ROUGE-AFFINÉ, BEC-AFFILLÉ ET DÉCLIQUETOUT
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ROUGE-AFFINÉ,
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BEC-AFFILLÉ ET
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DÉCLIQUETOUT
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L’auteur de la moralité Mars et Justice émargeait à la Basoche de Paris, dont le répertoire théâtral était considérable. Ce basochien emprunta audit répertoire une sottie composée un an plus tôt par quelqu’un d’autre, et il la mit à la fin de son ennuyeuse moralité, pour finir sur un éclat de rire1. Voulant lier ces deux textes fort disparates, il introduisit maladroitement dans son œuvre les trois Sots de la sottie. Mais ayant écrit sa moralité en alexandrins, il eut le tort de commencer à retranscrire la sottie dans ce mètre qui ne convient absolument pas ; au bout de 25 vers, il se résolut à conserver les autres octosyllabes. Une même tentative, tout aussi désastreuse, défigure le début de la Ruse et meschanceté des femmes.
Alors que Mars et Justice est de 1564 ou 1565, la sottie doit dater de 1563. Les victimes des anecdotes scandaleuses qui la constituent ne sont plus identifiables.
Source : Bibliothèque nationale de France, ms. fr. 24340. Je ne publie que la sottie finale, folios 15 rº à 21 vº. Jean-Claude Aubailly et Bruno Roy ont édité la pièce intégrale dans Deux Moralités de la fin du Moyen-âge <Droz, 1990> ; notre sottie occupe les pages 108-125 et les vers 485-810. Bien entendu, je numéroterai les vers à partir de 1.
Structure : Rimes plates.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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ROUGE-AFFINÉ 2
Or sus, Bec-affillé ! Or sus, Décliquetout3 !
Comptez-nous4 quelque cas ! Comptez-nous jusqu(es) au bout,
De ces patïonnéz en amour5, les secretz,
Les plainctes, les souspirs et langoureux regretz !
5 Vous en sçavez beaucoup : il y a jà deux ans
Que l’on [n’]a point monté sur l’eschaufault6 céans.
Comme[nt] mon compagnon, le cardinal Le Moyne7,
Se porte maintenant ?
BEC-AFFILLÉ
Il est (par sainct Anthoine !)
À Romme ce jourd’huy, et a bonne espérance
10 De retourner en paix au roiaulme de France.
ROUGE-AFFINÉ
Ne nous rescript-il point8 ?
DÉCLIQUETOUT
A mandé9, du Sainct-Siège,
Qu’il voulloit revenir s’esbattre à son collège
Où, pource qu’il n’y est, tousjours en ce Pallais10
Les théologïens preignent plaisir aux plaidz11.
ROUGE-AFFINÉ
15 Le[s] rioteulx12 procès et la théologie
Ont diverses humeurs. Laissons mélencolie !
Mon bon amy aussy, Enry[mé] de Bourgongne13,
Comment se porte[-t-il] ? Faict-il bien sa besongne ?
BEC-AFFILLÉ
C’est tousjours vostre amy14 !
ROUGE-AFFINÉ
Et le Prince des Sotz,
20 Le pauvre boullenger ?
DÉCLIQUETOUT
Ores est en repos15.
Sa femme, touteffois, la première à la dance
Fut, à la Sainct-Benoist.
ROUGE-AFFINÉ
N’avoit doncq souvenance
Du Prince, son mary ?
BEC-AFFILLÉ
Encor(es) s’en souvenoit ;
Mais en dansant, son dueil passer elle voulloit.
ROUGE-AFFINÉ
25 Mays que sont devenuz les veaulx16
De Beauvais17 ?
DÉCLIQUETOUT
Ceulx-cy sont nouveaulx.
Ilz sont en procès tellement
Qu’ilz se sont lorgnéz18 asprement.
BEC-AFFILLÉ
Ilz ont ung Principal nouveau.
ROUGE-AFFINÉ
30 Je croy que c’est19 quelque grand veau.
DÉCLIQUETOUT
Il est vray : car le proviseur,
Voullant estre le deffenseur
Du bien du collège loyal 20,
Se print à ce veau Principal
35 Comme à ung grand perturbateur.
ROUGE-AFFINÉ
L’intention du fondateur21
Est avoir ung homme sçavant,
Homme d’Église bien disant
Pour Principal, qui bien enseigne
40 Sans fère quelque chose indigne.
BEC-AFFILLÉ
Il y a bien aultres nouvelles.
