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LE MÉDECIN QUI GUARIST DE TOUTES SORTES DE MALADIES

Recueil Rousset

Recueil Rousset

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LE  MÉDECIN  QUI

GUARIST  DE  TOUTES

SORTES   DE  MALADIES

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Évoquant cette farce — ou plutôt, cet empilement de séquences graveleuses et scatologiques —, Emmanuel Philipot a dit1 : « Le travail d’invention de l’auteur a consisté à choisir dans les Facéties du Pogge six anecdotes en majorité relatives à des médecins, puis à les relier tant bien que mal en les faisant rentrer dans une intrigue rudimentaire. » Philipot cite Montaigne (Essais, II, 10) : « Ceux qui se meslent de faire des comédies (…) entassent en une seule comédie cinq ou six contes de Boccace. » L’auteur de notre farce ne semble pas avoir lu le Liber facetiarum de Poggio Bracciolini dans l’original latin. Il en a plutôt connu la traduction de Guillaume Tardif, parue vers la fin du XVe siècle et souvent rééditée ; c’est donc elle que je citerai.

Le début est très proche de Chagrinas : un charlatan qui se dit médecin vend des remèdes magiques devant sa porte, et veut bien payer de sa personne pour satisfaire ses patientes.

Aux quatre personnages officiels, ajoutons l’âne Martin Baudet, qui tient un rôle non négligeable. Il s’agit, selon toute vraisemblance, d’un âne vivant. Les Mystères de la Nativité en louaient un pour transporter Marie et pour figurer dans la crèche ; or, on incluait dans ces Mystères des farces qui bénéficiaient du même décor et des mêmes accessoires qu’eux : voir la notice des Tyrans.

Source : Recueil de plusieurs farces tant anciennes que modernes. Paris, Nicolas Rousset, 1612, pp. 3-21. La pièce fut donc éditée plus d’un siècle après avoir été écrite.

Structure : Rimes abab/bcbc, rimes plates.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce nouvelle et récréative du

Médecin qui guarist

de toutes sortes

de maladies & de

plusieurs autres.

Aussi fait le nés à l’enfant d’une

femme grosse, & apprend à deviner.

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À quatre personnages, c’est à sçavoir :

       LE  MÉDECIN

       LE  BOITEUX

       LE   MARY

       LA  FEMME

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                        LE  MÉDECIN  commence                    SCÈNE  I

        Or faictes paix2, je vous [en] prie,

        Afin que m’oyez publier

        La science, aussi l’industrie

        Que j’ay apris à Montpellier3 ;

5      J’en arrivay encore hyer,

        Avec la charge d’un chameau

        De drogues4, pour humilier

        Femmes qui ont mauvais cerveau5.

        J’ay aussi du bausme nouveau

10    Pour guarir playes et fistules.

        Et dedans cest autre vaisseau,

        De toute sorte de pillules

        Pour les basses et hautes mules6,

        Pour fièbvres, chaut mal7 et jaunisse[s],

15    Mal de dents et de mendibules,

        Et de mammelles de nourrices.

        Ouvrier [je suis]8 des plus propices

        Qui soit en ce monde vivant

        Pour renouer9 bras, jambes, cuisses,

20    Soudain et viste comme vent.

        Onc homme on ne vid plus sçavant

        En chirurgie n’en physique.

        Et mieux que ceux de par-devant10

        Je me connois en la practique.

25    J’ay appris d’un devin antique

        Qui se tenoit par-delà Thrace11

        À deviner, guarir colique.

        Je n’en dy plus : l’heure se passe.

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                        LE  BOITEUX 12                                   SCÈNE  II

        Je pourrirois en ceste place

30    Avant que j’en sceusse13 bouger.

        Hélas ! Monsieur, par vostre grâce,

        Vueillez-moy mon mal alléger !

                        LE  MÉDECIN

        Je désire te soulager.

        Qu’as-tu ? Tu es froid comme marbre.

                        LE  BOITEUX

35    Las ! Monsieur, je suis cheu d’un arbre

        Et me suis desmis [la jointure]14.

                        LE  MÉDECIN

        Sans y mettre oignement n’ointure15,

        Je te la remets et r’assemble16.

                        LE  BOITEUX

        Ha ! Je suis guary, ce me semble.

40    À vous suis tenu grandement.

                        LE  MÉDECIN

        Que donneras-tu franchement,

        Si je t’enseigne de léger17

        À descendre sans tel danger

        (Qui n’est pas petite science) ?

                        LE  BOITEUX

45    Je vous promets en conscience

        De vous payer à vostre gré.

                        LE  MÉDECIN

        Escoute : Soit d’arbre ou degré18,

        Garde-toy de te plus haster

        Que tu n’avois faict à monter,

50    Alors qu’il t’en faudra descendre.19

                        LE  BOITEUX

        Et vous, ne vous hastez de prendre

        Non plus que je faicts de bailler.

                        Il dict en s’enfuyant :

        Il se cuidoit de moy railler ;

        Toutefois, j’ay gaigné le jeu.

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                        LA  FEMME 20                                      SCÈNE  III

55    Mon mary, pour l’amour de Dieu,

        Menez-moy à ce médecin

        Duquel on parle tant, afin

        De voir s’il me pourra guarir.

                        LE  MARY

        Je vas nostre baudet quérir

60    Pour plus doucement vous mener.

                        LA  FEMME

        Hastez-vous donc de l’amener !

        Je debvrois y estre desjà.

                        [LE  MARY.]  Il va quérir son asne,

                        et monte sa femme dessus. Puis dit :

        Allons, hay, baudet ! Comme il va !

                        LA  FEMME

        Ne le faictes si fort haster,

65    Ou à bas me ferez jetter,

        En danger de me rompre le col.

        Conduisez-le par le licol,

        De crainte qu’il ne vous eschappe.

                        LE  MARY

        Martin21 Baudet, si je vous happe,

70    Je vous donneray tant de coups

        Que vous feray aller tout doux.

        Vous faictes de l’acariâtre ?

                        LA  FEMME

        Il n’est pas saison de le batre

        Maintenant, qu’il nous faut soigner22

75    Allégeance à mon mal donner.

        Il suffit mais qu’il aille l’amble23.

                        LE  MARY

        Arrivéz sommes, ce me semble,

        Où le médecin fait demeure.

        Il est que vous descendiez heure.

80    Arreste, hau, baudet ! [Or, cesse]24 !

                        LA  FEMME

        Aydez-moy, que je ne me blèce.

                        LE  MARY 25

        Dévaller pouvez — embrassée

        Vous tenant — sans estre offencée26.

        Voilà l’huis : heurtez seurement.

                        LA  FEMME

85    Ne vous esloignez nullement,

        Tandis. Et faictes l’asne paistre.

                        Le mary se couche contre terre et

                        s’endort. Tandis, l’asne s’en va.27

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                        LA  FEMME,  parlant au médecin.       SCÈNE  IV

        J’ay très grand douleur, nostre28 Maistre,

        Depuis le genouil jusqu’à l’aine.

        Voudriez-vous bien prendre la peine

90    De me guérir, en vous payant ?

                        LE  MÉDECIN

        M’amye, j’en suis très content.

        Et vous tenez seure et certaine

        Que pour discerner nerf et veine,

        N’y a nul mieux que moy apris.

95    Ce mal, comment vous a-il pris ?

                        LA  FEMME

        L’autre hyer, revenant de Monmartre29

        (Où allée estois pour m’esbatre),

        Cheus, de malheur, à [la] renverse30.

                        LE  MÉDECIN

        Si voulez que je la redresse,

100  Il convient [qu’el soit manïée]31.

                        LA  FEMME

        Encor(e) que je sois mariée,

        [Il me faudra]32 cela permettre

        Toutefois, pour à mon mal mettre

        Et donner quelque alégement

105  (Ce que ne voudrois autrement).

        Faictes comment vous l’entendez.

                        LE  MÉDECIN 33

        Maintenant, la jambe tendez34 !

        [Je croquerois bien ceste prune.]35

                        LA  FEMME

        Ho ! je ne sens douleur aucune.

110  Guarie suis, ou autant vaut.

        Dictes, Monsieur, ce qu’il vous faut ;

        Ne m’espargnez ne tant, ne quand36.

                        LE  MÉDECIN 37

        De vous je me tiens très content :

        Dresser m’avez faict (c’est assez)

115  Le membre. Ne sçay s’y pensez.

        Prenez que l’un aille pour l’autre.

                        LA  FEMME

        Je comprens l’intention vostre.

        Mais mot38 ! Devisons d’autre chose.

        J’ay opinion d’estre grosse :

120  Diriez-vous bien de quel enfant39 ?

                        LE  MÉDECIN

        Ouy, m’amie, et tout maintenant.

        Çà, vostre main, que je la voye40 !

        Ha ! qu’est-ce-cy ? Dieu y pourvoye !

        J’apperçoy ce qu’oncques ne veis,

125  Ou je perds et sens et advis,

        Tant la chose est extr(a)ordinaire41.

                        LA  FEMME

        Mais qu’il ne vous vueille desplaire,

        Vous me direz s’il y a rien42

        Qui vous semble autrement que bien.

130  Je vous en prie d’amitié.

                        LE  MÉDECIN

        Ma foy ! vous me faictes pitié,

        Vous voyant si jolie et cointe43.

        Car l’enfant dont estes enceinte

        N’a point de nés44, c’est vérité.

                        LA  FEMME

135  Hélas ! Monsieur, par charité,

        Sçauriez-vous à ce mal pourvoir ?

                        LE  MÉDECIN

        Je luy en feray un avoir

        Avant qu’il soit demain ceste heure,

        Si voulez que je vous sequeure45.

140  Ou tardif sera le secours46.

                        LA  FEMME

        J’auray doncques à vous recours

        Pour l’œuvre encommencé parfaire.

                        LE  MÉDECIN

        Un ouvrier vous faut, pour ce faire,

        Qui entende ce qu’il fera ;

145  Autrement, le nés ne tiendra,

        Restant difformé le visage.

                        LA  FEMME

        Je vous donneray si bon gaige47

        Que serez très content de moy,

        Avant que parte, sus ma foy,

150  S’il vous plaist en prendre la peine.

                        LE  MÉDECIN

        Très volontiers, tant je vous ayme,

        Sans que, pour ce, rien vous demande.

        Mais la compagnie est trop grande48

        Pour mettre en ouvrage et effect

155  Ce qu’entens. Cherchons lieu secret :

        Trop de gens entendroient mes tours49.

                        Ils s’en vont ensemble.50

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                        Et le mary se resveille et dit :                  SCÈNE  V

                        LE  MARY

        Hau, baudet ! Pais-tu pas51 tousjours ?

        Où est-il allé ? Qu’est-ce-cy ?

        S’en est-il point fuÿ, aussi ?

160  L’avez-vous point veu, bonnes gens ?

        L’ont point emmené les sergens,

        Du procès sçachans le trictrac52 ?

        En ce lieu, n’en apperçoy trac53.

        Peut-estre un loup s’en est farcy.

165  Tant tu me donne de soucy

        Et de courroux, maudit sois-tu !

        Encore seray-je battu

        De ma femme, je m’y attens.

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                        LA  FEMME 54                                      SCÈNE  VI

        J’ay cy esté assez long temps,

170  Monsieur. Faut me remettre en voye,

        Requérant à Dieu qu’il pourvoye

        De nés à mon enfant joly.

                        LE  MÉDECIN

        Il en aura un bien poly,

        Que luy ay faict bien et [à] poinct55.

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                        LE  MARY                                             SCÈNE  VII

175  Mais ma femme ne revient point,

        Non plus que mon asne, au repaire56.

        Il me faut le malade faire,

        Pour éviter d’estre battu.

                        Il se couche, puis dit :

        Hé ! mon Dieu ! M’amie, où es-tu ?

180  Tant je sens de mal entour moy !

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                        LA  FEMME                                           SCÈNE  VIII

        Vous me mettez en grand esmoy !

        Qu’avez-vous à vous plaindre tant ?

                        LE  MARY

        S’au médecin ne vas comptant57

        Mon mal, je mourray promptement.

                        LA  FEMME

185  Allez-y doncques vistement

        Tandis qu’il est en la maison.

                        LE  MARY

        Que luy porteray-je ? Un oyson,

        Ou des poulets, ou de l’argent ?

                        LA FEMME

        Il est courtois, honneste et gent.

190  Allez seulement, ne vous chaille.

        Ne portez ny denier, ny maille ;

        Il ne vous demandera rien.

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                        LE  MARY,  y allant.                             SCÈNE  IX

        Que ce me seroit un grand bien

        Si ma femme devenoit bonne !

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195  Holà ! Holà ! N’y a-il personne ?                              SCÈNE  X

                        LE  MÉDECIN

        Si a, dea ! Que demandez-vous ?

                        LE  MARY

        Monsieur, las ! J’ay si fort la toux

        Qu’il faut que prenne médecine.

                        LE  MÉDECIN

        Voicy de la pilule fine

200  Qui vaut mieux qu’autant d’or massis58.

        Il t’en faut prendre cinq ou six :

        Cela guarira tous tes maux.

                        LE  MARY  en prend, puis dit :

        Qu’est-ce ? Diable ! ils sentent les aux59.

        Comment il[s] roullent dans mon ventre !

205  Ha ! il faut que mon cul s’esvente60.

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                        Il va à l’escart pour faire ses « affaires »,

                        où il trouve son asne.61 Puis dit :

        Ha ! baudet, estiez-vous icy ?                                    SCÈNE  XI

        Quel bon médecin ! & sans [nul] si62,

        M’ayant guary, et sans grand queste63,

        Fait aussi retrouver ma beste.

