LE FOL ET LA FOLLE
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LE FOL ET
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LA FOLLE
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En dehors des sotties, le théâtre médiéval ne fait guère appel aux folles : les farces s’en tiennent aux fous, et les prétendues « folles » des Mystères ne sont que des hystériques qui se croient possédées par le diable. Pourtant, Claude Chevalet1 dissimula dans sa Vie de sainct Christofle (~1510-1514) une authentique sottie, où une Folle rivalise de hardiesse avec un Fol.
Ce Mystère narre aussi les tribulations d’une troupe de bateleurs itinérants : ils sont à la fois clowns, jongleurs, montreurs d’animaux plus ou moins savants, faiseurs de bons tours, joueurs de mauvais tours, accompagnateurs de danses, marchands de fausses gravures pieuses et de partitions, chansonniers, etc. Leur troupe minable a beaucoup de points communs avec celle de la farce du Bateleur.
Source : La Vie de sainct Christofle, élégamment composée en rime françoise et par personnages par maistre Chevalet. Imprimé à Grenoble en 1530. Bibliothèque nationale de France, Rés. YF 116. Je recommande l’édition critique de Pierre SERVET : La Vie de sainct Christofle ; Droz, 2006.
Structure : Rimes plates, avec 3 triolets, et une ballade sans envoi.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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LE FOL 2 SCÈNE I
Gare ! Gare ! Faictes-moy place !
Reculle-toy, fol ydïot !
Car je suis ung estradïot3
Aussi légier4 q’ung lymasson.
5 Pour menger soit cher5 ou poisson,
Jamais ne m’en treuve malade.
Seray-je point de l’ambassade ?
Aray-je perdu mon crédit ?
Vous sçavez bien que chescum dit :
10 « Souvent, en ung mauvais passage6,
Ung fol enseigne bien7 ung saige
Quant le saige voyt qu’il se noye8. »
Si j’eusse la robe de soye,
Je m’en yrois en Gastinoys :
15 Car, quant on verra mon mynois,
On dira que je suis ung Conte9.
Fait-on testes de folz de fonte,
Ainsi que l’on fait une cloche ?
Celuy qui me fit la caboche
20 La me fit ung petit trop creuse10.
LA FOLLE
Il a dit vray ! Et bien fumeuse11 :
Elle va tousjours fumassant.
L’on ne trouveroit, en ung cent,
Teste que mieulx [vercoquin pille]12 :
25 Elle est ronde comme une bille
Et légière comme une plume.
LE FOL
Il fault donc, si ma teste fume,
Que je porte13 le feu au cul :
Car en effect, oncque ne fut
30 Fumée qu’il n’y eust du feu14.
Viens çà ! Il n’y a point de jeu15,
Car mon cul souffle si souvent
Que j’ay paour qu’il face, du vent,
Allumer le feu à la forge16,
35 Qui me sortira par la gorge
Et me brûlera le museau.
LA FOLLE
Va-t’en mettre le cul en l’eau
Prestement en celle rivière :
Si le feu est en ton derrière,
40 Il sera incontinent mort.
LE FOL
Je le veulx bien, j’en suis d’acord.
Viens-moy ayder et sera fait.
LA FOLLE
Garde-toy bien de faire ung pet,
Affin que le feu ne s’alume.
LE FOL 17
45 Regarde ! Voy-tu rien qui fume ?
LA FOLLE
Ne bouge le cul d’une place !
LE FOL
Ceste eau est plus froide que glace.
LA FOLLE
Ne te chault : prens en pacience
Sans bouger.
LE FOL
Par ma conscience !
50 Je suis en ung aultre danger :
Ces poissons me veullent18 menger
Tout vif 19. Il me fault reculler.
Et pour me garder de brûler,
Je ne sçay remède que boire.20
*
LE FOL SCÈNE II
55 Qui m’aura emblé21 ma marote,
Si me la rende incontinent
Sur peine d’excommuniment22 !
Ou [bien] j’en feray faire une aultre
Qui aura la teste de peaultre23,
60 Le cul de fer, d’acier le joys24 ;
Et l’une de[s] jambes, de boys ;
Et l’aultre, de pierre de taille ;
Le bec grant comme une poullaille25,
Et les tétins de deux molettes26.
65 « Venez achepter ces lunettes27
(Estront de chien) pour vostre nez !
Or advancez-vous, advancez
Pour parler à ce Jehan Testu28 ! »
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Holà, ma sotte ! Où es-tu ? SCÈNE III
70 Je croy que tu fais l’arquimye29.
Viens çà ! approuche-toy, m’amye :
Il te fault recouldre le ventre30,
Car je me doubte que g’y entre,
Quelque jour, chaussé et vestu.
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LA FOLLE SCÈNE IV
75 Me voicy ! Que demandes-tu ?
Je viens pour te faire merveilles :
Il te fault coupper les oreilles
À faire deux manches d’estrilles31.
Et si, te raseray les « billes »
80 Rasibus du cul32, par-derrière.
Ne tire point le cul arrière33,
Car je les auray, par mon âme !
LE FOL
Alarme, bonnes gens, alarme !
Gardez-moy qu’elle ne me tue !
85 Elle me veult, dessoubz la « queue »,
Couper les bataulx34 de la cloche,
Les oreilles de la caboche35.
[Hare ! hare]36 ! Qu’elle soit prise !
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Seigneurs, je demande franchise37. SCÈNE V
90 Hé ! Jupiter, secourez-moy,
Et je vous voue38 (sur ma foy)
Boire tousjours le vin sans eau ;
Et ne mengeray beuf, ne veau,
Mouton, chevreau, qui ne soit cuyct ;
95 Et juneray toute toute la nuyct,
Au moins si je ne me réveille.
Mesmement39 le jour de la veille
De vostre grant solemnité40,
Car je serois déshérité
100 D’avoir perdu ung tel « joyau41 ».
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LA FOLLE 42 SCÈNE VI
Où est-il allé, mon luneau43 ?
Je te44 trouveray, quoy qu’il t’arde.
LE FOL
Je suis en franchise, regarde !
N’aprouche point de moy, Babeau45 !
LA FOLLE
105 Je vous auray, ou le feu m’arde46 !
LE FOL
Je suis en franchise, regarde !
LA FOLLE
Je te chastieray — quoy qu’il t’arde —
Tout maintenant, de ce cousteau !
LE FOL
Je suis en franchise, regarde !
110 N’aprouche point de moy, Babeau !
Voicy le Temple bon et beau :
Garde-toy bien de faire noyse !
LA FOLLE
Qui me garde que je n’y voyse47 ?
Oncques nul des dieux n’en parla.
115 Et si, vous fault passer par là,
Au moins s’ilz ne sont les plus fors48.
LE FOL
A ! jambes, saulvez-moy le corps49,
Et je vous donray chausse[s] neufves !
Tu n’as garde que tu me treuves,
120 Et fust la lune en [son croissant]51.
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LA FOLLE 52 SCÈNE VII
Hau, follaton ! Viens-moy passer
Maintenant delà la marine53,
Car je suis bonne pèlerine
Qui, pour avoir le « picotin54 »,
125 M’en vueil aller à Sainct-Trotin55,
Où je gaigneray le pardon56.
LE FOL
Scez-tu pas bien que mon « bourdon57 »
Est trop court pour trouver le fons58 ?
Il est aussi foible que joncs
130 Pour ployer. Entens-tu la note59 ?
LA FOLLE
Ne sces-tu prendre ta « marotte60 »,
Celle qui a la teste rouge61 ?
Approuche-toy, et ne te bouge !
Il n’est pas temps que l’on rechigne.
135 Je te voys monter sur l’eschine62 ;
Garde-toy bien de répiter63.
LE FOL
Mais te garde bien de péter
Ainsi que tu as de coustume !
Car, par Dieu, s’il fault que j’en hume,
140 Je sçay bien que nous aurons noyse.
Ventre sainct Gris, comme tu poyse64 !
Oncques ne portay tel fardeau.65
LA FOLLE
Je te rendray ce tour, lourdeau !
M’as-tu laissé tomber par terre ?
145 Or te metz là, que je te serre66 !
Ou, par Dieu, je te froteray67.
LE FOL
Que veulx-tu ?
LA FOLLE
Je remonteray,
Il ne fault point estre rebelle !
LE FOL
Il fault donc avoir une eschelle,
150 Ou tout versera, j’en suis seur.
LA FOLLE
Tien-toy ferme et [n’aye pas peur]68 ;
Et garde bien de me lascher !
Je suis bien. Pense de marcher69
— As-tu entendu ? — fort et rède !
LE FOL 70
155 Aay, ay, ay ! Que ceste eau est froide !
Elle entre dedans mon soullier.
LA FOLLE
Sus avant, maistre lymonnyer71 !
Nous serons tantost au millieu.
LE FOL
Et ! qu’est cecy ? Bon gré ’n72 ayt Dieu !
160 Paillarde, avez-vous vécy73 ?
Descendez, et m’attendez cy,
Que j’aye l’eschine plus forte.74
LA FOLLE
Alarme, alarme ! Je suis morte,
Je suis noyée, somme toute.
LE FOL
165 Je luy ay faict de son cul souppe75,
Non pas en vin mais en bel[le] eau.
Scez-tu quoy ? Attens-moy, Babeau,
Et je voy quérir ung cheval76.
Avez-vous faict le vent d’aval77,
170 Et vescy à vostre privé78 ?
Vous en avez le cul lavé,
Affin que l’on y remédie !
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LES BASTELEURS 79
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MAULOUÉ80, basteleur, commence. SCÈNE I
Où es-tu ? Hau, Mal-assegnée81,
Apporte-moy tous mes bateaux82,
Estrilles, focilles, cousteaux83 ;
Bastons, bacins84, siffléz85, timballe ;
5 Les gobeletz, les noys de galle86 ;
Le synge, la chièvre, le chien
Et l’ours (que nous n’oublions rien),
Avec le mole87 des ymages,
Pour courir villes et villages.
10 Maufourbie [es]t-elle [où ell’ est]88 ?
Où est Henriet, mon varlet,
Pour chanter avec sa guiterne89 ?
MAL-ASSEGNÉE
Il est allé à la taverne.
Qu’à tous les diables puist tout estre,
15 Autant le varlet que le maistre !
L’on me laisse cy toute seulle.
L’ours brayt de fain et le chien ule90 ;
Le singe dit sa pateno[u]stre91.
Et si, vous dis encor en oultre
20 Que nous n’avons denier ne maille.
MAULOUÉ
Hé ! nous en aurons — ne te chaille —,
Quelque jour, de l’argent content…
S’il en pleust, dea, cela s’entent !
MAL-ASSEGNÉE
Esse donc tout ?
MAULOUÉ
Ma [donna, sy]92 !
MAL-ASSEGNÉE
25 N’en prendrez-vous autre soussy ?
Je suis bien de mal heure93 née !
MAULOUÉ
Et ! n’es-tu pas Mal-assegnée ?
Le nom est de mesme l’ouvrage94.
Acoup, qu’on charge le bagage !
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30 Henriet, vien çà ! Qu’on se haste ! SCÈNE II
HENRIET, varlet.
Laissez-moy mouller la gargatte95,
Qui est si sèche, pour le hâle96.
Qu’en buvant, jamais je ne parle :
Ma mère me le deffendy.
MAULOUÉ
35 Qu’est cecy ? Es-tu estourdy ?
Dont te vient ce mal, mon varlet ?
Est-ce point de menger du laict
Que tu as la couleur vermeille ?
HENRIET
Je l’ay prins en ceste bouteille.
MAL-ASSEGNÉE
40 Je cuyde qu’il a veu les anges
Qui tumbent du ciel en vendanges.
C’est la douleur qui le travaille97.
HENRIET
Je l’ay pris en ceste bo[u]teille.
MAULOUÉ
Tu as vendangé sans cousteau98.
45 Mais tu y jouras du basteau
Et99 du bassin, je le conseille.
HENRIET
Je l’ay pris en ceste bouteille.
MAL-ASSEGNÉE
Pour vous guérir de ce farcin100,
Avallez-moy ce plain bassin
50 D’eau claire ! C’est la médecine,
Il ne fault point faire la myne101.
Tenez, et vous lavez la gorge !
HENRIET
Qu’ell’ est froide, bon gré sainct George !
J’aymoys mieulx celle du barry102.
MAULOUÉ
55 Or viens çà ! N’es-tu point guéry ?
HENRIET
Je n’entens point la guérison :
J’en ay pris une trancheyson103
Qui me fera les boyaulx fendre.
MAULOUÉ
Sus devant ! Car il nous fault prendre
60 Le chemin tout droit à Damas.
Mais je ne sçay point que tu m’as
Fait104, aujourd’huy, de ma trompette.
