BEAUCOP-VEOIR ET JOYEULX-SOUDAIN
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BEAUCOP-VEOIR ET
JOYEULX-SOUDAIN
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Ce dialogue parisien1, écrit peu après 1480, confronte un vieux dragueur revenu de tout à un jeune galant qui ne doute de rien. Un Casanova usé, dont l’ultime plaisir est de se remémorer ses frasques amoureuses, tente de rebuter un jeune Don Juan qui s’apprête à commencer le catalogue de ses conquêtes. On assiste au même face à face dans le dialogue du Viel amoureulx et du Jeune amoureulx (LV 9). Le Trésor des sentences résume ces affrontements générationnels dans un proverbe : « Si jeunesse sçavoit / Et vieillesse pouvoit. »
Le dialogue tourne parfois au monologue : dès que le vieux radoteur a enfourché son dada, il fonce en ignorant les questions que lui pose son jeune interlocuteur, au demeurant peu sympathique.
Source : Recueil Trepperel, nº 24. Publié avant 1510.
Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates, avec 1 triolet et des quatrains à refrain.
Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.
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Dialogue fort joyeulx
à deux personnages, qui parle
de plusieurs matières pour rire.
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C’est assavoir :
BEAUCOP-VEOIR
JOYEULX-SOUDAIN
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BEAUCOP-VEOIR commence 2 SCÈNE I
Le deable y ait part à la feste,
Quant jamais je fuz amoureux !
JOIEULX-SOUDAIN
Suis-je en bruyt3 !
BEAUCOP-VEOIR
J(e) en gratte ma teste4.
Le deable y ait part à la feste !
JOYEULX[-SOUDAIN] 5
5 Pour faire quelque chose honneste,
Je suis plaisant et savoureux.
BEAUCOP-VEOIR
Le diable y ait part à la feste,
Quant jamais je fuz amoureux !
JOYEULX-SOUDAIN
Suis-je gay6 !
BEAUCOP-VEOIR
Que je fusse eureux
10 S(i) une fois puisse regauldir7 !
JOYEULX-SOUDAIN
Quant à moy, je me tiens de ceulx
Qui ne comptent que tout plaisir.
BEAUCOP-VEOIR
J’ay veu que j’avoye mon désir8.
En faitz d’amours, j’estoye huppé9.
15 Maintenant, il me fault gésir10
Incontinent que j’ay souppé…
JOYEULX-SOUDAIN
Suis-je plaisant et esveillé,
Maintenant !
BEAUCOP-VEOIR
Sur ma conscience !
Quant j’ay ung petit « fatrouillé11 »,
20 Je ne puis soustenir ma pence.
JOYEULX-SOUDAIN
Je ne quiers que toute plaisance :
Pour faire la nicque [à l’eunucque]12,
Me vécy !
BEAUCOP-VEOIR
Par Dieu ! quant j(e) y pense,
Je suis devenu trop caducque.
JOYEULX-SOUDAIN
25 Quant Margot y est et je bucque13,
Elle me vient bien tost ouvrir.
BEAUCOP-VEOIR
Quant de ce vin cléret je chucque14,
Tantost me fault aller dormir.
JOYEULX-SOUDAIN
Je ne me pourrois assouvir
30 De riz15, d’esbatemens, de jeuz.
BEAUCOP-VEOIR
Je me souloye resjouyr16 ;
Mais maintenant, je suis trop vieux.
JOYEULX-SOUDAIN
Je suis gent, plaisant et joyeulx.
Viengne qui veult, je ne [me] bouges17 !
BEAUCOP-VEOIR
35 J’ay piéçà les yeulx chacieulx18 ;
Et si, ay les paupières rouges19.
JOYEULX-SOUBDAIN
Je sçay le grant chemyn de Bourges20
Où nous, amoureux, prétendons.
BEAUCOP-VEOIR
Et je sçay bien, quant je me mouches,
40 [Gecter de gros guillevardons]21.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce bon vieillart en dit de bons ;
Je vueil [l’]entendre sans22 demaine.
BEAUCOP-VEOIR
Et, par le sang bieu ! Pour tous dons,
Encore ay-ge une belle vaine23.
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JOYEULX-SOUDAIN SCÈNE II
45 Dieu gard le gueux24 !
BEAUCOP-VEOIR
Bonne sepmaine
Vous envoye Dieu !
JOYEULX-SOUDAIN
Que25 fa[i]ctes-vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Que je fois26 ? La chose est certeine :
J’escaille noix27.
JOYEULX-SOUDAIN
Que dictes-vous ?
Vous me respondriez à tous coups28,
50 Maintenant.
BEAUCOP-VEOIR
Me dictes-vous veoir29 ?
JOYEULX-SOUDAIN
Ouÿ. Comment vous nommez-vous ?
Que je le sache !
BEAUCOP-VEOIR
Beaucop-veoir.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous avez le visage noir
Et estes jà vieulx.
BEAUCOP-VEOIR
Pour certain.
55 [Mais vous, qui]30 faictes bien devoir
D’estre propre ?
JOYEULX-SOUDAIN
Joyeulx-soubdain.
BEAUCOP-VEOIR
A ! par sainct Jehan, c’est à demain31 !
J’entens toute la fiction.
JOYEULX-SOUDAIN
Des faiz d’amours je suis tout plain ;
60 C’est toute ma condiction.
BEAUCOP-VEOIR 32
Hon, hon, hon, hon, hon, hon, hon, [hon] !
