ?
LE VÉROLÉ
Aussy en ay-ge bon135 besoing.
LA RÉFORMERESSE
Quel estat est le malureux136
245 Qui a ce mal entre deulx yeux137,
Qui faict tant de gémissemens ?
LE VÉROLÉ
Sondeur suys de « bas instrumens138 »,
En amours vray chevalereux.
LE SERGENT
Yl est du mestier d’amoureux,
250 Je l’entens sans c’un seul mot tousse139.
LA RÉFORMERESSE
Je n’ay pas assez grande bourse
Pour la di[xie]sme140 en recepvoir.
LE VÉROLÉ
Le deable y puisse part avoir,
À la d[ixi]esme et à la disme !
255 Je n’y ay gaigné que la rime,
La tous, les goustes141 nompareilles,
Et assourdy des deulx horeilles,
La vérolle, le mal des yeux,
Et la pelade (qui ne vault myeux) ;
260 J’ey tout le corps ulcéryé.
LE SERGENT
Sy tu te fusse maryé142,
Tu n’usses pas sy bien comprins143.
LE VÉROLÉ
Je vous les quictes, pour le pris144 :
Maudictz souent145 les troux dangereux !
LA RÉFORMERESSE
265 Çà, çà, la dîme des amoureux !
Y as-tu nus biens conquestés146 ?
LE VÉROLÉ
Je n’ay gaigné que des postés147
D’eau[e] puante et infectée
Qu’on m’a sur la teste gectée148
270 Quant j’en revenoys, au matin.
C’est le profit et le butin
Que g’y ay eu, Dame honorable.
LE SERGENT
Laissez passer le povre deable :
Payment ne luy fault, ne sucite149.
275 Vous ouez150 bien qu’i vous récite
Ses douleurs, qui sont incurables.
LA RÉFORMERESSE
Et qu’ai-ge affaire des povres deables
Quant, pour tous mes droictz, je n’ay riens ?
LE SERGENT
Allez faire prendre leurs biens,
280 Et les portez à la Vieutour151 !
Et ne faictes poinct de séjour152 :
Je prétens mes153 rentes avoir.
Et sans personne ne décepvoir154,
Faictes-les vendre sans raquict155.
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LE MOYNNE entre. SCÈNE XIII
285 Or n’ai-ge méreau ny aquict156
Pour ceste Dame contenter.
Sy fault-y bien me présenter
Pour vouèr ma réformation.
Je doubte ma perdicion157,
290 Puysque je n’ay poinct, d’avanture,
Argent pour sa réformature.158
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Sire qu’on doibt sur tous aymer159 : SCÈNE XIV
S’y vous plaist, faictes réformer
Ceste petite créature
295 Qui vient vers vous à l’avanture,
Mon seigneur, d’une Prieuré
Où je n’ay guères demouré :
Mon froc ay gecté aux ortys.
LE SERGENT
Et pourquoy ?
LE MOYNNE
A, je vous avertys :
300 Nostre baillif supérieur,
Nostre prieur et souprieur
Nous deffendent de nous galer,
De rien vouèr, d’oÿr160, de parler,
De menger chèr, ne chault pouesson161,
305 De boyre de nule bouesson
Sur paines de leurs dis[c]iplines162.
Mais eux, avant que dire matines,
Leurs lessons et leur oresmus163,
Ilz faisouent tous gaudéamus164.
310 Ma Dame, entendre vous debvez
Qu’ilz estouent sy très despravés
Que gensderme[r]aux, ne rustiques165,
Charetiers ne gens mécaniques166
Ne voudroyent blasphesmer Dieu
315 Ainsy comme y font ! En ce lieu,
Ilz ont chambres toutes propices,
Femmes segrètes et nouriches167.
Y jouent aux cartes et aux dés,
Aux jeux deffendus iludés168.
320 Mes parolles je tiens certaines.
LE SERGENT
Et ! vouélà bons deables de moynnes !
LA RÉFORMERESSE
Et luy, moynnerot renoncé169.
LE MOYNNE
De ce que vous ay anoncé,
Plaise-vous mon a[b]soulte170 en faire !
LA RÉFORMERESSE
325 Çà, argent !
LE SERGENT
Ma Dame, il espoire,
Quelque [beau] jour, qu’il en aura ;
Le deablotin en forgera,
Et puys y fera son debvoir171.
LA RÉFORMERESSE
Ce jour172, je vous faictz assavoir
330 Qu’entre vous tous, mal espargneurs,
Vérolés, gouteurs et rongneurs173,
Filles publiques, prestres hâtis174,
Sur paine d’estre mys captis175,
Que le moys qui ne fauldra poinct
335 L’on me mecte mon droict apoinct176 !
Un mot compteray177 sur ce poinct :
« Tel veult que tousjours on luy donne
Qui jamais ne veult rien donner.
Tel demande qu’on luy pardonne
340 Qui ne veult jamais pardonner.
Tel semble estre bonne personne
Qui est un très mauvais pinard178.
Tel [fait du simple et]179 mot ne sonne,
Qui est un très rusé180 regnard. »
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345 Je prye à tout plaisant Conard
Qu’il ayt mémoyre, mèsouen181,
Et aucune foys le regard182
Aux povres deables de Rouen.
En prenant congé de ce lieu,
350 Une chanson pour dire adieu ! 183
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FINIS
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1 On rencontre Proserpine dans la farce du Munyer et dans de nombreux Mystères. 2 Voir la thèse non éditée de Michel ROUSSE : La Confrérie des Conards de Rouen. Textes de farces, documents d’archives. 1983, pp. 119-134. 3 Ce diablotin n’a pas la fibre assez diabolique pour être percepteur : il est toujours du côté des contribuables. 4 LV : le praticien (Toutes ses rubriques portent lauocat. Les rubriques sont de l’auteur, ce qui n’est pas toujours le cas de l’index personæ.) 5 LV : desbauchee (Sa 1ère rubrique porte esgaree.) Cf. la Fille esgarée. 6 LV : lamant verole (Sa 1ère rubrique porte lamoureux verolle.) 7 LV ajoute trop tard : et se nomme la farce des poures deables (J’ai remis ce titre à la place que la tradition lui a dévolue.) 8 LV : parlat bien besongnat (À bien parler, bien besogner. Ce prétendu patois auvergnat contredit « l’adage italien : Poco parlar & ben besognar. » Le Nouveau Panurge.) 9 LV : souesons (Bel exemple de l’humour potache des Conards : Soissons n’est pas en Auvergne, l’Auvergne n’est pas la Normandie, et le patois auvergnat n’est pas l’italien.) Le seul Jean de Soissons dont on aurait pu se souvenir à l’époque est un ancien chambellan du duc de Bourgogne, qui avait trahi son maître en 1471 après avoir bien parlementé et mal besogné. Mais il n’était pas auvergnat. 10 LV : de 11 Des cérémonies catholiques. 12 C’est une conseillère du pape dans la moralité de l’Homme obstiné, de Pierre Gringore. Il est encore question de cette sœur papelarde au vers 22. 13 En user selon son rang. Double sens du verbe usurper. 14 Ceux qui ont une vie édifiante. 15 À leur statut. Idem vers 81, 132, 196, 244. 16 Les rasés sont les ecclésiastiques (vers 82), les tondus sont les fous (vers 44), les barbus sont les amoureux (vers 249). 17 Qu’ils me versent un tribut, une dîme. Idem vers 156. 18 LV : congneu (Car je sais.) 19 De tromper. 20 Totalement. 21 Pot-de-vin qu’on offre à un ecclésiastique de haut rang pour obtenir un passe-droit. Cf. Saincte-Caquette, vers 40 et note. « Une nouvelle forme d’exaccions de peccune qu’ilz appellent propines, ou don fait au pape. » ATILF. 22 Simonie (vers 7) et Hypocrisie. 23 Aux vers 48-49, Proserpine est présentée comme la maîtresse d’Astaroth ce qui, vu la mentalité des diables, n’est pas incompatible. 24 Michel Rousse (p. 119) fait un lien entre cet attelage et celui de l’abbé des Conards. 25 Nuls, aucun. Idem vers 51 et 266. 26 Sans qu’ils ne m’apportent la part qui me revient sur certaines marchandises. 27 LV : es tu 28 Mes mandements officiels. 29 Maintes dîmes. 30 LV : mais (Les droits sont une redevance, comme aux vers 199, 278 et 335. Les aveux sont des actes de soumission.) 31 Je veux à nouveau. « L’autre se reveut déporter. » ATILF. 32 Rapports écrits. 33 De prises de corps, d’arrestations. 34 LV : vouesency (Voyez-en ici les témoins.) Proserpin montre les cinq pauvres diables, qui restent craintivement à l’écart. 35 Je les ai assignés. Cf. Jehan de Lagny, vers 83. 36 Les mauvais épargnants. Idem vers 330. On reproche à nos pauvres diables de ne pas savoir mettre de côté l’argent qu’ils gagnent. 37 Follets mal bâtis. « Povres mal complexionnés. » La Cène des dieux, T 17. 38 Ses grands jours : ses assises extraordinaires. « Par-devant l’abbé des Cornards, en ses grans jours tenuz à Rouen. » 53ème Arrest d’amours. 39 Comparaissez-y sans faire nulle défection. 40 Sous peine d’être soumis à une amende forfaitaire. « Toutes les amendes et forfaitures. » ATILF. 41 Il est encore à l’autre bout de la scène, avec ses compagnons d’infortune. 42 Je vais prendre le risque d’éviter l’inconvénient d’être mis à l’amende. 43 Fainéant. « Attourné de Gaultier Fait-nyent. » Le Testament Pathelin. 44 Droit qu’avait un seigneur de prélever une part des récoltes. « Sans laissier disme ne champart. » ATILF. 45 Qu’elle prétend avoir sur nous. 46 Donc, puisqu’elle. 47 Je vais à elle. Idem vers 122. 48 Les diables, dont Proserpine fait partie, échaudent [font bouillir] les âmes des pécheurs. On échaude également les volailles — et les hommes — pour mieux les plumer : cf. la Pippée, vers 854. Le prêtre se dirige vers la réformeresse, mais Proserpin l’intercepte. 49 LV : par vous (Les Conards de Rouen ne manquaient pas de faire leurs Cris publics avant chacune de leurs manifestations.) 50 De ce dont. 51 LV : contempter (Orthographe correcte au v. 286.) 52 Élevée, noble. À la rime, ce mot a le sens actuel de « orgueilleuse ». 53 Voici quelqu’un. Idem vers 126. 54 À vos ordres. Jeu de mots sur l’Ordre de prêtrise. 55 Prêtre. 56 Touchant une faible prébende, un revenu ecclésiastique modeste. 57 Armé. 58 Connu : étant considéré. 59 Une date plus lointaine pour qu’il économise de quoi vous payer sa dîme. 60 Voilà un serment qui n’engageait pas beaucoup un prêtre ! Cf. les Bélistres, vers 289. 61 Par examen : en l’interrogeant. La rime est en -ment, comme au vers 120, et au vers 203, lequel est d’ailleurs identique à celui-ci. 62 Le dimanche. C’est une forme normande : cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 8. 63 Saint-Maur, déformation de « saints Morts », était la chapelle d’un cimetière de Rouen. Bansecours est le nom populaire de l’ancienne église de Bonsecours. « Moy, sy je vays à Bansecours. » Le Trocheur de maris. 64 Dire la messe. 65 Revenir au galop. Le prieuré dont l’église Bonne-Nouvelle faisait partie hébergeait l’Abbaye des Conards. Les protestants l’ont quasiment détruit en 1562. 66 LV : a putroque (De l’une et de l’autre de ces églises.) 67 LV fait ensuite répéter au prêtre la fin du v. 100 et le v. 102 : pour une journee / y nest despesche quaumatin 68 Voir la note précédente. En enchaînant toutes ces messes, le prêtre n’est libre que le lendemain matin. 69 Plutôt. 70 La droiture est une redevance, comme au vers 185. L’usufruit est la jouissance d’un bien qu’on ne possède pas. 71 Ce qu’il. 72 Qu’il n’a plus rien à mettre dans sa poêle. « Il n’a plus que frire. » Le Dorellot. 