ROUGE-AFFINÉ
Sont-elles pour gaudir22, et belles ?
BEC-AFFILLÉ
Ung beau advocat lyonnois
— Laissant ses livres et ses loix —,
45 Avec une belle espicière
Gentille, mignonne et gorrière23,
Aux faulxbourgs Sainct-Marcel alla,
Avec une nonain24 ; où là
Fut surprins.
ROUGE-AFFINÉ
La relligieuse,
50 L’estoit-elle25 ?
BEC-AFFILLÉ
[Ouy], plus heureuse26
Qu’elle n’eust esté au couvent ;
Mais comme advient le plus souvent,
De couverture leur servoict.
ROUGE-AFFINÉ
Comment cela ?
BEC-AFFILLÉ
Car on faisoit
55 La « besongne » dessoubz son voile27.
DÉCLIQUETOUT
Le mary descouvrit la toille28
Et vit le Lyonnois mignard
Avec[ques] sa femme à l’escart.
Le Lyonnois, du hault en bas
60 De la chambre29, ne faillit pas
À se jeter dans les ortyes
Pour éviter les [grans] furyes
Du mary, qui voulloit entrer.
ROUGE-AFFINÉ
Quoy ! le vouloit-il30 rencontrer ?
BEC-AFFILLÉ
65 Et quoy doncques31 ! Le Lyonnois
S’esgratigna visaige et doigs,
Et long temps fut au lict mallade.
Dont, trouvant la vïande fade,
Fut visité de l’espicière.
DESCLIQUETOUT
70 L’advocat, de mesme manière,
La visita estant au lict32.
[BEC-AFFILLÉ]
Et pour maintenir son délict33,
Orenges, grenades, cytrons
Luy envoioit34, et des marons,
75 Avec chausses à la gréguesque35,
Ou aultrement à la tudesque.
ROUGE-AFFINÉ
Pourquoy ?
DÉCLIQUETOUT
Et ! pour les mommeries36.
BEC-AFFILLÉ
Qu’il a fallu d’espiceries37,
De drogues et de confitures
80 Pour eschauffer ces créatures !
ROUGE-AFFINÉ
La femme est-elle lyonnoise ?
DESCLIQUETOUT
Elle est de Paris, et bourgeoise.
ROUGE-AFFINÉ
Sçais-tu point le menu devis38
De la grand rue Sainct-Denys ?
BEC-AFFILLÉ
85 Je sçais quelque cas d’ung fondeur
Logié39 par-delà Sainct-Saulveur,
Au-devant de la Trinité.
[Ayant au puys le fer jeté,]40
[Sa main laissa tomber]41 la corde
90 [Tenant le fer]42. Lors se recorde
D’ung cureux de puys43 ; mais voyant
Que cinq solz estoit demandant44,
Luy-mesme au puys voulut descendre.
ROUGE-AFFINÉ
Quelque avarice le vint prendre
95 De se faire descendre là.
BEC-AFFILLÉ
Mais sa femme au puys le laissa45,
Pour s’en aller « en quelque coing
Culleter au grenier au foing »46.
Le mary, de ce tour47, s’ennuye.
100 Tantost hault, tantost bas, s’escrie ;
Sa femme « putin » il appelle.
Laquelle, faisant sa querelle48,
Luy demande en telle manière :
« En la rue de la Plastrière,
105 Mon mary, avez-vous esté49 ?
Quoy ! n’avez-vous point bancquetté ?
En la rue Guérin-Boisseau50
Avez-vous trempé le « boiau51 » ?
Puis en la rue de Montmartre
110 Ne vous a-on point veu esbattre ?
Or, [avant]52 que je vous retire,
Promect[e]z de ne me riens dire53 ;
Promect[e]z de me pardonner
Et de plus ne m’abandonner. »
115 Ce qu’il promect. On le retire.
Mais en sa grand fureur et yre,
D’ung gros baston il la caresse.
Donc, usa de ceste finesse54
Qu’au lict la mallade elle fist.