210  Vrayement, je l’en contenteray

        Du premier argent que j’auray.

        Sus, baudet ! À l’hostel64 ! Sus, sus !

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                        LA  FEMME,  en acouchant.65              SCÈNE  XII

        Hélas ! Mon Dieu, je n’en puis plus.

        Hélas, hélas ! le « cœur66 » me fend.

                        LE  MARY

215  Et quoy ! Ma femme a un enfant ?

        Hé ! m’amie, comment vous est67 ?

                        LA  FEMME

        Bien, Dieu mercy, puisqu’il luy plaist

        Que mon enfant est bien venu.

                        LE  MARY

        J’ay l’entendement tout cornu68

220  De ce qu’accouchée vous voy.

        Treize mois sont, je l’apperçoy,

        Qu’avecques vous je n’ay couché,

        Au moins que ne vous ay « hoché69 ».

        Et si70, dès la première année

225  Qu’avec moy feustes mariée,

        Vous geustes71 au bout de six mois.

                        LA  FEMME

        Vous ne l’aviez plus de trois doigts

        Mis avant72 : et pour ceste cause,

        L’enfant vint sans plus longue pause,

230  N’ayant si long chemin à faire.

                        LE  MARY

        Il s’ensuit par raison contraire

        Que l’y ay fourré trop avant

        À ce coup, puisqu’il a mis tant.

        J’ay peur de vous avoir gastée73.

                        LA  FEMME

235  Non avez, non. Mais la nuictée

        Que vous me feistes cest enfant,

        Je vis une asnesse, en dormant74 ;

        Parquoy, treize mois l’ay porté.

                        LE  MARY

        Il est donc mien, tout doubte osté.

                        Il prent l’enfant et le regarde, puis dit :

240  Il a tant beau nez que c’est rage !

                        LA  FEMME

        Ha ! ce n’est pas de vostre ouvrage :

        Il ne vous estoit souvenu

        Luy en faire. On en est tenu

        Au bon ouvrier qui l’a parfaict.

                        LE  MARY

245  Qui, tous les diables, l’a donc faict ?

        Comment ! faict-on le nez à part ?

        Tenez-le ; j’en quitte75 ma part,

        Et m’en vas à ce médecin

        — Qui, peut-estre, est aussi devin —

250  Sçavoir qui ce nez a refaict.

        Mais mieux me vaudroit en effect,

        Ce croy-je, apprendre à deviner,

        Voire : car j’en pourrois gaigner

        De l’argent. Or vay-je orendroit76

255  M’enquérir de luy s’il voudroit

        M’y apprendre. C’est bon party.

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        Monsieur, voicy un apprenty                                     SCÈNE  XIII

        Qui vient apprendre la science

        De deviner, comme (je pense)

260  Vous l’apprenez à toute gent.

                        LE  MÉDECIN

        Ouy dea. En me donnant argent,

        Je te l’aprendray, sans doubtance.

        Ne prendras77 pour toute pitance

        Que de ces pilules que j’ay,

265  Dont aussitost qu’auras mangé,

        Tu seras un devin parfaict.

        Regarde à toy ; pense à ton faict.

        Dy-moy : que me donneras-tu ?

                        LE  MARY

        Tout compté et tout rabatu,

270  Voilà un bel escu comptant.

                        LE  MÉDECIN

        Par mon âme ! j’en suis content.

        Mais tu payeras les confitures78,

        Autant les molles que les dures

        (Stercus79 canis, boue de blé)

275  Qu’ensemble ay mis et assemblé.

        Tu en prendras ou deux, ou trois ;

        Cela faict, la première fois

        Que parleras, sois asseuré

        Que ce que diras sera vray.

280  Or, pour ce secret-là t’apprendre,

        Ouvre la bouche : il te faut prendre

        De ces pillules que voicy.

                        LE  MARY 80

        Fy ! Tous les diables ! qu’est-ce-cy ?

        Cela sent plus fort que moustarde.

                        LE  MÉDECIN

285  Devine.

                        LE  MARY

                       Le sambieu ! c’est merde81 !!

                        LE  MÉDECIN

        En ma conscience, c’est mon82.

        Or fais-je veu à sainct Simon

        Que tu es [un] très bon devin.

                        LE  MARY

        Allez, yvrongne, sac à vin !

290  Feussiez-vous pendu par le col !

                        LE  MÉDECIN

        Da ! Ton asne avec son licol

        Estoient perdus, si je ne feusse83 ;

        Et si, mon payement n’en eusse84

        Sans que par subtile façon

295  J’ay[e] tiré ton jaulne escusson85.

        Et la cuisse que j’ay remise

        À ta femme, rien tu ne prise ?

        [Qu’ay-je eu pour avoir terminé]

        Son enfant qui, sans moy, fust né

300  Sans nez, qui t’eust esté grand honte ?

                        LE  MARY

        Vous l’avez donc fait, à ce compte,

        Ce nez ? Monstrez-moy à en faire

        De mesme, il ne vous coustera guère.

        Et si, bien vous contenteray.

                        LE  MÉDECIN

305  Retiens bien ce que te diray :

        Quand un autre enfant tu feras,

        Ton nez au trou du cul mettras

        De ta femme. Et ne sois testu86,

        Mais tiens-l’y bien — et deusse-tu

310  Y estre et jour et nuict aussi —

        Jusques à tant qu’elle ait vessi87.

        Par ainsi, il te souviendra

        Du nez, qui trop mieux en tiendra.

        Fais en la sorte que te dis.

                        LE  MARY

315  Ha ! vertubieu ! En faicts et dicts,

        Vous mocquez-vous ainsi des gens ?

        Si je peus trouver des sergens,

        Je vous feray mettre en prison88 !

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                        LE  MÉDECIN                                       SCÈNE  XIV

        Partir d’icy il est saison ;

320  Retirons-nous à nostre enseigne89.

        Vive tout drôle90 qui enseigne

        À faire le nez aux enfans !

        Adieu vous dy, petis et grands !

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                                    FIN

*

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XXIX.  UNG  FACÉCIEUX  ET  JOYEULX  CONSEIL  DONNÉ  À  UNG  RUSTICQUE.

Ce rusticque91 monta en ung de ces chastaigniers pour cueillir desdictes chastaignes. Mais il en descendit plus tost qu’il ne cuida, car il se fia à une branche, laquelle rompit dessoubz luy ; et cheut aval l’arbre, & se rompit une des costes de la poictrine.

Et près de là estoit ung plaisant et joyeulx homme nommé Minatius, qui vint pour réconforter ce pouvre malheureux rusticque qui estoit cheut. Et luy dist Minatius — qui estoit homme trèsjoyeulx et plaisant : « –Mon amy, réconforte-toy. Je te enseigneray et te donneray une reigle que, si tu la gardes92, jamais de arbre où tu montes tu ne cherras. –Haa (dist le blécé) ! J’aymasse mieulx que vous me l’eussiez dit devant que je fusse cheut : pas ne me fusse ainsi blécé. Toutesfoys, s’il vous plaist de me conseiller, il me pourra prouffiter au temps advenir. »

Adonc dist Minatius : « Mon amy, quant tu monteras en aulcun lieu hault, faictz que tu soyes aussi tardif93 à descendre comme à monter ; car si tu fusses aussi en paix descendu que tu es monté, jamais tu ne te fusse blécé. »

*

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LVI.  D’UNG  MÉDECIN  QUI  REDRESSA  LA  JAMBE  À  UNE  TRÈSBELLE  JEUNE  FILLE.

Ung médecin fut mandé pour médeciner une moult belle jeune fille, laquelle, en danssant et saillant94, se estoyt estors95 le genoul.

Quant ce médecin fut venu & qu’il tint la jambe de ceste moult belle jeune fille, & la cuisse plus blanche que neige, molle & tendre, en la maniant, le cueur luy eschauffa ; & se leva le « petit doy96 d’embas » tellement que de son estable97 il sortit. Et est assez vraysemblable que le maistre médecin, veu les préparatoires98, eust voulentiers sanglé le « bas99 » de la belle jeune fille. Et luy faisoit grant mal au cueur qu’il ne luy osoit demander.

Toutesfoys ne luy en dist rien. Mais après qu’il eut fait sa cure100, quant vint au partir, la belle fille, qui sentit sa jambe droicte101 & guarie, demanda au médecin combien elle luy devoit. Et il respondit : « Belle, vous ne me devez rien. Car, se je vous ay dressé ung membre, aussi avez-vous à moy. Ainsi, nous demourrons quittes l’ung vers l’aultre. »

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CII.  DU  FRÈRE  MINEUR  QUI  FIST  LE  NEZ  À  UNG  ENFANT.

Ledict Cordelier se doubtoit et bien appercevoit celle adolescente estre jà enceinte. Et, comme devin & vaticinateur102 des choses futures, en la présence du mary, appella ladicte femme & luy dist : « M’amye, vous estes grosse & enceincte. Et si, suis seur que vous enfanterez aulcune chose103 qui vous aportera moult de tristesse. » Adoncques la femme, suspectionneuse104 que ce fust une fille, dit qu’elle avoit espérance que ce fust une belle fille, gracieuse & amiable. Toutesfoys, le frère Cordelier tenoit ung visaige fort triste & monstrant signe scrupuleux de aulcune maulvaise fortune. Et tousjours gettoit ung triste regard sur ladicte femme, laquelle s’en espouventa et eut grant paour, voyant ce triste regard. Et elle luy pria moult affectueusement qu’il luy pleust luy dire que105 ce pouvoit estre de quoy elle estoit enceincte, & quelle fortune106 elle pourroit avoir. Mais le traistre et cauteleux frère Frappart107 disoit qu’il ne luy diroit point, & que c’estoit une chose trop horrible et merveilleuse à racompter.

Ce nonobstant, la pouvre femme, désirante et envieuse de sçavoir son mal, continua et persista ; et, en derrière de son mary, trouva le moien de parler audict moyne. Et par belles requestes, fist tant qu’il se consentit à luy dire le cas. Si dist : « M’amie, il fault doncques que la chose soit tenue bien secrette ; mais soyez seure que vous enfanterez ung filz qui n’aura point de nez, laquelle chose est la plus villaine qui puisse advenir en face108 d’homme. »

Lors fut la pouvre femme toute espouventée, et commença à dire : « –Hélas, sire ! N’i a-il point de remède à cecy ? Est-il force que l’enfant vienne sur terre sans nez ? Ce seroit ung cruel desconfort. –Taisez-vous (dist le Cordelier), m’amye. Pour l’amour de ce que je doys estre vostre compère109, il y a ung seul remède, que je vous y feray. Mais il fault que ce soit à certain jour & heure que le temps soit bien disposé, car aultrement n’y feroit-on rien. Avecques ce, fauldra-il que je couche avecques vous pour suplier110 la faulte de vostre mary et adjouster ung nez au visaige de vostre enfant. » Cette chose sembla dure à la pouvre femme ; toutesfois, affin que l’enfant ne nacquist ainsi defformé & monstrueux, elle se accorda de aller à ung certain jour en la chambre du maistre moyne, ce qu’elle fist ; et obéit111 à la voulenté de luy ainsi qu’il luy commanda.

Et pour tant que le ribault moyne trouva bon harnois112 entour elle, il luy dist que du premier jour ne pouvoit pas estre le nez bien fait. Et mesmes, quant ceste fille — qui estoit honteuse d’estre soubz ledict moyne — ne se remuoit, il luy disoit qu’elle se remuast affin que par la confrication113, le nez herdist114 mieulx au visaige, & tenist plus fermement.

En fin, ce filz nacquit avecques ung trèsbeau nez & grant, dont la femme s’esjouissoit ; et disoit au frère Frappart qu’elle estoit grandement tenue à luy par tant qu’il avoit mis grant peine à faire ung trèsbeau nez à son enfant…

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LV.  DE  CELLUY  QUI  CONTREFAISOIT  LE  MÉDECIN,  ET  DONNOIT  DES  PILLULES  POUR  TROUVER  LES  ASNES  PERDUS.

Ung pouvre simple homme perdit son asne ; dont il fut en si grande desplaisance que, de la mélancolie qu’il print, il fut constipé. Si pensa en soy-mesmes de se transporter vers ce médecin dont la renommée florissoit, pour sçavoir si, par aulcun art, il luy sçauroit à dire aucunes nouvelles de son asne.

Quant cestuy pouvre homme fut devant le notable médecin, il luy déclaira sa douleur. Et ne demanda pas santé, mais seullement s’il y avoit point de remède à recouvrer son asne que il avoit perdu. Ledict médecin, qui indifférentement de toutes choses se mesloit, respondit que ouy. Et, par le marché faict entre le pouvre homme & luy, ordonna que le bon homme prendroit six pillules ; lesquelles prinses, ledict bon homme s’en alla en sa maison.

Et, ainsi que lesdictes pillules — qui estoient aulcunement115 laxatives — luy eu[ren]t destrempé116 le ventre, contrainct de aler au retrait, il entre en ung petit lieu secret, plain de roseaux, hors le chemin, là où il trouva son asne paissant.

Alors commença le pouvre homme à extoller117 jusques au ciel la science dudit médecin, et les bonnes pillules qui luy avoyent faict trouver son asne…

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LXX.  DE  CELLUY  QUI  DEMANDA  SI  SA  FEMME  PORTOIT  BIEN  EN  DOUZE  MOYS  UNG  ENFANT.