73 LV : messouen (Désormais. Orthographe correcte au vers 346.) 74 Accabler. 75 Si je t’appelle. (Même vers que 158.) Le prêtre rejoint les pauvres diables, parmi lesquels l’avocat, qui monologue avant d’aller plaider sa cause. 76 LV répète dessous le vers 53, mais sans rime correspondante. 77 Je me recommande. 78 Je redoute. Idem vers 289. 79 Je serai soumis à une bien grosse amende. 80 Si je n’y vais. 81 LV : cience (Car cet avocat est pour nous une source de gains. « Les finances y habondoient comme sourse d’eaue vive. » Alain Chartier.) 82 LV : diffame (Exempté. À la rime, le sens était : converti à la religion réformée.) 83 De justice. 84 Des rentrées d’argent. Cf. la Mère de ville, vers 192. 85 Les assesseurs sont des juges auxiliaires. 86 Par écrit. 87 Voici donc un premier syphilitique, en attendant l’Amoureux vérolé. La syphilis, surnommée « la gorre de Rouen », entretient une relation privilégiée avec « la ville de Rouen, capitalle de Normandye, où elle a bien faict des siennes…. Sur toutes villes de renom/ Où l’on tient d’amour bonne guyse,/ Midieux, Rouen porte le nom/ De bien véroller marchandise. » (Le Triumphe de dame Vérolle.) Un proverbe entérine cette proximité : « Il n’est crotte que de Paris,/ Ne vérolle que de Rouen. » (Clément Marot.) 88 La goutte, qui est sournoise. Dessous, le scribe a copié puis biffé le vers 260. 89 Je ne percevrai une redevance de personne ? 90 Avant trois mois. 91 Que vous aurez assez de tributs, de versements. 92 Il y aura encore plus d’avocats. Le vieux Rouennais du Tesmoing s’ébahit de leur prolifération : « J’ey veu qu’i n’estoyt advocas/ Que deulx ou troys, en ceste ville. » 93 LV ajoute dessous des interjections d’acteur : vienca vienca 94 LV : hayt (Ménage la chèvre et le chou : mets-toi d’accord avec ton client et avec son adversaire.) 95 De la partie adverse, en l’absence de ton client. 96 Affirme qu’elle ne t’a rien donné. 97 Ne ménage ni tes parents, ni tes cousins. 98 De tous les côtés. 99 Des gallons : des pots de vin, dans tous les sens du terme. 100 L’avocat rejoint les pauvres diables. 101 En jargon théâtral, ce verbe signifie : commence à parler. Idem aux rubriques des vers 233 et 285. Toujours au milieu des pauvres diables, la prostituée se lamente sur ce qui va lui arriver. 102 Par décision statutaire. Idem vers 214. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 319 et 368. 103 Pour néant, pour rien. Voir le v. 55. 104 LV : quel (« L’endemain, que fist le varlet ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.) 105 Qu’on va me secouer les puces. Souvenir de la Farce de Pathelin : « Il cuide parler à ses bestes. » 106 La figue. « Ung homme courageux/ Qui luy fera et la reste et la figue. » Godefroy. 107 Elle porte l’argent de votre redevance dans son mouchoir noué. « Vous est-il point advis que j’aye/ En mon beau mouchouèr monnoye ? » Les Botines Gaultier. 108 La règle. 109 LV : feseurs (Depuis un an, les frères Frapparts.) Ces confesseurs étaient surtout des fesseurs de cons : cf. le Pardonneur, vers 10. 110 Rendus chiches, avares. Ce mot est absent des dictionnaires parce que la déplorable édition de 1837 a omis le vers où il apparaît. 111 LV : houble (Fait preuve de « doubleté », de duplicité. « Se j’avoye beaucoup doublé,/ Je seray riche marchant. » Ung Fol changant divers propos.) 112 Un traître sou. 113 LV : soyent y plaines (Correction Rousse.) Tant soit-elle pleine d’habileté. « Je ne hante femme ne fille,/ Tant soit plaine de bon con fort,/ Qui ne culette bien et fort. » Roger de Collerye. 114 Une religieuse est une prostituée : « Et démener vie joyeuse/ Avecq une religieuse/ Du “bas mestier”. » (Jacques Grévin.) À cause de son nom, l’abbaye de Cuissy, près de Laon, n’était pas prise au sérieux ; cf. le Tournoy amoureux, vers 5. 115 LV : faulte ou (« Vous cognoissez bien/ L’occasion de mon mal et mon bien,/ Et de tous deux estes la cause vraye. » Ronsard.) 116 Vers manquant. 117 Des sœurs secrètes. Ces prostituées occasionnelles, qui sont en général des bourgeoises mariées, font une concurrence déloyale aux honnêtes professionnelles. 118 LV ajoute dessous : et comment 119 En ce qui la concerne. Cf. Pates-ouaintes, vers 36. 120 Et qu’elle fasse plutôt retraite à l’abbaye de Cuissy, ou à l’abbaye des Conards. Un couvent est un bordel : « Du couvent de Serre-Fessier. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 121 Les dignitaires de l’abbaye. 122 LV : recouurir (Avoir recours à leurs talents.) 123 Les pauvres d’esprit naissent dans des œufs couvés par une pie. Cf. Ung Mary jaloux, vers 23. 124 Le feu grégeois, sorte de bombe incendiaire, symbolise la flamme amoureuse. Cf. le Povre Jouhan, vers 133. 125 LV : justice (Voir le v. 132.) 126 Le soir, et faire leurs tripotages. Cf. Grant Gosier, vers 49. 127 Cache ton pot. Cette expression normande signifie « à la dérobée », comme quand on se dissimule pour boire. « Quand ils avaient bien endormy Tiennot,/ De sidre et de bon vin ils se lavaient la trippe,/ En drière de ly [en cachette de lui], et à muche ten pot. » La Muse normande. 128 La prostituée retourne auprès des pauvres diables, et le vérolé, s’appuyant sur une canne, leur parle avant de clopiner vers la réformeresse. 129 Et douleurs. 130 Il faut que je me présente devant la réformeresse. 131 Vers manquant. Ou je serai condamné par contumace ; voir le v. 51. « Ou mises seront en deffault,/ S’ilz ne viennent appertement ! » Le Testament Pathelin. 132 Vous êtes-vous mis en règle ? 133 LV : soubt (La targe est une monnaie : cf. Gautier et Martin, vers 331.) 134 A chu. Prononciation normande : « Quand je cuz par terre,/ Je n’avets oncor beu qu’environ demion d’yau (…),/ Et ch’est che qui me fit tribucher coume un viau…./ Je cus, et me rompis dix dens. » (La Muse normande.) La syphilis pouvait faire choir le nez : « Son nez boutonné [boutonneux],/ Prest à tomber, par fortune,/ De la vérole importune. » (Complainte de messire Pierre Liset sur le trespas de son feu nez.) 135 LV : seigneur (Tel que je le corrige, c’est le vers 138 des Frans-archiers qui vont à Naples.) 136 À quel statut appartient ce malheureux. 137 Qui a un trou à la place du nez : note 134. Les maquillages imitant des maladies ou des blessures étaient aussi bien connus des acteurs que des faux mendiants. 138 De vulves. Cf. les Sotz qui remetent en point Bon Temps, vers 40 et note. 139 Il ne prononce. Double sens : le syphilitique tousse vraiment, comme il le reconnaît au vers 256. 140 Étymologiquement, la dîme, ou la décime, désigne un prélèvement de la dixième partie d’un tout. « Paier dixiesme et autres subsides au pape. » ATILF. 141 Le rhume, la toux et la goutte. « La rime ou la tous. » ATILF. 142 Au lieu de courir la gueuse. 143 Tu n’aurais pas si facilement pris le con des femmes. Gratien Du Pont dit à propos des syphilitiques : « Il y a maintz (dont je suis des compris)/ Qui de grans maulx ilz ont, par le con, pris. » 144 Je vous laisse les cons, à ce prix. 145 Soient. « Pour avoir la grosse vérolle (…),/ Le danger est loger aux troux. » La Médecine de maistre Grimache. 146 N’y as-tu conquis nuls biens ? 147 Des potées : le contenu des pots de chambre. 148 Jetée. « Trois potz à pisser, pour le moins,/ Que sur ma teste on a casséz. » Marot. 149 Ni subside à payer. 150 LV : oues (Vous oyez bien, vous entendez.) 151 Allez les vendre aux Halles installées sur la place de la Haute-Vieille-Tour. « Au lieu qui s’appelle la Viétour, qui contient le marché public. » Charles de Bourgueville. 152 Ne tardez pas. 153 LV : mais 154 Sans escroquer personne. 155 Sans les racheter. Le vérolé rejoint les pauvres diables, et le moine soliloque en attendant son tour. 156 Je n’ai ni jeton, ni quittance de paiement. 157 Je redoute ma perte. 158 Le moine se dirige vers la réformeresse. Intercepté par Proserpin, il tente de le flatter. 159 Qu’on doit aimer par-dessus tous. 160 De nous amuser, de voir ou d’entendre quoi que ce soit. 161 De la chair, ni du poisson en sauce, lequel est réservé aux dignitaires du couvent ; les simples moines, lors des jours maigres, se contentent de hareng saur tout froid. 162 Sous peine de recevoir des coups de martinet. 163 Leurs lectures de la Bible et leur Orémus. 164 Ils faisaient bombance. Cf. Gautier et Martin, vers 157. 165 Que des soudards, ou des paysans. Cf. la Mère de ville, vers 224. 166 Ou des travailleurs manuels. Cf. la Fille bastelierre, vers 64. 167 Des femmes cachées, et des nourrices pour allaiter leurs enfants. 168 Ils sont illusionnés par les jeux. « Vostre maistre n’estoit illudé ; c’est vous qui avez illudé le nostre et nous faites des illusions. » Huguet. 169 Moinillon défroqué. 170 M’absoudre de payer. Graphie correcte au vers 182. 171 Il vous paiera avec de la fausse monnaie. 172 Aujourd’hui. La réformeresse parle aux pauvres diables. 173 Goutteux et rogneux [galeux]. 174 Hâtifs, impulsifs. 175 En captivité. 176 Qu’on me paye mes droits. 177 Conter un mot = faire une citation. En effet, les vers 337-344 sont empruntés aux Fainctes du monde, composées par Guillaume Alécis vers 1460, et dont venaient de paraître deux éditions en 1532. 178 Scélérat. Cf. les Coquins, vers 15, 201 et 305. 179 Je donne l’original d’Alécis. LV : est fin qui 180 LV : russe (Alécis : ung affaictié = un renard hypocrite.) La séduisante hypothèse de M. Rousse à propos dudit Renard, qui serait le nom de l’abbé des Conards, ne tient pas compte du fait que ce vers fut écrit 80 ans avant la pièce. Mais le dramaturge a peut-être choisi cette strophe des Fainctes du monde parce qu’il y était question d’un renard. 181 Qu’il se souvienne désormais de régler sa cotisation à l’Abbé. 182 Et qu’il porte quelquefois son attention. 183 Ce congé n’est qu’une péroraison personnelle du copiste du ms. La Vallière : voir la note 179 de la Mère de ville.
LE CLERC QUI FUT REFUSÉ
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LE CLERC QUI
FUT REFUSÉ À
ESTRE PRESTRE
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Cette farce rouennaise pourrait dater de la première décennie du XVIe siècle.