120 Et le sergent sans barbe55 dict :
« Tant l’ay battue qu’elle enrage,
Et le lict garde daventaige
Que n’ay gardé. »
ROUGE-AFFINÉ
Doncq, [ce] fondeur
Fut mallade pour la frescheur56 ?
BEC-AFFILLÉ
125 Et57 quoy donc !
ROUGE-AFFINÉ
Ce58 qui plus affine,
C’est la finesse féminine.
DÉCLIQUETOUT
Ung clerc du greffe se complainct
D’ung pensïonnaire59, qu’i[l] craint.
ROUGE-AFFINÉ
Dy-moy la cause de la plaincte,
130 Et semblablement de la crainte.
DÉCLIQUETOUT
Ce clerc estant allé s’esbatre
Aux champs avec[ques] trois ou quatre,
Sa femme, sur le soir, renvoye60
— Et ce pensïonnaire en joye —
135 Pour aller coucher en la ville61.
La femme, d’ung esprit subtille,
Avecques ce pensïonnaire
Toute la nuict feist son affaire.
Ce clerc du greffe, estant aux champs,
140 Songea qu’ilz estoient combatans
Soubz la courtine de Vénus62 ;
Et en sursault ce clericus63
S’esveille, s’abille et, en peine64,
Devers la ville s’achemyne ;
145 Vint à sa maison. Oultre plus,
Et en son lict les trouva tous nudz ;
Et, la custode à soy tirant,
Dict son songe estre vray pour tant65.
C’est qui cause la doléance66.
ROUGE-AFFINÉ
150 De ce, n’en print-il point vengeance ?
DÉCLIQUETOUT
Nennyn.
ROUGE-AFFINÉ
Pourquoy ?
DESCLIQUETOUT
Car il a peur
Qu’il n’en reçoipve déshonneur.
Puis il craint le pensïonnaire,
Qui luy pourroit donner affaire.
ROUGE-AFFINÉ
155 Ung bon cueur ce ne souffrira ;
Mais plustost, il s’en vengera.
Bec-affillé, ne sçais-tu rien ?
BEC-AFFILLÉ
Ung compte je vous feray bien
D’ung procureur.
ROUGE-AFFINÉ
D’où ?
BEC-AFFILLÉ
De céans67.
160 Lequel, après morceaulx frians
Voulant jouer de la braïette68…
ROUGE-AFFINÉ
Poursuict[s] ! Vien çà, fille69 le reste !
De tout compter ne faille pas !
BEC-AFFILLÉ
Après avoir pris son repas
165 Au cabaret de Sainct-Martin,
Où il avoyt beu de bon vin,
Une sienne amye vint veoir
Malade au lict.
ROUGE-AFFINÉ
C’est le debvoir
D’ung vray amoureulx charitable.
BEC-AFFILLÉ
170 Et ce procureur vénérable,
Aiant tenu plusieurs propos,
Pour laisser la dame en repos
Luy dict doulcement le bonsoir.
La chambrière, ayant voulloir
175 De bien soullager sa maistresse,
Avec la clarté [le radresse]70 ;
Ce procureur, s’aprochant d’elle,
Souffle vistement la chandelle,
Et sur une trappe pourrye
180 Vint culleter, digne qu’on rye.
Si fort il « rembourroit le bas71 »
Qu’en tombant se rompit le bras.
On vient au secours, où on treuve
Monsieur, qui avoyt faict espreuve
185 De son courtault72 dessus la trappe.
ROUGE-AFFINÉ
C’est en ce point comme on attrape73
Ce[s] procureurs.
BEC-AFFILLÉ
Ce n’est pas tout :
Quant [on le relleva]74 debout,
On vit sa brayette soulliée,
190 Qui estoit encor(es) destachiée.
DESCLIQUETOUT
La dame mallade, en après,
Mourut. Et après son décèz,
Le mary, ainsy qu’il soulloyt75,
Pour partager venoit, alloit,
195 En la maison du procureur ;
Lequel s’en fascha : car l’honneur
Qu’au76 mary faisoict par avant,
C’estoit pour ce qu’estoit amant
De la dame, et non point du sire77,
200 Qui ne se peult tenir de dire :
« Monsieur, ores, ne m’ayme plus.
Ma femme morte, suis exclus
De son amytié. Vrayement,
Il a faulte d’entendement :
205 Il dict qu’il me78 veult trouver femme ;
Je m’en garde bien, par mon âme !
