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DIGESTE VIEILLE ET DIGESTE NEUFVE

Bibliothèque nationale de France

Bibliothèque nationale de France

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DIGESTE  VIEILLE

ET  DIGESTE  NEUFVE

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Cette moralité fut sans doute écrite à la fin de 1514 pour la Basoche de Paris1, qui aimait à déguiser les plus réjouissantes cochonneries sous les habits de la Justice. Pour résumer succinctement, la Digeste Vieille représente l’ancienne loi sous la forme d’une prostituée pourvue d’une longue expérience ; la Digeste Neuve représente la nouvelle loi sous la forme d’une débutante inexpérimentée ; la Coutume représente le droit coutumier sous la forme d’une vieille maquerelle qui a servi tout le monde.

Le premier niveau de lecture concerne le droit coutumier. La pièce encourage les efforts de Louis XII pour harmoniser le monstrueux bric-à-brac qu’était la Coutume sur un territoire où le moindre hobereau revendiquait la sienne : « Cognoissans les grandes vexations, longueurs, fraiz et dépens que noz povres sujetz ont euz et soufferts par cy-devant au moyen de la confusion, obscurité et incertitude qui se trouvoit ès Coustumes localles des provinces, bailliages, séneschaussées et autres payz et contrées de nostredit royaume (…), nous voulons et vous mandons que vous contraignez tous et chacuns noz baillifz, séneschaux, juges et autres nos officiers, à icelles Coustumes rapporter et faire rédiger par escript (…), et icelles faites entretenir, garder et observer inviolablement comme loy perpétuelle.2 » Le tout sous la supervision du Parlement de Paris, où il se peut que notre auteur ait émargé, comme tant d’autres écrivains.

Le second degré de la pièce pourrait facilement passer pour le premier : tous les termes qui concernent les livres, la lecture et les études sont porteurs d’un double sens érotique.

La Moralité s’achève sur un adieu au public. Comme s’il ne suffisait pas, quelqu’un a cru bon de plaquer à la suite le congé final d’une sottie jouée par quatre Sots qui, comme d’habitude, portent un numéro en guise de nom : le Premier, le Second, le Tiers, le Quart. La différence de style et de thème entre les deux œuvres saute aux yeux.

Source : Recueil de Florence, nº 43. Vu le nombre anormal d’erreurs phonétiques, on devine que l’éditeur a imprimé un livret que le chef de troupe avait dicté aux comédiens.

Structure : Rimes abab/bcbc, aabaab/bbcbbc et strophes à refrain, le tout saturé de rimes plates et de vers ajoutés par les acteurs.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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Farce nouvelle de

Digeste Vieille

et Digeste Neufve

où deux escoliers estudient, lesquelz

ne peuvent trouver moyen d’avoir

argent, si n’est par Coustume et Loix.

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À cinq personnages, c’est assavoir :

       LE  PREMIER  [ESCOLIER,  Primus]

       LE  SECOND  [ESCOLIER,  Secundus]

       DIGESTE  VIEILLE

       DIGESTE  NEUFVE

       COUSTUME

*

                        LE  PREMIER  [ESCOLIER] 3  commence

        C’est belle chose que d’estude                                   SCÈNE  I

        Et [que] de bien « estudïer4 ».

                        LE  SECOND  [ESCOLIER]

        Suffit5 mais qu’on ayt l’engin rude

        Et qu’il soit trop fort à ployer6.

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                        DIGESTE  NEUFVE 7                            SCÈNE  II

5      Qui pour8 moy se veult employer,

        On y trouve termes joyeulx.

                        DIGESTE  VIEILLE

        Or çà, Dieu doint « confort9 » aux vieulx !

                        [DIGESTE  NEUFVE]

        Je conclus ma glose et mon texte10

        Que le nouveau temps a le mieulx11.

10    Arrière, la Vie[i]lle Digeste !

                        LE  PREMIER 12

        Vous estes hors de nostre teste.

        Je suis las de « lire » dedans :

        J(e) y pers tous mes « entendemens13 ».

                        LE  SECOND

        Cela je laisse aux ancïens,

15    À ces grans fourés14 chaperons.

        Je me tiens [de ces]15 gens mignons,

        Francz, pollis [et] plains de caquet

        Pour dancer beaux estordïons16.

        Tousjours [au doigt le beau]17 signet ;

20    Le beau chien, le petit braquet18

        Pour courir [sus19] à la perdrix ;

        Et [le] beau lièvre au sopicquet20 ;

        La belle fille à l’apétiz,

        Les beaux tétins trousséz, petis,

25    Le corps mignon, bien fait et mixte21,

        Yeulx vers22, petit nez, le doulx ris :

        C’est le fait d’ung gentil légiste23.

                        LE  PREMIER

        Tousjours — à prime, à tierce, à sixte24

        Je n’ay cesse d’estudïer.

                        LE  SECOND

30    [Sus ! Digeste Neufve m’assiste]25,

        Et pour vray le26 ve[u]il publier.

                        DIGESTE  NEUFVE

        Je sçay bien que vous estes ouvrier27

        D’y « estudïer » promptement ;

        Onc(ques), en ma vie, ne [vis lévrier]28

35    Qui courust plus légièrement.

        Vous estes ouvrier, énémant29 !

        Et pour bien courir par « chemin30 »,

        Vous y courriez légièrement :

        Je m’en raporte au « perchemin31 ».

                        DIGESTE  VIEILLE

40    Dit-on plus de bien de moy ? Nenny :

        Bien voy que je suis abolie.

        Tout mon grant renom est bany,

        Et moy-mesmes je suis banye ;

        Je suis de tous poins abolie :

45    Digeste Vieille plus n(e) a court32.

        Mais ceste [greinne à pomperie]33,

        Elle a, à présent34, le bruyt de Court.

                        LE  PREMIER

        Digeste Vieille fait le sourt35.

                        LE  SECOND

        Digeste Neufve me resveille36 ;

50    Et somme, pour le faire court,

        Prest suis à luy prester l’oreille37.

        Elle me racompte merveille

        De cinquante mille façons.

        [Et moy-mesme, je m’esmerveille]38

55    De ces petis trousséz tétons,

        [De ces]39 menues gentes gorgettes.

        Somme, il n’est que Neufves Digestes

        Pour éveiller40 « espris » nouveaux.

                        LE  PREMIER

        Mignons légistes et loyaulx41,

60    Si42, se veulent bien emploier

        À dire les termes nouveaux,

        Et tout pour bien « estudïer ».

        Je veulx bien cela publier43

        (Nonobstant que j’aye ung vieil « livre44 »)

65    Que, qui veult longuement régner,

        Il n’est que joyeusement vivre45

                        LE  SECOND

        Quant à moy, je suis à délivre46,

        Serein47, alègre de mon corps.

        Je n’ay pas escuz à la livre48 :

70    Dieu mercy, je n’ay nulz trésors.

        Mais vélà tout mon réconfors

        Que j’ay ma Digeste Nouvelle,

        Où je fais souvent mes effors49,

        Cause pourquoy elle dorveille50.

                        LE  PREMIER

75    Cela me [semble estre merveille]51 !

        [……………………… -ance.]

        [Bien voy qu’avec Digeste Vieille]52

        Je ne seray point à plaisance.

        Mais au fort, par Dieu, quant j(e) y pense,

        Veu qu’il est de vieulx « perchemin53 »,

80    Elle n’est point de grand(e) despence54.

        Et si, ne court point par chemin55 ;

        Et si, entent bien son latin56.

        Je la trouve fort entendue57,

        Moyennant que de beau satin

85    Je l’aye tousjours revestue58.

                        LE  SECOND

        La mienne vault mieulx toute nue,

        Quant je la voy entre deux yeulx59,

        Que ne fait la tienne vestue.

        Arrière, ce « parchemin » vieulx !

                        DIGESTE  NEUFVE

90    Han ! vous ne distes60 jamais mieulx.

        Je61 croy que m’avez trouvé telle,

        Et avez esté fort songneux62

        D’estudïer soubz ma cotelle63.

        Ainsi est ma « glose64 » fort belle

95    Et de parfond65 entendement.

        Jà n’est besoing que je le celle :

        Chascun le scet bien clèrement.

                        DIGESTE  VIEILLE

        Pour parler ancïennement,

        Premièrement fus66 à Monsieur,

100  Qui en eust toute la liqueur67.

        Chascun le voit évydamment.

        Quant il m(e) « ouvrist » premièrement,

        Jamais n’avoit « estudïé »,

        Car je fuz son commancement.

105  Depuis, j’ay fort multiplié68,

        Et ay mon « texte » publié69

        Tant que c’est merveilleuse chose ;

        Il en est tellement usé

        Qu’on n’y congnoist plus que la « glose »70.

110  Mais encor, par moy, je suppose

        Qu’on aprent [tout] bien et honneur71.

                        DIGESTE  NEUFVE 72

        Vous n’avez trouvé que saveur

        En moy, et joyeulx esperitz,

        Noz chappitres tous bien escriptz,

115  Mon « texte » bien enluminé73,

        Le « parchemin » blanc relié74

        Par hault, par bas fort bien reiglé75,

        Et mon « bas76 » assez bien stillé.

        Et tousjours ung gentil « engin77 »

120  (Posé qu’il ne soit pas refusé78,

        Si s’usera-il79, à la fin),

        Ma « glose » d’ung joyeux latin80,

        Bien [paraphée et bien escripte]81.

        Arrière, ce vieulx « parchemin » !

125  Or, ce n’est [plus] rien que redicte.

                        DIGESTE  VIEIL[LE]

        Et moy, je suis assez descripte,

        Ung chascun me82 peult bien « congnoistre ».

        Tu estoys encore[s] à naistre

        Alors que j’estoye en mes saulx83.

130  Les escolliers estoient nouveaux84 ;

        Ainsi, je leur ouvry l’engin85.

        Et mes moz leur(s) sembloient si beaulx

        Qu’ilz y ont apris leur latin86.

        Tu deusses menger du papin87 :

135  Tu ne scez que c’est que de bien88.

        Tu es trop neufve et ne scez rien.

        Ton « engin » n’est point bien ouvert ;

        Il est encor ung peu trop vert,

        Et si, est peu enluminé.

                        DIGESTE  NEUFVE

140  Tu as trop longtemps cheminé,

        Et beu soubz mainte cheminée89.

        Ton90 temps sera tantost passé :

        Tu es desjà déterminée91.

        Nul plus ne te preste l’oreille.

145  Tu es [des]jà quasi muée,

        Car tu es la Digeste Vieille,

        À92 mon semblant assez minée93 ;

        [Et je suis]94 la Digeste Neufve.

                        DIGESTE  VIEIL[L]E

        Va, va ! Partout [où tu]95 te treuve,

150  Tu es toute à [commun esquot]96 :

        Chacun t’a, pour payer l’escot97.

        Tu es desjà toute abolye.

                        DIGESTE  NEUFVE

        Je suis ta forte maladye98

        Qui te puisse mettre à basac99 !

155  La pommelée, ou le mautac100,

        La fièvre quartaine te tienne !

        Digeste Vieille et ancïenne,

        Usée comme ungle de101 mullet,

        Il ne te fault q’ung recullet102

160  Pour te mettre, où [vont] les gens yvres.

        [L’]exemple monstre[s] de tes livres

        À ces mignons de jeune enfance,

        [Esquelz sèmes folle]103 cuydance

        Pour dire quelque mot(z) joyeulx.

                        DIGESTE  VIEILLE

165  Pourtant, se mon « engin » est vieulx,

        Usé104 — et non usé sans cause —,

        Ung chacun en a veu la clause105 :

        Je m’en raporte à l’escripture106.