Les quatre fils Aymon est un célèbre roman de chevalerie ; naturellement, le père des quatre héros s’appelle Aymon1, et demander comment il se nomme équivaut à demander de quelle couleur était le cheval blanc d’Henri IV. C’est pourtant la devinette2 à laquelle est incapable de répondre le clerc de notre farce. En 1566, Henri Estienne se souviendra de lui :
On conte aussi d’un autre qui estoit venu pareillement pour estre faict prestre, lequel on interrogua — pour esprouver son bon entendement — qui estoit le père des quatre fils Aimond. À quoy n’ayant sceu respondre, il fut renvoyé. Estant retourné & ayant raconté l’occasion pour laquelle il avoit esté refusé, son père luy remonstra comment il estoit bien beste de n’avoir sceu respondre qui estoit le père des quatre fils Aymond. « –Voilà (dit-il) grand Jan le mareschal, qui ha quatre enfans : si on te demandoit qui est leur père, dirois-tu pas que c’est grand Jan le mareschal ? –Ouy (dit-il), j’enten bien, maintenant ! » Là-dessus, s’en retourne pour estre receu, comme ayant bien mieux appris sa leçon depuis. Estant donc interrogé, pour la seconde fois, qui estoit le père des quatre fils Aimond, respondit que c’estoit… grand Jan le mareschal. <L’Introduction au Traité de la conformité des merveilles anciennes avec les modernes, ou Traité préparatif à l’Apologie pour Hérodote, chap. 29.>
Source : Recueil de Florence, nº 11.
Structure : Rimes mêlées, rimes plates, avec 2 triolets que l’éditeur a massacrés.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle du
Clerc qui fut refusé
à estre prestre
pource qu’il ne sçavoit dire
qui estoit le père des quatre filz Haymon
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À trois3 personnages, c’est assavoir :
LE MAISTRE [Maistre Pierre]
JÉNIN, clerc
L’OFFICIAL
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LE MAISTRE commence SCÈNE I
Hau, Jénin4 !
JÉNIN
Plaist vous5, maistre Pierre ?
LE MAISTRE
[Çà,] metz ma table ! Çà, ma chaire6 !
Ung marchepié7, tost ! Ung coussin !
JÉNIN
Vécy tout. Faictes bonne chère8 !
LE MAISTRE
5 Or, prens ce pot et va au vin !
JÉNIN
Vous en aurez tantost de fin9 :
L’on a crié du moûlt de Rin10.
En voulez-vous avoir ung pot ?
LE MAISTRE
Apporte du pain blanc, Jénin,
10 Et ung bon pasté de poussin,
Et ung formaige d’angelot11 !
JÉNIN
Ne vous sers-je pas en gringnot12 !
LE MAISTRE
Je te diray tout plainement :
Marier te vueil13 richement.
15 Ta peine sera14 guerdonnée.
JÉNIN
Femme seroit mal assenée15,
Et [si, serois]16 mon, par mon âme !
Je [veulx que]17, pour vivre sans femme,
Quelque chose que me faciez estre.
LE MAISTRE
20 Et quoy, Jénin ?
JÉNIN
Ung saige prestre ;
Si, auray gaigné mon escot.
LE MAISTRE
(Comment pourroit ung clerc [si] sot
Venir18 en l’ordre de prestrage ?)
J(e) escripray –s’on19 te treuve sage
25 À l’examen– qu’on te reçoyve.
Et s’il est besoing qu’on en boyve,
Je payeray le vin à eulx20.
JÉNIN
Or, escripvez ung mot ou deux
Par-dessus21, pour sçavoir à qui
30 J’adresseray.
LE MAISTRE
[C’]est à celuy
Qui des prestres fait l’examen.
Or, va ! Que Dieu te conduie !
JÉNIN
Amen !
À Dieu, je m’en voys à la Court22.
LE MAISTRE
Quant tu auras fait, tourne23 court.
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35 [Oncques ne vis teste si folle :]24 SCÈNE II
Il ne fust oncques à l’escolle,
Et si, cuide estre prestre acop25 !
.
JÉNIN SCÈNE III
Je me suis arresté26 par trop ;
Si, m’en vueil aller tout d’une tire27.
40 Où est la lettre de mon sire
Que je dois à la Court porter ?
À l’hostel28 me fault retourner,
Car je l’ay là[-bas] oubliée.
Ha, ha ! non est : je l’ay trouvée ;
45 Elle estoit en ma main sénestre29.
Je voy là ung seigneur ou prestre ;
Je vois30 à luy.
.
Sire31, à qui esse SCÈNE IV
Que ceste lettre-cy s’adresse ?
Lisez ceste lettre à part soy32.
L’OFFICIAL
50 Ces lettres s’adressent à moy.
Je les vois ouvrir et puis lire.
« À Monsieur33 et honoré sire,
Le secrétaire à Monseigneur34.
Cher amy, [j’ay] ung serviteur
55 Que j’envoyes par-devers vous,
[Vous] suppliant, cher sire doulx,
Que se le trouvez assez saige,
Qu’il aye l’ordre de prest[r]aige.
J’ay escript ceste patenostre35.
60 Et par Pierre, le serviteur vostre
À faire tout vostre bon plaisir36. »
À ce que je puis en ouÿr,
Tu veulx estre prestre, fais point37 ?
JÉNIN
Ouy, Monsieur, c’est [bien là] le point
65 Pour quoy je suis en Court venu.
L’OFFICIAL
Or, en bonne heure38, que scès-tu ?
Es-tu39 clerc, comme il appa[r]tient40 ?
JÉNIN
A ! je suis clerc, voyrement. [Bien]
Je say bien chanter, en la maison,
70 Sanctus et Kyrié léyson 41.
J’ay esté grant clerc42, autre foys.
L’OFFICIAL
[Dea !] dont43 es-tu ? De Sainct-Gervoys ?
JÉNIN
Par Dieu ! tous mes parens en sont,
[Aussi tous les enfans qu’ilz ont ;]
75 Mais je n’en suis pas, sauf vo44 grâce.
S’il vous plaist, menez-m’en45 la place
Où l’examen sera, huy[mais]46.
L’[O]FFICIAL
Je te demande que47 tu scès.
Sur ce48, je t(e) examineray ;
80 Puis après, je te passeray49,
Se tu respons bien.
JÉNIN
N’en doubtez50 !
L’OFFICIAL 51
Je te demande se tu sès
Comment avoit jadis à nom
Le père aux quatre filx Aymon.
85 Son nom nommer te convient.
JÉNIN
Par le corps bieu ! je n’en sçay nient52.
L’OFFICIAL
Ne scès-tu le père d’où vient
Le gendre53 Aymon ?
JÉNIN
J’i54 vois penser…
Je ne sçauroye deviner55
90 Ung nom que je n’ouÿs [mais] oncques.
L’OFFICIAL
Tu ne seras point prestre, doncques.
Or, t’en reva dire à ton maistre56
Que tu scès peu pour estre prestre.
.
Ce fol icy est[-il] tout yvre57 ? SCÈNE V
95 [Il n’a oncques leu en ung livre,]58
Et si59, cuyde estre prestre fais.
Il en est beaucoup d’ainsi fais,
Qui cuydent sans elles60 voller.
.
JÉNIN SCÈNE VI
J’ay plus d’ennuy à m’en aller,
100 Cent fois, que n[’en] eux61 à venir.
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MAISTRE SCÈNE VII
Je voy mon « prestre » revenir ;
Je [luy] vueil aller au-devant.
.
Sire, le bien soyez venant !
Tant estes simple62 ! De quoy esse ?
105 Quant chanterez-vous vostre messe,
Entre vos parens et les miens63 ?
JÉNIN
Par Dieu, Maistre, je n’en sçay riens :
Je reviens tel que g’y allay.
MAISTRE
Ainsi dit-on : « Qui [n’]a les biens… »64
JÉNIN
110 Par Dieu, Maistre, je n’e[n] sçay riens.
MAISTRE
Je n’entens pas bien vos moyens65 ;
Mais à quoy a-il tenu, [bon gré]66 ?
[ JÉNIN
Par Dieu, Maistre, je n’en sçay riens :
Je reviens tel que g’y allay.
MAISTRE ]
115 À67 l’examen n’estes passé68 ?
JÉNIN
Çà69 ! il m’a fait une demande
La plus terrible et la plus grande
Que j’ouÿs oncques en ma vie ;
Je ne l’entens non plus qu’ébrieu70.
MAISTRE
120 T’a-il demandé de quoy Dieu
Fist les elles [de] sainct Michel71 ?
Ou de quel bleu il tint72 le ciel ?
JÉNIN
La demande estoit bien plus grande :
[Oncques n’ouÿs telle demande.]
MAISTRE
125 Je croy qu’il te demanda donc
Où les roules73 Gabriel sont,
Dont il salua Nostre Dame.
JÉNIN
Et ! non fist, [non,] bon gré mon âme !
Mais sans plus [démener de]74 plait,
130 Je le vous diray, s’il vous plaist
[Et s’il vous est bel]75.
MAISTRE
Je t’en prie.
JÉNIN
Ce n’est[oit] q’une tromperie76 :
[Vous m’avez]77 bien recommandé !
Et ! saichez qu’il m’a demandé
135 Comment avoit jadis à nom
Le père aux quatre filz Aymon.
A ! c’est chose forte à entendre.
MAISTRE
Je te le feray bien comprendre78
Par exemple79.
JÉNIN
Dictes avant80.
LE MAISTRE
140 Ne congnois-tu point cy-devant81
Collard le Fèvre, ung marichaux82 ?
JÉNIN
Ouy, je le congnois bien et beau83.
LE MAISTRE
Et n’a-il pas [eu] quatre filz ?
JÉNIN
Si a : deux grans et deux petis.
145 Je les congnois bien, orendroit84.
LE MAISTRE
Et viens çà ! Qui te demanderoit85
Qui est le père des enfans86
Collard le Fèvre, sot meschant,
Que respondrois-tu ?
JÉNIN
G’y vois voir…
150 C’est Collard le Fèvre, [pour voir]87.
[Vous ne m’abuserez ainsy,]
Car je cong[n]ais ces enfans-cy,
Aussi leur père nourris[s]ier88.
De vos promesses ne suis fier89 ;
155 Qui les croit, il pert bien sa peine.
Je m’en voys : [sur moy]90 je n’ay vaine
Qui à vous servir s’estudie91.
MAISTRE
Au fort, soit ou sens ou folie,
Va-t’en où ta teste te maine.
JÉNIN
160 Vous ne me verrez de sepmaine92.
Prestre seray, je vous affie.
Et puis je gaigneray ma vie
Sans servir, ainsi qu’autres font93…
LE MAISTRE
Ne m’arguë plus94, va-t’en [dont]
165 Sans plus te trouver en ma voye !
.
JÉNIN 95 SCÈNE VIII
Dea, il m’est advis que je voye
Le prestre à qui ores parlay96.
Par Dieu ! je le salu[e]ray
Affin que me97 tiengne en amour.
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170 Monseigneur, Dieu vous doint bon jour ! SCÈNE IX
Je viens à vous encor sçavoir
Se vous me voulez recepvoir
Comme prestre, en peu de parolles.
L’OFFICIAL
Tu n’as point esté aux escolles,
175 Depuis que céans te reprins98 ?
JÉNIN
Non, [Mon]seigneur. Mais j’ay aprins
Ung mot que demandé m’avez.
L’OFFICIAL
Et quel mot fusse ?
JÉNIN
Vous sçavez
Que demandé m’avez le nom
180 Du père aux99 quatre filz Aymon ;
Et j’ay aprins le nom, beau sire.
L’OFFICIAL
Il est vray, tu ne le sceuz dire ;
Je te fiz100 penser bien avant.
JÉNIN
Dea, je [le] sçay bien, maintenant,
185 Le nom ; [et] si, le congnois bien,
Car je l’ay sceu par le moyen
De mon maistre, qui le m’a dit.
