RESJOUY D’AMOURS
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RESJOUY
D’AMOURS
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À défaut d’une farce drôle, nous avons là une drôle de farce. Son personnage principal, Réjoui d’Amour, porte un nom allégorique, mais pas les deux autres. La versification relève de la poésie lyrique, rhétorique ou mythologique, mais pas du théâtre populaire. Bernard Faivre1 résume : « On a un peu le sentiment qu’un érudit, en tout cas un homme de culture, s’est distrait à écrire une farce sans se préoccuper de trop près des nécessités dramaturgiques concrètes : à la fin de la pièce, Gaultier doit brûler tous ses meubles, ce qui n’est pas une réalisation théâtrale très aisée ! » Et Faivre conclut : « Nous avons ici une pièce où personne ne triomphe ; chaque protagoniste sort de l’aventure plutôt amer et dépité. »
Cette farce normande, écrite dans la première décennie du XVIe siècle, campe un procureur et un avocat ; elle pourrait donc être l’œuvre de la Basoche de Rouen, qui fut instituée en 1499 (v. la notice du Raporteur). Toutefois, on voit mal comment l’incendie final, même s’il était plus ou moins symbolique, aurait pu être simulé dans une salle close où la fumée n’était pas bienvenue. Mais nous savons que dans les Mystères, les créateurs d’effets spéciaux et les accessoiristes faisaient preuve d’une imagination qui nous laisse encore pantois.
Source : Recueil de Florence, nº 18.
Structure : Rimes fratrisées, abab/bcbc, rimes plates, pentasyllabes en aabaab/bbcbbc, refrains libres.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Farce nouvelle
et fort joyeuse de
Resjouy d’Amours
qui révèle son secret à
Gaultier Guillomme, dont il
est mis ou sac aux lettres
de peur d’estre bruslay.
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À .III. personnages, c’est assavoir :
RESJOUY D’AMOURS
GAULTIER GUILLÔME
TENDRETTE
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RESJOUY D’AMOURS commence 2 SCÈNE I
Je suis bien en amour3 parfaicte
Parfaictement mis et assis,
Assis en doulceur trèsparfaicte.
Par4 faitz, par balades et ditz
5 Dictés de nobles contreditz,
[Contre dix, motz je maniroye]5.
Je m’en iroye moult envis6,
Se envieux venoient en voye.
GAULTIER GUILLAUME
Plaisir est bien bon, au premier7.
10 Premièrement quant j’euz ma femme,
Femme me sembloit ung rousier
Arousay de si noble fame8.
Affamé com ung vieulx limier9,
Lymant10 tousjours en basse game11,
15 [Game essaieray]12 jusqu’au dernier.
D’errénier13 va mal, sur mon âme !
RESJOUY
Fait-elle ung petit de la Dame14 ?
GAULTIER
Mais assez, de ce ne fais doubte.
RESJOUY
Fait-elle bien la15 passeroute ?
GAULTIER
20 Mais trop, de par le dyable, trop !
RESJOUY
Fait-elle bien le « sault », ung cop16 ?
GAULTIER
Aussi plaisant17 comme beau frische.
RESJOUY
Mais habille18 comme une bische ?
GAULTIER
Mais large com ung vieil houzeau19 !
RESJOUY
25 Sçait-el bien faire le beaubeau20 ?
GAULTIER
Tant [bien] que c’est chose incréable21 !
RESJOUY
Fait-elle bien de la notable ?
GAULTIER
C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée22 !
GAULTIER
El a la gorgecte frazée23,
30 Ung corps faictis24, comme de cire25.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
GAULTIER
À passer temps, toute saison,
[Je] ne vueil qu’estre en ma maison :
Ma vie sera là finée26.
35 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
Touteffois, j’ay ung peu affaire27 :
Contre elle, souvent, me fault taire ;
C’est la condicion [la] pire.
RESJOUY
Aultre chose je ne désire.
[GAULTIER]
40 Ung corps traictifs28, long, assez plain,
Tétins rond[s], menuecte main,
Une chair blanche comme naige.
Pour belle femme je la plaige29.
[RESJOUY]
Femme d’hommes30 prou désirée ?
GAULTIER
45 C’est rouge feu !
RESJOUY
Quel embrasée !
GAULTIER
C’est ung soulas31 !
RESJO[U]Y
Quelle plaisance !
GAULTIER
C’est ung souhait32 !
RESJOUY
Quelle substance !
GAULTIER
C’est ung désir !
RESJOUY
Quel vray recours !
GAULTIER
Ung trésor de bien !
RESJOUY
Quel secours !
.
TENDRECTE, femme de Gaultier, commence.33
50 Femme qui est en bon estat SCÈNE II
Et qui a mary gracieux,
Qui ayme bien le doulx « esbat »,
C’est ung trésor fort précieux34 :
Car il n’est point, dessoubz les cieulx,
55 De si grant doulceur, quoy qu’on die.
Jamais on ne doibt quérir mieulx.
RESJOUY 35
(Vélà feu36, sans nul mocquerie !)
TENDRECTE
Nul n’a rien, qui37 ne se marie.
RESJOUY
(Quel beau mirouër à gallans38 !
60 Et a les yeulx estincellans39
Comme la raye40 du soleil ;
Je n’en pourroyes oster mon œil.)
TENDRECTE
Ung plaisir assis en raison
[Est] une excellente doulceur.