Le louage est [moins] dangereux79. »
ROUGE-AFFINÉ
Le vray amour n’est point en ceulx
Qui ayment pour la paillardise.
210 Mais chacun la vertu desguyse.
BEC-AFFILLÉ
Près Sainct-Germain-de-l’Auxerrois,
Il y a ung riche bourgeois
Qui deux chantre[s] pria ung jour
De soupper.
ROUGE-AFFINÉ
C’est quelque bon tour,
215 Puisque chantres80 y sont mesléz.
BEC-AFFILLÉ
Pour soupper estans assembléz,
Feirent ensemble bonne chère.
Après soupper, trouvent81 manière
De prendre récréation.
ROUGE-AFFINÉ
220 Y eust-il assignation82
De quelque branslement de fesses ?
BEC-AFFILLÉ
On feist là des jeus de souplesses83 :
Car les chantres furent d’advis
Qu’on joue à sur qui je m’assis84,
225 Ce que le bourgeois bien voulloit.
Et pour sçavoir qui cligneroyt85,
Ensemble au court festu86 tirèrent,
Où les chantres se récréèrent :
Car le plus court vint au bourgeois,
230 Qui fut bandé comme ung cagois87.
Ne voiant goutte, [il] se promène.
Sa88 femme prend place certaine ;
Et ung des chantres, dessus elle
Voulut « accorder sa vïelle » :
235 Il l’embrasse de bon courage89,
Et print plaisir à l’affûtaige90,
Faisant signe à son compagnon
Qu’après luy, le trouveroit bon91.
Le mary chercha çà et là92,
240 Et le cul du chantre trouva,
Lequel à plaisir cull[e]ctoit.
Car le [bon] mary luy aydoit :
S’assiant sur le cul du chantre,
L’affûtage plus avant entre.
245 [Et disoit]93 : « Vous ne gagnez rien ;
Par les chausses vous congnois bien.
Partant, [il] est raison qu(e) on alle94
Se promener parmy la salle
Ainsy caché95 comme j’estois :
250 Car vous estes prins, ceste fois ! »
Le chantre respondit à l’heure :
« Que je suis prins, c’est chose seure.
En me débattant, l’esguillette96
Est rompue de ma brayette.
255 Puisqu’ainsy est, je cligneray ;
Et si puis, guières n’y seray97. »
ROUGE-AFFINÉ
Voilà ung chantre bien apris !
Mais est-il vray ce que tu dis ?
BEC-AFFILLÉ
Je le sçays de son compagnon,
260 Qui n’y eut point sa portion
— Qui98 luy en a causé le mal.
DÉCLIQUETOUT
Près Sainct-Jacques-de-l’Hospital99,
Ung procureur aymant le jeu
D’amourettes100, près de son feu
265 Voiant tourner sa chambrière101,
Luy a dict en ceste manière :
« Jehanne, va-t’en chercher là-hault
Tout cela qu’à la table fault102 ! »
Et après, sa femme pria
270 Que pour elle le rost tourna103 ;
Ce qu’elle feit, car [Jehanne monte]104.
Et le mary, sans quelque honte,
S’en va après elle105, disant : « Tost106 !
Car ma femme to[u]rne le rost. »
275 Et ainsy comme ilz s’accolloient
Et leurs instrument[z] affûtoient107,
La femme le rost délaissa
Et tout ce beau jeu advisa.
ROUGE-AFFINÉ
Et que dist-elle108 ?
DESCLIQUETOUT
Courroucée,
280 A sa collère deschargée
De parolles sur son mary.
ROUGE-AFFINÉ
Il debvoit estre bien marry
De ne l’avoir point faict plus tost
Cependant qu’on tournoit le rost.
BEC-AFFILLÉ
285 Il advint que la femme (ung jour)
D’ung bon procureur de la Court
Fut trouvée en « dévotion109 »,
Remuant fort le cropion110
Sur ung lict vert qu’on oioit braire111,
290 L’esbranlant ung pensïonnaire.
Le clerc112, les trouvant à l’escart,
Dict qu’il voulloit avoir sa part.
ROUGE-AFFINÉ
C’est raison : car telle rencontre
Mérite que faveur on monstre.
295 Mais tu ne nous faictz point certain113
De la rue.