L’OFFICIAL
Est-il101 mort ?
JÉNIN
Nenny, [mais] il vit,
Et demeure près ma maison.
L’OFFICIAL
190 Qui ? le père de[s] filz Aymon ?
JÉNIN
Voire, par Dieu !
L’OFFICIAL
Et ! tu t’abuses.
JÉNIN
Et ! que vous me faictes de ruses !
Je le congnois mieulx q’un denier102.
L’OFFICIAL
Touteffois, [je veulx]103 essayer
195 Se tu congnois bien, [ouy] ou non,
Le père au[x] quatre filz Aymon :
Quel est son nom ? Pense à brief dire104.
JÉNIN
C’est Collart le Fèvre, [beau] sire,
Ung mareschal qui fait les cloches.
L’OFFICIAL
200 Collart le Févre ?! De quelz nopces
Seroit-il père105 aux quatre frères ?
Les filz Aymon ont-ilz deux pères ?
Dy-moy comment, ne par quel art.
JÉNIN
Ilz n’ont nul père que Collard,
205 Et en débatriez-vous106 cent foys !
L’OFFICIAL
Sy ont ! Si.
JÉNIN
Non ont, par ceste croix !
L’OFFICIAL
Par sainct Jacques107 ! se tu me croix,
Se tu as argent, si va boire,
Car prestre ne seras-tu point108 !
210 Car tu ne scès rien aprendre.
JÉNIN
Mais vous le me faictes acroire109 ?
[ L’OFFICIAL
Se tu as argent, si va boire !
JÉNIN ]
Ne me faictes plus d’amusoire110 :
Mettez-moy en estat [d’estre oint]111 !
L’OFFICIAL
215 Se tu as argent, si va boire,
Car prestre ne seras-tu point.
.
JÉNIN SCÈNE X
Sainct Jehan, me voicy en bon point !
Je n’ay ordre112 ne bénéfice113,
Et si, suis hors de mon service114.
220 Se j’eusse sceu adeviner
Du père aux filx Aymon nommer,
Je fusse prestre, maintenant.
Pour tant115, vous, jeunes clercz, souvent,
Se prestres vous voulez passer,
225 Le père vous fauldra nommer
Des filz Aymon ; ou nullement
Ne passerez à l’exament.
Ce scet116 Dieu — qui gard, par Sa117 grâce,
Tous ceulx qui sont en ceste place !
FINIS
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1 Il faut comprendre : les quatre fils de Aymon. Nous avons là une forme fossile du génitif latin. (Par exemple, agnus Dei = agneau de Dieu.) Ce génitif a perduré en ancien français aussi longtemps que les cas obéissaient à des déclinaisons. (« Carles li reis » = le roi Charles. « La grant host Carlun » = la grande armée de Charles.) Mais en moyen français, la notion d’appartenance est subordonnée aux prépositions « de » et « du » : la lettre de mon sire (v. 40). Un reliquat de génitif non décliné se rencontre encore dans certaines formules figées, comme les titres : les Quatre fils [de] Aymon, le Testament [de] Pathelin, la Confession [de] Margot, la Résurrection [de] Jénin à Paulme, les Vigilles [de] Triboullet, etc. Voir aussi les vers 88, 126, et 147-148. 2 Cf. les Devinettes françaises du Moyen Âge, publiées par Bruno Roy, ou les Adevinaux amoureux. « Adevinez que c’est : Mon père et ma mère eurent ung enfant, et si, n’est ne mon frère, ne ma suer. — Ce suis-je moy-meismes. » Voir la note 55. 3 F : quattre (L’imprimeur a été influencé par les quatre fils Aymon, à la ligne précédente.) 4 Ce prénom est toujours porté par des imbéciles. « Quel glorieux sot ! Quel jényn ! » Les Coppieurs et Lardeurs. 5 Plaît-il ? 6 Avance ma chaise. Le curé s’apprête à dîner, pendant que son clerc – pour ne pas dire son larbin – va le servir, debout. On trouve le même cas de figure dans Guillerme qui mengea les figues du curé. 7 Petit tabouret sur lequel on pose les pieds quand la chaise est trop haute. 8 Bon appétit ! 9 Du fin, du bon. 10 Du moût du Rhin, sorte de vin doux. Les taverniers, qui vendaient du vin à emporter, louaient les services de crieurs publics pour faire savoir qu’il avaient mis en perce une nouvelle barrique. « L’on crie vin nouveau et vieulx. » Les Cris des marchandises que l’on crie parmy Paris. 11 Sorte de petit fromage. Cf. les Cris de Paris, vers 175. 12 F : gringuot (Grincheux. « Mult est li deables gringnos. » Godefroy.) 13 Je veux te marier. Sous certaines conditions, un simple clerc peut se marier ; mais le curé n’a pas à jouer les entremetteuses du moment que son élève a encore des parents (vers 73 et 106). 14 F : auras (La peine que tu prends pour moi sera récompensée. Cf. les Premiers gardonnéz.) 15 F : asseuree (Mal assenée = mal mariée. Cf. le Munyer, vers 34 et note.) 16 F : ce seroit (Et je le serais aussi.) 17 F : pense 18 F : Paruenir 19 F : si (Si on. « Je ne sçay s’on le trouvera. » Les Premiers gardonnéz.) 20 J’offrirai des « pots de vin » aux examinateurs. Dans la farce D’un qui se fait examiner pour estre prebstre, on veut aussi acheter l’examinateur : « Luy portez-vous point de fromage/ Pour luy faire quelque présent ? » Le curé écrit une lettre de recommandation pour l’official. H. Estienne dit que les examinateurs des candidats à la prêtrise « les faisoyent passer pour faire plaisir à ceux qui les leur avoyent recommandéz ». 21 Le curé a plié la lettre et l’a cachetée avec de la cire (vers 51). Il doit maintenant marquer sur le dos une suscription : le nom et l’adresse du destinataire. 22 La cour de l’Officialité, où siège l’official, un juge ecclésiastique. L’official de Rouen est encore mis à contribution dans le Tesmoing. Dans D’un qui se fait examiner pour estre prebstre, le clerc stupide est refusé non par un official, mais par un simple vicaire-examinateur. 23 F : retourne (Reviens vite. « Ledict duc (…) tourna tout court au-devant le roy. » ATILF.) Jénin s’en va en tenant la lettre du curé. 24 Vers manquant. « Puisqu’avez la teste si folle,/ Vous en tiendrez céans escolle. » Les Vigilles Triboullet. 25 Et pourtant, il pense devenir prêtre tout à coup. 26 J’ai tardé. 27 D’une seule traite. 28 Au presbytère. 29 Gauche. 30 Je vais. Idem vers 33, 51, 88, 149, 156. 31 Seigneur. Jénin omet la formule de salutation ; il ne réparera cette impolitesse qu’aux vers 168-170. 32 En silence. Jénin aurait dû dire « à part vous » ; cette incorrection ne plaide pas en sa faveur. D’autre part, un clerc ne donne pas d’ordres à un official. 33 F : monseigneur 34 L’official est le conseiller juridique de l’archevêque de Rouen. 35 Je reconnais avoir écrit cette prière que je vous fais. 36 Formule de politesse qui clôt une lettre. « Ce scet Diex, liquel vous ait en sa sainte garde ! Escript à Noion le VIIIe jour du mois de may. Les vostres à faire vostre bon plaisir : les maire, juréz, bourgois et habitans de la ville et cité de Noion. » Lettre du 8 mai 1413. 37 N’est-ce-pas ? 38 Sans tarder. « Séez-vous en bonne heure ! » ATILF. 39 F : Est tu (Même faute au vers 72.) Apparemment, Jénin n’est même pas tonsuré. 40 Comme il se doit pour un futur prêtre. 41 H. Estienne se moque des prêtres incultes qui se plaignent que certains osent dire « Kyrie eleison au lieu de Kyrieleison ». 42 Malin. « Qui estoit plus grant clerc et plus saige que l’autre n’estoit. » (Pierre Salmon.) Cf. l’Homme à mes pois, vers 386. 43 D’où. Saint-Gervais est un quartier de Rouen. On y croisait des paysans du pays de Caux, que les citadins tenaient pour des arriérés. « Les tavernes de Sainct-Gervais/ Sont pour les Cauchois. » Le Discours démonstrant sans feincte… 44 F : vostre (Le vers est trop long.) Jénin trahit ses origines plébéiennes en usant d’une tournure populaire : « Mais, Sire, sauf vo grâce ! » Christine de Pizan. 45 F : menes moy en (Vers trop long.) Encore un raccourci populaire. « Laissez-m’en paix ! » Le Munyer. 46 Maintenant. « Quérez un lieu/ Où nous puissons huimais, pour Dieu,/ Nous hébergier. » (ATILF.) Jénin donne encore un ordre à l’official. 47 F : se (Ce que tu sais.) 48 Ensuite. 49 Je t’accorderai la prêtrise. 50 Un clerc doit faire preuve d’humilité, et non d’arrogance. 51 Il devrait interroger le clerc en latin, et sur des problèmes de théologie. Mais se rendant compte que Jénin est totalement ignare, il décide de s’amuser en lui posant une de ces colles qui circulaient dans les cours de récréation. H. Estienne confirme l’espièglerie des examinateurs vis-à-vis des candidats à la prêtrise : « On leur faisoit plusieurs telles interrogations joyeuses pour donner passetemps à monsieur le prélat qui assistoit là, & pour essayer s’ils estoyent point du tout [totalement] niais & bégaux [sots]. » 52 Forme populaire de néant : rien. Cf. la Pippée, vers 580. 53 La progéniture, la descendance de Aymon. 54 F : Si (Je vais y réfléchir. Cf. le vers 149.) 55 Trouver la solution de cette devinette. Voir aussi « adeviner », au vers 220. 56 F : sire 57 Les clercs avaient la réputation d’aimer boire. 58 Vers manquant. « J’ay leu en ung livre couvert de cuyr rouge. » (Jehan de Nostredame.) De fait, Jénin n’est jamais allé à l’école (vers 36 et 174). 59 Et pourtant. Idem vers 37. 60 Sans ailes. « Il cuyde jà voller, sans elles. » La Pippée. 61 Que je n’en eus. Jénin retourne chez le curé. 62 Penaud, déconfit. « Tant simple et tant piteux que ne le vous saroit dire. » ATILF. 63 Quand un nouveau prêtre disait sa première messe, la famille et les amis venaient l’encourager, puis faisaient la fête. « Ou quant ung prestre, escoute bien,/ A chanté sa première messe,/ Tous ses amys en grant lyesse/ Vous chanteront et danseront,/ Et grant chière ce jour feront. » Éloy d’Amerval. 64 « Qui n’a les biens terrestres aura les biens célestes. » Dicton. 65 Je ne comprends pas vos arguments. 66 Bon gré ponctue une question : « Quel vin, bon gré ? » Le Capitaine Mal-en-point. 67 F : Qua (J’ai reconstitué le triolet qui précède.) 68 F : passes (Vous n’avez pas été reçu ?) 69 F : Ouy il a tenu asses / Car 70 Pas plus que de l’hébreu. 71 Les ailes de cet archange étaient faites de plumes : « Une plume (…)/ Arrachée jadis, au ciel,/ De l’ayle monsieur sainct Michel. » (Sermon de sainct Frappecul.) Les marchands de reliques vendaient son plumage fort cher : « Quant aux ailes de sainct Michel (…), & de la vérité des reliques de ses plumes. » Pierre Viret. 72 Il teignit. 