HENRIET
Voy là cy105, maistre.
MAULOUÉ
Qu’on se mette
En voye, c’est le principal.
65 [Que] chescum preigne son bestial
Du trein de la bastellerie106.
N’avons-nous pas d’ymagerie107 ?
C’est le principal du mestier108.
MAL-ASSEGNÉE
Il en y a ung cent entier109 ;
70 C’est assez pour une sepmaine.
MAULOUÉ
Henriet ! Il fault que tu meine,
Pour ta part, l’ours avec le chien.
Garde que nous n’oublions rien,
Mon varlet ! As-tu entendu ?
HENRIET
75 Je vouldrois que tout fust vendu.
Car incessamment je travaille,
Et si110, n’ay ne denier ne maille
Ne, souvent, de quoy me repaistre.
MAULOUÉ
Tais-toy ! Je te passeray maistre111
80 Avant que soit jamais troys moys.
Et si, auras quatre tournoys
Toutes les sepmaines pour boyre.
MAL-ASSEGNÉE
Il ne boyt que trop !
HENRIET
Voyre, voyre,
Belle dame, laissez-moy vivre !
85 Si, d’aventure, je suis yvre,
Je me couche bien tout vestu112.
MAL-ASSEGNÉE
Et de quoy [donc t’esbranles-tu]113 ?
HENRIET
J’ay en la teste la migraine.
Puis après, il fault que je traîne
90 Ce bestial114 à force de corps.
Mais, par tous les dieux, si tu mors,
Tu auras une bastonade !
MAULOUÉ
Nous deussions jà estre à Grenade115,
Pour le vous dire à brief parler.
95 Avançons, et pensons d’aller !
Et qu’on me laisse ce desbat !
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MAULOUÉ 116 SCÈNE III
Dieu gart et le Roy et la Court,
Les dames et les damoiselles !
MAL-ASSEGNÉE
Ostez vostre chapeau, tout lourt117 !
HENRIET
100 Dieu gart et le Roy et la Court !
MAULOUÉ
Nous sommes, pour le temps qui court,
Mynces118 d’argent et sans rouelles.
MAL-ASSEGNÉE
Dieu gart et le Roy et la Court,
Les dames et les damoiselles !
LE ROY DE DAMAS
105 Scez-tu nulles chançons nouvelles ?
Voulentiers les vouldrois ouÿr
Pour la compaignie resjouyr.
Si tu scez rien119, que l’on le voye !
MA[U]LOUÉ
Je fais, d’une chièvre, blanche120 oye ;
110 D’ung ourseau121, ung molin à vent ;
Et d’ung franc, dix solz122, bien souvent.
Henriet, acoup, ma trompette !
Bran123 ! qu’est cecy ? Ell’ est maulnette124.
Je cuyde que Mal-assegnée
115 Ou mon varlet l’ont embrenée.
C’est merde, que vous le sachez.
Advancez-vous et vous mouchez,
Petitz enfans125 ! Çà : Maufourbie,
Que j’ay porté de Conturbie126
120 Pour [y] en faire une levée127 :
Puisqu’ell’ est ung petit roullée128,
Ne vous chaille, c’est bien du moins129 !
[Car] pour une espée à deux mains,
Au monde n’en a point de telle.
125 Regardez-moy quelle alumelle130 !
Elle reluyct comme charbon131.
HENRIET
Et ! par tous noz dieux, voylà bon !
Pourquoy me frappez-vous, beausire ?
Je ne dis pas pour vous mauldire,
130 Mais tous les diables y ai[en]t part132 !
MAULOUÉ
Et ! par Dieu, voylà bon coquart133 !
Quant tu cognois134 que je m’esbas
De Maufourbie [et] hault et bas135,
Ne te scez-tu tirer arrière ?
135 Tu sces bien que c’est la manière
[Que] de faire136 à son maistre place.
HENRIET
Bref, je n’en sçay ne gré, ne grâce ;
Et de vray, n’en suis point content.
Et vous en desportez à tant137,
140 Car, par Dieu, le jeu ne vault rien !
MAULOUÉ
Or çà ! il fault jouer138 du chien :
Admeyne-le-moy cy en place.
Hau ! Le boys tost passe139 !… Repasse !…
Saultez, et vous ferez que saige140 !…
HENRIET
145 Il est en son aprentissage,
Et n’est pas encores bon maistre141.
MAULOUÉ
Pensez : qui le laissera croistre142,
Ce sera ung chien tout de mesme143
Pour menger [du] beurre en Caresme
150 Par faulte de chair144.
HENRIET
Hé, caroigne145 !
Par le sang que Dieu fist ! il groigne.
Je146 croy qu’il a, de paour, la fièvre.
MAULOUÉ
Çà, le singe !
MAL-ASSEGNÉE
Mais bien147 la chièvre,
Qui vous mettra au cul la corne !
MAULOUÉ
155 Laisse-la là ; qu’elle séjourne148 :
Ell’ est ung peu mal disposée149.
HENRIET
Mais faisons-en une espousée,
Et luy mettons ung couvrechef
Sur les cornes, dessus le chef,
160 Pour luy donner en mariage
Le synge.
MAULOUÉ
Tu devise rage150 !
Je suis bien content qu’il151 se face.
Ameine tout !
MAL-ASSEGNÉE
Quel chiche-face152
Pour [bien] faire ung charivary !
HENRIET
165 L[e] synge, qui est son mary,
Vouldroit bien qu’elle fust à Can…153
MAULOUÉ
Dancez, madame de Bo[u]can154 !
Et je vous mèneray la feste155.
MAL-ASSEGNÉE
Hé ! que mauldicte soit la beste !
170 Regardez quelle contenance !
MAULOUÉ
Henriet, tu menras la dance.
Et me tiens le singe de près156 !
Et ma femme yra après,
Qui fera la chièvre dancer.
HENRIET
175 Je suis tout prest de commencer.
MAL-ASSEGNÉE
Et moy, de [me] mettre au millieu157.
MAULOUÉ
Or sus ! Hay advant, de par Dieu !
Et je menray du flajolet158.
HENRIET
Hé ! Dieu, que le synge est lait !
MAL-ASSEGNÉE
180 Que la chièvre fait bonne troigne !
HENRIET
Tire avant, teste de mulet159 !
MAL-ASSEGNÉE
Hé ! Dieu, que le synge est lait !
HENRIET
La chièvre tiens par le collet.
MAULOUÉ
Oncques ne vistes tel besoigne.
MAL-ASSEGNÉE
185 Hé ! Dieu, que le synge est lait !
HENRIET
Que la chièvre fait bonne troigne !
MAULOUÉ
Elle semble une cygoigne160.
Hau ! c’est assez, laissez la dance !
Mal-assegnée, qu’on commence
190 Faire monstre de noz ouvrages :
Il fault vendre de noz ymages,
Voylà la cause qui nous meine.
MAL-ASSEGNÉE
Voyez-en cy une douzaine.161
Desployez tout à l’adventure.
MAULOUÉ
195 Seigneurs, voicy la pourtraicture
Du glorieux sainct Al[i]pantin162,
Qui fust escorché d’ung patin163
Le jour de Karesme-Prenant164.
Après, voicy sainct Pimponant
200 Avecques sainct Tribolandeau,
Qui furent tous deux d’ung seau d’eau
Décolléz165, dont ce fut dommage…
Puis voicy le dévot ymage
Du glorïeux martir sainct Pran166,
205 Qui fust jadis boully en bran
Et lapidé de pommes cuyctes167 ;
Et par ses glorïeux mérites,
Je le maintiendray devant tous :
Il guérit les chatz de la touz168,
210 Quant ilz y ont dévotion.
Si vous avez intention
De les avoir, je les vous baille
Les deux pour .III. deniers et maille ;
Mais toutesfoys, argent content169 !
215 Ung peintre n’en feroit pas tant
De bonnes couleurs pour .II. francs.
Avant170, avant, petitz enfans !
Vous n’en payez pas la façon171.
MAL-ASSEGNÉE
Il [nous] fault dire une chançon172
220 En attendant qu’on les vendra173.
MAULOUÉ
Je le veulx bien. Qui m’aydera ?
HENRIET
Tous deux ensemble, je l’entens.
MAULOUÉ ET LES AUTRES
Resveillez-vous, gentilz gallans,
Et entendez bien mon latin174 !
225 Gentilz pïons175, mes bons chalans,
Ne vous levez point trop matin.
Quant vous aurez beu ung tatin176,
Cela vous réconfortera.
Mais si vous mettez d’eau au vin,
230 Le diable vous emportera.
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Ne rompez point les huys ouvers177,
C’est sur peine178 d’estre pendu ;
Et mettez femmes à l’envers,
Car cela n’est point deffendu.
235 Joingnez « tendu » contre « fendu » :
La besoigne se parfera.
Ou sinon — av’ous entendu ? —
Le diable vous emportera.
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Nourrisses ne dépucellez179 !
240 Vous entendez bien le trippot 180 ?
Et quant aux tavernes allez,
Ne payez point deux foys l’escot :
Car qui mengera ung fagot 181
Sans boyre, il s[’en] estranglera.
245 Et si vous faictes le bigot,
Le diable vous emportera.
LE ROY DE DAMAS
Bénédicité ! Marïa !
Oncques je n’ouÿs chançon telle.
Je croy qu’il [l’]a faicte nouvelle
250 Tout maintenant dessus les rans182.
Séneschal, donnez-luy dix francs
Pour boyre et pour l’esbatement !
LE SÉNESCHAL
Tiens, prens cela légièrement :
C’est argent pour crocquer la pie183.
MAULOUÉ
255 Chier sire, je vous remercie.
Je ne gaignay tant de dix jours.
Tout est vostre : le synge, et l’ours,
La chièvre, et Mal-assegnée.
Je vouldrois qu’on l’en [l’]eust menée,
260 Affin d’en estre despêché184 !
J’en ferois tousjours bon marché,
Et n’en eussé-je [qu’]une maille185.