[Pour neant]33 n’estes-vous pas si gay.
Est-il proprelet et mignon
Pour bien cryer ung « hoppegay34 ! ».
JOYEULX-SOUBDAIN
65 Je suis gent comme ung papegay 35,
Chacun le voit à mon habit.
BEAUCOP-VEOIR
Par sainct [Jehan] ! le proverbe est vray :
« Tant gratte chièvre que mal gist.36 »
JOYEULX-SOUDAIN
Beau sire, en avez-vous despit,
70 Se je me tiens honnestement37 ?
BEAUCOP-VEOIR
A ! par le sang que bieu38 me fist,
Nenny, que bon gré mon serment !
Que quérez-vous ?
JOIEULX-SOUDAIN
Mon aysement39.
BEAUCOP-VEOIR
Le venez-vous icy quérir ?
JOYEULX-SOUDAIN
75 Je quiers vivre amoureusement ;
C’e[st] là où je veulx parvenir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOYEULX-SOUDAIN
Quelque mignonne ou plaisant(e) dame :
Je ne voy chose, sur mon âme,
80 [Qui trop]40 mieulx me viengne à plaisir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voullez-vous courir ?
JOYEUX-SOUDAIN
En chantz, en riz, en jeuz, en dance,
Je ne quiers que dame à plaisance
Où je me puisse resjouir.
BEAUCOP-VEOIR
85 Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOYEULX-SOUDAIN
Je suis gent, mignon et parfait.
Et pour mieulx acomplir mon faict,
Amoureux je veulx devenir.
BEAUCOP-VEOIR
Ha, ha ! Y voulez-vous courir ?
JOIEULX-SOUDAIN
90 Pourquoy non ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est bien pour périr
Et pour avoir ung soubressault41.
Ces motz ay-je bien sceu suivir.
JOYEULX-SOUDAIN
Beaucop-veoir, dire le vous fault.
BEAUCOP-VEOIR
Tu luy baille belle, Michault42,
95 Si tu y vas sans beste vendre43 !
JOIEULX-SOUDAIN
Déclarez-le-moy cy tout hault,
Car la cause je vueil entendre.
BEAUCOP-VEOIR
Hée ! povre sot, où veulx-tu tendre44 ?
À amours, tu prens soing et cure45.
100 Scez-tu bien là où tu veulx [pré]tendre46 ?
JOYEULX-SOUDAIN
Dea, ne me dictes point d’injure !
BEAUCOP-VEOIR
Par le sang Dieu ! C’est la nature
De tous ces jeunes coquardeaux47.
Seulement pour une seinture48,
105 J’en descliqué bien vingt réaulx49.
JOYEULX-SOUDAIN
Y sert-on de si gros morceaulx ?
BEAUCOP-VEOIR
Quoy, de si gros ? Ventre saint Gris !
Je baillay dix salus50 bien beaulx
Pour une fourreure de gris51.
JOIEULX-SOUDAIN
110 C’est trop.
BEAUCOP-VEOIR
Je suis du jeu apris
Autant que personne fut oncques.
JOIEULX-SOUDAIN
De vray ?
BEAUCOP-VEOIR
Il m’a cousté bon pris.
JOIEULX-SOUDAIN
Je croy qu’i m’en coustera, doncques.
Mais qui vous meut52 premier à l’estre ?
BEAUCOP-VEOIR
115 Qui ? Ho ! Je fis ung tour de maistre
Pour le premier coup53. Mais aussi,
Oncques-puis ne fut54 (Dieu mercy !)
Que ne me trouvasse trompé.
JOYEULX-SOUDAIN
Fustes-vous bien assez huppé
120 Que de trouver cest adventaige ?
BEAUCOP-VEOIR
Hupé ? Nostre Dame ! Mais saige
Plus que dix autres ou que cent.
JOIEULX-SOUDAIN
Où fusse ?
BEAUCOP-VEOIR
Emprès Sainct-Innocent55,
Où je me sceuz bien employer ;
125 Car alors, j’estoye escollier,
Ung trotet ou coureux de ville56.
Et pensez que j’estoye habille57.
J’avoye argent, les beaulx signetz58,
Tous les jours mes cheveulx pignéz,
130 Fines chausses, belle saincture
Ferr[é]e59 d’argent, de l’estature60,
Duisans61 souliers de cordouen.
Mais je suis trop vieux, mésouen62.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ? Dictes c’en qui s’ensuit !
BEAUCOP-VEOIR
135 Ainsi comme j’alloye de nuyt,
Je me trouvé, ce m’est advis,
Droit à la rue Sainct-Denis :
J(e) y alloye pour moy resjouyr63.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ?
BEAUCOP-VEOIR
Tantost [vé]cy venir
140 Le guet.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous n’estiez pas trop à seur64.
BEAUCOP-VEOIR
Nostre Dame ! j’avoye grant peur,
Pensez, et bien grant chault [aux fesses65].
JOYEULX-SOUBDAIN
Après ? Qu’on sache [les finesses]66 !
BEAUCOP-VEOIR
[Quant j’ouÿ]67 le guet arriver,
145 Je me cuidoie aller musser68.
Je m’allé mettre69 par raison
Entre deux huys d’une maison.
Sitost que fuz entré dedans,
Voicy la dame de léans70
150 Qui s’en vint tout doulcètement,
Et me dist : « Entrez hardiment !