En la cité de Florence fut ung citoyen qui avoit espousé une moult belle jeune femme, laquelle il habandonna pour aller à ung voyaige, là où il fut l’espace de ung an ou plus. Tellement que par sa trop longue demourée, la femme, à qui il ennuya118, avecques l’ayde de Nostre Seigneur Jésucrist — et de ses voysins119 —, fist tant qu’elle engrossa d’ung beau filz, dont son mary la trouva acouchée quant il arriva. Et de première venue, fut moult courroucé & dolent, disant que l’enfant n’estoit pas à luy, car il y avoit bien environ douze moys qu’il ne l’avoit veue.

Si s’en alla à une vieille matrosne qui demouroit auprès de luy120 ; et luy demanda, à bon privé conseil, s’il estoit bien possible que une femme peust bien porter ung enfant douze moys. « –O ! (dist la subtile matrosne), mon voysin, mon amy, ouy ! Sachez que, si le jour que vostre femme conceut, elle vit ung asne, elle a porté autant que porte une asnesse. C’est une chose toute clère, que l’en a par plusieurs foys veue advenir. Et pour tant, si vostre femme a esté douze moys portant enfant, ne vous en esbahissez point, car il vient de cela. » Lors fut le pouvre sotouart tout resconforté…

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LXXXV.  FACÉCIE  DE  CELLUY  QUI  VOULUT  ESTRE  DEVIN.

Advint qu’il y eust ung aultre sot oultrecuydé, disant qu’il luy donneroit ung bon pot de vin s’il luy sçavoit apprendre celle science de deviner. « Vrayement (dist le devin, qui bien apperceut la folie de l’aultre), ouy, mais que tu me donnes bon pris d’argent, et que tu mangeues121 ce que je te bailleray. Car devant122 que ung homme puisse avoir l’entendement assez cler et ouvert pour deviner, il est requis que il soit clarifié123, ce qui se fait en prenant d’une sorte de pilulles confites de toutes choses requises à ce cas. » Le pouvre sotouart respondit qu’il donneroit argent sur le champ, & qu’il mangeroit tout ce qu’on luy bailleroit. Et de fait, tira son argent et le bailla.

Ainsi, ledict devin s’en alla prendre ung peu de grosse urine — c’est assavoir merde —, & en fist une pillule grosse comme une avellaine124. Et la vint apporter à son aprentiz en disant : « Tien, ouvre la bouche pour manger ceste pillule. Et je te prometz que incontinent tu devineras aussi vray que l’Évangile, & sera vray le premier mot que tu diras. » Lors ouvrit ledit sot la bouche, et luy mist l’aultre ceste pillule dedans. Et sitost que le meschant sentit l’oudeur, il commença à vomir, & à dire : « O ! mon Dieu, que est-ce que tu m’as baillé ? Je suis perdu ! » L’aultre luy dist : « –Or devine. –Quoy (dist le sot) ? C’est merde ! –Par le sang bieu (dist le devin) ! Tu as deviné aussi vray que la patenostre. Tu es desjà ung maistre devin. »

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DES  MÉDECINS  &  DE  LA  MÉDECINE. 125

À propos des médecins empiriques (va dire un autre de la sérée126), escoutez deux ou trois vieux contes de ces médecins qui ne sçavent qu’une recepte pour toutes maladies, où vous trouverez plus de sens que de raison.

Il y avoit un pauvre homme qui, ayant perdu son asne, eut recours à un de ces médecins devineurs pour le recouvrer. Ce médecin luy baille cinq pillules, qu’il avala afin de trouver son asne. Ce bon homme retournant en sa maison, les pillules commençans à opérer, il se met hors du chemin pour aller à ses « affaires ». Et là, il trouve son asne, qui sans cela estoit en danger d’estre perdu. Ce qui bailla si grand bruyt à ce médecin, que plusieurs eurent envie de son sçavoir, & surtout pour apprendre à deviner.

Il convint de marché127 avec un ; & ayant prins argent d’avance, il bailla à son escholier, qui vouloit apprendre à deviner, trois pillules communes. Il est vray qu’il y entroit un peu de diamerdis128. Ce médecin, mettant la première pillule en la bouche de son disciple, luy demande : « Que vous ay-je baillé & mis en la bouche ? Devinez que c’est ! » Ce masche-merde129, de peur de perdre son argent, & à cause de la grand envie de sçavoir deviner, n’osa cracher ; mais il ne l’eut pas si tost sur la langue qu’il commença à deviner, & dire à son maistre : « –C’est de la merde.  –Et bien (va respondre son maistre), tu n’as point perdu ton argent : tu devines desjà. Es-tu pas contant ? »

Voilà pas (adjousta celuy qui faisoit le conte) une bonne recepte130, qui faict si tost deviner, encores qu’elle ne soit que sur le bout de la langue ? Regardez, s’il eust masché ceste pillule ou qu’il eust prins les deux autres, que c’eust esté !…

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1 Revue des études rabelaisiennes, t. IX, 1911, pp. 406-410.   2 Maintenant, taisez-vous. C’est l’ordre que les batteurs d’estrades donnent au public avant de commencer leur boniment. « Or faictes paix, ma bonne gent ! » L’Aveugle et Saudret.   3 Là se trouvait une des plus prestigieuses facultés de médecine d’Europe. Rabelais en fut l’élève, mais on y admettait aussi quelques charlatans, comme le futur Nostradamus, qui en fut d’ailleurs expulsé.   4 Avec de pleines malles de médicaments. Le bonimenteur préfère le chameau au mulet parce que l’exotisme conférait aux remèdes venus de loin une touche de mystère, et donc d’efficacité, au moins psychologique.   5 Pour rendre plus humbles les femmes qui ont mauvais caractère.   6 Contre les engelures aux talons ou aux mains.   7 Le chaud mal est la fièvre continue.   8 Éd : aussi  (Je suis un des meilleurs spécialistes.)  « Ou-vrier » compte toujours pour 2 syllabes, comme aux vers 143 et 244.   9 Pour remettre dans leur articulation.   10 Que mes devanciers.   11 Éd : Tharse  (La Thrace est une région de Grèce réputée pour ses sorciers. « Sorciers qui plantèrent si bien la sorcèlerie en la Thrace qu’elle y est demeurée jusques à présent. » Pierre Le Loyer.)   12 En s’appuyant sur un bâton, il clopine vers la maison du « médecin ».   13 Que j’en puisse.   14 Éd : une iambe.  (« Les joinctures des genoulx. » ATILF.)   15 Éd : ny herbe,  (Ni pommade, ni onguent. « Il me gari tout nettement/ Sanz emplâtre ny oingnement/ Mettre y, n’ointure. » ATILF.)   16 Le rebouteux manipule la jambe blessée.   17 Éd : legier,  (Aisément.)   18 Ou d’un escalier.   19 L’imprimé intervertit ce vers et le précédent. L’histoire originale est du Pogge : voir la facétie XXIX en appendice.   20 À la maison, avec son mari. Elle se plaint d’une jambe. Les spectateurs, contrairement au mari, voient qu’elle est enceinte.   21 C’est le nom traditionnel des ânes, bien avant Aliboron. « Martin, tost avant !/ Hay avant, bodet ! » Cautelleux, Barat et le Villain.   22 Qu’il nous faut songer à alléger mon mal.   23 Il suffit qu’il aille au trot alterné.   24 Éd : arreste.   25 Il prend sa femme dans ses bras.   26 Lésée, blessée.   27 La maison du médecin est encadrée par deux petites cours herbues. Le mari fait sa sieste dans l’une d’elles, mais l’âne va paître dans l’autre.   28 Éd : n’estre  (« Nostre maistre, Dieu gard ! » Jehan qui de tout se mesle.)   29 Un de ces pèlerinages où les épouses se rendaient sans leur mari. Dans la Farce de quattre femmes (F 46), on demande à une élégante si elle a coutume « d’aller jouer à Montmartre,/ Au pellerinage de Saint-Mors/ Pour visiter les sainctz corps/ Des moynes, pour vous esbatre ? »   30 Une femme choit à la renverse quand elle se fait culbuter par un homme. Cf. le Poulier à sis personnages, vers 40.   31 Éd : que ie la manie.  (Il faut que votre jambe soit manipulée.)   32 Éd : Qu’il me faille   33 Il masse la cuisse et l’aine de la femme, sous sa robe. Voir la facétie LVI du Pogge, en appendice.   34 Éd : fendez.   35 Vers manquant. « Et vous de croquer ceste prune ? » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.   36 Si peu que ce soit. Pour la rime, on peut mettre : ne quand, ne tant.   37 L’imprimé remonte cette rubrique avant le vers précédent.   38 Pas un mot !   39 Quel est le sexe de l’enfant.   40 Un vrai médecin aurait tâté le pouls ; le devin se contente de lire dans les lignes de la main.   41 D’après Somaize, on prononçait « extr’ordinaire ». Le Grand Dictionaire historique des Prétieuses.   42 Quelque chose.   43 Gracieuse.   44 De nez. Voir la facétie CII du Pogge en appendice. Bonaventure Des Périers s’en inspirera <Nouvelles récréations et joyeux devis, IX>, mais transformera ce nez phallique en oreille testiculaire : De celuy qui acheva l’oreille de l’enfant à la femme de son voisin. Il sera suivi par La Fontaine, dans un conte ayant pour titre : le Faiseur d’oreilles et le raccommodeur de moules.   45 Éd : secoure  (« Se Dieu me sequeure. » Serre-porte.)   46 Sinon, mon secours arrivera trop tard.   47 Des gages, des émoluments.   48 Le public est trop nombreux.   49 Comprendraient mes actes médicaux. Mais aussi : mes ruses.   50 Ils vont derrière le rideau de fond. C’est souvent là qu’on abrite les scènes de coït : cf. le Poulier à sis personnages.   51 Ne broutes-tu pas.   52 Éd : trictric  (Les finesses. « Le tric-trac du Palais. » Godefroy.)   53 Éd : nul tric,  (Aucune trace. « Grant femme seiche, noire et mesgre,/ Qui veult d’amour suivre le trac. » Guillaume Coquillart.)   54 Elle sort de chez le « médecin ».   55 Double sens : « à point » = en érection. Cf. Frère Guillebert, vers 210.   56 Nous ne sommes pas chez le couple, mais dans une petite cour contiguë à la maison du médecin.   57 Conter.   58 Éd : massif,  (« Ses cheveulx blons comme fin or massis. » ATILF.)   59 Vos pilules sentent l’ail.   60 Que j’aille déféquer. Voir la facétie LV du Pogge en appendice. Un médecin des Cent Nouvelles nouvelles <79> remplace les pilules par un clystère, qui permet aussi au paysan de retrouver son âne. Des Périers <94> confirme l’efficacité du traitement : D’un pauvre homme de village qui trouva son asne, qu’il avoit esgaré, par le moyen d’un clistaire qu’un médecin luy avoit baillé.   61 Le mari se rue dans la seconde cour, où broute son âne.   62 Sans hésitation. « Et je vous jure sans nul sy/ Que loyaument vous serviray. » René d’Anjou.   63 Sans chercher longtemps.   64 À la maison ! Le mari monte sur l’âne et rentre chez lui, où sa femme est déjà arrivée. On suppose qu’il est assis à l’envers sur l’animal : c’est la punition qu’on infligeait aux hommes qui se laissaient battre par leur épouse (vers 167 et 178). Voir la note 30 du Munyer.   65 Nombre de Mystères ou de Miracles montrent une ou plusieurs scènes d’accouchement. La femme porte sous sa robe un poupon maintenu par une ficelle ; il suffit de tirer sur le bout pendant de la ficelle pour que le poupon se détache et tombe.   66 Délicat euphémisme. La femme récupère le poupon, qui est pourvu d’un immense nez.   67 Comment vous sentez-vous ?   68 Perturbé. L’auteur n’a pas mis par hasard le mot « cornu » dans la bouche d’un cocu.   69 Éd : hochée,  (Secouée sexuellement. Cf. Frère Guillebert, vers 359.)   70 Et pourtant. Idem vers 293.   71 Vous avez accouché (verbe gésir). Sur les femmes qui ont un enfant peu après leur mariage, voir Jolyet.   72 Vous n’aviez pas mis dedans plus de 5 cm.   73 De vous avoir blessée.   74 Les rêves et les envies des femmes enceintes influaient sur le physique ou le caractère de leur futur enfant. La gestation de l’ânesse dure 12 ou 13 mois : voir la facétie LXX du Pogge en appendice.   75 Je vous en abandonne.   76 Maintenant. Le mari retourne chez le « médecin ».   77 Éd : prenant   78 Les excréments. « Bouter sa teste au trou du retrait [des latrines], où il fut bien ensensé de la confiture de léans. » Cent Nouvelles nouvelles.   79 Éd : Cucta  (Mélangé à du miel, le « stercus canis officinarum », c.à-d. les crottes de chien, s’appliquait sur une gorge enflammée.)  La boue du blé, c’est le son, avec lequel les gens de théâtre représentaient les excréments : voir la note 187 du Retraict. « Bou-e » compte pour 2 syllabes, et l’imprimeur écrit d’ailleurs « bouë ».   80 Il met une pilule dans sa bouche.   81 Au milieu du XIIIe siècle, déjà, Rutebeuf dépeignait un charlatan qui soignait avec « de la merde de la linote/ Et de l’estront de la putain ». Li Diz de l’erberie.   82 C’est exact. Cf. le Badin qui se loue, vers 302. Voir la facétie LXXXV du Pogge en appendice.   83 Si je n’avais pas été là pour te permettre de les retrouver.   84 Et pourtant, je n’en aurais pas eu le paiement.   85 Ton écu d’or (au vers 270).   86 Ne sois pas cabochard.   87 Qu’elle ait pété.   88 Clin d’œil à la farce de Pathelin : « Se je trouvasse/ Ung sergent, je te fisse prendre./ ….Mésadvenir/ Luy puisse-il s’il ne t’emprisonne ! » Le mari s’en va.   89 Sans doute à l’enseigne d’une taverne, comme l’apothicaire Doribus.   90 Tout mauvais plaisant.   91 Ce paysan. Voici donc les 6 nouvelles que notre fatiste adapta pour la scène. La traduction de Guillaume Tardif s’intitule : les Facécies de Poge, Florentin, translatées de latin en françoys, qui traictent de plusieurs nouvelles choses moralles. Pour racompter en toutes bonnes compaignies.   92 Si tu l’appliques.   93 Lent. « Tardif » est la signature du traducteur.   94 En sautant.   95 Tordu.   96 Doigt = pénis. « Il fut esbahy & honteux que son petit doy ne levoit. » Pogge-Tardif, LIV.   97 De sa braguette.   98 Vu ces préliminaires.   99 Jeu de mots sur le bât et le bas. « Mon père (…) a mille fois sanglé le bas à ma mère. » Pogge-Tardif, LXXX.   100 Qu’il l’eut soignée.   101 Redressée.   102 Annonciateur.   103 Quelque chose.   104 Soupçonnant. On préférait avoir un garçon, qui pourrait reprendre les affaires familiales, plutôt qu’une fille, à qui l’on devrait fournir une dot pour la marier, pour peu qu’elle soit mariable.   105 Ce que.   106 Quel destin.   107 Surnom des moines paillards, notamment des Cordeliers, dont font partie les Frères mineurs nommés dans le titre. Cf. Frère Frappart.   108 Sur une face.   109 Le parrain de votre enfant.   110 Suppléer, réparer.   111 Éd : obtint   112 Allusion à un proverbe. « Car qui a bon harnois, tousjours va-il avant. » (ATILF.) Plus prosaïquement, le harnais désigne le sexe de la femme : « Une jeune femme, laquelle de plusieurs estoit convoitée, non pas pour espouser mais pour prester le harnois. » Pogge-Tardif, CVII.   113 Éd : confacation ou confocation  (Par le frottement réciproque. « Un désir de confrication, qui est la conjonction charnelle. » Godefroy.)   114 Adhère (verbe erdre).   115 Quelque peu.   116 Ramolli.   117 Exalter.   118 Qui se lassa de son abstinence. « Sa femme (…) prioit très humblement et très instamment qu’il s’en retournast vers elle pour payer le tribut de mariage, car il luy ennuyoit. » Pogge-Tardif, LXXVI.   119 Même plaisanterie dans Pogge-Tardif, I : « À l’aide de Dieu — & de ses voisins —, en succession de temps luy fist trois beaulx enfans. »   120 Près de chez lui.   121 Que tu manges.   122 Avant.   123 Éclairé, illuminé.   124 Une aveline, une noisette. Pour rester dans les fruits, Tiel Ulespiegle vend des « prunes de prophétie ». Le devin ne s’y trompe pas : « Cette prune n’est autre chose que merde ! »   125 Voici un extrait du Premier Livre des Sérées, de Guillaume Bouchet, nº X, pp. 677-679. En 1584, cet écrivain regroupa deux anecdotes provenant de notre farce, dont la seule édition aujourd’hui connue paraîtra en 1612.   126 Un des participants à la soirée.   127 Il conclut un marché.   128 De merde. Cf. le Sermon pour une nopce, vers 180 et note.   129 L’élève du devin.   130 Formule pharmaceutique.