        Digeste Vieille, par sa nature,

170  Est mieulx à priser que la Neufve.

        La Neufve est de belle stature ;

        La Vieille plus de raison preuve107 :

        On [le scet quant elle]108 se treuve

        Devant contes, ou ducz, ou roys109.

175  Par vieulx gendarmes, on apreuve110

        À bien savoir « rompre le bois111 ».

                        PRIMUS 112

        Noz « livres » parlent à dégois113.

                        SECUNDUS

        Noz « livres » dysent à plaisance.

                        PRIMUS

        Noz « livres » disent motz courtois,

180  Chacun selon sa congnoissance.

                        SECUNDUS

        J[e  l’]estudie114 à suffysance,

        Et ne cesse d’estudïer ;

        Mais je ne voy point d’aparence

        Qu(e) argent puisse multiplier.

185  Je deusse boire et triumpher,

        [Je deusse office recevoir,]115

        Je deusse de l’argent avoir

        Pour entretenir la mignonne.

                        PRIMUS

        Je deusse vieil et neuf sçavoir,

190  Et estre plain de tout avoir116,

        Et ne fût que pour ma personne.

                        SECUNDUS

        Je possède la belle conne117

        Qui me gaudist, qui me blasonne118

        Et m’aguise l’entendement 119.

                        PRIMUS

195  Toutes les fois que m’arésonne

        Sur120 ma Digeste, je m’estonne,

        Tant [el] parle autenticquement.

                        SECUNDUS

        J’estudie pacificquement,

        [La] nuyt et [le] jour, promptement ;

200  En mon « livre » j’ay prins plaisance.

                        PRIMUS

        J’estudie, et ne sçay comment :

        Car je ne puis gaigner argent.

        Somme  advocaz en ont abondance.

                        SECUNDUS

        C’est par faulte de confidence121,

205  Ou que tu as trop vieil[le] dance122 :

        Aussi as-tu, on le peult voir.

                        PRIMUS

        [N’es-tu point]123 bien à ta plaisance ?

        Laisse-moy [vivre] en desplaisance.

        Se rien n’ay, ne t’en doit chaloir124.

                        SECUNDUS

210  Tu n’as point « livre » pour valoir125 :

        Il est du tout en nonchaloir126,

        Et son « engin » est tout usé.

                        PRIMUS

        Chacun de nous est abusé :

        Il n’y a celuy127 si rusé

215  Que par « engin » n(e) « entendement »

        Puisse attrapper aucun argent128.

                        SECUNDUS

        Je ne sçay, je m’en esbahis.

        Je voy mignons à l’apétis129,

        Gorgïas, fraséz130, tout plain[s] d’or,

220  Avoir trèstous des biens satis131

        Plus que Nabugodonosor132.

        Je voy que pour avoir trésor133,

        Bagues, [beaulx] signéz134 et aneaulx,

        Escus, saluz, nobles, royaux135

225  (Il n’est [francs que]136 des advocas),

        Reliquaires137, autres joyaulx,

        Et belles chesnes138 autour du bras.

        J’espère que post 139 tenebras

        (Comme dit Job) auray140 lumière.

230  Au fort, si [je] ne gaigne guère,

        Je prends plaisance sur mon « livre ».

                        PRIMUS

        Je ne sçauroye plus141 de quoy vivre.

        Je ne sçay, moy, que ce sera142.

        Quant j’estudie dedans mon « livre »,

235  Tousjours je demeure à quïa143.

                        SECUNDUS

        Je n’y [entends ne sol, ne la]144 :

        Je deusse avoir chiens et oyseaulx145,

        La belle mulle, les beaulx chevaulx,

        La belle blanche hacquenée146

240  Pour bien rire et faire les saulx147.

        À toute joye prédestinée,

        Ma Digeste est enluminée148

        Le149 possible pour gaigner bien.

                        PRIMUS

        J’estudie la nuyt, la150 journée ;

245  Et si, ne puis praticquer rien151.

                        DIGESTE  VIEILLE

        Voullez-vous dire que nul bien

        Ne vous est venu de par moy ?

                        PRIMUS

        Ung bien petit, je n’e[n] dy rien152 ;

        Je n’y ay rien acquesté153.

                        DIGESTE  VIEILLE

                                                     Quoy !

250  Vous plaignez-vous de mon « estude » ?

                        PRIMUS

        Nenny, mais je la treuve rude.

        Je voy que le « texte » s’efface.

                        DIGESTE  VIEILLE

        Ne vous plaignez point !

                        PRIMUS

                                                 Je m’en passe154 ;

        Il m’est advis [qu’il est bien force]155.

                        DIGESTE  VIEILLE

255       Endurez l’estorce156 :

             Vieulx bois qu’on157 escorce

             Rapporte à son maistre.

                        PRIMUS

             Sans fin je m’efforce

             D’estudier à force,

260       Sans rien y congnoistre.

                        DIGESTE  VIEILLE

             Si158, n’y a-il prestre

             Ny moine en [son] cloistre

             Qui ne m’ayme bien.

                        PRIMUS

             Quant je viens à estre

265       Dessus vostre « lettre159 »,

             Je n’y entens rien160.

                        DIGESTE  VIEILLE

             Vous aurez du bien,

             Et par mon moyen161.

             « Estudïez » fort !

                        PRIMUS

270       Cela162 je croy bien ;

             Mais il ne vient rien

             Par quoy j’aye confort163.

                        SECUNDUS

             Je deusse estre en Court,

             Faire du millourt164

275       Et estre165 à plaisance.

             Par vous, rien ne sourt166 :

             On me fait le sourt167,

             Je n’ay point d’avence168.

                        DIGESTE  NEUFVE

             Laissez apparance !

280       Tousjours, sur ma pense169,

             Vous aurez des biens.

                        [SECUNDUS]

             Qui n’a « basse dance170 »

             Tout à souffisance,

             Jamais ne vault riens.

285       Je ne voy moyens

             Pour avoir des biens

             Que par vostre « engin ».

                        [DIGESTE  NEUFVE] 171

             Ne craignez en riens :

             Secret je le tiens172,

290       Car il est fort fin.

                        SECUNDUS

             Ung petit loppin

             De ce « canepin173 »

             Fait acquérir bruit174.

                        DIGE[STE]  NEU[FVE]

             Mon beau musequin175,

295       Mon petit connin176,

             Cela fort y duit.

                        LE  SECOND

             Pour avoir desduit177

             Et passer la nuyt

             Gorgïasement178,

300       Rire à l’appétit,

             Le téton petit :

             C’est vous proprement !

                        DIGESTE  NEUFVE

             C’est mon, énaymant179,

             Mais qu’on ayt souvent

305       Déduit de nature.

                        LE  SECOND

             De cela s’entent,

             Pour estre content

             D’engin à mesure.

                        DIGESTE  NEUFVE

             Belle créature,

310       La belle figure

             Digne de mémoire.

                        LE  SECOND

             ……………………. 180

        Belles filles, et bien à boire ;

        Tétins poignans181, beaux musequins ;

        [Queues d’une]182 sauvage gloire,

315  Qu’el troussent comme baldaquins183.

        Mignon[ne]s portans brodequins,

        [Ayans] les beaulx saphirs aux doiz,

        Petiz piedz et petis tétins184 :

        Vélà le présent cours de loix.

                        LE  PREMIER

320  Avons-nous bien « rompu noz bois185 » ;

        Et bien [avons sanglé]186 noz « livres »,

        Et escarquillés à beaux dois187.

        Regardez [s’en sommes délivres]188 !

                        LE  SECOND

        Par le sang ! nous sommes bien yvres

325  Par trop « estudïer » souvent.

        On despend189 beaucop, en telz « livres » ;

        Et en revient bien peu d’argent.

        Au fort, mais que le corps soit gent,

        Bien pris, à l’engin bien estroit,

330  Je me tiens quasi pour content

        D’estudïer dessus le doit190.

                        PRIMUS

        Je ne sçay, moy, qui ne seroit

        Mal content d’estudïe[r] tant

        Et n’avoir ung denier content191.

335  Le sang bieu ! cela me192 consume.

        Quoy ! nuyt et jour estudïant

        Au « bas », sans gaigner une plume !

                        SECUNDUS

        Autant vauldroit humer le vent193 :

        Il n’y a gresse ne escume194.

.

                        COUSTUME 195                                      SCÈNE  III

340  Encore n’est-il que Coustume.

        Vous avez bel196 « estudïer » :

        Coustume fait bénéficier197

        Plus que ne fait Digeste Neufve

        Ne que la Vieille. Je le preuve

345  [Par] exemple198 : se une belle fille

        Fait souvent fourbir sa coquille199,

        Coustume l’aprent200 au mestier ;

        Car qui ne seroit coustumier

        Et rusé par force d(e) usage,

350  Jamais il ne seroit ouvrier

        Entendu201, [ne quelq’un de]202 sage.

                        DIGESTE  NEUFVE

        Nostre  Dame ! quelle trousse-bagage203

        Pour mener après ung gendarme204 !

                        DIGESTE  VIEILLE

        [El fait]205, de son museau, visage.

355  Elle en parle bien, en beau terme.

                        DIGESTE  NEUFVE

        [Quel vieille ! Tenez : est-el]206 ferme

        Et plaine de grande cautelle207 !

        Elle est pour estre à quelque Carme208

        Pour servir d’une macquerelle.

                        DIGESTE  VIEILLE

360  Pensez, la bonne damoiselle,

        Elle y a gaigné mainte plume209 ;

        Chascun le scet, la chose est telle.

        Ce n’est à présent que la Coustume.

                        DIGE[STE]  NEUF[VE]

        C’est la vieille qui fiert210 l’enclume

365  Pour [forger les cloux de Jhésus]211.

        Laissez-la là, c’est ung abus,

        Se212 vous voullez estre bien aise.

                        SECUNDUS

        Raison ?

                        DIGE[STE]  NEU[FVE]

                         La Coustume est mauvaise

        Qui court maintenant à Paris.

370  Elle fait tromper les maris,

        Elle fait destruire maisons213,

        Elle fait plusieurs gens mar[r]is.

        El n’est digne de nulz guerdons214

        Mais, ym[m]o 215, de villains lardons.

                        DIGESTE  VIEILLE

375  Ainsi en sera-el(le) lardée.

        Tenez, quelle vieille est-elle fardée !

        Aussi elle farde les femmes216.

        Telles Coustumes sont infâmes.

        Touteffois, la Coustume court.

380  Pour attrapper mignons de Court217,

        Ceste vieille farde visaiges ;

        Il semble que ce soient ymages218,

        Quant elles219 passent par ses mains.

                        DIGE[STE]  NEU[FVE]

        Pour esjouir les cueurs humains,

385  Pour contrefaire la mignonne220,

        Coustume, la vieille matrosne,

        Il n’est mauvaitié qu’el(le) ne fache221.

        El(le) fait acroire d’une vache,

        Le plus du temps, que c’est ung veau222.

390  Coustume, [il] n’est rien qu’el ne sache :

        Tousjours [forge] ung terme nouveau

        Et faict d’un moyne ung Gouvernau223,

        D’un Jacobin ung homme d’armes.

                        DIGESTE  VIEILLE

        El(le) fait gentilz [hommes224] de Carmes,

395  Et gens de guerre d’Augustins ;

        À Cordeliers porter guisarmes225,

        [Mantels fendus et]226 brodequins.

                        PRIMUS

        Et ! nous serions bien [grans] coquins227

        D(e) en telle Coustume nous mettre.

400  Raison ? Elle ne congnoist lettre228,

        Et n’y entent ne blanc, ne bis229.