*
1 Sur ce fatiste de Vienne, voir la notice des Deux pouvres. 2 Imitant les Sots des sotties, il traite les spectateurs de fous, et les bouscule pour monter sur scène. 3 Un cavalier albanais qu’on envoie en éclaireur. Cf. le vers 287 de L’Andureau et L’Andurée, autre farce provenant du même Mystère. Le Fol chevauche sa marotte. 4 Rapide. 5 De la chair, de la viande. 6 Quand un sage s’est mis dans un mauvais pas. 7 Fait la leçon à. « J’ay souvent ouÿ en proverbe vulgaire [populaire] qu’un fol enseigne bien un saige. » Rabelais, Tiers Livre, 37. 8 Le fou donne une leçon de prudence au sage qui est en train de se noyer, au lieu de le secourir, « comme celuy qui, estant sur le bord d’une rivière, assiste de parolles son amy qui se noye ». (Cardinal de Richelieu.) 9 Il y a bien longtemps que le Gâtinais n’était plus un comté. 10 Un peu trop creuse : ma tête sonne creux comme si c’était une cloche en fonte. 11 Sa tête est bien fantasque. « La teste verte,/ Fumeuse et toute lunatique. » L’Arbalestre. 12 Éd : uerticoquille (Le ver coquin* est logé dans la tête des gens qui ont une lubie. « Leurs femmes ont mis ce ver coquin amoureux dans leurs testes. » Brantôme.) Il faut comprendre : Parmi cent personnes, on ne trouverait pas une tête que la folie dévaste mieux. *Ce Mystère emploie aussi la variante avertin : « Puis qu’elles ont prins l’avertin/ En la teste, tout est perdu. » 13 Que j’aie. Le Vendeur de livres signale une farce de Ceulx qui ont le feu au cul. 14 Il n’y a pas de fumée sans feu. Les Fols des sotties prennent toujours les expressions au pied de la lettre. 15 Il ne faut pas plaisanter. 16 J’ai peur que mon cul ne se transforme en soufflet de forge. 17 Il baisse ses chausses et plonge son postérieur dans la rivière, laquelle joue un rôle prépondérant dans ce Mystère ; nous la retrouverons aux vers 121-172. 18 Éd : uueillent 19 Les spectateurs ont entendu « tout vit », qui se prononce de la même façon : tout mon pénis. « Femmes enseintes/ Qui ont esté au ‟ vif ” atainctes. » Sermon pour un banquet. 20 Le Fol boit, mais pas l’eau de la rivière. La sottie ne reprend qu’au bout de 4 550 vers. 21 Que celui qui m’aura volé. 22 Sous peine d’excommunication. Même vers dans Saincte-Caquette. 23 D’étain. Cf. Ung biau miracle, vers 2751. 24 Le sexe. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 418. « Pour luy faire fondre la gresse/ Du cropion autour du joys. » St Christofle. 25 Comme le bec d’une poule. Ou bien : comme une poule. 26 Les seins rembourrés par du molleton. « Pour mauvais tétins/ Et pour ceulx qui portent mollettes. » Maistre Pierre Doribus. 27 Sur les fous à lunettes, voir la note 72 du Monde qu’on faict paistre. 28 Pour parler à Jehan le Fol. 29 L’alchimie : que tu es en train de faire l’amour avec un autre. « N’avez-vous pas eu assez temps/ De faire vostre paillardise ?/ Faictes-vous encor l’arquemye ? » St Christofle. 30 Il faut te recoudre le bas-ventre, la vulve. 31 Il faut couper tes oreilles de Sot pour en faire deux manches de brosses. 32 Et aussi, je te trancherai les testicules d’un coup de rasoir, au ras du cul. 33 Ne recule pas. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 146. 34 Les batteaux : les battants, qui pendent. Ce mot désigne les testicules. « Un bel ‟ouvrier de nature”, fort bandé, qui à bon droit mérite estre appelé membre, accompagné de deux battans au-dessoubs qui luy servent d’ornement. » Nous sommes bluteurs. 35 Les oreilles de ma tête (vers 77). Mais aussi : les testicules de ma verge. « Le membre de Colin, deffaict,/ Se retira, penchant l’oreille. » (Cabinet satyrique.) « Au moyen du vin de Baccus,/ Pour lequel souvent on bat culz,/ Sa grosse caboche dressa. » (Sermon de Billouart.) 36 Éd : Pare pare (Cri par lequel on excite les chiens pour qu’ils attrapent une proie. « Hare ! hare ! Si me mordez,/ Je le diray à l’empereur. » Daru.) 37 L’asile en zone franche, comme au vers 103. Le Fol se réfugie dans l’inviolable temple de Jupiter. 38 Je vous jure. Ces promesses ne coûtent rien : le Fol boit déjà le vin sans eau, mange déjà sa viande cuite, et il jeûne déjà pendant qu’il dort. 39 Je jeûnerai aussi. 40 « La feste de l’immortel/ Jupiter. » Mystère de sainte Barbe. 41 Mes bijoux de famille, dont j’ai hérité de mon père. 42 Elle pénètre dans le temple de Jupiter. 43 Mon lunatique. « Parlez tout doulx, car il tient de la lune…./ Il est luneau, vous le ferez troublé. » Marchandise et Mestier, BM 59. 44 Éd : le (Ce vers sert de modèle au v. 107.) Quoi qu’il t’arde = même si tu es ardent, en érection. Jeu de mots sur deux verbes qu’on distinguait mal : arder [brûler], et arser [bander]. Idem vers 107. 45 La Folle se prénomme Isabeau, dont Babeau est le diminutif, comme à 167. « ‟Certes, je n’y entreray point”,/ Respond à la mère Ysabeau…./ Elle y entra. Babeau se couche. » (Le Banquet des chambrières.) On traite de « Babeau » les femmes de mauvaise vie : cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 54. « Approuchez-vous, dame hydeuse !/ Avez-vous entendu, Babeau ? » St Christofle. 46 Ou que le feu de l’Enfer me brûle. La châtreuse poursuit le Fol dans le temple, en brandissant un couteau. 47 Qui m’empêche d’y aller ? 48 Si les dieux ne sont pas plus forts que moi. 49 Courez assez vite pour que je puisse échapper à la châtreuse. L’Andureau, voulant échapper à sa mégère, s’écrie : « Jambes, portez le corps arrière ! » 51 Éd : decroissant (« De la lune en son croissant. » Ronsard.) Tu ne risques pas de me trouver, même avec l’aide du clair de lune. La sottie reprend au bout de 3 000 vers. 52 Elle veut passer de l’autre côté de la rivière (vers 38) en montant sur les épaules du Fol. Chevalet parodie la légende de saint Christophe, qui exerce le métier de passeur ; son plus notable client n’est autre que Jésus, auquel il vient de faire traverser la même rivière juché sur ses épaules. Chevalet parodie aussi Tristan qui, déguisé en lépreux, fait franchir un gué à Iseut en la portant sur son dos ; Tristan et Iseut deviennent donc Jean Têtu et Babeau. 53 De l’autre côté de l’eau. 54 Ma ration de sperme. « Sottes qui veulent avoir leur picotin. » Jeu du Prince des Sotz. 55 Pèlerinage où les épouses vont trotter sans leur mari. Dans ce Mystère, un cocu dit à sa femme : « Or va (sans faire le revien)/ Au diable et à Sainct-Trotin ! » 56 Où je commettrai un péché pour faire pardonner les précédents. « En divers lieux (elles) vont gaigner les pardons/ Pour en leurs lacs attraper la ‟vitaille”. » L’Advocat des dames de Paris touchant les pardons Sainct-Trotet. 57 Mon bâton de pèlerin. Double sens : mon pénis. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 137 et note. 58 Le fond de la rivière. Double sens : le fond de ton vagin. « J’en ay une que j’aime ung peu./ On n’y treuve ne fons, ne rive. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 59 Comprends-tu mes paroles ? 60 Ton phallus. La marotte est un emblème phallique composé d’un bâton surmonté d’une tête. 61 Celle qui est munie d’un gland. « Ell’ avoit/ La teste bien rouge devant. » La Confession Margot. 62 Je vais monter sur ton dos. 63 D’exiger un répit, de différer. 64 Ventre de saint François d’Assise, que tu pèses ! 65 Le Fol laisse tomber la Folle par terre. 66 Afin que je te serre entre mes cuisses. 67 Je te battrai. 68 Éd : nay paour (« Et n’ayez peur que je vous faille. » Colin qui loue et despite Dieu.) 69 Je suis bien installée, dépêche-toi de traverser la rivière. « Pense d’aller et de marcher ! » Folconduit. 70 Il entre dans la rivière avec la Folle sur ses épaules. 71 Cheval d’attelage. Elle donne au Fol un coup de cravache avec sa marotte. 72 Aphérèse du pronom en. « Bon gré ’n ait bieu ! » Le Capitaine Mal-en-point. 73 Vessi, lâché une vesse, un pet. Idem vers 170. « Ell’ a du cul vessy. » (La Ruse et meschanceté des femmes.) Les vers 137-8 nous ont informé des problèmes aérophagiques de la Folle. 74 Il laisse tomber la Folle dans la rivière. 75 La soupe est un morceau de pain qu’on trempe dans le vin. « Ilz sont plus ivres qu’une soupe. » Massons et charpentiers. 76 Éd : cheuau (Je vais chercher un cheval.) 77 Éd : dariau (En terme de marine, le vent d’aval désigne le vent arrière : « Que désirons-nous ? Vent d’aval. » Gautier et Martin. Dans un registre plus scatologique, on devine d’où provient ce vent de derrière…) 78 Et pété discrètement. Mais les privées sont aussi les latrines : « (Ton père) curoit les privées. » Le Savetier Audin. 79 Cette farce en deux actes est un peu mieux intégrée au Mystère que la sottie. 80 Mal loué, mal considéré. 81 Mal assenée = mal mariée. C’est le nom générique des épouses insatisfaites. La nôtre fit l’objet d’une chanson : « C’est la femme d’un basteleur/ Qu’on apelle Mal-assenée. » (L’Arbalestre. Pour d’autres références, voir la note 60 de cette farce.) 82 Mes accessoires de bateleur. Idem vers 45. « Je susse jouer de bateaux,/ Se j’eusse ung ours ou une chièvre. » Les Menus propos. 83 Pour impressionner le public, on jongle avec des outils ou des armes munis de lames (soigneusement émoussées). 84 Le bâton est une baguette par-dessus laquelle on fait sauter le chien, comme au vers 143. Le bassin, encore nommé à 46, est un récipient qu’on utilise pour la quête : « Et faire cracher au bassin/ Ceulx-là. » Pour le cry de la Bazoche. 85 Éd : soufflez (Nos clowns sont bardés d’instruments de musique : une guitare, une trompette, un flageolet ; et donc, un sifflet [un mirliton] et une timbale [un tambour].) 86 Les gobelets servent pour les tours de passe-passe ; dans l’Escamoteur, Jérôme Bosch en a peint deux. (Nous remarquerons, au pied du bateleur, son chien savant, qui est assis près d’un cerceau en attendant de sauter au travers.) La noix de galle sert à faire de l’encre, peut-être pour réaliser les images pieuses que vendent nos baladins. Pour Pierre Servet, « il s’agit sans doute d’un élément de maquillage des jongleurs ». 87 Le moule, le pochoir avec lequel nous confectionnons des images coloriées qui représentent des saints. Voir les vers 191-216. La troupe du Bateleur vend elle aussi des portraits médiocres, mais ils représentent des comédiens. 88 Éd : quellest (Est-elle à sa place, dans le fourreau que je porte à ma ceinture ?) Maufourbie = Mal astiquée. C’est le nom que le bateleur donne à son épée, à l’instar d’un archer du Mystère de Saint Louis : « Vécy mon espée, Mal-fourbye. » Voir les vers 118 et 133. Chevalet parodie Excalibur (l’épée du roi Arthur), et Durandal (celle de Roland). 89 En s’accompagnant à la guitare. 90 Hurle. 91 « Quand un homme gronde & murmure entre ses dents, on dit qu’il dit la patenôtre du singe. » Le Roux, Dictionaire comique, satyrique. 92 Éd : donne cy (Probable refrain d’une de ces chansons que les musiciens français de l’époque composaient sur des paroles italiennes.) 93 À une mauvaise heure, sous une mauvaise étoile. Même vers dans le Nouveau marié, notamment. 94 Le nom correspond à la chose. 95 Mouiller mon gosier. « Arouse souvent la gargatte. » (Philippe Bouton.) Le valet boit à la bouteille ; il titube et sa figure est rouge. 96 À cause de la chaleur du soleil. « Ces pÿons [ivrognes] en avalleront/ Mainte chopine, pour le halle. » St Christofle. 97 C’est là son unique maladie. 98 Tu as tout perdu à la taverne. « Il n’y a plus denier ne maille ;/ Tout est vendangé sans cousteau. » Gautier et Martin. 99 Éd : Cest (Tu te renfloueras en utilisant nos accessoires de bateleurs, et tu feras la quête pour que le public crache au bassinet.) 100 Vos taches éthyliques ressemblent à une maladie qui affecte la peau des chevaux. 101 La grimace. Mal-assenée pince le nez du valet pour qu’il ouvre la bouche, dans laquelle elle verse l’eau du bassin. 102 Du baril de vin de la taverne. Cf. L’Andureau et L’Andurée, vers 84. 103 Des tranchées intestinales, des coliques. Il est exact que l’eau, pas toujours potable, provoquait un certain nombre de maladies. Les hommes du moyen âge n’ont pas attendu Louis Pasteur pour découvrir que « le vin peut être à bon droit considéré comme la plus saine, la plus hygiénique des boissons ». 104 Ce que tu as fait. 105 La voici. Henriet montre la trompette qui déforme avantageusement le devant de ses chausses tachées de crotte. 106 Que chacun prenne un des animaux de notre ménagerie. 107 D’images représentant des saints. Voir la note 87. 