65 Qui fait avoir riche maison ?
Ce fait amours [et] joyeux cueur.
Car, pour obvyer41 à douleur,
Femme doict estre gracieuse.
RESJOUY
(Vélà, par mon doulx Créateur,
70 Une chose moult précieuse !)
TENDRECTE
[Et] pour avoir femme à souhait,
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Quel joliet musequinet42 !)
TENDRECTE
Suis-je point pour gaigner le pris43 ?
75 Suis-je grossecte ? Suis-je gresle44 ?
Suis-je bien faicte ? Suis-je belle ?
Que dit-on en Court45, pour devis ?
Suis-je bien46 ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
Je meurs !)
TENDRECTE
Et mon chapperonnet ?
80 Est-il fait47, dessoubz, le soufflet ?
Suis-je bien ?
RESJOUY
(Bien ? Vertu sainct Gris !
En point comme ung cheval sellay !
Hélas ! que se j’avoyes meslay
Mes billectes48 en ses factras,
85 Aujourd’huy, noz49 deux, bras à bras :
Tout déduyt50 !)
TENDRECTE
Couleur de pommecte
Qui est ung bien peu vermeillecte,
Assise en [auc]une blancheur51.
RESJOUY
(Et ! par mon trèsdoulx Créateur !
90 Prenez52 que son fait ne me touche ;
Pourtant, l’eau m’en vient à la bouche53
Pour ung seul regard. Quel visaige !)
TENDRECTE
Suis-je bien gencte de corpsaige54 ?
RESJOUY
(Sy trèsgente qu’il n’y fault rien55.)
TENDRECTE
95 Mes habitz me si[é]ent-ilz bien ?
RESJO[U]Y
(Si trèsbien que c’est ung plaisir !)
TENDRECTE
Suis-je femme pour bien servir ?
RESJOUY
(Servir ? Que fusse vo56 servant !)
TENDRECTE
Suis-je bien, derrière et devant57 ?
RESJOUY
100 (Devant toutes suppellative58 !)
TENDRECTE
Et vive telle femme, vive !
RESJOUY
(Vive Dieu59 ! je meurs de douleur.
Iray-je, par mon Rétempteur60 ?
Il n’a rien, qui ne s’aventure61.
105 Hé ! sang bieu, quelle créature !
Je m’y en voys62, bon gré ma vie !
Jà couhard63 n’aura bel[le] amye.)64
.
Vén[u]s, la déesse d’Amours, SCÈNE III
Qui est des amoureux secours65,
110 Vueille garder la noble Dame !
TENDRECTE
Et vous, sire !
RESJOUY
Et ! sur mon âme,
Palas a mis tout son povoir
Pour66 de saigesse [vous] pourvoir,
Espoir de noble secourance !
TENDRECTE
115 Ha, quel raillard !
RESJOUY
Toute plaisance
Et richesse dame Juno67,
Sans arrester68 ne dire « ho ! »,
Vous vueille, en [tout] bien, maintenir !
TENDRECTE
Dieu vous vueille bien soustenir,
120 Et si, vous gard69 !
RESJOUY
Hélas, m’amye !
Alétho70, nourrice d’Envie,
Soit71 mise à mort ! [Et] com on dit,
Très supellatif72 appétit :
Tout honneur !
TENDRECTE
Voz motz sont haultains73.
RESJOUY
125 Ilz sont trèstous de plaisir taints ;
Mais par leur droit, ilz sont infâmes :
Je ne sçay saluer les Dames,
Excusez l’imperfection.
TENDRECTE
[Et] quel est vostre intention ?
RESJOUY
130 Seullement tout vostre gré faire.
TENDRECTE
De cela vous povez bien taire74 !
RESJOUY
J’ay tousjours sur vous mon regard.
TENDRECTE
Vous venez ung petit bien tard75.
RESJOUY
Je me tiens vostre serviteur.
TENDRECTE
135 Mectez en aultre76 vostre cueur !
RESJOUY
Auray-je point, de vous, secours ?
TENDRECTE
Faictes ailleurs aultres amours !
RESJOUY
Seray-je de vous escond[u]it ?
TENDRECTE
Encore n’estes-vous pas duyt77 ?
RESJOUY
140 Ayez pitié du compaignon !
TENDRECTE
Je ne veulx point d’amoureux, non !
RESJOUY
Vostre regard seul est ma joye.
TENDRECTE
Advisez bien tost aultre voye,
Becjaulne78 ! Où cuidez-vous estre ?
145 Advisez l’huis79 ou la fenestre,
« Transsi d’Amours », ligièrement80 !
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RESJOUY SCÈNE IV
Ha ! ventre bieu, quel parlement81 !
On m’a baillié d’ung plat reffus.
Je ne fus onc aussi camus82,
150 Ce cuyday-je, en mon vivant83.
Je m’en ira[y], tout de ce vent84,
Le dire à Gaultier Guillaume.85
.
C’est la plus belle du royaume. SCÈNE V
GAULTIER
Raige ?
RESJOUY
Raige.
GAULTIER
Plaisir ?
RESJOUY
Plaisir ?
155 Ung grant désir !
GAULTIER
Ung grant désir ?
RESJOUY
Triumphe[r] !
GAULTIER
Tu me dis merveilles.
Dy tout !
RESJOUY
Unes joues86 vermeilles,
C’est ung fait trèstout supernal87.
GAULTIER
Tant, dea ?