COLIN QUI LOUE ET DESPITE DIEU

British Library

British Library

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COLIN  QUI  LOUE

ET  DESPITE  DIEU

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Cette longue pièce n’est qualifiée de farce qu’au vers 522. De par son thème et son traitement, elle a déjà tout des futures comédies psychologiques. L’auteur n’est pas entièrement responsable de cette innovation : il n’a fait qu’adapter pour la scène la 1ère des Facécies de Poge florentin, que Guillaume Tardif avaient traduites du latin vers la fin du XVe siècle. Cette traduction, que je publie sous la pièce, connut plusieurs rééditions dans la première moitié du XVIe siècle ; l’une d’entre elles inspira notre auteur.

L’auteur en question semble avoir appartenu à une quelconque Basoche, ces « royaumes » de clercs de procureurs qui organisaient toutes sortes de festivités, notamment théâtrales1. Voici ce qu’en dit son précédent éditeur, André Tissier2 : « Que l’auteur de la farce de Colin ait été un basochien contemporain de Guillaume Coquillart semble de même probable. Ne trouvera-t-on pas dans le texte un certain nombre de plaisanteries (d’auteur) qui appartiennent à la bonne tradition des joyeusetés basochiennes ? La langue surtout est significative d’un basochien de ce temps. »

Source : Recueil du British Museum, nº 14. La farce, peut-être lyonnaise3, fut publiée à Lyon vers 1546.

Structure : Rimes abab/bcbc, avec 3 triolets.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Colin qui loue

et despite Dieu

en ung moment

à cause de sa femme

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À troys personnaiges, c’est assavoir :

       COLIN

       SA  FEMME  [Catin]

       et  L’AMANT

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                            COLIN  commence en labourant 4,      SCÈNE  I

                                  et dit en chantant :

        A ! qu’i fauldroit souvent aguillonner 5 !

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        Me6 pourray-je point séjourner

        Le corps7, sans me tant travailler ?

        Je ne sçay quel lieu8 me tourner,

5      N’à9 quel propos me ralier.

        Cent mille escus et ung malier10

        Me feroit tost cesser l’ouvrage ;

        Ou de nobles ung plain cailler11.

        Ce seroit bien pour faire rage,

10    Estre vestu à l’avantage

        À la gorre12 du temps présent.

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                            LA  FEMME 13                                    SCÈNE  II

        Colin !

                            COLIN

                      Hau !

                            LA  FEMME

                                  Muez ce langaige.

                            COLIN

        Comme quoy14 ?

                            LA  FEMME

                                       Il fault de l’argent.

                            COLIN

        C’est au propos de mon courage15.

                            LA  FEMME

15    Colin !

                            COLIN

                      Hau !

                            LA  FEMME

                                  Muez ce language.

                            COLIN

        Parlez de faire bon potaige16,

        Car ce parler n’est beau ne gent.

                            LA  FEMME

        Colin !

                            COLIN

                      Hau !

                            LA  FEMME

                                  Muez ce language.

                            COLIN

        Comme quoy ?

                            LA  FEMME

                                    Il fault de l’argent.

                            COLIN

20    Et pourquoy ?

                            LA  FEMME

                                 Vélà le sergent

        À l’hostel, qui nous exéquute17.

                            COLIN

        Vous me chantez ung piteux chant !

        Je suis mis jus18 de ceste lutte.

        Allez luy dire que je blutte19

25    La farine pour ung grant pain.

                            LA  FEMME

        Dieu ! faictes-vous la beste brutte ?

                            COLIN

        Comment ?

                            LA  FEMME

                               Il a jà mis la main,

        À la requeste de Germain20,

        En noz biens tout entièrement.

                            COLIN

30    Allez luy dire que demain

        Je luy feray son payement.

                            LA  FEMME

        ………………………… 21

        Et puis il fault, au lancement22,

        De l’argent pour mes carreleures23.

                            COLIN

        Dictes-moy à cent frans d’injures,

35    Et nompas de bailler finance.

        Engagez24 bagues et saintures.

        Par ma foy ! je n’ay croix en France25.

                            LA  FEMME  luy tire la bource du sain 26.

        Ne faictes point ces couvertures27 :

        À ceste bource qu’on s’avance !

                            COLIN

40    Tousjours femme demande ou tence

        Sans28 avoir paix à l’environ.

                            LA  FEMME

        Colin, en effect et substance29,

        Si me fault-il ung chapperon.

                            COLIN

        A ! voire, c’est don[c] de faucon30.

45    Ou d’espervier31, s’il vous duyt mieulx…

                            LA  FEMME,  en tirant.

        Vous bourdez-vous32 ?

                            COLIN,  en riant.

                                              Ha, ha ! Mon con33,

        Ne dictes mot, car je le veulx.

                            LA  FEMME

        Encores fault-il ung bacon34.

        Entendez-vous, meschant morveux ?

                            COLIN

50    Et puys35 ?

                            LA  FEMME

                             Pour acomplir noz veulx

        Qu’avons promis, povre sottin.

                            COLIN

        Et quant fut-ce ?

                            LA  FEMME

                                      Le jour des Feux36,

        Qu’eustes si grant mal, au matin.

                            COLIN

        Je ne sens nul mal, ma Cattin37.

55    Sans cause38 prieroye les sainctz,

        Se ce n’est que pas ung tattin39

        Je n’ay en bource n’en mes mains40.

        À peu que je ne me dessains41

        Pour faire ung beau cedo bonis 42.

60    Maintenant sont failliz mes gains,

        Veu les choses que je fournis43.

                            LA  FEMME

        Table n’avons, ne banc tournis44

        Qui vaille ung estront de chien chié45.

        De tous biens sommes desgarnis.

65    Par mon serment, c’est grant pitié !

        En vous, n’a ne goust n’amytié46.

                            COLIN

        Catin, pitié vault mieulx qu’envie :

        ……………………………. 47

        En vertus, ce disent les sages.

        J’ay la teste toute ravie48

70    Quant vous usez de telz languages.

        Se le diable emportoit noz gages

        Et qu’il nous faillist tout quant qu’est49,

        Pour vous fournir de50 telz bagages,

        En moy ne trouver[i]ez voz aquest51.

                            LA  FEMME

75    C’est peu de bien.

                            COLIN

                                     Mais intérest52

        Qui ne porte soulas53 ne joye.

        Se j’en pensoy[s] trouver aprest54,

        Voulentiers g’y travailleroye.

                            LA  FEMME

        Feriez ?

                            COLIN

                        Voyre. Et le bailleroye,

80    Se je l’avoye où que ce soit.

                            LA  FEMME  luy tire sa bource.

        Laschez doncques ceste courroye !

        L’argent doit estre cy endroit.

                            COLIN

        Par ma foy ! monnoye n’y croist

        Nemplus que l’herbe dans ung four.

                            LA  FEMME  le flatte 55.

85    Héé, Colin !

                            COLIN

                              Haro, que de broit56 !

        Vé-me-cy57 en piteux séjour.

        Je vous prie, par fine amour :

        Laissez m’achever mon preffait58,

        Car c’est ung terrible labour59.

                            LA  FEMME

90    Baillez-moy donc60

                            COLIN

                                            Dieu, que de plait61 !

        [D’en tant parler il me desplaît.]62

                            LA  FEMME

        S’en auray-je bien tost.

                            COLIN

                                                Mais tard !

        Je deffens la voye et de fait63.

        [Ah !] que le grant diable y ait part,

95    À la gabesse64 et au [bro]quart

        De la femme qui tant m’empesche !

        Je n’ay – ou sainct Anthoine m’ard65

        Pas ung.

                            LA  FEMME

                          Si fault-il qu’on le pesche66.

                            COLIN

        Dont  plus je crie [et] moins [m’en] despêche67.

100  Et ubi prenu68, qui ne l’emble ?

                            LA  FEMME,  en soubzriant.

        Au moins, pour avoir de « cher fresche69 »,

        Faictes de cours70.

                            COLIN

                                        Mais bien à l’emble71 !

        De vous ouÿr parler, je tremble ;

        Ce marcher me vient à dur trot.

                            LA  FEMME

105  Je ne sçay comment il vous semble.

        Endurer ne puis ce tripot72.

                            COLIN

        Allez faire boullir le pot ;

        Je viens après, et soupperons.

                            LA  FEMME

        Je n’ay point d’argent, povre sot !

                            COLIN

110  Vendez l’ung de voz chapperons,

        Ce sera pour payer l’escot.

        Et puis après, nous compterons73.

                            LA  FEMME

        Que dictes-vous que nous ferons74 ?

                            COLIN

        Gros rost75, et feu à troys landiers.

                            LA  FEMME

115  Je congnoys bien que nous serons

        En povre estat de tous cartiers76.

        Ferez-vous rien ?

                            COLIN

                                      Trèsvoulentiers.

        Allez devant, je vous suivray.

                            LA  FEMME

        Tout77 le meilleur de voz mestiers,

120  C’est de non jamais dire vray.

                            Elle tire la bource.

        Vrayement, sire, j’en auray !

                            COLIN

        De quoy ?

                            LA  FEMME

                           De l’argent ou de l’or.

                            COLIN

        Allez devant puis je viendray.

        Et faictes cuire ung haranc sor78.

                            LA  FEMME

125  Viendrez-vous ?

                            COLIN

                                    Ouÿ, par sainct Mort79 !

                            La femme le laisse et s’en va.

.

                            Et  COLIN  dit à parsoy 80 :                 SCÈNE  III

        Allez ! Qu’au fin fons d’Angleterre

        Puisse-on, de vous, faire trésor81 !

        Il n’est au monde plus grant guerre,

        Plus grant tempeste ne tonnerre

130  Que d’ouÿr ce dyable de femme !

        Mieulx me seroit estre soubz terre

        Qu’endurer tant. Elle m’affame82

        D’argent, vélà toute sa game83.

        Comme se le devoye myner84,

135  Nuyt et jour à cela me clame,

        Sans que je sache où le finer85.

        Brief ! je ne puis ymaginer

        Comment je m’en pourray jouyr,

        Se n’est86 qu’ailleurs m’en cheminer

140  En quelque part, et m’en fouyr87.

        C’est assez faict pour esvanouÿr,

        Qu’estre tousjours en ces aboys.

                            Il s’en va.

