RESJOUY D’AMOURS
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RESJOUY
D’AMOURS
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À défaut d’une farce drôle, nous avons là une drôle de farce. Son personnage principal, Réjoui d’Amour, porte un nom allégorique, mais pas les deux autres. La versification relève de la poésie lyrique, rhétorique ou mythologique, mais pas du théâtre populaire. Bernard Faivre1 résume : « On a un peu le sentiment qu’un érudit, en tout cas un homme de culture, s’est distrait à écrire une farce sans se préoccuper de trop près des nécessités dramaturgiques concrètes : à la fin de la pièce, Gaultier doit brûler tous ses meubles, ce qui n’est pas une réalisation théâtrale très aisée ! » Et Faivre conclut : « Nous avons ici une pièce où personne ne triomphe ; chaque protagoniste sort de l’aventure plutôt amer et dépité. »
Cette farce normande, écrite dans la première décennie du XVIe siècle, campe un procureur et un avocat ; elle pourrait donc être l’œuvre de la Basoche de Rouen, qui fut instituée en 1499 (v. la notice du Raporteur). Toutefois, on voit mal comment l’incendie final, même s’il était plus ou moins symbolique, aurait pu être simulé dans une salle close où la fumée n’était pas bienvenue. Mais nous savons que dans les Mystères, les créateurs d’effets spéciaux et les accessoiristes faisaient preuve d’une imagination qui nous laisse encore pantois.
Source : Recueil de Florence, nº 18.
Structure : Rimes fratrisées, abab/bcbc, rimes plates, pentasyllabes en aabaab/bbcbbc, refrains libres.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse de
Resjouy d’Amours
qui révèle son secret à
Gaultier Guillomme, dont il
est mis ou sac aux lettres
de peur d’estre bruslay.
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À .III. personnages, c’est assavoir :
RESJOUY D’AMOURS
GAULTIER GUILLÔME
TENDRETTE
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RESJOUY D’AMOURS commence 2 SCÈNE I
Je suis bien en amour3 parfaicte
Parfaictement mis et assis,
Assis en doulceur trèsparfaicte.
Par4 faitz, par balades et ditz
5 Dictés de nobles contreditz,
[Contre dix, motz je maniroye]5.
Je m’en iroye moult envis6,
Se envieux venoient en voye.
GAULTIER GUILLAUME
Plaisir est bien bon, au premier7.
10 Premièrement quant j’euz ma femme,
Femme me sembloit ung rousier
Arousay de si noble fame8.
Affamé com ung vieulx limier9,
Lymant10 tousjours en basse game11,
15 [Game essaieray]12 jusqu’au dernier.
D’errénier13 va mal, sur mon âme !
RESJOUY
Fait-elle ung petit de la Dame14 ?
GAULTIER
Mais assez, de ce ne fais doubte.
RESJOUY
Fait-elle bien la15 passeroute ?
GAULTIER
20 Mais trop, de par le dyable, trop !
RESJOUY
Fait-elle bien le « sault », ung cop16 ?
GAULTIER
Aussi plaisant17 comme beau frische.
RESJOUY
Mais habille18 comme une bische ?
GAULTIER
Mais large com ung vieil houzeau19 !
RESJOUY
25 Sçait-el bien faire le beaubeau20 ?
GAULTIER
Tant [bien] que c’est chose incréable21 !
RESJOUY
Fait-elle bien de la notable ?
GAULTIER
C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée22 !
GAULTIER
El a la gorgecte frazée23,
30 Ung corps faictis24, comme de cire25.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
GAULTIER
À passer temps, toute saison,
[Je] ne vueil qu’estre en ma maison :
Ma vie sera là finée26.
35 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
Touteffois, j’ay ung peu affaire27 :
Contre elle, souvent, me fault taire ;
C’est la condicion [la] pire.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
[GAULTIER]
40 Ung corps traictifs28, long, assez plain,
Tétins rond[s], menuecte main,
Une chair blanche comme naige.
Pour belle femme je la plaige29.
[RESJOUY]
Femme d’hommes30 prou désirée ?
GAULTIER
45 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
C’est ung soulas31 !
RESJO[U]Y
Quelle plaisance !
GAULTIER
C’est ung souhait32 !
RESJOUY
Quelle substance !
GAULTIER
C’est ung désir !
RESJOUY
Quel vray recours !
GAULTIER
Ung trésor de bien !
RESJOUY
Quel secours !
.
TENDRECTE, femme de Gaultier, commence.33
50 Femme qui est en bon estat SCÈNE II
Et qui a mary gracieux,
Qui ayme bien le doulx « esbat »,
C’est ung trésor fort précieux34 :
Car il n’est point, dessoubz les cieulx,
55 De si grant doulceur, quoy qu’on die.
Jamais on ne doibt quérir mieulx.
RESJOUY 35
(Vélà feu36, sans nul mocquerie !)
TENDRECTE
Nul n’a rien, qui37 ne se marie.
RESJOUY
(Quel beau mirouër à gallans38 !
60 Et a les yeulx estincellans39
Comme la raye40 du soleil ;
Je n’en pourroyes oster mon œil.)
TENDRECTE
Ung plaisir assis en raison
[Est] une excellente doulceur.
65 Qui fait avoir riche maison ?
Ce fait amours [et] joyeux cueur.
Car, pour obvyer41 à douleur,
Femme doict estre gracieuse.
RESJOUY
(Vélà, par mon doulx Créateur,
70 Une chose moult précieuse !)
TENDRECTE
[Et] pour avoir femme à souhait,
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Quel joliet musequinet42 !)
TENDRECTE
Suis-je point pour gaigner le pris43 ?
75 Suis-je grossecte ? Suis-je gresle44 ?
Suis-je bien faicte ? Suis-je belle ?
Que dit-on en Court45, pour devis ?
Suis-je bien46 ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Je meurs !)
TENDRECTE
Et mon chapperonnet ?
80 Est-il fait47, dessoubz, le soufflet ?
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
En point comme ung cheval sellay !
Hélas ! que se j’avoyes meslay
Mes billectes48 en ses factras,
85 Aujourd’huy, noz49 deux, bras à bras :
Tout déduyt50 !)
TENDRECTE
Couleur de pommecte
Qui est ung bien peu vermeillecte,
Assise en [auc]une blancheur51.
RESJOUY
(Et ! par mon trèsdoulx Créateur !
90 Prenez52 que son fait ne me touche ;
Pourtant, l’eau m’en vient à la bouche53
Pour ung seul regard. Quel visaige !)
TENDRECTE
Suis-je bien gencte de corpsaige54 ?
RESJOUY
(Sy trèsgente qu’il n’y fault rien55.)
TENDRECTE
95 Mes habitz me si[é]ent-ilz bien ?
RESJO[U]Y
(Si trèsbien que c’est ung plaisir !)
TENDRECTE
Suis-je femme pour bien servir ?
RESJOUY
(Servir ? Que fusse vo56 servant !)
TENDRECTE
Suis-je bien, derrière et devant57 ?
RESJOUY
100 (Devant toutes suppellative58 !)
TENDRECTE
Et vive telle femme, vive !
RESJOUY
(Vive Dieu59 ! je meurs de douleur.
Iray-je, par mon Rétempteur60 ?
Il n’a rien, qui ne s’aventure61.
105 Hé ! sang bieu, quelle créature !
Je m’y en voys62, bon gré ma vie !
Jà couhard63 n’aura bel[le] amye.)64
.
Vén[u]s, la déesse d’Amours, SCÈNE III
Qui est des amoureux secours65,
110 Vueille garder la noble Dame !
TENDRECTE
Et vous, sire !
RESJOUY
Et ! sur mon âme,
Palas a mis tout son povoir
Pour66 de saigesse [vous] pourvoir,
Espoir de noble secourance !
TENDRECTE
115 Ha, quel raillard !
RESJOUY
Toute plaisance
Et richesse dame Juno67,
Sans arrester68 ne dire « ho ! »,
Vous vueille, en [tout] bien, maintenir !
TENDRECTE
Dieu vous vueille bien soustenir,
120 Et si, vous gard69 !
RESJOUY
Hélas, m’amye !
Alétho70, nourrice d’Envie,
Soit71 mise à mort ! [Et] com on dit,
Très supellatif72 appétit :
Tout honneur !
TENDRECTE
Voz motz sont haultains73.
RESJOUY
125 Ilz sont trèstous de plaisir taints ;
Mais par leur droit, ilz sont infâmes :
Je ne sçay saluer les Dames,
Excusez l’imperfection.
TENDRECTE
[Et] quel est vostre intention ?
RESJOUY
130 Seullement tout vostre gré faire.
TENDRECTE
De cela vous povez bien taire74 !
RESJOUY
J’ay tousjours sur vous mon regard.
TENDRECTE
Vous venez ung petit bien tard75.
RESJOUY
Je me tiens vostre serviteur.
TENDRECTE
135 Mectez en aultre76 vostre cueur !
RESJOUY
Auray-je point, de vous, secours ?
TENDRECTE
Faictes ailleurs aultres amours !
RESJOUY
Seray-je de vous escond[u]it ?
TENDRECTE
Encore n’estes-vous pas duyt77 ?
RESJOUY
140 Ayez pitié du compaignon !
TENDRECTE
Je ne veulx point d’amoureux, non !
RESJOUY
Vostre regard seul est ma joye.
TENDRECTE
Advisez bien tost aultre voye,
Becjaulne78 ! Où cuidez-vous estre ?
145 Advisez l’huis79 ou la fenestre,
« Transsi d’Amours », ligièrement80 !
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RESJOUY SCÈNE IV
Ha ! ventre bieu, quel parlement81 !
On m’a baillié d’ung plat reffus.
Je ne fus onc aussi camus82,
150 Ce cuyday-je, en mon vivant83.
Je m’en ira[y], tout de ce vent84,
Le dire à Gaultier Guillaume.85
.
C’est la plus belle du royaume. SCÈNE V
GAULTIER
Raige ?
RESJOUY
Raige.
GAULTIER
Plaisir ?
RESJOUY
Plaisir ?
155 Ung grant désir !
GAULTIER
Ung grant désir ?
RESJOUY
Triumphe[r] !
GAULTIER
Tu me dis merveilles.
Dy tout !
RESJOUY
Unes joues86 vermeilles,
C’est ung fait trèstout supernal87.
GAULTIER
Tant, dea ?
RESJOUY
Trésor espécial88.
160 Ung tronc de vertus89, sur mon âme !
GAULTIER
Qu’as-tu ?
RESJOUY
Quoy ? La plus belle femme
Qui fut oncques depuis Hélainne,
Une myne de beaulté plaine,
Source de parfaicte nature ;
165 C’est la plus belle créature.
Onc90 mon parler n’y ne peu[s]t souffire :
Escripvain ne pourroit escripre
Sa beaulté en quatre cens livres ;
Elle poise plus, trente livres91,
170 Que femme qui fut oncques veue.
GAULTIER
Comment l’as-tu si bien congneue ?
RESJOUY
Congneue d’ung seul regarder.
GAULTIER
Tu es fin92 hoste ! Sans tarder…
RESJOUY
Tarder ? Je ne sçay que je dis.
175 Elle vous a ung si doulx rids93,
Ung nez traictifs94, ung œil riant,
Les doys tous plains de beaulx rubis,
Le plus gentil museau friant.
Elle est femme pour avoir pris.
180 Je suis de son amour espris95
Si trèsfort qu’aller m’y convient.
GAULTIER
Mais dis-tu à bon escient96 ?
RESJOUY
Jamais ne puisse de vin boire
S’el[le] n’est toute en mon mémoire97
185 Au plus parfond98 de ma cervelle !
GAULTIER
Resjouy d’Amours, qui est-elle ?
RESJOUY
Que je le die ? Pour mourir99 !
Il m’y fault encore courir :
Son regard est[e]int tous mes maulx.
190 Mais vélà : certes, se je faulx100,
Je croy qu’il est fait de mon fait101.