                        SECUNDUS

        Elle fait d’ung varlet ung maistre ;

        Elle fait tout son appétis230.

                        COUSTUME

        Par bieu, mes enfans et amys :

405  Je vous oys231 bien sur vostre « droict ».

                        SECUNDUS

        Il est vray. Mais qui232 vous voudroit

        Maintenir comme on faict à présent,

        On mettroit l’envers à l’endroit233 :

        Chascun le voit [bien] clèrement234.

                        PRIMUS

410  Nous ne vous voullons nullement,

        Car nous sçavons [trop] qui vous estes.

                        COUSTUME

        Messieurs, je vous pry humblement

        Que [je sois avec]235 voz Digestes.

                        SECUNDUS

        Ne nous mettrez-vous point en restes236 ?

                        COUSTUME

415  Nenny ! Jamais ! Aucunement !

        Ym[m]o, tousjours acroissement

        Vous feray237, et avoir pécune,

        Mais238 seullement que je soye une

        De voz petites chambèrières.

420  Coustume congnoist les manières ;

        Par Coustume, en « droit » on se fonde.

        Il n’est rien où el(le) ne responde.

        Il n’est [juge qui bien ne face]239,

        Qui n’a Coustume avant sa face240.

425  De tout ce[la] suis coustumière.

                        LE  SECOND

        Coustume, vous ne parlez guière,

        Mais vous atachez bien voz motz241.

                        DIGESTE  NEUFVE

        Elle parle bien à propos,

        Et me semble qu’elle dit bien.

430  Et pour contente je me tien,

        Quant à moy, qu’elle soit des noz242.

                        LE  PREMIER

        Coustume est [bien] digne de « los243 »,

        Et parle par bonne manière.

                        DIGESTE  VIEILLE

        Retenons-la, à deux briefz motz244 :

435  El(le) sera nostre chambèrière.

                        COUSTUME

        Par mon âme, j’en suis bien fière !

        Je vous serviray de bon cueur245.

                                    *

                        LE  SECOND 246                                    SCÈNE  IV

        Or çà ! nous sommes à honneur.

        Nous congnoissons tout à plaisance,

440  Nous avons biens à suffisance,

        Nous avons Coustumes et Loix.

                        LE  PREMIER

        Nous avons argent à puissance :

        Nous serons faitz gens de finance

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  SECOND

445  Nous avons de tout congnoissance,

        Nous avons bruit à suffisance247

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  PREMIER

        Nous avons escus et salus248,

        Et plusieurs gracïeux salus249.

450  Et si, ferons250 tout « hault le bois »,

        Et requer[r]ons251 de plus en plus

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  SECOND

        Nous aurons petis musequins,

        Mignon[ne]s aux petis yeulx fins.

455  Et si, burons tout à dégois252.

        Et si, parviendrons à noz fins

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  PREMIER

        Nous demour[r]ons mignons légistes,

        Gorgïas, fraséz, gens253 et mistes,

460  Humbles, loyaulx, doulx et courtois.

        Et noz raisons seront escriptes

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  SECOND

        Vivent gentilz mignons loyaulx,

        Vrais légistes espicïaulx254 !

465  Vive le roy de France, harnois255

        Contre tous les [faulx doctrinaulx]256 :

        Car il leur [a porté]257 des maulx

        Par « droit », par Coustumes ou Loix.

                        LE  PREMIER

        Arrière, gens de fiction258 !

470  Car c’est ma vray[e] intencion

        Que seront pugnis une fois,

        Et qu’on leur fera leur raison259

        Par « droit », par Coustume[s] ou Loix.

                        LE  SECOND

        Je commande260 à Dieu les mignon[ne]s

475  Et aussi toutes voz personnes !

        Adieu vous dis à haulte voix !

        Noz causes doivent estre bonnes

        [Par « droit », par Coustumes ou Loix.]261

.

                                                                        ***

                                      [ FIN  D’UNE  SOTTIE ]

                        LE  PREMIER

        Tel cuyde262 avoir sa maison faicte

480  En peu de temps sans263 demourer,

        Pour sa famille honnourer,

        Qui264 se meurt ains qu’el soit parfaicte.

                         LE  SECOND

        Tel, souvent, abille265 à menger,

        Et puis266 aux autres le départ,

485  Qui267 le plus souvent, pour sa part,

        N’en a que les os à ronger.

                        LE  TIERS

        Tel cuyde, quant [ne sçauroit mie]268,

        Estre maistre et faire les saulx269.

        [On luy livre sy]270 durs assaulx

490  Qu’i n’ose nommer : « Une pie271 ! »

                        LE  QUART 272

        Toute la noble seigneurie,

        Mais  s’i vous plaist, n’ayez nul regré !

        Et vous plaise de prendre en gré

        Se le coqu gaigne la pie !

.