108 C’est ce qui nous rapporte le plus. 109 Une bonne centaine. 110 Et pourtant. 111 Je te ferai accéder au grade de maître bateleur. Ce grade imaginaire est employé comme insulte : « O ! que tu la nous vends trop chère,/ Maistre basteleur ! » Satyres chrestiennes de la cuisine papale. 112 Je ne vous demande pas de venir me déshabiller. 113 Éd : doncques branle tu (De quoi te mets-tu en peine, pourquoi t’énerves-tu ? « T’esbranles-tu au souffle du vent d’une seulle adversité ? » Jean du Croset.) 114 Cet ours et ce chien. Justement, le chiot se rebiffe. 115 Nous devrions déjà être ailleurs. « Quant il nous aura veu,/ Il vouldroit estre à Grenade ! » St Christofle. 116 La troupe rencontre le roi de Damas et la reine. Mauloué les salue sans retirer son chapeau. 117 Lourdaud. « Il avoit l’entendement tout lourd. » Histoire maccaronique de Merlin Coccaïe. 118 Dépourvus : cf. le Mince de quaire. Une rouelle est une pièce de monnaie : cf. la Confession du brigant, vers 55. 119 Si tu sais quelque chose. Le roi ne s’intéresse qu’aux chansons : voir les vers 247-252. 120 Éd : une (Une oie blanche est une pucelle ; or, aux vers 157-161, on déguise la chèvre en jeune mariée.) 121 Éd : pourceau (Nos bateleurs ont une chèvre et un ours, mais pas de porc. « Ourse alaittant ses ourseaux. » ATILF.) 122 Je fais 10 sous, une somme bien moindre. 123 Merde ! Ce juron est bien choisi : Henriet extirpe de ses chausses breneuses une trompette qui ne l’est pas moins, victime des coliques du vers 57. 124 Mal nette, malpropre. 125 Les bonimenteurs commencent toujours par cette phrase afin d’obtenir le silence : cf. le Bateleur, vers 3 et note. Sauf qu’ici et au vers 217, ces « petits enfants » auxquels on parle de merde désignent un roi et une reine. Le saltimbanque dégaine Maufourbie, sa piteuse épée (note 88). 126 Canterbury, qui est rebaptisé « Canthorbie » dans le Messager et le Villain. Les Mystères mettent un point d’honneur à ridiculiser tout ce qui rappelle la perfide Albion. 127 Pour livrer un assaut aux Anglais. « Que les François si ont esté/ Ès Anglois faire une levée. » ATILF. 128 Si elle est un peu rouillée. 129 C’est la moindre des choses. 130 Quelle lame. 131 Mauloué n’ayant pas précisé « comme du charbon ardent », force est de s’en tenir à ce qu’il a dit : Elle reluit aussi peu que du charbon. Le bateleur mime un assaut d’escrime contre son valet désarmé, qu’il touche avec le plat de sa lame. 132 Que tous les diables vous emportent ! Si ce n’est pas une malédiction, qu’est-ce que c’est ? 133 Un bon corniaud. 134 Quand tu as connaissance, quand tu vois. 135 Dans toutes les directions. « Prens tost tes fouetz, et le batz/ Du long, du lé [de long en large], et hault et bas ! » Daru. 136 Que c’est la règle de laisser. 137 Abstenez-vous-en pour le moment. « Je vous prie que vous vous déportez atant de ceste requeste faire. » ATILF. 138 Se servir. 139 Saute par-dessus la baguette ! Naturellement, le petit chien passe dessous. Même jeu dans l’autre sens. Ce gag fut longtemps au répertoire des clowns de cirques. 140 Vous ferez sagement. Le chien repasse sous la baguette. 141 Une œillade aux spectateurs suffit à faire comprendre qu’Henriet ne parle pas du chien mais de Mauloué, qui a prétendu le faire passer maître (vers 79). 142 Si on le laisse grandir. 143 Pareillement. 144 Pour s’adapter à toutes les situations. Pendant le jeûne du Carême, les catholiques ne consommaient ni beurre, ni viande, à moins d’acheter des dispenses à l’Église. 145 Charogne ! Le chiot l’a mordu. 146 Éd : Et (Je crois que la peur qu’il a eue lui a donné la fièvre.) 147 Mais plutôt. « Les chièvres alloient tout de reng./ La corne de la dèrenière/ Fut mise au cul de la première./ Quelle chièvre pourroit mieulx dire :/ ‟J’ay la corne au cul.” » Les Sotz escornéz. 148 Qu’elle se repose. 149 Elle n’est pas dans de bonnes dispositions. « Il dort, sire :/ Il est un peu mal disposé. » Le Poulier à sis personnages. 150 Tu dis bien. 151 Que cela. 152 Ce loup-garou se nourrit exclusivement d’épouses qui obéissent à leur mari ; voilà pourquoi il est d’une maigreur squelettique. Les charivaris admettent les déguisements les plus bestiaux. 153 Loin de Damas, où la scène se déroule. Henriet est interrompu après avoir prononcé la première syllabe de Cancale, qu’un passage similaire donne en entier : « Mieulx vous vauldroit estre à Cancalle ! » 154 C’est le nom de la chèvre, qui aimerait se faire boucaner, se faire saillir. « Boucaner, ou bouquaner, faire le bouc. » Godefroy. 155 Je mènerai la danse avec ma flûte (vers 178). 156 Par crainte qu’il ne consomme le mariage devant tout le monde. Les singes ont une réputation de lubricité. 157 Éd : meilleu (Voir le vers 158 du Fol et la Folle.) 158 Je mènerai la danse avec ma flûte champêtre. 159 Avance, tête de mule ! Henriet s’adresse à la chèvre. 160 Couverte par le voile nuptial, elle est blanche en haut et noire en bas, comme une cigogne. 161 On pourrait supprimer ce point en considérant que « déployés » est un participe passé qui se rapporte aux images du vers 191. « Image » était souvent masculin, par exemple au vers 203. 162 Les saints dont nos bateleurs vendent le portrait relèvent de la plus haute fantaisie. On se reportera aux notes de Pierre SERVET, ainsi qu’au Dictionnaire des saints imaginaires et facétieux, de Jacques MERCERON. Rabelais a définitivement rattaché Saint Alipentin à la scatologie : « Le pauvre Lymosin conchioit toutes ses chausses (…), dont dist Pantagruel : “Sainct Alipentin, quelle civette [puanteur] !” » (Pantagruel, 6.) 163 Par une semelle de bois : il reçut des coups de pied au cul qui lui écorchèrent les fesses. « Ung bien vaillant homme/ Qui n’est pas escous [secoué] d’ung patin. » Le Capitaine Mal-en-point. 164 Le Mardi-gras. Tout ce passage a une couleur fortement carnavalesque. 165 Traditionnellement, on jette un seau d’eau pour décoller deux chiens qui s’accouplent sur la voie publique. Ici, on sépare deux hommes dans la même posture. Le Carnaval autorise toutes les inversions. Chevalet évoquera encore la sodomie homosexuelle dans les Tyrans au bordeau (vers 476-9), et la sodomie hétérosexuelle aux vers 456-7 de L’Andureau et L’Andurée. 166 Prends ! On faisait bouillir les faux-monnayeurs, mais pas dans de la merde. 167 « Que j’abatis/ Les chièvres, et que combatis/ Ces marmotes [guenons] de pommes cuytes. » L’Arbalestre. 168 Cette expression revient dans de nombreux textes. Mais ici, Carnaval oblige, nous sommes encore dans la scatologie : « C’est mon cul qui a la toux. » (Chansons des comédiens françois.) On voyait en effet des enseignes représentant un chat qui pète. 169 Vous paierez tout de suite, pour que je ne me fasse pas rouler par vous. Rappelons que Mauloué s’adresse à un roi. 170 En avant, allons ! « Avant, avant, petit naquet ! » (Trote-menu et Mirre-loret.) Les « petits enfants » sont toujours le roi et la reine, comme au vers 118. 171 Pour ce prix-là, vous ne payez même pas le coût de leur fabrication. 172 Ce vers, tel que je le complète, est le vers 565 de la Pippée. 173 Ce n’est pas clair : vont-ils vendre leurs images, ou bien les partitions des chansons ? Les chanteurs des rues vendent la chanson qu’ils viennent d’interpréter : « Il me convient/ De vostre chanson acheter/ Plusieurs coppies. » (L’Aveugle et Saudret.) Au bas de cette planche, sur une estrade, on voit deux chanteurs proposer leurs partitions. 174 Mon langage. 175 Buveurs de vin (vers 254). « Pÿon, yvrongne et sac à vin. » (Le Raporteur.) Les chalands sont les bons compagnons. 176 Bu un coup. « Va me mener à la taverne ;/ Et là, nous burons ung tatin. » (L’Aveugle et Picolin.) Beaucoup de chansons reprochent aux moines de faire la grasse matinée et de ne se lever que pour boire. Par exemple celle-ci : « L’Ordre ne dit mye de lever matin./ Dormir jusqu’à prime et boire bon vin,/ Et chanter matines sur ung pot de vin. » La Résurrection Jénin à Paulme. 177 N’enfoncez pas les portes ouvertes. Ces « huis » béants désignent le sexe des femmes. « Je suis (celui) qui romps les huis ouvers/ Et despucelle les nourrisses. » Sermon joyeux d’un Dépucelleur de nourrices. 178 Sous peine. « Et sur peine d’estre pendu. » Légier d’Argent. 179 Éd : de pucelles (Voir la note 177.) Une nourrice a du lait parce qu’elle a eu un enfant ; malgré quelques précédents illustres, elle a donc peu de chances d’être encore pucelle. « Saint Velu (…)/ Despucella maintes nourrisses. » Sermon de saint Velu. 180 L’affaire. Mais aussi : le coït. « En faisant l’amoureux tripot. » Pernet qui va au vin. 181 Celui qui avalera un fagot. Mais aussi : celui qui dépensera un fagot. Les taverniers facturent aux clients le bois de chauffage (et la chandelle). « Brûler le fagot : aller boire bouteille ensemble au cabaret, & y brûler un fagot pour se chauffer en buvant. » Le Roux. 182 Ici même : qu’il vient de l’improviser. 183 Pour boire du vin. Cf. Te rogamus audi nos, vers 64. 184 Qu’on l’ait emmenée, afin que j’en sois débarrassé. 185 Je la céderais à bas prix, même si cela ne me rapportait qu’un centime.
LE RIBAULT MARIÉ
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LE RIBAULT MARIÉ
OU MAUGRÉ JALOUSIE
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La confession parodique fut un genre théâtral à part entière : voir la notice de la Confession Rifflart. Notre farce offre quelques similitudes avec celle du Pourpoint rétréchy : on fait croire à un homme qu’il est à l’article de la mort afin qu’il se confesse à un faux prêtre ; lequel apprend alors des détails scabreux qui mettent en cause sa propre famille.
Un ribaud1 marié est un homme adultère, d’après le Thrésor de la langue françoyse : « Adultère, paillard, ribaud marié. » Le Parlement de Paris avait promulgué en 1336 et en 1388 deux ordonnances connues de tous les basochiens, les « arrêts des Ribauds mariés », qui interdisaient aux juges ecclésiastiques (les officiaux) de juger des laïcs coupables d’adultère. Le sujet de notre farce, dans laquelle un ribaud marié déflore une jeune fille, fut peut-être inspiré aux basochiens de Rouen par une affaire récente : un « arrêt du Parlement2 de Paris, du 28 juin 1534, déclara abusive la citation décernée par l’official d’Angers contre Jacques Grugelin, écuyer, in materiâ deflorationis…. Cet arrêt & autres semblables sont fondés sur un arrêt très-ancien que l’on appelle vulgairement L’ARRÊT DES RIBAUX MARIÉS. » Dictionnaire de jurisprudence et des arrêts.
Source : Recueil de Florence, nº 2. L’éditeur parisien a édulcoré les particularismes normands.
Structure : Rimes plates, avec 5 quatrains à refrain, un vestige de triolet, et 5 tercets pentasyllabiques qui peuvent être chantés sur le même air que la chanson initiale.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle de
celuy qui se confesse
à sa voisine qui est
habillée en habit de prestre.
Qui est :
le Ribault marié
ou Maugré jalousie
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À troys personnages, c’est assavoir :
LE MARY
LA FEMME
LA VOYSINE [Colette]
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LE MARY 3, en chantant SCÈNE I
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.4
LA FEMME
5 [Ferez ?] Par Dieu ! je vous feray,
Doncques, sembler [et] sot et lourt.
LE MARY
Sang bieu, que tu me respons court5 !
Tu me viens tousjours contredire.
Au moins, sy m’eusse laissé tout dire…
LA FEMME
10 Sainct Jehan ! je vous feray mauldire
La chanson [qu’ores vous]6 chantastes
Ains7 qu’il soit nuyt !
LE MARY
Se tu me hastes,
Par Dieu, je recommanceray !
LA FEMME
Bien, par Dieu ! [Mais] je vous rendray
15 Trèstout au long la courtoisie,
Se je puis.
LE MARY, [en chantant]
Maulgré jalousie,
Je vous serviray,
Ma dame et m’amye,
Tant que je vivray.
LA FEMME, [en chantant]
20 Puisqu’avez amye,
Ung amy auray !
LE MARY
Par le sang bieu, je vous batray !
Venez-vous cy pour m’argüer8 ?
LA FEMME
À la mort ! Me veulx-tu tuer,
25 Paillard, truant, meurtrier de femme ?
Par Dieu ! je te feray infâme9,
Voy-tu ? Tu n’y gaigneras rien.
A ! dea, je me doubtoye bien
Que tu avoys fait une amye.
30 Mais croy…
LE MARY
T(u) as menty, par ma vie !
Se je chante en moy esbatant,
Doy-tu penser en mal pour tant10 ?
Entre-tu en tel frénaisie ?
Et n’oseray, pour jalousie,
35 Chanter ? Par Dieu ! je chanteray,
Et danseray, et m’esbatray !
Et hongne11 qui hongner vouldra !