.
Dieu gard ce trésor, tant parfait SCÈNE VI
Que nully ne le peut avoir102 !
TENDRECTE
Qui vous [r]amaine cy103 ?
RESJOUY
Vous veoir.
TENDRECTE
195 Esse la cause ?
RESJOUY
Pour certain.
TENDRECTE
Que quérez-vous ?
RESJOUY
Ung cueur humain.
TENDRECTE
Pour quoy faire ?
RESJO[U]Y
Pour me déduyre104.
TENDRECTE
Que servez-vous105 ?
RESJOUY
À vous106 conduyre.
TENDRECTE
Aultre chose ?
RESJOUY
Tant107 seullement.
TENDRECTE
200 Vuidez bien tost d’icy108 !
RESJOUY
Comment !
Sans avoir…
TENDRECTE
Quel « avoir » ?
RESJOUY
Déduyt109.
Vostre amour me suyt
De jour et de nuyt.
Consommez le cas !
TENDRECTE
205 Comment tel feu cuist !
Trop hault parler nuyst :
Pour Dieu, parlez bas !
RESJOUY
Et ! on dit tousjours
Des propos d’amours
210 Que femme est piteuse110.
TENDRECTE
Chacun a son cours.
Vos motz sont trop lours111,
A bouche venimeuse.
RESJOUY
[M’en] iray-je ainsi,
215 D’amours tout transsy,
Sans secours avoir ?
TENDRECTE
C’est peu de soucy.
RESJOUY
Je vous cry mercy !
TENDRETTE
C’est bon à sçavoir :
220 Vous faictes debvoir112.
Mais je ne sçay pas du salaire.
RESJOUY
Ha ! Fortune, tu m’es contraire113.
Seray-je tousjours langoureux114 ?
TENDRETTE
Hélas ! Entre vous, amoureux,
225 Vous estes si trèsbeaux parlans,
Monstrans chières115 et beaulx semblans ;
Et en derrière116, vous raillez.
RESJOUY
Ha ! quelz fins metz117 vous me baillez !
Railler, c’est à faire à raillars,
230 Railleurs remplis de raillerie.
[TENDRETTE]
Quelz « raillars » ? Sont-ce pas « paillars » ?
Ouy ! Et qui fait la raillerie ?
Jamais, quelque chose qu’on die118,
Bien n’en viendra, c’est fait notaire119.
[RESJOUY]
235 Secourez-moy, je vous en prie !
Maintenant, il est nécessaire.
TENDRETTE
Or çà, doncques ! Sans point distraire120,
Se mon cueur à vous s’adonnoit,
Certes, tout chascun le sçauroit,
240 Dont je seroyes trèspouvre lasse.
RESJOUY
Ha, m’amye ! Que je da[i]ngnasse121
En dire mot ? La mort, la mort
Vouldroyes avoir !
TENDRETTE
Aussi, grant tort
Aurez de [le] faire aultrement.
245 Et de cest heure proprement,
Ma seul[e] amour je vous octroye.
RESJOUY
Grant mercis, le trésort de joye !
De joye, tout le cueur me serre.
Serray suis en noble monltjoye122,
250 Monltjoye123 de trèsnoble pierre,
Pierre précieuse sans terre,
Terre que nul n’a peu requerre.
TENDRETTE
Au surplus, dictes, mon amy :
Mis ay en vous tout mon espoir ;
255 Mais pensez que se mon mary
Le sçavoit…
RESJOUY
Oustez ce « sçavoir » !
Jamais ung seul mot n’en sçaura.
Tout aussi tost qu’il demour[r]a,
Viendray124. Adieu, Turelupin125 !
260 Je hay, tant qu’est à moy, hutin126
[Plus] que ne penseriez jamais,
Croyez.
TENDRETTE
Aussi n’est-il que paix127.
RESJOUY
Mais de l’eure il [nous] fault pourvoir.
TENDRETTE
À quatre heures venez me128 veoir
265 — Entendez-vous ? — soit tort ou droit129.
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RESJOUY SCÈNE VII
Je m’en vois, comment que ce soit130,
À Gaultier Guillaume le dire.
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J’ay ! SCÈNE VIII
GAULTIER
Quoy ?
RESJOUY
Joye !
GAULTIER
Tu me fais rire.
RESJOUY
Nect, nect !
GAULTIER
Dieulx, que tu es joy[e]ux !
RESJOUY
270 Plaisamment !
GAULTIER
Mais qu’as-tu, dea ?
RESJOUY
Mieulx :
Elle m’a desjà baillé l’eure.
Il ne fault pas que je demeure,
Ce seroit pour gaster mon fait131.
GAULTIER
Beau sire, dy-moy, s’il te plaist,
275 Qui elle est.
RESJOUY
De cela, rien, [rien] !
C’est une très femme de bien132,
[Très]toute en beauté compassée133.
GAULTIER
Esse point…
RESJOUY
Qui ?
GAULTIER
J’ay en pensée
La chose.
RESJOUY
N’est pas la « chosecte134 » ?
280 On la nomme, par nom, Tendrette135.
Qu’il n’en soit mot136 ! Ou, sur mon âme…
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
RESJOUY
Sa maison est de bas estage137 ;
Et si138, est de trèsbel ouvraige,
285 Trèsplaisante, Gaultier Guillame139.
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
Vous y demour[r]ez140, seurement ?
RESJOUY
[Ouy], à quatre heures justement.
Si141, s’en va Resjouy d’Amours.
GAULTIER
290 (On vous baillera d’aultres tours…
Quel fin varlet142 !)
RESJOUY
Je m’y en vois.
.
GAULTIER SCÈNE IX
Vous aurez visayge de bois143,
Par sainct Jacques, maistre putier !
.
RESJOUY 144 SCÈNE X
Où est-il ?
TENDRETTE
Il fait son mestier.
295 Faisons grant chière145, je vous prie !
RESJOUY
Je vous requier, [ma] chière amye,
Ung baiser pour commencement.
TENDRETTE
Trois pour ung146 !
RESJOUY
De l’odorement147
Seullement, c’est feu, sur mon âme !
.
GAULTIER 148 SCÈNE XI
300 Ouvrez l’huys !!
TENDRETTE
Hélas, Nostre Dame !
RESJOUY
Qui esse ?
TENDRETTE
Hélas, Resjouy,
C’est mon mary.
GAULTIER
Sus, tost !!
RESJOUY
Est149 ?
TENDRETTE
Ouy.
Que ferez-vous ?
RESJOUY
Je suis perdu !
Mais pourquoy y suis-je venu ?
305 C’est ma fin ; aussi devoit estre.
GAULTIER
Qu’esse-cy ? Seray-je point maistre ?
Viendra-on point ?
TENDRETTE
Tant150 que je puis !
GAULTIER
Par le sang bieu, je rompray l’huis !
RESJOUY
[Hé]las, que je fusse en ung lac151 !
TENDRETTE 152
310 Tenez, mectez-vous en ce sac
Acoup : il ne vous verra point.
RESJOUY
Il me viendra trèsbien à point153 ;
Ostez les lettres !
TENDRETTE 154
Tout est hors.
RESJOUY 155
Mettre y fault [la] teste et [le] corps.
315 Adieu Resjouy : il est mort.
TENDRETTE
Taisez-vous !156
GAULTIER
Çà !
TENDRETTE
Vous avez tort !
Sçavez-vous ung petit attendre157 ?
GAULTIER
Je pry à Dieu qu’on me puist pendre
S’il n’y a ung gallant céans !
320 Je bouteray le feu dedens :
S’il y est, je le sçauray bien,
Mort bieu !
TENDRETTE
Certes il n’en est rien.
GAULTIER
Par le sang bieu ! je l’ay ouÿ.
RESJOUY
(Or, à Dieu command158 Resjouy.
325 Je suis bien cy tenu de plat.)
GAULTIER
Qu’esse que j’os159 ?
TENDRETTE
C’est nostre chat.
GAULTIER
J’ay bien fait, dessus vous, escout160.
TENDRETTE
Et ! laissez !
GAULTIER
Je brûleray tout :
Bancs, huches, coffre[s] et fenestres !
TENDRETTE
330 Pour Dieu, gardez161 le sac aux lettres !
GAULTIER
Me fera-on chausser les guestres
Jaques Bonhomme162 ?
TENDRETTE
Nostre Dame !
[Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?]163
Pour Dieu ! gardez le sac aux lettres,
335 Mon amy : c’est nostre chevance164.
GAULTIER
Et ! je feray [rendre sentence]165,
C’est tout certain : il n’y a tel166.
TENDRECTE
Jhésus !
GAULTIER
Ostez-le de l’hôtel167
Ou, certes, tout je brusleray !
TENDRECTE
340 Atendez, je l’e[n] osteray,
Mon amy. Et pensez à vous168 !
GAULTIER
Je cuidoye bien estre coux169 ;
Toutesfois, je n’y voy personne.
Le grant courroux que tu me donne
345 Me fait pis !
.
TENDRECTE 170 SCÈNE XII
Allez-vous-en tost !
RESJOUY
Je sents desjà ung peu le rost171.
Adieu, je n’y reviendray plus !
Et ! par mon âme, je concluds
[Qu’oncques follie ne feray-je]172
350 D’aller veoir femme[s] en mesnaige173.
[TENDRECTE]
Adieu, Resjouy, pour jamais !
.
GAULTIER SCÈNE XIII
Certes, je ne suis point en paix.
Je ne cuidoyes point, sur ma foy,
Qu’il n’y eust174 quelq’un avec toy,
355 Se le grant dyable ne t’emporte(s) !
TENDRECTE
J’aymeroyes plus cher175 estre morte,
Gaultier, qu’il176 me fust advenu !
GAULTIER
Onc177 homme ne fut mieulx tenu,
Tout seurement, qu’il eust estay.
TENDRECTE
360 (Le meschant, il s’est bien gastay178 :
Quant il a eu la belle dame,
Il l’a dit à Gaultier Guilla(u)me.
Tenez, quel noble serviteur !
Il ne sçauroit garder l’honneur
365 À une femme de fasçon179.)
.
RESJOUY SCÈNE XIV
À Dieu command le compaignon180 !
Je suis trèsbien à point party.
Sur ma foy ! j’estoye [jà rousty]181,
Se Tendrecte ne m’eust ostay ;
370 Et [si, j’]eusse estay bien frotay182 !
Aussi ay-je fait meschamment183 :
C’estoit la femme proprement
Ad cil à qui mon cas disoye184.
.
GAULTIER SCÈNE XV
Ce n’est pas ce que je cuidoye.
375 Sus avant, allons-m’en disgner185 !
Aussi, le grant dyable d’Enfer
M’a bien fait faire cest ouvrage186.
TENDRETTE
Vous avez brûlay le mesnaige :
N’esse pas grande mesch[é]ance187 ?
GAULTIER
380 Vélà : j[e n’]estoie en doubtance188
De faire maulvaise besongne.
.
Mais vélà, qui qu’en grongne,
Nous en allons sans plus d’eslongne189,
Mes seigneurs. Pour laquelle chose,
385 Nous vous prions [bien] tendrement
Que vostre vouloir se dispose
À nous pardonner plainement.
Jalousye, certainement,
Faict parfaire maincte follie.
TENDRETTE
390 J’ay joué190 assez finement.
Adieu toute la compaingnie !
.