Vous soiez le trèsbien venu ! »
Je fuz, par Dieu, tant esperdu
Que ne sçavoye dont venoye71.
JOYEULX-SOUDAIN
155 A ! mort bieu, que je n’y estoye !
BEAUCOP-VEOIR
A ! dea, dea, ce n’est pas le bout ;
Vous n’avez pas ouÿ trèstout.
Quant je fuz dedans, de par Dieu,
Je ne dis mot. Lors, en ce lieu
160 — Puisque desclairer le vous fault —
Elle me dist : « Montez en hault72 ! »
Et se print à monter devant,
Et moy après.
JOIEULX-SOUDAIN
Avant73, avant !
Il y aura jeu de regnart74.
165 Avoit-elle bien beau regard ?
BEAUCOP-VEOIR
S’elle l’avoit ? Et, ouÿ dea !
Par [le] sainct sang que Dieu pissa75 !
C’est une belle godinette76.
Elle avoit une grosse tette77 ;
170 Je ne sçay, moy, qu’elle78 avoit fait,
Mais dedans y avoit du lait.
Lors, quant je fuz en hault monté,
J’estoye presque tout esbété79,
Nonobstant que je ne dis mot.
175 Car je cuydoie qu’on fist du sot80
De moy. Mais, par mon sacrement,
C’estoit tout à bon escient81.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce ne fut pas sans la toucher ?
BEAUCOP-VEOIR
Brief elle m’envoya coucher,
180 Et me dist que me despouillasse
Bien tost, et coucher m’en allasse.
Quant j’ouÿ ces parolles-là,
Point ne respondis à cela.
Et je vous oste mon pourpoint,
185 Mes chausses, et me mis en point82 ;
Et me vois mettre83 en ung grant lit.
Joyeulx-soudain84, il estoit nuyt ;
Et pour mieulx faire la cautelle85,
Il n’y avoit point de chandelle,
190 Car elle m’eust assez congnu86.
JOYEULX-SOUBDAIN
Quant tu fuz en ce lit tout nu ?
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut le plus beau de ses faitz :
Elle s’en vint coucher a[u]près87.
JOYEULX-SOUDAIN
Et, dea ! Se quelque grant ribault
195 Eust monté après toy en hault
Pour cuider avoir la coquarde88 ?
BEAUCOP-VEOIR
Pensez, j’eusse eu belle vésarde89 !
Il estoit jà de moy sué90.
JOIEULX-SOUDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
[Car] j’eusse esté tué :
200 On m’eust tantost bouté [à fin]91
Aussi tost q’ung petit poussin.
Mais vous me voyez (Dieu mercy !)
Présentement en ce lieu-cy.
JOYEUX-SOUDAIN
Retournons à nostre propos.
205 Quant emprès vous se vint coucher ?
BEAUCOP-VEOIR
Vous le povez assez penser :
Entre nous deux, selon droicture92,
Jouasmes des jeuz de nature.
JOYEULX-SOUDAIN
Ainsi, vous eustes ce tatin93 ?
BEAUCOP-VEOIR
210 Et puis le lendemain, au matin,
Quant j’euz usé de son amour,
Me fist lever au point du jour.
Et quant elle me renvoya,
Une bource me présenta,
215 À boutons d’argent soubz et suz94,
Où il y avoit vingt escus.
JOYEULX-SOUDAIN
Et vous de croquer ceste prune95 ?
BEAUCOP-VEOIR
Je m’en allay au clèr de lune,
À ce beau matin, tout joyeulx.
220 Ceste fois-là, je fuz heureux96.
Mais elle me print pour ung97 autre.
JOYEULX-SOUDAIN
Je vous eusse envoyé au peaultre98,
Par le sang bieu, vieillart meschant99 !
BEAUCOP-VEOIR
La croix bieu ! j’estoye plus gent
225 Que je ne [le] suis, par mon âme !
On m’eust tenu en une paulme,
Tant estois gent et proprelet.
JOIEULX-SOUDAIN
L’endemain, que fist le varlet100 ?
BEAUCOP-VEOIR
Je gambéoye101 la matinée ;
230 Et puis allay, à l’après-dînée,
Achapter du drap à l’hostel102
Où le cas avoit esté tel.
JOIEULX-SOUDAIN
Et la bourgoise, que disoit ?
BEAUCOP-VEOIR
Plus elle ne me congnoissoit.
235 Mais tantost qu’on m’eust dit le pris,
Je fuz par Dieu si bien apris103 :
« Ho (ce dis-ge), qu’on ne se cource104 ! »
Et je vous tiray ceste bource
De mon sain105, que donnée m’avoit,
240 Pour tirer argent.
JOYEULX-SOUDAIN
Quoy qu’i soit,
Ce fut très fainctement106 joué.
BEAUCOP-VEOIR
Et je fuz le mieulx advoué107
Du monde.
JOYEULX-SOUDAIN
Quant la bource eust108 veue ?
BEAUCOP-VEOIR
La façon fut toute congneue109.
245 Tantost110 elle la regardoit ;
D’autre part, elle me guignoit111.
JOYEULX-SOUDAIN
Or çà, çà ! Que dist la bourgoise ?
BEAUCOP-VEOIR
« Mon amy, il fault que l’en voise
Là-derrière sans faire effroy112.