73 Les rôles, les papiers enroulés. En l’occurrence, le texte du « Je vous salue Marie », avec lequel l’ange Gabriel salua la Vierge. Ce phylactère se trouve… dans l’imagination des artistes qui ont représenté l’Annonciation : aucun texte canonique n’en fait état. 74 F : demader (Plaid = discussion.) 75 Si cela vous plaît. « Or escouteis, s’il vous est bel,/ L’aventure d’un damoisel. » Gilles de Chin. 76 Sa question n’était qu’un piège. 77 F : Cest ung sens (Vous m’avez recommandé à un mauvais homme.) 78 F : aprendre (Dans certains manuscrits gothiques, le 9 tironien, qui est l’abréviation de « com- », ressemble à un « a ». L’éditeur l’a mal résolu.) 79 Grâce à un exemple concret. 80 Continuez. 81 Près d’ici. 82 Un maréchal-ferrant, un forgeron, un fondeur de cloches (vers 199). « Fèvre » signifie forgeron. 83 Bel et bien. 84 Présentement. 85 Si on te demandait. 86 Des enfants de Collard. Voir la note 1. 87 En vérité. Cf. la Pippée, vers 227. Le vers suivant est perdu. 88 L’homme qui les élève, à défaut de les avoir faits. 89 Je ne suis pas content de la manière dont vous avez tenu vos promesses. 90 F : car (Je n’ai aucune parcelle de mon corps. « Sur moy je n’ay veine/ Que vers vous me tire. » ATILF.) 91 S’applique. 92 De sitôt. 93 Comme vous, qui ne fichez rien et qui vous faites servir. 94 Ne m’embête plus avec tes arguments. À la rime, donc s’écrit dont : « Et que ne le portez-vous dont ? » Le Faulconnier de ville. 95 Il retourne à l’Officialité. 96 F : parle (À qui je parlai tantôt.) 97 F : le (Pour qu’il m’ait en sa sympathie.) 98 Depuis que je te fis des reproches. 99 F : des 100 F : filz 101 Le père des quatre fils Aymon. 102 Tout le monde connaissait cette monnaie courante. « Je le congnois comme ung denier. » Clément Marot. 103 F : veulx ie 104 Sois bref. 105 F : pire (À la suite de quel mariage serait-il le père.) 106 F : debatrssiez (Même si vous en débattiez.) 107 F : iehan 108 F : pas (La rime correcte se trouve au refrain, vers 216.) Ce triolet est aussi abîmé que le précédent. 109 F : entendre (Vous me faites marcher. « Il me fist acroire mensonge. » Godefroy.) 110 F : cy attendre (« Luy fournir de jouets et d’amusoires, comme à l’enfance. » Montaigne.) 111 F : de prestre (Les mains du nouveau prêtre étaient ointes d’huile.) 112 Je n’ai pas été ordonné prêtre. Voir les vers 23 et 58. 113 Revenu que rapporte une cure. Cf. les Sotz ecclésiasticques qui jouent leurs bénéfices au content. 114 Je ne suis plus au service de maître Pierre. 115 Pour cette raison. 116 F : nest (Dieu le sait. Voir la note 36.) Cette formule clôt une lettre. « Ce scet Dieu, qui, par Sa grâce, vous acroisse en sancté, honneur et prospérité ! » (Laurent Vital.) On a l’impression que l’auteur de la farce est un secrétaire qui passe son temps à rédiger des missives : il en garde le style. 117 F : la
JEHAN DE LAGNY
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JEHAN DE LAGNY
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Cette farce rouennaise fut écrite en 1515. L’auteur a pioché le nom des trois femmes de sa pièce dans des chansons gaillardes, aujourd’hui perdues. Le nom du personnage principal vient d’une autre chanson : « Leus-tu jamais en Fierabras / La Chanson de Jean de Laigni ? » (L’Amoureux passetemps.) Cette chanson – également perdue – raillait le fait que Jean sans Peur, en 1416, cantonnait depuis longtemps à Lagny-sur-Marne, et qu’il n’arrivait pas à se décider sur la suite des opérations. Ses ajournements perpétuels lui valurent les quolibets des Parisiens, ce dont il se fâcha tout rouge. « Le duc Jehan de Bourgoingne (…) alla logier à Lagny-sur-Marne, où il fut grant temps. Et tant y fut, que ceulx de Paris (…) l’apeloient Jehan de Lagny. » <Mémoires de Pierre de Fénin.> À défaut de la chanson, nous avons conservé deux proverbes sur les atermoiements de Jean sans Peur : « Jehan de Lagny, qui n’a point de haste. » Et : « Il est des gens de Lagny, il n’a pas haste. »1
Le héros de notre farce est baptisé Jean de Lagny parce qu’il promet toujours le mariage à ses conquêtes, mais qu’il temporise indéfiniment : « J’ey promis et promais encore/ Vous espouser je ne say quant. » Dans la farce du Retraict, qui appartient au même manuscrit, on disait déjà d’un homme velléitaire : « Voylà un bon Jehan de Lagny ! »
Après le succès de la pièce, Jacquet de Berchem composa cette chanson, qui fut publiée en 1540 :
Jehan de Lagny,
Mon bel amy,
Vous m’avez abusée.
Se ce n’eust esté vostre amour,
Je fusse mariée.
Vous avez ouvert le « guichet »,
La « mouche » y est entrée2.
Se j’avois connu vos façons,
Fille serois restée.
On doist bien brider le « mulet »,
S’il entre à l’escurie.
Dans la farce du Tesmoing, un prévenu refuse d’épouser une femme, qu’il a subornée en lui promettant le mariage. Or, le juge est un official, comme il se doit dans ce genre d’affaires. Ici, trois femmes séduites par un seul homme veulent l’épouser, et font appel à un juge laïc qui n’est pas compétent dans ce domaine. En outre, ce fantoche de juge rend la justice en pleine rue, et n’a aucun moyen de faire appliquer ses sentences, qui sont d’ailleurs illégales. On le traite de « fol » à l’avant-dernier vers, et tout laisse croire que ce suppôt des Conards de Rouen fut effectivement joué par un Sot.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 31. Le texte est dans un état si décourageant que nul ne s’est risqué à en donner une édition critique.
Structure : Rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce joyeuse
À sis personnages, c’est assavoir :
JEHAN DE LAGNY, Badin
MESSIRE JEHAN [VIRELINQUIN]
TRÉTAULDE 3
OLIVE 4
PÉRÈTE VENEZ-TOST 5
et LE JUGE
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TRÉTAULDE 6 commence,
tenant un baston à sa main. SCÈNE I
Tant, pour chercher Jehan de Lagny,
J’ey de douleur et de destresse !
À Parys, à Troys7, à Magny,
Tant, pour chercher Jehan de Laigny.
5 Pendu soyt-il comme Margny8
En un gibet de grand haultesse,
Tant, pour chercher Jehan de Laigny,
J’ey de douleur et [de] détresse !
PÉRÈTE VENEZ-TOST
Et moy, par semblable finesse9,
10 Jehan de Laigny [m’a engyné]10.
Pensez qu’il sera démené,
Se je le tiens bref en rudesse !
OLIVE
Il ne m’a pas tenu promesse,
Jehan de Laigny, ce trompereau.
15 Je requiers Dieu que le boureau
Le puisse atraper à son erse11 !
PÉRÈTE
Dictes-moy, s’y vous plaist, comme esse
Qu’i vous trompa, et en quel rue.
Ainsy que vous ay aperceue12,
20 Il vous a mys le corps en presse13 ?
TRÉTAULDE
Il me feist choir en la reverse14
En me disant :
« Grosse trongnaulde15 !
Combien que vous soyez courtaulde16,
J’éray la copie17 de ce corps ! »
25 Et vous, [qui estes-vous, pour lors] ?
PÉRÈTE
Pérète Venez-tost.
TRÉTAULDE
« Pérète,
Vous ma seurète »18,
Dont on parle parmy19 ces rus ?
Enda ! à peu20 que ne mourus
D’entendre21, par un samedy,
30 Un grand Sot, garson estourdy,
Estant22 aveques un supost,
Chantant :
« Pérète, venez tost !
Gay là, gay23 ! la chose [est] preste. »
Et l’ort vilain Sot désonneste
35 Prononsoyt en dict et propos
Qu’i l’avoyt « aussy dur c’un os ».
[S]y esse vous, doulce compa(i)gne ?
PÉRÈTE
Ouy, c’est moy.
OLIVE
Pour Dieu, qu’on n’espargne
Jehan de Lagny, se on24 le treuve !
40 Et qu’i n’ayt relâche ne treuve25
Jusqu(es) à ce que la mort s’ensuyve26 !
TRÉTAULDE
Et vostre nom ?
OLIVE
Moy, c’est Olive.
TRÉTAULDE
[Quoy ! estes-vous « la belle fille » ?]27
Y vous a serré la « quoquille »,
Se disent enfans à leurs chans28.
45 Ceulx qui vont le pavé marchans
Vous chantent29 aussy bien que nous.
PÉRÈTE
Je requier Dieu à deulx genoulx
Qu’on cherchon30 tant qu’il soyt trouvé.
S’y n’est de par moy esprouvé
50 Méchant31, que je soys difam[é]e !
OLIVE
Jehan de Laigny ?
TRÉTAULDE
Sa renommée
Sera perdue, ce coup icy.
Non obstant, vous veulx dire un sy32
Qui nous servyra bien.
PÉRÈTE
Et quoy ?
TRÉTAULDE
55 Que chascun se taise [tout coy]33,
Et tenons icy un concille.
Ayons un clerc de ceste ville,
Ou un prestre qui soyt savant,
Qui vienne avec nous poursuyvant
60 Jehan de Lagny, ce faulx nerquin34.
OLIVE
Messire Jehan Virelinquin35
Est bien homme pour nous conduyre.
Vous plaist-il que luy aille dyre
Qu’i vienne à vous parler souldain ?
PÉRÈTE
65 Alez souldain ou tost !
TRÉTAULDE
Mais ne targez grain36.
OLIVE
Le voécy, c’est Dieu qui l’envoye !
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Messire Jehan, Dieu vous doinct joye SCÈNE II
De ce que vostre cœur désire !
Vous est-il bien37 ?
MESSIRE JEHAN [VIRELINQUIN]
Gras comme [une oye]38 !
TRÉTAULDE
70 Messire Jehan, Dieu vous doinct joye !
MESSIRE JEHAN
Tant [je voy cy]39 une mont-joye
De bonnes commères pour rire !
PÉRÈTE
Messire Jehan, Dieu vous doinct joye
De ce que vostre cœur désire !
TRÉTAULDE
75 Escoutez un petit40 mon dyre
Aussy vray comme le soleil41 :
Aydez-nous de vostre conseil,
En vous payant42 de vostre paine.
MESSIRE JEHAN
Prononcez !
PÉRÈTE
C’est chose certaine
80 Que Jehan de Lagny on cherchon.
Fust-il pendu à Alenson,
Ou son corps brullé à Bréban43 !
MESSIRE JEHAN
Faictes-lay adjourner à ban44,
Citer45 à ouÿe de paroisse.
85 Y fauldra qu’i boyve l’engoysse46,
Fust-il des gens de Hanequin47.
OLIVE
Et ! monsieur Jehan Virelinquin,
Tant on sommes à vous tenu[e]s !
MESSIRE JEHAN
S’il estoyt caché48 soublz les nu[e]s
90 On le trouveron, sy Dieu plaist.
TRÉTAULDE 49
Escrivez-nous [cy] nostre explet50,
Et narez en vostre registre
Que c’est moy-mesme qui le cite,
Tout par despist de sa ribaulde.
[MESSIRE JEHAN] 51 escript.
95 Vostre non à vous ?
TRÉTAULDE
C’est Trétaulde.
MESSIRE JEHAN
Trétaulde52 ?! Dieu de Nazaret !
TRÉTAULDE
Qu’i ne s’en faille un tiret
Qu’i ne compare53, le coquin !
PÉRÈTE 54
Messire Jehan Virelinquin,
100 Mectez que c’est moy qui le cherche.
Sy tenir le puys à mon erse,
Il éra la prison pour lot55.