        Je m’en voys88 autre part ouÿr

        L’oysellet par champs et par boys,

145  Ronger ma crouste à tout des poys89,

        Et besoigner de mon mestier.

        Quoy qu’en aviengne à contrepoys90,

        Je m’en passe, de ce quartier.

                            Il s’en va.

.

                            Et  LA FEMME 91 dit apart soy :        SCÈNE  IV

        Et ! ne viendra point ce gaultier92 ?

150  Fault-il ancor que g’y retourne ?

        Si n’est-il pas vers le moustier93 ?

        Ou qu’il se demeure, ou séjourne94 ?

        Hau, Colin !

                            COLIN 95en s’en allant :

                               Tu dis vray, g’y tourne96.

        Vous ne m’y crocherez de pièce97.

                            LA  FEMME

155  Hau, Colin !

                            COLIN

                               Il y faict trop morne ;

        Je n’y acquiers bien ne liesse.

                            LA  FEMME 98  dit à parsoy :

        Ha ! Colin, est-ce la promesse99

        Que me tenez ? Lasse, doulente !

                            COLIN  dit à parsoy :

        Par le sacrement de la messe !

160  Ce m’estoit une fièvre lente.

.

                            LA  FEMME  s’assiet sur ung banc en plourant.

        Hélas ! que feray-je, meschante100,                           SCÈNE  V

        De dueil et desplaisir meurtrie ?

        Plourer fault, et que plus ne chante,

        Puisque j’ay perdu ma partie101.

165  Or est bien ma vie esmortie

        De joye102, et mise en piteux termes.

        Maintenant, ne suis assortie103

        Fors que de souspirs et de larmes.

.

                            L’AMANT 104  dit à parsoy :               SCÈNE  VI

        Sont-ce criz de femme ou gendarmes105,

170  Que j’oy ainsi plaindre et crier ?

        Sans prendre harnoys ne guisarmes106,

        Il le me fault aller espier.

        Et se g’y puis riens approprier107

        Au propos de mon principal108,

175  J’en feray, selon son entier,

        Mention en mon procès-verbal.

.

                            Il va à elle.                                             SCÈNE  VII

        M’amye, Dieu vous gard de mal !

                            LA  FEMME  luy faict la révérence.

        Sire, Dieu vous doint bonne vie109 !

                            L’AMANT

        J’ay entendu en [cest aval]110

180  Des plains111 comme femme marrie.

        S’il y a riens qui vous ennuye112,

        Dictes vostre cas plainement :

        J’appointe tout113.

                            L’Amant s’assiet emprès elle, et

                            [LA FEMME]114  dit en plorant :

                                        Pouvre bannye !

        En moy gist pouvre appointement115.

                            L’AMANT

185  Dictes-moy, s’il vous plaist, comment

        Vous avez le cueur si marry.

                            LA  FEMME

        Hélas ! Tout mon marrissement

        Est à cause de mon mary.

                            L’AMANT

        Pourquoy ?

                            LA  FEMME

                            Sans avoir déméry116

190  En luy de riens qui mal agrée,

        De moy (lasse !) s’est desparty117 ;

        Et si, ma seulle délaissée.

                            L’AMANT

        Vous fault-il estre courroussée

        Et vous douloir le cueur si fort ?

195  Si fault-il, ma trèsbien aymée,

        Avoir pacience, et fût-il mort118.

                            LA  FEMME

        J’en ay ung si trèsgrant remort

        Au cueur qu’à peine je n’enrage.

                            L’AMANT

        Pourquoy, dame, ne à quel tort ?

                            LA  FEMME

200  Sainct Jehan, sire ! Car le dommage

        Chet119 sur moy et sur mon mesnage,

        Dont j’en suis en grièfve douleur.

        Je n’ay pain, vin, chair ne fromage

        Pour ma vie. Ne, de malleur,

205  Je n’ay possession n(e) héritage,

        Se ce n’estoit de son labeur.

                            L’AMANT

        Est-ce toute vostre clameur,

        Vostre soucy et pensement120 ?

        De ce, n’ayez crainte ne peur :

210  J’ay des biens assez largement,

        Qui sont à vo121 commandement ;

        Prenez-en com’ du vostre propre.

                            LA  FEMME  torche ses yeulx et se

                                          réconforte, et dit :

        Je vous remercye humblement ;

        À moy n’appartient pas tel offre.

                            L’AMANT

215  Je n’ay or n’argent à mon coffre

        – S’à plaisir vous vient de m’aymer –

        Que d’ung franc vouloir ne vous offre,

        Sans jamais vous abandonner.

                            LA  FEMME

        L’avoir122 me seroit trop amer

220  À prendre, d’ung si beau donneur,

        Quant, par mariage entamer,

        Perdisse le trésor d’onneur123.

                            L’AMANT

        Aussi, de mes ditz la teneur

        Ne porte(nt) point d’autre intendit 124,

225  Mais tousjours, sans nul déshonneur,

        Vous aymer d’onneste crédit.

        Pour tant125, que ne soye escondit,

        S’il vous plaist, à ceste requeste.

        Lors, de vous sera [bon crédit]126

230  D’avoir faict trèsnoble conqueste.

                            LA  FEMME

        En ouvrage où en rien ne s’acqueste127,

        C’est grant follie d’y quester

        Et128 de soy charger de tel queste :

        Je ne vaulx pas le requester129.

235  Et pour ce, sans130 plus cacquester,

        Ma foy tiens à qui m’a conquise.

        Ailleurs fault chasse racquester131,

        Car d’aultre que vous suis aquise.

                            L’AMANT

        Vostre reffus assez je prise,

240  Ma mignonne, pour ung prinsault132.

        Se vostre œil ung peu me desprise

        De ce premier trait, ne m’en chault.

        Mais133 que le froit reviengne en chault,

        Vostre dur cueur s’amollira ;

245  S’il ne tient plus que fil d’archault134,

        J’espère qu’il m’accu[ei]llira.

                            LA  FEMME

        Accueilli[r] d’autre n’en séra135

        Que mon mary, dans ma pensée.

        Ce qu’on vouldra l’on pensera.

250  D’aultre ne seray compensée136 ;

        Car à ce ne suis dispensée137,

        Quelque mal que j’aye ou souffrance.

        Et138 quant à la chose pensée,

        Il en est prou d’aultres en France.

                            L’AMANT

255  Si n’av’ous139 garde que j’en tence,

        Et deussé-je pour vous mourir.

        Et ! nonobstant vostre constance,

        Vous ne me lair[r]ez encourir140

        De mon141 povoir vous secourir ?

260  Je suis vostre, de142 corps et biens.

        Et pour vous en tous lieux courir

        Suis tout prest, s’en grâce parviens143.

                            LA  FEMME

        Le parvenir ne vous peut riens,

        Car mon personnage est trop minse ;

265  De greigneurs avez entretiens144

        Des plus belles de la province.

        Folleur seroit que vous détinse145

        D’abus ne parolles longtaines146.

        Mieulx vauldroit qu’a[vant] cela, vinse

270  Avoir tremblé fièvres quartaines147.

                            L’AMANT

        L’assault de douze capitaines

        Ne sçauroit vostre cueur abbatre !

        On n’a point tel chat sans mitaines148.

        D’une foys, de deux ne de quatre,

275  Se briser devoys149 comme plastre,

        Ne cesseray vous supplier.

        Vostre suis, saige ou tout folastre,

        À ce que me vouldrez plier150.

                            LA  FEMME

        Seigneur, cessez tout ce prier,

280  Et envers moy plus n’attendez :

        De mon costé ne fault fier151.

        Affin que court152 vous l’entendez,

        Aultre part vous prie que tendez

        Voz rez153, en plus propre desduyt154.

285  Temps perdez, s’à moy prétendez.

        Vélà mon refus, s’il vous duyt.

                            L’AMANT

        Duyre ? Nompas ! Se jour et nuyt

        Vous me disiez tousjours « va-t-en ! »,

        À vous prier riens ne me nuyt :

290  Je n’en cesseray de cest an.

        Vous n’estes pas si fort Satan

        Comme vous monstrez la rigueur.

        D’autant aujourd’huy com entan155,

        À vous mon cueur tient sa vigueur.

                            LA  FEMME

295  Tant prescher engendre ranqueur :

        Il est156 possible qu’on se157 fasche,

        Combien que vous monstrez, en cueur,

        Qu’en amours vous n’estes rien lasche.

        Quant pour le présent158, je vous masche159

300  Que plus ne m’en soit sermoné.

        À tenir tant l’ouvrage en ta[s]che160,

        C’est trop l’atellier ramonné161.

                            L’AMANT

        Ung rost162, s’il n’est souvent tourné,

        Il se brusle et pert sa saveur.

305  Se mon labeur est couronné163,

        Loué soit le benoist Saulveur !

        Si, de vostre amour en chaleur164,

        Mon povre cueur frit et frissonne,

                            (il l’embrasse ung peu)

        Mercy prendrez de sa douleur165,

310  Puysqu’à166 vous se rend et ransonne167.

                            LA  FEMME  se rend en disant :

        Je ne sçay si rude personne

        De femme (pour le faire court),

        S’une foys l’oreille abandonne168,

        Qu’on ne gaigne la « basse-court169 ».

315  Plus ne puis faire le cueur sourt :

        À vostre vueil suis, désormais,

        Vous priant, s’autre chose y sourt170,

        Que ne m’abandonnez jamais.

                            L’AMANT

        Repeu suis de tous entremetz,

320  Puisque vo cueur ay d’abandon ;

        D’autre acquérir ne m’entremetz,

        Soit en paix, guerre ou [par] bandon171.

                            Il luy donne ung annel, et la baise.

        Prenez en gré ce petit don

        De vingt escuz que je vous baille.

325  Et de Colin le bon preudon172,

        Vostre mary, plus ne vous chaille !

                            LA  FEMME

        Mon bon seigneur, comment qu’il aille173,

        Je vous pry que me venez veoir

        En ma chambre. Et quoy qu’on [en] raille,

330  Envers vous feray mon devoir174.

                            L’AMANT

        M’amye, de tout mon avoir

        Vous serviray, je vous affy175.

        Et quant vous vouldrez rien176 avoir,

        Venez à moy, n’ayez soucy.

                            LA  FEMME,  en soy suppliant 177.

335  Mon bon seigneur, vostre mercy !

        Mais d’une chose vous supplye :

        Que nous nous départons178 d’icy,

        Affin que nul mal on n’en dye.

                            L’AMANT

        C’est très sagement dit, m’amye.

340  Encor, anuyt179 vous iray veoir.

                            LA  FEMME

        N’y faillez pas, je vous en prie !

                            L’AMANT

        C’est très sagement dit, m’amye.

                            LA  FEMME

        Viendrez-vous ?

                            L’AMANT

                                    Je vous en affye.

                            LA  FEMME

        Et je feray bien mon devoir.

                            L’AMANT

345  C’est très sagement dit, m’amye.

        Encor, ennuyt vous iray veoir.

                            Il la baise et luy baille d’or et d’argent.

        Adieu vous dy jusques au soir !

        Tenez cest or et cest argent,

        Je vous [prie, et]180 faictes devoir

350  De faire vostre hostel bien gent181.

        Et  s’il y a paillard ou sergent

        Qui mal ou desplaisir vous face,

        Venez à moy : je suis régent

        [Du Palais]182, chascun me faict place.

                            LA  FEMME,  en [soy] suppliant.

355  Mon bon seigneur, de vostre grâce

        Vous mercye.

                            L’AMANT

                                 Allez, ne vous chaille !

        Ne craignez aulcune menasse,

        Et n’ayez peur183 que je vous faille.

.

                            Les instrumens jouent.184  Et puys

                            LA  FEMME,  en s’en allant, dit à parsoy :

        Prise suis d’estoc et de taille185.                                 SCÈNE  VIII

360  S’on le scet, je seray infâme.

                            Elle regarde son argent.

        J’ay pour avoir meuble et vitaille186.

        Il n’est celle qu’avoir n’affame187.

        Mainte se tient pour preudefemme

        Par faulte de la requérir188.

365  Qu’elle sauve son los et fame189,

        Car elle n’en scet où quérir190.

        Si me fault penser d’acquérir

        – Puisque j’ay trouvé ce butin –,

        Sans y penser plus, n’enquérir191.

370  C’est assez du premier hutin192.

                                    *

                            COLIN 193                                            SCÈNE  IX

        Sçavoir vouldroye ung bon tatin194

        Comment faict nostre mesnagière ;

        S’en bon françoys ou en latin

        Elle faict bonne ou malle ch[i]ère195.

375  À elle prendray ma dressière196,

        Car en ce pays n’y faict[z] nulz197.

        Je n’ay pourpoint ne robe entière ;

        À peu que je ne suis tout nudz.

        Ung cent198 de poux gros et menus

380  [Je luy]199 porte en lieu de pécune.

.

                            Il va en sa maison, et dit en entrant :     SCÈNE  X

        Dieu gard !

                            LA  FEMME

                              Estes-vous revenus ?

        Av’ous d’argent ?

                            COLIN

                                      Forme nésune200.

                            LA  FEMME

        C’est grant faict !

                            COLIN

                                      Ce n’est que Fortune201 :

        Au livre des heureux m’efface.

                            LA  FEMME  se seigne 202.

385  Pas une croix203 ?

                            COLIN

                                       Non, pardieu, q’une :

        Celle qui se tient en ma face204.

        Se vous me chantiez la préface205

        Du grand Sanctus, ou le Credo…

        Quant à fournir206, ne sçay que face,

390  Car ma lesson n’est qu’à crédo 207.

                            LA  FEMME

        Vous estes à quia 208 ?