EXPLICIT
*
1 Répertoire des farces françaises, 1993, pp. 377-9. 2 Cet avocat discute au Palais de justice avec son ami Gautier Guillaume, qui est procureur. Le début aligne péniblement des rimes fratrisées qui sacrifient le sens à la forme ; l’imprimeur n’y a rien compris, et les corrections que je propose valent ce qu’elles valent. 3 Ce mot est féminin, comme au vers 246. 4 F : Fais (Par mes actes. « Autant par dict comme par faict. » Le Trocheur de maris.) 5 F : Contredit ie men iroye (Contre dix adversaires, je manierais des arguments rhétoriques. C’est un avocat qui parle.) 6 Bien malgré moi. Cf. le Chauldronnier, vers 86. « I-rai-e » compte pour 3 syllabes. 7 Au premier abord. Cf. les Gens nouveaulx, vers 274. 8 F : femme (À la rime. « De vous, partout, court si très noble fame/ Qu’on ne vous puet, c’est bien chose informée,/ Assez louer, ma redoubtée dame. » Christine de Pizan.) Un rosier arrosé d’une si bonne réputation. 9 Affamé de sexe comme un grand chien. En général, le violeur est un loup : « –Nous aurons voz deulx brus par force !/ –Vous mentirez, loups affamés ! » Les Brus. 10 Exécuter un mouvement de va-et-vient. Ce verbe possède encore le même sens libre : cf. le Dictionnaire érotique de Pierre Guiraud, p. 418. 11 En bas étage. Désigne le bas-ventre d’une femme, tout comme les basses marches, la basse contrée, la basse cour, la basse cheminée, la basse bouche, etc. 12 F : Gamay seray (J’essaierai ma gamme jusqu’à la dernière note : je tirerai le maximum de mon « instrument ».) La « gamme », ou la « naturelle gamme », est en rapport avec le coït : « Une belle femme/ Qui appétoit le ‟bas mestier”/ En faisant recorder sa game. » Repues franches. 13 De me casser les reins, de devenir impuissant. « (Ce lévrier) couvrit toutes les chiennes du pays, [lui] qui auparavant estoit esréné et de frigidis et maleficiatis [impuissant]. » Gargantua, 42. 14 Ton épouse joue-t-elle un peu à la grande dame ? 15 F : le (L’insurpassable. « Car entre les hommes parfaictz,/ Cestuy-cy est la passeroute. » Godefroy.) 16 Un coup. Faire le saut = se faire sauter : « Il luy tarde/ Qu’el face le sault Michelet. » Guillaume Coquillart. 17 F : pesant (Aussi agréable à voir qu’une friche, qu’un terrain vague. « En ung beau frische descouvert. » ATILF.) 18 Est-elle habile. La biche est une fille légère : cf. le Faulconnier de ville, vers 305 et 331. 19 On compare les vagins trop larges à de vieilles bottes. Cf. les Cris de Paris, vers 111-3. 20 Des aboiements contre toi. « Le mastin du logis commence à abbayer, et avec son baubau appelle son maistre. » Godefroy. 21 Incroyable. 22 F : embrassee (Je corrige la même faute aux refrains 35 et 45.) Quel embrasement ! 23 La poitrine polie. « Mon tendron, ma gorge frazée ! » Raoullet Ployart. 24 Bien fait. « Vous avez le corps tant faictifz. » Les Coppieurs et Lardeurs. 25 Comme s’il était modelé dans de la cire. « Elle vous a ung corps tant gent,/ Et est faicte comme de cire. » Serre-porte. 26 S’achèvera là. « Vi-e » compte pour 2 syllabes. 27 J’ai un peu de tracas. 28 Bien tourné. Idem vers 176. « Ce corps traitif, ces rains toufus. » Les Mal contentes. 29 Je te la garantis. 30 F : comme (Fort désirée par les hommes.) 31 Un plaisir. 32 F : sorcier (C’est ce que nous souhaitons tous.) 33 Elle est chez elle et se contemple dans un miroir, devant sa fenêtre ouverte. Une « farce des amoureux » intitulée Tendrette est nommée au vers 266 des Vigilles Triboullet (~1458). 34 F : gracieux (À la rime.) 35 Il passe devant la fenêtre ouverte, et se fige en découvrant Tendrette. Sans être vu ni entendu, il commente ce beau spectacle. 36 Nous dirions : Elle jette des flammes ! Dans son édition* de cette farce qui s’achève en incendie, Jelle Koopmans a relevé un nombre étonnant d’allusions au feu : vers 28, 57, 205, 299, 320, auxquelles j’ajouterai le vers 180. *Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 273-283. 37 S’il. La formule courante est : Nul n’a bien. 38 Quel miroir aux alouettes pour attirer les jolis cœurs. 39 F : tiucellans 40 Les rayons. 41 F : obayer (Pour parer. « Pour obvier à la surprise. » Pour le Cry de la Bazoche.) 42 Petit museau, minois. Cf. le Faulconnier de ville, vers 278. 43 Le prix de beauté. Idem vers 179. 44 Suis-je trop grosse, ou trop maigre ? 45 F : cueur (À la Cour de justice, où le mari de Tendrette est procureur.) On retrouve cette question proverbiale dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre : « –Que dict-on en Court ? –Qu’on y dit ? » 46 F répète : en cueur pour deuis / Quen dit on 47 Gonflé. Le bourrelet du chaperon est creux. « Çà, mectez-moy mon chapperon !…/ Il va abatre le soufflet,/ Et il deust estre plain de vent. » Le Povre Jouhan : la coquette de cette farce a beaucoup de points communs avec la nôtre. 48 brmbrectes (Mes testicules. « Ces fillettes/ Qui ayment le jeu des billètes. » Sermon pour une nopce.) Les fatras sont les parties cachées des femmes : « S’elz ne monstrent tout le fratras. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. Guillaume Coquillart baptise une prostituée « Olive de Gatte-fatras ». 49 Nous (forme normande). Bras à bras = enlacés : cf. le Povre Jouhan, vers 147. 50 Que du plaisir ! 51 Trônant sur une joue blanche. 52 Admettons. 53 F : mouche (« La salive me vient en bouche :/ Baisez-moy ! » Le Povre Jouhan.) 54 De corps. « De beau corsaige. » Le Povre Jouhan. 55 Qu’il n’y manque rien. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 99. 56 F : vostre (Apocope normanno-picarde du pronom votre. « La main dans vo pouquette [dans votre poche]. » La Muse normande.) Que je sois votre servant ! 57 « –Assez belle estes par-devant,/ Mais le derrière gaste tout…./ –Suis-je bien ? » Le Povre Jouhan. 58 Supérieure à toutes les autres. 59 F : cueur (« Vive Dieu ! je feray cecy. » La Somme des péchéz.) 60 Mon Rédempteur = mon Dieu. 61 Celui qui ne prend pas de risques. Sur ce vers proverbial, voir la note 3 de la Mère de ville. 62 J’y vais. Idem vers 266 et 291. 63 Jamais un peureux. L’auteur s’inspire de la farce du Dorellot : « Jà homme couart/ N’acquerra jamais belle dame./ Iray-je ? Et ouy, sur mon âme :/ Il n’a rien, qui ne s’adventure. » Mais il se souvient également d’un proverbe dont le théâtre fit ses choux gras : « Jà couart n’ara belle amie,/ Car il ne la saroit garder. » Mystères de la procession de Lille. 64 Réjoui d’Amour entre chez Tendrette. 65 Qui est le secours des amoureux. 66 F : De vous (Pallas Athéna, déesse de la sagesse, est surtout invoquée par les fous : cf. les Sotz escornéz, vers 261.) 67 Junon, l’épouse de Jupiter. 68 F : marrester (Sans tarder. « Vien tost à moy sans arrester ! » Mahuet.) Sans dire « ho ! » : sans dire « stop ! » au cheval. 69 Et aussi, qu’il vous garde ! 70 Alecto est l’une des Érinyes. 71 F : Est 72 Superlatif, supérieur. Idem vers 100. 73 Trop hauts, trop nobles. 74 Vous feriez mieux de vous taire. « Il s’en peult bien taire ! » Pates-ouaintes. 75 Un peu trop tard, car je suis mariée. Ou bien : car j’ai fini de m’habiller. 76 Dans une autre femme. 77 Instruit de mes volontés. 78 Béjaune, blanc-bec. 79 Prenez la porte, fichez le camp ! « Avisez l’huys de la maison ! » Les Sobres Sotz. 80 F : liguerement (Rapidement.) Tendrette parodie le nom de son adorateur ; d’après le vers 301, elle connaît ce nom. Mais voir le vers 215. Réjoui d’Amour s’enfuit. 81 Quel discours. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 32. 82 Penaud. Cf. Gautier et Martin, vers 156. 83 Dans toute ma vie. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 23. 84 Les marins disaient aussi « tout d’un vent », ou « tout d’un mesme vent ». 85 Réjoui d’Amour retourne au Palais de justice. 86 Une paire de joues. « Unes joues rondes et vermeilles. » G. Coquillart. 87 Supernel, suprême. 88 Parfait. F ajoute dessous une réplique de Gaultier : Comment 89 Nous dirions : c’est un dragon de vertu. 90 F : Que (Jamais ma parole ne pourrait suffire à la dépeindre.) 91 Elle vaut 30 livres de plus. 92 F : ung (Tu es un malin. « Ma foy, que tu es ung fin hoste ! » Les Enfans de Borgneux.) 93 Ris : rire. 94 Bien dessiné. « Elle vous a uns yeulx petis,/ Ung nez mignot assez tratis. » (La Pippée.) « Les yeulx rians, le nez traitifz. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) 95 F : surpris (Enflammé. « Qui est si fort d’amour espris. » Poncette et l’Amoureux transy.) 96 Parles-tu sérieusement ? Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 542. 97 Ce mot était parfois masculin : cf. le Pourpoint rétréchy, vers 317 et note. 98 Profond. 99 Plutôt mourir ! Cf. le Chauldronnier, vers 53 et note. 100 F : fault (Si j’échoue. Cf. la Mère de ville, vers 27.) 101 C’en est fait de mes projets. Réjoui d’Amour quitte le Palais de justice et entre chez Tendrette. 102 F : scauoir (Que nul ne peut l’avoir.) 103 « Las ! mon amy, qui vous ramaine ? » Frère Guillebert. 104 Pour y prendre du plaisir. 105 F : scauez vous (Quel est votre métier ? Tendrette vérifie si son prétendant aura les moyens de l’entretenir : cf. le vers 221.) 106 F : nous (À vous conseiller dans votre intérêt. Les plaignantes de Jehan de Lagny embauchent un avocat : « Messire Jehan Virelinquin/ Est bien homme pour nous conduyre. ») 107 Cela. 108 Videz les lieux, allez-vous-en ! « Se ne vuidez d’icy bien tost. » Le Mince de quaire. 109 Du plaisir. 110 Que les femmes prennent en pitié les mots d’amour. 111 F : cours (« Pardonnez-moy si mes motz sont trop lourdz. » Clément Marot.) 112 Votre devoir d’amoureux. 113 « Fortune, tu m’es bien contraire. » Les Gens nouveaulx. 114 Atteint de langueur, malheureux. « Ne suis-je pas bien langoureux,/ D’avoir esté si amoureux/ D’une femme qui tousjours pette ? » Poncette et l’Amoureux transy. 115 Faisant bonne figure. 116 Derrière notre dos. 117 Peut-être faut-il lire motz : quels mots caustiques. 118 F : crie (Voir le vers 55.) Quoi qu’on en dise. « Ma foy, quelque chose qu’on dye. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 119 C’est un fait notoire. 120 Sans qu’on s’écarte du sujet. 121 Que j’ose. 122 Dans un bonheur suprême. 123 Un tas. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 197. 124 F : Venir (Dès que votre mari restera à son travail, je viendrai.) 125 Un turlupin est un religieux hypocrite : cf. la Pippée, vers 441. Ici, nous avons sans doute un refrain de chanson. 126 Quant à moi, je hais le grabuge. 127 Il n’y a que le silence qui importe. 128 F : pour 129 D’une manière ou d’une autre. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 784. 130 Je vais, quoi qu’il en soit. Réjoui d’Amour retourne au Palais. 131 Paraphrase de deux expressions convenues. 