J’ey non56 Pérète Venez-tost,
Afin que pas ne l’ombliez57.
105 Ne luy ne toulz ses alyés58
Ne valent pas le[s] mestre au feu59.
MESSIRE JEHAN
Mais ayez pacience un peu,
Que j’[ay]es escript ce mot icy.
OLIVE
Virelinquin, mectez aussy,
110 Monsieur, que dire doys premyer60
Qu’il est aussy sot c’un prunyer
D’aler tant de filles tromper.
Et sy on le puist atraper,
Rien ne luy vauldra son moquer61.
MESSIRE JEHAN
115 Il ne [me séroyt]62 révoquer,
Puysque j’ey procuration.
TRÉTAULDE
Faictes-luy assignation
De comparer63 à ma requeste.
PÉRÈTE
Et moy aussy.
MESSIRE JEHAN
A ! j’ey la teste
120 Assez ferme pour le bien faire.
OLIVE
Monsieur Virelinquin, mon Frère :
[Que] n’omblyez pas à m’y mectre !
MESSIRE 64 JEHAN
Nennin. Mais signez ceste lestre,
Et puys me laissez faire, moy.
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LE BADIN 65 entre en chantant : SCÈNE III
125 C’est à ce joly moys de may
Que toutes herbes renouvelles.
Et vous présenteray, les belles,
Entièrement le cœur de moy.66
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TRÉTAULDE 67 SCÈNE IV
Aussy vray qu’i n’est c’une Loy,
130 J’ey entendu Jehan de Laigny !
Je vous suply qu’i soyt pugny,
Messire Jehan, s’il est possible.
MESSIRE JEHAN
Uson de finesse paisible68.
Que l’une de vo[u]s troys l’amuse69,
135 En parlant doulcement, de ruse ;
Et [moy], j’escousteray de loing.
Je vous servyray de tesmoing
Au besoing, plus que ne font sis70.
PÉRÈTE
Aussy vous érez des mersis71,
140 Sy Dieu plaist, plus de quatre cens.
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LE BADIN 72 SCÈNE V
Sainct Jehan ! depuys les Innocens73
Que je suys party de Rouen,
Je fais [le] veu à sainct Ouen74
Que je n’ay veu femme ne fille,
145 Quelle qu’el soyt, tant soyt habille
Qu’il sont icy75 ! Très âprement,
Voir je m’en voys bénignement76
Trétaulde, Pérète et Olyve,
Et faire le petit convyve77
150 Avec eulx78 gratieusement.
Et puys pensez que l’instrument 79
Y fauldra bien que l’on me preste.
TRÉTAULDE, en dèrière 80
In Gen81 ! beau sire, sy je le preste,
Que l’on me pende sans mercy !
PÉRÈTE
155 Non pas moy.
OLYVE
[Et] ne moy aussy82.
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LE BADIN SCÈNE VI
Dieu gard les belles sans soulcy !
TRÉTAULDE, en ruze.
Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !
LE BADIN
Vous est-il bien ?
PÉRÈTE
Ouy, Dieu mercy !
LE BADIN
Dieu gard les belles sans soulsy !
160 Tousjours seulètes ?
OLYVE
Il est ainsy.
LE BADIN
Joyeulx suys de vostre regard.
Dieu gard les belles sans soulsy !
LES TROYS ensemble
Et ! Jehan de Lagny, Dieu vous gard !
LE BADIN
Ma foy, je suys frapé du dard
165 D’Amours, tant de vous suys joyeulx.
TRÉTAULDE
En tout temps estes amoureulx ;
Jamais ne vous en passerez ?
(Mydieulx ! vous récompenserez
Mon honneur, qui est difamé !)
LE BADIN
170 Ouy dea, je pence estre famé83
Et renommé en tant de lieux.
Sy vostre cœur est envyeux
De chose qui soyt en ce monde,
Je suys d’acord qu’on me confonde
175 Sy ne l’avez pour souhaiter84.
TRÉTAULDE
Y vous plaira me relater85
La promesse que m’avez faict :
Combien qu’il soyt gardé segret86,
Avoir la veulx en ma mémoyre87.
LE BADIN
180 J’ey promys et promais encore
Vous espouser je ne say quant.
MESSIRE JEHAN 88
(Sainct Jehan ! vous vélà prins pour tant89 :
Cétuy mot pas je n’omblyray.)
PÉRÈTE
Et quant esse que je seray
185 En honneur mise de par vous ?
LE BADIN
Quant et90 Trétaulde.
OLYVE
Et moy ?
LE BADIN
Et91 vous.
TRÉTAULDE
M’y deust-il couster trente soublz,
Je vous éray ou vous m’érez !
LE BADIN
Afin que le cas assurez92,
190 Alon, pour le temps advenir,
Le fère93 un coup pour souvenir.
Et puys la chère nous94 feron.
MESSIRE JEHAN 95
Esse pas cy mon aulteron96,
Dont j’ey sur luy lestre de prinse97 ?
195 Puysque j’ey sus vous la main myse,
Parler vous viendrez à Monsieur98 !
LE BADIN
Me prenez-vous pour transgresseur99 ?
Estes-vous oficier100 du Roy ?
MESSIRE JEHAN
Vous viendrez présent quant et moy101 !
200 Par Dieu j’en jure et jureray !
LE BADIN loche 102 la teste
Et ! par la vertu, non feray !
J’ey comme toy une caboce103.
Me pence-tu mener à force
Aulx prisons ? Jen ! tu as beau nes104.
MESSIRE JEHAN
205 Pourtant y fault que vous venez
Malgré vos dens et vostre cœur105.
LE BADIN
Par la mort ! vous serez menteur106.
MESSIRE JEHAN
Le deable m’enport ! non seray.
Maintenant je te montreray
210 Que j’ey de te prendre licence107.
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LE JUGE 108 SCÈNE VII
J’ey entendu quelqu(e) un qui tence
En blaphémant Dieu de sang meu109.
Y fault sçavoir dont est esmeu
Le débat de leur diférent110.
215 Car je n’ay amy ne parent,
Pourveu que mon Dieu y blaphesme,
Qu’en dure prison je n’enferme
Long temps sans boyre que de l’eau !
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voyez cest estourneau
220 Qui pour le présent se rebelle.
J’ey dessus luy plaincte formelle,
Et ne vous veult pas obaïr.
LE BADIN
Monsieur, y vous plaira ouÿr
Comme c’est qu’il m’a voulu prendre
225 En lieu honneste sans m’entendre111.
Je m’en croys aulx femmes de bien112.
LE JUGE
En vos propos je n’entens rien.
Dictes-moy que luy demandez.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voulontiers. Atendez :
230 Examynez113 ces créatures,
Puys vous voy(e)rez les escriptures114
Que j’ey par procuration.
LE BADIN
Je demande relation115
De luy, qui se dict ma partye116.
LE JUGE
235 Ta harengue sera ouÿe
Comme la sienne en cestuy lieu.
MESSIRE [JEHAN] lict :
« Françoys117, par la grâce de Dieu
Roy de France, et cetera… »
LE BADIN
On voi(e)ra bien que ce118 sera…
240 Monsieur, au moingtz, [qu’ayt les]119 despens.
Et sy, qu’i demeure suspens120,
S’y n’a du bien121 à sa maison.
LE JUGE
On te fera toulte raison ;
[Ay]es pacïence, mon amy.
LE BADIN
245 Je ne seray pas endormy,
Sy je vous rencontre à la chaulde122.
MESSIRE JEHAN lict :
« Tout premièrement, j’ey Trétaulde,
– Honneste fille et [fort] poulsyve123 –,
Pérète Venez-tost, et Olyve,
250 Qui font sus Jehan de Laigny plainctes
Et veulent que toutes contrainctes
Souent124 faictes de luy par les villes :
Car c’est un violleur de filles,
Un abuseur, un séducteur,
255 Un babillard, vanteur, menteur,
Qui promect de les espouser ;
Et puys il les va abuser
Et se moque d’eulx tous les jours.
Pour avoir plus d’aide et secours
260 À faire [l’]information125,
On passon procuration
À messire Jehan Vir(e)linquin,
Trop plus congnoissant c’un Turquin
En lard 126 et sçavoir de pratique. »
LE BADIN
265 Monsieur, [ce poinct dessus]127 me pique,
Et en ce mot-là je m’areste :
Comment ! il est sergent, et prestre,
Et procureur, et advocat ?
Alez chanter Magnyficat128
270 À l’église, et [cy] vous tésez !
MESSIRE JEHAN
Il a les filles abusés,
Monsieur, de quoy c’est grand pityé.
TRÉTAULDE
Par sa méchante mauvestyé129,
Y m’a faict telle comme telle130.
PÉRÈTE
275 Et moy aussy.
LE BADIN
A ! j’en apelle131,
S’on me faict tort, au Gras132 Conseil ;
Et là, [en mon hault]133 apareil,
[J’oposeray de ce]134 procès.
LE JUGE
Femmes, vous a-il faict excès
280 De vous presser oultre mesure ?
LES FEMMES ensemble
Ouy ! Ouy ! Ouy !
LE BADIN
A ! nénin.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, je jure
Que sy a135 : c’est chose certaine.
LE BADIN
Et j’ey faict vos fièbvres cartainnes !
Alez, procureur mengereau136 !
285 Sang bieu ! vous estes maquereau
De trèstoustes, je le soutiens !
TRÉTAULDE
Monsieur le Juge, je retiens
Jehan de Lagny pour mon espoulx.
PÉRÈTE VENEZ-TOST
Je le veulx avoir devant137 vous !
OLYVE
290 Et moy, je l’aray la premyère !
LE JUGE
Je n’entens à ceste matyère
Nul propos, par le Dieu vyvant138 !
LE BADIN
Monsieur, estre veulx poursuyvant
Contre luy comme faulx taquin139.
295 C’est que ledict Virelinquin
A plus de bruict [p]a[r]my les rus140
Que jamais à ma vye je n’us,
Dont je demandes intérest141.
LE JUGE
Par qui esse qu’on le sérest142 ?
300 Rien n’a en cause qu’i ne prouve143.
MESSIRE JEHAN
Monsieur, voyez comme il controuve
À parler dessus mon estat144.
LE BADIN
Je soutiens qu’il est apostat,
Tesmoingtz les femmes que voécy.
MESSIRE JEHAN
305 Monsieur, je vous déclare aussy
Qu’i veult toutes femmes séduyre.
LE JUGE
Sav’ous145 quoy ? Y vous fault produyre
Vostre procès avant ma main146
Aujourd’uy, pource que demain,
310 J’en feray expédition.
MESSIRE JEHAN produict 147
Voélà la procuration
D(e) Olive et [aussy] de Trétaulde,
Et de Pérète la pétaulde148.
Je ne plède poinct à faulx fret149.
LE BADIN produict.
315 Moy, je produyray mainct brevet
De vostre vye, et la légende150,
Afin que le monde l’entende151.
Monsieur, faictes[-en] la lecture
Sans nous faire de forfaicture ;
320 Et qui a bon droict, sy le garde !
LE JUGE lict :
« Primo, cestuy que je regarde,
Messire Jehan Virelinquin,
Plus paillard que n’est un bouquin152.
Un jour qu’il n’avoyt que deulx lyars153,
325 On l’envoya teurdre des hars154
En la forest de Rouverey155. »
MESSIRE JEHAN
Je luy nye !
LE BADIN
Je le prouveray.
MESSIRE JEHAN
Le deable en emport qui en ment !
LE BADIN
Je m’en croys du tout156 au serment
330 De Trétaulde, la plus sensible.
LE JUGE faict faire serment à Trétaulde.
Par l’Évangille de la Bible,
Nous direz-vous pas vérité
De ce mot que j’ey récité157 ?
Est-il mensonge, ou [est-il] vray ?