                            COLIN

                                              Mais à « ho209 ! » :

        Ne puys tirer s’on ne me boute.

                            LA  FEMME

        Que ferons-nous ?

                            [COLIN]

                                       Feste à gogo,

        S’on joue de la sacqueboute210.

                            LA  FEMME

395  A ! pouvre perdu !

                            COLIN

                                        Somme toute,

        Boire fault, vélà mes211 raisons.

        C’est trop tenu propos de route212,

        Pour ung homme qu’a les dens longz213.

        Avant214, Catin, m’amour, allons !

400  Je suis creux215 com une lanterne.

                            LA  FEMME

        Nous allons bien à reculons.

                            COLIN

        C’est selon la mode moderne216

        Bevons !

                            Il se met à table, et

                            LA  FEMME  luy baille à boire de l’eau, et dit :

                         Vélà d’eau de cisterne217 ;

        Or bevez, se vous avez soif !

                            COLIN

405  Elle faict le [mal sainct]218 Materne.

        Pendu soit-il qui vous en croit !

        Elle me faict trembler de froit,

        Quant je la voy dessus la table ;

        Elle [e]st plus propre à faire broit219,

410  Et au[x] chevaulx plus convenable.

                            LA  FEMME

        Mais dont venez-vous ?

                            COLIN

                                               Dont ? Du dyable !

        De tant de pays que c’est rage.

                            LA  FEMME

        Av’ous veu lieu plus profitable

        Ont220 vous ayez plus d’aventage ?

415  Vous avez esté en fourrage221

        Despendre follement le vostre222.

        En quelque fille de passage

        Avez faict du paillard avoutre223.

                            COLIN

        Et ! non ay, par la Patenostre !

420  Mais ay esté preudhomme et bon.

        Or m’en croyez !

                            LA  FEMME

                                      Ha, fin apostre !

        Je cuide bien que sçavez mon224.

                            COLIN

        Je vous pry qu’à boire [on] s’acoustre225,

        Et me laissez ce grand sermon.

                            LA  FEMME

425  G’y voys226.

                            COLIN

                                Apportez d’ung jambon,

        Pour nous mettre en vin227 pour entrée,

        Et du vin [de sus]228 Jehan Coppon.

        Et venez de cours229, ma sucrée.

                            LA  FEMME  aporte à boire et à manger,

                            et Colin boit. Et elle dit :

        Avant, Colin ! À la230 havée !

430  Entendez à ceste besoigne.

                            COLIN  la flate 231.

        Loué soit Dieu quant t’ay trouvée !

        Vous estes ma sadine troigne232.

                            LA  FEMME

        Ce nonobstant, fault que je soigne

        Vostre « vie233 » en quelque moyen.

435  (Il a bien fallu, pouvre yvroigne,

        Qu’ailleurs j’aye trouvé maintien234.)

                            COLIN

        Ce ne vous est que los et bien

        Entre les femmes de ce lieu.

                            Il regarde le mesnage 235 et dit :

        Dont est venu tant de merrien236

440  Et de mesnage que j’ay veu ?

                            LA  FEMME

        Colin, de la grâce de Dieu237.

                            COLIN

        Et ce beau lict, ciel et cortines238,

        Simaises239, potz, casses, bassines ?

        Dont vous est venu cest aveu240 ?

                            LA  FEMME

445  Colin, de la grâce de Dieu.

                            COLIN

        Bancz, tréteaux, tables, escabelles,

        Et tant d’utensiles si belles :

        Dont l’av’ous gaigné, n’à quel jeu ?

                            LA  FEMME

        Colin, de la grâce de Dieu.

                            COLIN  s’agenoille et dit :

450  Et ! loué soit le bon Jésus

        En tous temps, yver et esté,

        Qui de ses trésors de lassus241

        Nous a tant de biens [a]presté !

                            Il se dresse.242

        Tant de foys me suis arresté

455  À genoux devant son ymage,

        Quant j’estoy[e] en nécessité,

        Que je n’avoye pain ne fromage,

        Luy prier en mon chant ramage243

        D’avoir secours à mon besoing,

460  Luy promettant foy et hommage.

        Mais oncques n’en ouvrit le poing244.

                            LA  FEMME

        Saint Jehan ! Mais je sçay le droit coing

        De l’église dont il les oyt245.

                            COLIN

        C’est donc de plus près ?

                            LA  FEMME

                                                  Mais plus loing

465  Qu’il prent sa visée246 et nous voit.

                            COLIN

        Je ne sçay. Mais comment qu’il soit,

        Je suis de luy trèsfort content,

        Quant ainsi tous noz biens accroît,

        Veu que n’avions ne peu ne tant247.

470  Il me souffist, pour le présent.

        J’en loue le Dieu éternel.

                            Il regard[e] à ung petit enfant emprès elle, et dit :

        Et puis, à qui est cest enfant ?

                            LA  FEMME

        Il est à moy.

                            COLIN

                               Vray filz charnel ?

        Après la brebis vient l’aignel248.

475  Mais de qui l’avez-vous conceu ?249

                            LA  FEMME

        Colin, de la grâce de Dieu.

                            COLIN

        Je ne luy en sçay gré ne grâces,

        De s’estre de tant avancé !

                            LA  FEMME

        Usez-vous à Dieu de menasses ?

480  Fault-il, du bien, estre tancé ?

                            COLIN

        Ouÿ, car il m’a offencé

        De soy mesler de tant de choses.

        À luy je n’ay pas tant pensé.

                            LA  FEMME

        Taisez-vous, ce ne sont que roses.

                            COLIN

485  Je n’y entens texte ne gloses250,

        Et n’ay bien eschauffé le front251.

                            LA  FEMME

        Ce ne sont que richesses closes252

        À plaines253 cornes, qui naistront

        À cest enfant.

                            COLIN

                                 C’est ung estront

490  De chien chié emmy vostre gorge254 !

                            LA  FEMME

        Dieu et les sainctz s’en cour(rou)ceront :

        Or, vous taisez !

                            COLIN

                                      Bon gré sainct George !

        Le cas trop me grièfve255 et escorche.

        Fère enfans, c’est trop procédé256 !

                            LA  FEMME

495  Pourquoy ?

                            COLIN

                             Car cela me rend lorche257.

        C’est, à Dieu, trop tourné258 le dé.

                            LA  FEMME

        Estes-vous yvre ou embridé259,

        Et plain de tout[e] ingratitude

        Contre Dieu, qui vous a vuydé

500  De misère et sollicitude ?

        Se Dieu, à vous qu’estes si rude,

        A donné des biens par entier,

        Et puys (selon loy d’Institute 260)

        Il vous a faict ung héritier,

505  Louez Dieu en vostre mestier261 !

        Car cecy n’est pas de nouveau ;

        C’est le dit de chascun quartier :

        À la vache est tousjours le veau262.

                            COLIN

        Ou mol, ou dur com ung morti[e]r,

510  C’est le dict de chascun quartier.

                            LA  FEMME

        C’est trop exposé le psaultier263 ;

        Ne vous chault qui soit le toreau264.

                            COLIN

        C’est le dit de chascun quartier :

        À la vache est tousjours le veau.

515  Tousjours ronge son frain Moreau265.

.

        À chascun argument, réplicques ;                               SCÈNE  XI

        Et de reproches plain boisseau266,

        Qui servent en lieu de rubriques267 :

        C’est le faict d’entre nous, comicques268.

520  Comment femme, du tout269, renverse

        Nostre intendit 270 ? Et ! pour relicques271,

        C’est l’istoire de nostre Farce.

                            LA  FEMME

        Hélas ! se je suis povre garce272,

        C’est à cause de ma partie273 ;

525  Car j’eusse plus cher qu’on m’eust arse274

        Que de mener meschante vie.

        Pour ce, Messeigneurs, je vous prie

        Que voz femmes n’abandonnez.

        Et se nous avons dit follie,

530  S’il vous plaist, que nous pardonnez !

                            COLIN

        Bonnes dames, entretenez

        Voz maris par bonne manière,

        Et trop fort ne les ransonnez

        Pour faire trop de la gorrière275.

535  Telle cuide estre la première,

        Qu’est276 la dernière de la dance.

        Pardonnez-nous, à no277 prière,

        Se nous vous avons faict offence !

.

                                CY  FINE  COLIN.

*

.

La première Facécie

est d’ung povre pêcheur

qui loua et despitta Dieu

tout en une heure. 278

.

Pour la petite provision que ce povre jeune homme faisoit en la maison, sa femme souvent le tourmentoit & tempestoit ; et si, luy donnoit grandes reprouches. Tellement que le povre compaignon, comme tout désespéré, proposa de s’en aller dessus la mer et délaisser sa femme, en espérance de gaigner, et de ne retourner jamais en sa maison ne au pays tant que il eust aucune chose conquesté279…. [Il] partit d’avecques sa femme, laquelle il laissa en une povre maisonnette toute descouverte280, ayant seullement ung petit lict dont la couverture ne valloit comme riens. Et s’en alla dessus mer, là où il y fut près de cinq ans ou plus sans revenir.

Or advint que, tantost après que ce dit gallant fut party, le filz sa mère281, qui estoit tout de loisir, voyant la beaulté de ceste povre jeune femme que son mary, par povreté, avoit habandonnée, vint à elle, & l’exhorta par belles parolles, dons & promesses qu’il luy fist ; tant qu’elle se consentit faire sa voulenté, et mist en oubly la foy de mariage qu’elle avoit promise à son mary. Ainsi recouvrit282 la povre femme, pour283 son mary, ung amy. Lequel la vestit plaisamment, & luy donna trèsbeau lict & belle couverture. Luy fist refaire la maison toute neufve, la nourrit & gouverna trèsbien. Et, qui plus est, à l’aide de Dieu — & de ses voisins —, en succession de temps luy fist trois beaulx enfans, lesquelz furent deuement284 eslev[é]z et nourris, tant qu’ilz estoyent jà tous grans quant le mary de la mère, qui estoit desjà oublyé, retourna ; lequel, au bout de cinq ans ou environ, arriva au port de la cité, non pas tant chargié de biens qu’il avoit espoir quant il partit.

Après que ce povre homme fut descendu sus terre, il s’en alla en sa maison ; laquelle il vit toute réparée, sa femme bien vestue, son lit couvert d’une belle couverture, et son mesnaige trèsbien en point. Quant cest homme vit cest estat ainsi que dit est, il fut moult esbahy, et demanda à sa femme dont ce procédoit. Premier, qui avoit esté cause de refaire la maison, de la revestir si bien ? Qui luy avoyt donné son beau lit, sa belle couverture ? Et générallement, dont estoyent procédéz & venus tant de biens à la maison qu’il n’y avoit au-devant285 qu’il partist ? À toutes les demandes que ce mary feist à ceste femme, elle ne respondit autre chose sinon que la grâce de Dieu les luy avoit envoyéz et luy avoit aydé. Adoncques commença le povre homme à louer Dieu, & luy rendre grâce de tant de biens qu’il luy avoit envoyéz.

Tantost après arriva dedans la maison ung beau petit enfant, environ de l’aage de troys ans, qui se vint froter encontre la mère, ainsi que la mère l’admonnestoit286. Lors le mary, ce voyant, tout esbahy, commença à demander qui estoit celuy enfant. Elle respondit qu’il estoit à eulx. Et le povre homme, tout estonné, demanda dont il luy estoit venu que, luy estant dehors et en son absence, elle eust conceu & enfanté ung enfant. À ceste demande respondict la jeune femme que ce avoit esté la grâce de Dieu qui luy avoit envoyé. Adonc le povre homme, comme tout hors du sens et enragé, commença à maugréer et despiter287 Dieu, que tant solicitement288 s’estoit meslé de ses besongnes & affaires, qu’il ne luy suffisoit pas de se mesler des affaires de la maison sans qu’il touchast à sa femme & luy envoyer des enfans.

Ainsi, en peu d’heure, le povre homme loua, maulgréa & despita Dieu de son fait.