                                        FINIS

*

1 Voir Pour le Cry de la Bazoche. Jelle Koopmans* attribue Digeste Vieille à Pierre Gringore.  *Le Recueil de Florence, Paradigme, 2011, pp. 593-605.   2 Blois, 18 septembre 1509.   3 Les deux étudiants en droit sont vêtus pauvrement ; ils portent un bonnet de clerc, et une écritoire phallique pend au-devant de leur ceinture.   4 De copuler. Idem vers 29, 33, 62, etc. Voir la note 66 des Femmes qui aprennent à parler latin.   5 Suple  (« Il suffit mais que » est une locution figée : « Il suffit mais qu’il aille l’amble. » Le Médecin qui guarist de toutes sortes de maladies.)  L’engin désigne l’intellect (lat. ingenium), mais aussi — et surtout — le pénis. Même double sens aux vers 131, 215 et 308. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 92. Notons qu’un autre étudiant, Maître Mimin, a lui aussi « l’engin rude » (vers 198).   6 F : ployez  (Je corrigerai tacitement ces fautes d’accord tout au long de la pièce.)   7 Digeste Neuve et Digeste Vieille sont deux personnages allégoriques qui représentent des livres de droit : des pages — imprimées pour Digeste Neuve et manuscrites pour Digeste Vieille — sont épinglées sur leur robe de prostituée. (Dans un même souci de réalisme, les oiseaux de la Pippée sont couverts de plumes.)   8 F : sur  (Si on veut me servir.)   9 Jeu de mots sur con fort [sexe endurant] : « Je pry Dieu qu’il vous doint confort ! » Les Mal contentes.   10 F : teste (« Je n’y entens texte ne gloses. » Colin qui loue et despite Dieu.)   11 Que le droit rénové a ce qui se fait de mieux.   12 Il couche avec Digeste Vieille, alors que son camarade est l’amant de la jeune Digeste Neuve.   13 Mes érections. Idem v. 194. « Je ne vy aussi dur engin/ Comment il a, par mon serment !/ Ha ! il a bel entendement. » Pernet qui va à l’escolle.   14 F : rouges  (Aux vieux juristes. Cf. les Sotz fourréz de malice, v. 131 et note.)  « Et ès fourréz chaperons./ Justice, équité est morte. » (Eustache Deschamps.) « Ad ce jour avoit grant foison de prélas et de fourés chaperons. » (Froissart.)   15 F : des   16 F : estrodions  (Le tordion est une danse aux mouvements lascifs. « Et inventa la bonne dame/ Mille tordïons advenans/ Pour culeter à tous venans. » Clément Marot.)   17 F : aux beaux la  (Le signet est une bague surmontée d’un sceau. Idem v. 223.)  « J’avoye argent, les beaulx signetz. » Beaucop-veoir.   18 Le chien de chasse. Cf. le Faulconnier de ville, vers 396.   19 « Pour courir sus aulx enfans d’Israël. » La Bouteille.   20 En saupiquet, en sauce piquante.   21 Miste : gracieux. Idem v. 459.   22 Vairs : vifs et chatoyants. Voir la note 187 de la Pippée.   23 C’est l’affaire d’un juriste. Idem vers 59, 458 et 464.   24 Aux heures de prime, de tierce et de sexte. Cf. les Mal contentes, vers 431.   25 F : Sur digeste vous assiste   26 F : la  (Je veux attester publiquement que c’est vrai. Voir le v. 63.)   27 Expert. « Car ne suis ouvrier de ce faire. » (Ung Fol changant divers propos.) On scande toujours « ou-vrier » en 2 syllabes.   28 F : vi ouurier  (« Courez com un lévrier ! » Les Botines Gaultier.)   29 Vraiment. Ce juron est réservé aux femmes. Idem v. 303. « Ennément, je n’en sçay rien. » Le Povre Jouhan.   30 Vagin. Faire le chemin = ouvrir la voie, déflorer une fille. Cf. les Botines Gaultier, vers 137.   31 Le parchemin, généralement velu, désigne le pubis des femmes. Idem vers 79, 89 et 124. Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 25 et note.   32 N’a plus cours, telle une monnaie décriée.   33 F : genne a pompelie  (Cette semeuse de syphilis. La maladie ne fut baptisée ainsi qu’en 1530 ; auparavant, on lui donnait toutes sortes de noms : « La grosse vérolle, la galle de Naples, le pourpoint à “boutons”, la brigandine clouée, la gaillardise, la mignonnise, la pomperie. » Le Pourpoint fermant à “boutons”.) On l’appelait aussi « la male graine » ou la « graine de Naples ». Au vers 155, c’est Digeste Neuve qui souhaitera une bonne syphilis à sa concurrente.   34 À présent. Idem v. 407. Elle a désormais l’estime de la cour du Parlement, où se décrètent les lois ; voir le v. 273.   35 Ne veut rien entendre. Idem v. 277.   36 M’excite.   37 Les oreilles symbolisent les testicules : Sermon pour une nopce, vers 72 et 197. Idem v. 144.   38 Vers manquant. J’emprunte le vers 182 de Frère Fécisti.   39 F : Dictes  (Les gorgettes désignent les seins. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 30.)   40 F : euersiez  (Voir le v. 49.)  Les esprits <épris = enflammés> sont les pénis : « Cavaler les esprits, c’est chevaucher les engins. » Béroalde de Verville.   41 F : nouueaulx  (À la rime des vers 58 et 61.)  Les mignons légistes sont encore loyaux à 460 et à 463.   42 F : Qui  (Ainsi.)   43 Admettre publiquement.   44 Bien que je m’exerce avec Digeste Vieille. Le « livre » qui s’ouvre pour qu’un homme puisse « lire » dedans est une métaphore de la vulve : « Ma belle, à ce concert, gentille,/ Ouvrit son livre allaigrement. » Un jour que j’accollois m’amie.   45 La Basoche de Paris se gaussa du remariage, en octobre 1514, de Louis XII avec la jeune Marie Tudor : le roi mena joyeuse vie pendant trois mois, puis mourut d’épuisement en essayant de lui faire un héritier. Il avait régné 15 ans et demi. « Ceux de la Basoche, à Paris, disoient pour se jouer que le roy d’Angleterre avoit envoyé une haquenée [pouliche] au roy de France pour le porter bientost et plus doucement en enfer ou en paradis. »   46 Je suis libre. Idem v. 323.   47 F : Serre  (« O richesse plaine !/ O ferme sçavoir !/ Quel joye seraine,/ En la vie humaine,/ Povons plus avoir ? » Mistère de la Passion de Troyes.)   48 Pour le poids d’une livre.   49 F : renfors  (Mes assauts sexuels. « Dieu te doint ung bien bon “confort”,/ S’il advient que trop grant effort/ Te face, la nuyt, ton mary ! » Sermon pour une nopce.)   50 F : est fort veille  (C’est la raison pour laquelle elle dort debout. « Elle dorveille en douce paix. » Godefroy.)   51 F : en esmerueille  (C’est incroyable. « Ce semble estre merveilles de beauté. » Bertrandon de La Broquière.)   52 Vers manquant. Voir le v. 41.   53 Vu que son sexe est un vieux parchemin.   54 Elle ne me coûte pas cher.   55 Et de plus, elle ne court pas le guilledou.   56 Et de plus, elle s’y connaît (en matière de technique amoureuse). « Elle entend bien son latin. » Les Mal contentes.   57 Experte dans les choses de l’amour. Idem v. 351. « Vous estes un vaillant champion,/ Et entendu en cest affaire. » L’Amoureux.   58 Les livres précieux avaient une reliure en satin.   59 Dans l’intimité. Nous dirions aujourd’hui : entre quatre yeux.   60 F : dictes  (Vous ne dîtes, au passé simple.)   61 F : Que   62 Soigneux, appliqué.   63 Sous ma cotte courte, sous mon jupon. Cf. le Cousturier et Ésopet, vers 111.   64 Ce mot vient de γλῶσσα, qui signifie langue. Or, la langue désignait le clitoris : cf. le Tournoy amoureux, vers 62 et note. Idem vers 109 et 122.   65 Profond.   66 F : suis  (Je fus d’abord. « Quant premièrement fus louée/ Pour nourrir l’enfant de céans. » La Nourrisse et la Chambèrière.)   67 La force. « Force n’ay plus, substance ne liqueur. » Villon.   68 J’ai multiplié mes conquêtes masculines.   69 J’ai rendu public mon sexe.   70 Qu’on n’y reconnaît plus que le clitoris.   71 « Nul n’en pouvoit dire que tout bien & honneur. » Valentin et Orson.   72 Au Second Écolier.   73 Mon sexe rougi par une activité régulière. Idem v. 139.   74 F : que lie  (Bien joint.)   75 On trace sur les parchemins des lignes horizontales pour guider l’écriture. Double sens : réglée = qui a ses règles.   76 Idem v. 337. Voir les Femmes qui font renbourer leur bas.   77 Mon sexe de femme. Idem vers 137, 165, 212, 287 et 329. Cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 129 et note.   78 À supposer qu’on ne le refuse jamais.   79 F : se rusera il  (Voir le v. 108.)   80 En latin, glose se dit glossa, qui transcrit le grec γλῶσσα [langue]. Voir la note 64.   81 F : parapher et bien escripre   82 F : le  (Connaître est pris au sens biblique : forniquer.)   83 En pleine possession de mes moyens (y compris sexuels). « Femme en ses saulx meurt à regret. » Danse macabre des femmes.   84 Puceaux.   85 F : langin  (Je leur déployai le pénis.)   86 Leur science amoureuse.   87 De la bouillie pour les bébés dans ton genre. Cf. Légier d’Argent, vers 81.   88 Tu ne sais ce que c’est que le bien.   89 Tu as bu dans plus d’un foyer.   90 F : Bon  (Tu seras bientôt vieille. « Je vueil soustenir/ Qu’il a desjà son temps passé/ Et qu’il est rompu et cassé. » Ung jeune moyne et ung viel gendarme.)   91 Terminée, finie.   92 F : Et  (À ce qu’il me semble, à mon avis. « Il seroit bon, à mon semblant,/ Mère, d’icy nous despartir. » ATILF.)   93 F : exprimine  (Sapée. « Vertus sont minées. » Le Ramonneur de cheminées.)   94 F : Que ie fuz   95 F : et   96 F : communiquot  (Au tarif de groupe. « François, à l’union [Français, unissez-vous] ! Car que peut un corps tissu & composé de plusieurs parties si à commun escot [regroupées] elles ne (…) luy donnent force & vertu ? » Pierre de L’Ostal.)   97 À condition de payer sa part.   98 Sorte d’imprécation. « Hé ! je suis ta fièvre quartaine ! » La Laitière.   99 À bas. « Argent ? Il est mys à basac. » Gautier et Martin.   100 Que la tuberculose bovine ou une inflammation syphilitique. « Fuyez ce trou que le mau tac confonde ! » Rondeau de la vérolle.   101 F : a  (Comme le sabot d’un mulet. On ferrait les chevaux, mais rarement les mulets.)   102 Qu’un petit coin où l’on fait ses besoins.   103 F : Quelque sens ou quelque  (Dans lesquels tu sèmes l’erreur. « Il trébusche en erreur d’oppinion et de fole cuidance. » ATILF.)   104 F : Ruse  (Voir les vers 108 et 212.)  Usé non sans raisons : il subit beaucoup de frottements.   105 En a vu l’explication.   106 On a beaucoup « écrit » dessus. Les clercs ne se privaient pas de confondre l’écriture avec le coït, le parchemin avec le pubis féminin, la plume avec la verge, l’encre avec le sperme, etc. Dans Frère Guillebert, une épouse cherche « un amy gaillard/ Pour suppléer à l’escripture » de son vieux mari ; voir la note 49 de ladite farce.   107 Prouve, montre. Idem v. 344.   108 F : ne scet pas ou on  (Chaque comté, chaque duché, chaque petit royaume exerçait encore sa propre justice comme à l’époque féodale, que symbolise Digeste Vieille. Voir ma notice.)   109 Jeu de mots sur roids [raides]. « Il n’y a, jusques en Barrois,/ Plus nobles logiz que sont cons,/ Car on n’y peult logier que roix. » Parnasse satyrique du XVe siècle.   110 On éprouve, on expérimente.   111 À rompre la lance dans les batailles (les gens d’armes sont des hommes de guerre). Double sens : À éjaculer. Idem v. 320. « Tiendrez-vous jusques à demain,/ Insatiable créature,/ Dans la maigreur de votre main/ Mon pauvre engin à la torture ?/ Contre vous, il a par dix fois,/ En une nuit, rompu son bois. » François Maynard.   112 Le Premier Écolier. Le Second Écolier devient Secundus.   113 Nos maîtresses parlent avec plaisir. Idem v. 455. « À joie et à dégois. » ATILF.   114 Je besogne Digeste Neuve.   115 Ce vers manquant amorce les sizains en aabaab. « Je deusse estre pourveu présent,/ Avoir bénéfices et cures. » L’Avantureulx.   116 Et je devrais posséder un gros avoir. Pour nos deux étudiants, l’apprentissage du droit n’est valable que s’il mène à un enrichissement rapide. La justice est le cadet de leurs soucis.   117 F : congne  (Diminutif affectueux : « Acollez-moy, ma doulce conne ! » Le Dorellot.)   118 Qui me réjouit, qui me flatte.   119 Qui m’aiguise l’érection. Note 13.   120 Que je m’arraisonne, que je m’entretiens avec.   121 Par manque de confiance.   122 Ou que tu es de la vieille école. « La mère luy dit, qui sceit assez de la vieille dance. » ATILF.   123 F : Cestuy est  (Ce vers, tel que je le corrige, est le 2e de Franc cœur qu’as-tu à soupirer, une chanson franco-italienne d’Antoine de Vigne, qui mourut en 1498 ; fort appréciée des gens de théâtre, cette chanson résonne aussi dans Marchebeau et Galop, dans le Gallant quy a faict le coup et dans le Pèlerinage de Mariage.)   124 Cela ne te concerne pas.   125 Ta Digeste Vieille ne te valorise pas beaucoup.   126 F : mon chaloir  (Elle est totalement négligée. « Ne soyez point en nonchaloir. » ATILF.)   127 Aucun de nous deux.   128 Que grâce à son engin et à son érection il puisse gagner quelque argent.   129 Appétissants. Cf. le Faulconnier de ville, vers 289.   130 Élégants et polis. « Gorgias, mignon,/ Franc, fraiz, frasé comme ung ongnon. » Guillaume Coquillart.   131 Assez (mot latin).   132 Nabuchodonosor II, richissime roi de Babylone.   133 F : trepas  (« D’avoir le trésor de leur père. » Les Sotz qui corrigent le Magnificat.)   134 Signets : bagues surmontées d’un sceau. Voir le v. 19.   135 Ce sont quatre monnaies de grande valeur.   136 F : que francs  (Il n’y a des francs que pour les cupides avocats. Double sens très ironique : Seuls les avocats sont francs.)   