RESJOUY
Trésor espécial88.
160 Ung tronc de vertus89, sur mon âme !
GAULTIER
Qu’as-tu ?
RESJOUY
Quoy ? La plus belle femme
Qui fut oncques depuis Hélainne,
Une myne de beaulté plaine,
Source de parfaicte nature ;
165 C’est la plus belle créature.
Onc90 mon parler n’y ne peu[s]t souffire :
Escripvain ne pourroit escripre
Sa beaulté en quatre cens livres ;
Elle poise plus, trente livres91,
170 Que femme qui fut oncques veue.
GAULTIER
Comment l’as-tu si bien congneue ?
RESJOUY
Congneue d’ung seul regarder.
GAULTIER
Tu es fin92 hoste ! Sans tarder…
RESJOUY
Tarder ? Je ne sçay que je dis.
175 Elle vous a ung si doulx rids93,
Ung nez traictifs94, ung œil riant,
Les doys tous plains de beaulx rubis,
Le plus gentil museau friant.
Elle est femme pour avoir pris.
180 Je suis de son amour espris95
Si trèsfort qu’aller m’y convient.
GAULTIER
Mais dis-tu à bon escient96 ?
RESJOUY
Jamais ne puisse de vin boire
S’el[le] n’est toute en mon mémoire97
185 Au plus parfond98 de ma cervelle !
GAULTIER
Resjouy d’Amours, qui est-elle ?
RESJOUY
Que je le die ? Pour mourir99 !
Il m’y fault encore courir :
Son regard est[e]int tous mes maulx.
190 Mais vélà : certes, se je faulx100,
Je croy qu’il est fait de mon fait101.
.
Dieu gard ce trésor, tant parfait SCÈNE VI
Que nully ne le peut avoir102 !
TENDRECTE
Qui vous [r]amaine cy103 ?
RESJOUY
Vous veoir.
TENDRECTE
195 Esse la cause ?
RESJOUY
Pour certain.
TENDRECTE
Que quérez-vous ?
RESJOUY
Ung cueur humain.
TENDRECTE
Pour quoy faire ?
RESJO[U]Y
Pour me déduyre104.
TENDRECTE
Que servez-vous105 ?
RESJOUY
À vous106 conduyre.
TENDRECTE
Aultre chose ?
RESJOUY
Tant107 seullement.
TENDRECTE
200 Vuidez bien tost d’icy108 !
RESJOUY
Comment !
Sans avoir…
TENDRECTE
Quel « avoir » ?
RESJOUY
Déduyt109.
Vostre amour me suyt
De jour et de nuyt.
Consommez le cas !
TENDRECTE
205 Comment tel feu cuist !
Trop hault parler nuyst :
Pour Dieu, parlez bas !
RESJOUY
Et ! on dit tousjours
Des propos d’amours
210 Que femme est piteuse110.
TENDRECTE
Chacun a son cours.
Vos motz sont trop lours111,
A bouche venimeuse.
RESJOUY
[M’en] iray-je ainsi,
215 D’amours tout transsy,
Sans secours avoir ?
TENDRECTE
C’est peu de soucy.
RESJOUY
Je vous cry mercy !
TENDRETTE
C’est bon à sçavoir :
220 Vous faictes debvoir112.
Mais je ne sçay pas du salaire.
RESJOUY
Ha ! Fortune, tu m’es contraire113.
Seray-je tousjours langoureux114 ?
TENDRETTE
Hélas ! Entre vous, amoureux,
225 Vous estes si trèsbeaux parlans,
Monstrans chières115 et beaulx semblans ;
Et en derrière116, vous raillez.
RESJOUY
Ha ! quelz fins metz117 vous me baillez !
Railler, c’est à faire à raillars,
230 Railleurs remplis de raillerie.
[TENDRETTE]
Quelz « raillars » ? Sont-ce pas « paillars » ?
Ouy ! Et qui fait la raillerie ?
Jamais, quelque chose qu’on die118,
Bien n’en viendra, c’est fait notaire119.
[RESJOUY]
235 Secourez-moy, je vous en prie !
Maintenant, il est nécessaire.
TENDRETTE
Or çà, doncques ! Sans point distraire120,
Se mon cueur à vous s’adonnoit,
Certes, tout chascun le sçauroit,
240 Dont je seroyes trèspouvre lasse.
RESJOUY
Ha, m’amye ! Que je da[i]ngnasse121
En dire mot ? La mort, la mort
Vouldroyes avoir !
TENDRETTE
Aussi, grant tort
Aurez de [le] faire aultrement.
245 Et de cest heure proprement,
Ma seul[e] amour je vous octroye.
RESJOUY
Grant mercis, le trésort de joye !
De joye, tout le cueur me serre.
Serray suis en noble monltjoye122,
250 Monltjoye123 de trèsnoble pierre,
Pierre précieuse sans terre,
Terre que nul n’a peu requerre.
TENDRETTE
Au surplus, dictes, mon amy :
Mis ay en vous tout mon espoir ;
255 Mais pensez que se mon mary
Le sçavoit…
RESJOUY
Oustez ce « sçavoir » !
Jamais ung seul mot n’en sçaura.
Tout aussi tost qu’il demour[r]a,
Viendray124. Adieu, Turelupin125 !
260 Je hay, tant qu’est à moy, hutin126
[Plus] que ne penseriez jamais,
Croyez.