BEC-AFFILLÉ
Vers Sainct-Germain
De-l’Auxerrois ce procureur
Qui faict demourance, [il] est tout seur114.
DESCLIQUETOUT
Ung moyne gris115, dernièrement,
300 Avec la femme gayement
D’ung vendeur de vins s’ébattoit
Lorsque le mary tracassoit116
Avec(ques) les marchans dessus l’eau(e).
ROUGE-AFFINÉ
Trouvoit-il ce passe-temps beau ?
DÉCLIQUETOUT
305 Le mary, venant de l’estappe117,
Au marteau de la porte frappe.
Et le moyne, entendant le bruict,
Laisse de Vénus le desduict ;
Car voiant sa vie hazardée118,
310 Il monta en la chemynée119.
Le mary desjeuner voulut ;
Parquoy, achepter il fallust
Des saulcices que l’on feist cuyre120.
Le moyne, n’ozant ung mot dire,
315 Tout enfumé, se contenoit.
Mais le clou121 où il s’appuioit
Se deffit. Tombant, les saulcisses
Il renversa de ses deux cuisses.
Et le mary, tout estonné122,
320 Au basteau s’en est retourné.
ROUGE-AFFINÉ
Voilà ung gentil monachus123 !
C’est assez compter des abuz
Des amoureux passïonnéz.
Sus, après ! Trompettes, sonnez !
325 Allons disner, car il est temps
Que nous prenions noz passetemps.
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1 « La pièce est double ; la première moitié seule est une moralité (vers 1-480) ; le reste est une sottie. » (Louis Petit de Julleville, Répertoire du théâtre comique en France au Moyen Âge, 1886, p. 82.) L’auteur de Pour le cry de la Bazoche, qui appartient comme celui-ci à la Basoche de Paris, avait également raccroché une sottie pleine de médisances à une moralité sérieuse, pour finir en beauté. 2 Rouge = malin : « Les plus rouges y sont pris. » (Les Coppieurs et Lardeurs.) Affiné = rusé : « C’est un badin afiné. » (Les Sobres Sotz.) Rouge-affiné tient le rôle d’un clown blanc : il n’est là que pour faire parler ses deux acolytes. 3 Un bec affilé est une langue de vipère : « Ces villotières [coureuses]/ Qui ont le bec si affilé. » (Villon.) Un déclique tout est quelqu’un qui parle mal de tout le monde : « As-tu tout dit, desclicque-tout ? » La Nourrisse et la Chambèrière. 4 Racontez-nous. Idem vers 158, 163 et 322. 5 On reparle des « amoureux passionnés » au vers 323. Pourtant, il n’est pas ici question d’amour mais de « paillardise » (vers 209) : la parodie du genre courtois est un des jeux favoris des Sots. 6 Sur l’échafaud, sur les tréteaux du théâtre. Ung Fol changant divers propos se réjouit qu’on ait imposé le même silence aux collégiens du Cardinal-Lemoine : « Ilz ont failly plusieurs années/ À jouer. » Aubailly et Roy précisent p. 77 : « Les Basochiens n’avaient pas joué depuis deux ans vraisemblablement à la suite d’une ordonnance de 1561 qui renouvela un décret de censure datant de 1538. » La présente sottie serait donc de 1563. 7 En matière de théâtre, le collège parisien du Cardinal-Lemoine faisait concurrence aux basochiens : voir la notice des Femmes qui se font passer maistresses. Ce collège servait de défouloir à tous ceux qui se mêlaient de théâtre, et notamment aux autres collégiens : voir la notice d’Ung Fol changant divers propos. 8 Ne nous répond-il plus par écrit ? 9 Il a fait savoir, depuis Rome. 10 Au Palais de justice de Paris, où les basochiens travaillent et font du théâtre. 11 Aux plaidoiries, aux procès. 12 Querelleurs. 13 Henri, du collège de Bourgogne, est une autre tête de Turc des basochiens, qui le surnomment Enrimé [enrhumé, ou en rimes]. « Au ladre Cardinal Le Moyne/ Et au Bourguygnon enfumé,/ Nostre ennemy maistre Enrymé. » (Pour le cry de la Bazoche.) « Ce faulx [sournois] maistre Enrimé,/ Infâme Bourguignon salé. » Ung Fol changant divers propos. 14 Comprendre : votre ennemi. L’ami du vers 17 et le compagnon du vers 7 dissimulent la même antiphrase. 