TRÉTAULDE
335 C’est bien force que je diray
Vérité, sy je la congnoys.
Il y a envyron deulx moys
Que messire Jehan Vir(e)linquin
Vint descouvrir son manequin158
340 Sans marabès159 ne sans teston.
Mais il laissa le hoqueton160
Et gaignyst chemin161 o plus tost.
LE JUGE 162
Or çà, Pérète Venez-tost,
Dictes-en ce que vous sçavez.
MESSIRE JEHAN
345 Et ! comment, Monsieur ? Vous rêvez !
Qu’esse qu’el séroyt de moy dire ?
LE BADIN 163
Monsieur, ne me veuillez desdire.
Laissez-la, Vir(e)linquin, [parler] ;
Y fault Pérète examyner,
350 Ou que dannée [el] soyt au deable !
LE JUGE
Or me faictes serment valable164,
Pérète, et vous despeschez !
PÉRÈTE
Il est vray que ces jours passés,
Aulx Troys Mores 165 (ou Morequin)
355 Vint messire Je[ha]n Vir(e)linquin
Pour une fille desbaucher.
Quant ce vint à se rechausser166,
Y dict qu’il n’avoyt grand blanc nul167.
Lors luy convint ouvrir le cul168
360 Au plus tost, et gaigner les boys169.
LE BADIN
Ouvrir le cul170 ?! Vray Roy des roys !
Vrayment, il le faisoyt beau voir !
LE JUGE
Or çà, or çà ! Il fault sçavoir
S’Olive en a rien retenu :
365 Çà, Olyve, le contenu
Des sermens qu’avez ouÿ faire171 !
Y ne fault poinct que l’on172 difère,
Sur paine de dannation.
OLIVE
Un peu devant l’Ascention173,
370 Auprès des chambres Hamelin174
Vint à moy monsieur Vir(e)linquin
En me disant :
« La belle fille,
J’aperçoy que vostre quoquille
A bien métier175 de resserrer. »
LE BADIN
375 Et vous voulez considérer
Que s’elle tumboyt, d’avanture,
Que ce seroyt double enfouture176 ;
Par quoy vous le lessâtes faire.
OLYVE
Il est vray.
LE BADIN
Or177, veu la matière,
380 Monsieur, ordonnez la sentence.
LE JUGE
Quant au faict de vo[u]s deulx je pence,
Jehan de Lagny et Vir(e)linquin,
Tous deulx ne valez178 un coquin,
[D’où qu’on]179 doyve de vous parler.
385 Jehan de Lagny s’en doibt aler
Franc et quicte avec ses despens.
Et Vir(e)linquin sera suspens180
De ses faultes, deisjà prescrites181.
OLIVE 182
Veu les parolles que vous dictes,
390 Il doibt avoir pugnition ;
Ou faire restitution183
À Jehan de Lagny, sa partye.
LE JUGE
Et bien, qu’il ayt une partye
De sa génitoyre coupée.
[MESSIRE JEHAN] 184
395 [Las !] fault-il qu’el soyt départye185 ?
LE BADIN
Ouy, Vir(e)linquin, unne partye.
[PÉRÈTE]
Voécy térible départye186,
Qu’il l’ayt187 en ce poinct découpée188 !
LE BADIN
Y fault qu’il ayt une partye
400 De sa génitore coupp[é]e.
TRÉTAULDE
Il payera de tous la soupée189
Pour faire nostre apoinctement190.
.
Seigneurs, regardez bien comment
Jehan de Lagny a sy bien faict
405 Qu’il est exemp191 de son méfaict.
L’autre, qui n’estoyt ocuppé192,
A esté de vice achoppé193.
Comme on pugnyst en tous cartiers
De plusieurs gens entremetiers 194
410 De quoy on a la congnoissance,
Aussy, je diroys volontiers
Un mot ou deulx, voi(e)re le tiers195 :
De fol juge, brèfve sentence196.
Une chanson pour récompence !
.
FINIS
*
1 Par dérision, le duc de Parme, Alexandre Farnèse, sera lui-même surnommé Jean de Lagny après avoir conquis provisoirement cette ville en 1590. Ce qui nous valut un nouveau proverbe : « Jean prist Lagny, et Lagny Jean. » Satyre Ménippée. 2 « Tu m’as bien bourdonnée,/ Tu t’es rompu le fillet./ Tu m’as ouvert le guichet ;/ La mouche y est entrée. » B. Jeffery, Chanson verse of the early Renaissance, t. I, p. 118. 3 C’est le nom d’une vieille maquerelle dans une autre farce du ms. La Vallière, les Brus. 4 Dans l’Enqueste, de Guillaume Coquillart, une prostituée se nomme Olive de Gatte-fatras. 5 La chanson Perrette, venez tost est signalée par Noël Du Fail en 1547 (Propos rustiques, VI). Une autre farce du ms. La Vallière, Frère Phillebert, donne par erreur le nom de Perrette Venez-tost à Perrette Povre-garce, à qui il faut d’urgence un « chose qui se dresse ». 6 Les trois femmes ne se connaissent pas. Elles se rencontrent sur une place de Rouen, et découvrent qu’elles cherchent le même homme. 7 À Troyes. Plusieurs communes de l’actuel Calvados ont pour nom Magny. 8 Le Normand Enguerrand de Margny (ou Marigny) avait été pendu en 1315 après un procès à charge ; en Normandie, cette injustice avait marqué les esprits durablement. 9 LV : sans cesse (Une finesse est une ruse, comme à 133.) 10 LV : de la guyne (Enginer = tromper, séduire. « Yl la vouleyt à sa volenté avèr, ou par promesse ou par don engyner, ou par force ravyr. » Godefroy.) Jeu de mots sur enguinner [engainer, pénétrer] : « Roydement (il) l’enguinna & accomplit son désir. » Les Joyeuses adventures. 11 Confusion entre la herse et l’esse, qui est un crochet de boucher. (Idem vers 101.) Dessous, LV fait répéter à Trétaude les vers 7 et 8. 12 D’après ce que je vois. 13 Il s’est couché sur vous. Mais aussi : Il vous a aplatie (allusion impertinente au fait que Trétaude est obèse). Pour la rime, on pourrait lire : il vous a mise en perce (comme une barrique). 14 À la renverse. Cf. Frère Phillebert, vers 76. 15 Trogne, figure bouffie. 16 LV : tretaulde (Inconnu en tant que substantif.) « De ceste courtaude fessue. » J.-A. de Baïf. 17 J’aurai la jouissance. « De l’ostesse avoir la coppie. » (G. Coquillart.) La copie est aussi l’abondance : « En grande copie ou habondance. » (ATILF.) Trétaude est visiblement très grosse. 18 Extrait de la chanson Perrette, venez tost (note 5). Ce refrain est donc chanté, comme les autres emprunts distillés par Trétaude, qui se venge du vers 20. 19 LV : amy (Enmi = parmi, mais le vers est trop court. Je fais la même correction à 296.) L’auteur, qui adore les chansons, connaissait forcément Quant je vous voy parmy les rues (1505). 20 LV : peur (Il s’en fallut de peu que je ne meure. « À peu que n’en ay encouru/ La mort. » Le Poulier.) Enda est un juron féminin. Cf. Frère Guillebert, vers 112 et 149. 21 LV : de fere 22 LV : chantant (1er mot du vers suivant.) Notre farce est associée au répertoire des Conards de Rouen, qui se présentaient comme les suppôts de leur abbé. « Pour mieulx servir l’Abbé et ses suppostz. » (Triomphes de l’Abbaye des Conards.) Certains jours de l’année, ils sortaient déguisés en Sots, et passaient en revue les scandales de Rouen. « On devisoit mainte sornette/ Plus estimée de noz Sotz/ Que d’ung advocat la cornette. » (Triomphes…) 23 Cette interjection revient dans beaucoup de chansons normandes : « Gay ! gay, ma mère !/ J’ay de l’argent pour bère. » La chose a une acception phallique : cf. le Prince et les deux Sotz, vers 102. 24 LV : nous 25 Ni trêve. 26 LV : en ensuyue 27 Vers manquant. « La belle fille » est un extrait de la chanson qui s’en prenait à Olive, dont on rajuste la « coquille* » en tapant dessus. Il en est encore question aux vers 372-378. *« Une belle fille/ Fait souvent fourbir sa coquille. » Digeste Vieille. 28 LV : champs (Dans leurs chansons.) Les enfants qui « vont à la moutarde » s’attroupent aux carrefours et chantent des couplets qui dénoncent les nouveaux scandales de la ville. 29 Vous chansonnent. 30 Que nous le cherchions (normandisme). Voir le vers 80. 31 Si je ne prouve pas sa méchanceté. 32 Une condition, une remarque. Cf. Frère frappart, vers 67. 33 Rime manquante. « Mais j’y ay fait mes escolliers/ Taire tout coy. » Serre-porte. 34 Ce maudit gueux. « Narquin (…), qui signifie mandian, contrefaisant le soldat détroussé. » Laurens Bouchel. 35 Le nom de ce prêtre paillard fait penser au virebrequin [pénis] : « Le virebrequin de maistre Aliborum. » (Chansons folastres.) L’auteur a commis une maladresse en le prénommant Jehan, comme Lagny. 36 Ne tardez pas. 37 Vous portez-vous bien ? Idem vers 158. 38 LV : un oyee (Le copiste du ms. La Vallière, qui ne brille pas par son intelligence, croit que la rime -oyee transcrit la prononciation normande -oé. Ailleurs, je corrige tacitement.) 39 LV : vous voesy (Que je vois ici un grand nombre.) 40 Un peu. 41 Aussi réel que le soleil. 42 Nous vous paierons. Et plutôt « en chair qu’en argent », comme le procureur du Balet des Andouilles l’exige des dames. 43 Ces deux villes ne sont là que pour la rime. 44 Faites-le assigner en justice. Cf. les Povres deables, vers 42. 45 LV : ou siter (Dénoncer publiquement. « Les préconizacions avoient esté faites à oÿe de parroesse solempnement. » ATILF.) 46 Qu’il mange la poire d’angoisse [instrument de torture qui écarte les mâchoires]. « Mengier d’angoisse mainte poire. » François Villon. 47 Même s’il faisait partie des chevaliers fantômes de la « maisnie Hannequin » (ou Hellequin). Voir le Roman de Fauvel. 48 LV : chase (Même s’il était caché sous les nuages ; ou sous les femmes nues…) 49 À l’oreille du prêtre, pour que les « ribaudes » n’entendent pas. 50 Notre exploit, notre acte d’assignation. Cf. Lucas Sergent, vers 241. Comme tous les clercs, le prêtre porte une écritoire pendue à sa ceinture. Voir Maistre Mymin qui va à la guerre atout sa grant escriptoire pour mettre en escript tous ceulx qu’il y tuera. 51 LV : monsieur 52 Visiblement, le prêtre connaît la chanson gaillarde qui met en scène Trétaude. 53 Qu’aucun oubli ne vienne empêcher qu’il ne comparaisse au tribunal. 54 À l’oreille du prêtre. 55 LV : ost (Il aura la prison pour récompense.) 56 J’ai pour nom. 57 Que vous ne l’oubliiez pas. 58 Ni lui, ni tous ses alliés. 59 Ne valent pas le bois pour les brûler. 60 Que je dois dire au préalable. 61 Sa moquerie. 62 LV : se seroyt pas (Il ne pourra pas me révoquer.) 63 De comparaître. 64 LV : monsieur 65 Jehan de Lagny est typiquement un rôle de Badin, de demi-sot. Voir la notice de Troys Galans et un Badin. 66 Chanson normande tirée du ms. de Bayeux : « C’est à ce jolly moys de may,/ Que toute chose renouvelle,/ Et que je vous présentay, belle,/ Entièrement le cueur de moy. » L’Église chante ce couplet au début d’une Moralité à troys personnages du ms. La Vallière (LV 23). 67 Les femmes et le prêtre sont de l’autre côté de l’estrade, et ne voient pas encore Lagny. 68 LV : posible (L’encre est très effacée. En 1837, Le Roux de Lincy et F. Michel ont lu posible, mais ce mot est à la rime.) Usons d’une ruse qui endormira sa méfiance. 