250 Venez-vous-en avecque moy,
Car il y a des draps assez
Qui y sont plusfort entasséz. »
JOYEULX-SOUDAIN
Tendois-tu113 pas desjà les mains ?
BEAUCOP-VEOIR
Ouy, car je n’en pensois pas mains114.
JOYEULX-SOUDAIN
255 Quant tu fuz là, que [te] dist-elle ?
BEAUCOP-VEOIR
« Je vous pry qu’i n’en soit nouvelle115
De la bource ne de l’argent :
Je vous pry amoureusement
Que la mussez116. »
JOYEULX-SOUDAIN 117
Han, han, han, [han] !
BEAUCOP-VEOIR
260 Alors, de beau gris de Rouen118
Elle vous va couper dix aulnes,
Et m’en fist les mains toutes jaulnes119.
Je fis ung peu le gratieux120,
Mais je ne demandoye pas mieulx.
265 Elle me les fist emporter
Ainsi, et moy de m’en aller.
Je n’en vis, oncques-puis, l’oreille121.
JOYEULX-SOUBDAIN
Vous me racomptez cy merveille !
BEAUCOP-VEOIR
Je fus heureux, à ceste fois.
JOYEULX-SOUDAIN
270 C’est une joye nompareille
Que d’estre amoureux.
BEAUCOP-VEOIR
Ouy dea, troys122 !
J’en ay bien soufflé en mes doiz123
Plus de .XL. fois, depuis.
Et se vous y estiez, galloys124,
275 Vous seriez des plus esbahis.
JOYEULX-SOUDAIN
Se devoye tracasser pays125
Et bien cheminer çà et là,
Pas ne seroys de[s] plus haÿs
Des dames.
BEAUCOP-VEOIR
Ha ! trop bien, cela126 !
280 Mais quoy, vous asseurez-vous là127 ?
N’e[n] prenez jà vostre fiance128 :
Je fus heureux ceste fois-là,
Mais j’en ay eu mainte meschance129.
JOYEULX-SOUDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
On m’a bien tourné la chance
285 Et m’a-on fait ronger mon frain.
JOYEULX-SOUDAIN
Dictes-vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Sur ma conscience !
Je recommanceroye demain
— Veu que je suis si vieulx et vain130 —
Par bieu, pour ces deables de femmes !
290 De leurs fatras je suis si plain
Qu’estaindre je ne puis mes flames.
JOYEULX-SOUDAIN
Entendent-elles bien les games131 ?
BEAUCOP-VEOIR
S’elles l’entendent ? Ouÿ dea.
Par bieu ! Bien fin se trouvera
295 Et bien cauteleux132, sur mon âme,
[Celuy] qui les affinera133 !
JOYEULX-SOUDAIN
Mon cas134 trop bien se portera.
BEAUCOP-VEOIR
Comment ! Y voulez-vous prétendre ?
A ! se vous montez jusques-là,
300 Je croy qu’on vous fera descendre.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce cas-cy ne puis bien entendre ;
Vous avez esté si huppé !
BEAUCOP-VEOIR
Depuis, on le m’a bien fait rendre,
Car j’ay esté tousjours trompé.
JOYEULX-SOUBDAIN
305 Pourquoy ?
BEAUCOP-VEOIR
J(e) y ay esté gruppé
Au tresbuchet135, et bien fourby136.
Maintes fois m’y suis attrappé.
Hélas ! j’en suis tout desgarny137.
JOYEULX-SOUBDAIN
Comment ?
BEAUCOP-VEOIR
Pour ung jour et demy,
310 J’euz138 quatre paires de souliers
— Seullement pour estre joly,
Car les miens estoyent tous entiers.
JOYEULX-SOUDAIN
Je suyveray139 bien ces santiers.
BEAUCOP-VEOIR
Hélas ! j(e) y ay eu tant de maulx,
315 Trop plus que ces pallefreniers
Qui gardent tousjours les chevaux.
JOYEULX-SOUDAIN
Et ! vécy des cas bien nouveaux.
BEAUCOP-VEOIR
Touteffois, elle estoit finette :140
Elle eut, par moy, de bons morceaux141.
320 Que Dieu met en mal an142 Perrette !
JOYEULX-SOUDAIN
La paix n’est-elle pas reffaicte ?
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut ung jour de mercredi.
En chemise, sur la perchette143
Je fuz trois heures et demy.
JOYEULX-SOUDAIN
325 Trois heures ?
BEAUCOP-VEOIR
Nostre Dame, ouy !
Elle me joua de ce tour.
JOYEULX-SOUDAIN
Vous me faictes bien esbahy.
BEAUCOP-VEOIR
Ce fut pour avoir son amour
[Que fuz en si piteux séjour.]144
330 Quant son mary vint à l’hostel,
Elle me donna ce bonjour145.
Joyeulx-soudain, le cas fut tel.
JOYEULX-SOUDAIN
Par le sacrement de l’autel146 !
Vélà terrible fiction !
BEAUCOP-VEOIR
335 Je fuz bien sallé de gros sel147 ;
C’estoit toute mon unction148.
JOYEULX-SOUDAIN
Ce n’est qu(e) ymagination :
Vous l’avez trouvé en voz manches149.
BEAUCOP-VEOIR
Je ne sçay quel chion-chion150,
340 Mais j’en tremblay les fièvres blanches151.
JOYEULX-SOUDAIN
Combien de fois ?