137 F : Lapidaires  (Quoi qu’on en dise, ces traités consacrés aux pierres précieuses n’ont jamais désigné les pierres en question.)  Les reliquaires portatifs sont des médaillons creux qui peuvent s’ouvrir : « Petiz joyaulx et reliquaires d’or pendans ou à pendre. » Inventaire de Charles .   138 Bracelets.   139 F : pose  (« Post tenebras, spero lucem. » [Après les ténèbres de la mort, j’espère la lumière.] Livre de Job.)   140 F : auoir   141 Je ne saurais plus trouver.   142 Ce que cela va devenir.   143 En mauvaise posture. Cf. Colin qui loue et despite Dieu, vers 391.   144 F : entendens rien a cela  (Rien du tout. « Tu n’y congnois ne sol, ne la. » Éloy d’Amerval.)   145 F : chieus  (Les oiseaux sont des éperviers avec lesquels les nobles chassent.)   146 Pouliche.   147 Faire des exercices de manège : « Si tost que Burgalant fut sailly sur son destrier, lui fist faire les saulx en l’air. » (Galien Réthore.) Mais la haquenée peut être une femme : cf. le Retraict, vers 340. Cela modifie le sens du vers : « Faire le saut : Obliger une femme à se rendre, la pousser à bout, profiter de sa foiblesse, en jouir. » (Le Roux.)   148 Maquillée.   149 Autant que.   150 F : et a   151 Et pourtant, je ne peux rien gagner. « Sans riens gaigner ne praticquer. » Sermon pour une nopce.   152 Bien peu, inutile d’en parler. « Il suffist, je n’en dy rien, donc. » Maistre Doribus.   153 Acquis.   154 Je m’en contente. Cf. le Ribault marié, vers 267.   155 F : quel est bien forte  (Que j’y suis bien obligé. « Il est bien force/ Que nous endurons ceste endosse. » Les Maraux enchesnéz.)   156 F : lescorche  (Ce coup. « Si flatteurs ont receu l’estorce. » Première Moralité.)   157 F : bien  (L’écorce du chêne-liège rapporte à son propriétaire, d’autant que plus l’arbre est vieux, plus elle est épaisse.)  Le liège ne servait pas qu’à faire des bouchons de bouteilles : on en vendait beaucoup aux fabricants de semelles.   158 F : Sil  (Pourtant.)   159 Sur votre « Q ». Cf. Pernet qui va à l’escolle, vers 179. « Puis nous remurons la lettre qui ensuit après le PÉ. » Béroalde de Verville.   160 Le cul de Digeste Vieille est donc muet.   161 Grâce à moi. « Tu auras encore du bien/ Par mon moyen. » L’Aveugle et Saudret.   162 F : Vela  (Correction proposée par Jelle Koopmans.)   163 Un réconfort financier. Cf. l’Aveugle et le Boiteux, vers 29.   164 Le milord, le riche. Cf. les Tyrans, vers 170 et 182.   165 F : mectre   166 Nul argent ne surgit (verbe sourdre).   167 On refuse de m’écouter.   168 On ne m’avance pas d’argent.   169 Sur ma panse, sur mon ventre : en faisant l’amour avec moi. « Sur l’orifice de la pance/ De leurs femmes. » Frère Guillebert.   170 Le coït. « Mon “flajollet” ne vault plus riens…./ La basse dance doulce et tendre/ Est hors de mon commandement. » Jehan Molinet.   171 F : Dige vi   172 Je cache le mien.   173 Sorte de vélin dont on fait les parchemins. Au second degré, c’est donc le pubis d’une femme.   174 Une bonne réputation.   175 Mon petit museau. Idem vers 313 et 453.   176 Mon con, mon sexe. Cf. le Savatier et Marguet, vers 46.   177 Du plaisir charnel. Idem v. 305.   178 Agréablement.   179 C’est mon avis, vraiment. Note 29.   180 Il manque un tercet en -ure -ure -oire. Du coup, l’enchaînement est un peu abrupt.   181 Pointés.   182 F : Qurest une  (La queue est la traîne cousue au col de la robe. On la trousse pour ne pas la salir ; voir les Queues troussées.)   183 F : cragnequins  (Le baldaquin est le dais qui entoure un lit. Dans la journée, on le trousse pour qu’il laisse passer la chaleur de la cheminée.)   184 F : patins  (L’auteur fantasme sur les petits seins : vers 24, 55, 56, 301.)   185 F : voix  (Nous avons souvent éjaculé. Note 111.)   186 F : assemble  (Les cartables n’existant pas, les étudiants transportaient leurs livres attachés par des sangles de cuir.)  Sangler une femme, c’est la besogner : cf. les Sotz qui corrigent le Magnificat, vers 88.   187 Nous les avons ouverts à pleines mains.   188 F : se en auons de liures  (Si nous en sommes délivrés. Voir le v. 67.)   189 On dépense.   190 Sur le bout du doigt, par cœur. « Mais il fault sçavoir sur le doit/ Ypocras. » (Les Femmes qui aprennent à parler latin.) Double sens : de lutiner Digeste Neuve avec mon doigt.   191 Comptant.   192 F : mer   193 Se nourrir de vent.   194 La soupe est maigre.   195 Vêtue en vieille paysanne de province, et affublée d’un accent campagnard.   196 Vous avez beau.   197 F : verifiez  (Fait obtenir des bénéfices, des postes lucratifs. « Vous avez bénéficié/ Un johannès [un ignare]. » Science et Asnerye.   198 « Cecy, je le preuve par exemple. » ATILF.   199 Sa vulve. « Mes jeunes filles,/ Ne faictes fourbir vos coquilles. » Sermon pour une nopce.   200 F : la rent  (La met à l’apprentissage.)  La maquerelle du Dorellot se nomme Faicte-aumestier.   201 Un coïteur expérimenté. Note 57.   202 F : nest quelqun ne   203 F : trousse a page  (Le trousse-bagage est le laquais d’un capitaine. « Si l’ennemy arrivoit sur le trousse-bagaige. » Loÿs Gollut.)  L’auteur fait plutôt allusion aux filles à soldats qui suivent l’armée : « Quant elle auroit suivy le camp à la Rochelle,/ S’elle a force ducats, elle est toute pucelle. » Mathurin Régnier.   204 À la suite d’un soldat.   205 F : Elle est  (De son museau bestial, elle veut faire un visage humain.)   206 F : Quelle vueille tenes est tel  (Encore et toujours des erreurs phonétiques : voir ma notice.)   207 De ruse.   208 Ces moines ont toujours des femmes chez eux : « Carmes n’ont plus de chambèrière…./ Tousjours Carmes auront freppières. » (Les Rapporteurs.) Villon le constatait déjà : « Carmes chevauchent noz voisines. »   209 Beaucoup d’argent. « Quand on a gagné de l’argent à quelqu’un au jeu ou par quelque adresse, on dit qu’on a eu de ses plumes. » Le Roux.   210 F : fait  (Qui frappe, du verbe férir.)   211 F : sourger les clox des hus  (C’est la vieille Hédroit qui forge les clous de la crucifixion. « Il fault forger/ Des gros cloux pesans et mossus [émoussés]/ Pour aller atacher Jhésus/ Au gibet…./ Icy forge la vieille les cloux. » Jehan Michel, Mistère de la Passion.)  On peut ouïr le langage raffiné d’Hédroit aux vers 194-285 des Tyrans.   212 F : De  (Correction Cohen.)   213 F : mignons  (Des familles entières. « Là se destruict mainte bonne maison. » Marot.)   214 D’aucune récompense.   215 En latin, immo = au contraire. Idem v. 416. Cf. les Sotz nouveaulx farcéz, vers 206. Les lardons sont des sarcasmes dont on larde les gens : cf. la Pippée, vers 46, 481 et 770.   216 Elle les maquille pour les rajeunir. Mais aussi : Elle ternit leur réputation. « Je farderay bien une femme. » Le Roy des Sotz.   217 Pour escroquer les courtisans en leur faisant croire qu’elle leur livre de la chair fraîche.   218 Des tableaux peints.   219 F : ilz  (Quand les prostituées.)   220 F : personne  (« J’ay voulu contrefaire/ Le mignon. » Les Femmes qui plantent leurs maris pour reverdir.)   221 F : sache  (À la rime de 390. « Fache » est la prononciation nordique de « fasse » : « Qui penseret qu’un fieux [fils] d’une si bone mère/ Fache dez actions si remplies de mal ? » La Muse normande.)  Il n’y a aucune mauvaiseté, aucune malice qu’elle ne fasse. Cf. la Mauvaistié des femmes.   222 La viande du veau était plus onéreuse que celle de la vache, que des bouchers peu scrupuleux vendaient pour du veau.   223 F : gouuernan  (Gouvernau fut le précepteur de celui qui allait devenir le roi Arthur ; il l’instruisit dans l’art de la guerre : « Quand l’enfant eut quinze ans, si luy apprint Gouvernau de l’escrime, tant qu’il ne pouvoit trouver son pareil. » Artus de Bretaigne.)   224 En théorie, les nobles guerroyaient au profit du roi.   225 Elle fait porter des hallebardes. Tous ces hommes d’Église transformés en soudards font référence au pape Jules II, qui venait de mourir. Il n’hésitait pas à revêtir l’armure pour monter lui-même à l’assaut. Gringore en a fait la très belliqueuse Mère Sotte dans le Jeu du Prince des Sotz, où ledit prince n’est autre que Louis XII.   226 F : Penthoufles fendues  (Les manteaux militaires sont ouverts du côté gauche, ce qui permet de dégainer l’épée. Ils sont ouverts du côté droit pour les gauchers. « Un mantel fendu à un costé. » ATILF.)  Les brodequins sont ici des godillots militaires.   227 Des vauriens.   228 Elle est analphabète. Les Coutumes étaient souvent orales, d’où la volonté des rois de les mettre par écrit ; voir ma notice.   229 Ni blanc, ne gris brun : elle n’y connaît rien. Cf. les Sotz triumphans, vers 128.   230 F : appetit  (Les vers 23 et 218 donnent « appétis » au singulier.)  Elle fait tout selon son désir.   231 F : ouys  (J’entends vos prétentions. C’est une formule juridique.)  Comme aux vers 421 et 444, le droit désigne le pénis dressé : cf. les Femmes qui aprennent à parler latin, vers 187 et note.   232 F : quil  (Si on.)   233 Tout serait sens dessus dessous, comme au vers 402.   234 Voir le v. 97.   235 F : ce soit auecques   236 Ne nous rendrez-vous pas débiteurs ? « On demeure en reste/ Au tavernier, souvente foys. » La Réformeresse.   237 F : feres  (Au contraire, j’accroîtrai vos gains.)   238 Pourvu.   239 F : iugez que ie ne sace   240 S’il n’a le droit coutumier devant lui, sous ses yeux. « Le signe de la vraie croix (…) mis avant ma face, je recommande mon âme à Dieu. » Jean de Chissey.   241 Vous joignez les paroles à la musique. « Desquelles chansons et oraisons les motz sont icy attachéz. » Tielman Susato, éditeur de partitions.   242 Des nôtres. « Se (tu) veulx estre des noz,/ Ressembler te convient Minos. » Christine de Pizan.   243 De louanges. Calembour sur « l’os », le phallus : « S’aucunes gens vous portent blasmes,/ Mes dames, je vous porte los. » Les Menus propos.   244 En bref. À la fin de la Pippée (vers 931-4), l’un des perdants devient aussi le serviteur des gagnants.   245 L’hypocrite et flatteur Mitoufflet prononce le même vers quand il cherche à entrer au service du Roy des Sotz.   246 ACTE 2. Seuls en scène, les deux ex-étudiants portent un chaperon fourré de juriste. Le droit ancien et le droit nouveau, maintenant qu’ils sont servis par le droit coutumier, les ont enrichis.   247 Une grande réputation.   248 Des saluts : des pièces d’or. Idem v. 224.   249 Tout le monde nous salue gracieusement. C’est à ce détail que les parvenus croient avoir réussi : voir par exemple le clerc d’Ânerie aux vers 249-250 de Science et Asnerye.   250 F : serons  (Cet imprimeur confond très souvent le « f » (f) et le « s » long (ſ) du ms. de base.)  « Faire haut le bois : Souldiors to stop and make a stand, advancing their pikes. » (Cotgrave.) Cf. les Premiers gardonnéz, vers 215. Mais le bois désigne également le pénis, comme aux vers 176 et 320 : « Pour faire sonner le hault boys/ Et faire la chosète. » L’Aveugle et Saudret.   251 Nous ferons des réquisitoires. Ou bien : nous allons requérir les femmes.   252 Et aussi, nous boirons avec joie.   253 Gents. Idem v. 328. Nous avons vu gorgias et frasé (v. 219), et miste (v. 25).   254 Les juges se font payer en épices : cf. Science et Asnerye, vers 207.   255 F : en paix  (On ne peut être en paix contre quelqu’un !)  Le harnois — ou le harnais, qui a la même prononciation — est une armure, une protection contre l’ennemi.   256 F : destriaulx  (Contre les pernicieux manuels d’enseignement.)   257 F : appartient  (Louis XII eut à cœur de simplifier la procédure juridique. Voir ma notice.)   258 Faiseurs de mystifications. Cf. les Premiers gardonnéz, vers 127.   259 Qu’on leur réglera leur compte. « Je luy feray bien sa raison ! » Les Chambèrières et Débat.   260 Je recommande. « Je vous commande à Dieu ! » (Le Cuvier.) Le Second Écolier s’adresse au public pour lui présenter les adieux de la troupe.   261 Ce refrain manquant clôt la Moralité. Voir ma notice. Cette dernière strophe porte l’acrostiche JEAN P., qui pourrait être la signature de l’auteur. On m’objectera que l’orthographe de ce nom était Jehan ; mais au XVIe siècle, on écrivait parfois Jean, ou même Jan. Dans le Badin qui se loue, Janot jure par « saint Jean ».   262 Tel s’imagine. L’accumulation d’idées reçues commençant par « tel » est un des jeux favoris des Sots : voir les vers 337-344 des Povres deables, ou les vers 59-66 des Sobres Sotz.   263 F : pour  (Sans tarder.)   264 F : Quil  (Qui meurt avant qu’elle ne soit finie.)   265 Habille, prépare. « On nous habille ung si beau disner. » (ATILF.) L’écriture en coq-à-l’âne est caractéristique des sotties.   266 F : qui  (Puis le partage entre les autres.)   267 F : Que   268 F : il scaroit  (Alors qu’il en serait bien incapable.)  Cette sottie est composée de quatrains abba.   269 Être maître chez lui, et faire ce qu’il veut de sa femme. Voir la définition de Le Roux à la note 147.   270 Quon luy liure cy   271 La Mauvaistié des femmes a pour sujet un mari qui ne parviendra jamais à mettre une pie dans une cage parce que son épouse veut y mettre un cocu [un coucou]. « –Une pie vous nommerez !/ –Mais ung cocu ! » La sottie devait relater la scène de ménage en question.   272 Il s’adresse au public.