15 Maintenant, il repose en paix : il est mort. Les basochiens prennent leurs désirs pour la réalité : Pierre Derue, ou de Rue, « maistre boulanger » et « prince des Folz de ceste ville de Paris », était encore bien vivant. 16 Les responsables du collège de Beauvais, à Paris. Là aussi, on faisait du théâtre : voir la notice du Mince de quaire. En particulier, on venait d’y reprendre la sottie des Veaux, créée en 1550 à Rouen : Jacques Grévin nous dit que sa comédie la Trésorière fut « mise en jeu à Paris, au collège de Beauvais, après la satyre qu’on appelle communéement les Veaux, le V de février M.D.LVIII [le 5 février 1559, nouveau style]. » 17 Le copiste n’a pas encore vu que l’auteur de Mars et Justice renonce à transformer les octosyllabes de la sottie en alexandrins : il a mis ces 2 mots à la fin du vers précédent. 18 Qu’ils se sont tapé dessus. « Et à grands coups de poing il lorgnoit dessus luy. » Bonaventure Des Périers. 19 Ms : soict 20 Ce jeu de mots sur loyal et royal vise peut-être les bonnes relations théâtrales qu’Henri II, mort en juillet 1559, avait entretenu avec le collège de Beauvais : c’est lui qui avait fait reprendre la sottie des Veaux — il avait assisté à sa création rouennaise —, et c’est lui qui avait commandé la Trésorière à Grévin. On comprend que ce favoritisme fort lucratif ait pu engendrer quelques jalousies, alors que la censure royale persécutait les basochiens. 21 Le cardinal Jean de Dormans, en 1370. 22 Pour rire. 23 Élégante. « Quant la mignonne, la gorrière. » Le Résolu. 24 Cette nonne sert d’alibi au couple adultère que constituent l’avocat et la femme d’un épicier. 25 Ms : Dou estoit elle (Était-elle vraiment religieuse ?) 26 Et elle était plus heureuse avec eux. 27 Les deux amants coïtaient sous le voile de la religion. 28 Le mari de l’épicière souleva symboliquement ce voile de la religion. 29 En sautant par la fenêtre. 30 Ms : vouloit de (Le mari voulait-il affronter l’amant de son épouse ? Rencontrer = attaquer : cf. les Maraux enchesnéz, vers 273.) 31 Ms : doncq car (Et comment donc ! « –Me congnoist-il bien ? –Et quoy doncques ! » Le Capitaine Mal-en-point.) 32 Quand elle était au lit. 33 Son plaisir. Cf. le Pèlerinage de Mariage, vers 230. 34 Elle lui envoyait. Les épiciers vendent des épices, des produits rares et des fruits exotiques. 35 À la grecque. « On s’est mis à en faire sans brayette, que les uns ont appelé chausses à la grégesque. » (Henri Estienne.) Les chausses à la tudesque [à l’allemande], pourvues de rabats, désignent les « grandes & amples chausses à la suisse ». Noël Du Fail. 36 Ms : mõnneries (Les momeries, spectacles au cours desquels on danse la morisque, requièrent des costumes bizarres.) « Joueurs de la Basoche, et autres sortes de badins et joueurs de badinages, farces, mommeries et sotteries [sotties]. » Brantôme. 37 D’épices aphrodisiaques, en particulier le clou de girofle et le gingembre. 38 Les potins. Pour le cry de la Bazoche évoque aussi la rue Saint-Denis, aux vers 425-432. 39 Ms : Lequel (« [Le fondeur] est logé en la ville. » Les Femmes qui font refondre leurs maris.) Rue Saint-Denis, l’église Saint-Sauveur était voisine du cimetière de la Trinité. 40 Homme de bonne volunte (Le copiste a remplacé un vers manquant par une banalité hors sujet.) Les fondeurs plongent le fer rouge dans l’eau froide pour obtenir de l’acier trempé. 41 Ms : La main de fer tenant (La main du fondeur a lâché la corde qui tenait le fer chaud, lequel est tombé au fond du puits.) 42 Ms : Laissa tomber (Tous les mots sont là, mais dans le désordre.) 43 Alors le fondeur se souvient d’un cureur de puits. 