TENDRETTE
Aussi n’est-il que paix127.
RESJOUY
Mais de l’eure il [nous] fault pourvoir.
TENDRETTE
À quatre heures venez me128 veoir
265 — Entendez-vous ? — soit tort ou droit129.
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RESJOUY SCÈNE VII
Je m’en vois, comment que ce soit130,
À Gaultier Guillaume le dire.
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J’ay ! SCÈNE VIII
GAULTIER
Quoy ?
RESJOUY
Joye !
GAULTIER
Tu me fais rire.
RESJOUY
Nect, nect !
GAULTIER
Dieulx, que tu es joy[e]ux !
RESJOUY
270 Plaisamment !
GAULTIER
Mais qu’as-tu, dea ?
RESJOUY
Mieulx :
Elle m’a desjà baillé l’eure.
Il ne fault pas que je demeure,
Ce seroit pour gaster mon fait131.
GAULTIER
Beau sire, dy-moy, s’il te plaist,
275 Qui elle est.
RESJOUY
De cela, rien, [rien] !
C’est une très femme de bien132,
[Très]toute en beauté compassée133.
GAULTIER
Esse point…
RESJOUY
Qui ?
GAULTIER
J’ay en pensée
La chose.
RESJOUY
N’est pas la « chosecte134 » ?
280 On la nomme, par nom, Tendrette135.
Qu’il n’en soit mot136 ! Ou, sur mon âme…
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
RESJOUY
Sa maison est de bas estage137 ;
Et si138, est de trèsbel ouvraige,
285 Trèsplaisante, Gaultier Guillame139.
GAULTIER
(Ha ! par le corps bieu, c’est ma femme !)
Vous y demour[r]ez140, seurement ?
RESJOUY
[Ouy], à quatre heures justement.
Si141, s’en va Resjouy d’Amours.
GAULTIER
290 (On vous baillera d’aultres tours…
Quel fin varlet142 !)
RESJOUY
Je m’y en vois.
.
GAULTIER SCÈNE IX
Vous aurez visayge de bois143,
Par sainct Jacques, maistre putier !
.
RESJOUY 144 SCÈNE X
Où est-il ?
TENDRETTE
Il fait son mestier.
295 Faisons grant chière145, je vous prie !
RESJOUY
Je vous requier, [ma] chière amye,
Ung baiser pour commencement.
TENDRETTE
Trois pour ung146 !
RESJOUY
De l’odorement147
Seullement, c’est feu, sur mon âme !
.
GAULTIER 148 SCÈNE XI
300 Ouvrez l’huys !!
TENDRETTE
Hélas, Nostre Dame !
RESJOUY
Qui esse ?
TENDRETTE
Hélas, Resjouy,
C’est mon mary.
GAULTIER
Sus, tost !!
RESJOUY
Est149 ?
TENDRETTE
Ouy.
Que ferez-vous ?
RESJOUY
Je suis perdu !
Mais pourquoy y suis-je venu ?
305 C’est ma fin ; aussi devoit estre.
GAULTIER
Qu’esse-cy ? Seray-je point maistre ?
Viendra-on point ?
TENDRETTE
Tant150 que je puis !
GAULTIER
Par le sang bieu, je rompray l’huis !
RESJOUY
[Hé]las, que je fusse en ung lac151 !
TENDRETTE 152
310 Tenez, mectez-vous en ce sac
Acoup : il ne vous verra point.
RESJOUY
Il me viendra trèsbien à point153 ;
Ostez les lettres !
TENDRETTE 154
Tout est hors.
RESJOUY 155
Mettre y fault [la] teste et [le] corps.
315 Adieu Resjouy : il est mort.
TENDRETTE
Taisez-vous !156
GAULTIER
Çà !
TENDRETTE
Vous avez tort !
Sçavez-vous ung petit attendre157 ?
GAULTIER
Je pry à Dieu qu’on me puist pendre
S’il n’y a ung gallant céans !
320 Je bouteray le feu dedens :
S’il y est, je le sçauray bien,
Mort bieu !
TENDRETTE
Certes il n’en est rien.
GAULTIER
Par le sang bieu ! je l’ay ouÿ.
RESJOUY
(Or, à Dieu command158 Resjouy.
325 Je suis bien cy tenu de plat.)
GAULTIER
Qu’esse que j’os159 ?
TENDRETTE
C’est nostre chat.
GAULTIER
J’ay bien fait, dessus vous, escout160.
TENDRETTE
Et ! laissez !
GAULTIER
Je brûleray tout :
Bancs, huches, coffre[s] et fenestres !
TENDRETTE
330 Pour Dieu, gardez161 le sac aux lettres !
GAULTIER
Me fera-on chausser les guestres
Jaques Bonhomme162 ?
TENDRETTE
Nostre Dame !
[Me faictes-vous si trèsgrant blasme ?]163
Pour Dieu ! gardez le sac aux lettres,
335 Mon amy : c’est nostre chevance164.
GAULTIER
Et ! je feray [rendre sentence]165,
C’est tout certain : il n’y a tel166.
TENDRECTE
Jhésus !
GAULTIER
Ostez-le de l’hôtel167
Ou, certes, tout je brusleray !
TENDRECTE
340 Atendez, je l’e[n] osteray,
Mon amy. Et pensez à vous168 !
GAULTIER
Je cuidoye bien estre coux169 ;
Toutesfois, je n’y voy personne.