LES TYRANS

Bibliothèque nationale de France

Bibliothèque nationale de France

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LES  TYRANS

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Les représentations de Mystères s’étalaient sur plusieurs jours ou plusieurs semaines, et exigeaient de la part des acteurs et du public une tension dramatique difficile à soutenir. Pour détendre l’atmosphère, on y incluait des farces : « Par-dedans ledit Mistère, y avoit certaine farce meslée, par manière de faire resveiller ou rire les gens. » (Dijon, 1447.) Parfois, la farce est notée dans le manuscrit du Mystère : les farces du Munyer et de l’Aveugle et le Boiteux font partie intégrante du Mystère de saint Martin ; celle du Bri­gant et le Vilain est indissociable de la Vie monseigneur saint Fiacre ; celle de l’Aveugle et Saudret se trouve dans le Mistère de la Résurrection ; celle de Baudet, Blondète et Mal-enpoint est incluse dans le Mystère des trois Doms ; celle de Maubec, Mallegorge et Mallegueype appartient au Mystère de la Passion d’Auvergne ; celle des Bélistres est insérée dans les Actes des Apostres, et l’on en découvrirait plus d’une dans la Vie de sainct Christofle : voir par exemple les Basteleurs, ou L’Andureau et L’Andurée, ou les Tyrans au bordeau. Indépen­damment de ces farces avouées, un nombre considérable de scènes de Mystères ont une écriture farcesque, à base d’injures (scatologiques ou sexuelles1) et de coups, dans une langue qui rappelle beaucoup plus Audiard que Claudel. Elles font agir des personnages totalement profanes. En voici quatre exemples tirés du Mistère de la Passion, dans la version de Jehan Michel2, créée à Angers en 1486, et reprise à Paris jusqu’en 1507.

Source : Mistère de la Passion Jhésus Crist. Ms. fr. 971 de la Bibliothèque nationale de France, copié par Loÿs Bourgeoys en 1490. Je le corrige tacitement sur les plus anciennes éditions gothiques.

Cette édition : Cliquer sur Préface. Au bas de cette préface, on trouvera une table des pièces publiées sur le présent site.

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[ BARRABAS, larron                                GADIFFER, sergent de Hanne

  BRAYART, sergent de Pilate                 GESTAS, mauvais larron

  BRAYHAULT, geôlier                            GRIFFON, sergent de Pilate

  BRUYANT, sergent de Caïphe               GRONGNART, serviteur d’Hérode

  CLAQUEDENT, sergent de Pilate        HÉDROIT, vieille chambrière de Hanne

  DENTART, sergent de Hanne               MALCHUS, sergent de Caïphe

  DISMAS, bon larron                              ORILLART, sergent de Pilate

  DRAGON, sergent de Caïphe                ROULLART, sergent de Hanne ]

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La prise des larrons <folios 192 rº à 195 vº>. Une meute de « tyrans », c’est-à-dire de sergents, de tortionnaires et de bourreaux, attaque une horde de voleurs. Cette bataille de crapules suit sans transition la larmoyante conversion de Madeleine.

                          Icy est faicte la prinse des trois larrons.

                          Et porte Dismas une robe sur ses espaules comme s’il

                          l’avoit emblée 3, et Barrrabas a ung glaive sanglant

                          comme s’il venoit de faire ung meurtre.

                          GESTAS,  mauvais larron

        Je ne crains ne Dieu, ne le diable,

        N(e) homme tant soit espoventable,

        Quant je me despite4 une foiz.

                          BARRABAS

        Je ne fais compte5 d’estrangler

5      Ung homme, non plus qu(e) ung sanglier

        De manger le glan par les boys.

                          DISMAS,  bon larron

        Je destrousse, par ces chemins,

        Tous bons marchans et pèlerins,

        Quant puis mectre sur eulx la pate.

                          GESTAS

10    Je suis des crocheteurs le maistre :

        Et n’est huys, coffre ne fenestre

        Que je ne crochète ou abate.

                          BARRABAS

        Je suis Barrabas, homicide

        Plain de toute sédicion6,

15    Qui ne paye tribut ne subside ;

        Et ne vueil ne secours n(e) aïde7

        Pour faire quelque mocion8.

        J’ay tué sans permission

        Ung9 homme, parmy ceste ville,

20    Dont pas ne fais confession,

        De peur de justice civille.

                          DISMAS

        Il nous fault trouver de l’argent

        Quelque part, de croq ou de hanche10.

                          GESTAS

        S’il passe par cy quelque gent,

25    Je ne seray point négligent

        Que ne leur donne jusqu’au manche11.

                          DISMAS

        Ha ! si j’acroche homme à la manche

        Et il soit garny de mitaille12,

        Je luy donneray sa revanche

30    S’il emporte denier ne maille13.

                          BARRABAS  dit à Dismas :

        Qui t’a baillé ceste frepaille14,

        Dismas ? Où as-tu prins amplète15 ?

                          DISMAS

        J’ay desrobé ceste jaquecte

        À je ne sçay quel pèlerin

35    Qui passoit icy son chemin.

        Mais sur luy, n’avoit rien meilleur.

                          BARRABAS

        Tu le devois (pour ton honneur)

        Estrangler, ou tuer de coups,

        Puis le laisser manger aux loups,

40    Ou le gecter en quelque fosse.

                          DISMAS

        Il me suffist d’avoir l’endosse16,

        Puisqu’il n’avoit ne croix ne pille17.

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                          Interlocutoire des six tyrans.18

                          BRUYANT,  tirant de Caÿphe 19

        Quel temps court-il, présent, par ville ?

        Sces-tu rien de nouveau, Roullart ?

45    Y a-il meschant ne soullart20

        Sur qui puissons mectre les mains ?

                          ROULLART,  tirant de Anne 21

        Je m’actens qu(e) ung de ces demains,

        Il cherra22 quelque chose en taille

        Où nous pourrons gaingner quinquaille23

50    Pour nous rembourser de noz pertes.

                          DENTART,  tirant de Anne

        Hée ! que j’ay les deux mains ouvertes,

        Pour bien pescher au fons d’ung plat

        Et ruer par terre tout plat

        Ung vilain, s’il chet en ma basche24 !

                          MALCUS,  tirant de Caÿphe

55    Je [sçay que ne seray]25 pas lasche,

        Mais qu(e) une foiz on me dye : « Hare26 ! »

                          GADIFER,  tirant de Anne

        Nous sommes cy tous gens de care27

        Pour exploicter une besongne

        Soubdain, mais qu’on nous embesongne28

60    À mectre quelqu(e) ung à raison.

                          DRAGON,  tirant de Caÿphe

        Nous perdons cy belle saison29.

        Que nous ne tenons30 trois ou quatre

        Pouvres meschans31, pour nous esbatre

        À les batre toute journée !

                          BRUYANT,  tirant de Caÿphe

65    Hée ! si Fortune feust tournée

        Sur aucun32 dont on eust envie

        De luy faire perdre la vie,

        Il seroit tantost bas de poil33.

                          DENTART

        Nous le vous batrions comme toil’34,

70    Tant qu(e) après, n’y auroit que batre35.

                          MALCUS

        Allons quelque part nous esbatre

        Pour passer temps.

                          Icy marchent ung peu les six tirans.

                          ROULLART

                                         Sus, sus, gallans !

        J’apperçoy là noz trois challans36,

        Que nous avons charge de prandre.

                          DRAGON

75    S’ilz retournent sans beste vendre37,

        Que je soie pendu !

                          GADIFER

                                        Esse pas

        Cest homicide Barrabas

        Et ces deux guecteurs de chemins38 ?

                          BRUYANT

        Chargeons sur ces trois « pèlerins39 »,

80    Et les allons saisir au corps !

                          Icy viennent les six tirans assaillir les trois

                          larrons ; et sont deux tirans sur chascun larron.

                          ROULLART

        Demourez, ou vous estes mors !

        Dessus ! dessus !

                          GESTAS

                                    Homme n’approche !

        Ou – je regny Dieu ! – sans reproche,

        Je le mectray sur les carreaulx !

                          BARRABAS

85    Recullez, recullez, ribaulx !

        Homme n’approche, si hardy40 !

                          DISMAS

        Frappons dessus à l’estourdy41 !

        Tu es mort, ribault !    Il frappe.

                          DRAGON

                                         Et toy mort !    Il frappe.

                          Icy s’entrebatent tous ensemble, puis

                          Bruyant et Malcus prennent Dismas.

                          BRUYANT

        Cestuy-cy n’est pas le plus fort.

90    Je l’estourdis42 comme ung poullet,

        Et le tiens si bien au colet

        Qu’il n’a garde de m’eschapper.

                          Roullart et Dentart prennent Barrabas.

                          ROULLART

        Ilz sont nostres, sans plus frapper.

        Nous tenons Barrabas aux trousses43.

                          Dragon et Gadiffer prennent Gestas.

                          DRAGON

95    Pour cinq ou six bonnes secousses,

        Gestas en sçauroit bien respondre44.

                          GADIFFER

        Allons mectre ces gallans pondre

        Sur la belle paille jolye45.

                          MALCHUS

        Il fault bien que, premier, je lye

100  Dismas, que je tiens à la robe.

                          Icy, lient les larrons.

                          DENTART

        Si jamais nul des troys desrobe

        Pèlerin, marchant ou bourgeoys,

        Je veil qu’on me couppe les doys,

        Puis46 qu(e) une foys l’ay acroché !

                          ROULLART

105  Nous avons tant escarmouché

        Que nous avons eu le dessus

        De noz troys « pèlerins ». Sus, sus !

        Pourvoyons de ce qu’il leur fault.

                          BRUYANT

        Allons les loger chez Brayhault47,

110  Et luy recommandons ces hostes.

        Car ilz coucheront ob48 leurs botes

        Et se veautreront sur le soil49.

                          DENTART

        On leur fera bien changer poil50

        Devant qu’il soit jamais dix jours51.

                          DISMAS

115  Nostre faict va bien à rebours.

        Âme n’avons52 qui nous conforte.

.

                          MALCHUS,  au geôlier :

        Hau ! Braihault ! Le dyable l’emporte :

        Le paillart nous fait cy le sourt.

        Brayhault ! Brayhault ! Il est si gourt53

120  Qu’il ne scet de quel pié marcher.

                          DRAGON

        Brayhault ! Brayhault ! Je l’oy54 cracher.

        Vez-le cy où il vient, tenez.

.

                          BRAYHAULT,  geôlier

        Estront, estront en vostre nez !

        Quel dyable venez-vous criant ?

125  Je n’ay pas loysir maintenant

        D’entendre à vous.

                          GADIFFER

                                       Hé ! gros moulu,

        Yvrongne parfaict, gros goulu !

        Trenche-tu, présent, du vilain55 ?

        On luy met le pain en la main,

130  Et encor fault-il qu’il s’en fume56.

                          DENTART

        Dea ! Brayhault, esse la coustume

        De traicter ainsi les gallans ?

        Regarde : vécy troys challans

        Qu’on t’amaine à ta pencion.

135  Et tous ensemble pencion57

        Te faire service et plaisir.

                          BRAYHAULT

        La male mort vous puist saisir,

        Et vous et tous voz aliés,

        Et qui les a prins et lyés,

140  Voire, et qui céans les amaine !

                          ROULLART

        As-tu peur de perdre ta peine,

        À festoyer ces troys « marchans » ?

        Ne te chaille : s’ilz sont meschans58,

        Ilz ont bon crédit par la ville59.