BEAUCOP-VEOIR
Par trois dimenches
Je m’y fourray à l’estourdy.
Je m’en alloye, riant aux anges152,
Quant j’avoye bien esté fourby153.
JOYEULX-SOUDAIN
345 Vous estiez dont si estourdy
Que l’en154 [n’]avoit cure de vous ?
BEAUCOP-VEOIR
Par le sang que bieu respendit !
J(e) y ay receu de bien grans coups.
JOYEULX-SOUDAIN
Mais où ?
BEAUCOP-VEOIR
Une fois entre tous,
350 Le mary de Bellot155 me vit ;
Et je m’en vins fourrer dessoubz
Ung grant filz de putain de lict156.
JOYEULX-SOUDAIN
Tout dessoubz ?
BEAUCOP-VEOIR
Entre le challit
Et la couchette157 bien couché.
355 Et quant le paillart y saillit158,
Il crioit comme ung enraigé.
JOYEULX-SOUDAIN
Et la femme ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est bien songé :
Elle parloit comme une caille
[Pour que de fuir j’eusse congé.]159
360 Dieu scet qu’i fist belle bataille !
JOYEULX-SOUDAIN
De vray ?
BEAUCOP-VEOIR
Et ! le paillart s’éraille160
Et tire son espée ; après,
Il vous [la fourre]161 en ceste paille
Comme se c’estoit beurre fraiz.
JOYEULX-SOUDAIN
365 Où frappa-il ?
BEAUCOP-VEOIR 162
Icy emprès.
De ce coup-là, ce fust merveille :
De ma teste il alla si près
Qu’i m’alla larder une oreille163.
JOYEULX-SOUDAIN
Et ! vélà peine nompareille.
370 Qui s’y boute trop est bien sot.
BEAUCOP-VEOIR
De ce coup-là je m’esmerveille164,
Mais touteffois, je n’en diz mot.
JOYEULX-SOUDAIN
Après ?
BEAUCOP-VEOIR
Il y eut beau trippot.
Le filz de putain regnioit165
375 Dieu et sa Mère de grant flot,
Par le sang bieu, qu’i me tueroit.
JOYEULX-SOUDAIN
Je cuide, moy, qui vous croyroit166,
Vous feriez tout le monde beste.
………………………………167
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Toute tempeste.
JOYEULX-SOUDAIN
380 Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Doulleur grevable168.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
On ront sa teste169.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Trop détestable.
JOYEULX-SOUBDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
C’est le grant diable.
JOYEULX-SOUDAIN
Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Morceau amer.
JOYEULX-SOUDAIN
385 Qu’esse d’amours ?
BEAUCOP-VEOIR
Trop abhominable.
C’est ung droit abisme170 de mer.
JOYEULX-SOUDAIN
Pource que ne povez aymer,
Vous en dictes tous ces fatras.
.
BEAUCOP-VEOIR
Seigneurs, vueillez nous pardonner,
390 Et prenez en gré noz esbas !
.
EXPLICIT
*
1 On y évoque le cimetière des Saints-Innocents et la rue Saint-Denis. Toutefois, l’auteur est d’origine picarde. 2 Chacun des deux personnages monologue sans remarquer l’autre. Beaucoup-voir <BV> est un vieil homme qui en a « vu beaucoup ». Joyeux-soudain <JS> est un jeune blanc-bec qui cherche des renseignements et non des conseils. 3 En bonne réputation auprès des femmes. 4 « Gratter sa teste : Estre fasché ; se repentir. » Antoine Oudin. 5 Trepperel <T> abrège souvent les noms dans les rubriques ; je les compléterai. 6 « Sui-ge gay ! Sui-ge nètelet ! » Le Viel amoureulx et le Jeune amoureulx <v. ma notice>. 7 Si une fois je pouvais rebander. Du bas latin gaudire (jouir), qui a donné le gaudé-michi (le réjouis-moi : le godemiché) puis l’actuel verbe goder (bander). Cf. les Femmes qui font escurer leurs chaulderons, vers 87. Notons que BV usera du véritable verbe réjouir aux vers 31 et 138. 8 J’ai vu le temps où je réalisais mes désirs sexuels. Mais désir = érection. « Mon désir est mol comme laine ;/ La paillardise est morte, en moy. » Cabinet satyrique. 9 Chanceux, bien vu par les femmes. Idem vers 119, 121, 302. 10 Je dois me coucher. 11 Quand j’ai un peu copulé. Cf. la Confession Margot, vers 114 et note. 12 T : ou la nucque (Faire la nique = narguer avec un geste obscène de la tête. Cf. les Trois amoureux de la croix, vers 421.) 13 Et que je frappe à sa porte (picardisme). Le prénom Margot était peu reluisant : cf. la Confession Margot, ou la Ballade de la Grosse Margot. 14 Je suce (picardisme). 15 De rires. Idem vers 82. 16 J’avais coutume de me réjouir. 17 J’attends les femmes de pied ferme. 18 J’ai depuis longtemps les yeux chassieux. 19 À cause du « vin clairet » du vers 27. « (Il) but, au disner, de vin chargé deux courges [gourdes] ;/ Lors, eust tué le prévost de Beaucaire,/ S’il n’eust eu les paupières si rouges. » Eustache Deschamps. 20 Il était emprunté par les femmes qui se rendaient en pèlerinage à Orléans, et par les étudiants. « Je y recongnu le grand chemin de Bourges. » Rabelais, Vème Livre, 25. 