69 Le trompe par ruse. 70 Mon témoignage en vaudra six. Le prêtre se cache à proximité. 71 Vous aurez des remerciements. 72 Il aperçoit les trois femmes. 73 Depuis la fête des Saints-Innocents, le 28 décembre. C’est aussi le jour de la Fête des Fous, où les Conards de Rouen se déchaînent. 74 Ce saint rime presque toujours avec Rouen, où il fut évêque. Cf. le Tesmoing, vers 207. 75 LV : ne sy (Aussi habile au jeu de l’amour qu’elles le sont ici.) Âprement = vivement. « Chevauchons asprement ! » ATILF. 76 Je m’en vais voir courtoisement. 77 Un banquet. « Ledit grant Turcq luy fist ung grand disner et convive. » Godefroy. 78 Avec elles. Les trois femmes sont jouées par des hommes, et l’auteur s’en amuse encore aux vers 55, 146 et 258. 79 Leur sexe. « L’official condamna la pauvre fille à prester son beau et joly instrument à son mary pour y besongner. » Bonaventure Des Périers. 80 En aparté. 81 Abréviation normande de « par saint Jean ! ». Elle est encore réduite à « Jen » au vers 204. 82 Perrette et Olive aimeraient bien prêter de nouveau leur « instrument » à Lagny. 83 Réputé. 84 Selon votre souhait. 85 Vous trouverez bon de me rappeler. 86 Bien qu’elle soit secrète. 87 Les Normands prononçaient mémore, comme ils prononçaient génitore au vers 400. Cf. le Bateleur, vers 159-160. 88 Toujours caché, il note l’aveu de Lagny. 89 Pour ce que vous venez de dire. 90 En même temps que. Nous avons là 3 rimes en -ous, dont les deux premières sont identiques. 91 LV : quant (Vous aussi.) Lagny compte donc épouser trois femmes le même jour et devant le même curé. 92 Afin de sceller nos fiançailles. Sur cette tradition populaire, voir la note 18 du Tesmoing. 93 Faire l’amour. « Ung jeune fils qui se fiança,/ À sa fiancée emprunta/ Ung coup sur le temps advenir. » Sermon joyeux d’un Fiancé. 94 LV : on (Et puis nous banquetterons.) « –Dînerons-nous, ma chère, ou si nous le ferons ?/ –Tout comme il vous plaira (dit-elle)./ Et puis après, nous dînerons. » Henri Pajon. 95 Voyant que ses trois clientes sont sur le point de céder, Virelinquin jaillit de sa cachette et empoigne Lagny. 96 En Normandie, un aoûteron est un journalier qui moissonne sur les terres des autres. « Vous estes un bon aulteron ! » Le Gallant quy a faict le coup. 97 Une lettre de prise de corps. 98 Au juge. 99 Pour un homme qui transgresse les lois. 100 Un sergent. 101 Avec moi. 102 Secoue négativement. 103 Une caboche, une tête de mule. 104 Tu as le nez rouge : tu as bu. 105 Malgré vous et à contrecœur. 106 Votre injonction ne sera pas vraie. 107 La permission. 108 Habillé en juge, il passe là par hasard (comme tous les autres intervenants), et se dirige vers les chicaneurs. 109 En ayant le sang ému par la colère. Naturellement, le blasphémateur n’est autre que le prêtre. 110 D’où est né leur différend. 111 LV : me prendre (Sans écouter ma défense.) 112 Je m’en rapporte à ces trois femmes. 113 Interrogez. (Idem vers 349.) Le mot créature désigne souvent une prostituée. 114 Les documents. 115 Le rapport où mes faits délictueux sont relatés. Cf. le Tesmoing, vers 63. 116 Ma partie adverse. Idem vers 392. 117 En 1515, François Ier venait d’accéder au trône. 118 LV : se (Ce que Virelinquin va dire.) Sous-entendu politique : On verra bien ce que sera le règne de ce nouveau roi. 119 LV : que ies (Que Virelinquin paye les frais de justice.) 120 Et même, qu’il soit suspendu de son ministère. On voit qu’il s’agit d’une pièce de Carnaval : un juge civil n’avait pas le droit de juger un clerc, qui relevait de la cour d’Église. 121 De l’argent pour payer les dépens. 122 Dans le feu de l’action, très bientôt. 123 Poussive : Trétaude est obèse (notes 13 et 17). 124 Soient. 125 L’instruction, l’enquête. 126 En l’art judiciaire. La gestuelle du comédien devait mettre en valeur la graphie « lard » du ms., laquelle ironise sur l’embonpoint du prêtre (vers 69), et sur les Turcs qui ne mangent pas de lard. Jadis, on disait à la Comédie française que le maquillage de Cyrano était un effet de l’art (un nez fait de lard). 127 LV : desus se poinct (Le point ci-dessus me chiffonne.) 128 « L’Abbé (des Conards), estant en son pontificat,/ Après avoir chanté Magnificat,/ Fait à sçavoir à ses joyeux supposts,/ Autres aussi aimans vuider les pots. » Triomphes… 129 Mauvaiseté, déloyauté. 130 Telle que je suis. Grosse et délurée ? 131 J’interjette un appel. 132 LV : grand (Au « Gras Conseil des Conardz ». Triomphes…) « Sçavoir faisons qu’avec le Gras Conseil/ Avons, ces jours, faict édict nompareil/ Pour abolir la longueur des procès. » (Ibid.) Cf. les Veaux, vers 32 et 48. 133 LV : un nouueau (En tenue d’apparat. « Le grandissime, magnifiquissime et potentissime sieur Abbé, accoustré en son haut appareil. » Triomphes…) 134 LV : je imposeray de (Je ferai opposition. « Pour plaidier ne pour opposer. » ATILF.) 135 Qu’il l’a fait. 136 Pillard. 137 Avant. 138 L’ennemi des blasphémateurs (vers 211-218) se met à jurer le nom de Dieu. 139 Parce qu’il est un sournois coquin. Cf. les Mal contentes, vers 108. « Et luy, avecques ce coquin (…)/ Et ne sçay quel aultre tacquin,/ Se promenoyent. » ATILF. 140 A plus de mauvaise réputation dans la rue. Voir la note 19. 141 Des dommages et intérêts. 142 Qu’on le saurait, qu’on pourrait le savoir. 143 Il n’y a rien dans la cause qu’il ne prouve. 144 Comme il invente des calomnies sur mon état de prêtrise. 145 Savez-vous (normandisme). Cf. le Poulier, vers 409 et 520. 146 Préalablement. 147 Il donne son papier au juge. 148 La péteuse. « Mouflarde [joufflue], pétaude fessue ! » Lacurne. 149 « On appelle faux frais toutes les menues despenses qu’on est obligé de faire. » Furetière. 150 Leur explication. Comme par hasard, Lagny a tous les papiers dans sa poche. 151 La comprenne. 152 Un vieux bouc. 153 2 liards, 2 piécettes : ce n’était pas suffisant pour payer la prostituée. « On n’excommuniera point, au prosne,/ Ceux qui “hocheront” sans argent,/ S’ils n’ont le vit plus long qu’une aulne. » La Grande et véritable pronostication des cons sauvages (…) nouvellement imprimée par l’autorité de l’Abbé des Conars. 154 Tresser des harts, des cordes. « On ne pourroit sèche hart tordre. » Proverbe. 155 La forêt du Rouvray, au sud de Rouen, était infestée de brigands qui ficelaient leurs victimes à des arbres, quand ils ne les y pendaient pas purement et simplement. Rue Eau-de-Robec, on peut encore voir l’ex-voto d’un drapier qui fut dépouillé par ces brigands, et qui dut la vie à son cheval, parti chercher du secours. 156 Je m’en remets totalement. 157 Au sujet du passage que je viens de lire. 158 LV : maroquin (Vint découvrir son pénis à une de mes pensionnaires. « Que nous fissions, vous et moy, un transon de chère lie, jouans des manequins à basses marches. » Pantagruel, 21.) 159 Sans avoir un seul maravédis [monnaie espagnole]. Le teston est une petite pièce d’argent. Dans les Brus, la maquerelle Trétaulde refuse de louer ses pensionnaires aux hommes d’Église s’ils ne paient pas d’avance. 160 Son corset, en gage. 161 Prit la route, s’enfuit. 162 LV met sur la même ligne, plus loin : greffier 163 Il s’adresse d’abord au juge, puis à Virelinquin. 164 LV : saluable (Le serment valable prend Dieu à témoin. « Si, par serment vallable, & sans y estre forcé, il leur promet cent escus. » Jacques Jacquet.) 165 Hôtel borgne sis rue Beauvoisine, à Rouen. Morequin aurait pu désigner le Petit More, un jeu de paume assez mal fréquenté. 166 LV : deschauser (Quand il remit son haut-de-chausses, son pantalon.) 167 Aucune pièce de monnaie. Le grand blanc est le salaire des prostituées de bas étage. « Ung beau grand blanc –qui n’est pas trop grant somme–/ Fist le marché. » Les Sept marchans de Naples. 168 Faire la révérence. « S’il advient que quelqu’un entre (…),/ La révérence à cul ouvert/ Je fais. » (Chambrière à louer, à tout faire.) « Elle fit une révérence à cul ouvert à la compagnie. » (Charles Sorel.) 169 La forêt du Rouvray (vers 326). 170 Lagny feint de prendre cette expression au pied de la lettre. 171 Prononcez le serment que vos deux compagnes ont prononcé aux vers 331 et 351. 172 LV : nous (Que vous fassiez un serment différent.) 173 LV : la sention (C’est à des fautes de ce genre qu’on évalue le niveau d’un copiste…) 174 Auberge que les Triomphes de l’abbaye des Conards nomment le « trou Hamelin ». Les trous sont des lieux mal famés : les Rouennais fréquentaient aussi « le Grand Grédil, qu’on dit le trou ». (Montaiglon, XI, 75.) Paris avait « le trou de la Pomme-de-Pin ». (Villon.) 175 Besoin. Pour cette référence à une chanson qui se moquait d’Olive, v. la note 27. 176 Que vous seriez doublement foutue pour que votre coquille soit remise en place. 177 LV : on 178 LV : valent (L’expression exacte est : ne pas valoir un sequin.) 179 LV : dont on (D’où qu’on se place pour parler de vous.) 180 Aura un sursis. 181 LV : predites (Prescrites : annulées parce qu’il y a prescription.) 182 LV : le greffier (Voir la note 162.) Il est inconcevable qu’on introduise un nouveau personnage – absent de la liste initiale – pour déclamer 4 vers. La très mauvaise édition de 1837 attribue les vers 396-398 à ce greffier inexistant. Tout ce passage est confus. 183 Il doit restituer les trois femmes. 184 LV : tretaulde (Au vers 396, Lagny répond à Virelinquin.) Les refrains de ce triolet ne sont même pas identiques ! 185 Partagée en deux. On veut lui enlever un testicule ; dans beaucoup de fabliaux et de nouvelles, les moines paillards perdent les deux. 186 Division, amputation. 187 LV : est 188 LV : ocupe (Découper : trancher chirurgicalement.) 189 Le souper. 190 Pour que nous fassions la paix avec lui. 191 Acquitté. 192 Qui n’était pas concerné par cette affaire. 193 Pris. 194 Qui se mêlent des affaires des autres. 195 Et même un troisième. 196 Sentence immédiate. « Sage est le juge qui escoute, & tard juge ; car de fol juge, brièfve sentence. » Anthoine Loisel.