1) Les nourrices paresseuses disaient : Cela risquerait de gâter mon lait. 2) Les femmes enceintes disaient : Il ne faut pas gâter mon fruit. Cf. Sœur Fessue, vers 213. 132 « C’est une très-femme de bien. » Estienne Tabourot, Apophtegmes. 133 Façonnée harmonieusement. « Dame en qui compassée/ Sera beauté. » ATILF. 134 Ne penses-tu pas plutôt à la bagatelle, au coït ? Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 234 et note. 135 L’auteur oublie que Tendrette n’a pas dit son nom, à moins que des vers n’aient disparu. 136 N’en parle pas. 137 Est de plain-pied. 138 Et pourtant. 139 F : guillome (La rime normande est en -ame, comme à 362. Cf. le Ribault marié, vers 298 et note.) 140 Vous resterez dans sa maison, elle et toi ? 141 Aussi. 142 F : varler (Quel sournois ! « Tant il y a de fins varletz ! » Jeu du Prince des Sotz.) 143 « Visage de bois : la porte fermée. » (Antoine Oudin.) Dans un dialogue de l’Escole des femmes tout à fait similaire au nôtre, Molière dira : « La porte au nez ! » 144 Il entre chez Tendrette, et lui demande où est son mari. 145 Lorsqu’un amant va chez sa maîtresse, les réjouissances débutent par un banquet bien arrosé : « Car j’ey préparé le banquet :/ Récréon-nous, faison grand chère ! » (Lucas Sergent.) Mais « grand chère » désigne aussi les plaisirs de la… chair : « Chagrinas vous fait-il grant chère ? » (Chagrinas.) À l’origine, ce vers et le suivant étaient disposés ainsi : « –Je vous prië, faisons grant chière./ –Je vous requier, m’amyë chière… » J’en veux pour preuves les vers 43 et 45 de Frère Frappart, et les vers 86 et 87 du Testament Pathelin. 146 Je vous en rendrai trois quand vous m’en donnerez un. Le couple s’embrasse. 147 Le parfum de vos baisers. 148 Il cogne contre la porte, qui est fermée de l’intérieur. Bien entendu, cette porte est aussi symbolique que l’incendie final. 149 C’est lui ? 150 Aussi vite. 151 Si je pouvais être dans un lac plutôt qu’ici ! 152 Elle attrape un grand sac de toile. Les hommes de loi — et donc les procureurs — y fourrent leurs papiers : cf. le Testament Pathelin, vers 10, 28, 41, etc. Entre autres paperasses, lesdits sacs contiennent des lettres : « Vous ne chanteriez que de sacz/ Et de lettres. » Le Testament Pathelin. 153 Ce sac vient à point nommé. 154 Elle vide le sac. Les lettres de procuration jonchent le sol, et c’est elles que Gautier Guillaume, aveuglé par la jalousie, va flamber. 155 Il entre dans le sac. Voir la note 150 du Villain et son filz Jacob. 156 Elle ouvre la porte à son mari. 157 Ne pouvez-vous pas attendre un peu ? 158 F : comment (Je recommande à Dieu. Voir le vers 366.) 159 Que j’ois, que j’entends. Gautier a perçu les plaintes de Réjoui d’Amour. 160 Je vous ai bien écoutée, quand j’étais derrière la porte. « Je suys en escoust. » (Le Monde qu’on faict paistre.) Gautier prend une boîte d’allumettes ; son épouse tente de la lui arracher. 161 Prenez garde, épargnez. 162 Nom générique des paysans qui se laissent piller : « Je souhaite, dessus Jacques Bon-homme,/ Vivre de hait. » (Les Souhaitz du Monde.) Les paysans ne protégeaient pas toujours leurs sabots avec des guêtres ; il serait donc plus judicieux de lire « les guêtres d’un gentilhomme » : « Ne porte-il pas bien la guestre/ Pour estre ung vaillant gentilhomme ? » (Légier d’Argent.) Auquel cas, l’expression signifierait « être cocu », partant du principe que dans les farces, les nobles le sont bien souvent : cf. le Gentil homme et Naudet, le Poulier à sis personnages, etc. Mais il y eut peut-être une farce des Guestres Jaques Bonhomme, qui ferait pendant à celle des Botines Gaultier. 163 Vers manquant. J’emprunte le vers 142 des Queues troussées. 164 F : cheances (Notre gagne-pain. « Mon or, mon argent, ma chevance. » Ung jeune moyne.) 165 F : tout une dance (Je vous ferai condamner par un juge. Les Basochiens raffolent des sentences : « Vous rendre la sentence au poing. » Pour le Cry de la Bazoche.) 166 Il n’y a rien de tel. Cf. Jolyet, vers 20. 167 F : lothel (Ôtez le sac de la maison.) 168 Pendant qu’il fera attention à lui, le mari ne fera pas attention à ce que fait son épouse. 169 Cocu. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 769 et 838. 170 Elle traîne le sac dans la rue, l’ouvre, et en fait sortir son amant. 171 Je sens le rôti. 172 Vers manquant. « C’onques folie ne fis. » Roman des Sept Sages. 173 Mariées. 174 Qu’il n’y ait pas. Les deux négations s’annulent, comme aux vers 317-8 du Gallant quy a faict le coup. On doit donc comprendre : Je pensais qu’il y avait quelqu’un avec toi. 175 J’aimerais mieux. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 859. 176 Plutôt que ce déshonneur. 177 F : Que (Jamais. « Onc homme ne fut mieulx souillié. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 178 Réjoui d’Amour s’est bien compromis. 179 De qualité. « Vous estes femme de façon. » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 180 Je me recommande à Dieu. Voir le vers 324 181 F : a roussy (« Je suis jà demy rousty. » Pantagruel, 14.) 182 Et aussi, j’aurais été frotté par le bâton de Gautier. Cf. la Laitière, vers 200. 183 J’ai agi maladroitement. 184 À celui auquel je racontais mon affaire. 185 Allons dîner à la taverne. 186 Cet incendie. Ou cette farce. 187 Un grand malheur. 188 Je ne pensais pas. 189 Sans plus de tergiversations. Le congé s’adresse au public masculin de la Basoche. 190 F : iouye
LE RAPORTEUR
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LE RAPORTEUR
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Le semeur de zizanie qui manipule les personnages de cette farce rouennaise n’a rien à gagner, à part des coups ; il œuvre pour l’amour de l’art, puisque la médisance poussée à un tel degré relève du grand art. Le Raporteur, écrit vers 1510, a de nombreux points communs avec les Chambèrières et Débat, mais il n’en a aucun avec la sottie des Rapporteurs.
En 1499, Louis XII avait institué par lettres patentes la Basoche de Rouen. Cette confrérie studieuse et néanmoins joyeuse, imitant son illustre aînée parisienne, s’adonnait au théâtre ; nous en avons un exemple avec le Ribault marié. En voici un nouvel exemple, si l’on en juge par ses nombreuses références au monde judiciaire. Dans cette farce, nos clercs de procureurs prennent pour tête de Turc un rapporteur, c’est-à-dire un officier de Justice qui rend compte des procès. Ils n’oublient pas non plus d’égratigner leurs rivaux, les Conards de Rouen, qu’ils traitent de cocus à quatre reprises.
Source : Manuscrit La Vallière, nº 30. Beaucoup de vers ont été rayés, expurgés ou rénovés au début du XVIIe siècle, sans doute en vue d’une publication ; je m’en tiens à l’original chaque fois que le ratureur* ne l’a pas rendu illisible. Les éditeurs de 1837 n’ont pas pris tant de peine, et tous ceux qui, faute de mieux, ont lu les 509 vers de leur édition auront d’heureuses surprises s’ils les comparent aux 545 vers non censurés que voici. Mais ne soyons pas médisant. *C’est le même remanieur qui a sévi dans le Tesmoing et dans l’Arbalestre. En revanche, les vrais chefs-d’œuvre du manuscrit La Vallière n’ont pas eu l’heur d’intéresser les hommes du XVIIe siècle.
Structure : Rimes plates, avec 4 triolets.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce du
Raporteur
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À quatre personnages, c’est assavoir :
LE BADIN
LA FEMME [Catherine]
LE MARY
et LA VOYESINE [Janeton]
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LE BADIN commence 1 SCÈNE I
Trop me desplaist le séjourner2 :
Je ne fais cy que m’amuser3.
À perte ou gain, n’a que courage4.
Sy j’ey jamais femme, je gage,
5 Vous en vouérez tost de mar[r]is.
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LA FEMME 5 SCÈNE II
Comment ! est-il dict que maris
Seront maistres en la maison ?
Nennin, vrayment, pas n’est raison !
Trop l’ont tenu pour bien aquis.
10 Est-ce le temps et la saison
Que les femmes n’ont plus saison
D’estre mêtresses ? Quel devys !
Seront il mêtresses en la maison.
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LE MARY 6 SCÈNE III
Voécy ma femme. C’est raison,
15 Y fault bien que je la recorde7.
Je jouray par-dessus la corde8.
Cordin, cordel9. Quant me recorde10,
Concordant je concorderay11.
À la corde descorderay12 :
20 J’entens recorder13 ma voysine.
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LA FEMME SCÈNE IV
Cecy14 me poyse sur l’échyne :
L’honneur des femmes est mys au croq15.
Poulle[s] chantront16 devant le quoq
Avant qu’i soyt la fin de moy17.
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LE BADIN 18 SCÈNE V
25 Dea ! [ma] voy(e)sine, acolez-moy !
Je suys joyeulx de vostre vue.
LA FEMME
J’ey bien désiré ta venue,
Amy : tu soys le bien venu !
Est-il rien de bon survenu ?
30 Je te pry fort, conte-le-moy !
Tu m’ôteras de tout esmoy
De ce que j’ey.
LE BADIN
Je n’eusses pas pensé,
Ma commère, [qu’eussiez passé]19
Le diffame en ceste sorte.
LA FEMME
35 Et quoy, Jésus ?
LE BADIN
Dèrière la porte,
………………………….. 20
Le trouvys qui se démenoyt ;
Elle sy fort le tourmentoyt
[Qu’il me]21 sembloyt (m’estoyt advys)
Qu’il estoyent plus fors qu’ennemys22.
40 Y sembloyt — ou23 je suys trompé —
Qu’il estoyt quasy achopé24 :
Par ma foy ! y n’en pouvoyt plus.
Y l’ont faict quatre foys ou plus.
Mais devynez de la matière25.
LA FEMME
45 C’est mon mary et la chambèrière ?
Jésus ! je suys désonorée.
Il en mauldira la journée,
Et l’en punyray, de ma part !
Ma foy, je le feray conart26,
50 Ou je le batray bien mon soûl !
LE BADIN
Encor est-il beaucoup plus foul
De soy vanter parmy la rue
Que quatre foys vous a batue.
Je m’esbaÿs d’u[n tel] diffame.
55 Vous qui estes fille de Dame27,
Soufrir par un vilain testu
Que vostre honneur soyt abatu,
C’est assez pour vif arager28 !
Sy je ne m’en pou[voy]es venger,
60 Ma foy, je le feroys cocu29.
LA FEMME
Compère, me conseilles-tu
Que toult à mon aise le bate ?
LE BADIN
Escoustez-moy, par saincte Agate !
Ne pensez pas que je vous mente :
65 Poinct ne suys celuy qui se vante.
(Pour raporter, ce m’est assez30.)
Et ! dea, dea ! Vous me congnoyssez,
Vous savez très bien qui je suys.
LA FEMME
Las, Nostre Dame ! Je ne puys
70 Penser comme m’en vengeray.
Je ne say sy je le feray
Conart, ou sy je l’envoyeray paistre31.
LE BADIN
Avisez-y. Voécy le maistre32
Qui vous servira de sa part.
LA FEMME
75 Mais où avoie-ge le regart,
Quant je prins33 ceste sote beste ?
LE BADIN
S’yl est adverty de la feste34,
Ne dictes pas que l’aye dict,
Car je perdroyes mon crédict.
80 Ou aultrement, mandé seray35.
LA FEMME
Non feray, non, vous dictes vray.
LE B[A]DIN
Voy(e)re, mais tenez-moy segret36.