*

1 Voir la notice de Pour le Cry de la Bazoche.   2 Recueil de farces, t. I. Droz, 1986, p. 117.   3 Voir Jean-Pierre CHAMBON : Touches régionales dans Colin qui loue et despite Dieu…. Zeitschrift für romanische Philologie, 1996, pp. 387-400. (Toutefois, le savant linguiste laisse de côté les nombreuses localisations qui contredisent sa thèse.)   4 Colin est laboureur. N’étant pas assez riche pour avoir son propre champ, il travaille dans celui des autres (vers 88).   5 Aiguillonner, piquer avec un aiguillon le bœuf qui tire la charrue. Mais Colin est trop pauvre pour avoir un bœuf ; il est seulement armé d’une houe. Cette chanson de laboureurs est perdue.   6 BM : Ne   7 Me reposer. « De ton chaitif corps séjourner. » ATILF.   8 De quel côté.   9 BM : Ne de  (Voir le vers 448.)  Ni à quel avis me rallier.   10 « MALLIER : Cheval de valet, ou de postillon, qui porte la malle. » (Furetière.) L’auteur devait connaître ce vieux triolet du ms. de Stockholm : « Cent mile escus et ung cheval,/ Santé, et adieu le galant ! »   11 Le caillier est un vase à boire. Les nobles sont des pièces d’or anglaises.   12 Selon la mode. Cf. la Folie des Gorriers, vers 233.   13 Elle arrive du village.   14 Pourquoi ? Cf. Régnault qui se marie, vers 118.   15 C’est dans l’intention de mon cœur : J’en ai bien l’intention (ironique).   16 Occupez-vous de votre cuisine. Le potage est une potée.   17 Un huissier est venu à notre domicile pour saisir nos biens. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 257.   18 Par terre.   19 Que je sasse. Colin en est encore à labourer le champ de blé : on n’est pas près d’avoir de la farine !   20 De notre créancier.   21 Il manque un vers en -ment, et un vers en -ures.   22 Sur votre lancée : tant que vous y êtes.   23 Pour ressemeler mes souliers.   24 Hypothéquez vos.   25 Je n’ai plus un sou. Cf. le Bateleur, vers 147.   26 De son sein, de sous sa robe : « Lors, de son sain tira la boursse. » (A. de La Sale.) De la même façon, l’épouse de Calbain dérange son mari au travail pour qu’il lui paye une robe, et voyant son peu d’enthousiasme, elle lui vole sa bourse.   27 Ces prétextes. « Sous couverture : sous prétexte. » Antoine Oudin.   28 Sans qu’on puisse.   29 Véritablement.   30 Les fauconniers placent un chaperon de cuir sur la tête des oiseaux de proie pour qu’ils ne soient pas perturbés par l’environnement. « Maiz autre chose est du faucon,/ Car on lui met le chapperon. » (ATILF.) Au second degré, le « faux con » désigne la vulve, comme le confirme le vers 46. « Il craind un peu le dangereux faux con. » Lasphrise.   31 De pénis. « Il luy vint mettre son espervier, ou, pour plus clairement parler, son instrument entre les mains. » (Brantôme.) Duire = convenir. Idem vers 286 et 287.   32 Vous moquez-vous ?   33 Mon lapin. Cf. l’Amoureux, vers 87. Pour rester dans la métaphore animalière, nous dirions aujourd’hui : ma chatte.   34 Un jambon : voir le vol du bacon dans le Roman de Renart. Le couple a promis d’offrir un jambon en ex-voto au saint thaumaturge qui a guéri la cuisse de Colin.   35 À quel sujet ?   36 Le premier dimanche de Carême, qui succède à la nuit des Brandons.   37 Diminutif commun de Catherine. Idem vers 67 et 399. « Catin veult espouser Martin :/ C’est faict en trèsfine femelle./ Martin ne veult point de Catin :/ Je le trouve aussi fin comme elle. » Clément Marot.   38 Même sans avoir de raison, je…   39 Pas un sou.   40 BM : sains  (Ni dans mes mains.)   41 Il s’en faut de peu que je n’ôte ma ceinture. Voir la note suivante.   42 Une cession de mes biens. « En matière de cession de biens, l’on faict abandonnement de sa ceinture devant la face du juge…. Celuy qui abandonne ses biens est tenu par mesme moyen d’abandonner sa ceinture en justice. » Estienne Pasquier.   43 Vu tout ce que j’ai à payer : impôts, créances, caprices de l’épouse, etc.   44 Dont le dossier peut se pencher vers l’avant ou vers l’arrière, suivant le côté où les gens s’assoient. Un site fort bien illustré met en valeur ce meuble qui prouve une fois de plus l’ingéniosité de nos aïeux.   45 Qui vaille quelque chose. Voir les vers 489-490.   46 Vous ne m’aimez pas.   47 Il manque un vers en -tié et deux en -vie, qui nous démontraient que selon la morale chrétienne, il vaut mieux faire pitié qu’envie.   48 Transportée, troublée.   49 Qu’il nous manque tout ce qui est chez nous.   50 BM : a  (De ces choses inutiles. Cf. le Résolu, vers 125.)   51 Nul acquêt, nul profit.   52 C’est plutôt un préjudice. Cf. la Résurrection de Jénin Landore, vers 64.   53 Plaisir.   54 Un apprêt, un arrangement.   55 Le caresse. Au vers 431, c’est Colin qui la caressera.   56 BM : bruit  (Broit = brouet, bouillon indigeste. Idem vers 409.)  « Or vueilles donc considérer/ Quel broit le Monde si te brasse. » La Remembrance du mauvais Riche. <Brasser un brouet = préparer un mauvais coup : cf. les Coppieurs et Lardeurs, vers 421.>   57 Me voici. Cette forme de « voyez-moi ici » couvrait plusieurs régions : Poitou, Dauphiné, Lorraine, etc.   58 Le « prix fait » désigne un travail accompli pour un prix convenu. « Quarente livres tournois pour partie de certain préfait à luy baillé par madicte dame pour faire le plancher du hault de la salle. » ATILF.   59 BM : labeur   60 À partir d’ici, les demandes de la femme deviennent ambiguës, et peuvent concerner aussi bien l’argent que le sexe. On peut comprendre : Baillez-moi mon picotin, ma ration de sexe. « (Il) la veult voir ordinairement/ Et luy bailler le picotin. » G. Coquillart.   61 Que de plaids, de discours.   62 Vers manquant. Je recycle un vers de Charles d’Orléans : « Il me desplaist d’en tant parler. »   63 J’interdis tout acte de violence. « Faire cesser la voye de fait. » (ATILF.) « voi-e » compte pour 2 syllabes. Le vers suivant, tel que je le complète, est le vers 528 de Serre-porte.   64 On traduit cet hapax par tromperie, d’après le verbe gaber. C’est aussi le sens du brocard : cf. la Pippée, vers 99.   65 Ou que le mal des ardents me brûle.   66 Certains hommes cachent leur bourse dans leur braguette : cf. Saincte-Caquette, vers 424 et note. La femme essaie donc de « pêcher » quelque chose dans la braguette de son époux.   67 Et moins je m’en débarrasse. « Dieu scet comment je m’en despêche ! » Les Femmes qui font baster leurs maris aux corneilles (F 29).   68 Jargon de basochiens : Où le prenons-nous, cet argent ? « –En ceste ville, il y a force preudes femmes, chastes & pucelles. –Et ubi prenus ? dist Panurge. » (Pantagruel, 15.) Qui ne l’emble = si on ne le vole pas.   69 Le sourire de Catin laisse entendre à son époux qu’il trouvera de la « chair fraîche » au lit plutôt qu’à table.   70 Venez au galop. Idem vers 428. « Et ne vont jamais les chevaulx, en icelluy pays, que le pas ou le cours. » ATILF.   71 L’amble est un des pas du cheval, comme le marcher et le trot du vers 104. Jeu de mots sur « embler » : dérober (vers 100).   72 Cette chicanerie. Un avocat du Plaidoyé de Coquillart dit : « J’ay bien ouÿ tout son tripot/ Et ses baves : elle prouvera/ Tous ses fais. »   73 Je vous rembourserai.   74 Elle ne renonce pas à son idée de copuler. Faire = faire l’amour, comme au vers 117. Cf. Frère Guillebert, vers 33.   75 Un grand festin : cf. Colinet et sa Tante, vers 75 et note. Les landiers sont des chenets sur lesquels les rôtisseurs font tourner les broches. Voir le vers 303.   76 BM : chantiers  (De tous côtés. « Y renient et maugrient Dieu/ Pour moins que rien, en tous cartiers. » Troys Galans et un Badin.)   77 BM : Pour  (« Tout le meilleur de sa grande excellence. » Hugues Salel.)  Ce que vous savez faire de mieux.   78 Le hareng saur est la nourriture des pauvres lors des jours maigres. Les riches, eux, s’en mettent plein la bedaine : « C’estoit un jour maigre, où il couste d’ordinaire trois fois autant qu’à un jour de chair. » Facécieux devis et plaisans contes.   79 Par saint Maur. Cf. Messire Jehan, vers 322.   80 À part soi : en aparté. Cette indication scénique va revenir souvent, dans une œuvre qui en compte beaucoup.   81 Que les Anglais puissent vous détenir en otage contre rançon. Colin espère peut-être qu’ils la garderont 25 ans, comme Charles d’Orléans.   82 BM : masserre  (Elle me prive. « Affamé d’argent : nécessiteux. » Oudin.)  « Gens affamés d’argent auront leurs cours. » La Cène des dieux, T 17.   83 Toute sa rengaine.   84 Comme si je devais le ramasser dans une mine d’argent. G. de Machaut dit que pour arriver à payer tous les impôts, « on pourroit bien une mine miner ».   85 Où le trouver. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 232.   86 Si ce n’est.   87 M’enfuir.   88 Vais. Idem vers 425.   89 Avec des pois.   90 Quoi qu’on mette sur l’autre plateau de la balance pour m’en dissuader.   91 En chemin, elle se retourne et ne voit pas venir son mari.   92 Ce compagnon (péjoratif). Cf. la Satyre pour les habitans d’Auxerre, vers 122 et note.   93 À hauteur du monastère.   94 Ou serait-ce qu’il est demeuré au champ, ou qu’il se repose (vers 2) ? Catin retourne au champ.   95 Il entend le cri de sa femme, de loin.   96 J’y retourne (ironique). Cf. les Femmes qui font refondre leurs maris, vers 290.   97 Vous ne m’y attraperez pas de longtemps.   98 Elle comprend que son mari l’a quittée.   99 Le nouveau marié promettait à son épouse la « foi de mariage ».   100 Misérable. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 63.   101 Ma moitié, mon mari. Idem vers 524. Cf. Frère Frappart, vers 281. Mais la femme a aussi « perdu sa partie » en jouant contre Colin. Enfin, elle a perdu la partie virile de l’homme : « Garde bien que t’amye/ N’ayt pas faulte de ta partie,/ Ou tu t’en feras mespriser. » Le Conseil du nouveau marié (BM 1).   102 Privée de joie. « Amorti de toute joie. » (Froissart.) La rime « tarme » est plutôt parisienne, mais pas exclusivement.   103 Pourvue.   104 C’est-à-dire l’amoureux, sans connotation sexuelle. Il sort de chez lui et entend la femme, qui pleure sur un banc à proximité.   105 Ou de soldats. Rappelons que le rôle de la femme est tenu par un homme.   106 Ni harnais, ni hallebarde : sans perdre de temps.   107 Et si je peux adjoindre quelque chose. L’Amant est un juriste : les 3 vers suivants et beaucoup d’autres contiennent des termes de droit.   108 Au sujet de l’affaire principale qui m’amène. Le Juge de la Farce de Pathelin ordonne : « Laissez en paix ceste assessoire/ Et venons au principal ! »   109 Cet échange de politesses prouve que les deux protagonistes ne s’étaient pas encore vus aujourd’hui : l’Amant n’est donc pas le sergent qui vient d’opérer la saisie chez Catin.   110 BM : ceste val  (Dans cette descente, en contrebas. L’expression est lyonnaise, mais Chambon ne l’a pas relevée. « Et s’en dévalet un aval per Fonturbanna. » Paulette Durdilly, Documents linguistiques du Lyonnais, p. 253.)   111 Des plaintes.   112 S’il y a quelque chose qui vous chagrine.   113 Je règle tous les litiges.   114 BM : elle   115 Je suis très mal lotie. Le public a dû sourire : l’appointement désigne aussi le coït ; cf. le Nouveau marié qui ne peult fournir à l’appoinctement de sa femme.   116 Sans que j’aie démérité.   117 Il s’est séparé.   118 Même s’il était mort.   119 Choit, retombe.   120 Votre pensée.   121 Votre. Même pronom picard au vers 320.   122 L’argent.   123 Je n’en voudrais pas si, en écornant mon mariage, je devais perdre mon honneur.   124 D’autre volonté. On retrouve ce terme juridique au vers 521. Cf. les Sotz escornéz, vers 252.   125 Pour cela.   126 BM : mon edit  (Vous aurez bonne réputation, car vous aurez conquis un notable. « Moy, dea, je porte bon crédit. » Légier d’Argent.)   127 Dans une action où il n’y a rien à gagner.   128 BM : Car  (Le ms. de base portait une esperluette, « & », abréviation de « et ». Les clercs de la Basoche, qui devaient économiser le papier, employaient beaucoup d’abréviations latines qui ont posé d’énormes problèmes aux imprimeurs.)   129 Je ne vaux pas la peine qu’on me sollicite.   130 BM : den  (« Sans plus cy caqueter. » La Résurrection Jénin à Paulme.)   131 Il faut aller chasser ailleurs.   132 Pour une première fois.   133 Pour peu.   134 S’il n’est pas plus solide que du fil d’archal, une sorte de fil de fer.   135 Saura, pourra (normandisme). « Et sy, n’en séra rien mon père. » Messire Jehan.   136 Dédommagée.   137 Autorisée.   138 BM : Cest  (Encore une esperluette mal résolue : voir la note 128.)  Et pour la chose à laquelle vous pensez, vous trouverez d’autres femmes.   139 N’avez-vous. (Même contraction normande aux vers 382, 413 et 448.) Aussi, vous ne risquez pas que je m’en plaigne.   140 Ne me laisserez-vous tenter. Le futur « lairrez » est plutôt normand : cf. le Testament Pathelin, vers 451.   141 BM : non  (De tout mon pouvoir. « De mon povoir je vous supporte [soutiens]. » Pour porter les présens.)   142 BM : et  (L’abréviation manuscrite du « de » peut ressembler à « et ».)  « Ne soit au Roy de corps et biens. » Pour le Cry de la Bazoche.   143 Si je peux entrer dans vos bonnes grâces.   144 Vous avez de meilleurs entretiens. Cf. le Tesmoing, vers 245-6.   145 Ce serait folie que je vous détienne.   146 Qui se concrétiseront un jour lointain   147 Que j’aie attrapé la fièvre. Cf. la Pippée, vers 10.   148 On n’attrape pas un chat qui griffe sans mettre des gants. Cf. les Esveilleurs du chat qui dort, vers 79-80. Mais le chat désigne aussi le sexe de la femme : « Tenant “l’éguille” en mains, que j’enfile à veuglettes,/ Car les chats sont trop grands, chacun s’en plainct partout. » Lasphrise.   149 Même si je devais me briser.   150 Imposer.   151 Vous ne devez pas placer votre foi en moi.   152 Qu’en peu de mots. Idem vers 312. Cf. Ung Fol changant divers propos, vers 126.   153 Que vous tendiez vos rets, vos filets.   154 Vers un plaisir plus digne.   155 Comme antan, comme l’an dernier. Ce n’est donc pas la première tentative de l’Amant, qui connaît déjà le couple : voir les notes 172 et 183.   156 BM : nest   157 BM : ne  (Que je me fâche.)   158 Pour le moment. « Amender ne le puis, quant pour le présent. » Perceforest.   159 Je vous dis en articulant. Nous dirions aujourd’hui : Je ne mâche pas mes mots.   160 À cœur.   161 C’est trop balayer l’atelier. Mais « ramoner l’atelier », c’est aussi faire l’amour : cf. Frère Guillebert, vers 27 et note.   162 Un rôti à la broche.   163 BM : destourne  (Récompensé.)   164 Étant enflammé de votre amour. « Votre amour en chaleur » n’est pas involontaire : « Quand quelque femme entre en challeur. » Marot.   165 BM : labeur  (Réminiscence du vers 305.)  Vous prendrez pitié de sa douleur.   166 BM : Puys que   167 Il se soumet à la rançon que vous exigerez de lui. Les séducteurs ont toujours recours au vocabulaire militaire ; il est efficace, puisque « la femme se rend ».   168 Si elle prête une fois l’oreille aux discours des galants. Je recommande la thèse extrêmement fine que Carol Anne KENT a consacrée pour partie à cette farce en 1997 : Le Signe trompeur : une étude du langage ambigu et mensonger dans quelques farces médiévales, pp. 159-181.   169 Son bas-ventre. « Avoir pouvez les talons si très cours*/ Qu’ilz [que les gens de Cour] ont bien pu estre en voz basses-cours/ Logéz au large. » (Débat des dames de Paris et de Rouen.)  *Les femmes qui ont les « talons courts » tombent à la renverse facilement.   170 Si une autre femme se présente.   171 Par licence. « Jàçoit que parmy tout le pays des Mèdes régnast licence et grand bandon. » Godefroy.   172 Prudhomme, homme sage (ironique). En effet, Colin se définira comme tel à 420. Remarquons que l’Amant connaît le nom de Colin, qui n’a pas été prononcé : voir la note 155.   173 Quoi qu’il advienne.   174 Son devoir extra-conjugal. Catin va lourdement insister pour que l’Amant vienne consommer sa victoire : vers 341-344.   175 Je vous l’affirme. Idem vers 343.   176 Quelque chose (sens étymologique).   177 En s’inclinant. Même forme de « se souployer » au vers 355. « Qu’il ne ploiassent,/ Ne que vers Dieu se suppliassent. » Godefroy.   178 Que nous partions. Les deux tourtereaux sont assis sur un banc, loin de la maison de Catin.   179 Cette nuit. Cf. la Confession Margot, vers 2.   180 BM : priez   181 D’embellir votre maison.   182 BM : Des galans  (Quelques lettres du ms. de base ont été mal lues.)  Le régent du Palais de justice n’est autre que le roi de la Basoche : « Item a esté ordonné que le régent du Palais, ou roy de la Bazoche, sera esconduit de la requeste par luy faicte. » <Michel Rousse : la Confrérie des Conards de Rouen. Textes de farces, documents d’archives ; p.67.>  Cf. les Veaux, vers 101.   183 BM : pour  (Voir le vers 209.)  N’ayez pas peur que je vous fasse défaut. L’Amant se retire (définitivement), et Catin marche vers sa maison, dont elle n’a pas eu besoin de préciser l’adresse puisque l’Amant la connaît déjà.   184 Les basochiens mettaient des interludes instrumentaux dans leurs pièces : « Icy sonnent les instrumentz. » Pour le Cry de la Bazoche.   185 D’une manière ou d’une autre. Les femmes usent elles aussi du vocabulaire guerrier.   186 Des victuailles. Cf. l’Aveugle et Saudret, vers 1090.   187 BM : neffame  (Graphie normale au vers 132.)  Il n’y a pas de femme qui ne soit affamée d’argent.   188 Parce qu’aucun homme ne la requiert.   189 Son honneur (idem vers 437) et sa réputation.   190 Elle ne saurait en trouver d’autre.   191 Ni me poser de questions.   192 C’est suffisant pour un premier coït. Cf. Frère Guillebert, vers 133 et note.   193 ACTE II. Nous sommes un an plus tard. Colin est en train de labourer dans une autre ville.   194 Un coup.   195 Ou mauvaise chère. Ce mot désigne à la fois la figure et la nourriture.   196 Un raccourci. « Le chevalier se destourna du grand chemin en une petite dressière. » Jacques Gohory.   197 Je n’y fais pas d’argent.   198 Une centaine.   199 BM : Que ie   200 Sous aucune forme.   201 C’est la faute de Fortune.   202 Elle se signe pour conjurer le mauvais sort.   203 Pas un sou. Idem vers 37.   204 Le signe de croix que vous venez de faire devant moi.   205 La partie de la messe qui précède le Sanctus. « Ce n’est encor que la Préface ;/ Nous serons tantost au Sanctus. » Deux hommes et leurs deux femmes.   206 Fournir de l’argent.   207 Mon apprentissage du latin en est encore à credo. Ce mot signifie « je crois » (vers 388), mais aussi « je prête ». Pour cette raison, en argot de basochiens, le crédo désigne le crédit : « Je l’ay eu à crédo. » Moral de Tout-le-Monde.   208 Encore du latin : en mauvaise posture. « Nous sommes toutes à quia. » Sœur Fessue.   209 Halte ! C’est une injonction de charretier. Colin se compare à un cheval arrêté, qui ne peut tirer la charrette si on ne le pousse.   210 Cet ancêtre du trombone, plutôt aristocratique, n’allait pas se galvauder dans les fêtes populaires. Mais Colin le nomme parce qu’il symbolisait le phallus, qu’on tire et qu’on pousse : « Je boute et sacque et boute/ Souvent de ma sacqueboute. » Bruno Roy, Devinettes françaises du Moyen Âge.   211 BM : mais   212 BM : tout  (À la suite. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 219.)  C’est trop bavarder.   213 Qui a les dents longues : qui a faim.   214 En avant ! Allons ! Idem vers 429.   215 J’ai le ventre creux.   216 La mode italienne qui subjuguait la France artistique et politique touchait également les mœurs. À en croire certains, le « vice italien » n’existait pas chez nous avant l’irruption de la « mode lombarde », ou de la « mode milanaise », ou de la « mode romaine » que dénonceront les protestants.   217 Les campagnards recueillaient l’eau de pluie dans une citerne. Ils pouvaient la boire à condition de la faire bouillir.   218 BM : col trop  (Saint Materne ressuscitait les noyés, victimes de l’eau.)  Les deux éditeurs modernes ont lu « Elle me faict ».   219 Un brouet, un bouillon indigeste. Voir la note 56.   220 Où. « Ces parolles que m’avez dit,/ Ont les trouvez-vous par escript ? » Le Conseil du nouveau marié (BM 1).   221 En vadrouille, comme les soldats qui vont au pillage.   222 Dépenser votre argent. « Sans du vostre beaucoup despendre. » Colinet et sa Tante.   223 Adultère. La rime est en -ôtre : « Enfans d’avoltres. » (Godefroy.) On admirera le cynisme de l’épouse, qui prête ses propres turpitudes à son mari.   224 Que vous en savez beaucoup. « Mon » est une particule de renforcement qui étaye le verbe.   225 On se dispose.   226 J’y vais, chercher du vin.   227 Pour que son goût salé nous incite à boire.   228 BM : dessus  (De chez Jean Copon, qui est apparemment le tavernier du village.)   229 Au galop (note 70).   230 BM : ceste  (Anticipation du vers suivant.)  Mangez à pleines poignées ! « Sitost que les pastéz sont cuys (…),/ Chascun en prengne sa havée/ Tant qu’il se brusle le palays ! » Actes des Apostres.   231 La caresse.   232 Mon gracieux museau. Cf. Raoullet Ployart, vers 3.   233 Jeu de mots sur « vit » : pénis.   234 Un soutien. Ces 2 vers sont dits en aparté. Colin ne répond pas tout de suite aux deux vers précédents parce qu’il a la bouche pleine.   235 Les meubles, la vaisselle et le linge de maison.   236 De mobilier.   237 Tissier rappelle qu’Étienne Jodelle reprendra cette réplique en 1552 dans l’Eugène, où un cocu dit de sa trop riche épouse : « Car c’est de la grâce de Dieu/ Que cest argent luy vient ainsi. » De fait, le mari a les mêmes difficultés que Colin : « Le créancier/ M’a faict ore signifier/ Qu’il veut que je paye aujourd’huy. »   238 Le ciel de lit et les courtines constituent le baldaquin.   239 Une cimaise est un pot à vin. Une casse est une casserole : cf. le Munyer, vers 437.   240 La traduction « biens », admise faute de mieux, n’est pas très convaincante.   241 De là-haut, du ciel.   242 Il se relève.   243 En chantant comme un oiseau des bois. Cf. Pour le Cry de la Bazoche, vers 92.   244 BM : groing  (Ouvrir le poing = donner généreusement : « Biau Dieu, ouvre ton poing/ Pour aidier no querelle ! » ATILF.)   245 BM : ouyt  (Le bon coin d’où il les entend, nos prières.)   246 BM : visiere  (On vise mieux de plus loin : « Laisse-moy un peu reculer,/ Et je prendray myeulx ma visée. » L’Avantureulx.)   247 Vu que nous n’avions rien.   248 L’agneau. Nous aurons d’autres comparaisons animales à 508 et 512.   249 Entre les vers 475 et 478, le schéma des rimes est lacunaire, mais pas le sens.   250 Je n’y comprends rien. Cf. les Drois de la Porte Bodés, vers 267.   251 Et pourtant, je ne suis pas encore soûl. « Quand le nectar leur eschaufe le front. » Ronsard.   252 Encloses, renfermées.   253 BM : petitez  (Peut-être faut-il comprendre : Cet enfant divin recevra toutes les richesses enfermées dans la corne d’abondance. « Il en y a plus que de fols au monde, & se multiplient encor journellement à pleines cornes d’abondance. » Philippe de Marnix.)  Le public aura surtout retenu l’évocation des cornes en présence d’un cocu.   254 Dans votre bouche. « C’est ung estront de chien chié/ Emmy vostre sanglante gorge ! » (Le Prince et les deux Sotz.) Au vers 63, chié compte aussi pour une syllabe.   255 Me grève, me pèse.   256 C’est aller trop loin.   257 Lourche : embarrassé. « C’est l’objection de ceux qui se trouvent lourches. » Godefroy.   258 BM : tire  (De la part de Dieu, c’est trop truquer le jeu. « Fortune fait souvent tourner/ Les déz contre moy mallement. » Charles d’Orléans.)   259 Bête. « Au moins se deussent-ilz garder de se lesser ainsi abestir…. Mais quant ils sont mariéz, je les regarde embridéz et abestis mieulx que les aultres. » XV Joyes de Mariage.   260 Les Institutes, recueil de droit romain compilé sur l’ordre de Justinien. Une femme ne pouvait pas connaître ce livre latin ; mais il est vrai que la nôtre fut jouée par un basochien.   261 Vous en avez besoin.   262 La mère est sûre que son fils est d’elle.   263 C’est trop prêcher.   264 Peu vous importe qui est le père du veau (vers 508).   265 On donne souvent ce nom à un cheval noir. Comprenons : je ronge mon frein. Le finale s’adresse au public.   266 Un plein boisseau d’éléments pour récuser les témoins adverses.   267 En guise de procès-verbaux d’audience. Tout ce jargon juridique dépeint le dialogue théâtral.   268 BM : ornicques  (Auteurs comiques. « Quant les comiques et les tragèdes s’en furent départis (…), les comédians et les tragédians ont esté gastéz et perdus. » ATILF.)   269 Totalement.   270 Notre volonté, notre plan (note 124).   271 En fin de compte.   272 On peut lire la chanson de la Povre Garce dans la notice de Frère Phillebert.   273 De mon mari (note 101). Possible allusion aux « parties casuelles des femmes », comme les appelle Noël Du Fail.   274 J’aurais préféré qu’on me brûle.   275 L’élégante (note 12).   276 Qui est : alors qu’elle est.   277 BM : peu  (À notre prière. Voir la note 121.)  « Il nous a prestés, à no prière et requeste, quatre cens et quatrevins florins. » Jean de Bohême.   278 Voici la fin du conte de Pogge, traduit par Guillaume Tardif, que l’auteur de la pièce a transposé au théâtre.   279 Jusqu’à ce qu’il ait gagné quelque chose.   280 Dépourvue de toit.   281 Le fils de sa mère : son demi-frère. C’est un des innombrables développements que Tardif a brodés sur le texte du Pogge, qui se contente de « cum alio » (avec un autre).   282 Recouvra, trouva.   283 À la place de.   284 Dûment. L’auteur de la farce élude pudiquement l’aide des voisins. Dans la facétie LXX, Tardif traduit l’histoire d’un homme qui abandonne son épouse « l’espace de ung an ou plus…. La femme, à qui il ennuya, avecques l’ayde de Nostre Seigneur Jésucrist — et de ses voysins — fist tant qu’elle engrossa d’ung beau filz dont son mary la trouva acouchée quant il arriva. »   285 Avant.   286 L’y encourageait.   287 À blasphémer et à renier.   288 Qui avec tant de sollicitude.