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Et elle fera ung estron12 !
40 Il n’est pas gentil compaignon,
Qui souvent ne se desduira13.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Pour ton parler ne caqueter14,
Je ne lairray jà à chanter15
45 Quant mon cueur se resjouira.
LA FEMME
Par Dieu, la chan[son vous cuyra] !
LE MARY
Tais-toy, tu ne scez que16 tu dis !
Pour une, j’en chanteray dix,
Puis verray qui m’en gardera17.
LA FEMME
50 Par Dieu, la chanson vous cuyra !
LE MARY
Se tu me vas guère(s) argüant
Et je me vois18 ung peu fumant,
L’ung de nous s’en repentira.
LA FEMME
Par Dieu, la chanson vous cuira,
55 Je le dis encore une fois.
LE MARY
Par sainct Jehan ! vous serez de boys19
Chargée asprement et boullée20 !
LA FEMME
Nostre Dame, il m’a affollée21 !
LE MARY
Vostre cry a trèsméchant son.
LA FEMME
60 Dieu mette en mal an22 la chanson
Et [quiconque en ouÿt]23 le chant !
LE MARY
Je vois24 parler à ung marchant ;
Garde bien l’hostel25, hault et bas !
LA FEMME
Que mau feu vous arde26 les bras
65 Et les mains, tant les avez dures !
LE MARY
Qu’esse-là qu’e[ncor] tu murmures,
Et que vas ainsi flag[e]ollant27 ?
Ne me va guères grumellant28,
Que tu ne soyes dorelotée29
70 Au retour !30
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LA FEMME SCÈNE II
J’ay très bien notée
La chanson, et bien retenue.
Combien qu[e j’]aye esté batue,
Par Dieu, j’en séray31 tous les tours ;
Il a fait dame par amours32,
75 Jà33 ne le croiré autrement.
Je m’en iray tout maintenant
Pour moy conseiller bonne alleure34
Cheuz35 une bonne créature,
La mienne commère Colette.36
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80 Dieu vous gart ! Estes-vous seulète, SCÈNE III
Ma commère ? Que faictes-vous ?
LA VOISINE
Je filloye37. Que voulez-vous ?
Or çà, qu’i a-il de nouveau ?
LA FEMME
Par ma foy ! nostre damoiseau,
85 Mon beau mary, est amoureulx.
LA VOYSINE
[Luy ?] Non est !
LA FEMME
Si est, se m’aist D[i]eux38 !
Je vueil qu’on me crève ung œil s’il n’est vray !
LA VOYSINE
Comment le sçav’ous39 ?
LA FEMME
S’il vous plaist,
La manière vous veulx compter40 :
90 Aujourd’huy, ne fist que chanter
Ceste chanson, Dieu la mauldie ! [Elle la dict :] 41
Malgré jalousie,
Je vous serviray.
LA VOYSINE 42
Escoutez que je vous diray :
95 Pour tant qu’il43 est joyeux et gay
Et qu’il [la] chante tost ou tard,
Cuidez-vous qu’il ayme autre part ?
Espoir44, c’est pour [l’]amour de vous.
LA FEMME
C’est bien soufflé45 ! Où sommes-nous46 ?
100 Cuidez-vous que je n’y voye goutte ?
Par ma foy ! je n’en fais pas doubte :
S’il m’eust aymée ne tant ne quant47,
Il ne m’eust pas batue tant,
Mais m’eust montré signe d’amour.
LA VOYSINE
105 Veulx-tu apprendre ung [très]bon tour
Comme tu sçauras son courage48 ?
LA FEMME
Hélas ! ouÿ, car je n’enrage49
D’autre chose. Se je le sceusse,
De tous point[s] appaisée fusse.
110 Comme le pourra-l’on sçavoir ?
LA VOYSINE
Trèsbien. Où est-il ?
LA FEMME
Il va voir
Aval50 ceste ville ou ès champs
Pour trouver ne sçay quelz marchans
À qui il a à besongner.
LA VOYSINE
115 Il ne [te] fauldra point song[n]er
Ne rioter51, quant il viendra.
LA FEMME
Et quoy, doncques ?
LA VOYSINE
Il conviendra
Que tu luy donnes à entendre
Qu’il est malade ; et sans attendre,
120 Qu’il se confesse pour le mieulx.
Et luy dis qu’il pert à ses52 yeulx
Qu’il n’en vivra jamais deux heures.
Mais il fauldra [lors] que tu pleures
Et contreface la marrye.
LA FEMME
125 Et puis, quoy ?
LA VOYSINE
Par saincte Marie !
Voicy comment le ferons pestre53 :
Je me desguiseray en prestre.
Car j’ay l’abillement tout prest.54
LA FEMME
Et puis, que ferons-nous après ?
LA VOYSINE
130 Je luy diray par motz exprès
Qu’il est force [qu’il se]55 confesse.
Et pour riens qu’il dye, ne cesse56
Jusques à ce qu’il le consente.
Lors57, pour venir à mon entente,
135 Tu me viendras icy quérir.
Et de mort puissé-je mourir
Se nous ne savons bien, ma seur,
Trèstout ce qu’il a sur le cueur,
Et s’il a fait amye ou non.
LA FEMME
140 Ha ! que c’est bien dit ! Mais ou58 nom
De Dieu, faitz si bien la besongne
Qu’il [ne te connesse]59 à ta trongne,
À ta manière ou contenance.
LA VOYSINE
J(e) yray par si bonne ordonnance
145 Que tu ne vis oncques mieulx faire.
LA FEMME
Je voys [en]tendre à cest affaire60,
Car il me touche. Apreste-toy !
LA VOYSINE
Si feray-je.
.
LA FEMME 61 SCÈNE IV
Ho ! je le voy.
Il me fauldra mon semblant faindre62,
150 Tantost, et souspirer et plaindre,
Faignant d’avoir le cueur mar[r]y.
Pausa.
.
LE MARY SCÈNE V
Holà !
[LA FEMME]
Bien [viengnez, mon mary]63 !
LE MARY
Est le disner jà64 apresté ?
LA FEMME
[Hé, vray] Dieu ! Bénédicité !
155 Dont venez-vous, ainsi deffait65 ?
LE MARY
D’où je vien ?
LA FEMME
Voire.
LE MARY
Voir s’il me plaist
Je le te diray ; et ne t’en chaille.
LA FEMME
A ! Nostre Dame ! il fault que j(e) aille
Quérir bien tost le médecin.
LE MARY
160 À quoy faire ?
LA FEMME
Car vostre fin
S’aprouche : vous estes malade.
Oncques couleur ne fut plus fade66
Ne plus morte que vous l’avez.
LE MARY
Malade ?
LA FEMME
Voire. Et vous sçavez
165 Que chacun doit penser de l’âme :
Il serait bon, par Nostre Dame,
De vous confesser ung petit67.
LE MARY
Quel confesser ? J’ay appétit
De menger, non pas de cela !
LA FEMME
170 Menger ? Il ne vous tient pas là ;
Jamais vous ne mengerez plus.
LE MARY
Ne feray ?
LA FEMME
Il en est conclus68 :
Il pert bien69 à vostre visaige.
Las, doulente ! [quel dueil]70 feray-je !
175 Vous chantiez, ryez71, et estiez
Joyeulx ; et si, vous esbatiez.
Or est tournée en [bien] peu d’heure
La ch[é]anse72. Las ! se je pleure,
Je n’ay pas tort, povre doulente !
LE MARY
180 Il n’est [de] douleur73 que je sente :
De quoy te vas-tu débatant74 ?
LA FEMME
M’en iray-je quérir batant75
Nostre curé ou son vicaire ?
LE MARY
Le sang bieu ! je n’en ay que faire,
185 Je suis aussi sain que tu es.
LA FEMME
Et ! par mon serment, vous suez,
Tant [vous] estes mat76 et deffait.
LE MARY
Et ! je fais ton sanglant gibet77 !
Je sue ? Fay-le-moy acroire.
LA FEMME
190 Vous avez la face plus noire
Qu’oncques ne fut drap de brunette78.
LE MARY
Sces-tu quoy ? Je vueil que me mecte
La nappe : si, me souperay.
LA FEMME
Ha ! Nostre Dame ! je mour[r]ay
195 Avecques vous, mon doulx amy.
Plus n’avez vigueur ne demy79,
Tant est vostre cueur mat et vain.
LE MARY
Et ! je n’euz oncques plus grant fain.
Que me vas-tu cy flageollant ?
200 C’est doncques de la mort Rollant80
Que je mourroye, car je bevroye
Moult voulentiers, et mengeroye
Trèsbien. Mais je n’ay [cy] de quoy,
Dont [il] me desplaist.
LA FEMME
Par ma foy,
205 Mon trèsbeau mary, vous resvez81 !
Et pour la cause, vous devez
Estre confès et repentans82.
LE MARY
Par le sang bieu ! il n’est pas temps :
J’attendray bien jusqu(es) en Karesme83.
LA FEMME
210 Et ! je m’en raporte à vous-mesme(s) :
Ne sentez-vous pas grant douleur ?
LE MARY
Nenny, non.
LA FEMME
Hélas ! la couleur
De vostre visage le monstre84.
Hélas ! se vous passiez [tout] oultre85
215 Sans confesser ne ordonner86,
Dieu ne vous vouldroit pardonner
Voz faultes ne voz grans péchéz,
Dont vous estes si entachéz.
Et pour ce, se faicte que saige87,
220 Confessez-vous de bon courage
Tandis qu’avez sens et advis88.
LE MARY
Par bieu ! je le fais bien envys89,
Car je n’ay mal ne maladie
Ou90 corps que je n’y remédye
225 Trèsbien par boire ou par menger.
Et tu me fais cy enrager,
De parler de confession.
LA FEMME
En l’honneur de la Passion
De Dieu, mettez-vous en estat
230 De grâce, sans faire débat.
Couchez-vous, vostre lict est prest.
LE MARY
Ha ! dea[ble], je voy bien que c’est :
Il fault dire, plaise ou non plaise,
Que suis malade et à malaise.
235 Mais je ne sens rien, quant à moy.
LA FEMME
Ne tant ne quant ?
LE MARY
Non, par ma foy !
Tous mes membres, en chacun lieu,
Sont en bon point91…
LA FEMME
Non sont, par bieu,
On le voit à vostre parolle92 :
240 Car vous l’avez jà si trèsmolle
Et foible que c’est grant pitié.
LE MARY
Et ! je parle mieulx, la moitié,
Que tu ne fais. Vécy merveille(s) !
LA FEMME
Faulce Mort, tu faiz la dorveille93,
245 Maintenant, quant me veulx oster
Celuy qui me deust conforter
Et qui m’a tousjours fait du bien.
LE MARY
Et ! par sainct Jehan, nous sommes bien94 !
[Te fais-je bien quant je te frape ?]
250 Garde que la Mort ne te hape
La première, car je n’ay garde95.
LA FEMME
Par mon âme ! quant je regarde
Vostre viz ainsi méshaigné96,
Je n’ay ne perdu ne gaingné.
255 Ne vous confesserez-vous point ?
LE MARY
Et puisque je suis en bon point,
Pourquoy donc me confesseray-je ?
LA FEMME
Vous este(s) en bon point ? Vécy rage !
Et ! cuidez-vous que je le disse97 ?
LE MARY
260 A ! dea, se [onc] je [ne] sentisse
Autre98 mal, je fusse content !
LA FEMME
Il n’est pas saige, qui attent
Tant qu’il soit de la Mort surprins.
LE MARY
Et ! vien çà, vien ! Qui t’a aprins
265 Si bien à prescher ? C’est dommage
Que tu n’es prescheur de village :
On s’en passeroit99 au besoing.
LA FEMME
De mon prescher n’ayez jà soing100 ;
Mettez seullement en mémoire101
270 Ce que [je] vous ay dit.
LE MARY
Encore ?
Tu es trop mallement dévotte.
Je n’auray mèshuy autre notte,
Je le voy bien. Mais touteffois,
On dit qu’on doit aucuneffois102
275 Croire sa femme ; si feray-je.
Or donc[ques] me confesseray-je.
M’amye, va quérir le prestre !
LA FEMME
[G’y vois.]103
.
Au moins l’ay-je fait pestre, SCÈNE VI
Tant l’ay abusé par parolles.
280 À ce coup, ira par carolles104 !
Il passera ung mauvais pas !
.
Tost, tost, voisine ! N’es-tu pas SCÈNE VII
Encor(e) vestue en chappelain ?
LA VOYSINE
Et comment va [tout] ?105
LA FEMME
Pour certain,
285 Il le fault aller confesser.
Il luy a tant fallu prescher106,
Avant qu’i se soit consenty !