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LE MARY 37 SCÈNE VI
Voécy bon : j’arage de froid,
De fain, de soif, et suys malade.
85 Ma femme fect-elle la fade38,
De moy gecter a remotys39 ?
Par mon âme ! onques [je] ne vis
Femme sy mauvaise à servir.
Mais40, Messieurs, prenez-vous41 plaisir
90 Qu’elle ne me prise un festu42 ?
Encores croi-ge que coqu
Je suys. Et j’arage de fain :
En ma maison n’a poinct de pain,
Ne chose qui soyt pour menger.
95 N’esse pas bien pour arager,
[D’estre venu en ceste place ?]43
Je ne say pas plus que je face44,
Ne sy [je] doibtz rire ou plourer.
Rien ne me sert45 de demourer :
100 Je m’en voys droict à mon repère46.
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Holà, ma femme ! SCÈNE VII
LE BADIN
Et, mon compère !
LA FEMME
[Un compère ? Mais un yvrongne]47 !
Regardez qu’i faict rouge48 trongne !
Tant c’est un homme de bonne foy.
105 Venez hardiment, je vous voy49
Tout à ceste heure mectre la nape !
LE BADIN
Vous portez visage de pape50,
Mon compère. Comme te va ?
LE MARY
À ceste heure-cy, à ceste heure-là,
110 Léger d’argent51.
LE BADIN
Esse cela ?
Tu tiens icy bonne grimasse52 :
C’est toy, c’est toy qui en amasse
Tous les jours, dehors et dedens !
Alons un peu rincher nos dens53,
115 Et laissons ceste gravité54.
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LE MARY SCÈNE VIII
Ma55 femme t’en a bien compté,
Mais je ne l’ay pas entendue.
LE BADIN
Qui ? Ceste vielle refondue56 ?
Laisse-la pour telle qu’el est,
120 Car tu peulx bien penser que c’est57.
Je suys mar[r]y qu’el est ta femme.
Qu’au deable soyt tout son diffamme58,
Pour ton profict et grand honneur !
LE MARY
Comment, compère ?
LE BADIN
Pour le seur59,
125 J’en suys aussy mar[r]y que toy.
LE MARY
Et pourquoy, compère, pourquoy ?
LE BADIN
Pourquoy, compère ? El te difame,
Et de son corps se faict infâme.
Je te le dis cy à l’oreille.
130 Et j’entemps que, jour et nuict, veille
Pour entretenir toutes gens.
LE MARY
Je le say il y a long temps,
Vous ne dictes rien de nouveau.
Mais qui ?
LE BADIN
C’est messire Nicolle Biveau60,
135 Nostre curé, pour chose seure.
En ta maison vient à toute heure :
Tousjours, par elle, est [bien] receu.
LE MARY
Mon compère, as-tu61 aperceu
Le curé ?
LE BADIN
Voyre, le curé ;
140 Ce malheur-là t’a procuré.
Entens : je ne le diroys pas62.
LE MARY
Vielle loudière63 ! Viel cabas !
Je t’avoys bien donné congé
À tous, fors à nostre curé64.
145 [Or çà]65 ! t’es-tu habandonnée ?
Corps bieu ! tu en seras frotée66,
Ou pas ne seray le plus fort67 !
LE BADIN
Compère, mectez y vostre effort
À bien pourvoir à vostre cas.
150 Mais escoustez : ne dictes pas
Que l’ayes dict.
LE MARY
Non, sur ma vye !
Mais grandement vous remercye
De ce que m’avez adverty.
Bien congnoys qu’estes mon amy.
155 Adieu, compère, et grand mercys !
.
LE BADIN 68 SCÈNE IX
Et la la la69 ! Il est bien pris.
On luy fera tantost sa saulce70.
Mais quel gentilhomme de Beaulce71 !
Que[l] yvrongne ! Quelle tuache72 !
160 Contemplez un peu sa grimasse,
Comme il s’en va batre sa femme
En l’apelant « villaine infemme » !
Mon Dieu, mon Dieu, quelle m[a]ygnye73 !
Et tant il est fol qu’i se fye
165 Aulx raporteurs plains de méfaict.
.
LE MARY 74 SCÈNE X
A ! ma femme, me l’av’ous faict75 ?
Il vous sera bien cher vendu !
Vous m’avez prins au trébuchet76.
A ! ma femme, l’avez-vous faict ?
170 Vous l’avez bien faict et refaict,
Mais c’est à vous mal entendu77.
A ! ma femme, l’avez-vous faict ?
Il vous sera bien cher vendu !
.
LA VOYSINE 78 SCÈNE XI
Tout le bon temps s’en va perdu ;
175 Plus n’est saison de bonne chère.
Ainsy comme j’ey entendu,
Tout le bon temps s’en va perdu.
Le mauvais temps est revenu.
Vous en sçavez bien la manyère.
180 Tout le bon temps s’en va perdu ;
Plus n’est saison de bonne chère.
LE BADIN
Voécy, pour Dieu79, bonne matière !
Dea ! voisine, amye très chère,
Dictes-moy un peu la manyère.
185 Ma voysine, je vous en prye :
D’où vient ceste mélencolye,
Dont j’ey ouÿ vostre complaincte ?
LA VOISINE
Du temps présent je me suys plaincte,
Qui n’a en luy doulceur ne grâce.
LE BADIN
190 (Mais escoustez ceste bécasse !)
Vous y dussiez mestre police80.
Sy vous monstrez vostre malice,
Vous ferez encor[e] plus fort.
LA VOISINE
Et quoy ?
LE BADIN
De bonne paix un grand éfort81.
195 (C’est la nature [de nos]82 femmes :
Plus sont haultaines que gens d’armes83
À leurs [amys, mais en tout bien]84.)
LA VOISINE
Que dictes-vous ?
LE BADIN
Je ne dis rien.
Tout vient85 de vous.
LA VOISINE
Quoy ? vous mentez !
200 Par sainct Crespin, vous en mour[r]ez !86
Esse ainsy [myeulx], sote personne ?
LE BADIN
Ne frapez plus, mot je ne sonne87 !
(Le cœur me crève de despit.)
LA VOISINE
Retire-toy, pour ton profit,
205 Et te contente de [ta part]88 !
LE BADIN
(Le gibet y ayt male89 part !
Je ne say plus que90 je veuil dire.)
J’ey veu le temps que souloys rire91,
Et faisoys du bon compaignon
210 Avec commère Janeton92.
Mais [quoy], le temps passé n’est plus ;
Tout s’en va, on n’en parle plus.
On ne tient compte des amys.
LA VOISINE
Mon amy93, il m’estoyt advys
215 Que94 je faisoys en bonne foy.
Et ! dea, voysin, acolez-moy,
Comment vous [me] dictes95.
LE BADIN
Comment ?
À vostre bon commandement,
Tout fin prest à payer de[mye] carte96
220 Devant que nostre jeu départe97,
S’il le vous plaist.
LA VOISINE
Dea, grand mersis !
Vrayment, depuys que ne vous vis,
Vous me semblez98 jolys et beau.
LE BADIN
Je say bien chose de nouveau99,
225 [Mais] à vostre grand déshonneur.
LA VOISINE
Voulez-vous dire ?
LE BADIN
Tout pour le seur,
Je vous ay cherché toute jour100
Pour le vous dire sans séjour101,
Dont je suys en un gros esmoy.
LA VOISINE
230 Voulez-vous dire [un peu de]102 quoy ?
Sachons le faict, je vous en prye !
LE BADIN
Escoustez, commère, ma mye,
L’orde vilain103 putain qu’el est.
S’el[l]e m’avoyt dict ou mesfest104
235 Encontre moy de tel façon…
Aler105 donner tel chaperon
À telle honneste femme de bien !
LA VOISINE
Perdue je suys, je le voy bien.
Je cuyde entendre le mistère :
240 C’est la gorière106 qui veult faire
De la privée107 par-dessus toulte.
LE BADIN
Voyre. Que la senglante goulte108
La puisse saisir de despit !
LA VOISINE
Sav’ous pas bien qu’el109 vous a dict ?
245 Je vous110 prye que je le sache !
LE BADIN
Sans vous en faire grand relâche111,
Que vous alez deçà, delà,
[Et retournez par-cy, par-là,]112
À la maison monsieur Benest113,
250 Et qu’el est plus belle qu’i n’est114.
Vostre mary vous faicte[s] conart ;
Et aussy, y faict le bragart
Cheulx vostre prochaine voisine115.
LA VOISINE
Le deable luy rompe l’eschine,
255 L’orde vilain putain qu’el est !
Esse bien dict ? Esse bien fest
De difamer femme de bien
Plus qu’elle n’est (je le say bien)116 ?
Je luy crèveray les deulx yeulx !
LE BADIN
260 Tousjours jasoit117 de myeulx en myeulx,
Dont j’avoys le cœur sy mar[r]y.
Sy ne fust esté son mary,
Je luy eusse rompu l’eschine.
LA VOISINE
A ! je luy tiendray bonne myne.
265 Sy la rencontre emmy118 la rue,
L’heure mauldira qu’el m’a veue !
LE BADIN
Y fauldra bien que vous jasez,
Et aussy que vous caquetez119,
Quant Catherine120 viendra icy.
LA VOISINE
270 Pas n’aray le cœur endurcy121,
Ne mon caquet, à sa venue !
Je jure Dieu (qui fist la nue) :
L’orde vilaine maquerelle
Comperra122 toute la querelle !
275 [Plus n’en veulx maintenant crier,]123
Ou je ne pouray pas parler
Jusques-là.
.
LE BADIN 124 SCÈNE XII
A ! ne vous desplaise,
Y fault — sans que s[o]ies à malaise125 —
Parler un peu de mon procès :
280 Car l’autre jour, je fis excès,
Dont adjourné je suys en126 Court.
.
LA VOISINE 127 SCÈNE XIII
Je feray sa saulce à la Court128
Et dens sa maison. Puys après,
M’en iray parler tout exprès
285 À elle, pour veoir qu’el veult dire129.
.
LE BADIN SCÈNE XIV
Voylà assez bon jeu pour rire.
Vous voérez tantost la bataille
De femmes par-dessus la paille130.
Mon Dieu, quel déduict ce sera !
290 Mauldict soyt-il qui se faindra131
De fraper, s’y puys ariver132.
Je les ay faictes couroucer :
Par mon serment ! j’en suys joyeulx.
Premièrement, encor je veulx
295 Aler cheulx la grand Catherine133
Pour contempler un peu leur myne
Et voèr que son mary a fect134,
S’il est en bon poinct ou défect135 ;
J’en veulx sçavoir toute la fin.
.
300 Holà, ma commère Catin ! SCÈNE XV
Dormez-vous ?
LA FEMME
Dieu gard le beau Père136 !…
Avez-vous veu vostre compère137 ?
Dictes, où l’avez-vous laissé ?
LE BADIN
Il semble estre tout couroucé ;
305 Il est bien mar[r]y, ce me semble.
LA FEMME
Il aura grand peur, [s’il ne tramble]138.
Quant viendra, il sera repu139.
LE BADIN
Et ! comment ? N’est-il pas venu
Dens sa maison ?
LA FEMME
Nennin, nennin.
LE BADIN
310 Nennin ?
LA FEMME
[Non, ce n’est qu’un jénin.]140
[Aussi,] je les despites tous,
Ces malureulx141 et [ces] jaloux.
Je ne suys putain ne paillarde.
LE BADIN
Sy estes, que le feu vous arde142 !
315 Sy dict ainsy vostre voisine.
Mais vous n’estes pas assez fine
Pour entendre ce que je dis.
LA FEMME
El143 l’a dict ?
LE BADIN
Voyre. Et je luy144 dis
Qu’il145 m’en desplaist bien grandement.
LA FEMME
320 Dictes-moy donc le vray. Comment !
Ne respondiez-vous146 rien au fect ?