                          BRAYHAULT

145  Je croy qu’ilz n’ont ne croix ne pille,

        Puis60 que les avez empoignés…

        Mais si61 seront-ilz encoignés

        En quelque coing, pour l’amour d’eulx,

        Et bien enferrés deux et deulx62.

150  Puis après, on y pourvoira.

                          Icy les prend le geôlier.

        Ha ! [au frais viendrez]63 ! Çà, çà, çà !

        Il vous fault retirer à l’ombre,

        Que le chault ne vous face encombre :

        Entrez léans64 et prenez place !

                          Ycy entrent en la prison.

                          GESTAS

155  Le grant dyable y soit !

                          BRAYHAULT

                                              Prou vous face65 !

        Tantost feray la table mettre.

*

.

L’assemblée des tyrans <folios 332 rº à 332 vº> énonce des questions auxquelles la rime répond toujours par un monosyllabe. Ce jeu est notamment pratiqué dans la farce du Ramonneur de cheminées (voir sa note 27 pour d’autres exemples).

                          GADIFFER

        Qui66 nous veult, nous vécy tous prestz.

                          BRUYANT

        Sommes-nous bien atriqués67 ?

                          ROULLART

                                                            Très.

                          MALCUS

        Jamais nous n’auron mau temps68 ?

                          DRAGON

                                                                   Non.

                          DENTART

16069 Comment va de nostre fait ?

                          GADIFFER

                                                          Bon.

                          MALCHUS

        Sçaurion-nous mieulx souhaiter ?

                          BRUYANT

                                                               Rien.

                          ROULLART

        Comment se portent les gallans ?

                          MALCHUS

                                                               Bien.

                          DRAGON

        Et qu’esse de telz mignons ?

                          DENTART

                                                       Bruyt70.

                          GADIFFER

        Est nostre pain tout gaingné ?

                          MALCHUS

                                                         Cuyt.

                          BRUYANT

165  Qui a bon temps, pour présent ?

                          ROULLART

                                                             Nous.

                          GADIFFER

        Qui craint à nous desplaire ?

                          DRAGON

                                                       Tous.

                          DENTART

        Sommes-nous frais emplumés71 ?

                          GADIFFER

                                                                Drus.

                          MALCHUS

        Et qui nous pourroit nuyre ?

                          BRUYANT

                                                       Nulz.

*

.

Quand des sergents rencontrent d’autres sergents, ils se racontent des histoires de sergents dans l’argot des loubards. <Folios 336 rº à 336 vº.>

                          Icy viennent les quatre sergens de Pilate aux sergens

                          de Anne et de Caÿphe, et les aultres se vont armer.

                          GRIFFON

        Dieu gard les gueux de72 fier plumaige !

170  Comme se compassent millours73 ?

                          DRAGON  parle jargon

        Estoffés, moussus, sains, drus, gours74.

                          BRAYART

        Où brouent-ilz, présent, sur la sorne75 ?

                          GADIFFER

        Nous allons donner sur la corne76

        À quelque duppe.

                          ORILLART  (jargon)

                                      Est-il haussaire77 ?

                          CLAQUEDENT  (jargon)

175  Est-il gourt78 ?

                          MALCUS  (jargon)

                                 Mais mynce de caire79 :

        Il n’a tirandes, ne endosse80,

        Aubert, temple81, ne pain, [ne dosse]82 ;

        Le marmion83 est tout à sec.

                          ROULLART

        Nous y allons. Luez84 au bec,

180  Pour le vendangier à l’effroy85.

                          GRIFFON

        Et d’estoffe pour le deffray86,

        Qui en fonce87 ?

                         DENTART  (jargon)

                                   Qui ? Les millours.

                          BRAYART  (jargon)

        Son procès va donc à rebours88,

        S’il est grup89.

                          ORILLART  (jargon)

                                Devant qu’on s’i soulle90,

185  Les gours91 fonseront à la foulle,

        Et force d’aubert grupperon[s]92.

                           CLAQUEDENT

        Nous mouldrons franc93, et si, auron[s]

        Pain en paulme94 pour les souldars.

                          BRUYANT 95

        Targes, pertisanes et dars96,

190  Arbalestres et cranequins97,

        Arcs à jaletz et arcs turquins98 :

        Et ! vous en venez quant et nous99 ?

                          GRIFFON

        Qu’en dictes-vous ?

                          BRAYART

                                       Allons-y tous !

*

.

La prise de Jésus <folios 355 vº à 357 vº> exige des moyens disproportionnés : tous les sergents du Mystère sont requis, armés jusqu’aux dents. Ils n’auraient pourtant pas réussi leur coup sans l’aide d’une vieille harpie nommée Hédroit, chambrière de Hanne, et femme d’un forgeron qu’elle remplace occasionnellement : c’est elle qui aura le plaisir de fabriquer les clous de la crucifixion (v. la note 211 de Digeste Vieille).

                          Icy s’en vont Malchus et Grongnart parler à la vieille Hédroit,

                          et dit  MALCHUS :

        Hédroit, hau !

                          HÉDROIT 100

                               Qui est là ?

                          MALCHUS

                                                  Deux motz !

                          HÉDROIT

195  Que dyable vous fault-il si tart ?

        Qui esse ?

                          GRONGNART

                          Malchus et Grongnart,

        Deux des plus grans de voz amys.

                          HÉDROIT

        Pendu soit qui vous a là mys,

        Et qui vous aime mieux que moy !

200  Quelz amys pour faire ung desroy101 !

        Logez telz hostes près de vous !

                          GRONGNART

        Mon beau petit musequin102 doulx,

        Ouvrez-nous l’huys, ma doulce amye.

                          HÉDROIT

        Bran pour la belle compaignie !

205  Je n’ay cure de telz marchans.

                          GRONGNART

        Il nous fault aller sur les champs.

        Hédroit, faictes-nous ce plaisir.

                          HÉDROIT

        Vous estes bien à deloysir103

        D’aller, à ceste heure, moucher104 :

210  Il est temps de s’aller coucher,

        Et vous voulez aller par voye ?

                          MALCHUS

        C’est Monseigneur105 qui nous envoye

        Quelque part pour faire ung message.

                          HÉDROIT

        Il [n’en aura]106 pas d’avantage :

215  Qui trouvera pire que vous ?

                          GRONGNART

        Hédroit, je vous pry, prestez-nous

        Quelque lanterne ou quelque torche.

                          HÉDROIT

        Vous chirez bien, si je vous torche107 !

        Car torche n’aurez, ne torchon108,

220  Ne chandelle, ne moucheron109,

        Ne lanterne que je vous baille !

        Vous estes trop rouges en la taille110

        Pour vous prendre en bonne pleuvine111.

                          MALCHUS

        Ceste dyablesse Proserpine112

225  N’est aise sinon quant el tence113.

                          GRONGNART

        Malchus, je cuyde qu’elle pense

        Que la voullons prier d’amours.

                          MALCHUS

        Elle a le poil aussi rebours114

        Que la coque d’une tortue.

230  Faulce115 vieille, yvrongne barbue,

        Vieille gauppe sempiterneuse116,

        Laide, mauvaise, orde117 et hydeuse :

        Nous daignez-vous faire plaisir ?

                          HÉDROIT

        La malle mort vous puist saisir

235  Et envelopper les boyaux,

        Garsons118 infâmes et bourreaux !

        Me venez-vous cy dire injure ?

        Par le Dieu du ciel que je jure119 !

        Je vous donneray sur la teste !

                          GRONGNART

240  Ne faisons plus ycy la beste.

        Hédroit, ma doulce seur, m’amye :

        Entendez à nous, je vous prye,

        Et nous secourez au besoing.

        Il nous fault des torches au poing

245  Pour aller jusqu(e) à la poterne.

        Pour ce, si vous avez lanterne,

        Tison, fallot, torche ou lumière,

        Je vous pry, ma doulce chambrière,

        Que la nous prestez.

                          MALCHUS

                                          À brefz motz,

250  Nous allons donner sur le dos

        À ung papelart plein de plaict120.

                         HÉDROIT

        Esse Jésus de Nazareth,

        Qui a tant presché, messeigneurs,

        Et qui ne tient compte d’honneurs

255  Pour entretenir ses records121 ?

                          GRONGNART

        Hédroit, nous l’allons prendre au corps

        Ceste nuyt ; mais il fait trop brun

        Pour conduyre tout le commung122,

        Qui n’auroit123 lumière ou clarté.

                          MALCHUS

260  Il nous est de nécessité

        D’avoir lanternes ou fallos.

                          HÉDROIT

        Ho ! je vous entens à deux motz,

        Messeigneurs, ne m’en parlez plus.

        Puisque c’est pour prendre Jésus,

265  Moy-mesmes yray la première,

        Et vous fourniray de lumière,

        De torches, fallos et lanternes

        Assez pour124 toutes les cavernes

        D’ycy jusques en Galilée.

270  Moy-mesme conduyray l’armée ;

        Moy-mesme feray l’avangarde.

        Attendez-moy !

                          Ycy va Hédroit quérir torches, fallos et lanternes.

                          MALCHUS

                                   Grongnart, regarde

        Que c’est de courage de femme.

                          GRONGNART

        S’elle monte à sa haulte game125,

275  Le dyable n’en chevira pas126.

                         Icy aporte Hédroit la lumière.127

                          Petite pause.

                          HÉDROIT

        Tenez, vécy bien vostre cas128.

        Chargez-moy torches et lumière.

        Mais je vueil aller la première,

        À tout129 ma lenterne rouillée.

280  Et si, vueil estre despouillée

        Toute nue si je ne frappe

        Plus fièrement qu’un vieil satrappe,

        Puisqu(e) une foiz j’ay vin en corne130 !