Touteffois, quant il a senty
Que de si près je le pressoye,
290 Il m’a creue107.
LA VOYSINE
Metz-toy en voye
Et nous en allons vistement.
Suis-je bien ?
LA FEMME 108
[Et !] par mon serment,
L’habit t’est fait comme de cire109 !
Mais comment te dev(e)ray-je dire
295 Ou appeler ? Messire Jehan110 ?
[C’est ung nom bien honneste et gent.]
LA VOISINE
Et ! nenny, de par Nostre Dame !
LA FEMME
Comment, donc(ques) ?
LA VOISINE
Messire Guillaume111,
Ainsi qu’a nom nostre curé.
LA FEMME
300 Par ma foy ! il m’a procuré
Mainte douleur, je vous affy112.
LA VOISINE
Qui ? le curé ? Deable !
LA FEMME
Nenny,
Mais [bien] nostre vaillant mary.
Il semble q’ung charivary113
305 Nous allions faire, entre nous deux114.
LA VOISINE
Doulx Dieu ! que je suis ung hydeux
Confesseur, quant je me regarde !
LA FEMME
Vien-t’en, vien-t’en, n’y prens point garde.
Mais surtout, il ne fault point rire.
LA VOISINE
310 Mais vrayment, comment doit-on dire,
Quant on confesse une personne ?
LA FEMME
« Bénédicité… »
LA VOISINE
Ho115 ! ne sonne
Plus mot : il m[’en] est souvenu.
Puisque prestre suis devenu,
315 Auray[-je] point de brévière ?
LA FEMME
Nenny ; mais muce-toy derière116,
Que mon mary ne t’aperçoive117.
LA VOYSINE
Affin que mieulx je le déçoive118,
Je me119 couvreray le visaige.
LA FEMME
320 Feras ?
LA VOISINE
Ouÿ, car c’est l’usage,
Pour estre plus couvertement120.
LA FEMME
M’amye, je te pry chèrement :
Sy, l(e) enqueste121 bien de son fait.
LA VOISINE
Va devant, va, il sera fait.
325 Laisse-m’en du tout convenir122.
.
LE MARY SCÈNE VIII
Elle met assez à venir,
Ma femme. Que Dieu y ait part,
Et au prestre !
.
LA FEMME 123 SCÈNE IX
Il [n’]est [pas trop] tart ?
J’ay beaucoup demouré, n’ay mye ?
LE MARY
330 Où est nostre curé, m’amye ?
LA FEMME
V(e)ez-le-cy124 ; il vient après moy.
LE MARY
Sainct Jehan ! je suis en grant esmoy
Comment je me doy confesser.
LA FEMME
Il vous sçaura bien adresser
335 Et monstrer ce que devrez125 dire.
LE MARY
Fera ?
LA FEMME
Ouÿ.
.
LA VOISINE 126 SCÈNE X
Dieu, [nostre Sire127],
Soit céans ! Que fait ce malade128 ?
LA FEMME
Petitement, car très maussade129.
Puis hyer, au lict, ne repousé130.
LE MARY
340 (De fièvre soit-elle espousé
Qui131 ment, car j’ay trèsbien dormy !)
LA VOISINE
Or çà ! comment va, mon amy ?
Ayez en Dieu contriction132 ;
Autrement, à perdition
345 Tout droit vostre âme s’en yroit.
LA FEMME
([Quelque dyable]133 la trouveroit,
Ou elle serait bien mucée !)
LA VOISINE
Ès saintz Cieulx sera exaulcée134
Avecques les anges, croyez de voir135,
350 Se vous faictes vostre devoir
De confesser tous voz péchéz.
LE MARY
Je vous requier, ne me preschez
Jusques à tant que j’ayes souppé(z).
LA VOISINE 136
Vous y pourriez estre trompé(z),
355 Mon trèsbel amy : car la Mort
Sy subitement point et mort137 !
Supposé que l’on138 ait désir
De bien faire, on n’a pas loysir ;
Pour ce, vueillez vous abréger139.
LE MARY
360 Et ! soupperay-je point premier140 ?
J’en auray meilleure mémoire141.
LA VOISINE
Mon amy, pensez en la gloire
De Paradis, amy courtoys.
LE MARY
Au moins, se [je] beusse une fois,
365 J’en eusse meilleur rétentive142.
LA VOISINE
C’est trèsmal fait, quant on estrive143
Et on refuse à confesser.
LE MARY
Hélas ! et fault-il commencer
Sans soupper ?
LA VOYSINE
Ouÿ, c’est le point144.
LE MARY
370 Par Dieu ! il me vient mal à point145 :
Et comment esse que je doy dire ?
Dictes-le-moy.
LA VOISINE
Et ! dea, [beau] sire,
N’y sçavez-vous quelconque146 chose ?
LE MARY
Non, vrayement. Mais je supose
375 Que vous me devez enseigner.
LA VOISINE
Or, avant, vueillez vous seigner147
Trèsbien d’ung cousté et d[e l’]autre.
LE MARY
De ceste main ?
LA VOISINE
Non, mais de l’autre.
Onc(ques) ne vy homme si maulduit148 !
380 Pour ce, estes mal introduit149.
Dicte(s) après moy, mon amy doulx :
« Sire, je me confesse à vous… »
LE MARY
Sire je me confesse à vous.
LA VOISINE
« …De tous les péchéz que j’ay faitz. »
LE MARY
385 De tous les péchéz que j’ay faitz.
LA VOISINE
Or, les nommez !
LE MARY
Or les nommez.
LA VOISINE
Mes vous-mesmes. 150
LE MARY
Mais vous-mesmes.
LA VOISINE
Me doy-je confesser à vous ?
LE MARY
Me doy-je confesser à vous.
LA VOISINE
390 Ouÿ, vrayment !
LE MARY
Ouÿ vrayment.
LA VOISINE
Où sommes-nous !
LE MARY
Où sommes-nous.
LA VOISINE
Vous estes foul et estourdy !
LE MARY
Vous estes foul et estourdy.
LA VOISINE
Ce n’est pas ce que je vous dy.
LE MARY
395 Ce n’est pas ce que je vous dy.
LA VOISINE
Confessez-vous, se vous devez !
LE MARY
Confessez-vous se vous devez.
LA VOYSINE
[Et quoy !] par sainct Jehan, vous resvez ?
LE MARY
[Et quoy] par sainct Jehan vous resvez.
LA VOYSINE
400 Hé dea !
LE MARY
Hée dea.
LA VOYSINE
Hé [dea] ! vray Dieu, quelle simplesse !
LE MARY
Hé [dea] vray Dieu quelle simplesse.
LA VOYSINE
[Or], dictes [donc] : « Je me confesse… »151
LE MARY
[Or] dictes [donc] je me confesse.
LA VOYSINE
405 « …À Dieu. »
LE MARY
Adieu152, sire Guillaume !
Donnez-luy à boire, ma femme,
Puisqu’il s’en veult partir d’icy.
LA VOYSINE
Dea ! je ne m’en vois pas ainsi,
Pourtant se153 « à Dieu » vous disoye.
LE MARY
410 Par le corps bieu ! je le cuidoye.
N’avez-vous pas presché assez ?
LA VOYSINE
Et ! vous n’estes pas confesséz ;
Ce n’est que le commancement.
Or, dictes154 !
LE MARY
Bon gré mon serment !
415 Maulgré jalousie…155
LA FEMME 156
Commère, l’avez-vous ouÿe ?
Vélà sa note157 de tousjours !
LA VOYSINE
Av’ous158 fait dame par amours ?
Dictes tout en confession.
LE MARY
420 Par ma foy, ouÿ… Nenny, non !
Où est nostre femme ? Je la voy
Icy, m’est advis, [près de moy]159 ;
Faictes-la reculler arrière.
LA VOYSINE
Recullez-vous, m’amye chère,
425 Car il ne vous appartient pas
Nous escouter.160
Or, parlons bas,
Et me dictes vostre courage161.
Avez-vous rompu mariage
[Entre les bras d’une paillarde ?]162
LE MARY
430 Il est vray que la plus gaillarde,
La plus gente, la plus abille163
Qui soit en toute ceste ville,
Si est ma dame par amours.
LA VOYSINE
Pour tout certain ?
LE MARY
N’a pas deux jours
435 Qu’avecques moy se rigoloit,
Et plus de cent fois m’acolloit,
En la tenant entre mes bras.
LA VOYSINE
Et sçavez-vous bien de quelz draps164
Elle va tous les jours vestue ?
440 Déclairez tout d’une venue165,
Puisque la matière est ouverte.
LE MARY
Elle porte une robe verte
Aux festons166 de couleur diverse.
LA VOYSINE
Et les bons jours167, [quoy] ?
LE MARY
Une perse168,
445 Trèsbien fourr[é]e de pane blanche.
LA VOYSINE
Et les grans jours169 ?
LE MARY
Comme au dymenche :
Hopelande170, belle saincture
De [cuir] rouge, je vous asseure,
Et beau chapperon de brunette.
LA VOYSINE
450 Et comment l’apelle-on ?
LE MARY
Jamette171.
LA VOYSINE
Jamette ?
LE MARY
Ouÿ, vrayement.
LA VOYSINE
Et congnoissez-vous bien son père ?
LE MARY
Sainct Jehan, ouÿ !
LA VOYSINE 172
Qui est sa mère ?
LE MARY
[Le] sang bieu ! c’est nostre voysine.
455 Je m’acointé de la meschine173
En allant en pèlerinage.
LA VOYSINE
Touteffois semble-elle bien saige,
[Et] chacun la tient pour pucelle.
LE MARY
Et ! que voullez-vous ? On la selle174.
460 Mais par ma foy, il est ainsi…
LA VOYSINE
Attendez-moy ung peu icy ;
Je reviendray, sans contredit.175
.
Ha ! que de Dieu soit-il mauldit ! SCÈNE XI
Voysine, tu ne scez comment
465 Ce faulx traistre, [ce] garnement176
M’a fait grant honte et grant diffame !
Comme cuide-tu177 estre femme
À ce faulx traistre desloyal ?
LA FEMME
Comment va il de nostre faict178 ?
LA VOYSINE
Trèsmal !
470 [Et !] que bon gré en ayt sainct Gille !
Il a despucellé ma fille !
LA FEMME
Ta fille ? Tu me dis merveilles179 !
LA VOYSINE
J’ay ouÿ de mes [deux] aureilles
Sa confession toute entière ;
475 Il m’a dit toute la manière
Et par quel moyen l’a déceue.
Et [je] ne m’en suis aperceue,
De quoy je suys plus esbahye.
LA FEMME
Je sçavoye bien, par bieu, m’amye,
480 [Que homme il n’estoit]180 véritable.
LA VOYSINE
C’est mon181, dame, de par le dyable !
Vous n’estes pas la mieulx aymée :
Il a ma fille diffamée.
M’amye, à peu182 que je n’enrage !
LA FEMME
485 Mais à moy, [ung] plus grant183 dommage
A fait qu’à toy, à parler vray.
LA VOYSINE
Et comment ?
LA FEMME
Je le te diray :
Tu sces que l’amoureux déduyt184
Qu’il me devoit et jour et nuyt
490 Monstrer, en signe d’amitié,
Je n’en ay pas eu la moytié :
I[l] l’a à ta fille donné.
LA VOYSINE
Par bieu ! je ne luy en sçay gré,
Et j’en enrage toute vive !
LA FEMME
495 Et ! par mon serment, tant qu’il vive,
Il ne luy en tiendra185, ce croy-je !
LA VOYSINE
Par ma foy, non ! Pour ce, disoy[s-j]e
Qu’on trouvast manière comment
Il fust pugny si asprement
500 Que jamais [plus] il n’en eust point.
LA VOYSINE
J’ay advisé ung autre point :
J(e) iray vers luy sans plus actendre,
Et si, [je] luy feray entendre
Qu’il fault qu’il face pénitance
505 S’il veult avoir sa pardonnance
Du grant péché qu’il a congneu.
LA FEMME
Et que sera-ce ?
LA VOYSINE
Que tout nu,
À jointes mains et à genoux,
Te crira mercy ; et puis nous
510 Deux aurons chacun[e] en noz mains
Ung bon baston, ou [tout] au moins
Unes verges trèsbien poignantes186.
Depuis la teste jusqu(es) aux plantes
Des piedz, sera trèsbien gallé187 !
LA FEMME
515 Par ma foy, tu as bien parlé :
Oncques femme ne parla mieulx.
Y vas-tu ?
LA VOYSINE
Ouÿ, ce m’aist Dieux !
Va quérir les verges, en tandis188.
LA FEMME
Le contraire je ne t’en dis ;
520 J’en trouveray ains189 que [je] cesse.
.