LE BADIN
Quoy respondre ? Je dis de fect
Que jamais ne fistes de feste
Pour coucher avec aultre147 maistre
325 Comme elle [faict].
LA FEMME
Le viel cabas !
Veult-elle contre moy débas ?
Je luy feray bien maintenir !
LE BADIN
El doibt tantost icy venir ;
Voyons que luy sarons respondre148.
LA FEMME
330 Le gibet me puisse confondre
Sy ne luy abas149 son quaquet !
.
LE MARY 150 SCÈNE XVI
Où est ma femme ?
LA FEMME
Ouy dea, niquet151 !
Vous m’avez joué d’un bon tour.
LE MARY
Vous m’avez mys la paste au four152 ;
335 Jamais je ne l’usses pencé.
LE BADIN
Or sus, sus, c’est assez cabassé153 !
Laissons un peu tous ces devys ;
Soyez ensemble bons amys.
Dictes une chanson plaisante !
340 Et puys en après, qu’on régente154
Tous les débas de vostre cas155.
LE MARY
Guères ne me plaist tel fatras,
Mais [c’est] bien pour l’amour de vous156.
[Or,] dison un mot157 gay et doulx
345 Pour resjouir la compaignye.
Ilz chantent une chanson.158
.
LE MARY
Ma fem[m]e, quant je suys dehors,
Le curé159 vous ayme, faict pas ?
LA FEMME
Mon mary, vous estes amors160
D’aler monter dessus le corps
350 De la chamb(è)rière, n’êtes pas ?
LE MARY
Jamais je ne face repas161
S’el en fust jamais coustumyère162 !
LA FEMME
Ouy dea, ouy ! Esse la manyère163,
De dire que je vous faictz conard ?
355 Vous parlez164 là de bonne pard,
Mon mary, d’aler « besongner »
Alieurs, et aussy me laisser.
Par Dieu ! je veulx que vous sachez
Que mes membres165 sont myeulx dressés
360 Que ceulx de vostre chambèrière.
LE BADIN
Que sçavez-vous, amye très chère ?
Y peult estre qu’i n’est pas vray.
LA FEMME
Sy est, pour vray ! Car je le sçay
Que ce n’est c’un vilain putier.
LE BADIN
365 (Vous laissez-vous répudïer166,
Compère, ainsy à167 vostre femme ?)
LE MARY
Alez, putain puante infâme !
Méchante layde désonneste !
Par Dieu, je te rompray la teste !
LE BADIN
370 Tout beau, tout beau, mauvais garson !
Dea ! vostre père estoyt sy bon.
[Vous vous mordrez]168 un peu le poulse.
LA FEMME
Va, vilain puant, barbe rousse169 !
Mauldict soyt l’heure que170 te vis
375 Et que jamais tu aprochys
De moy, et que je t’ay congneue !
LE BADIN
Par Dieu ! vous fustes bien pourveue :
Sy ne fust luy, vous fussiez morte171.
Que le grand deable vous emporte !
380 (Dessus, dessus ! Poussez, commère172 !)
LE MARY
Qu’esse que vous dictes, compère ?
LE BADIN
O, je l[uy] ay dict qu’elle se taise,
Sy el est sage [et qu’il luy plaise]173.
LA FEMME 174
Va, vilain ! [Va, mauvais garson !]175
385 Va pisser176 dedens ta maison
Comme tu fais dedens l’église !
LE BADIN
Ce fust, par Dieu, dens sa chemise177
Qu’i[l] y pissa le jour [St Flour]178.
Et ! comment vous faictes le sourt !
390 (Poulsez, commère179, la querelle !)
.
LA VOISINE 180 SCÈNE XVII
Où est ceste vielle maquerelle
Qui va disant que suys paillarde ?
.
LE BADIN 181 SCÈNE XVIII
Commère, montrez-vous gaillarde :
Sainct Jehan ! voécy vostre voisine.
LA FEMME
395 Par Dieu, je luy rompray l’eschine182 !
Et ! qu’elle vienne hardyment !
.
LA VOISINE 183 SCÈNE XIX
[Tu en auras, par mon serment !]184
Vien çà, putain esservelée !
Rongneuse à la teste pelée !
Pÿon185, yvrongne et sac à vin !
400 Viel br[o]yon où meult186 le moulin !
[Viel] visage tout pertuisé187 !
Viel haillon tout avant pelé188 !
Vous avez dict am[m]y189 la rue
Que suys une putain congnue ?
405 Vous avez menty faulcement !
Ilz se batent ensemble.
LA FEMME
A ! cerveau hors d’entendement !
Vieulx refuge des hôpitaulx190 !
Escorcheresse de chevaulx !
Laide puante au nés crochu191 !
410 Par Dieu ! il te sera meschu192,
Reliquère193 de vieulx garsons,
Plaine et garnye de morpïons !
Maulvaise [rousse abominable]194 !
Proserpine, mère du deable !
415 C’est vous qui m’avez diffamée.
LE BADIN
C’est, par bieu, elle.
LA VOISINE
Hau ! maudînée195 !
Je ne [res]semble à ta cousine,
Qui est une vielle quoquine
Et premyer pill[i]er du bordeau196.
LE BADIN
420 (Et son père, qui est méseau197.
Poulsez, commère !)
LA FEMME
Que t(u) es nyce198 !
[LA VOISINE]
Jamais ne desroba[y] galice199
[En contrefaisant le dévot,]200
Com(me) ton mary.
LE MARY
Vous mentez trop,
425 Madame la putain ! Gardez
Mon honneur, et vous regardez201
Autant en yver qu’en esté.
Vray est que l’avoys emprunté,
Aveques tous les corporeaulx202.
LE BADIN
430 Et là ! mile maulx, mile maulx ! 203
(Compère, vous estes trop flac204.)
LA VOISINE
Que dictes-vous ?
LE BADIN
Rien. Mais que le sac
Se deslye, [nous saurons]205 tout.
(Quoy ! n’en voérez-vous pas le boult ?
435 Sus, sus, courage, deffendez-vous !)
LA FEMME
A ! vilaine !
LE BADIN
(Cryez : « Mais206 vous ! »
Courage, prenez bonne alaine !)
LA VOISINE
Retourne, retourne la layne
Que tu desrobas au Palais207 !
LA FEMME
440 Mais toy, retourne rendre le fays
[De sarments]208 prins aulx Jacopins !
LE BADIN
Et, la, la ! En ces bons lopins209,
Alez encontre pour « jouster210 »
Et vostre langue descliquer211.
445 Gardez-vous bien qu’el ne vous gaigne !
Vous la ferez vessir d’engaigne212.
Par devers elle vous fault aller.
(Je m’engresse de leur parler213.)
Sus, ma commère ! Alez la batre !
LA VOISINE
450 Bien le vouldroys, sans plus débatre ;
Mais elle est plus forte que moy.
LA FEMME
Dictes, dame, par vostre foy :
Qui esse qui vous a porté214
Et ce faict icy raporté,
455 Pour quoy [vous me nommez]215 « cabas » ?
LE BADIN
(Commère, ne l’escoustez pas !
Cryez, bréez216 comme une folle !)
LA VOISINE
Demandez-vous qui, teste folle ?
Un homme de parmy le monde.
LA FEMME
460 Mais qui ? Dictes !
LE BADIN
(Tout mal abonde
À elle : ne l’escouste[z] poinct !
Par bieu ! vous la gaignez d’un poinct.
À crier, vous estes mêtresse :
Cryez !)
LA FEMME
Et ! venez [çà, deablesse]217 !
465 Qui esse qui le vous a dict ?
LA VOISINE
Pensez-vous que n’ays pas crédict
Aussy bien que vous ? Sy ay, sy !
LE BADIN
(Commère, laissez tout cecy.
Poulsez, et je vous ayderay.)
LA FEMME
470 Venez [ç]à ! Dictes-moy le vray :
Qui vous a raporté cela ?
LA VOISINE
Nostre compère que voélà,
Lequel le maintiendra de hect218.
LE BADIN
Moy ? Jésus ! je ne say que c’est.
475 Sy je l’ay dict, je m’en desdis.
LA FEMME
C’est luy qui est plain de mesdis219 !
Le voélà, parlez à sa barbe220 !
LE MARY
A ! je vous jure saincte Barbe
Qu’autant il m’en a raporté,
480 Et vostre honneur a détracté221.
Compère, est-il pas vray ? Parlez !
LE BADIN
Y vault myeulx que vous en alez222.
Rien n’entens à vostre devise.
LA VOISINE
Trompés nous a de bonne guise.
485 Voyez-vous, il est bien meschant.
LA FEMME
Payé en sera tout comptant,
Le méchant, de ce qu’il a faict.
LE MARY
Contenté223 sera du méfaict.
Au malureulx224 ! Dessus ! Dessus !
LE BADIN
490 Que me demandez-vous ? Jésus !
Quant à moy, je ne vous demande rien.
LA FEMME
Et nous, on vous demandons bien :
Faictes-vous icy de la beste ?
LA VOISINE
De mon poing aurez sur la teste,
495 Puysque n’ay aultre fèrement225.
LA FEMME 226
Recepvez donc cest instrument,
Maistre227 raporteur de parolle !
LE MARY
Vous en arez228, par mon serment !
LA VOISINE
Recepvez donc cest instrument !
LA FEM[M]E
500 C’est pour vostre gouvernement
Et pour la peine de vostre rôle229.
LE MARY
Recepvez donc cest instrument,
[Maistre] raporteur de parolle !
LE BADIN
À la mort !
LA VOISINE
A ! teste trop folle,
505 Vous l’avez trèsbien mérité !
LE BADIN
Pardonnez-moy, en vérité !
À tous, je vous requiers pardon !
Et en ce jour, j’auray par don230
Que plus ne seray raporteur.
510 A ! raporteur[s] plain[s] de maleur :
Laissez raport231 et faulx parler.
On n’a que mal de raporter.
Jésus ! le costé, et la teste !
Par mon serment ! j’estoys bien beste
515 De me froter en tel ofice232.
Le métier ne m’est pas propice :
Je le quicte pour tout jamais.233
.
LE MARY SCÈNE XX
Fïer ne vous y fault jamais :
Car de raport, c’est chose folle.
LA FEMME
520 Il avoyt mal aprins son rolle.
Or çà, ma gentille commère,
Pardonnez-moy le vitupère
Que je vous ay dict à grand tort.
LA VOISINE
J’ey bien cryé plus hault et fort
525 Que vous n’avez, pardonnez-moy.
LE MARY
A ! nostre femme, j’aperçoy
Que vous vivez en loyaulté234.
Tout ce que j’ey dict a esté
Par faulx raport, pardonnez-moy.
LA FEMME
530 De bon cœur vous pardonne.
LA VOISINE
Et moy235.
LE MARY
Soyons bons amys, désormais !
ENSEMBLE
Sy serons-nous, je vous promais.
.
LE MARY
Sans excuser leur ignorance,
Tous raporteurs sont déchassés.236
535 À eulx, n’y a nule fiance,
[Sans excuser leur ignorance.]
Dont ne fault pas que nul s’avance
Pour raporter : seront cassés.
[Sans excuser leur ignorance]237,
540 [Tous raporteurs sont]238 déchassés.
Messieurs, vous avez veu assez
De quoy vous sert le faulx raport.
[Que] Dieu nous conduye au bon port
De Salut, et la compaignye239,
545 Avec sancté240 et bonne vye !
.