        Ma vieille lanterne sans corne131

285  Servira bien à ce besoing.

*

1 Dans ces deux domaines, le record est battu par le Mistère de la Passion de Semur, où le paysan Rusticus et sa rombière s’en donnent à cœur joie tout au long de l’œuvre.   2 Les extraits que j’ai choisis ne figurent pas dans la version primitive d’Arnoul Gréban, composée vers 1450.   3 Volée, ce qui est bien le cas (vers 33). Dismas la porte sur ses épaules comme une cape.   4 Quand je me mets en colère. Cf. le Povre Jouhan, vers 381.   5 Je ne tiens pas plus de compte.   6 De révolte contre la loi. « Barrabas, meurtrier inhumain,/ Sédicieulx, larron prouvé. » Mistère de la Passion.   7 Prononciation archaïque de « aide » : cf. le Ramonneur de cheminées, vers 241 et note. « Qui ne peult mais sa croix lever,/ Et demeure cy sans subside,/ Il fault que tu luy face aïde. » Mist. Pass.   8 Je n’ai pas besoin d’aide pour provoquer une émotion de foule, une bousculade. Certains voleurs et leurs complices organisaient une bousculade sur le marché pour couper des bourses à l’insu des victimes. D’où l’expression : Ils s’entendent comme larrons en foire.   9 La plupart des éditions gothiques disent : Maint. Nos larrons sont beaucoup plus méchants que dans le Mystère de la Passion d’Arras, où on les arrête uniquement parce qu’ils ont volé un panier de pignons.   10 D’une manière ou d’une autre : cf. les Femmes qui font renbourer leur bas, vers 75. Mais il y a un jeu de mots sur le « croc », l’outil des crocheteurs.   11 Je leur planterai la lame de mon couteau jusqu’au manche.   12 De piécettes. La mite est une monnaie flamande.   13 S’il repart avec son argent.   14 Cette friperie : la robe que tu portes sur tes épaules.   15 Où as-tu fait cette emplette.   16 Le vêtement du dessus (mot d’argot). Cf. le Dorellot, vers 153. « Prendre/ Quelque endosse pour les despens. » Mist. Pass.   17 Ni pile : pas un sou. Idem vers 145.   18 Dialogue des six sergents. Parmi les 12 sergents, bourreaux et autres exécuteurs des basses œuvres que comporte ce Mystère, seul Malchus a un nom historique. Tous les autres sont affublés d’un patronyme grossier, souvent terminé par le suffixe péjoratif -ard.   19 Sergent de Caïphe, un grand-prêtre du Temple de Jérusalem.   20 Un misérable ou un soûlard. Plusieurs éditions portent « souillart » : souillon, valet de cuisine malpropre.   21 Sergent de Hanne, un grand-prêtre du Temple de Jérusalem. Anne est donc un nom masculin. Roulard sait que son patron médite l’arrestation de Jésus.   22 Il tombera (futur de choir). Tomber en taille = être bien tombé, avoir une occasion. « Car je ne puis tomber en taille/ De ce faulx Jésus empoigner. » Mist. Pass.   23 De la monnaie. Voir le 1er vers de la Confession du Brigant.   24 S’il tombe dans ma nasse.   25 Ms. : suis seur quil naura  (« Sire, je ne seray pas lasche/ D’enquérir leur estat puissant. » Mist. Passion de Troyes.)   26 À l’attaque ! « Hare, lévrier ! » ATILF.   27 De forte carrure. « Gens de carre telz comme il fault/ Pour donner, de soir, ung assault/ À Jésuchrist. » Mist. Pass.   28 Pour peu qu’on nous confie la mission.   29 Un temps précieux.   30 Que ne tenons-nous.   31 Misérables. Idem vers 45 et 143.   32 Si la chance avait tourné pour un certain homme : pour Jésus.   33 Réduit à néant. Cf. Gautier et Martin, vers 232 et note.   34 Ainsi que les lavandières battent la toile, le linge. « Y le fault batre comme toylle ! » Messire Jehan.   35 Il n’y aurait plus rien à battre. « Et le me rendez tant batu/ De tous léz [côtés] qu’il n’y ait que batre. » Mist. Pass.   36 Clients, justiciables. Idem vers 133.   37 S’ils s’en retournent sans rien y laisser, comme un paysan qui revient du marché sans avoir vendu son bétail. Cf. Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain, vers 95.   38 Ces bandits de grands chemins, qui guettent les voyageurs. « Dismas/ Et Gestas, guéteurs de chemins. » Mist. Pass.   39 Allusion aux coquillards, ces faux pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle qui se cachent parmi les vrais pour tromper la vigilance des autorités. Idem vers 107.   40 Que nul ne s’approche, si hardi soit-il.   41 Sans réfléchir, au hasard. « S’il n’a de moy, sur le museau,/ Si grant soufflet à l’estourdy. » Mist. Pass.   42 Je l’assomme.   43 Par les chausses.   44 Pourrait en dire autant.   45 Sur la paille du cachot.   46 Maintenant.   47 Le gardien de prison, qui « brait haut », qui hurle. « –Au meurtre ! –Comment il brait hault ! » (ATILF.) Les autres soudards ne sont guère plus discrets, si l’on en croit leur nom : Braillard, Bruyant, Grognard…   48 Avec. « La maison, ob le vergier et places, et ob les murs qui sont entour. » (Godefroy.) Cette préposition étant peu commune, les éditeurs anciens ont beaucoup pataugé ; sauf Alain Lotrian, qui tranche le nœud gordien : « Ilz coucheront avec leurs botes. »   49 Sur le souil, la boue dans laquelle se vautrent les sangliers. « Le sueil du sanglier, où il se souille & veautre. » Jehan Thierry.   50 Se faire des cheveux blancs. Se dit des mammifères dont la fourrure blanchit quand la neige arrive : « Les vrais lièvres livonois sont en temps de l’esté gris, & en hyver blancs comme neige. Il en y a d’autres qui tousjours sont gris, sans changer poil. » Miroir de la navigation.   51 Avant dix jours. « Devant qu’il soit jamais deux ans,/ On verra nos maris changer. » Les Femmes qui aprennent à parler latin.   52 Nous n’avons personne. Au 1er degré : nous n’avons pas d’âme.   53 Si peu dégourdi.   54 Je l’entends (verbe ouïr).   55 Joues-tu maintenant au rustre ?   56 Qu’il se mette en colère. « Ne m’en chault qui s’en fume ! » Mist. Pass.   57 Nous pensions.   58 Bien qu’ils aient l’air misérables.   59 Ils dînent partout sans payer.   60 Depuis. Les sergents dévalisaient leurs victimes.   61 Pourtant.   62 Deux par deux, avec des fers de chevilles, comme les Maraux enchesnéz.   63 Ms. : fres viendries  —  Éd. : frais viandiers  (Mettre quelqu’un au frais, ou à l’ombre : l’emprisonner.)   64 Là-dedans.   65 À vos souhaits ! Autrement dit : Que le diable vous emporte !   66 Si quelqu’un.   67 Accoutrés.   68 Une mauvaise passe.   69 Pour des raisons pratiques, je numérote les vers à la suite des précédents.   70 Ils font beaucoup parler d’eux.   71 Nos chapeaux ont-ils de nouvelles plumes ? Mais aussi : Sommes-nous de nouveau remplumés, financièrement ?   72 Au. « Dieu gard le gueux ! » Beaucop-veoir et Joyeulx-soudain.   73 Comment sont pourvus les milords [les rupins, comme au vers 182] ? Cf. Digeste Vieille, vers 274.   74 Tous ces mots sont des synonymes populaires ou argotiques de « riches ».   75 Où vont-ils, à présent, le soir ? « Quant abrouart, sur la sorne, abrouez. » Villon, Ballades en jargon.   76 Donner des coups sur la tête. Voir le vers 239. La « dupe » sans le sou qu’on veut arrêter, c’est Jésus.   77 Ce naïf est-il d’une richesse arrogante ? « Brayart, tu fais là le haussaire. » Mist. Pas.   78 Riche. Idem vers 171 et 185. « Brouez-moy sur ces gours passans. » (Villon, Jargon.)  Dans le ms. de Valenciennes, Claquedent est un mendiant malhonnête qui se fait rouler par son complice Babin.   79 Dépourvu d’argent. Voir le Mince de quaire.   80 Ni chausses, ni cape (vers 41). « Au moins en aurons-nous l’endosse/ Et les tirandes. » Mist. Pass.   81 Ni argent (vers 186), ni manteau. Jeu de mots : Jésus n’a pas de Temple.   82 Ms. : poulce  (Ni paletot. « N’avons ne dosse, ne pourpoint. » Jehan Molinet.)   83 Ce marmot, ce singe. « Verrez troter les marmions/ Tant que nul n’en vit de son aage. » Prenostication de Songecreux.   84 Ms. : luer  (Surveillez votre bec : taisez-vous. « Luez au bec, que ne soiez greffiz. » Villon, Jargon.)  Cf. Gautier et Martin, vers 100 et note.   85 Pour l’attraper par surprise.   86 De l’argent, pour que nous soyons défrayés. « Le duc avoit fait venir estoffe devers luy (…) pour paier gens d’armes. » (ATILF.) Au 1er degré, l’étoffe désigne les habits : les bourreaux s’octroyaient ceux des condamnés à mort. Après la crucifixion, nos bourreaux se partageront les frusques des deux larrons et, ne pouvant pas découper la tunique sans couture du Christ, ils la joueront aux dés.   87 Qui en paye ? Idem vers 185. Cf. le Dorellot, vers 132, 141 et 152.   88 Au rebours de ce que Jésus espère.   89 Condamné. « Car qui est grup, il est tout roupieulx [honteux]. » Villon, Jargon.   90 Avant qu’on n’en soit soûlé, qu’on n’en ait assez.   91 Ms. : groux  (Gourd = riche, comme aux vers 171 et 175. Ce mot désigne les riches juifs et autres marchands du Temple qui sont prêts à payer pour qu’on les débarrasse de Jésus.)  Foncer à la fouille = mettre la main à la bourse. « Fouille, ou fouillouze : bourse. » (La Vie généreuse des mercelots, gueuz et boësmiens.) En argot moderne, les fouilles sont les poches.   92 Et beaucoup d’argent nous attraperons.   93 Nous dépenserons franchement.   94 À la main. Voir le vers 129.   95 Il s’aperçoit que les quatre sergents de Ponce Pilate sont eux aussi armés, et qu’ils doivent donc participer à l’arrestation du Christ.   96 Boucliers, pertuisanes et javelots.   97 Arbalètes et arbalètes à cric.   98 Arcs qui tirent des galets, et arcs à double courbure.   99 Avec nous.   100 Elle apparaît à la fenêtre de la forge de son mari.   101 Un massacre.   102 Museau, minois : jolie fille. Cf. Sermon pour une nopce, vers 51. Ce terme affectueux est évidemment ironique.   103 Vous êtes bien désœuvrés.   104 Tuer des gens (argot). « Aussi ne se passoit-il guères d’heures sans qu’il n’y eust quelqu’un de mouché. » Godefroy.   105 Jéroboam, prince des Pharisiens.   106 Ms. : ne laura  (Il n’en tirera aucun avantage.)   107 Double sens de torcher : torcher le cul, et frapper. Si je vous frappe, vous allez vous chier dessus.   108 Faux lapsus : ce mot désigne une torche. « Les torches et torchons. » Froissart.   109 Faux lapsus : ce mot désigne la mèche d’une chandelle. « Tous les moucherons des chandelles. » Godefroy.   110 Trop rusés. « Tu es trop rouge à la taille. » L’Aveugle et Picolin.   111 Plévine : garantie, caution.   112 Ce nom est donné à toute femme qui se comporte d’une manière infernale. Ainsi se nomme l’épouse acariâtre du Savatier et Marguet, laquelle est d’ailleurs comparée à Hédroit aux vers 129-130.   113 Tancer = chercher querelle.   114 Hérissé, durci. La « diablesse Proserpine » est velue.   115 Sournoise.   116 Salope intemporelle. Cf. la Résurrection Jénin à Paulme, vers 78.   117 Sale.   118 Mauvais garçons. Cf. le Capitaine Mal-en-point, vers 221.   119 Que je blasphème.   120 À un hypocrite plein de plaids, de discours trompeurs.   121 Ses déclarations. Cf. le Ramonneur de cheminées, vers 164.   122 Toute la troupe.   123 Si on n’avait.   124 Pour éclairer.   125 Si elle monte sur ses grands chevaux. Cf. Calbain, vers 36.   126 N’en viendra pas à bout.   127 Étymologiquement, celui qui porte la lumière est Lucifer (lucem fert), un des personnages de ce Mystère. La « diablesse Proserpine », dont « le diable ne chevira pas », connaît l’art de la forge, comme son mari Pluton, le dieu des Enfers.  Hédroit sort, les bras chargés de matériel pour produire du feu. Après l’arrestation de Jésus, c’est elle qui allumera le feu dans la cheminée de Hanne ; puis elle gardera la porte, tout comme Cerbère garde la porte des Enfers. Contrairement à ce qu’on dit, Proserpine n’est pas absente de ce Mystère : elle y est sous un autre nom.   128 Voilà ce qu’il vous faut.   129 Avec.   130 Dans mon cornet, dans mon gobelet : puisque j’en ai l’occasion. Mais Hédroit mérite le qualificatif d’ivrogne que lui prête le vers 230. De plus, dans les Mystères, Proserpine porte des cornes.   131 Qui a perdu sa paroi translucide : cf. les Queues troussées, vers 241 et note.