LA VOYSINE 190 SCÈNE XII
Mon amy, quant on se confesse
Pour descharger sa conscience,
On doit tout prendre en pacience
La pénitance qu’on vous encharge191.
LE MARY
525 Sainct Jehan, ce n’est pas [là] ma charge !
Pénitance ? Bon gré ma vie !
LA VOYSINE
Voire, vous l’avez bien déservie192
[Par ung péché qui est d’ung poids]
Bien terrible ! Mais touteffois,
530 Pour peu de chose ne vous chault193.
Vous avez faict ung grant deffault,
De rompre vostre mariage !
LE MARY
Où sont les pièces194 ?
LA VOYSINE
Et que sçay-je ?
Pour acquérir195 pardon à Dieu
535 Et eschever196 le puant lieu
D’Enfer dont (chacun doit [faire] ainsi),
Vous acomplirez, [pour mercy]197,
Voulentiers ce que vous diray.
Ne ferez mye ?
LE MARY
Je ne sç[aur]ay.
540 Se c’est chose que puisse faire
Sans moy grever198, pour [vous] complaire,
Je le feray.
LA VOYSINE
Or escoutez :
Il fault que vous [vous] desvestez
Tout nud pour acquérir199 mercy
545 À vostre femme, que v(e)ez-cy ;
Et Dieu aura miséricorde
De vous.
LE MARY
[Ainsi je vous l’acorde,]
Nonobstant que je m’en passasse
Très voulentiers.
LA VOYSINE
Il fault qu’il se200 face,
550 Pour avoir mercy et pardon.
.
LA FEMME SCÈNE XIII
Croyez qu’il aura son guerdon201
De ces verges au long du dos !
.
LE MARY 202 SCÈNE XIV
Qu’esse-là ?
LA VOYSINE
Rien, ce sont [des] motz
Qui ne s’adressent point à vous.
555 Or, vous avancez, amy doulx !
[Despouillez vostre vestement :]
Car on ne peult plus humblement
Venir à mercy qu’en ce point.
LE MARY
Touteffois, ne me trompez point,
560 Car g’y vois à la bonne foy203.
LA VOYSINE
Jamais !
.
Tost204, tost, avance-toy ! SCÈNE XV
Mais parlons bas, quoy qu’il avienne.
Deschargeons sus !
LA FEMME 205
Il206 vous souvienne
Du tour que vous m’avez joué !
565 Vous m’aviez promis et voué
La loyaulté de vostre corps.
LA VOYSINE
Aussi vous fault estre recors207
De ma fille, [qui a diffame]208 !
LE MARY
Vostre fille ? Bon gré sainct Estienne !
570 Qui estes-vous ?
LA VOYSINE
Par Nostre Dame !
Vous le sçaurez ains que je fine209.
LE MARY
Sang bieu ! vous estes ma voisine
Collette : qui parler vous entens.
LA VOISINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,210
575 Colette !
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LA VOYSINE
Je ne m’y fains211 point !
LE MARY
Bien m’en sens212 !
LA VOYSINE
Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens !
LA FEMME
Si le retiens, se tu as sens213 !
[ LE MARY
……………………………. ine.
LA VOYSINE
580 Tenez ! Tenez !
LE MARY
Las, je me rens,
Colette ! ]
LA FEMME
Sus, [sus], ma voisine !
LE MARY
[…………………………… -ine214
…………], je suis tout cassé.
LA VOYSINE
Vous y avez trèsbien chassé,
Entour ma fille, hault et bas,
585 Et avez fait voz choux bien gras215
Avec(ques) elle, en meschanceté216.
LA FEMME
Il n’y a pas pour neant217 esté :
Au moins, il a esté froté,
Et son dos [en] est bien galléz.
LE MARY, [en chantant]
590 Mal suis fortunéz :
Vous m’avez, du nez,
Bien tiréz les vers218.
LA VOISINE
Les propos219 ouvers
Et motz descouvers
595 Souventeffois nuysent.
LA FEMME
Ceulx qui se devisent220
Et les motz n’avisent221
S’en treuvent déceuz.
LA VOISINE
Puis que née fus222,
600 Nouvelles je n’euz
Si trèsdesplaisantes.
LE MARY
Bien j’ay le câtu223,
Quant j’en suis batu
De verges poignantes.
LA FEMME
605 À quoy tient-il que tu ne chantes,
Maintenant, Maulgré jalousie ?
Tu l’avois, la belle jolye :
Or la v[oy]oiz tout à ton ayse.
LA VOISINE
Pour Dieu, voisine, qu’on s’en taise224 !
610 Je t’en requier, ma doulce seur.
.
LE MARY 225 SCÈNE XVI
Le dyable ayt part au « confesseur »,
Car il m’a excommunié
Et asprement discipliné226
De verges ; il ne m’en doit227 rien !
615 Sang bieu ! le cueur me disoit bien
Qu’en la fin, ainsi m’en prendroit.
Pour ce, vous tous, gardez-vous bien228
Quant parlerez, n’en quel endroit.
Mais qui jamais ne mesprendroit
620 Aurait de sens trop largement229.
Seigneurs, vueillez, pour orendroit230,
Prendre en gré nostre esbatement !
.
FINIS
*
1 Jelle Koopmans a l’air de considérer que Ribaud est le nom du personnage, puisqu’il intitule cette farce Ribaud Marié ou Malgré Jalousie. (Le Recueil de Florence. Paradigme, 2011, pp. 55-72.) 2 Son futur président, l’ancien basochien Gilles Le Maistre, évoquera cette affaire et soutiendra « l’Arrest des ribaux mariéz, dont beaucoup de gens parlent, qui ne le veirent oncques ». 3 Chez lui. Sa femme est dans la même pièce, au milieu de laquelle on voit un lit. 4 Ces quatre vers sont reconnaissables séparément dans diverses chansons, mais nous n’avons plus celle-ci, qui les réunit tous. 5 Abruptement. 6 F : et quonques la 7 Avant. Idem vers 520 et 571. 8 Pour me contredire. Idem vers 51. Le mari gifle sa femme. 9 Déshonoré, cocu. 10 Pour autant. 11 Grogne. 12 C’est le vers 126 du Povre Jouhan, dont la trame repose également sur une chanson. 13 Celui qui ne se réjouira souvent. 14 Ni pour ton caquet, ton bavardage. 15 Je ne cesserai pas de chanter. 16 Ce que. Idem vers 94 et 232. 17 Qui m’en empêchera. 18 Vais (idem vers 62, 146, 278, 408, 560). Et si je m’échauffe un peu. 19 De coups de bâton. 20 Cognée avec une boulaie, une massue. Le mari joint le geste à la parole. 21 Assommée. Cf. Mahuet, vers 235. 22 Que Dieu maudisse. Cf. Jolyet, vers 66. 23 F : quonques ien ouy 24 Je vais. Le mari est commerçant. 25 La maison. 26 Que le mal des ardents vous brûle. 27 Déblatérant. Idem vers 199. 28 Ne grommelle pas contre moi. 29 Caressée par un bâton. Cf. le Pasté et la tarte, vers 197. 30 Le mari s’en va. 31 F : feray (Correction suggérée par J. Koopmans.) Je saurai tous les tours qu’il m’a joués. Sérai est un normandisme : Troys Galans et un Badin, vers 54. 32 Il a pris une maîtresse. Idem vers 418 et 433. 33 F : Jamais 34 À toute allure. 35 Chez. Cette forme est commune à beaucoup de farces normandes. 36 La femme sort, et se rend chez sa voisine. 37 Je filais ma quenouille. 38 Si Dieu m’aide : que Dieu m’assiste ! Idem vers 517. 39 F : scauez vous (Forme normande très employée : cf. le Bateleur, vers 123.) 40 Conter. 41 F : Que la dicte (Les éditeurs prennent souvent les didascalies pour du texte.) Elle la chante. « Il nous fault dire une chançzon. » La Pippée. 42 F ajoute dessous : Dictes mamye 43 F : sil (Pour la raison qu’il…) 44 Peut-être. « Mais, espoir, c’est pour ce que on ne les entend point. » Journal d’un Bourgeois de Paris. 45 C’est du vent ! Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 176. 46 Qu’est-ce qu’il ne faut pas entendre ! Idem vers 391. Cf. le Dorellot, vers 77. 47 Si peu que ce soit. Idem vers 236. 48 Grâce auquel tu connaîtras le fond de son cœur. 49 Les deux éditeurs modernes ont transcrit et ponctué : j’en enrage. 50 Dans. « Je m’en voys ung peu sur les champs/ Parler à ne sçay quelz marchans. » Ung Mary jaloux. 51 Bouder ni chercher querelle. 52 F : ces (Qu’il est apparent, quand on voit ses yeux. Idem vers 173.) 53 Nous le tromperons. Idem vers 278. Cf. le Monde qu’on faict paistre. 54 Dans beaucoup de textes comiques, un prêtre doit s’enfuir en chemise de chez sa maîtresse, en abandonnant sa soutane. Mais n’ayons pas mauvais esprit, et admettons ce que dit la voisine dans Ung Mary jaloux : « N’a pas long temps qu’ay hérité/ D’ung mien oncle qui fut d’église./ Tous ses habis, faictz à sa guyse,/ Sont céans : vous en vestirez/ L’ung d’iceulx. » 55 F : qui ce (Qu’il est nécessaire qu’il se confesse, pour ne pas mourir sans confession.) 56 Quoi qu’il dise, ne cesse pas de le harceler. 57 F : Car (Alors, pour que je réalise mon plan. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 722.) 58 Au. Idem vers 224. 59 F : le confesse (Correction de Koopmans.) Qu’il ne reconnaisse pas ton visage. Prononciation et graphie normande : « L’y en avet queuqu’un d’eux qui me connesset bien. » La Muse normande. 60 M’occuper de cette affaire (ce mot était souvent masculin). « Le maistre (…) laisse l’ostel, et en la ville à ses afaires va entendre. » ATILF. 61 Elle rentre chez elle. Par la fenêtre, elle voit revenir son mari. 62 Faire semblant. 63 F : viengnes mon amy (Bienvenue !) Cet auteur aime les rimes riches, et en outre, la poésie antimatrimoniale plébiscite la rime marri / mari. 64 F : prest ou 65 Si détérioré. 66 F : palle (Correction proposée par Koopmans.) « Ilz semblent tous malades, tant ont lez visages fades et palles. » ATILF. 67 Un peu. 68 C’est certain. Cf. les Gens nouveaulx, vers 315. 69 Cela apparaît bien. 70 F : que et 71 F : yer (Au vers 339, hyer est monosyllabique.) 72 Ce qui nous échoit, la bonne ou la mauvaise fortune. « Sa dure chéance et malle adventure. » (ATILF.) Pour bien montrer que l’heure est grave, l’épouse sollicite un registre plus noble que celui de la farce. 73 Il n’y a aucune douleur. 74 F : debatent (De quoi te tracasses-tu ?) 75 Tambour battant, en vitesse. 76 Abattu. Idem vers 197. 77 Imprécation que lâche une personne excédée. Cf. la Confession Rifflart, vers 59. 78 Étoffe très foncée. Idem vers 449. La couleur fade [pâle] invoquée au vers 162 n’ayant pas suffi à ébranler le mari, sa femme passe à la couleur noire, qui est plus inquiétante. 79 Ni votre pleine vigueur, ni même la moitié. 80 Roland mourut de soif à Roncevaux. « Je mourroye de la mort Rolant…./ Que j’aye à pyer/ Ung coup de quelque bon vin vieulx. » Testament Pathelin. 81 Vous délirez. Idem vers 398. 82 F : repantens (Confessé et repentant de vos péchés.) 83 On se confessait au moins une fois par an, avant Pâques, c’est-à-dire pendant le Carême. « Le curé de Jambet attribuoit ce copieux engrossissement de femmes, non aux viandes de Quaresme, mais (…) aux petits confesseurs crottés, lesquels damnent, par cestuy temps de leur empire, les ribaulx mariéz. » Rabelais. 84 Certains Normands prononçaient moutre : « Le roi Modus moustre à ses escoliers la science de fauconnerie. » Henri de Ferrières. 85 Dans l’autre monde : si vous trépassiez. 86 Ni mettre votre conscience en ordre. 87 Si vous faites preuve de sagesse. Cf. l’Avantureulx, vers 351. 88 Tant que vous êtes en pleine possession de vos moyens intellectuels. 89 Malgré moi. Cf. la Pippée, vers 835. 90 Au (note 58). 91 Sous-entendu égrillard : en érection. « Le virolet en poinct et infatiguable, comme l’ont les satyres. » Rabelais. 92 À votre organe (vocal ou autre). 93 F : vueilles (Tu fais semblant de dormir. Voir la note 20 de Troys Galans et un Badin.) « On dit que cils fait la dorveille,/ Qui dort de l’ueil et du cuer veille. » ATILF. 94 Voilà autre chose ! Cf. le Dorellot, vers 43 et 52. Le vers suivant est perdu. 95 Je n’ai pas l’intention de mourir. 96 F : meshignez (Méhaigné, en mauvais état.) Vis = visage. Mais vit = pénis. 97 Que je dise que vous êtes mourant, si ce n’était pas vrai. 98 F : Aucun (Si je ne sentais jamais plus de mal qu’aujourd’hui.) 99 On s’en contenterait. Ce vers proverbial figure notamment dans le Capitaine Mal-en-point. 