21 T : Gectes de gros guilleuardans (Des filets de morve.) JS entend ces dernières paroles. 22 T : le (Sans délai. « Vers vous venons sans nul demaine. » Les Enfans de Maintenant, BM 51.) JS se rapproche discrètement de BV. 23 Verge, du latin vena. « Pour aucun des fais de nature,/ J’ay encore une verte vaine. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme : cette farce qui oppose deux générations d’amoureux présente plus d’un point commun avec notre dialogue. 24 Formule de salutation entre voyous : « Dieu gard les gueux de fier plumaige ! » (Jehan Michel.) Les étudiants, amateurs d’argot, s’en étaient emparés. JS traite BV avec condescendance, pour ne pas dire avec mépris ; dès le vers 191, il va le tutoyer. 25 T : Et 26 Ce que je fais ? 27 Écaler [ouvrir] une noix = dépuceler une fille. « Archeprestre d’Escaille-noix,/ Archediacre de Trousse-quille,/ En l’esglise Saincte-Cheville. » Guillaume Coquillart. 28 Vous me feriez concurrence. Jeu de mots sur « coup » : coït. 29 Vrai. 30 T : Mes vous que (Mais comment vous nommez-vous, vous qui…) 31 Ce sera pour une autre fois. « À Paris ? Ouy, c’est à demain ! » Mahuet. 32 Il se force à rire. 33 T : Ponrneant (Vous n’êtes pas si gai pour rien.) Néant se prononce niant, en 1 syllabe : « Il n’y a pas pour neant esté. » Le Ribault marié. 34 Pour qu’on pousse un cri d’admiration en le voyant. « Mais pour ung gallant amoureux,/ Je suis devenu gracieux./ Si disoyent les gens : “Houppegay !” » Monologue Coquillart. 35 Je suis mignon (et coloré) comme un perroquet. On entend ce refrain dans la chanson qui ouvre le Gaudisseur. 36 Le mieux est l’ennemi du bien. Voir par exemple la Ballade des proverbes, de Villon. 37 Si je suis vêtu et coiffé proprement. 38 Euphémisme pour « Dieu ». Idem vers 347. Cf. le Cuvier, vers 22. 39 Mon plaisir. 40 T : Que (Qui me plaise mieux. « Le gentil clerc luy avoit monstré aultre fasson qui trop mieulx luy plaisoit. » Cent Nouvelles nouvelles.) 41 Pour finir pendu. Cf. Gautier et Martin, vers 190 et note. 42 BV fait-il un clin d’œil à une œuvre non identifiée ? De toute manière, on accolait le nom passe-partout de Michaud à plusieurs expressions : « Souffle, Michaud ! » « C’est dit, Michaud ! » « Viens-t’en, Michaud ! » Etc. 43 Sans subir quelque dommage. Cf. les Tyrans, vers 75. 44 Quel est ton but ? Mais aussi : Où veux-tu aller bander ? Cf. la Bergerie, vers 42 et note. 45 En matière d’amour, on a du souci. 46 Ce que tu veux. Idem vers 298. « Scez-tu où veulx prétendre ? » Les Queues troussées. 47 Crétins. Cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 338. 48 T : serrure (BV insiste sur sa « belle ceinture » au vers 130.) 49 J’ai chié facilement la somme de 20 royaux. 50 Le salut est une pièce d’or. 51 Pour m’acheter de la fourrure d’écureuil. Cf. le Tesmoing, vers 232. 52 Vous mut (verbe mouvoir) : Qui vous incita d’abord à être amoureux ? 53 Dans la bouche du Cid, cette formule érotique deviendra héroïque : « Et pour leurs coups d’essay veulent des coups de maistre. » 54 T : fuz (Il ne se trouva jamais que je sois trompé. Mais au vers 304, BV avouera qu’il a un peu embelli la vérité.) 55 Près du cimetière parisien des Saints-Innocents. 56 Ou un trotteur qui courait les rues. Allusion à un proverbe qui dit notamment : « Jeune escolier, trotier et amoureux. » Les femmes qui vont à un rendez-vous galant disent à leur mari qu’elles vont prier saint Trottet ; cf. le Povre Jouhan, vers 287 et note. 57 Habile. 58 Des bagues ornées d’un sceau. 59 Munie d’une boucle. 60 Une belle stature. 61 T : Dhuy sans (De parfaits souliers en cuir de Cordoue.) 62 Désormais. 63 Cette rue parisienne était déjà mal famée. Cf. Pour le Cry de la Bazoche, vers 425-6 et note. 64 Rassuré. Les sergents du guet, au cours de leurs rondes nocturnes, rançonnaient les passants. Cf. le Faulconnier de ville, vers 117. 65 Ces 2 mots manquent. Cf. la Mère de ville, vers 45. 66 T : la finesse (Les ruses que vous avez employées. « Les finesses Pathelin. » Dyalogue pour jeunes enfans.) 67 T : Je ouy (Voir le v. 182.) 68 Je songeai à me cacher. 69 Je m’introduisis. Le portail était percé d’une petite porte appelée « guichet » ; c’est par là que se faufilaient tous les amants de Madame. 70 De céans. Elle n’a plus de mari, mais elle agit avec discrétion pour ne pas réveiller ses domestiques. 71 Que je ne savais d’où je venais. 72 À l’étage, où se trouvent les appartements. Nous verrons que la dame utilise le rez-de-chaussée comme boutique. 73 Continuez ! 