FINIS
*
1 Un Badin est une sorte d’autiste dont les idées excentriques peuvent provoquer des catastrophes. Celui-ci traîne dans la rue, désœuvré. Tous les habitants de ce quartier où il habite sont ses voisins et ses amis. 2 De rester ici sans rien faire. C’est l’oisiveté, mère de tous les vices, qui va pousser le Badin à monter les gens les uns contre les autres. 3 Que perdre mon temps. Le vers est très difficile à lire ; non seulement le remanieur rature, mais en plus, il ajoute des signes et des repères qui peuvent passer pour des lettres. Et parfois, il modifie le texte original en le surchargeant avec une encre plus foncée. 4 En admettant que ce vers soit juste, il n’est pas clair. Je comprends : Qu’on perde ou qu’on gagne, il faut avoir le courage de jouer. 5 Elle s’apprête à rentrer chez elle, dans la même rue. 6 LV : badin (Voyant son épouse entrer dans la maison, le mari préfère rester dehors.) 7 Que je me réconcilie avec elle. On trouve un jeu similaire sur le radical « corde » aux vers 27-33 de Deux hommes et leurs deux femmes. 8 C’est un des coups gagnants du jeu de paume. « Elle jouoit dessus la brune/ En passant par-dessus la corde. » Légier d’Argent. 9 Jeu de mots sur l’expression « C’est corbin et corbel » : c’est bonnet blanc et blanc bonnet. (Le corbin et le corbel sont les anciens noms du corbeau.) 10 Quand il m’en souvient. 11 Je ferai semblant d’être d’accord avec ma femme. 12 Je me déferai du lien du mariage. 13 LV : descorder (J’ai l’intention de « besogner » ma voisine. « Tousjours (elle) me venoit quérir pour la recorder, que je fus une foys contrainct de la recorder plus de huit foys pour un jour. » Nicolas de Troyes.) 14 LV : sesy (Cette situation me pèse.) 15 Est mis de côté. « Pendons soucy au crocq. » (Clément Marot.) Il s’agit tout particulièrement du crochet auquel les juges et les avocats pendent les sacs de procès : « Le procès pend au croc, ne se poursuit point. » Le Roux. 16 LV : chantant (Les versificateurs normands élident le « e » quand ça les arrange : « Je chantray ma première messe. » D’un qui se fait examiner.) « La poule ne doit point chanter avant le coq…. Proverbe qui signifie que la femme ne doit point parler avant son mari. » Le Roux. 17 Avant ma mort. Jeu de mots sur « la fin du mois ». 18 Il entre chez la femme. 19 LV : que eusies pense (Rime du même au même.) Que vous auriez laissé passer un tel déshonneur de cette manière. 20 Il manque 2 vers où le Badin affirme avoir surpris le mari de son interlocutrice avec leur chambrière. 21 LV : qui leur 22 Plus acharnés au « combat » que des ennemis. 23 LV : donc 24 Trébuché. 25 Mais vous devinez de quoi il s’agit. 26 Cornard, cocu. Idem vers 72, 251 et 354. Allusion fielleuse aux Conards de Rouen : voir ma notice. 27 D’une aristocrate. Pour expliquer la mésalliance de la fille, on suppose que le père était un valet. 28 Pour enrager tout vif. Idem vers 83, 92 et 95. 29 Sous-entendu : Vous seriez vengée si vous couchiez avec moi. 30 LV : ases (Rapporter des mensonges aux uns et aux autres, c’est suffisant.) Ce vers est dit en aparté. 31 Ou si je l’enverrai balader. Cf. le Retraict, vers 180. 32 Je suis celui. 33 Quand je pris en mariage. 34 De ce qui se trame contre lui. 35 Je serai convoqué au tribunal pour diffamation. Le Badin est un habitué du prétoire : voir les vers 279-281. 36 Secret, à l’écart. 37 Toujours dans la rue. 38 La folle. « Ha ! povres foulx ! Ha ! povres fades ! » Sermon joyeux à tous les foulx, BM 37. 39 LV : remolys (À l’écart. « Doy-je estre mys a remotis ? » Ung jeune moyne.) C’est une des expressions latines qui ponctuent les plaidoiries. 40 LV : mes (Le scribe s’arroge la même fantaisie à 436.) Le mari prend à témoin les basochiens de l’assistance, qui sont en train de s’esclaffer. Il les invoque une nouvelle fois au vers 541. 41 LV : prenes y (Est-ce que cela vous fait rire.) 42 Pas plus qu’un fétu de paille. 43 Vers manquant. « D’estre venu en ceste place./ Las ! je ne sçay plus que je face./ Mourir me conviendra de fain. » L’Aveugle et le Boiteux. 44 Je ne sais pas que faire de plus. 45 LV : profite 46 Je m’en vais dans ma maison. Le mari rentre chez lui, où sa femme discute avec le Badin. 47 LV : uostre compere monsieur lyurongne (Dites plutôt un ivrogne.) 48 LV : bonne (Anticipation du vers suivant.) Parmi plusieurs dizaines d’exemples de cette locution figée, en voici un de Ronsard : « Le nez et la rouge trongne/ D’un Silène ou d’un yvrongne. » Notons qu’au vers 399, c’est la sobriété de l’épouse accusatrice qui sera fortement remise en cause. 49 Je vais, pour vous. C’est ironique : la femme n’a plus l’intention de servir son mari. 50 Jeu de mots sur paper [manger] : « Je vais morir, je qui suy Pappes…./ Tu me veux tolir [enlever] le papper ? » (Godefroy.) Le censeur a barré cette référence au pape. 51 Je suis à sec. Cf. Légier d’Argent. 52 LV : grimase (Tu es hypocrite.) 53 Rincer nos dents (normandisme) : boire un verre. 54 Ce grave discours. Les deux hommes sortent, dans l’intention d’aller à la taverne. 55 LV : la (Correction du remanieur. Le texte qui transparaît sous la rature est douteux.) Ma femme t’a raconté des horreurs sur moi. 56 Cette vieille rajeunie, grimée. « Il refondoit les vieilles, les faisant ainsi rejeunir. » Rabelais, Vème Livre, 20. 57 Ce que c’est, ce qu’elle m’a dit. 58 Les actes honteux qu’elle commet. Idem vers 34 et 54. 59 Pour sûr. Idem v. 226. 60 Nicole était souvent un prénom masculin (cf. le Sourd, son Varlet et l’Yverongne, vers 84.) Le censeur du ms. et les éditeurs de 1837 ont pudiquement remplacé le curé par un « jeune veau ». Sous la rature, on peut à la rigueur déchiffrer binyau, ou bivyau, ou bujyau. Si le « y » est mis pour un « e », comme c’est de tradition en Normandie (l’yau = l’eau), nous pouvons lire Biveau, qui rime avec « nouveau ». Ce nom était commun dans la région : voir la note 5 de Jéninot qui fist un roy de son chat. 61 LV : jey 62 Je ne le dirais pas si cela n’était pas vrai. 63 Le mari traite son épouse absente de débauchée, puis de vieille prostituée au sexe trop large. On retrouve ce « vieux cabas » aux vers 325 et 455. 64 Je t’avais autorisé tous les hommes sauf le curé. 65 LV : vienca (Voir le v. 521.) Rappelons que l’épouse est restée à la maison. 66 Battue. 67 Ou bien tu seras plus forte que moi. La musculature de cette représentante du sexe faible est encore invoquée au vers 451 : « Mais elle est plus forte que moy. » 68 Il reste dans la rue, entre le domicile des époux et celui de leur voisine. Le mari s’éloigne en direction de sa propre maison. 69 « Et la la la, faictes-luy bonne chière. » Cette chanson de Ninot le Petit, publiée en 1502, revient au vers 442. Les Badins chantent beaucoup. 70 On va l’assaisonner (péjoratif). Idem v. 282. « La pute fausse/ Lui compte toute sa pensée,/ Disant que lui fera sa sausse. » ATILF. 71 Quel pauvre type. Voir la note 99 de Maistre Mymin qui va à la guerre, et la note 244 du Capitaine Mal-en-point. 72 Quel hâbleur (mot normand). « Maint homme, par son blason [sa forfanterie],/ Semble plus hardy que Jason,/ Qui n’est, pour vray, qu’une tuache. » (Guillaume Haudent.) Rime avec le normand « grimache ». 73 Quelle maisnie, quelle maison de fous. 74 Il se dirige vers sa porte. 75 Me l’avez-vous fait : m’avez-vous trompé. La contraction normande « av’ous » ne revient pas aux refrains 169 et 172 de ce triolet : cela est dû au fait que le ms. de base ne donnait que les premiers mots des refrains. 76 Vous m’avez pris au piège comme un oiseau (sans doute un coucou). 77 Vous avez eu tort. Cf. la Confession Rifflart, vers 38. 78 Elle sort de chez elle en chantant une complainte (vers 187). Beaucoup de farces mettent en valeur l’arrivée d’un nouveau personnage par un triolet chanté. 79 LV : rire 80 Vous devriez y mettre bon ordre. 81 Vous ferez (v. 193) un effort pour être en paix avec tout le monde. 82 LV : des bonnes 83 Elles sont plus cruelles à leurs amis que des soldats. 84 LV : anys mais du tout rien (Rime du même au même.) 85 LV : bien (Tous vos malheurs viennent de vous.) 86 La voisine frappe le Badin. 87 Je ne dis plus un mot. 88 LV : ton raport (Influence du titre de l’œuvre.) Contente-toi de la part de coups que tu viens de recevoir. Dans la Nourrisse et la Chambèrière, quand la nourrice « baille sa part » à Johannès, une didascalie précise : « Elle le bat. » 89 Mauvaise. Que vous soyez pendue ! 90 Ce que. Les coups sur le crâne perturbent la mémoire. 91 J’ai connu une époque où j’avais l’habitude de rire. 92 C’est apparemment le nom de la voisine. Pour la reconquérir, le Badin se plaint dans le même ton qu’elle. 93 LV : ame 94 LV : quant (Que je te frappais à juste titre.) 95 Comme vous me l’avez dit au vers 25. LV répète ensuite : coḿent 96 Une demi-quarte de vin. « Pour payer carte de bon vin. » La Veuve. 97 Avant que notre jeu (ou que notre farce) s’achève. Même vers dans le Mystère de la Passion d’Auvergne. 98 LV : combles 99 Une chose nouvelle. 100 Toute la journée. « Je vous ay toute jour cherché. » Frère Guillebert. 101 Sans délai. 102 LV : compere et (Voir le v. 184.) 103 LV : vilaine (Même vers que 255, où on lit « vilain ».) 104 Si elle avait médit ou mal fait. 105 LV : vale (Un chaperon est un coup sur la tête, ici au figuré. « Il bailla à sa femme dronos [un coup], & chaperon de mesme : He bangde, belammed, thumped, swadled her. » Cotgrave.) 106 La demi-mondaine dont je suis voisine. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 534. 107 La familière, l’amie intime. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 485. 108 Que la douloureuse goutte. Cf. Serre-porte, vers 221. 109 LV : quil (« Sav’ous » est une contraction normande ; voir le v. 166.) Ne savez-vous ce qu’elle vous a dit ? 110 LV : te (Voir le v. 231.) 111 Sans vous faire attendre, elle dit… 112 Vers manquant, suppléé par le remanieur. 113 La maison de monsieur saint Benoît peut être un couvent de Bénédictins. Mais le benêt, forme normande du benoît [bénit], désigne le pénis : « Après que elle auroit manié son benest (…), il coucheroit avecques elle. » Les Joyeuses adventures. 114 Qu’il n’en est : qu’aucune autre femme. 115 Votre mari fait le fringant chez votre plus proche voisine. 116 Une femme plus honnête qu’elle, je suis bien placée pour le savoir. 117 LV : jasent (Elle colportait des rumeurs.) 118 LV : parmy (Voir le v. 403.) 119 LV : naquetes (Que vous jacassiez. « On jaze, on caquète. » Sermon pour une nopce.) 120 LV : guillemete (Voir la note 133.) Les Normands prononçaient Catrine, ou Catline : « La grand Catline dit : “Vraiment,/ J’ay tant pleuré, depis un an.” » La Muse normande. 121 Je n’aurai pas le courage paralysé. 