Le grant courroux que tu me donne
345 Me fait pis !
.
TENDRECTE 170 SCÈNE XII
Allez-vous-en tost !
RESJOUY
Je sents desjà ung peu le rost171.
Adieu, je n’y reviendray plus !
Et ! par mon âme, je concluds
[Qu’oncques follie ne feray-je]172
350 D’aller veoir femme[s] en mesnaige173.
[TENDRECTE]
Adieu, Resjouy, pour jamais !
.
GAULTIER SCÈNE XIII
Certes, je ne suis point en paix.
Je ne cuidoyes point, sur ma foy,
Qu’il n’y eust174 quelq’un avec toy,
355 Se le grant dyable ne t’emporte(s) !
TENDRECTE
J’aymeroyes plus cher175 estre morte,
Gaultier, qu’il176 me fust advenu !
GAULTIER
Onc177 homme ne fut mieulx tenu,
Tout seurement, qu’il eust estay.
TENDRECTE
360 (Le meschant, il s’est bien gastay178 :
Quant il a eu la belle dame,
Il l’a dit à Gaultier Guilla(u)me.
Tenez, quel noble serviteur !
Il ne sçauroit garder l’honneur
365 À une femme de fasçon179.)
.
RESJOUY SCÈNE XIV
À Dieu command le compaignon180 !
Je suis trèsbien à point party.
Sur ma foy ! j’estoye [jà rousty]181,
Se Tendrecte ne m’eust ostay ;
370 Et [si, j’]eusse estay bien frotay182 !
Aussi ay-je fait meschamment183 :
C’estoit la femme proprement
Ad cil à qui mon cas disoye184.
.
GAULTIER SCÈNE XV
Ce n’est pas ce que je cuidoye.
375 Sus avant, allons-m’en disgner185 !
Aussi, le grant dyable d’Enfer
M’a bien fait faire cest ouvrage186.
TENDRETTE
Vous avez brûlay le mesnaige :
N’esse pas grande mesch[é]ance187 ?
GAULTIER
380 Vélà : j[e n’]estoie en doubtance188
De faire maulvaise besongne.
.
Mais vélà, qui qu’en grongne,
Nous en allons sans plus d’eslongne189,
Mes seigneurs. Pour laquelle chose,
385 Nous vous prions [bien] tendrement
Que vostre vouloir se dispose
À nous pardonner plainement.
Jalousye, certainement,
Faict parfaire maincte follie.
TENDRETTE
390 J’ay joué190 assez finement.
Adieu toute la compaingnie !
.
EXPLICIT
*
1 Répertoire des farces françaises, 1993, pp. 377-9. 2 Cet avocat discute au Palais de justice avec son ami Gautier Guillaume, qui est procureur. Le début aligne péniblement des rimes fratrisées qui sacrifient le sens à la forme ; l’imprimeur n’y a rien compris, et les corrections que je propose valent ce qu’elles valent. 3 Ce mot est féminin, comme au vers 246. 4 F : Fais (Par mes actes. « Autant par dict comme par faict. » Le Trocheur de maris.) 5 F : Contredit ie men iroye (Contre dix adversaires, je manierais des arguments rhétoriques. C’est un avocat qui parle.) 6 Bien malgré moi. Cf. le Chauldronnier, vers 86. « I-rai-e » compte pour 3 syllabes. 7 Au premier abord. Cf. les Gens nouveaulx, vers 274. 8 F : femme (À la rime. « De vous, partout, court si très noble fame/ Qu’on ne vous puet, c’est bien chose informée,/ Assez louer, ma redoubtée dame. » Christine de Pizan.) Un rosier arrosé d’une si bonne réputation. 9 Affamé de sexe comme un grand chien. En général, le violeur est un loup : « –Nous aurons voz deulx brus par force !/ –Vous mentirez, loups affamés ! » Les Brus. 10 Exécuter un mouvement de va-et-vient. Ce verbe possède encore le même sens libre : cf. le Dictionnaire érotique de Pierre Guiraud, p. 418. 11 En bas étage. Désigne le bas-ventre d’une femme, tout comme les basses marches, la basse contrée, la basse cour, la basse cheminée, la basse bouche, etc. 12 F : Gamay seray (J’essaierai ma gamme jusqu’à la dernière note : je tirerai le maximum de mon « instrument ».) La « gamme », ou la « naturelle gamme », est en rapport avec le coït : « Une belle femme/ Qui appétoit le ‟bas mestier”/ En faisant recorder sa game. » Repues franches. 13 De me casser les reins, de devenir impuissant. « (Ce lévrier) couvrit toutes les chiennes du pays, [lui] qui auparavant estoit esréné et de frigidis et maleficiatis [impuissant]. » Gargantua, 42. 14 Ton épouse joue-t-elle un peu à la grande dame ? 15 F : le (L’insurpassable. « Car entre les hommes parfaictz,/ Cestuy-cy est la passeroute. » Godefroy.) 16 Un coup. Faire le saut = se faire sauter : « Il luy tarde/ Qu’el face le sault Michelet. » Guillaume Coquillart. 17 F : pesant (Aussi agréable à voir qu’une friche, qu’un terrain vague. « En ung beau frische descouvert. » ATILF.) 18 Est-elle habile. La biche est une fille légère : cf. le Faulconnier de ville, vers 305 et 331. 19 On compare les vagins trop larges à de vieilles bottes. Cf. les Cris de Paris, vers 111-3. 20 Des aboiements contre toi. « Le mastin du logis commence à abbayer, et avec son baubau appelle son maistre. » Godefroy. 21 Incroyable. 