100 Ne vous occupez pas. 101 Les Normands prononçaient « mémore » ; voir la note 87 de Jehan de Lagny, et la note 85 du Bateleur. 102 Quelquefois. « Je ne dis pas que bien souvent ne soit bon et profitable, bien séant et honnorable de croire sa femme. » L’Ystoire des sept sages de Romme. 103 Je comble cette lacune d’après le vers 560. Le mari se couche sur le lit. La femme sort et se dirige vers la maison de sa voisine. 104 F : charolles (Une carole est une ronde.) Je vais le faire danser ! « Par ses dis et par sa parole,/ [Elle] les fait danser à sa karole. » ATILF. 105 Comment vont nos affaires ? « –Comment va tout, léans ?/ –Tout va trèsbien pour nous. » (Jean-Antoine de Baïf.) La voisine achève de se déguiser en prêtre. 106 Il a tant fallu le sermonner. 107 F : ereue (Correction Gustave Cohen.) Son mari ne l’a pas crue : il a cédé pour qu’elle lui fiche enfin la paix. 108 F : voisine 109 Comme sur mesure. Cf. Serre-porte, vers 112. 110 Dans les farces et ailleurs, le curé messire Jean traîne derrière lui une solide réputation de lubricité : voir la note 139 de Régnault qui se marie à La Vollée. Le vers suivant est perdu. 111 Les Normands prononçaient Guillame, comme au vers 405. (Cf. la farce normande de Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 32 et rime, ou celle de Resjouy d’Amours, vers 285 et 362.) « Ung sien chevalier occist le duc Guillame de Normendie. » Baudouin d’Avesne. 112 Je vous l’affirme. 113 Le charivari fait appel au déguisement, et vise des gens qui ne respectent pas la coutume en matière de sexualité. 114 Toutes les deux (normandisme). Cf. la farce caennaise de Saincte-Caquette, vers 74. 115 F : Hola 116 Dissimule-toi derrière son lit. 117 F : lapercoiue (Correction Félix Lecoy.) 118 Décevoir = tromper. Idem vers 476 et 598. 119 F : luy (Correction envisagée par Koopmans.) Les seuls malades qui se confessaient avec le visage couvert étaient les lépreux. La voisine dissimulera sa figure sous la capuche de son habit, comme le faux moine de Serre-porte (scène VII). 120 Discrètement, comme le moine qui couvre sa figure avec la capuche de son froc, au début de Frère Fécisti. 121 Interroge-le. 122 Laisse-moi m’occuper de tout. 123 Elle rentre chez elle, et s’informe si son mari est encore vivant. 124 Le voici. Litt. : Voyez-le ici. (Idem vers 545.) Mais la voisine, empêtrée dans son habit sacerdotal, n’est pas encore arrivée. 125 F : deuerois 126 Elle entre chez le couple, habillée en prêtre, avec sa capuche rabattue sur le visage. Elle se tient debout derrière le chevet du lit. L’acteur qui joue ce rôle abandonne sa voix de fausset* pour reprendre son timbre masculin : nous avons là un travesti travesti. *C’est ainsi qu’on imitait les femmes ; un Badin qui prend la voix d’une aristocrate dit : « Je parle gresle/ Comme faict une Damoyselle. » Messire Jehan. 127 Notre Seigneur. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 195. Il y a là une lacune ; la seconde partie de la farce est encore plus abîmée que la première. 128 L’auteur du Ribault marié connaît bien une autre farce normande, le Testament Pathelin, où le curé qui vient confesser Pathelin entre en disant : « Comme se porte ce malade ? » 129 F : malade (à la rime.) Maussade = désagréable. 130 Il n’a pu reposer, dormir. « De nuictée/ Ne reposay. » (Les Chambèrières qui vont à la messe.) L’auteur picore aussi dans la Farce de Maistre Pathelin, dont la femme fait croire au drapier que son époux moribond « ne partit/ Du lit y a unze sepmaines », et lui affirme : « Je croy qu’il repose. » 131 Celle qui. Le mari se livre à un aparté. 132 De la contrition, du repentir. 133 F : Et quelqun (Les diables emportent l’âme des pécheurs : cf. le Munyer de qui le deable emporte l’âme en Enffer.) La femme tient ces propos en aparté. 134 Haussée, élevée. 135 De vrai, en vérité. 136 F : femme 137 Nous pique et nous mord. 138 F : on y 139 Expédier vos péchés. « Tu te veulx confesser à moy./ Mon amy, vueilles abréger. » La Confession Rifflart. 140 D’abord. 141 Le vin est censé augmenter la mémoire : « S’ung peu ne me donnez à boyre :/ J’en eusse ung peu meilleur mémoyre. » Trote-menu et Mirre-loret. Le Testament Pathelin met en scène la même lutte entre un moribond qui veut boire, et un prêtre qui veut le confesser. 142 F : retentine (La rétentive est la faculté de retenir.) 143 F : estime (Corr. Cohen.) Quand on résiste. 144 C’est la règle. 145 Les formules officielles ne me reviennent plus. 146 F : doncques autre (Aucune chose : rien.) 147 Vous signer. Cf. le Maistre d’escolle, vers 125. 148 Si mal éduqué. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 152. 149 Votre confession commence mal. 150 Ce gag des échos, fort apprécié du public, permettait aux acteurs de rallonger leur texte au-delà du raisonnable et en dépit de la versification. 151 Ce vers, tel que je le complète, est le vers 84 de la Confession du Brigant au Curé. 152 Le même quiproquo sous-tend les vers 85-86 de la Confession du Brigant. 153 Même si. 154 Ce verbe est synonyme de chanter (voir la note 41) : « Disant la chansonnette. » (ATILF.) C’est le sens que lui confère le mari, du haut de sa mauvaise foi. 155 F commence ce vers par : Dung 156 Elle parle à l’oreille du faux prêtre. 157 Sa rengaine. 158 Avez-vous (normandisme). 159 F : de ce coste (Il s’aperçoit que sa femme est derrière le chevet du lit, avec le « curé ».) 160 La femme s’éloigne, pour respecter le secret de la confession. 161 Ce que vous avez sur le cœur, sur la conscience. 162 J’emprunte ce vers manquant aux Blasphémateurs du nom de Dieu : « J’avoys faict coucher ung ribault/ Entre les bras d’une paillarde…./ Et el luy sembloit bien gaillarde. » 163 Habile. Le mari se vante de ses conquêtes devant un autre « homme ». 164 Avec quels habits. Cette question intrinsèquement féminine aurait dû éveiller la méfiance du mari. 165 En une fois. 166 F : festes (Avec des broderies.) 167 Les jours de fêtes. 168 Une robe bleue doublée de fourrure blanche. 169 Lors des fêtes solennelles. 170 La houppelande est une sorte de grande cape. 171 Prénom féminin assez courant. « (Il) trouva façon d’avoir encores la compaignée de ladite Jamette, et tellement qu’il l’engroissa. » ATILF. 172 F : femme 173 Je me suis accouplé avec leur fille. Les pèlerinages rassemblaient plusieurs voisins, et la promiscuité nocturne favorisait certains rapprochements. Cf. Régnault qui se marie, vers 219-230. 174 Trois niveaux de lecture : 1) On la selle [on la chevauche]. Jody Enders, qui a traduit énergiquement cette pièce dans The Farce of the Fart and other Ribaldries, n’hésite pas à écrire : « Menfolk already done rode that pony. » 2) On la scelle [on la tamponne]. « Je viens d’avecque la femelle :/ J’ay tant scellé que plus n’en puis. » Les Sotz qui remetent en point Bon Temps. 3) On la cèle [ses parents la cachent, la cloîtrent]. 175 Le faux curé rejoint la femme. 176 Ce débauché qui s’attaque aux femmes. Cf. la Fille bastelierre, vers 166. 177 Comment peux-tu. 178 Notre affaire. 179 Une chose incroyable. Idem vers 243. 180 F : Comme sil estoit (Qu’il n’était pas un homme loyal, sincère. « Il estoit homme véritable en ses propos, fidèle en ses promesses. » L. de Mayerne-Turquet.) 181 C’est vrai. Cf. Régnault qui se marie, vers 256. 182 Il s’en faut de peu. 183 F : grans 184 Le devoir conjugal. Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 52. 185 Il ne lui tiendra plus de mots doux. 186 Des verges bien cinglantes. Idem vers 604. 187 Battu. Idem vers 589. « Mais bien vous galleray le dos ! » Godefroy. 188 Cependant. 189 F : auant (Ce vers est calqué sur le v. 571.) « J’en trouveray moyen ains que je cesse. » Mistère du Viel Testament. 190 Tandis que la femme passe derrière le rideau de fond pour aller chercher des verges, le prétendu curé revient vers le lit du mari. 191 Qu’on prend en charge, qu’on accepte. 192 Vous l’avez méritée. Cf. Marchebeau et Galop, vers 215. Le vers suivant est perdu. 193 Vous ne vous en faites pas pour si peu. 194 Les pièces du procès, les preuves. On songe au procès que l’official d’Angers n’avait pu intenter contre un ribaud marié : voir ma notice. 195 Requérir. Idem vers 544. 196 F : escheuez (Pour esquiver, éviter.) 197 F : mon amy (Cette rime est plus pauvre que les autres.) Pour obtenir le pardon. 198 Sans que cela me nuise. Le héros de la Confession Rifflart se livre à des marchandages encore plus cyniques avec le prêtre qui veut lui donner une pénitence. 199 Requérir (note 195). La femme revient avec une poignée de verges dans chaque main. 200 F : ce (Que cela se fasse.) 201 Sa récompense. 202 Il a entendu les menaces de sa femme. 203 J’y vais de bonne foi. Il se déshabille et se retrouve en chemise longue. Il se met à genoux. 204 Elle s’adresse à la femme, en aparté. 205 Elle et sa voisine fouettent le mari, qui est à quatre pattes. 206 Qu’il. 207 Souvenez-vous. Le comédien reprend sa voix de fausset, que le mari va reconnaître au vers 573. 208 F : quauez diffamee (Qui a du déshonneur.) « De luy, vous n’aurez que diffame. » Guillerme qui mengea les figues. 209 Avant que je termine. 210 Je remets en ordre le triolet 574-581, que F a complètement chamboulé. 211 Feins : je ne fais pas semblant de le frapper. Cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 6. 212 Je m’en ressens ! Cf. la Veuve, vers 229. 213 Retiens cette leçon, si tu as un peu de bon sens. F intervertit les deux hémistiches du vers. 214 Après le triolet, il y avait un vers de retombée en -ine. 215 Faire ses choux gras = prendre son plaisir : « Sotz qui ayment à fréquenter le “bas”,/ Sotz qui faictes aux dames les choux gras. » (Jeu du Prince des Sotz.) Mais choux = couilles : voir les vers 276-277 ainsi que la note 108 du Dorellot, et le vers 92 des Cris de Paris. 216 F : malle sante (Avec perversité.) 217 Pour rien. « Niant » compte pour 1 syllabe. 218 Vous m’avez fait avouer malgré moi. Cf. les Chambèrières et Débat, vers 223. 219 F : propopos (Les paroles franches.) 220 Qui bavardent. 221 Et ne font pas attention aux mots qu’ils prononcent. 222 F : suis (Corr. Koopmans.) Depuis que je suis née. 223 F : senty (En Normandie, un câtu est un sujet de plainte. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 232 et note.) 224 N’ébruite pas le déshonneur de ma fille, sinon je ne pourrai pas la marier. 225 Il s’adresse au public. 226 Flagellé. La discipline est un martinet. 227 F : dist (Il m’a donné tous les coups qu’il me devait : il ne m’en doit plus un seul.) 228 Faites bien attention. La morale de la pièce n’est pas : « Soyez fidèles. » C’est : « Soyez discrets. » 229 Celui qui ne commettrait jamais d’erreur ferait preuve d’un grand bon sens. 230 Pour maintenant.