122 LV : comptera (Me le paiera. « Vous le comperrez ! » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) 123 Vers manquant. La voisine craint d’arriver aphone devant son ennemie : « De crier je me rons la voys. » (Le Retraict.) Ce ne sera pourtant pas le cas, d’après les vers 524-5. 124 La voisine s’éloigne. Cette tirade du Badin arrive comme un cheveu sur la soupe ; c’est un clin d’œil aux basochiens qui composent le public. 125 Sans que j’en sois préoccupé. « Que tu ne soies à malaise de la bataille. » Lancelot. 126 LV : tout (Je suis convoqué au tribunal. « Adjourné en Court de Parlement. » Josse de Damhouder.) On voit que le Badin n’en est pas à ses premières frasques. 127 Toujours dans la rue, un peu plus loin. 128 Je vais l’assaisonner par mes paroles devant l’Échiquier de Normandie, où siège la cour de Justice. 129 Ce qu’elle aura à dire pour sa défense. 130 Sur la paille qui jonche les rues : elles rouleront par terre. 131 Celui qui fera semblant. « Frappe fort, Gaultier : tu te fains. » La Laitière. 132 Si je peux y arriver. 133 LV : jaqueline (Au vers 300, « Catin » est le diminutif de Catherine : voir la note 37 de Colin qui loue et despite Dieu. Mais le vers 269, qui est d’ailleurs trop long, l’appelait Guillemette.) 134 Et voir ce que son mari a fait. 135 LV : dehect (Défait : abîmé par les taloches de sa femme.) 136 La femme croit à une visite de son amant le curé. En ouvrant la porte, elle déchante. 137 Mon mari. 138 LV : se me semble (à la rime. J’adopte la leçon du remanieur. « Il aura bien chault, s’il ne tremble. » Le Pourpoint rétréchy.) 139 Il sera rassasié de coups. 140 Lacune comblée par le remanieur. Un jénin est un cocu : « Que ma femme m’ayt faict jénin. » Ung mary jaloux. 141 Je les méprise, ces misérables. 142 Vous en êtes une, que le feu de l’Enfer vous brûle ! 143 LV : qui 144 LV : le (Le passé simple « dis » peut rimer contre le présent.) 145 LV : et 146 LV : respondres vous (Au fait qu’elle m’insultait. « Répondre au fait » se dit d’un avocat qui répond sur le fond à la partie adverse.) 147 LV : le (Avec un autre homme.) 148 Ce que nous saurons lui répondre. 149 LV : abaise (Leçon du remanieur. « A ! j’abatray bien ton caquet. » Le Savatier et Marguet.) 150 Il rentre chez lui. 151 Cocu. C’est un dérivé normand de « nice » (vers 421). « Où est » se prononce « wé » en une syllabe, comme à 391. 152 Vous m’avez fait du tort. « Il en portera la paste au four : Il en portera la peine ou le dommage. » Antoine Oudin. 153 LV : cabase (Vous avez assez mystifié les gens. Venant d’un mythomane, la remarque est savoureuse.) 154 Qu’on règle. 155 De votre cause, de votre procès. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 593-5. 156 Par amitié pour vous. « C’est pour l’amour de vous. » Le Ribault marié. 157 Chantons. « Je vous supply que vous et moy/ Nous disons ung mot de chanson. » Deux hommes et leurs deux femmes. 158 Cette chanson, sans doute trop démodée pour que notre copiste la conserve, commençait par un vers en -ie, et s’achevait sur un vers en -ors. 159 Le censeur et les éditeurs de 1837 ont encore escamoté le curé. 160 Enclin (verbe amordre). 161 Je veux bien me passer de manger. 162 Si elle en a pris l’habitude. Cette dénégation est presque un aveu. 163 Est-ce la nouvelle mode. Cf. Marchebeau et Galop, vers 205. 164 LV : par celle (De bonne part = de source sûre. « Vous parlez de très bonne part. » Arnoul Gréban.) 165 Mes membres inférieurs, qui sont en l’air quand vous êtes couché sur moi. La phrase est comique parce que ce rôle « féminin » est tenu par un homme, dont le membre pourrait être dressé. Toutefois, le membre désigne aussi le sexe des femmes : « [Ils] avoient efforcé et violé une jeune fille (…), et après, bruslé le poil de son membre honteux. » Journal d’un bourgeois de Paris sous François Ier. 166 Récuser. Encore un terme de procédure. 167 Par. Pour aiguillonner les protagonistes contre leurs adversaires, le Badin donne à certains d’entre eux des encouragements que les autres n’entendent pas. Je mets ces exhortations entre parenthèses. 168 LV : refroides (« Se mordre les poulces : Se repentir d’un affaire. » Oudin. Nous dirions : Vous vous en mordrez les doigts.) 169 Depuis Judas, les roux ont mauvaise réputation : voir le v. 413. Allusion possible aux frères Barberousse, pirates barbaresques qui, à la même époque, réduisaient en esclavage les Chrétiens. 170 LV : quonques (Leçon du remanieur.) « Mauldit soit l’heure/ Que jamais marié je fus ! » Les Cris de Paris. 171 S’il ne vous avait pas épousée, vous seriez morte de faim. 172 LV : encores 173 Lacune comblée par le remanieur. 174 À son mari. 175 Lacune. On a déjà traité le mari de « mauvais garçon » au vers 370. 176 LV : va paser (Inutile de dire que cette anecdote a été censurée.) Le Badin croit inventer les calomnies qu’il décoche aux uns et aux autres, mais on va s’apercevoir que la réalité est bien pire que ses affabulations. 177 La chemise, qui descend jusqu’aux genoux, rentre dans le haut-de-chausses ; elle est donc la première exposée en cas d’« accident ». « J’avoys chié en ma chemise. » Les Sotz nouveaulx farcéz. 178 LV : est lours (Le jour de la Saint-Flour, le 1er juin.) On respectait le calendrier liturgique plus que les dates chiffrées : « Le lendemain, qui fut le jour sainct Andrieu. » E. de Monstrelet. 179 LV : comences (Voir les vers 380 et 421.) 180 Elle vient vers la maison où se disputent les autres. 181 En regardant par la fenêtre, il voit débouler la voisine. 182 LV : la mine (Voir les vers 254 et 263.) 183 Elle enfonce la porte. 184 Vers manquant. J’adapte le vers 498. Tu en auras, des coups. 185 Alcoolique : cf. Grant Gosier, vers 76. « Allez, yvrongne, sac à vin ! » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies. 186 Où moud. L’auteur renouvelle l’image du mortier féminin dans lequel s’agite le pilon viril. Les injures qu’il élabore ici sont beaucoup plus originales que celles qu’on trouve dans ce genre de littérature. 187 Percé de trous par la petite vérole, ou par la grosse. 188 Vieille loque au pubis pelé. 189 Parmi, dans. « De la gecter emmy la rue. » Les Maraux enchesnéz. 190 Vieille pensionnaire des établissements qui accueillent les anciennes prostituées. 191 Comme les sorcières, ou comme les juives. 192 Arrivé malheur. 193 Étui dans lequel on met la relique, en l’occurrence le pénis : « Le frère prédicateur despouille ses bragues [ôte ses braies], & approche ses reliques de dame Agathe. » (A. de Saint-Denis.) Ce vers et le suivant ont, bien entendu, été censurés. 194 LV : rouse apomimable 195 Crève-la-faim, clocharde. « Maudisné : Qui a mal dîné. » La Curne. 196 Un pilier de bordel. 197 Lépreux. 198 Idiote. 199 Un calice. Naturellement, ce sacrilège a été censuré. 200 Vers manquant. « En contrefaisant la dévotte. » Farce de quattre femmes, F 46. 201 Regardez-vous. Nous dirions : Balayez devant votre porte. 202 Le corporal est un linge sur lequel on pose le calice contenant les hosties. « Ung grant ribaut saut avant, et tantost prent le calice et les corporaulx, et s’en va. » ATILF. 203 Ce vers doit provenir d’une chanson. Le Badin l’emploie à double sens : Elle a mis le mot = elle a trouvé le mot juste. 204 Flasque, mou : vous vous laissez faire. 205 LV : se sera (Si chacun vide son sac. Inexplicablement, ces 2 vers anodins ont déchaîné la hargne du censeur.) Le sac, qui renferme les pièces de la procédure, est l’emblème de la justice médiévale. « Est-il temps que le sac on lie. » Pour le Cry de la Bazoche. 206 LV : mes (Plutôt vous !) 207 Rapporte la laine que tu as dérobée au Palais du Neuf-Marché. Plusieurs commerçants de Rouen — parmi lesquels des drapiers — occupaient le rez-de-chaussée de ce nouveau Palais de justice. Nos basochiens visent peut-être un voleur particulier. 208 LV : du serment (Le fagot de sarments que tu as volé chez les Jacobins.) Les femmes des farces vont dans les monastères pour coucher avec des moines. Sur le couvent des Jacobins de Rouen, voir la note 248 de la Pippée. 209 Morceaux, de viande ou de sexe. « Grant bien leur fissent mains loppins,/ Aux povres filles, ennementes,/ Qui se perdent aux Jacoppins. » Villon. 210 Vous allez jouter contre eux. « Mais qu’elle sente et sache premier de quelles “lances” il vouldra jouster encontre son escu. » Cent Nouvelles nouvelles, 15. 211 Faire cliqueter. « Comment sa langue desclique ! » Les Sotz fourréz de malice. 212 Péter de dépit. 213 De leurs paroles, qui sont effectivement un peu « grasses ». 214 LV : aporte 215 LV : me noḿes vous (À cause duquel.) Notons que c’est la femme qui a traité sa voisine de « cabas » au vers 325. 216 LV : brees (Braillez, du verbe braire.) 217 LV : sa belle deesse (Au vers 414, la femme comparait déjà sa voisine à la déesse « Proserpine, mère du diable ». Cf. la Nourrisse et la Chambèrière, vers 151.) 218 De hait : volontiers. 219 De médisances. 220 Réprimandez-le. 221 Et qu’il a été le détracteur de votre honneur. 222 LV : ales (Que vous vous en alliez. Or, c’est le Badin qui est chez ses voisins, et non le contraire.) 223 Remboursé. 224 Sautez sur ce misérable ! Même normandisme au vers 312. 225 Puisque je n’ai pas d’autre arme. Cf. le Moral de Tout-le-Monde, vers 12. 226 Elle brandit un balai. 227 LV : monsieur le (Je corrige au refrain de 503 la même faute, due à la ressemblance des abréviations de monsieur et de maître sur le ms. de base.) Le maître rapporteur fait partie du personnel judiciaire. Mais les rapporteurs de paroles sont des faux témoins : « Accuseurs, controuveurs et rapporteurs de parolles en derrière. » G. de Tignonville. 228 Vous en aurez, des coups. 229 Allusion au rôle de l’acteur, comme à 520. Mais le rôle est également le registre où sont inscrites les causes à plaider. 230 J’aurai obtenu du Ciel. 231 La médisance. Idem vers 519, 529 et 542. 232 De me mêler d’une telle besogne. 233 Le Badin s’enfuit. 234 Que vous m’êtes fidèle. Chacun s’empresse d’oublier les manquements des deux autres. 235 Et moi aussi. 236 Le copiste, qui n’a pas compris que nous avions là un 4e triolet, remonte ce refrain B au-dessus du vers précédent, et il loge ici un vers qui ne rime pas : flateurs menteurs et cabaseurs 237 LV : a eulx ny a nule asurance (Contamination du vers 535 ; mais le refrain A s’impose.) 238 LV : tout par tout seront 239 Ainsi que les basochiens présents. Les 2 derniers vers, un peu trop bachiques, ont été sacrifiés par le censeur et les éditeurs, ce qui a induit en erreur des médiévistes fort estimables. 240 Dans Deulx Gallans et Sancté (LV 12), ce personnage allégorique requinque les jouisseurs : « Puysque Sancté est avec nous,/ Y nous fault prendre esjouyssance…./ Vous nous servirez d’ôtelyère. » Le coït est inséparable de la « bonne vie » : « Et demora la fille à coucher avec luy ; et menèrent bonne vie emsemble ceste nuyt. » Nicolas de Troyes.