44 Que ce dernier demandait 5 sous tournois. 45 L’abandonna dans le puits, au lieu de tourner la poulie pour le faire remonter. 46 Pour aller là où elle avait affaire. Aucune déduction scabreuse ne peut être tirée de ces deux vers, empruntés à une épitaphe parodique de Clément Marot : « Alix (…)/ Alloist tousjours en quelque coin/ Culleter au grenier au foin. » 47 Du mauvais tour que sa femme lui joue. 48 Le querellant. Elle n’était donc pas en train de « culeter ». 49 Ms : oste (Cette rue correspond peu ou prou à l’actuelle rue Serpente, dans le 6ème arrondissement. Elle abritait des prostituées : « En la rue de la Plâtrière,/ Là maint [demeure] une dame loudière. » Le Dit des rues de Paris.) 50 Elle existe toujours, mais très abîmée, dans le 2ème arrondissement. 51 Boyau = pénis. « Ne pouvant dresser [bander],/ Que ce boyau ridé te serve pour pisser ! » Remy Belleau. 52 Ajout d’Aubailly et Roy. Le copiste, ne parvenant pas à lire ce mot dans son manuscrit de base, a laissé un blanc dans le sien. Vu le nombre de petites fautes qu’il commet, son ms. de base devait être difficile à déchiffrer ; mais reconnaissons qu’il n’a pas fait vraiment mieux que son prédécesseur. 53 De ne rien me reprocher. 54 Elle fit usage de cette ruse. 55 Le mari n’est pas sergent mais fondeur. J’ignore à quelle anecdote locale cette expression se réfère, mais un homme sans barbe avait des problèmes de virilité : cf. Cautelleux, Barat et le Villain, vers 180 et note. 56 À cause de la fraîcheur du puits dans lequel il a séjourné. 57 Ms : En (Et comment donc ! Même interjection qu’à 65.) 58 Ms : Car (Ce qui trompe le plus.) 59 Étudiant en droit, hébergé en pension chez un juriste auquel il sert de secrétaire. Un autre apparaîtra au vers 290. Nous ne quittons pas la Basoche. 60 Il renvoie à Paris. 61 Il envoie sa femme (et son secrétaire ravi) dormir à la maison. 62 Rêva que sa femme et son secrétaire se livraient aux combats de Vénus. La courtine est un rideau qui masque le lit à baldaquin, comme la custode du vers 147. 63 Ce clerc du greffe. 64 La rime pèine / achemine est parisienne, comme ensèigne / indigne aux vers 39-40. 65 Pour cela. Aubailly et Roy expliquent : « Et lorsqu’il tira le rideau du lit, il s’aperçut que son rêve était réalité. » 66 C’est ce qui cause sa plainte, en terme de droit. 67 De ce Palais de justice. Les basochiens sont souvent des clercs de procureurs, comme celui du vers 291. 68 Voulant jouer de la braguette après avoir bien mangé. Par extension (si j’ose dire), la brayette désigne également la verge : « Le procureur, qui avoit la brayette bendée. » (Des Périers.) Bec-affilé s’interrompt et regarde si le procureur n’est pas dans la salle, ce qui n’aurait rien d’impossible : les représentations de la Basoche avaient lieu au Palais. Voir la notice de Pour le cry de la Bazoche. 69 Filer = dévider son fuseau. 70 Ms : la dresse (Le raccompagne à la porte du rez-de-chaussée avec une chandelle. « Alumer pluseurs fallotz pour radreissier illec Jason et Argos. » ATILF.) 71 Cf. les Femmes qui font renbourer leur bas. 72 De son pénis. « Quand mon courtault eust fait de vostre con estable. » Complainte d’ung gentilhomme à sa dame. 73 C’est comme cela qu’on berne. Les trappes sont des pièges pour capturer les grosses bêtes comme les ours, les loups, et donc les procureurs. 74 Ms : ou le relleue 75 Comme il en avait l’habitude. 76 Ms : Quaut 77 Du cocu. 78 Ms : ne (Qu’il veut me trouver une autre femme.) 79 La location d’une prostituée est moins dangereuse que le mariage. 80 Ces joyeux compagnons aiment la bonne chère et la bonne chair : cf. Troys Galans et un Badin, vers 159-166. 