22 F : embrassee (Je corrige la même faute aux refrains 35 et 45.) Quel embrasement ! 23 La poitrine polie. « Mon tendron, ma gorge frazée ! » Raoullet Ployart. 24 Bien fait. « Vous avez le corps tant faictifz. » Les Coppieurs et Lardeurs. 25 Comme s’il était modelé dans de la cire. « Elle vous a ung corps tant gent,/ Et est faicte comme de cire. » Serre-porte. 26 S’achèvera là. « Vi-e » compte pour 2 syllabes. 27 J’ai un peu de tracas. 28 Bien tourné. Idem vers 176. « Ce corps traitif, ces rains toufus. » Les Mal contentes. 29 Je te la garantis. 30 F : comme (Fort désirée par les hommes.) 31 Un plaisir. 32 F : sorcier (C’est ce que nous souhaitons tous.) 33 Elle est chez elle et se contemple dans un miroir, devant sa fenêtre ouverte. Une « farce des amoureux » intitulée Tendrette est nommée au vers 266 des Vigilles Triboullet (~1458). 34 F : gracieux (À la rime.) 35 Il passe devant la fenêtre ouverte, et se fige en découvrant Tendrette. Sans être vu ni entendu, il commente ce beau spectacle. 36 Nous dirions : Elle jette des flammes ! Dans son édition* de cette farce qui s’achève en incendie, Jelle Koopmans a relevé un nombre étonnant d’allusions au feu : vers 28, 57, 205, 299, 320, auxquelles j’ajouterai le vers 180. *Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 273-283. 37 S’il. La formule courante est : Nul n’a bien. 38 Quel miroir aux alouettes pour attirer les jolis cœurs. 39 F : tiucellans 40 Les rayons. 41 F : obayer (Pour parer. « Pour obvier à la surprise. » Pour le Cry de la Bazoche.) 42 Petit museau, minois. Cf. le Faulconnier de ville, vers 278. 43 Le prix de beauté. Idem vers 179. 44 Suis-je trop grosse, ou trop maigre ? 45 F : cueur (À la Cour de justice, où le mari de Tendrette est procureur.) On retrouve cette question proverbiale dans la Satyre pour les habitans d’Auxerre : « –Que dict-on en Court ? –Qu’on y dit ? » 46 F répète : en cueur pour deuis / Quen dit on 47 Gonflé. Le bourrelet du chaperon est creux. « Çà, mectez-moy mon chapperon !…/ Il va abatre le soufflet,/ Et il deust estre plain de vent. » Le Povre Jouhan : la coquette de cette farce a beaucoup de points communs avec la nôtre. 48 brmbrectes (Mes testicules. « Ces fillettes/ Qui ayment le jeu des billètes. » Sermon pour une nopce.) Les fatras sont les parties cachées des femmes : « S’elz ne monstrent tout le fratras. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat. Guillaume Coquillart baptise une prostituée « Olive de Gatte-fatras ». 49 Nous (forme normande). Bras à bras = enlacés : cf. le Povre Jouhan, vers 147. 50 Que du plaisir ! 51 Trônant sur une joue blanche. 52 Admettons. 53 F : mouche (« La salive me vient en bouche :/ Baisez-moy ! » Le Povre Jouhan.) 54 De corps. « De beau corsaige. » Le Povre Jouhan. 55 Qu’il n’y manque rien. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 99. 56 F : vostre (Apocope normanno-picarde du pronom votre. « La main dans vo pouquette [dans votre poche]. » La Muse normande.) Que je sois votre servant ! 57 « –Assez belle estes par-devant,/ Mais le derrière gaste tout…./ –Suis-je bien ? » Le Povre Jouhan. 58 Supérieure à toutes les autres. 59 F : cueur (« Vive Dieu ! je feray cecy. » La Somme des péchéz.) 60 Mon Rédempteur = mon Dieu. 61 Celui qui ne prend pas de risques. Sur ce vers proverbial, voir la note 3 de la Mère de ville. 62 J’y vais. Idem vers 266 et 291. 63 Jamais un peureux. L’auteur s’inspire de la farce du Dorellot : « Jà homme couart/ N’acquerra jamais belle dame./ Iray-je ? Et ouy, sur mon âme :/ Il n’a rien, qui ne s’adventure. » Mais il se souvient également d’un proverbe dont le théâtre fit ses choux gras : « Jà couart n’ara belle amie,/ Car il ne la saroit garder. » Mystères de la procession de Lille. 64 Réjoui d’Amour entre chez Tendrette. 65 Qui est le secours des amoureux. 66 F : De vous (Pallas Athéna, déesse de la sagesse, est surtout invoquée par les fous : cf. les Sotz escornéz, vers 261.) 67 Junon, l’épouse de Jupiter. 68 F : marrester (Sans tarder. « Vien tost à moy sans arrester ! » Mahuet.) Sans dire « ho ! » : sans dire « stop ! » au cheval. 69 Et aussi, qu’il vous garde ! 70 Alecto est l’une des Érinyes. 71 F : Est 72 Superlatif, supérieur. Idem vers 100. 73 Trop hauts, trop nobles. 74 Vous feriez mieux de vous taire. « Il s’en peult bien taire ! » Pates-ouaintes. 75 Un peu trop tard, car je suis mariée. Ou bien : car j’ai fini de m’habiller. 76 Dans une autre femme. 77 Instruit de mes volontés. 