74 Sorte de jeu de dames où un pion, le renard, « doit attaquer & prendre douze pions qu’on appelle poules ». (Furetière.) C’est un des jeux de l’enfant Gargantua <chap. 22>. 75 T : pilla (On confondait facilement le « s » long avec le « l » : ſ et l.) Le juron normal se lit dans la Farce de Pathelin : « Par le sainct sang que Dieu rëa ! » Raya = répandit, que BV emploie d’ailleurs au vers 347. Eustache Deschamps condamnait ce juron : « Et “le saint sang que Dieu roya”/ Jurent hui maint, mais c’est folie. » La proximité graphique entre pilla et raya n’étant pas évidente, je préfère m’appuyer sur Étienne Tabourot, qui écrit à propos du vin — c’est-à-dire du sang du Christ : « Voilà du vin que Dieu pissa de sa quine [verge]. » 76 Mignonne. Cf. les Maraux enchesnéz, vers 328. 77 Tétine, poitrine. 78 Ce qu’elle. La dame, sans doute veuve, avait pourtant été enceinte récemment. 79 T : esbute (Hébété, ahuri. « Que des amoureux esbétéz. » Claude de Trellon.) 80 Je croyais qu’on se moquait. 81 C’était sérieux. Cf. l’Avantureulx, vers 316. 82 En érection. « Le “billouart” se mettoit en point &, à ce conte, Jacques s’enfiloit avec sa femme. » Béroalde de Verville. 83 Et je vais me mettre. 84 T : mondain (Le lapsus tient au fait que ce Joyeux-mondain fut sans doute un personnage de farce ; voir la note 299 des Botines Gaultier.) 85 Ma mystification. 86 Car la femme aurait reconnu que je n’étais pas celui qu’elle attendait. 87 Près de moi. Voir le vers 205. 88 Pour remporter la cocarde, la récompense. Mais une coquarde est aussi une poularde et une femme légère. 89 Frayeur. « Morbieu, j’ay eu belle vésarde ! » Te rogamus audi nos. 90 C’en était fait de moi. « Il est de moy sué. » Le Dorellot. 91 T : affin (Il m’aurait mis à mort. Cf. Colin filz de Thévot, vers 4 et 38.) 92 Selon la coutume. Mais aussi : selon ma rigidité. Cf. la Mère de ville, vers 9. 93 Ce bon morceau. 94 T : faitz (Dessous et dessus.) Les bourses des femmes d’un certain rang valaient parfois plus que leur contenu. 95 La bourse pleine est comparée à un fruit juteux, comme au vers 130 des Trois amoureux de la croix. 96 Chanceux. Le même vers est configuré différemment à 269 et 282. 97 T : vue 98 Au diable. Cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 321. 99 Délabré. 100 Que fîtes-vous ? Un valet est un jeune garçon. 101 Forme picarde de jamboyer : faire les cent pas. 102 Dans la maison de ma maîtresse. Le rez-de-chaussée abrite un commerce de drap. 103 Bien inspiré. 104 Ne nous courrouçons pas. BV fait semblant de discuter le prix d’une étoffe avec la drapière, pour ne pas donner l’éveil aux vendeurs. 105 De mon sein : de sous ma robe. 106 Astucieusement, par feinte. 107 Reçu. 108 T : fust (Quand la drapière eut vu la bourse.) 109 Sa forme fut reconnue par la drapière. 110 T : Plustost 111 Elle me lorgnait du coin de l’œil. Cf. le Résolu, vers 32. 112 Il faut que nous allions dans l’arrière-boutique chercher l’étoffe que vous désirez, sans que vous fassiez du scandale. La drapière parle à voix haute pour les vendeurs et les clients. 113 T : Tendez tu (Ne tendais-tu pas les mains, pour tâter le drap ou la drapière ?) 114 Pas moins. 115 Que vous ne parliez à personne. Cf. la Confession du Brigant, vers 54. 116 Que vous la cachiez, de peur que mes employés ne la reconnaissent. 117 Il éclate de rire. 118 « C’est ung très bon drap de Rouen », d’après maître Pathelin, qui en vole 6 aunes pour sa femme et lui. 119 Elle me dora les mains : elle me graissa la patte (comme avec de l’or) pour acheter mon silence. Cf. la Mère de ville, vers 36. 120 Je fis semblant de refuser. 121 T : bouteille (Je n’en ai plus vu le bout de l’oreille : je ne l’ai pas revue.) 122 Locution désabusée qu’on pourrait traduire par : Causez toujours ! « –Le vous feray-je ? –Ouy dea, trois ! » Le Dorellot. 123 Pour les réchauffer pendant qu’il faisait le pied de grue sous la fenêtre d’une belle. « Il souffle souvent en ses doigts. » Le Gaudisseur. 124 Compagnon. 125 Si je devais aller et venir par le pays. Cf. les Sotz ecclésiasticques, vers 180. 126 Admirable ! Cf. Jehan qui de tout se mesle, vers 7. 127 Comptez-vous là-dessus ? 128 Ne vous y fiez pas. 129 Malchance, malheur. 130 Considéré que je suis vieux et faible. Cette tournure juridique est employée contre un amoureux décrépit dans le Procès d’ung jeune moyne et d’ung viel gendarme : « Or, veu que vous avez vescu (…),/ Vous estes faible. » 131 Sont-elles expertes ? Nous dirions : Elle connaissent la musique ! « Ne vous chaille, j’entens ma game. » Régnault qui se marie. 