81 Ms : trouuans 82 Terme de procédure bien digne d’un basochien. « L’assignation de fesses que bailla la nonnette au moysne. » Les Joyeuses adventures. 83 Des acrobaties. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 201. 84 C’est un des jeux de Gargantua (chap. 22), qui joue « à je m’assis ». Dans cette variante du colin-maillard, les participants sont assis ; un joueur aux yeux bandés s’assoit sur le premier qu’il trouve et doit le reconnaître. Le joueur qui est reconnu remplace l’autre. 85 Ms : cliqueroyt (Qui fermerait les yeux. Forme correcte au vers 255.) 86 Dans le Jeu du capifol, on tire aussi à la courte paille un joueur qui aura les yeux bandés. 87 Comme un lépreux, qui couvre ses plaies de bandages. 88 Ms : La (L’épouse du bourgeois s’assied sur le lit.) 89 De bon cœur, notamment dans une situation érotique : « Pour acomplir de bon courage/ Le passetemps de mariage. » Le Nouveau marié. 90 Action de « limer », prise au sens libre. Idem vers 244. 91 Qu’il prendrait sa place. Mais il ne bénéficiera pas de l’aubaine : voir le vers 260. 92 L’époux aux yeux bandés erre dans la pièce, en quête d’un autre joueur sur lequel il pourra s’asseoir. Il se rapproche du lit où batifolent sa femme et l’un des chantres. 93 Ms : En disant (Le mari disait au chantre, croyant qu’il lui tournait le dos pour n’être pas reconnu.) 94 Aussi, il est juste que vous alliez tâtonner dans la salle avec les yeux bandés. Le chantre doit remplacer le joueur qui l’a reconnu. 95 En ayant les yeux cachés, bandés. 96 L’aiguillette est le lacet qui ferme une braguette. Double sens : la « petite aiguille de la braguette » désigne le pénis du chantre. 97 Si je peux, je ne resterai pas longtemps avant de trouver un successeur. 98 Ce qui. 99 Près de l’hôpital Saint-Jacques-du-Haut-Pas, dans l’actuel 5ème arrondissement. 100 Le coït. « Acomplir le jeu d’amourètes. » Le Poulier à sis personnages. 101 La servante tourne un rôti à la broche devant la cheminée, qui est au rez-de-chaussée. 102 Les couverts en argent sont conservés dans la chambre des maîtres, à l’étage. 103 Qu’elle tourne la broche à la place de sa servante, qui doit monter dans la chambre. 104 Ms : elle monta 105 Monte derrière elle. 106 Faisons vite ! 107 Et qu’ils aiguisaient leur sexe l’un contre l’autre. 108 Ms : dict elle (Le passé simple est préférable. « Quant tu fuz là, que te dist-elle ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain. Cependant, l’auteur ne prête aucune attention à la concordance des temps, contrairement à l’auteur de Mars et Justice.) 109 À genoux, avec son amant qui la prenait en levrette. Cf. le Povre Jouhan, vers 330. 110 « Elles font bien leur devoir de remuer du croupion. » L’Escole des filles. 111 Qu’on entendait grincer. 112 Le clerc du procureur. 113 Tu ne nous informes pas. 114 C’est sûr. « Il est tout seur qu’elle a trèsbon babil. » Ch. de la Huèterie. 115 Ms : qui (Un moine gris est un Cordelier, donc un débauché. « Qu’as-tu, Catin ? T’a-il tatté ta tette [ta poitrine],/ Ce Cordelier, ce meschant, meschant moine gris ? » Chanson anonyme.) 116 Marchandait. Il veut vendre les tonneaux de vin qui sont sur le bateau avant de les décharger. 117 De l’entrepôt. « Et doit chacun courretier de vin comparoir à l’estappe chacun jour pour veoir s’aucuns vins y sont venus pour vendre. » Godefroy. 118 Voyant sa vie en danger. 119 Il se cacha dans le conduit de la cheminée éteinte. 120 On allume donc le feu, tandis que le moine se cramponne dans le conduit de la cheminée. 121 Le grand clou auquel on pend la viande pour la fumer. 122 Frappé par la foudre, terrifié. 123 Moine. « Le monachus crotté. » Pour le cry de la Bazoche.