78 Béjaune, blanc-bec. 79 Prenez la porte, fichez le camp ! « Avisez l’huys de la maison ! » Les Sobres Sotz. 80 F : liguerement (Rapidement.) Tendrette parodie le nom de son adorateur ; d’après le vers 301, elle connaît ce nom. Mais voir le vers 215. Réjoui d’Amour s’enfuit. 81 Quel discours. Cf. les Femmes qui se font passer maistresses, vers 32. 82 Penaud. Cf. Gautier et Martin, vers 156. 83 Dans toute ma vie. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 23. 84 Les marins disaient aussi « tout d’un vent », ou « tout d’un mesme vent ». 85 Réjoui d’Amour retourne au Palais de justice. 86 Une paire de joues. « Unes joues rondes et vermeilles. » G. Coquillart. 87 Supernel, suprême. 88 Parfait. F ajoute dessous une réplique de Gaultier : Comment 89 Nous dirions : c’est un dragon de vertu. 90 F : Que (Jamais ma parole ne pourrait suffire à la dépeindre.) 91 Elle vaut 30 livres de plus. 92 F : ung (Tu es un malin. « Ma foy, que tu es ung fin hoste ! » Les Enfans de Borgneux.) 93 Ris : rire. 94 Bien dessiné. « Elle vous a uns yeulx petis,/ Ung nez mignot assez tratis. » (La Pippée.) « Les yeulx rians, le nez traitifz. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) 95 F : surpris (Enflammé. « Qui est si fort d’amour espris. » Poncette et l’Amoureux transy.) 96 Parles-tu sérieusement ? Cf. les Femmes qui plantent leurs maris, vers 542. 97 Ce mot était parfois masculin : cf. le Pourpoint rétréchy, vers 317 et note. 98 Profond. 99 Plutôt mourir ! Cf. le Chauldronnier, vers 53 et note. 100 F : fault (Si j’échoue. Cf. la Mère de ville, vers 27.) 101 C’en est fait de mes projets. Réjoui d’Amour quitte le Palais de justice et entre chez Tendrette. 102 F : scauoir (Que nul ne peut l’avoir.) 103 « Las ! mon amy, qui vous ramaine ? » Frère Guillebert. 104 Pour y prendre du plaisir. 105 F : scauez vous (Quel est votre métier ? Tendrette vérifie si son prétendant aura les moyens de l’entretenir : cf. le vers 221.) 106 F : nous (À vous conseiller dans votre intérêt. Les plaignantes de Jehan de Lagny embauchent un avocat : « Messire Jehan Virelinquin/ Est bien homme pour nous conduyre. ») 107 Cela. 108 Videz les lieux, allez-vous-en ! « Se ne vuidez d’icy bien tost. » Le Mince de quaire. 109 Du plaisir. 110 Que les femmes prennent en pitié les mots d’amour. 111 F : cours (« Pardonnez-moy si mes motz sont trop lourdz. » Clément Marot.) 112 Votre devoir d’amoureux. 113 « Fortune, tu m’es bien contraire. » Les Gens nouveaulx. 114 Atteint de langueur, malheureux. « Ne suis-je pas bien langoureux,/ D’avoir esté si amoureux/ D’une femme qui tousjours pette ? » Poncette et l’Amoureux transy. 115 Faisant bonne figure. 116 Derrière notre dos. 117 Peut-être faut-il lire motz : quels mots caustiques. 118 F : crie (Voir le vers 55.) Quoi qu’on en dise. « Ma foy, quelque chose qu’on dye. » Les Femmes qui font escurer leurs chaulderons. 119 C’est un fait notoire. 120 Sans qu’on s’écarte du sujet. 121 Que j’ose. 122 Dans un bonheur suprême. 123 Un tas. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 197. 124 F : Venir (Dès que votre mari restera à son travail, je viendrai.) 125 Un turlupin est un religieux hypocrite : cf. la Pippée, vers 441. Ici, nous avons sans doute un refrain de chanson. 126 Quant à moi, je hais le grabuge. 127 Il n’y a que le silence qui importe. 128 F : pour 129 D’une manière ou d’une autre. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 784. 130 Je vais, quoi qu’il en soit. Réjoui d’Amour retourne au Palais. 131 Paraphrase de deux expressions convenues. 1) Les nourrices paresseuses disaient : Cela risquerait de gâter mon lait. 2) Les femmes enceintes disaient : Il ne faut pas gâter mon fruit. Cf. Sœur Fessue, vers 213. 132 « C’est une très-femme de bien. » Estienne Tabourot, Apophtegmes. 133 Façonnée harmonieusement. « Dame en qui compassée/ Sera beauté. » ATILF. 134 Ne penses-tu pas plutôt à la bagatelle, au coït ? Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 234 et note. 135 L’auteur oublie que Tendrette n’a pas dit son nom, à moins que des vers n’aient disparu. 136 N’en parle pas. 137 Est de plain-pied. 138 Et pourtant. 139 F : guillome (La rime normande est en -ame, comme à 362. Cf. le Ribault marié, vers 298 et note.) 140 Vous resterez dans sa maison, elle et toi ? 141 Aussi. 