132 T : oultrageux (Bien malin. Voir le v. 188.) « Qui de parolle cuyderoit femme vaincre (…),/ Tant soit expert, cauteleux & bien fin. » Gratien Du Pont. 133 Qui les bernera. Voir ce Rondeau. 134 Mon affaire. Mais le cas désigne aussi le pénis ; cf. les Cris de Paris, vers 429 et note. 135 J’ai été pris au piège. Cf. Jénin filz de rien, vers 130. 136 T : iougny (Fourbé, victime d’une fourberie. Idem vers 344.) 137 Dégarni d’argent. 138 Je me suis acheté. 139 Je suivrai. Le « e » svarabhaktique est picard. 140 T distribue ce vers à Joyeux-soudain. Beaucoup-voir, maintenant qu’il est lancé, saute du coq à l’âne sans trop se préoccuper de savoir si on arrive à le suivre, tel le vieux bavard du Tesmoing. 141 On songe à cette épouse qui, voyant sans armure la braguette de son mari soldat, craignait de perdre « le bon morceau dont elle estoit friande ». Rabelais, Tiers Livre, 8. 142 Que Dieu mette en mauvaise année, en malheur. « Dieu met en mal an le folastre ! » (La Résurrection de Jénin Landore.) Perrette est une fille facile qu’on croise dans nombre de farces et de chansons ; voir la note 5 de Jehan de Lagny. 143 Sur le perchoir : sur le demi plafond à claire-voie qui sert de poulailler intérieur dans certaines maisons. C’est là que se perchent les amants du Poulier à quatre personnages et du Poulier à sis personnages lorsque le mari débarque à l’improviste. 144 Vers manquant. « Vé-me-cy en piteux séjour. » Colin qui loue et despite Dieu. 145 Ce mauvais tour. Cf. Frère Frappart, vers 145 et note. 146 T : lhostel (à la rime du v. 330.) Ainsi corrigé, c’est notamment le vers 173 de Jehan qui de tout se mesle. 147 Je fus bien assaisonné. Voir les Femmes sallent leurs maris. 148 Mon onction : ce fut ma seule consolation. 149 Vous tirez cette histoire de votre manche, comme les escamoteurs publics en tirent des œufs durs. 150 Locution inconnue, peut-être apparentée au très scatologique chia-brena, qui désigne les embarras causés par les femmes. « Le chiabrena des pucelles. » Pantagruel, 7. 151 Je tremblais de désir. « Affin d’avoir les poictrines plus blanches/ Et pour tenir les tétins plus serréz,/ Qui font à maints trembler les fièvres blanches. » L’Advocat des dames de Paris touchant les pardons Sainct-Trotet. 152 T : autres (Même rime négligée dans les Sotz qui corrigent le Magnificat : « Ces vrays amoureux des dimenches (…),/ Ilz s’en vond tous riant aux anges. ») 153 Victime d’une fourberie (note 136). 154 T : nen (Voir le v. 248.) Que l’on : que vos maîtresses. 155 Diminutif d’Isabelle. C’est encore un nom douteux ; par exemple, G. Coquillart le donne à la tenancière d’un bordel : « Bellot a ses deux filles grosses [enceintes],/ Qu’el descharge d’une massue/ Et d’ung ravault sur leurs endosses [d’un coup de bâton sur les reins]. » 156 Aujourd’hui, nous dirions simplement : sous un putain de lit. 157 T : couste tout (BV est étendu sur une couchette, sous le châlit du lit principal.) Les riches ont dans leur chambre un lit de camp où dort la chambrière. Le jour, on pousse cette couchette sous le lit des maîtres. « Une petite couchecte qui est dessoubz le lit. » ATILF. 158 Quand le mari fit irruption. 159 Vers manquant. L’épouse attire l’attention de son mari afin que Beaucoup-voir ait la possibilité de s’enfuir. « Il a eu congé de s’en aller. » ATILF. 160 T : se raille (Roule les yeux. « Cateline serre les dens, esraille les yeux. » ATILF.) BV qui, dans sa cachette, ne pouvait pas voir le jaloux, dramatise la situation à plaisir ; JS va le lui reprocher à 377. 161 T : fourroit (Il plante son épée dans la paille qui emplit le matelas du lit principal. Cf. Maistre Mymin qui va à la guerre, vers 123.) 162 Il montre son oreille. 163 Dans le Monologue Coquillart, la blessure de l’amant est accidentelle : « Le paillart paige fist merveille,/ Car il fist si parfonde enqueste [car il planta sa fourche si profond dans le foin où je me cachais]/ Qu’il me va larder une oreille. » 164 T : men resueille (Je suis surpris.) 165 Jurait sur. « Il regnya Nostre Seigneur qu’il tueroit ledit Blanchefort. » Parnasse satyrique du XVe siècle. 166 Je pense, moi, que si on vous croyait. 167 Il manque un vers en -oit et un vers en -este. 168 Cruelle. 169 « Femmes nous font bestes,/ Et rompre les testes/ Par cris et tempestes. » Le Viel amoureulx et le Jeune amoureulx <v. notice>. 170 C’est un vrai abîme, un gouffre.