142 F : varler (Quel sournois ! « Tant il y a de fins varletz ! » Jeu du Prince des Sotz.) 143 « Visage de bois : la porte fermée. » (Antoine Oudin.) Dans un dialogue de l’Escole des femmes tout à fait similaire au nôtre, Molière dira : « La porte au nez ! » 144 Il entre chez Tendrette, et lui demande où est son mari. 145 Lorsqu’un amant va chez sa maîtresse, les réjouissances débutent par un banquet bien arrosé : « Car j’ey préparé le banquet :/ Récréon-nous, faison grand chère ! » (Lucas Sergent.) Mais « grand chère » désigne aussi les plaisirs de la… chair : « Chagrinas vous fait-il grant chère ? » (Chagrinas.) À l’origine, ce vers et le suivant étaient disposés ainsi : « –Je vous prië, faisons grant chière./ –Je vous requier, m’amyë chière… » J’en veux pour preuves les vers 43 et 45 de Frère Frappart, et les vers 86 et 87 du Testament Pathelin. 146 Je vous en rendrai trois quand vous m’en donnerez un. Le couple s’embrasse. 147 Le parfum de vos baisers. 148 Il cogne contre la porte, qui est fermée de l’intérieur. Bien entendu, cette porte est aussi symbolique que l’incendie final. 149 C’est lui ? 150 Aussi vite. 151 Si je pouvais être dans un lac plutôt qu’ici ! 152 Elle attrape un grand sac de toile. Les hommes de loi — et donc les procureurs — y fourrent leurs papiers : cf. le Testament Pathelin, vers 10, 28, 41, etc. Entre autres paperasses, lesdits sacs contiennent des lettres : « Vous ne chanteriez que de sacz/ Et de lettres. » Le Testament Pathelin. 153 Ce sac vient à point nommé. 154 Elle vide le sac. Les lettres de procuration jonchent le sol, et c’est elles que Gautier Guillaume, aveuglé par la jalousie, va flamber. 155 Il entre dans le sac. Voir la note 150 du Villain et son filz Jacob. 156 Elle ouvre la porte à son mari. 157 Ne pouvez-vous pas attendre un peu ? 158 F : comment (Je recommande à Dieu. Voir le vers 366.) 159 Que j’ois, que j’entends. Gautier a perçu les plaintes de Réjoui d’Amour. 160 Je vous ai bien écoutée, quand j’étais derrière la porte. « Je suys en escoust. » (Le Monde qu’on faict paistre.) Gautier prend une boîte d’allumettes ; son épouse tente de la lui arracher. 161 Prenez garde, épargnez. 162 Nom générique des paysans qui se laissent piller : « Je souhaite, dessus Jacques Bon-homme,/ Vivre de hait. » (Les Souhaitz du Monde.) Les paysans ne protégeaient pas toujours leurs sabots avec des guêtres ; il serait donc plus judicieux de lire « les guêtres d’un gentilhomme » : « Ne porte-il pas bien la guestre/ Pour estre ung vaillant gentilhomme ? » (Légier d’Argent.) Auquel cas, l’expression signifierait « être cocu », partant du principe que dans les farces, les nobles le sont bien souvent : cf. le Gentil homme et Naudet, le Poulier à sis personnages, etc. Mais il y eut peut-être une farce des Guestres Jaques Bonhomme, qui ferait pendant à celle des Botines Gaultier. 163 Vers manquant. J’emprunte le vers 142 des Queues troussées. 164 F : cheances (Notre gagne-pain. « Mon or, mon argent, ma chevance. » Ung jeune moyne.) 165 F : tout une dance (Je vous ferai condamner par un juge. Les Basochiens raffolent des sentences : « Vous rendre la sentence au poing. » Pour le Cry de la Bazoche.) 166 Il n’y a rien de tel. Cf. Jolyet, vers 20. 167 F : lothel (Ôtez le sac de la maison.) 168 Pendant qu’il fera attention à lui, le mari ne fera pas attention à ce que fait son épouse. 169 Cocu. Cf. le Pourpoint rétréchy, vers 769 et 838. 170 Elle traîne le sac dans la rue, l’ouvre, et en fait sortir son amant. 171 Je sens le rôti. 172 Vers manquant. « C’onques folie ne fis. » Roman des Sept Sages. 173 Mariées. 174 Qu’il n’y ait pas. Les deux négations s’annulent, comme aux vers 317-8 du Gallant quy a faict le coup. On doit donc comprendre : Je pensais qu’il y avait quelqu’un avec toi. 175 J’aimerais mieux. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 859. 176 Plutôt que ce déshonneur. 177 F : Que (Jamais. « Onc homme ne fut mieulx souillié. » Les Coppieurs et Lardeurs.) 178 Réjoui d’Amour s’est bien compromis. 179 De qualité. « Vous estes femme de façon. » Les Femmes qui aprennent à parler latin. 180 Je me recommande à Dieu. Voir le vers 324 181 F : a roussy (« Je suis jà demy rousty. » Pantagruel, 14.) 182 Et aussi, j’aurais été frotté par le bâton de Gautier. Cf. la Laitière, vers 200. 183 J’ai agi maladroitement. 184 À celui auquel je racontais mon affaire. 185 Allons dîner à la taverne. 186 Cet incendie. Ou cette farce. 187 Un grand malheur. 188 Je ne pensais pas. 189 Sans plus de tergiversations. Le congé s’adresse au public masculin de la Basoche. 190 F : iouye